PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 16.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. A ce point du débat, et après avoir entendu notre collègue M. Fréville, je voudrais rappeler les raisons qui ont poussé la commission des finances à déposer cet amendement, identique à celui que vient de défendre la commission des lois.
Lorsque, sur l'invitation du Gouvernement, nous avons voté la réforme constitutionnelle, qui représente la principale innovation dans notre droit public local de ces dernières années, nous l'avons fait en ayant quelques idées en tête, non seulement des idées juridiques, mais aussi des idées sur l'organisation de notre pays, des idées politiques au sens noble du terme.
Il s'agissait de faire reposer la décentralisation sur deux principes tout simples : d'une part, il existe un vrai pacte de confiance entre l'Etat et les élus locaux ; d'autre part, le renforcement et la garantie de la responsabilité des élus locaux - maires, présidents de conseils généraux, présidents de conseils régionaux -, responsabilité qui devient ainsi contrôlable par nos concitoyens, fonde la philosophie de la décentralisation.
Ce n'est pas la peine d'aller voir comment cela se passe chez nos voisins, tant il est vrai que, dans les autres pays européens, l'autonomie de gestion rend inutile toute discussion sur l'autonomie financière. Mais comme, en France, la décentralisation a vu l'autonomie de gestion se réduire comme peau de chagrin, c'est l'autonomie financière qui a pris le dessus !
Le projet de loi organique, dont nous débattons depuis de nombreuses heures maintenant, a naturellement pour objet essentiel de faire en sorte que la Constitution soit respectée.
J'ai écouté M. Gélard, j'ai écouté M. Hoeffel : il m'a semblé qu'ils étaient tous deux de très bons juristes. Ils soutenaient deux thèses complètement opposées, ce qui est assez normal pour des juristes ; j'avoue que, pour ma part - mais je n'en ferai pas une affaire -, la thèse de M. Hoeffel me convient plutôt mieux que celle de M. Gélard. Je préfère Strasbourg à Caen depuis longtemps, c'est ainsi ! (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, notre premier souci doit être d'envoyer un signe politique clair aux élus locaux.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. De toute évidence, nous devons énoncer très nettement que constituent des ressources propres les ressources fiscales dont ils peuvent voter le taux ou l'assiette. Nous répondrons ainsi à une demande profonde de leur part.
Mais notre rôle est aussi d'éclairer l'avenir.
Le principal problème auquel nous nous heurtons actuellement est qu'il n'y a plus d'impôt d'Etat qui puisse être transféré dans sa totalité aux collectivités locales : la disposition contenue dans notre amendement répond à un souci d'aujourd'hui, voire d'hier, les élus locaux ayant été échaudés par le sort qu'ont connu leurs capacités fiscales sur les impôts traditionnels.
Nous devons donc envisager la façon dont se fera le partage des impôts d'Etat, seuls disponibles désormais pour financer la décentralisation.
Nous avons entendu des idées intéressantes, tout particulièrement celle que vient de nous présenter notre collègue M. Fréville, et je voudrais exposer la façon dont je la comprends.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui ! Vous allez nous l'expliquer !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, je ne suis pas plus malin que vous,...
M. Jean-Pierre Sueur. Si, vous l'êtes bien plus !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. ... mais, ayant écouté M. Fréville, j'ai essayé de comprendre ce qu'il a voulu dire.
M. Fréville a d'abord indiqué que nous pouvions partager les impôts d'Etat, mais que, si nous procédions au niveau national, en affectant une part globale de la ressource, ils ne constitueraient pas des ressources propres des collectivités locales. Nous sommes parfaitement d'accord avec lui sur ce point, et je veux souligner combien la position qu'il nous a présentée se distingue de celle qu'a adoptée l'Assemblée nationale.
M. Fréville a ensuite relevé que, pour que l'on puisse considérer qu'un impôt partagé devenait la ressource propre d'une collectivité territoriale, il fallait que la loi en détermine soit l'assiette, soit le taux,...
M. Jean-Pierre Sueur. Par collectivité, non par catégorie de collectivités !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. ... et ce par collectivité territoriale.
Nous avons tous lu le texte, mon cher collègue, et je crois qu'il contient trois dispositions essentielles.
C'est collectivité par collectivité que la loi devra déterminer la localisation de l'assiette ou du taux.
Je reprends les exemples qu'il a cités.
S'agissant de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, dont une part est affectée aux départements, il faudra que, dans la loi de finances, un tarif soit fixé pour chacun des départements. Cette localisation de l'impôt constitue donc une garantie très importante.
M. Jean-Pierre Sueur. Une innovation !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Nous pouvons en effet estimer, dès lors qu'un tarif différent figure dans la loi pour chaque département, que l'innovation est suffisamment importante pour soutenir que le caractère propre apparaît.
M. Charles Gautier. Et l'Europe ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Ce sous-amendement ouvre le débat sur l'avenir et sur le partage des impôts d'Etat. On ne peut pas continuer à avoir des partages d'impôts d'Etat résultant de calculs effectués au sein des ministères, calculs que nous avons parfois de la peine à comprendre. C'est le législateur, comme le prévoit l'article 34 de la Constitution, qui fixera, pour chacun des bénéficiaires de cet impôt partagé, un tarif ou une partie d'assiette.
Il est bien évident, mes chers collègues, que le fait d'avoir voté deux fois le tarif pour chacune des collectivités concernées constituera une grande innovation, d'abord parce que chacun saura combien aura l'autre, ensuite parce que cela ouvrira au sein du Parlement, et notamment au sein du Sénat, un vrai débat !
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Il faudra bien, alors, en venir à une appropriation croissante de cette part d'impôts partagés.
C'est parce que les amendements que nous défendons avec Daniel Hoeffel répondent à ce qui est actuellement une réelle inquiétude des élus locaux qu'il faut les adopter. C'est parce qu'il n'y aura pas, demain, d'autres impôts d'Etat transférables, susceptibles d'être assimilés, dans le régime juridique, aux impôts traditionnels des collectivités locales - qui sont d'ailleurs d'anciens impôts d'Etat : on n'a rien inventé en la matière ! - et parce qu'il faut regarder l'avenir que le sous-amendement de M. Fréville me semble augurer d'un vrai partage et d'un vrai pouvoir du Parlement, dans la mesure où il lui appartiendra de fixer les modalités du partage, auxquels seront forcément associées les collectivités territoriales.
C'est ainsi que les choses avanceront : il nous a fallu attendre 1980, soit plus d'un siècle, pour pouvoir voter les taux des impôts traditionnels des collectivités territoriales, mais je suis intimement persuadé qu'il faudra moins de temps pour reconnaître aux collectivités territoriales un pouvoir sur les impôts d'Etat partagés.
Le sous-amendement de M. Fréville va dans ce sens. D'une certaine façon, il pourrait constituer les prémices de ce que serait, demain, une réforme de notre fiscalité locale, si nous étions tous convaincus de l'intérêt de trouver au Sénat un accord et sur l'amendement n° 7 de la commission des lois, soutenu par la commission des finances, véritable pierre angulaire du système, qui répond à l'inquiétude des élus locaux, et sur le sous-amendement de M. Fréville, qui crée une ouverture sur l'avenir.
Ainsi, nous ferions oeuvre utile en faveur d'une véritable autonomie des collectivités territoriales, nous irions plus loin que l'Assemblée nationale ; mais, pour cela, encore faut-il que Sénat se prononce favorablement à une large majorité. Un compromis ne satisfait jamais tout le monde - c'est d'ailleurs sa raison d'être -, mais, à un moment donné, il faut faire preuve de réalisme et de sagesse.
Pour ma part, je souhaite, si un accord peut être trouvé sur les idées que je viens de rappeler et dont s'inspirent l'amendement n° 7 et le sous-amendement de M. Fréville, que nous puissions « faire bloc » : ce serait probablement la meilleure façon d'aider et de soutenir les collectivités territoriales au moment où nous allons devoir aborder l'étude approfondie de la répartition des compétences.
Ce serait, à mon sens, le rôle du Sénat, sa force, sa justification que de dire à nos collègues de l'Assemblée nationale que ses membres sont allés plus loin qu'eux - non pas contre eux - pour donner du sens à la décentralisation et des responsabilités aux élus locaux. Nous aurions alors tout simplement rempli notre mandat ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous abordons certainement là l'un des points les plus importants du débat relatif à ce projet de loi organique.
Chacun voit bien ce qui est en cause. J'ai eu l'occasion de le rappeler hier, en répondant aux intervenants de la discussion générale. C'est un problème de confiance.
Comment se fait-il que, depuis deux jours, s'expriment ici et là des interrogations ou des doutes, y compris par les voix de MM. les rapporteurs ? C'est parce que, finalement, depuis des années, nous entendons tous, les uns et les autres, des élus locaux nous dire et dire aux gouvernements successifs : « A quoi bon ? On ne vous croit plus ! »
C'est là le problème majeur : nous le savons bien ! Les mesures qui ont été prises, notamment par certains gouvernements, visant à substituer des dotations, en nombre très important, aux impôts locaux, certaines décisions ayant même parfois provoqué des dépenses nouvelles non financées ...
M. Josselin de Rohan. Ils nous ont plumés, et pour quoi faire ?
M. Henri de Raincourt. L'APA !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...ont porté une atteinte majeure à la relation de confiance qui doit exister entre l'Etat et les collectivités locales.
M. Gérard Delfau. Et vous voulez continuer !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Si tout cela n'était pas arrivé, ce débat serait probablement d'une autre nature.
Voilà pourquoi, mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens à dire, avant d'aller plus au fond de la question, avant de répondre à tous les arguments et de vous donner la position du Gouvernement, qu'un des éléments majeurs de cette réforme constitutionnelle et de ce projet de loi organique consiste à dire que le message a été reçu « cinq sur cinq ».
Grâce à eux, nous tirons les leçons du passé et nous parlons ensemble d'un avenir serein. En effet, si nous ne sommes pas capables de construire un pacte de confiance pour l'avenir, à quoi bon faire un nouveau mouvement de décentralisation ? Cela n'aurait aucun sens !
Voilà deux ans que, sur l'initiative du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, nous travaillons à cette question. Voilà deux ans que, à travers vos contributions qui étaient elles-mêmes issues de réflexions antérieures - je pense, bien sûr, monsieur le président, à la proposition de loi constitutionnelle que vous aviez présentée avec un certain nombre de vos collègues, en l'an 2000 -, avec tous les travaux accomplis, nous sommes en situation d'évoquer ensemble un certain nombre de questions !
Je voudrais maintenant en venir au fond des choses. M. Hoeffel comme M. Mercier ont une lecture de la définition des ressources propres qui n'est pas tout à fait celle que nous vous présentons. Je veux y insister, car cela signifie que je ne peux pas, en l'état, donner un avis favorable aux amendements que vous avez, l'un et l'autre, présentés, et cela pour une raison simple.
Que dit la Constitution, s'agissant de la définition des ressources propres ? Elle évoque les impôts de toutes natures, incluant donc des impôts dont les collectivités ne fixent pas nécessairement le taux ou l'assiette. C'est écrit dans la Constitution et je veux rappeler, comme l'ont fait avant moi MM. Gélard, Fourcade et Marini, que, sur ce point, la Constitution précise : « La loi peut ...», ce qui signifie que ce n'est pas une obligation.
Vous pouvez donc tourner le problème dans tous les sens, couper les cheveux en quatre, en dix ou en quinze, vous ne trouverez pas autre chose !
Je comprends le réflexe qui consiste à dire que nous sommes traditionnellement, notamment avec la référence aux fameuses « quatre vieilles » que nous voulons par ailleurs, les uns et les autres, réformer depuis des années, monsieur Fourcade, habitués au vote de taux ; mais là, nous voyons bien quelles sont les limites de l'exercice.
Il y a d'abord l'argument constitutionnel, mais je pourrais y ajouter d'autres éléments de droit : par exemple, le fait que le partage de l'impôt national, même sans vote de taux, n'est pas une dotation. Vous l'avez d'ailleurs dit vous-même dans votre rapport, et à juste titre dans la mesure où un impôt évolue de manière dynamique, en cohérence avec le territoire, et donc différemment d'une dotation dont l'évolution est plus ou moins, en fonction d'une norme administrée décidée par le Gouvernement, indexée sur l'inflation. Nous ne sommes donc pas dans la même logique.
Enfin, il est un autre argument de droit essentiel qui vient s'ajouter aux autres et que certains d'entre vous ont évoqué : le Parlement lui-même vote le taux et l'assiette des impôts nationaux. Cela concerne aussi les impôts qui seront partagés. Nous avons là un élément essentiel qui consiste à renvoyer au Parlement, et à lui seul, la possibilité de voter le taux et l'assiette pour ce qui concerne ces impôts nationaux. C'est une garantie majeure qui nous renvoie à des principes que chacun connaît car ils constituent le creuset même de nos valeurs républicaines.
J'ajoute à cela - et je veux le dire ici - une préoccupation de fait, qui me paraît primordiale car elle nous engage tous, pour ce qui concerne l'avenir : l'avenir tel que nous devons le bâtir, nous, et dont hériteront ensuite nos successeurs.
