compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, la lettre suivante :
« Monsieur le Président,
« En application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie comme suit l'ordre du jour des séances des mercredi 16 et jeudi 17 juin :
« Mercredi 16 juin, l'après-midi et le soir :
« - Projet de loi autorisant l'approbation du protocole à la convention du 27 novembre 1992 portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, adopté par l'Assemblée nationale ;
« - Suite de l'ordre du jour de la veille ;
« Jeudi 17 juin, le matin, l'après-midi et le soir :
« - Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;
- Suite de l'ordre du jour de la veille.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
« Signé : henri cuq »
Acte est donné de cette communication.
La convention relative au FIPOL sera donc examinée le mercredi 16 juin, à quinze heures, avant la suite de la discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la sécurité civile et non le jeudi 17 juin au matin comme prévu initialement.
3
dépôt d'un rapport en application d'une loi
M. le président. M. le président a reçu de M. le président de l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement le rapport d'activité de cet Observatoire, conformément aux dispositions de l'article L. 141-4 du code monétaire et financier.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
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Relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques
Discussion des conclusions du rapport d'une commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 334, 2003-2004) de M. Alain Gournac fait au nom de la commission des affaires sociales sur sa proposition de loi (n° 312 rectifié, 2003-2004) modifiant les articles 1er et 2 de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques et relative au recouvrement, par les institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage, des prestations de solidarité versées entre le 1er janvier et le 1er juin 2004 aux travailleurs privés d'emploi dont les droits à l'allocation de retour à l'emploi ont été rétablis.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai déposée, et sur laquelle j'ai l'honneur de rapporter aujourd'hui, traite de deux questions ponctuelles, mais qui appellent une intervention rapide de la part du législateur.
La première concerne la loi du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, loi qui a suspendu, pour une période de dix-huit mois, l'application de onze articles de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002.
Comme vous le savez, la majorité actuelle a considéré que cette loi de modernisation sociale avait alourdi et allongé de manière déraisonnable la procédure de licenciement économique, la rendant peu compatible avec les besoins d'adaptation de nos entreprises. La suspension de ses dispositions les plus contestables avait pour objectif d'inciter les partenaires sociaux à négocier un accord national interprofessionnel définissant un nouveau droit du licenciement économique.
Alors que l'échéance, fixée au 3 juillet prochain, arrive à son terme, les organisations patronales et syndicales ont besoin d'un délai supplémentaire pour conclure leur négociation. En effet, la crise de l'UNEDIC, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, qui a accaparé leur attention ces derniers mois, a ralenti l'avancée de leurs travaux, rendant peu vraisemblable la conclusion d'un accord avant la date prévue.
Je propose donc de prolonger de six mois la période de suspension initialement prévue. Les partenaires sociaux auront ainsi jusqu'à la fin de l'année pour aboutir à un accord, perspective qui paraît réaliste au vu de l'état d'avancement de la négociation. Le contenu de cet accord sera ensuite repris dans un projet de loi qui réformera les dispositions pertinentes du code du travail et qui viendra compléter les mesures à prendre dans le cadre du projet de loi de mobilisation pour l'emploi.
Parallèlement à la procédure de suspension, la loi du 3 janvier 2003 a également autorisé les entreprises à conclure, pendant ces mêmes dix-huit mois, des « accords de méthode », éventuellement dérogatoires, portant sur la procédure de consultation du comité d'entreprise en cas de licenciement économique.
Par cohérence, je propose donc de prolonger aussi de six mois la période au cours de laquelle ces accords peuvent être négociés. De cette manière, le Parlement pourra décider, après évaluation et dans le cadre de la discussion de la future loi portant réforme du droit du licenciement économique, s'il convient de pérenniser ou de modifier ce dispositif.
Le deuxième article de cette proposition de loi a pour objet de tirer certaines conséquences de la décision de réintégrer les « recalculés » dans le régime conventionnel d'assurance chômage.
Comme vous le savez, la convention UNEDIC de décembre 2002 avait réduit la durée d'indemnisation de nombreux demandeurs d'emploi et conduit à ce que 358 000 d'entre eux perdent leurs droits à l'allocation de chômage à compter du 1er janvier 2004. Or plusieurs décisions de justice rendues en avril et mai derniers ont contesté la validité de cette mesure et ordonné la réintégration des « recalculés » dans le régime d'assurance chômage.
Dans un souci d'apaisement et de clarification, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, JeanLouis Borloo, a trouvé un accord avec l'UNEDIC prévoyant la réintégration de toutes les personnes exclues, avec effet rétroactif. L'arrêté organisant cette procédure a été publié au Journal officiel le 29 mai dernier. En conséquence, les ASSEDIC vont verser aux « recalculés » les indemnités correspondant aux allocations de chômage qu'ils auraient dû percevoir entre le 1er janvier et le 1er juin.
Cependant, durant cette période, environ 70 000 personnes ont bénéficié de prestations de solidarité telles que l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique, versées par les ASSEDIC pour le compte de l'Etat. En effet, conformément aux règles en vigueur, ces personnes pouvaient prétendre à ces prestations à l'expiration de leurs droits à l'allocation de chômage. Dès lors que ces droits sont rétablis, avec effet rétroactif, le versement de ces prestations perd toute légitimité.
Il paraît donc logique, et conforme à une bonne gestion des deniers publics, que soit mise en oeuvre une procédure de répétition de l'indu, permettant de récupérer ces sommes qui n'ont plus, désormais, de justification. Or le code du travail n'aménage aucune procédure de ce type. La présente proposition de loi vise à combler cette lacune.
Le dispositif proposé consiste à autoriser les ASSEDIC à effectuer une compensation entre les allocations de chômage qu'elles vont verser et les prestations trop perçues. La compensation ne sera toutefois réalisée - j'insiste sur ce point - que si elle est favorable aux assurés : on ne demandera évidemment pas de remboursement aux allocataires. Il est précisé également que la compensation ne se produira pas dans les cas où la loi autorise le cumul d'une allocation de solidarité et d'une allocation de chômage. Une convention déterminera ultérieurement les conditions de reversement au budget de l'Etat des sommes ainsi récupérées par les ASSEDIC.
Tel est l'objet, mes chers collègues, de la présente proposition de loi, sur laquelle la commission des affaires sociales a donné un avis favorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi de votre collègue Alain Gournac que vous examinez ce matin conforte la démarche de dialogue social et d'équité qui anime l'action gouvernementale. Elle recueille donc, dans ses deux volets, le soutien du Gouvernement.
L'article 1er vise à prolonger de six mois le délai accordé aux partenaires sociaux pour aboutir à un accord sur la réforme de notre droit du licenciement.
Comme le rapporteur vient de le rappeler très clairement, la loi du 3 janvier 2003 a en effet renvoyé à une négociation nationale interprofessionnelle le soin de moderniser et d'adapter les règles applicables en matière de licenciements économiques et de restructuration.
Je ne reviendrai pas ici sur les faiblesses de cette législation. Qu'il me soit simplement permis d'observer qu'elle se fonde sur une vision essentiellement procédurale du droit du licenciement qui, en pratique, ne favorise ni la prévention ni le reclassement. Je rappelle qu'elle n'accorde, de surcroît, qu'une place très restreinte à la négociation collective, à l'inverse de ce qui se fait chez nos partenaires européens. Au fond, elle laisse trop souvent au seul juge le pouvoir d'arbitrer.
En fait, la loi de modernisation sociale n'a fait qu'accroître ces insuffisances.
Voilà pourquoi la loi du 3 janvier 2003 avait suspendu, pour une durée de dix-huit mois, l'application de certaines dispositions de la loi de modernisation sociale, afin d'inciter les partenaires sociaux à conclure un accord national interprofessionnel avant que le législateur ne soit amené à revoir la législation applicable, au vu des résultats de la négociation.
Cette démarche est d'ailleurs en conformité avec les engagements pris depuis 2002 par le Premier ministre et par le Gouvernement. Nous avons en effet souhaité donner la priorité à la négociation collective avant toute réforme de nature législative touchant aux relations du travail.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est là toute la logique de notre politique sociale : faire confiance à la responsabilité des partenaires sociaux avant que l'Etat, naturellement, n'assume la sienne.
Bien entendu, sur un sujet aussi essentiel que les règles du licenciement, cette exigence prend une importance toute particulière. Il s'agit en fait de renouer avec la tradition française du paritarisme qui, par le passé, a su faire la preuve de sa pertinence sur ce sujet. A cet égard, je rappelle les accords nationaux interprofessionnels du 10 février 1969, du 10 octobre 1974 et du 20 octobre 1986.
Les partenaires sociaux ont répondu à invitation de Gouvernement et ont su prendre leurs responsabilités. La négociation s'est engagée et a d'ores et déjà avancé : cette question a fait l'objet de onze réunions paritaires.
Compte tenu du sujet abordé, de sa sensibilité, du calendrier, cette négociation ne pouvait manquer d'être approfondie. Le Gouvernement n'en a d'ailleurs jamais mésestimé la difficulté.
A ce stade, j'observe que des convergences entre partenaires sociaux semblent, d'après les contacts que j'ai eus avec ces derniers, se dessiner sur plusieurs points : gestion anticipée des emplois et des compétences, conditions de négociation du plan de sauvegarde de l'emploi, activation des dispositifs de reclassement
Dans ces conditions, et quand bien même subsistent encore plusieurs points de clivage, et non des moindres, j'ai la conviction qu'un accord peut être conclu.
Il reste que le délai fixé par la loi expire le 3 juillet prochain. Une telle échéance apparaît aujourd'hui comme manifestement trop proche, les partenaires sociaux en conviennent, pour permettre un accord avant cette date.
Vous avez proposé, monsieur le rapporteur, d'accorder aux partenaires sociaux un délai supplémentaire de six mois. Le Gouvernement partage votre préoccupation et appuie votre initiative. Ce délai supplémentaire semble à la fois nécessaire et largement suffisant : nécessaire, car il est indispensable d'offrir aux partenaires sociaux toutes les chances de réussite, sans les enserrer dans un calendrier qui apparaît désormais trop strict ; largement suffisant, car il leur laisse aux partenaires sociaux un délai raisonnable pour trouver un terrain d'entente, sans qu'il conduise pour autant à reporter sine die la perspective d'une nécessaire modernisation de notre droit du licenciement économique et de la restructuration.
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je le redis ici avec une certaine solennité : si les partenaires sociaux n'aboutissent pas à un accord au terme de ce délai, le Gouvernement prendra ses responsabilités et déposera sur le bureau des assemblées, comme l'y oblige d'ailleurs la loi du 3 janvier 2003, un projet de loi portant sur les procédures relatives à la prévention des licenciements économiques, aux règles d'information et de consultation des représentants du personnel et aux règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi.
J'observe en outre que l'article 1er de la proposition de loi prolonge également de six mois, par cohérence, le délai permettant la signature, à titre expérimental, d'accords de méthode dans les entreprises.
Ces accords de méthode permettent, vous vous en souvenez, mesdames, messieurs les sénateurs, d'aménager les procédures d'information et de consultation des représentants du personnel lorsque des licenciements collectifs sont envisagés. Leur objectif est, en clair, d'autoriser les partenaires sociaux à expérimenter, dans des conditions de validité renforcées, des « bonnes pratiques » dont ils pourraient ensuite se nourrir au niveau national, dans le cadre des négociations interprofessionnelles.
Je souhaite esquisser devant vous, concernant ces accords de méthode, un premier bilan, que je considère d'ailleurs comme très encourageant. Ce sont en effet cent trente accords qui ont été conclus dans ce cadre, témoignant du souci évident des partenaires sociaux de développer la négociation sur les restructurations au niveau de l'entreprise.
Si leur contenu apparaît très divers, il traduit toujours trois préoccupations convergentes : le souci d'adapter et de « sécuriser » les procédures au regard des spécificités de l'entreprise ; la volonté de renforcer la place du dialogue social dans le cadre des procédures de licenciements ; enfin, l'exigence de mettre en place, essentiellement par la négociation, les conditions d'un reclassement plus efficace.
En ce sens, cette expérience souligne, s'il en était besoin, que la négociation collective est en mesure d'apporter des réponses mieux adaptées aux restructurations, en dépit - mais peut être devrais-je plutôt dire « à cause » - des difficultés et des enjeux. J'y vois un signe supplémentaire m'incitant à croire en la perspective d'un prochain accord au niveau national.
L'article 2 de la proposition de loi vise à tirer les conséquences financières du réagrément de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004 auquel a procédé le ministre du travail, de l'emploi et de la cohésion sociale.
Vous le savez, à la suite d'une décision du Conseil d'État du 11 mai 2004 annulant ces annexes et ces accords pour un vice de procédure, il était nécessaire de prendre des arrêtés agréant à nouveau ces différents accords. C'est ce qui a été fait le 28 mai dernier.
Toutefois, comme il en avait pris l'engagement et dans un souci d'apaisement, Jean-Louis Borloo, ministre du travail, de l'emploi et de la cohésion sociale, a décidé d'exclure du champ du nouvel agrément les stipulations des articles 10 et 10-1 de la convention qui prévoyaient la diminution de la durée d'indemnisation des allocataires dont la fin du contrat de travail est antérieure au 31 décembre 2002.
C'est l'application de cette clause qui avait conduit les ASSEDIC à mettre fin, à partir du 1er janvier 2004, au versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour 358 000 allocataires.
Compte tenu du nouveau périmètre de l'agrément, les ASSEDIC ont donc commencé à recalculer les droits des allocataires en cause, conformément aux modalités qui avaient été définies lors de leur entrée dans le régime d'indemnisation et elles s'apprêtent, d'ici à la fin du mois de juin, à procéder au versement des reliquats d'allocations correspondants.
Toutefois, cette opération inédite suppose que soit au préalable résolue une difficulté pratique. En effet, parmi les 358 000 allocataires concernés, environ 70 000 avaient été admis, à compter du 1er janvier 2004, au bénéfice de l'une des allocations de solidarité qui sont versées par les ASSEDIC au nom de l'État.
Les sommes versées à ce titre s'élevaient, au 30 avril 2004, à environ 86 millions d'euros.
Or la réintégration de ces allocataires, à titre rétroactif, dans le régime conventionnel d'assurance chômage prive cette admission de tout fondement. En effet, les allocations d'assurance et les allocations de solidarité ne peuvent se cumuler. Il faut donc organiser, parallèlement à la réintégration des demandeurs dans le régime d'assurance chômage, le reversement au budget de l'État des sommes perçues au titre du régime de solidarité. C'est l'objet de l'article 2 de la présente proposition de loi.
Le mécanisme proposé, à savoir un reversement effectué par retenue sur le reliquat d'allocations d'assurance à verser aux allocataires réintégrés, est simple et pourra être facilement mis en oeuvre par les ASSEDIC.
Par ailleurs, ce mécanisme présente toutes les garanties d'équité dès lors qu'il ne peut être mis en oeuvre que dans la mesure où la compensation reste favorable aux intéressés et, comme l'a précisé la commission, dans le strict respect des droits à indemnisation qui leurs sont dus.
Le Gouvernement apporte donc tout son soutien à cette excellente proposition de loi et vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, d'adopter les conclusions de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 50 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de M. Alain Gournac part d'une intention charitable (M. le rapporteur et M. Philippe Nogrix s'esclaffent) puisqu'il tente de porter ainsi secours au Gouvernement, qui s'est engagé dans une impasse.
Une impasse, d'abord, avec la loi Fillon du 3 janvier 2003 « portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques ». En fait de « relance », ce sont surtout les plans sociaux qui se sont multipliés, le chômage s'aggravant considérablement, et nous parvenons au terme du délai de dix-huit mois sans que se dessine la moindre perspective d'accord entre les partenaires sociaux.
Impasse également dans la lamentable affaire des « recalculés », ces chômeurs privés de leurs allocations de chômage et transférés, pour une partie d'entre eux, sur le régime de l'allocation spécifique de solidarité, l'ASS, à moins qu'ils ne soient contraints de devenir RMIstes.
Cette opération de vases communicants, qui s'est faite au détriment des plus défavorisés, ayant suscité quelques remous, le Président de la République a estimé qu'il était plus prudent de battre en retraite pour la partie financée par l'Etat, c'est-à-dire l'ASS.
Il fallait aussi tenir compte des jugements des tribunaux civils et de l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 11 mai qui a annulé l'agrément gouvernemental à la dernière convention de l'UNEDIC.
Vous devez donc maintenant essayer de régler cet imbroglio juridico-financier.
Commençons par la première partie de la proposition de loi qui nous est soumise, c'est-à-dire par celle qui est relative aux licenciements économiques.
Il fallait s'attendre à l'échec de la négociation. Le ministre de l'époque, François Fillon, nous avait expliqué qu'il voulait suspendre les articles de la loi de modernisation sociale qui constituaient un frein aux licenciements économiques. Il préconisait une suspension de dix-huit mois en espérant que patronat et syndicats mettraient à profit ce délai pour négocier et se mettre d'accord sur un nouveau dispositif. Il voulait inciter les partenaires sociaux à signer un accord national interprofessionnel, mais il déplorait dans le même temps le manque de volonté de négocier du patronat et des syndicats.
Le président du MEDEF, avait déclaré : « La suspension de la loi de modernisation sociale est une subtilité non désirée par les partenaires sociaux. » Et il avait ajouté : « Je doute très fort de la capacité qu'auraient les syndicats à accepter les propositions des employeurs dans ce domaine, et réciproquement. »
On peut effectivement s'interroger : pourquoi le patronat négocierait-il puisqu'il obtient l'essentiel, c'est-à-dire la suspension, sans risque de retour, de la loi de modernisation sociale ?
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. Cette suspension va être prorogée. Autant dire que c'est une abrogation de fait qui est ainsi engagée. Le MEDEF a largement satisfaction !
Quant aux syndicats, quel sens aurait pour eux une négociation qui, on le sait d'avance, a pour objectif de rendre les licenciements économiques plus faciles ?
Dans ces conditions, je ne comprends pas, monsieur le ministre, que vous fassiez preuve d'un si grand optimisme.
Chers collègues de la majorité, en suspendant la loi de modernisation sociale - avant, sans doute, de l'abroger définitivement - vous êtes revenus à la législation qui s'appliquait en 1986 et 1989. Comme s'il ne s'était rien passé depuis quinze ans ! Comme s'il n'y avait pas eu des affaires retentissantes, des plans sociaux qui ont défrayé la chronique ! Comme si la situation ne s'était pas considérablement dégradée avec la multiplication de plans de licenciements qui n'ont pour objet, dans bon nombre de cas, que de réunir les conditions pour accroître le profit et faire en sorte qu'il dépasse 10 % !
L'apparition de nouvelles formes de « dégraissages boursiers » a marqué l'actualité de ces dernières années.
Comment expliquer la multiplication soudaine de plans de licenciements massifs qui ne sont plus justifiés par des crises sectorielles, des écarts de compétitivité ou des évolutions techniques, semblables à ceux qui ont, hier, précipité la chute de la sidérurgie française ?
