sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
2. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Travail, santé et cohésion sociale
ii. - Santé, famile, personnes handicapées et cohésion sociale
MM. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille ; Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.
MM. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité ; Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé ; le ministre, Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Mmes Isabelle Debré, la ministre déléguée.
M. Philippe Nogrix, Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat.
M. Guy Fischer, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
MM. Gilbert Barbier, le ministre.
Mme Patricia Schillinger, M. le ministre.
MM. Jean-Pierre Cantegrit, le ministre.
MM. Roland Muzeau, le ministre.
MM. André Boyer, le ministre.
Mme Claire-Lise Campion, M. le ministre.
Mme Marie-Thérèse Hermange, M. le ministre.
M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat.
M. Christian Demuynck, Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat.
M. Bernard Cazeau, Mme la ministre déléguée.
MM. Jean-Claude Etienne, le ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
MM. Paul Blanc, le ministre.
MM. Hugues Portelli, le ministre.
Amendement no II-9 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Godefroy, François Autain, Bernard Cazeau, Paul Blanc, Philippe Nogrix, Jean-Louis Carrère. - Adoption.
M. le président de la commission, Mme la ministre déléguée.
Adoption des crédits modifiés.
MM. François Autain, le ministre.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Adoption
MM. Jean-Pierre Godefroy, le ministre.
Adoption de l'article.
M. le président.
Rappels au règlement. - M. Jean-Pierre Plancade, Mme Hélène Luc, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
MM. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les dépenses ordinaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.
MM. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services communs ; Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Gendarmerie ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Forces terrestres ; Philippe Nogrix, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Air ; André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section Marine ; Mme la ministre.
MM. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères ; Mme la ministre.
M. Yves Pozzo di Borgo, Mme la ministre.
Mmes Hélène Luc, la ministre.
M. Jean Boyer, Mme la ministre.
M. Didier Boulaud, Mme la ministre.
M. Jacques Peyrat, Mme la ministre.
M. Robert Hue, Mme la ministre.
M. André Rouvière, Mme la ministre.
Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, la ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
Mmes Dominique Voynet, la ministre.
M. Jean-Pierre Fourcade, Mme la ministre.
M. Jean-Pierre Godefroy, Mme la ministre.
M. Robert Del Picchia, Mme la ministre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mme la ministre, M. Jean-Pierre Godefroy.
Mme Hélène Luc.
Adoption des crédits du titre III.
M. Jean-Pierre Plancade.
Adoption de l'article.
M. Didier Boulaud, Mme Hélène Luc.
Adoption des crédits V et VI.
Adoption de l'article.
Mme la ministre.
Education nationale, enseignement supérieur et recherche
MM. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche et les nouvelles technologies ; Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Ivan Renar, Pierre Laffitte, Serge Lagauche, Mmes Adeline Gousseau, Marie-Christine Blandin, M. Claude Saunier.
M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche.
Crédits des titres III et IV. - Adoption
Mme Marie-Christine Blandin, M. le ministre.
Crédits du titre VI. - Adoption
3. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos73, 74).
Travail, santé et cohésion sociale
II.- santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : II. - Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale (et les articles 77 à 79).
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, les ministres répondront immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord faire remarquer que, de façon récurrente, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, les réponses aux questions budgétaires nous sont adressées, pour certaines, très tardivement. A la date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances, seuls 47,3 % des réponses m'étaient parvenus. Les parlementaires regrettent, vous le savez, la légèreté avec laquelle sont traitées les questions qu'ils posent.
Les crédits du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la cohésion sociale s'établiront à près de 11,18 milliards d'euros en 2005, soit une augmentation, à périmètre constant, de près de 1,8 %. Encore faut-il préciser que cette augmentation aurait été plus forte si le produit de la cotisation sur les alcools de plus de 25 degrés n'était pas attribué au fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie par l'article 77 du présent projet de loi.
Cette section budgétaire est particulièrement complexe puisqu'elle présente la particularité d'être placée sous la responsabilité de plusieurs ministres, ce qui nous vaut le plaisir de compter quatre d'entre eux, pas moins, au banc du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. S'agissant des exécutions passées ou en cours, on relèvera que ce budget connaît globalement un très fort taux d'exécution, qui s'élevait à 97,3 % en 2003. L'exercice 2003 aura été particulièrement difficile en raison de la régulation budgétaire qui a été menée. Il semble toutefois que les opérations de régulation budgétaire opérées en 2004 aient posé moins de difficultés du fait d'une meilleure préparation et de la mise en place d'un plan d'action adapté.
Globalement, le problème de ce budget paraît résider non pas tant dans la consommation des crédits que dans les insuffisances de certaines dotations, qui entraînent la formation de dettes, notamment à l'égard des organismes de sécurité sociale.
Un apurement des dettes de l'Etat aux organismes de sécurité sociale a été engagé en 2003, en particulier grâce à la loi de finances rectificative du 30 décembre 2003, ce qu'il faut saluer. Toutefois, ces dettes se maintiennent à un niveau élevé : le montant total des dettes de l'Etat au titre des dépenses imputées sur la section santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale s'élevait ainsi à 425,3 millions d'euros au 31 décembre 2003.
Sous réserve d'ajustements en loi de finances rectificative, certaines de ces dettes pourraient au demeurant croître, dans la mesure où les crédits votés en loi de finances initiale pour 2004 se révèlent parfois insuffisants pour couvrir les dépenses constatées. Or, nous observons que cette situation est récurrente.
Ce budget repose essentiellement sur des crédits d'intervention. Les dépenses du titre IV représentent en effet près de 80 % des crédits de cette section budgétaire. On doit relever une forte inertie de certaines dépenses, dont le montant est très élevé et sur l'évolution desquelles les ministères concernés ont une prise assez réduite.
L'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, représente près de 4,85 milliards d'euros en 2005, soit 43,3 % du budget total, et accuse une hausse de plus de 185 millions d'euros. Le financement des centres d'aide par le travail, les CAT, représente, quant à lui, près de 1,14 milliard d'euros.
Le remboursement de l'allocation de parent isolé connaît également une hausse de 93 millions d'euros pour atteindre 862 millions d'euros en 2005.
A contrario, la contribution de l'Etat au fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie est en baisse sensible, moins 286 millions d'euros, grâce au transfert du produit de la cotisation sur les alcools de plus de 25 degrés à ce fonds, alors qu'elle était précédemment affectée à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS.
Ces quatre dépenses représentent, à elles seules, plus de 67 % des crédits du fascicule.
On relèvera que ce budget se recentre progressivement : la décentralisation, en 2004, du revenu minimum d'insertion et, en 2005, d'une partie des crédits consacrés à la formation des professions paramédicales et sociales, réduit le périmètre de ce budget de manière significative. Il est ainsi passé de 14,8 milliards d'euros en 2002 à 11,18 milliards d'euros en 2005.
On peut se demander si l'évolution ainsi amorcée va se poursuivre. Une clarification des interventions dans le domaine des actions en faveur des personnes handicapées pourrait ainsi être envisagée, alors qu'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, a récemment été créée. On notera en effet que, d'après les dispositions de l'article 76 du présent projet de loi de finances rattaché pour son examen aux crédits du travail, les 3 000 nouvelles places de CAT prévues en 2005 seront financées par cette caisse, et non par l'Etat, qui conserve toutefois des dépenses à ce titre.
Dès lors, monsieur le ministre, je voudrais connaître les intentions du Gouvernement en la matière. Quel rôle précis entendez-vous faire jouer à la CNSA ?
Quelle sera l'articulation entre cette caisse et les crédits de l'Etat, d'une part, et de la sécurité sociale, d'autre part ?
En dépit des observations précédentes sur l'inertie de certaines dépenses, le projet de budget pour 2005 de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la cohésion sociale traduit plusieurs priorités.
Premièrement, les crédits consacrés à la santé publique et à la sécurité sanitaire connaissent une augmentation sensible. En particulier, un effort est réalisé en matière de lutte contre le cancer, puisque 22 millions d'euros de mesures nouvelles sont consacrés à cette politique. De même, la mise en oeuvre du plan « Santé-environnement » témoignera d'un effort du ministère des solidarités, de la santé et des familles.
Deuxièmement, la rationalisation du paysage des agences de sécurité sanitaire et de santé est engagée : si le budget pour 2005 est marqué par l'apparition de la Haute Autorité de santé et de l'Agence de la biomédecine, qui font l'objet de mesures nouvelles, je voudrais saluer l'effort de rationalisation qui a été mené, dans la mesure où ces structures viennent non pas s'ajouter aux structures existantes, mais se substituer à certaines d'entre elles.
Le paysage des agences de sécurité sanitaire reste cependant touffu. Je souhaite donc savoir si des rapprochements entre certaines agences sont envisagés à l'avenir.
Troisièmement, la lutte contre les discriminations fait l'objet d'un effort particulier, avec la mise en place d'une nouvelle structure ad hoc, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Quatrièmement, la maîtrise des dépenses de personnel est poursuivie : le budget pour 2005 se caractérise par une nouvelle réduction du nombre de postes budgétaires, soit 122 emplois, après une réduction de 94 emplois en 2004.
Cinquièmement, enfin, un effort de rebasage de certaines dotations est réalisé. Il en va ainsi, notamment, des dotations consacrées au remboursement de l'allocation de parent isolé, au fonds spécial d'invalidité ou au fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations. Il n'est toutefois pas certain que ce rebasage soit dans tous les cas suffisant, notamment s'agissant de l'allocation de parent isolé.
Si ce budget traduit certaines orientations bienvenues, je me dois toutefois de souligner que certaines dépenses ne paraissent pas maîtrisées et que certaines dotations allouées en 2005 ne paraissent pas en mesure de faire face aux besoins.
Trois dépenses peuvent à cet égard, comme l'an passé, être mises en évidence.
Tout d'abord, les dotations de l'aide médicale de l'Etat restent stables à 233,5 millions d'euros, alors que la dépense constatée laisse présager une tendance de 500 millions d'euros. La dotation fixée paraît d'autant moins adaptée que le Gouvernement n'a pas mis en oeuvre toutes les réformes tendant à la modération de la dépense votées par le Parlement, en particulier l'instauration d'un ticket modérateur.
Ensuite, les frais de justice ne sont pas des dépenses maîtrisées même si ces crédits, régis par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, sont des crédits évaluatifs.
Enfin, les dépenses liées au dispositif d'accueil d'urgence des demandeurs d'asile, en dépit d'un accroissement de la dotation allouée à cette action en 2005, continuent à croître de manière très importante, comme en témoigne l'ouverture par décret d'avances de 185 millions d'euros en 2004. La croissance de 28,6 millions d'euros des crédits correspondants inscrits sur le chapitre 46 - 81 ne paraît pas à cet égard être en mesure de couvrir l'intégralité des besoins pour l'année 2005.
Ce constat est d'autant plus regrettable qu'il est récurrent et qu'il risque, de surcroît, de se traduire par une augmentation des dettes de l'Etat.
La commission des finances a longuement débattu de ces sujets et il nous importe d'obtenir certaines précisions du Gouvernement, en particulier s'agissant de l'aide médicale de l'Etat. Il nous paraît en effet anormal que des dispositions votées par le Parlement ne soient pas mises en oeuvre. Je voudrais donc savoir à quelle échéance le Gouvernement entend mettre en place l'ensemble de ces mesures d'économie et où en est l'élaboration du décret instaurant un ticket modérateur.
Par ailleurs, la Cour des comptes, dans son récent rapport relatif à l'accueil des immigrants et à l'intégration des populations issues de l'immigration, relève la difficulté d'apprécier l'ampleur réelle des crédits affectés à cette action.
Elle observe que la situation des dépenses qui en résultent est loin de répondre à l'exigence, renforcée par la loi organique relative aux lois de finances, de recherche d'un meilleur rapport entre coût et efficacité.
Elle met en évidence la multiplication des financements croisés qui complique la lisibilité des crédits consacrés à l'accueil et à l'intégration des immigrants. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner aux observations de la Cour des comptes ?
Je voudrais enfin faire le point sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.
Je me contenterai de rappeler que les crédits actuellement inscrits dans la section « Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale » seront, à l'avenir, répartis en trois missions. Le découpage global proposé est plutôt satisfaisant, la distinction opérée entre les trois missions et entre les différents programmes apparaissant relativement pertinente.
Toutefois, on peut regretter que la maquette définitive n'ait pas tenu compte des remarques formulées par votre commission des finances sur les programmes support et, en particulier, que l'action support du programme « Veille et sécurité sanitaires » ne figure pas au sein de la même mission que ce programme.
Si ce découpage résulte de la structure actuelle des services du ministère de la santé et de la protection sociale et, en particulier, de celle de la direction générale de la santé, qui pilote ce programme, on peut penser que cette répartition pourrait évoluer à l'avenir. Quelle est l'intention du Gouvernement en la matière ?
Quant aux objectifs et aux indicateurs, mon rapport en donne une analyse détaillée et les nouvelles dispositions résultant de la loi organique relative aux lois de finances sont indiquées.
Je relèverai simplement qu'un effort important de réflexion a été fait par vos ministères et qu'il doit être encore dans certains cas poursuivi.
En effet, certains objectifs et indicateurs ne permettent pas d'apprécier réellement la performance. Trop larges ou trop vagues, ils excèdent manifestement la capacité d'action du ministère. D'autres s'apparentent à des indicateurs de moyens ou d'activité qui ne permettent pas de porter un jugement sur la qualité de la dépense.
Je voulais vous dire, au nom de la commission des finances, que nous serons à vos côtés pour vous accompagner dans ce travail de réflexion.
Sous réserve de ces observations et de l'amendement qu'elle vous proposera tout à l'heure, la commission des finances propose d'adopter les crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la cohésion sociale pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le président, je veux d'abord remercier M. Jégou de ses arguments et de la grande compétence avec laquelle, comme à son habitude, il a analysé ce budget.
Mmes Nelly Olin, Catherine Vautrin, Marie-Anne Montchamp et moi-même sommes ici pour répondre à vos questions.
Je vous remercie, monsieur Jégou, d'avoir, dans votre première question, abordé l'évolution du paysage de la sécurité sanitaire, qui est un sujet majeur.
Le paysage de la sécurité sanitaire a été profondément remodelé par la loi du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament, la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme et la loi du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Ce pays est marqué au fer rouge par l'affaire du sang contaminé. L'opinion publique s'est rendu compte de l'existence de profondes failles dans notre système médical et administratif.
Des agences d'expertise sanitaire indépendantes permettent aujourd'hui, comme vous l'avez dit, d'alerter les pouvoirs publics en cas de danger pour la santé humaine. Elles fournissent également un fondement scientifique indispensable au Gouvernement pour qu'il prenne des mesures ciblées et efficaces.
La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, tirant les leçons de l'épisode dramatique de la canicule de l'été 2003, a renforcé ce dispositif en élargissant et clarifiant les missions de l'Institut national de veille sanitaire.
La préparation du plan national « Santé - environnement » dont vous avez parlé, ainsi que le bilan de l'application des lois de sécurité sanitaire établi par les inspections des différents ministères concernés ont montré qu'il convenait de renforcer encore notre capacité d'expertise dans deux domaines essentiels : les risques liés aux substances chimiques et la santé au travail. Ces deux sujets sont, du reste, intimement liés.
La préparation de ce renforcement a été engagée. Elle se nourrira du travail d'évaluation des lois de sécurité sanitaire mené par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, ainsi que des travaux de préparation du plan « Santé au travail » mené par le ministre délégué aux relations du travail
Une première étape dans l'amélioration de l'organisation de la sécurité sanitaire a été franchie avec la création de l'Agence de biomédecine à partir de l'Etablissement français des greffes. Je suis persuadé que d'autres améliorations sont possibles pour faciliter les échanges entre experts scientifiques, éviter les cloisonnements et mettre en commun les moyens de fonctionnement.
Monsieur le rapporteur spécial, vous vous demandez si les organismes travailleront de manière cohérente en se rencontrant régulièrement. Bien sûr, c'est évident. Je citerai la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, qui comporte une partie sur la procréation médicalement assistée et une sur les greffes. Ces deux domaines relèvent de l'Agence de biomédecine.
Vous avez raison de dire que nous devons nous orienter vers la diminution du nombre d'organismes et améliorer la cohérence du dispositif. Ainsi, la Haute Autorité de Santé va reprendre les activités de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé ainsi que d'autres organismes tels que le Comité économique des produits de santé.
Nous ne devons jamais relâcher nos efforts pour améliorer le dispositif de sécurité sanitaire des Français.
Concernant l'aide médicale d'Etat, c'est un sujet majeur. Plus de 150.000 personnes en bénéficient. A analyser les chiffres bruts de l'aide médicale d'Etat, on peut se demander si notre pays ne donne pas des signes d'appel à l'immigration via la santé.
La question doit être posée sous l'angle non pas de la santé, mais de l'immigration. Voulons-nous une politique d'immigration très stricte, très rigoureuse ? Pour le moment, il faut débattre de cette question.
Est-il normal, comme le président d'une agglomération de 750 0000 habitants l'a souligné, que des demandeurs d'asile attendent deux ans pour savoir si la réponse sera positive ou négative alors qu'ils habitent en France, qu'ils y scolarisent leurs enfants ? Et si la réponse est négative, que fait-on ? Le mieux, serait de réduire cette période d'attente à deux mois.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Tout le monde le dit, mais un problème d'organisation et d'efficacité demeure. Donc, posons le problème de l'immigration une bonne fois pour toutes !
Personne en France ne saurait accepter qu'une personne malade ne soit pas soignée, qu'une personne, même sans papiers, atteinte de tuberculose miliaire pulmonaire bilatérale, ne puisse recevoir des soins dans un hôpital français.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis au point un système de prise en charge pour les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou de l'enfant à naître. Il était important que cette circulaire, précisant les modalités de la prise en charge, soit publiée.
En vue de permettre une prise en charge médicale simplifiée et adaptée, l'aide médicale d'Etat réformée ouvre à l'ensemble des bénéficiaires l'accès à la médecine de ville, ce qui n'était pas le cas. Cela a été fait pour diminuer l'afflux de personnes qui se rendent dans les services d'urgence des hôpitaux.
Monsieur le rapporteur spécial, vous posez aussi la question du programme « Fonctions support ». La réforme de l'État, dans son volet budgétaire, est également mise en oeuvre dans le budget pour 2005. De nouvelles expérimentations sont programmées pour permettre la généralisation, au 1er janvier 2006, de l'application de la loi organique sur les lois de finances.
Concrètement, nous expérimenterons quatre programmes en 2005, notamment le programme « Santé publique et prévention » et le programme « Veille et sécurité sanitaires ».
Nous expérimenterons également le programme « Conception et gestion des politiques de santé » dans la région Haute-Normandie en 2005. Ce programme sur lequel vous m'interrogez, monsieur le rapporteur, réunit l'ensemble des fonctions support du ministère.
Ce choix peut sembler contradictoire avec l'un des objectifs que vous connaissez bien de la LOLF et qui consiste à imputer l'ensemble des dépenses relatives à une politique publique au sein du même programme, y compris les coûts de rémunérations et de fonctionnement.
Cependant, ce choix répond à une nécessité pratique. En effet, la définition d'enveloppes de rémunérations et de crédits de fonctionnement par programme serait ingérable au niveau des services déconcentrés. Il en va de même pour l'administration centrale dont les effectifs sont inférieurs à 3000 personnes.
A titre d'exemple, la direction générale de l'action sociale, la DGAS, pilote trois programmes. Ses dépenses de rémunérations et de fonctionnement devraient être scindées sur ces trois programmes si on suivait la logique d'imputation des crédits de fonctions support sur les programmes de politiques publiques.
Dans ces conditions, une modification des modalités de gestion des crédits de fonctions support et leur imputation par programme telle que vous la souhaitez pourraient supposer une remise à plat de la structure administrative. Si cette solution est envisageable, elle doit être non pas un préalable à la réforme de l'administration, mais une conséquence potentielle.
Je suis prêt à travailler avec vous sur cette méthode. Dans ce ministère, nous devons simplifier, plus qu'ailleurs encore, l'administration.
Je tiens à ce que la réforme de l'administration sanitaire et sociale porte, en premier lieu, sur l'amélioration de la réactivité de ce ministère, ce qui suppose une plus grande efficacité des services, et le développement du management par objectif, qui doit se traduire par une adaptation des process.
Avec le déclenchement du plan canicule en Rhône-Alpes cet été, nous avons démontré que nous pouvons atteindre cet objectif de réactivité.
Cette réorganisation du ministère sera engagée grâce à la création d'un département des urgences et des situations exceptionnelles, la mise en place d'une plate-forme téléphonique d'information du public sur les situations exceptionnelles, à laquelle nous consacrerons 2 millions d'euros en 2005, et un meilleur développement des relations du ministère avec les agences de sécurité sanitaire. Cette réorganisation est au coeur de notre stratégie ministérielle de réforme.
Pour la mettre concrètement en oeuvre, pour moderniser, un secrétaire général sera nommé le 1er janvier prochain. Nous nous sommes mis d'accord avec Jean-Louis Borloo pour avoir un secrétaire général commun. Son action visera, en particulier, ces deux objectifs que représentent une organisation à la fois plus dynamique et un meilleur service rendu à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord saluer le travail remarquable fait par les rapporteurs.
Le budget consacré à la lutte contre l'exclusion l'intégration et les rapatriés, que j'ai l'honneur de présenter au Parlement, traduit la volonté du Gouvernement de faire de la cohésion sociale une priorité absolue afin de remédier aux inégalités qui figent et sclérosent notre société.
En effet, la cohésion sociale est non seulement une priorité sociale, mais également une des conditions de la croissance économique.
C'est dans ce cadre global qu'un effort financier majeur par rapport à la loi de finances de 2004, plus 10 %, a été prévu, résultant principalement de l'inscription de 107 millions d'euros de mesures nouvelles au titre des trois programmes du plan de cohésion sociale.
Ces trois programmes visent à renforcer l'accueil et l'hébergement d'urgence, comme vous l'avez souligné monsieur le rapporteur spécial, à restaurer le lien social et à rénover l'accueil et l'intégration des populations immigrées.
En ce qui concerne l'urgence sociale et l'insertion, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit un effort important en faveur de l'ensemble des dispositifs d'hébergement, avec un total de mesures nouvelles de 77 millions d'euros, dont 48,5 millions d'euros au profit du dispositif d'accueil et des centres d'adaptation et de réadaptation sociale, les CHRS. Le plan répond ainsi à une urgence.
Au-delà des aspects quantitatifs, une véritable politique publique a été mise en place pour adapter le dispositif d'accueil et d'hébergement, en ce qui concerne tant l'évolution des publics que les modalités d'accueil.
Ainsi, les mesures nouvelles contenues dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale et le projet de loi de finances pour 2005 permettront la pérennisation de 2 400 places initialement ouvertes au titre du plan hiver 2002-2003 et le financement de 6 000 places supplémentaires pour la période hivernale, la poursuite du programme de création de places en maisons relais - 1 000 places nouvelles seront créées - ainsi que la création de 800 places de CHRS, dont 500 par la transformation de places d'urgence en places de CHRS.
En outre, et conformément aux engagements du programme 18 du plan de cohésion sociale, « Renforcer le lien social », des guichets uniques d'accueil afin d'orienter les personnes en difficulté seront soutenus financièrement et des lieux d'écoute pour les jeunes seront développés. Des appels à projets sont prévus pour la réalisation de ces deux actions.
En matière d'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés, le Gouvernement, conscient que le nombre des demandeurs d'asile hypothèque une gestion normale des flux migratoires en France et pèse sur les budgets sociaux destinés aux plus exclus de nos concitoyens, a fait sienne les conclusions des rapports des inspections sur l'asile rendus en 2001 et 2002.
Il s'est fixé pour objectif de réduire de façon drastique les délais d'instruction des demandes d'asile afin d'être en mesure de proposer systématiquement aux demandeurs d'asile un hébergement accompagné plutôt qu'une prestation financière.
Ainsi, la loi relative à l'asile est entrée en application au 1er janvier 2004 et des moyens importants ont été dégagés tant pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, que pour la Commission des recours des réfugiés, la CRR.
D'ores et déjà le délai d'instruction des demandes d'asile à l'OFPRA a été ramené de 18 mois à deux mois et demi, voire trois mois. S'agissant de la CRR, dont les délais de traitement des recours étaient encore de 16 mois au 1er juillet 2004, 120 personnes ont été recrutées de manière que les délais d'instruction soient équivalents à ceux de l'OFPRA. Cela permettra de ne pas pérenniser des situations délicates à gérer lorsque les enfants sont scolarisés après des mois passés sur notre territoire.
Pour ce qui concerne l'hébergement, le nombre de places en centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, les CADA, a été porté à 12 654 au 1er janvier 2004. Il convient d'y ajouter les 3 000 places qui seront créées à la fin de cette année et pérennisées en 2005 avec 25 millions d'euros, en application du plan de cohésion sociale.
Ainsi, sont mises en place les conditions d'un traitement de la demande d'asile efficace, respectueux des droits et de la dignité de la personne et conforme aux engagements internationaux de la France.
En ce qui concerne l'intégration, sous l'impulsion de la volonté exprimée par le Président de la République dans son discours du 14 octobre 2002 à Troyes, le Gouvernement a refondé la politique d'intégration dans notre pays, qui est un facteur de cohésion sociale.
Cette politique s'appuie sur un nouvel établissement, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM - qui résulte de la fusion du service social d'aide aux émigrants, le SSAE, et de l'Office des migrations internationales, l'OMI - et sur un nouvel outil, le contrat d'accueil et d'intégration, le CAI.
L'ANAEM est constituée par fusion des missions et des moyens de l'Office des migrations internationales et du service social d'aide aux émigrants. Le rapprochement de ces deux réseaux permettra au 1er janvier 2006 de couvrir l'intégralité du territoire français et de créer ainsi un véritable service public de l'accueil des nouveaux immigrés dans notre pays.
La création de ce nouvel établissement public est sans effet sur le budget de l'Etat.
Le contrat d'accueil et d'intégration, qui a été expérimenté au deuxième semestre de 2003, est aujourd'hui en cours de généralisation. Ce contrat prévoit notamment une formation civique obligatoire et une formation linguistique si nécessaire. Ainsi, en 2004, 45 000 personnes en auront bénéficié et, au 1er janvier 2006, la totalité des nouveaux immigrés se verra proposer le CAI. Dans cette situation, le contrat d'accueil et d'intégration sera, à compter du 1er janvier 2006, pris en compte pour la délivrance de la carte de résident. En application du plan de cohésion sociale et du projet de loi de finances pour 2005, 20 millions d'euros supplémentaires seront affectés au CAI.
Ces dispositions constituent les premières réponses au rapport de la Cour des comptes auxquelles s'ajoute la création d'un observatoire permettant d'homogénéiser les concepts et de mettre en cohérence les données statistiques. Plus généralement, la tutelle ministérielle sur les différentes instances sera ainsi renforcée.
Quant à la lutte contre les discriminations, le Président de la République s'est également engagé, en octobre 2002, à créer dans un délai rapide une autorité indépendante compétente pour lutter contre toutes les discriminations.
Après la laïcité, c'est l'égalité que le Gouvernement veut faire partager par tous.
Le projet de budget pour 2005, pour cette première année de fonctionnement de la Haute Autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, prévoit une première tranche significative de moyens pour permettre de répondre, dès que possible, aux nombreuses sollicitations que l'autorité recevra. Il porte sur 10,7 millions d'euros et prévoit, dès 2005, un effectif d'environ 56 personnes au niveau central.
Il est destiné à assurer l'installation et le fonctionnement du siège central, ainsi que des cinq premières délégations territoriales.
Une partie de ce budget est financée par le redéploiement des crédits actuellement affectés au GIP-GELD, le groupement d'intérêt public-groupe d'étude et de lutte contre les discriminations - à hauteur de 1,6 million d'euros - qui sera supprimé concomitamment à la création de la HALDE, et en provenance des sections d'autres ministères tels que l'économie, les finances et l'industrie, l'intérieur et la justice.
Ces propositions correspondent au schéma établi par le rapport présenté par Bernard Stasi sur la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et qui prévoit trois pôles : un important pôle à dominante juridique, un pôle préparant les études, avis et recommandations et, enfin, un pôle destiné à la promotion de l'égalité.
A titre de comparaison, pour une mission portant sur les seules discriminations raciales, l'autorité britannique dispose d'un budget de 30 millions d'euros pour deux cents salariés.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit un doublement des crédits alloués aux rapatriés, soit 22 millions d'euros, compte tenu des mesures nouvelles prévues par le projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés et de l'accélération du dispositif de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée.
Grâce aux choix pris sous l'autorité du Premier ministre, la France est aujourd'hui plus forte et plus solidaire.
De nombreuses réformes ont déjà été engagées, d'autres restent à initier.
Elles ne sont possibles que si elles sont conçues avec sérieux.
Elles ne sont acceptées que si elles sont menées dans un esprit de concertation.
Elles ne sont visibles que si elles prennent en compte les exigences du long terme.
Elles ne mobilisent nos concitoyens que si elles sont porteuses de nouvelles espérances.
C'est tout le sens de notre action pour briser le cercle vicieux de l'exclusion et des discriminations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, en 2005, les crédits consacrés à la solidarité s'élèveront à 8,7 milliards d'euros. Il convient d'y ajouter les financements apportés par la nouvelle Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, soit 500 millions d'euros au moins. Cet effort financier important témoigne de la permanence de deux priorités pour le Gouvernement que sont la cohésion sociale et l'intégration des personnes handicapées.
En écho au plan de cohésion sociale, le projet de budget pour 2005 donne un nouveau souffle à la politique de lutte contre les exclusions.
Dans le domaine de l'hébergement d'urgence et de l'insertion, vous l'avez souligné, madame la ministre, le Gouvernement favorise la création de nouvelles places d'accueil tout en consolidant le dispositif existant. Il poursuit également le développement de l'action sociale en faveur des migrants, grâce à l'augmentation des capacités d'hébergement des demandeurs d'asile et à l'attribution de moyens de fonctionnement importants à la future agence chargée de l'accueil des étrangers et des migrations.
Pour autant, sur les 7,2 milliards d'euros consacrés aux politiques de lutte contre les exclusions, 5,9 milliards d'euros restent mobilisés en faveur des minima sociaux que sont l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, l'allocation de parent isolé, l'API et l'aide médicale de l'Etat, l'AME.
Les crédits consacrés à l'AAH et à l'API augmentent massivement et c'est un bon point, car les taux de progression estimés me paraissent plus réalistes que ceux qui avaient été retenus l'an dernier. Une incertitude demeure au niveau de l'AAH, sur la prise en compte de l'impact du projet de loi « handicap », que vous pourrez peut-être dissiper, madame la ministre, mais je souhaite saluer le souci de sincérité budgétaire qui a guidé vos choix.
Cependant, il me semble que vous n'êtes pas allée jusqu'au bout de cette logique, au moins sur deux points.
En effet, en 2005 l'Etat restera redevable de plus de 177 millions d'euros à la branche famille au titre de l'AAH et de l'API. Quant à l'AME, elle est, une fois de plus, sous-dotée puisqu'elle ne se voit allouer que 233 millions d'euros pour une dépense réelle prévisible aux alentours de 490 millions d'euros.
Nous ne pouvons pas, année après année, continuer de nous endetter ainsi auprès de la sécurité sociale, car elle n'a plus les moyens - mais les a-t-elle eus un jour ? - d'assurer la trésorerie de l'État.
Cela m'amène à vous poser une première série de questions. Comment l'Etat compte-t-il régler ses dettes à la branche famille et à l'assurance maladie ? Quelles actions va-t-il mettre en oeuvre pour tenir ses prévisions de dépenses ? Est-il enfin prévu de mettre en oeuvre les réformes de l'AME adoptées par le Parlement en 2002 et en 2003 ? Vous nous avez répondu en partie, monsieur le ministre.
S'agissant des personnes handicapées, la priorité qui leur est accordée est confirmée, même si les futures responsabilités respectives de l'Etat, de l'assurance maladie et de la nouvelle caisse dépendent du contenu de la loi « handicap » à venir. Je crois savoir, madame la secrétaire d'Etat, que le projet de loi sera examiné en deuxième lecture à l'Assemblée nationale avant la fin de l'année, ce dont je me réjouis tout en espérant que la commission mixte paritaire se réunira dans la deuxième quinzaine du mois de janvier, de façon que vous puissiez prendre, dans la foulée, les décrets d'application qui sont très attendus.
Les mesures nouvelles, qu'il s'agisse des créations de places en établissements ou du soutien à la vie autonome à domicile, seront financées par la nouvelle caisse. Elle devrait y consacrer 500 millions d'euros.
Ma deuxième question est donc celle-ci : pouvez-vous déjà, madame la secrétaire d'Etat, nous détailler très précisément les dépenses auxquelles cette caisse contribuera en 2005 ? Ne faut-il pas désormais, prévoir que le Parlement se prononce chaque année sur son budget ?
Vous avez justifié, madame la secrétaire d'Etat, l'intervention massive de la caisse en 2005 par le souci, défendable, d'améliorer dès maintenant la situation concrète des personnes les plus lourdement handicapées, sans attendre l'entrée en vigueur de la prestation de compensation au 1er janvier 2006.
Je comprends vos intentions mais j'avoue m'interroger sur l'ampleur de ce transfert de charges. Il me paraît indispensable d'engager une réflexion sur les futures modalités d'intervention de cette caisse et de faire des choix cohérents.
Cela m'amène à vous poser une troisième question : souhaitez-vous, à terme qu'elle finance l'ensemble des établissements ? Si tel était le cas, ne faudrait-il pas lui transférer les ressources correspondantes ?
Si, à l'inverse, elle n'est qu'un appoint aux efforts des autres financeurs, n'y a-t-il pas un risque que le mécanisme amorcé cette année conduise à ponctionner toutes ses ressources, au détriment du financement de la future prestation de compensation ?
La dernière partie de mon analyse se rapporte à l'évolution des dépenses d'action sociale décentralisées.
L'aspect le plus inquiétant de la croissance soutenue des dépenses d'action sociale départementales est l'inflation constatée du coût des prestations en établissements et services sociaux et médico-sociaux, ce qui donne une acuité particulière à la question de la maîtrise de leurs dépenses de personnel.
L'année 2004 correspond notamment à la fin des aides Aubry I et Aubry II à la réduction du temps de travail, ce qui alourdit de plus de 500 millions d'euros les charges des établissements.
Cela m'amène à ma dernière question : le dispositif actuel d'agrément des conventions collectives du secteur médico-social n'incite pas suffisamment à la maîtrise de la masse salariale. N'est-il pas nécessaire de parvenir à un système où les partenaires sociaux de la branche soient réellement responsabilisés ?
Plus largement, une réflexion ne doit-elle pas être engagée sur les relations entre financeurs et établissements médico-sociaux ? Ne pourrait-on pas envisager de faire reposer le financement des établissements sur un conventionnement pluriannuel, avec un appel à projet comme base ?
Au total, il me semble que ce projet de budget ne peut pas faire l'objet d'une lecture unique : dans le domaine du handicap, il constitue un budget de transition, dans l'attente de la future architecture découlant de la caisse de solidarité pour l'autonomie. Cette parenthèse n'empêchera pas les personnes handicapées de profiter, dès 2005, des progrès apportés par la prochaine loi sur le handicap. Par ailleurs, ce budget permet, dans un contexte de dépenses contrôlées, de financer les priorités nouvelles du plan de cohésion sociale.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de l'année écoulée, de nombreuses réformes sont intervenues dans le domaine de santé : je pense aux lois relatives à la bioéthique, à la politique de santé publique, à la réforme de l'assurance maladie et au volet « santé » de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
Il faut aussi mentionner les différents plans de mobilisation nationale qui traduisent la politique volontariste menée actuellement par le Gouvernement, en priorité pour lutter contre le cancer, mais également pour promouvoir la santé-environnement, limiter l'impact de la violence sur la santé, lutter contre la drogue et la toxicomanie, sans oublier naturellement ceux qui ont été annoncés plus récemment, comme le plan national « Maladies rares » ou le programme national de lutte contre les infections nosocomiales.
L'ensemble de ces mesures trouve, pour partie du moins, sa traduction budgétaire dans le budget de la santé, qui s'élève à 8,63 milliards d'euros et comprend trois axes principaux : la politique de santé publique, la sécurité sanitaire, l'offre de soins et l'accès aux soins.
Les crédits affectés à la politique de santé publique progressent de 10 %, pour atteindre 209 millions d'euros.
Trois priorités peuvent être identifiées cette année : la mise en oeuvre de la politique de santé publique, la poursuite du plan de mobilisation nationale contre le cancer et la mise en place d'un nouveau plan de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
La loi relative à la politique de santé publique demande que l'action des pouvoirs publics soit cohérente avec les objectifs définis pour les cinq ans à venir. Cette exigence de cohérence est d'ailleurs à la base de la nouvelle présentation budgétaire requise à partir de 2006.
La politique de prévention s'organise ainsi autour de six déterminants de santé : l'alcool, le tabac, les accidents et la violence, y compris routière, les autres pratiques à risque comme la toxicomanie, la nutrition et l'activité physique, l'environnement et le travail.
Elle a aussi pour objet de diminuer la forte mortalité due à certaines pathologies : sida, hépatites, cancers, maladies cardiovasculaires, maladies rares, sans oublier la santé mentale, notamment le suicide chez les adolescents.
Elle a enfin pour objet de prévenir et de mieux prendre en charge certaines pathologies de l'âge adulte, comme le diabète ou les affections spécifiques du vieillissement, notamment la maladie d'Alzheimer.
Toutefois, les moyens dévolus à ces objectifs ne sont pas toujours aussi précis, qu'il s'agisse des crédits afférents ou du rôle respectif des divers acteurs : l'assurance maladie, les établissements sanitaires, les divers organismes du secteur de la santé, les associations, les collectivités territoriales, etc.
Ma première question est relative à la présentation des actions du programme intitulé « Conception et gestion des politiques de santé ».
Ce programme me semble symptomatique des difficultés rencontrées par la représentation nationale, comme l'a souligné M. Jégou, pour appréhender globalement les crédits consacrés à la politique de santé publique.
Les dépenses de prévention constituent, en effet, un exemple parfait de cette situation puisque les grands réseaux de prévention - médecine scolaire, médecine du travail, protection maternelle et infantile - ne relèvent pas du ministère de la santé et que des organismes comme la CNAMTS engagent également des dépenses à visée préventive.
En conséquence, nous aurions besoin d'un document retraçant l'ensemble des dépenses consacrées à la prévention. Vous voudrez bien nous dire, monsieur le ministre, quelles sont vos intentions en la matière.
La deuxième priorité de santé publique porte sur la lutte contre le cancer et la troisième sur le combat à mener contre la drogue et la toxicomanie.
Un nouveau plan quinquennal adopté pour la période 2004-2008 accorde une place centrale à la prévention, notamment en direction des jeunes et des adolescents, afin d'empêcher l'expérimentation des drogues ou, au moins, de retarder l'âge où elle survient.
J'en viens maintenant à la sécurité sanitaire.
Comme l'année dernière, la veille et la sécurité sanitaires restent des objectifs majeurs et supposent la poursuite de la réforme du dispositif d'alerte et de sécurité sanitaire, l'amélioration des systèmes d'information, dont vous nous avez déjà entretenus, monsieur le ministre, il y a quelques instants.
Ainsi, 116 millions d'euros sont destinés à ce programme, dont 93 millions pour les six agences nationales compétentes : AFSSAPS, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, AFSSA, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, AFSSE, Agence française de sécurité sanitaire environnementale, EFG, établissement français des greffes, INVS, Institut national de veille sanitaire, et ANAES, Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, auxquels se joindront en 2005 la Haute Autorité de santé et l'Agence de la biomédecine.
Le mouvement de clarification entamé en 2004 va dans le bon sens, mais doit être amplifié pour dénouer des enchevêtrements de compétences et éradiquer les défauts qui subsistent dans le dispositif général d'alerte et de veille sanitaire.
Enfin, la lutte contre le bioterrorisme et les situations exceptionnelles bénéficient de 3 millions d'euros de mesures nouvelles, destinées notamment à financer le fonds d'urgence créé par la loi relative à la politique de santé publique, les frais de fonctionnement des campagnes de vaccination en cas de crise et la surveillance continue des réseaux de distribution d'eau potable.
Ma deuxième question portera donc sur la sécurité sanitaire.
Les agences sanitaires, les instituts de recherche et les services du ministère ont pris des mesures préventives afin d'être en mesure de réagir rapidement en cas d'apparition d'une épidémie de grippe aviaire. On se souvient de l'alerte lancée à Nancy, voilà quelques jours. Nous aimerions connaître, monsieur le ministre, l'état de ces réflexions et les principaux éléments du plan arrêté sous votre autorité.
Le dernier axe du budget de la santé vise l'offre de soins et l'accès aux soins.
En cette matière, l'Etat doit s'assurer que le dispositif de soins répond aux besoins de santé de la population et veiller à la bonne répartition territoriale de l'offre, tant en structures hospitalières qu'en soins de ville.
Si les financements sont assurés par l'Etat et par l'assurance maladie, l'Etat doit conserver son rôle de stratège : il détermine la rationalisation de l'offre hospitalière dans le cadre du plan « Hôpital 2007 » et assure le financement des agences régionales de santé.
L'Etat est également en charge de l'organisation et de la régulation des professions de santé. Cette politique s'organise autour de trois axes principaux : d'abord, l'augmentation régulière du numerus clausus des différentes professions de santé ; ensuite, la volonté confirmée de favoriser la mise en réseau de la médecine de ville et de la médecine hospitalière ; enfin, le développement des expérimentations de coopération entre les médecins et les professions de santé, que nous avons eu l'occasion d'évoquer lors de l'examen de la loi relative à la politique de santé publique.
A ce stade, monsieur le ministre, je vous poserai une question d'actualité. Notre débat s'ouvre le jour de l'exil de certains médecins spécialistes à Barcelone.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Ce geste, suivant celui des chirurgiens qui ont failli partir en Grande-Bretagne, met en exergue le malaise des praticiens libéraux. Le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures spécifiques...
M. Roland Muzeau. Et les 20 euros en pleine campagne électorale !
M. Guy Fischer. Le père Noël va passer ! Vous allez les lâcher les 500 millions ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. ...ou laissera-t-il les partenaires conventionnels rechercher une solution au risque de provoquer un échec des négociations conventionnelles, indispensables à la maîtrise médicalisée des dépenses ?
Ces différentes remarques n'ont pas fait obstacle à ce que la commission des affaires sociales donne un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la santé pour 2005, ainsi qu'aux trois articles qui y sont rattachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Paul Blanc, je tiens à vous remercier des différentes appréciations que vous avez portées sur ce budget et de la qualité de votre rapport.
Je laisserai le soin à Mme Montchamp de vous répondre sur les questions nombreuses que vous avez posées sur la politique du handicap.
Vous mentionnez la dette de l'Etat vis-à-vis de la sécurité sociale et plus précisément les 177 millions d'euros dont l'Etat resterait redevable à la branche famille au titre de l'AAH et de l'API.
Je tiens tout d'abord à préciser que le projet de loi de finances rectificative pour 2004, qui sera prochainement débattu, prévoit le financement par l'Etat de 101 millions d'euros au titre du déficit prévisionnel 2004 de la dépense résultant de cette allocation.
Par ailleurs, je précise que, pour les caisses de sécurité sociale, qu'il s'agisse de la branche famille ou de l'assurance maladie que vous avez mentionnées, la comptabilité est tenue en droit constaté.
Ainsi, si les crédits correspondant au déficit prévisionnel de l'API ne sont pas inscrits en loi de finances cette année, le déficit constaté n'aura pas d'incidence sur les comptes mais bien sur la seule trésorerie de la CNAF. Je veillerai à ce qu'en fin d'exercice 2005 les crédits afférents à la dette de l'Etat au titre de l'API puissent être versés à la CNAF.
Monsieur Barbier, je tiens aussi à vous remercier de vos appréciations.
Je voudrais en premier lieu répondre à votre question sur la répartition des crédits dévolus aux politiques publiques que je conduis, aussi bien dans le champ de la santé, de la sécurité sanitaire, de la solidarité et de l'intégration.
Dans la perspective de la mise en oeuvre de la LOLF en 2006, j'ai d'ores et déjà engagé des expérimentations, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler.