J'ai bien étudié le problème. Il tient d'abord à l'Europe, à qui les Etats membres ont demandé de travailler à une harmonisation des taux. Comment concilier indéfiniment l'harmonisation des taux de fiscalité et la possibilité pour les collectivités locales de moduler à l'infini les taux de fiscalité ? Un moment viendra où il faudra bien trouver l'équilibre !
Enfin, considérons un instant le paysage fiscal français : quels sont les impôts dont on pourrait librement voter les taux ? A y regarder de près, il peut y avoir la TIPP et la taxe sur les conventions d'assurance. Il n'y en a pas beaucoup d'autres.
C'est là un élément de fait majeur qui nous engage tous, sur toutes les travées de cet hémicycle : en effet, restreindre trop la notion de ressources propres interdirait tout futur transfert de compétences, faute de ressources propres à transférer.
Je veux insister sur ce point qui est essentiel. Il nous engage, je le répète, pour l'avenir de la décentralisation. Nous ne pouvons pas être, tous autant que nous sommes, de grands militants de la décentralisation, d'un partage efficace des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, et ne pas intégrer cet élément dans notre discussion sur le présent projet de loi organique.
Nous avons donc une décision majeure à prendre.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Girod - et Dieu sait si j'écoute toujours très attentivement vos interventions -, j'émets une réserve, que vous comprendrez bien, sur votre sous-amendement n° 41 : en associant les deux conditions de cumul - l'assiette et le taux -, vous restreignez la notion même de ressources propres et d'impositions de toutes natures. Dès lors, je crains que le résultat obtenu ne soit contraire à l'objectif que nous voulons atteindre.
J'en viens au sous-amendement de M. Fréville. La disposition que vous proposez, monsieur Fréville, est effectivement très intéressante. Elle constitue une avancée significative par rapport à la première définition qui est donnée des ressources propres, dans la mesure où elle ajoute à l'impôt dont la collectivité territoriale fixerait le taux, la possibilité d'une ressource qui serait composée d'un impôt localisable perçu par la collectivité.
C'est un élément supplémentaire qui présente l'avantage d'ajouter notamment des taxes, telles que l'imposition forfaitaire sur les pylônes, ou la redevance des mines, dont les montants ne sont pas négligeables et qui, après tout, sont une illustration de votre démonstration.
Néanmoins, monsieur le sénateur, même si c'est un progrès significatif dans le débat, comme le rappelait M. Mercier, il ne me paraît pas suffisant. Les ministres ont vocation à regarder les choses d'un point de vue très pratique. Lorsque les amendements sont présentés, la première préoccupation du ministre en charge du dossier est de vérifier immédiatement si tous les projets possibles d'impôts transférables entrent bien dans l'une ou l'autre des catégories. Nul ne souhaite en effet voir annuler une disposition par le juge constitutionnel, maintenant ou ultérieurement, au motif qu'elle ne serait pas conforme à la future loi organique.
Certes, votre sous-amendement permet d'intégrer quelques impositions, comme celles que j'ai citées. On peut y ajouter, par exemple, certains droits additionnels au droit de mutation, pour lesquels l'assiette correspond à une collectivité et dont le taux est fixé par la loi sans modulation possible.
Mais un problème se pose dans le cas de la TIPP sur les départements, qui a pour vocation de financer le dispositif du RMI-RMA : en l'état, les départements ne reçoivent pas les montants de la TIPP perçus dans le département localisable, mais un pourcentage d'un montant national qui subit une nouvelle ventilation en fonction des charges de RMI transférées.
Votre sous-amendement ne permet pas de répondre à cet aspect de la question. Bien que le critère que vous indiquez soit intéressant, il ne permet pas de régler le cas précis de la TIPP versée aux départements.
A ce moment clé du débat, je considère, en ma qualité de ministre en charge de la décentralisation des collectivités locales, que nous avons accompli une avancée. Mais elle ne me paraît pas suffisante pour pouvoir donner un avis favorable à ces amendements et sous-amendements, compte tenu de la vision que nous avons de ce projet de loi organique, pris en application des dispositions de l'article 72-2 de la Constitution, me référant d'ailleurs aux observations légitimes qui ont été faites, en particulier par MM. Fourcade, Marini et Gélard.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il me paraîtrait sage d'interrompre brièvement nos travaux pour nous permettre d'aboutir à une rédaction intégrant les différents éléments que nous venons de voir.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance d'une dizaine de minutes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas encore dit un mot !
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt heures quinze.)
M. Yves Fréville. Monsieur le président, j'ai dit tout à l'heure, en présentant mon sous-amendement, qu'il s'agissait du sous-amendement n° 37, tendant à compléter l'amendement n° 7 par les mots : « ou dont la loi localise la matière imposable ». Il était à ce moment-là tout à fait logique que M. le ministre me fasse remarquer que cela ne résolvait pas les problèmes des transferts de ressources fiscales actuels.
C'est pour cela que je présente maintenant, et sans erreur de ma part, cette fois-ci, le sous-amendement n° 37 rectifié, qui prévoit très clairement de compléter le même amendement n° 7 par les mots: « ou dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux, ».
Je rappelle les trois principaux apports de ce sous-amendement : premièrement, c'est la loi qui détermine par collectivité; deuxièmement, l'assiette est localisable, et il n'y a donc pas de problème ; troisièmement, pour répondre à la préoccupation de M. le ministre concernant la TIPP, lorsque l'assiette n'est pas localisable, on peut du moins localiser le taux.
En termes très clairs, cela veut dire que, si ce sous-amendement était adopté, lorsque le Parlement aurait à voter la répartition de la TIPP entre les départements, l'assiette évoluerait comme l'assiette nationale, bien entendu, mais il y aurait un taux spécifique pour chaque département. (M. Roger Karoutchi applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je propose que nous suspendions nos travaux afin que la commission des lois se réunisse. Il ne faut pas nous raconter d'histoire : c'est bien le sous-amendement n° 37 rectifié qui a été présenté tout à l'heure par M. Fréville.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est évident !
M. Bernard Frimat. Absolument !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons entendu l'avis de la commission et l'avis du Gouvernement, l'un comme l'autre formulés sur le sous-amendement n° 37 rectifié.
Si nous continuons nos travaux purement et simplement, monsieur le président, je vous demanderai la parole pour explication de vote, puisque nous en sommes à ce stade du débat. Cela étant, le plus simple serait de suspendre la séance, car il est vingt heures vingt et nous avons encore beaucoup à dire, y compris sur cette question-ci. S'il doit y avoir un accord, que la commission des lois se réunisse et que nous en discutions !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a déjà donné son avis !
M. le président. Mon cher collègue, le Gouvernement a la parole quand il le souhaite !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, notre débat aura eu, entre autres qualités, d'abord d'avoir été d'un très grand intérêt, ensuite de nous avoir évité d'entrer dans des polémiques, notamment de forme, qui n'avaient pas lieu d'être. En toute honnêteté, donc, j'ai clairement donné la position du Gouvernement sur le sous-amendement n° 37, mais dans sa version non rectifiée.
M. Robert Bret. Le sous-amendement n° 37 rectifié avait été distribué, monsieur le ministre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Peut-être avais-je mal compris, mais j'ai donné l'avis du Gouvernement compte tenu des éléments dont je disposais.
Pour être parfaitement clair et lever toute ambiguïté, autant le Gouvernement était vraiment réservé, comme vous l'avez compris, sur le sous-amendement n° 37, autant il est tout à fait favorable au sous-amendement n° 37 rectifié, qui lève toutes ses appréhensions.
Encore une fois, le dispositif tel qu'il est présenté ne suscite plus aucune réserve de la part du Gouvernement, qui émet en conséquence un avis favorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je suis un peu surpris de la façon dont les choses se déroulent.
Ce sous-amendement, il est vrai non rectifié, avait été examiné par la commission qui en avait demandé le retrait à M. Fréville.
On nous présente maintenant un sous-amendement n° 37 rectifié, qui est un peu compliqué et dont on ne sait pas très bien comment il va s'appliquer. Compte tenu de l'heure, il me semble que la sagesse voudrait que nous prenions un peu de temps pour l'analyser plus avant et que nous décidions de le renvoyer devant la commission.
Je ne crois pas plus que vous, chers collègues, à une réforme de la fiscalité, ne serait-ce qu'ébauchée, sur un coin de table. Or c'est précisément l'exercice auquel nous sommes en train de nous livrer. Si nous voulons faire des sottises, c'est vraiment le meilleur moyen. (M. Yves Fréville s'exclame.) Non pas que je considère votre sous-amendement comme une sottise, cher collègue, mais il y a là tout de même, concernant la fiscalité partagée, une ébauche tout à fait intéressante qui mérite mieux que d'être traitée ainsi à la légère, en quelques minutes.
A première vue, je suis, comme mes amis, sans doute, absolument défavorable à cette proposition, car elle est tout le contraire de l'autonomie. C'est en effet le Parlement qui fixera l'assiette et le taux pour les collectivités. Quelles collectivités, d'ailleurs ? On peut s'interroger, car il ne s'agit pas de catégories de collectivités. Le Parlement va-t-il fixer l'assiette et le taux pour chaque collectivité ?
En outre, toujours a priori et en première analyse, si c'est par collectivité, le dispositif peut fonctionner pour les départements et pour les régions. On voit bien que, dans ce cas, en effet, on peut fixer le taux de telle ou telle taxe, l'assiette pour telle ou telle recette. Mais cela exclut tout transfert en direction des communes ou des groupements, car comment pourrait-on fixer l'assiette et le taux pour les quelque 36 000 communes ? Ce qui est possible pour 101 départements ne l'est plus pour l'ensemble des communes de France ; même par catégorie, cela poserait problème.
Donc, a priori - mais cette analyse vaut ce qu'elle vaut, je l'avoue, car je découvre complètement ce texte avec vous, mes chers collègues (Rires sur les travées de l'UMP) -, si j'essaie d'imaginer comment le dispositif peut être appliqué, je vois qu'il est contraire à ce que nous souhaitons, raison pour laquelle nous ne pouvons pas voter le sous-amendement.
Autant nous sommes favorables, et unanimement favorables, à l'amendement de la commission des lois, autant nous sommes défavorables à ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. A ce stade du débat, je propose que nous modifiions tout de suite l'intitulé du projet de loi pour le libeller ainsi : « Projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des régions et des départements » !
M. Charles Gautier. Voilà !
M. Gérard Delfau. Il faut qu'il soit clairement dit, et je tiens à ce que cela soit acté à ce moment du débat, chers collègues de la majorité, que vous voulez exclure de l'autonomie financière, et ce n'est pas rien, les établissements publics de coopération intercommunale, ...
M. Josselin de Rohan. Mais non !
M. Gérard Delfau. ...vous l'avez décidé tout à l'heure, et, maintenant, les 36 000 communes de France.
M. Josselin de Rohan. Mais non !
M. Yves Fréville. C'est absurde !
M. Gérard Delfau. C'est absurde ? C'est très exactement ce que vous proposez et que, évidemment, nous ne voterons pas.
Nos rapporteurs ont fait et font encore des efforts considérables pour trouver une solution qui tienne compte des différentes objections et qui donne du contenu à la réforme constitutionnelle que vous avez voulue, chers collègues de la majorité du Sénat, et dont vous vous êtes suffisamment glorifiés. Aujourd'hui, vous êtes en train d'essayer d'y renoncer en faisant croire que vous continuez à la défendre. Les élus locaux, qui sont des gens de terrain, ne seront pas dupes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. J'avoue ne pas bien comprendre certaines réactions. Il me semble que le sous-amendement rectifié dont nous débattons ne diffère du précédent, sur lequel, je le rappelle, la commission des lois avait émis un avis de sagesse, que sur des points de nature rédactionnelle. Certes, la rectification précise et clarifie les intentions des auteurs du sous-amendement, mais elle n'introduit pas d'innovation substantielle sur le fond.
Cette formulation paraît claire dans la mesure où il est bien indiqué que la loi « détermine » la localisation, ce qui ne veut pas dire qu'elle fixe un chiffre par collectivité.
M. Yves Fréville. Bien sûr !
M. Philippe Marini. La loi fixe les règles selon lesquelles la localisation s'opère.
M. Yves Fréville. Tout à fait !
M. Philippe Marini. On ne peut pas dire, comme vient de le faire notre excellent collègue Gérard Delfau, que les communes et l'intercommunalité seraient exclues de ce raisonnement.
Dans ces conditions, devant un texte plus précis, la commission des finances, dont je vois plusieurs des membres ici présents et notamment son excellent rapporteur pour avis, ne peut que confirmer l'appel à la sagesse et, à mon avis, elle serait susceptible de le faire dans un esprit tout à fait favorable. (Rires.)
M. Gérard Delfau. C'est un psychodrame, cette affaire !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. A la suite des débats tant en commission des lois qu'en commission des finances, nous étions sur une position extrêmement claire : les ressources propres sont celles dont les collectivités déterminent l'assiette et le taux.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. C'est inconstitutionnel !