Ces licenciements d'un genre nouveau témoignent en fait du basculement des rapports de force au sein du capitalisme de notre époque. Ce dernier est dominé par la finance. Celle-ci a imposé sa logique à l'économie productive et cherche à faire valoir ses intérêts face à ceux des salariés et des collectivités nationales. Chaque licenciement boursier illustre à sa manière cette confrontation dont la finance est sortie jusqu'ici victorieuse.
Au-delà des soupirs et de l'indignation, un seul droit est reconnu en pratique : celui de l'actionnaire à améliorer le cours et la rentabilité de son titre. Chacun doit ensuite s'y plier. Des directions d'entreprise soumises décident ainsi de la mort sociale de centaines d'individus privés de recours, tandis que l'Etat n'est autorisé à intervenir que pour payer la réparation sociale et la réindustrialisation.
Alors, mes chers collègues, peut-on ne pas réagir ? Comment ne pas réagir ? On ne compte plus les plans sociaux qui se sont succédé depuis janvier 2003, date de l'entrée en vigueur de la loi Fillon. Ils sont trop nombreux pour qu'on puisse les citer tous. Toutes les régions sont touchées et aucun secteur n'est épargné : l'aéronautique, l'agroalimentaire, l'automobile, le bâtiment et les travaux publics, la distribution, l'industrie manufacturière, les médias, la métallurgie et la sidérurgie !
Selon des informations relevées dans le journal La Tribune, - vous pourrez les confirmer ou les infirmer, monsieur le ministre - il y aurait eu 1 400 plans sociaux en 2003, soit quelque 300 plans de plus qu'en 2002 ! C'est un triste record qui a été établi, triste record à mettre à votre actif ! Ce sont des dizaines de milliers d'emplois qui ont été supprimés ou qui sont menacés par les restructurations !
M. Guy Fischer. C'est la réalité !
M. Gilbert Chabroux. Au cours de l'année 2003, le chômage a augmenté de 0,8 point, soit environ 230 000 chômeurs de plus. Pour la première fois depuis 1993, la France a perdu des emplois : il y avait, à la fin de l'année 2003, 67 000 emplois de moins qu'en 2002.
M. Philippe Nogrix. Grâce aux 35 heures !
M. Gilbert Chabroux. Et, malheureusement, la dégradation se poursuit : l'année 2004 ressemble fort, jusqu'à présent, à l'année 2003 !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous semblez oublier qu'avant 2003, il y a eu 2002 !
M. Gilbert Chabroux. Le nombre de demandeurs d'emploi a encore progressé de 0,3 % en avril, avec 8 200 chômeurs de plus ! Quand le Premier ministre dit que « l'emploi repart », l'UNEDIC fait état d'un « net recul » des intentions d'embauche des employeurs pour 2004.
Ne faut-il pas une politique volontariste de lutte contre le chômage ? Nous attendions avec intérêt, avant la fin de la session, la grande loi de mobilisation pour l'emploi qui avait été annoncée par le Président de la République. Elle viendra, nous dit-on, mais plus tard. Comme s'il n'y avait pas urgence, alors qu'il s'agit de la première préoccupation des Français !
Dans l'immédiat, à défaut de rétablir tous les outils de lutte contre le chômage qui avaient été mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin et qui avaient fait la preuve de leur efficacité (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste) ,...
M. Jean Chérioux. De leur efficacité destructrice !
M. Gilbert Chabroux. ...je vous propose, mes chers collègues,...
M. Philippe Nogrix. Quelle mauvaise foi ! C'est incroyable !
M. Gilbert Chabroux. ...de saisir l'opportunité qui s'offre à nous aujourd'hui en rejetant la proposition de loi de notre collègue Alain Gournac. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est incroyable !
M. Gilbert Chabroux. Ainsi, la loi de modernisation sociale s'appliquera et elle constituera bien un frein aux licenciements économiques ! Je défendrai donc une série d'amendements tendant à rétablir les articles dont l'application a été suspendue.
M. Philippe Nogrix. Remplaçons donc le travail par l'impôt ! Voilà une bonne idée ! (Sourires sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Gilbert Chabroux. Je le répète, on ne peut pas ne rien faire ! Tous les responsables politiques doivent avoir conscience de la gravité de la situation.
M. Jean Chérioux. C'est vrai, vous devriez en avoir conscience !
M. Gilbert Chabroux. J'ai d'ailleurs relevé avec intérêt que cette question des licenciements économiques préoccupait le Conseil d'analyse économique, le CAE, qui y a consacré en octobre dernier un rapport intitulé : « Protection de l'emploi et procédures de licenciement ».
M. Philippe Nogrix. C'est normal !
M. Gilbert Chabroux. Comme vous le savez, le CAE est rattaché au Premier ministre et ce dernier était d'ailleurs présent lorsque le rapport en question a été discuté en séance plénière.
Ce rapport propose des « pistes pour responsabiliser davantage les entreprises dans leur politique de gestion du personnel ».
M. Philippe Nogrix. C'est son rôle !
M. Gilbert Chabroux. L'idée directrice est claire : les entreprises qui licencient devraient payer une taxe aux caisses d'assurance chômage. Ce système existe dans certains pays.
M. Guy Fischer. Elles devraient d'abord rembourser les fonds publics qu'elles ont perçus !
M. Gilbert Chabroux. Concrètement, cette taxe viserait les licenciements économiques. Une partie de la taxe serait mutualisée. Le rapport conclut qu'une telle taxe pourrait entraîner « une protection de l'emploi plus efficace et une diminution du chômage ». N'est-ce pas l'objectif ?
Nous devrions donc au moins nous rejoindre sur l'objectif, sinon sur les modalités. On ne peut pas supprimer tous les freins aux licenciements - et la loi de modernisation sociale en est un - et, en même temps, s'étonner ou même s'indigner, comme le font tous les élus locaux, de la multiplication des plans sociaux !
Il faut, comme le dit le CAE, responsabiliser les employeurs, qui devraient à tout le moins participer au financement du reclassement des salariés. Mais ce n'est pas la position du MEDEF, qui s'insurge déjà contre le durcissement des conditions d'accès aux préretraites aidées par l'Etat, largement utilisées pour limiter les licenciements secs.
La deuxième partie de la proposition de loi d'Alain Gournac est relative à la situation dans laquelle ont été placés les « recalculés » et à l'imbroglio juridique et financier auquel se trouve confrontée l'assurance-chômage.
Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut en sortir. Mais on ne peut pas ne pas poser la question : qui a créé cette situation ? Qui l'a cautionnée ? Le Gouvernement et sa majorité ont agi en toute connaissance de cause : il fallait dégonfler les statistiques du chômage !
Vous n'avez eu que mépris pour nos interpellations ainsi que pour celles des plaignants ! Il vous est difficile de vous donner maintenant le beau rôle alors que votre comportement ressemble beaucoup à celui de pompiers pyromanes ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC.) L'opinion retiendra que cette lamentable affaire résulte d'un vrai désordre dans l'exercice du pouvoir et de l'application inhumaine d'une logique strictement comptable au détriment des plus défavorisés, alors que, dans le même temps, des allégements fiscaux substantiels...
M. Guy Fischer. Exorbitants !
M. Gilbert Chabroux. ...sont accordés aux employeurs et aux contribuables aisés.
M. Gilbert Chabroux. Le problème ne sera d'ailleurs pas résolu avec ce seul texte. Il est vrai que le code du travail n'ayant jamais prévu une situation aussi absurde, il est nécessaire d'y insérer une disposition législative pour que l'UNEDIC soit autorisée à faire du recouvrement. Il faudra ensuite prévoir une convention avec l'Etat pour que l'UNEDIC lui reverse les sommes récupérées. Nous ne pouvons pas, à ce propos, rester muets sur la situation budgétaire catastrophique dans laquelle se trouve l'UNEDIC, compte tenu de l'aggravation du chômage dans notre pays. Comment va-t-elle trouver l'argent nécessaire ? Par de nouveaux emprunts ?
Enfin, comment se réglera le problème des « recalculés » qui ont été contraints d'accepter le RMI, qui est maintenant géré par les départements ? Quel est le dispositif prévu dans ce cas ?
En fait, les « recalculés », quelle que soit la situation dans laquelle ils se trouvent, n'ont pas fini d'en souffrir, même s'ils ont été formellement rétablis dans leurs droits ! Nul ne sait d'ailleurs précisément comment justice leur sera réellement rendue.
Qu'il s'agisse de la suspension de la loi de modernisation sociale ou de l'affaire des « recalculés », le texte qui nous est présenté aujourd'hui nous permet de mesurer l'échec retentissant de la politique économique et sociale du Gouvernement. Le groupe socialiste, en exprimant son affliction,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Toutes nos condoléances !
M. Gilbert Chabroux. ...ne peut que dénoncer cette politique et la condamner de la façon la plus sévère ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation sociale dans notre pays est inquiétante. Il semblerait que le nombre de ménages pauvres ait augmenté au cours des dernières années. Les inégalités se sont accrues. Le surendettement obère les capacités financières de nos concitoyens. Enfin, même si l'économie donne des signes de reprise, le niveau du chômage reste très élevé, surtout dans les départements d'outre-mer. Il est de 31 % à la Réunion et de 54 % dans mon village !
Je ne veux pas dresser un tableau trop noir, mais force est de constater que, dans ces circonstances, notre pays a plus que jamais besoin de solidarité et de lien social. C'est pourquoi nous attendons avec impatience le débat relatif au plan de cohésion sociale que devrait présenter, à l'automne, M. Jean-Louis Borloo. En attendant, la proposition déposée par notre collègue Alain Gournac, est la bienvenue. Elle traite de deux points qui nous tiennent à coeur, à moi-même ainsi qu'à l'ensemble de mes collègues du groupe de l'Union centriste, et qui nécessitaient une prompte intervention du législateur.
Premièrement, ce texte prolonge la période de suspension des dispositions de la loi de modernisation sociale relatives à la procédure de licenciement économique. Dans un contexte d'insécurité économique et de concurrence accrue, les partenaires sociaux doivent pouvoir déterminer les modalités de leur partenariat.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
Mme Anne-Marie Payet. Nous souhaitons relancer le dialogue social dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la santé, des retraites ou du droit du travail. Ce doit être l'une de nos priorités fondamentales.
Or, s'il apparaît que les partenaires sociaux ont besoin d'un délai supplémentaire pour conclure des accords en matière de licenciement collectif, il est de notre devoir de le leur accorder. Il appartient à la démocratie politique à laquelle nous participons de donner à la démocratie sociale les moyens de se reconstruire.
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
Mme Anne-Marie Payet. Cela est particulièrement vrai dans le domaine des licenciements économiques. Ces procédures doivent, autant que faire se peut, suivre des règles et celles-ci doivent être le plus consensuelles possible. C'est pourquoi nous soutenons cette mesure.
Deuxièmement, la présente proposition de loi autorise les institutions gestionnaires de l'assurance chômage à récupérer auprès de leurs assurés des sommes versées au titre d'allocations de solidarité, mais devenues, depuis lors, injustifiées. Il s'agit d'une mesure de bon sens et d'équité.
Je tiens à dire que la décision du Gouvernement de réintégrer les « recalculés » dans le régime d'assurance-chômage était une décision de pure justice sociale. Les allocataires concernés pensaient avoir acquis des droits qui, du jour au lendemain, leur ont été rétroactivement retirés.
Plus généralement, mon groupe a toujours souligné qu'il ne pouvait être admissible de rééquilibrer les comptes sociaux sur le dos des plus démunis. Le président de l'Union centriste, Michel Mercier, était intervenu dans ce sens lors de l'examen de la loi de finances pour 2004, afin que l'ASS soit aménagée dans un sens plus favorable à ses allocataires.
Cependant, il n'y a aucune raison que, parallèlement à cette réintégration, les allocataires rétablis conservent le bénéfice des allocations de solidarité indûment perçues avant leur réintégration. D'une part, ce serait contraire au droit de l'ASS et, d'autre part, cela mènerait à une seconde rupture d'égalité, cette fois-ci entre les allocataires réintégrés et les autres. Il faut être équitable jusqu'au bout.
C'est ce qui nous conduira à voter, dans toutes ses dispositions, la proposition de loi relative à la négociation collective en matière de licenciements économiques.
Je tiens en conclusion à féliciter notre collègue Alain Gournac pour son initiative, ainsi que notre commission des affaires sociales pour son excellent travail. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vous remercie, ma chère collègue !
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a, en effet, un double objectif : d'une part, prolonger la négociation collective en matière de licenciements économiques et, d'autre part, prévoir le versement des allocations chômage dont sont déduites les prestations de solidarité perçues par les chômeurs dits « recalculés ».
Je tiens tout d'abord à remercier notre collègue Alain Gournac pour avoir pris l'initiative de proposer ce texte.
La loi du 3 janvier 2003 suspendait, pour une période de dix-huit mois, les dispositions de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 qui portaient sur les modifications apportées aux règles organisant la concertation et le dialogue entre l'employeur et les représentants élus du personnel dans le cadre des licenciements économiques.
Ces dispositions avaient pour effet, à la fois, d'accroître la complexité des procédures de licenciement économique, sans pour autant les rendre plus protectrices pour les salariés, de freiner encore plus l'investissement et d'affecter la santé financière des entreprises.
Il faut rappeler que ces modifications n'avaient alors fait l'objet ni d'un accord entre les partenaires sociaux ni même d'une consultation de ceux-ci de la part du gouvernement Jospin.
Au demeurant, il n'est pas inutile de le rappeler, ces modifications furent critiquées à l'époque par l'ensemble des organisations syndicales.
C'est pourquoi, en 2003, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait logiquement décidé de revenir sur une partie de ces dispositions pour laisser toute sa place au dialogue social.
Cette décision répondait à l'appel du Président de la République, dont le voeu était d'inscrire dans notre pratique et dans notre droit la priorité au dialogue social. Les partenaires sociaux seraient ainsi systématiquement invités à négocier sur les grandes réformes qui intéressent les relations du travail, avant toute initiative législative du Gouvernement.
Cependant, le délai prévu par la loi du 3 janvier 2003 expire le 3 juillet 2004. Il apparaît donc nécessaire d'accorder aux partenaires sociaux un délai supplémentaire de six mois, ce que prévoit la présente proposition de loi.
Ce délai supplémentaire permettra en effet de poursuivre le débat et de laisser le maximum de temps aux partenaires sociaux pour négocier sur la difficile question du licenciement économique. Une telle négociation donnera la possibilité d'élaborer un nouveau projet de loi, tenant compte de leurs arguments, tout en permettant de mieux protéger les salariés et de laisser aux entreprises la capacité de se développer.
Encore une fois, il s'agit avant tout de renforcer la légitimité et la responsabilité des partenaires sociaux afin de leur rendre toute leur place dans l'évolution de nos règles sociales.
Par ailleurs, cette proposition de loi consacre notre attachement à la négociation collective, pratique usuelle de nos voisins européens En effet, la législation européenne insiste bien sur la nécessité de rechercher un accord en matière de licenciements économiques, comme l'a précisé M. le ministre il y a un instant.
Nous espérons que la négociation collective, outil indispensable d'élaboration des règles de protection des salariés, permettra de concilier les conditions de production des richesses et la protection de ceux qui la produisent.
Oui, nous espérons tous, monsieur le ministre, que ce prolongement de six mois du délai de suspension conduira les partenaires sociaux à conclure un accord national interprofessionnel qui sera le préalable à toute nouvelle intervention législative.
La présente proposition de loi a, par ailleurs, pour objet de tirer les conséquences financières du réagrément de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004.
Dans une décision du 11 mai 2004, le Conseil d'Etat, saisi par des associations de chômeurs, a annulé les arrêtés du 5 février 2003 du ministre du travail portant agrément d'avenants à la convention d'assurance en vigueur, signés le 27 décembre 2002. Le Conseil d'Etat a jugé que ces arrêtés étaient entachés de plusieurs illégalités.
Le Gouvernement a pris acte de cette annulation et a décidé de lancer le processus de réagrément des personnes concernées par la décision du Conseil d'Etat.
Les modalités techniques restaient à définir et la proposition de loi de notre collègue Alain Gournac a le mérite d'apporter des réponses juridiques précises.
Ainsi, l'article 2 prévoit que les ASSEDIC procéderont aux versements des allocations dues aux chômeurs dont seront déduites les allocations de solidarité que sont l'ASS, l'allocation d'équivalence retraite et l'aide à la formation, perçues par ces personnes entre le 1er janvier et le 1er juin 2004.
Nous nous félicitons donc que les chômeurs qui ont vu leurs droits réduits à la suite de la signature de la convention du 17 décembre 2002 puissent, sans délai, être rétablis dans leurs droits.
Monsieur le ministre, nous saluons votre courage et celui de M. Jean-Louis Borloo : vous avez trouvé une issue juste et équitable, qui ne remet nullement en cause les mesures ambitieuses que le précédent gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait prises pour préserver notre régime d'assurance.
En tout état de cause, notre régime d'indemnisation demeure un régime généreux. En effet, même si la réduction de la durée d'indemnisation a fait l'objet de nombreuses critiques, celle-ci reste, nous le savons, parmi les plus longues d'Europe.
Ainsi, seul le dialogue social qu'entend mener le Gouvernement avec les partenaires sociaux pourra, d'une part, apporter les réponses adaptées aux difficultés financières que rencontre l'Unedic et, d'autre part, aboutir à un accord interprofessionnel sur les licenciements économiques.
Le groupe de l'UMP votera bien sûr cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où les licenciements pour motifs dits « économiques » ne cessent de progresser - en 2003, 250 000 chômeurs supplémentaires ont été comptabilisés -, où le chômage des jeunes explose - avec une augmentation de 25% -, où le Baromètre des inégalités et de la pauvreté, publié par le Réseau d'alerte sur les inégalités, édite un « avis d'alerte sociale », notre collègue M. Gournac entend, avec cette proposition de loi, proroger de six mois la « suspension » des articles de la loi de modernisation sociale qui avaient tant fâché le Medef.
Le délai de dix-huit mois arrive à expiration sans que les partenaires sociaux soient parvenus à un accord sur les questions de l'emploi, de l'information aux représentants du personnel, du droit de contester les motifs avancés par les directions pour justifier les licenciements.
Ainsi, en suspendant des mesures protectrices pour l'emploi, le Gouvernement a donné, de fait, libre cours au grand patronat pour licencier massivement.
Au lieu de faire un constat de carence, comme il s'y était engagé, et de reprendre l'initiative au niveau législatif, le Gouvernement choisit à nouveau la fuite en avant.
Cela revient à laisser le patronat licencier sans contrainte, à démanteler les prétendues « rigidités structurelles » pour faire baisser le coût du travail et accroître les marges bénéficiaires des entreprises, et sans que cela vienne de lui !
C'est ainsi qu'en 2001 notre collègue M. Gournac, déjà rapporteur de la commission des affaires sociales, n'a cessé de gommer tout ce qui, dans la loi de modernisation sociale, pouvait être une obligation pour le patronat, de rejeter toute mesure le responsabilisant dans le domaine de l'emploi, de s'opposer à l'extension des droits des comités d'entreprise, présentés comme autant de faiblesses pour la vie de l'entreprise, n'hésitant pas à revenir sur des arrêtés de la Cour de cassation favorables aux salariés licenciés !