Le Gouvernement a également produit des documents à destination du Parlement qui sont les avant-projets annuels de performances des programmes.
J'ai pu constater, à cette occasion, les efforts importants que nous devions fournir pour améliorer l'information à destination de la représentation nationale, et j'ai entendu ce que M. Jégou a dit tout à l'heure en commençant son propos.
Vous le savez, pour les politiques que je conduis, les modes de financement se complètent : financement budgétaire de l'Etat, des collectivités locales et des caisses de sécurité sociale.
Ce que vous me demandez finalement est d'améliorer la présentation des différents canaux de financement de ces politiques publiques. Je ne peux que souscrire à cette demande, monsieur le rapporteur pour avis.
Ce principe a d'ailleurs été le mien dans le cadre de l'élaboration de l'avant-projet annuel de performance du programme « Handicap et dépendance », dans lequel vous trouverez, par action, la part de l'intervention de l'Etat dans les six actions de ce programme au regard de la dépense publique globale sur ces politiques.
Dès lors, je m'engage à ce que les prochains documents budgétaires précisent de la même manière la part portée par l'Etat dans le financement public des politiques que je mène.
Vous m'avez également interrogé sur la grippe aviaire.
Parmi les menaces infectieuses auxquelles nous nous préparons, celle d'une pandémie grippale est redoutée. La grippe est une infection virale saisonnière, le plus souvent bénigne, réputée banale bien qu'elle entraîne chaque année plusieurs milliers de décès.
Le XXe siècle a connu trois pandémies grippales. La plus récente est la grippe de Hong-Kong, apparue en 1968, qui provoqua en France plus de 30 000 décès.
La grippe, pour vous, pour moi, n'est pas un sujet d'inquiétude. Pour une personne âgée, malade, affaiblie ou pour un malade grave, c'est tout le contraire.
La plus meurtrière des pandémies fut, en 1918, celle de la grippe espagnole, qui fit plus de vingt millions de morts dans le monde et qui toucha de 20% à 40 % de la population.
Bien qu'il ne soit pas possible de savoir quand se produira la prochaine pandémie, la situation actuelle apparaît préoccupante. Pourquoi ?
Depuis janvier 2004, est apparue, dans plusieurs pays d'Asie, une épizootie de grippe aviaire H5N1, très étendue et incontrôlée. Douze personnes sont mortes en Thaïlande, vingt au Vietnam, après avoir été contaminées directement par des volatiles malades. Il faut savoir que le virus se contracte non par leur ingestion mais à leur contact.
Bien que, à ce jour, aucun cas de transmission interhumaine n'ait été déclaré par l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, la question qui se pose est bien de savoir si une contamination interhumaine est possible.
Aujourd'hui, un seul cas d'une telle contamination est avéré, entre une mère et sa fille. Cependant, il a été estimé qu'il ne s'agissait pas, d'un point de vue épidémiologique, d'une contamination interhumaine efficace. En effet, une contamination interhumaine est dite efficace lorsqu'une personne infectée en contamine au moins 5, 10 ou 15 autres.
Le risque d'adaptation du virus aviaire à l'homme par réassortiment génétique est réel bien qu'impossible à évaluer. Cela dit, arrêtons de faire peur à la population, même si la situation, à un moment donné, en cas de réadaptation génétique du virus, pourrait être dramatique.
A ce titre, je tiens à préciser que le diagnostic de grippe aviaire évoqué chez une personne hospitalisée au centre hospitalier universitaire de Nancy à la suite d'un séjour au Vietnam et au Cambodge est écarté. Les résultats en provenance du centre national de référence, l'Institut Pasteur de Paris, sont négatifs.
Nous sommes mieux armés qu'avant pour faire face à cette menace.
Comme plusieurs autres pays, et en coordination avec l'OMS, la France a entièrement réactualisé, en début d'année, son plan de prévention et de lutte contre la pandémie grippale.
Le plan actuel est en application depuis le début de l'année et le niveau d'alerte a été majoré le 13 août lors de la réapparition de cas humains au Vietnam. Je l'ai présenté en conseil des ministres le 13 octobre dernier.
Un système de veille très efficace nous permet d'identifier immédiatement toute nouvelle souche virale chez l'animal ou chez l'homme, de surveiller ses variations génétiques et d'identifier un risque de nouvelle épidémie de grippe dès les premiers cas humains. L'OMS assure la coordination de cette surveillance et la mobilisation de l'expertise internationale, ce qui lui permet de fixer les niveaux d'alerte.
En France, la surveillance de la grippe repose sur deux centres nationaux de référence, l'Institut Pasteur de Paris et celui de Lyon, et sur deux réseaux de surveillance clinique, le réseau des groupes régionaux d'observation de la grippe, les GROG, et le réseau Sentinelles de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM. Evidemment, l'Institut national de veille sanitaire, l'INVS, y est associé.
Le vaccin constitue l'arme la plus efficace. Cependant, il ne pourra pas être disponible au début de la pandémie ; il ne le sera qu'au bout de quatre à six mois. Des discussions sont en cours avec les principaux producteurs de vaccins pour en déterminer les conditions de développement et de production.
L'autre arme, ce sont les antiviraux. Ils sont efficaces contre le virus de la grippe et contre la plupart des souches virales grippales Ces antiviraux doivent être disponibles en début de pandémie. Leur production mondiale étant limitée, il est donc nécessaire d'en avoir constitué des stocks.
Je fais partie de ceux qui ont demandé tout de suite aux producteurs de médicaments antiviraux que la France soit le premier pays à être prêt. Nous avons en constitué un stock très important, puisque nous avons acquis aujourd'hui près de quatre millions de traitements, dont huit cent mille sont immédiatement utilisables. Trois millions le seront dès avril 2005. Dix autres millions seront la propriété de l'Etat d'ici à la fin de l'année 2005. Nous disposerons à cette date des treize millions de traitements correspondant à l'évaluation de nos besoins.
A titre de comparaison, les Etats-Unis annoncent avoir acheté, fin août, un million de traitements alors qu'ils évaluent leurs besoins à cent fois cette quantité. Aucun autre pays que le nôtre n'a fait un tel effort.
En outre, les personnes voyageant dans les zones à risques sont informées. Une nouvelle série d'affiches, élaborées avec l'Institut national de la promotion et de l'éducation pour la santé, l'INPES, et l'INVS, seront disponibles le 1er janvier 2005 pour les voyageurs se rendant en Asie ou en revenant.
Enfin, les médecins et les infirmières sont également informés de la conduite à tenir. Ils doivent orienter les patients suspects vers les centres 15, qui ont été équipés pour les prendre en charge, en évitant la propagation du virus grâce, notamment, à la mise en place de procédures spécifiques sécurisées et à la mise à disposition de masques.
Monsieur Barbier, vous avez également évoqué les médecins spécialistes, dont les honoraires sont bloqués depuis dix ans. Vous avez aussi parlé des chirurgiens. Il est vrai que leur lettre KCC n'avait pas augmenté depuis quinze ans. Nous nous en sommes occupés en août dernier et nous continuons à le faire.
L'effet de la réforme de l'assurance maladie se fait déjà sentir. En effet, désormais, le directeur de la CNAM et le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, peuvent négocier avec les syndicats. Nous sommes en présence d'un exécutif fort. Nous croyons, pour notre part, au dialogue social. Les différents syndicats représentatifs des médecins spécialistes et généralistes sont en pourparlers avec l'UNCAM et je suis persuadé que, dans l'intérêt général, ils aboutiront très vite à un accord pour le bien de toute la population française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Et avec les médecins libéraux ?
M. François Autain. Ce sont quand même vos électeurs !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur Paul Blanc, vous demandez que soient précisées les dépenses de la Caisse nationale de solidarité autonomie, la CNSA, en 2005.
Les personnes handicapées, vous l'avez dit, ont fondé beaucoup d'espoirs dans le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Je souhaite qu'elles voient se concrétiser dès le début de l'année 2005, sans plus attendre, le droit à compensation.
Je partage votre souci d'une égalité de traitement sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi j'ai choisi, dans l'attente, d'une part, de la mise en place des maisons départementales et de leurs instances, d'autre part, de l'élaboration des différents référentiels, que la prestation de compensation soit mise en place dès le 1er janvier 2005, sous une forme anticipée. En premier lieu, l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, sera déplafonnée pour les personnes très lourdement handicapées ; en second lieu, le fonds d'intervention des sites pour la vie autonome sera abondé. Une somme de 280 millions d'euros a été réservée à cet effet.
Sont également prévues, en complément de l'anticipation de la prestation de compensation que je viens d'évoquer, des contributions aux créations de places : 48 millions d'euros pour les centres d'aide par le travail, les CAT, 110 millions d'euros pour les établissements et services du champ relevant de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, et 34 millions d'euros pour accélérer la mise en oeuvre du plan autisme, récemment présenté par le ministre de la santé et qui était très attendu.
La CNSA aidera également à l'installation des maisons départementales - car il faut les mettre en place - et à l'adaptation des outils informatiques Opales et Olympe, à concurrence de 50 millions d'euros.
Enfin, la CNSA commencera à fonctionner et mettra en place le système d'information et les outils de gestion et de pilotage de la prestation de compensation et de l'ONDAM. Vingt millions d'euros seront consacrés à ces actions. Pour les années 2006 et suivantes, les dépenses de la CNSA seront définies plus précisément, en application de l'article 26 nonies du projet de loi.
Cet article réserve les deux tiers des recettes de la CNSA à la prestation de compensation et à l'aide au fonctionnement des maisons départementales. Sachant que l'Etat apportera au groupement d'intérêt public les moyens de fonctionnement qu'il consacre aujourd'hui aux commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, aux commissions départementales d'éducation spéciale, les CDES et aux sites pour la vie autonome, l'essentiel de cette sous-enveloppe de la CNSA sera donc réservé à la prestation de compensation.
Le tiers restant des recettes de la CNSA, soit 300 millions d'euros en 2007, viendra appuyer le programme de créations de places.
Vous posez à juste titre la question du caractère subsidiaire de cette contribution. En effet, l'ONDAM médico-social continuera de progresser pour contribuer à financer ce programme de création de places.
Enfin, pour répondre à votre question relative à un éventuel transfert des ressources vers la CNSA, je souhaiterais vous dire que, grâce à cette caisse, le Gouvernement pourra, dans un premier temps, mettre en place une unité de gestion de tous ces crédits. Ainsi ne contrevient-on pas au principe de l'unicité des dépenses de l'assurance maladie.
Les crédits relatifs aux établissements et services médico-sociaux seront votés dans le cadre de l'ONDAM « personnes handicapées » fixé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais ils seront ensuite transférés vers la CNSA pour qu'elle les gère. Le contrôle du Parlement sur ces dépenses sera renforcé.
Je pense, comme vous, que la multiplicité des sources de financement a toujours été une gêne dans l'analyse des crédits consacrés à la politique du handicap, car la seule présentation des crédits budgétaires de l'Etat d'un côté, de ceux de l'ONDAM de l'autre, ne permet pas d'offrir une vision complète de l'effort de la nation en faveur des personnes handicapées.
Trois mesures vont améliorer la situation.
D'abord, la lisibilité d'ensemble et la mesure de la performance de l'effort public seront facilitées dès 2005 par l'approche de la loi organique relative aux lois de finances, démarche dont vous avez souligné les avancées dans votre rapport. J'ai obtenu que, dans l'avant-projet annuel de performance du programme « handicap et dépendance », soient présentés non seulement les crédits de l'Etat, mais aussi l'ensemble de la dépense publique dans ce domaine. Je vous invite à vous reporter à la page soixante-deux de ce document.
Je me félicite que, sur ce point, le programme « handicap et dépendance » soit pilote et inaugure de nouvelles pratiques de transparence. Aussi, je vous remercie d'avoir contribué à notre réflexion, en proposant d'améliorer certains indicateurs de résultats.
Ensuite, la réflexion que le Gouvernement conduit sur la réforme de la loi organique relative au projet de loi de financement de la sécurité sociale intègre précisément cette nécessité de retracer de façon précise les dépenses de la CNSA.
Enfin, et c'est inédit, la participation de certains de ses membres au conseil de la CNSA permettra au Parlement de surveiller directement l'utilisation de ces crédits.
Vous m'avez également interrogé, monsieur le rapporteur pour avis, sur le financement des établissements et vous avez formulé des propositions visant à parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses de personnels des établissements.
Vous exposez à juste titre, dans votre rapport, les conséquences « déresponsabilisantes » de l'agrément par l'Etat des accords collectifs, et l'effet néfaste - il faut en avoir conscience - de la mise en oeuvre des trente-cinq heures dans le secteur médico-social, et ce au détriment du service que l'on doit aux personnes prises en charge dans les établissements.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. L'état des lieux dressé ces derniers mois fait apparaître que ces deux facteurs ont été la cause d'une situation financière particulièrement difficile dans certains établissements.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est vrai !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Pour résoudre ce problème, j'ai fait réserver, dans l'ONDAM 2005, des enveloppes destinées à remédier aux situations les plus critiques. J'ai expressément demandé aux DDASS de s'y atteler dès le début de l'année 2005.
La situation des établissements en difficulté sera examinée au cas par cas, celle-ci étant différente de l'un à l'autre. De plus, il est important de définir une méthodologie sur ces questions.
Par ailleurs, cet examen doit s'accompagner d'une évolution structurelle, tendant, dans un premier temps, à une plus grande responsabilisation des gestionnaires. Les partenaires sociaux seront ainsi conduits à tenir davantage compte des enveloppes réellement disponibles.
Cela suppose une meilleure visibilité sur ces financements à moyen terme, de façon à assurer vis-à-vis des partenaires sociaux une totale transparence des efforts de financement consentis par les pouvoirs publics. Les préfets de région vont devoir élaborer, avec l'appui méthodologique et le cadrage financier de la CNSA, des programmes interdépartementaux pluriannuels. Les enveloppes financières à moyen terme seront ainsi connues de tous, ce qui doit guider les promoteurs de projet et les gestionnaires.
De plus, tous les établissements et structures gestionnaires qui bénéficieront d'un soutien financier exceptionnel se verront proposer une convention objectifs-moyens pluriannuelle. Et s'agissant des projets nouveaux, la procédure de l'appel à projets que vous préconisez devra être étudiée, car elle me paraît aller dans le même sens.
Les financeurs pourront choisir le projet qui assure le meilleur rapport qualité-prix et conclure avec le promoteur choisi un contrat à moyen terme avec une clause d'indexation prédéfinie. Le gestionnaire sera ensuite pleinement responsable de sa gestion.
Grâce à la responsabilisation des gestionnaires, à la simplification du dispositif institutionnel, à la construction d'un pilotage autour de la CNSA, à la visibilité à moyen terme de l'effort public et à la mesure de sa performance, sans oublier toutes les avancées apportées par la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées , je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'année 2005 sera une année de transition, qui porte tous nos espoirs en une politique nouvelle en faveur des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.
Le projet de loi de finances pour 2005 poursuit l'effort engagé avec le plan national de renforcement de la lutte contre la précarité et l'exclusion de 2003, et traduit financièrement l'accroissement de cet effort à travers le plan de cohésion sociale.
Le Gouvernement apporte ainsi une réponse claire aux fortes attentes, en termes de capacité et de prise en charge, de l'ensemble du dispositif d'accueil auxquelles nous sommes confrontés depuis quelques années.
Les raisons en sont multiples : explosion de la demande d'accueil des demandeurs d'asile, difficulté d'accès au logement social pour les personnes séjournant en CHRS alors qu'elles sont réinsérées dans la société, augmentation du nombre de jeunes en rupture familiale, de familles avec enfants et de femmes victimes de violences qui ont besoin d'une prise en charge adaptée.
Nous nous félicitons donc que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la cohésion sociale, et adopté en première lecture par le Sénat, prévoie la création ou la transformation de 9 800 places d'accueil et d'hébergement d'urgence de 2005 à 2007.
Il s'agit tout d'abord des maisons-relais, qui constituent un outil de plus en plus important au sein des modes de prise en charge des personnes en situation de grande exclusion. A partir de 2005, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit une montée en charge du dispositif, permettant d'obtenir 6 000 places en 2007, ainsi qu'une majoration de l'aide accordée par l'Etat pour chaque place.
Quant aux centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, qui assurent un hébergement et un accompagnement social et administratif aux demandeurs d'asile en cours de procédure devant l'OFPRA ou la CRR, le développement de leurs capacités d'hébergement se poursuit afin de répondre aux fortes demandes. L'objectif retenu, c'est-à-dire l'extension à 20 000 places en CADA en 2007, est réaliste.
La capacité des CADA est renforcée, en région parisienne, par le dispositif AUDA d'accueil d'urgence des demandeurs d'asile, par des dispositifs d'hébergement temporaire pour la période d'hiver, ainsi que par deux centres de transit de 80 et 86 places. La capacité d'hébergement a été multipliée par 2,5 depuis 2002, ce qui démontre bien la détermination du Gouvernement à agir concrètement sur ces dossiers.
Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale sont particulièrement visés dans le plan de cohésion sociale. Ces établissements publics ou privés prennent en charge des personnes ou des familles en grande difficulté économique, familiale, de logement ou d'insertion, afin de les aider à recouvrer leur autonomie. Leur rôle est de premier plan. Les services intervenants considèrent, en effet, que la prise en charge est bien meilleure lorsque les personnes aidées sont hébergées dans les CHRS, plutôt que dans des chambres d'hôtel, car il s'avère très difficile dans ce dernier cas d'effectuer un véritable accompagnement.
En 2005, la dotation antérieure de 437,3 millions d'euros est maintenue et abondée par de nouveaux crédits dans le cadre du plan de cohésion sociale.
La création de 300 places nouvelles de CHRS sera financée par des crédits d'un montant de 4 millions d'euros, et la transformation de 500 places d'hébergement d'urgence en places de CHRS par des crédits s'élevant à 2,3 millions d'euros.
De façon générale, le besoin d'hébergement en CHRS augmentera, car le nombre de publics éligibles devrait progresser, notamment à la suite de l'accueil des personnes ayant échappé à la prostitution et de celles qui sortent de détention. Cependant, les informations dont nous disposons demeurent peu précises.
Par ailleurs, les femmes victimes de violences doivent aussi pouvoir être hébergées provisoirement en CHRS, si cela s'avère nécessaire.
En revanche, ainsi que vous l'avez exprimé à plusieurs reprises, madame le ministre, les CHRS ne doivent plus héberger les publics relevant du logement social, et vous avez su faire adopter des mesures allant dans ce sens dans le projet de loi de cohésion sociale.
Le budget consacré à l'hébergement des personnes en situation de grande exclusion est très satisfaisant. Toutefois, je regrette que nous manquions de données statistiques récentes concernant la population accueillie dans ces différents lieux d'hébergement, car elles permettraient d'anticiper les besoins futurs et de cibler les directions vers lesquelles nous devrions concentrer nos efforts.
Je souhaite donc connaître, madame le ministre, les initiatives que vous comptez prendre pour améliorer la connaissance statistique des publics présents et futurs visés par ces dispositifs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Madame le sénateur, vous évoquez le manque de données statistiques récentes concernant la population accueillie dans les différents lieux d'hébergement.
Je conviens qu'il existe un besoin d'actualisation des données recueillies sur ces populations. En effet, cette connaissance des publics est fondamentale pour mener une politique adaptée à leurs besoins. Je souligne néanmoins que le ministère suit de manière détaillée depuis 1994, par le biais de tableaux de bord, le profil sociologique des publics accueillis en CHRS. Les dernières données disponibles, relatives aux années 2000 et 2001, feront donc l'objet d'une actualisation.
Par ailleurs, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, réalise une enquête relative à l'année 2004 sur les services et établissements accueillant les personnes en difficulté.
Les derniers résultats statistiques connus font apparaître que la population des 16-25 ans représente 29 % de la population accueillie, les 25-44 ans, 31 %, et les 45-59 ans, 40 %. Par ailleurs, 60 % de ces personnes étaient inactives ou au chômage, les autres ayant un contrat de travail partiel.
La durée moyenne de séjour dans les CHRS est de 92 jours pour une personne isolée, mais de 107 jours pour une famille. Enfin, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances et de l'expérimentation dès 2005 du programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale », cet effort de suivi statistique devra être renforcé.
De nouvelles procédures sont actuellement mises en oeuvre afin de suivre des objectifs et de créer des indicateurs de moyens, d'activité et de performance. Ainsi, un suivi spécifique lié à la progression des places d'hébergement et au taux de sortie des personnes accueillies, des hébergements vers le logement social, sera mis en place.
S'agissant des demandeurs d'asile, la question ne se pose pas dans les mêmes termes puisque, par nature - sauf pour la période limitée nécessaire à la sortie de ces personnes dès lors qu'elles sont déboutées de leur demande -, les CADA n'accueillent qu'une catégorie de public. Un suivi statistique est par ailleurs effectué par l'Office des migrations internationales, qui assure depuis 2004 la coordination du dispositif national d'accueil, fonction exercée précédemment par l'association France Terre d'asile.
Telles sont les réponses que je souhaitais vous apporter.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Isabelle Debré. Je vous remercie, madame le ministre.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mesdames les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, depuis le passage aux 35 heures, les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux à but non lucratif ont créé 9 000 emplois. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
C'était le départ d'une nouvelle période. Je ne critique pas les 35 heures, ne vous excitez pas ! Laissez-moi parler !
M. Roland Muzeau. Nous n'avons rien dit !
M. Guy Fischer. Ne commencez pas !
M. Philippe Nogrix. J'ai entendu un borborygme ! (Sourires.)
Ces emplois ont été financés, d'une part, par des allégements de charges sociales et, d'autre part, par un gel des salaires.
Aujourd'hui, en raison de l'évanouissement programmé des deux ressources ayant permis leur financement, les 9 000 emplois créés risquent de disparaître ou de plonger les finances des départements dans le rouge, ce qui ne manquera pas de vous inquiéter, monsieur Cazeau.
Les lois Aubry prévoyaient que, cinq ans après la mise en place des 35 heures dans ces établissements, les baisses de charges disparaîtraient.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Philippe Nogrix. Or, ce délai arrivera à échéance en 2005 pour la plupart des établissements. Certes, la loi Fillon prendra le relais, mais pour des montants bien moindres.
Le problème est plus grave dans le privé qu'à l'hôpital : à tâches égales, en effet, les hôpitaux supportent des charges sociales d'un montant bien moins élevé que celles des établissements privés.
Par ailleurs, les salariés des établissements de santé à but non lucratif demandent une revalorisation de leur salaire. Ils s'appuient sur le fait que, dans le secteur hospitalier, les 35 heures ont été mises en place sans baisse de salaire. A l'hôpital, l'Etat a entièrement compensé la création des nouveaux emplois, sans effort des salariés.
La situation des établissements sanitaires et médico-sociaux privés à but non lucratif est encore aggravée par le passage à la tarification à l'activité. En effet, ce mode de financement aboutira à attribuer des fonds en fonction de l'activité des établissements, sans prendre en compte les différences de charges pouvant exister entre eux.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ma collègue Valérie Létard avait interrogé M. le ministre de la santé sur ce grave problème. Il lui avait été répondu que ces établissements bénéficieraient de l'enveloppe d'aide de 300 millions d'euros récemment débloqués. Une telle réponse n'est à l'évidence pas satisfaisante.
En effet, d'une part, ces 300 millions d'euros sont destinés aux établissements publics et, d'autre part, même pour les seuls hôpitaux, ces crédits sont largement insuffisants.
La Fédération hospitalière de France estime les besoins, pour le seul hôpital public, à 650 millions d'euros. Dans ces conditions, la facture pour les départements risque d'être très salée, de l'ordre de 200 millions d'euros.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous le demande de nouveau au nom du groupe de l'Union centriste : comment envisagez-vous de sortir de cette crise ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner l'effet calamiteux de la loi sur les 35 heures, qui a été appliquée sans discernement aux établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Nous mesurons aujourd'hui toute la difficulté de réaliser les gains de productivité imposés dans des établissements où la nature du service aux usagers impose une permanence de l'assistance, requise par la situation même des personnes accueillies.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Je rappelle que les établissements qui avaient anticipé, dès la loi du 13 juin 1998, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail ont pu bénéficier d'incitations financières sous la forme d'une aide forfaitaire dégressive sur cinq ans, leur permettant de s'organiser en conséquence.
Quant aux établissements qui appliquaient un accord collectif et qui s'engageaient à créer ou à préserver des emplois, ils ont bénéficié d'un allégement permanent de charges sociales dégressif dont le montant se situe entre le SMIC et 1,8 SMIC.
La loi du 17 janvier 2003 a fixé une période transitoire, qui doit durer jusqu'au 30 juin 2005, et un régime unique entrera en vigueur à compter du 1er juillet 2005.
Or, comme le souligne M. Paul Blanc dans son excellent rapport, 80 % des établissements médico-sociaux ont signé un accord de réduction du temps de travail relevant de la loi Aubry I : ils sont donc plus particulièrement touchés par la disparition de l'aide forfaitaire au poste prévue par cette loi.
Conscient que, dans le secteur médico-social à but non lucratif, les marges de manoeuvre permettant de dégager des gains de productivité sont restreintes, j'ai demandé à mes services d'entreprendre, entre juin et septembre 2004, une consultation des fédérations d'employeurs du secteur, afin de dresser un état des lieux des besoins de financement et de s'assurer de la pérennisation des emplois.
Cet état des lieux montre que les 35 heures ne sont pas la seule cause des difficultés des établissements. La situation est donc relativement complexe.
L'année 2003 a marqué la fin de la période de modération salariale forcée qui avait accompagné la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux. C'est ainsi que le coût de l'application, en 2003, des accords collectifs a presque été multiplié par trois, tandis que la masse salariale en 2004 est grevée par le poids des accords collectifs agréés les années précédentes
C'est pourquoi j'ai fait réserver dans l'ONDAM 2005 des enveloppes pour remédier aux situations les plus critiques. Les DDASS, comme je l'ai déjà dit en répondant à M. Paul Blanc, s'y attelleront dès le début de l'année 2005.
Je veux que l'examen au cas par cas de la situation des établissements en difficulté s'accompagne d'une double évolution.
Il faut, d'abord, une plus grande responsabilisation des gestionnaires. Ainsi, les partenaires sociaux seront conduits à tenir davantage compte des enveloppes réellement disponibles.
Cela suppose, ensuite, une meilleure visibilité à moyen terme, de façon à assurer vis-à-vis des partenaires sociaux une totale transparence des efforts de financement consentis par les pouvoirs publics. Tous les établissements et structures gestionnaires qui bénéficieront d'un soutien financier exceptionnel se verront donc proposer une convention objectifs-moyens pluriannuelle.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Je pense que nous sommes tous préoccupés par le maillage territorial, tant il est souvent fait référence à la disparition des services publics, à la fermeture, ici et là, de bureaux de poste, d'agences postales. Il serait terrible que ce mouvement vienne à toucher le secteur de la santé.
M. Guy Fischer. Cela a déjà commencé !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Mais non !
M. Philippe Nogrix. Si cela a commencé, à qui la faute?
M. Guy Fischer. Vous avez accéléré la décentralisation !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Si vous aviez ouvert le numerus clausus, on n'en serait pas là !
M. Philippe Nogrix. Allez-vous encore prendre un peu plus dans la poche des Français, monsieur Fischer ?
Ce qui est intéressant, c'est d'essayer de trouver le moyen de continuer à renforcer le maillage, ce qui implique tout autant les deux secteurs, le privé et le public, cliniques et hôpitaux, chaque élément ayant son importance.
Les mesures que vous avez prises, madame le secrétaire d'Etat, permettront, je l'espère, le maintien de ce maillage, sauf à condamner les Français à payer, une fois encore, une conséquence des 35 heures.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, avec cette loi de finances pour 2005, le Gouvernement prétend concentrer ses efforts sur les crédits consacrés à la solidarité, et ce, selon ses dires, malgré les « énormes contraintes budgétaires ».
Face à de telles déclarations, il serait opportun de nous éclairer sur la nature de ces fameux « efforts ». Prenons le cas des personnes âgées, notamment des personnes âgées dépendantes : qu'est devenu le plan vieillissement et solidarité, ce prétendu grand projet voulu par le Premier ministre et destiné à prendre en charge correctement les personnes âgées dans ce pays ?
Ce plan vieillissement et solidarité, mis en place quelques mois après la canicule d'août 2003, qui fit, rappelons-le, environ 15000 morts, principalement des personnes âgées, prévoyait notamment une journée de travail supplémentaire non payée, dite « journée de solidarité », pour financer la dépendance des personnes âgées et handicapées, ainsi que des créations d'emplois pour encadrer les personnes âgées. C'est dans ce contexte qu'a été instaurée la CNSA.
Or, nous sommes très loin des annonces du Premier ministre, qui promettait 9 milliards d'euros sur cinq ans pour les activités sanitaires et sociales au service des personnes âgées et des personnes handicapées, dont la moitié pour les premières.
En effet, l'ONDAM prévu pour les personnes âgées en 2004 est en augmentation de 100 millions d'euros, soit un montant total de seulement 420 millions d'euros de crédits d'assurance maladie.
Parallèlement, le ministre de la santé, M. Douste-Blazy, a décidé d'un plan Alzheimer. Destiné à améliorer la prise en charge des personnes atteintes par cette maladie, il est doté d'un montant de 88 millions d'euros, sans que, selon nous, des ressources supplémentaires aient été dégagées. Cela signifie donc que cette somme est à prélever sur l'enveloppe globale de l'assurance maladie et qu'il reste, en fait, seulement 12 millions d'euros de crédits supplémentaires pour les personnes âgées en 2005. Si nous ne nous trompons pas dans notre analyse, cela signifie que les Français travailleront non pas une journée, ni même une demi-journée de plus pour leurs aînés, mais seulement une heure, dirais-je si je voulais caricaturer...
Il faut ajouter à cela la disparition d'environ 5000 emplois jeunes que le Gouvernement a refusé de prolonger et dont le coût s'élevait à 170 millions d'euros. On se retrouve donc, en 2005, avec un personnel moins nombreux qu'en 2003, année de la canicule. A titre d'exemple, rappelons qu'en France on compte quatre professionnels pour dix personnes âgées, contre huit en Allemagne et beaucoup plus en Suisse, aux Pays-Bas ou en Suède.
Par ailleurs, avant la canicule, l'Etat mettait « au pot commun » environ 300 millions d'euros de crédits supplémentaires par an. Or, en 2005, le revenu tiré de la caisse « jour férié » est venu en partie se substituer à l'effort que faisait le Gouvernement. En somme, ce que le Gouvernement donne d'un côté, il le reprendrait de l'autre.
Aujourd'hui, un million de personnes ont plus de 85 ans ; dans cinq ans, ils seront 450 000 de plus. Après avoir, à notre sens, discrètement sabordé le plan « vieillissement et solidarité », comment comptez-vous financer la prise en charge de nos concitoyens les plus âgés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, puisque vous voulez une mise au point, permettez-moi de vous rappeler que le plan « vieillissement et solidarité » a effectivement été annoncé, en novembre 2003, par M. le Premier ministre.
Ce que je vous propose, dans un premier temps, c'est de revenir sur l'exercice 2004.
Alors qu'il était prévu 2 500 créations de places, 3 600 ont été créées : 1 125 l'ont été, comme prévu, en termes d'accueil de jour et 2 125, comme prévu également, en hébergement temporaire. Pour les services de soins infirmiers à domicile, 4 250 places ont été créées. Cela signifie que le plan « vieillissement et solidarité » a été tenu sur l'exercice 2004.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat. Je vous l'accorde, il subsiste un point de difficulté, celui de la signature des conventions tripartites, dont l'origine n'est pas budgétaire. En effet, les crédits de l'Etat sont là.
Nous avons, en revanche, des problèmes...
M. Guy Fischer. Avec l'assurance maladie !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Les départements socialistes !
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat. Nous nous heurtons également à un effet de seuil avec les établissements de moins de quarante lits.
C'est la raison pour laquelle je réunirai mercredi les vingt-cinq DDASS les plus en difficulté pour identifier les problèmes en vue de réaménager les solutions. Je suis consciente, comme vous, que les besoins sont importants. Pour autant, je le répète, les moyens sont là.
Sur le budget 2005, l'ONDAM médico-social est en augmentation de 11 %. Nous reporterons en même temps les crédits non consommés qui étaient issus des conventions tripartites. Ce n'est pas de gaîté de coeur, mais autant pouvoir les reporter et profiter de moyens supplémentaires. Sachez que Philippe Douste-Blazy et moi-même sommes déterminés à ce que ces conventions soient signées, car elles sont un élément tout à fait important.
Enfin, je confirme ce qu'a dit Philippe Douste-Blazy, lors de son audition devant la commission des affaires sociales : nous souhaitons qu'une partie des crédits de la CNSA qui n'auraient pas été utilisés au titre des exercices 2004 et 2005 puissent être consacrés en priorité à la modernisation des maisons de retraite. En effet, nous en sommes en retard sur les contrats de plan, dont le taux d'exécution n'est que de 35%.
Vous le voyez, l'Etat a la volonté de faire un effort tout particulier. En termes d'emplois, vous connaissez la volonté de M. le Premier ministre de travailler sur le plan des services à la personne. Ce sera l'occasion, certes, de créer de nouveaux emplois, mais surtout de mettre en place de vrais emplois au service des personnes âgées, porteurs de véritables perspectives de carrière, ce qui n'a pas toujours été le cas. (M. le rapporteur pour avis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Si je reprends la parole, c'est parce que, au-delà du tableau qui mérite, bien sûr, d'être vérifié...
M. Guy Fischer. ..., je tiens à attirer l'attention de Mmes les secrétaires d'Etat sur un point particulier, la maladie d'Alzheimer
Aujourd'hui, M. le ministre nous a annoncé un plan.
A l'heure actuelle, la charge - terrible ! - est supportée essentiellement par les familles. La situation est dramatique dans la mesure où, nous le savons tous, à un certain stade de la maladie, elles ne peuvent absolument plus faire face, à leur domicile, aux problèmes qui se posent.
On constate un décalage véritable, pour ne pas dire une absence. A l'heure actuelle, les malades sont accueillis dans des cantous ; le nombre de places ne peut qu'y être insuffisant au regard des besoins, qui sont très nombreux.
En outre, je voudrais insister sur le fait qu'il est absolument nécessaire de se pencher sur la localisation des places à créer, notamment dans les zones urbaines les plus récentes. On y recense, en effet, des déficits par rapport aux besoins recensés qu'il est d'autant plus impératif de combler que l'attente s'est prolongée très, très longtemps ! En effet, on sait qu'aujourd'hui il faut, non pas une ou deux années, mais cinq ans, voire, plus, pour construire un EPAD, établissement public d'aménagement et de développement.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la permanence des soins.
Pour tenir compte des propositions formulées par le groupe de travail animé par le sénateur Charles Descours, la permanence des soins en médecine ambulatoire a été réorganisée par les décrets du 15 septembre 2003 complétés par l'arrêté et la circulaire du 12 décembre 2003.
Ces textes constituent un point d'équilibre permettant de concilier l'obligation déontologique qui s'attache à l'exercice médical en matière de permanence des soins et une mise en oeuvre souple, fondée sur le volontariat.
Ils organisent un découpage en secteurs de chaque département, définissent les plages horaires couvertes par la permanence des soins et posent le principe de la régulation préalable des appels via le centre 15, qui apprécie le degré d'urgence de l'intervention.
Un premier état des lieux, réalisé dans le cadre de la commission « urgences » durant l'été 2004, montre une situation contrastée entre les départements.
Globalement, on peut dire que la majorité d'entre eux sont sectorisés ; dans un bon nombre, le cahier des charges est soit arrêté ou finalisé, soit en cours d'élaboration. En revanche, près de 600 secteurs sur une quarantaine de départements ne sont pas couverts par un médecin de permanence ou ne le sont plus au-delà de minuit. Ils fonctionnent selon des horaires variables d'un département à l'autre.
Malgré des avancées certaines, on ne peut pas dire que la permanence des soins est aujourd'hui assurée sur tout le territoire.
Les causes en sont évidemment multiples. D'abord, le profil sociologique des médecins a évolué. Ils aspirent, comme le reste de la société, à davantage de temps disponible, ce qui n'est pas sans incidence sur leur participation active aux gardes.
Ensuite, la rémunération des astreintes, fixée à 50 euros pour douze heures, n'est pas très attractive.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Et on le doit à qui ? A M. Ralite !
M. Gilbert Barbier. Enfin, il est vrai que le nombre des médecins libéraux ne correspond plus aux besoins de la population, en raison d'un numerus clausus universitaire qui est longtemps resté trop restrictif.
Afin de rendre plus efficiente l'organisation de la permanence des soins, les partenaires conventionnels ont engagé une réflexion qui a abouti à la signature, en août, de l'avenant n°14 à la convention nationale des médecins généralistes.
Celui-ci instituait notamment une revalorisation de l'astreinte, différenciée selon la période et modulée en fonction du nombre d'actes effectués, des actes eux-mêmes sensiblement majorés. Certains syndicats non signataires de l'accord ont fait valoir que si la rémunération se justifie par la disponibilité des médecins qu'elle suppose, cette disponibilité ne saurait avoir un prix variable.
De plus, l'accord signé au mois d'août dernier par les chirurgiens a institué une rémunération fixe de l'astreinte à hauteur de 150 euros, ce qui a aussitôt amené les médecins généralistes libéraux à dénoncer une logique du deux poids, deux mesures.
Vous avez pris la décision, monsieur le ministre, de ne pas approuver en l'état l'avenant n° 14. Au-delà des motifs juridiques que vous avez invoqués, je crois que vous avez eu raison d'adopter cette attitude, car outre qu'il convient de revoir la rémunération des astreintes, de nombreuses autres questions doivent maintenant trouver une réponse adéquate, notamment celle de la participation à la permanence des soins des spécialistes autres que les chirurgiens...
M. Bernard Cazeau. Ils sont à Barcelone !
M. Gilbert Barbier. ... et des médecins exerçant au sein d'associations d'urgentistes ou de maisons médicales de garde, ainsi que celle des plages horaires couvertes par la permanence des soins. A cet égard, tous les acteurs soulignent que, passé minuit, mieux vaudrait confier cette permanence à un seul intervenant, compte tenu du très faible nombre d'actes à effectuer.
Au nombre de ces problèmes à résoudre figure aussi et surtout celui de la faible attractivité des zones rurales, qui s'explique pour partie par des conditions d'isolement et d'éloignement des centres hospitaliers rendant très contraignante la permanence des soins. Vous avez chargé la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins de faire des propositions en vue d'aménager les dispositions réglementaires concernant la garde, en particulier afin de prendre en compte les conséquences de la réforme de l'assurance maladie, qui donne compétence, dans ce domaine, aux toutes nouvelles missions régionales de santé, constituées des agences régionales de l'hospitalisation et des URCAM, les unions régionales de caisses d'assurance maladie. La direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins a rendu ses conclusions récemment, et des négociations conventionnelles devraient s'engager à la fin de la semaine. Je souhaiterais que vous nous exposiez la situation sur ce plan, monsieur le ministre.
Enfin, je soulèverai une question annexe relative aux travaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, qui rouvrent inévitablement le débat sur le recours à des mesures autoritaires. A cet égard, les médecins s'inquiètent d'une possible remise en cause de la liberté d'installation. Pouvez-vous leur assurer que vous ne reviendrez pas sur ce principe ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Barbier, je servais déjà, voilà dix ans, au ministère de la santé, au côté de Mme Veil. Je puis vous dire que si un sujet de préoccupation nouveau est apparu depuis cette époque, c'est bien celui de la démographie médicale. Les conseillers généraux représentant le monde rural, les députés, les sénateurs, les maires interrogent de plus en plus souvent le ministère de la santé sur ce point. Est-il normal, demandent-ils, que, dans un système dont le financement est collectivisé par le biais de l'assurance maladie et où la médecine privée n'est donc pas vraiment libérale, certaines zones du territoire soient dépourvues de médecins ?
Cela nous ramène à la problématique des maisons médicales, de l'intervention de l'assurance maladie, de l'aide apportée par l'Etat et par les collectivités territoriales, des dispositions du projet de loi « Gaymard » relatif au développement des territoires ruraux. M. Jean-François Mattei avait lui aussi travaillé sur ce dossier. C'est là un sujet d'une importance majeure, parce que l'opinion publique finira par se rendre compte que nous n'avons pas, jusqu'à présent, apporté de réponse aux difficultés.
En ce qui concerne la pénurie de médecins en certains points du territoire, une solution a priori simple pourrait consister à revenir sur la liberté d'installation. Ce n'est pas un sujet tabou ! A la limite, pourquoi ne pas dire aux actuels lycéens de terminale ou étudiants en médecine de première année que, à l'avenir, les médecins ne seront plus libres de s'installer où ils le voudront ? Cependant, la situation est complexe, car si une telle décision était prise, on verrait subitement se multiplier le nombre des cabinets médicaux à Menton, à Cannes, à Nice, à Toulouse... Devrions-nous alors sélectionner les candidats à l'installation en fonction du compte en banque de leur grand-mère ? On me suggère, à cet égard, de m'inspirer des règles qui régissent l'implantation des pharmacies, mais le prix d'une pharmacie n'est pas tout à fait le même dans le nord et dans le sud de la France.
Le sujet est donc très délicat. Aujourd'hui, il me semble souhaitable de maintenir la liberté d'installation des médecins, à la condition qu'un véritable dispositif soit mis en place et que Bercy cesse de modifier en permanence le décret. Quoi qu'il en soit, il existe effectivement des zones désertifiées sur le plan médical, et il conviendra d'aider les médecins à s'y installer,...
M. Guy Fischer. Oui !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. ... dans le secteur libéral comme dans le secteur hospitalier.
Cela me donne d'ailleurs l'occasion de souligner qu'une coopération entre le public et le privé est nécessaire et que la guerre entre l'hôpital public, d'un côté, et la médecine libérale, de l'autre, doit cesser. (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.) On ne peut plus se permettre une telle opposition, y compris au regard de la démographie médicale. Il faut, à l'évidence, instituer une complémentarité.
Dans cette perspective, j'ai demandé au directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins de définir un cahier des charges en concertation avec tous les partenaires travaillant avec les préfets au sein des CODAMUPS, les comités départementaux de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires. Les travaux avancent et devraient faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat au début de 2005. Sur la base de ces modifications, les modalités de la rémunération de la permanence des soins et de la régulation des appels pourront être fixées dans le cadre conventionnel.
En ce qui concerne là encore la liberté d'installation des médecins, je voudrais évoquer, au titre des mesures prises afin d'inciter les médecins à s'implanter dans les zones déficitaires, l'aide conventionnelle versée par l'assurance maladie et prévue par la loi relative à l'assurance maladie, votée au cours de l'été dernier, l'aide modulable versée par l'Etat dans le cadre d'un contrat d'installation ou de regroupement, qui peut aller jusqu'à 10 000 euros par an pendant cinq ans, et enfin l'aide des collectivités territoriales prévue dans le présent texte, qui offre un cadre juridique d'action aux collectivités souhaitant s'associer aux aides de l'assurance maladie et de l'Etat.
En ce qui concerne le numerus clausus, nous avons fait l'erreur, pendant des années, de laisser le leadership, en cette matière, au ministère chargé de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur.
M. Bernard Cazeau. Le MICA !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. La question n'est pas là, monsieur Cazeau, elle est de savoir combien de places seront ouvertes en première année de médecine en vue du passage en deuxième année. Cela n'a rien à voir avec le mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité. Le numerus clausus pour les études de médecine était de 5 000, j'ai demandé à ce qu'il soit porté à 7 000, parce qu'un problème majeur de démographie médicale va se poser. Il en va de même pour le recrutement d'élèves infirmiers, que M. Bernard Kouchner avait d'ailleurs commencé à accroître, l'objectif étant de passer à 30 000 places.
La recherche d'une meilleure répartition territoriale des médecins se traduit également par un assouplissement des conditions d'exercice. Le conseil national de l'Ordre des médecins vient ainsi de proposer une nouvelle rédaction de l'article 85 du code de déontologie, visant à favoriser la création de cabinets multisites, en vue d'améliorer ou de maintenir l'accès aux soins.