M. Jean-Pierre Sueur. C'était clair et facile à comprendre.
M. Josselin de Rohan. C'est aussi inconstitutionnel !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous pouvez dire que c'est inconstitutionnel, mais je vous rappellerai les excellents propos tenus à l'Assemblée nationale par M. de Courson qui a dit que, dans l'article 72-2 de la Constitution, toute la question est de savoir à quelle phrase du deuxième alinéa on se réfère, à la première, suivant laquelle les collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures », ce qu'a fait M. le ministre, ou bien à la seconde : « La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons très clairement entendu le Gouvernement, et avec quelle détermination, s'élever contre l'amendement de M. Hoeffel, mais, si je l'ai bien compris, M. le ministre vient de nous dire à l'instant qu'il serait favorable à l'amendement de la commission sous-amendé par le sous-amendement n° 37 rectifié de M. Fréville.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais enfin, regardons les choses telles qu'elles sont ! Peut-être ai-je mal compris, mais que vient ajouter au dispositif le sous-amendement de M. Fréville si ce n'est, excusez le mot, cher collègue, vous dont nous connaissons les compétences en cette matière, ce qui pourrait s'apparenter à du bricolage ?
On nous dit que la loi « détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux, ». Ou bien cela ne veut rien dire ou bien cela veut dire que la loi détermine, pour chaque collectivité, l'assiette ou le taux.
M. Philippe Marini. La loi détermine des règles !
M. Jean-Pierre Sueur. Que veut dire « déterminer la localisation », sinon fixer dans quel endroit il y a tel taux, dans quel endroit il y a telle assiette ?
Si l'on ne dit pas où cette disposition s'applique, on ne détermine pas la localisation. On arrive alors à une situation aberrante : la loi devrait elle-même fixer des taux ou des assiettes par collectivité alors que, je le rappelle, aux termes de la Constitution, elle peut autoriser les collectivités à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.
Il ne faut pas présenter comme un compromis ce bricolage, dont il est aujourd'hui très difficile de déterminer les conséquences, lesquelles donneront lieu à des conflits d'interprétation de toute nature. Tout le monde pense, en effet, qu'il est impossible de prévoir que la loi déterminera la localisation du taux, commune par commune, département par département, région par région.
Certes, on peut comprendre la divergence de vues du Gouvernement, d'une partie des sénateurs de la majorité et des rapporteurs sur la constitutionnalité de cette disposition, mais prétendre que l'adjonction du sous-amendement n° 37 rectifié à l'amendement n° 7 règle le problème et apporte une réponse crédible à ce différend, est complètement invraisemblable, incompréhensible et indéfendable.
Pour notre part, nous sommes en total désaccord avec ce bricolage qui ne règle rien et ne grandit pas notre débat. Comme l'a proposé M. Dreyfus-Schmidt, nous devrions peut-être prendre le temps de régler cette question autrement que par le biais de ce subterfuge. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il était prévu, dans l'ordre du jour, d'examiner ce projet de loi organique jusqu'à demain après-midi. Je ne comprends donc pas pourquoi, contre toutes les habitudes du Sénat, vous n'avez pas, monsieur le président, purement et simplement suspendu la séance à vingt heures, pour la reprendre à vingt-deux heures. Cela aurait été plus simple. J'ajoute que le personnel du Sénat a aussi droit à un repos.
En effet, nous n'en avons pas encore fini avec ce débat, c'est le moins que l'on puisse dire. Nous avons encore des explications à donner et à défendre notre point de vue.
Une partie de tennis intéressante s'est déroulée entre les membres de la majorité ; nous n'avons rien dit. J'en suis resté, pour ma part, aux attaques inhabituelles et incompréhensibles de notre collègue Jean-Pierre Fourcade contre l'un de nos amendements.
Or M. Fourcade a oublié que la première dotation globale qui a été fixée ne l'a pas été par un gouvernement de gauche, en 1979 ! Quant au souci des élus locaux ces dernières années, il était important de savoir si les dotations allaient être réévaluées de manière convenable ou pas. Elles l'ont été.
En matière de péréquation, je ne vois pas comment nous pourrons procéder autrement que par le biais de dotations.
S'agissant de la taxe professionnelle, je ne veux pas attaquer M. Fourcade, mais, au départ, des excès particulièrement importants avaient été dénoncés par les uns et par les autres. Aujourd'hui, a été mise en place la taxe professionnelle unique pour les établissements publics intercommunaux. Que va-t-elle devenir ?
S'agissant de la TIPP, l'argument avancé par M. le ministre m'avait, je l'avoue, semblé convaincant : la TIPP compensera le RMI. Cela reste vrai. Cet argument, qui était péremptoire, à vos yeux, tout à l'heure, monsieur le ministre, ne compte plus du tout maintenant. Pourquoi ? Nous l'ignorons.
Lorsque nous avons demandé tout à l'heure comment cela se passerait pour les communes, je ne sais pas si vous y avez prêté attention, mes chers collègues, mais M. Fréville a reconnu que la mesure n'était pas applicable pour elles.
M. Yves Fréville. Pour le taux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour chaque commune, ai-je dit, et vous avez répondu par la négative, monsieur Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur Dreyfus-Schmidt, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous en prie, monsieur Fréville.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Yves Fréville. Monsieur Dreyfus-Schmidt, lorsque j'ai dit que cette mesure est inapplicable pour les communes, je pensais évidemment au problème de localisation du taux.
Pour ce qui concerne la localisation de l'assiette, aucune difficulté ne se pose.
Lorsque nous votons un impôt, actuellement à taux fixe, pour les collectivités locales, qu'il s'agisse des droits de mutation ou du versement transport, nous fixons l'assiette, et nous la localisons pour chaque commune en précisant, par exemple, qu'elle vaudra dans la commune où est situé l'établissement ou dans celle où est situé le siège social. Déterminer signifie ici préciser le lien qui existe entre la matière imposable et la collectivité locale.
Localiser un impôt dans les 36 000 communes reviendrait à caricaturer la situation, en prévoyant que les assiettes seraient précisées dans 36 000 pages du Journal officiel !
Monsieur Dreyfus-Schmidt, pour fixer le taux, il faut le faire commune par commune. J'ai sciemment pris l'exemple du versement transport pour montrer que ce mécanisme existe déjà aujourd'hui et qu'il n'est pas une invention de ma part.
En votant le versement transport dans la région parisienne, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, nous avons prévu que, dans tel département, le taux s'élève à 2,6%, et, dans tel autre, il est de 1,7%.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez parfaitement raison, je ne vois pas comment nous pourrions mettre en oeuvre une localisation du taux au niveau des 36 000 communes. Il s'agit là non pas d'une impossibilité juridique, mais d'une remarque de bon sens.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie, monsieur Fréville, de ces précisions, mais je ne suis pas certain que tout le monde ait compris. L'exemple de la taxe versement de transport de la région parisienne ne s'applique pas partout !
Pour ce qui concerne les communes, je ne vois pas très bien comment on pourrait procéder. J'ajoute que le sous-amendement n° 37 rectifié vise à compléter l'amendement n° 7 par les mots : « dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux », mais qu'il ne précise même pas que l'assiette ou le taux dépend de la collectivité.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est la loi qui détermine !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La loi détermine la localisation de l'assiette ou du taux, mais on n'indique pas qui fixe l'assiette ou le taux. C'est tout de même assez extraordinaire !
La localisation est déterminée par collectivité. A la rigueur, on aurait pu dire : « par région, d'une part, par département, d'autre part », mais ce n'est pas ce qui nous est proposé. Il ne faut donc pas nous faire croire que cette disposition est applicable aux 36 000 communes de France.
S'agissant de la TIPP, il faut voir ce qu'elle représente. A combien s'élève aujourd'hui le prix du baril ?
M. Philippe Marini. Le rapport n'est pas direct !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une évidence, aucune collectivité ne pourrait encore augmenter le prix de l'essence, du gasoil ou du fioul dans son département, car nous avons déjà atteint des sommets !
Si l'on en revient un jour à la TIPP flottante, ...
M. Philippe Marini. Quelle belle invention de votre part !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ...je ne sais pas non plus comment l'on fera !
Comme ils le font pour le tabac, dans les régions frontalières, les habitants iront faire leur plein d'essence de l'autre côté de la frontière !
M. Josselin de Rohan. Vous êtes un mauvais patriote !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne parle pas pour moi, monsieur de Rohan ! Je ne parle pas non plus de nos compatriotes que vous voulez amnistier pour leur permettre de rapatrier les fonds qu'ils ont déposés à l'étranger ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Je le répète, nous ne pouvons pas accepter ce sous-amendement n° 37 rectifié tel qu'il est proposé.
J'ajoute qu'il serait sage, à vingt heures quarante, de suspendre la séance et de renvoyer nos travaux en commission, puisque c'est du travail de commission que vous avez fait tout l'après-midi, monsieur le président, en allant et venant voir les uns et les autres, comme l'ont fait également un certain nombre de nos collègues.
Par ailleurs, M. du Luart, que je n'ai pas eu le plaisir de voir, ...
MM. Yves Fréville et Henri de Raincourt. Il est là !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne l'ai pas entendu !
... est l'autre signataire du sous-amendement n° 37 rectifié.
En outre, d'un point de vue européen, sera-t-il possible de faire ce que l'on veut avec la TIPP, alors que l'on a appris que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tentait de faire en sorte que le prix de l'essence soit le même dans toute l'Europe ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est quelque peu contradictoire avec ce sous-amendement !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je veux simplement comprendre le débat, sans aucune polémique, même si la TIPP n'entre pas vraiment dans le cadre du développement durable. Mais passons...
Dans la rédaction initiale du sous-amendement, on pouvait comprendre que vous proposiez trois solutions, monsieur Fréville.
Premièrement, les collectivités territoriales devaient bénéficier d'une part de la TIPP sur les produits vendus sur notre territoire et le taux serait voté par notre collectivité. Il s'agit bien ici de l'autonomie des collectivités, mais il semblerait que ni Bruxelles ni le Gouvernement n'en veuillent. La dernière rédaction retenue ne leur laisse donc plus cette opportunité.
Deuxièmement, une part de la TIPP sur les produits pétroliers vendus sur notre territoire leur serait accordée, mais le taux serait voté par le Parlement. Il s'agit bien là d'une localisation, mais cet outil ressemble plutôt à la péréquation, puisque nous n'avons pas la maîtrise du taux.
La dotation est discutable parce que, si le Parlement établit des taux différenciés par collectivité régionale et départementale, il pourrait être vertueux et permettre une péréquation.
Troisièmement, une solution plus simple dans les calculs consisterait à fixer une part de la TIPP nationale - on ne s'occupe pas des localisations des pompes à essence - que l'on répartit selon un taux voté par le Parlement. Il s'agit là d'une dotation et non plus d'autonomie.
De ces trois scénarios, j'aimerais que vous nous disiez, monsieur Fréville, lequel est sous-tendu par votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je tiens à vous dire, monsieur le président, que c'est fort probablement la seule et unique fois que j'interviendrai dans le débat. J'avoue avoir quelques scrupules à le faire, car j'ai entendu d'éminents experts et spécialistes sur le sujet, dont je ne suis pas.
Toutefois, permettez-moi, monsieur le président, en tant qu'élu de base et maire d'une petite commune rurale, de livrer mon sentiment sur le sujet. Je veux vous dire ce qui déterminera mon vote sur les dispositions législatives qui nous sont proposées à la fois par le rapporteur et par nos collègues qui ont souhaité sous-amender l'amendement n° 7.
De toutes ces propositions, j'ai retenu que nous nous heurtions à une difficulté majeure, qui est liée à une faute originelle du constituant lors de la révision de la Constitution.
Si nous avions, à l'époque, bien rédigé la Constitution, sans doute n'aurions-nous pas ce débat ce soir. Si j'ai bien compris, nous sommes obligés d'accepter un sous-amendement déposé par nos collègues Yves Fréville et Roland du Luart pour que l'amendement de la commission soit compatible avec la Constitution. (M. le ministre délégué acquiesce.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Alain Vasselle. Je constate, avec votre signe d'approbation, monsieur le ministre, que j'ai compris le débat ! (Sourires.)
Mes chers collègues, lorsque je vais retourner dans ma commune rurale, je vais devoir expliquer aux conseillers municipaux que, demain, grâce à la réforme constitutionnelle et à la loi organique, je pourrai, en tant que maire, bénéficier d'une véritable autonomie financière. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Bon courage !
M. Alain Vasselle. Par conséquent, je vais avoir un réel pouvoir grâce aux ressources propres de ma commune pour investir, gérer, apporter des services à la population et équiper ma commune. C'est parfait !
En définitive, ce débat est certainement très intéressant, mais ce que vont retenir les maires, c'est le résultat.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Alain Vasselle. Comment cette autonomie financière va-t-elle se traduire, concrètement, pour eux, au quotidien, lorsqu'ils vont voter leur budget, gérer leurs ressources propres ?
Ce qui va importer, c'est ce qui va résulter de nos travaux sur l'article 3, concernant la part déterminante.
Je crois comprendre également que M. le rapporteur s'apprête, compte tenu de ce que nous aurons décidé sur les points qui nous occupent présentement, à retirer son amendement, relatif au niveau de 33 %. Je dois avouer qu'une première lecture du texte ne m'avait pas convaincu.