L'article 1er de cette proposition de loi n'a donc rien d'anodin et si notre collègue Alain Gournac omet dans son rapport d'en rappeler les effets, je vais rectifier cet « oubli ».
Les mesures de suspension qui ont été décidées au cours des débats sur ce qui est devenu la loi du 3 janvier 2003 ont été lourdes de conséquences.
La majorité sénatoriale : a rejeté l'expression « plan de sauvegarde de l'emploi » ; elle a supprimé l' « amendement Michelin », obligeant l'employeur à négocier les 35 heures préalablement à tout plan social sous peine de nullité de la procédure de licenciement et permettant au comité d'entreprise ou au délégué du personnel de saisir le juge pour obtenir la suspension de la procédure ; elle est revenue sur l'extension du droit d'information du comité d'entreprise en cas d'annonce publique ; elle a supprimé le droit d'opposition du comité d'entreprise et le recours à un médiateur.
M. Gournac et le Gouvernement donnent leur aval aux exigences des « ultra-libéraux »et du MEDEF.
Le groupe CRC, lui, confirme son exigence : la défense des intérêts du monde du travail.
Comme la « loi de mobilisation pour l'emploi », qui avait été annoncée pour avril par M. Fillon, la « loi de cohésion sociale » de M. Borloo semble avoir bien du mal à voir le jour... Au demeurant, il s'agirait de savoir quelles ambitions la sous-tend et quels moyens permettront de leur donner corps.
En tout cas, depuis la dernière rencontre entre le ministère et les partenaires sociaux, le 26 janvier 2004, aucune réponse n'a jusqu'ici été apportée aux propositions des organisations syndicales de salariés sur les objectifs de ces lois.
Ni la réduction de la précarité, ni la responsabilisation des grands groupes vis-à-vis tant des sous-traitants que des bassins d'emploi, ni la création d'un droit véritable au reclassement, ni la redéfinition des objectifs et du contrôle des « aides publiques à l'emploi », ni la définition des contours d'une politique industrielle dynamique, ni le maintien et le développement des droits des salariés, ni l'interdiction des licenciements boursiers n'inspirent le Gouvernement.
Aujourd'hui, l'article 1er de cette proposition de loi apporte les réponses qu'attend le MEDEF : aucune nouvelle disposition favorable aux salariés ne sera prise ; la liberté de licencier perdure.
C'est un signal clair qui est ainsi adressé au MEDEF : ce sera non à toutes les propositions syndicales constructives et progressistes !
Notre rapporteur est en cela logique et fidèle à la volonté patronale, qui veut obtenir la liberté totale de licencier et l'allégement des obligations des entreprises à l'égard des salariés et de leurs représentants, et refuse donc toute nouvelle extension des droits des salariés.
Une nouvelle fois, le 25 mars dernier, l'ensemble des confédérations syndicales ont manifesté leur refus des principales dispositions du texte du MEDEF visant à affaiblir les quelques protections qu'accorde encore aujourd'hui le code du travail aux salariés.
Vous le savez bien, du fait de l'attitude intransigeante du MEDEF, il n'y aura pas d'accord sur l'égalité de droits entre les salariés des PME, qui représentent 80% des victimes de licenciements, et ceux des grandes entreprises, il n'y aura pas d'accord sur un droit au reclassement pour tous les salariés devant être obligatoirement respecté par l'entreprise, il n'y aura pas de nouveaux droits pour les salariés concernant leur information et leur intervention sur les choix lors des projets de restructuration, ni de responsabilisation des groupes donneurs d'ordre vis-à-vis de l'emploi dans les entreprises sous-traitantes et filiales et dans les bassins d'emploi.
Nous sommes bien dans une logique chère au Gouvernement : liberté de précariser tous les emplois pour le patronat, refus d'avancer vers une sécurité sociale professionnelle de tous les salariés.
L'article 2, simple ajustement technique de décisions pénales et de décisions du Conseil d'Etat, concernant les « recalculés », confirme la faute du Gouvernement qui a consisté à agréer la convention UNEDIC.
Jamais depuis plus de cinquante ans, les attaques n'ont été aussi brutales contre les chômeurs !
« Recalcul » des allocations au mépris du contrat signé entre l'ANPE et les demandeurs d'emploi, réforme de l'ASS et du RMI, transformé en RMA, projet de réforme libérale de l'ANPE, multiplication invraisemblable des radiations : toutes ces mesures grignotent chaque jour davantage le droit des chômeurs.
Le Gouvernement est en grande difficulté, sa politique est contestée et il doit manoeuvrer en recul ; mais M. Gournac est là, en service commandé, avec sa proposition de loi à tout faire !
Il faut dire que le Gouvernement a une certaine habitude à ne réagir que très lentement face aux imprévus.
Le 27 avril dernier, il y a bientôt un mois et demi, M. Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, le « Monsieur Plus » du Gouvernement, annonce qu'il est attentif « jour et nuit » au problème des « recalculés », après le jugement du tribunal de Marseille, et que l'Etat, c'est-à-dire le Gouvernement, « n'interviendra que dans le cas où un nouvel accord entre les partenaires sociaux et I'UNEDIC ne se ferait pas », mais qu'il a toutefois « l'intuition qu'il trouvera sous peu une solution heureuse ».
Monsieur Gournac, vous n'êtes pas la « solution heureuse » dont M. Borloo a eu l'intuition ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Vous avez tort ! (Nouveaux sourires.)
M. Roland Muzeau. Vous vous contentez de créer les conditions pour réclamer l'argent de l'ASS aux chômeurs qui n'ont pas encore bénéficié du retour à leurs droits - recalcul après recalcul - et avant qu'ils aient touché le montant correspondant à leurs droits !
En outre, vous n'êtes pas sans savoir que les personnes ayant déposé un recours demandent, à juste titre, outre le retour à leurs droits, des dommages et intérêts liés au préjudice financier et moral qu'elles subissent.
Le problème des « recalculés » n'a pas été réglé assez vite, en tout cas pas avant le 11 mai, date à laquelle, à la suite du recours déposé par les associations de lutte contre le chômage - l'association Agir ensemble contre le chômage, l'association pour l'emploi, l'information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires, l'APEIS, et le mouvement national des chômeurs précaires -, le Conseil d'Etat a annulé « pour excès de pouvoir » l'agrément du Gouvernement à la convention signée, pour mémoire, par le MEDEF et trois syndicats minoritaires.
J'ajoute que, si le problème n'a pas été réglé par la négociation, c'est encore une fois du fait de l'attitude intransigeante du MEDEF, qui, présidant l'UNEDIC, n'hésite pas à faire appel des décisions des tribunaux favorables aux chômeurs.
Alors que moins de quatre chômeurs sur dix sont indemnisés par le régime d'assurance chômage UNEDIC-ASSEDIC, le Gouvernement n'accorde le retour à leurs droits qu'aux chômeurs inscrits avant 2003 ! Sur les 856 700 allocataires touchés par la réforme de l'assurance chômage, près de 358 000 seraient concernés.
Le problème reste donc entier et les chômeurs ont une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête.
II ne faut tout de même pas oublier que, si la CGT et FO ont refusé de signer l'avenant du 20 décembre 2002 mis en cause aujourd'hui, mais réagréé par M. Borloo, c'est parce qu'il réduisait de façon drastique les droits des chômeurs, non seulement ceux des chômeurs inscrits après le 1er janvier 2003, mais aussi, de façon rétroactive, les droits des chômeurs inscrits avant l'adoption, par le MEDEF et trois syndicats minoritaires, de la nouvelle convention.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez ignorer les conséquences catastrophiques de la diminution de la durée d'allocation chômage, tant sur le plan économique que sur le plan moral, pour les individus qui se trouvent de fait culpabilisés et rendus responsables de leur situation.
Ce qui est en cause, c'est le principe même du PARE, le plan d'aide au retour à l'emploi, qui a substitué à l'assurance chômage un contrat individuel et mis en cause de ce fait le principe de solidarité existant jusqu'ici.
Vous ne pouvez ignorer non plus les conséquences sociales dramatiques d'une telle diminution, qui va accélérer le processus d'exclusion avec des difficultés de formation et de réinsertion accrues.
Sans doute savez-vous tout cela, monsieur le ministre, mais, comme M. Gournac, vous êtes sensible aux objectifs du workfare, programme libéral qui consiste à faire baisser le coût du travail à tout prix pour accroître les marges bénéficiaires des entreprises et obliger les chômeurs à accepter sans attendre les emplois les moins payés possible dans des secteurs où, localement, les entreprises ont besoin de main-d'oeuvre.
Le PARE et les mini-formations s'apparentent ainsi à un formatage des demandeurs d'emploi aux besoins immédiats des entreprises. La réduction des durées d'indemnisation contraint les demandeurs d'emploi à minorer leurs exigences en termes de qualité d'emploi, de salaire et de conditions de travail. Quant au RMI, transformé en RMA, il offre au patronat des emplois au plus bas prix possible. Enfin, la réforme de l'ASS entraîne une baisse de l'engagement financier de l'Etat. Toutes ces mesures vont dans le même sens : celui de l'obéissance aux dogmes libéraux.
Monsieur le ministre, ce n'est pas en culpabilisant les chômeurs et, dans le domaine de la culture, les intermittents, rendus responsables de tous les maux dont souffre notre société, en grignotant davantage les droits des chômeurs, en refusant tout coup de pouce au SMIC, en baissant l'impôt sur le revenu au bénéfice des plus aisés, en optant pour l'austérité budgétaire couplée à de nouvelles privatisations que le Gouvernement répondra aux besoins.
Face à la vie chère, votre collègue le ministre des finances annonce qu'il veut augmenter le pouvoir d'achat des familles. Fort bien, serions-nous tentés de dire, mais attendons de voir ! Encore faudrait-il, en effet, qu'un plan de soutien à la consommation et aux investissements soit mis en oeuvre pour développer l'emploi, y compris dans les services publics.
La revalorisation des allocations chômage contribuerait, mieux qu'aucune autre mesure, mieux que l'incitation fiscale à l'endettement qui alimente les profits bancaires, à relancer la consommation.
Dès lors, vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le groupe CRC rejette cette proposition de loi.
M. Nicolas About. président de la commission des affaires sociale. C'est dommage !
M. Roland Muzeau. Nous formulerons, pour notre part, au cours du débat, des propositions visant à rétablir des droits en faveur des salariés, pour défendre l'emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi modifiant les articles 1er et 2 de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques et relative au recouvrement, par les institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage, des prestations de solidarité versées entre le 1er janvier et le 1er juin 2004 aux travailleurs privés d'emploi dont les droits à l'allocation de retour à l'emploi ont été rétablis (n° 334, 2003-2004)
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2002, François Fillon, alors qu'il soutenait son texte visant à écarter les solutions « antiéconomiques et antisociales » de la loi de modernisation sociale, invitait les parlementaires à faire preuve, sur le sujet des licenciements économiques et de leurs conséquences sur l'emploi, « de vérité et de responsabilité », considérant « qu'il était temps de sortir des facilités idéologiques ».
Sans vouloir polémiquer et porter préjudice à la hauteur des débats ; hauteur d'autant plus nécessaire que les questions abordées dans la proposition de loi de notre collègue Alain Gournac, en l'occurrence le droit applicable en matière de licenciements économiques ou le droit à l'indemnisation des chômeurs, sont effectivement au coeur de notre pacte social, je me permets tout de même de vous rappeler quelques vérités, même si celles-ci peuvent être difficiles à entendre pour certains.
Le gouvernement Raffarin I, dès son arrivée, fait preuve de dogmatisme, mettant un point d'honneur à défaire les dispositions prises par le gouvernement précédent dans le domaine économique et social, rouvrant les dossiers de la réduction du temps de travail, de la loi de modernisation sociale, des emplois-jeunes, et j'en passe.
Ce faisant, il cède aux sirènes des théories économiques dominantes attribuant les « déséquilibres » - le chômage, en particulier - aux « rigidités structurelles », notamment le droit du travail, le SMIC.
Le Gouvernement Raffarin III continue d'appliquer des recettes libérales, chères au MEDEF, destinées à desserrer l'étau juridique et fiscal pesant sur les entreprises afin que ces dernières réalisent toujours plus de profits.
Les discours des responsables de droite évoquant l'emploi déclinent toutes de manière récurrente les thèmes de la valeur du travail, de l'efficacité du droit du travail, de sa contractualisation au niveau de l'entreprise. Pour autant, ces responsables se gardent bien, au fond, de poser les vraies questions, notamment celle du statut du travail dans notre pays, où le chômage touche près de 10% de la population, où les conditions de travail et de salaire, pour ceux qui ont un emploi, sont de plus en plus précaires et où le rapport au travail ne peut qu'être paradoxal dans la mesure où le travail ne permet plus de vivre décemment.
Jamais un gouvernement n'aura été aussi violent envers les salariés et les chômeurs, que vous tentez constamment d'opposer.
C'est en pleine connaissance de cause que ce gouvernement, après avoir agréé la convention UNEDIC du 20 décembre 2002 programmant, sous prétexte de difficultés financières, une réduction drastique des droits à indemnisation, a entrepris de mener à bien, parallèlement, la réforme des minima sociaux en transformant le RMI en RMA et en limitant les droits des personnes privées d'emploi à l'ASS.
Alors même que le chômage ne cessait de repartir à la hausse et le taux de croissance de plonger, les moyens consacrés à la politique de l'emploi et au traitement social du chômage ont fondu, pour être principalement recentrés sur les exonérations de cotisations sociales.
Les chômeurs et RMIstes, quant à eux, ont été stigmatisés, accusés de se complaire dans l'inactivité, voire, ont dit certains, dans la paresse. Les premiers verront les contrôles pesant sur eux renforcés sans pouvoir bénéficier du service public de l'emploi, le dynamitage de ce dernier étant programmé. Les seconds sont désormais contraints de travailler dans le cadre d'un nouveau contrat, hybride, précaire, sans obligation de formation, ne leur permettant même pas d'acquérir des droits sociaux pleins !
A cela, il convient d'ajouter la dernière invention en date du gouvernement Raffarin : le travail gratuit des seuls salariés et fonctionnaires pour financer les actions de solidarité en direction des personnes âgées et des personnes handicapées, mesure qui permet au passage - ce qui ne s'était jamais vu depuis 1936 ! - d'augmenter la durée légale du travail sans que pour autant, là encore, l'activité soit rémunératrice.
N'êtes-vous pas pourtant, mesdames, messieurs de la droite, de ceux qui pensent que les salariés qui le souhaitent doivent pouvoir travailler plus pour gagner plus ?
Encore faudrait-il qu'il y ait du travail et que la rémunération des heures supplémentaires à partir de la trente-sixième heure soit effective. Or, sur ce point également, le Gouvernement a déjà lâché du lest au bénéfice des entreprises puisque la loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi a institutionnalisé un régime dérogatoire de rémunération des heures supplémentaires, limité à 10% pour les entreprises de moins de vingt salariés, notamment.
Depuis la relance du débat sur les nouveaux aménagements des 35 heures, pour ne pas dire la remise en cause de la RTT, à la suite des déclarations du Président de la République, contraint par Nicolas Sarkozy de s'exposer et de céder ainsi à l'aile la plus libérale de l'UMP, qu'incarne notamment M. Novelli, il est de surcroît clairement envisagé d'échanger une baisse des allégements de charges contre des assouplissements supplémentaires, de réduire, pour les entreprises, le coût des heures supplémentaires.
Et les salariés, dans cette équation ?
Qu'il s'agisse de la RTT ou des dispositions incriminées de la loi sur la modernisation sociale, les arguments développés par les « anti » sont semblables : ces lois décourageraient l'emploi, provoqueraient la délocalisation des investissements, créeraient de l'insécurité juridique et judiciaire.
Je note cependant que l'attractivité du site France reste satisfaisante puisque, s'il faut en croire une étude récente du cabinet d'audit international Ernst & Young, la France a été, en 2003, le deuxième pays européen pour l'accueil des implantations internationales.
Si la dimension politique de ces problèmes est évidente, il ne saurait être question de revanche. Il s'agit plutôt de chercher à construire un ensemble de règles communes aux salariés, destinées à équilibrer la relation de travail, dans la mesure où le rapport des forces est inégal ; il devrait s'agir de garantir un socle de principes fondamentaux de nature à réaliser le droit reconnu à chacun d'obtenir un emploi.
Il reste, manifestement, que ces objectifs vous sont étrangers. Les droits des salariés sont, pour vous, autant de freins au développement des entreprises. Le point d'équilibre n'est jamais atteint lorsque sont mis en balance, d'un côté, le droit à l'emploi, le droit syndical, le rôle économique du comité d'entreprise, et de l'autre, l'ordre public économique et financier, le droit boursier.
Lorsque vous ambitionnez de rendre le droit du travail plus accessible, plus prévisible, plus efficace, bref, lorsque vous faites écho à la revendication des entreprises d'obtenir plus de certitude quant aux règles, comme l'a constaté Antoine Lyon-Caen, dans le numéro de mars de Liaisons sociales, « avant tout, la certitude réclamée est à sens unique, une certitude exclusivement au bénéfice des employeurs ».
Dans le rapport de Virville, dont on n'a retenu que le contrat de projet alors que d'autres préconisations, tout aussi dangereuses, auraient également mérité une certaine publicité, comme dans les quarante-quatre propositions pour moderniser le code du travail élaborées par le MEDEF, la sécurité des salariés est absente. C'est d'ailleurs pourquoi ni eux ni vous n'attachez la moindre importance à la hiérarchie des normes et au principe de faveur.
C'est également la raison pour laquelle la négociation collective est instrumentalisée, son objet détourné, pour transformer le plan de sauvegarde de l'emploi en convention négociée.
Le rôle des syndicats et des comités d'entreprise est neutralisé.
Quant aux règles de conclusion démocratique des accords majoritaires, elles sont ignorées, au profit de la négociation avec des salariés délégués du personnel.
Enfin, pour tous ceux qui n'auraient pas saisi ce qu'il fallait entendre sous le vocable de « sécurisation juridique », -non pas la sécurité de l'emploi, mais bel et bien celle des licenciements ! -, des propositions sont avancées pour limiter dans le temps l'accès au juge, de même que la portée des décisions de justice.
Toutes ces pistes de réflexion, que feu le projet de loi de mobilisation pour l'emploi devait décliner, risquent de réapparaître dans le projet de loi Borloo, affiché comme devant améliorer la cohésion sociale. Elles s'inscrivent pleinement dans la logique des textes Fillon qui sont déjà en application et qui ont conduit à déplacer substantiellement le curseur entre la loi et le contrat, au détriment des droits des salariés.
Je vous rappelle tout de même, mes chers collègues, que, récemment, vous avez accepté de transformer le droit de la négociation collective en permettant aux accords d'entreprise de déroger aux accords de branche et aux conventions collectives.
Par ailleurs, à travers les accords de méthode - prétendument expérimentaux, mais qui ont vocation à durer, et notre collègue Alain Gournac propose d'ailleurs de prolonger le délai les concernant -, la loi du 3 janvier 2003 permet déjà de déroger aux règles légales en matière d'information et de consultation des comités d'entreprise à l'occasion des restructurations et des licenciements collectifs.