Enfin, je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il faut mettre un terme à la politique de fermeture des hôpitaux locaux.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Pendant vingt-cinq ans, nous avons certes été obligés de procéder à une restructuration, et il faut aujourd'hui accepter que seuls quelques hôpitaux disposent de plateaux techniques de très haut niveau. En revanche, nous devons permettre aux gens de vivre chez eux, et par conséquent maintenir des hôpitaux locaux et des maisons de retraite médicalisées. Sinon, une personne âgée de quatre-vingt-cinq ans et atteinte d'une phlébite devra être hospitalisée à cinquante ou à cent kilomètres de chez elle. Elle se trouvera alors coupée de sa famille et de ses amis et perdra l'envie de vivre. Soyons donc humanistes à ce niveau aussi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Le problème soulevé est évidemment très délicat, mais je voudrais souligner que les dispositifs contraignants qui ont été imposés dans des pays voisins du nôtre, par exemple en Allemagne, ont amené des échecs complets.
Il convient plutôt de rechercher des solutions de type libéral : mise en place d'un statut du médecin collaborateur, regroupement de plusieurs praticiens sur un site unique avec exercice alterné, pour permettre la permanence des soins, autorisation d'exercice dans des lieux multiples. Ce sont là des formules qui devraient pouvoir constituer une première réponse, me semble-t-il, avant que le relèvement du numerus clausus ne permette de satisfaire les besoins sur l'ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la santé, aux personnes âgées et aux handicapés devraient être de 8,63 milliards d'euros en 2005, c'est-à-dire qu'ils connaîtront, à périmètre constant, une baisse de 0,39 % par rapport à 2004.
Le budget qu'il est prévu d'allouer pour 2005 au programme « santé publique et prévention » marque certes une progression, mais si l'on y regarde d'un peu plus près, on constate que les crédits, essentiellement destinés aux pathologies à forte mortalité, seront en réalité presque exclusivement consacrés à la mise en oeuvre du plan cancer, avec notamment 21 millions d'euros supplémentaires. Cela est déjà important, me dira-t-on. On peut s'en féliciter, c'est vrai, mais il ne faut pas pour autant négliger les autres pathologies.
Aujourd'hui, je souhaite intervenir sur deux thèmes qui me tiennent particulièrement à coeur : le sida et la toxicomanie.
Comme vous le savez, le sida est tristement d'actualité, car jamais les chiffres n'avaient été aussi alarmants : 6 000 diagnostics de séropositivité ont été portés en un an, les femmes, originaires d'Afrique subsaharienne pour la moitié d'entre elles, représentant 43 % de ces nouveaux cas.
Le 1er décembre dernier a eu lieu la journée mondiale du sida. M. le Premier ministre a promu la lutte contre le sida grande cause nationale, mais quelles nouvelles actions prévoyez-vous de mettre en place, monsieur le ministre, outre la rediffusion des spots de la campagne contre le sida de l'été de 2004 ? Quels financements supplémentaires envisagez-vous de mobiliser ?
Sur le plan international, la France se désengage. Le Président Jacques Chirac avait fait une promesse lors de la réunion du G8 à Gênes, en 2001, selon laquelle « le Fonds mondial devrait bientôt atteindre 10 milliards de dollars par an ». Or, lors d'une conférence de presse de l'ONUSIDA, Mme Mireille Guigaz, ambassadrice de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, a admis publiquement que la promesse de Jacques Chirac ne sera pas tenue. Pendant ce temps, 10 000 personnes meurent chaque jour du sida dans le monde.
A l'échelon européen, les crédits prévus pour la lutte contre le sida sont en baisse, alors même que le nombre de personnes vivant avec cette maladie ne cesse d'augmenter en Europe occidentale. Elles étaient environ 108 000 au 30 juin 2003.
En France, on se félicite de la décision du Gouvernement de proclamer la lutte contre le sida grande cause nationale pour 2005. C'est là la moindre des mesures que pouvait concéder le Gouvernement au vu des statistiques préoccupantes disponibles, à l'échelon tant du monde - 40 millions de personnes seraient touchées d'après le récent rapport d'ONUSIDA - que de notre pays, où les derniers chiffres rendus publics par l'Institut national de veille sanitaire montrent une nette recrudescence des contaminations.
En France, aujourd'hui, il faut le dire, on ne contrôle pas l'épidémie, car elle reste active, avec quelque 6 000 nouveaux diagnostics de séropositivité en 2003, dont 2 000 infections remontant à moins de six mois.
De plus, les crédits destinés à la lutte contre le sida, qui atteindraient 64 millions d'euros, stagnent depuis 1999. Pour 2005, ils sont tout simplement reconduits, alors que la lutte contre le sida a été déclarée grande cause nationale. Si le Gouvernement a réellement décidé de mettre en oeuvre une politique volontariste de lutte contre le sida en 2005, il est essentiel que de nouvelles mesures soient prises pour combattre ce fléau.
Comme je le disais précédemment, le fait que les crédits destinés à financer la lutte contre le sida soient regroupés sous l'intitulé « pathologies mortelles », qui vise aussi d'autres pathologies, telles que le cancer, ne favorise pas la transparence dans l'affectation des moyens.
A cet égard, je m'associe aux propos de notre rapporteur pour avis, M. Gilbert Barbier, selon lesquels « il faut être particulièrement vigilant pour qu'au cours des prochains mois la politique de prévention soit mieux définie, ses différents partenaires clairement identifiés et ses crédits précisément déterminés ».
Quant à la lutte contre la toxicomanie, qui concerne l'alcoolisme et le tabagisme, les budgets de la MILDT, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, ont souffert, en 2004 comme en 2003, de gels et d'annulations de crédits. Une réduction des crédits à hauteur de 38 000 euros est prévue pour 2005.
Comment, dès lors, appliquer une politique efficace si, chaque année, les crédits sont gelés, annulés ou voués à stagner ? Comment comptez-vous mettre en oeuvre le plan gouvernemental pour la période 2004-2008 ? Qui peut nous assurer que les crédits votés aujourd'hui seront bien disponibles demain ? Il est par ailleurs regrettable que la révision de la loi de 1970, pourtant annoncée, ait été reportée à une date inconnue.
Je voudrais en outre vous interroger, monsieur le ministre, sur la politique de veille et de sécurité sanitaires du Gouvernement, afin de m'assurer qu'elle constitue bien une priorité.
Récemment, l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, a déclaré que la mutation de la grippe aviaire en une pandémie de grippe humaine pourrait faire des millions de morts, en touchant plus d'un quart de l'humanité. Quelles sont les mesures de prévention envisagées contre cet éventuel fléau ? Sommes-nous prêts ?
Par la loi relative à la politique de santé publique, vous avez, à la suite de la canicule, renforcé le rôle de l'Institut national de veille sanitaire, or il n'est prévu de lui accorder aucun moyen nouveau dans ce projet de budget. Qui pis est, les crédits affectés à cet organisme accusent même une baisse, avec 32 millions d'euros contre 37,657 millions d'euros en 2004.
Enfin, lors de l'examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique, nous avions mis en relief la nécessité de développer une politique de prévention ambitieuse, et dénoncé ce qui nous semblait n'être qu'une politique d'affichage. Aujourd'hui, nous ne pouvons que réitérer la question que nous avions alors formulée : où est le financement de cette grande loi de santé publique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Madame la sénatrice, je voudrais d'abord vous répondre sur les crédits affectés à la veille et à la sécurité sanitaires.
Il est en fait prévu, dans le projet de budget pour 2005, de consacrer 116 millions d'euros au futur programme de veille et de sécurité sanitaires, soit une augmentation de plus de 7 millions d'euros des crédits affectés à cette fin, ce qui permettra de renforcer notre politique dans ce domaine. Les crises sanitaires récentes en ont démontré la nécessité.
En réalité, la question est d'être réactif, à la fois face à une difficulté éventuelle, mais aussi face à l'opinion publique : les journalistes font leur travail, ce qui est normal, mais une montée de peur collective peut s'ensuivre immédiatement. Si l'on ne se tient pas prêt, avec un dispositif téléphonique qui apportera à chacun des réponses appropriées, un problème peut se poser. C'est pourquoi nous avons essayé d'améliorer notre réactivité.
Par ailleurs, un sommet du G8 se réunira jeudi, ayant pour thème le bioterrorisme. Le fonds de concours pour la lutte contre le bioterrorisme et les situations de crise bénéficie de 217 millions d'euros en 2004 et 2005. Ils serviront en particulier à financer l'achat d'antiviraux contre la grippe aviaire.
Quant aux crédits budgétaires consacrés à la politique de lutte contre le VIH, grande cause nationale, le budget pour 2005 prévoit 65 millions d'euros. Il est donc stable par rapport à 2004. Notons cependant que le SIDA représente un coût de 1 milliard d'euros pour l'assurance maladie.
En l'absence de vaccin et de traitement éradiquant l'infection, la politique de lutte contre le VIH vise à contenir et à réduire la transmission de l'infection en France ainsi qu'à optimiser la prise en charge des personnes atteintes. Elle s'appuie sur un dispositif préventif, qui s'articule autour d'une large accessibilité aux moyens de dépistage et aux préservatifs et d'une action continue d'information, de communication et d'éducation à la santé en direction de la population générale.
Nous pourrions sans doute faire davantage en termes de prévention : nous avions commencé avec le préservatif à un franc. Cette politique doit se poursuivre. Il ne peut y avoir de sujet tabou : il faut parler du préservatif masculin, du préservatif féminin. Nous avons récemment mis en place à Toulouse une grande campagne d'éducation pour la santé portant sur ce sujet.
Le dépistage joue toujours un rôle majeur dans l'amélioration du résultat des traitements, grâce à un diagnostic et un suivi précoces et par sa contribution à la gestion de la prévention par les individus.
L'incitation au dépistage du VIH et des autres maladies sexuellement transmissibles sera un axe majeur de l'action de l'Etat auprès des populations à risques. Les infections sexuellement transmissibles entraînent une plus forte recrudescence du SIDA ; cette question est donc de première importance.
L'emploi des crédits doit permettre de répondre à l'objectif inscrit dans la loi relative à la politique de santé publique, à savoir la réduction de 20 % de l'incidence des cas d'infection par le VIH et de sida d'ici à 2008.
En ce qui concerne la prise en charge hospitalière, près de deux cent cinquante établissements hospitaliers publics ou privés participant au service public hospitalier assurent le suivi des patients séropositifs ou malades. Ainsi, 70 000 patients sont régulièrement suivis à l'hôpital et la plupart - 80 % - bénéficient d'un traitement antirétroviral.
Le coût total de la prise en charge hospitalière de l'infection par le VIH était estimé à 461 millions d'euros en 2002. Il était en baisse de 11 % par rapport à 1997.
Le coût des antirétroviraux est évalué à près de 500 millions d'euros. Il est en forte progression d'année en année, la prise en charge financière de ces médicaments étant bien sûr assurée à 100 % par l'assurance maladie.
Enfin, s'agissant de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie, la MILDT, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances se montent à 38 millions d'euros en 2005, soit un montant semblable à celui de 2004.
Ces crédits serviront notamment à réaliser un appel d'offres recherche sur les axes du plan quinquennal validé par le Premier ministre le 26 juillet dernier et un appel à projet auprès du réseau associatif. Ils serviront également à financer le fonctionnement des trois groupements d'intérêt public, les GIP, et des actions de communication, ainsi que la mise en oeuvre de plans territoriaux sur les différents volets du plan de lutte contre la drogue et la toxicomanie : prévention, prise en charge, rappel de la loi et lutte contre le trafic.
Pour terminer, madame le sénateur, je dirai que nous enregistrons des signes inquiétants et des signes positifs.
Le seul signe positif que je verrai aujourd'hui est que nous avons enrayé la transmission du VIH chez les héroïnomanes, grâce à la politique de réduction des risques, avec la méthadone, le subutex et les échanges de seringues ; cette population n'est plus cause que dans 2 % ou 3 % des cas de transmission du virus. Les résultats obtenus sont bons ; pourvu que cela dure !
Nous observons cependant des signes très inquiétants. Ainsi, 22 % des nouveaux diagnostics concernent la communauté homosexuelle. Les comportements à risques réapparaissent, le message n'est pas passé. Nous avons récemment réalisé des spots télévisés touchant la communauté homosexuelle et je crois que c'est important.
En outre, on constate des inégalités territoriales. Ainsi, 50 % des nouveaux diagnostics sont réalisés à Paris et dans la région Ile-de-France, mais également, pour 8 %, en Guyane et aux Antilles. Il reste beaucoup à faire et nous y travaillons dans de très bonnes conditions avec la mairie de Paris et la région Ile-de-France.
Enfin - il faut en parler tout en étant très prudent - 50 % des femmes qui contractent le VIH par voie hétérosexuelle sont originaires d'Afrique subsaharienne. Il existe un problème de suivi de ces populations. Cela pose à nouveau la question de l'aide médicale de l'Etat, l'AME. Les femmes sont relativement bien suivies en raison des grossesses, mais le VIH est mal dépisté chez les hommes. Nous avons là un travail extrêmement important à accomplir.
Mme Patricia Schillinger. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes questions porteront principalement sur la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, la CFE, dont je préside le conseil d'administration.
Lorsque, en juillet dernier, monsieur le ministre, vous avez présenté au Sénat votre important texte portant réforme de l'assurance maladie, j'ai développé l'idée - cela me permettra d'être bref aujourd'hui - que la CFE est une caisse d'assurance volontaire, et que, pour diverses raisons mais principalement du fait de sa gestion rigoureuse, ses comptes sont en équilibre depuis l'origine, ce qui est satisfaisant pour son président et son ministre de tutelle. .
Venons-en à l'actualité. La CFE s'est mobilisée lors du retour des Français de Côte d'Ivoire. Elle assurait dans ce pays la couverture de près de 6 000 personnes, soit plus d'un tiers des 15 000 résidents français. Elle a participé, en liaison avec la CPAM de Bobigny, à l'accueil mis en place dans les aéroports. Elle a également assuré un accueil téléphonique et internet spécifique pour ses assurés.
Nous avons donc fait face aux événements, comme par le passé, en prenant en compte l'impossibilité pour certains de régler leurs cotisations, en suspendant les mécanismes de sanction en cas de non-paiement, mais aussi en maintenant les droits des adhérents de Côte d'Ivoire pendant trois mois, et ce sans contrepartie de cotisations.
Pour le présent, il faut savoir que le prochain conseil d'administration de la CFE, qui se tiendra dans quelques jours, va être conduit à demander la création de trois postes nouveaux pour le personnel de la caisse, ce qui correspond à une augmentation constante du nombre des cotisants.
Nous demanderons également une augmentation de notre budget de communication. En effet, nous sommes soumis à la concurrence d'assureurs privés, de mutuelles et vous devez, monsieur le ministre, nous donner les moyens d'y faire face. Je souhaite que vos représentants à notre conseil ne s'opposent pas à ces demandes raisonnables.
Lors de la discussion du texte sur l'assurance maladie en juillet dernier, vous aviez bien voulu accepter les amendements que j'avais déposés afin de tenir compte de la spécificité de la CFE et de ses adhérents ; je vous en remercie.
Toutefois, puisque la caisse applique les mêmes règles que le régime général en matière de remboursement, la création de la participation forfaitaire de un euro a un impact sur ses assurés.
C'est pourquoi, compte tenu du contexte concurrentiel dans lequel se trouve la caisse, mais aussi du fait que de nombreux actes médicaux sont effectués à l'étranger, et que certains de ses adhérents se trouvent, de ce fait, dans une situation délicate, nous vous proposerons une mesure d'accompagnement pour cette participation forfaitaire. Là encore, je demande que les représentants de votre ministère qui siègent au conseil d'administration de la CFE examinent avec bienveillance les solutions proposées.
Je mentionnerai enfin deux points qui intéressent la retraite que peuvent se constituer les Français lorsqu'ils résident à l'étranger.
Le premier concerne la situation incohérente que subissent actuellement les salariés français expatriés. En effet, s'ils peuvent racheter les trimestres de cotisation correspondant à leur ancienne période de salariat à l'étranger, il leur est en revanche interdit d'adhérer à l'assurance vieillesse gérée par la CFE si cela fait plus de deux ans qu'ils sont à l'étranger.
Il faut, monsieur le ministre, que vous mettiez rapidement fin à cette situation, en signant et en faisant paraître les décrets que nous attendons depuis bientôt deux ans.
Le second point concerne les personnes qui cessent de relever de l'assurance vieillesse du régime général et partent à l'étranger sans reprendre d'activité. Il serait bon qu'elles puissent, si elles le veulent, adhérer à l'assurance volontaire vieillesse gérée par la CFE, sans avoir obligatoirement à passer par les caisses primaires dont elles dépendaient auparavant. Il s'agit non pas de créer une nouvelle règle en matière de retraite, mais de donner une compétence de gestion à la CFE pour les personnes qui s'expatrient.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, m'apporter des réponses qui permettront à la CFE de poursuivre sereinement son activité au service de nos compatriotes expatriés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Cantegrit, je tiens d'abord à vous remercier et à vous féliciter pour l'action de la CFE et sa mobilisation lors du retour des Français de Côte d'Ivoire. J'ai eu l'occasion de rencontrer un certain nombre d'entre eux il y a peu, lorsque j'étais au Sénégal : ils ont porté témoignage de votre action personnelle.
La CFE joue un rôle central dans la couverture sociale des Français à l'étranger. Les demandes de moyens supplémentaires sont très cohérentes avec l'augmentation du nombre de cotisants.
Dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, l'application de certains dispositifs peut être difficile, voire impossible, pour des soins dispensés par des praticiens établis à l'étranger. Le Gouvernement a donc accepté vos amendements tendant à prévoir des dérogations, notamment au sujet du dossier médical.
Le Gouvernement veillera à ce que les décisions prises sur la base des textes de la réforme soient adaptées si leur application venait à rendre le régime de la CFE beaucoup moins efficace, et donc moins attrayant.
Quant à la retraite, votre proposition de confier une compétence de gestion à la CFE pour les personnes qui souhaitent adhérer volontairement à l'assurance vieillesse doit être étudiée, en concertation avec les CPAM. Je demanderai à mes services d'expertiser la question le plus vite possible, pour permettre à la CFE de bénéficier de cette compétence. Sur ce point, je suis donc d'accord.
Enfin, en ce qui concerne le délai d'adhésion à l'assurance vieillesse gérée par la CFE, qui est de deux ans, je tiens à signaler que le délai pour bénéficier de l'assurance volontaire en France est de six mois. Une éventuelle suppression du délai de forclusion de deux ans doit donc faire l'objet d'une expertise avant toute décision.
Nous proposerons, par ailleurs, une mesure d'accompagnement pour la participation forfaitaire.
Je suis globalement d'accord avec vous et il me semble donc, monsieur le sénateur, que le mieux serait que nous nous rencontrions, avec les services du ministère et mon cabinet, pour être sûrs que les délais soient respectés.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je suis satisfait de votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la santé est devenu un véritable maelström.
Entre les crédits qui existaient déjà et l'application de nouvelles dispositions, comme la réforme de l'assurance maladie, la loi relative à la politique de santé publique, le plan cancer, le plan Hôpital 2007, le plan de lutte contre la toxicomanie, le plan national santé environnement, la Haute autorité de santé, les lois d'habilitation pour légiférer par ordonnances, l'acte II de la décentralisation, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, nous nous trouvons face à un foisonnement de lois et de plans annoncés à grand renfort médiatique et qui ne font que rendre de plus en plus opaque ce budget.
Plus grave encore, ce budget porte atteinte à la qualité même de la politique de santé publique. En somme, toutes ces déclarations de bonnes intentions sont plus un effet d'affichage qu'une réelle politique de santé publique.
Prenons l'exemple de la politique de prévention contre le VIH.
Aujourd'hui, les réformes de l'assurance maladie et de la prise en charge du handicap ont de graves conséquences sur les victimes du virus : sous prétexte de lutte contre les déficits, ces malades n'auront plus la liberté de choisir leurs médecins ; la définition des biens et des services remboursables sera de plus en plus déterminée par des assureurs privés, champions de la discrimination ; la prise en charge à 100 % des séropositifs et des malades du sida sera remise en question. En outre, il faudra payer 1 euro pour chaque consultation ou acte médical. Or il s'agit là d'un véritable impôt sur la maladie pour ces victimes qui doivent régulièrement consulter des médecins.
Bref, là où nous avons besoin d'une meilleure coordination de la prévention et des soins ainsi que d'un travail en réseau des professionnels de santé, le Gouvernement impose un dispositif coercitif infantilisant le malade et remet en question la gratuité des soins.
« La santé n'a pas de prix, mais elle a un coût », tel est le leitmotiv du Gouvernement. C'est cette logique qui guide les attaques qui ont été portées contre l'aide médicale d'Etat depuis deux ans.
Je vous le rappelle, dans le monde, 39,4 millions de personnes sont infectées, dont 25,4 millions en Afrique. En France, cette année, 6 000 personnes ont été contaminées ; parmi elles, 43 % sont des femmes, dont plus de la moitié sont originaires d'Afrique subsaharienne.
En les soumettant à un délai de trois mois minimum de présence sur le sol français, vous empêchez ces personnes de recevoir des soins en temps voulu.
Dans le même temps, je vous rappelle que certaines préfectures ordonnent toujours l'expulsion de malades sans papiers vers des pays où ils ne pourront pas être pris en charge, ...
M. Roland Muzeau. ... ce qui signe leur arrêt de mort et est totalement illégal.
Le ministre de la santé a annoncé un nouveau programme national de lutte contre le VIH/sida 2005-2008. Mais que prévoit-il pour les étrangers et les sans-papiers, qui figurent parmi les principales victimes de cette pandémie ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Muzeau, je ne vais pas reprendre la réponse que j'ai faite tout à l'heure à propos du VIH.
Vous abordez deux sujets spécifiques.
Premièrement, vous estimez que notre réforme de l'assurance maladie ne permettra plus de soigner les malades. C'est exactement le contraire ! Si nous engageons cette réforme, c'est justement parce que nous voulons sauver l'assurance maladie et soigner les malades.
Si nous laissions les déficits s'accumuler, ce qui entraînerait une faillite de l'assurance maladie, nous savons très bien que seuls les plus riches pourraient être soignés. Ce n'est pas notre vision des choses, et je sais que ce n'est pas non plus la vôtre.
Il n'y a pas, d'un côté, des gentils qui voudraient soigner tout le monde et, de l'autre, des méchants qui ne voudraient pas les soigner. Nous n'avons donc aucune leçon à recevoir de ce côté-là.
Deuxièmement, vous rappelez que 39,4 millions de personnes sur la planète sont atteintes du VIH. Vous avez raison de souligner qu'elles se situent essentiellement au Sud. Mais vous ajoutez : il faut donc les soigner en France. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Je n'ai pas dit ça !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Vous avez dit : monsieur Douste-Blazy, vous renvoyez des gens dans leur pays alors qu'ils sont malades, et vous les condamnez à mort. Sachez que je suis médecin. Cela me fait donc mal lorsque l'on me traite d'assassin. Je ne suis pas un assassin !
La question est beaucoup plus grave : comment peut-on accepter l'idée que nous ayons des médicaments et peu de malades - 6 000 séropositifs de plus par an, c'est beaucoup, mais ça n'a quand même rien à voir avec ce qui se passe ailleurs - et que le Sud ait des malades et pas de médicaments ?
Cette situation est de la folie ! C'est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité que nous soyons le deuxième contributeur au Fonds mondial de lutte contre le sida, le premier étant les Américains. Pour leur part, les Américains donnent 200 millions de dollars. Quant à nous, nous donnons 150 millions d'euros, mais vu la parité entre le dollar et l'euro, c'est pratiquement kif-kif. En outre, je signale que nous sommes soixante-deux millions et que les Américains sont beaucoup plus nombreux.
Nous sommes le premier pays européen à transcrire dans notre droit national l'accord de l'OMC à Doha du 31 août 2003, qui prévoit de donner- je dis bien « donner » - à un pays pauvre qui se situe dans une zone endémique les médicaments génériques et les licences obligatoires, ce qui permettra de sauver des millions de personnes.
La seule solution pour sauver les personnes du sida, c'est de construire des usines de médicaments génériques chez elles, ...
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. ... mais certainement pas de les soigner ici.
Il faut aussi arriver à distribuer les médicaments. Il convient cependant d'être sûr que ces médicaments ne reviendront pas par cargo dans les pays occidentaux pour créer un marché parallèle. C'est pourquoi il faut des couleurs de gélule différentes, des marquages et une traçabilité des médicaments. Alors là, oui, on fera une grand oeuvre humanitaire planétaire ! D'ailleurs, ce serait idiot de ne pas le faire.
Pour ceux qui, de façon horrible, penseraient qu'il ne faut pas les soigner, je dirais simplement à ces égoïstes que plus il y aura de malades au Sud, plus il y aura de malades au Nord. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, en ne reconnaissant pas les graves obstacles qui pèsent sur les plus démunis - et je pense bien évidemment aux personnes étrangères résidant sur notre territoire, dont un certain nombre sont sans papiers - votre gouvernement crée, que vous le vouliez ou non, les conditions d'un accroissement des pathologies dont toutes les associations témoignent qu'elles prennent une ampleur préoccupante.
La réalité est que, en 2004, une accumulation de mesures a contribué à restreindre l'accès aux soins des plus précaires. Le rapport annuel de Médecins du monde apporte un témoignage inquiétant sur les effets de cette politique. Faiblesse des ressources et absence de logement sont également des phénomènes constitutifs de la difficulté d'accès aux soins.
Il ne faut pas l'oublier, 84 % des étrangers ne disposent pas de la couverture maladie universelle au moment de leur première visite, alors même que leur statut leur permet d'y prétendre. Les étrangers sans titre de séjour, qui relèvent théoriquement de l'AME, ne sont que 11 % à avoir des droits ouverts à la couverture maladie universelle.
Il convient également de compléter ces difficultés par le constat fait de la persistance de refus de soins de la part d'une minorité de professionnels à l'égard des bénéficiaires de l'AME et de la CMU. La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques chiffre à 15 % le nombre de bénéficiaires ayant témoigné de ces pratiques.
Les réformes successives ont supprimé l'accès immédiat à l'AME, en instaurant l'obligation de présenter des preuves de la résidence continue en France sur les trois derniers mois. Sur ce point, je vous renvoie à la loi de finances rectificative de décembre 2003. Vous aviez pourtant pris l'engagement, en juin 2004, de rétablir l'admission immédiate. Il ne s'est toujours rien passé !
Lors de la journée mondiale contre le sida, vous avez déclaré que l'attitude internationale face au sida était une honte planétaire. Par un communiqué, l'association Act up-Paris a répondu que, face à l'incurie gouvernementale, la honte était pour la France.
Act up-Paris fait la démonstration des écarts dramatiques qui existent entre les propos du ministre de la santé et ceux du Président de la République, d'une part, et la réalité du budget national ou du Fonds mondial de lutte contre le sida, d'autre part.
Vous venez de citer des chiffres. Je n'ai pas les mêmes. Dans son communiqué, Act up-Paris indique que, en septembre 2004, le président des Etats-Unis avait déclaré que son pays y consacrerait 2,2 milliards d'euros en 2005, ...
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Vous êtes devenu pro-américain ?
M. Roland Muzeau. ... la Grande-Bretagne 700 millions d'euros, selon Hilary Benn, le 17 novembre 2004, alors que le Gouvernement français, lui, n'a budgété que 180 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005.
Bien évidemment, 180 millions d'euros, ce n'est pas une somme négligeable. Mais je tenais quand même à donner les deux chiffres précédents, sans pour autant considérer que la contribution de ces deux pays au Fonds mondial de lutte contre le sida corresponde à la valeur de leurs engagements en matière de santé publique. Il n'en est malheureusement rien.
Le 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, a été un moment fort de dénonciation des politiques menées en France et dans le monde. Nombre d'associations y ont participé. L'examen de notre budget constitue une nouvelle démonstration, tout au moins une occasion d'essayer de travailler à la réduction du fossé qui nous sépare d'une vraie politique de prévention et d'accès aux soins. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Muzeau, lisez bien les déclarations d'Act up-Paris sur la politique du sida menée entre 1997 et 2002, époque où il y avait des ministres communistes au Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo. Oh ! Quelle réponse !
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, différents rapports ont alerté les responsables politiques sur la pénurie de médecins qui s'annonce. On a déjà évoqué ce sujet, mais j'y reviens, car c'est important.
Votre prédécesseur avait mis en place, en juin 2003, un Observatoire national de la démographie des professions de santé. Les résultats de ses premiers travaux, rendus publics le 18 novembre dernier, montrent clairement que le vieillissement du corps médical - 20,4 % des médecins ont plus de cinquante-cinq ans -, conjugué aux effets d'une diminution continue du numerus clausus dans les années quatre-vingt-dix, posera un « problème aigu de renouvellement ».
Ainsi, selon les projections établies par l'Observatoire, fondées « sur l'hypothèse d'un numerus clausus à 7 000 à partir de 2006 », le nombre de médecins en activité devrait passer de 205 200 en 2002 à 186 000 en 2025. Compte tenu de l'accroissement de la population, la densité médicale reculerait d'environ 15 %, passant de 335 médecins pour 100 000 habitants à 283 médecins pour 100 000 habitants, « niveau proche de celui du milieu des années quatre-vingt ».
Une autre tendance lourde, qui est liée à une augmentation continue de la réussite des étudiantes au concours de première année, réside dans le fait que les femmes deviendront, peu après 2020, plus nombreuses que les hommes dans le corps médical. Pour l'Observatoire, cette féminisation pourrait modifier « fortement la répartition du mode d'exercice » dans la mesure où, à l'heure actuelle, les femmes privilégient l'exercice salarié plutôt que libéral.
Cette évolution a son importance, car la dégradation des effectifs annoncée devrait concerner presque exclusivement la médecine de ville - 18 500 médecins de moins d'ici à 2025 -, et davantage les spécialistes - moins 23 % - que les généralistes - moins 9 %.
Dans les conditions de fonctionnement actuel des filières - internat qualifiant, choix des spécialités -, l'ophtalmologie, avec une baisse de 43 %, la psychiatrie, avec une diminution de 36 %, et 1'ORL, avec un recul de 31 %, seront les disciplines les plus touchées. Mais d'autres accuseront aussi une baisse globale de 20 % à 30 %, comme la rééducation et la réadaptation fonctionnelle, la médecine interne ou la radiologie. C'est d'ailleurs plus particulièrement sur cette dernière spécialité que je concentrerai mon propos.
La radiologie est en effet devenue un secteur incontournable de la pratique médicale quotidienne, dont les progrès font avancer considérablement l'établissement du diagnostic et les décisions thérapeutiques. Le radiologue est le premier correspondant du médecin généraliste, tant dans les quartiers urbains qu'en milieu rural.
Signe de cette affirmation, l'activité radiologique, pour répondre à la demande des prescripteurs, augmente de 10 % par an dans notre pays. Or on manque déjà d'effectifs dans cette spécialité !
Dans les hôpitaux, par exemple, de nombreux postes de praticiens hospitaliers en radiologie sont vacants. En 2002, hors CHU, 19 % des postes à temps plein et 33,2 % des postes à temps partiel étaient vacants. En 2003, en CHU, 17,3 % des postes étaient vacants.
Par ailleurs, on est loin, à ce jour, de la « séniorisation » des gardes et astreintes. Ce principe, s'il permet des avancées en termes de sécurité et de qualité de prise en charge des patients, va désorganiser les services d'imagerie du fait des repos de sécurité et de l'intégration des gardes dans le temps de travail.
Il existe, en France, 616 sites d'urgence - SAHU, UPATOU, POSU -, alors que le nombre total de praticiens hospitaliers incluant les temps partiels est de 1 728. Il y a donc une inadéquation entre le nombre de sites où sont réalisés des actes de radiologie en urgence et le nombre de praticiens hospitaliers de radiologie, ce qui ne permet pas le respect des bonnes pratiques.
Quelles sont les perspectives à court et à moyen terme ?
Pour commencer, l'année 2006 sera une année blanche en termes d'achèvement du cursus de formation d'internes DES en radiologie. L'internat de radiologie passant de quatre à cinq ans, il n'y aura pas de nouveaux diplômés accédant à la profession cette année-là, le terme de la formation d'une promotion d'effectif normal étant ponctuellement repoussé d'un an.
Par ailleurs, la pyramide des âges - en 2001, l'âge moyen des radiologues était de 44,2 ans - et le taux de féminisation, déjà relativement élevé, devraient inscrire cette spécialité dans les tendances décrites par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, l'ONDPS. On doit s'attendre à une chute globale du nombre de médecins radiologues de 26 % d'ici à 2025.
Dans le secteur libéral, on peut penser que ces perspectives démographiques retentiront prioritairement sur les petits cabinets de quartier ou sur ceux qui sont situés en zones rurales, tenus par des radiologues isolés ou par de petits groupes, ce qui sera particulièrement dommageable, car ils constituent des circuits très courts, garants d'une radiologie de proximité moins onéreuse, et évitent l'« embolisation » des centres radiologiques hospitaliers ou des cliniques.
Le problème, en radiologie, ce n'est pas le matériel, ce sont les hommes : aurons-nous les moyens démographiques de faire face ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre dans l'immédiat, monsieur le ministre, pour augmenter le recrutement de spécialistes de cette discipline afin d'éviter une régression, alors que les progrès de l'imagerie médicale s'affirment chaque jour ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Cette spécialité a connu une transformation en profondeur liée aux progrès technologiques et informatiques. Je me souviens du temps où j'étais interne : le scanner, qui a révolutionné totalement la pathologie vasculaire cérébrale, notamment, n'existait pas, non plus, bien entendu, que l'IRM !
L'apparition de l'échographie, puis du scanner, et, enfin, de l'IRM, sont autant d'exemples qui attestent de la vitalité de cette spécialité ; et je ne parle même pas de la radiologie interventionnelle.
L'imagerie médicale joue un rôle central dans la démarche diagnostique, dans la robotique chirurgicale et dans le suivi thérapeutique.
Le dernier appareil en date, le PET scan - Positron Emission Tomography, ou, pour parler français, tomographie d'émission de positons - représente un progrès important pour la prise en charge des malades atteints de cancer.
D'après le rapport Berland, président de l'ONDPS, cette spécialité ne pose pas de difficultés majeures en termes de démographie. En effet, plus de 7 600 radiologues exercent sur notre territoire. Ce sont les spécialistes les plus nombreux, après les anesthésistes-réanimateurs, avant les ophtalmologistes et les gynécologues- obstétriciens.
Cependant, l'une des préoccupations de la spécialité est le nombre important des postes vacants de radiologie en milieu hospitalier. On constate, en outre, une forte concentration de radiologues dans le sud de la France, mais une sous-densité dans les régions Centre et Pays de la Loire. Il semble que le regroupement de plusieurs spécialités avec la médecine nucléaire, autour de plateaux techniques, par exemple autour du PET scan, soit un élément d'attractivité pour les jeunes.
Au cours de deux voyages récents, l'un à Saint-Étienne, l'autre à Poitiers, j'ai constaté que, dans les deux cas, les CHU travaillaient avec de grandes cliniques privées sur les PET scan.
Le rôle des manipulateurs en radiologie est important, puisqu'ils sont les collaborateurs naturels des radiologues. Les effectifs de cette profession ont augmenté de 15 % en cinq ans : 24 000 manipulateurs, soit un peu plus de trois manipulateurs par radiologue, exercent en France. J'ai, très récemment, veillé à ce que leurs quotas pour 2005 soient augmentés. La perte d'attractivité de cette carrière professionnelle est aujourd'hui corrigée grâce à l'effort des professionnels, puisque le taux de remplissage des écoles avoisine, en 2004, les 100 %.
II est aussi très important que la profession dans son ensemble réfléchisse aux transferts de tâches, dans le souci d'une prise en charge globale du patient.
Monsieur le sénateur, il me semble important, en effet, de soulever le problème des manipulateurs en radiologie. Sur ce sujet comme sur d'autres, d'ailleurs, le rapport Berland évoque la possibilité de transferts de compétences entre médecins et non-médecins, à condition qu'ils s'effectuent sous la responsabilité des premiers et avec leur accord.
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Selon vous, monsieur le ministre, une augmentation du nombre de manipulateurs en radiologie pourrait répondre à certains besoins et, en tout cas, pallier le déficit en médecins radiologues.
Je ne crois pas que vous ayez là une vue très juste du problème. L'acte médical reste conditionné par des études spécifiques. L'abord du patient est, même en radiologie, non seulement technique, mais aussi clinique, et la conjonction de ces deux aspects est indispensable pour l'établissement d'un diagnostic. Il serait illusoire d'imaginer que l'on va pouvoir faire réaliser des actes de ce type uniquement par la formation de manipulateurs, lesquels jouent, néanmoins, un rôle tout à fait essentiel dans les services de radiologie.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur le sénateur, vous ne m'avez pas compris : je suis favorable à l'existence de radiologues et à une augmentation de leur nombre, mais il existe des quotas, et les statistiques montrent qu'il y a, en France, par rapport au nombre d'habitants, beaucoup plus de radiologues que de gynécologues- obstétriciens ou d'anesthésistes, et qu'ils sont même plus nombreux que leurs homologues des autres pays européens.
Le problème n'est pas d'ordre démographique ; il tient au déséquilibre entre le Nord et le Sud et à l'absence de radiologues dans les hôpitaux. C'est une constatation, ce n'est pas une appréciation personnelle.
Je suis, par ailleurs, favorable à ce que les radiologues exercent la médecine ; je n'ai pas dit que les manipulateurs en radiologie devaient faire de même. Je souhaite simplement que, comme leurs collègues d'autres spécialités, les radiologues soient aidés. Un radiologue seul ne peut pas faire fonctionner son cabinet : des manipulateurs en radiologie doivent donc être à ses côtés, tout en restant, bien évidemment, à leur place.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits destinés à la politique de la famille représenteront, en 2005, pratiquement 1062 millions d'euros.
Comme l'an dernier, les principales mesures prises en faveur de la famille figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous avons examiné voilà peu, projet de loi bien décevant pour les familles, ainsi que j'ai eu l'occasion de le souligner, surtout pour les familles en difficulté ou en situation de précarité, et pour les adolescents, qui ne verront pas se concrétiser les objectifs, pourtant bien ambitieux, annoncés par les conférences de la famille de 2002 et de 2004.
Ainsi, il est prévu, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, un entretien de santé personnalisé en classe de cinquième. C'est une mesure que j'ai proposé en vain de rendre obligatoire, pour qu'elle trouve sa pleine efficacité.
Il est également prévu, dans ce texte, le doublement de la prime d'adoption. Nous ne bouderons pas cette mesure, même si - nous le savons - le montant de cette aide est insuffisant face au coût d'une adoption à l'étranger.
Demeurent donc à la charge de l'Etat essentiellement des dépenses de transferts, c'est-à-dire principalement l'allocation de parent isolé, l'API.
Elle a pour objet d'aider les personnes, essentiellement des femmes, qui assument seules la charge d'un ou de plusieurs enfants. Elle profite à presque 5 % des bénéficiaires de minima sociaux et concerne principalement des jeunes femmes ayant à charge un seul enfant de moins de trois ans. Cette allocation était versée, en décembre 2003, à environ 188 000 personnes, soit une évolution de 4,4 %.
En 2004, la réforme de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, a failli remettre en cause gravement l'API. En effet, l'instauration, à compter du 1er janvier 2004, de la PAJE, lésait les mères isolées les plus pauvres touchant l'API. Ces mères, avec un enfant né après le 1er janvier 2004, auraient pu toucher jusqu'à 1 300 euros de moins que celles qui, se trouvant dans la même situation, avaient un enfant né avant cette date. Ce sont 400 000 jeunes mères qui auraient été lourdement pénalisées.
Sous couvert de réformer l'accueil du jeune enfant, le Gouvernement n'aurait-il pas voulu faire des économies au détriment des mères isolées ?
En ce qui concerne les interventions en faveur de l'enfance à l'échelon central, nous examinerons les crédits destinés au défenseur des enfants, autorité administrative indépendante chargée de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant et qui reçoit des réclamations individuelles d'enfants mineurs ou de leurs représentants légaux estimant qu'une personne privée ou publique n'a pas respecté leurs droits.
Le défenseur des enfants a été institué par le législateur le 6 mars 2000. Son rôle est, aujourd'hui, totalement incontestable et pleinement reconnu. Le présent projet de loi prévoit de reconduire en 2005 la dotation de 2004, soit un peu plus de 1,907 million d'euros.
Les actions en faveur de la famille et de l'enfance à l'échelon déconcentré, qui comprennent, entre autres, la médiation familiale, le soutien à la parentalité et les actions en faveur de la jeunesse, représenteront 18,19 millions d'euros et diminueront donc de 8,8 %.
J'aimerais profiter du temps de parole qui m'est imparti aujourd'hui pour évoquer le trentième anniversaire de l'adoption de la loi Veil, qui représenta une réelle avancée historique.
En trente ans, de 1974 à 2004, le droit à l'IVG a incontestablement amorcé un virage idéologique.
Le 29 novembre 1974, au coeur de la nuit, Simone Veil, dont je tiens à saluer le courage politique, défendait avec force et conviction un projet de loi historique dépénalisant l'IVG et le faisait adopter, au terme de débats houleux et d'une rare violence, par une assemblée qui comptait alors neuf femmes sur 490 députés.
L'adoption de la loi Veil venait légaliser une pratique répandue et déjà acceptée par une partie de la société française. Elle mettait fin à des pratiques clandestines estimées à 300 000 par an, pratiques dont l'issue se révélait souvent dramatique pour les femmes.
Il a, cependant, fallu attendre 1982 pour qu'une nouvelle étape cruciale permette à toutes les catégories sociales d'avoir un accès libre et égal à l'IVG : ce fut la loi Roudy, qui instaurait le remboursement de l'IVG par la sécurité sociale.
La loi Aubry de 2001 apporta une pierre de plus à l'édifice, mais son application reste, aujourd'hui encore, difficile : les délais d'attente sont trop longs, les refus de pratiquer l'IVG au-delà de dix semaines de grossesse obligent encore trop de femmes se trouvant hors délais à partir à l'étranger, les réticences pour accueillir les mineures sans autorisation parentale sont trop nombreuses, sans compter de trop grandes disparités régionales.
Il aura fallu batailler et dénoncer la non-publication des textes réglementaires nécessaires à son application, notamment celui qui permet la mise en oeuvre de l'IVG médicamenteuse. Les femmes auront dû attendre trois ans de plus pour pouvoir y recourir hors des structures hospitalières, l'arrêté d'application n'ayant été signé que l'été dernier.
L'IVG par voie médicamenteuse, moins traumatisante et beaucoup plus facile à réaliser, n'est pas pour autant un acte gratuit, même s'il est acquis depuis peu qu'elle est remboursée à 70 % par la sécurité sociale. Son coût pourrait dissuader les adolescentes et les femmes en situation difficile ou qui ne disposent pas de mutuelle. En effet, elles doivent passer cinq consultations médicales.
A quand, monsieur le ministre, une prise en charge totale par l'assurance maladie ?
M. le président. Veuillez conclure rapidement, madame le sénateur ! Je vous rappelle qu'il s'agit d'une séance de questions ! Là, vous vous éloignez du genre !
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur ce qui a été préconisé par les experts du groupe national d'appui, mis en place à la demande des parlementaires, pour mesurer l'évaluation de la mise en oeuvre de la loi Aubry ; sur la nécessité de posséder des statistiques en ce qui concerne les IVG, notamment sur les délais d'attente entre la première demande de rendez-vous et la première consultation ; sur les difficultés rencontrées pour faire pratiquer des IVG durant les dernières semaines autorisées ; sur les difficultés qu'éprouvent les mineures à y accéder sans autorisation parentale ; sur les disparités régionales ; sur la possibilité, pour les sages-femmes, face à l'état préoccupant de la démographie médicale, déjà évoqué ce matin, d'avoir un rôle accru pour prendre en charge l'IVG médicamenteuse, notamment ; sur l'urgence d'améliorer la diffusion de l'information et d'atteindre les jeunes, qui sont largement sous-informés au sujet de l'IVG ; enfin, sur la nécessité d'intensifier les campagnes de formation sur la contraception, sans oublier celle de revoir les conditions de remboursement des moyens contraceptifs, en particulier des pilules dites de troisième génération, notamment pour les plus jeunes.