Pour l'élu rural que je suis, la véritable autonomie financière serait celle qui me permettrait, avec mes ressources propres, en toute indépendance, sans le concours de quelque collectivité que ce soit, d'investir, de faire face à des dépenses de fonctionnement dans la limite des compétences qui m'auront été transférées par la loi de décentralisation.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est du bon sens !
M. Alain Vasselle. Si, demain, je ne peux pas, avec mes ressources propres, investir dans tous les domaines de compétences qui sont les miens, je n'aurai pas l'autonomie financière que j'attends, car je resterai en situation de dépendance d'une autre collectivité, le département, la région ou l'Etat, à travers les dotations, notamment la dotation globale de fonctionnement, mais, surtout, la dotation globale d'équipement, la fameuse DGE.
Mon vote se déterminera en fonction de ces éléments. A priori, je ferai confiance aux experts, n'étant pas spécialiste,...
M. Gérard Delfau. Le résultat est assuré !
M. Alain Vasselle. ... mais j'espère que je ne serai pas déçu du résultat, non plus qu'aucun maire de France, et que l'autonomie financière sera bien effective le moment venu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Girod. Je ne crois pas avoir très mauvais caractère, mais je tiens cependant à apporter une précision.
Autant que je me rappelle, j'ai exposé le sous-amendement n° 41, qui était appelé en discussion avant le sous-amendement de M. Fréville ; or, j'ai entendu l'avis du Gouvernement, mais pas celui de la commission.
Je veux bien que mon sous-amendement soit appelé après le sous-amendement de M. Fréville, mais je n'accepterai pas que l'amendement de la commission soit mis aux voix sans que mon sous-amendement n° 41 l'ait été auparavant.
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. le président. Il sera bien sûr mis aux voix avant celui de M. Fréville.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Nul doute que la question des ressources propres est l'un des points essentiels de notre débat d'aujourd'hui, mais permettez-moi de rappeler ce que l'on peut appeler « ressources propres » des collectivités territoriales et d'ajouter quelques éléments à ceux qu'a apportés notre collègue M. Yves Fréville en présentant le sous-amendement n° 37 rectifié.
Selon la définition donnée dans le présent projet de loi, ces ressources propres sont, d'abord et avant tout, les ressources fiscales des collectivités locales, essentiellement fondées sur les quatre grandes taxes historiques.
S'y ajoutent, notamment depuis 1983, le produit des droits de mutation immobilière pour l'essentiel et quelques taxes annexes aux précédentes, notamment la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, dont, d'ailleurs, la consistance et l'évolution, soit dit en passant, devraient éveiller très prochainement notre attention.
En plus de ces recettes fiscales figurent les recettes d'exploitation des biens détenus dans le patrimoine des collectivités locales - il est important de le rappeler -, comme celles qui découlent de la rémunération des services rendus.
Dans les faits, cela va du produit de la vente des coupes claires effectuées dans les bois propriétés de nos communes forestières à l'encaissement des recettes de piscine, de cantine scolaire ou de centre culturel, notamment.
S'agissant des recettes fiscales, quel est le véritable degré d'autonomie des collectivités locales ? L'assiette de l'impôt à la marge de laquelle les assemblées délibérantes des collectivités locales peuvent décider soit des abattements pour charges de famille, soit des exonérations temporaires circonstanciées, n'est - c'est finalement assez heureux - pas fixée par les élus locaux eux-mêmes.
Les éléments fiscaux essentiels sont, en effet, calculés par les services du ministère des finances. Dès lors, la liberté de détermination d'assiette des impositions locales est fort limitée.
Devons-nous pour autant inscrire ce principe dans la loi organique, au sens où cela peut offrir l'opportunité d'une interprétation relativement exhaustive en la matière ? Nous pourrions le faire, mais cela poserait d'autres problèmes. Il faut que les élus locaux soient mis en situation de déterminer en toute connaissance de cause de la quotité des impositions locales.
Nous disons « oui » à une réévaluation régulière des bases locatives qui permette, notamment, de prendre en compte l'évaluation réelle des biens constitutifs de la matière imposable, qu'il s'agisse des immeubles destinés à l'habitation ou de ceux qui sont voués aux activités économiques. Les entreprises, par exemple, sont souvent les premières bénéficiaires des politiques de développement des infrastructures menées par les collectivités locales elles-mêmes. Il n'est donc pas anormal, en retour, qu'elles contribuent au financement de ces politiques.
Le vrai débat sur les ressources propres ne peut être détaché de l'ensemble de la problématique des finances locales : qu'adviendra-t-il de la taxe professionnelle ? Qu'adviendra-t-il des dotations budgétaires ? Quelles seront, sur l'utilisation - je dis bien « l'utilisation » - des ressources propres des collectivités locales, les incidences de la mise en oeuvre de la décentralisation telle que définie par la loi sur les libertés et responsabilités locales ?
S'il s'agit de définir précisément les ressources propres, puis de voter une loi contraignant les collectivités locales à les utiliser de manière quasi exclusive pour le transfert non de nouvelles compétences, mais de charges dont l'Etat se serait délesté, alors, nous n'aurons pas avancé d'un pouce concernant l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Nous refusons ce marché de dupes et ne voterons pas ce sous-amendement négocié à la faveur de dix minutes de suspension de séance, car il est, de notre avis, grotesque et, en même temps, inapplicable : nul n'ignore, ici, que la France compte quelque 36 000 communes. De plus, la mesure proposée entraînerait une généralisation de la décentralisation à la sauce gouvernementale.
M. le président. Mes chers collègues, j'ai laissé à chacun d'entre vous une grande liberté de discussion, car il s'agit de points importants. Mais il nous faut à présent en revenir à plus de rigueur.
La parole est à M. Claude Estier, pour un rappel au règlement.
M. Claude Estier. Ce débat, dont M. le ministre disait tout à l'heure, avec raison d'ailleurs, qu'il s'était jusqu'à présent tenu dans de bonnes conditions, sur les sujets essentiels que nous avons abordés à l'article 2, est en train de devenir confus, ce qui n'est pas digne du Sénat, dont vous rappelez souvent, monsieur le président, qu'il est le gardien des collectivités locales et des libertés locales.
Il est vingt heures cinquante : ce n'est pas une heure raisonnable pour poursuivre une telle discussion. Je vous demande donc instamment, monsieur le président, de suspendre maintenant la séance, afin que nous allions dîner et que nous puissions réfléchir en même temps.
Il n'est pas sérieux de continuer à travailler dans ces conditions.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. René Garrec, président de la commission des lois. Je tiens à rappeler, en premier lieu, quelle fut la position de la commission des lois sur les deux sous-amendements en question, celui de M. Girod et celui de M. Fréville : dans les deux cas, la majorité des membres de la commission avaient décidé de s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas sur le sous-amendement n° 37 rectifié !
M. René Garrec, président de la commission des lois. Je ne vois pas ce que le fait qu'il soit rectifié change ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Gautier. Cela doit changer quelque chose, puisque M. le ministre n'émet plus le même avis !
M. René Garrec, président de la commission des lois. En second lieu, je note que vous n'avez pas demandé l'avis de la commission, monsieur le président.
M. le président. J'ai laissé s'ouvrir un large débat sur l'amendement n° 7 et sur le sous-amendement n° 37 rectifié parce qu'ils ont trait à un point essentiel, mais nous allons reprendre le cours normal de nos travaux après la suspension, et je demanderai alors bien évidemment l'avis de la commission.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, je tiens à rappeler, pour éviter toute confusion entre nous, la position du Gouvernement : j'ai, tout à l'heure, donné un avis favorable sur cet amendement, sous réserve que le sous-amendement n° 37 rectifié de M. Fréville soit adopté. Il est à présent nécessaire que soient présentés les autres amendements déposés sur cet article 2, afin que le Sénat puisse ensuite se prononcer en toute sérénité.
Je sais d'ailleurs à quel point chacun, ici, est attaché, à ce que ce débat se déroule dans la sérénité, sérénité qui en fait toute la qualité. Je vous propose donc, monsieur le président, de suspendre la séance, afin que nous allions dîner.
M. le président. Tout à fait ! Mais j'ai tenu à laisser une totale liberté aux uns et aux autres de s'exprimer sur un sujet aussi préoccupant, et je ne pouvais suspendre la séance au beau milieu de la discussion.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-trois heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, au sein de la discussion de l'article 2, sur lequel douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune ont été déposés, l'amendement n° 7 et les sous-amendements nos 41 et 37 rectifié ainsi que l'amendement n° 16 ont été appelés en priorité. Ils ont été présentés par leurs auteurs et ont donné lieu à un très large débat, au cours duquel chacun a pu librement s'exprimer. En effet, compte tenu de l'importance du sujet, il m'a paru nécessaire de donner un peu de souplesse à la discussion. Le Sénat a ainsi montré l'intérêt qu'il portait à ce projet de loi organique.
Il nous reste maintenant à examiner les dix amendements encore en discussion sur l'article 2.
L'amendement n° 23, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement pourrait, à première vue, surprendre un peu. Il découle des positions de principe qui sont les nôtres sur ce texte que nous examinons depuis hier après-midi.
L'article 2 est relatif aux ressources propres des collectivités territoriales. Pour l'essentiel, ces ressources comprennent le produit des impositions de toutes natures, en particulier des fameuses « quatre vieilles », et les produits d'exploitation.
Cependant, le présent projet de loi organique ne fait que renvoyer au deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, qui dispose que les collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ».
Cette insertion - ou non - de la référence explicite au texte constitutionnel dans la loi organique va encore alimenter la controverse, puisque sont visés ici des amendements identiques de la commission des lois et de la commission des finances.
De toute évidence, toutefois, ce qui est en jeu, au-delà de la controverse, c'est bien évidemment le contenu que l'on donne à ces dispositions. Rédiger l'étiquette de la bouteille ne suffit pas : encore faut-il savoir ce que l'on met dedans...
Prenons la question de la fixation de l'assiette et des taux des « quatre vieilles ». Rappelons-le une fois encore, ces quatre impôts locaux étaient, avant la création de l'impôt général sur le revenu par un ministre des finances radical de la IIIe République, des impôts nationaux qui ont été transférés aux collectivités.
S'agissant de l'assiette, nous attendons encore la révision des valeurs locatives, engagée en 1990 et jamais mise en oeuvre...
Dois-je également rappeler ici l'ensemble des mesures qui ont modifié les règles en matière d'imposition locale, qu'il s'agisse du plafonnement à la valeur ajoutée de la taxe professionnelle, de l'allégement transitoire des bases, ou encore, plus récemment, de la suppression de la part taxable des salaires, sans compter bien sûr, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation ?
Pour les élus locaux, fixer les taux des impôts locaux sur une assiette de plus en plus indéfinissable revient à jouer à une sorte de colin-maillard où le bandeau ne serait jamais retiré.
En réalité, les élus locaux votent, en quelque sorte, à l'aveugle, sans avoir les moyens réels de connaître les effets de telle ou telle décision.
Dans bien des cas, la hausse, même modérée, des taux d'imposition mécontente les résidents propriétaires ou accédant à la propriété et ne fait qu'accroître le montant du dégrèvement auxquelles les entreprises ont légalement droit.
Dans ce cadre, pouvons-nous, chers collègues, nous dispenser d'attendre que la réforme des finances locales, tant espérée et si nécessaire, ait enfin été mise en oeuvre avant d'inscrire dans le marbre de la loi organique un principe qui n'a guère de vertu ?
Nous avons déposé dans ce sens - dois-je le rappeler ? - une proposition de loi qui doit permettre d'ouvrir sans délai cet indispensable débat.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à adopter cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au sens de l'article 72-2 de la Constitution, les ressources propres des collectivités territoriales sont celles dont les collectivités et leurs groupements fixent librement le montant. Elles sont constituées du produit des impositions de toutes natures, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je voudrais d'abord exprimer ma satisfaction : le happening a pris fin et nous reprenons un cheminement un peu plus clair.
M. le ministre, à de multiples reprises, a témoigné son souhait de clarté et de lisibilité. Ce faisant, il a distingué deux objectifs sur lesquels nos débats récents montrent qu'un long chemin...
M. Jean-Pierre Sueur. Un très long chemin !
M. Bernard Frimat. ...reste encore à parcourir.
En effet, jusqu'ici nous avions un débat d'une grande clarté.
D'un côté, certains, à droite, préfèrent sauver un compromis boiteux : parce que nous sommes dans un carcan, il faut considérer comme autonomes des choses qui ne le sont pas mais qu'il faut trouver telles. Je pense notamment aux « impositions de toutes natures », sur lesquelles pourtant les collectivités locales n'ont aucun pouvoir.
Je salue la clarté d'une telle position : elle est certes la négation parfaite de l'autonomie financière, mais, comme tentative de définition a contrario, elle est lisible et claire, même si elle se révèle inefficace au regard du but recherché.
D'un autre côté, la position défendue par le bureau de l'Association des maires de France - je vais mettre à l'aise son président - est tout aussi claire : le bureau de l'AMF, à l'image de toutes les autres collectivités territoriales ou du congrès des pouvoirs locaux régionaux d'Europe, affirme clairement et simplement qu'une ressource propre est une ressource sur laquelle les collectivités ont un pouvoir.