Tous ces exemples, mes chers collègues, attestent, si besoin en était encore, que le Gouvernement que vous soutenez n'est pas exempt de reproches, il s'en faut. Son dogmatisme, son refus d'intervenir pour prévenir les licenciements, pour trouver des solutions lorsque la machine à licencier s'emballe, que les « patrons voyous » sévissent, ou le quitus donné à l'éclatement des garanties collectives, expliquent aujourd'hui l'évolution catastrophique des chiffres du chômage, la détresse et le découragement bien perceptibles d'une majorité de Français, la paupérisation de la population française.
Celle politique inefficace économiquement et socialement injuste a été sanctionnée dans les urnes, et le sera encore à l'occasion des prochaines élections.
Elle a aussi été indirectement sanctionnée par les tribunaux et le Conseil d'Etat, l'UNEDIC ayant été condamnée à rétablir dans leurs droits les demandeurs d'emploi « recalculés » : le Gouvernement a été désavoué par l'annulation de l'agrément du protocole du mois de décembre.
Qu'à cela ne tienne ! Si le Gouvernement a dû sortir de son rôle de spectateur et décider de la réintégration dans leurs droits des hommes et des femmes injustement recalculés, il n'a pas pour autant assumé toutes ses responsabilités.
Il aurait pu imposer, pour faire respecter l'exigence fondamentale de justice et de solidarité, que les employeurs voient leur taux de cotisation à l'assurance chômage augmenter de 0,2 %.
Cette solution, somme toute, n'aurait pas été si scandaleuse dans la mesure où, comme l'ont souligné les tribunaux, l'origine du déficit du régime de l'assurance chômage ne peut être qualifiée d'imprévisible. En effet, les signataires de l'accord en question, dont le MEDEF, ont décidé de la baisse des cotisations et ont organisé en quelque sorte ce déficit.
Mais cette solution n'a pas été retenue, le Gouvernement lui préférant un report, et non l'annulation, de la dette de l'UNEDIC. Par ailleurs, M. Borloo s'est empressé de réagréer en bloc la convention chômage du 1er janvier 2004, à l'exception, bien sûr, des dispositions entraînant le recalcul des droits pour les demandeurs d'emploi inscrits antérieurement à 2003.
Au même moment, de nombreuses voix, dont celles des associations de chômeurs, privées jusqu'à présent d'expression et de représentation, s'élèvent pour que soit lancé un « Grenelle de l'UNEDIC ». Comment, en effet, s'en tenir au statu quo, à un régime d'assurance chômage indemnisant moins d'un chômeur sur quatre et ignorant complètement les nouvelles formes de travail précaire ?
Pourquoi, tandis que le chômage ne cesse d'augmenter, refuser de réfléchir globalement à une couverture plus ambitieuse du risque chômage, quel que soit le statut des chômeurs ?
Pourquoi, comme dans le cas de l'assurance maladie, refuser de sortir des sentiers battus et ne pas proposer, au-delà des recettes classiques de financement, une responsabilisation accrue des employeurs en leur appliquant, par exemple, un système de bonus-malus ?
Nous portons l'exigence d'un tel débat, d'une nouvelle sécurité économique et sociale, à rebours de l'attitude et des décisions du Gouvernement condamnant les droits individuels et collectifs. Car force est de constater que le Gouvernement et sa majorité entendent enterrer ce sujet !
Si la proposition de loi de M. Gournac, qui est dictée par la situation d'urgence engendrée par l'échec du Gouvernement dans le domaine de l'assurance chômage, aborde la problématique des droits des recalculés, c'est uniquement sous un angle technique. Les ajustements envisagés ont simplement pour objet de permettre à l'Etat de récupérer les sommes versées au titre des allocations de solidarité aux allocataires injustement et rétroactivement privés de leurs droits à l'allocation de chômage.
Cette proposition de loi ne garantit donc en rien l'effectivité du rétablissement immédiat des droits des demandeurs d'emploi. A aucun moment n'est venue en discussion la question du préjudice causé aux chômeurs en raison de l'application d'une mesure qui a été, depuis, jugée illégale.
Ce texte a également l'inconvénient majeur de laisser entier le problème pourtant central de la nécessaire réforme du régime d'assurance chômage. Acte est simplement pris du réagrément de la convention chômage.
Ce manque d'ambition manifeste justifie en partie le dépôt, par le groupe communiste républicain et citoyen, d'une question préalable.
Mes chers collègues, vous le savez, nous ne refusons pas de débattre des évolutions nécessaires du droit en matière de licenciements économiques. Mais nous n'acceptons pas les termes du faux débat posé par la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Personne ne s'étonnera que nous ne soyons pas favorables à cette motion.
Mais je voudrais avant tout mettre clairement les choses au point, car il ne faudrait pas que l'on puisse penser, à l'extérieur de notre assemblée, que certains sénateurs, siégeant d'un certain côté de l'hémicycle, se réjouissent d'un taux de chômage élevé, tandis que d'autres sénateurs, siégeant de l'autre côté de l'hémicycle, sont en droit de se proclamer les défenseurs des chômeurs, des travailleurs, des retraités... Une telle présentation des choses n'est évidemment pas acceptable, et je tenais à réagir pour la dénoncer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Roland Muzeau. Mais c'est la vérité !
M. Jean Chérioux. Les vrais défenseurs des travailleurs ne sont pas là où l'on croit !
M. Philippe Nogrix. Eux, ce sont les fossoyeurs de l'emploi !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je reviens maintenant à la motion qui nous est soumise.
Nous persistons à considérer que la loi de modernisation sociale a aggravé de manière excessive la complexité de la procédure de licenciement. Or, ainsi que vous le dites vous-mêmes, chers collègues du groupe CRC, l'environnement économique est difficile. Eh bien, c'est précisément pour cette raison qu'il faut laisser plus de latitude dans ce domaine.
Par ailleurs, comme l'ont excellemment dit M. le ministre et notre collègue Alain Dufaut, il faut rendre tout leur rôle aux partenaire sociaux. Oui, nous souhaitons que le dialogue social retrouve toute sa place dans notre pays ! Oui, nous croyons au dialogue social !
Bien sûr, il est légitime que le Gouvernement intervienne finalement si le processus a échoué. Mais, auparavant, laissons vivre le dialogue social, qui a été « tué » par la précédente majorité. Ce sont les partenaires sociaux eux-mêmes qui me l'ont dit lorsque je les ai reçus en commission, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur les 35 heures ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Si je peux comprendre, à la rigueur, que l'on conteste ma proposition en ce qui concerne le délai de suspension, en revanche, s'agissant de l'article 2 de la proposition de loi, qui vise à tirer les conséquences du rétablissement dans leurs droits des « recalculés », je ne comprends pas qu'on puisse s'y opposer. Il faut bien régler cette question !
M. Gilbert Chabroux. Mais qui a créé cette situation ?
M. Alain Gournac, rapporteur. En tout cas, il faut la régler !
M. Gilbert Chabroux. Bien sûr !
M. Roland Muzeau. 500 000 chômeurs !
M. Alain Gournac, rapporteur. Oh ça, c'est facile !
M. Guy Fischer. C'est la réalité !
M. Alain Gournac, rapporteur. Soyons sérieux !
Non, vraiment, je ne comprends pas que vous refusiez aussi le dispositif de l'article 2, qui vise à régler cette question !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rejoins l'analyse de M. le rapporteur sur la question préalable défendue par M. Fischer.
Cela étant, je souhaite revenir sur différents points évoqués au cours de la discussion générale.
Tout d'abord, madame Payet, monsieur Dufaut, j'ai bien noté que vous souteniez la proposition de loi de M. Gournac, tout en exprimant un certain nombre de préoccupations pour l'avenir.
Madame Payet, le plan que Jean-Louis Borloo ainsi que l'ensemble des ministres et des secrétaires d'Etat du pôle de cohésion sociale présenteront d'ici à la fin du mois comportera un volet « emploi », consacré notamment au retour à l'emploi et centré sur ceux qui sont en difficulté.
En matière d'accompagnement du chômeur pour favoriser son retour à l'emploi, nous ferons des propositions innovantes, faisant des ressources humaines, qui sont une richesse capitale, une priorité dans cette dynamique du retour à l'emploi.
Ce plan comportera également un volet « logement ».
Des mesures concerneront en outre l'équilibre entre territoires plus riches et territoires plus pauvres.
Enfin, différentes dispositions seront dédiées à la petite enfance, car nous savons bien que c'est dans les premiers mois de la vie que se joue l'avenir des jeunes Françaises et des jeunes Français.
Madame Payet, le Gouvernement partage les préoccupations que vous avez exprimées. Il travaille sur un certain nombre de propositions, y compris sur la contractualisation rénovée, qui devrait permettre une « mise en tension » vers l'emploi, grâce à l'activité et à la qualification.
Monsieur Dufaut, vous avez fait part de votre souci vos quant à l'avenir de l'assurance chômage. A la fin de l'année 2005, nous aurons un rendez-vous important sur ce sujet : soucieux de respecter les principes du dialogue social affirmés par le Premier ministre et auxquels le Président de la République a manifesté son attachement, notamment lors de ses voeux aux forces vives de la nation, nous engagerons une vaste réflexion avec les partenaires sociaux dès le début de l'année 2005.
En effet, le Gouvernement ne peut pas se désintéresser de la question de l'équilibre de l'assurance chômage. Il ne peut pas ignorer non plus un certain nombre de rapports de la Cour des comptes ni ce qui se passe chez ses partenaires européens.
Vos préoccupations, monsieur Dufaut, sont donc bien également celles du Gouvernement.
Monsieur Chabroux, monsieur Muzeau, on peut toujours lancer des chiffres, mais ceux-ci ne traduisent pas forcément la réalité dans son ensemble.
Certes, la situation de l'emploi est difficile, mais elle ne date pas d'un certain jour de juin 2002. Comme le rappelait le Premier ministre lors d'une récente séance de questions au Gouvernement, c'est à la fin de l'année 2000 que le ralentissement économique a eu des conséquences sur l'emploi.
Le nombre de plans sociaux notifiés à l'administration a augmenté de 20 % en 2001. Certes, en 2003, il a augmenté de 38 %. En revanche, pour les quatre premiers mois de l'année 2004 - ce chiffre vient d'être porté à ma connaissance par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle -, on observe une diminution de 18 %.
Nous avons la volonté d'accompagner le redémarrage économique, qui ne manquera pas, bien sûr avec un certain décalage dans le temps, d'avoir des conséquences sur l'emploi.
Par ailleurs, au cours des quatre premiers mois de l'année, fort heureusement, le nombre de procédures concernant les entreprises de 10 salariés et plus a baissé de 13 % et le nombre de suppressions d'emplois a baissé de 37 %.
Aujourd'hui, un certain nombre de « signaux », pour reprendre le terme de M. le Premier ministre, sont donc perceptibles. Naturellement, nous souhaitons les saisir de manière profitable pour l'emploi.
Enfin, monsieur Chabroux, ne peut-on pas faire confiance à la capacité de dialogue des partenaires sociaux ? Bien sûr, le dialogue n'aboutit pas toujours à un accord, mais il permet de dégager des éléments positifs, qu'il s'agisse d'accords partiels ou de pistes pour le législateur, auquel revient naturellement le soin de trancher, car il est le dépositaire de la démocratie politique, norme supérieure à la démocratie sociale.
Monsieur Chabroux, cette proposition de loi fait non seulement référence à la législation de 1986 mais aussi à celle de 1989. Nous avons donc tous, quelle que soit notre appartenance politique, une part de responsabilité. Si cette législation était aussi épouvantable que vous l'affirmez, je ne comprends pas que vous ne l'ayez pas modifiée en 1989.
Pour ce qui est du chômage des jeunes, bien sûr, il est beaucoup trop élevé dans notre pays, et c'est inquiétant. Mais ne lançons pas dans l'hémicycle des chiffres inexacts quand il s'agit d'un sujet aussi douloureux. En avril 2001, le taux de chômage des jeunes avoisinait 18 % ; en avril 2004, il était de 21,4 %. C'est beaucoup trop, mais ce n'est pas 25 % !
Dans le plan de cohésion sociale, nous formulons à cet égard un certain nombre de propositions, qui vont également dans le sens d'un renforcement de l'apprentissage : nous souhaitons doubler quasiment le nombre de contrats.
Monsieur Fischer, le 28 mai dernier, une seule organisation syndicale s'est opposée au réagrément. Elle a d'ailleurs agi dans la logique de sa démarche, qui procède d'une autre analyse de l'assurance chômage.
Je souhaite profiter de cet instant pour remercier le rapporteur et le président de la commission du travail qui a été accompli et de la compréhension dont ils ont fait preuve. Car il s'agissait d'abord de donner une chance à la négociation et au dialogue social : c'est un progrès ! Ensuite, il fallait, messieurs Chabroux et Muzeau, avoir le courage d'affronter la situation difficile dans laquelle nous nous trouvions. Ce courage, Jean-Louis Borloo l'a manifesté à travers la décision qu'il a prise. Affronter cette situation, c'est aussi donner un signal à nos concitoyens en difficulté.
Telle est la position du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. M. Chabroux nous taxait tout à l'heure de mépris. Mais n'est-ce pas mépriser les parlementaires que de leur demander de ne pas délibérer sur un sujet aussi important que celui de l'emploi ? On croit rêver ! Nous savons que le monde dans lequel nous vivons est en perpétuelle évolution. Notre rôle n'est-t-il pas d'en prendre acte, d'en débattre en vue d'adapter notre pays à tous ces changements qui se produisent ?
La proposition de notre collègue Alain Gournac me semble aller tout à fait dans ce sens. Nous savons l'attention qu'il porte aux problèmes de l'emploi. Il ne se contente pas de dresser des constats, comme vous l'avez fait, monsieur Chabroux ! En égrenant des statistiques, on a peut-être l'impression d'agir, mais on ne fait rien ! D'autres ont, eux, travaillé à partir des constats. Vous relevez les propos qu'ils ont tenus, mais vous ne faites aucune proposition pour sortir la France de la situation dans laquelle elle se trouve : on dit aux travailleurs de ne plus travailler ; on dit aux entreprises de ne plus produire, mais de payer des charges supplémentaires !
Cela étant, tout ne va pas si mal que cela : dans mon département d'Ille-et-Vilaine, l'entreprise PSA vient de créer 2500 emplois grâce à sa capacité d'adaptation et à l'esprit d'innovation dont elle fait preuve. A certains moments, Citroën, à Rennes, a dû réduire l'emploi. Mais, à d'autres moments, des emplois sont créés, et il faut évidemment s'en féliciter.
Plutôt que de sombrer dans le désespoir, attachons-nous, au contraire, à transmettre notre rêve d'un emploi pour tous, d'innovation, de création de nouveaux procédés technologiques. Notre devoir est d'en débattre pour savoir dans quelles conditions ce rêve, notamment un emploi pour tous, pourrait se réaliser.
Je reviens sur ce qu'a dit M. le ministre. On peut évidemment citer n'importe quel chiffre en se disant que, de toute façon, même si l'on ment, il en restera toujours quelque chose...
M. Gilbert Chabroux. Qui a menti ?
M. Philippe Nogrix. Cela me rappelle une certaine idéologie qui permettait de faire penser au peuple que tout était simple ; il suffisait de le dire et d'amplifier le mouvement.
M. Gilbert Chabroux. Il ne faut pas se contenter de dire : vous avez menti ! Il faut le prouver !
M. Roland Muzeau. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a un million de chômeurs en plus !
M. Philippe Nogrix. En tout cas, il est tout à fait normal que nous débattions sur l'adaptation de dispositifs qui, du fait de perpétuelles évolutions, se dérèglent nécessairement. C'est pourquoi je voterai contre la motion déposée par le groupe CRC. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Je ne comptais pas intervenir pour expliquer mon vote, mais je ne peux pas laisser dire n'importe quoi !
Vous prétendez que nous mentons, monsieur Nogrix. Prouvez-le !
Les chiffres que j'ai cités sont tout à fait vérifiables.
M. Jean Chérioux. C'est le raisonnement qui est faux parce que la donnée de base est mauvaise !
M. Gilbert Chabroux. Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! En fait de rage, c'est vous qui l'avez, mes chers collègues !
M. Philippe Nogrix. Nous avons surtout envie de faire avancer les choses !
M. Gilbert Chabroux. On ne compte plus les plans sociaux qui se sont succédé depuis janvier 2003. D'ailleurs, M. le ministre ne l'a pas démenti : il a dit que ces plans sociaux étaient en augmentation. Il est passé très vite sur ce point, mais j'ai cru comprendre que ladite augmentation s'élevait à 38 %. Est-ce vrai ?
M. Jean Chérioux. La faute à qui ?
M. Roland Muzeau. A vous !
M. Gilbert Chabroux. Qui ment ? Qui dit la vérité ? Je souhaite savoir qui de nous deux a dit la vérité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le ministre !
M. Gilbert Chabroux. Nous disons peut-être, au fond, la même vérité !
M. Jean Chérioux. Les faits sont justes, mais le raisonnement est faux !
M. Gilbert Chabroux. Si M. le ministre confirme que le nombre de plans sociaux s'est accru de 38 %, nous sommes d'accord, et nous disons l'un et l'autre la vérité. Mais, monsieur Nogrix, il faudra que vous nous prouviez que nous avons menti ! (M. Philippe Nogrix s'exclame.)
En 2003, 1400 plans sociaux ont été mis en oeuvre, soit 300 de plus qu'en 2002.
M. Guy Fischer. C'est cela, la vérité !
M. Gilbert Chabroux. Ce sont des informations que j'ai relevées dans La Tribune et j'ai demandé au ministre de les confirmer ou de les infirmer. (M. Philippe Nogrix s'exclame de nouveau.) Il me semble bien que M. le ministre les a confirmées.
Je dis et je répète que ce sont des dizaines de milliers d'emplois qui ont été supprimés ou qui sont menacés par les restructurations. Telle est la vérité ! Et pas une région, pas un secteur n'ont été épargnés. Je ne vous citerai pas tous les plans sociaux qui ont été mis en place ; vous les connaissez très bien, mes chers collègues. Ils sont très douloureux pour les personnes concernées.
En 2003, le taux chômage a augmenté de 0,8 point, ce qui représente, je l'ai dit, 230 000 chômeurs de plus. Est-ce vrai ou est-ce faux ? J'attends également une confirmation ou une infirmation à ce sujet.
M. Philippe Nogrix. Moi, j'attends des pistes, des solutions !
M. Gilbert Chabroux. Pour la première fois, la France a perdu des emplois. A la fin de l'année 2003, on a enregistré 67 000 emplois de moins qu'en 2002.
M. Alain Gournac, rapporteur. Où sont vos propositions ?
M. Gilbert Chabroux. Et, encore une fois, la situation en 2004 ne nous semble pas se présenter sous un jour plus favorable : le nombre de demandeurs d'emplois a progressé de 0,3 % au mois d'avril, soit 8 200 chômeurs de plus. Est-ce vrai ou est-ce faux ?