Sur tous ces points, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre, auquel je demande de respecter le temps de parole qui lui est imparti.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Vous me connaissez, monsieur le président !
Vous m'avez interrogé, madame le sénateur, sur le manque de statistiques précises, les délais d'attente, les difficultés pour obtenir une IVG au-delà du nombre de semaines autorisé, l'embarras dans lequel se trouvent les mineures qui sont dépourvues d'autorisation parentale, les disparités régionales, les campagnes d'information sur l'IVG et la contraception.
Comme vous le savez, il restait des textes réglementaires à prendre, lors de mon arrivée avenue de Ségur, au mois d'avril dernier, afin que la loi de 2001 relative à l'IVG puisse être mise en application. Ceux qui visent à permettre la pratique des IVG médicamenteuses en ville, en particulier, étaient en souffrance, notamment parce que plusieurs dispositions du décret de 2002 sur la posologie médicamenteuse étaient contestées par certaines associations de défense des droits des femmes.
L'ensemble de ces textes réglementaires est désormais paru, y compris la circulaire organisant les conditions de réalisation et de remboursement des interruptions volontaires de grossesse en ville et en établissements de santé. Je l'ai signée le jour de l'anniversaire du premier vote de loi Veil par l'Assemblée Nationale, le 26 novembre dernier ; je m'associe à ce que vous avez dit sur Mme Veil et je vous en remercie.
En ce qui concerne le suivi statistique, le dernier point a été publié par la direction de la recherche des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, le 24 octobre dernier. On a enregistré 206 000 IVG en France, en 2002, soit une légère progression - plus 1,7 % - due, sans doute en partie, à l'allongement des délais légaux pour y recourir. Les IVG pratiquées au-delà de la dixième semaine de grossesse ont représenté 1,8 % de l'ensemble des IVG réalisées en 2002.
Le suivi statistique des IVG repose sur trois sources d'information : une collecte de données de cadrage dans la statistique annuelle des établissements, la SAE, un codage spécifique du programme de médicalisation des systèmes d'information, le PMSI, pour les IVG réalisées dans les établissements, ainsi que les bulletins statistiques d'IVG. Afin de suivre et d'évaluer la mise en oeuvre de la loi de 2001, et en application des préconisations du rapport de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, de décembre 2002, le système d'information a été adapté par des compléments de l'information collectée dans la statistique annuelle des établissements, la SAE, et la simplification des bulletins d'IVG, indispensable à l'élargissement de ce dispositif à la médecine de ville.
Pour avoir une information structurelle sur l'ensemble de ce nouveau dispositif, j'ai demandé qu'une enquête pluriannuelle auprès d'un échantillon de femmes soit réalisée sous l'égide commune de la DREES, de l'Institut national d'études démographiques, l'INED, et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM ; elle est actuellement en cours de préparation pour l'année 2006. C'est un élément indispensable pour compléter le dispositif, en particulier pour préciser les caractéristiques socio- démographiques et médicales des femmes concernées, les parcours de soins, les conditions de réalisation de l'IVG et ses suites.
Comme vous le voyez, madame Campion, le suivi statistique de l'IVG devait surtout être adapté en fonction de l'évolution de la loi et des règlements, notamment pour nous permettre d'avoir des informations sur les délais d'attente ou encore - comme vous l'avez dit - sur la distinction entre les interruptions volontaires et médicales de grossesses que permet aussi la loi.
Les disparités régionales restent, comme vous le soulignez, madame Campion, tout à fait significatives. En 2002, comme par le passé, les recours à l'IVG restent plus nombreux dans le sud de la France, en Ile-de-France et dans les départements d'outre-mer.
L'analyse statistique de la DREES nous montre que ces disparités ne proviennent ni d'une différence de la structure par âge des populations concernées ni d'un déplacement des femmes vers des régions où l'accessibilité des structures d'accueil serait plus grande. Ainsi, le taux de recours à l'IVG des jeunes femmes de 20 à 24 ans va de 18 pour les pays de la Loire à 45,3 pour la Corse. Il s'agit vraisemblablement de différences liées aux structures familiales ou aux catégories socioprofessionnelles entre les régions de France. L'enquête que mèneront la DREES, l'INED et l'INSERM nous donnera davantage d'éclaircissements propres à guider notre action.
Enfin, concernant les mineures, il existe un dispositif spécifique qui leur permet d'accéder à cette pratique sans autorisation parentale, bien que celle-ci soit vivement recommandée - je le dis à titre personnel, mais je sais que vous êtes d'accord sur ce point - et ce, en leur garantissant un parfait anonymat.
Ce dispositif a été reconduit pour la pratique des IVG en ville. Sur les 11 000 jeunes filles mineures qui ont recouru à cette pratique en 2002, nous ne disposons pas encore des informations nous permettant de savoir combien d'entre elles l'ont fait sans le consentement parental. L'enquête que je viens d'évoquer nous donnera également des éléments sur ce sujet.
Enfin, madame Campion, j'ai bien sûr souhaité qu'un dispositif d'information sur la contraception et l'IVG accompagne la mise en oeuvre de ces nouvelles procédures. Un point d'information sur l'IVG et la contraception est en ligne sur le site du ministère de la santé depuis le mois d'octobre dernier. Il reprend tous les changements réglementaires de ces derniers mois, mais aussi toutes les techniques de contraception, y compris les plus récentes par patch ou implant. J'ai également souhaité que l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES, engage une campagne d'information sur ce thème en 2005.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le ministre, deux de mes collègues vous ont interpellé sur la question relative au SIDA, que je voulais vous poser. En conséquence, je vous interrogerai sur la politique que vous entendez conduire en matière de périnatalité, d'autant que cette politique est, me semble-t-il, liée aux trois missions qui vous sont désormais confiées : les solidarités, la famille et la santé.
Mme Veil avait, en 1994, élaboré un plan en matière de périnatalité ; dix ans après, à cette même place, vous avez décidé, monsieur le ministre, d'en lancer un.
Pouvez-vous nous en décliner les mesures ? Pouvez-vous nous indiquer si, après le rapport Bréart et celui qui vous a été remis par Françoise Molena, vous entendez vous orienter vers ce que j'appellerais une politique de périnatalité sociale, avec un amont mieux pris en charge par l'intermédiaire des PMI et un suivi à domicile plus important ?
Il s'agirait, par exemple, d'étendre l'expérience conduite à Lariboisière, qui se pratique ailleurs, notamment aux Pays-Bas où toute femme qui sort d'une maternité bénéficie d'un suivi à domicile pendant une quinzaine de jours, pour un coût relativement réduit. A Lariboisière, le coût est de 150 000 euros par an pour 2 500 femmes.
Enfin, n'oublions pas que, à leur naissance, certains enfants souffrent de pathologies particulièrement difficiles, dites maladies orphelines. Au lendemain du Téléthon et de l'installation du l'Institut du cerveau à laquelle vous avez largement participé, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle politique vous entendez conduire en matière de maladies orphelines ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Comme vous l'avez dit, en 1994, nous avions estimé, Mme Veil et moi, qu'il était scandaleux que nous soyons au treizième rang des indicateurs de mortalité infantile. Nous avons fait des progrès considérables depuis le plan périnatalité que nous avions alors lancé. Les chiffres le montrent et sont assez intéressants : nous sommes passés de 35 à 6,5 décès pour 1000 naissances et de 25 à 9 décès pour 100 000 naissances concernant la mortalité maternelle. On n'en parle jamais, mais elle existe et elle est terrible : il y a des femmes qui meurent en mettant des enfants au monde !
Aujourd'hui, la position de la France en Europe reste toujours moyenne par rapport aux indicateurs de périnatalité. Le dernier rapport du comité national d'experts sur la mortalité maternelle souligne que plus d'un tiers des décès maternels analysés sont évitables. C'est effrayant ! Le fonctionnement des maternités et leur organisation en réseau, prévus par le plan de 1994, ont donc encore beaucoup de progrès à faire.
Je vous le dis très franchement : les décrets d'application du plan périnatalité que Simone Veil et moi avions mis au point en 1994 n'ont commencé à paraître qu'en 1999 ; certains n'ont même pas paru. Si la représentation nationale et les ministères élaborent des plans qui ne sont pas suivis par l'administration, les décrets n'étant pas pris, c'est une honte pour la République française ! Je trouve inadmissible que les plans périnatalité aient été traités de la sorte et je vais veiller personnellement à ce que celui-là soit rapidement suivi d'effet.
M. Roland Muzeau. Ce Gouvernement n'a aucune autorité !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Cela se passe ainsi sous les gouvernements de gauche comme de droite. Elaborer un plan ne sert à rien sans effort de démocratie !
L'augmentation du nombre de césariennes - elles sont passées de 14% à 18 % en 2001 - correspond à une certaine forme de progrès. Elle témoigne également d'une surmédicalisation de la grossesse et de la naissance en oubliant de restituer à cette période de la vie son état naturel. Une diversification de l'offre de soins pourrait répondre à ce souhait souvent exprimé par des associations d'usagers et les professions de santé.
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre un plan d'action sur la période 2005-2007 visant à moderniser l'environnement de la grossesse et de la naissance et à atteindre, en 2008, les objectifs fixés par la loi relative à la politique de santé publique, à savoir réduire la mortalité périnatale à 5,5 p. 1 000 et la mortalité maternelle à 5 p. 100 000.
Concernant les problèmes sociaux après la naissance, je suis de votre avis. Vous connaissez le sujet mieux que moi et je suis prêt à vous voir pour parler, quand vous le souhaitez, des maladies orphelines.
L'idée est très simple : plutôt que de voir des enfants atteints de maladies rares ou orphelines - je rappelle qu'elles n'intéressent que moins de 30 000 personnes, parfois moins de 100, parfois même moins de 10 - faire le tour et errer de professeur de médecine en professeur de médecine ou de médecin en médecin, je préfère créer des centres de référence où seront installés les enfants pour que les médecins puissent venir les voir : les enfants ne vont pas aller chercher les médecins, ce sont les médecins qui iront voir les enfants. Nous gagnerons ainsi beaucoup de temps, beaucoup de diagnostics précoces et donc de traitements plus efficaces.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'Etat, l'examen des crédits consacrés aux personnes handicapées dans le cadre de cette discussion budgétaire intervient alors que le projet de loi relatif au handicap, réformant la loi de 1975, est toujours en cours d'examen par le Parlement. C'est sans nul doute un budget de transition, ce qui doit nous conduire à considérer certaines données avec prudence.
L'effort public consacré aux personnes handicapées dans notre pays s'élève à 30 milliards d'euros, soit 6,2 % de nos dépenses sociales et 1,8 % de notre PIB. Pourtant, la situation des personnes handicapées est toujours aussi précaire et la hausse affichée de 3,7 % des crédits inscrits pour 2005 n'est pas la traduction de la priorité présidentielle.
L'exemple le plus parlant à ce sujet est celui de l'AAH, qui représente 40 % de la dépense budgétaire consacrée aux personnes handicapées ; c'est l'allocation qui focalise toutes les revendications. La hausse de 4 % des crédits consacrés à l'AAH tient seulement à la croissance continue de son nombre d'allocataires : entre plus 2% et plus 4 % en moyenne chaque année, soit 780 000 bénéficiaires en 2005.
Alors qu'elle représentait 78 % du SMIC en 1982, l'AAH atteint à peine 58 % aujourd'hui, hors exonération ; c'est un débat récurrent et je pense que nous y reviendrons.
L'annonce que vous avez faite, madame la secrétaire d'Etat, d'une enveloppe supplémentaire de 150 millions d'euros correspond à une revalorisation d'à peine 1,5 %.
Vous le savez, les associations représentant les personnes handicapées demandent que l'AAH soit identique au SMIC pour les personnes incapables de travailler du fait de leur handicap. Jusqu'à présent, vous aviez fait la sourde oreille ; j'aime à croire que notre insistance au cours des deux lectures du projet de loi relatif au handicap au Sénat est pour quelque chose dans le pas que vous faites aujourd'hui. Mais ce ne peut être qu'un premier pas vers la mise en place d'un véritable dispositif de rattrapage.
En ce qui concerne le plan de création de places en établissements, soyons là aussi prudents, voire méfiants. Le plan se poursuit, en effet, mais d'ores et déjà, dans certaines régions comme la mienne, le nombre de places prévues est insuffisant.
Plus inquiétant est le fait que ce plan sera financé en quasi- totalité par la CNSA. Même notre rapporteur s'interroge sur l'opportunité et l'ampleur de ce report de charges de 690 millions d'euros. C'est plus que les capacités financières de la CNSA ! Associé à la sous- exécution chronique des contrats de plan Etat-région, c'est un signe supplémentaire du désengagement de l'Etat du champ social et médico-social.
Vous le savez, madame la secrétaire d'Etat, nombre d'associations s'inquiètent de l'évolution des concours de l'Etat au financement de ces établissements ; vous y avez déjà fait allusion.
La réforme n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2006 au plus tôt. En attendant, les instances actuelles doivent continuer de fonctionner. Les moyens des sites pour la vie autonome, les SVA, devraient être renforcés, la CNSA abondant à hauteur de 110 millions d'euros les fonds départementaux de compensation attachés à chaque site.
Il n'en est pas de même pour les COTOREP : en 2000, le ministère de l'emploi et de la solidarité avait mobilisé des moyens supplémentaires pour leur fonctionnement dans le cadre d'un plan triennal. Ce plan a été respecté en 2001 et 2002 mais pas en 2003, aucun crédit nouveau n'étant inscrit au budget ; il en a été de même en 2004 et il en sera ainsi en 2005. Il eût pourtant été intéressant de s'appuyer sur l'expérience de ces instances pour la mise en place des futures commissions des droits et de l'autonomie.
J'aurais bien d'autres questions à vous poser, madame la secrétaire d'Etat, mais cinq minutes me sont imparties et je ne voudrais pas dépasser mon temps de parole.
Finalement, ce budget a le même défaut que le projet de loi relatif au handicap : il est en complet décalage avec les annonces.
Il reste à espérer que la régulation budgétaire ne viendra pas aggraver les choses ; en 2003, 32 % des crédits d'équipement social à destination des personnes âgées ou handicapées ont été annulés.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. J'ai déjà répondu, monsieur le sénateur, concernant la situation des établissements. Toutefois, vous considérez que le budget 2005, tout comme le projet de loi - vous mettez tout cela « dans le même sac » - est en décalage avec les promesses présidentielles.
Je suppose, monsieur le sénateur, que vous ne vous étonnerez pas si je conteste votre jugement et si je vous donne des preuves.
Le Président de la République nous a demandé d'engager une réforme visant à la fois une approche individualisée et une politique volontariste d'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées répond, monsieur le sénateur, à ces deux objectifs.
D'abord, l'approche individualisée permet de prendre en compte le projet de vie de la personne handicapée. Il est précisément au coeur du projet de loi et la maison départementale du handicap en est en quelque sorte la cheville ouvrière. L'Etat ne se désengage pas, ni en 2005 ni au-delà.
En effet, en 2005, les moyens de fonctionnement des instances locales - les COTOREP, les CDES et les sites pour la vie autonome, les SVA - sont maintenus. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la solidarité, en 2005, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie participera à l'installation des maisons départementales du handicap à hauteur de 50 millions d'euros et anticipera la création de la prestation de compensation à hauteur de 280 millions d'euros.
Ensuite, la politique volontariste d'insertion professionnelle des personnes handicapées est mise en oeuvre. S'agissant de la volonté d'assurer une vie digne et autonome aux personnes handicapées, je ne sais qui fait « la sourde oreille », monsieur le sénateur ! Mais le projet de loi prévoit de nombreuses mesures qui sont précisément tournées vers l'emploi et l'insertion professionnelle des personnes handicapées, en milieu protégé comme en milieu ordinaire.
En permettant un meilleur cumul entre le revenu d'activité et l'AAH jusqu'à 1,3 SMIC et en instaurant la prestation de compensation, qui prend en charge les dépenses aujourd'hui assumées par la personne handicapée elle-même grâce à l'AAH, c'est-à-dire son revenu d'existence, le Gouvernement améliore de manière tout à fait considérable le pouvoir d'achat des personnes handicapées.
Consciente que toutes les personnes handicapées ne pourront bénéficier d'une intégration professionnelle, en raison de leur handicap, j'ai décidé de mettre à l'étude une garantie de ressources pour les personnes handicapées ne pouvant travailler et qui se cumulera avec l'AAH.
J'en viens à votre méfiance, voire à votre défiance, à l'égard du programme de créations de places en CAT ou en établissements, monsieur le sénateur. Là encore, je ne peux que vous rappeler que nous avons doublé le rythme de création de places depuis 2003. Actuellement, soixante places en CAT et cent places en établissements sont créées en moyenne chaque semaine. Cet effort sans précédent vise à rattraper le retard qu'a pris notre pays au cours des vingt dernières années.
Quant à l'évaluation et à la planification de l'offre au regard des besoins, j'ai déjà eu l'occasion de décrire le rôle déterminant que jouera la CNSA et la mission qui sera confiée aux préfets de région dans l'élaboration des programmes interdépartementaux pluriannuels, qui sont indispensables à une bonne équité de l'offre à l'échelon territorial.
Le Gouvernement affiche aujourd'hui un plan de financement à moyen terme qui garantit le maintien de l'effort de l'Etat. Ainsi, en 2007, les 690 millions d'euros nécessaires seront apportés à la fois par l'Etat et par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, à hauteur de 300 millions d'euros.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, permettez-moi d'affirmer que les promesses présidentielles sont bien tenues. Elles le sont dans l'esprit comme dans les faits !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous vérifierons ces points lors de l'examen du projet de loi en commission mixte paritaire.
Je prends acte de votre objectivité sur le nombre de places. Le problème se pose bien depuis vingt ans. En ce sens, il dépasse largement les clivages politiques, me semble-t-il.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Par ailleurs, concernant les ressources des personnes éligibles à l'AAH, nous attendons d'en savoir plus sur le dispositif en cours d'études que vous avez mentionné.
Cela étant, aujourd'hui, il nous est en permanence répondu que les exonérations dont bénéficient les personnes handicapées font approcher leur revenu disponible du SMIC. L'examen du projet de loi sera l'occasion, même si je n'en crois rien, de faire en sorte que cela soit le cas.
J'ai appris que, à l'issue des négociations avec les médecins, une enveloppe de 500 millions d'euros était prévue. Or la franchise de un euro par consultation rapportera 600 millions d'euros, ce qui entraînera sans doute un financement un peu dévoyé par rapport à ce qui était initialement prévu.
Pour que les ressources des personnes handicapées se rapprochent du niveau du SMIC, et puisque le projet de loi n'est pas encore adopté, sans doute est-il encore temps d'exonérer les personnes handicapées de cette franchise de un euro par consultation. Pour ma part, j'estime qu'il est préférable d'assurer aux personnes handicapées un revenu, quitte à ce que, comme tout citoyen, elles s'acquittent de toutes leurs charges. C'est cela l'égalité et la citoyenneté ! Mais si le Gouvernement opère le choix inverse, il faudrait à tout le moins, pour rétablir l'équilibre, que cette exonération soit introduite dans le projet de loi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite vous interroger sur les actions en faveur des personnes handicapées. Nous sommes là, en effet, au coeur même de l'action politique, qui doit consister, avant toute chose, à protéger le plus faible et à aider celui qui en a le plus besoin.
A l'inverse de mon collègue Jean-Pierre Godefroy, je tiens à saluer l'action continue du Président de la République qui, depuis son élection, a fait beaucoup pour la cause des personnes handicapées. Je tiens à saluer également, madame la secrétaire d'Etat, le travail que vous avez accompli depuis votre nomination, le 30 avril dernier : vous n'avez eu de cesse d'engager le dialogue avec tous les partenaires, des associations de personnes handicapées jusqu'au MEDEF, pour agir en faveur de ceux qui souffrent de handicaps.
Cette année, le budget de la ligne « personnes handicapées » passe de 6,171 milliards d'euros à 6,395 milliards d'euros, soit une progression de 3,6 %. Toutefois, l'effort de l'Etat ne se résume pas à ces seuls chiffres : les budgets du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, et du ministère des anciens combattants y contribuent respectivement à hauteur de 1,32 milliard d'euros et de 2,76 milliards d'euros. Il faut encore ajouter les dépenses fiscales, qui sont estimées à 850 millions d'euros.
Outre ces dépenses de l'Etat, il convient de prendre en compte celles des départements et des régimes de sécurité sociale. Au total, ce sont donc près de 29 milliards d'euros qui seront chaque année dépensés par la nation en faveur des personnes handicapées. Dans le contexte budgétaire difficile qui est le nôtre, le Gouvernement, on peut le dire, fait preuve d'une détermination sans faille dans ce domaine.
Je tiens à entrer, même brièvement, dans le détail de ce budget.
Les crédits destinés au financement des centres d'aide par le travail augmentent de 1,2 %. Néanmoins, l'effort le plus remarquable vient du fait que le nombre de places prévues en 2003 a doublé, passant de 1 500 à 3 000, et que 3 000 places nouvelles ont été crées en 2004.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui !
M. Christian Demuynck. Dans le cadre du plan pluriannuel 2005-2007 annoncé le 28 janvier dernier, la création de 3 000 nouvelles places est prévue en 2005, grâce au concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Le fonds interministériel d'accessibilité des immeubles administratifs aux handicapés sera, quant à lui, doté de 1,22 million d'euros en crédits de paiement et autorisations de programme.
Ces quelques exemples suffisent à montrer que, au-delà de la logique purement comptable, le projet de budget que vous nous présentez permet de résoudre des problèmes très concrets. Nous passons, en effet, d'une logique de moyens à une logique de résultats.
Madame la secrétaire d'Etat, en ce qui concerne les maisons départementales du handicap, qui auront l'immense avantage de simplifier l'accès aux différentes prestations, pouvez-vous estimer quand seront publiés les décrets d'application permettant leur mise en place ? Quand verront-elles effectivement le jour ? Dans l'intervalle, quel rôle joueront les COTOREP ?
En outre, puisque certains, sans doute mal informés, en doutent, pouvez-vous nous confirmer que l'augmentation du nombre de places dans les établissements médico-sociaux n'est pas la conséquence d'un quelconque redéploiement, mais qu'il s'agit bien de places nouvelles ?
Enfin, madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dévoiler les objectifs que vous vous êtes fixés d'ici à la fin de l'année 2005 et nous préciser sur quels critères vous comptez évaluer les conséquences positives de ce budget ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, si vous le permettez, je répondrai d'abord à votre dernière question, ce qui me donnera l'occasion de dresser un tableau d'ensemble des objectifs de la politique que je conduis au nom du Gouvernement.
Ces objectifs sont largement portés par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, que votre assemblée a examiné en deuxième lecture voilà quelques semaines. Comme son intitulé l'indique, ce texte s'inscrit clairement dans le champ de l'égalité de traitement entre personnes valides et personnes handicapées : égal accès à l'éducation, à l'emploi, à la culture, à la citoyenneté.
La volonté du Gouvernement est de garantir l'effectivité des droits de la personne handicapée. Aussi les droits nouveaux créés par le projet de loi bénéficient-ils des financements nécessaires à leur mise en oeuvre, ce point mérite d'être souligné. Cela se traduit par la création de la prestation de compensation, l'ouverture de nouvelles places en établissements et la mise en oeuvre du principe généralisé d'accessibilité.
Le projet de loi donnera enfin un contenu au droit à la compensation. La prestation de compensation, vous le savez, monsieur le sénateur, prendra en charge les aides humaines mais aussi les aides techniques et l'ensemble des autres aides indispensables à la vie quotidienne. Sa concrétisation nécessite tout d'abord un financement - la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie dégagera à cette fin 550 millions d'euros -, ensuite la mise en place de structures d'accueil et d'évaluation des personnes et d'attribution des droits.
Ainsi, et je réponds à vos questions, monsieur le sénateur, refondant l'ancienne CDES et COTOREP que nous connaissons aujourd'hui et conçue comme un véritable guichet unique, la maison départementale du handicap comprendra la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées au sein de laquelle une équipe pluridisciplinaire sera capable de réaliser l'évaluation des besoins de la personne handicapée. L'accompagnement global de cette dernière dans la réalisation de son projet de vie pourra donc faire l'objet d'une évaluation en termes de besoins.
Les textes réglementaires sont déjà en préparation, monsieur le sénateur. J'ai tenu à ce que cela soit fait en même temps que l'élaboration du projet de loi. L'installation des maisons départementales du handicap est attendue pour le premier semestre de l'année 2005 et tout devra être en ordre de marche au 1er janvier 2006.
Par ailleurs, l'intégration de droit commun ne doit pas être exclusive des solutions spécifiques aux besoins de certaines personnes handicapées. Le programme de création de places en établissements et services se réalise selon le calendrier annoncé. Je l'ai précisé il y a un instant à Jean-Pierre Godefroy : la capacité d'accueil des enfants est doublée, celle des adultes est triplée et le nombre de places en CAT augmente de 75 % sur cette période ; au total, 40 000 places supplémentaires sont créées pour les personnes handicapées. Chaque semaine sont ouvertes soixante places en CAT et cent places en établissements.
Enfin, sur la question des ressources des personnes handicapées, vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le Gouvernement conduit avec les associations une réflexion approfondie. Cela se traduira, pour les personnes qui peuvent travailler, par un meilleur cumul de l'AAH et du revenu d'activité ; pour les autres, par une compensation dans l'ordre des ressources.
Il s'agit de ne pas établir de corrélation dans ce projet de loi entre handicap et minimum social. Dans notre pays, nous devons plus aux personnes handicapées en termes de compensation. Je tiens à rappeler que le principe de la revalorisation régulière de l'AAH a été entériné par le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, puisqu'il sera bientôt inscrit dans la loi.
Je ne reviens pas sur la question de l'accessibilité généralisée en milieu scolaire, en milieu ordinaire, dans l'ensemble des infrastructures de vie, comme dans le monde du travail.
Je terminerai en revanche, monsieur le sénateur, sur la logique de résultats que renforcera la loi organique relative aux lois de finances : elle permettra de mettre en synergie les 29 milliards d'euros que vous avez cités et qui seront présentés autour du programme « handicap et dépendance ». Nous serons alors à même de mesurer de manière extrêmement précise les résultats en termes de réalisation des objectifs.
Il s'agit d'abord de l'accroissement du taux de placement et d'orientation. Aujourd'hui, une décision de placement sur deux n'est pas suivie d'effet. Cela est tout à fait anormal et ne doit plus être.
Il s'agit ensuite de la baisse du taux de chômage des personnes handicapées dans notre pays sur laquelle je me suis engagée.
Il s'agit enfin de la réduction des disparités territoriales dans l'offre médico-sociale au regard des besoins des personnes handicapées.
J'espère, monsieur le sénateur, avoir répondu à l'ensemble de vos questions.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de vos réponses, qui répondent tout à fait à mes attentes.
Je veux cependant attirer votre attention sur un point particulier. Les associations s'occupant de handicapés s'émeuvent de l'adoption d'un amendement, voté d'ailleurs au Sénat, accordant une exonération d'impôt de 75 % des dons aux associations alimentaires telles que les Restos du Coeur alors qu'elles-mêmes ne bénéficient d'une déduction qu'à hauteur de 60 %. J'aimerais que cette question soit réglée.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Depuis quelques mois, le Gouvernement a largement théorisé son virage social. Il en a fait son objectif politique en annonçant d'importants moyens pour l'amélioration de ce qu'il appelle la « cohésion sociale ». Soucieux d'une information transparente de nos concitoyens, j'ai été amené à me poser une simple question : le projet de budget qui nous est présenté dégage-t-il des moyens significatifs pour améliorer l'emploi et pour diminuer la précarité ?
Ma première surprise a été de constater que les budgets sociaux, celui du « social institutionnel » de M. Philippe Douste-Blazy et celui du « social communicationnel » de M. Jean-Louis Borloo, c'est-à-dire les crédits cumulés des deux ministères que vous représentez, monsieur, mesdames les ministre, ne progressent quasiment pas. Le tournant social de l'action gouvernementale se caractérise ainsi, à périmètre constant, par 0,4 % de moyens nouveaux, avec légèrement plus de 50 milliards d'euros de crédits, soit un rythme de progression nettement inférieur à celui de l'inflation. Nous sommes donc loin du compte, d'une manière générale, puisque les dépenses de solidarité au sens large ne connaissent aucune hausse significative.
Les crédits affectés à la politique de l'emploi connaissent un sort presque comparable puisqu'ils ne progressent que de l, 8 %, hausse comparable à celle des prix. L'essentiel de cette augmentation renvoie non pas à des dépenses actives et volontaristes, mais à l'extension du champ des exonérations de cotisations sociales dans les zones franches ou dans le secteur de la restauration.
Pour ce qui concerne l'emploi, dans son rapport pour avis notre collègue Louis Souvet insiste à juste titre sur la baisse de 11,5 % des crédits destinés aux emplois aidés, qui passeraient de 4,01 milliards d'euros en 2004 à 3,54 milliards d'euros en 2005. Cette baisse correspond à la fonte des moyens de trois grandes catégories de contrats aidés : le revenu minimum d'activité, le RMA, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas couronné de succès, le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, quasiment rayé de la carte après deux ans d'existence, et les emplois-jeunes dont la dotation est réduite de près de 600 millions d'euros marquant ainsi l'avancée progressive vers l'extinction complète du dispositif. Dès lors, il y aura moins d'argent pour les emplois aidés en 2005.
Dans la logique de simplification du plan Borloo, les CES, CEC, CIVIS, SIFE et SAE sont appelés à disparaître au profit de deux contrats nouveaux, à savoir le contrat d'accompagnement dans l'emploi et le contrat d'avenir. Dans le même temps, les contrats initiative-emploi et le RMA marchand seront relancés, complétés et rénovés.
Un double mystère demeure : comment faire autant de contrats aidés en 2004 et en 2005 avec moins de moyens ? Comment faire baisser le chômage en 2005, comme s'y est engagé encore cette année M. le Premier ministre, sans moyens plus importants ? Derrière les fusions de contrats et le dispositif peu lisible des enveloppes uniques régionales se cachent en réalité d'évidents renoncements.
Les maisons de l'emploi, pour lesquelles sont prévus 120 millions d'euros de crédits en 2005, méritent d'être définies rapidement. On parle de recrutements par le biais de contrats nouveaux et d'aides aux investissements : qui signera ces contrats et qui supportera ces investissements ?
Pour ce qui concerne le logement social, j'ai lu dans un dossier de presse fort bien fourni que 500 000 logements sociaux seraient bâtis d'ici à 2009. Après deux années consécutives de baisse des moyens du logement social, la tendance va devoir être radicalement inversée. Il en va de même pour les allocations logement, qui mériteraient d'être revalorisées, comme c'est désormais le cas pour l'impôt sur la fortune, afin de tenir compte de l'évolution du coût de la vie.
Ma crainte concerne aussi la progression des dépenses d'insertion des conseils généraux. Effectivement, en 2005 le montant des dépenses d'insertion sera plus élevé, pour la simple et bonne raison que les bénéficiaires du RMI sont plus nombreux et que les dépenses du fonds départemental d'insertion sont indexées sur les dépenses engagées au titre du RMI l'année précédente. Les 11 millions d'euros supplémentaires annoncés pour les fonds départementaux d'insertion viseront-ils à pallier ce fossé budgétaire produit par la décentralisation ?
Ma question sera simple. Sur les 12,8 milliards d'euros annoncés sur cinq ans, 1,12 milliard d'euros, soit 9 % du total, étaient prévus pour 2005 : est-il possible d'en avoir le détail ? En effet, hormis quelques crédits nouveaux consacrés à l'aide sociale d'urgence et de nouvelles exonérations de charges, la répartition des crédits du plan est marquée par un flou inquiétant.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, sur les 1,15 milliard d'euros que vous avez évoqués, 827 millions d'euros seront consacrés aux politiques de l'emploi et lorsque M. Larcher viendra présenter son budget, je ne doute pas qu'il vous apportera des précisions. Par ailleurs, 150 millions d'euros seront affectés aux politiques du logement, somme que M. Daubresse évoquera lorsqu'il viendra également vous présenter son budget.
Pour ce qui relève de ma compétence, 77 millions d'euros seront destinés à consolider l'offre d'hébergement et d'insertion. Sont prévues 800 places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale, 2 000 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile et 1 000 places en maisons relais.
Par ailleurs, 62 millions d'euros seront consacrés à l'instauration des dispositifs de réussite éducative en faveur des adolescents et des enfants en difficulté ; 10 millions d'euros permettront de financer le programme « restaurer le lien social » qui vise à assurer la mise en place de vingt à trente guichets uniques sociaux et d'une centaine de points d'accueil et d'écoute pour les jeunes et à permettre de mettre en place les chartes territoriales.
Enfin, 20 millions d'euros seront destinés au programme des populations immigrées pour financer les formations linguistiques et civiques liées au contrat d'accueil et d'intégration.
Monsieur le sénateur, je vous précise qu'il s'agit bien de moyens supplémentaires qui s'ajoutent aux crédits consolidés en base sur la durée du plan de cohésion sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, je prends note de votre réponse. Nous serons attentifs aux interventions de vos collègues qui viendront nous présenter leur budget.
Cependant, vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question concernant les contrats aidés. Les moyens qui leur sont affectés sont-ils nouveaux ou avez-vous dispatché des crédits anciens ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.
M. Jean-Claude Etienne. Je souhaite aborder trois points.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je vous félicite d'avoir, pour la première fois, adossé la prise en charge des pathologies liées au vieillissement au domaine de la prévention. Cela donne de la clarté, ce qui est très important.
Ensuite, dans le domaine de la veille sanitaire, la semaine dernière, l'Office parlementaire des choix scientifiques et techniques, de même que l'Institut Pasteur, a constaté que l'opinion publique devait être rassurée ou pour le moins informée objectivement au sujet des épidémies, notamment de grippe aviaire. Chaque année, 30 000 décès résultent de maladies infectieuses dont 10 000 sont dues au pneumocoque, à cause de la bronchiolite, par exemple. Une vaccination serait possible. Qu'en est-il, monsieur le ministre ?
Enfin, la mnémographie médicale, même si elle constitue un progrès, n'est qu'une mesure d'appoint. Monsieur le ministre, vous avez appréhendé positivement la télémédecine, puisqu'elle est maintenant inscrite dans la loi. Comment sera-t-elle financée ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur le sénateur, pour ce qui concerne la grippe aviaire, le Gouvernement souhaite qu'un vaccin soit trouvé. Mais, pour cela, encore faut-il avoir détecté le virus responsable de la contamination interhumaine. Espérons qu'un tel virus n'existe pas, sinon, cela signifierait qu'il y a modification et adaptation génétique. Dans ce cas, la recherche demanderait quatre à six mois. Pour l'instant, nous disposons de 12 ou 13 millions de doses de Tamiflu pour pouvoir faire face.
Par ailleurs, en France, 850 000 personnes sont aujourd'hui atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Le plan Alzheimer est articulé autour de dix objectifs dont les principaux sont les suivants : identifier les premiers symptômes, orienter vers un système de soins, structurer l'accès à un diagnostic de qualité, préserver la dignité des personnes, soutenir et informer la personne malade et sa famille. Le dernier volet du programme d'action concerne les études et la recherche clinique.
Un budget total de 104,5 millions d'euros sera affecté à ce plan sur trois ans. Sur cette somme, 15 millions d'euros seront consacrés au renforcement et au développement des consultations « mémoire » et 88 millions d'euros seront affectés aux structures médicosociales pour le financement des hébergements temporaires et de l'accueil de jour. La somme restante, qui s'élève à 1,5 million d'euros, servira à diffuser deux guides de bonnes pratiques en EPHAD, à répondre et soutenir les patients et leurs familles - la téléphonie sociale -, à développer des formations pour les professionnels, à prévenir la iatrogénie en matière de médicament, enfin, à tenir un colloque sur les problèmes éthiques.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : II.- Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale.
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, qui est également médecin. Elle concerne la prise en charge des traitements de prévention de l'ostéoporose.
L'ostéoporose est, vous le savez tous, une maladie diffuse du squelette, caractérisée par une perte de la masse osseuse se traduisant par des fractures. On dénombre chaque année 45 000 fractures de la hanche, 55 000 fractures du poignet, 60 000 fractures vertébrales, dont la moitié pourrait être évitée grâce à des traitements anti-fracturaires efficaces. Leur fréquence augmentant avec l'âge, elles ont un effet majeur sur la santé de la population française après cinquante ans.
Nombre des personnes ayant eu une fracture doivent être placées en institutions, et beaucoup de celles qui rentrent chez elles ne retrouvent pas le niveau de capacités fonctionnelles qui était le leur avant leur accident. On constate également un taux de mortalité significatif.
Par ailleurs, ces fractures imposent une lourde charge financière au système de santé en termes d'hospitalisation, de réadaptation et de soins à domicile.
En France, la dernière enquête réalisée sur les coûts médicaux directs liés à l'ostéoporose post-ménopausique estimait que ceux-ci s'élevaient à près de 800 millions d'euros. Quant aux coûts liés à l'ostéoporose masculine, ils atteindraient 200 millions d'euros. L'objectif n° 2 de la loi relative à la politique de santé publique est de diminuer de 10 % d'ici à 2008 le nombre de fractures de la hanche d'origine ostéoporotique.
En outre, dans son rapport sur le traitement médicamenteux de l'ostéoporose post-ménopausique de juin 2004, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, souligne l'intérêt de proposer un traitement dans le cas où, en raison de facteurs de risque d'ostéoporose connus, une densitométrie osseuse a été prescrite et a révélé une ostéoporose. Or, actuellement, les remboursements par l'assurance maladie d'une densitométrie osseuse et du traitement de l'ostéoporose avérée requièrent la présence d'une fracture contemporaine ou antérieure. Sans cette fracture, ni le dépistage ni les traitements de prévention, dont l'efficacité est pourtant reconnue, ne sont pris en charge.
Il semblerait logique, compte tenu de l'objectif de santé publique affiché, que le traitement soit pris en charge dans un but de prévention, de façon encadrée, même en l'absence de fracture.
Monsieur le ministre, le Gouvernement n'a eu de cesse de souligner depuis plus de deux ans la nécessité de mettre en place une médecine de prévention, parallèlement à une médecine curative, où la France excelle.
Je souhaiterais donc savoir quelles initiatives vous entendez prendre afin que soient mieux remboursés les densitométries osseuses et les traitements médicamenteux de prévention de l'ostéoporose.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il est vrai que la fracture du col du fémur est aujourd'hui la fracture la plus fréquente chez l'homme et chez la femme, en particulier chez les personnes âgées.
Il est vrai également que l'on constate une surmortalité, qui est multipliée par quinze le mois suivant la fracture et par sept le mois suivant. Le taux de mortalité est en effet estimé entre 12 % et 20 %, ce qui est important. Il ne faut donc pas considérer que ce n'est rien.
Tout doit évidemment être mis en place afin que les malades soient opérés dans de bonnes conditions et le plus rapidement possible, mais le mieux reste la prévention.
L'objectif de la loi relative à la politique de santé publique, que nous avons votée au mois d'août dernier, est de prévenir les chutes des personnes âgées et d'estimer le risque fracturaire.
Votre question, monsieur le sénateur, porte sur l'ostéodensitométrie. La moitié des médecins pense que celle-ci ne sert à rien ; l'autre, qu'elle est utile !
C'est la raison pour laquelle nous avons créé la Haute Autorité de santé, qui sera effective le 1er janvier 2005. Ses huit membres seront nommés prochainement. Deux d'entre eux le seront par le Président de la République, deux par le président du Sénat, deux par le président de l'Assemblée nationale et deux par le président du Conseil économique et social. Je demanderai alors à la Haute Autorité de se prononcer sur l'efficacité des différents traitements et surtout sur l'utilité des actes médicaux. Et je vous répondrai dès qu'elle m'aura fait part de ses conclusions, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la famille, qui, j'en suis certain, y prêtera une écoute plus attentive que son prédécesseur immédiat !
Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, l'Etat a donné de nouvelles orientations à sa politique familiale et d'aide à l'intégration des femmes dans le monde professionnel. Il a confié à la Caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF, la mission d'accompagner les collectivités locales et les entreprises dans le développement de l'accueil des jeunes enfants de zéro à trois ans. Il légifère actuellement pour créer un véritable statut des assistantes maternelles libérales.
Cette double orientation aboutira aux résultats suivants.
Tout d'abord, les collectivités locales développeront des formules de multi-accueil collectif afin de recevoir les enfants soit de façon régulière, à temps complet ou à temps partiel, soit de manière occasionnelle.
Ensuite, les assistantes maternelles libérales prendront en charge des enfants dont les deux parents travaillent à temps complet et peuvent payer une garde d'enfant à plein tarif.
Enfin, des entreprises se positionnent sur un nouveau marché, celui de la création et de la gestion de structures d'accueil des jeunes enfants de zéro à trois ans. La CNAF finance tous les projets de la même façon, en investissement et en fonctionnement, qu'ils émanent d'une collectivité, d'une association ou d'une société privée.
Cette politique à moyen terme pose deux types de problèmes aux collectivités locales.
En premier lieu, la création des relais d'assistantes maternelles libérales pour accompagner ces professionnels sur tout le territoire national conduira à la fermeture de nombreuses crèches familiales communales. Dans ces dernières, les assistantes maternelles gardent moins d'enfants que les assistantes maternelles libérales et ont des revenus inférieurs.
En second lieu, les structures d'accueil collectif des collectivités locales, où le montant de la participation des parents aux frais d'accueil est calculé sur les ressources du foyer, vont devoir accueillir encore davantage les enfants des familles qui n'ont pas les moyens de payer un assistant maternel libéral ou une aide à domicile.
Les collectivités locales sont prêtes à remplir ce rôle social d'accueil dans les structures qu'elles ont créées et qu'elles financent, à condition que les règles du jeu en matière de financement par la CNAF soient revues.
Or, la réforme programmée par la CNAF de la prestation de service unique, la PSU, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain, n'est pas adaptée aux modes de fonctionnement actuel et futur des structures d'accueil des jeunes enfants de zéro à trois ans.
Au 1er janvier prochain, la prestation de service unique deviendra le mode de relation conventionnel entre les collectivités locales et la CNAF.
La réforme de la prestation de service unique vise à rendre plus lisibles les financements de la CNAF et à simplifier les démarches des utilisateurs.
Tous les types de structure de la petite enfance sont concernés, que ce soient les crèches familiales, les haltes-garderies ou les centres multi-accueil.
La participation financière des familles sera calculée sur le fondement d'une tarification dans laquelle l'heure devient l'unité de référence pour tous les types d'accueil.
Un engagement contractuel sera formalisé pour l'année entre la structure d'accueil et la famille, qui paiera en fonction de son utilisation. Cela obligera chaque utilisateur à prévoir et à planifier ses besoins annuels en mode de garde.
Ainsi, à partir du 1er janvier prochain, toutes les structures de petite enfance devront organiser un accueil « à la carte ».
De ce fait, si la PSU permet a priori une meilleure adaptation des structures aux besoins des familles, cette réforme pose un problème financier majeur aux collectivités territoriales.
Optimiser l'utilisation des structures d'accueil nécessite de pouvoir maintenir les taux d'occupation des crèches. Pour cela, une parfaite adéquation entre les horaires de garde des structures d'accueil et les besoins réels des parents sera nécessaire. Or ceux-ci pourront être modifiés en permanence sur simple information des familles.
Il paraît presque impossible, dans ces conditions, de maintenir le taux d'occupation actuel des crèches. Il en résultera donc mécaniquement une baisse de l'activité des structures d'accueil, alors même que les personnels, eux, seront toujours présents, d'où une augmentation pour la collectivité des charges liées à la petite enfance, la PSU ne prenant en compte que les temps où les enfants sont présents, et non plus le temps d'ouverture de la structure.
Ce nouveau mode de fonctionnement entraînera par ailleurs, pour les services de la petite enfance, une forte augmentation de l'activité administrative, car chaque famille sera signataire d'un contrat d'utilisation individualisé et destinataire d'une facturation spécifique.
La CNAF s'est engagée à maintenir pendant trois ans les recettes des collectivités locales, afin que celles-ci intègrent progressivement la réforme. Cette garantie s'opérera cependant sur le fondement d'une activité constante, qui, nous l'avons vue, sera extrêmement difficile à maintenir.
