compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Encore !
M. Guy Fischer. Monsieur le président, je suis confus de vous importuner à nouveau, mais je ne choisis pas mon président. (Sourires).
Hier, à l'occasion d'un précédent rappel au règlement, j'ai fait état de notre charge de travail et des textes qui tombaient « comme à Gravelotte » sur les parlementaires. Le projet d'ordre du jour des prochaines séances du Sénat, qui sera certainement entériné demain par la conférence des présidents, avance la date d'examen de certains projets de loi, notamment le projet de loi relatif à la bioéthique. Nous aurons à peine le temps de respirer entre la réunion de commission le 3 juin et le débat en séance publique le 8 juin.
Le Gouvernement impose un travail à marche forcée au Parlement, qui devrait, semble-t-il, également examiner le projet de loi relatif à la politique de santé publique...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela n'est pas dit !
M. Guy Fischer. ... au cours de la première quinzaine du mois de juillet. J'emploie à dessein le conditionnel.
Peut-on procéder ainsi s'agissant de textes aussi importants ? L'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, prévu sur deux séances, aurait mérité de plus longs débats, au moins sur une semaine.
J'attire une nouvelle fois votre attention sur une telle manière de travailler. Ce rythme prévaudra sans doute jusqu'au début, voire au milieu du mois d'août.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Jusqu'au 15 août !
M. Guy Fischer. Monsieur le président, un tel régime a des conséquences sur la charge de travail que supportent les collaborateurs des groupes et les administrateurs des commissions. Cela devient, à mon sens, insupportable. Je ne manquerai pas de me faire l'écho demain au cours de la conférence des présidents du mécontentement qui grandit.
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
J'ai transmis à M. le président du Sénat les propos que vous avez tenus hier et que vous réitérez aujourd'hui. La conférence des présidents, en présence du ministre délégué aux relations avec le Parlement, fixera l'ordre du jour des travaux du Sénat pour les prochaines semaines. Vous pourrez bien entendu y faire les observations que vous souhaitez.
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DÉPÔT D'un RAPPORT du gouvernement
M. le président. M. le Président a reçu de M. le Premier ministre le bilan de l'évolution comparée des bases et des taux de fiscalité directe locale, conformément aux dispositions de l'article 31 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002 1575 du 30 décembre 2002).
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
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solidarité pour l'autonomie des Personnes âgées et des personnes handicapées
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (n°s 299, 313, 315).
Je rappelle que la discussion générale a été close et que deux motions de procédure ont été rejetées.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
MISE EN PLACE D'UN DISPOSITIF DE VEILLE ET D'ALERTE
Article 1er
I. - Il est inséré, dans le code de l'action sociale et des familles, un article L. 116-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 116-3. - Il est institué dans chaque département un plan d'alerte et d'urgence au profit des personnes âgées, des personnes handicapées et des personnes particulièrement vulnérables du fait de leur isolement en cas de risques exceptionnels.
« Ce plan, arrêté conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général, est mis en oeuvre sous l'autorité du représentant de l'Etat dans le département. Ce plan favorise le rapprochement des actions sanitaires et sociales au profit des personnes âgées et des personnes handicapées dans le département. »
II. - La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du même code est complétée par un article L. 121-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-6-1. - Afin de favoriser l'intervention des services sociaux et sanitaires en cas de mobilisation du plan d'alerte et d'urgence prévu à l'article L. 116-3 et de permettre un contact périodique avec les personnes âgées et les personnes handicapées isolées à leur domicile, les communes recueillent les éléments relatifs à l'identité, l'âge et le domicile des personnes âgées et des personnes handicapées qui en ont fait la demande. Toutefois, les communes peuvent procéder à ce recueil à la demande de tiers, notamment de parents, de professionnels de santé, des services sociaux ou d'associations, à la condition que la personne concernée soit informée de cette demande et ne s'y oppose pas. En cas d'absence d'opposition clairement manifestée, le consentement est présumé.
« Les registres nominatifs créés au titre du recueil d'informations visé à l'alinéa précédent sont tenus dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le droit d'accès et de correction des données nominatives est assuré conformément aux dispositions de la loi précitée. Ces données nominatives ne peuvent être consultées que par les agents chargés de la mise en oeuvre de ce recueil et de celle du plan d'alerte et d'urgence visé à l'article L. 116-3. La diffusion de ces données à des personnes non autorisées à y accéder ou leur détournement sont passibles des peines prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal.
« Ces informations sont recueillies, transmises et utilisées dans des conditions garantissant leur confidentialité et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. »
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. L'article 1er du présent projet de loi vise à améliorer la prévention des situations exceptionnelles telles que la canicule que nous avons connue l'été dernier.
La première question est donc de savoir s'il faut ou non prévoir un plan d'alerte et d'urgence. Les mois de juillet et d'août derniers sont désormais loin derrière nous. Pourtant, le débat sur la canicule est toujours aussi présent. C'est dire l'importance de l'événement et son impact sanitaire sans précédent.
Comme le disait à juste titre M. Jacques Pelletier, président de la mission commune d'information du Sénat, La France et les Français face à la canicule : les leçons d'une crise, « il s'agit, non pas de se livrer à une chasse aux sorcières, mais de comprendre les événements et de formuler des propositions ».
Qu'avons-nous constaté ? Tout d'abord les professionnels de santé, les responsables des services d'urgence avaient tiré la sonnette d'alarme, tout comme, d'ailleurs, un an auparavant, en mai 2003, M. Hubert Falco lui-même, alors secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Certains savaient donc ce qu'il fallait faire. Alors, pourquoi cette hécatombe ?
Comme l'a dit M. Jean-Pierre Besancenot, que la mission d'information a entendu, l'annonce faite par Météo France le 1er août est passée inaperçue !
A plusieurs reprises, nos interlocuteurs ont insisté sur le cloisonnement excessif des services concernés, sur l'absence de coopération entre les ministères compétents, sur les dysfonctionnements des administrations sanitaires, sur le caractère tardif et décalé de la réaction des différents échelons administratifs décisionnaires, capables de prendre « à chaud », en temps réel, la dimension de la crise et de coordonner les réponses.
D'autres personnes auditionnées ont souligné l'insuffisance de la fiabilité de notre système de veille, d'alerte et de gestion du risque sanitaire.
Par ailleurs, le dispositif interministériel de gestion des crises ne s'est senti concerné par la situation que le lundi 11 août, à la suite du cri d'alarme lancé par les urgentistes de Paris.
Enfin, pendant plusieurs jours, certains membres du Gouvernement ont persisté à considérer que les témoignages des urgentistes ou que les questions posées n'étaient que polémiques.
Un plan est-il utile ? Une vague de chaleur identique à celle que nous avons connue l'été dernier a frappé Chicago en 1995 et Athènes en 1986. Dans la capitale grecque, on avait alors compté 20 0000 décès liés à la canicule. L'année suivante, avec un phénomène identique, mais avec un plan d'urgence rigoureux, on n'eut à déplorer qu'une vingtaine de décès en surnombre. Cela démontre l'utilité de telles précautions.
Cependant, je m'interroge. Comme je l'ai indiqué hier, je ne suis pas persuadé que le plan de veille et d'alerte prévu dans l'article 1er du présent projet de loi relève réellement de la compétence du législateur.
En effet, aujourd'hui, le contexte est très différent. On aurait pu penser qu'après les événements que nous avons connus, vous auriez pris des dispositions pour remédier à tous les dysfonctionnements qui ont été constatés, monsieur le ministre : la logique l'imposait ; le drame de l'été dernier exigeait une anticipation. Mais il n'en est rien. Alors, croisons les doigts et espérons que l'été ne sera pas caniculaire, car votre plan ne résout en rien les problèmes pointés par les différents rapports.
Avec le plan d'alerte qui est proposé et les autres mesures annoncées, nous sommes très loin du plan Marshall, réclamé par les associations et par les professionnels du secteur sanitaire et social.
Le plan prévoit qu'une pièce rafraîchie doit être aménagée dans toutes les maisons de retraite accueillant des personnes âgées dépendantes. Mais faut-il ou non une loi ? Les professionnels de la climatisation tirent la sonnette d'alarme. L'association des directeurs d'établissements d'hébergement des personnes âgées affirme que, la mesure n'étant pas financée, l'immense majorité des établissements n'a pas engagé des commandes qu'elle n'aurait pas pu honorer.
Les aides de l'Etat destinées à financer ce dispositif n'ont été connues qu'au mois de mai, voilà donc seulement quelques jours. Votre circulaire, monsieur le ministre, évoquait la mesure sans aborder son financement.
Vous venez par ailleurs d'annoncer, monsieur le ministre, que la Caisse nationale d'assurance vieillesse contribuera, à hauteur de 40 %, à la prise en charge des installations, alors que les premières annonces laissaient penser que l'Etat les financerait.
Le coût pour l'achat et l'équipement d'un tel dispositif n'est pas neutre. Il est évalué à 10 000 ou 15 000 euros, ce qui peut être considérable pour le budget de certains établissements, d'autant plus qu'avant l'installation il est recommandé d'effectuer un bilan thermique et d'étudier la solution adaptée à chaque établissement, ce qui retardera encore la mise en place dans les délais impartis, c'est-à-dire avant les mois d'été.
Cette mesure annoncée tardivement, dans la cacophonie de la suppression du lundi de Pentecôte jour férié et dans la précipitation, ne correspond pas à une véritable politique de prévention.
M. le président. Le temps de parole qui vous était imparti est épuisé, monsieur Domeizel. Je vous invite donc à conclure.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je vais m'arrêter là. Je reprendrai mes arguments à l'occasion des explications de vote sur les amendements.
M. Bernard Cazeau. Le plan de lutte contre la canicule, prévu dans l'article 1er du présent projet de loi, m'inspire des réflexions identiques à celles de M. Claude Domeizel.
Certains présidents de conseils généraux, pour ne pas dire tous, n'ont pas attendu ce plan de veille et d'alerte pour agir. Ils ont, heureusement, anticipé sur les mesures annoncées le 5 mai dernier.
Monsieur le ministre, vous ne cessez d'invoquer l'urgence. La canicule a eu lieu l'été dernier. Le Premier ministre et M. Fillon ont annoncé, au mois de novembre, le plan « Vieillissement et solidarités ». Il aura fallu attendre six mois pour que le Parlement soit saisi d'un texte au demeurant partiel puisque nous attendons toujours le rapport Briet-Jamet.
Ce projet de loi est certes déclaré d'urgence, mais la plupart des dispositions qu'il comporte ne concernent pas l'été 2004. Par ailleurs, les mesures que vous préconisez pour l'été prochain ne semblent pas être financées.
Je connais de nombreux médecins de ville qui n'ont pas attendu votre plan - et heureusement ! - pour s'organiser, monsieur le ministre. Ils ont déjà mis en place un système de garde pour les week-ends et pour les jours fériés. Ils sont d'astreinte sur la base du volontariat. Il en était d'ailleurs déjà ainsi l'an passé. Il faut le rappeler, car de trop nombreux procès d'intention sont venus ternir leur image.
Il n'y a d'ailleurs pas chez les médecins que cela grince. Dans les maisons de retraite, dans les hôpitaux, on se plaint d'entendre beaucoup parler de mesures sans que les moyens suivent. On ne sait toujours pas quel sera le nombre de lits disponibles cet été.
Par ailleurs, dans les maisons de retraite, les crédits annoncés n'arriveront pas avant l'automne et la majorité des établissements ne seront pas climatisés, contrairement à ce que vous avez vous-même annoncé.
Le problème mis en avant par la canicule, et toujours non réglé à ce jour, est celui du personnel. Les directeurs d'établissement, d'ailleurs par le biais de leur syndicat national, réclamaient déjà en 2003 la création de 280 000 postes, qui permettraient aux 10 000 établissements français de rattraper le niveau allemand, soit huit personnes pour dix personnes âgées, alors que nous en sommes à quatre pour dix.
Tous les rapports l'ont souligné, c'est faute de relations humaines et de personnel que, l'été dernier, la canicule a fait autant de victimes. La priorité aujourd'hui est dans le renfort des effectifs, surtout en période de congés. Or, à ce jour, les maisons de retraite n'ont toujours pas touché un centime sur les crédits promis dans le cadre du plan vieillissement et solidarités présenté en novembre dernier.
C'est pourquoi nous ne pouvons cautionner une telle politique, monsieur le ministre. (M. Raymond Courrière applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 116-3 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
, des personnes handicapées et des personnes particulièrement vulnérables du fait de leur isolement
par les mots :
et des personnes handicapées
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet de supprimer un membre de phrase qui a été introduit par l'Assemblée nationale. Celle-ci a proposé d'étendre le champ d'intervention du plan d'urgence aux personnes vulnérables du fait de leur isolement, c'est-à-dire essentiellement les personnes sans domicile fixe, lors des périodes de grand froid ; c'est là que le problème se pose.
Votre commission partage cette préoccupation. Elle vous propose néanmoins de ne pas retenir cette disposition en l'état, car le public visé n'est pas défini clairement par ce membre de phrase.
Par ailleurs, le traitement social des personnes sans domicile fixe relève non pas de la compétence des collectivités territoriales, mais des prérogatives régaliennes de l'Etat. Il convient de conserver la simplicité de la disposition actuelle. Le projet de loi étant de toute façon consacré aux personnes âgées et aux personnes handicapées, il faut s'en tenir au sens que le Gouvernement lui a fixé dès le départ.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Je m'en remets à la sagesse de votre assemblée, en souhaitant effectivement que le plan d'alerte et d'urgence s'adresse à tous ceux qui ont besoin d'une assistance en cas de risques exceptionnels, notamment la canicule ou le grand froid.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je poursuis l'argumentation que j'avais commencé à développer tout à l'heure.
Un problème mis en avant par la canicule et non réglé à ce jour est celui du manque de personnel dans les maisons de retraite comme dans les structures de service à domicile. La priorité est donc plus aujourd'hui dans le renfort des effectifs, surtout en période de congés.
Or, à ce jour, les maisons de retraite n'ont pas touché un centime sur les crédits promis dans le cadre du plan vieillissement et solidarités présenté en novembre. Les plans d'alerte et de vigilance, c'est bien, mais cela représente seulement 10 % du travail à faire. Une fois l'alerte donnée, il faut pouvoir agir, et c'est là que l'insuffisance en personnel se fait sentir.
A quoi ont servi tous les travaux, bilan et rapports qui ont été effectués après la canicule de 2003 et qui ont mis en avant l'urgence d'intervenir vite afin que de tels méfaits ne se reproduisent plus ?
On aurait pu penser que la question de la canicule allait permettre un débat plus large sur les personnes âgées et les personnes handicapées.
Le 10 février dernier, j'avais modestement proposé quelques pistes de travail. Je les rappelle.
Il convient que les solidarités familiales restent vivaces en France et que ce soit sur elles que s'appuient les politiques de solidarité publique. N'oublions pas que les deux tiers des personnes lourdement handicapées sont maintenues à leur domicile grâce au soutien des familles et aux aides, au premier desquelles on trouve l'APA.
Il faut tenir compte de l'âge moyen des personnes âgées hébergées en établissement : il est passé de soixante-quinze ans à quatre-vingt-cinq ans en quinze ans. Cela suppose des moyens supplémentaires importants, mais aussi une politique ambitieuse de formation, de reconnaissance et de qualification des personnels.
Il faut organiser la lutte contre l'isolement.
Il faut se donner les moyens de changer notre regard sur le grand âge, de reconnaître les métiers de la solidarité avec les personnes les plus âgées et de former les acteurs en ce sens, de réfléchir et de débattre sur les rapports entre générations. Bref, il faudrait s'entendre sur ce que peut signifier aujourd'hui l'idée d'une société pour tous les âges.
Enfin, une politique de l'âge ne peut s'inscrire que dans le long terme et dans une vision d'ensemble des générations pour que ne soient jamais oubliées les leçons de l'été dernier.
Aujourd'hui, dans les faits, le débat concerne essentiellement la climatisation, le jour férié et la création d'une nouvelle caisse dont l'utilité reste à démontrer.
Ce plan s'est arrêté en route. Il ne règle en rien les problèmes de fond, les questions de moyens, qu'il s'agisse des personnels ou du matériel. Nos anciens dépendants et les personnes handicapées méritent mieux que des effets d'annonce pris à l'emporte-pièce pour déculpabiliser un gouvernement en manque d'inspiration et de courage politique.
M. Raymond Courrière. Il faut interdire la canicule !
M. Jean Chérioux. C'est une réflexion adéquate après ce que je viens d'entendre.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Il est tout de même assez extraordinaire de voir nos collègues socialistes faire une liste de manquements, de moyens insuffisants, éléments qui sont d'ailleurs exacts. En effet, la situation révélée par la canicule existait déjà depuis des années. Qu'avez-vous fait quand vous exerciez le pouvoir ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Pourquoi n'avez-vous pas prévu cette canicule ? Gouverner, c'est prévoir ! La canicule est arrivée l'été dernier. Mais, si elle s'était produite plus tôt, on aurait été confronté à la même situation. Il est dérisoire de vouloir nous faire porter le chapeau. Je suis étonné que vous fassiez cela sur le dos de ces malheureuses personnes âgées. C'est inconvenant ! Il y a certes des besoins, mais ils existaient avant la canicule, à l'époque où vous étiez au gouvernement. Or, aujourd'hui, vous venez pleurer. C'est scandaleux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Sur cet amendement ayant trait au dispositif de veille et d'alerte destiné à mieux protéger les personnes âgées et handicapées, comme d'ailleurs sur les deux suivants présentés par le rapporteur de la commission des affaires sociales, je tiens à dire que si nous pouvons partager certaines préoccupations exprimées, en l'occurrence, le coût pour les communes résultant de l'obligation posée de recenser les personnes fragiles, nous ne pouvons adhérer aux solutions préconisées. Je m'explique.
Observant qu'un « recensement exhaustif des personnes fragiles est en pratique impossible à réaliser et considérant que cette obligation dépasse les moyens humains et matériels de nombreuses communes », vous réécrivez, de manière moins ambitieuse, l'article 1er.
Pourtant, les dispositions sur lesquelles vous revenez ont pu évoluer lors de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale, grâce à l'adoption, à l'unanimité, d'amendements renforçant l'efficacité du dispositif de prévention, certes contre l'avis du Gouvernement.
A la formulation retenue par les députés pour viser les personnes entrant dans le champ d'application du plan d'alerte et d'urgence, élargie « aux personnes particulièrement vulnérables », englobant donc des personnes très isolées, à la rue, vous préférez une disposition plus restrictive.
Plus significatif encore, vous revenez sur les dispositions permettant d'étendre à certaines catégories de travailleurs, dont les professionnels de santé, la possibilité de demander le recueil d'informations relatives aux personnes âgées, aux personnes handicapées.
Vous retirez du texte un principe important, celui du consentement présumé de la personne vulnérable, mais pas toujours en capacité de faire une démarche volontaire.
Je pense qu'un tel principe, selon lequel, en l'absence d'opposition clairement manifestée, le consentement est présumé et l'inscription sur le registre de droit, ne rompt pas l'équilibre nécessaire entre la liberté de chacun et la responsabilité de tous.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les amendements de la commission des affaires sociales.
M. le président. L'amendement n° 75, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 116-3 du code de l'action sociale et des familles :
« Ce plan est arrêté conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et à Paris, le préfet de police, et par le président du conseil général. Il est mis en oeuvre sous l'autorité du représentant de l'Etat dans le département et à Paris, du préfet de police. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Hubert Falco, ministre délégué. Cet amendement vise à préciser les modalités particulières d'exercice à Paris de compétences relevant des préfets de département, s'agissant du plan d'alerte et d'urgence au profit des personnes âgées et des personnes handicapées. Cette mesure s'inscrit pleinement dans le dispositif de sécurité civile et relève des attributions du préfet de police au titre de l'ordre public et de la gestion des crises. Il interviendra à ce titre à Paris pour élaborer et mettre en oeuvre le plan d'alerte et d'urgence, en liaison avec le préfet de Paris et, bien sûr, le maire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 12161 du code de l'action sociale et des familles :
« Afin de favoriser l'intervention des services sociaux et sanitaires, les maires recueillent les éléments relatifs à l'identité, l'âge et le domicile des personnes âgées et des personnes handicapées qui en ont fait la demande. Ces données sont notamment utilisées par les services susmentionnés pour organiser un contact périodique avec les personnes répertoriées lorsque le plan d'alerte et d'urgence prévu à l'article L. 116-3 est mis en oeuvre. Les maires peuvent également procéder à ce recueil à la demande d'un tiers à la condition que la personne concernée, ou son représentant légal, ait exprimé son consentement par écrit. Ce consentement est révocable sans forme et à tout moment.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur. Par cet amendement, nous proposons de réécrire la totalité du texte présenté par le II de l'article 1er pour le premier alinéa de l'article L. 121-6-1 du code de l'action sociale et des familles.
Cela répond à un double objectif.
En premier lieu, il s'agit de reprendre, en la simplifiant, la rédaction de l'amendement n° 72 du Gouvernement. Pour mémoire, ce dernier a pour objet de préciser la responsabilité des maires dans leurs interventions auprès des personnes âgées et des personnes handicapées recensées et de limiter le contact périodique au cas de mise en oeuvre du plan.
En second lieu, il s'agit de clarifier la rédaction de la modification introduite par l'Assemblée nationale en première lecture, prévoyant la possibilité pour un tiers d'engager la procédure de recensement auprès des communes. Il est proposé de conserver cette faculté d'intervention d'un tiers dans la procédure de recouvrement sous réserve que la personne intéressée ou son représentant légal ait exprimé son consentement par écrit.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de Cet article pour l'article L. 121-6-1 du code de l'action sociale et des familles :
En cas de mobilisation du plan d'alerte prévu à l'article L. 116-3, afin de favoriser l'intervention des services sociaux et sanitaires et de leur permettre l'organisation d'un contact périodique avec les personnes âgées et les personnes handicapées isolées à leur domicile, les maires recueillent les éléments relatifs à l'identité, l'âge et au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées qui en ont fait la demande.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Falco, ministre délégué. Il y a effectivement un lien avec l'avis que je vais émettre sur l'amendement n° 7 rectifié. Cet amendement, proposé par la commission, rejoint, dans sa première partie, la préoccupation du Gouvernement qui avait motivé l'amendement n° 73, dans un souci de cohérence et d'efficacité des interventions sur le plan communal. Le Gouvernement souhaite que toutes les garanties soient prises pour respecter et protéger la liberté de choix des personnes âgées. C'est pourquoi je suis favorable à l'amendement n° 7 rectifié et je retire les amendements n°s 72 et 73.
M. le président. Les amendements n°s 72 et 73 sont retirés.
L'amendement n° 42, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 12161 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :
communes
insérer les mots :
, en coopération avec les coordinations gérontologiques, les centres locaux d'information et de coordination et les maisons départementales du handicap,
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement a pour objet d'associer étroitement les coordinations gérontologiques, les centres locaux d'information et de coordination, les CLIC, et les maisons du handicap au recueil de toutes les informations relatives aux personnes âgées et aux personnes handicapées.
Dans les faits, ce sont ces structures qui, au quotidien, sont au contact des personnes que l'article 1er prévoit de recenser. En conséquence, il convient d'acter dans la loi le rôle majeur joué par ces instruments de proximité pour aider au repérage des personnes vulnérables.
Une telle proposition a déjà été faite lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale. Bien que cette proposition ait reçu un avis défavorable du Gouvernement, je tiens à la reformuler dans la mesure où l'argument avancé pour justifier un tel refus ne me semble pas recevable.
Il faut permettre à ces structures de jouer un véritable rôle. En effet, poser l'idée d'une coordination entre les CLIC, les maisons de handicap et le maire, responsable de l'établissement dudit registre, n'entraîne aucune confusion quant à l'identification du responsable du recensement des informations, en l'occurrence le maire.
De plus, cet amendement a le mérite de poser une autre question qui, elle, est présente dans tous les esprits : il s'agit du transfert des moyens financiers aux départements en raison de compétences décentralisées. En témoignent les tentatives des rapporteurs pour obtenir l'inscription du principe d'une compensation financière aux collectivités locales pour les charges résultant de ce texte, notamment du présent article.
Le projet de loi relatif aux responsabilités locales modifie la structuration des compétences. S'agissant des personnes âgées, les départements sont identifiés comme la collectivité chef de file. Le rapport d'étape Briet-Jamet considère, quant à lui, que les départements doivent être pleinement responsables concernant ce domaine, y compris sur le plan financier.
Dans ces conditions, vous comprendrez que nous nous interrogions sur les financements d'Etat prévus pour le programme CLIC, même si la coordination gérontologique se fait sous la tutelle des départements.
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 121-6-1 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
les communes
par les mots :
les maires
Cet amendement a été retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n°42 ?