Quand le Premier ministre dit que l'emploi repart, l'UNEDIC fait état d'un net recul des intentions d'embauche des employeurs pour 2004.
Je ne comprends pas que vous fassiez porter au gouvernement précédent la responsabilité de cette situation.
M. Philippe Nogrix. Ah si !
M. Alain Gournac, rapporteur. Les 35 heures ont fait du bien à la France, peut-être ?
M. Philippe Nogrix. Le temps nous donnera raison !
M. Gilbert Chabroux. De 1997 à 2001, le gouvernement précédent a créé deux millions d'emplois. Il a fait diminuer le nombre des chômeurs de un million. Mes chers collègues, essayez de faire la même chose !
C'est bien parce que la situation s'est détériorée que nous réagissons. Cette politique doit être sévèrement condamnée et je demande encore une fois à M. Nogrix de retirer les termes qu'il a employés, à moins qu'il ne prouve que des mensonges ont été proférés et qu'il ne dise par qui. Les mensonges ils ne viennent pas de nous ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Ce débat est totalement extravagant parce qu'on se bat sur des chiffres, alors que ceux-ci sont évidents : tout le monde peut en constater la véracité.
Ce n'est pas par une espèce de plaisir sadique que les entreprises suppriment des emplois !
M. Gilbert Chabroux. Je n'ai pas dit cela !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas en empêchant la mise en oeuvre de plans sociaux en cas de difficulté que l'on règlera le problème ! On l'a vu jadis ! Pendant des années, on a voulu maintenir coûte que coûte des emplois dans la sidérurgie alors que des restructurations étaient nécessaires. Et ce qui en résulté, c'est l'écroulement de sidérurgie, la catastrophe pour les régions concernées !
Les entreprises rencontrent des problèmes en raison de la concurrence, qu'elles sont obligées de subir dans de mauvaises conditions. Qui a créé ces mauvaises conditions ? A l'évidence, c'est vous ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Avec les mesures que vous avez instaurées - les 35 heures, etc. -, les entreprises françaises se trouvent dans la situation d'un boxeur qui se battrait avec un seul poing.
Reprenez tous les chiffres, établissez des comparaisons avec les autres pays européens : nous sommes la lanterne rouge dans ce domaine !
M. Guy Fischer. On n'a jamais gagné autant d'argent en France !
M. Jean Chérioux. C'est nous qui avons les charges les plus élevées ; c'est nous qui avons la fiscalité la plus lourde ; c'est nous qui avons l'administration la plus coûteuse. Voilà pourquoi il y a du chômage et pourquoi notre pays connaît des difficultés et ce n'est pas nous qui avons créé cette situation !
Vous dites qu'il s'est passé ceci et cela sous le gouvernement de M. Jospin. Mais vous avez bénéficié d'une période de croissance.
M. Gilbert Chabroux. Ah !
M. Jean Chérioux. Et au lieu d'en profiter pour améliorer la situation, vous avez gaspillé la fameuse « cagnotte ». Si vous aviez gardé l'argent pour les jours où des problèmes budgétaires se poseraient, on pourrait aujourd'hui en bénéficier. Vous avez gâché la chance magnifique que vous offrait l'expansion mondiale ! (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ont gaspillé la croissance !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l'article premier de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, la référence : « 96, » est supprimée.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Considérant qu'il convenait de tirer toutes les conséquences de l'échec, somme toute prévisible, des négociations sur l'accompagnement social des restructurations, nous avons plaidé, dans la discussion générale, conformément d'ailleurs à ce que prévoyait la loi du 3 janvier 2003 et aux engagements pris par le gouvernement d'alors, en faveur du rétablissement de l'ordre juridique antérieur à cette fameuse loi suspensive.
Cela n'empêchait nullement les partenaires sociaux de négocier, mais cette fois-ci sur une base différente, des règles plus protectrices des droits des salariés, de nature à prévenir effectivement les licenciements, à éviter les licenciements de convenance boursière, à permettre aux salariés et aux élus locaux d'être plus étroitement associés aux décisions ou à transformer l'obligation de reclassement en véritable obligation de résultat.
Nous l'avons expliqué à maintes reprises : la loi de modernisation sociale, faute d'avoir été suffisamment audacieuse sur certains points, méritait d'être amendée afin de donner un sens positif à la revendication de sécurité également portée par les salariés.
Aujourd'hui, nous aurions dû débattre de ces améliorations nécessaires à notre droit relatif aux licenciements économiques. Le Gouvernement a décidé qu'il en serait autrement.
Refusant ces faux-fuyants, cette nouvelle prorogation du délai de suspension de onze dispositions, dont le contenu n'est pas indifférent, de la loi de modernisation sociale, nous proposons de réintroduire, par voie d'amendement, lesdites mesures.
Nous aurions pu, si le temps nous en avait été donné, revoir la panoplie de propositions que nous avions faites à l'occasion de la loi de modernisation sociale. Nous nous contenterons, si je puis dire, de revenir simplement, même si c'est insuffisant, aux dispositions de la loi de modernisation sociale dont la suspension expire au début du mois prochain.
Vous constaterez que, sur deux points - la définition du licenciement économique et l'interdiction des licenciements boursiers - nous avons tenu à appeler de nouveau l'attention du Gouvernement et à l'inviter à se prononcer.
J'en viens à l'objet du présent amendement, qui est on ne peut plus explicite : il vise à rétablir l'obligation pour l'employeur d'engager des négociations sur la réduction du temps de travail préalablement à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
Tout moyen susceptible d'éviter les licenciements ne doit-il pas être mis en oeuvre ? Nous le pensons et refusons la stigmatisation dont a fait l'objet cette disposition, dite « amendement Michelin », considérée par les « anti-35 heures » comme source de complications, de manoeuvres dilatoires, et donc comme susceptible de retarder les licenciements économiques.
Dans la mesure où votre gouvernement s'emploie à faire voler en éclat les 35 heures, sans pour autant assumer ouvertement leur abrogation - en clair, avoir le courage d'y mettre fin -, cette disposition, de portée toute relative hier, prend une dimension particulière aujourd'hui.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission n'est pas favorable au rétablissement de l'article 96, non plus qu'à celui des autres articles suspendus. Il faut tout de même que nous soyons logiques avec ce que nous avons dit tout à l'heure !
Il s'agit, je le rappelle, d'une procédure extrêmement compliquée, qui n'arrange rigoureusement rien.
J'ajoute que la majorité réfléchit actuellement à un assouplissement des 35 heures.
M. Guy Fischer. Un démantèlement des 35 heures !
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, je pense pouvoir donner un avis global sur les amendements nos 9 à 16 du groupe CRC et 2 à 7 du groupe socialiste puisqu'ils ont tous le même objet : rétablir successivement chacune des dispositions de la loi de modernisation sociale.
Je rappelle que ces dispositions portaient avant tout sur l'organisation de la concertation et du dialogue entre l'employeur et les représentants élus du personnel. Elles posaient de nouvelles obligations de forme dans le cadre d'un droit essentiellement procédural - et je préfère quand même que ce soit quelqu'un d'autre que le juge qui décide de ce qui doit se passer dans les entreprises de notre pays -, sans apporter de solutions en termes de prévention du licenciement ou en termes de reclassement. Or c'est cela, l'essentiel. N'allons pas faire croire que c'est pour faciliter le licenciement ! Cela a été fait pour prévenir un certain nombre de licenciements que la lenteur et la complexité de la procédure favorisent malheureusement.
Ces mesures, je le rappelle, n'avaient en outre fait l'objet d'aucun accord entre les partenaires sociaux, qui n'ont été consultés que le lendemain de l'adoption de cette partie de la loi. Ces dispositions conduisaient à des allongements de délais, faisaient peser des risques de blocage et d'insécurité juridique pour les entreprises, sans pour autant apporter de garanties supplémentaires aux salariés.
Voilà pourquoi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'ensemble des amendements que j'ai évoqués. Cela fait partie de la logique du soutien que nous apportons à cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Il est tout de même permis de s'interroger sur le bien-fondé d'une loi suspendant l'application de dispositions législatives antérieurement adoptées. Avant que le gouvernement Raffarin n'inaugure cette pratique de loi provisoirement inapplicable, il n'y avait, à ma connaissance, jamais eu de précédent.
La relance du dialogue social, aussi impérieuse qu'elle soit, justifiait-elle que la loi soit ainsi malmenée ? Nous ne le pensons pas.
Nous le pensons d'autant moins qu'aujourd'hui la prolongation pour six mois du délai de suspension d'articles importants de la loi de modernisation sociale vient confirmer que, d'emblée, quoiqu'il s'en défende, le Gouvernement visait en réalité l'abrogation de dispositions touchant aux droits des salariés, principalement celles qui avaient trait au pouvoir économique du comité d'entreprise.
M. le ministre vient de le dire : les mauvais coups vont continuer à se succéder : ne vient-il, pas de dire que, à travers la loi que nous prépare M. Borloo, sous couvert d' »assouplissement », il s'agirait d'aller un peu plus vers le démantèlement des 35 heures ? Cela, les salariés doivent le savoir. Monsieur Fillon, à l'époque, avait beau jeu de plaider l'exigence de vérité en matière de licenciements économiques !
Je me souviens également, comme mes camarades, d'avoir entendu l'auteur de la présente proposition de loi, alors rapporteur du projet de loi abrogeant, sans que cela soit assumé clairement, onze articles de la loi de modernisation sociale, argumenter en faveur de la suspension temporaire, seule susceptible, selon lui, de favoriser l'aboutissement de la négociation interprofessionnelle.
Je me souviens surtout, mon cher collègue, que vous nous expliquiez pourquoi il avait été choisi de ne pas les maintenir le temps de la négociation.
Vous considériez alors que, au-delà des contraintes et difficultés d'application des dispositions en question, leur maintien aurait pu constituer un frein pour la négociation nationale interprofessionnelle à venir, imaginant mal, en effet, les syndicats de salariés revenir sur des dispositions censées plus protectrices pour les salariés, quand bien même ils auraient formulé des réserves lors de leur élaboration.
Les salariés ne reviendront pas là-dessus. Leurs organisations syndicales ne feront pas marche arrière.
La suspension, comme l'appel à la négociation, n'était que prétexte. Votre objectif était, au préalable, de placer les syndicats de salariés dans une position basse de négociation, laissant par là même le patronat renforcer sa position et ouvrir des discussions sur un paquet beaucoup plus large que la prévention des licenciements économiques ou le droit à l'information et la consultation des comités d'entreprise.
Nous aurons l'occasion d'en rediscuter, les partenaires sociaux ont tenté en vain de sortir de l'impasse sur l'accompagnement social des restructurations. Contrairement à l'idée véhiculée par le rapporteur, ces négociations ont achoppé, notamment, sur la définition même du licenciement économique, mais aussi sur les procédures de reclassement des salariés licenciés, les syndicats jugeant les propositions du patronat beaucoup trop déséquilibrées, au détriment des salariés.
Qui tentez-vous de convaincre lorsque vous affirmez que ces négociations, qui n'ont pu aboutir, semblent tout de même être en bonne voie et que, par conséquent, votre proposition de loi leur donne toutes leurs chances ? Ce ne sont là que des mensonges, et nous savons que les organisations de salariés ne signeront pas des textes qui abaissent les droits des travailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Il faut que la discussion se développe autant que cela est nécessaire. On ne peut pas, monsieur le ministre, traiter globalement des amendements qui portent sur des points ou des articles différents de la loi de modernisation sociale. Notre débat doit être aussi détaillé et approfondi qu'il le mérite et nous devons y consacrer tout le temps nécessaire.
Je souhaite que nous fassions tous preuve de cette même disposition d'esprit, car le sujet que nous abordons est digne de toute notre attention.
J'interviens donc, pour ma part, en cet instant, sur le seul amendement n° 9, qui est relatif aux 35 heures. Il était inévitable d'évoquer ce sujet dans un débat aussi important que celui que nous abordons aujourd'hui.
Cet amendement vise à rétablir l'obligation, pour l'employeur, de négocier sur la réduction du temps de travail préalablement à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
Je vous rappelle que l'article 96 de la loi de modernisation sociale a réintroduit dans le droit du travail une précision importante : à défaut d'avoir conclu ou entrepris les négociations relatives à un accord de réduction du temps de travail, l'employeur peut voir la procédure de licenciement qu'il a entamée annulée par le juge. Cette disposition ne vaut évidemment pas pour les entreprises en liquidation ou en règlement judiciaire.
Je tiens à rappeler pourquoi cette disposition a été introduite. Personne n'a oublié l'« affaire Michelin », qui avait, parmi d'autres affaires du même type, conduit au dépôt, à l'Assemblée nationale, d'un amendement, qu'on a naturellement appelé l'« amendement Michelin » et qui est devenu l'article 96. Mais on n'en a pas fini avec de telles affaires : il continue de s'en produire actuellement et le problème de la réduction du temps de travail doit encore être pris en compte dans un certain nombre de cas.
Mes chers collègues, comme vous, j'ai appris par la presse que Michelin se préparait à supprimer 2 900 postes dans les trois années qui viennent. Cette disposition a donc une véritable actualité, d'autant que l'entreprise dégage toujours des millions d'euros de profit.
Il faut bien rappeler à certains employeurs la possibilité d'utiliser les dispositifs de réduction du temps de travail.
Ce n'était d'ailleurs pas une innovation puisque l'idée d'utiliser la RTT pour préserver des emplois avait vu le jour dès la loi « de Robien ». Et aviez voté cette loi, mes chers collègues ; considérant à l'époque que l'idée était judicieuse.
Vous êtes maintenant contre la réduction du temps de travail alors qu'il a été largement démontré par de nombreux organismes d'étude et de recherche qu'elle contribue à la préservation et à la création d'emplois. Là, les chiffres sont incontestables : 350 000 emplois ont été créés et 50 000 ont été sauvegardés grâce à la réduction du temps de travail.
Je demande donc que l'on intègre à nouveau l'article 96 dans la réflexion sur les dispositions qu'il faut prendre lorsque l'on fait face à des plans sociaux. Il présente un élément de souplesse important : il n'oblige pas à avoir conclu un accord de RTT, mais à avoir entamé des négociations en vue d'y parvenir. Il s'agit donc bien, comme vous le souhaitez, de favoriser le dialogue social au sein de l'entreprise et non de poser une obligation absolue de résultat.
La négociation des partenaires sociaux dans l'entreprise est pleinement respectée.
De plus, cet article est parfaitement conforme à un arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2002 qui pose également ce principe d'avoir à négocier avant de trancher.
Il me semble que la suspension de l'article 96 - et bientôt, vraisemblablement, son abrogation - obéit beaucoup plus à des motifs idéologiques qu'à des nécessités pratiques objectives. La seule volonté de revenir sur la réduction du temps de travail y préside, conformément au souhait du MEDEF.
Nous ne pouvons pas vous suivre dans cette voie, mes chers collègues. Nous nous étonnons, alors que le Gouvernement et la majorité mettent sans cesse l'accent sur la négociation de préférence à la législation - c'est d'ailleurs le prétexte de ce projet de loi -, que vous supprimiez ainsi un article qui invite à la négociation. Il est vrai que c'est un thème qui ne convient pas au MEDEF et que la spéculation boursière commande bien plus que l'avenir des salariés.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Il n'est pas inutile que je rappelle quelques chiffres à ceux de nos collègues qui considèrent que, si la France va si mal, c'est parce que le coût du travail est trop cher, que l'on empêche les ajustements d'effectifs de se faire et que l'on allonge les procédures.
M. Jean Chérioux. Enfin quelque chose d'exact dans votre bouche !
M. Roland Muzeau. Les chiffres que je vais citer, monsieur Chérioux, proviennent de l'OCDE, qui, je vous l'assure, n'abrite aucune cellule communiste. (Sourires.)
Conformément à certaines idées reçues, celles que j'ai dénoncées dans tous les débats relatifs au droit du travail et à la protection des salariés, le Gouvernement et les partis de droite laissent entendre que les salariés français seraient parmi les plus paresseux d'Europe...
M. Jean Chérioux. Nous n'avons jamais dit cela !
M. Jean Chérioux. On leur fait cultiver le loisir !
M. Roland Muzeau. Je vous vois bien impatient, mon cher collègue, d'entendre mes chiffres ; je vais donc vous les donner.
Si l'on en croit l'OCDE, la productivité des Français par heure de travail effectuée aurait progressé de 2,32 % par an en moyenne sur la période de 1996 à 2002 - c'est une période qui vous intéresse ! -, contre 1,63 % durant la période précédente,...
M. Jean Chérioux. Et la durée du travail ?
M. Roland Muzeau. ...pendant laquelle, bien entendu, la RTT ne s'appliquait pas.
Cette évolution est nettement supérieure à la moyenne européenne, quia crû, elle, au cours de la même période, de 1,44 % seulement.
Sur la base d'un revenu de référence américain établi à 100, la France, avec 106,6, fait mieux, contre 91,7 seulement pour l'Allemagne et 88,2 pour la moyenne de l'Union économique.
Il est donc clair, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité présidentielle, que même l'OCDE dément les raisons que vous avancez pour expliquer la situation de l'emploi, comme il dément vos affirmations sur les prétendus effets négatifs des 35 heures.
M. Jean Chérioux. Vos informations sont tronquées et partielles !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Chabroux et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 10 est présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l'article 1er de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, la référence : « 97, 98, » est supprimée.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Gilbert Chabroux. Notre amendement vise à rétablir l'obligation de procéder à une étude d'impact social et territorial préalablement à la cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique lorsque celle-ci a pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois, obligation qu'avait mise en place la loi de modernisation sociale en ses articles 97 et 98.
Je rappelle que, lors de l'examen de ces deux articles, qui traitent en fait un seul et même sujet, le désaccord qu'avait exprimé notre collègue Alain Gournac, qui était déjà rapporteur pour la commission des affaires sociales, portait essentiellement sur le seuil de déclenchement de l'étude d'impact : vous nous proposiez en effet, mon cher collègue, qu'elle ne soit réalisée que si le projet de suppression portait sur au moins deux cents emplois, et non cent. C'était la seule divergence entre nous.
Cette différence de seuil n'est certes pas négligeable, et vous ne pouvez ignorer que, dans la plupart des bassins d'emploi, la suppression de cent emplois est déjà une catastrophe d'envergure, surtout si l'on tient compte des licenciements induits qu'elle implique. Appliquer un seuil de deux cents emplois aurait donc abouti à réduire considérablement la portée pratique de ces articles de la loi.
Il n'en demeure pas moins que vous ne nous avez jamais expliqué clairement les raisons qui vous poussent aujourd'hui à vouloir suspendre l'application de ces deux articles. Vous n'avez pas contesté, mon cher collègue, l'utilité des études d'impact. De plus, bien souvent, elles sont déjà réalisées par les services des entreprises ou, à leur demande, par des cabinets conseils : elles ne sauraient donc représenter une nouvelle complication puisque, dans bon nombre de cas, elles existent déjà.
Vous n'aviez pas même contesté, alors, l'intérêt d'inscrire dans le code du travail ces études d'impact, au moins quand elles sont préalables à des suppressions d'emplois ; c'était en effet un moyen de les consacrer comme élément de la réflexion de tous sur l'avenir du bassin d'emploi, et je reprends là, à peu de chose près, les termes que vous avez employés.