Enfin, on peut également s'interroger sur la place qui sera laissée aux enfants dans cette nouvelle organisation, les familles risquant en effet de calculer au plus juste le temps de garde au détriment des temps d'échanges avec les professionnels.
Monsieur le ministre, les structures d'accueil de la petite enfance qui se sont développées sur l'initiative des collectivités territoriales sont unanimement reconnues comme étant les plus performantes en Europe. La réforme engagée de façon unilatérale par la CNAF, organisme paritaire national doté d'un pouvoir réglementaire qui s'impose aux collectivités territoriales, risque de mettre à mal la qualité du service public, de mettre en cause la politique familiale des communes, d'accroître lourdement le budget enfance de ces collectivités, tout en creusant les inégalités entre les familles en fonction de leurs revenus.
A l'heure actuelle, du fait de la menace qui pèse sur elles à court terme, les communes, tout en protestant contre cette réforme, tentent d'en contourner l'application en mettant en oeuvre des systèmes de calcul qu'elles empruntent aux plus habiles. Mais il ne s'agit là que d'un pis-aller provisoire.
Une révision de la réforme qui s'imposera le 1er janvier prochain est urgente, et c'est à l'autorité de tutelle de la CNAF, c'est-à-dire l'Etat, et donc le Gouvernement, de l'imposer afin de revenir à un mode de calcul respectueux du rythme de vie des familles et de la qualité du service public local.
Un tel dysfonctionnement pose la question de la légitimité d'un organisme qui, au nom d'un pouvoir financier qu'il détient de l'Etat, va à contre-courant des politiques publiques d'accueil de la petite enfance que les collectivités territoriales ont définies, mises en place et financées majoritairement et dont elles assument la responsabilité face aux usagers et aux personnels.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, que devront faire les maires le 1er janvier 2005 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur le sénateur, vous soulevez la question de la prestation de service unique.
Depuis le 1er janvier 2002, cette prestation servie par les CAF est applicable à tous les établissements relevant du décret du 1er août 2000, quel que soit d'ailleurs le type d'accueil effectué.
Sur le plan philosophique, la réforme visait à revaloriser les prestations accordées aux haltes-garderies, à soutenir le multiaccueil et à faire fonctionner la mixité sociale.
Les objectifs de cette réforme ont été matérialisés dans l'article 8 de la convention d'objectifs et de gestion, couvrant la période 2001-2004, signée entre l'Etat et la CNAF.
Les modalités de mise en oeuvre ont, quant à elles, donné lieu à une phase importante de concertation, organisée dans le cadre de groupes de travail qui regroupaient la CNAF et l'ensemble des partenaires nationaux du secteur de la petite enfance.
A la suite de ces travaux, la CNAF a dégagé une première série de mesures pour tenter de résoudre les difficultés financières constatées, mesures portées à la connaissance de l'ensemble de son réseau par circulaire du 29 décembre 2003.
Ces mesures portaient essentiellement sur les éléments suivants : la conclusion avec les gestionnaires d'un contrat d'objectifs de passage à la prestation de service unique d'une durée de trois ans renouvelable afin de pérenniser le montant des financements acquis antérieurement à la mise en oeuvre de cette prestation ; la prise en charge financière de trois heures de concertation et d'accompagnement, par place et par an, pour financer une partie du travail des professionnels qui n'était pas pris en compte par le calcul horaire de la prestation de service ; la possibilité de réservation par plages horaires pour certaines places d'accueil et non plus uniquement par heure ; enfin, la possibilité de financer le recours à des logiciels de gestion pour la comptabilisation des heures d'accueil.
Cette démarche d'amélioration de la prestation de service par la prise en compte des réalités de terrain est au centre des préoccupations de la CNAF, qui a mis en place un comité partenarial de la petite enfance auquel l'Etat est associé.
Il va de soi que, si les difficultés venaient à persister malgré les aménagements apportés, le dispositif mis en place serait amendé en tant que de besoin. Tel est l'engagement que l'Etat envisage de demander à la CNAF de souscrire dans le cadre des négociations de la future convention d'objectifs et de gestion pour la période 2005-2008.
Qui plus est, l'Etat, soucieux de répondre aux souhaits que vous exprimez, ne manquera pas de proposer les amendements nécessaires pour permettre une meilleure adéquation des services aux besoins des familles, une amélioration des taux d'occupation et, enfin, le fonctionnement des structures dans de bonnes conditions financières.
Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je suis en mesure de vous donner ; je tiens en outre à vous dire que je vais personnellement m'occuper de ce dossier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je veux simplement insister sur le fait que le problème se pose en ce moment même.
Tous les conseils municipaux délibèrent en effet actuellement pour mettre en oeuvre les nouvelles tarifications,...
M. Hugues Portelli. ...et la CNAF exige de façon pressante la signature de conventions.
Certes, il est possible de signer des conventions de tarifs provisoires, mais ensuite il faudra négocier. Or, vous savez que, telle qu'elle est aujourd'hui structurée, l'organisation laisse aux CAF départementales une très large autonomie.
Ainsi, dans le département dont je suis l'un des représentants, le dialogue qui est prôné et auquel vous faisiez allusion n'existe pas : il est remplacé par des déclarations à caractère unilatéral, assorties de menaces portant sur les autres types de financement, que la CAF accorde d'ailleurs de façon de plus en plus parcimonieuse et sélective, qu'il s'agisse de dépenses de fonctionnement ou de dépenses d'investissement.
Je peux vous dire que le sport auquel se livrent actuellement les maires consiste à contacter tous leurs homologues de France et de Navarre pour savoir s'ils ont trouvé des moyens de contourner les règles de la CNAF, par exemple en calculant en journées les prestations que la CNAF veut calculer en heures !
Je ne citerai pas les noms des recordmen dans cette nouvelle discipline. On les trouve plutôt dans l'ouest de la France, mais, où qu'ils soient, tout dépend de la bonne volonté de leurs interlocuteurs paritaires. Lorsqu'ils ont la chance d'avoir des interlocuteurs, les choses se passent relativement bien ; lorsque ce n'est pas le cas, comme dans mon département, c'est beaucoup plus difficile, et je suis certain, monsieur le ministre, que vous serez amené à revoir la copie !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : II.- Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale.
État b
Titre III : 900 396 487 €.
M. le président. L'amendement n° II-9, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Réduire ces crédits de 100 000 €.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Le présent amendement, adopté à l'unanimité par la commission des finances sur l'initiative de M. Michel Charasse, a pour objet de réduire de 100 000 euros les crédits accordés au Défenseur des enfants.
La commission a longuement débattu des observations faites par la Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, dans son rapport annuel d'activité pour 2004, rapport qui a suscité de vives réserves de la part de beaucoup de nos collègues. Je me contenterai ici d'en rappeler les grandes lignes.
D'abord, tout en indiquant que la politique de l'enfance menée par les départements est bien souvent remarquable et que la décentralisation a sans doute dynamisé cette politique, Mme Brisset estime que, dans certains départements, la politique de l'enfance ne se voit pas accorder la priorité politique qu'elle mérite et elle précise que le contrôle exercé par les élus du conseil général est lui aussi marqué d'une très grande hétérogénéité.
Ensuite, Mme Brisset relève les difficultés de coordination entre les actions du ressort de l'Etat et les actions du ressort du département ; elle regrette que l'Etat n'ait plus les moyens d'exprimer et de faire appliquer les options qu'il définit dans le domaine de l'enfance.
Par ailleurs, Mme Brisset estime que le Parlement devrait recevoir des départements une analyse de leur action dans le domaine de l'enfance et propose qu'une analyse chiffrée et qualitative de leur activité à cet égard figure chaque année en annexe de la loi de finances.
Enfin, Mme Brisset plaide en faveur de la mise en place d'un outil d'audit et de coordination des politiques départementales de l'enfance, estimant que cette mission devrait être confiée au Défenseur des enfants, ce qui nécessiterait une modification législative et, bien évidemment, un accroissement très important des moyens humains et matériels dont dispose l'institution.
Ces différentes mesures viseraient, selon elle, à établir un minimum d'égalité devant la loi et à faire réapparaître une cohérence qui n'aurait jamais dû disparaître.
La commission des finances s'est montrée réservée à l'égard de ces propositions et a examiné avec soins les moyens dont disposait le Défenseur des enfants.
Elle a ainsi pu constater, d'après les chiffres communiqués par Mme Brisset elle-même, que le Défenseur des enfants avait reçu en 2004 une somme de 115 000 euros destinée à faire face à des frais d'installation sur un nouveau site, dotation qui ne paraît pas devoir être reconduite chaque année.
C'est pourquoi la commission des finances propose une réduction des crédits de 100 000 euros, réduction modeste puisque cette somme est donc inférieure à celle qui a été dédiée en 2004 à l'installation sur un nouveau site. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Cela va être difficile ! (Sourires.)
J'ai conscience que, en demandant la réduction de l'effort budgétaire, la commission des finances soulève la question du rôle du Défenseur des enfants et de l'orientation des constats qu'il est amené à faire. Je sais en particulier que le rapport annuel pour 2004 a soulevé un certain nombre de critiques de votre part, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je tiens à vous dire que la politique de la famille que le Gouvernement conduit ne tire pas son inspiration des seules propositions de cette autorité administrative indépendante, même si certaines d'entre elles méritent attention.
Comme vous le savez, lundi dernier, le Président de la République et le Premier ministre m'ont fait l'honneur de me confier la mission de conduire cette politique au sein du Gouvernement. Je souhaite m'y investir pleinement, en liaison étroite avec la CNAF et le milieu associatif.
J'entends donner immédiatement suite aux démarches engagées par Mme Roig, à qui je tiens à rendre hommage pour la détermination avec laquelle elle a mis en place des actions qui traduise notre ambition. Je recevrai en particulier dans les tout prochains jours les animateurs de la préparation de la conférence de la famille de manière à engager les travaux sans perdre de temps.
Dans ce contexte, mesdames, messieurs les sénateurs, je considère le rapport de la Défenseure des enfants comme une contribution qu'il convient, par définition, d'analyser et d'étudier.
En première analyse, monsieur le rapporteur spécial, j'estime que certains points de ce rapport méritent d'être approfondis. J'en citerai un à titre d'exemple.
Il est proposé que les départements rendent compte chaque année, en annexe de la loi de finances, de la mise en oeuvre de leurs compétences décentralisées.
Je rends hommage, monsieur le rapporteur spécial, aux conseils généraux pour le travail - considérable, on ne le dit pas assez - qu'ils accomplissent dans le domaine de l'enfance, mais, dans le même temps, j'ai le sentiment que ce n'est pas faire injure aux efforts accomplis par les départements dans ce domaine que d'estimer qu'une telle mesure pourrait être utile.
Cette proposition se rapproche en effet de demandes plus générales qui visent à une meilleure information sur les politiques de la santé, sur l'offre de soins et sur la solidarité, c'est-à-dire sur l'effort de la nation prise dans son ensemble, Etat, collectivités territoriales, sécurité sociale.
En termes de politique de la famille, une telle annexe mettrait en évidence l'effort important des conseils généraux, même si des disparités existent vraisemblablement entre départements.
En conclusion, je tiens à dire que, sous réserve du bon exercice du rôle qui lui est dévolu, la Défenseure des enfants apporte des éléments de réflexion stimulant dans le débat sur le perfectionnement de notre politique de la famille. Je ne pense pas que Mme Claire Brisset ait voulu dire du mal des conseils généraux, et je considère qu'il y a des éléments positifs dans ses observations.
J'ai bien compris que la somme de 100 000 euros correspondait à des crédits d'installation dont on peut en effet se demander s'ils doivent être reconduits. Dans le même temps, la charge de travail du Défenseur des enfants a augmenté...
Dans ces conditions, et eu égard à la gravité des problèmes auxquels sont confrontés de nombreux enfants aujourd'hui, tout en saluant de nouveau le travail des conseils généraux, je vous demande, au nom du Gouvernement, de bien vouloir retirer l'amendement, monsieur le rapporteur spécial.
M. le président. L'amendement est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, vous avez bien compris que la proposition de la commission des finances était symbolique, et vous avez relevé que c'est à l'unanimité que cette dernière s'est prononcée dans le sens d'une restriction à hauteur de 100 000 euros des crédits.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je vous remercie des paroles reconnaissantes que vous venez de prononcer à l'endroit des conseils généraux, qui, en matière de politique familiale et d'aide sociale à l'enfance, accomplissent au quotidien des tâches, sans doute discrètes et humbles mais qui vont à l'essentiel, dans des conditions extrêmement difficiles.
Je comprends bien qu'il faille s'efforcer de porter une appréciation sur ce qui s'accomplit ici et là, mais je veux vous rendre attentif au fait que la décentralisation ne saurait se résumer à de la simple sous-traitance.
Autrement dit, si l'Etat estime que la politique familiale est de sa responsabilité, qu'il l'assume et se dote des moyens de la conduire ; mais, dès lors que l'on demande à des collectivités territoriales d'accomplir une mission, on doit leur reconnaître la responsabilité de trouver les voies et moyens nécessaires pour les remplir.
La vigilance est nécessaire, bien sûr, mais je ferai observer que, pour porter un oeil exigeant sur l'action des conseils généraux, il y a, placés auprès du préfet dans chaque département, les services départementaux de la direction des affaires sanitaires et sociales. Je voudrais, monsieur le ministre, vous rendre attentif au fait que ces derniers ne disposent peut-être pas toujours des moyens dont ils auraient besoin pour accomplir leur tâche.
Il est trop simple de multiplier, dans notre République, les lieux d'observation et les hautes autorités - j'aurai tout à l'heure l'occasion de revenir sur l'une d'entre elles, qui est de création toute récente -, ou de créer un poste de Défenseur des enfants.
Que les médias se fassent l'écho de difficultés et que l'affaire agite l'opinion publique à l'échelle nationale, le politique réagit en créant une nouvelle institution ! C'est malheureusement parfois à la lisière de la gesticulation.
M. Jean-Louis Carrère. C'est de la gesticulation, de la gesticulation « à la Sarkozy » !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je veux donc mettre le Gouvernement en garde contre ce type de réaction, car les lendemains sont finalement assez décevants.
Dans le cas particulier, je rappelle que les départements doivent notamment faire face à la prise en charge des enfants étrangers. Sans doute parce que l'Etat ne parvient pas à contrôler les flux migratoires, parce que le recours à la demande d'asile est systématique, parce que l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a besoin de temps pour examiner les demandes, parce qu'en cas de refus il y a des commissions de recours et parce que les opérations de reconduite à la frontière ne sont pas suivies de succès - je n'ai en tout cas pas mémoire d'un seul exemple pour le département que je connais bien - , c'est de plus en plus difficile.
Nous nous trouvons là face à un véritable dysfonctionnement de l'Etat. Il suffit qu'un jeune étranger erre sans papiers dans les rues du chef-lieu de département, et qu'il se proclame mineur, pour que le juge le place sous la responsabilité du conseil général, lequel devra débourser pour son accueil en foyer entre 150 euros et 200 euros par jour. Comprenez donc bien que les conseils généraux sont confrontés à de réelles difficultés.
Nous ne sommes pas là pour remettre en cause Mme Claire Brisset, Défenseure des enfants, et, je l'admets, les observations critiques sont utiles ; vous-même, monsieur le ministre, avez indiqué que c'était stimulant.
Dans le cas particulier, la commission des finances entend exercer sa vigilance et souhaite que l'examen des fascicules budgétaires ne se réduise pas à une simple litanie, liturgie, léthargie, exercice dont on verrait vite les limites. J'ajoute que nous devons nous préparer aux nouvelles modalités de discussion des lois de finances, qui, sous l'empire de la loi organique sur les lois de finances, entreront en application à l'automne 2005.
Une somme de 100 000 euros, c'est bien peu, d'autant que seule une fraction des crédits prévus pour le changement de site aurait été consommée et que le solde aurait servi à créer des postes. Nous vous savons, monsieur, mesdames les ministres, trop attentifs au nécessaire contrôle des créations de poste pour rester insensibles à cet argument. Dans quelques jours, nous aurons d'ailleurs à nous prononcer sur un projet de loi organique sur les lois de finances, venant modifier à la marge la loi organique du 1er août 2001, dans lequel nos collègues députés ont prévu un strict contrôle des créations de poste financées non seulement par l'Etat dans les différents ministères mais également par des fonds publics d'Etat dans des organismes périphériques.
Le cas qui nous intéresse me fournit donc l'occasion de souhaiter que nous puissions évoquer avec la Défenseure des enfants, qui, dès le début de l'année 2005, aura toute latitude pour venir s'exprimer devant la commission des finances, les difficultés auxquelles elle pourrait se trouver confrontée.
Je crois pouvoir dire, sous le contrôle de M. le rapporteur spécial, que la commission des finances ne nous a pas autorisés à retirer cet amendement, qu'elle a adopté à l'unanimité.
Nous avons clairement entendu votre message, monsieur le ministre. Ne prenez pas notre position en mauvaise part : elle est non pas la marque d'une quelconque défiance, mais une manière de rappeler que, confrontés à des déficits et à une dette publique considérables, la meilleure politique que nous puissions conduire, y compris en termes de démographie, est de laisser à nos enfants un autre héritage qu'une montagne de dettes. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. Je voudrais à mon tour, après M. le ministre et M. le président de la commission des finances, saluer le travail que les départements français accomplissent sur tout le territoire national en matière de protection de l'enfance, à travers leurs services d'aide sociale à l'enfance. Il ne viendrait à l'idée de personne de le critiquer, quelles que soient les difficultés qu'il comporte, et je sais de quoi je parle pour avoir l'honneur d'assumer, pour le département de l'Essonne, la responsabilité de la protection de l'enfance.
Vous me permettrez de revenir un instant sur le Défenseur des enfants, autorité indépendante, créée en mars 2000 et chargée de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant, qui reçoit, par saisine directe, les réclamations individuelles tant des enfants mineurs que de leurs représentants légaux, dès lors qu'ils estiment que les droits de l'enfant n'ont pas été respectés. Elle joue un rôle très important puisque, depuis sa création, on a assisté à une augmentation régulière - 23 % en 2004 et 16 % en 2003 - du nombre des saisines directes.
Conformément à la loi, le Défenseur des enfants a aussi pour mission de mettre en place sur tout le territoire un maillage de correspondants territoriaux, indispensables pour faire directement remonter les difficultés rencontrées par certains enfants dans nos départements. Cet objectif n'a pas encore été atteint puisque la moitié à peine du territoire national est aujourd'hui couvert.
Il faut également savoir que, s'agissant de la promotion des droits de l'enfant, les moyens humains dont dispose cette autorité ne lui ont pas permis d'aller jusqu'au bout de sa mission. Il lui reste donc un certain nombre de tâches très importantes à accomplir.
Les 100 000 euros que la commission des finances propose de supprimer des crédits du Défenseur des enfants correspondent effectivement aux salaires de nouveaux collaborateurs. En effet, Claire Brisset, lorsqu'elle a reçu une dotation pour son changement d'implantation dans Paris, a fait le choix, en s'installant dans des locaux plus modestes, d'en économiser une partie et de l'employer à créer des postes. Pour l'un d'entre eux, on ne saurait parler de création de poste puisqu'il s'agit de pourvoir au remplacement d'une secrétaire, mise à disposition au démarrage par l'éducation nationale et qui, ayant réintégré son administration, n'a pas été remplacée.
Les deux autres postes ont, quant à eux, été effectivement attribués à des collaborateurs venus renforcer une équipe qui assume, comme je viens de vous l'expliquer, de très lourdes charges.
Le rôle et les missions du Défenseur des enfants ne sont pas contestables, ni d'ailleurs contestés par un seul d'entre nous. Ils sont, au contraire, très largement reconnus, y compris par l'ensemble des départements qui ont eu, durant toutes ces années, à travailler avec cette instance. Je pense donc nécessaire qu'en toute responsabilité nous fassions en sorte que la dotation proposée par le Gouvernement et défendue devant nous par M. le ministre soit intégralement maintenue, de manière que les services de Mme Claire Brisset continuent à travailler comme nous attendons qu'ils le fassent, et que l'ensemble des enfants en situation vulnérable trouvent auprès de la Défenseure des enfants, en premier lieu grâce aux services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, des réponses à leurs difficultés.
Je vous remercie d'aller dans ce sens en repoussant cet amendement n° II-9.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'ai bien compris, madame Campion, que, comme vous venez de le confirmer, la Défenseure des enfants avait, en quelque sorte, contrevenu aux dispositions de la LOLF qui ouvre, conformément à ce qui s'appelle « la fongibilité asymétrique », la possibilité d'utiliser des crédits sous la condition de ne pas les affecter à des créations d'emploi. En effet, dans ce cas particulier, la Défenseure des enfants s'est servie de crédits susceptibles d'être affectés à d'autres charges de fonctionnement pour créer des emplois. En conséquence, j'aurais tendance à y voir, ne serait-ce que pour la forme et l'exemple, un argument supplémentaire en faveur de l'amendement.
Enfin, je suis tout à fait d'accord avec vous pour reconnaître que c'est sur le terrain que tout se joue : il faut toute l'implication des élus, de l'ensemble des travailleurs sociaux, des enseignants dans les écoles, dans les collèges pour qu'une relation de confiance permette, au quotidien, de signaler ceux des enfants qui pourraient faire l'objet de maltraitance. De la sorte, nous réussirons et nous assumerons infiniment mieux cette éminente responsabilité qu'en dotant de moyens supplémentaires le Défenseur des enfants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. J'entends bien tous les arguments techniques que vient de présenter M. le président de la commission des finances, mais je voudrais très gentiment lui faire observer que, si je peux partager son souci de ne pas reporter les dépenses sur les générations futures, il faudrait également l'avoir en tête s'agissant de la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale. Ce serait alors « une autre paire de manches », car cela met en jeu des sommes bien supérieures à 100 000 euros...
Or, ce n'est pas à ce type de réactions que nous avons eu droit dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie et des dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité sociale ; pourtant les dépenses en jeu étaient sans commune mesure avec celles auxquelles s'intéresse l'amendement de M. Jégou !
M. François Autain. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est un premier point !
Il en est un second qui concerne la réaction de la commission des finances, que vous me permettrez de qualifier, mes chers collègues, d'un peu « épidermique ». Il faut clarifier le problème avec la commission des finances, certes, mais aussi avec l'Association des départements de France et Mme Brisset, et le déconnecter du budget que nous examinons aujourd'hui. Si une explication doit avoir lieu, c'est en présence des parties concernées. Or, je n'ai pas encore eu l'occasion d'entendre Mme Claire Brisset, mais j'y reviendrai ultérieurement, monsieur le président.
En effet, puisque, d'une part, M. Arthuis vient de nous dire que la commission des finances doit entendre Mme Brisset au début de l'année, et que, d'autre part, j'ai été informé que la commission des affaires sociales la rencontrera pour examiner son rapport le 19 janvier, s'il y a des choses à dire, c'est alors qu'il conviendra de le faire.
Supprimer par anticipation, pour ne pas dire par rétorsion, ces 100 000 euros sur un budget de 1 957 000 euros ne me semble pas une bonne pratique, d'autant que cela ne visera pas tant Mme Brisset que toute la politique en faveur des enfants, ce qui serait tout à fait dommageable.
Je rappellerai, même si cela « gratte » un peu, que la Défenseure des enfants est tout de même dans son rôle puisque ses principales missions sont les suivantes : identifier les questions majeures, les dysfonctionnements éventuels et élaborer des propositions de réforme. Cela peut déranger, mais se discute et ne peut pas être rejeté d'un trait de plume.
En conséquence - ce sera peut-être une exception dans cette journée, mais après tout, pourquoi pas ? (Sourires) -, je considère que nous devons nous ranger à l'avis de M. le ministre. Aussi, pour ce qui les concerne, les membres socialistes de la commission des affaires sociales, dans leur majorité, voteront contre cet amendement de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je pense, monsieur le président de la commission des finances, qu'en dépit de toutes vos explications vous aurez du mal à faire passer cet amendement pour autre chose qu'une sanction.
Je dois dire que cette démarche est assez mesquine, car, en exposant les reproches que vous adressez à la Défenseure des droits de l'enfant, vous ne vous êtes pas montré très convaincant. Mme Claire Brisset a en effet fait son travail dans d'excellentes conditions. Elle occupe aujourd'hui une fonction irremplaçable puisque, comme l'a indiqué précédemment ma collègue Mme Campion, on enregistre une augmentation régulière des saisines individuelles. Elle reçoit les réclamations des enfants. Elle promeut les droits de l'enfant, ce qui concerne essentiellement les conflits quant à l'autorité parentale et les conflits avec l'institution scolaire.
Certes, elle établit des rapports annuels qui sont généralement critiques et qui comportent des propositions pouvant déplaire ; mais je ne vois pas en quoi des propositions pourraient entraîner des réductions de crédits.
A cet égard, le dernier rapport n'échappe pas à la règle puisque la Défenseure des enfants y dénonce la place générale qui est faite aux droits de l'enfant en France, se faisant ainsi simplement l'écho du rapport très critique de l'ONU sur l'application par la France de la Convention internationale des droits de l'enfant.
Elle critique enfin l'absence de politique de l'enfance au niveau national depuis la décentralisation de l'assistance éducative. Il semble, en l'occurrence, que soit visée ici bien plus la politique nationale, incarnée par M. le ministre, que la politique des départements. J'observe pourtant que M. le ministre est contre cet amendement présenté par la commission des finances.
Devant cette situation, nous nous rangerons, comme nos collègues socialistes, à l'avis du Gouvernement, et nous voterons contre l'amendement de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. J'aurai un discours différent de celui de mes collègues : une fois n'est pas coutume.
Je ne méconnais pas le rapport de Mme Claire Brisset. Je ne sais si tout le monde ici l'a lu : il est assez volumineux !
Je sais aussi que l'Assemblée des départements de France, à travers son président, Mme Claudy Lebreton, a réagi assez vivement à la manière dont certaines choses sont présentées dans ce rapport.
Manifestement, Mme Claire Brisset a rédigé son rapport sans véritablement rencontrer les conseils généraux - cela a déjà été dit. Peut-être en a-t-elle rencontré quelques-uns ayant connu des problèmes. Il y a en France cent conseils généraux qui, Mme Brisset le dit très bien, ne sont pas homogènes. Les problèmes rencontrés en Seine-Saint-Denis sont en effet différents de ceux qui peuvent exister dans la Creuse ou en Dordogne ; il faut prendre cela en compte.
Quand Mme Brisset parle de l'inégalité entre les départements, de l'utilisation à bon escient des finances, cela commence à « faire » : quand elle continue sur l'attitude politicienne de certains présidents de conseils généraux, cela « fait beaucoup » !
Il faut que Mme Claire Brisset s'informe, mais aussi qu'elle se rende compte que les travailleurs sociaux sont des gens formés, dévoués, et dont le métier n'est parfois pas facile, d'autant que, l'aide sociale à l'enfance étant cogérée par les conseils généraux et la justice - il ne faut pas l'oublier -, c'est cette dernière qui, très souvent, décide, et ce sont les conseils généraux qui exécutent.
Cette question est bien trop complexe pour être réduite à un rapport aussi simplificateur. Depuis 1983, nombre de conseils généraux ont pris leurs responsabilités et présentent des réussites à leur actif.
Je profite de cette occasion et de la présence dans cette enceinte de M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille et de Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées pour dire qu'il faudrait s'entendre sur ce qu'est la décentralisation. L'Etat veut-il appliquer cette décentralisation dans tous ses attendus ou veut-il cogérer un certain nombre des transferts effectués ?
Je citerai deux exemples : celui de l'enfance, dont le transfert est remis en cause aujourd'hui, et celui du handicap, pour lequel il est question de créer un GIP, ou groupement d'intérêt public, avec cogestion entre les associations et l'Etat. Nous savons comment ce genre de choses fonctionne....
Mais si l'Etat désire cogérer, il faudra, comme l'a d'ailleurs dit M. Arthuis, qu'il assume sa part des financements, ainsi que sa part des responsabilités, y compris la responsabilité pénale. En effet, les présidents de conseils généraux sont aujourd'hui obligés en permanence de se faire conseiller afin de se prémunir contre les risques liés à cette responsabilité pénale qui pend comme une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.
Avant de rédiger un rapport de cette ampleur, il aurait été utile que Mme Claire Brisset rencontre l'Association des départements de France - elle va certainement le faire, puisque nous l'avons contactée - ainsi que le Sénat et l'Assemblée nationale.
Les enjeux actuels, ce ne sont pas ces 100 000 euros - monsieur le président de la commission des finances, permettez-moi l'expression, cela fait un peu « pingre » -, ce sont, d'une part, la prise en compte véritable et objective de l'enfance et, d'autre part, le rôle de l'Etat dans les transferts. Les collectivités locales vont-elles devoir tout prendre pour ensuite tout cogérer ? Si c'est le cas, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, ne comptez pas sur les présidents de conseils généraux pour accepter. Cela sera en effet source de conflits, et rien ne fonctionnera. Je tenais à vous le dire officiellement aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. L'amendement de la commission des finances présente un double aspect : la forme et le fond.
Le fond, c'est le rapport. Je pense pouvoir dire, au nom de l'ensemble de la commission des affaires sociales, qu'il est du ressort de cette dernière d'examiner ce rapport. Cela me paraît la moindre des choses. La commission des affaires sociales a été mise à contribution de manière considérable dans les six derniers mois. Elle a en effet examiné le projet de loi relatif à la politique de santé publique, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Elle est donc prête à examiner un autre rapport, ...
Mme Claire-Lise Campion. Très bien !
M. Paul Blanc. ...qui est d'ailleurs tout à fait de son ressort. Je ne me prononcerai donc pas sur le fond, c'est-à-dire sur le rapport lui-même.
En revanche, sur la forme, il y va de la compétence de la commission des finances de savoir comment l'argent public est utilisé. Dès lors que le rapporteur et le président de la commission des finances nous disent qu'une somme - une somme assez importante, 115 000 euros -, affectée l'année dernière pour le déménagement et l'installation de cette institution, n'a pas été utilisée pour ce à quoi elle était destinée, je ne peux, sur la forme, que me rallier à leur position ; il est en effet ici question d'argent public, et notre devoir est de savoir exactement ce qu'il advient de l'argent public.
C'est pour cela que, à titre personnel, je voterai l'amendement ; mais, j'y insiste, je ne me prononce pas sur le fond !
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. J'interviendrai sur quatre points : personnalisation et stigmatisation ; travail effectué et objectifs poursuivis ; mission ponctuelle ou pérennisée ; Etat ou décentralisation.
Je suis étonné que, dans cet hémicycle, on discute uniquement de savoir si Mme Claire Brisset a eu ou non raison. Ce n'est pas Mme Claire Brisset qui nous intéresse, mais bien le Défenseur des enfants, sur une mission qui lui a été confiée, ce qui me laisse supposer que l'on est en train de choisir le clan du « le » ou le clan du « la ». C'est quand même dommage, quand il s'agit de financement.
Si l'on ne veut pas personnaliser un débat, il faut éviter de le stigmatiser ; or j'aimerais, mes chers collègues, que vous compreniez bien à quel point les départements sont stigmatisés dans ce rapport. Pour l'élaboration de ce dernier, il n'y a eu aucune prudence, il y a eu sans doute de l'emportement, voire la volonté de créer l'événement.
Le travail effectué par le Défenseur des enfants était indispensable, et créer une telle fonction était sans doute nécessaire. Mais que reste-t-il aujourd'hui des objectifs poursuivis à l'origine ?
D'où mon troisième point : l'oeuvre du Défenseur des enfants devait-elle être ponctuelle ? Doit-elle être pérennisée ? Les financements doivent-ils être maintenus ? C'est sans doute la question que la commission des finances commence à se poser. Notre rôle, cette année, est de prévoir des financements en fonction d'objectifs. Ce sera encore plus vrai l'année prochaine, ce qui veut dire qu'il faudra essayer d'affecter les crédits en fonction de l'efficacité, de la réussite des missions concernées.
Le cadre de l'enfance maltraité, de l'enfance en danger, a été modifié. Sous l'impulsion de M. le ministre Christian Jacob, l'Observatoire national de l'enfance en danger a été créé. Tout cela doit-il se superposer ? Ce qui a été créé doit-il perdurer même si, depuis, à l'observation, en fonction des analyses, on estime qu'autre chose aurait pu être mis en place ?
Enfin, quand il s'agit de l'enfance, de l'enfance maltraitée qui plus est, est-ce véritablement sur l'événementiel, sur le réactionnel qu'il faut s'appuyer ? Ne faudrait-il pas faire preuve d'une certaine modestie, d'une certaine humilité ?
Plutôt que de toujours communiquer, il faudrait motiver les responsables. Les véritables responsables - c'est ce que nous avons voulu -, ce sont les départements, avec leurs services compétents, professionnalisés, et ce n'est sans doute pas en les stigmatisant que l'on réussira à les motiver.
La réduction des crédits n'a absolument rien à voir avec le contenu du rapport de Mme Brisset, Défenseure des enfants ; elle tient à la raison de leur affectation : les 115 000 euros votés l'année dernière étaient affectés à une mission exceptionnelle.
On voudrait réintroduire cette somme pour se plaindre de la baisse du taux d'augmentation des crédits, par rapport à l'année dernière. Je ne suis pas d'accord : ce n'est pas responsable. La responsabilité, c'est de dire que ces 115 000 euros n'interviennent plus dans les crédits octroyés à la mission confiée au Défenseur des enfants.
Enfin, monsieur le ministre, le Défenseur des enfants était sans doute nécessaire pour alerter et pour intervenir sur la question de l'enfance maltraitée. Aujourd'hui, c'est un protecteur et un promoteur de la famille qu'il est urgent d'instituer ! Et cela nécessite un accompagnement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le protecteur des enfants, c'est M. Douste-Blazy ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Mes chers collègues, je ne siège au Sénat que depuis deux mois. Je tiens à vous dire que je n'ai rien contre Mme Brisset. J'ai simplement essayé de faire mon travail de rapporteur spécial, alors même que nous votons pour la dernière fois le budget dans le cadre de l'ordonnance de 1959, et que, dès l'année prochaine, nous allons nous trouver sous l'emprise de la LOLF.
Or nous commençons bien mal, mes chers collègues - et je m'adresse à l'ensemble de l'hémicycle -, si nous ne prêtons pas attention à cet amendement qui est une véritable concrétisation de notre volonté de rendre la dépense publique plus efficace, dans une situation tout de même inconfortable, mesdames les ministres, monsieur le ministre, puisque le déficit budgétaire s'élève à 45 milliards d'euros.
Si nous avons opté pour cette nouvelle constitution financière que j'ai moi-même soutenue, c'est bien parce que nous nous devons de vérifier l'efficacité de la dépense publique.
En l'occurrence, il ne s'agit nullement de mesquinerie dans cet amendement, mon cher collègue, et vos propos me peinent. Je ne connais pas Mme Brisset ! Simplement, en étudiant son rapport, j'ai constaté qu'elle avait obtenu 115 000 euros pour emménager.
A ma connaissance, ce n'est pas une dépense reconductible, car un déménagement ne se reproduit pas tous les ans, sauf à révéler un problème de gouvernance !
J'ai même appris - et j'étais prêt à passer cette information sous silence si M. le président de la commission des finances n'avait pas, pardonnez-moi cette expression quelque peu triviale, « lâché le morceau » - que cette somme avait été utilisée à hauteur de 50 000 euros pour emménager et 65 000 euros pour créer des emplois.
Là, je dis non ! Si nous ne sanctionnons pas une telle pratique, nous ruinons toute la LOLF, car la « fongibilité asymétrique » est un mode de gestion parfaitement adapté à la maîtrise des dépenses publiques en matière de personnel.
Par conséquent, cet amendement n'est aucunement une sanction. Il relève au contraire de la mission première que nous, parlementaires de la majorité comme de l'opposition, avons l'honneur d'exercer, celle du contrôle des dépenses et de la politique du Gouvernement. (Mme Bernadette Dupont applaudit.)
Si nous ne veillons pas à l'application de la LOLF telle qu'elle nous sera proposée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, demain risque d'être encore pire qu'aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais je suis un peu troublé par les propos tenus par M. le rapporteur spécial, qui me rappellent un adage que l'on évoque dans la campagne chalossaise : « Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage » !
Moi non plus je ne connais pas la Défenseure des enfants. Mais si nous nous intéressons vraiment aux difficultés de l'enfance et si nous sommes tous animés de bonnes intentions à l'égard de cette dame, nous gagnerions peut-être à la connaître un peu mieux !
M. François Autain. Voilà !
M. Jean-Louis Carrère. Tout en essayant de préserver la forme - et je partage le souci de rigueur et de méthode du président de la commission des finances -, ne serait-il pas souhaitable de rencontrer Mme Brisset afin de rechercher, conjointement avec M. le ministre, des accommodements qui permettraient d'éviter de donner une apparence de désaveu ou de brimade à la protection de la forme ?
Mme Claire-Lise Campion. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Dès lors, nous trouverions peut-être matière à vous suivre, monsieur le rapporteur spécial, sans penser à mal, et sans tenir des propos qui vous ont peiné, ce que je comprends. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, si nous n'avions pas déposé cet amendement, nous nous serions privés d'un débat tout à fait intéressant. Or ce qui fait le prix de nos échanges, c'est d'avoir des débats sur quelques questions, car, à l'évidence, nous ne pouvons pas tout traiter.
Sur le sujet qui nous occupe, nous avons évoqué le fond et la forme. Je veux vous libérer de toute interrogation qui, ce soir, pourrait susciter chez vous des insomnies. Ce serait contraire à la santé, monsieur le ministre ! (Sourires.) Vous l'aurez bien compris, il n'est pas dans l'intention de la commission des finances de traiter de mauvaise manière qui que ce soit.
Mais il s'agit là d'une question de méthode, qu'il est important pour le Parlement de respecter, dans un souci de clarification. La tâche du politique en sera d'ailleurs grandement facilitée
Si cet amendement est voté par le Sénat, il sera examiné en commission mixte paritaire le jeudi 16 décembre, puisque les dispositions adoptées respectivement par l'Assemblée nationale et le Sénat seront alors différentes sur ce point.
Je ne doute pas que, d'ici là, Jean-Jacques Jégou mettra en application au sein de la commission des finances du Sénat les bonnes habitudes qu'il avait déjà à l'Assemblée nationale - il a d'ailleurs déjà commencé à le faire - et que, en vertu de ses prérogatives, il ira procéder à un contrôle sur pièce et sur place et rencontrer Mme la Défenseure des enfants. Une décision, dont nous rendrons compte au Sénat, sera ensuite prise par la commission mixte paritaire.
Mais pour qu'il y ait cet échange avec les députés, encore faut-il que nous votions l'amendement. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
En tout cas, il doit être parfaitement clair que cette disposition ne représente en aucune façon une brimade ou des représailles. Ce serait indigne !
M. Charles Pasqua. C'était pour que vous connaissiez cette dame ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, sur les crédits du titre III.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances a eu une tentation qui, si elle y avait cédé, aurait probablement prolongé ce débat de quelques minutes.
Nous avons en effet été tentés de déposer un amendement visant à comprimer les crédits mis à la disposition de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Ces crédits s'élèvent en effet à 10,7 millions d'euros pour la première année, ce qui est très substantiel.
Au cours du débat instituant la Haute autorité, qui s'est tenu dans cette enceinte voilà deux semaines, le rapporteur, M. Lecerf, avait noté que les députés venaient de ramener ce montant à 9 millions d'euros. Mais l'Assemblée nationale, au fil de ses réflexions, a finalement, après une seconde délibération, rétabli les crédits alloués initialement à la Haute autorité, ce que le Sénat ignorait au moment où il s'est prononcé en faveur de la création de cette instance.
Mes chers collègues, je veux vous rendre attentifs au fait que, selon les prévisions budgétaires, les crédits qui seront mis à la disposition de ladite Haute autorité passeront de 10 700 000 euros à 11 423 000 euros la deuxième année - 2006 - et à 14 380 000 la troisième année - 2007 -, ce qui représente une progression très significative.
Or, sans être une sous-médiature, cette Haute autorité reprend d'une certaine façon des prérogatives qui relevaient, pour une partie, du Médiateur de la République et, pour l'autre, des autorités judiciaires et d'un certain nombre d'organismes publics et parapublics qui ont été mis en place pour lutter contre toutes les formes de discriminations et de manquements aux exigences d'égalité républicaine.
La tentation a donc été forte, pour les motifs que vous comprendrez bien, liés au niveau du déficit public, de vous proposer de réduire significativement cette ligne de crédits.
Toutefois, ayant réfléchi une fois encore sur la question, nous avons décidé de faire confiance au Gouvernement, et en particulier à Mme Nelly Olin, en charge de ce budget, pour faire en sorte que, d'ici à l'année prochaine, des mesures soient prises pour contenir cette dérive, d'autant que la Haute autorité s'est dotée d'un statut totalement indépendant qui tend à en restreindre le contrôle.
Madame la ministre, si vous pouviez nous apporter quelques apaisements, vous feriez peut-être disparaître le scrupule que j'ai encore de ne pas avoir demandé à la commission des finances de déposer un amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Monsieur le président de la commission, je vous remercie d'avoir exposé le point de vue de la commission des finances sur cette question qui relève de sa compétence et, à cette occasion, je tiens à rendre hommage au travail que vous accomplissez.
Les dotations accordées à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité permettront le démarrage de cette instance à laquelle le Président de la République est très attaché, dans notre pays qui connaît, malheureusement, des discriminations chaque jour plus fortes et plus dures.
Mais il s'agit de finances publiques, et le Gouvernement est évidemment tout à fait favorable à un contrôle des finances de cette Haute autorité, compte tenu du volume important de crédits qui lui sont alloués.
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 903 448 693 €
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les crédits affectés aux agences régionales de l'hospitalisation, ou ARH, dont on doit déplorer la régression par rapport à 2004.
J'aimerais savoir, en particulier, si une partie de cette enveloppe est réservée aux soins palliatifs et, plus généralement, connaître le montant des crédits qui sont affectés à ces derniers en 2005, dans le cadre du plan quadriennal qui s'achève dans un an.
Cette synthèse nous serait d'un grand secours, car elle me semble indispensable si l'on veut y voir clair. En effet, ces crédits sont disséminés dans plusieurs budgets, ou divers plans, au sein d'agrégats où ils ne sont pas toujours identifiables. J'ajoute que vos rares déclarations sur ce sujet, loin d'apporter les éléments nécessaires à une meilleure compréhension de la politique du Gouvernement, contribuent souvent à la rendre au contraire plus opaque.
C'est ainsi que, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans cette enceinte, vous avez renvoyé l'examen de deux amendements ayant trait aux soins palliatifs, présentés par deux de nos collègues, à la discussion de la proposition de loi sur la fin de vie, à l'occasion de laquelle, aviez-vous déclaré, cette question pourrait être largement débattue. Or, quelques jours plus tard, précisément au cours de l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale, vous avez indiqué que le sujet des soins palliatifs ne donnait pas matière à débat et que, s'il existait des problèmes de financement des soins palliatifs, la faute en incombait aux ARH.
Or, la situation est loin d'être satisfaisante : chaque année, sur 150 000 à 200 000 personnes qui relèveraient de soins palliatifs, seules 5 000 peuvent y accéder.
Le nombre de lits de soins palliatifs n'a pas sensiblement augmenté par rapport à mai 2001, terme du plan triennal lancé par le gouvernement précédent. L'on en dénombrait 1 040 à cette date, contre un millier aujourd'hui, ce qui signifie que la situation se serait plutôt dégradée. Et encore suis-je bienveillant à l'égard du Gouvernement, puisque la lettre de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, publiée cet été, en recensait seulement 772, répartis dans 78 unités de soins palliatifs, ou USP.
De surcroît, vingt-trois centres hospitaliers universitaires, CHU, sur trente et un ne possèdent toujours pas d'USP, trois régions métropolitaines en sont totalement dépourvues, onze départements ne disposent d'aucune équipe mobile et cinquante-huit départements seulement ont un réseau de soins palliatifs.