Notre amendement n° 56 a donc été déposé pour le cas où, d'aventure, la position initiale des auteurs de l'amendement n° 7 devrait connaître quelque traquenard ou quelque tentative de clarification qui réunisse à la fois la proposition et la contre-proposition. Or c'est à peu près le compromis de grande qualité vers lequel nous nous dirigeons ! Nous allons pouvoir adopter cet amendement de l'AMF de façon que le Sénat, dans sa grande sagesse, puisse envoyer à toutes les associations de collectivités territoriales un message simple : nous, Sénat, qui vous représentons, sommes en désaccord absolu.
C'est en effet ce que vous signifierez si vous votez contre cet amendement n° 56, ou si vous le faites tomber en adoptant l'ersatz de compromis que constitue en réalité l'amendement n° 7.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I - Au début de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
Dans le chapitre IV du titre unique du livre Ier de la première partie du même code, il est inséré un article L.O. 1114-2 ainsi rédigé :
II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la référence :
« Art. L.O. 1114-2. -
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il va enfin nous faire connaître l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 37 rectifié !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'avez pas la parole ! Pour l'instant, seul M. le rapporteur est invité à s'exprimer sur l'amendement n° 6 !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est un simple amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Marc, Peyronnet, Frimat, Sueur, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel, Collomb et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
, autres que le produit des impositions de toutes natures que ces collectivités territoriales reçoivent en application du deuxième alinéa de cet article, sont constituées
par les mots :
sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont les collectivités votent le taux ou déterminent le tarif,
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. La définition des ressources propres constitue, comme nous pouvons le constater depuis plus d'une semaine maintenant, le sujet fondamental du désaccord au sein de la majorité.
A l'Assemblée nationale, l'UMP, à quelques remarquables exceptions près, a soutenu contre vents et marées son gouvernement en jouant, une fois n'est pas coutume, la carte du juridisme triomphant.
Au Sénat, vous en conviendrez, c'est un petit peu plus compliqué : le vote dans cet hémicycle, au-delà des choix opérés en commission, dira si l'autonomie fiscale et financière des collectivités y trouvera son compte.
Ne nous y trompons pas : il s'agit bien de décider ici du contenu d'une loi organique qui s'imposera ensuite à l'ensemble des travaux législatifs à venir sur les transferts de compétence.
L'enjeu est donc de taille ! La question essentielle posée par ce texte porte en effet sur le point de savoir si, parmi les impositions de toutes natures, seules les recettes fiscales, dont les collectivités territoriales peuvent fixer l'assiette, le taux ou le tarif, doivent être considérées comme des ressources propres.
La réponse du groupe socialiste n'a pas changé depuis l'adoption de ce texte à l'Assemblée nationale. Elle est la seule défendable et la seule pertinente : seules peuvent être considérées comme des ressources propres celles sur lesquelles les collectivités disposent de marges de manoeuvre pour en moduler le produit par le vote d'un taux ou la détermination d'un tarif.
Il ne saurait être question d'inclure dans les ressources propres des produits d'impôts nationaux sur lesquels les collectivités n'ont aucun pouvoir. Ces impôts partagés sont tout simplement assimilables à des dotations d'Etat, qui plus est non indexées, et donc sans que leur évolution soit garantie.
L'autonomie fiscale - et, à travers elle, la maîtrise de l'assiette ou du taux des impôts locaux - accroît la liberté de gestion des collectivités territoriales. Elle rend les élus locaux comptables de leurs choix devant leurs électeurs et peut donc être considérée comme un fondement de la démocratie locale. Mais, à elle seule, je tiens à le souligner, elle ne garantit pas l'autonomie financière des collectivités, car une autonomie fiscale garantie ne résout pas le problème de certaines collectivités dépourvues de base. C'est pourquoi cette autonomie ne saurait exister sans des dispositifs de péréquation efficaces et rénovés.
Cela nous conduit donc à vous proposer, mes chers collègues, l'adoption de cet amendement n° 55, qui correspond bien à l'esprit de ce qui a été recherché depuis déjà de nombreux mois dans le souci de donner de l'autonomie aux collectivités locales.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :
de toutes natures
insérer les mots :
à l'exception du produit d'impôts nationaux transféré
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur une question clé en matière de finances locales.
En effet, depuis un certain temps, nous avons pu constater qu'une bonne partie du débat sur les compétences respectives de l'Etat et des collectivités locales se polarisait sur la dévolution de ressources fiscales de l'Etat à ces collectivités.
Je ne prendrai que quelques exemples, que chacun garde en mémoire.
Ainsi, le transfert du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité aux départements a été gagé sur le partage du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, dans des conditions que d'aucuns ont d'ailleurs trouvé discutables.
De même, on peut s'interroger, pour l'avenir, sur le système qui viendra éventuellement se substituer à un ou plusieurs niveaux de taxe professionnelle, si tant est que la réforme annoncée en début d'année par le Président de la République lui-même voie le jour...
En fait, le principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales, pour autant qu'il s'arrête à la faculté de lever l'impôt en toute connaissance de cause, coïncide difficilement avec le jeu de bonneteau fiscal auquel se livre ou risque de se livrer le Gouvernement dans les mois qui viennent.
Si l'on retient l'expression « impositions de toutes natures », on vise, certes, les recettes fiscales traditionnelles des collectivités locales, mais on laisse aussi la porte ouverte à de plus importants transferts portant sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers, sur la taxe sur la valeur ajoutée ou sur tout autre produit fiscal presque exclusivement perçu aujourd'hui par l'Etat pour son propre compte.
Mais, à chaque fois, le transfert de compétences et de moyens ne vise, in fine, qu'un seul et même objectif : délester l'Etat de ses obligations, à bon compte et à moindres frais, sur les collectivités locales. Libre à elles, ensuite, en parfaite autonomie, de répondre autant que faire se peut aux missions de service public ainsi transférées.
Il serait donc clairement abusif de considérer que le produit des impôts nationaux, partagé au détour de telle ou telle loi, soit assimilable à une ressource fiscale autonome des collectivités locales.
M. le président. L'amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Delfau, Pelletier, Laffitte et Joly, est ainsi libellé :
I- Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :
impositions de toutes natures
insérer les mots :
et les fractions du prélèvement sur recettes affectées aux dotations de péréquation de la dotation globale de fonctionnement
II- Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'intégration des fractions du prélèvement sur recettes affectées aux dotations de péréquation de la dotation globale de fonctionnement dans les ressources des collectivités territoriales, sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Nous venons d'assister à un débat d'une grande confusion sur l'autonomie financière des collectivités territoriales et, plus précisément, sur sa dimension « ressources propres ».
Permettez-moi de rappeler les éléments de ce débat.
Chacun, dans cet hémicycle, s'accorde à considérer que font partie des ressources propres et concourent à l'autonomie financière des collectivités territoriales les recettes de la fiscalité locale. La controverse commence quand il s'agit des impôts partagés.
La commission des lois comme la commission des finances et leurs rapporteurs respectifs souhaitent que le taux et l'assiette de ces impôts qui seront affectés aux collectivités territoriales soient fixés par ces dernières. C'est le gage de la libre administration de ces collectivités.
A ces éléments s'ajoute un aspect qui n'a été évoqué que lors de la discussion générale, à savoir la péréquation.
Par l'amendement n° 77 rectifié, nous proposons que la fraction de péréquation de la dotation générale de fonctionnement puisse concourir à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Nous savons bien que la DGF est un prélèvement sur les recettes de l'Etat. Nous avons approuvé le fait que, depuis 2004, son architecture soit simplifiée et comprenne, pour chaque catégorie de collectivités, une dotation de péréquation.
Inclure cette dernière parmi les ressources propres des collectivités nous semble légitime pour quatre raisons.
D'abord, selon nous, la technique du prélèvement sur recettes de l'Etat est financièrement assimilable au transfert par l'Etat d'un impôt aux collectivités si, du moins, ce transfert permet de renforcer l'autonomie financière des collectivités territoriales. Ce serait le cas en l'espèce.
Pour cette même raison, nous limitons l'intégration au sein des ressources propres des fractions consacrées à la péréquation.
Ce transfert est par ailleurs justifié par les inégalités de ressources considérables entre collectivités et territoires.
Enfin, nous proposons de constitutionnaliser cette fraction de DGF, ce qui permet de faire figurer dans la loi organique la notion de péréquation, mesure attendue par les collectivités. Bref, nous complétons le dispositif qui nous est soumis.
L'amendement n° 77 rectifié a au moins un mérite : il permet de faire apparaître à quel point les débats que vous menez, chers collègues de la majorité sénatoriale, sont biaisés.
Nous considérons, pour notre part, qu'il est important, symboliquement, d'inscrire dans la loi la présence, à côté des recettes fiscales locales, des impôts partagés - s'ils sont d'une façon ou d'une autre maîtrisés par la détermination par les collectivités territoriales de leur assiette ou de leur taux -, d'une fraction de la dotation globale de fonctionnement. Ce serait une garantie d'autonomie financière desdites collectivités.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé:
Les collectivités territoriales peuvent, dans les limites déterminées par la loi, fixer l'assiette et voter le taux des impôts qu'elles perçoivent.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne vous échappera pas, mes chers collègues, que cet amendement, inspiré par une phrase issue de l'excellent rapport de M. Arthuis, Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme, est un amendement de repli.
Il serait finalement assez rafraîchissant d'accepter d'insérer dans l'article 2 cette phrase de bon sens, après le marasme que nous avons connu à la fin de la séance de cet après-midi.
M. Josselin de Rohan. Vous avez raison !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne peux cesser de penser à ce qui s'est passé tout à l'heure. C'était très frappant, monsieur de Rohan, et je constate que cela ne vous a pas échappé !
M. Josselin de Rohan. Vous avez été frappé ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'était d'ailleurs intéressant sur le plan intellectuel.
M. Josselin de Rohan. C'était distrayant !
M. Jean-Pierre Sueur. Ainsi, monsieur Garrec, vous avez indiqué - je ne pense pas trahir votre pensée - que la commission des lois avait émis un avis de sagesse sur le sous-amendement présenté par M. Fréville. Mais cet avis, si je ne me trompe, portait sur le texte initial, qui a été ensuite rectifié. Or vous avez fait remarquer que, de toute façon, cette modification ne changeait rien à l'esprit du sous-amendement. Est-ce exact ?
M. René Garrec, président de la commission des lois. Cela ne changeait rien à l'avis de la commission !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans le même temps, monsieur le ministre, vous nous avez signalé qu'autant vous n'auriez pas accepté le sous-amendement initial, autant vous considérez que ce texte modifié règle, d'une certaine façon, tous les problèmes et vous permet d'accepter l'amendement n° 7 de la commission des lois.
M. le président. Venez-en à l'amendement n° 57, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai voulu rappeler la situation de marasme que nous avons connue, afin que mes propos figurent au Journal officiel et que chacun puisse bien apprécier les dimensions du problème.
Pour ce qui est de l'amendement n° 57, voter la phrase de bon sens et tout à fait rafraîchissante suggérée par le rapport de M. Arthuis serait un élément de stabilité dans notre assemblée qui ne pourrait qu'être profitable à ces collectivités locales que nous aimons tant.
M. le président. Amour partagé, monsieur Sueur ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Bravo, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le second alinéa de cet article.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement porte sur la question sous-jacente dans le débat que nous menons de la prise en compte de l'intercommunalité.
Comme nous le savons tous, le fait intercommunal n'est pas, aujourd'hui, constitutif de collectivités locales de plein exercice.
Certains s'en plaignent d'ailleurs, d'autant qu'ils appellent aussi de leurs voeux une forme de spécialisation des recettes fiscales locales qui ferait de la taxe professionnelle l'instrument fiscal essentiel de l'échelon intercommunal.
Plus généralement, concernant les EPCI, il nous faudra bien un jour mener le débat à son terme si nous ne voulons pas rester au milieu du gué, comme c'est encore le cas aujourd'hui avec ce projet de loi organique.
La rédaction actuelle des articles 72 et 72-2 de la Constitution ne contient pas de trace non plus du fait intercommunal.
On pourrait presque se dire que l'article 2 du présent projet de loi organique ne propose d'autre évolution signifiante que celle qui vise à assimiler, en termes d'évaluation des ressources propres, les communes aux établissements publics de coopération intercommunale.
Mais, dans les faits, une telle orientation a une particularité essentielle, qui ne peut échapper aux observateurs les plus attentifs de la situation de nos collectivités locales : l'intercommunalité, notamment parce qu'elle est portée par l'homogénéisation des taux de taxe professionnelle au titre du coefficient d'intégration fiscale, gomme sinon écrase la réalité des disparités de ressources dont disposent les collectivités locales, notamment celles qui sont également éligibles au bénéfice des dotations de solidarité comprises dans le périmètre de la DGF.
Les faits sont patents et connus de tous.
L'accroissement sensible du nombre des EPCI, depuis l'adoption de la loi de 1999, a pour conséquence, entre autres, de réduire sensiblement la part de la taxe professionnelle dans les ressources des communes.
En 1999, ladite taxe professionnelle représentait environ 45 % des recettes fiscales des communes. En 2001, cette part est passée sous les 33 %, et nul doute que 2002 a amplifié ce processus, qui sera encore accentué les prochaines années.