M. André Lardeux, rapporteur. Je comprends parfaitement les préoccupations des auteurs de cet amendement. Ils proposent d'indiquer expressément que le recensement effectué par les communes a lieu en coopération avec les structures de coordination gérontologique et les maisons départementales de handicap.
J'observe que ces mêmes structures peuvent déjà intervenir en qualité de tiers dans le recensement des personnes âgées et handicapées. Par ailleurs, la priorité doit être accordée, me semble-t-il, au caractère opérationnel du dispositif.
Dès lors, la nouvelle rédaction proposée par l'amendement me semble inutile, d'autant qu'elle risque d'entraîner des complications.
Je demande à M. Fischer de bien vouloir retirer son amendement puisqu'il est redondant avec les dispositions du projet de loi. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 42 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Je ne suis absolument pas convaincu par ces arguments. Nous sommes à quelques semaines de l'été et des retards ont été pris. La sensibilisation de toutes les parties prenantes reste un problème d'actualité. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en reparler.
Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, comme je vous l'ai dit hier soir, la sécurité publique est une compétence de l'Etat. Il incombe au préfet de l'assurer avec les collectivités territoriales et les différentes structures gérontologiques ; je suis d'accord avec M. Fischer sur ce point. Je ne vois pas pourquoi l'on fait référence plus particulièrement aux communes. Elles pourront éventuellement intervenir à la demande du préfet, mais elles n'ont pas toujours les moyens de le faire, notamment les petites et moyennes communes.
Il convient de préciser que ces actions auront obligatoirement des incidences financières, dont vous ne parlez pas.
M. le président. La parole est à M. Philippe Labeyrie, pour explication de vote.
M. Philippe Labeyrie. En tant que maire, je m'interroge fortement sur la portée de cet article.
Que signifie « organiser un contact périodique avec les personnes répertoriées » ? Etant maire d'une ville de trente mille habitants, je peux faire le recensement de toutes les personnes âgées ou handicapées vivant seules à leur domicile et n'ayant aucun contact avec leur famille ou des voisins qui ne s'inquiètent pas de leur santé. Mais, si un décès survient pendant un moment difficile ou une période de canicule, la responsabilité du maire serait, selon vous, engagée.
Par ailleurs, dans nos communes, les personnes qui travaillent dans les services sociaux ne sont pas nombreuses. Avec quelle périodicité faut-il rendre visite aux personnes âgées ou handicapées ? Faut-il s'y rendre tous les jours, deux fois par jour, une fois par semaine ?
Les dispositions de ce texte sont trop floues. Encore une fois, s'il y a le moindre accident, ce sont les maires qui se retrouveront sur le devant de la scène et qui seront traduits devant les tribunaux !
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, pour explication de vote.
M. Georges Mouly. Nous sommes là au coeur d'une politique de proximité. Des contacts fréquents avec les personnes âgées ou handicapées sont évidemment nécessaires.
Or, comme je l'ai dit hier au cours de la discussion générale, pour cette politique de proximité, il existe les instances gérontologiques, les CLIC, qui sont des organismes de coordination opérationnels sur le terrain et très efficaces. La personne âgée ou handicapée est, en effet, au coeur des préoccupations du CLIC.
Je suis plutôt favorable à la proposition de M. Fischer parce que les choses se passent ainsi sur le terrain. Nous aurions tort de nous priver de ces services rendus en n'en faisant pas mention dans le projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Je comprends très bien la préoccupation de M. Fischer. Mais a-t-on vraiment besoin d'un texte de loi pour que les municipalités agissent ? Notre collègue Labeyrie a dit très justement que les petites municipalités n'avaient pas toujours les moyens de faire ce genre d'opérations.
J'ai connu une municipalité importante qui n'a pas eu besoin de tous ces textes pour mettre en place, à une certaine époque, le système « spécial troisième âge » : pendant les trois mois d'été, des contacts avec les personnes âgées ou handicapées étaient systématiquement prévus. Cette initiative s'est arrêtée. Je constate que la nouvelle municipalité socialiste n'a pas cru nécessaire de mettre en place un tel système. Peut-être n'a-t-elle pas vu venir non plus la canicule... Mais il est certain que c'était envisageable à Paris. Or on n'a rien fait !
M. le président. La parole est à M. Jean Pépin, pour explication de vote.
M. Jean Pépin. En fait, le maire a des moyens pour exercer les responsabilités qui sont les siennes. Par exemple, pour assurer la sécurité de ses citoyens, il dispose de plusieurs relais : le bureau d'aide sociale, le CCAS, le centre communal d'action sociale, les associations de personnes âgées et les associations caritatives qui acceptent de s'occuper de personnes âgées et qui travaillent en général en relation avec la municipalité.
Quant à l'idée qui peut paraître très séduisante concernant les CLIC, c'est une déviance de responsabilité vers les conseils généraux. Désormais, c'est le président du conseil général qui est responsable des CLIC. Il convient d'être vigilant pour éviter les dérives juridiques et gérer la situation avec la plus grande proximité possible. Dans toutes nos communes, nous avons des personnes de bonne volonté.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 42 n'a plus d'objet.
M. Guy Fischer. Malheureusement !
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 121-6-1 du code de l'action sociale et des familles par les mots :
pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Hubert Falco, ministre délégué. IL s'agit d'un amendement de cohérence et de précision juridique. Il importe de mentionner dans la loi que le décret relatif au traitement informatisé, à l'utilisation et à la conservation d'informations nominatives est pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. La commission émet un avis favorable. J'émettrai néanmoins une réserve : nous sommes en présence d'une dérive puisque les dispositions figurent déjà dans une loi. Pourquoi une nouvelle loi devrait-elle faire référence à une loi précédente ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. Guy Fischer. Au terme de la discussion de cet article 1er, nous sommes soucieux de faire entendre, une fois de plus, la voix des directeurs d'établissements accueillant des personnes âgées dépendantes et des familles de résidents, qui ont vivement protesté contre le manque de personnel affecté à l'accompagnement des personnes vivant en établissement alors que le Gouvernement supprimait des crédits, 300 millions d'euros.
Depuis, tous les rapports officiels qui ont suivi le drame de la canicule ont malheureusement confirmé leur analyse sur le retard de notre pays en matière d'accompagnement des personnes âgées dépendantes. Car il s'agit bien d'une crise structurelle.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : quand il y a quatre professionnels en établissements pour dix personnes âgées en France, il y en a huit à dix en Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas, et jusqu'à douze en Suisse, soit deux à trois fois plus qu'en France. Il convient de noter qu'il en va de même à domicile où il faudrait doubler le nombre de places de services d'aide et de soins. C'est bien la preuve que le retard dans le financement des établissements n'est pas dû à une préférence pour le soutien à domicile, mais à une sous-estimation globale des besoins des personnes âgées.
Aujourd'hui, à un mois de l'été, les directeurs d'établissements souhaitent connaître les dispositions que le Gouvernement entend adopter afin de les doter de moyens réels pour mieux accompagner leurs résidents. En effet, je considère, avec eux, que l'installation d'une pièce climatisée dans chaque établissement est un effet d'annonce qui masque les véritables problèmes.
Enfin et surtout, ils estiment que les personnes âgées ont besoin d'aide 365 jours par an pour leur vie quotidienne. Le bilan de la canicule d'août 2003 montre bien que c'est à cause d'un manque d'accompagnement que les personnes sont décédées à domicile ou en établissement.
Nous souhaitons que le plan qui est prévu réponde véritablement aux besoins ressentis sur le terrain.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA JOURNÉE DE SOLIDARITÉ
Article additionnel avant l'article 2
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le chapitre 5 du titre II du livre III du code de la sécurité sociale, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre...
« Assurance handicap-incapacité-dépendance
« Art. L... - Toute personne, quel que soit son âge, l'origine ou la nature de sa perte d'autonomie, assurée sociale, résidant en France ou dans un pays avec lequel existe une convention internationale de sécurité sociale, qui se trouve dans l'incapacité d'assumer les conséquences du manque ou de la perte d'autonomie liées à son état physique ou mental a droit à une évaluation de sa situation et à la proposition d'un plan d'aide individualisé et adapté, réalisé par une équipe médico-sociale.
« Cette évaluation ouvre droit au versement d'une allocation handicap-incapacité-dépendance permettant une prise en charge adaptée à ses besoins dans les conditions déterminées par décret pris en Conseil d'Etat. Cette allocation est à la charge des organismes de sécurité sociale. Elle est servie en nature.
« Art. L. ... - Cette prise en charge est assurée par une cotisation assurance perte d'autonomie et dépendance déterminée par décret à la charge des employeurs et des travailleurs salariés et toute personne assimilée ainsi que les titulaires des avantages retraites et des allocations et revenus de remplacement prévus aux 1° et 2° de l'article L. 2412 du présent code.
« Cette cotisation est modulée pour chaque entreprise selon la variation de la masse salariale dans la valeur ajoutée globale. Ce ratio obtenu est affecté de coefficients fixés chaque année par décret. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Comme nous avons eu l'occasion de le déplorer dans la discussion générale, le présent texte n'atteindra pas l'objectif que vous lui avez fixé, monsieur le ministre. Il lui manque les moyens de son ambition pour remettre en phase de façon effective nos politiques sociales du handicap et de la vieillesse avec notre démographie.
Les moyens dégagés par la journée dite de solidarité, instituée en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, sont sans commune mesure avec les besoins futurs à couvrir.
En 2020, deux millions de personnes auront plus de quatre-vingt-cinq ans.
Une étude menée par une unité bordelaise de l'INSERM évalue à 135 000 le nombre de nouvelles personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer par an.
L'ampleur des problèmes posés par la dépendance rend nécessaire le renforcement, je serais tenté de dire le franchissement du cap supérieur, des politiques publiques en ce domaine.
Or le présent texte n'assure pas le financement à long terme de la dépendance, comme nous l'avons tous observé, y compris sur les travées de droite de notre assemblée.
Il permet simplement de contribuer au financement des mesures du plan de solidarité pour l'autonomie, dont l'APA et, à moyen terme, une partie du plan handicap, les collectivités, les départements en l'occurrence, restant responsables, y compris financièrement, de ces politiques.
Pour préparer l'avenir, puisque le projet gouvernemental ne le permet pas, la commission des affaires sociales donne la priorité au développement de l'assurance dépendance, autrement dit à la privatisation, sujet dont nous allons débattre dans les heures qui viennent.
M. Gilbert Chabroux. Eh oui !
M. Guy Fischer. Pour notre part - cela ne vous surprendra pas, monsieur le ministre - nous faisons un choix radicalement différent, plus juste, plus solidaire et plus égalitaire. Nous proposons, une nouvelle fois, de reconnaître un risque nouveau « handicap-incapacité-dépendance » pour reprendre l'intitulé retenu par le Conseil économique et social, inclus dans le champ de la sécurité sociale.
Ce droit nouveau à compensation en raison de la dépendance ne connaît ni de barrière relative à l'âge, ni de barrière quant à l'origine ou à la nature de la déficience.
II devrait être financé de façon pérenne dans le cadre de la solidarité nationale, sur la base de cotisations sociales réformées pour les employeurs en fonction de la valeur ajoutée.
D'aucuns ici qui, hier, étaient ouverts à la création d'un risque dépendance, seul à même de relever les défis futurs et de changer le regard que notre société porte sur nos aînés et sur les personnes handicapées pour leur donner toute leur place, considèrent aujourd'hui cette voie comme largement obstruée, car hypothéquée par les options déclinées dans ce projet de loi.
Pour notre part, nous ne saurions nous y résoudre et nous vous invitons, en conséquence, mes chers collègues, à voter l'amendement n°43, qui pose l'exigence de la création d'une nouvelle prestation de sécurité sociale liée à la perte d'autonomie.
Ce faisant, nous ouvrons la discussion sur un problème de fond que nous aurions dû aborder lors du débat sur l'assurance maladie. Mais nous sommes obligés de faire face à la réalité que nous impose le Gouvernement. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. La commission est tout à fait défavorable à cet amendement.
Le groupe CRC propose ici, comme à l'accoutumée, la prise en charge de l'autonomie par la sécurité sociale. Il est permis de regretter que la question n'ait pas été posée franchement il y a quelques années, car c'est tout de même le gouvernement de Lionel Jospin, que vous avez soutenu avec constance, mes chers collègues et qui a fait en sorte que ce débat n'ait pas lieu !
En se greffant sur la PSD pour créer l'APA, il ouvrait la voie à la création d'un secteur hybride qui ne relève ni tout à fait de la sécurité sociale ni tout à fait de l'aide sociale pour la prise en charge de l'autonomie.
Sans doute ses motivations étaient-elles doubles.
D'une part, il s'agissait de prendre en considération l'expérience acquise par les départements en matière de prise en charge de la dépendance ; ceux-ci ont d'ailleurs permis que la mise en oeuvre de l'APA se fasse dans des délais très brefs, ce dont nous ne pouvons que leur rendre hommage.
D'autre part - cette fois la motivation était sans doute moins noble - l'APA avait besoin d'un financement, et le gouvernement de l'époque, après avoir fait payer à la sécurité sociale le coût des 35 heures et devant les perspectives financières de l'assurance maladie des régimes de retraite qu'il s'était bien gardé de réformer, ne pouvait à l'évidence demander un effort complémentaire aux caisses de sécurité sociale.
Au point où nous en sommes, il semble difficile de revenir en arrière. En effet, retirer aux départements une compétence pour laquelle ils ont déjà beaucoup investi ne serait pas très raisonnable. Poser la question sous cet angle, c'est en quelque sorte y répondre.
Je dirai enfin à mes collègues du groupe CRC qu'il faut être pragmatique et efficace.
Encadrée nationalement dans le respect de l'autonomie des collectivités locales, une gestion de l'autonomie par les départements n'offre pas moins de garanties qu'une gestion par la sécurité sociale. Pour avoir la chance d'être élu d'un département qui compte deux CPAM, je puis vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que les pratiques de ces deux caisses ne sont pas, bien qu'elles ne soient éloignées l'une de l'autre que d'une cinquantaine kilomètres, strictement identiques, loin s'en faut.
Cette forme de gestion offre de plus aux personnes âgées le bénéfice de pouvoir s'adresser à un interlocuteur de proximité qui sait gérer dans le respect de l'équité l'octroi des prestations en nature que l'autonomie de ces personnes exige. En outre, je dois dire qu'un conseil général quel qu'il soit est plus réactif et probablement plus attentif à un certain nombre de problèmes qu'un administrateur de sécurité sociale qui doit son poste à d'autres considérations que l'élection.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Monsieur Fischer, nous n'éludons pas le débat. Nous avons eu l'occasion - vous l'avez vous-même souligné - au cours de la nuit dernière de nous expliquer longuement sur l'ensemble de ces questions, et M. le rapporteur vient d'en faire la synthèse.
En conséquence, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Notre collègue Guy Fischer n'a pas échappé à la tentation de dénoncer la tentative de la majorité de privatiser le système d'assurance dépendance.
Il doit savoir, et vous devez savoir, mes chers collègues, que, chaque fois qu'il sera fait allusion de manière caricaturale aux intentions non fondées de la majorité, j'interviendrai dans la discussion pour m'inscrire en faux contre de tels propos, car il ne faut pas laisser penser à l'opinion publique que la majorité de ce pays a l'intention de privatiser un dispositif laissant sur le côté de la route l'ensemble de ceux qui, faute de moyens financiers pour souscrire une assurance, ne bénéficieraient pas de la solidarité nationale. Il n'en a jamais été question.
M. Guy Fischer. Votre nom restera attaché à la privatisation de la dépendance !
M. Alain Vasselle. Notre proposition de loi n'a pour objet que de compléter le dispositif national et aura à terme des répercussions financières au profit non seulement de l'Etat, mais aussi des départements.
J'ai bien précisé, lors de la discussion générale, que nous avions prévu dans notre texte une disposition visant, par la prise en charge au titre de l'aide sociale des plus démunis, à leur permettre de bénéficier, au même titre que les bénéficiaires de l'avantage fiscal, de la couverture de l'assurance.
Il s'agit donc de compléter le dispositif de solidarité nationale et non pas de le remplacer. Je pense qu'il est important de le dire à chaque fois que l'occasion se présentera pour éviter que la presse ne se fasse l'écho de caricatures de propositions de loi déposées par une majorité du Sénat. (M. le président de la commission applaudit.)
M. Guy Fischer. Nous vous resservirons cet argument tout au long des débats !
M. le président. La parole est à M. Philippe Labeyrie.
M. Philippe Labeyrie. Je voudrais demander à M. le rapporteur ce qu'il a voulu dire en mettant en cause les administrateurs des caisses primaires d'assurance maladie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur. J'ai fait deux remarques, monsieur Labeyrie.
En premier lieu, l'expérience montre qu'entre les collectivités, les départements en l'occurrence, il existe des différences d'appréciation, et ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre puisque le département des Landes se distingue souvent, en matière sociale, par des décisions différentes de celles de la moyenne des départements. Notez bien qu'il s'agit là non pas d'un reproche, mais d'un constat. (M. le président de la commission applaudit.)
En second lieu, une CPAM ne réagira pas de la même façon à Nice qu'à Lille, ce qui ne paraît pas inconcevable. C'est ainsi que, sur un territoire restreint comme le département que je représente, des pratiques différentes ont cours entre la caisse d'Angers et la caisse de Cholet, sans pour autant que l'une soit meilleure que l'autre.
Or je maintiens que les élus départementaux sont beaucoup plus réactifs que des administrateurs de caisse de sécurité sociale, même si ceux-ci possèdent de grandes qualités. Je prendrai un exemple : si un problème d'attribution de l'APA se pose, la personne ou la famille concernée sait très bien qu'en s'adressant à son conseiller général elle obtiendra une réponse, positive ou négative, souvent positive d'ailleurs, quelle que soit la couleur politique du conseil général. En revanche, il est très difficile de joindre tel ou tel administrateur de caisse de sécurité sociale, la plupart d'entre eux, malgré leurs grandes qualités, étant parfaitement inconnus des usagers. (M. le président de la commission applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je voudrais répondre à M. Vasselle, qui nous a fait l'honneur de s'exprimer de manière véhémente sur l'amendement n° 43, défendu par mon ami M. Fischer .
De fait, vous semblez très ennuyé, monsieur Vasselle, quand on vous fait la démonstration de ce à quoi va conduire votre proposition de loi, compte tenu des amendements que vous avez fait adopter par la majorité de droite de la commission et qui conduisent à la privatisation de la couverture de la dépendance.
Il s'agit là d'une méthode bien connue depuis quelque temps, puisque c'est celle qui a été utilisée pour les retraites.
Vous affirmez de manière forte, pour que l'on vous entende - et, personnellement, je vous ai entendu, même si, bien évidemment, vous ne m'avez pas convaincu - qu'il existe une couverture universelle de la dépendance, comme vous affirmiez, voilà quelque temps, qu'il y avait une couverture universelle de la retraite.
Incontestablement, vous avez choisi de traiter ce dossier a minima. Or ces minima étant tellement inférieurs aux besoins ressentis par la population et par les personnes concernées, vous y adjoignez un dispositif complémentaire, à savoir l'assurance volontaire, l'assurance privée.
Par conséquent, ce principe des minima de couverture, conjugué à l'ouverture d'une assurance complémentaire dépendance, si je puis dire, conduit bien à un processus de privatisation. Bien sûr, vous pouvez vous offusquer de l'analyse qui est la nôtre, mais elle correspond tout simplement à la réalité.
C'est la raison pour laquelle nous n'aurons de cesse, comme l'a rappelé mon ami Guy Fischer, de dénoncer tout au long de ce débat cette stratégie insidieuse qui amène à couvrir de moins en moins de manière universelle et à suppléer ce manque par une assurance complémentaire dépendance. Or seuls ceux qui en auront les moyens pourront se payer des maisons de retraite avec des services décents et avec des accompagnements personnalisés.
Ce faisant, vous introduisez dans la loi la possibilité d'avoir recours à ces pratiques, après avoir cassé, brisé, anéanti la couverture universelle, qui est, à mes yeux, un droit de solidarité nationale.
M. Alain Vasselle. Cela relève du procès d'intention !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre Ier du livre II est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Journée de solidarité
« Art. L. 212-16. - Une journée de solidarité est instituée en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées. Elle prend la forme d'une journée supplémentaire de travail non rémunéré pour les salariés et de la contribution prévue au 1° de l'article 8 de la loi n° du relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées pour les employeurs.
« Une convention, un accord de branche ou une convention ou un accord d'entreprise détermine la date de la journée de solidarité. Cet accord peut prévoir soit le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai, soit le travail d'un jour de réduction du temps de travail tel que prévu à l'article L. 212-9, soit toute autre modalité permettant le travail d'un jour précédemment non travaillé en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, en l'absence de convention ou d'accord, la journée de solidarité est le lundi de Pentecôte.
« A défaut de convention ou d'accord de branche ou d'entreprise prévu au deuxième alinéa et lorsque le lundi de Pentecôte était travaillé antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° du précitée, les modalités de fixation de la journée de solidarité sont définies par l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent.
« Le travail accompli, dans la limite de sept heures, durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération lorsque le salarié est rémunéré en application de la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle ainsi que, dans la limite de la valeur d'une journée de travail, pour les salariés dont la rémunération est calculée par référence à un nombre annuel de jours de travail conformément au III de l'article L. 212-15-3.
« Pour les salariés à temps partiel, la limite de sept heures prévue au cinquième alinéa est réduite proportionnellement à la durée contractuelle. Lorsque la journée de solidarité est fixée un jour de la semaine ordinairement non travaillé par un salarié à temps partiel en vertu de son contrat de travail, le refus de l'exécuter ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors qu'elle n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d'activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Dans ce cas, les modalités de fixation de la journée de solidarité pour ce salarié sont définies par l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent.
« Les heures correspondant à la journée de solidarité, dans la limite de sept heures ou de la durée proportionnelle à la durée contractuelle pour les salariés à temps partiel, ne s'imputent ni sur le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6 ni sur le nombre d'heures complémentaires prévu aux articles L. 212-4-3 et L. 212-4-4. Elles ne donnent pas lieu à repos compensateur.
« Le travail de la journée de solidarité dans les conditions prévues par le présent article ne constitue pas une modification du contrat de travail.
« Les dispositions du présent article s'appliquent aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par dérogation aux articles 105 a et 105 b du code professionnel local.
« Art. L. 212-17. - Lorsqu'un salarié a déjà accompli, au titre de l'année en cours, une journée de solidarité au sens de l'article L. 212-16, s'il doit s'acquitter d'une nouvelle journée de solidarité en raison d'un changement d'employeur, les heures travaillées ce jour donnent lieu à rémunération supplémentaire et s'imputent sur le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6 ou sur le nombre d'heures complémentaires prévu aux articles L. 212-4-3 et L. 212-4-4. Elles donnent lieu à repos compensateur. Toutefois, le salarié peut aussi refuser d'exécuter cette journée supplémentaire de travail sans que ce refus constitue une faute ou un motif de licenciement. » ;
2° Supprimé ;
3° Dans l'article L. 212-4-2, dans les premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-8 et dans l'article L. 212-9, le nombre : « 1 600 » est remplacé par le nombre : « 1 607 » ;
4° Au III de l'article L. 212-15-3, les mots : « deux cent dix-sept jours » sont remplacés par les mots : « deux cent dix-huit jours ».
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, sur l'article.
M. Gilbert Chabroux. Le dispositif que vous vous proposez de mettre en place concernant l'instauration d'une journée supplémentaire de travail non rémunérée présente de très nombreux inconvénients et n'offre que peu d'avantages, si ce n'est pour une partie des employeurs.
Nous relevons tout d'abord que ce dispositif génère de nombreuses inégalités, en particulier entre les salariés et les non-salariés. En effet, comment justifiez-vous le fait que les salariés doivent fournir une journée de travail gratuit, et pas ceux qui travaillent sous un autre statut ? Comment justifiez-vous le fait que le commerçant, l'artisan, l'agriculteur, le membre d'une profession libérale qui n'emploie personne ne paie rien, alors que celui qui emploie un ou plusieurs salariés, celui qui a créé quelques emplois, doive acquitter une taxe ? Comment expliquez-vous la différence qui va se creuser entre les entreprises de main-d'oeuvre et les autres ?
Ces questions toutes simples, outre qu'elles mettent en évidence les inégalités créées par le projet de loi, montrent déjà à quel point il est contre-productif en termes d'emplois. Il est une véritable incitation à ne pas embaucher.
Mais il y a pire. Dans la conjoncture actuelle, alors que la croissance reste faible, alors que vous avez pris depuis deux ans des mesures restrictives concernant l'emploi, et donc la croissance et le pouvoir d'achat, on peut se demander quelle sera la création de richesse réellement issue de cette opération.
Cette journée, par définition, n'engendrera aucune consommation nouvelle susceptible de soutenir la croissance, puisque les salariés seront au travail.