Monsieur le ministre, face à cette situation préoccupante, qui a peu de chances d'être profondément modifiée dans un an, l'on peut déjà affirmer que le plan quadriennal 2002-2005 que le gouvernement auquel vous appartenez est chargé de mettre en oeuvre est d'ores et déjà un échec et que, cinq ans après avoir été votée, la loi du 9 juin 1999 n'est toujours pas appliquée.
Je conclurai en disant qu'il s'agit là d'un triste bilan dont il vous sera difficile d'imputer la responsabilité au gouvernement qui vous a précédé !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur le sénateur, vous posez la question de la loi sur la fin de vie. Comme vous le savez, le 26 novembre dernier, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité - 548 votes pour et 3 abstentions -, avec le soutien du Gouvernement, une proposition de loi, de tous les groupes parlementaires réunis, pour la mort dans la dignité, visant à donner à chaque personne consciente la possibilité, lorsque tout est fini et qu'il n'y a plus d'espoir, de choisir entre la pompe à morphine ou l'acharnement thérapeutique.
C'est la voie française. Nous n'autorisons pas l'euthanasie comme aux Pays-Bas ou en Belgique, et nous n'optons pas non plus pour l'hypocrisie du statu quo. J'espère que la Haute Assemblée aura très prochainement l'occasion de se prononcer sur cette proposition de loi.
Cette proposition de loi concerne non seulement ce sujet, mais également les soins palliatifs. Vous avez raison de le souligner, monsieur Autain, il est évident qu'il ne sert à rien de donner le choix aux personnes concernées si une structure de soins palliatifs n'est pas prévue à cet effet. En 1999, Bernard Kouchner avait présenté un projet de loi similaire.
Monsieur Autain, je me suis simplement permis de dire que cette proposition de loi devra faire l'objet d'une évaluation agence régionale de l'hospitalisation par agence régionale de l'hospitalisation. En effet, il est bien de voter des crédits au niveau central mais si, au niveau des agences régionales de l'hospitalisation, les crédits sont affectés, notamment dans les CHU, à d'autres domaines que la gériatrie, les soins palliatifs ou les urgences, les plans prévus ne pourront pas être effectifs.
Je soulignerai trois points. Les unités mobiles de soins palliatifs ne sont pas assez nombreuses, et vous avez eu raison de le souligner, monsieur Autain.
Par ailleurs, nous allons créer, au cours des trois prochaines années, 1 980 places en unités de soins palliatifs. Notre objectif est d'atteindre cinq places pour 100 000 habitants, afin d'offrir à tous les Français la possibilité de bénéficier de ces structures.
Enfin, nous ne voulons pas créer un lieu spécifique où les gens iraient mourir ; ce serait horrible. Nous voulons simplement que, dans chaque maison de retraite spécialisée et médicalisée, dans chaque établissement hospitalier, des petites unités humaines de soins palliatifs soient mises en place.
S'agissant des chiffres, monsieur Autain, je prends l'engagement de vous répondre très prochainement par écrit.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 35 360 000 € ;
Crédits de paiement : 18 839 000 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - Autorisations de programme : 35 483 000 € ;
Crédits de paiement : 7 283 000 €.
M. le président. J'appelle en discussion les articles 77 à 79 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la santé, à la famille, aux personnes handicapées et à la cohésion sociale.
II. - Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale
Article 77
I. - A. - A l'article L. 245-7 du code de la sécurité sociale, les mots : « de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés » sont remplacés par les mots : « du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie mentionné à l'article L. 862-1 ».
B. - Après le c de l'article L. 862-3 du même code, il est inséré un d ainsi rédigé :
« d) Le produit de la cotisation mentionnée à l'article L. 245-7. »
C. - Le changement d'affectation prévu au A et au B s'applique aux sommes à percevoir à compter du 1er janvier 2005.
II. - Au III de l'article L. 862-4 du même code, la somme : « 75 € » est remplacée par la somme : « 76,13 € ».
III. - A l'article L. 862-6 du même code, les mots : « de la déduction » sont remplacés par les mots : « des déductions ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. La couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC, assure le bénéfice d'une complémentaire santé à plus de 4,8 millions de personnes. Elle est aujourd'hui financée par une contribution provenant des organismes de protection complémentaire et par une dotation d'équilibre qui est versée par l'Etat.
En 2005, le nombre de bénéficiaires devrait s'accroître, 300 000 enfants supplémentaires devant bénéficier de la CMUC.
Afin de financer ces mesures, le Gouvernement nous propose d'utiliser l'intégralité du rendement de la cotisation sur les boissons alcooliques de plus de 25 degrés, soit 370 millions d'euros, un rendement qui était précédemment affecté à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS.
Alors que le budget de la sécurité sociale atteint un déficit sans précédent, le Gouvernement détourne, avec cet article, une partie importante des droits sur les alcools au profit du budget de l'Etat, alors que ceux-ci devraient revenir à l'assurance maladie.
Les prélèvements sociaux vont augmenter de 6,5 milliards d'euros en 2005, et le Gouvernement retire à l'assurance maladie la cotisation qu'elle percevait sur les boissons de plus de 25 degrés, dont le bénéfice devrait inévitablement lui revenir, puisqu'il s'agit d'une mesure de santé publique !
Comme l'a souligné M. Alain Vasselle dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, cette mesure n'est pas sans incidence sur l'assurance maladie, puisqu'elle la privera d'une recette historique : 370 millions d'euros.
De plus, il faut le dire, cette mesure est présentée un peu en catimini et avec une grande opacité. En effet, elle est indiquée de manière incidente dans l'annexe C du projet de loi de financement de la sécurité sociale, alors même qu'il s'agit d'un élément budgétaire nouveau. Comme l'a souligné notre collègue Alain Vasselle, ce transfert de recettes est contredit par l'annexe « jaune » relative au bilan des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, selon laquelle le produit de la taxe sur les boissons alcoolisées demeure affecté à la CNAM !
M. Bernard Perrut, rapporteur à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, note ceci : « Les droits sur l'alcool : un bon exemple de mauvaise lisibilité des comptes sociaux. »
La complexité de ces transferts est reconnue par tous. Monsieur le ministre, j'aimerais que vous puissiez nous fournir quelques explications en la matière.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Le fonds CMU financera, à hauteur de 200 millions d'euros, des mesures nouvelles visant à octroyer l'ouverture de la CMU à 300 000 enfants qui sont au-dessous du seuil de pauvreté -cette mesure a été annoncée par M. le Premier ministre - et à créer le crédit d'impôt inscrit dans la loi relative à l'assurance maladie qui est ouvert, au titre des contrats d'assurance complémentaire de santé individuels, pour les personnes dont les revenus sont compris entre le plafond de ressources de la CMU et ce même plafond majoré de 15 %.
Le fonds CMU bénéficiera d'un versement de la CNAM de 100 millions d'euros, qui correspond au financement de la moitié des mesures nouvelles. En outre, il obtiendra des ressources nouvelles, à hauteur de 370 millions d'euros, par le biais du transfert de la taxe sur les alcools forts, qui était précédemment affectée à la CNAM. En contrepartie, la dotation de l'Etat diminue de 286 millions d'euros. Le fonds CMU est donc financé en 2005.
Concernant la CNAM, la perte de recettes de 370 millions d'euros sur les alcools forts sera compensée par la prise en charge, par l'Etat, des crédits de décentralisation versés aux écoles de formation, soit un montant annuel de 350 millions d'euros.
Ce transfert ne prendra effet qu'au milieu de l'année 2005. Pour compenser en grande partie la charge qui incombera encore à la CNAM en 2005, des droits sur les tabacs lui seront affectés à concurrence de 90 millions d'euros. L'opération sera donc totalement neutre en année pleine.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce sera totalement compensé ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 77.
(L'article 77 est adopté.)
Article additionnel après l'article 77
M. le président. L'amendement n° II-33, présenté par M. Etienne, est ainsi libellé :
Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le remboursement des actes réalisés par télémédecine, au sens de l'article 32 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, fait l'objet d'une tarification particulière par la caisse nationale d'assurance maladie.
La présente disposition sera applicable à compter de mars 2005.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 78
L'article L. 6213-4 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les nombres : « 1140 » et « 1300 » sont respectivement remplacés par les nombres : « 1715 » et « 1955 » ;
2° Les mots : « redevance forfaitaire » et « redevance » sont remplacés par le mot : « taxe ». - (Adopté.)
Article 79
L'article L. 1123-8 du code de la santé publique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Toute demande d'autorisation mentionnée au présent article pour une recherche portant sur les produits mentionnés à l'article L. 5311-1 donne lieu, au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à la perception d'une taxe à la charge du demandeur.
« Le barème de cette taxe est fixé en fonction du type d'essai clinique, dans la limite d'un montant maximal de 4 600 €, par un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, du budget et de la recherche. Pour les demandes relatives à des projets dont le promoteur est une personne physique ne poursuivant pas de but lucratif, un organisme public de recherche, une université, un établissement public de santé ou un établissement de santé privé participant au service public hospitalier ou un établissement public, le montant exigé sera limité à 10 % du taux applicable selon le barème de la taxe.
« La taxe est recouvrée selon les modalités prévues pour le recouvrement des créances ordinaires des établissements publics administratifs de l'Etat. » - (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé, la famille, les personnes handicapées et la cohésion sociale.
Défense
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de la défense.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, Mme le ministre répondra immédiatement et successivement aux deux rapporteurs spéciaux, puis aux cinq rapporteurs pour avis, puis au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Plancade. Madame la ministre de la défense, je le sais, vous avez beaucoup travaillé et vous vous êtes battue pour défendre ce projet de budget. Vous avez dû batailler contre Bercy, car il n'est pas facile, dans notre pays, d'obtenir des crédits supplémentaires.
Cependant, au-delà de la hausse générale des crédits qui marque ce projet de budget, nous aurions souhaité débattre avec vous plus longuement et plus précisément des différents choix qui y sont opérés, avec les nuances qui s'imposent dans un budget aussi difficile que celui-là. Malheureusement, nous ne pourrons pas le faire, et ce en vertu d'un règlement que le Sénat s'est imposé lui-même.
Au nom de mes collègues socialistes membres de la commission des affaires étrangères, de la défense, et des forces armées, je souhaite ici exprimer notre désapprobation à l'égard de l'organisation, en séance publique, du débat relatif aux crédits de la défense, dont l'ampleur justifierait qu'un temps de parole accru soit accordé à tous les groupes politiques, à la place du débat tronqué, parcellaire, qui est actuellement en vigueur.
Déjà en 2003 et en 2002, en pareille circonstance, mon collègue Didier Boulaud avait regretté un tel choix de procédure pour ce débat budgétaire.
En effet, sur une question aussi sérieuse et importante que la défense et la sécurité, mobilisant, je vous le rappelle, le deuxième budget de la République - un budget qui s'élève à quelque 33 milliards d'euros -, nous avons pour nous exprimer, en tout et pour tout, quatre petites questions de cinq minutes chacune, associées, avec une générosité extraordinaire, à un droit de réplique de deux minutes ! Ce faible temps de parole pose problème lorsqu'on sait, par ailleurs, que les rapports et les avis budgétaires sont accaparés par la majorité !
Est-ce bien raisonnable, mes chers collègues ? Est-ce bien convenable, et, j'ose le dire, est-ce bien juste ?
Qui plus est, comment expliquer une telle situation quand on constate avec regret qu'il s'agit là d'une singularité du Sénat ? De toute évidence, nos collègues de l'Assemblée nationale n'ont pas subi le même sort, et j'en suis rassuré. Tous les députés, quelle que soit leur appartenance politique, ont largement eu le temps de s'exprimer et d'engager un échange réel avec le Gouvernement sur ce projet de budget.
Par notre comportement - nous avons nous-mêmes opté pour cette procédure -, n'accréditons pas l'idée selon laquelle il existe une différence patente entre les deux chambres de notre République. Le Sénat n'est en aucune façon une assemblée de seconde zone. Cette position, je le sais, est partagée ici par tous les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.
Toutefois, nous avons voté un règlement qui nous contraint à suivre une procédure particulière, diminuant notre temps de parole. Je comprends que le temps de parole soit précieux pour tout le monde ; néanmoins, si une telle procédure pourrait peut-être se concevoir s'agissant d'autres budgets, il ne peut en être question pour le deuxième budget de la République !
Nous n'avons pas souvent l'occasion de débattre, en séance publique, des questions relatives à la défense et à la sécurité, à l'équipement de nos armées, au moral des 347 000 femmes et des hommes qui consacrent leur vie à la défense de notre pays et à l'aide de nombreuses populations à l'étranger, aux industries de l'armement qui emploient des milliers de salariés, et encore, par exemple, à l'action de nos services de renseignements. Je sais, madame la ministre, vos efforts pour transformer l'image de cette institution dans l'esprit de nos concitoyens.
Quoi qu'il en soit, nous réclamons aujourd'hui, et avec force, que le débat budgétaire, et notamment celui relatif à la défense, fasse l'objet d'une procédure normale.
Je sollicite le président de notre commission, que je sais concerné par cette situation, et vous, monsieur le président de séance, pour transmettre cette requête, qui, je le crois, est largement partagée sur toutes les travées de cet hémicycle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.
Mme Hélène Luc. L'organisation du débat relatif au budget de la défense est tronquée par une procédure que ni M. le président du Sénat ni vous-même, madame la ministre, semble-t-il - mais vous nous donnerez votre position -, ne voulez changer, et nous en sommes donc réduits à vous poser des questions.
Le rôle du Parlement, et donc des groupes parlementaires, est de donner sa position sur vos projets et d'émettre un vote ; les ministres sont au banc du Gouvernement pour confronter leurs projets à nos propositions, mais encore faut-il que l'organisation du débat le permette !
Madame la ministre, dans la presse, à la télévision, au sein de la Commission européenne, se déroulent des débats, et des projets se profilent. Nous allons, par exemple, discuter d'un projet de loi relatif au statut des militaires alors même qu'un grand débat national sur la politique nationale de défense et de notre industrie d'armement n'aura pas été organisé à l'Assemblée nationale, ni au Sénat.
Madame la ministre, quand aurons-nous ce véritable débat ? Je voulais poser la question en cet instant, parce que, selon moi, le rôle du Parlement en matière de défense nationale appelle un vrai débat devant le Parlement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je rappellerai que c'est la conférence des présidents qui, sur ma proposition, au nom de la commission des finances, a opté pour ce mode de discussion.
M. Didier Boulaud. Merci !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous sommes en effet réunis pour débattre d'un projet de loi de finances, d'un budget, et pas forcément pour engager un débat de fond sur la politique étrangère ou de défense.
Mme Hélène Luc. Eh bien voilà, c'est clair !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il a été fait référence à l'Assemblée nationale ; mais il n'est dit nulle part que le Sénat doit être le clone de l'Assemblée nationale,...
M. Didier Boulaud. Cela ne risque pas !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...faute de quoi on aurait tôt fait de démontrer qu'il y a sans doute une assemblée de trop !
M. Jacques Peyrat. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le Sénat peut avoir son expression originale.
M. Jean-Pierre Plancade. Si l'on n'entrave pas la démocratie !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je me permets d'émettre une hypothèse, mes chers collègues : les discussions budgétaires sont objectivement affectées par leur déroulement, pendant trois semaines, selon un mode qui peut s'apparenter à de la télécommande. Quel en est le résultat ?
Nous avons donc fait le choix de rendre les débats interactifs. Nous ne sommes pas là pour entendre les discours de ministres que nous avons déjà entendus dans d'autres assemblées. Nous lisons les journaux, nous nous informons au travers des médias, et nous souhaitons que l'échange soit un peu vivant,...
M. Didier Boulaud. Quand l'opposition n'a pas la parole, c'est plus vivant !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...interactif, quelquefois dérangeant, afin de sortir des conventions.
La commission des finances du Sénat a la chance de pouvoir désigner des rapporteurs parmi les représentants de tous les groupes.
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ne confondez pas les commissions saisies pour avis et la commission des finances !
M. Didier Boulaud. Même !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au sein de la commission des finances, j'affirme que tous les commissaires sont rapporteurs spéciaux.
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas le cas pour la défense !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien entendu, cela ne signifie pas que tous les groupes sont représentés pour chaque rapport. Nous nous répartissons les rapports. Voilà comment cela se passe !
M. Jean-Pierre Plancade. Mais ce n'est pas réparti de façon proportionnelle !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. De surcroît, je vous rends attentifs au fait que, dès l'année prochaine, nous discuterons sur la base de la loi organique relative aux lois de finances, c'est-à-dire mission par mission et non plus département ministériel par département ministériel. Nous allons donc devoir imaginer ensemble une autre procédure, aussi interactive que possible, qui donne lieu à un véritable échange entre le Gouvernement et le Parlement.
M. Didier Boulaud. Si c'est pour que le Gouvernement reste avec sa majorité, ce sera beaucoup plus interactif !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons donc fait le choix d'une discussion interactive, choix que j'ai cru devoir rappeler, compte tenu des deux rappels au règlement que nous venons d'entendre.
M. Didier Boulaud. C'est une pantalonnade !
M. le président. Nous en venons maintenant aux dispositions du projet de loi concernant le ministère de la défense.
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, au moment où s'ouvre cette discussion budgétaire, de rendre d'abord hommage à tous les militaires français qui servent hors de France et particulièrement en Côte d'Ivoire, à leur professionnalisme, à leur sens de l'honneur militaire, et d'être en communion de pensée avec leurs familles, dont certaines sont si durement éprouvées.
Le budget de la défense s'élève globalement à 42,4 milliards d'euros, pensions comprises, en progression de 2,6 % à structures constantes. Pour rappeler le contexte budgétaire, j'ai le regret de vous dire que le budget affecté à la charge de la dette a égalé, cette année, celui des dépenses militaires.
Le budget des armées a cette particularité de s'inscrire dans le temps. A ce sujet, je limiterai mon propos à deux questions : ce budget consolide-t-il la remise à niveau de notre effort militaire ? Prépare-t-il à l'efficacité qu'exigera désormais du Gouvernement et du Parlement la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF ?
Ce budget s'inscrit dans le temps, disais-je ; je l'envisagerai donc sous l'angle de la planification à long terme, de la programmation à moyen terme et de la budgétisation à court terme.
Sur le plan de la planification à long terme, tout d'abord, ce budget s'inscrit dans le cadre du modèle d'armée 2015, qui prenait acte du premier choc stratégique que fut, après la chute du mur de Berlin, la prise de conscience du développement de crises multidirectionnelles. De ce fait, nous évoluons, grâce à la professionnalisation, vers la création d'une armée de projection de forces.
Ce modèle d'armée absorbe cette année quelque 2 % du produit intérieur brut, 1,75 % seulement si l'on défalque la part de la gendarmerie affectée à la sécurité civile. C'est plus que l'Allemagne, qui ne dispose pas de dissuasion nucléaire, mais moins que la Grande-Bretagne, qui y consacre 2,4 % de son PIB, et évidemment beaucoup moins que les Etats-Unis.
Mais nous conservons la garantie nucléaire pour nous protéger - je schématise - des risques engendrés par des Etats voyous. Elle représente encore 20,7 %, soit le cinquième, des crédits du titre V.
Ma première question - et je me fais l'écho, à cette occasion, de l'opposition - est la suivante: est-il nécessaire de maintenir cette force de dissuasion ?
Tout le monde s'accorde à reconnaître la logique de la mise en chantier du quatrième sous-marin lanceur d'engins de nouvelle génération, le SNLE-NG, le Terrible, pour assurer la présence à la mer permanente de notre force. En revanche, certains se demandent s'il ne conviendrait pas de réduire le programme M 51. Pour ma part, je ne le pense pas, mais je serais heureux, madame la ministre, que vous puissiez nous expliquer pourquoi, pour allonger la frappe et miniaturiser les missiles, cet effort demeure nécessaire.
Ma deuxième question, toujours en matière de planification, a trait aux attentats du 11 septembre 2001. Avons-nous tiré toutes les conséquences du deuxième choc stratégique que constitue la menace terroriste ? Dans ce budget, vous avez à juste titre développé les crédits destinés au renseignement, en particulier en termes de personnel. Cependant, ne faudra-t-il pas un jour développer les moyens humains nécessaires à la lutte antiterroriste, l'armée n'étant naturellement pas la seule concernée ?
J'en viens maintenant à la programmation à moyen terme. Sur ce plan, le mérite du budget est simple et clair, à savoir le respect des engagements de la loi de programmation militaire, malgré les difficultés budgétaires. Après la remise à flot de près de 10 % du budget en 2003 et en 2004, les crédits de paiement vont atteindre 15,2 milliards d'euros, soit le même montant, en euros constants, que l'an passé. Cette consolidation est indispensable à la bonne exécution industrielle des programmes à moyen terme.
Je sais que certains s'inquiètent de la baisse des autorisations de programme. C'est une conséquence mécanique de la façon dont la loi est préparée. Naturellement, les autorisations de programme sont très importantes au début, puis diminuent au fur et à mesure que nous nous rapprochons de l'échéance de 2008. Pour y remédier, il faudrait adopter une programmation glissante ; nous n'en sommes, hélas ! pas encore là !
Les rapporteurs saisis pour avis décriront le contenu de cet effort d'équipement soutenu,...
M. Jean-Louis Carrère. Ils auront le temps...
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. ...qui ne portera naturellement pas ses fruits immédiatement. Pour prendre l'exemple de l'avion de transport A 400 M, il faudra attendre la fin de la décennie - 2009 - pour la première livraison. Un effort considérable d'entretien du matériel doit donc être réalisé pour passer cette période difficile.
Or la disponibilité opérationnelle des matériels a considérablement baissé au tournant du siècle, faute de moyens budgétaires, mais faute aussi d'avoir apprécié à leur juste valeur les conséquences de la suppression de la main-d'oeuvre nombreuse fournie par la conscription.
En revanche, je remarque l'efficacité de la stratégie mise en place par le service de soutien de la flotte, le SSF, et par la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques et associés de la défense, la SIMMAD. Pourquoi une action du même type, qui permet la globalisation des contrats et la gestion des stocks de rechange, n'est-elle pas aujourd'hui entreprise pour l'armée de terre, madame la ministre ?
Pour en terminer sur la programmation, si les crédits destinés à la recherche ont été considérablement augmentés en cinq ans, pour un montant de près d'un milliard d'euros, il conviendrait sans doute de porter une plus grande attention aux crédits de recherche amont.
Pour ce qui est de la budgétisation à court terme, le projet de loi de finances pour 2005 a été construit selon la règle de la croissance zéro des dépenses en volume. On a dit du budget des armées, tantôt qu'il était sanctuarisé, tantôt au contraire que la fongibilité à l'envers y était appliquée, c'est-à-dire que les dépenses d'équipement éliminaient certaines dépenses de fonctionnement. Or, à structures constantes et hors opérations militaires extérieures, les OPEX, on constate que les crédits de fonctionnement, qui s'élèvent à 17,7 milliards d'euros, sont en progression réelle de 1,8 %. Finalement, la norme de la croissance nulle est respectée pour le budget militaire, lequel suit en définitive la règle générale.
Bien entendu, mon collègue François Trucy, rapporteur spécial pour les dépenses ordinaires, traitera des diminutions d'emplois, assez sensibles, qui concernent 879 postes, essentiellement des personnels civils. Elles sont souvent la conséquence de transferts à des établissements publics ou de méthodes d'externalisation.
M. Jean-Louis Carrère. Là, ce n'est pas grave !
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Quant au budget d'équipement des forces armées, il est essentiel qu'il ne fasse pas l'objet d'annulations en cours d'année. Le collectif budgétaire a permis cette année de compenser à 30 millions d'euros près - c'est peu, eu égard à la masse des crédits - les annulations qui avaient pu intervenir dans le cadre des décrets d'avance, de sorte qu'il n'y a pas eu de réduction de ce budget au cours de l'année 2004.
Madame la ministre, vous avez inscrit 75 millions d'euros d'autorisations nouvelles pour les OPEX. Celles-ci ne couvriront pas, nous en sommes parfaitement conscients, la dépense prévisible. Il faudra donc faire en sorte que les mêmes règles de budgétisation que cette année soient appliquées au cours de l'année prochaine.
En tout cas, il ne faut pas, à mon avis, allonger la durée des programmes. Un tel allongement se traduit en effet par des coûts supplémentaires et non pas simplement, contrairement à ce que l'on peut penser, par le report de la dépense dans le temps. Comme le XXVIe rapport du comité de fabrication d'armement le démontre parfaitement, les économies que l'on pense réaliser sont généralement plus que compensées par les pertes engendrées par l'obsolescence des matériels.
Après la consolidation de l'effort militaire, j'en arrive logiquement au second aspect de ce budget de la défense, à savoir la préparation de la réforme budgétaire. J'envisagerai deux questions essentielles : l'enjeu de l'application de la LOLF, c'est-à-dire la nouvelle structure du budget de la défense, d'une part, et les financements innovants, en particulier le programme des frégates de la marine, d'autre part.
La mise en place de la LOLF constitue un défi pour le ministère de la défense.
Il faut tout d'abord concilier les responsabilités financières voulues par la LOLF avec les impératifs du commandement militaire. Il ne faudrait pas faire renaître la vieille querelle de la plume et de l'épée !
Il faut ensuite rendre compatibles une approche organique, chaque chef d'état-major étant responsable de la préparation des forces, une approche opérationnelle, lorsque les forces passent sous le commandement du chef d'état-major des armées, et une approche transversale, qui vise à rendre plus efficaces certains services comme l'informatique, l'immobilier ou le parc automobile.
Permettez-moi de formuler quelques observations sur les choix déjà effectués et sur ceux qui sont en cours concernant la structuration du budget et le choix des responsables.
Le premier choix essentiel est celui de la création d'une mission unique « défense », qui couvre 77 % du budget, c'est-à-dire l'essentiel du budget du ministère, soit 35,6 milliards d'euros.
Certains considèrent qu'une masse aussi importante ne permettrait pas le contrôle budgétaire. Personnellement, je ne suis pas sensible à cet argument. Je considère en effet que le Parlement retrouvera au contraire, dans le cadre de cette mission, la possibilité d'amender la répartition des crédits entre fonctionnement et investissement. Je ne pense donc pas qu'il y ait là un capitis diminutio.
Le choix fondamental, dans le cadre de cette mission « défense », est l'existence de deux grands programmes : le programme 2 « Préparation et emploi des forces », qui pèse 21 milliards d'euros de crédits et le programme 3 « Equipement des forces », qui représente 10 milliards d'euros de crédits.
Il me paraît essentiel que la frontière entre les dépenses d'équipement, l'ancien titre V, et le nouveau programme « Equipement des forces » ait été revue. On va sortir du titre V actuel les crédits de maintien en condition matérielle des équipements et les munitions.
C'est une bonne chose. Il faut que cesse un jour en comptabilité nationale, à Eurostat et, par voie de conséquence, pour les critères de Maastricht, cette fiction consistant à considérer les dépenses d'équipement militaire comme des dépenses de consommation courante ! Ces dépenses s'étalent dans le temps, et il faudra les traiter comme telles dans le cadre budgétaire.
La question de la responsabilité est évidemment posée. Vous avez choisi à juste titre, madame le ministre, de confier au chef d'état-major des armées le pouvoir d'arbitrage entre les différences actions pour le programme « Préparation et soutien des forces » ; pour le programme « Equipement des forces », ce sera une co-responsabilité partagée entre le chef d'état-major des armées et le délégué général à l'armement. Certains s'étonnent de cette dualité. Pourtant, il est bon que le chef d'état-major des armées soit présent dans les deux cas.
Je me permets néanmoins d'attirer votre attention sur une difficulté, madame le ministre. Cette fonction de responsabilité n'est acceptable que si elle est comprise comme une fonction décisionnelle de haut niveau éclairée par le conseil des systèmes de forces judicieusement mis en place. Les responsables de budgets opérationnels de programme qui, dans les autres ministères, n'ont qu'une fonction interne à l'administration, devraient alors conserver, me semble-t-il, une place éminente de « gouverneurs de crédits » soumis en tant que tels au contrôle du Parlement. C'est peut-être là un étage supplémentaire dans l'organisation de la loi organique relative aux lois de finances ; mais, compte tenu de l'organisation des forces armées, cela me paraît nécessaire.
Pour terminer, j'envisagerai le problème des financements innovants. C'est toute la question du financement des investissements. Et vous savez, mes chers collègues, que le budget de la marine a toujours fait preuve d'innovation en ce domaine. La distinction entre autorisations de programme et crédits de paiement date de l'avant-guerre, et elle a été opérée dans le cadre du budget de la marine.
Or, ici, nous avons une difficulté essentielle. Il s'agit aujourd'hui de lisser dans le temps le paiement du programme des frégates multi-missions pour lequel est ouverte dans ce budget une autorisation de programme de 1,7 milliard d'euros, ce qui portera in fine la provision globale à 4,4 milliards d'euros par mobilisation pour l'essentiel « d'autorisations de programme des années antérieures dormantes », c'est-à-dire non affectées. Or, cet énorme programme n'est pas doté d'un échéancier de crédits de paiement !
Ce programme, qui fera prochainement l'objet d'un arbitrage du Premier ministre, soulève trois problèmes.
Il pose tout d'abord un problème d'équipement militaire : la construction de huit frégates dans un premier temps - dix-sept frégates, à terme -, en partenariat avec l'Italie, est nécessaire au renouvellement de la flotte de surface et à la restauration de ses capacités opérationnelles. Il faut savoir que les frégates actuelles n'ont pas fait l'objet de refonte à mi-vie. Ces huit premières frégates multi-missions sont de plus indispensables à la sécurité du groupe aéronaval ainsi que des SNLE lors du passage du goulet de Brest.
Ce programme pose également un problème économique : la réalisation avec l'Italie de ce plan de dix-sept frégates nous permettra d'avoir des coûts substantiellement plus bas.
Ce programme pose enfin un problème financier parce que la marine, qui a pris en charge une partie des dépenses de restructuration de la direction des constructions navales, n'aura plus les crédits nécessaires pour ce plan.
D'où l'idée d'un étalement des paiements qui pourrait se faire par l'absence d'un paiement d'acompte avant la livraison et peut-être, après la livraison, par un étalement sur une dizaine, voire une vingtaine d'années. L'arbitrage devra être pris rapidement par le Premier ministre.
A cet égard, la position de la commission des finances est la suivante.
Premièrement, ce financement lissé ne doit pas être une facilité. Il doit avoir comme contrepartie des coûts et des avantages importants. Si la direction des constructions navales s'engage à prendre à sa charge, pendant six ans, certains risques d'indisponibilité, nous pouvons aller dans cette direction...
M. Jean-Louis Carrère. Cela vous permet surtout de continuer à vivre au-dessus de vos moyens ! Mais, continuez donc à discuter entre vous...
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Deuxièmement, le budget de la défense devra prendre en charge le coût du portage, c'est-à-dire que les intérêts correspondant à ce portage devront être inscrits dans le budget de la défense.
Troisièmement, les engagements hors bilan avant livraison et la dette en cas d'échelonnement après livraison devront être inscrits soit dans le hors bilan de l'Etat, soit dans la dette publique.
Du reste, la nouvelle comptabilité générale dont se dote l'Etat, conformément à la loi organique relative aux lois de finances, à côté de l'actuelle comptabilité budgétaire, transformera en profondeur, et progressivement, les méthodes de financement des équipements militaires.
En effet, si l'Etat doit emprunter pour financer des dépenses d'équipement, il n'a pas vocation à emprunter pour couvrir les dépenses d'investissement.
M. Jean-Louis Carrère. Que nous sommes heureux de vous l'entendre dire !
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Pour conclure, madame le ministre, je dirai que la loi organique relative aux lois de finances est une construction continue. Je souhaite qu'un débat et un dialogue s'engagent...
M. Jean-Louis Carrère. Ce débat se limite aux groupes de la majorité. C'est dire combien c'est interactif !
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. ...entre le Parlement et votre département ministériel pour le choix des indicateurs de performance.
M. Jean-Louis Carrère. Faites cela entre vous !
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Ce dialogue...
M. Didier Boulaud. Pour être interactif, c'est vraiment interactif...
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. ... sera fructueux, car votre volonté de réforme tend aussi à rendre plus efficace le renforcement de notre défense. Et c'est en prenant acte de cette volonté de dialogue (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) qu'au nom de la commission des finances je vous propose, mes chers collègues, d'apporter votre soutien à ce dernier budget de la défense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les dépenses ordinaires. Monsieur le président, madame le ministre de la défense, mes chers collègues, la crise ivoirienne, son lourd bilan en morts et blessés pour nos forces engagées dans une mission de maintien de la paix, la situation dramatique de nos ressortissants sont là pour nous rappeler, s'il en était besoin, que le budget de la défense est un acte essentiel de la loi de finances et qu'il a des implications directes et graves sur l'action internationale de la France, sur son rôle dans le monde, sur la protection de nos compatriotes et de nos intérêts nationaux.
Je souhaite aujourd'hui que chacun d'entre nous, quelle que soit son appartenance, en examinant ce budget de la défense, n'oublie aucun de ces faits, aucun de ces drames.
Madame le ministre, soyez au premier chef remerciée et félicitée pour votre comportement et vos actions dans cette crise qui, malheureusement, n'en est peut-être qu'à ses débuts.
Le présent, c'est le présent.
Pour le passé, à votre arrivée au ministère de la défense, vous avez trouvé une situation très dégradée dans tous les domaines vitaux de la défense : des programmes majeurs désorganisés, des choix essentiels différés, des matériels délaissés et mal entretenus dont l'indisponibilité atteignait des taux records ! Une condition militaire négligée et un moral des militaires au plus bas hypothéquaient la réussite d'une professionnalisation déjà par ailleurs fort difficile. Tel était le bilan en 2002.
Madame le ministre, vous avez fait adopter une loi de programmation militaire volontariste, une loi de reconstruction ; et les deux premières années, 2003 et 2004, ont été marquées par le respect scrupuleux de ses prévisions. C'était une première pour une loi de programmation militaire !
En sera t-il de même en 2005 ?
Derrière l'affirmation rassurante selon laquelle cette année encore, et malgré des difficultés économiques bien connues, les crédits de la défense seraient conformes, force est de constater et de regretter deux faiblesses : un déficit dans les effectifs et une baisse des crédits d'entretien. La discussion permettra de préciser ces points.
Dans les faits, avec des crédits de rémunérations et charges sociales qui vous ont été trop strictement mesurés, il vous a bien fallu choisir entre les dépenses nécessaires pour la condition militaire, les mesures catégorielles attendues et certains recrutements.
Certes, le ministère de la défense a louablement, semble-t-il, participé aux efforts de réduction de la dépense publique ; mais il a dû le faire en limitant ses effectifs à 436 910 personnes là où la loi de programmation militaire en prévoit 440 719. Au 30 juin 2004, le décalage entre effectifs budgétaires et effectifs réels atteignait déjà 8252 personnes.
En outre, sur le plan qualitatif, comme il est hors de question d'envoyer en opération extérieure ou outre-mer des unités incomplètes avec des matériels en mauvais état, ces sous-effectifs pèsent exclusivement sur les unités de métropole ; celles-là-mêmes qui sont pourtant mises à contribution pour fournir les contingents nécessaires aux opérations extérieures.
Quel jugement portez-vous, madame le ministre, sur ces sous-effectifs ? Etes-vous d'accord sur les chiffres annoncés ? Les estimez-vous supportables ?
De tels sacrifices dans le domaine des effectifs ne risquent-ils pas, à terme, de remettre en cause le format des armées retenu et même l'étendue des missions qui leur sont confiées.
Nous avons eu beau dire, dès le début, qu'avec la professionnalisation, les rémunérations et charges sociales de l'armée et son budget de fonctionnement allaient croître, et croître fortement, cette notion est visiblement mal comprise en politique ! (Sourires.)
Pour illustrer mon propos, j'ai étudié la structure des budgets des principaux pays qui produisent un effort significatif dans le domaine de la défense.
Tout d'abord, permettez-moi une prudence oratoire. Comme les critères qui fondent les statistiques varient à l'infini, retenez des chiffres qui vont suivre plus les rapports de comparaison que l'échelle. Cette dernière peut en effet être très différente de celle que nous utilisons habituellement...
Premier critère, le pourcentage des dépenses de fonctionnement au sein des dépenses totales de défense de divers pays. Face aux Etats-Unis, au Canada, et à pratiquement tous les pays de l'Europe des Quinze, la France est le douzième pays sur douze avec 63,8 % des dépenses de fonctionnement dans l'ensemble.
Néanmoins, ce ratio du titre III en pourcentage des dépenses totales peut être trompeur dans la mesure où il subit le poids du titre V, soit le matériel. Or, un pays qui consacrerait beaucoup de moyens à son titre V réduirait par là même le poids proportionnel du titre III.
Il faut donc trouver un autre critère, plus précis. J'ai choisi celui de la dépense de fonctionnement par militaire, qui est du reste plus simple. A cet égard, les Etats-Unis dépensent 160 407 euros par militaire, le Canada, 127 316 euros, le Royaume-Uni, 121 106 euros, et la France, 66 465 euros.
La France, qui a professionnalisé son armée beaucoup plus tard que le Royaume-Uni, consacre peu en fonctionnement par militaire, l'équivalent de 55 % de la dotation britannique. Dans ce domaine, nous ne sommes pas au bout de nos peines.
La France figure au deuxième rang, derrière les Etats-Unis, pour les dépenses en équipement ; au troisième rang pour les effectifs ; au quatrième pour la dépense par militaire et même au cinquième pour la dépense par habitant.
Selon ces critères un peu différents, n'avons-nous pas raison de craindre des tensions croissantes au sein de ce budget, au sein des rémunérations et charges sociales d'un titre III écartelé entre les dépenses liées aux recrutements et aux renouvellements de contrats, d'une part, et celles qui sont réclamées pour les mesures catégorielles et la condition militaire, d'autre part ?
En revanche, et c'est un sujet de satisfaction, toujours dans le domaine des effectifs, il faut noter que les recrutements - il y en aura 14 448 l'an prochain - s'effectuent dans de bonnes conditions, que le nombre de candidats par poste est confortable, que la qualité des recrues est bonne et que le taux de renouvellement des contrats est conforme aux prévisions. Dans la marine, ce taux atteint 80 %, dans l'armée de l'air, 85 % ; et dans l'armée de terre, 61 %. Ce dernier chiffre doit être examiné avec beaucoup de prudence en raison d'un changement du mode de calcul.
Pour tout dire, la fidélisation est réussie. Vous réalisez vos objectifs, madame le ministre, et c'est de bon augure. Avec quelque 12 millions d'euros, comme en 2004, les efforts de communication des armées et leur « marketing de recrutement » - pour reprendre leurs propres mots - y sont pour beaucoup. Pensez-vous de même ?
En revanche, le service de santé des armées attend encore la correction des sous-effectifs qui date de la disparition du service national. Cette année - grand merci ! -, 59 postes d'officiers médecins seront créés. En 2004, il en fallait encore 278. Il manque encore nombre de chirurgiens dentistes, de spécialistes. Au demeurant, pour ce dernier domaine, je me demande si le service de santé des armées ne rencontre pas ici des difficultés comparables à celles que rencontre la médecine civile, qu'elle soit hospitalière ou libérale.
Madame le ministre, on nous dit que ces sous-effectifs du service de santé des armées sont destinés à persister jusqu'en 2012. Partagez-vous cet avis?
Or le service de santé des armées, ne serait-ce qu'en raison des efforts énormes qui lui sont demandés pour les OPEX, mérite une attention soutenue. Ce n'est pas à vous qu'il faut rappeler que ses interventions dans les opérations extérieures bénéficient largement aux populations civiles secourues - 45 % des consultations médicales et 84 % de l'activité chirurgicale - mais elles engendrent un surcroît de dépenses de 14,47 millions d'euros.
En matière d'emplois civils, le sous-effectif subsiste et même s'accentue. En effet, aux 431 suppressions de postes de 2004 s'ajoutent les 759 de 2005, signalées par Yves Fréville à l'instant. Je ne vous en fais pas grief, madame le ministre, car je crois comprendre que cette situation résulte d'une politique prudente de recrutements au regard du nombre important d'externalisations en route.
Comme le dit mon collègue Yves Fréville, il y a effectivement là un raisonnement : à quoi donc rimerait de recruter des civils pour des tâches destinées tôt ou tard à être déléguées ?
Il est exact que l'externalisation ne doit pas être un but en soi, mais vous avez raison, madame le ministre, de vouloir retirer aux militaires les tâches qui ne relèvent pas des métiers des armes. La décision en cette matière se fonde alors sur des principes de bonne gestion, et cela nous intéresse beaucoup.
Ainsi comprenons-nous bien l'action que vous menez pour ce qui concerne, par exemple, la gestion immobilière des logements de la gendarmerie. Celle-ci concerne le parc de l'Etat, soit un tiers ; à cet égard, vous avez préparé un contrat qui inclut la gestion, l'entretien, la maintenance et les constructions neuves à venir, et vous en attendez quelque 10 millions d'euros d'économies pour la simple année prochaine.
Nous savons aussi que vous avez procédé avec prudence et méthode en procédant à une évaluation des valeurs vénales et locatives, à un état des lieux, à une exploration juridique exigée par la complexité des titres domaniaux de l'Etat et, enfin, à une étude financière.
Quelque 1 200 postes de gendarmes pourront être consacrés à des tâches bien plus utiles, et nous espérons que la Société nationale immobilière, la SNI, qui n' a jamais démérité dans ses oeuvres, remportera le marché.
Je reste plus réservé, sauf explication de votre part, sur l'externalisation de la formation des pilotes d'hélicoptères de Dax, qui a lieu sur une base militaire avec des instructeurs militaires. Seule la location des machines elles-mêmes est déléguée, comme si l'on renonçait à tenir disponibles nos propres hélicoptères.
Nous attendons avec beaucoup d'intérêt, madame le ministre, le projet de loi relatif au statut général des militaires, que vous allez soumettre au Parlement d'ici peu.
Nécessaire et bienvenu aux termes d'une professionnalisation réussie, le statut arrive à point nommé certes, mais qu'apportera-t-il ?
Pour un total de 53,65 millions d'euros, les mesures catégorielles apportent pour le plan d'amélioration de la condition militaire et pour le fonds de consolidation de la professionnalisation des sommes substantielles. Cet effort pour 2005 prolonge les 159 millions d'euros de réalisations des trois années précédentes.
En ce qui concerne les activités, il est fort difficile, pour un rapporteur même attentif, de distinguer dans les états fournis par les états-majors entre les objectifs et les résultats réels obtenus. Une plus grande clarté dans ce dossier nous permettrait mieux d'apprécier le chemin parcouru et celui qui reste à faire. Mais, avec les résultats qui nous sont communiqués, c'est assez difficile. Il y a visiblement loin de la coupe aux lèvres entre les objectifs et les réalisations, et je me propose, durant l'année 2005, de préciser l'état réel des uns et des autres, car, aujourd'hui, il ne m'est pas possible de chiffrer avec exactitude les taux réalisés.
Le financement des OPEX reste donc cette année encore pour vous, madame le ministre, un sérieux sujet de préoccupation et, pour le Sénat, un sujet récurrent d'irritation.
Les OPEX mobilisaient 13 324 militaires au 1er juin 2004 contre 12 264 en 2003.
C'est un poste financier très lourd qui représentait 546 millions d'euros de dépenses en 2002 et 562 millions d'euros en 2003. La dépense pour 2004 est estimée au 1er juin à 650 millions d'euros, dont 590 millions d'euros pour le seul titre III.
Il semble que vous ayez obtenu tout récemment des crédits importants en loi de finances rectificative, des crédits nouveaux, pas forcément des crédits de virement, et nous aimerions que vous nous en disiez plus.
S'agissant des autres postes budgétaires du titre III, hors rémunération des charges sociales, je reste sceptique face aux prévisions en matière de carburant. Elles étaient déjà étonnantes en loi de finances initiale pour 2004, avec un dollar à 0,81 euro et un baril à 23 dollars. En fait, que sait-on de la réalisation qui s'est produite en 2004 ? Il semble même que la loi de finances rectificative ait dû vous apporter des crédits dans ce domaine.
Mais pour 2005, si un dollar à 0,81 euro est plausible, le baril à 30 euros l'est beaucoup moins, même si Thierry Desmaret annonçait récemment que ce tarif serait retrouvé dans le courant de l'année.
Je sais que les crédits d'entretien programmés figurent maintenant en totalité au titre V ; mais que mon ami Yves Fréville me pardonne de les évoquer tant ils conditionnent la disponibilité des matériels et leur usage au titre III.