Ces études, nous le savons bien, sont très importantes pour les partenaires institutionnels du bassin d'emploi : pour l'employeur, pour les organisations représentatives des salariés, pour les pouvoirs publics et, bien entendu, pour les élus locaux, départementaux et régionaux, donc aussi pour nous-mêmes, quelles que soient nos sensibilités politiques. Elles constituent un support pour aider à déterminer, en fonction des difficultés économiques et sociales prévisibles, les actions à mener ensemble.
La suppression abrupte de ces dispositions ne s'imposait donc absolument pas, et elle nous semble être le fruit d'une décision un peu trop rapide aux motifs plus idéologiques que pratiques.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de revenir sur cette suspension, dont les conséquences seraient contraires à la pratique et opposées à l'intérêt de tous les partenaires concernés. Ces deux articles doivent sans plus tarder retrouver force de loi.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à rétablir le principe de la réalisation d'une étude d'impact social et territorial à l'appui des décisions des chefs d'entreprise, comme Gilbert Chabroux vient très justement de l'expliquer.
De telles études existent aujourd'hui, même si elles sont informelles, et constituent un élément d'aide à la décision pour les organes de direction qui, avant de prendre des mesures engageant tant la vie de l'entreprise et l'emploi des salariés que le dynamisme des territoires, doivent en évaluer correctement - c'est la moindre des choses ! - les conséquences sociales, mais aussi territoriales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, comme elle l'est à l'ensemble des propositions de nos collègues de gauche.
M. Guy Fischer. Ah bon ?
M. Roland Muzeau. C'est du dogme !
M. Alain Gournac, rapporteur. Autant le dire tout de suite, même si M. Chabroux compte renouveler ses explications en présentant chacun de ses amendements. Elles seront tout à fait intéressantes, mais tout le monde ici connaît notre position.
Vous avez évoqué, monsieur Chabroux, les propos que j'ai tenus lors de la discussion de la loi de modernisation sociale. Je les réitère aujourd'hui : le dialogue social doit jouer son rôle et, s'il n'aboutit pas, il sera toujours temps de revenir sur la question. Mais arrêtez de vouloir asphyxier le dialogue social dans ce pays !
M. Guy Fischer. Ce sont des faux-fuyants !
M. Alain Gournac. En outre, je ne voudrais pas adresser un mauvais signal aux partenaires sociaux. Si nous acceptions ces amendements, les partenaires sociaux se diraient que ce n'est pas la peine de discuter puisque le législateur va régler les problèmes.
Donnons un signal positif et laissons sa place au dialogue social. Je ferai remarquer que le délai que nous lui accordons est limité : six mois, pas plus, comme je l'ai expliqué devant la commission.
M. Roland Muzeau. Il est déjà de dix-huit mois !
M. Alain Gournac, rapporteur. J'émets donc un avis défavorable sur l'ensemble des amendements. Néanmoins, s'il faut jouer la montre et s'expliquer sur chacun, je suis prêt à le faire. Je me lèverai chaque fois pour répéter la position de la commission, mais je n'aurai pas besoin d'argumenter.
M. Guy Fischer. Mais nous, nous allons argumenter !
M. Roland Muzeau. Et vous, vous n'avez présenté aucun argument !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Je ne veux pas prolonger inutilement les débats (M. le président de la commission des affaires sociales s'esclaffe), mais il est tout de même question de licenciements économiques, mes chers collègues !
M. Roland Muzeau. C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux. Nous parlons de milliers d'emplois qui sont supprimés. J'ai cité Michelin ; nous pourrions encore citer l'agroalimentaire, autour de Marseille, et nous serions heureux de savoir ce qu'en pense le maire de cette ville, notre collègue Jean-Claude Gaudin !
Mes chers collègues, nous sommes tous concernés, car nous savons bien que des problèmes apparaissent partout, dans toutes les régions.
Je ne comprends pas que vous vouliez maintenir la suppression de l'étude d'impact. Cela me semble particulièrement étonnant.
Je vous rappelle, monsieur Gournac, car vous ne m'avez pas répondu sur ce point, que, lors de la séance publique du 9 octobre 2001, la majorité du Sénat a reconnu la légitimité de cette démarche.
Ces études d'impact, je le répète, sont couramment réalisées par des cabinets spécialisés, à la demande des entreprises et des élus des régions concernées : nous en avons besoin ! Pour ces entreprises, c'est un acte de bonne gouvernance ; pour le territoire touché, c'est un moyen d'évaluer les conséquences sociales, et donc de préparer l'éventuel reclassement des salariés. Au-delà de l'entreprise, l'effet sur les sous-traitants, sur les autres entreprises de la région, sur les services publics locaux, sur les écoles, sur les commerces, est également identifié.
Mes chers collègues, nous débattons d'un sujet important ! C'est le tissu économique et social de toute une région qui peut être touché, et parfois détruit. Or des mesures peuvent être prises pour tenter de recréer les entreprises, souvent avec des aides publiques, mais aussi avec des aides de l'entreprise qui ferme ses portes.
Je le répète, nous sommes tous concernés, et il me semble que nous devrions tous être favorables à la réalisation de ces études d'impact. Je regrette, quand vous parlez de dialogue, que vous fermiez la porte, que vous ne vouliez pas discuter, que vous ne vouliez pas de ces études d'impact, alors qu'elles sont l'occasion d'un véritable dialogue entre tous les partenaires, entre le Gouvernement, sa majorité, les élus locaux, les élus départementaux et régionaux, les industriels, les employeurs, les salariés, leurs représentants... Par votre attitude, vous privez notre économie et, surtout, les élus locaux - c'est d'abord cet aspect qui me pousse à réagir - d'un instrument particulièrement utile à l'intervention économique.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je trouve tout bonnement incroyable la position de M. le ministre et de M. le rapporteur, qui nous expliquent benoîtement que c'est fini, que la discussion n'a pas lieu d'être puisqu'ils ne sont pas d'accord avec nous, comme s'il n'y avait pas derrière chacune de nos propositions des hommes et des femmes qui souffrent aujourd'hui d'être au chômage. Vous pourriez au moins reconnaître aux parlementaires le droit d'en débattre !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous l'avez fait !
M. Alain Gournac, rapporteur. Que faisons-nous, sinon débattre !
M. Roland Muzeau. Mais non ! L'organisation de nos débats ne nous laisse que cinq minutes pour nous exprimer !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Allez-y, parlez !
M. Philippe Nogrix. C'est vous qui avez proposé de ne pas débattre !
M. Roland Muzeau. Je souhaite, monsieur Gournac, que mon propos vous encourage à vous expliquer davantage ! Votre position, il faut le reconnaître, porte la marque d'un certain mépris à l'égard de gens qui souffrent. Si vous vous attachiez au moins à indiquer la position du Gouvernement - puisque vous êtes rapporteur au nom du Gouvernement, ne nous racontons pas d'histoires ! -, peut-être apprendrions-nous quelques éléments intéressants sur la situation de l'emploi !
Vous balayez d'un revers de main notre proposition relative aux études d'impact en disant en quelque sorte : « Circulez, il n'y a rien à voir, ces questions-là nous importent peu puisqu'elles sont l'affaire des partenaires sociaux. » Non, les études d'impact ne sont pas l'affaire des partenaires sociaux : elles concernent aussi la vie de régions entières ou de départements entiers !
Quand, en Basse-Normandie ou en Haute-Normandie, il est question de Moulinex, il ne s'agit pas simplement de la ville ou des villes, même si c'est particulièrement dramatique pour elles, où des effectifs salariés sont quasiment anéantis du fait de décisions des fameux patrons voyous !
A propos de Metaleurop, dans le Pas-de-Calais, faudrait-il, là aussi, tirer un trait, dire : « circulez, il n'y a rien à voir » ?
De même, dans le sud de la France, à Marseille, à Arles, de grandes entreprises décident du jour au lendemain de s'en aller sans aucune justification économique et financière ; nous y reviendrons tout à l'heure, car vous ne pourrez pas nous empêcher de parler !
De Danone à Moulinex, de Nestlé à Lustucru, de Metaleurop à Michelin, tous ces cas montrent que nous ne cultivons pas simplement le formalisme parlementaire : nous prenons en compte la préoccupation de dizaines de milliers de familles, et vous comprendrez bien que nous ne cédions pas à votre exigence. Nous ne nous tairons pas !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, nous ne sommes pas opposés à une réflexion sur des notions telles que l'étude d'impact. Nous avions d'ailleurs fait une proposition en ce sens lors de l'examen de la loi de modernisation sociale puisque nous avions déposé un amendement qui, je me souviens, avait été refusé par le gouvernement de l'époque : celui-ci avait purement et simplement rejeté d'un revers de main les proposition de la majorité du Sénat. (M. Gilbert Chabroux fait un signe de dénégation.) On ne peut donc pas, aujourd'hui, nous accuser de nous désintéresser de cette question !
M. Gilbert Chabroux. L'étude d'impact figure dans la loi de modernisation sociale : qui l'y a inscrite ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, elle figure dans la loi ! Mais vous savez bien, monsieur Chabroux, que le débat d'aujourd'hui ne concerne pas ce point !
Rien ne nous empêche, si vous le souhaitez comme moi, de réétudier cette question lorsque nous examinerons les projets de loi que le ministre ne manquera pas de nous présenter dans les mois à venir. Lorsqu'un grand nombre de salariés sont concernés par un licenciement, il n'est effectivement pas inutile de procéder à une étude d'impact.
Mais ce n'est pas ce qui est question aujourd'hui avec tous ces amendements, qui ne visent pas véritablement à améliorer le texte proposé M. Gournac, mais à nous entraîner vers d'autres débats.
M. Alain Gournac, rapporteur. Voilà ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous ne sommes pas prêts à ces débats, mais, en qualité de président de la commission, je ne refuse pas que l'on puisse les avoir ultérieurement. Aujourd'hui, ce n'est pas le moment.
Il serait dommage qu'on dénature le texte d'Alain Gournac, qui a pour objet de régler deux problèmes importants. Il faut les régler, non pas de façon irréfléchie mais tout de même rapidement, car il y a une certaine urgence. Les réflexions que vous appelez de vos voeux, et qui nous paraissent également utiles, pourront être relancées à un autre moment, si le ministre en est d'accord, peut-être à l'automne ou au début de l'année prochaine. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous prenons acte de la proposition de M. le président de la commission, car le rôle du législateur en la matière nous semble plus évident que jamais.
Quelles sont aujourd'hui les préoccupations des Françaises et des Français ? C'est d'abord l'emploi, à l'heure où le taux de chômage est de 10 % ; ce sont ensuite les salaires.
M. Alain Gournac, rapporteur. Les 35 heures ont tué les augmentations de salaire !
M. Guy Fischer. J'ai sous les yeux les chiffres détaillés concernant, notamment, les profits réalisés par les sociétés cotées au CAC 40 : pour elles, l'année 2003 a été très intéressante. Ainsi, elles ont connu une progression en Bourse de près de 50 %. Comme me le souffle mon collègue Robert Bret, c'est juteux !
Vous différez le débat. M. Borloo voulait absolument une grande loi de mobilisation pour l'emploi. Aujourd'hui, nous attendons encore !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela va venir !
M. Guy Fischer. Oui, mais il y a le feu !
Contrairement à vous, qui êtes tentés d'affirmer que, pour réformer le droit en matière de licenciements économiques, il est urgent d'attendre, nous souhaitons nous expliquer à partir d'exemples très concrets.
Pour les salariés de Nestlé à Marseille ou ceux du groupe d'outillage à main Facom, dont le site de Villeneuve-le-Roi est lui aussi menacé, il est urgent d'agir, de mettre un terme à l'éclatement du droit en matière de licenciements économiques, source de complexité et d'inégalité.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 10.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Chabroux et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 11 est présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l'article 1er de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, la référence : « 99, » est supprimée.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Gilbert Chabroux. Je ne sais pas ce que veut dire le président About lorsqu'il explique que nous voudrions conduire le débat un peu au-delà de ce qu'il devrait être.
J'ai clairement indiqué quelles étaient nos intentions et je peux le répéter : on ne peut pas supprimer tous les freins - et la loi de modernisation sociale en est un - et en même temps s'étonner ou même s'indigner, comme le font tous les élus locaux, de la multiplication des plans sociaux.
Je note que vous êtes d'accord pour que nous rediscutions sur les études d'impact. Mais nous devrions tout de même ne pas attendre et saisir l'opportunité qui s'offre à nous en rejetant la proposition de loi de notre collègue Alain Gournac. Ainsi la loi de modernisation sociale s'appliquera et constituera bien un frein aux licenciements économiques.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas du tout, ce n'est pas vrai !
M. Gilbert Chabroux. Je crois que nous sommes d'accord sur l'objectif. Il y a peut-être des problèmes de modalité dont il faudrait discuter. Je souhaite en tout cas que l'on n'attende pas trop.
Continuons donc ce débat important, crucial. On parle des licenciements économiques : il y a eu 1 400 plans sociaux en 2003 et il y en a encore de nombreux cette année, nous le savons bien, hélas ! C'est pourquoi nous demandons qu'il soit mis fin à la suspension de l'application de l'article 99 de la loi de modernisation sociale.
Il s'agit de rétablir la distinction entre les phases successives de consultation du comité d'entreprise au titre du livre IV du code du travail et, s'il y a recours à des licenciements économiques, au titre du livre III.
Il faudrait reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation sur la double consultation du comité d'entreprise : une première consultation en application du livre IV du code du travail sur le projet de restructuration et de compression des effectifs et une deuxième consultation sur le projet de plan social. Dans les deux cas, il avait été prévu que le comité puisse désigner un expert-comptable payé par l'employeur.
Certes, cette double consultation conduit à un allongement des délais entre la décision du chef d'entreprise et le licenciement mais rappelons-nous qu'en son temps cette disposition n'a pas été censurée par le Conseil constitutionnel, malgré les critiques des organisations patronales. En fait, il ne vous restait plus d'autre solution que d'en décider la suspension par voie législative !
Comment ne pas considérer que l'attitude de la majorité que je veux ici stigmatiser a quelque chose d'idéologique ?
M. Guy Fischer. De dogmatique !
M. Gilbert Chabroux. De dogmatique, oui.
M. Jean Chérioux. Vous êtes des spécialistes !
M. Gilbert Chabroux. Mais vous ne vous êtes pas contentés de suspendre par la voie législative, vous êtes allés encore plus loin dans cette voie avec des accords expérimentaux dit « accords de méthode ».
M. le ministre nous a dit qu'une centaine de ces accords aurait été signée. Même s'ils sont majoritaires, ils sont totalement dérogatoires à la loi. Ils se caractérisent par la plus extrême diversité : certains sont de véritables accords de gestion prévisionnelle, mais d'autres doivent bien être qualifiés de pièges puisqu'ils aboutissent, sous couvert de gestion prévisionnelle, à faire avaliser un plan social par les membres du comité d'entreprise. La majorité de ces accords sont en fait des sortes de pré-plans sociaux.
Si l'on peut encore employer le mot « méthode », c'est à l'usage des employeurs, qui disposent ainsi d'une méthode complaisamment fournie par le législateur pour contourner la loi. Il s'agit surtout d'obtenir un accord des représentants du personnel sur le plan social.
C'est précisément ici que se trouve le point d'achoppement : le législateur ne peut renoncer, de la sorte, à sa responsabilité, il ne peut commettre ce déni de droit. Notre responsabilité, mes chers collègues, est de légiférer c'est-à-dire d'édicter des lois qui s'appliquent à tous.
Le problème des accords de méthode est la confusion que vous avez choisi de créer délibérément au profit exclusif des employeurs.
Lorsque le dialogue social au sein d'une entreprise existe et qu'il est de qualité, il n'y a pas d'obstacle à ce que des accords règlent en amont les questions relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Bien au contraire, il faudrait encourager les accords de ce type ! Mais lorsque le dialogue n'existe pas, la confusion que votre texte a introduite ira immanquablement à l'encontre de l'intérêt des salariés menacés. Il n'y a pas de véritable réflexion, pas de possibilité de mettre en oeuvre d'authentiques propositions alternatives.
J'observe d'ailleurs que vous vous êtes contentés, à l'époque, d'indiquer que le comité d'entreprise « pouvait » obtenir une réponse motivée de l'employeur : celui-ci n'a donc aucune obligation de prendre en compte les propositions du comité d'entreprise.
Nous voulons mettre fin à cette confusion souvent entretenue par les employeurs et nous demandons le rétablissement des articles suspendus par la loi Fillon du 3 janvier 2003.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 11.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à rétablir la distinction entre les phases successives de consultation du comité d'entreprise au titre du livre IV du code du travail et, s'il y a recours à des licenciements économiques, au titre du livre III.
Cette disposition a été farouchement combattue par la droite et elle est aujourd'hui encore dans le collimateur du MEDEF. Celui-ci souhaite, chacun le sait, que soit réformé le dispositif actuel de représentation du personnel, que soient niés les pouvoirs économiques du comité d'entreprise, mais aussi que ce dernier ne puisse plus être conseillé à diverses étapes, dont celles qui sont prévues aux livres III et IV du code du travail. L'objectif est d'aller le plus vite possible dans la conduite du plan social et des licenciements.
Nous tenons beaucoup au déroulement successif des consultations du comité d'entreprise, qui sont spécifiques, conformément d'ailleurs au droit façonné depuis 1997 par la jurisprudence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout d'abord, un mot sur le « mépris » ! Je n'ai de mépris pour personne,...
M. Guy Fischer. Il faut parler, alors !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... et certainement pas pour les partenaires sociaux : c'est lorsqu'on ne laisse pas les partenaires sociaux discuter qu'on les méprise !
Par ailleurs, je précise une nouvelle que ce sont cent trente accords de méthode, et non pas « une centaine », monsieur Chabroux, qui ont été conclu.
Cela dit, la commission est bien sûr défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Toutefois, je tiens à apporter une précision sur les accords de méthode : si toutes les organisations syndicales, sans exception, les ont signés, c'est bien que le principe en est partagé par les partenaires sociaux, quelle que soit leur sensibilité.
M. Guy Fischer. C'est un peu limité, cent trente !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Pour de fervents défenseurs de la sécurité juridique, puisque c'est ainsi que la majorité se présente, les différents régimes applicables, selon que le licenciement économique est intervenu avant ou après la suspension de la loi de modernisation sociale ou selon que les salariés relèvent d'entreprises ayant ou non conclu des accords de méthode dérogatoires aux règles et à la procédure de consultation du comité d'entreprise en cas de licenciements économiques, sont difficilement soutenables.
Aujourd'hui, le contexte économique et social justifie plus que jamais que le législateur reprenne la main. Alors n'attendez pas ! Il serait en effet légitime que le législateur revienne sur la loi de modernisation sociale, qui est certes imparfaite puisqu'elle ne traite pas des licenciements économiques survenant dans les petites entreprises, c'est-à-dire de la plupart d'entre eux, puisqu'elle n'est pas suffisante concernant l'obligation de reclassement, puisqu'elle ne définit pas assez précisément les licenciements économiques...