Il y a d'ailleurs une incohérence certaine de la part du Gouvernement, ou tout au moins du ministre de l'économie, à proposer l'ouverture des magasins le dimanche et à surtaxer une journée supplémentaire de travail.
Alors que vous ne cessez de dire que les entreprises sont accablées de charges, surtout en raison des 35 heures - comme d'habitude ! -...
M. Jean Chérioux. Ce qui est vrai !
M. Guy Fischer. Non, ce n'est pas vrai !
M. Gilbert Chabroux. ... voilà que vous créez un nouvel impôt à leur détriment. II est vrai que, dans les faits, cette taxe pénalisera surtout les petites entreprises, les commerçants et les artisans. Les grandes entreprises, quant à elles, pourront engendrer un profit évalué à 0,45 % et ne payer qu'une surtaxe de 0,3 %. Pour ces entreprises, vous créez en réalité les conditions d'un bénéfice au détriment des salariés.
Vous nous présentez au fond un nouveau projet de loi de solidarité des salariés en direction et au bénéfice des employeurs et des actionnaires.
Mais ce n'est pas tout ! Sur le plan de la création d'emplois, cet article peut s'avérer encore plus néfaste. En effet, pour que l'allongement de la durée du travail procure des richesses et des recettes nouvelles, le plein emploi doit être déjà atteint. Sinon, c'est au mieux un coup d'épée dans l'eau, au pire un élément de destruction d'emplois. L'étude réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques met en évidence ce danger et estime qu'il pourrait provoquer 20 000 à 30 000 suppressions d'emplois.
D'un point de vue strictement économique, considérant, d'une part, que notre taux de chômage frise maintenant 10 % de la population active et, d'autre part, que les employeurs font état auprès du bureau de la main-d'oeuvre de l'UNEDIC d'intentions d'embauche en baisse de 5 % à 35 % selon les secteurs, est-il absolument prioritaire d'inventer la journée travaillée non rémunérée ?
Passons pour le moment sur l'incongruité juridique de la situation. Mais, d'un point de vue économique, que peut-on en attendre ? Les entreprises qui le pourront vont se réorganiser pour ne pas augmenter leurs effectifs, voire les réduire, et baisser ainsi la surtaxe. Des emplois risquent d'être menacés dans les secteurs productifs. Ils ne seront pas forcément compensés par des créations d'emplois dans les maisons de retraite.
In fine au mieux l'impact de ce texte sur l'emploi sera-t-il nul. Vous aurez simplement accéléré la suppression d'emplois industriels pour des emplois de services aux personnes, ce qui est déjà la tendance spontanée de l'économie.
Au pire, vous allez détruire des emplois, parce que nous sommes dans un contexte de croissance molle, avec une confiance et une consommation en berne. En 2003, le revenu disponible des ménages n'a progressé que de 0,5 %, autant dire presque rien. Les mesures de privatisation que vous prenez en matière de retraite, d'assurance maladie et, maintenant, de dépendance n'incitent pas avoir confiance en l'avenir.
Désormais, même la dépendance sera mise au service du profit et du patronat.
Au total, l'article 2 et les articles suivants, contrairement à ce que vous prétendez, ne constituent en rien une avancée pour notre économie. Ils ne serviront, une nouvelle fois, que les intérêts d'une petite minorité, y compris, d'ailleurs, parmi les entreprises. Ils vont à contre-courant de l'économie, de la création d'emplois et même, par définition, du simple maintien du pouvoir d'achat. Nous demanderons donc leur suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Vasselle. Faites comme en Allemagne !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. L'article 2, comme chacun le sait, concerne la création d'une journée dite de solidarité, ce qui signifie, pour le salarié, sept heures travaillées non rémunérées. En contrepartie, l'employeur versera une contribution obligatoire de 0,3 %.
Ma question sera simple et brève. Elle concerne uniquement les salariés rémunérés par chèques emploi service - chacun sait que les Français l'utilisent beaucoup - et par chèques emploi associatif - j'étais d'ailleurs rapporteur du projet de loi qui a permis la création de ces derniers, pour lesquels un décret vient d'ailleurs de paraître.
Ces personnes ne sont pas mensualisées et ont souvent de nombreux employeurs.
Comment ces salariés pourront-ils effectuer leur journée dite de solidarité ? Comment leur contribution sera-t-elle calculée ? Et n'y aura-t-il pas - ce point m'inquiète particulièrement - un double paiement provenant du salarié et de l'employeur ?
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Avec cet article, nous abordons l'examen du premier projet contenu dans le texte du Gouvernement. La création inédite d'un jour férié travaillé et la prise en charge de la dépendance sont, en effet, deux questions qui n'ont manifestement aucun rapport entre elles, si ce n'est le lien factice créé par le Gouvernement pour justifier l'allongement non rémunéré de la durée du travail.
Dès que l'idée d'une journée de travail non rémunérée imposée aux salariés a été reprise par le Premier ministre, M. Guillaume Sarkozy, au nom du MEDEF, comme M. Seillières, a exprimé son enthousiasme. Enfin, une disposition légale allait permettre de travailler plus !
En même temps, il a cependant fait connaître sa déception, liée au fait que cette journée de travail soit instaurée en corrélation avec une surtaxe de 0,3 % destinée à financer la dépendance.
Manifestement, les représentants du MEDEF ont tout de suite perçu que cette journée de travail constituait un retour sur la réduction du temps de travail, mais ils n'ont pas intégré dans leur discours la dimension de la solidarité, alibi de cette opération, qui conduit le Gouvernement à imposer une petite surtaxe aux entreprises.
Cette surtaxe est d'ailleurs, bien entendu, inférieure au profit qu'elles tireront de l'opération. En outre, rien n'en garantit l'usage ni la pérennité. On peut craindre que, le temps passant, non seulement le jour travaillé non rémunéré ne soit maintenu, mais aussi que le produit de la taxe, comme autrefois celui de la vignette automobile, ne se perde dans les sables budgétaires.
Avec le titre II, nous en venons au coeur, ou plutôt à la cible, de ce projet de loi, la deuxième phase, après la loi Fillon, de la démolition de la loi relative à la réduction du temps de travail, sans que l'on n'y touche jamais directement, bien entendu.
Le stratagème est ici particulièrement intéressant. Bien au-delà des déclarations de M. Sarkozy - je parle cette fois-ci du ministre - selon lesquelles il faut permettre à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus, vous inventez, au seul détriment des salariés, un dispositif permettant de travailler plus pour gagner moins.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour gagner autant !
M. Claude Domeizel. C'est une performance et, d'une certaine manière, il faut saluer cette audace. Bien entendu, vous modifiez ainsi les termes de tous les contrats de travail puisque vous diminuez le montant de la créance salariale. Vous inventez le travail gratuit à l'encontre d'une seule catégorie de citoyens. Ce faisant, vous portez atteinte à l'un des fondements du droit du travail et évidemment à l'égalité des citoyens.
On comprend pourquoi vous avez reculé devant l'organisation d'une concertation avec les partenaires sociaux.
La seule concertation avec les caisses de sécurité sociale, à laquelle vous étiez contraints, a d'ailleurs donné un résultat unanimement négatif, de la part tant des caisses que de chaque organisme.
II nous revient, lors d'un débat parlementaire, de décider en nous fondant sur les motivations des auteurs du projet ou de la proposition de loi et sur les résultats prévisibles.
Bien qu'inavouées, les motivations nous sont ici connues : augmenter le temps de travail des salariés et créer une caisse spécialement dédiée à la dépendance, avec tous les risques que cela comporte pour l'avenir des personnes âgées et des personnes handicapées.
Ce sont, en effet, les conséquences de cette politique qui nous inquiètent. Vous ne partez pas dans l'inconnu, puisque nos voisins allemands, depuis 1995, appliquent ce curieux système de la journée de solidarité.
Quelles conclusions peut-on tirer de cette expérience ? Pas plus que nous, vous ne pouvez ignorer que, depuis 1999, le système est en déficit. Ce dernier a atteint 450 millions d'euros à la fin de l'année 2003.
Les experts allemands estiment que ce fut une erreur d'asseoir l'assurance dépendance sur les seuls salaires. Et l'on en est à envisager soit la suppression d'un deuxième jour férié - après tout, pourquoi pas ? - soit la hausse du prélèvement sur les entreprises, soit, surtout, un financement privé par capitalisation, avec des incitations fiscales à l'entrée pour les personnes imposables. Nous y voilà !
Les personnes dépendantes à faibles revenus n'auraient droit qu'à des allocations versées par l'Etat, d'une part, un plan d'épargne dépendance géré par des compagnies d'assurances privées qui pourraient ainsi augmenter leurs profits, d'autre part, la caisse des indigents, que certains redoutent.
Un tel scénario, compte tenu de la croissance exponentielle de la dépendance dans les prochaines années, est inéluctable en France. Vous le savez, et cela ne vous empêche pas de réitérer la même erreur, à moins qu'il s'agisse non pas d'une erreur, mais de l'opportunité de faire coup double en instituant une journée de travail gratuit et une assiette pour le financement de la dépendance, qui sera, on le sait d'ores et déjà, insuffisante. Cette situation explique l'appel au secteur privé, que l'on présente comme inévitable.
Le scénario nous est déjà connu : une assurance de base pour les plus pauvres, avec des prestations minimales, et un peu plus de confort pour ceux qui pourront payer. C'est ce que nous propose notre rapporteur, en s'appuyant opportunément sur la proposition de loi de notre collègue Alain Vasselle. En un mot, vous proposez de rattraper et même de dépasser d'un seul élan l'Allemagne.
Cependant, le problème est encore plus grave que celui de la retraite, car les personnes concernées sont, par définition, dépendantes, donc dans une situation de fragilité qui est, la plupart du temps, définitive.
L'éclatement de la solidarité nationale atteint ici une dimension inacceptable. Il est purement et simplement inadmissible que la dépendance soit utilisée à des fins qui lui sont non seulement étrangères - je pense au travail gratuit - mais aussi nuisibles. C'est faire oeuvre de stigmatisation et non pas de solidarité.
II y a tromperie sur les objectifs, comme en témoigne le titre même de ce projet de loi, qu'il s'agisse de la prise en charge de la dépendance ou de l'assiette de son financement.
Pour toutes ces raisons, nous sommes totalement opposés au titre II de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Les personnes âgées dépendantes méritent mieux que la cacophonie que vous avez créée en instituant la suppression du jour férié du lundi de Pentecôte pour financer la dépendance des plus âgés d'entre nous.
Notre pays s'honorerait d'ailleurs à régler le problème de la dépendance avec davantage de dignité et même de solidarité et de grandeur. Il en va pour le groupe socialiste de plus de respect, de plus d'humanité et de plus de responsabilité envers celles et ceux qui forment la génération de nos parents ou de nos grands-parents, pour les plus jeunes d'entre nous.
Le sujet est grave : 15 000 morts l'été dernier ! Il constitue à la fois un problème de société majeur et un défi : il s'agit de maintenir la cohésion entre les générations, dont certaines aujourd'hui ont parfois près d'un siècle d'écart, et de garantir la dignité de nos anciens avec, comme cela a été dit tout à l'heure, un devoir de mobiliser la solidarité nationale. C'est là une évidence.
L'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, que nous avons mise en place, a concrétisé la logique d'un droit universel et objectif. Son corollaire évident, c'était donc un financement, lui aussi, universel et objectif. La dépendance était ainsi financée par la solidarité nationale et non par les revenus du travail.
A cette logique, vous avez en préféré une autre : financer le traitement de la dépendance en faisant travailler gratuitement une partie du pays, et une partie seulement, je ne reviens pas sur les démonstrations faites précédemment par mes deux collègues ! Vous avez besoin d'argent, donc vous taxez les salariés, tout en diminuant l'APA de 400 millions d'euros et en supprimant 300 millions d'euros aux maisons de retraite. Dans le même temps, vous allégez l'impôt de solidarité sur la fortune et vous diminuez l'impôt sur le revenu, en faisant d'ailleurs perdre à l'Etat l'équivalent de 1,8 milliard d'euros que vous recherchez aujourd'hui pour financer la dépendance. Vous donnez aux uns pour reprendre aux autres ! Vous donnez aux plus riches pour reprendre aux plus pauvres ! Je serais tenté de dire que vous puisez dans la poche des pauvres pour remplir celle des riches ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle. C'est caricatural !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Notre pays a aussi besoin des riches !
M. Bernard Cazeau. Mais j'avais déjà eu l'occasion de dire tout cela voilà deux ans à propos de l'APA, alors je n'y reviendrai pas.
Depuis hier soir, vous avez invoqué à plusieurs reprises, monsieur le ministre, la fraternité, je dirais plutôt la charité !
De plus, vous vous entêtez à traiter ce sujet sans concertation, au mépris du code du travail ! Dès lors, on ne s'étonnera pas que tous les syndicats, toutes les caisses de sécurité sociale, ainsi que le conseil national des retraités, se soient prononcés contre. Bien sûr, seul le mouvement des entreprises de France, le Medef, ne s'y est pas opposé. C'est ainsi que, pour la première fois depuis longtemps, le texte soumis au Parlement fait l'unanimité contre lui, alors même que le Gouvernement vient d'inscrire dans la loi une obligation de dialogue social. Une fois de plus, on est dans l'incohérence !
Que reste-t-il maintenant de votre journée de solidarité, face à la fronde de votre propre majorité, qui s'est manifestée hier soir, monsieur le ministre ? Devant cette réaction, vous avez dû reculer, procéder à des ajustements. Vous êtes prêt, maintenant, à laisser les partenaires sociaux choisir de façon décentralisée le jour idoine. Le lundi de Pentecôte ne serait plus le sacro-saint jour de la solidarité. Il ne serait choisi qu'à défaut d'accord, dans le privé comme dans le public. On entend même dire, à présent, que cette journée pourrait être divisée en autant d'heures, voire de minutes, de travail supplémentaire, tout au long de l'année. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Si le financement ne repose plus sur une journée supplémentaire de sept heures, mais sur quatorze demi-heures, vingt-huit quarts d'heures et je n'irai pas plus loin, la richesse créée ne sera plus seulement aléatoire, elle risque d'être nulle. Derrière la journée de solidarité se profile bel et bien, ne vous en déplaise mes chers collègues, un nouvel impôt ! Nous serons bien évidemment contre ce dispositif !
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 34 est présenté par MM. Domeizel, Cazeau, Chabroux, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 44 est présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Comme je l'ai déjà annoncé, notre amendement tend à supprimer l'article 2. Il ne s'agit pas d'un article ou d'un texte organisant la solidarité en direction des personnes dépendante, nous l'avons dit. Il s'agit plutôt de charité publique obligatoire. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La véritable motivation de ce texte est certainement de revenir sur la réduction du temps de travail.
La réduction du temps de travail, la RTT, a pourtant permis de créer au moins 350 000 emplois !
M. Jean Chérioux. Cela reste encore à prouver !
M. Gilbert Chabroux. C'est incontestable ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Et combien d'emplois a-t-elle fait perdre ?
M. Gilbert Chabroux. Une nouvelle fois, vous faites subir aux salariés français la rengaine habituelle sur le coût du travail trop élevé, sur la nécessité de revaloriser et de réhabiliter le travail comme valeur. Pour faire bonne mesure, il faut encore ajouter les insinuations de certains responsables gouvernementaux visant à culpabiliser nos concitoyens pour s'exonérer de leurs propres responsabilités et de leur impéritie dans le drame de la canicule.
M. Jean Chérioux. Parce que, selon vous, ce qui s'est passé, c'est à cause de leur « impéritie » ?
M. Gilbert Chabroux. Manifestement, ces arguments ne portent pas. Vous nous permettrez de vous faire observer que la plupart des chômeurs ne demandent qu'à retrouver un emploi et sont parfaitement conscients de la valeur travail, valeur tant monétaire que morale. Ils ne sont en rien responsables du taux de chômage de 10 % que notre pays a atteint après deux ans de politique libérale.
M. Jean Chérioux. Et après combien d'années de politique socialiste ?
M. Gilbert Chabroux. Vous nous permettrez également de vous faire observer que les rémunérations des patrons de grandes entreprises ont encore augmenté de 20 % en 2003 et s'élèvent en moyenne à plus de 2 millions d'euros par an, au seul titre de l'entreprise qu'ils président, car il y a en plus les à-côtés. Ces montants astronomiques ne suscitent aucun commentaire défavorable de la part des membres du Gouvernement ou de la majorité sénatoriale.
M. Guy Fischer. Sur ce sujet, on n'entend pas beaucoup M. Vasselle ! (M. Vasselle proteste.)
M. Gilbert Chabroux. Le jour de solidarité que vous prétendez imposer aux salariés a fait son apparition dès le 27 août 2003 dans une déclaration du Premier ministre, comme une solution miraculeuse après la canicule. Dans les jours qui ont suivi, le lundi de Pentecôte a été avancé, toujours sans aucune concertation avec les partenaires sociaux et les organismes de sécurité sociale. Des sommets d'incohérence et de confusion ont alors été atteints. Tous les élus locaux, et notre assemblée n'en manque pas, savent que le week-end de Pentecôte est propice à des manifestations non seulement religieuses, mais aussi sportives, associatives et touristiques.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le cas pour tous les jours fériés !
M. Gilbert Chabroux. Tout cela joue un rôle important pour l'économie locale, particulièrement dans les zones rurales et touristiques.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Parce que vous pensez que l'Ascension ne joue aucun rôle pour les économies locales ?
M. Gilbert Chabroux. Vous n'avez pas craint le paradoxe et vous n'avez pas hésité, sous prétexte de dégager de nouvelles recettes fiscales, à commencer par pénaliser les professionnels du tourisme et l'économie des collectivités territoriales. Cette diminution prévisible de leurs ressources ne vous empêche pas de prévoir que tous devront pourtant acquitter votre nouvel impôt. Comme il s'avérait décidément que l'obligation uniforme de travailler le lundi de Pentecôte posait trop de problèmes, notre collègue rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Denis Jacquat, a fait adopter un amendement prévoyant la négociation sur le choix du jour de solidarité. Le lundi de Pentecôte devient en quelque sorte subsidiaire. Mais on y reviendra certainement, tant les difficultés sont grandes pour que les négociations puissent aboutir à un accord.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous, nous faisons confiance aux partenaires sociaux !
M. Gilbert Chabroux. Dans chaque entreprise, on pourrait choisir un autre jour férié, hormis le premier mai, un jour de RTT ou encore un autre jour précédemment non travaillé. C'est donc bien la réduction du temps de travail qui est visée !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
M. Gilbert Chabroux. Là aussi, c'est véritablement l'organisation de la confusion. Les négociations dans les branches et dans les entreprises viennent à peine de se clore. Elles ont souvent permis des avancées, non seulement pour les salariés, mais aussi en termes d'organisation du travail. Vous proposez de les rouvrir pour y inclure votre augmentation du temps de travail annuel, si toutefois on peut véritablement parler de temps de travail, puisqu'il n'est pas rémunéré mais gratuit !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'est pas gratuit ; il a de la valeur !
M. Gilbert Chabroux. Quels syndicats, quels représentants du personnel vont demain négocier une augmentation du temps de travail non rémunérée ? Et même quels employeurs ?
Aujourd'hui, les salariés qui travaillent un jour férié bénéficient fort justement d'une prime. Cela, bien que ne figurant pas dans le code du travail, est durablement établi par l'usage et les conventions collectives. Désormais, vous souhaitez que les salariés travaillent gratuitement un jour qui était auparavant férié. C'est un véritable dol ! Ils seront en effet privés de leur rémunération nette, mais aussi des primes afférentes à un jour férié. Et s'il s'agit de travailler un jour de RTT, c'est à la rémunération des heures supplémentaires qu'il sera porté atteinte. Vous prenez d'ailleurs soin de préciser que cette journée de travail n'entrera pas dans le décompte des heures supplémentaires ou complémentaires et ne donnera pas lieu à repos compensateur. La situation des salariés à temps partiel, qui sont le plus souvent précarisés, sous-payés et contraints, n'en est que plus choquante.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous êtes de mauvaise foi !
M. Gilbert Chabroux. Vous avez d'ailleurs inventé une notion juridique inédite en droit du travail. Non seulement vous avez créé le jour travaillé non rémunéré, mais, en plus, en décidant que le lundi de Pentecôte figurerait toujours dans la liste des jours fériés de l'article L. 221-2 du code du travail, vous venez de créer le jour férié travaillé non rémunéré.
M. Alain Vasselle. C'est normal : nous faisons la loi.
M. Gilbert Chabroux. Je crains que vous n'alliez au devant de difficultés lorsque les salariés vont prendre pleinement conscience du préjudice qu'ils subissent.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils le diront à leurs aînés !
M. Gilbert Chabroux. Tout cela justifie pleinement que nous demandions la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 44.
M. Roland Muzeau. La mesure phare du plan de solidarité pour l'autonomie, la suppression d'un jour férié, en l'occurrence le lundi de Pentecôte, a concentré l'essentiel des critiques, de la part tant des syndicats que de la classe politique.
Rien de surprenant que les salariés, une fois de plus sollicités, car devant travailler un jour supplémentaire sans être rémunérés en retour, se soient sentis « dindons », comme l'a titré un éditorialiste du journal Libération. « Dindons », ils le sont, car cela ressemble moins à de la solidarité qu'à de la charité forcée, ne vous en déplaise malgré vos dénégations d'hier et d'aujourd'hui ! Toujours en empruntant les termes de ce journaliste, ce choix est « détestable pour les personnes dépendantes qui méritent mieux de la nation que d'être assimilées à un fardeau ».
Je partage évidemment cette analyse que je complète par d'autres arguments qui militent eux aussi contre le mode de financement retenu. Nous l'avons dit, dans son principe même, il est inacceptable. On ne saurait financer la protection sociale par l'allongement de la durée du travail. Certes, nos voisins allemands nous ont précédés sur cette voie dite « généreuse ». Mais cela ne saurait suffire à justifier un tel choix, d'autant qu'aujourd'hui nos voisins en sont à se demander si un deuxième jour férié ne devrait pas être supprimé et si, de surcroît, l'assurance dépendance, quant à elle, ne devrait pas être privatisée. Peut-être M. Vasselle a-t-il pris quelques conseils outre-Rhin !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas de provocation !
M. Guy Fischer. M. Vasselle est un précurseur !
M. Alain Vasselle. Ne me provoquez pas, sinon je serai obligé de prendre la parole ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Ce serait avec bonheur, monsieur Vasselle !
Le Medef attendait depuis l'entrée en vigueur des lois Aubry que l'on puisse revenir sur la RTT, incitant au développement de la culture de la paresse notamment. Le Gouvernement l'a fait au détour d'un projet de loi habillé d'un titre faisant référence à la solidarité. Le mouvement continu depuis 1936 de réduction de la durée légale du travail est désormais interrompu.
Les Français, ceux qui ont un emploi, les salariés, les fonctionnaires, devront travailler plus longtemps sans pour autant gagner plus. N'était-ce pas là pourtant un leitmotiv du Gouvernement ?
Le dispositif prévoyant de financer la dépendance par la suppression du lundi de Pentecôte ou, par la voie de la négociation collective, par la suppression du caractère légal d'un autre jour férié, d'un jour de RTT ou de tout autre jour précédemment non travaillé, est totalement inéquitable. En effet, il ne frappe pas l'ensemble de la nation, pas plus qu'il ne touche l'ensemble des revenus à même hauteur, épargnant en particulier ceux du capital.
Par ailleurs, des doutes forts existent également sur l'efficacité de ce choix, en termes de croissance et d'emploi. En revanche, une chose est sûre : les moyens ainsi dégagés seront totalement insuffisants. Nombreux sont ceux qui pensent, comme nous, que cette solution, qui ne s'inscrit pas dans le cadre de la solidarité nationale, s'appliquera difficilement dans la mesure où, assez peu courageusement d'ailleurs, le Gouvernement a renvoyé aux entreprises et aux branches le choix entre un jour férié et un jour de RTT.
Tout à l'heure, certains de nos collègues nous expliqueront que, dans certaines entreprises où le lundi de Pentecôte est aujourd'hui chômé, notamment celles fonctionnant sans interruption, il est nécessaire d'aménager la règle, voire de les exonérer de la cotisation correspondant à ce nouveau jour travaillé. Assurément la voie choisie n'est pas la bonne.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons avec force la suppression de l'article 2, portant création d'une journée de solidarité sous la forme d'un jour de travail non rémunéré.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par MM. Mouly et Vasselle, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 212-16 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'entreprise travaille en continu ou est ouverte tous les jours de l'année, l'accord collectif, ou, à défaut, l'employeur, peut fixer, le cas échéant, une journée de solidarité différente pour chaque salarié.