Ici, le passé est lourd. La précédente majorité avait littéralement ravagé ces crédits en les ramenant de 326 millions d'euros en 1989 à 57 millions d'euros en 2002, soit 18 % des crédits initiaux ! Nul besoin de revenir sur les conséquences d'un tel saccage sur la disponibilité des matériels, de tous les matériels.
Vous réparez progressivement ces dégâts et vous prévoyez, cette année, 2 057 millions d'euros de crédits de paiement, 2 627 millions d'euros d'autorisations de programme. Cependant, ces chiffres sont en baisse pour les crédits de paiement par rapport à 2004 alors même que votre oeuvre de reconstruction est loin d'être achevée.
Je pense particulièrement à la marine, dont les crédits baissent de 10 %, et à l'armée de terre, qui éprouvera de grandes difficultés en 2005, avec une diminution de 15 % des autorisations de programme, pour faire face à de nombreux facteurs d'augmentation de ses dépenses d'entretien d'un matériel ultravieillissant.
Madame le ministre, que pensez vous des taux de disponibilité actuels des forces, que nous avons un peu de peine à apprécier ?
Je devrais vraisemblablement consacrer une partie de mon exposé à parler de la loi organique relative aux lois de finances et des efforts exemplaires que vous-même, votre ministère et vos armées ont déjà déployés pour son application. J'ai consacré à ce sujet un long développement dans mon rapport écrit, et je préfère ne rien ajouter à l'analyse de mon ami Yves Fréville, qui est parfaitement suffisante dans l'immédiat.
Le budget de la défense pour 2005 est un « budget de consolidation » ai-je indiqué en préface de mon rapport écrit. En conclusion de cet exposé, je confirme cette appréciation, mais je tiens à la nuancer de plusieurs réserves qui témoignent d'un début d'inquiétude chez moi concernant les effectifs et le niveau des crédits d'entretien.
Je ne vous ai rien appris, madame le ministre, que vous ne sachiez parfaitement. Ne voyez dans ces remarques que le souci de vous soutenir dans votre action, mais aussi le désir de remplir mon rôle, qui est de rappeler inlassablement que la qualité du titre III du budget de la défense conditionne directement la valeur et l'efficacité de nos armées et que le Gouvernement, en ces temps troublés, ne doit pas l'oublier.
L'effort de défense français est considérable, le rétablissement de l'opérabilité de nos armées est sur la bonne voie, mais tout ce que nous avons examiné ensemble aboutit bien à l'idée forte et dérangeante que cet effort ne pourra se perpétuer en marge de l'Europe.
Bien au contraire, l'Europe politique doit le plus tôt possible accoucher d'une Europe de la défense. La tâche sera rude quand on compare l'effort américain et l'addition des budgets européens.
Les Etats-Unis consacrent 2,6 fois plus en dépenses totales, 2,4 fois plus en fonctionnement et 3,2 fois plus pour le matériel pour seulement 1, 24 fois plus en effectifs !
Madame le ministre, ces remarques ne sont pas des réserves ; la commission des finances a approuvé les crédits du titre III et demande donc au Sénat de les adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier les deux rapporteurs spéciaux pour la qualité de la présentation de leurs exposés. Je vais essayer de répondre à leurs questions en me situant à chaque fois dans le contexte de la politique que j'entends mettre en oeuvre.
L'actualité de ces dernières semaines est venue confirmer l'absolue nécessité pour notre pays d'avoir une défense susceptible de protéger notre territoire, mais également nos concitoyens, où qu'ils se trouvent dans le monde. Je tiens à remercier la Haute Assemblée du soutien qu'elle a apporté aux militaires français qui se trouvent en Côte d'Ivoire et qui ont eu à faire face à des épreuves particulièrement difficiles, que ce soit, d'une part, l'attaque totalement injustifiée et délibérée contre notre position à Bouaké et, d'autre part, les difficultés rencontrées pour venir en aide à nos compatriotes et à l'ensemble des étrangers qui ont été victimes d'exactions, de vols, de pillages ou de viols au cours des journées d'insurrection qui ont secoué Abidjan.
Votre reconnaissance, votre action sont, pour les militaires qui se trouvent dans ces conditions difficiles, un soutien important, et je vous en remercie.
Ce budget intervient donc dans un contexte qui, au-delà même de la Côte d'Ivoire, est celui d'un monde instable, d'un monde dangereux.
Le budget de la défense fait, depuis 2002, l'objet d'un effort tout particulier de la part de la nation. C'est important pour nous et cela a des répercussions qui dépassent le domaine militaire, puisque ce budget est également l'un des éléments qui contribuent à la crédibilité de notre pays sur le plan international et qui nous permet de jouer un rôle majeur dans la construction de l'Europe de la défense, laquelle a fait un bond qualitatif considérable depuis 2002. C'est également un élément important pour l'économie française, même si cela n'a été abordé qu'indirectement jusqu'ici, puisqu'il est évident que tout ce qui est matériel, tout ce qui concerne l'entretien fournit des activités à nos entreprises et, par conséquent, des emplois.
Vos questions portent sur deux sujets. Tout d'abord, ce budget permet-il de répondre à l'accomplissement des missions qui nous sont confiées et, ensuite, comment s'inscrit-il dans la nouvelle définition des budgets de l'Etat. J'essaierai donc de répondre à ces deux grandes catégories de questions.
Pour la première fois de toute l'existence des lois de programmation militaire, le projet de loi de finances pour 2005 respecte totalement, pour la troisième année consécutive, le projet de loi de programmation militaire.
C'est la constance de cet effort qui nous permet de poursuivre la modernisation et le renforcement de notre outil de défense.
Nous le faisons sous différentes formes. M. Fréville m'a interrogée sur notre effort en matière de dissuasion. Ce dernier est bien moins important qu'il y a quelques années, puisque nous sommes aujourd'hui à environ un peu moins de 20 % du titre V alors que nous étions largement au double voilà encore quelques années ; il convient de poursuivre cet effort. D'abord parce que, en matière de dissuasion, une pause n'a pas de sens dans la mesure où il faut entretenir et renouveler les matériels afin d'éviter leur obsolescence.
Au-delà, le but même de la dissuasion, c'est d'avoir une crédibilité qui dissuade d'éventuels adversaires de porter atteinte à nos intérêts vitaux. Cela nous oblige donc à aller dans le sens d'une modernisation qui permet de rendre cette dissuasion totalement crédible.
Le problème du M 51, c'est moins la miniaturisation que l'allongement de la portée de ce missile et la précision de ce dernier.
Aujourd'hui, nous avons en face de nous des gens qui, nous connaissant bien, peuvent se dire que, pour préserver des millions de vies, nous hésiterons à répondre à une attaque. Or, l'hésitation est quelque chose de mortel. A partir du moment où ces gens savent que nous possédons des missiles d'une grande précision, pouvant donc nous permettre de viser leur propre centre de pouvoir et de décision en évitant les dégâts très larges qui ne manqueraient de se produire autour, ils savent aussi que nous n'hésiterons pas à faire usage de cette arme. C'est là où notre crédibilité est plus grande.
Le M 51 nous permet de répondre à ce besoin, de conserver notre crédibilité et une totale efficacité de notre dissuasion.
Avons-nous tiré les conséquences de 2001, m'a-t-on demandé monsieur le sénateur ? Oui, nous les avons tirées, et ce d'autant plus que nous étions, avant même 2001, pratiquement les seuls à attirer l'attention sur le risque d'attentats de ce type. Nous le faisions parce que la France a été le premier pays occidental à être victime sur son propre territoire d'attentats de masse, en 1986 et en 1996.
C'est pourquoi, dans notre modèle d'armée 2015, nous avons intégré ce genre de choses et, bien entendu, au fur et à mesure, nous tenons toujours compte et des retours d'expérience et des besoins qui peuvent exister.
Nous faisons donc ce qu'il faut pour prendre en compte la totalité des problèmes de lutte contre le terrorisme. La lutte contre le terrorisme, ce sont des moyens militaires, des moyens policiers, des moyens diplomatiques, des moyens financiers et douaniers, et également des moyens humains d'aide au développement d'un certain nombre de pays. S'agissant de ce dernier point, n'oublions jamais que le terrorisme s'appuie sur la notion d'injustice et, notamment, sur les écarts de développement qui peuvent exister entre certains pays. C'est la raison pour laquelle le Président de la République insiste beaucoup sur la nécessité d'aider au développement d'un certain nombre de pays.
Mais, en attendant, il est vrai aussi que nous devons nous protéger. Nous ne pouvons donc pas éliminer l'option militaire. Pour les opérations que nous menons en Afghanistan, en particulier dans le sud de ce pays, ou dans la corne de l'Afrique, avec nos moyens maritimes, il est indispensable de disposer des matériels nécessaires. Les 15,3 milliards d'euros d'autorisations de programme doivent le permettre.
Bien entendu, ces autorisations de programme ouvrent des perspectives dans le cadre de la loi de programmation militaire, mais nous ne pouvons aujourd'hui utiliser que les matériels dont nous disposons, ce qui implique que nous fassions un effort tout particulier pour leur maintien en condition opérationnelle, sujet que vous avez également évoqué.
Comme cela a été dit, un redressement important de nos matériels était nécessaire. Les efforts que nous faisons se traduisent dans les faits avec un redressement de disponibilité de 8 % pour la flotte de surface, de 5 % pour les avions de combat et un redressement en OPEX pour le matériel de l'armée de terre, probablement le plus vieillissant, qui atteint quand même 90 %.
Monsieur Fréville, vous m'avez demandé si l'on ne pouvait pas faire pour l'armée de terre une SIMMAT, à l'image de la SIMMAD. L'idée a été abandonnée en 2002, mais la direction centrale qui s'occupe du matériel de l'armée de terre est en pleine réorganisation pour obtenir exactement les mêmes résultats.
Sur le plan financier, l'effort que nous avons fait en 2004 se poursuivra en 2005. De ce point de vue, nous devrons poursuivre cet effort sur une longue durée.
Monsieur Trucy, vous avez parlé, au-delà des matériels, de l'activité, en soulignant que ce domaine avait connu certaines difficultés en 2004. Ces dernières tiennent essentiellement, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, au fait qu'il nous a été demandé de faire la trésorerie des OPEX cette année, ce qui a représenté un effort particulièrement lourd. L'armée de terre, notamment, qui est la première a être sollicitée par les OPEX, a dû prendre sur ses activités de quoi assurer la trésorerie des OPEX.
Au remboursement partiel des OPEX en 2003, s'ajoutait l'absence de budgétisation, et tout cela a effectivement entraîné la suppression d'un certain nombre d'exercices qui étaient jugés comme moins prioritaires ou moins essentiels. Cette situation n'est bien entendu pas satisfaisante ; c'est la raison pour laquelle, en 2005, elle sera améliorée.
Elle le sera d'abord grâce un remboursement intégral des OPEX, si vous voulez bien voter la loi de finances rectificative qui le prévoit.
Par ailleurs, avec l'aide de la Haute Assemblée - je tiens d'ailleurs à l'en remercier -, seront inscrits dès le début de 2005, sur la ligne budgétaire OPEX, 100 millions d'euros, qui vont apporter une certaine souplesse.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il y a la ligne !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J'ajoute qu'en 2005, puisque la question vient d'être posée, la situation sera également améliorée grâce à une majoration des crédits de carburants de 20 millions d'euros qui nous permettra, au moins partiellement, de faire face aux aléas qui affectent le prix du pétrole brut.
Sur le plan matériel, nous ne pouvons pas nous contenter de ce que nous avons aujourd'hui ou même de ce que nous avons commandé. Il faut également préparer l'avenir, monsieur Fréville.
En ce qui concerne la recherche et la technologie, j'ai décidé de faire un effort tout particulier cette année en augmentant de 8 % ce budget, qui passe ainsi à 1,34 milliard d'euros. Au-delà de l'effort budgétaire, j'entends poursuivre, à travers la méthode, la politique des démonstrateurs avec, notamment, les projets BOA, bulle opérationnelle aéroterrestre, et EUROMALE.
Cela est exemplaire de ce que l'on peut faire en matière de recherche : l'Etat investit de l'argent dans ces programmes à condition que les industriels eux-mêmes fassent un effort financier en la matière. De ce point de vue, nous arrivons à dynamiser les projets en les ouvrant aussi au niveau européen. Je crois que l'on peut ainsi démultiplier l'effort qui est fait en matière de recherche.
Les ressources des études amont elles-mêmes augmenteront de 100 millions d'euros en 2005, ce qui, me semble-t-il, également répond à l'une de vos demandes.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2005 vise à poursuivre la modernisation de notre outil de défense.
Il convient évidemment que cela soit fait en toute rigueur budgétaire puisque nous participons, comme tout un chacun, au nécessaire effort d'économie. C'est en ce sens que j'ai repensé l'organisation du ministère en mutualisant un certain nombre de fonctions, et c'est dans cet esprit aussi que je mène un certain nombre de mesures d'externalisation.
M. Trucy m'a demandé pourquoi et comment, au-delà même de l'externalisation de la gestion des véhicules de la gamme commerciale, par exemple, ou de la gestion des logements domaniaux de la gendarmerie, on externalisait la formation de base des pilotes d'hélicoptères.
La raison est très simple : dans une logique de bon sens et d'économie, plutôt que d'utiliser des hélicoptères militaires, déjà très spécialisés pour une formation de base que l'on peut pratiquer sur n'importe quel hélicoptère, je préfère que l'on utilise des hélicoptères civils et que l'on réserve les hélicoptères militaires pour la partie typiquement militaire de la formation, ces appareils étant quand même beaucoup plus chers que les hélicoptères civils.
De la même façon, les crédits innovants doivent effectivement nous permettre à la fois de nous moderniser et de faire face à un certain nombre de contraintes.
J'ai bien noté tout ce qui a été dit en la matière ; il ne s'agit pour nous non pas de faire déraper des crédits budgétaires mais simplement d'avoir une gestion qui soit plus souple et plus efficace, et bien entendu cela se fera sous le contrôle de la Haute Assemblée.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que, en ce qui concerne le domaine de l'administration financière, j'ai souhaité depuis deux ans que le Parlement soit pleinement associé au suivi de la gestion financière du ministère. J'ai d'ailleurs proposé à la commission de la défense de chacune des assemblées que des membres de ces commissions puissent, tous les trimestres, suivre, avec l'ensemble des responsables administratifs du ministère, la consommation qui est faite de l'ensemble des crédits.
Cette initiative s'inscrit tout à fait dans l'esprit de la LOLF et répond au souci de transparence qu'elle impose. Je souhaite qu'au-delà des programmes, qui doivent garder une certaine cohérence et dans l'élaboration desquels nous avons essayé, là aussi, de faire preuve de bon sens et d'efficacité, il y ait une totale transparence à l'égard du Parlement.
M. Didier Boulaud. On n'y a pas eu droit !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Comme le détail de la présentation le montrera, j'ai tout intérêt à ce regard parlementaire, ce regard extérieur, parce qu'il me permet parfois de percevoir certains éléments que je n'aurais pas discernés d'emblée. Par ailleurs, savoir que j'ai l'appui du Parlement donne d'autant plus de poids à mes demandes dans les discussions.
En ce qui concerne les personnels, je voudrais tout d'abord apporter certaines rectifications à propos des effectifs, point sur lequel vous m'avez interrogée l'un et l'autre.
Ce sujet a suscité en 2004 un certain nombre de fausses interprétations.
Au cours de l'été 2004, j'ai dû constater que certaines armées avaient anticipé sur la capacité de recrutement qui leur était ouverte par la loi de finances. J'ai donc mis le holà parce que, sinon, nous nous serions retrouvés en fin d'année avec des dépassements de crédits que je juge inadmissibles pour mon ministère. Mais il est évident que, si j'ai freiné à ce moment-là les recrutements, je n'y ai pas définitivement mis un terme, et les recrutements ont continué, ce qui a permis en fin d'année d'aboutir à un budget satisfaisant.
Au total, la défense en 2004 aura recruté plus de 32 000 personnels dont 14 500 pour l'armée de terre. A la fin de l'année, les effectifs dépasseront 426 500 personnes, soit un sous-effectif total de 2,4 par rapport à l'effectif budgétaire. Je signale que ce sous-effectif était deux fois plus élevé en 2002. Nous avons donc, au contraire, rattrapé les sous-effectifs qui existaient auparavant.
Dans le projet de loi de finances pour 2005, la masse salariale augmentera de 2,5 %. Une partie de ces crédits sera absorbée par des mesures incontournables telles que la réforme des retraites ou, éventuellement, l'augmentation du point de fonction publique.
Pour autant, les créations d'emplois seront poursuivies dans les domaines prioritaires : 700 gendarmes au titre de la LOPSI, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, 58 médecins et infirmiers pour le service de santé, 20 postes pour la DGSE, la direction générale de la sécurité extérieure.
En ce qui concerne les professions de santé, nous faisons donc un effort tout particulier.
Entre 2010 et 2012, l'effectif tel que nous l'avons défini sera complet. Mais il faut avoir conscience que nous avons, comme dans le secteur civil, un problème de candidatures.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Bien sûr !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il ne suffit pas que j'ouvre des postes ; il faut aussi que nous puissions recruter des personnels. Nous avons exactement les mêmes problèmes que ceux que l'on peut rencontrer dans le civil.
L'ouverture de 20 postes pour la DGSE répond aussi à votre propos sur les adaptations au nouveau contexte stratégique et à la lutte contre le terrorisme.
Un certain nombre de mesures sont prises en faveur du personnel. La politique du personnel ne doit pas seulement être d'ordre quantitatif, elle doit être aussi d'ordre qualitatif. J'ai ainsi tenu à ce que le plan d'amélioration de la condition militaire continue à être doté ; il le sera de 43 millions d'euros.
Le fonds de consolidation de la professionnalisation, indispensable pour nous permettre de recruter dans les domaines où nous sommes en concurrence avec le secteur privé, en particulier au regard des salaires, se verra allouer 11 millions d'euros.
Le personnel civil, qui joue un rôle indispensable dans le cadre de la professionnalisation, bénéficie également de 12 millions d'euros. Je rappelle que ces 12 millions d'euros représentent l'équivalent de toutes les mesures prises en faveur du personnel civil entre 1997 et 2002, soit cinq ans.
Au-delà de ces mesures, je suis consciente que la multiplication des missions - et leur nombre ne va d'ailleurs certainement pas diminuer compte tenu du contexte général - engendre des contraintes qui pèsent sur les armées, en particulier sur l'armée de terre.
C'est la raison pour laquelle le ministre du budget vous proposera, dans le collectif budgétaire, l'ouverture de 200 millions d'euros de crédits supplémentaires au profit de l'entraînement et des effectifs, de façon que nous puissions effectivement répondre à ces besoins nouveaux, dont on perçoit l'urgence et le caractère crucial en cette fin d'année, notamment à travers les événements survenus en Côte d'Ivoire.
Bien entendu, je vous tiendrai totalement informés de l'utilisation de ces moyens dès lors qu'ils seront votés.
J'espère avoir répondu aux questions que vous m'aviez posé en m'efforçant de les replacer dans leur contexte général.
Je tiens à vous remercier les uns et les autres de votre soutien sur cette préoccupation qui nous est commune de défense de notre territoire et de nos concitoyens. Je veux surtout vous remercier de la reconnaissance dont vous témoignez à l'égard de nos militaires et du soutien que vous leur apportez. Il convient effectivement de saluer, en toutes occasions et en tout temps, le professionnalisme et le dévouement dont ils font preuve au service de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services communs. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les crédits de la dissuasion nucléaire représenteront 3,1 milliards d'euros en 2005, soit un niveau équivalent à celui de 2004. Ils correspondent rigoureusement à l'échéancier de nos différents programmes, conformément à la loi de programmation.
Vous avez eu raison, madame le ministre, de souligner à plusieurs reprises, et encore à l'instant, la nécessité de ne pas renoncer à l'adaptation de notre capacité de dissuasion dans un monde marqué par la prolifération et l'apparition de nouveaux acteurs nucléaires.
Le format de nos forces nucléaires a été réduit dans une logique de stricte suffisance. En l'espace de quinze ans - on l'oublie trop souvent -, ce budget de la dissuasion nucléaire a été divisé par deux, en monnaie constante. C'est pourquoi il est nécessaire de préserver les moyens destinés à maintenir la crédibilité de nos forces dans le nouvel environnement international.
Le missile balistique M 51, qui entrera très prochainement en phase de fabrication, s'inscrit dans cette perspective. Il remplacera en 2010 la génération des missiles M 4, entrés en service il y a vingt ans, et dotera notre composante sous-marine, grâce à sa portée et à sa précision, de moyens adaptés à l'évolution du contexte stratégique et de notre doctrine.
Les dotations prévues pour le programme de simulation, notamment pour le laser mégajoule, permettront de tenir les échéances, ce dont se félicite également notre commission, ces moyens de calcul et d'expérimentation étant destinés, faut-il aussi le rappeler, à garantir la sûreté et la fiabilité de nos armes après l'arrêt des essais nucléaires.
Dans le domaine spatial, nos capacités de télécommunications et d'observation vont être très notablement renforcées avec les prochains lancements, au cours du premier trimestre 2005, d'Hélios II et du satellite Syracuse III. On estime que ces satellites offriront, par rapport à la génération actuelle, des capacités quatre fois supérieures pour l'observation et dix fois supérieures pour les télécommunications.
Cette avancée très importante ne doit pas occulter la relative modestie de nos investissements dans les équipements spatiaux militaires.
L'arrêt du fonctionnement de l'un des deux satellites Hélios I, cet automne, nous rappelle que la durée de ces équipements est limitée et qu'il est donc nécessaire de préparer leur renouvellement. Pouvez-vous nous dire, madame le ministre, où en sont les réflexions sur le programme qui succédera à Hélios II ?
Par ailleurs, alors que les équipements spatiaux jouent un rôle croissant dans la prévention et la gestion des crises, de nombreuses applications militaires de l'espace demeurent encore le monopole des Etats-Unis.
La France, grâce au développement de démonstrateurs, s'est engagée dans les domaines de l'écoute électronique et de l'alerte à la détection des tirs de missiles balistiques. Pensez-vous que cette démarche pourra déboucher sur le lancement de véritables programmes ? Plus généralement, constatez-vous chez nos partenaires européens, au-delà des accords déjà passés avec l'Allemagne et l'Italie sur les capacités en matière de radars, une volonté d'aller plus loin et de financer en commun une gamme plus complète d'équipements spatiaux au service de l'Europe de la défense ?
Quant aux services de renseignement, leurs effectifs seront confortés l'an prochain. Il sera nécessaire de poursuivre et d'accentuer le renforcement de leurs moyens pour mieux répondre aux menaces nouvelles, au terrorisme en tout premier lieu.
Je terminerai en évoquant rapidement les services communs, pour constater qu'une nouvelle étape est intervenue dans la réorganisation de la délégation générale pour l'armement, la DGA, afin de renforcer l'efficacité de la conduite des programmes d'armement.
Par ailleurs, conformément à un engagement pris il y a un an, les crédits de recherche et technologie ont bénéficié d'une dotation complémentaire de 95 millions d'euros dans le collectif budgétaire et seront confortés en 2005. Ici encore, madame le ministre, peut-on espérer une mise en commun des efforts au niveau européen pour une plus grande efficacité, notamment dans le cadre de l'Agence européenne de la défense ?
Enfin, la commission tient à saluer les nombreuses mesures prises depuis deux ans au profit du service de santé des armées, qu'il s'agisse de la création de postes, de la revalorisation des rémunérations et des carrières ou de la définition de nouveaux statuts pour les praticiens et les infirmiers des forces. Ces mesures commencent à produire des effets visibles, même si le nombre des médecins est encore insuffisant.
Sous réserve des ces différentes observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée efficacement par notre collègue Serge Vinçon, a émis un avis favorable sur les crédits relevant du nucléaire, de l'espace et des services communs pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « gendarmerie ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la gendarmerie pour 2005 se situe exactement à mi-parcours de l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, et de la loi de programmation militaire. C'est donc l'occasion d'un premier bilan.
Le travail de la gendarmerie porte ses fruits. En effet, au cours des dix premiers mois de l'année 2004, la délinquance a reculé de 6,9 % en zone de gendarmerie nationale par rapport à la même période de l'année précédente.
Dans un contexte budgétaire difficile, madame la ministre, vous avez maintenu l'effort consenti annuellement en matière de dotations. Le projet de budget pour 2005 devrait donc permettre à la gendarmerie de conforter encore ce bilan positif.
Les dotations prévues progressent de 3,4 % par rapport à l'an dernier et permettent de poursuivre la remise à niveau des moyens de la gendarmerie. Dans un contexte budgétaire contraint, cet effort doit être salué. Il convient cependant de savoir si les 147 millions d'euros supplémentaires prévus permettront de rester en phase avec la programmation, notamment en termes de crédits d'investissement.
Entre 2003 et 2004, les crédits de fonctionnement ont augmenté de 1,2 %. De plus, la gendarmerie a bénéficié de la totalité de ces reports de crédits, pour un montant de 4 millions d'euros.
Concernant les effectifs, 2 400 emplois de gendarmes ont été créés depuis 2002 et 700 postes budgétaires devraient l'être en 2005. Si tel est le cas, 44 % des objectifs de la LOPSI seraient atteints à la fin de l'année 2005.
A partir de l'année 2005, 3 900 emplois devront cependant être créés dans un délai de deux ans pour respecter l'objectif final et concrétiser les ambitions affichées en 2002.
Je me félicite également des mesures prévues en faveur des personnels. La principale d'entre elles est la première annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités, le PAGRE, pendant indispensable de la réforme des corps et des carrières de la police.
Ces deux institutions, désormais rassemblées dans une logique de métier, doivent être traitées de façon équitable.
En dépit d'une augmentation de 3,16 %, l'évolution des crédits d'investissement n'est pas conforme à la programmation prévue par la LOPSI, puisque seuls 30 % des crédits de paiement prévus auront été ouverts, résultat sans doute d'un nécessaire effort budgétaire.
Ma première question portera sur les efforts envisagés pour rénover le parc immobilier de la gendarmerie : à la fin de l'année 2003, plus du tiers des 4 223 casernes et 79 335 logements étaient officiellement considérés comme « mauvais » ou « vétustes ». Si cette situation est en cours de redressement, grâce à la participation des collectivités locales, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement pour participer à cette indispensable amélioration.
Enfin, pourriez-vous, madame la ministre, faire le point sur le calendrier de mise en place opérationnelle de la force européenne de gendarmerie ? Sa création répond à un besoin évident et s'inscrit pleinement dans la construction de la défense européenne.
En conclusion, je voudrais, au nom de notre commission, témoigner notre solidarité à ceux de nos gendarmes qui, avec leur famille, ont été victimes en Corse d'attentats inadmissibles ainsi qu'à ceux qui participent à des missions périlleuses à l'étranger, tout particulièrement, à l'heure actuelle, en Côte d'Ivoire.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a émis un avis favorable sur les crédits de la gendarmerie pour 2005. J'invite donc la Haute Assemblée à s'exprimer dans le même sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « forces terrestres ». Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c'est avec une très grande satisfaction que nous constatons que, pour la troisième année consécutive, les crédits d'équipement de l'armée de terre seront conformes à la loi de programmation militaire votée voilà deux ans. Nous y voyons le témoignage d'une volonté très ferme de préserver la continuité et la cohérence indispensables à la modernisation de nos forces années, en dépit d'un contexte défavorable pour nos finances publiques.
Le renouvellement des matériels s'effectuera donc selon le calendrier prévu, à quelques exceptions près ne tenant pas à la disponibilité des crédits. Ainsi, l'achèvement du programme Leclerc risque d'être repoussé à 2007, en raison des difficultés de GIAT-Industries. Je salue à ce propos, madame le ministre, les efforts faits pour sauvegarder notre industrie d'armement terrestre.
Mme Hélène Luc. Oh !
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Le carnet de commandes de GIAT a été conforté avec le programme d'artillerie Caesar et diverses opérations de rénovation de matériels. Par ailleurs, des moyens importants ont été dégagés pour soutenir le plan d'adaptation de l'entreprise. A ce titre, les crédits d'équipement de l'armée de terre seront mis à contribution à hauteur de 33 millions d'euros en 2005.
Il faut se féliciter que les ressources prévues pour 2005 permettent d'éviter tout nouveau retard dans les programmes. En effet, l'âge moyen de la plupart des matériels de l'armée de terre est très élevé. En dépit de l'effort considérable réalisé depuis deux ans en faveur de leur entretien, la disponibilité de certains d'entre eux ne s'est pas améliorée. C'est notamment le cas pour la plupart de nos blindés légers, entrés en service il y a plus de vingt ans et soumis à une usure rapide du fait de leur utilisation intensive, principalement en OPEX.
C'est pourquoi il importe de respecter les échéances de livraison des matériels neufs, à défaut d'avoir pu les avancer ainsi que vous l'aviez envisagé pour l'hélicoptère NH 90.
La commission des affaires étrangères estime également nécessaire de maintenir l'effort en faveur du maintien des compétences technologiques. Je pense en particulier aux missiles destinés aux forces terrestres, domaine dans lequel nous disposons d'une compétence reconnue, mais dont plusieurs programmes ont été abandonnés. A ce sujet, pourriez-vous nous dire, madame le ministre, où en est l'étude relative au développement d'un futur missile de combat terrestre destiné à succéder à nos actuels missiles antichars ?
Les crédits du titre III demeureront contraints en 2005, même si la couverture intégrale du surcoût des opérations extérieures de cette année garantit un début d'exercice sans report de charges.
Les crédits de fonctionnement permettront de réaliser l'an prochain les cent jours d'activité prévus par la loi de programmation. Cependant, l'armée de terre contribuera aussi à l'effort général d'économies, notamment par la suppression nette de près de 700 postes civils et militaires.
C'est surtout l'enveloppe consacrée à la masse salariale, déjà calculée au plus juste en 2004, qui suscite quelques interrogations - auxquelles vous avez déjà répondu en partie - pour l'an prochain.
Nous savons que vous avez pris en compte le risque de tensions qui pourrait en résulter sur les effectifs de l'armée de terre, en raison des fortes sollicitations consécutives aux opérations extérieures. Devant la commission, vous avez mentionné la possibilité d'ajustements en cours de gestion et, lors du débat à l'Assemblée nationale, vous avez évoqué l'utilisation éventuelle à cet effet d'une partie des crédits supplémentaires inscrits dans le collectif budgétaire. Pouvez-vous nous préciser, madame le ministre, la nature des mesures envisagées et les perspectives d'évolution des effectifs de l'armée de terre en 2005, même si vous avez déjà largement évoqué ce point dans votre propos ?
Pour conclure, il me semble que le budget de l'armée de terre pour 2005 conforte le redressement réalisé depuis deux ans. Cette consolidation ainsi que la bonne réalisation des effectifs, à laquelle il faudra être particulièrement attentif l'an prochain, sont particulièrement nécessaires au moment où nos forces terrestres connaissent un rythme d'engagement élevé sur de nombreux théâtres difficiles, en y payant parfois un lourd tribut, comme cela vient d'être le cas en Côte d'Ivoire. Plus que jamais, leurs moyens doivent être pleinement adaptés à leurs missions.
En conclusion, j'indique que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur les crédits des forces terrestres pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « air ». Madame la ministre, je tiens à vous féliciter une nouvelle fois pour la persévérance avec laquelle vous parvenez à poursuivre, pour la troisième année consécutive, l'application de la loi de programmation militaire 2003-2008,...
M. Didier Boulaud. Pour l'instant, il n'y a pas de fausse note !
M. Jean-Louis Carrère. Tout va bien !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. ... et ce dans un contexte budgétaire très contraint, c'est le moins que l'on puisse dire !
Il y avait tant de retard à rattraper...
M. Jean-Louis Carrère. Ah ! ces socialistes !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. ... pour que nos avions puissent enfin voler !
M. Didier Boulaud. Les merveilleux fous volants !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Laissez s'exprimer l'orateur !
M. Jean-Louis Carrère. Nous vous écoutons, monsieur Nogrix !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Grâce à votre fermeté, madame la ministre, les équipements militaires ne sont plus une variable d'ajustement du budget global de l'Etat.
Quant au budget de l'armée de l'air, il maintient en 2005 un haut niveau de crédits avec 6,1 milliards d'euros, soit 18,4 % des crédits du ministère de la défense.
Le titre III, consacré aux dépenses de fonctionnement, rémunérations et charges sociales, représente 2,5 milliards d'euros, en hausse de 0,61 % par rapport à 2004, et les titres V et VI, consacrés aux équipements, s'élèvent à 3,6 milliards d'euros, soit une croissance de 0,55 % par rapport à 2004 : 40,5 % du budget seront donc consacrés au fonctionnement et 59,5 % aux équipements et investissements.
Nous savons que le recrutement et la gestion des différents personnels de l'armée de l'air s'opèrent sans difficulté majeure, du fait de l'attractivité qui caractérise cette branche de l'armée. Certes, des tensions ponctuelles existent en ce qui concerne la « fidélisation » de certains sous-officiers très qualifiés comme les mécaniciens, auxquels le secteur privé peut offrir des rémunérations supérieures assorties de contraintes moindres en terme de disponibilité. Mais la création de primes d'attractivité doit permettre, au moins partiellement, d'y remédier.
Notre flotte de combat, déjà forte des Mirage, qui sont des avions de grande qualité, va être renforcée par l'arrivée des quinze premiers Rafale Air : cinq d'entre eux sont déjà en cours d'expérimentation à Mont-de-Marsan,...
M. Jean-Louis Carrère. Dans les Landes !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Merci pour cette précision géographique, qui montre bien votre connaissance de ce territoire, monsieur Carrère ! (Sourires.)
M. Didier Boulaud. Il y tient !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Ces cinq avions constitueront un premier escadron dès 2006.
Le resserrement, de 330 aujourd'hui à 300 en 2008, du nombre de nos avions de combat s'accompagnera donc d'un renforcement de la puissance d'intervention de notre flotte, grâce aux nouvelles capacités qualitatives offertes par les Rafale.
Je souhaite maintenant attirer votre attention sur deux ruptures capacitaires de nature à altérer la réactivité de l'armée de l'air.
Tout d'abord, le retrait du service, dès cette année, de trois DC 8 dont le coût de maintenance devenait prohibitif du fait de leur vétusté laisse entier le problème du transport à long rayon d'action.
M. Jacques Peyrat. Oui !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Quelles décisions seront-elles prises au cours de l'année 2005 pour remédier à ce retrait, alors que l'entrée en service des deux appareils destinés à remplacer ces DC 8 n'est annoncée que pour la fin de l'année prochaine ? N'est-il pas possible, madame la ministre, d'anticiper ce remplacement afin d'éviter ce déficit de capacité ?
Par ailleurs, quel sera le mode de financement de ces futurs appareils ? Il semble que l'on s'oriente vers une autre formule que l'achat en pleine propriété. Je souhaite, madame la ministre, que vous nous éclairiez précisément sur ces prévisions de financement, comme vous avez commencé à le faire en répondant à nos rapporteurs spéciaux.
La question est simple : qu'attend-on de ce « financement innovant » dont a parlé M. le rapporteur spécial ? (M. Jean-Louis Carrère sourit.) En effet, beaucoup de mes collègues s'interrogent sur cette formule.
M. Jean-Louis Carrère. En effet !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Le troisième DC 8 était dévolu au recueil d'informations électroniques : ces renseignements feront forcément défaut.
Cette lacune sera accentuée par le retrait, au même moment, des premiers drones d'observation, les Hunter, en service dans l'armée de l'air depuis le conflit au Kosovo. La qualité des éléments recueillis par ces appareils n'est plus à démontrer, comme l'atteste le nombre sans cesse croissant de pays européens qui s'associent à la France dans le projet Euro-MALE - moyenne altitude longue endurance - de futur drone d'observation à longue endurance.
D'ici là, les Hunter seront remplacés par les drones Eagle, dont l'autonomie est plus importante. Or ce remplacement ne devrait intervenir qu'à la fin de l'année 2005.
Comment envisagez-vous, madame la ministre, de remédier à ce second déficit de capacité, portant cette fois sur le recueil d'informations, lui aussi préjudiciable à l'armée de l'air et à l'ensemble de nos forces armées ?
Les récents conflits sont, hélas ! démonstratifs à ce titre. J'ai bien entendu les propos de mon collègue Xavier Pintat sur la portée des lancements des satellites Hélios puis Syracuse, mais il y a tout de même là un déficit.
En attendant vos réponses, je vous précise, madame la ministre, que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, sous la présidence de notre collègue Serge Vinçon, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits affectés à l'armée de l'air dans le projet de budget de la défense pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Carrère. Enfin la voix de l'opposition ! Cela fait soixante-neuf minutes que l'on attend cela !
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « marine ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la marine pour 2005 suscite des motifs de satisfaction pour le présent et certaines inquiétudes pour l'avenir.
J'évoquerai tout d'abord les motifs de satisfaction.
Premièrement, la disponibilité des matériels est en nette progression après trois ans d'efforts soutenus, ce qui est un facteur décisif pour les capacités opérationnelles, mais surtout pour le moral et la motivation des équipages.
Deuxièmement, ce projet de budget prévoit l'entrée en service effective ou tout au moins très proche d'équipements neufs : le Vigilant, le troisième SNLE-NG, sous-marin lanceur d'engins de nouvelle génération, le Mistral, bâtiment de projection et de commandement, le NH 90, hélicoptère de transport, ainsi que les frégates Horizon, dont l'arrivée prochaine est attendue.
Troisièmement, notre marine s'est engagée au cours de l'année 2004 dans des opérations où son niveau d'excellence a été une nouvelle fois reconnu et souligné. Je souhaite insister tout particulièrement sur l'engagement de la marine française, depuis près de trois ans, dans les opérations d'Afghanistan, au sein de « l'autre coalition américaine ».
Mes questions, madame la ministre, porteront davantage sur les motifs d'inquiétude que suscitent le financement des frégates multimissions et, sur un sujet connexe, la place de DCN dans les recompositions industrielles en cours.
M. Didier Boulaud. S'il commence à critiquer, on est foutu ! (Sourires.)
M. André Boyer, rapporteur pour avis. Bien que l'annuité du référentiel de programmation soit respectée, ce dont notre commission se félicite, les premières échéances du programme des frégates multimissions ne seront pas respectées. Il est donc prévu de faire appel à un financement dont le qualificatif fait débat - « innovant », « alternatif », « différé », ... -, et dont nous avons retenu qu'il n'était pas, pour le moment, inscrit au budget de l'Etat. Il ne fera donc pas, à ce stade, l'objet d'une autorisation parlementaire.
Les origines de la situation budgétaire qui président à ce choix sont connues et le diagnostic partagé. Je n'y reviens donc pas.
Le caractère décisif de ce programme est également un constat partagé.
Nous sommes néanmoins dans la plus grande incertitude quant à son financement. A la différence des montages dont nous avons l'exemple - le programme britannique FSTA, future strategic tanker aircraft, le partage des capacités satellitaires, la location de prestations ou d'équipements -, les frégates ne se prêtent ni à un usage dual, ni à l'externalisation. Quels peuvent en être, dès lors, les bénéfices attendus ?
Les caractéristiques du montage financier, les hypothèses de coût, les avantages qui en sont espérés, la façon dont ce programme affectera le budget de l'Etat et les comptes publics sont autant de questions qui restent en suspens. Pouvez-vous nous éclairer sur ces différents points et nous dire quelles étapes restent à franchir avant de finaliser ce dossier ?
Nous souhaitons, madame la ministre, que les échéanciers du programme nous soient communiqués lorsqu'ils seront établis. Ce report des paiements sur la prochaine loi de programmation ne risque-t-il pas d'affecter les capacités d'investissement de la marine, dont les besoins restent importants ?
Ma seconde question est liée à la première.
DCN paraît rester à l'écart des recompositions industrielles qui se dessinent et au sein desquelles elle semblait pourtant pouvoir jouer un rôle. L'alliance avec Thales, un temps annoncée comme imminente, n'est plus d'actualité.
Ces recompositions industrielles, indispensables pour la compétitivité du secteur naval en Europe, ont été trop longtemps différées. Il ne faut pas nous cacher le fait qu'elles seront douloureuses ; mais, si elles doivent encore tarder, c'est le client lui-même qui risque de faire défaut, la marine ne pouvant supporter plus longtemps que pèsent sur son budget des mesures réduisant ses capacités d'acquisition.
L'Etat est l'unique actionnaire de DCN et il est présent dans le capital de ses partenaires français potentiels. Pouvez-vous nous exposer, madame la ministre, sinon les décisions qui seront prises, du moins les différents scénarios envisagés pour l'avenir de DCN ?
Telles sont, madame la ministre, les interrogations que je souhaitais formuler après l'avis favorable donné par notre commission à l'adoption du budget de la défense pour 2005. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Dulait, il est vrai que les matériels dont nous disposons sont âgés. Or, comme pour les voitures, plus ces matériels sont âgés, plus ils ont besoin d'entretien et plus ils coûtent cher en termes de maintien en condition opérationnelle, ou MCO.
Notre objectif est donc de réaliser les programmes le plus rapidement possible. Dans la mesure où nous ouvrons les crédits nécessaires, nous attendons aussi des industriels qu'ils fassent le travail nécessaire pour livrer les matériels en temps utile, ce qui n'est pas systématiquement le cas. Nous ne pouvons que le regretter, notamment s'agissant des chars Leclerc.
En ce qui concerne le combat terrestre, nous avons pour objectif de sortir un nouveau missile et, dès 2005, nous allons lancer un programme de démonstrateurs de missiles de combat terrestre.
Il est vrai que l'armée de terre assume aujourd'hui à peu près 80 % des opérations, ce qui, je le reconnais, représente une très forte contrainte. C'est la raison pour laquelle j'ai obtenu, depuis la rédaction du projet de loi de finances initial pour 2005, que 200 millions d'euros soient ouverts dans le collectif budgétaire, essentiellement au profit des effectifs et de l'entraînement, afin de répondre réellement aux besoins. Je tiendrai bien entendu la représentation nationale informée de l'utilisation de ces moyens.
Certains des chiffres qui ont été évoqués sont extrêmes et sont sans fondement par rapport à la réalité. Je n'ai d'ailleurs pas toujours compris d'où ils venaient et comment ils avaient été calculés...
M. Pintat m'a interrogée sur notre effort spatial. Ce domaine aura, dans les prochains mois et les prochaines années, une place essentielle. Je suis persuadée pour ma part que, si la dissuasion a constitué le tournant des années soixante, le spatial constituera le tournant du XXIe siècle.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La France est déjà sensibilisée sur ce dossier et, par sa politique de démonstrateurs spatiaux, elle contribue largement au développement de la base industrielle et technologique européenne, indispensable au développement des futures capacités spatiales.
Bien entendu, nous ne pouvons pas le faire seuls et il est essentiel pour nous de convaincre les autres pays européens de nous rejoindre et de participer à cet effort. Certains ont d'ailleurs déjà commencé à prendre conscience de l'importance stratégique des capacités spatiales.
En quelques années, de nombreux pays vont avoir accès à des moyens d'observation par satellite de haute précision et à des moyens de télécommunications militaires.
La France elle-même a proposé, dans le cadre du plan d'action européen pour les capacités, c'est-à-dire du processus ECAP, de présider le groupe de travail sur l'espace avec, pour objectif, d'entraîner ses partenaires à développer une politique spatiale européenne de défense plus ambitieuse.
C'est dans ce cadre que nous préparons le successeur du programme Hélios II. Ce programme, qui doit être européen, présente un caractère d'urgence auquel nous entendons bien répondre.
Monsieur Pintat, au sujet de la dissuasion, je veux également préciser que le contrat de production du M 51 va probablement être notifié aujourd'hui ou demain.
J'en viens à la gendarmerie, sujet cher à M. Faure. Vous savez qu'ont eu lieu, au cours de cette année et de l'année dernière, toute une série d'opérations de regroupement de petites brigades en vue de conjuguer le besoin de présence sur le terrain et le besoin de contact avec le public. Le retour que nous en avons nous montre, en effet, une véritable plus-value de la nouvelle organisation.