Chacun sait dans cette enceinte qu'il existe des transferts, au sein des EPCI, de ce produit fiscal au travers des dotations de solidarité intercommunale.
Mais peut-on raisonnablement estimer que ces ressources fiscales ainsi retraitées sont des ressources propres des communes, attendu qu'elles procèdent, dans un premier temps, d'un abandon pur et simple, par les conseils municipaux concernés, de leur faculté de fixer assiette, taux et tarif de ces recettes fiscales ?
Une telle vision nous semble plus que discutable, sauf à être ensuite instrumentalisée pour servir, en application des dispositions de l'article 4 du présent projet de loi organique, d'élément favorisant le statu quo et la réalité des inégalités de richesse entre collectivités locales.
Sous le bénéfice de ces observations, qui soulèvent toute une série de questions de fond qu'il faudra bien affronter, nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement de suppression du second alinéa de l'article 2.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les compensations forfaitairement prises en charge par l'Etat ne constituent pas des ressources propres.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 58 est retiré.
L'amendement n° 38, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Pour la catégorie des régions, les ressources propres sont augmentées du montant de celles qui, mentionnées au premier alinéa, bénéficient aux autorités organisatrices des transports urbains dans la région d'Ile-de-France.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Le présent amendement n'a aucun rapport avec la discussion que nous venons d'avoir.
Si j'ai bien compris, le versement transport est une ressource propre des collectivités locales. Aucun problème ne se pose en la matière dans les villes, c'est-à-dire dans les communes et les établissements publics de coopération intercommunale. Il n'y a en effet aucun doute : c'est bien une ressource propre pour les communes.
Mais il existe également un versement transport dans la région parisienne, qui suit d'autres règles, et le provincial que je suis n'a aucune compétence particulière sur la nature juridique sui generis du syndicat des transports en Ile-de-France, le STIF.
Ma question est donc la suivante : à quelle catégorie ce versement transport dans la région parisienne doit-il être rattaché ? Il ne me semble pas qu'il puisse l'être aux communes. Doit-il alors être rattaché à la catégorie des régions ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est localisé ! (Sourires.)
M. Yves Fréville. C'est cette question que je voudrais voir tranchée.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est une bonne question !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'avez pas la parole ! Et vous non plus, monsieur Sueur !
M. Gérard Delfau. Pour une fois que nous approuvons ! (Rires.)
M. le président. Il faut continuer dans cette voie ! (Nouveaux rires.)
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, au nom de la commission des lois, faire le point après la présentation de l'ensemble de ces amendements et sous-amendements.
Il me semble nécessaire de clarifier le débat.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Pour des raisons que j'ai longuement évoquées et sur lesquelles je ne reviendrai pas, la commission des lois avait présenté deux amendements, identiques à ceux de la commission des finances, aux articles 2 et 3 du projet de loi organique.
Ces deux amendements sont indissociables.
Le premier, l'amendement n° 7 à l'article 2, définit les ressources propres comme étant les ressources dont les collectivités territoriales ont la maîtrise.
Le second, l'amendement n° 10 à l'article 3, tend, en contrepartie de leur définition plus restrictive, à abaisser la part minimale que les ressources propres doivent représenter dans l'ensemble des ressources des collectivités. C'est un seuil modeste, réaliste en l'état actuel de nos finances publiques, parce qu'il présente - ou présentait - l'avantage de laisser un maximum de place à la future péréquation.
Depuis lors, deux sous-amendements nous ont été présentés par nos collègues Paul Girod et Yves Fréville.
Le sous-amendement n° 41, présenté par Paul Girod, tend à donner des ressources propres des collectivités une définition plus exigeante que celle qui est proposée par la commission des lois. En effet, seules pourraient, d'après lui, être considérées comme telles les recettes fiscales dont les collectivités pourraient fixer à la fois - et non alternativement - l'assiette et le taux ou le tarif.
Ce sous-amendement a reçu un avis de sagesse en commission des lois.
Le sous-amendement n° 37 rectifié, présenté par notre collègue Yves Fréville, tend à inclure dans la définition des ressources propres des collectivités le produit des impositions de toutes natures dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou le taux.
La rectification - il faut bien l'évoquer - a consisté à permettre à la loi de localiser le taux d'un impôt par collectivité, sans discrimination aucune entre les différents niveaux de collectivités. Communes, départements et régions sont concernées de la même manière même si, sur un plan pratique, cela peut poser un peu plus de problèmes pour l'un des échelons.
Dans un premier temps, la commission des lois avait décidé de s'en remettre, sur le sous-amendement n° 37 original, à la sagesse du Sénat. Je ne pense pas que la rectification proposée soit telle qu'il y ait lieu de modifier cet avis de sagesse.
Ne nous y trompons pas : le débat n'est pas seulement juridique, il est financier et politique.
Préférons-nous, comme nous y invite le Gouvernement, retenir une définition large des ressources propres incluant des ressources dont les collectivités n'ont pas la maîtrise - même si celles-ci ne peuvent être assimilées à des dotations - et un seuil plancher élevé, ou bien, comme vous le proposaient vos deux commissions, préférons-nous retenir une définition plus exigeante des ressources propres et un seuil plancher plus faible compte tenu des minces possibilités de transfert d'impôts modulables ?
La signification de ces dispositions a été expliquée par leur auteur et par notre collègue Michel Mercier lorsque celui-ci a présenté la position de la commission des finances. Je n'y reviens pas. Toutefois, pour rendre le texte du sous-amendement plus clair et l'ordonnancement de ses termes plus compréhensible, il faudrait que M. Fréville accepte de remplacer les mots : « la loi » par le mot : « elle ».
Le choix qui nous est offert est donc clair. En cas d'adoption du sous-amendement de notre collègue Yves Fréville, l'amendement n° 10 serait retiré à l'article 3 et le seuil plancher serait constitué par la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités territoriales en 2003.
C'est dans cet esprit que je m'apprête à retirer l'amendement n° 10.
La commission des lois a décidé, je le répète, de s'en remettre sur les deux sous-amendements nos 41 et 37 rectifié à la sagesse du Sénat. Une fois cette question tranchée, elle serait évidemment défavorable aux autres amendements à l'article 2, que je vais cependant reprendre dans l'ordre où ils ont été défendus.
L'amendement n° 23, présenté par notre collègue Thierry Foucaud, tend à supprimer l'article 2. Pour les raisons que j'ai évoquées alors que nos collègues du groupe CRC et du groupe socialiste nous proposaient de supprimer l'article 1er, je ne puis évidemment y donner un avis favorable.
La définition que donne l'amendement n° 56 des ressources propres est moins claire, me semble-t-il, que celle qui a été retenue par la commission des lois et par la commission des finances. Nous y sommes donc défavorables.
Je ne reviens pas sur l'amendement n° 7, non plus que sur les deux sous-amendements et sur l'amendement n° 16, sur lesquels je me suis expliqué.
La modulation de l'assiette d'un impôt constitue un élément de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Je ne puis donc, par conséquent, donner un avis favorable sur l'amendement n° 55.
L'amendement n° 24 sera satisfait par l'amendement n° 7 de la commission si ce dernier est adopté.
Par ailleurs, les collectivités territoriales n'ont aucune maîtrise sur les recettes visées par l'amendement n° 77 rectifié présenté par notre collègue Gérard Delfau. L'Etat fixe seul le montant de ces dotations et décide seul des critères de leur répartition. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme des ressources propres.
L'amendement n° 57 aurait pour conséquence de priver les collectivités du bénéfice d'impôts partagés. Je ne puis y être favorable.
L'agrégation des ressources des EPCI et de celles des communes est légitime et nécessaire. Je ne puis donc donner un avis favorable sur l'amendement n° 25.
Quant à l'amendement n° 38, j'ai cru comprendre que M. Fréville ne verrait aucun inconvénient à le retirer compte tenu de la position adoptée sur l'ensemble des amendements déposés sur l'article 2.
M. le président. Monsieur Fréville, l'amendement n° 38 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville. Non, monsieur le président.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Avant la suspension de séance, j'avais émis, je le rappelle, un avis défavorable sur l'amendement n° 7, présenté par M. Hoeffel, pour les raisons que vous savez et que je ne répéterai pas.
J'avais également indiqué que j'émettais un avis défavorable sur le sous-amendement n° 41 de M. Paul Girod, le considérant trop restrictif dans la mesure où il associait trop étroitement l'assiette et le taux.
A cette occasion, vous m'avez demandé, monsieur Girod, si les collectivités disposant d'un pouvoir sur l'assiette pouvaient avoir d'autre choix que de le baisser.
Il est vrai que, aujourd'hui, le législateur ne prévoit que des abattements et des exonérations, et je ne sache pas que des évolutions soient prévues dans un autre sens, par exemple en matière de taxe d'habitation ou de foncier bâti. Cependant, rien n'empêche d'imaginer que la loi puisse autoriser, à partir d'une assiette moyenne, des marges de manoeuvre et de fluctuation, à la hausse comme à la baisse, dès lors qu'elle les aura définies avec suffisamment de précision. La possibilité existe donc dans un sens comme dans l'autre.
M. Paul Girod. Venant d'obtenir la réponse à la question que j'avais posée, je retire mon sous-amendement, monsieur le président.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est magique ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le sous-amendement n° 37 rectifié de M. Fréville est de nature, je crois, à répondre à un certain nombre des interrogations que j'avais évoquées. Bien que je trouve sa formulation soit moins simple que celle qu'avait initialement proposée le Gouvernement, je considère que l'essentiel est de trouver un accord. Or ce sous-amendement correspond à la philosophie qui est la nôtre.
M. Jean-Pierre Sueur. Du coup, vous acceptez l'amendement n° 7, qui devient vertueux à vos yeux !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est en effet la raison pour laquelle j'émets un avis favorable sur l'ensemble de ce dispositif, compte tenu de ce que je viens d'indiquer.
M. Yves Fréville. Je profite de l'occasion pour dire, monsieur le président, que j'accepte la rectification proposée par M. le rapporteur.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 37 rectifié bis, présenté par MM. Fréville et du Luart, et ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 7 par les mots :
ou dont elle détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. La rédaction proposée est un peu lourde, mais permet de répondre à toutes les questions qui se posent.
J'en viens à l'amendement n° 23.
M. Foucaud a une certaine constance, parce tous ses amendements ou presque visent à supprimer un article du présent projet de loi organique. Or, là encore, je dois dire qu'il serait vraiment dommage de supprimer cet article 2, qui a vocation à permettre une application directe des dispositions de l'article 72-2 de la Constitution. Par conséquent, je suis évidemment défavorable à cet amendement de suppression.
L'amendement n° 56, présenté par M. Frimat, suppose que les ressources propres sont celles dont les collectivités fixent librement le montant.
Ne rouvrons pas ce débat. Si cette définition était retenue, cela aurait pour conséquence de vider de tout sens la liste prévue par cet amendement. En suivant cette logique, il n'y aurait plus de ressources propres. Je suppose que ce n'est pas tout à fait l'esprit, monsieur Frimat, dans lequel vous avez imaginé cet amendement, auquel le Gouvernement est, en tout état de cause, défavorable.
L'amendement de codification présenté par M. Hoeffel ne pose naturellement aucun problème. J'y suis tout à fait favorable.
L'amendement n° 55, présenté par M. Marc, vise à ce que les ressources propres des collectivités territoriales soient « constituées du produit des impositions de toutes natures dont les collectivités votent le taux ou déterminent le tarif ». Beaucoup de choses ont été dites sur ce point, et je crois que la Haute Assemblée est éclairée. Vous comprendrez donc que le Gouvernement émette un avis défavorable sur cet amendement.
Il émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 24 de M. Foucaud, qui, cette fois, ne vise pas à supprimer l'article, mais à exclure du produit des impositions de toutes natures le produit des impôts nationaux transférés. Nous sommes en désaccord sur ce point, monsieur Foucaud, ce qui n'enlève rien au caractère éminemment respectable de vos observations. Nous avons déjà eu des désaccords dans le passé, nous en aurons probablement d'autres. Après tout, c'est aussi cela qui fait la beauté de la démocratie...
L'amendement n° 77 rectifié, présenté par M. Delfau, vise à inclure dans les ressources propres des collectivités énumérées à l'article 2 les dotations de péréquation de la dotation globale de fonctionnement, financées par prélèvement sur recettes.
Je me vois contraint de vous dire, monsieur Delfau, que nous avons, vous l'avez bien compris, un désaccord de fond. J'insiste vraiment sur le fait que ces deux notions essentielles - l'autonomie financière d'un côté, la péréquation de l'autre - doivent être distinctes, non pour le plaisir de les dissocier par principe, mais tout simplement parce que les mélanger, c'est les rendre contradictoires.
Il ne revient pas aux collectivités locales d'assurer la mission de péréquation. Celles-ci doivent bénéficier de l'autonomie financière, qui sera désormais actée dans la Constitution grâce au présent projet de loi organique. La péréquation, c'est autre chose : elle relève de la solidarité nationale, donc de l'Etat. Je crois donc vraiment utile de distinguer ces deux notions et de ne pas lier péréquation et autonomie financière.