La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Je le dis clairement : cet amendement s'inscrit dans la logique d'une attitude, d'un geste, d'un acte de générosité auquel sont appelés nos concitoyens. Les personnes âgées, les personnes handicapées sont à nos yeux tout sauf un fardeau, mon cher collègue, et nous considérons qu'elles méritent un effort de la part des Français.
L'objet de l'amendement n° 60 est donc de permettre, par accord collectif ou, à défaut, par décision de l'employeur, de fixer une journée de solidarité différente pour chaque salarié lorsque l'entreprise travaille en continu ou est ouverte tous les jours de l'année, possibilité qui n'est pas explicitement prévue dans le projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Pelletier, Cartigny, Barbier, Demilly, Désiré, Fortassin, Joly, Larifla, Vallet et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 21216 du code du travail, par une phrase ainsi rédigée :
« II en est de même lorsque la journée de solidarité est, en l'absence de convention ou d'accord, fixée le lundi de Pentecôte, pour les salariés ne travaillant pas ordinairement le lundi en vertu de la répartition de leur horaire hebdomadaire de travail sur les différents jours de la semaine. »
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement a pour objet de préciser les modalités de détermination de la journée de solidarité afin d'éviter certaines difficultés.
Aux termes de l'article 2, c'est seulement dans les entreprises où le lundi de Pentecôte est aujourd'hui travaillé que les employeurs pourront déterminer unilatéralement dans quelles conditions il sera possible de fixer un autre jour ; dans les entreprises où le lundi de Pentecôte est aujourd'hui chômé, en revanche, la date de la journée de solidarité ne pourra être modifiée que par accord collectif de branche ou d'entreprise.
Comme on peut s'attendre à ce que le consensus ne soit pas souvent atteint, de nombreuses entreprises vont devoir s'en tenir au lundi de Pentecôte, ce qui n'ira pas sans poser quelques problèmes à tous les salariés de cette entreprise qui seront amenés à venir travailler ce jour-là : l'organisation du travail sera extrêmement difficile.
Ce point a été abordé à l'Assemblée nationale, qui a adopté un amendement portant sur cette question mais n'a pas résolu les problèmes d'organisation du travail que soulèvera la fixation de cette journée de solidarité, en l'absence d'accord collectif, au lundi de Pentecôte. Il est donc nécessaire d'adopter l'amendement n° 1 rectifié bis, visant à supprimer la modification apportée par l'Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Pelletier, Cartigny, Barbier, Demilly, Désiré, Fortassin, Joly, Larifla, Vallet et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Supprimer les deux dernières phrases du sixième alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 21216 du code du travail.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à étendre à d'autres secteurs les dispositions proposées à l'amendement précédent.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Pelletier, Cartigny, Barbier, Demilly, Désiré, Fortassin, Joly, Larifla, Vallet et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 21216 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux services des entreprises qui fonctionnent en continu répondant aux conditions fixées par les 1° et 2° de l'article L. 22110 du code du travail, ni aux services des entreprises ouverts au public la totalité des jours de l'année. »
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement, dans la suite de celui de M. Mouly, revient sur la situation des entreprises travaillant en continu, qu'il a pour objet de soustraire à l'obligation en question.
M. le président. L'amendement n° 71 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 21216 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Les présentes dispositions ne s'appliquent pas aux salariés compris dans le champ d'application de l'article L. 2222. »
La parole est à M. Louis Moinard.
M. Louis Moinard. L'article L. 222-2 du code du travail vise les jeunes travailleurs, qui ne peuvent travailler pendant les jours fériés. Il ne paraît pas équitable de leur supprimer un jour férié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Sans reprendre l'ensemble de leurs arguments, parce que nous nous sommes déjà largement expliqués sur ce sujet, j'exprimerai aux auteurs des amendements nos 34 et 44 mon étonnement devant le refus de solidarité et le manque de générosité qui transparaissent dans leurs propos.
M. André Lardeux, rapporteur. Il semble que la solidarité soit pour les autres, mais jamais pour ceux à qui l'on s'adresse !
M. Roland Muzeau. C'est à la solidarité nationale de s'exercer !
M. Guy Fischer. Nous demandons que les riches paient plus !
M. Alain Vasselle. Oh là là !
M. André Lardeux, rapporteur. Monsieur Muzeau, la réduction du temps de travail a commencé bien avant 1936 - c'est mon défaut de professeur d'histoire qui ressort ici -, et bien avant que le parti communiste existe sur cette terre.
M. Roland Muzeau. Nous avons eu des prédécesseurs !
M. André Lardeux. , rapporteur. Il faudrait donc refaire toute l'histoire !
M. Chabroux et ses collègues se sont émus des salaires que percevaient certains chefs d'entreprise. Sans commenter davantage, je crois qu'il faudrait élargir le propos et s'émouvoir de la même façon devant les émoluments que perçoivent certaines vedettes du sport, de la chanson ou du cinéma,...
M. Gérard Cornu. Et de la télévision !
M. André Lardeux, rapporteur. ... qui consentent d'ailleurs bien moins d'efforts que certains patrons ! J'aurais aimé, mon cher collègue, que vous les évoquiez !
M. Roland Muzeau. Déposez un amendement !
M. André Lardeux, rapporteur. Par ailleurs, mes chers collègues, votre intervention appelle de ma part une petite critique, si vous m'y autorisez : j'attends avec intérêt les contre-propositions que vous formulerez pour résoudre les problèmes auxquels le Gouvernement essaie d'apporter des solutions.
En revanche, je suis rassuré sur un point : j'ai noté que vous étiez opposés à l'augmentation des impôts et que, même, vous feriez probablement des propositions pour diminuer les charges publiques - ce que, moi aussi, j'appelle de tous mes voeux.
J'en viens à l'avis de la commission sur les amendements.
Les amendements identiques nos 34 et 44 ayant pour objet de supprimer l'article 2 et de vider ainsi le projet de loi d'une partie essentielle du dispositif qu'il contient, la commission émet un avis évidemment défavorable.
L'amendement n° 60 apporte une précision très utile qui résoudrait une bonne partie des difficultés posées par l'instauration de la journée de solidarité aux entreprises fonctionnant en continu et qui leur permettrait de s'organiser pour accroître effectivement leur production de biens et services. L'avis de la commission est donc favorable.
Sur l'amendement n° 1 rectifié bis, qui vise à régler le cas des salariés ne travaillant pas ordinairement le lundi lorsque la journée de solidarité est fixée au lundi de la Pentecôte, la commission a aussi émis un avis favorable. En renvoyant à un accord collectif ou, à défaut, à la décision du chef d'entreprise le soin de fixer un autre jour, il instaure en effet une procédure simple et, par ricochet, résout, au moins en partie, les difficultés posées par la situation des personnes en temps partiel.
Dans la même logique, je suis également favorable à l'amendement n° 2 rectifié bis.
En revanche, je suggère à M. Barbier de retirer l'amendement n° 3 rectifié bis ; à défaut, je serai contraint de lui opposer un avis très défavorable, car son adoption réduirait de façon considérable l'assiette de prélèvement et conduirait à mettre en danger le financement de l'autonomie que l'on entend mettre en oeuvre par le projet de loi.
L'amendement n° 71 rectifié est un amendement intéressant qui vise les salariés jeunes. Si ceux-ci sont amenés à travailler un jour férié, la législation actuelle s'appliquera ; en revanche, il me semble difficile d'étendre cette disposition aux cas où la journée de solidarité serait un jour autre que férié, car, s'appliquant aussi aux entreprises artisanales, elle rendrait leur fonctionnement difficile. Je suggère donc à M. Moinard de retirer son amendement ; sinon, l'avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement est évidemment défavorable aux amendements identiques, présentés par MM. Chabroux et Muzeau, tendant à la suppression de l'article 2 : ils marquent en effet le refus du principe même de la journée de solidarité et de son financement.
Vous avez notamment demandé, messieurs, s'il y avait eu concertation : les caisses de sécurité sociale ont été consultées sur ce texte, et les partenaires sociaux y sont présents !
Par ailleurs, je vous rappelle que le projet de loi a été déposé en janvier et que la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social n'a été adoptée qu'en avril. Au demeurant, celle-ci constitue une réponse au comportement des gouvernements précédents : pour la loi de modernisation sociale, par exemple, les partenaires sociaux ont été consultés le lendemain du dépôt du projet de loi par le Gouvernement !
La loi régissant le dialogue social va nous imposer le temps du dialogue, le temps de la réflexion, qui, je vous le rappelle, est fixé par principe à six mois. Je l'ai déjà annoncé, le Gouvernement, sur des sujets aussi importants que la modernisation du code du travail, l'incitation des seniors au travail ou le financement de la vie syndicale, respectera ce délai. Dès demain, nous entamons des procédures de concertation, et c'est bien une démarche de confiance dans les partenaires sociaux et dans le dialogue que nous engageons ainsi.
Voilà pourquoi, y compris dans ce projet de loi, nous faisons confiance aux partenaires sociaux pour trouver des accords.
Sur la rupture du principe d'égalité, et sans même évoquer l'horaire moyen annuel des artisans ou des professions libérales - qui, selon les études conduites par divers organismes, avoisine plutôt les 2 000 heures, il est bon de ne pas l'oublier ! -, il me paraît essentiel de rappeler que les artisans contribuent pour leurs salariés.
De même, l'effet de l'inégalité entre entreprises de main-d'oeuvre et entreprises de services est en réalité neutre, parce que c'est le surcroît de valeur ajoutée produite qui équilibre la contribution.
Quant au pouvoir d'achat, c'est justement la solution retenue par le Gouvernement qui le préserve, et c'est une augmentation des charges qui l'aurait grevé !
Voilà pourquoi le Gouvernement, sur ces deux amendements identiques, émet un avis défavorable.
Nous sommes favorables à l'amendement n° 60, présenté par M. Mouly, car la précision qu'il apporte nous semble utile pour les entreprises qui travaillent en continu - c'est aussi une réalité.
Le Gouvernement a également émis un avis favorable sur l'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par M. Barbier. En effet, si le projet de loi a prévu un large renvoi à la négociation, l'amendement pose qu'en cas de carence la journée de solidarité restera fixée au lundi de Pentecôte.
Nous sommes encore favorables à l'amendement n° 2 rectifié bis, qui complète le précédent et me donne l'occasion de répondre à Mme Desmarescaux sur le chèque emploi-service : les salariés non mensualisés seront astreints à la journée de solidarité, comme tous les salariés, mais, à la différence des autres salariés, ils seront rémunérés. Travailler plus pour gagner plus, oui, monsieur Muzeau, c'est la réalité pour ceux qui ne sont pas mensualisés !
Pour ce qui est de l'amendement n° 3 rectifié bis, il nous semble que le dispositif mis en place dans le projet de loi permet une souplesse suffisante pour que des réponses adaptées soient apportées par les entreprises fonctionnant de manière particulière, nous l'avons vu avec l'amendement n° 60 pour le travail en continu. Voilà pourquoi nous souhaiterions, monsieur Barbier, que vous retiriez cet amendement, qui nous paraît, au moins partiellement, satisfait.
Sur l'amendement présenté par M. Moinard, la fixation de la journée de solidarité entraîne deux types de situation qu'a rappelés M. le rapporteur : si la journée est fixée un jour férié, elle ne concerne pas les jeunes salariés ; si un accord collectif fixe un jour non férié, il appartient aux partenaires sociaux de se prononcer sur les conditions dans lesquelles les jeunes travailleurs seront associés à l'effort de solidarité. C'est au dialogue que nous renvoyons cette décision.
Voilà pourquoi nous souhaitons, cher monsieur Moinard, le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Barbier, l'amendement n° 3 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, si notre assemblée adopte l'amendement présenté par MM. Mouly et Vasselle, le problème des entreprises travaillant en continu se trouvera résolu.
Je retire donc mon amendement, qui est satisfait par l'amendement n° 60.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié bis est retiré.
Monsieur Moinard, l'amendement n° 71 rectifié est-il maintenu ?
M. Louis Moinard. J'ai déposé cet amendement parce que je compte parmi ceux qui souhaitent qu'un accord social permette de fixer la journée de solidarité à un autre jour qu'un jour férié.
Mon appel ayant été entendu, je retire mon amendement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 71 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 44.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote sur l'amendement n° 60.
M. Gilbert Chabroux. Je souhaite revenir sur les propos relatifs au dialogue social qu'a tenus M. le ministre : ce serait un élément nouveau, puisque la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social n'a été votée que très récemment !
Toutefois, on parle de dialogue social depuis longtemps ! Nous avons en mémoire les propos que tient le Président de la République tous les 14 juillet : il répète en substance qu'il faut un dialogue social, qu'il ne faut pas s'engager dans cette culture de l'affrontement. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Le Premier ministre, à l'occasion de sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002 - c'était le gouvernement précédent, soit, mais tout de même, il y a une continuité : Raffarin I, Raffarin II, Raffarin III -, ...
M. Gilbert Chabroux. ... le Premier ministre, donc, avait indiqué qu'il était très ouvert à la démocratie sociale, au dialogue social, « préalable nécessaire au règlement de nos dossiers majeurs ».
Alors, monsieur le ministre, ne dites pas que vous ne savez pas ! Vous êtes trop averti de ces questions pour tenir de tels propos.
Où est le dialogue social ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous êtes mal placé, tout de même !
M. Gilbert Chabroux. Quand a eu lieu la concertation avec les partenaires sociaux que vous avez évoquée ? Elle aurait eu pour cadre les conseils d'administration de la CNAM, de la CNAV, de la MSA, de l'ACOSS. Enfin ! Est-ce cela la concertation ? Vous savez très bien que ces organismes se sont unanimement opposés à votre texte !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela n'empêche pas !
M. Gilbert Chabroux. Certes, cela n'empêche pas : on peut agir contre l'avis des partenaires sociaux et c'est ainsi que vous avez procédé pour les retraites, c'est ainsi que vous procédez pour la dépendance et c'est ainsi que vous allez procéder pour l'assurance maladie.
Je vous souhaite beaucoup de courage !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous n'en manquons pas !
M. Gilbert Chabroux. Nous verrons les résultats !
M. le président. La parole est à M. Jean Pépin, pour explication de vote.
M. Jean Pépin. Je voterai les amendements qu'a acceptés M. le ministre.
Il est bien joli de parler du dialogue social et d'en faire une rengaine mais, monsieur Chabroux, combien y avait-il de catégories de SMIC à l'époque de M. Jospin ? Il y en avait six ! Le dialogue social était si efficace que personne parmi les smicards - ce mot est horrible ! - n'avait connaissance de ce chiffre !
Aujourd'hui, il n'existe plus qu'un SMIC ; c'est le résultat de l'action de M. Raffarin et de ses équipes gouvernementales successives, avec une mesure qui pèse 11 % de plus.
A défaut de dialogue social, cela constitue une réponse sociale majeure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote sur l'amendement n° 1 rectifié bis.
M. Gilbert Chabroux. Nous voterons évidemment contre cet amendement, qui se situe dans la logique d'un texte que nous rejetons dans son ensemble.
Nous relevons toutefois, dans l'objet qui l'accompagne, une phrase qui nous semble particulièrement révélatrice de l'opinion réelle des employeurs et donc, probablement, de la plupart de nos collègues de la majorité : « Etant donné le peu de consensus qui existe sur le principe de faire travailler les seuls salariés un jour de plus pour financer en partie le plan dépendance, les accords collectifs sur cette question ne seront sans doute pas faciles à conclure. Aussi, beaucoup d'entreprises vont devoir s'en tenir au lundi de Pentecôte. »
Nous constatons tous, mes chers collègues, que cette idée faussement généreuse ne rencontre pas l'unanimité.
M. Gilbert Chabroux. Vous exprimez, au fond, de nombreuses réserves, vous vous interrogez beaucoup.
Vous observez que seuls les salariés sont pénalisés, ce qui est une injustice manifeste ; nous, nous avons le mérite de le dire clairement.
Vous savez déjà que les accords collectifs ne seront pas légion, que cela ne marchera pas. Vous en concluez, comme nous, que le lundi de Pentecôte sera choisi pour éviter d'ouvrir les discussions.
M. Gilbert Chabroux. En réalité, il n'y aura aucune négociation, aucun dialogue social, aucune réponse sociale, pour reprendre vos propres termes, à aucun échelon. Cela n'est pas surprenant !
Parce qu'ils n'ont pas pour rôle de faciliter la mise en place dans l'entreprise d'un jour de travail gratuit, les représentants du personnel ne provoqueront pas de négociations.
Quant aux patrons, ils ne feront pas mieux ! Ils ne s'engageront pas dans cette voie ! Nous sommes curieux de voir comment ils s'y prendront, à l'échelon des branches, pour finaliser ou mettre en place d'éventuelles négociations. D'avance, nous en connaissons approximativement le résultat !
Cet amendement indique de surcroît que le plan dépendance ne sera financé qu'en partie par cette journée de travail non rémunérée. Monsieur Vasselle, cela justifie évidemment que l'on pense déjà à prévoir un financement par capitalisation.
On nous explique dès à présent que le système ne peut pas fonctionner correctement, qu'il suscite le rejet, qu'il est injuste et incohérent. Voilà ce que vous dites en y regardant bien, en lisant parfois entre les lignes. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Si nous étions naïfs, nous pourrions nous demander pourquoi, alors que l'expérience allemande de la journée de solidarité, à l'usage, rencontre les mêmes difficultés et insuffisances, le Gouvernement et la majorité nous proposent un système comparable.
Mais nous avons plutôt le sentiment que le scénario a été écrit par avance. Comme vous nous l'indiquez si obligeamment, vous savez que le système ne fonctionnera pas. Après l'avoir mis bruyamment en place à l'Assemblée nationale, vous allez, dans le silence des médias, imposer le financement par capitalisation au Sénat, monsieur Vasselle. Tel est le véritable objectif de cette opération avec le retour sur les 35 heures. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je ne vais pas répondre chaque fois à M. Chabroux mais, une fois de temps en temps, il me faut prendre la parole tout de même.
Cela m'étonne qu'un professeur d'école fasse une lecture aussi partisane d'un document lorsque nous savons que la caisse de solidarité qui va être créée financera à la fois les handicapés et les personnes dépendantes ! Dès lors, il est tout à fait normal que les auteurs de l'amendement précisent que le bénéfice de cette journée de travail non rémunéré ne servira que partiellement au financement de ces dernières.
Vous voyez bien, monsieur Chabroux, que votre lecture est partisane. Vous continuez à jouer les provocateurs et à essayer de troubler les esprits pour faire croire à l'opinion que nous n'avons pas le sens de la solidarité et que nous ne voulons faire contribuer que ceux qui souffrent déjà d'avoir des revenus faibles.
C'est parfaitement inexact, convenez-en ! Vous opinez de la tête et je vous en remercie, monsieur Chabroux. Dans ces conditions, vous auriez pu vous passer d'intervenir !. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Le code rural est ainsi modifié :
1° A l'article L. 713-19, les références : « L. 212-9 et L. 212-15-1 à L. 212-15-4 » sont remplacées par les références : « L. 212-9, L. 212-15-1 à L. 212-15-4 et L. 212-16 » ;
2° Aux articles L. 713-14 et L. 713-15, le nombre : « 1 600 » est remplacé par le nombre : « 1 607 ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 35 est présenté par MM. Domeizel, Cazeau, Chabroux, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 35.
M. Gilbert Chabroux. Vous ne serez pas étonnés : il s'agit également d'un amendement de suppression.
II apparaît clairement au fil de ce débat que, sur le plan législatif, la plus grande incertitude règne et alimente l'inquiétude.
L'urgence, après ce qui s'est passé en 2003, de présenter un plan avant l'été prochain et votre volonté politique de dissocier la prise en charge de la dépendance de l'assurance maladie vous ont conduit à précipiter les évènements.
Nous avons donc actuellement en chantier : l'assurance maladie, qui est un énorme dossier ; le projet de loi sur les personnes handicapées, que nous avons examiné ici en première lecture et dont la discussion commence à l'Assemblée nationale ; le projet de loi sur les responsabilités locales, qui a fait l'objet d'une première lecture ici et à l'Assemblée nationale, mais dont nous ne savons pas ce qu'il va devenir ; et le présent texte sur le plan dépendance.
Comment tout cela va-t-il s'articuler sachant que nous attendons encore les conclusions de la mission Briet-Jamet et qu'il y aura une deuxième loi pour déterminer le rôle de la caisse que l'on va créer aujourd'hui ?
Enfin, mes chers collègues, comment travaillons-nous ? Quelle considération a-t-on pour le travail parlementaire ?
Nous sommes vraiment perplexes et déçus par cette façon de procéder. Nous avons le sentiment que vous voulez absolument éviter une réflexion globale et partagée sur la prise en charge de la dépendance !
Je le répète, nous allons discuter de la réforme de l'assurance maladie : il serait donc pertinent d'attendre quelques semaines.
D'une part, vous affirmez la solidarité nationale et le droit à compensation, comme dans le projet de loi sur les handicapés. D'autre part, vous vous déchargez sur les collectivités territoriales, vous créez délibérément une assiette de financement que chacun sait insuffisante et vous en profitez pour introduire un financement privé.
II y a bien loin des affirmations de principe aux réalités.
L'article 3 concerne le monde rural. Là aussi, quelle concertation avez-vous mise en oeuvre avec les organisations professionnelles ? M. le ministre délégué va nous répondre, mais apparemment aucune. Et cela se comprend fort bien ! On voit mal une organisation agricole - pour n'en citer qu'une, la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA - expliquer à ses mandants qui emploient un ou deux salariés que, dorénavant, il leur faudra acquitter une surtaxe de 0,3 %, alors qu'elle n'a pas protesté publiquement contre cette mesure.
On peut en effet s'interroger : quelle richesse nouvelle un agriculteur va-t-il créer en employant gratuitement un salarié une journée supplémentaire ? S'il est un secteur où la charge de travail est encore moins susceptible d'évoluer qu'ailleurs, c'est bien l'agriculture.
Que va-t-il en résulter ? L'agriculteur qui emploie un salarié devra acquitter une surtaxe pour une création de richesse inexistante, celui qui n'emploie personne ne devra rien.
Dans son rapport, notre collègue député Denis Jacquat reconnaissait déjà involontairement cette absurdité qui frappe les agriculteurs, les commerçants, les artisans et les professions libérales. Selon lui, « il est cependant difficile d'exiger une journée de travail supplémentaire de professions dont le temps de travail n'est pas décomptable et rarement compté. Là aussi, il s'agirait d'un prélèvement supplémentaire qui ne serait pas assis sur la création de richesses supplémentaires. »
On comprend d'ailleurs mal la subtilité de ce raisonnement. L'agriculteur ou le commerçant sont des travailleurs acharnés, qui ne comptent pas leur temps. Ils sont donc de remarquables créateurs de valeur. Dès lors, en bonne logique, si je suis les arguments du rapporteur de l'Assemblée nationale, c'est à eux qu'il faudrait imposer une nouvelle journée de travail gratuit. Mais voilà que l'on nous dit le contraire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est ce que vous souhaitez ? Tous les agriculteurs apprécieront !
M. Gilbert Chabroux. Non ! Je souhaite que l'on rejette globalement ce texte, et vous le savez très bien, monsieur About !
Je vous repose la question : en quoi la journée de travail supplémentaire d'un agriculteur ne créerait-elle pas de richesse, alors que celle du salarié agricole va en créer ? C'est tout de même étonnant !
Outre l'inégalité qui en résulte, et l'aspect « anti-emploi » sur lequel je ne reviens pas, cette journée travaillée non rémunérée va immanquablement créer des difficultés relationnelles et des incompréhensions. On peut même se demander si elle va réellement pouvoir être appliquée.
Ce système est totalement irréaliste. Nous demandons donc la suppression de cet article, qui est tout à fait inopérant.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 45.
M. Roland Muzeau. L'article 3 concerne le secteur agricole et précise les conditions d'application en matière de temps de travail.
Il est à noter que, contrairement à ce que la majorité veut bien affirmer, tous les Français ne sont pas égaux, au vu de la situation des exploitants agricoles, des professions libérales, des commerçants, qui sont exonérés de l'effort de solidarité nationale.
M. André Lardeux, rapporteur. Et de la situation des salariés de la SNCF !
M. Roland Muzeau. Nous ne demandons d'ailleurs pas que tous les Français soient égaux. Nous demandons la suppression de cette mesure pour tous ceux qui sont aujourd'hui ponctionnés de manière absolument injuste et inefficace.
Nous sommes, chacun l'a bien compris, totalement hostiles à l'allongement de la durée du travail. Certes, monsieur le rapporteur, l'histoire moderne ne commence pas en 1936. Mais si nous en restons à des périodes dont nous avons encore la mémoire, nous mesurons combien la réduction du temps de travail a été le moteur de la construction d'une société moderne. Au fond, jamais la droite n'a accepté la réduction du temps de travail, qu'il s'agisse de l'adoption des 40 heures ou de la mise en oeuvre des 39 heures et des 35 heures.