Vous le savez, cette fuite en avant que vous vous apprêtez à cautionner est déraisonnable.
Enfin, pour s'en tenir à la lettre de la loi Fillon, nous ne voyons pas ce qui pourrait désormais justifier la prolongation du délai concernant les accords de méthode. Il était prévu qu'au terme des dix-huit mois de suspension le Parlement serait à nouveau saisi de ces questions, que la négociation ait abouti ou non, faute de quoi les dispositions rentreraient en vigueur.
Nous aurions dû également être destinataires d'un rapport sur l'application des accords expérimentaux d'entreprise. Encore un engagement qui ne sera pas tenu !
D'une manière générale, nous pensons que le législateur est pleinement compétent pour poser les règles de droit commun, étant entendu que le jeu de la négociation collective peut toujours les améliorer dès lors qu'il s'agit des matières relevant de l'ordre public social.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Au sujet de cet amendement, il convient de rappeler que l'article 99 de la loi de modernisation sociale a simplement mis fin à une confusion née de l'accumulation d'arrêts de la Cour de cassation rendus entre 1996 et 1997, aux termes desquels les deux procédures du livre III et du livre IV devaient avoir lieu séparément, mais pouvaient être concomitantes tout en restant distinctes.
Les choses n'étaient donc pas très claires et il fallait mettre un terme à cette confusion
En suspendant l'article 99, vous avez, à l'évidence, réintroduit la confusion entre les procédures du livre III et du livre IV du code du travail. Si elles ont été séparées, c'était précisément pour favoriser ce développement de la négociation dont vous ne cessez de parler.
J'estime que cette séparation allait dans le bon sens, y compris dans celui que vous semblez souhaiter. Elle permettait au comité d'entreprise de contester le bien-fondé des licenciements, donc de discuter sur le fond.
Mais sans doute cela allait-il trop loin ! Peut-être est-il impossible de contester le bien-fondé des licenciements, de discuter sur le fond ! Si c'est ce que vous pensez, la divergence entre nous est fondamentale.
Nos positions doivent être clarifiées dans ce débat. Il faudrait tout de même être sûr que, lorsque nous parlons de « dialogue social », il s'agit bien de la même démarche, traduisant la même ouverture d'esprit. Le Président de la République et le Premier ministre en ont parlé à maintes et maintes reprises, mais jusqu'à présent nous n'en avons guère vu d'illustration.
Tout ce que nous avons constaté, c'est que vous aviez réussi à faire adopter des textes alors que tous les partenaires sociaux s'y opposaient. On se demande où étaient la concertation et le dialogue social ! Et il semble bien qu'il doive y en aller de même pour l'assurance maladie.
Je demande qu'il y ait une concordance entre les paroles et les actes et que les promesses n'engagent pas que ceux qui les écoutent.
Pour en revenir à l'article 99, je souhaite qu'il soit rétabli, car son intérêt est loin d'être négligeable, y compris par rapport au dialogue social.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 11.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Chabroux et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l'article 1er de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, la référence : « 100, » est supprimée.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement tend à rendre force de loi à l'article 100 de la loi de modernisation sociale. Cet article revêtait lors du vote de cette loi et revêt encore aujourd'hui une importance particulière.
Nul n'a en effet oublié les annonces de fermetures d'entreprises et de licenciements collectifs par voie de presse qui ont eu lieu dans les semaines précédant l'adoption de cet article. De tels faits se produisent encore. En tout cas, nous gardons en mémoire l'affaire Danone et, surtout, l'affaire Marks & Spencer.
Concernant cette dernière, j'ouvrirai d'ailleurs une parenthèse. La lecture de la presse économique nous a appris la semaine dernière qu'une bataille boursière se préparait à Londres pour la prise de contrôle de l'entreprise. Alors qu'il est notoire que cette entreprise n'a pas encore totalement consolidé son redressement, opéré dans des conditions d'ailleurs fort critiquables, les prédateurs du capitalisme financier veulent déjà s'en emparer pour lui faire « rendre » davantage.
Mais l'information la plus intéressante provient de l'agence de notation Standard and Poor's, qui relève que, pour financer la reprise et augmenter les profits de Marks & Spencer, il faudra d'abord augmenter de manière importante l'endettement du groupe : cela nous rappelle quelque chose, mes chers collègues !
Il est dès lors permis de se demander, connaissant les intentions des spéculateurs qui se lancent dans cette opération, quel sera l'avenir des salariés britanniques du groupe. Il est en effet assez courant que les banques qui financent ces opérations entendent récupérer rapidement leur mise, ce qui conduit tout naturellement à la diminution des frais
Il y a une évidente analogie entre le scandale qui a secoué l'opinion française et ce qui se produit aujourd'hui à la bourse de Londres : l'indifférence totale au sort des salariés de l'entreprise, l'indifférence totale à leur opinion sur cette affaire qui va pourtant décider de leur avenir.
Or j'ai bien l'impression, mes chers collègues, que le problème des licenciements économiques en général suscite ici, hélas ! la même indifférence.
C'est précisément ce contre quoi nous nous élevons, encore aujourd'hui avec force. Et le Conseil constitutionnel ne nous a pas donné tort puisqu'il n'a pas annulé l'article 100 de la loi de modernisation sociale.
Je rappelle que le MEDEF avait prétendu que cet article allait contre les dispositions légales relatives au délit d'initié et que les chefs d'entreprise ne pouvaient donc pas déroger sans risque au droit financier.
En termes clairs, l'actionnaire prime sur le salarié, les intérêts boursiers sur la protection de l'emploi.
Le Conseil constitutionnel ne vous a pas suivis, qui dit dans sa décision du 12 janvier 2002 : « L'ordre donné à l'employeur par la loi déférée d'informer les représentants du personnel avant de rendre public un projet de restructuration constitue une cause d'exonération de la responsabilité qu'il pourrait encourir, tant en matière pénale que civile du seul fait de cette information. »
Deux points sont à relever dans cette décision.
D'abord, le droit du travail prime sur le droit financier. Le Conseil constitutionnel sait bien, comme nous le savons tous, que les délits d'initié sont affaire de spéculateurs et de gros actionnaires, et non pas de représentants du personnel, lesquels sont d'ailleurs tenus par le code du travail à une obligation de discrétion. L'employeur est exonéré à l'avance de toute sanction. L'argument patronal ne tient pas.
Ensuite, le Conseil constitutionnel insiste sur la force de l'ordre donné par le législateur à l'employeur. Fort justement, la loi prime sur toute autre considération. C'est une vieille histoire, en droit du travail, de savoir si le législateur doit décider souverainement ou s'il doit se contenter d'entériner les décisions des partenaires sociaux sans en changer une virgule. Cette question se trouve, aujourd'hui, au coeur de notre débat.
Comme on pouvait s'y attendre, la décision du Conseil constitutionnel ne convenait pas au MEDEF. Un nouveau pas a donc été franchi avec la suspension, par le législateur, d'une disposition que le Conseil constitutionnel avait pourtant maintenue. Ce n'est donc manifestement pas, dans cette affaire, le législateur qui a donné un ordre à l'employeur.
Mes chers collègues, nous sommes à nouveau en présence d'un déni législatif. Mais, cette fois, il ne s'agit pas de laisser faire en dérogation à la loi ; il s'agit de contredire la loi et surtout le Conseil constitutionnel sur ce point fondamental : le droit financier prime toujours sur le droit du travail. Rien ni personne, pas même le Conseil constitutionnel, ne peut revenir sur cette évidence gravée dans les tables de la loi du capitalisme financier.
Nous sommes donc totalement opposés sur le fond, mais aussi sur la manière dont cette affaire s'est déroulée, et qui n'est pas de nature à accroître la confiance des citoyens dans la classe politique.
Nous demandons, en conséquence, que l'article 100 de la loi de modernisation sociale soit rétabli.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Roland Muzeau. Cet amendement a le même objet que celui qui vient d'être défendu : il vise à rétablir l'article 100, et donc l'information préalable du comité d'entreprise avant l'annonce du chef d'entreprise au public de mesures ayant un impact sur les conditions de travail et d'emploi.
Là encore, je ne vois pas pourquoi cette extension, somme toute légitime, du droit à l'information et à la consultation des élus au comité d'entreprise, avant toute décision économique importante, ayant sur la vie des salariés les incidences que chacun connaît, serait impossible.
De la part de partisans autoproclamés du dialogue social - car il faudrait qu'ils nous prouvent concrètement qu'ils en sont partisans -, l'affirmation selon laquelle c'est effectivement impossible a de quoi surprendre !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Est-ce que vous souhaitez qu'il y ait en permanence des délits d'initié ?
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas ce que dit le législateur, mais vous allez pouvoir nous répondre longuement pour nous convaincre.
M. Alain Gournac, rapporteur. En tout cas, c'est le risque !
M. Roland Muzeau. L'une des raisons de votre réticence est ce fameux droit boursier et la primauté des actionnaires sur le droit des salariés apprenant par la presse ou la télévision les décisions qui les concernent directement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument pas !
M. Roland Muzeau. Je crois très sincèrement qu'il faudrait que le législateur prenne ses responsabilités et décide enfin que le droit du travail, en même temps que le respect des personnes, prime sur le droit financier.
Bien évidemment, on ne peut pas nier ce que sont les règles du droit boursier, mais il me paraît tout de même normal que le salarié soit le premier averti des difficultés éventuelles de son entreprise et des mesures qui risquent d'être envisagées, notamment en termes d'emploi, lorsqu'elles concernent sa vie et celle de sa famille.
Les exemples sont nombreux. Tout le monde conserve en mémoire les noms des entreprises qui ont été cités dans les médias et qui ont montré combien il était scandaleux que des centaines de salariés apprennent la perte de leur emploi en écoutant un flash d'information radiophonique ou en ouvrant leur journal.
Le plus souvent, c'est surtout la COB, la Commission des opérations de bourse, que l'on se soucie de respecter.
M. Jean Chérioux. Il faut vous mettre à jour : il n'y a plus de COB !
M. Roland Muzeau. Je le sais, monsieur Chérioux, même si je ne suis pas, contrairement à vous, un spécialiste ! Cela étant, je me souviens de débats au cours desquels vous étiez intervenu pour dire combien il était anormal que des salariés apprennent par la presse qu'ils étaient privés d'emploi.
Ne vous reniez donc pas, dix-huit mois plus tard, alors que nous débattons du même sujet.
M. Jean Chérioux. Je ne renie rien !
M. Roland Muzeau. L'argument qu'avançait hier la droite et qu'elle avance encore aujourd'hui ne tient pas. C'est pourquoi nous demandons le rétablissement de l'article 100.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur. Chabroux, tout le monde sait qu'en Grande-Bretagne c'est une majorité de droite qui est au pouvoir !
M. Gilbert Chabroux. Je n'ai pas dit que tout allait bien là-bas !
M. Alain Gournac, rapporteur. Si, vous l'avez dit. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. Mais qu'importe !
Nous avons déjà eu de longs débats sur ce sujet. Vous savez très bien qu'il y a un risque de délit d'initié. Aujourd'hui, nous entendons laisser aux partenaires sociaux la possibilité d'en discuter. Dans six mois, nous pourrons, si c'est nécessaire, revenir sur cette question.
M. Roland Muzeau. Mais les partenaires sociaux n'y peuvent rien !
M. Alain Gournac, rapporteur. On verra bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. L'article 100 de la loi de modernisation sociale instaure l'obligation d'information, avant toute annonce publique, du comité d'entreprise sur les mesures affectant de manière importante les conditions de travail et d'emploi des salariés. Qu'y a-t-il là d'anormal ?
Or vous avez déjà suspendu l'application de cet article et vous voulez prolonger cette suspension, avant sans doute d'abroger purement et simplement cette disposition, entre autres. Cela nous conduit à poser quelques questions évidentes.
Tout d'abord, est-il décent que des salariés apprennent leur licenciement par la presse ?
M. Guy Fischer. Non !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ne l'apprennent pas par la presse !
M. Gilbert Chabroux. J'ignore ce que chacun d'entre vous en pense personnellement mais, moi, j'estime que l'on ne peut pas tolérer cela.
Vous avez parlé de « mépris ». Mais n'est-ce pas là une forme de mépris par rapport aux salariés ?
M. Roland Muzeau. Bien sûr que si !
M. Gilbert Chabroux. Rien ne peut justifier un pareil mépris, une telle indifférence à ce que d'aucuns considèrent tout bonnement comme le « stock de main-d'oeuvre ».
La deuxième question concerne le mode de gouvernance des entreprises. Bien sûr, une entreprise doit être ouverte sur son environnement extérieur puisqu'elle vit d'échanges avec celui-ci. Mais doit-il être informé des décisions importantes avant les salariés, dont le sort dépend totalement de l'avenir de l'entreprise ? Personnellement, je ne le crois pas.
La loi du marché, les pratiques financières et commerciales passent-elles avant le respect du droit du travail et des travailleurs ? Pour nous, à l'évidence, la réponse est non. Comme bien souvent en droit du travail, la complexité des procédures ne parvient pas à dissimuler des questions simples - celles que j'ai posées - et des rapports de force brutaux, hélas !
Le droit d'expression des salariés, le respect de leur dignité dans l'entreprise se construisent pas à pas et ne sont pas toujours, comme nous en avons ici l'exemple, compatibles avec les pratiques de l'économie de marché. J'emploie à dessein le terme de « pratiques » et non celui de « règles » : c'est vainement, en effet, que l'on chercherait les règles d'un jeu dont l'objectif est précisément la dérégulation totale...
Par conséquent, mes chers collègues, en supprimant cette règle d'évidence qui est énoncée par l'article 100 de la loi de modernisation sociale, vous rompez un équilibre difficilement gagné et vous faites pencher un peu plus encore la balance du côté du règne de la spéculation, au mépris de la dignité des travailleurs.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. C'est une simple mise au point : vous semblez oublier, monsieur Chabroux, monsieur Muzeau, qu'au sein des conseils d'administration siègent également des représentants du comité d'entreprise et qu'ils sont soumis aux mêmes règles.
M. Roland Muzeau. Ils n'ont pas le droit de parler !
M. Jean Chérioux. Vous faites bien peu de cas des syndicalistes qui siègent dans les conseils d'administration !
Il y a aussi, dans certaines entreprises, grâce à la participation, des représentants du personnel qui siègent au conseil d'administration.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est vrai !
M. Jean Chérioux. Mais vous oubliez que la règle de base, qui s'applique à tous les membres du conseil d'administration, aussi bien aux représentants du capital qu'aux autres membres, c'est celle du secret. On ne peut édicter des règles uniquement pour certains. La règle du secret est une règle générale et nécessaire : comment les négociations pourraient-elles progresser pour aboutir à des solutions positives pour tout le personnel si elles sont remises en cause par la divulgation du contenu des discussions en cours ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'agissant des accords de méthode, je souhaite apporter au Sénat un certain nombre de précisions sur une étude que le Gouvernement a fait conduire.
D'abord, j'indique qu'au nombre des signataires des cent trente accords de méthode figurent la CFDT, pour 70 %, la CGT, pour 61 %, FO, pour 54 %, la CGC, pour 50 %, ainsi que d'autres fédérations syndicales non représentatives sur le plan national, dans les secteurs de la presse, des transports ou de la banque, notamment.
Qu'est-ce qu'un accord de méthode ? C'est le fruit de la négociation sociale portant sur une double préoccupation, celle des délais et celle de l'information du personnel. Or, pour près de 40 % des accords de méthode, il y a eu amélioration de l'information du personnel.
Vous voyez donc que la négociation sociale peut répondre aux préoccupations des uns et des autres. On peut rêver d'un monde figé, mais l'environnement économique et social évolue sans cesse. La négociation sociale est là pour prendre en compte ces évolutions.
Nous souhaitons que, dans l'équilibre ainsi réalisé, les partenaires sociaux parviennent demain à trouver des accords.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'ils ne les trouvent pas, lorsque nous reviendrons devant la représentation nationale, nous nous inspirerons de ce qui aura été réalisé concrètement sur le terrain. Car je ne doute pas que les discussions qui auront lieu entre les partenaires, même si elles n'aboutissent pas en totalité, seront porteuses, pour partie, d'éléments qui permettront d'enrichir la décision que vous aurez éventuellement à prendre, mesdames, messieurs les sénateurs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Notre collègue M. Chérioux, vient de nous rappeler que le secret sur les délibérations des conseils d'administration s'imposait tous, y compris aux syndicalistes.
Or, ce matin même, sur France Info, j'ai entendu que le bras droit de Jean-Marie Messier, lorsque celui-ci était à la tête de Vivendi Universal, avait utilisé les informations qu'il possédait, ayant assisté au conseil d'administration du groupe,...
M. Jean Chérioux. Il a commis un délit ! Il est passible de la loi !
M. Roland Muzeau. Je vois bien que cela vous ennuie, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux. Pas du tout ! Qu'il soit condamné !
M. Roland Muzeau. ...pour mettre en vente en 2001 l'ensemble des actions de la société qu'il détenait et réaliser ainsi un bénéfice tout à fait substantiel, ce qui le conduit aujourd'hui devant les tribunaux.
M. Jean Chérioux. C'est ce que nous voulons éviter !
M. Roland Muzeau. Sera-t-il jugé coupable ou non, je l'ignore, et là n'est pas mon propos.
M. Jean Chérioux. Moi, je le souhaite !
M. Roland Muzeau. Simplement, nous savons que, chaque jour, les informations prétendument secrètes dont il est question dans les conseils d'administration sont utilisées toujours par les mêmes et dans le même sens, alors que les salariés, y compris ceux qui sont amenés à siéger au sein des conseils d'administration, ne sont pas forcément informés, eux, des décisions touchant l'avenir des sociétés concernées. Vous le savez pertinemment, monsieur Chérioux, puisque vous vous en êtes vous-même fait l'écho à plusieurs reprises.
Par ailleurs, les indications données par M. le ministre concernant les syndicats signataires des quelque cent trente accords de méthode conclu - ce sont d'ailleurs des données que je connaissais - ne viennent en rien démonter l'argumentation que j'ai énoncée.
M. Roland Muzeau. Je vous en sais gré, monsieur le ministre, car ces informations sont très utiles. Cependant, elles ne viennent en rien infirmer l'analyse que j'ai développée depuis l'ouverture de ce débat. Bien au contraire, elles montrent que les partenaires sociaux, quand il y a matière à négocier pour faire progresser le droit, jouent leur rôle. Si le fruit de la négociation ne les satisfait pas, ils ne signent pas.
Pour avoir rencontré des représentants des salariés de diverses entreprises, je dois également dire que plusieurs accords de méthode ont été signés par des organisations syndicales parce que, disaient-elles, elles avaient « la tête sur le billot ». Entre le pire et l'accord, elles ont choisi l'accord, évidemment, non parce qu'il marquait un progrès, mais parce qu'il permettait de « limiter la casse ».
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 12.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Chabroux et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 13 est présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article ""1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l'article 1er de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, la référence : « 101, » est supprimée.
""
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n °5.