J'ajoute que, pour ma part, je trouve un peu contestable, je vous le dis très librement, de distinguer parmi les dotations celles qui seraient comprises dans les ressources propres au motif qu'elles seraient plus « péréquatrices » que les autres. Nous entrerions là dans un système très complexe - à supposer qu'on y entre -, qui serait tout à fait contradictoire avec l'immense travail réalisé par le comité des finances locales pour simplifier ces dotations. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l'amendement n° 77 rectifié.
L'amendement n° 57 de M. Sueur vise à ce que les collectivités territoriales puissent, « dans les limites déterminées par la loi, fixer l'assiette et voter le taux des impôts qu'elles perçoivent ». Très franchement, monsieur Sueur, cela figure déjà clairement dans la Constitution : « La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine. »
Vous avez bien lu la Constitution, monsieur Sueur, je l'ai constaté en étudiant votre amendement, et je m'en réjouis. Mais il n'y a pas de raison de répéter dans le projet de loi organique ce qui figure déjà dans la Constitution ! Il me semble donc que l'on peut en rester là et j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Pour être tout à fait honnête, monsieur Sueur, je vous ai entendu tout à l'heure faire preuve d'ironie. On avait l'impression que vous vous réjouissiez un peu en évoquant les divergences qui pouvaient exister - elles ont d'ailleurs été surmontées, je crois - entre la commission des lois, le Gouvernement et la majorité. Vous avez ainsi suscité les sourires au sein de la partie gauche de l'hémicycle. Etant très soucieux d'équité depuis le début de ce débat, je me dis qu'il serait dommage de terminer cette soirée sans que la partie droite de l'hémicycle ait à son tour l'occasion de sourire un peu. J'ai donc profité du dîner pour tenter de rétablir l'équilibre. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Et j'ai trouvé ! Figurez-vous que, lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, votre groupe, monsieur Sueur, avait déposé un amendement formidable - l'amendement n° 151 - qui visait à supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 6 dudit projet de loi pour insérer un article 72-2 dans la Constitution.
Vous précisiez, dans l'objet de votre amendement : « Il n'apparaît pas utile d'inscrire dans la Constitution que les collectivités territoriales peuvent recevoir le produit des impositions de toutes natures ni qu'elles peuvent en fixer l'assiette et le taux. » Vous voyez !
« En effet, écriviez-vous, la loi leur garantit déjà ces pouvoirs, sans que cela ne pose de difficultés constitutionnelles. »
Puis vous ajoutiez : « En outre, la politique fiscale doit demeurer du ressort de l'Etat. »
« Par ailleurs, affirmiez-vous plus loin, le pouvoir de voter l'impôt, exercé par les représentants de la nation, est à l'origine de l'édification des régimes parlementaires. Pour sa part, l'impôt est légitime, parce que librement consenti par les représentants de la nation. Ainsi, Parlement et impôt se légitiment mutuellement. »
Si j'avais su, je vous aurais adressé la bienvenue dans notre club ! (Sourires.) En effet, ce débat vous concernait tout autant que nous. Finalement, rien ne vaut les archives !
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous aviez alors accepté cet amendement, nous n'en serions pas là aujourd'hui !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je précise que cet amendement était signé de M. Jean-Claude Peyronnet, de M. Bernard Frimat, de M. Michel Dreyfus-Schmidt, ici présents, et de M. Pierre Mauroy - sans qui on ne pourrait pas parler de décentralisation. On passe de très bons moments en consultant de temps en temps les archives du Sénat !
M. Charles Gautier. Qu'est-ce qu'on rit !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'était destiné à la partie droite de l'hémicycle : vous, cela ne pouvait pas vous faire sourire !
M. Jean-Pierre Sueur. Ils ne sont pas hilares !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'amendement n° 25 de M. Bret vise à supprimer le second alinéa de l'article 2, qui intègre les EPCI à la catégorie des communes.
Nous avons déjà longuement débattu de ce sujet. Je le répète : les EPCI ne sont pas considérés comme des collectivités territoriales et ne constituent donc pas une catégorie de collectivités. J'émets, dans ces conditions, un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, monsieur Fréville, vous avez retiré l'amendement n° 38. Je crois très honnêtement que vous avez bien fait. Si tel n'avait pas été le cas, je vous aurais rassuré en vous indiquant que les ressources que vous évoquez sont bien entendu intégrées dans les ressources propres des régions.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement.
M. le président. Vous allez l'user, ce règlement, depuis le temps que vous nous y rappelez ! (Sourires.)
Je vous donne néanmoins la parole, mon cher collègue, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, l'amendement n° 25 de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen vise à supprimer le second alinéa de l'article 2. Il est donc normal qu'il fasse l'objet d'une discussion commune au sein de l'article 2 tant que figure parmi les amendements en discussion un amendement de suppression de l'ensemble de l'article.
Toutefois, si ledit amendement de suppression était repoussé, l'amendement n° 25 ne serait alors plus en discussion commune ! Je voulais donc m'assurer qu'il ne tomberait pas si d'autres amendements sont adoptés.
M. le président. Nous verrons cela le moment venu, mon cher collègue !
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 37 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions la possibilité de conclure ce débat en faisant un choix clair. Celui qui nous a été présenté par M. Hoeffel et par M. Mercier, au nom de la commission des lois unanime et de la commission des finances sans doute elle aussi unanime, aurait eu une forte valeur symbolique pour l'ensemble des collectivités locales de ce pays. En effet, s'il avait suivi ses deux commissions, le Sénat aurait solennellement réaffirmé que les ressources propres des collectivités locales sont celles qu'elles maîtrisent.
Cela, monsieur le président du Sénat, aurait été tout à fait conforme à la lettre et à l'esprit de la proposition de loi constitutionnelle que vous avez présentée, ainsi que M. Jean-Pierre Raffarin et d'autres collègues, à cet égard.
M. Josselin de Rohan. Oui, mais la Constitution a été modifiée depuis !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, il y a eu, monsieur de Rohan, vous venez de nous le rappeler, une révision constitutionnelle.
Quoi qu'il en soit, j'ai dit tout à l'heure et je répète qu'il eut été préférable de faire un choix clair en faveur d'une position ou d'une autre.
Nous avons, quant à nous, clairement dit quel était notre sentiment : nous pensons que la position de la commission des lois et de la commission des finances était et reste la bonne. Cela dit, il aurait également été cohérent avec une autre interprétation de la Constitution et du rapport entre la loi organique et la Constitution d'en adopter une autre...
Mais ce que vous nous proposez de faire ici n'aura ni la cohérence qui était possible ni la clarté qui était nécessaire, car le sous-amendement n° 37 rectifié bis de M. Fréville est - ne jouons pas sur les mots - centralisateur dans son principe. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Il vise, cela me paraît clair et c'est d'ailleurs une opinion tout à fait respectable,...
M. Gérard Delfau. C'est son seul mérite !
M. Jean-Pierre Sueur. ... à ajouter aux ressources qui sont clairement celles des collectivités locales et qu'elles maîtrisent, un ensemble inconstitué d'impositions à caractère local dont la loi pourra déterminer la localisation de l'assiette et du taux, c'est-à-dire, monsieur Fréville - et je ne vous en fais pas le reproche -, que des décisions émanant du niveau central s'appliqueront aux collectivités locales sans que celles-ci en aient, cela doit être parfaitement clair, la maîtrise. Et je laisse de côté les innombrables difficultés techniques qu'entraînerait l'application d'une telle disposition !
Si d'aventure l'amendement n° 7 était adopté dans cette version finale, je souhaite bon courage aux remarquables fonctionnaires de la non moins remarquable direction générale des collectivités locales pour déterminer la localisation de l'assiette et du taux des différents impôts en question !
M. Charles Gautier. Ils ont le droit de s'amuser eux aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. En tout état de cause, en adoptant ce sous-amendement, nous renonçons à une définition claire des ressources locales dont les collectivités locales resteraient maîtresses.
En réalité, monsieur Hoeffel, monsieur Mercier - mais vous le savez, je crois -, le sous-amendement n° 37 rectifié bis est contradictoire avec l'amendement n° 7 que vous avez présenté.
Je regrette vraiment que l'on n'ait pas choisi la clarté, parce que, même si cela présentait un petit risque constitutionnel - et encore, nous pensons que tel n'est pas le cas - nous aurions adopté une position digne de ce que les collectivités locales sont en droit d'attendre de notre assemblée, qui a pour mission de les représenter.
Parce qu'il est contradictoire avec l'amendement n° 7, nous ne pourrons pas voter le sous-amendement n° 37 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La commission des lois s'en était remis à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 37 dans sa version originale.
Nous n'avons pas encore modifié le règlement du Sénat afin de permettre aux auteurs des amendements de venir les défendre devant les commissions auxquelles ils n'appartiennent pas, ce qui est dommage, parce que cela leur permettrait d'obtenir des explications. Or, en la circonstance, nous n'en avons eu aucune.
M. le rapporteur a proposé en commission de s'en remettre à la sagesse du Sénat, ce qui pour tout le monde signifiait : « On verra en séance ». Mais nous n'avons pas discuté du fond.
Puis le sous-amendement n° 37 a été rectifié. M. le président de la commission nous a dit que c'était la même chose et que la commission s'en serait également remis à la sagesse du Sénat si elle avait été saisie de ce sous-amendement rectifié.
Je dois cependant faire un aveu à notre collègue M. Fréville : j'ai beaucoup d'admiration pour son talent, ses connaissances et sa science, mais je ne comprends rien au sous-amendement n° 37 rectifié bis, comme, j'en suis sûr, nombre d'entre nous ici. Il est vrai qu'il nous a dit qu'il n'était pas juriste, et ce n'était sans doute pas de la fausse modestie...
Que signifie l'expression : « dont elle détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux » ? Cela signifie-t-il que la loi détermine uniquement la localisation, ou qu'elle détermine également le taux ?
J'aimerais qu'on me réponde, car je crois comprendre qu'il s'agit seulement de la localisation de l'assiette ou du taux. Mais qui fixe l'assiette et le taux ?
M. René Garrec, président de la commission des lois. La loi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On n'en sait rien, et cela vous est égal parce que, dans votre esprit, l'Assemblée nationale balaiera tout ça ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Ce n'est tout de même pas suffisant, d'autant que, dans l'objet du sous-amendement n° 37, qui, paraît-il, « revient au même » que le sous-amendement n° 37 rectifié bis, on trouvait la réponse à la question que je pose.
On y lisait en effet : « Qu'est alors qu'une recette fiscale locale ? C'est un impôt localisé, c'est-à-dire un impôt dont le produit reçu par une collectivité, qu'elle en vote ou non le taux, » - j'y insiste - « est directement ou indirectement rattachable au territoire de cette collectivité et donc dont la matière imposable est localisée. »
Que la collectivité « en vote ou non le taux » signifie que la loi déterminera seulement la localisation par collectivité, et M. le rapporteur a bien voulu reconnaître comme moi que l'on ne voyait pas très bien comment cela pourrait fonctionner pour les communes.
En vérité, on distingue entre les régions et les départements, d'une part, et les collectivités, d'autre part.
Nous ne pouvons voter une telle disposition, mais, chers collègues de la majorité, vous, vous allez sans doute le faire parce que vous avez l'impression que cela sauvera la face des uns et des autres tout en sachant parfaitement que l'Assemblée nationale fera litière et de l'un et de l'autre !
M. René Garrec, président de la commission des lois. Sûrement pas !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Si nous choisissons de nous exprimer sur le sous-amendement de M. Fréville, c'est parce que, tout en souhaitant ne pas multiplier nos interventions, nous sommes bien conscients que c'est maintenant que nous devons expliquer notre vote. On peut en effet penser que l'amendement sous-amendé va connaître un sort favorable et que, logiquement, les autres amendements devraient en grande partie « tomber ». Rassurez-vous donc, mes chers collègues : le timing de cette séance devrait convenir à tous.
Monsieur le rapporteur, vous disiez tout à l'heure, en commentant l'amendement que nous avons repris de l'AMF, que son texte vous semblait moins clair que celui de votre amendement n° 7 sous-amendé par M. Fréville.
J'avoue que j'ai beaucoup de difficulté à trouver de la clarté dans l'« attelage » que vous venez de constituer !
Nous sommes en désaccord non pas sur les termes du débat, que M. le ministre a, me semble-t-il, bien posé, mais sur la réponse à apporter.
Les ressources propres sont soit des ressources sur lesquelles les collectivités ont un pouvoir, soit « le produit des impositions de toutes natures » que vise le Gouvernement dans le projet de loi organique. C'est soit l'un, soit l'autre.
Je pense n'avoir jamais entendu M. le ministre contester que les ressources sur lesquelles les collectivités avaient un pouvoir fussent des ressources propres. Le problème n'était donc pas là : il s'agissait de savoir si les ressources sur lesquelles les collectivités n'avaient pas de pouvoir étaient des ressources propres.
Voilà où devait se situer votre contribution au compromis !
On était déjà parvenu, à l'occasion de la révision constitutionnelle, à un premier compromis dont on a pu apprécier aujourd'hui toute la qualité si l'on en croit la facilité qu'a eue le Gouvernement pour rédiger le projet de loi organique...