J'ai ressorti, et peut-être seriez-vous bien inspirés de faire la même chose, le compte rendu des débats au Sénat sur la loi instaurant les 40 heures. C'est tout à fait remarquable. Si vous le souhaitez, je vous communiquerai certaines interventions savoureuses. A chaque fois, le discours du patronat, relayé dans les deux assemblées par la droite, a été le même : les salariés s'abandonneraient à la facilité, au laxisme, et seraient dépourvus de sens citoyen. Bref, la dénonciation de la paresse était le leitmotiv de vos prédécesseurs ; c'est le vôtre, aujourd'hui.
Les articles 2, 3, 4 et 5 déclinent les différents aspects de votre action de démolition du temps de travail et de votre remise en cause des 35 heures. Nous les dénonçons en proposant des amendements de suppression qui ne vous surprendront pas, bien évidemment. En quelque sorte, ce sont des amendements de cohérence contre la remise en cause des 35 heures, contre ce prélèvement indu qu'est une journée de travail non rémunérée.
En conséquence, mes chers collègues, je vous invite à supprimer ces articles.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après la seconde référence :
L. 212-15-4
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa (1°) de cet article :
, L. 212-16 et L. 212-17 » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 35 et 45.
M. André Lardeux, rapporteur. L'amendement n° 9 est un amendement de coordination.
S'agissant des amendements identiques nos 35 et 45, l'avis de la commission est bien sûr défavorable. Chers collègues de l'opposition, j'entends bien vos discours sur l'inégalité de traitement A cet égard, je vous lance un défi : commençons donc par réformer les retraites de la SNCF et d'EDF, pour ne citer que ces deux exemples ! (M. le président de la commission des affaires sociales s'esclaffe.)
M. Roland Muzeau. Et commençons à réformer les salaires des patrons du CAC 40 !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et le financement du comité d'entreprise d'EDF !
M. Roland Muzeau. Pourquoi pas ? On peut en parler !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement est naturellement défavorable aux amendements identiques nos 35 et 45. Vouloir exclure le secteur agricole de la mobilisation de la solidarité nationale ne nous paraît pas acceptable.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement de coordination n° 9.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, afin d'assurer une cohérence tout au long de notre débat, nous souhaiterions pouvoir nous prononcer en priorité sur l'amendement n° 9.
M. Guy Fischer. Vous voulez réduire le débat en nous bâillonnant !
M. Roland Muzeau. Manoeuvre !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas vrai ! Nous avons pu débattre !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
La parole est à M. Eric Doligé, pour explication de vote sur l'amendement n° 9.
M. Eric Doligé. Tout en acceptant que certains de mes collègues déposent des amendements de suppression, je n'admets pas qu'ils se permettent de caricaturer notre pensée.
Il est à mon sens insupportable de dire que nous ne respectons pas le travail et les salariés.
M. Roland Muzeau. Et pourtant...
M. Eric Doligé. Nous créons suffisamment d'entreprises dans nos collectivités et la droite respecte les salariés et le travail tout autant que la gauche
J'apprécierais donc, chers collègues de l'opposition, que les termes que vous avez employés ne soient pas trop souvent répétés, parce que cela devient insupportable et dédaigneux vis-à-vis des gens qui travaillent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 35 et 45 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
A défaut de convention ou d'accord conclu sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 212-16 du code du travail, sont de nul effet les stipulations des conventions et accords collectifs antérieurs à l'entrée en vigueur de la présente loi prévoyant le chômage du lundi de Pentecôte.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 36 est présenté par MM. Domeizel, Cazeau, Chabroux, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 46 est présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Gilbert Chabroux. Messieurs les ministres, l'article 4 reprend le principe selon lequel la date du jour travaillé non rémunéré est fixée par la négociation, le lundi de Pentecôte n'étant retenu que par défaut.
C'est donc ici que prend place la création du jour férié travaillé non rémunéré. Nous connaissons déjà en droit français le jour férié obligatoirement chômé, à savoir le 1er mai. Il est d'ailleurs tout à fait anormal qu'un certain nombre d'entreprises telles que des jardineries ou des établissements de restauration rapide passent outre cette interdiction de nature législative et fassent travailler leurs salariés ce jour-là, fût-ce moyennant une prime importante à l'échelle de la rémunération modeste de ces salariés qui sont le plus souvent précaires.
Avec ce projet de loi, nous connaîtrons donc le « jour férié obligatoirement travaillé », sauf accord collectif prévoyant un autre jour.
La question fondamentale qui se pose ici est celle de la justification de cette mesure. Cela revient à remettre en cause une disposition antérieure plus favorable, qu'il s'agisse d'ailleurs en l'espèce d'une disposition légale ou conventionnelle. Le Conseil constitutionnel, qui sera bien évidemment saisi, devra nous dire s'il confirme sa jurisprudence selon laquelle il considère que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ».
Sans doute la prise en charge de la dépendance est-elle un motif d'intérêt général. Si tel est le cas, on peut se demander pourquoi vous avez choisi une assiette de financement aussi étroite, sans concertation, et contre l'avis unanime, je le redis, des organismes sociaux. Ce premier point mérite débat.
L'assiette de financement exonère sans motif, même discutable, une partie de la population pourtant manifestement apte à apporter sa contribution à l'effort collectif. Si l'on perçoit bien la justification politicienne de cette exemption, on n'en discerne pas le motif juridique ni économique. Il y a là une indiscutable rupture de l'égalité des citoyens. Ce système permet à l'employeur d'exiger la présence du salarié ou la réalisation d'un travail sans avoir à honorer la créance salariale, fondement de la relation du travail. Il est donc exempté de son obligation.
Quels que soient les arguments avancés, le versement par l'employeur d'une surtaxe de 0,3 % destinée à alimenter une caisse de solidarité ne saurait être considéré comme une manière substituée d'honorer une créance salariale. Un organisme public ne saurait être considéré comme percevant légitimement une somme dont a été antérieurement privé le créancier légitime.
Je souhaite que vous apportiez quelques éléments de réponse à ces questions. Il n'y a, à mon sens, aucun fondement à s'insérer ainsi, fût-ce par un artifice juridique, dans une relation salariale et à se substituer au salarié.
Ce point est aggravé par le fait que, dans la plupart des situations, la surtaxe sera perçue alors qu'il n'y aura pas eu de création de richesse clairement mesurable. Je le redis, le Gouvernement, dans ce domaine, travaille avec beaucoup d'approximations, ce qui n'est pas fiscalement justifiable. L'assiette de ce nouvel impôt est totalement imprécise. Nous sommes ici en présence d'une aberration juridique. C'est une atteinte aux fondements de notre droit, au-delà même de la législation du travail.
Rupture de l'égalité des citoyens, atteinte au droit du travail, obligation de travail non rémunérée, de surcroît imposée à une partie seulement de la population, base fiscale hasardeuse, il sera intéressant d'entendre le Conseil constitutionnel se prononcer sur vos innovations juridiques. Mas nous souhaiterions que vous puissiez également nous dire ce que vous en pensez.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 46.
M. Roland Muzeau. Après le texte sur le dialogue social, c'est maintenant, avec cet article, la « casse » des conventions collectives et des accords collectifs qui prévoyaient le chômage et la rémunération du lundi de Pentecôte.
Les modifications, les aménagements, conviendrait-il plutôt de dire, ne changent en rien ce fait. : c'est le code du travail qui, texte après texte, est remis en cause.
Sur la réduction du temps de travail, il n'est pas inutile de rappeler ce que viennent de dire, par exemple, les PDG de Renault et de Peugeot qui, dans une déclaration récente publiée dans la presse il y a environ une semaine, appellent le Gouvernement à ne pas toucher aux 35 heures. Ecoutez bien, chers collègues, la raison est simple : ils indiquent que la flexibilité et l'annualisation du temps de travail ayant résulté de l'application des 35 heures ont amené leurs entreprises à des augmentations considérables de productivité, à des organisations de production qui, aujourd'hui, sont autrement plus efficaces qu'hier.
Je ne porte pas de jugement sur les conditions de travail, ce n'est pas le moment. Toujours est-il que ces deux PDG, parmi probablement bien d'autres, ont une lecture des 35 heures qui n'est apparemment pas très proche de la vôtre, tout au moins sur ces questionslà. Pour autant, on ne peut pas les soupçonner d'être pro-syndicalistes !
M. Louis Moinard. C'est pour cela qu'ils investissent en Slovaquie !
M. Roland Muzeau. Eh oui ! mesdames, messieurs de la droite sénatoriale, les 35 heures ont été un acquis, y compris pour les employeurs qui, avec vos déclarations guerrières ces dernières semaines, prennent peur. Vous arrivez à effrayer quelques employeurs. Il serait donc bien que vous relisiez vos discours et que vous revoyiez vos positions !
Pour conclure, nous considérons que la RTT est un progrès et nous la défendrons texte après texte, amendement après amendement.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après les mots :
code du travail, sont
rédiger comme suit la fin de cet article :
inopposables les stipulations des conventions et accords collectifs prévoyant le chômage du lundi de Pentecôte.
Sont également inopposables les clauses des conventions et accords collectifs prévoyant le chômage de la journée de solidarité lorsque celle-ci est choisie par accord d'entreprise ou par décision unilatérale de l'employeur en application des deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 212-16 du code du travail.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 36 et 46.
M. André Lardeux, rapporteur. L'amendement n° 10 vise à introduire quelques précisions aux dispositions de l'article 4.
Son principe est de permettre l'exercice d'une journée de solidarité, même lorsque le lundi de Pentecôte est déclaré chômé par une disposition conventionnelle. Cette dernière ferait dès lors obstacle, en l'absence d'accord, au travail des salariés.
Toutefois, plutôt que de rendre nulle cette disposition, la commission a préféré la rendre inopposable. Si, dans l'avenir, un accord prévoyait que cette journée n'était pas fixée au lundi de Pentecôte, la disposition conventionnelle rendue inopposable retrouverait sa force juridique.
Par ailleurs, l'amendement tend à étendre ce principe à l'ensemble des clauses figurant dans des accords collectifs qui pourraient faire obstacle à l'exécution de la journée de solidarité.
Quant aux deux amendements défendus par nos collègues du groupe socialiste et du groupe CRC, l'avis est bien sûr défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement émet naturellement un avis défavorable sur les deux amendements de suppression. En effet, l'article 4 garde son utilité, notamment de précision sur la règle applicable lorsque la journée de solidarité sera le lundi de Pentecôte.
L'amendement n° 10 de la commission tend à assurer une sécurité juridique en prévoyant de nouvelles garanties sur l'adaptation des clauses des accords collectifs. Voilà pourquoi nous y sommes extrêmement favorables.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande que le Sénat se prononce par priorité sur l'amendement n° 10.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote sur l'amendement n° 10.
M. Gilbert Chabroux. Puisque nous ne pourrons pas nous prononcer sur les amendements de suppression, je voudrais dire quelques mots sur l'amendement n° 10.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Faites- le !
M. Gilbert Chabroux. Nous avons entendu en commission la position de notre rapporteur, nous avons également lu la page 43 de son rapport. On ne peut en effet présumer, comme vous le dites, des résultats des négociations ni sous-estimer les obstacles s'opposant à leur réussite. C'est une opinion que nous partageons pleinement, je l'ai dit et répété.
Tant du coté patronal que du coté des salariés, il est évident que l'on n'ira pas de gaieté de coeur négocier l'impraticable pour les uns et l'inacceptable pour les autres. Vous anticipez donc avec raison lorsque vous précisez que des négociations globales pourraient avoir lieu et que certaines entreprises pourraient être amenées à conclure une dispense avec les représentants du personnel. Vous reconnaissez donc que cette affaire est mal engagée.
Vous connaissez certainement fort bien la position des employeurs, qui préfèrent éviter de revenir sur la négociation du temps de travail, et vous avez mesuré que, dans certains secteurs, il ne pourra y avoir création de richesses ; vous connaissez comme nous la position des syndicats.
Ces différents éléments conjugués font que nous nous trouvons en présence d'un nouvel impôt puisque la dispense de travail gratuit n'entraînera pas la dispense d'acquittement de la surtaxe.
J'attirerai votre attention sur deux points que vous avez, d'ailleurs, certainement remarqués comme moi : d'une part, vous allez créer une inégalité entre les entreprises qui vont pratiquer le jour de travail non rémunéré et celles qui ne le pourront pas ; d'autre part, certaines se verront infliger une taxe nouvelle alors qu'elles ne réaliseront aucun bénéfice supplémentaire tandis que d'autres réaliseront éventuellement ce bénéfice sans que l'on puisse toutefois le déterminer avec précision et acquitteront une surtaxe présumée inférieure aux nouveaux profits.
Où est la justice ? C'est un système très inégalitaire. Certains salariés devront effectuer une journée de travail non rémunérée et d'autres en seront dispensés.
Non contents de créer, sans aucune justification, des charges nouvelles pour les entreprises, vous instaurez des inégalités et une rupture des conditions de concurrence entre elles.
Non contents d'avoir créé une inégalité non justifiée entre les salariés et les non- salariés et entre les travailleurs indépendants et ceux qui emploient un ou deux compagnons, vous créez une inégalité entre les salariés eux-mêmes.
Mes chers collègues, faire la loi est une belle aventure, mais nous craignons néanmoins que le Gouvernement et la majorité du Sénat ne se hasardent dans des parages dangereux.
Ce dispositif ne tient pas et vous ne pouvez l'ignorer. Il permettra, certes, aux employeurs qui le pourront de revenir sur la réduction du temps de travail, mais vous savez que ce ne -sera pas le cas général, loin de là. Le silence des organismes patronaux depuis quelques jours est fort explicite. Est-ce pour cela d'ailleurs que le Gouvernement nous promet dès à présent de revenir sur la réduction du temps de travail au mois de septembre, mais en espérant que les entreprises accepteront de revenir sur une partie des exonérations de cotisations sociales patronales ? Quel marchandage !
Si le Gouvernement continue ainsi, la vraie question sera bientôt de savoir si la guerre menée contre la réduction du temps de travail mérite que l'on crée finalement tant de problèmes aux employeurs. Vous le voyez, nous les défendons.
Je relève en tout cas que le soutien affiché aux entreprises passe d'abord par une nouvelle taxe et la diminution de l'allègement des cotisations sociales. Loin de nous l'idée de critiquer cette nouvelle disposition d'esprit, mais ce discours n'est peut-être pas parfaitement cohérent.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 36 et 46 n'ont plus d'objet.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
La durée de travail fixée antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi par les stipulations des conventions ou accords collectifs et par les clauses des contrats de travail relatives à la durée annuelle en heures en application des articles L. 212-8 et L. 212-9 du code du travail et L. 713-14 du code rural ainsi que celles relatives au forfait en heures sur l'année en application du II de l'article L. 212-15-3 du code du travail est majorée d'une durée de sept heures par an. Le nombre de jours fixés par les clauses relatives au forfait annuel en jours en application du III de l'article L. 212-15-3 du même code est majoré d'un jour par an.
La durée de travail prévue antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi par les stipulations des conventions ou accords collectifs et par les clauses des contrats de travail relatives au temps partiel modulé sur l'année en application de l'article L. 212-4-6 du code du travail et au temps partiel annualisé validé dans les conditions prévues par le II de l'article 14 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail est majorée d'une durée proportionnelle à la durée contractuelle.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 37 est présenté par MM. Domeizel, Cazeau, Chabroux, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 47 est présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 37.
M. Gilbert Chabroux. Cet article majore les durées conventionnelles et contractuelles relatives à la durée légale annuelle du travail. Il s'agit d'un article technique qui complète le dispositif proposé par ailleurs, mais c'est surtout un article de retour sur la réduction du temps de travail.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On a compris !
M. Gilbert Chabroux. J'interroge mes collègues de la majorité : cet article exprime clairement vos objectifs de régression sociale. Nous demandons donc sa suppression.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La solidarité, ce n'est pas la régression !
M. Gilbert Chabroux. Nous sommes prêts à un débat sur la réduction du temps de travail. Si cela doit être le débat essentiel, autant le dire, autant que cela soit clair. Nous sommes à votre disposition pour y participer !
Pour l'amorcer, je tiens à préciser que les 35 heures ont bien contribué, de l'aveu même du directeur de la prévention du ministère des finances, du directeur de l'INSEE et de la directrice de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, à créer 350 000 emplois.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Alain Vasselle. Et cela en a fait perdre combien ?
M. Gilbert Chabroux. C'est incontestable. Les chiffres sont les chiffres, ils sont têtus.
M. Alain Vasselle. Cela a coûté combien à la sécurité sociale ?
M. Gilbert Chabroux. Mes chers collègues, contrairement à ce qu'ont prétendu un certain nombre de membres éminents de la majorité et du Gouvernement, les 35 heures ont coûté non pas quinze milliards d'euros, mais trois fois moins, si l'on tient compte des rentrées sociales et fiscales et du coût des allègements Juppé.
Vous le constatez, je cherche à ce que l'on entre dans le véritable débat et je vous sollicite à cet effet. Oui, les 35 heures ont encouragé une explosion de la négociation collective en multipliant par cinq le nombre d'accords d'entreprises signés sur la période. Non, les 35 heures n'ont pas dévalorisé le travail, même si la loi Fillon a créé, en stoppant le processus, une discrimination entre les salariés selon la taille de leur entreprise ! Mes chers collègues, je pourrais continuer ainsi longtemps.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Arrêtez !
M. Gilbert Chabroux. Mais j'attends que vous entriez dans ce débat qui est le véritable débat. Il est temps, a dit Ernest-Antoine Seillière, de siffler la fin de la récréation. Mes chers collègues, faites-le donc !
Le Français est paresseux, assisté ; « nous sommes dans une société de pétanqueurs », a dit Jacques Barrot. Il est vrai que le Président de la République a expliqué que l'offensive contre les 35 heures était ridicule. Il dit cependant les choses un peu autrement aujourd'hui.
On peut discuter de ce qu'il a dit, de ce qu'il dira, de ce que vous avez à dire, mes chers collègues, et de ce que vous pensez. C'est le véritable débat, je le redis.
M. Guy Fischer. Absolument !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas un débat sur la solidarité !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Roland Muzeau. Cet article, dans son intitulé, est on ne peut plus clair : il majore les durées conventionnelles et contractuelles relatives à la durée légale annuelle du travail. C'est tout un programme !
Nous n'avons jamais cessé de le dénoncer depuis hier soir : chaque article pris l'un après l'autre consacre cette attaque non seulement sournoise, mais aussi gravissime...
M. Guy Fischer. Frontale !
M. Roland Muzeau. ...contre les conditions de travail par le biais de la durée du temps de travail.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez réagi à des propos de l'opposition sénatoriale en indiquant que vous étiez quasiment un champion du dialogue social. Je rappelle que tous les organismes de la sécurité sociale se sont élevés contre votre projet et que des organismes aussi importants - je l'ai déjà dit hier, mais il parait que répéter est pédagogique, donc je ne me gêne pas - que l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l'UNIOPSS, l'Union nationale des caisses de sécurité sociale, l'UNCASS, l'Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés, l'UNAPEI, l'Union nationale des amis et familles de malades psychiques, l'UNAFAM, la Fédération hospitalière de France, la F.H.F., l'Association des paralysés de France, l'A.P.F. et la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la F.N.A.T.H. ont critiqué très sérieusement votre projet de loi.
Le dialogue est tellement virtuel que la totalité des syndicats de salariés manifesteront probablement le 5 juin contre votre gestion de l'assurance maladie et, plus largement, contre votre positionnement sur la solidarité nationale.
Il s'agira d'une manifestation contre votre projet sur l'assurance maladie dont on n'a cessé de dire, dans ces débats et dans nos interventions, combien il était intimement lié à celui que nous examinons aujourd'hui, à la situation du handicap également et à quelques autres encore.
Votre politique est tellement catastrophique que vous avez réussi le tour de force de créer les conditions de cette unanimité des organisations syndicales, impensable il y a quelques semaines.
Que dire de plus ? Il serait peut-être encore temps pour vous de supprimer cet article, d'en supprimer quelques autres qui suivent afin de renouer ce dialogue social qui n'a visiblement pas lieu et qui est tant réclamé par les organisations syndicales et les organisations les plus représentatives des secteurs concernés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'avis du Gouvernement ne peut qu'être défavorable, puisque nous sommes là sur l'un des éléments essentiels de la réforme qui ne peut pas être remis en cause.
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé, pour explication de vote.
M. Eric Doligé. Lors d'un entretien récent que j'ai eu avec des représentants de la CGT, mes interlocuteurs m'ont expliqué que, dans l'entreprise dans laquelle ils vivaient, qui est une grande entreprise, ils étaient bien plus heureux quand ils travaillaient 39 heures qu'en travaillant 35 heures et qu'ils souhaitaient donc revenir aux 39 heures.
Tout à l'heure, vous avez défendu avec gentillesse, cher collègue, les patrons. Je voudrais donc défendre, avec gentillesse, quelques amis de la CGT qui sont venus dans mon bureau m'expliquer la qualité de travail et la qualité relationnelle qu'ils avaient dans l'entreprise et qu'ils ont malheureusement perdues avec le passage aux 35 heures.
Si jamais nous revenons sur le débat, nous pourrons peut-être discuter et je les inviterai, si vous le voulez bien, pour qu'ils viennent témoigner. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je remercie M. Doligé de revenir sur cette question, puisque je l'avais abordée sans l'approfondir tout à l'heure, quand j'ai rappelé quelle était la crainte des grands PDG des plus grosses sociétés automobiles françaises.
J'ai aussi, en explicitant quels étaient leurs arguments -celui de l'amélioration extrêmement conséquente de la productivité et l'annualisation du temps de travail - expliqué que ce n'était pas le moment de parler des conditions de travail.
Mais si vous voulez ouvrir une parenthèse dans nos débats pour que l'on en parle, il n'y a aucune difficulté et j'y suis tout à fait disposé .En effet, je me suis permis, lors de précédents débats- à propos du dialogue social, par exemple -de rappeler combien les 35 heures avaient aussi été, dans nombre d'entreprises - je ne fais pas une généralisation, mais celle dont vous faites état en fait probablement partie - l'occasion pour les employeurs, de dégrader de manière très conséquente les conditions de travail.
Les salariés, qu'ils soient adossés à la CGT, à la CFDT ou à d'autres, ont été, au moment de l'adoption de la règle des 35 heures dans l'entreprise, ou bien encore aujourd'hui après son application, tout à fait dans leur droit en se battant pour exiger qu'elle soit appliquée et que les conditions de travail soient respectées et non pas dégradées.
Et si nous pouvions, éventuellement ensemble, déposer un amendement qui corrigerait ces dérives sur la dégradation des conditions de travail dans les entreprises, je serais preneur.
M. Eric Doligé. C'est la loi qui dégrade !
M. Jean Chérioux. Si elle ne dégradait que cela !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Je constate votre refus d'entrer dans le véritable débat, celui sur la valeur travail.
J'apprécie les efforts de M. Doligé afin de nous apporter des éléments de réponse ; toutefois, ils restent insuffisants. Je souhaiterais que vous soyez suivi par vos collègues pour que puisse s'ouvrir ce véritable débat sur la valeur travail, sur le temps de travail, sur les 35 heures.
Je vous ai fait part d'un certain nombre d'éléments. L'idée selon laquelle on travaille moins en France que partout ailleurs en Europe est fausse.
M. André Lardeux, rapporteur. C'est une évidence pourtant !
M. Roland Muzeau. C'est faux !
M. Gilbert Chabroux. La durée légale du travail est, certes, la plus faible, mais, sur une année, le temps effectif de travail est même plus important en France - 1 528 heures - qu'en Allemagne - 1 467 heures.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela vaut pour la SNCF ?
M. Gilbert Chabroux. Vous avez des idées reçues, mon cher collègue ! Je ne parle pas de la SNCF, je parle de la France. Ne caricaturez pas !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourtant, vous, vous caricaturez !
M. Gilbert Chabroux. Une étude publiée en 2002 montre que, avec la famille, la valeur travail reste une valeur cardinale des pays européens. Alors, ne parlez pas de paresse, de Français qui ne veulent rien faire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales .C' est vous qui avez parlé de paresse, pas nous !
M. Gilbert Chabroux. C'est sous-jacent dans votre propos !
Le discours autour de la nécessaire revalorisation du travail est en fait idéologique et moralisateur, ce qui n'est pas étonnant de la part du MEDEF. Avant lui, le patronat s'est battu depuis le XIXe siècle contre la diminution du temps de travail. Le Gouvernement partage ses positions idéologiques.
Dans le cas de la suppression du jour férié - puisque c'est bien l'un des objets de ce texte...