M. Gilbert Chabroux. Par cet amendement, nous demandons le rétablissement de l'article 101 de la loi de modernisation sociale, qui renforce les prérogatives du comité d'entreprise en cas de restructuration ou de compression des effectifs, notamment le recours à un expert-comptable.
Parmi les dispositions que vous avez adoptées dans la loi Fillon sur les accords de méthode, vous avez repris - et je mets ce point à votre actif - une innovation fondamentale : les propositions alternatives que peut formuler le comité d'entreprise.
Certes, mais c'est un peu l'arbre qui cache la forêt : les conditions dans lesquelles ces propositions peuvent être formulées sont devenues moins propices dans le nouveau texte.
La confusion que j'ai évoquée entre les livres III et IV du code du travail induit dans le débat une précipitation telle que les représentants du personnel se trouveront devant le fait accompli.
Par ailleurs, l'employeur n'est pas obligé de répondre à ces propositions alternatives. Ce n'est qu'une possibilité.
Enfin et surtout, l'expert-comptable a disparu du texte, alors que son intervention visait à étayer les objections éventuelles et les propositions du comité d'entreprise alternatives au licenciement collectif.
Néanmoins, nous avons le souvenir que, lors des auditions multiples auxquelles avait procédé la commission des affaires sociales, la majorité sénatoriale avait clairement indiqué que ces points ne posaient pas de grave problème.
En revanche, ce qui est inacceptable pour les représentants du patronat, c'est bien le droit d'opposition du comité d'entreprise et l'impossibilité pour l'employeur d'engager le plan social tant qu'il n'a pas répondu aux objections et aux propositions alternatives du comité d'entreprise.
Nous avons tous connaissance d'une abondante littérature, émanant d'éminents spécialistes, sur les restructurations et les plans sociaux, sur les reclassements et la réindustrialisation des bassins d'emploi. Concrètement - nous l'avons tous vécu -, nous savons bien que ce qui préoccupe la majorité des salariés, à l'exception peut-être des plus âgés d'entre eux, c'est la sauvegarde de leur entreprise et de leur emploi.
Les discours et les promesses sur d'éventuels futurs emplois ne rencontrent que peu d'échos, particulièrement dans le contexte économique et social que nous connaissons.
Chacun sait que le chômage risque d'être durable et que les emplois qui subsisteront, en particulier les emplois non qualifiés, seront précaires ou soumis à des horaires atypiques.
Il convient donc d'agir en amont, surtout lorsqu'on est en présence de licenciements spéculatifs et boursiers, comme c'est souvent le cas dans les grands groupes. C'est là que le bât blesse, car il n'est surtout pas question, pour le patronat, de s'éterniser en discussions avec les représentants des salariés.
Les propositions alternatives de ces derniers, si elles sont formulées de manière solide et avec l'appui d'un expert-comptable, si elles ont fait l'objet d'études sérieuses lors de plusieurs réunions du comité d'entreprise, font « perdre de la valeur », dit-on, et retardent le transfert des unités de production vers les pays où l'on exploite librement la main-d'oeuvre.
De notre point de vue, ce ne sont ni la restructuration ni le reclassement qui sont retardés, mais bien la recherche de profits accrus par l'utilisation d'une main d'oeuvre sous-payée et dépourvue de protection sociale.
La preuve en est fournie par les résultats consternants des cabinets de conseils qui se font pourtant fort de reclasser les salariés licenciés. Comment pourrait-il en être autrement quand les bassins d'emploi sont sinistrés ?
L'employeur préfère donc remettre sans délai aux salariés une prime de licenciement, qui représente pour beaucoup, dans un premier temps, une somme importante par rapport à leur salaire antérieur. Les plus âgés entraient dans ce dispositif, avant que Martine Aubry ne décide de réduire le nombre astronomique de préretraites financées par l'Etat.
Nous savons tous parfaitement que l'un des motifs principaux pour lesquels la négociation sur les restructurations est en suspens réside dans la disparition de ce système des préretraites à guichet ouvert. Les représentants des employeurs ne veulent pas participer au financement d'un autre dispositif, a fortiori s'il faut reclasser les salariés, et non pas simplement les sortir de l'emploi.-
Pour le moment, et tant que les partenaires sociaux ne nous présenteront pas des propositions équilibrées pour améliorer les perspectives des salariés victimes de restructurations et de licenciements, il est nécessaire de rétablir les prérogatives des représentants du personnel.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à rétablir les prérogatives du comité d'entreprise dans l'hypothèse d'une restructuration impliquant une compression des effectifs.
La demande de discuter des choix des chefs d'entreprises est, selon vous, inadmissible, vous n'avez cessé de le répéter. Nous l'avions déjà entendu lors des première et deuxième lectures du texte de modernisation sociale. Nous ne sommes donc pas surpris !
Cette disposition est importante à nos yeux parce qu'elle permet au comité d'entreprise de critiquer l'argumentation de l'employeur et d'avoir recours à une expertise pour fonder une analyse et des propositions alternatives. C'est pourquoi nous refusons la prolongation de la suspension de l'article 101 de la loi de modernisation sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Le problème traité par l'article 101 ne peut pas être survolé. Il importe de s'y arrêter un peu.
Contrairement aux intentions proclamées, c'est à nouveau à la négociation collective que la suspension de cet article porte atteinte.
Je rappelle que l'article 101 prévoit la possibilité pour le comité d'entreprise de faire des propositions alternatives au plan de licenciements et de discuter de l'avenir de l'entreprise. L'employeur devrait fournir une réponse motivée. Or ce n'est plus le cas dans le présent texte. En outre, tant qu'il n'a pas fourni cette réponse motivée, l'employeur ne devrait pas pouvoir présenter de plan social.
Il n'y a rien d'extraordinaire à demander cela. Dès lors, je me permets d'y insister.
On nous objecte simplement que cette exigence fait perdre du temps. A vos yeux, donc, la seule urgence est de licencier, puis, si on le peut, de reclasser. Il faudrait aller vite et ne pas perdre de temps à discuter de l'inévitable !
Un moment de réflexion permet pourtant de comprendre que ce rideau de fumée vise surtout à empêcher les salariés et l'opinion publique de voir que ce qui est présenté comme fatal peut très souvent être évité. Il n'y a pas de fatalité. Il n'y a qu'une volonté économique d'augmenter indéfiniment les taux de profit.
Les termes du débat se résument alors à cette forme de chantage : si vous n'acceptez pas les licenciements qui vous sont proposés maintenant, il y en aura bientôt davantage.
On pourrait y croire si l'expérience ne prouvait pas que les emplois détruits ici sont recréés plus loin, dans des conditions sociales infiniment moins favorables, sinon inexistantes. L'urgence et la nécessité de licencier sont le plus souvent très relatives.
Mes chers collègues, pour notre part, nous avons trop le respect de la négociation et de ses deux partenaires, pour empêcher ces derniers de mener à bien leurs débats.
Il est donc nécessaire de laisser intact l'article 101 de la loi de modernisation sociale.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 13.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l'article 1er de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, la référence : « 106, » est supprimée.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à rétablir la possibilité de saisir un médiateur sur un projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement concernant au moins 100 salariés.
L'introduction dans la loi de modernisation sociale de la saisine d'un médiateur ne nous était pas apparue, à l'époque, comme une solution suffisamment efficace en regard du caractère dramatique des licenciements. Pour autant, nous savions par expérience combien il pouvait être utile aux salariés, dans le développement d'un conflit du travail, de solliciter l'intervention d'un tel médiateur. C'est en ce sens que nous avions alors soutenu cette disposition, qui représentait un outil d'action supplémentaire dans les mains des salariés luttant pour la préservation de leur emploi et, souvent aussi, de leur entreprise.
C'est avec les mêmes motivations que nous avons déposé cet amendement portant rétablissement de l'article 106 de la loi de modernisation sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Chabroux et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l'article 1er de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, la référence : « 109, » est supprimée.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit de rétablir l'appréciation des critères retenus pour établir l'ordre des licenciements par catégorie professionnelle et de supprimer le critère des qualités professionnelles, qui conduit à licencier en priorité les salariés les plus fragiles.
Il convient de prendre en compte, comme le prévoit l'article 109 du code du travail, les charges de famille, notamment pour les parents isolés, l'ancienneté de service dans l'entreprise ou dans l'établissement, pour protéger les salariés âgés, et les caractéristiques sociales qui rendent une réinsertion difficile, comme dans le cas des personnes handicapées. Faute de cette prise en compte, le risque est grand que soient licenciés, dans une sorte de priorité inversée, les salariés qui seront les plus difficiles à reclasser. Est-ce vraiment cela que nous recherchons ? Ces personnes deviendront des chômeurs de longue durée, quand elles ne seront pas purement et simplement promises au RMI.
Mes chers collègues, il y a une contradiction entre, d'une part, le discours officiel du Gouvernement sur la double nécessité de faire travailler plus longtemps les salariés âgés dits « seniors » et d'insérer les personnes handicapées dans l'entreprise et, d'autre part, le fait de proroger la suspension de cet article 109.
Je souhaite, pour ma part, qu'il y ait un peu plus de cohérence dans la démarche.
J'appelle également l'attention du Sénat, qui est l'émanation des collectivités territoriales, sur le fait que ces personnes fragiles, qui auraient toute leur place dans l'entreprise selon le discours officiel, seront à la charge de leur collectivité lorsque leur situation viendra à s'aggraver et qu'elles seront exclues de l'entreprise.
La solidarité nationale, qui est en voie de démantèlement, ne joue plus complètement son rôle. C'est donc vers les collectivités que se tournent légitimement les victimes de plans sociaux.
Pare conséquent, il est souhaitable à tout point de vue de revenir à des pratiques différentes et d'appliquer les critères déterminés par la loi de modernisation sociale.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 15.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise, lui aussi, à revenir sur l'ordre à suivre dans un licenciement collectif et à supprimer le critère des qualités professionnelles.
Il nous semble que la situation qui résultait de l'application de l'article 109, même dans le cas, toujours extrêmement dommageable, de la perte d'un emploi, était malgré tout meilleure que celle qui prévaut depuis la suspension de l'application de cet article. Nous demandons en conséquence le rétablissement de ces dispositions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques.
Je veux simplement confirmer au Sénat que l' « activation » des seniors est bien une préoccupation du Gouvernement ; nous en soumettrons d'ailleurs le principe au dialogue social dans les jours qui viennent.
M. Robert Bret. Bien sûr !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 15.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Chabroux et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 16 est présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l'article 1er de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, les mots : « et 116 » sont supprimés.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement vise à rétablir l'article 116 de la loi de modernisation sociale.
Cet article prévoit que l'autorité administrative compétente, c'est-à-dire l'administration du travail, peut, tout au long de la procédure de consultation des représentants du personnel et jusqu'à la dernière réunion du comité d'entreprise, présenter toute proposition destinée à compléter ou à modifier le plan social, en tenant compte de la situation économique et des capacités financières de l'entreprise ou du groupe. Là encore, cela paraît aller de soi.
Cela a pour corollaire que l'employeur doit faire une réponse motivée aux propositions de l'administration du travail, faute de quoi il ne peut notifier les licenciements.
L'article 116 prévoit également que la carence du plan social peut être constatée après sa conclusion et qu'une nouvelle réunion du comité d'entreprise doit être alors organisée.
Or l'application de cet article de bon sens a été suspendue par la loi Fillon. Je dois dire que nous serions curieux d'entendre, en dehors de l'argument tiré de la nécessaire cohérence avec la suspension, par cette loi, des autres articles relatifs au licenciement, les arguments de fond qui peuvent être ceux de notre rapporteur. Jusqu'à présent, rien n'est venu justifier cette suspension.
Cher Alain Gournac, j'ai relu attentivement nos débats du 9 octobre 2001 sur l'article 109. Vous-même, ainsi que Mmes Guigou et Péry, faisiez assaut de courtoisie. Permettez-moi de citer vos propos tels qu'ils se trouvent retranscrits aux pages 3898 et 3899 du Journal officiel : « Tout se passe bien entre la commission et le Gouvernement en ce moment. » Plus loin : « La commission n'est pas défavorable à cet article. » Ce à quoi Mme Guigou vous a répondu : « Nous sommes dans une phase d'harmonie. »
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est tout à fait vrai !
M. Gilbert Chabroux. Ce sont des instants inoubliables, trop rares dans cette enceinte ! (Sourires.)
Je comprends donc d'autant moins, sur le fond, cher collègue, que, sur votre rapport, la majorité du Sénat ait voté cette suspension en 2003. Comment avez-vous pu changer d'avis aussi radicalement ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je n'ai pas changé d'avis !
M. Gilbert Chabroux. Il faut reconnaître que les inspecteurs et les contrôleurs trouvent rarement grâce aux yeux des employeurs. Longtemps, leurs effectifs sont restés stables, et stables dans l'insuffisance. Compte tenu de l'augmentation du nombre de salariés, cela signifiait une diminution proportionnelle. Il aura fallu attendre les recrutements décidés par Martine Aubry pour voir enfin le nombre des inspecteurs et des contrôleurs augmenter significativement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout le monde sait que Mme Aubry était une championne du dialogue social !
M. Gilbert Chabroux. Ainsi, 82 postes d'inspecteur et 416 postes de contrôleur ont été créés entre 1998 et 2002. Curieusement, mais vous avez peut-être une explication à nous fournir, dans les lois de finances pour 2003 et pour 2004 aucune création n'est prévue. Il y a même eu des propositions de loi tendant à vider les missions de l'inspection du travail de presque toute substance. Il s'agissait d'« éviter de mettre les inspecteurs du travail dans des situations d'arbitrage et d'interprétation délicates, et de recentrer leurs activités sur la protection de l'hygiène et de la sécurité ou la lutte contre le travail au noir ».
Dans le cas présent, c'est sans doute cette même préoccupation d'épargner des problèmes d'arbitrage à l'administration du travail qui conduit à la suspension de l'article 116.
On retrouve ici la volonté de cantonner l'inspection du travail dans un contrôle strictement procédural. Les pouvoirs publics ne doivent pas intervenir au fond, pas même pour proposer de compléter le plan social ; ils ne sont même pas censés avoir connaissance des capacités financières de l'entreprise.
Cela pose un dernier problème d'équilibre de notre arsenal législatif, à moins qu'il ne s'agisse d'un aveuglement volontaire et organisé.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah !
M. Gilbert Chabroux. En effet, je le rappelle, la Commission nationale des aides publiques aux entreprises, qui avait pour tâche de contrôler l'utilisation des aides publiques, a été supprimée par la loi de finances rectificative pour 2002. C'est sur l'initiative de notre collègue Jacques Oudin que la majorité sénatoriale a voté cette suppression le 17 décembre 2002. Nous étions présents et, nous pouvons en témoigner, le groupe communiste républicain et citoyen a mené un combat acharné, ...
M. Roland Muzeau. Oh oui !
M. Gilbert Chabroux. ...à la limite de l'épuisement, ...
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux. ...contre l'amendement de notre collègue Jacques Oudin.
Depuis cette date, mes chers collègues, aucune autorité administrative n'intervient plus pour contrôler le contenu d'un plan social ; il y faut l'intervention du juge. Les intérêts des salariés sont donc mis en suspension, eux aussi.
Vous allez sans doute me dire que nous reverrons peut-être la question plus tard.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Probablement !
M. Gilbert Chabroux. Bien sûr ! Demain, nous aurons ce débat !
N'est-ce pas notre collègue Jean-Claude Gaudin qui, parlant des entreprises de la région de Marseille, a dit qu'il regarderait de très près l'utilisation qui a été faite des fonds publics alloués à ces entreprises ?
Donc, mes chers collègues, il n'y a plus d'interventions spécifiques pour contrôler l'utilisation des aides publiques que l'Etat et nos collectivités territoriales consentent dans l'espoir de sauver des emplois. On sait pourtant qu'un montant non négligeable de ces aides est pour le moins inutile, quand il n'est pas purement et simplement détourné. C'est ce qui avait justifié la création de cette commission nationale.
Les intérêts des citoyens et des contribuables sont donc ignorés.
Mes chers collègues, nous voudrions rétablir un certain équilibre et ne pas laisser ce nouveau déni perdurer. Nous demandons, en conséquence, que l'article 116 retrouve force de loi.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 16.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise, lui aussi, à rétablir les dispositions renforçant le rôle de l'autorité administrative tout au long de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi.
Nous pensons que laisser face à face les salariés victimes de licenciements et l'employeur licencieur, en mettant cela au compte du dialogue social, n'est pas très sérieux.
Nous constatons la démission de l'Etat quant aux contrôles des fonds publics, aux procédures de licenciement, à la nature des raisons entraînant la suppression d'emplois, voire à la fermeture de l'entreprise. Or, sur tous ces sujets, une autorité administrative doit pouvoir donner son point de vue, lequel sera repris par les partenaires sociaux.
Cet amendement vise donc à restaurer quelque peu l'autorité de l'Etat sur cette question essentielle de l'emploi en France.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Monsieur Chabroux, vous pensez que je perds la mémoire, mais vous me connaissez mal !
M. Gilbert Chabroux. J'ai parlé de moments inoubliables !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je suis désolé, j'ai bonne mémoire !
M. le ministre a évoqué tout à l'heure l'« activation des seniors ». Eh bien, je me souviens d'une longue période où cette idée que j'avais lancée recevait bien peu de soutien ! Il vous suffit de vous référer, mes chers collègues, aux propos que j'ai tenus notamment en commission des affaires sociales et où j'expliquais combien il me paraissait incroyable que l'on se sépare de ces personnes pleines d'expérience, qui ont entre cinquante-six et cinquante-sept ans
Alors, ne venez pas aujourd'hui me donner donc cette leçon parce que, à l'époque, vous ne m'aviez pas vraiment soutenu sur ce point !
Pour le reste, je ne change pas d'avis. Je l'ai répété à maintes reprises, il faut prolonger de six mois la période de suspension de certaines dispositions de la loi de modernisation sociale, afin que l'on puisse faire fructifier le dialogue social. Car, nous, nous y croyons au dialogue social ! Donnez-nous simplement six mois de plus !
Je ne reviendrai pas sur la question des inspecteurs du travail, car je me suis déjà largement exprimé à ce sujet.
On s'en souvient, Mme Aubry était une championne du dialogue social ! Rappelez-vous la position de Mme Aubry, qui avait consulté tous les syndicats de police sur le fait de savoir si les jeunes pourraient ou non porter une arme !
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas dans la loi de modernisation sociale !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je tiens à montrer que, moi aussi, j'ai de la mémoire !
Elle nous avait dit qu'elle avait consulté tous les syndicats. Or, en réalité, aucun syndicat de police n'avait été consulté à l'époque !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
Je tiens à informer le Sénat que la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, puisque M. Chabroux a évoqué ce sujet, se réunira, pour la première fois depuis 1998, date de son installation, le 18 juin prochain. C'est dire qu'il s'agit bien pour moi d'une véritable préoccupation ! J'ai convoqué cette commission nationale pour qu'elle exprime une parole forte sur ce sujet. (M. le rapporteur applaudit.)
M. Guy Fischer. Très bien, monsieur le ministre !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 16.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)