Vous êtes en train d'en préparer un autre de même nature, puisque le sous-amendement contredit la logique de l'amendement n° 7 et le vide de son contenu.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
M. Bernard Frimat. Je ne dis pas que chacune des parties est incohérente : je salue la technicité et la cohérence centralisatrice du sous-amendement, et de la démarche, de notre collègue Yves Fréville ; je salue de même la cohérence de l'amendement n° 7 ou, au choix, celle de l'amendement n° 16, puisque ces amendements sont identiques. Mais, en assemblant ces deux parties, vous arrivez à un tout particulièrement incohérent puisqu'il contient une chose et son contraire !
Est-ce votre contribution à l'ambiance du moment ? Nous sommes bientôt le 6 juin et il faut sauver le soldat Ryan ! (Sourires.) Quel sénateur s'appelle Ryan, et quelle face faut-il sauver pour pouvoir prétendre que nous aurons jusqu'au bout défendu la position qui aurait assuré l'indépendance des collectivités ?
Il est plus de minuit, l'heure du crime vient d'être dépassée. Nous parvenons maintenant à une synthèse qui n'a qu'un défaut, celui d'être parfaitement contradictoire.
Le « confort » parlementaire dont vous bénéficiez vous permet d'aligner des compromis de mauvaise qualité successifs. Nous vous en sommes reconnaissants, puisque nous pourrons bientôt en faire un recueil !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Le texte qui nous arrive de l'Assemblée nationale a été jugé peu satisfaisant par la majorité des membres de notre assemblée. Pourtant, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le ministre avait indiqué très clairement que c'était la « seule solution politiquement acceptable ».
On comprend, dès lors, pourquoi le sous-amendement présenté par notre collègue Yves Fréville a trouvé grâce aux yeux du représentant du Gouvernement. Il s'agit en effet non pas d'accroître l'autonomie des collectivités mais, au contraire, de créer un mécanisme qui, par une dotation publique décidée au niveau de l'Etat et dont les paramètres seront déterminés à ce même niveau, permet d'attribuer de nouvelles dotations aux collectivités.
Le fil conducteur reste donc le même et nous sommes toujours dans la ligne de cette « seule solution politiquement acceptable », en totale contradiction avec l'objectif visé, à savoir donner davantage d'autonomie aux collectivités territoriales.
La pirouette que l'on nous propose d'accomplir ce soir pour que chacun puisse présenter un visage réjoui après le débat, qui s'est révélé assez piètre, est parfaitement illustrée par une citation tout à fait intéressante que je relève dans le rapport établi par Michel Mercier au nom de la commission des finances et qui résumera d'ailleurs l'esprit dans lequel nous conduisons nos travaux.
« Les dispositions du présent projet de loi organique relatif à l'autonomie financières des collectivités territoriales n'assurent aucunement à ces collectivités de bénéficier de ressources fiscales modulables dès lors qu'aucune distinction n'est effectuée, au sein des impositions de toutes natures, entre les impositions pour lesquelles elles seraient en mesure de moduler les taux et celles pour lesquelles elles ne le pourraient pas. Il faut bien reconnaître que ce constat limite beaucoup l'intérêt de la réforme et risque d'en faire une "coquille vide". Quelle est en effet la différence entre une part d'impôt d'Etat déterminée au niveau central » - comme la TIPP, dont nous avons longuement parlé ce soir - « et une dotation budgétaire, du point de vue de l'autonomie de gestion des collectivités territoriales ? Seule une imposition dont la collectivité détermine ou, à la rigueur, module les taux répond au critère économique d'autonomie. »
Voilà, mes chers collègues, la position de la commission des finances !
Nous assistons bien à une pirouette, et celle-ci ne trompe personne. On nous disait tout à l'heure vouloir faire sourire l'hémicycle. Je crains que l'on ne rencontre pas beaucoup d'hilarité lorsque les élus locaux prendront connaissance des conditions dans lesquelles l'autonomie financière des collectivités territoriales aura été présentée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Cette discussion sur la définition de la notion de ressources propres appelle, au moment où nous devons nous exprimer pour ou contre le contenu partiel de l'article 2 du projet de loi organique, quelques observations complémentaires.
Sur la forme, tout d'abord, il apparaît clairement que le sous-amendement de notre collègue Yves Fréville est devenu d'un seul coup plus présentable aux yeux du Gouvernement que les amendements conjoints de la commission des lois et de la commission des finances.
Sur la forme, toujours, il est manifeste que, au-delà des discours plus ou moins vertueux que nous avons pu entendre, la présentation et l'adoption éventuelle de l'amendement n° 7 ainsi sous amendé ont surtout valeur d'affichage.
Mes chers collègues, nous ne sommes pas dans le cadre de la loi organique, ni même d'un débat sur l'autonomie financière des collectivités territoriales, mais dans celui d'un exercice compliqué dont l'objet est de tenter, assez maladroitement à la vérité, de lier conjoncture de court terme et vision de moyen ou long terme, en créant - devons-nous le rappeler ? - les conditions de la mise en oeuvre d'une généralisation de l'expérimentation des transferts de compétences telle que conçue dans le cadre de la loi relative aux responsabilités locales.
Le peu d'autonomie qui pourrait découler de l'adoption de l'amendement n° 7 tel que rectifié par le sous-amendement n° 37 rectifié bis serait en fait aussi rapidement « aspiré » par la mise en oeuvre de la décentralisation définie dans la loi précitée.
Sur le fond - et c'est une observation que plusieurs de nos collègues ont également produite -, il est évident que le périmètre des impôts susceptibles d'être transférés par l'Etat en direction des collectivités locales est réduit.
Que recouvre-t-il en effet ? Le produit de l'enregistrement, même si nous voyons mal les assemblées locales décider à l'avenir du tarif des droits de succession ? Le produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, taxe que d'aucuns voudraient, si l'on en croit certaines publications spécialisées, consacrer au financement des services d'incendie et de secours ?
Va-t-on passer, à partir de là, à la mode espagnole, c'est-à-dire au partage du produit des impôts d'Etat ? Et l'on pense singulièrement à la TIPP, déjà consacrée pour partie au financement du transfert du RMI, ou encore à la TVA...
A ce propos, nous rappellerons qu'il existe une menue marge de manoeuvre découlant de la suppression de la quotité de TVA consacrée au financement de la protection sociale agricole.
Tout cela pose, on l'a dit, d'incontestables problèmes de mise en oeuvre.
Faudra-t-il demain, monsieur Fréville, pour localiser les produits fiscaux partagés, compter une à une les stations d'essence, où le fait générateur de la TIPP est le remplissage du réservoir des véhicules automobiles ?
Faudra-t-il demain, monsieur Fréville, pour partager une partie des droits de consommation sur le tabac, localiser avec précision le nombre de buralistes ou d'épiceries rurales faisant office de bureau de tabac ?
On pourrait multiplier les exemples rendant sa véritable mesure à la déroutante construction législative qui nous est proposée et que, bien évidemment, nous ne pouvons que rejeter.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote.
M. Yves Fréville. Je ne suis pas juriste, mais je me souviens de l'adage : nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Nul n'est recevable à invoquer sa propre turpitude - au sens latin du terme - ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela signifie-t-il que vous retirez votre sous-amendement ? (Sourires.)
M. Yves Fréville. Au cours de cette séance, mes chers collègues, on a beaucoup évoqué les fautes que certains d'entre nous peuvent commettre. Mais je souhaiterais tout de même rappeler que, si nous en sommes arrivés à ce stade, c'est parce que nous avons assisté à l'accumulation éhontée des suppressions d'impôts contrôlés par les collectivités locales.
M. Jean-Pierre Fourcade. Oui : 15 milliards d'euros !
M. Yves Fréville. Cela a été le cas avec la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, impôt contrôlé par les collectivités locales ; avec la suppression de la vignette, impôt parfaitement contrôlé par les collectivités locales ; avec la suppression de la variation possible des droits de mutation à titre onéreux, variable contrôlée par les collectivités locales. Et le tout s'élève en effet, comme l'a dit M Fourcade, à 15 milliards d'euros !
M. Josselin de Rohan. Et ils n'ont rien dit à l'époque ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yves Fréville. Or, mes chers collègues, si nous avions conservé ces 15 milliards d'euros, nous aurions pu voter en l'état l'amendement de la commission des finances et de la commission des lois.
On est obligé, si l'on veut respecter l'autonomie financière des collectivités locales, de fixer deux objectifs : l'objectif de contrôle, qui est parfaitement justifié ; et, pour combler le trou qui a été ainsi créé, l'objectif de localisation, qui a été rendu nécessaire.
J'estime qu'une ressource qui est localisée profite directement à la collectivité locale, que c'est une ressource propre. C'est sur ces deux principes simples que nous allons fonder notre décision. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. Je ne comptais pas intervenir dans ce débat, mais, en entendant les propos de M. Fréville, je ne peux pas rester silencieux.
Monsieur Fréville, vous ne nous aviez pas habitué à ce style d'attaque directe !
M. Josselin de Rohan. C'est l'effet de l'indignation !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous êtes piqués au vif, messieurs !
M. Charles Gautier. Ce que vous venez de dire a déjà été répété au moins cinq fois au cours de l'après-midi ; il n'était donc pas du tout indispensable d'y revenir !
Vous nous avez présenté une disposition que, inspiré peut-être par un certain nombre de vos amis, vous considériez comme étant la solution à toutes les difficultés rencontrées depuis quelques heures et quelques jours. Toutefois, à partir du moment où l'on examinait votre projet, on devait étudier ses conséquences, les anticiper éventuellement... Et nous constatons que vous êtes maintenant en train de monter une machine qui n'apporte pas les réponses aux problèmes que vous posez. En effet, si vous regrettez la suppression de certains impôts d'initiative locale,...
M. Jean-Jacques Hyest. Mais par qui ont-ils été supprimés ?
M. Josselin de Rohan. Par vous, monsieur Gautier !
M. Charles Gautier. ... alors vous avez une solution toute simple devant cette nostalgie extraordinaire : les rétablir !
Mais je m'aperçois que, d'une part, vous ne le proposez pas et que, d'autre part, vous proposez une usine à gaz qui n'apporte en rien une solution à cette problématique. C'est un déni du titre même de ce projet de loi organique. Ce projet tend effectivement à accroître l'autonomie locale. Or, au bout de quarante-huit heures de discussion, nous nous dirigeons tout simplement vers la diminution de l'autonomie locale.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas vrai !
M. Josselin de Rohan. Lisez la Constitution !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 37 rectifié bis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, nous demandons un scrutin public.
M. le président. Vous ne le pouvez plus, monsieur Dreyfus-Schmidt : le vote est commencé.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 7.
M. Jean-Pierre Sueur. Je serai bref.
Monsieur Hoeffel, vous avez considéré tout à l'heure que les amendements n° 7 et 10 étaient strictement complémentaires.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Indissociables, même !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez indiqué que vous alliez retirer l'amendement n° 10 puisqu'il était indissociable de l'amendement n° 7 dans sa première version. En conséquence, il nous sera impossible de nous exprimer sur l'amendement n° 10.
Dans ces conditions, je souhaite exposer la position qui a été la nôtre en commission : nous avons voté chaleureusement pour l'amendement n° 7 dans sa version originelle - sans le sous-amendement de M. Fréville, évidemment -, et nous avons voté contre l'amendement n° 10. En effet, nous sommes convaincus que l'on pouvait et que l'on devait tout à la fois définir de façon claire les ressources propres des collectivités locales et faire en sorte que leur niveau d'autonomie s'accroisse, ce qui ne sera pas le cas avec ce seuil de 33 %, dont la portée ne peut être que négative.
Selon nous, il était possible de définir clairement les ressources propres et d'accroître l'autonomie fiscale des collectivités tout en accroissant la part de la péréquation à l'intérieur des dotations. Ces trois objectifs sont complémentaires !
Telle est la position que nous défendons depuis le début dans nos interventions. Je tenais à le souligner au moment où va être adopté l'amendement n° 7, contre lequel nous nous prononcerons, bien entendu, en raison de notre opposition au sous-amendement n° 37 rectifié bis.
Nous pensons, en revanche, qu'il aurait été tout à fait possible d'adopter cet amendement n° 7 - dans sa rédaction originale - sans adopter pour autant l'amendement n° 10, qui a été retiré par anticipation par M. le rapporteur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils étaient donc bien dissociables !
M. le président. En conséquence, les amendements nos 16, 23, 56, 55, 24 et 77 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 25.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le second alinéa de l'article 2 du projet sera repris à l'article 3. Autrement dit, alors qu'on vient de définir ce que sont les ressources propres, il est précisé que, « pour la catégorie des communes, les ressources propres sont augmentées du montant de celles qui, mentionnées au premier alinéa, bénéficient aux établissements publics de coopération intercommunale ».
Nos collègues proposent la suppression de cette disposition, et ils ont parfaitement raison. En effet, il est tout à fait injuste d'ajouter les ressources dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale pour celles des communes qui n'appartiennent pas nécessairement à un EPCI, et il en existe encore. De plus, n'avons-nous pas voté récemment des dispositions qui permettent à des communes de sortir des établissements publics de coopération intercommunale ?
C'est pourquoi nous vous demandons de réfléchir à cet argument et de voter l'amendement n° 25, qui tend à supprimer le deuxième alinéa de l'article 2.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.