M. Paul Blanc. Dites-le à vos organisations syndicales !
M. Gilbert Chabroux. ... - il est étonnant de voir les libéraux passer par la loi et par la contrainte pour que les Français puissent, pensent-ils, croient-ils, disent-ils, retrouver le goût du travail. Comme s'ils l'avaient perdu !
Je le redis, la France est pourtant bien placée par rapport au temps de travail et par rapport à la productivité horaire.
M. Roland Muzeau. Nous sommes les meilleurs au monde !
M. Gilbert Chabroux. La productivité horaire n'a cessé d'augmenter. La France et la Belgique font mieux que les Etats-Unis et les autres pays européens.
M. Guy Fischer. Absolument !
M. Gilbert Chabroux. Cela mérite qu'on s'y arrête, mes chers collègues.
Mme Paulette Brisepierre. Nous sommes les derniers en Europe !!
M. Gilbert Chabroux. En France, on évoque souvent le passage aux 35 heures comme un frein à la croissance -je crois que c'est à peu près ce qu'a dit le Président de la République. N'est-il pas étonnant que la croissance ait été très forte avant les 35 heures et qu'elle soit maintenant ralentie, alors qu'on a pourtant stoppé le processus de passage aux 35 heures ? (Murmures sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Paul Blanc. Et les délocalisations, vous y pensez ?
M. Gilbert Chabroux. Or les 35 heures, je le redis, mes chers collègues, ont nettement augmenté la productivité par heure travaillée : on fait la même chose en moins de temps, ce qui peut créer quelques problèmes et susciter des réactions de la part syndicats, comme celles que vous avez rapportées. Mais il faut tenir compte de l'opinion de l'ensemble. Or cette opinion est très favorable aux 35 heures et, vous le savez très bien, il sera difficile de revenir en arrière.
Mme Paulette Brisepierre. Malheureusement !
M. Gilbert Chabroux. Mes chers collègues, une réorganisation du travail est intervenue et on a constaté une meilleure productivité horaire. Les pouvoirs publics devraient chercher non pas à faire travailler plus, mais à faire travailler mieux et davantage de gens.
Peut-être faudrait-il aussi se référer au rapport du Conseil économique et social sur la place du travail dans la société française. Selon ce rapport, « il ne semble pas que la part relativement moins forte du travail dans la vie des personnes ait constitué une source de démotivation ; le travail précaire, l'insécurité de l'emploi, l'absence de déroulement de carrière et de valorisation des qualifications représentent des facteurs beaucoup plus puissants de démotivation. »
Puisque nous avons abordé ce point, je voudrais dire aussi, mes chers collègues, que c'est non le coût du travail qui est trop élevé et qui met en péril la compétitivité des entreprises, mais bien le coût du capital.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il dépasse son temps de parole ! C'est de l'obstruction !
M. Gilbert Chabroux. Dans la plupart des grandes entreprises, la masse salariale ne représente plus que 10 % à 15 % des coûts. Parallèlement, les salariés demandent de meilleures conditions de travail, tandis que les actionnaires exigent de plus en plus de dividendes et de rentabilité sur leurs actions.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Je l'avoue, ce genre de débat m'étonne toujours. On entend nos amis sortir sur un ton professoral des vérités qui relèvent de l'évidence, mais qui sont d'ailleurs en contradiction absolue avec la réalité : en effet, se produit généralement une évolution dans le temps et les références qu'ils choisissent sont antérieures aux effets malheureux des mesures qu'ils évoquent !
Je voudrais simplement verser un élément au débat pour vous relater une information qui m'a étonné. Voyez, chers collègues de l'opposition, je suis pénétré de ce que vous dites au point d'en être étonné par ce que j'ai entendu l'autre matin à la radio, où j'entends pourtant bien des choses, quelquefois assez surprenantes !
Selon une étude de l'INSEE consacrée aux incidences de cette journée de travail supplémentaire sur l'expansion et le développement économique, le gain serait de 0,2 point dans l'année.
Je me tourne vers M. le ministre qui pourrait m'aider en me donnant des éléments plus précis par : un organisme qui n'est pas patronal - loin de là ! - l'INSEE, affirme de façon claire, nette et précise que cette journée de travail supplémentaire au cours de l'année se traduirait par un gain de 0,2 % d'expansion.
M. Roland Muzeau. Forcément ! Elle n'est pas payée ! C'est du travail gratuit !
M. Jean Chérioux. Je crois que cela mérite d'être pris en compte, parce que l'expansion, c'est l'emploi, c'est la disparition du chômage. Or ce qui est véritablement dramatique pour les travailleurs, c'est non pas de travailler un petit peu plus ou un petit peu moins, mais avant tout d'éviter d'être au chômage. Tel doit être notre objectif primordial. Or les 35 heures sont facteur de chômage.
M. Roland Muzeau. C'est votre politique qui met les gens au chômage !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Ce débat est intéressant. Et nous pourrions, certes, le prolonger.
Je veux attirer votre attention sur le fait qu'il s'agit d'une affaire de principe ; je pourrais malheureusement citer quantité d'exemples pour vous en convaincre. En effet, à travers ces articles, l'enjeu de ce débat, c'est la remise en cause par la voie législative de la durée légale annuelle du temps de travail. Ce fait est à souligner parce qu'il est de toute évidence sans précédent, comme Roland Muzeau l'a rappelé.
Vous nous annoncez un débat à l'automne sur les 35 heures. Or, par différentes mesures, vous cherchez dès à présent à démanteler et à remettre en cause le projet de loi instituant les 35 heures, texte largement approuvé par la majorité des Français.
En outre, il serait intéressant d'aller plus loin dans cet univers économique. S'il est un point que personne ne peut remettre en cause, c'est que la productivité de la main- d'oeuvre française, des salariés français est reconnue comme l'une des meilleures au monde. Leur savoir-faire a conduit de nombreuses entreprises à investir en France. Nous verrons quelles sortes d'entreprises sont le plus touchées lors du débat sur les délocalisations.
A en croire M. Chérioux, les 35 heures seraient responsables du chômage. Mais à l'heure actuelle, de quoi découle le chômage, sinon d'une volonté sans partage, notamment des grands groupes industriels, de casser l'emploi en recourant à la précarité et au temps partiel ? La plupart des emplois actuellement créés sont malheureusement des emplois atypiques, régis par des contrats individuels.
On pourrait aussi parler du démantèlement de Moulinex, qui revient à la surface. On voit bien maintenant que des manoeuvres frauduleuses ont conduit cette entreprise à la faillite, certains ayant voulu accroître leurs profits, qui ont été transférés à l'étranger, notamment en Italie.
M. Jean Chérioux. Ce sont des masochistes !
M. Guy Fischer.! On l'a vu pour Moulinex, on l'a vu pour Vivendi Universal, on l'a vu pour Danone et on pourrait multiplier ainsi les exemples.
Je m'adresse notamment à vous, monsieur Chérioux, qui êtes très au courant de tout ce qui touche à la finance et aux banques.
M. Jean Chérioux. Vous me flattez !
M. Guy Fischer. Vous aurez remarqué comme moi que, pour les entreprises du CAC 40, l'année 2003 a été excellente. Quant aux résultats du premier trimestre que viennent de publier les banques, ils explosent, tout comme les salaires des grands patrons ! (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)
M. Roland Muzeau. Plus 14 % !
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Lorsque j'entends les discours de la gauche, je suis toujours un petit peu étonné : on est en train d'essayer de changer la nature du débat. Or, il me semble qu'il faudrait en revenir à l'essentiel, à ce qui relève du bon sens.
Moi, on m'a toujours appris que, pour distribuer de la richesse, il fallait d'abord la produire et que, pour ce faire, il fallait travailler.
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Paul Blanc. On m'a toujours appris que c'est par le travail qu'on produit la richesse.
Aujourd'hui, il ne saurait être question de contester le fait que les Français sont d'excellents travailleurs. C'est vrai, nos entreprises comptent des ouvriers que tout le monde nous envie.
L'enjeu actuel, qui me paraît très simple, consiste à produire davantage de richesse dans notre pays pour pouvoir en distribuer aux plus défavorisés, en particulier aux handicapés et aux personnes âgées.
Je regrette la dénaturation de ce débat. En réalité, en travaillant une journée de plus, on produira un petit peu plus de richesse.
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Paul Blanc. Et cette richesse sera utilisée pour faire ce que vous voulez et ce que nous voulons faire,c'est-à-dire, tout simplement, créer des emplois.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Paul Blanc. Ce n'est pas à vous, monsieur Fischer, ou à vous, monsieur Chabroux, que j'apprendrai que nous sommes, les uns et les autres, sur la même longueur d'onde pour estimer, par exemple, qu'il faut créer davantage de postes d'auxiliaires de vie afin de compenser les handicaps dont souffrent certaines personnes.
Pour pouvoir créer ces postes, il faut avoir les moyens, la richesse, laquelle se produit, tout naturellement, par un petit peu de travail supplémentaire.
Vous êtes en train d'essayer de faire dévier le débat et cela n'a pas lieu d'être. Aujourd'hui, il faut produire plus de richesse pour pouvoir la distribuer, et la distribuer à ceux qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, j'étais partagé entre la tentation d'intervenir et celle de ne pas vous être désagréable. En effet, le débat se prolonge. Nous souhaitons, bien entendu, non pas en finir avec ce texte, mais l'examiner et le voter dans des délais raisonnables.
Or les interventions de nos collègues - d'ailleurs, certainement à dessein- ne cessent, par leur contenu, de provoquer la majorité et le Gouvernement, suscitant les interventions, les multipliant, exercice au demeurant réussi, puisque je prends la parole, après d'autres !
J'espère toutefois que nous sommes arrivés au point d'orgue et que l'examen des articles suivants sera plus rapide puisque vous aurez dit l'essentiel de ce que vous souhaitiez dire.
Vous avez complètement dénaturé le débat, le faisant glisser sur le terrain du temps de travail, alors que l'objet de ce texte est la solidarité.
M. Roland Muzeau. Vous confondez avec les ordonnances de 1945 !
M. Alain Vasselle. J'aurais préféré entendre de votre bouche des mots concernant la solidarité. J'aurais aimé vous entendre nous démontrer qu'il existe une alternative à la proposition du Gouvernement pour faire jouer la solidarité en faveur de nos aînés et en faveur des handicapés.
Or je reste sur ma faim de ce point de vue. En effet, vous vous contentez de vous enfermer dans votre idéologie, prenant à témoin à la fois les médias et l'opinion publique pour essayer de démontrer que nous sommes dans la mauvaise voie et que vous seuls étiez dans la bonne en pratiquant une politique non pas de régression sociale, mais d'avancée sociale.
Messieurs Chabroux, Fischer et Muzeau, il me semble que, lors des dernières élections législatives, lorsque Martine Aubry a été renvoyée à ses chères études, à cause notamment des 35 heures, si la majorité des Français, composée d'une part non négligeable de salariés, avait été convaincue du bien-fondé de cette politique et avait été convaincue qu'elle constituait une avancée sociale lui procurant des avantages et des bénéfices, elle vous aurait laissé le soin de continuer à gérer ce pays. En fait, vous avez été sanctionnés.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous aussi !
M. Alain Vasselle. Ne persistez donc pas dans l'erreur et cessez de raisonner sur les 35 heures comme vous le faites ; vous savez bien que vous êtes sur la mauvaise voie !
Expliquez-nous pourquoi il y a tant de délocalisations ! Vous avez beau faire référence à la moyenne du temps travaillé, le coût et l'aspect réglementaire du travail sont tels aujourd'hui que nous assistons à de plus en plus de délocalisations dans les pays de l'Est.
M. Jean Chérioux. Et en Chine !
M. Alain Vasselle. Nous avons ouvert l'Europe à dix nouveaux pays, nous ouvrons les frontières, nous permettons la circulation des biens et des personnes. Vous êtes favorables à cette Europe élargie...
M. Roland Muzeau. Elevez la part sociale !
M. Alain Vasselle. ... et vous approuvez sans doute également ces entreprises qui vont dans les pays de l'Est.
Alors messieurs, un peu de retenue, cessez de tenir des propos polémiques qui n'apportent rien. Le débat ce n'est pas celui du temps de travail, c'est celui de la solidarité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37 et 47.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Pour les fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que pour les médecins, biologistes, odontologistes et pharmaciens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, la journée de solidarité prévue à l'article L. 212-16 du code du travail est fixée dans les conditions suivantes :
- dans la fonction publique territoriale, cette journée prend la forme d'une journée fixée par délibération de l'organe exécutif de l'assemblée territoriale compétente, après avis du comité technique paritaire concerné ;
- dans la fonction publique hospitalière ainsi que pour les médecins, biologistes, odontologistes et pharmaciens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, cette journée prend la forme d'une journée fixée par les directeurs des établissements, après avis des instances concernées ;
- dans la fonction publique d'Etat, cette journée prend la forme d'une journée fixée par arrêté du ministre compétent pris après avis du comité technique paritaire ministériel concerné.
Toutefois, dans les écoles et les établissements de l'éducation nationale, cette journée de solidarité est arrêtée par les recteurs après avis du comité technique paritaire.
A défaut de décision intervenue avant le 31 décembre de l'année précédente, la journée de solidarité des personnels cités au premier alinéa est fixée au lundi de Pentecôte.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 38 est présenté par MM. Domeizel, Cazeau, Chabroux, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 48 est présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 38.
M. Gilbert Chabroux. L'article 6 concerne les fonctions publiques et leurs salariés, dont le Gouvernement espère tirer 400 millions d'euros.
Je viens d'écouter avec beaucoup d'attention l'intervention de notre collègue Paul Blanc. Il nous dit que l'assiette du financement pour la nouvelle caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est la création de richesse. Il a beaucoup insisté sur ce sujet : il faut travailler plus, il faut créer des richesses et les taxer.
Ce serait une bonne proposition si tout le monde était logé à la même enseigne, s'il n'y avait pas cette rupture du pacte de solidarité dont j'ai parlé.
M. Guy Fischer. Oui, avec les paysans !
M. Gilbert Chabroux. En fait, vous faites appel à la charité publique obligatoire et non à la solidarité, je tiens à le répéter.
En effet, mes chers collègues, où est la création de richesse lorsqu'il s'agit de la fonction publique ?
M. Jean Chérioux. Quel aveu !
M. Gilbert Chabroux. Vous voulez mettre les salariés du secteur marchand et les fonctionnaires dans le même sac. Vous en voulez sans doute aux fonctionnaires, donc vous les taxez comme vous taxez les salariés, mais vous exonérez les entreprises ; j'ai déjà dit qu'elles compenseraient, que cela se traduirait par un profit pour elles.
Je ne sais pas sur quoi repose la logique qui a été développée par M. Paul Blanc ; manifestement, il y a une faille.
Ce n'est pas, en effet, faire preuve d'originalité que de rappeler que la fonction publique n'a pas pour objet, intrinsèquement, de réaliser des bénéfices. Dès lors, on peut se demander comment les hôpitaux, dont chacun connaît la situation budgétaire, et particulièrement M. le ministre chargé des relations du travail puisqu'il a été président de la Fédération hospitalière de France, la FHF, vont s'acquitter de ce nouvel impôt. On peut se poser la question tout de même ! (M. Roland Muzeau approuve.)
Où sont la justice et l'égalité ? Sur quelle logique vous fondez-vous ? Lorsque j'ai présenté la motion tendant à opposer la question préalable, j'ai fait des propositions qui relèvent d'une véritable solidarité. J'en ferai d'autres.
Le Gouvernement serait mieux inspiré de nous dire comment il compte insérer le secteur hospitalier dans ses projets concernant l'assurance maladie ; c'est une question d'actualité.
Il s'agit en fait simplement de faire sortir de l'argent d'une caisse publique pour le faire entrer dans une autre. C'est cela la solidarité de l'Etat ?
En ce qui concerne les collectivités territoriales, dont l'autonomie financière est précisément en ce moment même en débat devant le Parlement, c'est une charge nouvelle qui leur est imposée sans aucune concertation. Nous retrouvons ici la précipitation et l'incohérence qui conduisent, dans le plus grand désordre, à se délester sur les collectivités territoriales des responsabilités nationales en matière de solidarité.
En pratique, les collectivités territoriales ne générant pas de bénéfices, comment vont-elles dégager des ressources nouvelles pour s'acquitter de cette nouvelle charge ? Elles n'auront pas d'autre choix que de diminuer les coûts de fonctionnement au détriment du service public, de réduire les investissements en obérant l'avenir, ou d'augmenter encore la pression fiscale. Cette dernière hypothèse aboutira d'ailleurs à faire payer deux fois les salariés, en travail gratuit et en impôts.
La question du choix de la date va également se poser. L'impossibilité d'imposer le lundi de Pentecôte sur l'ensemble du territoire vous a conduit à donner aux diverses autorités compétentes la compétence pour fixer une date en concertation avec les institutions représentatives. Il pourrait résulter de cette souplesse, au demeurant indispensable, un élément supplémentaire de confusion. Avez-vous imaginé les conséquences que pourrait avoir un tel dispositif ? Va-t-on pouvoir faire fonctionner de manière cohérente le service public pour qu'il soit assuré convenablement ?
Concevez-vous par exemple que, dans une commune, les services assurant la garde des enfants seront fermés alors que les écoles et les entreprises seront en activité ? Cela risque de se produire.
Les services sociaux relevant de deux collectivités différentes, ou de l'Etat et d'une collectivité, fonctionneront-ils simultanément ? Ou seront-ils fermés simultanément, ce qui posera des problèmes aux usagers ? On pourrait ainsi multiplier les exemples.
Pour que le service public fonctionne normalement, il est évident que les différents services et autorités devront se concerter et choisir, dans la plupart des cas, le même jour de travail gratuit, c'est-à-dire d'ouverture, mais pas forcément ; nous y reviendrons avec l'amendement de M. le rapporteur.
On optera donc le plus souvent pour le lundi de Pentecôte. Mais comment règlera-t-on ce problème dans les villes où se déroulent des manifestations touristiques, des animations importantes pour le commerce et l'activité durant le week-end de Pentecôte ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est du réchauffé !
M. Gilbert Chabroux. Certaines mairies, et ce n'est pas un problème d'étiquette politique, ont développé ces manifestations culturelles, sportives ou autres, à la satisfaction générale.
Comment choisir, dès lors, un jour d'ouverture simultanée qui ne pénalise pas ces activités ? Le résultat de cette journée de travail gratuit, outre les multiples embarras qu'elle va créer, c'est qu'elle va, en réalité, détruire de la richesse.
La logique qui est la vôtre en matière de création de richesse ne tient pas, c'est absurde !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Guy Fischer. Les arguments qui viennent d'être développés par Gilbert Chabroux montrent bien quelle est la réalité.
Notre collègue Alain Vasselle nous a dit que ce débat n'avait rien à voir avec les 35 heures. Je rappellerai néanmoins que l'objet de l'article 5 est inscrit dans le rapport à la page 44 : « Cet article majore les durées conventionnelles et contractuelles relatives à la durée légale annuelle du travail. » (M. Muzeau approuve.) Nous n'étions donc absolument pas hors sujet.
Il est vrai que la coordination est très difficile. D'ailleurs, M. le rapporteur le sent, puisqu'il écrit : « En effet, le succès de la journée de solidarité reste subordonné à son effet utile. Sa vertu pourrait être attaquée, sa crédibilité contestée, voire son apport mis en doute si elle aboutissait à maintenir des agents de la fonction publique sur leur lieu de travail sans que leur présence réponde à une véritable demande. »
Aussi, afin d'intégrer cette journée dans le projet des établissements et des collectivités concernés, l'Assemblée nationale a opportunément prévu qu'il revienne à l'autorité en charge de la gestion de ces personnels de fixer ladite journée.
Gilbert Chabroux a précisé que cela conduira peut-être à diminuer le coût de fonctionnement, mais M. le rapporteur souligne que ce pourrait être également un des éléments qui interviendraient dans la gestion du personnel, puisqu'il explique : « Finalement, le dispositif proposé pourrait se révéler avantageux pour l'organisation du service public en cas d'échec de la négociation. »
M. le rapporteur affirme également que, « dans le secteur public, il appartient à l'autorité compétente de décider de ce jour dans les délais fixés par la loi, sans que ce choix soit subordonné à la conclusion d'un accord contractuel. »
On voit bien que les difficultés seront grandes. En effet, nous le constatons déjà lors des vacances scolaires, dans une même commune, des collèges fonctionnent alors que les écoles élémentaires sont fermées. Il y a donc déjà des dysfonctionnements évidents.
Vouloir transposer la disposition, et c'est le but de cet article qui précise les modalités d'application de la journée de solidarité dans les trois fonctions publiques, nous apparaît aberrant, inapplicable, source de conflits supplémentaires, au-delà des problèmes qui ne sont absolument pas réglés aujourd'hui, notamment dans la fonction publique hospitalière.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer l'article 6.
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n° s38 et 48.
M. André Lardeux, rapporteur. En ce qui concerne les deux amendements présentés par MM. Chabroux et Fischer, je ne reprendrai pas le débat que nous avons déjà eu à plusieurs reprises sur le sujet : leurs arguments sont redondants et nous les avons entendus à plusieurs reprises. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 11 rectifié bis tend à supprimer le cinquième alinéa de l'article 6, qui était apparu sous la forme d'un amendement à l'Assemblée nationale. Cet amendement a causé beaucoup de souci au rapporteur qui avait essayé d'imaginer d'autres solutions que celle qui vous est finalement proposée.
A cet égard, je voudrais me féliciter de la qualité du dialogue entre le ministre chargé des personnes âgées, son cabinet et la commission des affaires sociales.
En proposant la suppression de cet amendement relatif à l'éducation nationale, il me semble que nous allons dans le bon sens, c'est-à-dire que nous traitons le ministère de l'éducation nationale comme les autres ministères.
Cependant, je souhaite vous faire part de mon irritation, et c'est inhabituel de ma part, devant les pressions à la limite de la décence que. le rapporteur a subies de la part de ce ministère. Il y a des choses qu'il faut parfois dire : il faut le faire savoir quand on n'est pas content !
Le ministère de l'éducation nationale finit par croire que le seul travail des enseignants c'est d'être présent devant des élèves. Je pensais que d'autres missions étaient imparties aux enseignants, notamment la préparation des cours, la formation, etc.
Je suggérerai au dit ministère, avant de considérer qu'un rapporteur d'une commission sénatoriale fait des propositions qu'il estime non valables, de mettre un peu d'ordre dans sa maison.
J'avais proposé, c'était une éventualité parmi d'autres, qu'il y ait une deuxième journée de prérentrée, car c'est une solution qui permettait de mettre tous les personnels à disposition de l'employeur. Le ministère préfère qu'une journée de cours supplémentaire soit mise en place ; on verra quel type d'arrêté le ministre prendra à la suite du vote de la loi.
Or, j'ai appris, en la circonstance, que plus de 50 % des enseignants étaient absents lors des journées de prérentrée et qu'ils ne subissaient aucune sanction, aucune retenue de salaire. Je suggère donc au ministère de faire quelques économies en ce domaine.
On me dit ensuite - une autre solution étant la formation pédagogique - que tous les enseignants ne peuvent pas suivre une journée de formation. Dans ce cas, commençons par ne pas organiser les journées pédagogiques sur le temps de classe !
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. André Lardeux, rapporteur. Là aussi, la perte est considérable !
Bien sûr, de nombreux enseignants ont besoin d'être formés ; je ne conteste pas la nécessité de la formation, mais elle peut avoir lieu le mercredi si l'on enseigne à l'école primaire ou un autre jour, en fonction des cours, si l'on est dans le secondaire ou dans le supérieur. Or il apparaît qu'un certain nombre d'enseignants, non seulement ne sont pas présents devant les élèves sous prétexte de formation, mais ne le sont pas non plus à la journée de formation en question.
Je suggère donc au ministère de l'éducation nationale d'en prendre bonne note et de suivre notre proposition d'alignement du ministère de l'éducation nationale sur les autres ministères. Chaque ministre prendra ses responsabilités.
J'attire également l'attention sur le fait que, dans l'arrêté ou dans le décret qui sera pris par le ministre concerné, cette journée supplémentaire d'école ne doit pas entraîner des charges indues pour les collectivités. En effet, une journée supplémentaire d'école induira, pour les départements, organisateurs des transports scolaires, une charge supérieure à la contribution de 0,3 % de la masse salariale qu'ils devront verser en tant qu'employeurs. Pour les communes également, les conséquences qu'entraînera l'ouverture des écoles en termes de frais de personnel et de frais de cantine, notamment, ne seront pas non plus négligeables. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa de cet article par les dispositions suivantes :
et, dans les écoles et les établissements d'enseignement privés sous contrat, après avis de la commission académique de concertation. Dans les écoles et les établissements d'enseignement ne relevant pas de l'éducation nationale, ladite journée est fixée par l'autorité et dans les conditions prévues au quatrième alinéa.
La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 38 et 48 ainsi que sur l'amendement n° 11 rectifié bis.
M. Hubert Falco, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 38 et 48. Il est favorable à l'amendement n° 11 rectifié bis et, par conséquent, retire son amendement n° 76.
M. le président. L'amendement n° 76 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par cohérence, je souhaite que l'amendement n° 11 rectifié bis soit voté par priorité
.Par ailleurs, je tiens à assurer le rapporteur du soutien entier de la commission pour le travail qu'il a accompli et les propositions qu'il a formulées et qu'elle acceptées.
M. Guy Fischer. Vous voulez bâillonner l'opposition !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote sur l'amendement n° 11 rectifié bis.
M. Gilbert Chabroux. Les occasions de s'exprimer étant rares (Exclamations sur les travées de l'UMP.)...
M. le président. Cet après-midi, vous en aurez bien profité !
M. Gilbert Chabroux. ...nous profitons, effectivement, de toutes les opportunités qui nous sont offertes !
Cet amendement n° 11 rectifié bis nous offre l'opportunité d'évoquer l'application de la journée de travail non rémunéré dans les établissements d'éducation. Là encore, notre rapporteur ne semble guère convaincu, puisqu'il craint que la vertu de cette journée ne soit attaquée, sa crédibilité contestée et son apport mis en doute. Nous ne saurions mieux dire.
Et une fois encore, nous retrouvons les multiples problèmes que pose la mise en place de cette opération. Il s'agit d'abord de la simultanéité des jours de congé et des jours travaillés, que vous avez aussi fort bien soulignée, monsieur le rapporteur. Décidément, il nous suffirait, si nous manquions d'arguments, de puiser dans les rapports, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, pour ne pas être en défaut, et je ne fais que reprendre, du moins en partie, vos arguments.
On ne peut en effet imposer aux établissements d'être ouverts le lundi de Pentecôte dans l'éventualité - qui semble assez probable - où cette journée serait finalement toujours chômée. Quelle contradiction ! Vous proposez donc que la journée de travail non rémunérée des personnels tant enseignants que non enseignants s'ajoute aux journées effectuées hors de la présence des élèves.
L'utilité de cette démarche n'est pas évidente. En effet, les établissements d'enseignement sont par définition faits pour dispenser un enseignement, et nous voyons mal en quoi cette journée serait plus crédible parce que les élèves ne seraient pas là. J'ai envie de dire : « au contraire ». Tant pour les personnels qu'aux yeux de l'opinion en général, cela ne rendra pas les choses plus claires ou plus utiles.
Et d'ailleurs, pourquoi imposer que cette journée se déroule hors de la présence des élèves ? C'est bien simple, vous l'avez d'ailleurs dit, mais il faudrait l'affirmer plus clairement : les élèves, par définition, ne donnent pas lieu à rémunération, mais ils génèrent des frais, en cantine et en transport notamment.
De plus, rien n'autorise à ajouter une journée d'enseignement aux programmes actuels. Cela ne relève pas des collectivités territoriales et ne peut se faire sans de nombreuses consultations, vous l'avez également dit.
Mais il y a aussi les coûts fixes. Les collectivités territoriales sont placées dans la situation des entreprises qui ne tireront aucun profit de ce jour de travail non rémunéré, mais qui devront néanmoins faire face à leurs charges fixes. II faut donc limiter les frais. On ne saurait vous le reprocher.
Car, une fois de plus, les départements, entre autres, vont être victimes dans cette affaire. II leur faudra à la fois assurer la prise en charge effective de la dépendance et augmenter leur participation financière par l'acquittement d'une surtaxe annuelle, alors qu'ils ne réalisent aucun profit, par définition.
Au fond, cette journée vous embarrasse. Vous ne savez comment vous en dépêtrer, comment limiter les problèmes et les frais qui apparaissent dans toute cette affaire, lancée à grands sons de trompe par le Gouvernement.
La vraie solution, celle qui vient tout naturellement aux libéraux, c'est celle de la capitalisation pour ceux qui peuvent payer et donc permettre aux compagnies d'assurances de réaliser un profit, et des établissements de charité pour les autres, sans doute une caisse des indigents.
Le Sénat, nous n'en doutons pas, va tout à l'heure se dégager de cette affaire de jour de travail, qui ne vous satisfait pas plus que nous, même si c'est pour d'autres raisons. Elle ne permet pas de revenir vraiment sur les 35 heures, et ne finance pas complètement la dépendance, puisque les collectivités et les entreprises sont taxées. L'examen de ce texte aura eu pour principal mérite de vous offrir un support pour introduire - c'est un premier pas, mais c'est celui qui compte - la capitalisation dans le financement de la dépendance.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 38 et 48 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
titre iii
création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie
Article 7 A
Le Gouvernement présentera au Parlement, au plus tard le 1er juillet 2004, un rapport d'évaluation quantitative et qualitative de l'application de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer la date :
1er juillet 2004
par la date :
1er octobre 2004
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur. L'article 7 A prévoit que le Gouvernement doit remettre un rapport à la date du 1er juillet 2004. Etant donné que la date de la promulgation de la loi sera peut-être très proche du 1er juillet, il me semble normal d'introduire un délai supplémentaire, d'où la date du 1er octobre 2004.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Comme l'a fait remarquer M. le rapporteur, la loi du 20 juillet 2001 imposait déjà au Gouvernement l'obligation de déposer, avant le 30 juin 2003, un rapport d'étape d'évaluation quantitative et qualitative de l'APA, ce qui n'a pas été fait.
Le présent article rappelle utilement le Gouvernement à cette obligation. Monsieur le ministre, il est inutile de nous présenter de nouveaux projets de loi, alors que nous aurions pu obtenir un éclairage très utile sur l'APA.
Par conséquent, pour des raisons que nous ne saurions recevoir, notamment le calendrier législatif serré, vous nous demandez de prévoir un délai supplémentaire. Bien entendu, lorsque cela arrange le Gouvernement, il faut aller vite, le plus souvent au mépris des droits et des demandes du Parlement. L'exemple des projets de loi relatifs à la bioéthique ou à la santé publique, que j'ai dénoncé par deux rappels au règlement au cours des deux derniers jours, en témoigne. En revanche, lorsque les sujets fâchent et que nous pourrions véritablement faire le point sur l'APA, il faudrait se hâter de ne pas aller trop vite !
Nous voterons donc contre ce report pour manifester clairement notre mécontentement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Hubert Falco, ministre délégué. Monsieur Fischer, je vous donne acte de votre demande. Nous déposerons devant le Parlement le rapport concernant l'APA avant le mois d'octobre.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, je vous remercie.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7 A, modifié.
(L'article 7 A est adopté.)
Article additionnel avant l'article 7
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 2002 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : «, handicap-incapacité-dépendance ».
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale contient un certain nombre de dispositions relatives à l'organisation du régime général de la sécurité sociale. Il énumère notamment les quatre branches qui le composent.
L'amendement n° 49 tire les conséquences d'une proposition que nous avons formulée précédemment, visant à identifier, au sein de notre système de protection sociale, un risque supplémentaire dédié au handicap, à l'incapacité et à la dépendance.
Il insère ce risque et la nouvelle prestation au sein du régime général aux côtés de la maladie, la maternité, l'invalidité et le décès, formant déjà une branche.
Les choses sont ainsi clairement et précisément posées, à l'inverse du projet de loi qui se contente, en marge des régimes de sécurité sociale, de créer une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
La solution que nous envisageons peut certes être discutée, dans le sens où l'on aurait tout aussi bien pu envisager de créer un système d'assurance du risque dépendance à côté des branches maladie et vieillesse. Elle a au moins le mérite de tourner le dos à la solution hybride du Gouvernement, intervenant trop tôt mais préfigurant bien ce que sera, demain, le caractère universel de l'assurance maladie après la réforme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Par coordination, la commission est défavorable à cet amendement, comme elle l'avait été à l'amendement n° 43 dont cet amendement est la conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
Il est institué une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui a pour mission :
- de contribuer au financement d'actions en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées dans le respect de l'égalité de traitement des personnes concernées sur l'ensemble du territoire ;
- de financer la prestation de compensation personnalisée ainsi qu'une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie et du coût de la médicalisation des services ;
- de financer des actions de modernisation de l'aide à domicile ainsi que des dépenses de formation des personnels soignants et des personnels d'accompagnement.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Le Gouvernement annonce la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Monsieur le ministre, vous avez agi avec tant de précipitation que l'on ne connaît pas la nature de la caisse nationale prévue par le projet, mais un autre texte devrait arriver prochainement, nous dit-on.
Vous créez, affirmez-vous, une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée aux personnes âgées et aux personnes handicapées : c'est un raccourci trompeur.
La nouvelle branche ne ressemble en rien aux autres branches.
La caisse ne gère pas un risque, elle centralise seulement les recettes et les moyens financiers. Elle apparaît comme un fonds administratif de plus, une caisse nationale qui ne gère pas le risque qu'elle finance. C'est une branche pour le moins hybride.
Cette branche devrait être gérée par les départements. Mais quelles garanties existeront pour un égal accès à ces financements et à ces prestations sur l'ensemble du territoire national ?
Par ailleurs, cette nouvelle caisse doit rassembler les moyens mobilisés par l'Etat et l'assurance maladie pour prendre en charge la dépendance des personnes âgées et des personnes handicapées.
Quels seront les transferts de moyens vers cette nouvelle caisse ? On peut redouter un transfert de charges sans transfert de ressources suffisantes, à l'image de ce que propose le Gouvernement pour la décentralisation.
En plein débat sur l'assurance maladie et sur l'avenir de notre sécurité sociale, il est pour le moins incongru de voir le Gouvernement régler le financement d'une partie de notre protection sociale de cette façon. C'est « la politique de la rustine » !
Cette caisse n'est-elle pas un test, une construction préfigurant, avec sa dualité national/local, ce qui pourrait être appliqué demain à d'autres branches, comme l'assurance maladie, qui fait l'objet actuellement d'une grande réflexion ? La question est en tout cas posée.
Je ne reviendrai pas sur les explications que j'ai données hier soir à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Cet article important constitue manifestement un « coin » qui, une fois enfoncé, fera éclater et démantèlera la sécurité sociale, comme j'en ai déjà fait la démonstration cette nuit.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Je souhaite compléter les propos de M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Car je n'ai pas tout dit ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. La CNSA, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, a provoqué les craintes des caisses de sécurité sociale en raison de la partition de la prise en charge des soins des assurés sociaux qui risque de voir le jour.
Selon les préconisations, certes partielles, du rapport Briet-Jamet, la dépendance verrait sa gestion départementalisée et financée par cette caisse. Cela revient à dire que les malades dépendants relèveraient non plus de la solidarité nationale, au même titre que les autres catégories de malades non dépendants, mais bel et bien d'une solidarité partielle, sectorielle, celle du jour travaillé supplémentaire.
Pour le moment, la CNSA n'est qu'un fonds de l'APA, financièrement stabilisé avec quelques dépenses nouvelles qui restent à aiguiller.
Si cette caisse est un préalable à la création d'une nouvelle caisse de sécurité sociale, alors sa source de financement n'en prend pas le chemin puisque les cotisations relèvent non pas de la solidarité nationale, mais d'une source à part.
En fait, nous savons surtout ce que n'est pas la CNSA, bien davantage que ce qu'elle est ou sera : ni tout à fait un fonds de collecte de concours à verser aux départements, ni une caisse de sécurité sociale à part entière, ni encore une agence encadrant l'action des départements afin de vérifier que celle-ci reste cohérente au plan national.
La loi crée donc aujourd'hui un nouvel établissement public dont les missions sont mal définies - un établissement public non identifié en quelque sorte - et qui nécessitera l'élaboration d'un second texte afin d'apporter les précisions qu'attendent les caisses de sécurité sociale, les associations de défense des handicapés et, plus largement, les citoyens frappés par la dépendance ainsi que leurs familles.
Derrière les bonnes intentions, on peut également s'interroger sur le caractère évolutif des recettes de la CNSA.
Il est admis par tous que les besoins de prise en charge de la dépendance sont appelés à s'accroître pour des raisons démographiques - l'arrivée de classes d'âge nombreuses aux âges élevés, l'évolution des conditions de vie - et réglementaires : la création d'une prestation de compensation du handicap plus généreuse que les précédentes.
Face à ce double état de fait qui devrait nous inciter aux prévisions les plus prudentes, la CNSA fait la démonstration de son inadaptation aux enjeux : avec 1,9 milliard d'euros de prélèvements nouveaux, la caisse ne règlera que très partiellement les problèmes qu'elle entend résoudre.
Elle n'apporte en effet guère plus que le gain de la journée travaillée supplémentaire, tant il est vrai que les autres recettes qu'elle collecte ne consistent qu'en des repositionnements de moyens déjà existants, comme la CSG.
De surcroît, cette caisse naît « avec un emprunt sur le dos », celui qui a été consenti en 2003 par le Gouvernement au titre du FFAPA, le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Ses capacités budgétaires de financer des actions nouvelles ou, à tout le moins, d'assurer les engagements pris sont par conséquent sujettes à caution.
L'UNIOPSS, l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, pour ne citer qu'un exemple, ne s'y est d'ailleurs pas trompée en affirmant qu'il sera difficile avec de tels moyens de renforcer suffisamment les effectifs soignants des EHPAD, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, alors même que l'urgence exige la création de 40 000 postes supplémentaires dans les quatre prochaines années, soit peu ou prou une dépense de 1 milliard d'euros supplémentaires par an.
Il semble que le compte n'y soit pas.
Le recours à des moyens plus importants aurait parfaitement pu être accepté de nos concitoyens au lendemain de l'élan de solidarité provoqué par la catastrophe sanitaire de l'été 2003. Je l'ai déjà dit hier soir et je le répète : il s'agit là d'une occasion manquée.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 64 rectifié est présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 50.
M. Guy Fischer. Sur cet article portant création d'une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie comme sur celui créant la journée de solidarité devant l'abonder, nous défendrons une position forte de rejet des dispositifs imaginés.
Cette caisse - improprement dénommée pour entretenir l'ambiguïté sur sa situation réelle au sein des régimes de sécurité sociale ou en marge de ces derniers -, dont les contours sont incertains et les missions encore à définir, fait l'unanimité contre elle.
Jean-Marie Spaeth, que nous avons auditionné, relayant l'opposition de l'ensemble des organismes sociaux au dispositif retenu, redoute que « la création de la CNSA ne soit la première étape d'un processus aboutissant à la partition de la prise en charge des soins des assurés sociaux ».
J'ai pris connaissance avec grand intérêt et beaucoup d'inquiétude du rapport d'étape de MM. Briet et Jamet. Certes, ces derniers tentent de nous rassurer sur ce point en précisant, ce qui reste une pétition de principe, que « la CNSA ne saurait en aucune manière servir au bénéfice des seules personnes âgées ou handicapées les prestations de soins auxquelles peuvent accéder l'ensemble des assurés sociaux ».
Toutefois, dans la mesure où, par ailleurs, ils considèrent que « la caisse a vocation à rassembler l'ensemble des ressources affectées à la compensation de la perte d'autonomie, quelles qu'en soient l'origine et la nature (Etat, assurance maladie, CNMATS, caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, ou recettes fiscales nouvelles) » et où ils préconisent notamment le transfert des crédits médico-sociaux de l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, permettez-moi de douter encore de la pérennité du pacte de solidarité entre les générations et de dénoncer les risques de rupture d'égalité des droits en matière de prise en charge des soins.
Porteuse de dangers, car déconnectée du débat sur l'assurance maladie, la CNSA n'a pas non plus vocation à gérer le risque dépendance. Le Premier ministre a été on ne peut plus explicite sur ce point.
Les amendements des rapporteurs des commissions des finances et des affaires sociales, comme ceux du Gouvernement, viennent confirmer que cette caisse, agence ou fonds - on ne sait trop comment la qualifier, mais M. Jamet m'a dit qu'il s'agirait plutôt d'une agence - est là pour recueillir et sanctuariser les moyens nouveaux dégagés avant de capter d'autre financements.
Mais, quoi qu'il en soit, elle remplira ses missions définitives dans la limite des ressources qui lui seront affectées, s'agissant notamment de la prestation de compensation personnalisée instituée pour les personnes handicapées sur laquelle il faut délibérer définitivement, les départements étant responsables et comptables de la conduite de ces politiques.
Pourquoi insister autant pour que la CNSA voie le jour alors que, au regard de ses missions actuelles, le fonds de financement de l'APA aurait pu, dans l'attente des conclusions de MM. Briet et Jamet, jouer le rôle qu'on lui assigne ?
Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, et parce que les ambiguïtés sur le statut de cette caisse, les interrogations sur ses missions et sur sa future « gouvernance » sont beaucoup trop fortes, nous plaidons en faveur de la suppression de l'article 7.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour présenter l'amendement n° 64 rectifié.
Mme Gisèle Gautier. Si vous en acceptez le principe, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements n°s 64 rectifié, 65 rectifié et 66 rectifié.
Le titre III du projet de loi crée la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Grâce à ce texte, nous avons découvert un organisme d'un type nouveau, répondant au nom de caisse.
Cette caisse ne possède toutefois aucune des caractéristiques comprises habituellement dans ce vocable, c'est-à-dire celles d'une caisse de sécurité sociale. Elle relèverait ainsi d'une branche de protection sociale et non de l'assurance sociale.
On peut craindre que nos concitoyens ne saisissent pas toutes ces subtilités et que cette nouvelle dénomination n'entraîne une certaine confusion dans les esprits.
J'apprends par M. Fischer que M. Briet préconiserait le terme d'agence. Pourquoi pas ? J'en suis restée quant à moi à celui de « caisse ».
En outre, dans sa version actuelle, la caisse ainsi créée ne trouvera son périmètre définitif qu'après les étapes suivantes : l'adoption du projet de loi relatif aux responsabilités locales fixant les compétences des départements dans la prise en charge des personnes âgées et du handicap ; la définition du droit à compensation prévu dans le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; la réforme de l'assurance maladie qui dessinera les contours du soin par rapport à la dépendance ; enfin, la remise du rapport final de MM. Briet et Jamet, puisque celui-ci n'est qu'un rapport d'étape, sur la caisse de solidarité.
Pour toutes ces raisons, même s'il ne s'agit pas d'un rejet pur et simple de ma part, il me semble prématuré de créer une nouvelle structure dans un environnement que je qualifierai de mouvant. Nous vous proposons donc de supprimer les articles 7, 7 bis et 7 ter.
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Il est institué une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui a pour mission, dans la limite des ressources qui lui sont affectées, de contribuer au financement de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées dans le respect de l'égalité de traitement des personnes concernées sur l'ensemble du territoire.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement pourrait être considéré à certains égards comme un amendement rédactionnel puisqu'il reprend le texte de l'article tout en le condensant. Je conçois d'ailleurs que cette nouvelle rédaction puisse entraîner quelques interrogations, du fait même de son caractère synthétique.
Mais cet amendement comporte un point essentiel sur lequel je veux insister, inscrit dans le membre de phrase suivant : « dans la limite des ressources qui lui sont affectées ». Il convient en effet de bien préciser que la caisse ne peut pas sortir des limites des ressources qui lui sont affectées.
Cela va sans dire, me direz-vous ! Mais cela va mieux en le disant. Et nous avons tout intérêt, monsieur le ministre, à être parfaitement clairs de ce point de vue, afin d'éviter non seulement toutes les dérives mais aussi toutes les accusations fausses ou les craintes qui pourraient être exprimées.
Vous l'aurez compris, le plus important dans cet amendement réside dans ce membre de phrase.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa de cet article, après les mots :
de financer
insérer les mots :
, dans la limite des produits disponibles visés au 2° de l'article 10 de la présente loi,
Le sous-amendement n° 77, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'amendement n° 13 :
de financer la prestation de compensation personnalisée
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement s'inscrit tout à fait dans l'esprit que vient de définir M. Gouteyron. J'accepte donc de me rallier à la formulation présentée à l'amendement n° 27. Cela étant, j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement sur ce dernier.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 27 ?
M. Hubert Falco, ministre délégué. Je me rallie moi aussi à la sage proposition de M. Gouteyron. Par conséquent, je retire le sous-amendement n° 77, en remerciant une fois encore M. le rapporteur de sa compréhension.
M. André Lardeux, rapporteur. Dans ces conditions, la commission des affaires sociales retire son amendement.
M. le président. L'amendement n° 13 et le sous-amendement n° 77 sont retirés.
M. Guy Fischer. Le Gouvernement plie !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par souci de cohérence, je demande le vote par priorité de l'amendement n° 27.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n°27.
M. Alain Vasselle. Je voudrais simplement me faire confirmer que la rédaction ramassée présentée à l'amendement n° 27 est bien fidèle, dans l'esprit, à la rédaction actuelle de l'article.
En effet, si la rédaction proposée par M. Gouteyron tendait à restreindre le champ d'intervention de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, je ne suis pas persuadé que nous y trouverions tous notre compte.
Ainsi, au dernier alinéa de la rédaction actuelle de l'article 7, est assignée à la caisse la mission de financer des actions de modernisation de l'aide à domicile, ainsi que des dépenses de formation des personnels soignants et des personnels d'accompagnement. Or cette mention ne figure nullement dans le texte défendu par M. Gouteyron. Cela est peut-être implicite, mais j'aimerais que M. le ministre délégué nous éclaire sur ce point, afin qu'aucune ambiguïté n'apparaisse au moment de l'entrée en application du texte.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Hubert Falco, ministre délégué. Je confirme à M. Vasselle que la nouvelle caisse interviendra bien dans le domaine qu'il a évoqué.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous sommes opposés à l'article 7. Or, si l'amendement de M. Gouteyron devait être adopté, les amendements de suppression déposés par le groupe CRC et par l'Union centriste deviendraient sans objet. Je voterai donc contre l'amendement n° 27, afin de nous donner une chance de pouvoir adopter ces derniers.
En effet, la relecture du rapport de la commission des finances m'a conduit à constater que je partageais tout à fait l'avis de M. Marini, ce qui arrive rarement ! M. Marini estime que l'approche retenue est confuse, alors que la réforme de l'assurance maladie n'est pas encore intervenue. Je partage son point de vue, et je pense que notre collègue serait tout à fait d'accord avec nous pour supprimer l'article 7.
M. Alain Vasselle. Ne parlez pas pour lui !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Chacun le sait, nous apprenons tous par coeur les rapports qui nous sont remis, surtout quand ils sont aussi éclairants que celui de M. Gouteyron !
En effet, M. le rapporteur pour avis y évoque, à propos de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, un « dispositif imprécis ». Il ajoute le commentaire suivant :
« Le texte actuel de l'article 7 apparaît insatisfaisant à plusieurs égards et témoigne de la difficulté d'apporter des modifications à ce projet de loi en l'absence de vision claire de l'avenir.
« On peut au demeurant se demander si la création d'un nouvel établissement public était, à ce stade, réellement nécessaire. Votre commission des finances a formulé de nombreuses remarques à ce sujet - hier, j'ai dit ironiquement qu'elles étaient au nombre de trente-deux, M. Arthuis me confirmera peut-être ce chiffre ! -, plusieurs commissaires estimant qu'un tel dispositif était ambigu et prématuré et qu'une inscription au budget de l'Etat des nouveaux crédits consacrés à ces actions aurait été plus satisfaisante. »
Je pourrais poursuivre ma citation, mais, quoi qu'il en soit, la lecture du rapport de M. Gouteyron amène à s'interroger, d'autant que la commission des finances se montre très critique à l'égard du texte.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Je souhaite réagir aux propos de M. Fischer.
Tout d'abord, je rappelle que la commission des finances est pluraliste. Ses membres se sont exprimés, et le devoir de son rapporteur est de restituer leur avis, arrêté au terme d'une réunion dense et assez longue de la commission, qui donna lieu à un débat tout à fait intéressant.
J'ai indiqué à M. le ministre que nous nous étions effectivement posés un certain nombre de questions et que son projet de loi pâtissait d'être un texte de transition. Mais cela, le Gouvernement en convient.
Il faut donc situer le projet de loi qui nous occupe dans un contexte chronologique qui crée, cela est vrai, une relative ambiguïté. Cependant, j'ai dit aussi que la commission des finances avait approuvé la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, après que certains commissaires, et non des moindres, eurent formulé des remarques très fortes, et sans doute pertinentes. Quoi qu'il en soit, je confirme la décision de la commission des finances d'accepter l'instauration de la caisse précitée.
M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé, et les amendements identiques n°s 50 et 64 rectifié n'ont plus d'objet.
M. Claude Domeizel. Mes craintes étaient justifiées !
Article 7 bis
La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est un établissement public national à caractère administratif. Elle jouit de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Elle est soumise au contrôle des autorités compétentes de l'Etat.
Elle peut employer des salariés de droit privé.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 65 rectifié est présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Guy Fischer. Je n'exposerai pas de nouveau la panoplie d'arguments en faveur de la suppression de la création de la CNSA.
Même complété par le biais des amendements adoptés par les seuls députés de l'UMP, le texte, en l'état, demeure bien imprécis, trop insatisfaisant.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les rapporteurs de la commission des affaires sociales et de la commission des finances du Sénat tentent eux aussi d'apporter leur pierre à l'édifice. Cela étant, on relève certaines contradictions, puisque nos collègues de l'Union centriste ont voté en faveur de l'adoption de l'article 7, alors que des amendements de suppression de ce dernier avaient été déposés par Mme Létard. On n'y comprend plus rien !
En tout état de cause, il s'agit bien sûr d'un coup pour rien, si je puis dire, puisque les missions de la CNSA seront amenées à évoluer, son statut et son organisation devant en outre être précisés au travers d'un futur projet de loi.
On tente cependant d'introduire un contrôle parlementaire sur la gestion de la nouvelle caisse, de même que le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale avait essayé de faire conférer à la CNSA les attributs classiques des organismes de protection sociale constitués sous forme d'établissement public national - personnalité juridique, autonomie financière, tutelle de l'Etat -, tout en sachant que cette caisse n'en sera pas véritablement un.
En fait, il est vain de chercher à préciser un dispositif hybride, vicié dès l'origine, n'étant ni un véritable fonds ni une véritable caisse de la sécurité sociale. Nous préférons pour notre part une démarche transparente, plus honnête, consistant à supprimer des articles qui, en tout état de cause, n'apportent aucune garantie quant au statut ou à la composition de la CNSA.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour présenter l'amendement n° 65 rectifié.
Mme Gisèle Gautier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 65 rectifié est retiré.
L'amendement n° 28, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter la dernière phrase du premier alinéa de cet article par les mots :
et du Parlement, conformément aux dispositions de l'article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Il s'agit d'une sorte d'amendement d'appel, qui vise à solliciter une confirmation de la part du Gouvernement. Pour l'obtenir, je ferai un certain nombre de rappels.
Monsieur le ministre, à ce stade, en l'état actuel du texte, il apparaît que les ressources et les dépenses de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ne figureront, comme c'était le cas jusqu'à présent s'agissant du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, le FFAPA, ni dans les projets de loi de finances ni dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Guy Fischer. Un comble !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Si nous ne prenions pas de précautions, cela pourrait constituer une atteinte au principe d'universalité budgétaire, atteinte qui avait été déjà dénoncée, s'agissant du FFAPA, par notre collègue Michel Mercier. Cela soulève ipso facto la question du contrôle parlementaire sur la gestion de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
A cet égard, je dois le souligner afin que cela soit très clair pour tous nos collègues, les motivations de la commission des affaires sociales et de la commission des finances du Sénat sont les mêmes : nous ne divergeons pas, évidemment, sur les objectifs.
Je tiens néanmoins à insister, à ce stade du débat, sur la force et la valeur de l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, très souvent citée. Celui-ci dispose que « les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques ».
Je n'irai pas plus loin dans la citation, car cela ne serait pas utile, mais il me semble important de bien relever que le champ couvert par l'article 57 de la loi organique précitée excède le strict champ des lois de finances. C'est d'ailleurs normal ! Le passage de cet article que j'ai mis en exergue à l'instant en forçant quelque peu ma voix prévoit, je le répète, que les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques, or la question des moyens dévolus à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie entre bien, de toute évidence, dans ce champ. Il s'agit bien là, j'y insiste, des finances publiques.
L'amendement que je présente vise donc à réaffirmer cette position de principe, ainsi que le pouvoir de contrôle des commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale chargées des finances sur la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Je le dis d'emblée, nous n'avons nullement l'intention de marcher sur les brisées de quiconque, mais il importe, monsieur le ministre, que le Gouvernement nous précise que la question des financements accordés à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ressortit bien au champ des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, qui, là aussi, doivent s'appliquer.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le contrôle du Parlement sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est exercé par les parlementaires, dans les conditions et sous les réserves mentionnées à l'article L. 111-9 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 51 et 28.
M. André Lardeux, rapporteur. L'amendement proposé par la commission des affaires sociales vise à prévoir les modalités du contrôle parlementaire sur la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Cet amendement part du constat que le secteur hybride ouvert par la loi du 31 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie ne se situe pas dans le champ de contrôle ordinaire des commissions permanentes du Parlement.
En effet, les dotations dont dispose le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie n'émanent pas de dotations inscrites en loi de finances. Ils n'émanent pas davantage d'un prélèvement sur les recettes de l'État, à l'instar des dotations consenties par ce dernier aux collectivités territoriales. Cet état de fait ne résulte pas, à l'évidence, d'une décision politique mûrie, mais découle d'un souhait jamais démenti, quelle que soit la majorité : celui que l'Etat ne verse pas le moindre euro pour financer l'autonomie des personnes âgées.
A l'époque, tant la commission des affaires sociales que la commission des finances avaient dénoncé le détournement des ressources de la sécurité sociale comme des départements pour financer cette nouvelle prestation. De concert, nos deux commissions avaient proposé que l'effort de solidarité nationale mis à la disposition des départements pour le financement de la prestation soit inscrit en loi de finances par le biais des dotations ordinaires versées aux collectivités territoriales.
Si la proposition du Sénat avait été retenue, la question posée dans l'amendement de la commission des affaires sociales aujourd'hui n'aurait pas lieu d'être. Ce contrôle serait exercé par les commissions des finances du Parlement.
Il n'en a rien été. Le président Jean Arthuis en a formulé le regret hier, je lui en donne acte, mais je ne crois pas que le présent gouvernement, pas plus que le précédent, envisage de bouleverser à l'avenir ce schéma de financement. Les fonds destinés au financement de l'autonomie ne relèvent pas du champ de la loi de finances.
La difficulté tient à ce qu'ils ne relèvent pas davantage du champ des lois de financement de la sécurité sociale, malgré la proximité de leur objet, car l'autonomie des personnes âgées et handicapées, bien que désormais consacrée en cinquième risque, ne constitue pas à proprement parler une cinquième branche de la sécurité sociale. Or les lois de financement n'ont dans leur champ que les dépenses et les recettes des régimes de base et des organismes concourant à leur financement.
La conséquence de l'instauration d'un secteur hybride, « l'ovni juridique » dont a pu parler à l'époque M. Charasse, est que nous ne disposons pas d'un support législatif ordinaire pour modifier les dispositions relatives à l'autonomie des personnes âgées, pas plus que pour assurer un contrôle sur le fonds qui le finance, le FFAPA.
Or, avec la création de la recette issue de la journée de solidarité, les fonds affectés au secteur de l'autonomie vont prendre une ampleur significative. De un milliard d'euros, le no man's land budgétaire passera à trois milliards d'euros. Comment accepter, au regard des exigences posées par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen quant au contrôle du bon usage des fonds publics, que ces sommes demeurent libres de tout contrôle parlementaire ?
Les comptes de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie doivent-ils relever de la loi de financement ? La plupart des personnalités que nous avons auditionnées ont formulé cet avis. Il conviendra d'apporter cette précision, le cas échéant, lors de la révision des lois organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale.
Pour le moment, nous devons être pragmatiques. Bergson a écrit : « l'intelligence, c'est l'aptitude à fabriquer ses outils ». Il faut que ceux-ci soient adaptés à l'objet que nous voulons traiter.
En prévoyant un contrôle sur la CNSA selon des modalités identiques à celles qui sont prévues pour les lois de financement, nous prévoyons des procédures de contrôle sur pièces et sur place par les parlementaires chargés de présenter un rapport sur les lois de financement de la sécurité sociale, sous les réserves traditionnelles du secret médical et du secret défense.
Cette proposition répond mieux, nous semble-t-il, à l'objet et aux missions de la caisse, appelée à être placée, chacun le reconnaît, au coeur de notre système de protection sociale. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'adopter cet amendement de la commission des affaires sociales.
S'agissant de l'amendement n° 51, présenté par M. Guy Fischer, la commission émet un avis défavorable, elle aussi dans un souci de cohérence.
Quant à l'amendement n° 28, présenté par M. Adrien Gouteyron, la commission des finances s'appuie sur les dispositions de l'article 57 de la LOLF et en particulier sur le membre de phrase : « procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques ».
Cette disposition confère-t-elle à la commission des finances un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place identique à celui qui lui est conféré pour le suivi et le contrôle du budget ? En droit, on ne peut retenir cette interprétation, sinon les dispositions prévoyant un contrôle sur le budget seraient inutiles car déjà prévues. Nul ne nie que l'exécution des lois de finances soit une question relative aux finances publiques.
J'ai cherché « à la source », dans le rapport de notre ancien collègue Alain Lambert, si le champ du contrôle de la commission des finances était ainsi étendu. Le commentaire de cet article - qui émane du Sénat - n'affirme rien de tel. Il se borne à décrire les deuxième et troisième alinéas de l'article 57 de la LOLF.
Je m'interroge également sur les raisons qui ont conduit nos collègues à proposer une rédaction plus explicite, mais peut-être des réserves constitutionnelles ne permettaient-elles pas d'être trop explicites...
En définitive, la commission des affaires sociales interprète la portée de cette définition comme solennisant la faculté de la commission des finances à réfléchir et à formuler des propositions en matière de grands équilibres financiers, ce qu'elle fait, ses rapports en témoignent, excellemment.
La commission des affaires sociales a estimé que le contrôle proposé par la commission des finances ne convenait pas pour la CNSA. En effet, l'objet social de la caisse n'est suivi par aucun rapporteur spécial puisqu'elle ne figure pas dans le domaine d'attribution de ces derniers. Il ne peut donc être effectué, en vertu de la LOLF, que par le président de la commission ou son rapporteur général. Auront-ils le loisir de s'en servir ?
La commission des affaires sociales propose de clarifier ce point. Sans doute le rapporteur pour l'assurance vieillesse, l'autonomie des personnes âgées, l'assurance maladie ou, demain peut-être, un rapporteur ad hoc se saisiront-ils opportunément de cette mission nouvelle.
En dernier lieu, je voudrais que le Sénat puisse continuer à bénéficier de l'excellence de l'expertise du président Gouteyron. Je l'ai dit, l'amendement de la commission des finances réserve de fait la prérogative de contrôle au président et au rapporteur général. En sus de priver de faculté de contrôle les rapporteurs de la commission des affaires sociales, il empêcherait M. Gouteyron, qui suit ordinairement le champ social dans notre commission des finances, d'effectuer un tel contrôle.
En revanche, la commission des affaires sociales propose des modalités qui n'excluent la compétence d'aucune commission. L'article L. 111-9 du code de la sécurité sociale donne pouvoir aux membres du Parlement chargés de présenter un rapport sur les lois de financement pour effectuer un tel contrôle. Dans notre esprit, cette compétence s'étend bien entendu au rapporteur pour avis de notre commission des finances, en l'espèce, le président Gouteyron.
Mon cher président, c'est donc pour conserver au Sénat votre expertise reconnue de tous que la commission des affaires sociales donne un avis défavorable sur votre amendement et préfère que le Sénat adopte celui que j'ai présenté. (M. le rapporteur pour avis sourit.)
MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales et Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, ministre délégué. Le Gouvernement, à l'instar de la commission des affaires sociales, est défavorable à l'amendement n° 51.
Quant aux amendements n°s 14 et 28, il convient effectivement d'en traiter conjointement puisqu'ils ont, peu ou prou, le même objet. Il s'agit d'organiser le légitime contrôle du Parlement sur cette nouvelle structure dont les missions et les enjeux financiers sont particulièrement importants.
L'amendement de M. Lardeux me paraît plus approprié, je vais m'en expliquer. L'amendement de M. Gouteyron prévoit que ce contrôle s'exerce selon les mêmes modalités que pour l'application des lois de finances, conformément à l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances. A mon sens, il n'est pas juridiquement indispensable de confirmer ce point : la loi organique donne une compétence de droit commun aux présidents des commissions des finances pour exercer ce contrôle et il n'appartient pas à la loi simple de le répéter.
Cette référence à la loi de finances de l'Etat ne me semble pas la plus adaptée au cas d'espèce. La caisse est-elle un opérateur de l'Etat ? Je ne puis l'affirmer ni l'infirmer aujourd'hui alors que ses instances de gestion, par exemple, ne sont pas installées.
Au vu de la nature de ses missions et de ses ressources, la référence au contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale me paraît plus opportune. L'amendement de la commission des affaires sociales présente l'avantage de faire référence à ce contrôle. Il me semble que les missions de la caisse et plus encore son mode et ses sources de financement touchent en l'occurrence des domaines proches de ceux des régimes de sécurité sociale.
En effet, la CSG est une recette que la caisse partagera avec ces régimes. De même, la contribution de solidarité aura une recette et des modalités de recouvrement communes avec les cotisations d'assurance maladie et avec le prélèvement social sur les revenus du capital.
C'est pourquoi, messieurs, si sur le fond vos deux amendements me paraissent intéressants, celui du rapporteur me semble préférable, car plus adapté au texte. Cela ne changera bien évidemment rien aux prérogatives que le Parlement, et notamment la commission des finances de chacune des assemblées, détient dans le cadre de ses missions de contrôle financier.
M. Roland du Luart. Discours de Normand ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande le vote par priorité de l'amendement n° 14.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l'amendement n° 14.
M. Claude Domeizel. Nous avons dit tout au long de cette discussion qu'il régnait une confusion sans nom dans ce texte. Nous touchons du doigt cette confusion puisqu'il semble y avoir dualité d'interprétation entre la commission des finances et la commission des affaires sociales.
Mon voisin Michel Moreigne me souffle que cette question dépend de la loi de finances. J'aurais pour ma part tendance à penser qu'elle relève de la loi de financement de la sécurité sociale. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, ce projet de loi enfonce un coin dans le démantèlement de la sécurité sociale. Plus on s'approche de la sécurité sociale par le biais de la loi de financement, plus on démontre que ce projet de loi entame le démantèlement de celle-ci.
Le groupe socialiste ne participera pas au vote sur l'amendement n° 14. D'une part, nous sommes contre l'existence de la caisse ; d'autre part, nous considérons qu'il vaut mieux que ce soit l'UMP qui détermine si ce point est financier ou social !
M. le président. Monsieur Domeizel, il faut mettre vos agendas à jour : le président Arthuis ne fait pas partie de l'UMP, je me permets de vous le rappeler ! (Sourires.) Je pense même qu'en le disant je lui fais plaisir...
M. Claude Domeizel. Il ne s'agit pas de M. Arthuis !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je tiens à souligner la sagacité du rapporteur pour avis, Adrien Gouteyron. Il a en effet mis le doigt sur un point sensible dont nous devrons débattre au moment de la discussion de la future loi organique concernant la loi de financement de la sécurité sociale.
Je tiens également à saluer l'excellence de l'argumentation développée par notre rapporteur André Lardeux. Il a réalisé un travail fouillé sur le dispositif et a démontré une fois de plus - je m'en étais fait l'écho en qualité de rapporteur chargé des équilibres financiers de la loi de financement de la sécurité sociale et je n'avais pas été le seul puisque certains propos de M. Charasse ont été rappelés - qu'il nous faudra clarifier le rôle de chacune des commission, car il ne peut plus subsister d'ambiguïté entre les compétences de la commission des finances et celles de la commission affaires sociales, l'une au regard de la loi de finances, l'autre au regard de la loi de financement de la sécurité sociale.
C'est la raison pour laquelle Jean-François Mattei avait reconnu la nécessité d'une nouvelle loi organique en accompagnement de la loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, pourraient être clarifiés le rôle et l'ensemble des compétences des uns et des autres.
Je regrette simplement que, à l'occasion de l'examen de la LOLF, la commission des affaires sociales ne se soit pas saisie pour avis de ce sujet, ce qui nous aurait permis peut-être d'avancer plus rapidement.
Quoi qu'il en soit, je voterai, bien entendu, l'amendement n° 14 de la commission des affaires sociales.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je vous remercie, monsieur le président, de vos utiles précisions. Monsieur Domeizel, vous confondez peut-être l'UMP et la majorité sénatoriale. Je suis membre de la majorité sénatoriale - je soutiens le Gouvernement - et je suis membre de l'UDF. Que cela soit bien clair !
Ce débat, monsieur le ministre, met bien en évidence le caractère quelque peu prématuré de la création de cette caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. J'ai apprécié vos observations sur l'amendement n° 28 de la commission des finances, présenté par Adrien Gouteyron. Vous avez confirmé l'absence d'ambiguïté : les dispositions de l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances s'appliqueront. Soyez assuré que le président de la commission des finances comme le rapporteur général prendront toutes les dispositions pour se rendre disponibles et exercer le contrôle requis, avec le rapporteur spécial, expert en la circonstance.
Les ressources n'apparaîtront ni dans le projet de loi de finances ni dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Convenons que c'est une étrange façon de procéder dès lors que l'on proclame son attachement à la transparence et à la clarté des finances publiques !
Lors de la discussion générale, hier soir, j'ai affirmé que je me serais fort bien accommodé, à titre personnel, d'une inscription budgétaire tendant à mettre à la disposition des conseils généraux, qui auront pleine compétence en matière de répartition des crédits, les fonds nécessaires par une dotation.
M. Gilbert Chabroux. Très bien!
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'amendement présenté par Adrien Gouteyron, au nom de la commission des finances, est un amendement d'appel, sans doute superfétatoire, mais qui a tout de même permis à M. le ministre d'apporter une réponse claire sur l'application de l'article 57 de la LOLF. Nous en prenons acte et nous pourrions, par conséquent, consentir à faire l'économie de cet amendement n°28.
Pour autant, je ne suis pas certain que le transfert du contrôle parlementaire sur le modèle de l'article L. 111-9 du code de la sécurité sociale ait été clairement arbitré. Je regrette donc de ne pouvoir voter l'amendement n° 14 de la commission des affaires sociales.
Par ailleurs, je souhaite dissiper tout malentendu : il n'existe pas de querelle de compétences entre la commission des affaires sociales et la commission des finances !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Certainement pas !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Chacun sait combien nos relations sont excellentes et combien nous travaillons de concert pour éclairer le Sénat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La précision apportée par M. le ministre rend donc superfétatoire toute mention complémentaire relative au contrôle parlementaire. J'ajoute que, si MM. Jamet et Briet le conseillaient dans leur rapport, je ne verrais aucun inconvénient au non-maintien de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et j'accepterais volontiers les dispositions qui viendraient régler cette question, soit à l'occasion d'un autre texte législatif, soit lors de l'examen de ce projet de loi en deuxième lecture.
M. Guy Fischer. C'est intéressant, monsieur le président de la commission des finances !
M. Gilbert Chabroux. Surréaliste !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. L'objectif visé au travers de l'amendement n° 28 - je l'ai dit en le présentant - était d'obtenir une confirmation de la part du Gouvernement. Nous l'avons eue, monsieur le ministre, et m'en réjouis.
Par ailleurs, les paroles du rapporteur de la commission des affaires sociales, commission saisie au fond, m'ont apporté une satisfaction qui va bien au-delà de mon petit amour-propre. Si toutefois j'ai correctement interprété ses propos, il a reconnu que l'article L. 111-9 du code de la sécurité sociale confère également une possibilité de contrôle aux rapporteurs de la commission des finances.
Muni de ces deux garanties, celle qui vient d'être apportée par le Gouvernement qui confirme l'application de la LOLF et celle qu'a apportée la commission des affaires sociales qui permet aux rapporteurs de la commission des finances d'exercer des contrôles, je retire l'amendement n° 28, monsieur le président.
Le débat, tout de moins pour ce soir, est donc clos.
M. le président. L'amendement n° 28 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je remercie M. Gouteyron d'avoir retiré cet amendement.
J'indique simplement au Sénat que le contrôle effectué par la commission des affaires sociales et ses rapporteurs constitue aussi, n'en déplaise à certain, un contrôle parlementaire.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Il n'y a pas de doute, c'est évident !
M. Alain Vasselle. Article 2 !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas un contrôle de qualité parlementaire exercé par les uns et un contrôle de qualité non parlementaire exercé par les autres !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 51 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 7 bis, modifié.
(L'article 7 bis est adopté.)
Article 7 ter
I. - A compter du 1er juillet 2005, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est dotée des structures suivantes :
- un conseil d'administration ;
- un conseil de surveillance ;
- un conseil scientifique.
II. - La composition de ces structures permet d'associer à au moins l'une d'entre elles :
- des parlementaires ;
- des représentants des conseils généraux ;
- des représentants des conseils d'administration des organismes nationaux de sécurité sociale visés au titre II du livre II du code de la sécurité sociale ;
- des représentants des associations oeuvrant au niveau national en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.
III. - La composition, les compétences et les modalités de fonctionnement de ces structures sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 52 est présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 66 rectifié est présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union Centriste.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 52.
M. Guy Fischer. Alors que le rapport d'étape Briet-Jamet consacre de longs développements à la « gouvernance » de la CNSA - terme quelque peu barbare -, préconise une « structure d'état-major et non de gestion directe » et pose les quatre exigences devant présider à la définition de ses contours institutionnels, les députés ont jugé opportun de prévoir dès à présent la structure des organes dirigeants, sans toutefois entrer dans le détail, ce qui bien sûr est impossible.
Au risque de me répéter, les gages ainsi donnés aux représentants des usagers, associations de personnes âgées et personnes handicapées, sont bien minces. On les berne ! On les trompe !
Mais, surtout, ces premières pierres posées anticipent sur une question de fond dont nous n'avons pas débattu et la tranchent pour ainsi dire : celle de la nature de la caisse.
En effet, si la caisse, compte tenu de ses missions, est assimilée à un organisme de sécurité sociale, solution que nous privilégions, ses contours institutionnels ne sont pas adaptés, puisqu'ils sont étrangers à une gestion à caractère paritaire.
En revanche, ils s'inscrivent tout à fait dans le schéma présenté par le Gouvernement faisant de la CNSA une tuyauterie supplémentaire - M. Vasselle les apprécie ! - venant contribuer au financement des politiques du handicap et de la dépendance.
Pour cette raison, monsieur le ministre, nous refusons de vous suivre et préconisons la suppression de l'article 7 ter.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour présenter l'amendement n° 66 rectifié.
Mme Gisèle Gautier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 66 rectifié est retiré.
L'amendement n° 78, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Au début du premier alinéa du I de cet article, supprimer les mots :
A compter du 1er juillet 2005,
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Hubert Falco, ministre délégué. Cet amendement supprime la mention d'une date d'entrée en vigueur pour les dispositions relatives aux instances de gestion de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, afin de permettre la constitution et l'installation de celles-ci dans les meilleurs délais.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le II de cet article :
II. - Des représentants des conseils généraux, des représentants des conseils d'administration des organismes nationaux de sécurité sociale visés au titre II du livre II du code de la sécurité sociale et des représentants des associations oeuvrant au niveau national en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées siègent dans au moins l'une des structures prévues au I.
Le conseil d'administration comprend des représentants des conseils généraux.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Cet amendement a deux objets.
D'abord, il vise à assurer la présence de représentants des conseils généraux au sein du conseil d'administration de la caisse. Je ne suis pas sûr que le Gouvernement soit favorable à cette disposition, bien qu'elle me paraisse naturelle dès lors que l'on envisage les organes de la caisse. Pour ma part, il me semble en effet normal d'assurer une telle représentation compte tenu du rôle absolument fondamental, pour ne pas dire charnière, que tiennent les départements au coeur de ce dispositif. Celui-ci est fondé sur la proximité, monsieur le ministre, et la cette proximité se met en oeuvre à l'échelon départemental.
Ensuite, il tend à supprimer la référence faite aux parlementaires. Cela peut surprendre, mes chers collègues, je ne le cache pas ! Je m'expliquerai néanmoins sur ce point en quelques mots, persuadé que, par cette proposition, la commission des finances prend date.
La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances donne au Parlement, et particulièrement aux commissions des finances, des pouvoirs de contrôle extrêmement importants. Pour que ces pouvoirs de contrôle puissent être exercés de la manière la plus libre, la plus détachée, la moins engagée qui soit dans la gestion d'un organisme quelconque, il ne semble pas souhaitable à la commission des finances que des parlementaires siègent au sein de ces organismes.
Ce souhait va, certes, à contre-courant de ce qui a été fait jusqu'à présent et de tout ce qui existe, et je ne suis pas certain qu'il trouve rapidement une concrétisation. Pour autant, je veux souligner que de nombreux membres de la commission des finances, encore une fois non des moindres, ont beaucoup souligné l'importance d'une telle disposition.
J'attends l'avis du Gouvernement sur cet amendement sans me faire trop d'illusion, mais j'insiste de nouveau sur la présence des départements : les conseils généraux devraient être, selon moi, fortement affirmés en ayant des représentants au sein même des conseils d'administration.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)