Au sujet des crédits, vous avez souligné un certain retard par rapport à ce que serait une annuité moyenne de la LOPSI. Or, je vous le rappelle, cette dernière n'a pas été annualisée et nous ne pourrons donc nous prononcer qu'à son terme.
Dans l'immédiat, ce qui m'a paru très important, c'est de faire un effort sur le domaine dans lequel nous avons un véritable besoin, à savoir les effectifs. Je n'en oublie pour autant le reste, en particulier l'immobilier.
Lors de mes fréquentes visites dans les brigades, je mesure effectivement la vétusté du parc immobilier de la gendarmerie. L'entretien a été notoirement insuffisant dans les années passées, de sorte que nos gendarmes vivent parfois dans des conditions extrêmement difficiles. Je m'en préoccupe, car il me paraît prioritaire d'offrir aux militaires, aux gendarmes et à leurs familles des conditions de vie satisfaisantes.
Cette priorité suppose une amélioration : quantitative d'abord puisque nous recrutons, ce qui nous oblige à dégager de nouvelles capacités de logement, mais également qualitative par rapport à un parc d'immeubles anciens et insuffisamment entretenus.
C'est pour améliorer significativement cette situation que j'ai décidé d'externaliser la gestion des logements domaniaux ainsi que celle de l'immobilier de la gendarmerie auprès de professionnels, lesquels me paraissent les mieux à même de répondre à ces besoins.
Qu'il soit bien entendu que la rédaction des contrats que nous passerons prendra totalement en compte les exigences quantitatives et qualitatives que je viens d'évoquer. La gestion, c'est un métier, qui n'est pas celui de la gendarmerie. Et les gens qui s'engagent ont en général envie de faire autre chose que de la gestion immobilière.
Cette double externalisation aura pour support technique des appels d'offres. Vraisemblablement lancés au cours du premier semestre 2005, ils seront précédés d'une expertise technique et financière qui devrait être achevée au cours des prochaines semaines.
La force européenne de gendarmerie a été créée en un temps record : il a fallu moins de six mois entre le moment où j'ai lancé cette idée auprès de mes collègues à Bruxelles et la signature de l'accord par cinq pays, auxquels se sont joints, depuis, deux autres. C'est au début de l'année 2005 que cette force de gendarmerie sera installée à Vicenza, aux environs de Rome, avec à sa tête un général français.
Je tiens, tout comme vous, à saluer nos gendarmes qui, en Corse et en Côte d'Ivoire, vivent parfois dans des conditions extrêmement difficiles. Je voudrais saluer leur engagement, leur courage, leur professionnalisme et leur attitude, en tous points remarquables.
Monsieur Nogrix, j'en viens aux capacités de l'armée de l'air, notamment les capacités de transport et de renseignement.
Je confirme que le prestige de l'armée de l'air nous évite tout problème de recrutement. Nous devons, bien entendu, garantir la fidélisation dans un certain nombre d'emplois, mais cela se fait aussi sans difficulté majeure.
Vous m'avez fait part de vos préoccupations en matière de renseignement.
Les DC 8, dotés du système aéroporté de recueil d'informations de guerre électronique, le Sarigue, qui collectaient le renseignement d'origine électromagnétique, ont été retirés du service. En effet, on avait fait le choix d'équiper d'un matériel très performant des avions déjà très âgés, ce qui réduisait leur disponibilité et rendait les coûts d'entretien prohibitifs.
De plus, nous le savons, nous avons la possibilité de procéder à ce remplacement. C'est compte tenu de notre retour d'expérience et après concertation avec les états-majors que nous avons décidé ce retrait. En effet, les Transall « Gabriel », ravitaillables en vol, offrent une bonne capacité de recueil du renseignement électromagnétique et d'autres moyens non aéroportés sont également disponibles.
Les deux escadrons de Mirage F1 CR, déjà présents sur les théâtres d'opérations extérieures, continueront à nous fournir une capacité de reconnaissance permettant d'attendre les Rafale.
Les Hunter ont contribué à valider le concept d'emploi des drones dans l'armée de l'air, tout en lui donnant une capacité embryonnaire - mais réelle - dans ce domaine.
Enfin, le prochain lancement du satellite Hélios II, l'arrivée dans quelques mois du système intérimaire de drones MALE sur la base de Cognac et le programme Euromale conforteront les moyens de renseignement dont nous avons besoin.
En outre, vous m'avez interrogée sur les capacités de transport, qui sont l'une de nos préoccupations.
En matière de transport stratégique, nous disposons, je le rappelle, de trois Airbus A 310.
Nous avons également la possibilité de mutualiser les moyens européens. C'est cela aussi, l'avantage de l'Europe ! Le Centre européen de transport aérien nous permet ainsi de faire face à un certain nombre de besoins.
Enfin, nous avons mis en place un certain nombre de procédures en vue de réduire les délais lorsque la défense recourt à l'affrètement.
L'ensemble de ces mesures permet de limiter l'impact de notre déficit capacitaire, dans l'attente des deux avions de transport à très long rayon d'action qui seront livrés dans quelques mois.
S'agissant du mode de financement, ces avions seront loués par les armées en attendant le programme Multi Role Transport Tanker.
Monsieur Boyer, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous étudions avec Bercy la mise au point définitive du volet financier du contrat des FREMM, les frégates européennes multimissions.
Nous souhaitons d'abord améliorer les délais de financement. Et, quand on me dit qu'il n'y a pas de crédits, je réponds que c'est normal, puisque le programme n'a pas encore débuté. En revanche, les autorisations de programme nous permettent de démarrer. Les crédits de paiement interviendront en fin de programme, au moment où nous paierons.
Nous cherchons également - et j'y vois l'un des éléments intéressants des financements innovants - à en étendre le périmètre, notamment en intégrant le MCO, le maintien en conditions opérationnelles. Pour pratiquement tout le matériel, c'est sans doute l'une des grandes innovations qui marquera les années à venir. En effet, le matériel que nous achetons doit réellement être disponible en permanence, et nous partageons ainsi un certain nombre de risques avec les industriels, que nous sensibilisons aux conditions de son entretien.
Aujourd'hui, nous avons déjà défini avec Bercy tous les éléments qui vont permettre au Premier ministre d'arbitrer dans un délai compatible avec la partie industrielle du dossier.
J'en viens à la transformation de DCN, qui est un succès. Il faut savoir le dire : c'est un succès ! Le carnet de commandes est plein, nous sommes en avance sur le contrat d'entreprise et les utilisateurs manifestent leur grande satisfaction. Aujourd'hui, les critiques se sont tues et je constate que la marine est heureuse de ce que fait DCN. Il y a même une baisse du coût du MCO ! Tous les critères de satisfaction sont donc réunis.
Cela étant, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, si nous voulons conserver une industrie navale dynamique et pérenne, il faut nous donner les moyens de résister à la concurrence. Cela signifie avoir des entreprises d'une taille suffisante, issues des rapprochements européens. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'ouvrir le capital de DCN.
Aujourd'hui, des discussions ont lieu entre DCN et un industriel français privé dans le domaine de la défense européenne, Thales. Ce rapprochement me paraît positif. L'ouverture du capital entre dans cette dynamique, qui est celle de DCN et qui doit permettre d'en faire un pôle central de l'industrie navale. (Mme Hélène Luc s'exclame.)
Le projet de loi sur l'ouverture du capital sera présenté mercredi prochain en conseil des ministres. Nous montrerons ainsi clairement notre volonté. Enfin, je le précise, tout sera fait dans le respect des garanties de chacun, comme je l'ai annoncé aux personnels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Comme l'an passé, il vous aura fallu, madame la ministre, batailler ferme pour pouvoir nous présenter aujourd'hui un bon budget 2005 pour la défense. Dans sa majorité, notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en a d'ailleurs recommandé l'adoption à notre Haute Assemblée.
Ce projet de budget est, en effet, positif pour plusieurs raisons.
La première est qu'il respecte, pour la troisième année consécutive, les prescriptions de la loi de programmation militaire. Cette innovation, qui mérite d'être saluée, reflète tout d'abord, et ce n'est pas rien, le respect du Parlement, qui l'a votée.
Ensuite, ce budget exprime la persévérance de l'effort financier en faveur tant du renouvellement que du maintien en condition opérationnelle de nos équipements. On s'écarte donc enfin de la logique suivie durant des années des ponctions intempestives effectuées sans compensation sur le titre V et qui ont tant pesé sur le calendrier d'exécution de certains de nos grands programmes.
Nos armées ont reçu cette année ou recevront l'an prochain des équipements nouveaux, attendus depuis longtemps. Je n'évoquerai que certains d'entre eux.
Dans le domaine de la conduite, du commandement, de la communication et du renseignement, celui des capacités dites « C3R », on peut saluer le lancement dans quelques jours du satellite d'observation Hélios II, élément essentiel d'une capacité nationale et européenne d'évaluation autonome des situations. Et, dans quelques mois, le lancement du satellite de communication Syracuse III viendra aussi conforter nos ressources dans ce domaine.
Il faut saluer ici le résultat d'efforts importants consentis depuis plusieurs années pour permettre à notre pays de tenir le rôle de nation cadre dans les opérations de l'Union européenne. C'est donc aussi un signal politique qui est ainsi délivré à nos partenaires de l'Union, comme de l'OTAN.
Toujours dans le même souci de privilégier les capacités stratégiques de renseignement, vous avez, madame la ministre, réorganisé la démarche pour le développement de drones d'observation, avec le lancement du programme de démonstrateur Euromale, qui permettra l'entrée dans nos armées des premiers drones MALE vers 2010.
J'ajoute que c'est dans ces deux domaines centraux des moyens spatiaux et des drones que la France est pays pilote de projets dans le cadre du plan d'amélioration des capacités de la défense européenne.
S'agissant de la projection et de la mobilité, il faut saluer l'admission au service actif, en 2005, du Mistral, bâtiment de projection et de commandement de la marine, grâce auquel il sera possible d'engager, depuis la mer, un groupement interarmées blindé léger de 1 400 hommes.
En ce qui concerne l'évolution de notre capacité de projection et de mobilité, j'ai cependant deux motifs d'interrogations.
Tout d'abord, les retards subis dans le calendrier de l'A 400 M, dont les premiers exemplaires ne seront livrés en nombre significatif qu'à partir de 2011, poseront dès l'année prochaine à l'armée de l'air, avec le retrait des Transall les plus anciens, un problème important de capacité qu'elle devra résoudre d'une manière ou d'une autre.
S'agissant ensuite du NH 90, nous nous étions félicités de votre décision de lancer une étude pour examiner la possibilité d'avancer la livraison à l'armée de terre de cet hélicoptère, actuellement prévue pour 2011, de préférence à la réalisation d'investissements importants pour la rénovation des Puma et des Cougar. Malheureusement, la décision prise avant votre arrivée au ministère apparaît aujourd'hui difficilement réversible, mais je reste perplexe quant aux raisons avancées pour expliquer le choix effectué à l'époque. On constate en effet chaque jour, à la lumière des nouveaux types de conflits, l'importance primordiale de disposer de la capacité de transport et de mobilité optimale que permettent les hélicoptères de nouvelle génération.
Par les crédits de fonctionnement qu'il prévoit, ce projet de budget permettra également des avancées positives.
Il s'agit d'abord de la poursuite de l'amélioration de la condition militaire, dans la mesure où l'attention portée à la situation matérielle des femmes et des hommes de la défense est indissociable de l'accent mis sur la qualité des équipements qu'ils servent.
Il s'agit ensuite du financement des OPEX en loi de finances initiale. Certes, les 100 millions d'euros inscrits à ce titre sont loin de correspondre à la réalité des surcoûts annuels dus à ces opérations ; il reste que la démarche est très positive dans son principe, comme l'est d'ailleurs l'abondement prévu en loi de finances rectificative pour 2004 des sommes nécessaires à la couverture de ce surcoût, qui mobilise des ressources extérieures au budget de la défense.
La défense s'implique d'ailleurs aussi, vous nous l'avez expliqué en commission, madame la ministre, dans l'indispensable effort d'économies de fonctionnement partagé par l'ensemble des acteurs publics, et les restructurations de plusieurs services de votre ministère ou l'externalisation de certaines fonctions en témoignent.
Il reste qu'il arrive - et ce fut le cas en 2004 - que la gestion des crédits de fonctionnement se heurte encore en cours d'année à des mesures de gel provisoire ou aux conséquences des reports de charges, qui peuvent avoir des effets négatifs directs, notamment sur l'entraînement des forces.
Notre attention a par ailleurs été attirée sur les inquiétudes concernant les effectifs, s'agissant en particulier de l'armée de terre. Vous nous avez dit, madame la ministre, avoir reçu des garanties, et vous-même avez pris des engagements pour que de telles craintes ne se concrétisent pas en 2005. Nous vous faisons confiance.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'esprit de la loi de programmation comme celui de ce projet de budget s'inscrivent résolument dans la promotion d'une capacité européenne de défense. Cette défense européenne s'affirme d'ailleurs chaque jour davantage dans la réalité opérationnelle, comme en Bosnie-Herzégovine, où l'Union européenne a, voilà quelques jours, pris le relais de l'OTAN.
Notre pays s'implique tout aussi fortement dans les opérations conduites par l'OTAN elle-même, où ce sont d'ailleurs bien souvent des contingents européens qui, comme au Kosovo, forment l'essentiel des forces déployées. Il n'est pas non plus indifférent de voir que, simultanément, deux officiers généraux français exercent le commandement de deux missions majeures de l'OTAN, au Kosovo et en Afghanistan.
Tout cela illustre l'engagement de notre pays dans le fonctionnement d'une organisation atlantique au sein de laquelle, pourtant, la position particulière de notre pays reste malheureusement mal perçue à l'extérieur et demeure parfois l'objet d'une suspicion politique durable.
La création en 2004 d'une force européenne de gendarmerie et celle des groupements tactiques viennent encore illustrer la vitalité de l'ambition européenne de défense dont notre pays aura été le constant promoteur. Il a su, madame la ministre, traduire ses paroles en actes dans l'intérêt de la paix.
Bien sûr, beaucoup reste à faire. L'Agence européenne de défense et d'armements se met au travail et devra jouer le rôle de catalyseur dans les domaines où les capacités européennes sont encore déficientes. Il lui faudra aussi oeuvrer à la définition des règles qui permettront la création d'un véritable marché européen de l'armement : l'examen du Livre vert de la Commission européenne sur les marchés publics de la défense en sera prochainement l'occasion.
Je terminerai mon intervention en évoquant la polémique sur les récents et tragiques développements de la crise ivoirienne.
Chacun sait que, si nos forces sont présentes dans ce pays, c'est à la seule fin d'y rétablir et de tenter d'y préserver la paix civile, comme la communauté internationale le leur a demandé. Depuis près de deux ans, elles se sont acquittées de cette mission, sous votre autorité, avec un professionnalisme exemplaire, au prix des sacrifices que l'on connaît.
Voilà un mois, dans une situation particulièrement difficile et dans un climat de violences et de menaces explicites, nos forces ont été conduites, pour remplir leur devoir de protection des civils placés sous leur garde, à exercer leur droit de légitime défense. La responsabilité des pertes humaines, qui sont, vous l'avez dit, autant de morts en trop, est à rechercher chez ceux qui ont délibérément déclenché cet enchaînement de violences et qui n'ont pas su, ou pas voulu, l'interrompre à temps.
Je voudrais donc redire ici notre confiance et notre solidarité envers tous nos militaires, auxquels il revient, avec vous, madame la ministre, d'empêcher l'aggravation d'une crise pour permettre la reprise d'un dialogue politique plus urgent et nécessaire que jamais. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Vinçon, je voudrais d'abord vous remercier, ainsi que l'ensemble des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, que vous présidez, pour le travail que vous avez accompli et pour la relation fructueuse que vous avez su établir avec le ministère de la défense.
Je voudrais également vous remercier tout particulièrement d'avoir rappelé les responsabilités assumées actuellement par les militaires français sur l'ensemble des théâtres d'opérations extérieurs. Que ce soit dans un cadre bilatéral ou dans celui de l'OTAN ou de l'Union européenne, ces opérations sont de toute façon toujours menées sous l'égide des Nations unies.
Je voudrais enfin vous remercier des propos que vous avez tenus sur les militaires de l'opération Licorne. Je crois que l'on assiste effectivement aujourd'hui à une véritable opération concertée de communication qui est, en fait, une opération de désinformation. L'objectif est essentiellement d'essayer de détourner l'attention de ce qui s'est réellement passé, à savoir des violations du cessez-le-feu qui avait été décrété par les Nations unies.
Ces violations sont le fait du gouvernement ivoirien, qui veut détourner l'attention de l'opération qui, de manière délibérée, a conduit à la mort de neuf militaires français, trente-quatre autres ayant été blessés, alors que tous participaient à une opération de paix visant à empêcher de nouveaux combats entre le Nord et le Sud, combats dans lesquels les victimes sont souvent, bien entendu, des civils.
Le gouvernement ivoirien entend en outre détourner l'attention des exactions, des vols, des attaques, des propos racistes et xénophobes, de l'appel au meurtre qui a été lancé par la presse d'Abidjan, toute presse d'opposition et toute presse internationale ayant d'ailleurs été éliminées, ainsi que par un certain nombre de responsables politiques ivoiriens.
Telle est la réalité et, face à cette réalité, je crois comme vous que les militaires de l'opération Licorne, qui sont là à la demande de l'ONU pour soutenir les forces de l'ONUCI et pour protéger les ressortissants étrangers, ont fait preuve d'une maîtrise totale, d'un grand professionnalisme et d'une extraordinaire patience.
Je puis vous dire que je reçois chaque jour, de la part de Français et d'étrangers qui étaient sur place, de multiples témoignages de gratitude à leur égard. Ces personnes expriment également ce qu'elles ont vécu : des coups de feu ont été tirés sur les bâtiments ou sur les voitures qu'ils occupaient, ils ont été l'objet de menaces. Tous affirment très clairement que, sans les soldats de l'opération Licorne, ils ne seraient plus en vie, et ils leur manifestent leur reconnaissance. Je pense qu'il est bon de le dire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Par ailleurs, vous avez rappelé, monsieur Vinçon, l'investissement que la France consent pour se doter de matériels nouveaux correspondant aux besoins, notamment en matière de moyens spatiaux et de drones. Il est vrai que la France est à la tête des pays qui veulent engager d'une façon forte l'Europe dans cette voie, qui peut le mieux nous mettre en mesure de répondre aux besoins futurs. Je crois que nous progressons dans ce domaine.
Vous m'avez interrogée en outre sur la manière de compenser le retard de livraison de l'avion de transport A 400 M. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous pouvons à la fois utiliser les trois Airbus dont nous disposons actuellement et recourir à des moyens mutualisés à l'échelon européen. Cela nous permet de tenir en attendant les nouveaux matériels.
En ce qui concerne l'hélicoptère NH 90, j'avais effectivement fait étudier la possibilité d'en avancer la livraison, pour les raisons de coût et de difficulté d'entretien des matériels existants que vous avez évoquées tout à l'heure. Malheureusement, les conditions financières qui ont été proposées par l'industriel sont incompatibles avec la loi de programmation militaire. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas pu retenir cette option.
En ce qui concerne le fonctionnement, le ministère de la défense, conscient bien entendu de la situation économique générale de la France, réalise un certain nombre d'économies. Pour autant, nous devons disposer des moyens d'effectuer les missions qui nous sont confiées.
A cet égard, le financement des surcoûts liés aux OPEX s'est amélioré en 2004, puisque nous obtiendrons le remboursement intégral des montants engagés. En ce qui concerne 2005, les 100 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances initiale ne sont pas, bien sûr, les quelque 600 millions à 650 millions d'euros que coûteront en réalité les OPEX, mais c'est un premier geste significatif.
Pour ma part, je souhaite que nous validions l'année prochaine l'hypothèse qui avait été retenue par l'Inspection générale des finances et le Contrôle général des armées, selon laquelle cette ligne budgétaire serait dotée de 300 millions d'euros chaque année, le caractère quelque peu imprévisible des OPEX demeurant. Si nous parvenions à inscrire 300 millions d'euros à ce titre en loi de finances initiale, la situation serait à peu près satisfaisante.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, madame la ministre ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de Mme la ministre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, les projets de loi de finances seront désormais élaborés sur une base nouvelle, instituée par la loi organique relative aux lois de finances, tout entière au service de la sincérité. Or il ne fait pas de toute que, en 2005, les OPEX coûteront quelque 600 millions ou 700 millions d'euros.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je comprends donc mal que le ministère des finances se contente d'inscrire 100 millions d'euros à ce titre ! J'espère que 2005 sera l'année de transition vers une complète sincérité.
Cela étant, je rends hommage, madame la ministre, à votre volonté, qui correspond d'ailleurs à un engagement que vous aviez pris devant la commission des finances du Sénat voilà un an, de faire apparaître les OPEX dans la loi de finances initiale. C'est fait ! Le problème est que les crédits inscrits ne sont pas vraiment suffisants, mais c'est un premier pas, et je ne doute pas que le projet de loi de finances pour 2006 marquera un progrès à cet égard.
M. le président. Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le soutien que je viens de recevoir de la part du président de la commission des finances du Sénat sera certainement un argument de poids dans la discussion que j'aurai avec le ministère des finances. (Sourires.) Je vous en remercie, monsieur Arthuis ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il est vrai que je n'avais pas demandé au départ que l'on inscrive 600 millions d'euros dans le projet de loi de finances initial pour les OPEX. En effet, on ne sait jamais, certaines choses ne peuvent être prévues. Je souhaite cependant, pour ma part, que nous puissions nous rapprocher le plus tôt possible du coût probable, car cela nous épargnerait un effort de trésorerie et nous rendrait beaucoup plus facile la gestion de notre budget.
En ce qui concerne la gestion de la masse salariale et des effectifs, je rappelle que, là aussi, dans un souci de bonne gestion, j'ai souhaité que soit respecté cette année un grand principe : on ne peut recruter davantage de personnels qu'on ne sait pouvoir en payer.
Je suis bien entendu consciente de la charge imposée aux armées ; c'est pourquoi je me réjouis que, dans le cadre de la loi de finances rectificative, nous ayons pu intégrer les crédits qui nous permettront de faire face aux OPEX.
Enfin, l'Europe de la défense a considérablement progressé, selon un rythme exponentiel. Il y a deux ans et demi, l'Europe de la défense n'était encore qu'un mot. Aujourd'hui, c'est une réalité. C'est elle qui dirige les forces de l'OTAN en Afghanistan et, avec l'agence européenne de l'armement, nous pouvons envisager la mise sur pied d'une véritable industrie de défense européenne. Tout cela montre que, lorsqu'il y a une volonté,...
M. Charles Pasqua. Il y a un chemin ! (Sourires.)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ... on obtient des résultats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Didier Boulaud. Cent dix minutes pour convaincre ! (Sourires.)
M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l'échec de la Communauté européenne de défense, en 1954, les Européens s'en remettaient à l'ONU ou à l'OTAN pour intervenir dans les crises diplomatiques.
L'évolution des positions franco-britanniques, en décembre 1998 à Saint-Malo, et l'aval de l'Allemagne en mai 1999 à Toulouse ont permis aux sommets européens de Cologne et d'Helsinki de lancer, en juin et décembre 1999, la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, qui permet aux Européens d'intervenir dans les crises en Europe lorsque l'Alliance n'est pas engagée.
L'examen du projet de budget de la défense pour 2005 intervient dans un contexte dont nous ne pouvons que nous réjouir.
La décision des ministres de l'Union européenne, le 22 novembre de cette année, de se doter de treize groupes tactiques formés d'unités de combat de 1 500 hommes censées être opérationnelles en quinze jours en est un élément majeur. Je vous en félicite, madame la ministre.
Le jeudi 2 décembre, nous avons vu la force armée de 7000 soldats de l'Union européenne, l'EUFOR, prendre officiellement la relève de l'OTAN en Bosnie.
Cela montre que les Européens membres de l'Union ont la capacité collective d'agir de manière autonome dans des crises européennes.
En dehors du fait que le développement de cette politique de défense dépendra évidemment, dans les années qui viennent, de la mise en place d'une politique étrangère commune, l'autonomie européenne ne sera réelle que si l'Union européenne dispose d'un certain nombre de capacités critiques en matière de renseignement, de transport de troupes et, surtout, de systèmes de commandement et de communication, sans parler d'autres domaines plus stratégiques.
Un approfondissement de la compatibilité et de la mutualisation des moyens, de concert avec nos partenaires, est une condition sine qua non de cette politique européenne.
Mais revenons au budget que nous examinons aujourd'hui.
Il s'élève, pour 2005, à près de 43 milliards d'euros, en hausse de 850 millions d'euros.
Les dépenses de ce budget sont importantes, mais nécessaires - je dirai même prioritaires -, même si elles sont quelquefois insuffisantes, nul n'en doute. Je voudrais louer, madame la ministre, votre énergie en ce domaine.
Mais ces dépenses pèsent lourdement sur la situation budgétaire de la France.
Notre endettement de 1000 milliards d'euros est effarant. Les 80 % de l'impôt sur le revenu qui ne servent qu'à payer les charges financières de la dette ôtent au pays ses capacités d'investissements majeurs et fondamentaux pour l'avenir et accroissent le poids de la pression fiscale, au détriment de l'initiative individuelle et collective.
Malgré cela, nous voterons un budget 2005 qui est encore en déficit.
L'équilibre des comptes de l'Etat devrait être inscrit dans le marbre de la Constitution. Ce serait sans doute une erreur économique, mais cette initiative, qui ne verra jamais le jour, permettrait au moins au Conseil constitutionnel de rappeler aux gouvernements successifs, de gauche comme de droite, et aux parlementaires que nous sommes qu'ils ne peuvent pas continuer à hypothéquer l'avenir des générations futures.
Les dépenses que nous consacrons à notre défense représentent à elles seules près de 2 % de notre PIB. Si l'on compare ce chiffre à ceux des autres pays européens qui, pour la plupart, ont des dépenses de défense comprises entre 1 % et 2 % de leur PIB - à l'exception des Britanniques, dont les dépenses atteignent 2,4 % -, force est de constater l'écart important de l'effort fourni en ce domaine par les différents Etats membres de l'Union européenne.
Nombre de budgets de défense européens sont en chute libre alors que le nôtre est toujours en hausse, ce dont je vous félicite, madame la ministre. Cette disparité s'amplifie avec le temps, du fait des réformes en cours dans tous les Etats européens.
Pourtant, la question de l'investissement des pays membres de l'Union européenne dans la constitution des forces et dans la mutualisation des moyens constitue un point clé de la politique européenne de défense.
Dans cette perspective, madame la ministre, j'aurais souhaité savoir - mais vous avez déjà répondu en partie tout à l'heure à cette question - quels objectifs et quelle évolution vous comptez donner à la politique européenne de défense.
Comment comptez-vous préparer la défense française à la mise en oeuvre du traité constitutionnel, si celui-ci est ratifié et dépasse les seuls objectifs de Petersberg ?
Dès lors, comment envisagez-vous l'évolution du budget de la défense dans un nécessaire contexte de compatibilité et de mutualisation des moyens nationaux respectifs de l'ensemble des pays européens, ne serait-ce que pour desserrer la pression financière sur notre propre budget ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique européenne de sécurité et de défense n'existait pas il y a dix ans, c'était une utopie. Il y a deux ans et demi, c'était un discours. Aujourd'hui, c'est une réalité.
Cette réalité nous est indispensable, ainsi qu'aux autres pays européens, parce que nous nous trouvons dans un contexte instable et dangereux pour tous nos concitoyens, qu'ils soient sur notre territoire ou à l'extérieur.
Il faut par conséquent poursuivre le développement de la PESD. Celle-ci a beaucoup progressé au cours des dernières années, mais il faut aller plus loin sur le plan des nouveaux matériels, des nouvelles capacités opérationnelles - la force européenne de gendarmerie en est un exemple, comme les 1 500 groupements tactiques -, mais aussi de l'investissement financier des Etats européens.
Je n'exclus pas les gendarmes du budget de la défense, d'abord parce que ce sont des militaires, d'autre part parce qu'ils participent et participeront davantage encore aux OPEX : ils le souhaitent, et cela correspond à un véritable besoin.
En ce qui concerne le budget consacré par d'autre pays à la défense, il serait faux de dire que tous sont loin derrière nous, ou qu'ils ne font pas d'effort. Aujourd'hui, la Grande-Bretagne et la Grèce sont à plus de 2 %, et d'autres pays viennent d'augmenter sensiblement leur budget, comme l'Espagne,...
M. Jean-Louis Carrère. Avec des socialistes !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ...ou le Portugal.
Je constate d'ailleurs que d'autres pays sont prêts à les suivre, mais exclusivement dans le cadre de la défense européenne.
Quand je suis allée plaider pour l'adhésion de l'Allemagne au programme A 400 M devant la commission compétente du Bundestag, j'ai été frappée de constater que l'on dépassait un certain nombre de préventions sur l'augmentation des budgets de défense dès lors qu'il s'agissait d'un programme européen.
Il faut également rappeler - je le fais régulièrement - que, si cet effort de défense indispensable n'est pas fait, les autres pays nous demanderont de le faire pour eux. Et, quand certains de ces pays nous reprochent alors de ne pas respecter les critères de Maastricht, je considère qu'ils sont de mauvaise foi.
Il est aujourd'hui indispensable de poursuivre ce mouvement que nous avons créé au niveau européen. Je suis, pour ma part, persuadée que la PESD sera le modèle de la politique extérieure. Nous avons en effet réalisé la PESD avant la politique extérieure, et la première entraînera la seconde.
Dès lors que l'Europe est capable d'avancer unie sur un certain nombre de théâtres d'opération, c'est aussi une façon de définir sa politique extérieure. Développer la PESD est donc notre objectif.
Nous voulons d'autre part que la France puisse lancer, notamment sur le plan des matériels, un certain nombre d'initiatives. Quand nous lançons les démonstrateurs de drones, comme l'Euromale, ou les démonstrateurs de satellites, c'est une façon d'associer les autres pays à notre démarche, à laquelle ils se joignent, du même coup, beaucoup plus volontiers.
Quelle est l'évolution du budget de la défense ?
Il faut atteindre les objectifs à long terme que nous nous sommes fixés ; c'est pourquoi il est nécessaire de respecter intégralement la loi de programmation militaire : elle a représenté un effort d'autant plus important que, les premières années, nous avons dû rattraper les baisses de crédits qui avaient affecté la précédente loi de programmation militaire. Si celle-ci n'avait pas vu ses crédits amputés de 20 %, l'évolution nécessaire aurait peut-être été moins importante. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère. C'était la bonne nouvelle !
M. Yves Pozzo di Borgo. Je vous remercie, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où se multiplient les annonces de rapprochement, de restructuration et de privatisation d'entreprises du secteur public industriel, ma question portera sur l'avenir de l'industrie de l'armement et, plus largement, sur les conséquences de cette évolution pour notre politique de défense.
La fusion de la SNECMA et de la SAGEM, la possibilité de rapprochement entre Thales et EADS - particulièrement tumultueuse, nous l'avons encore constaté ce soir en lisant la presse -, la transformation du statut de la société d'Etat DCN, avec une convergence avec Thales et une ouverture du capital que vous venez d'annoncer et dont le prochain conseil des ministres devrait se saisir, le projet en discussion de rapprochement entre Renault Trucks, Thales et Panhard, le désastre annoncé de la restructuration de GIAT Industries sont autant d'exemples dont les implications sont grandes et qui auront un coût social, économique et stratégique des plus importants.
Sur le plan social, 180 000 salariés sont concernés en France, regroupés au sein d'entreprises et de secteurs étatiques publics et privés. En Europe, ils sont plus de 400 000.
Ces personnels hautement qualifiés vont être confrontés à des situations intolérables telles que des licenciements, des annonces de reclassements plus qu'improbables - à Saint-Chamond par exemple, seuls 10 % du personnel sont reclassés -, des mises à l'écart, des déplacements, des changements de statut.
Avec la fusion de la SNECMA et de la SAGEM, nous nous sommes trouvés devant le fait accompli, quatre mois seulement après l'ouverture du capital de la SNECMA.
Alors qu'il détenait 64 % du capital, l'Etat n'en conservera qu'une part comprise entre 30 % et 35 %, avalisant de fait la privatisation de l'entreprise.
Les rumeurs de fusion de la DCN avec Thales laissent présager un sort similaire pour l'entreprise.
Vous aviez décidé, madame la ministre, d'ouvrir le capital dans la précipitation, à l'occasion de la future loi de finances rectificative, à la fin de 2004. Cette méthode avait déjà été employée pour le changement de statut, que j'avais vivement dénoncé. Cette fois, le Conseil d'Etat n'a pas avalisé cette pratique et un projet de loi, que vous venez d'annoncer, est prévu dans le courant de l'année prochaine.
Encore une fois, vous tournez le dos à la nécessaire maîtrise publique de ces fabrications stratégiques.
Quand nous avons discuté du changement de statut de la DCN, on nous a juré qu'il n'y aurait pas d'autre changement,...
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Personne n'a juré !
Mme Hélène Luc. ... et vous nous annoncez maintenant l'ouverture de son capital.
Pour ce qui est de GIAT, le député Teissier a osé en assimiler les salariés à des preneurs d'otages. C'est inadmissible, car ce sont bel et bien les salariés eux-mêmes qui sont pris en otage par le plan GIAT 2006 !
La situation est alarmante, et la politique du PDG, soutenue par votre gouvernement, fait peser un risque majeur de rupture technologique. Et je ne parle pas du non-respect des engagements de l'Etat en matière de reclassement...
La diversification de ses activités, tant militaires que civiles, comme le ferroutage en Rhône-Alpes, mérite une attention toute particulière. Or, jusqu'à présent, les salariés n'ont pas été entendus.
J'en viens à mes questions.
Premièrement, vous avez récemment rencontré les salariés de GIAT, et vous n'avez pas exclu la tenue d'une table ronde. Quand comptez-vous la réunir ?
Deuxièmement, j'aimerais que vous nous éclairiez sur l'éventualité d'un futur projet de loi concernant DCN. Pouvez-vous-nous assurer que GIAT n'y sera pas inclus, comme le craignent les salariés, et que l'ouverture du capital de cette dernière entreprise ne sera pas à l'ordre du jour ?
Troisièmement, vous avez longuement parlé à la radio de la contribution de la France à la défense européenne. Allez-vous enfin engager un vrai débat démocratique au Parlement à ce sujet ?
Enfin, vous le savez, le groupe communiste républicain et citoyen propose la création d'un pôle public de l'armement. Acceptez-vous d'en débattre devant la représentation nationale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Luc, nous ne sommes pas là pour nous bercer d'illusion ni pour raconter n'importe quoi. Nous savons très bien que, dans les années qui viennent, notre industrie d'armement sera directement en concurrence avec un certain nombre de pays ou de blocs de pays qui, du fait de leur poids et de leurs coûts de revient, seront susceptibles de nous rafler de nombreux marchés.
Vous le savez aussi, nous ne parviendrons pas à faire survivre nos industries de défense dans un marché purement national. Si nous nous montrons responsables, nous devons les mettre en position de résister à une telle concurrence. Il faut donc les conforter. C'est ce qu'a permis la création d'EADS dans le domaine aéronautique.
J'ai également souhaité favoriser des rapprochements avec les démonstrateurs de drones, en associant Dassault et d'autres entreprises d'autres pays européens.
En ce qui concerne DCN, c'est exactement la même chose. Il faut le savoir, d'ores et déjà, la concurrence de l'Asie du sud-est se fait sentir très fortement dans le domaine privé. Or cette concurrence s'étendra, bien entendu, au secteur de la défense.
Parler d'un pôle national n'a pas de sens. Il faut que nous soyons à la hauteur de nos rivaux. Nous devons donc conforter nos entreprises, mais pas uniquement sur le plan national ; il faut aller plus loin.
De ce point de vue, en espérant qu'il aboutira, je me réjouis du rapprochement de DCN et de Thales. Cela nous permettra de disposer d'un pôle fort et nous ouvrira des possibilités supplémentaires de partenariat sur le plan européen, ce qui nous offrira une vraie capacité de résistance.
Je souhaite la même chose pour GIAT, je vous l'ai dit dès le début. N'oubliez pas que les premiers conseils que j'ai reçus quand je suis arrivée à ce ministère étaient de fermer purement et simplement l'entreprise ! Et c'est moi qui ai refusé !
Nous étions alors face à une situation extrêmement difficile : le carnet de commandes était vide à 75 %, et aucun partenaire ne se présentait, non en raison des compétences du personnel, mais parce que la situation financière était trop difficile.
Nous devons donc conforter GIAT et lui permettre d'effectuer les rapprochements nécessaires pour en faire, là aussi, un vrai pôle.
Je suis prête à avoir une discussion sur la politique industrielle.
Mme Hélène Luc. J'en prends acte !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il reste cependant à déterminer sous quelle forme. Nous verrons s'il s'agit d'une table ronde, d'un colloque ou d'autre chose. Je l'ai déjà dit, mais je le répète, car il est bon que tout le monde connaisse mes positions, qui sont des positions de bon sens.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Absolument !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il est vrai que, dans un certain nombre de cas - mais pas pour le rapprochement entre la SNECMA et la SAGEM, où les deux entités demeurent -, les conséquences humaines sont très dures. Soyez persuadée que j'en ai conscience ! C'est bien la raison pour laquelle, aussi bien à l'égard des personnels que des collectivités territoriales, qui sont également touchées par certaines mesures, nous avons mis en place, sous l'autorité et avec le total dévouement de M. Jean-Pierre Aubert, plusieurs mesures.
Vous me dites que, sur le site de Saint-Chamond, seuls 10 % des gens sont reclassés. Toutefois, comme l'application des mesures concernant directement GIAT a connu un certain retard, les problèmes sont lissés sur une période plus longue.
L'objectif ne peut être qu'ambitieux pour notre industrie tant européenne que nationale de l'armement, car les deux sont liés. Nous ne pouvons pas non plus avoir une attitude autre qu'attentive à l'égard de toutes les personnes concernées. Je l'ai d'ailleurs dit, chaque cas sera étudié individuellement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, vous vous doutez bien que votre réponse ne me satisfait pas du tout.
M. Robert Del Picchia. C'est bon signe !
Mme Hélène Luc. Vous nous rappelez la situation de GIAT. Je ne vais, bien évidemment, pas répéter ce que nous disons pour la troisième année consécutive.
Vous nous dites qu'il faut mettre notre industrie de défense en position de résister. C'est précisément ce que nous vous proposons en créant un pôle public de l'armement. Or ce que vous nous annoncez va à l'encontre de nos propositions.
Cela étant, je prends acte du fait que vous acceptez de discuter, et je vous en remercie. Nous pourrons définir la forme de cet échange avec le président du Sénat.
Je ne vous cache pas qu'une très grande inquiétude prévaut devant l'absence de mesures sociales de même qu'une incompréhension devant une politique de désagrégement du secteur pour des motifs fallacieux sous-tendus par les seuls impératifs financiers. Vos propos au sujet de DCN le confirment.
En effet, nous ne sommes pas dupes devant ce vaste mouvement de libéralisation du marché de l'armement, qui augure des jours sombres pour l'indépendance et la souveraineté des nations européennes ainsi que pour l'émergence d'une politique de paix et de désarmement.
C'est la raison pour laquelle tout me conforte dans ma volonté de plaider en faveur de la création d'un pôle public dans le domaine de l'armement et de la défense, seul garant du contrôle de la représentation nationale et des citoyens. Sans cela, c'est la souveraineté et l'autonomie de notre pays qui sera en danger. Le projet de Constitution européenne le présage déjà.
Il faut avoir le courage, madame la ministre, mes chers collègues, de ne pas nous laisser berner.
Il faut avoir le courage de reconnaître que l'abandon de notre industrie nationale ne constituera pas un rempart contre la mainmise américaine. Il suffit pour s'en rendre compte de constater l'accélération des prises de contrôle des firmes européennes par des capitaux américains.
Il faut avoir le courage de dénoncer cette Europe qui prône la privatisation de l'industrie de défense européenne pour mieux l'assujettir aux desseins transatlantistes et la subordonner à l'OTAN
Enfin, il faut avoir le courage de nous ériger contre les recommandations de la Commission européenne, qui préconisent une libéralisation du marché de l'armement.
L'état des lieux est très préoccupant : la loi de l'argent prend le pas dans un secteur qui ne doit en aucun cas être marchand !
Madame la ministre, vous connaissez mes engagements, ceux de Josiane Mathon et de tous les sénateurs communistes aux côtés des salariés.
Mme Hélène Luc. La semaine dernière encore,...
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. ... je participais à une conférence de presse, ici même au Sénat, avec Jean-Louis Naudet, secrétaire général de la fédération nationale des travailleurs de l'Etat, et Jean-Pierre Brat, délégué syndical de la CGT de GIAT.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Ils ont sûrement fait avancer le débat !
Mme Hélène Luc. Ils ont exprimé le désarroi des personnels et exposé les propositions alternatives qu'ils ont élaborées.
Quant à nous, nous continuerons à oeuvrer dans l'intérêt de la France et pour une Europe de la coopération, de la justice sociale et de la paix.
M. Robert Hue. Très bien !
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec la loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, notre pays s'est doté d'un calendrier et d'un échéancier précis pour franchir une étape vers le modèle d'armée 2015.
Le modèle 2015 est le format quantitatif et qualitatif défini dans un esprit de stricte adéquation pour permettre à la défense d'assurer l'ensemble de ses missions ; il n'a connu que des adaptations à la marge avec la loi de programmation.
Notre pays pourra-t-il consentir l'effort nécessaire à la réalisation de ce modèle dans un contexte de faible croissance et de finances publiques très contraintes ?
La professionnalisation des armées est une réforme réussie, mais elle est plus coûteuse qu'escomptée. Le recrutement, la formation, la fidélisation et la reconversion des personnels forment un ensemble dont la qualité doit être maintenue au meilleur niveau.
Les nouveaux équipements, à forte intensité technologique et fabriqués en séries limitées, nécessitent une capacité d'investissement considérable. Notre budget le permet-il encore ?
Nous pouvons d'ores et déjà constater que, bien qu'exécutés scrupuleusement, les crédits de la loi de programmation militaire ne suffisent pas à faire face aux besoins, rendant nécessaire le recours à d'autres financements.
Ce constat conduit certains à s'interroger - ce point a d'ailleurs été évoqué par M. Fréville - sur la place occupée par notre outil de dissuasion nucléaire devant les besoins des équipements classiques. La prochaine loi de programmation ne fera certainement pas l'économie d'une réflexion non sur le principe de notre dissuasion, dont je ne crois pas qu'il soit si contesté, mais sur ses modalités et ses composantes. Vous y avez déjà apporté un début de réponse, madame la ministre, mais cette réponse mérite un développement.
Devant le caractère immédiatement sensible des risques et des menaces, l'effort consenti par notre pays pour sa défense est nécessaire et légitime ; je crois qu'il est perçu comme tel par l'opinion publique. Il n'en demeure pas moins que certaines évolutions sont indispensables, la transparence et la recherche d'efficacité étant les meilleurs gages de la légitimité de la dépense militaire.
La préparation et la conduite des programmes doivent faire l'objet d'une attention particulière ; vous avez commencé à travailler dans ce sens. Nous ne pourrons plus nous permettre les dérives de coûts que nous avons pu connaître par le passé, lesquelles n'étaient pas toujours imputables à l'indisponibilité des crédits.
La seconde évolution indispensable est donc celle de l'outil industriel de défense. Vous avez déjà développé ce point, et je n'y reviendrai pas compte tenu du temps qui m'est imparti. Mais il me paraît opportun d'insister, autant pour GIAT que pour DCN, sur la nécessité d'assurer une compétitivité indispensable à la préservation des crédits d'investissement de nos armés.
Cela m'amène au dernier sujet que je souhaite évoquer, tout aussi rapidement faute de temps : l'Europe de la défense.
Dans la situation actuelle de notre défense nationale, une meilleure intégration me paraît une nécessité absolue. Celle-ci passe par le renforcement de la coopération européenne en matière de recherche, seule à même de déboucher sur des expressions de besoins véritablement convergentes en ce qui concerne les équipements, faute de quoi nos coopérations resteront, de façon paradoxale, facteur d'allongement des délais, d'augmentation des coûts et d'insatisfaction partagée.
Certes, l'Europe de la défense progresse, vous l'avez rappelé, avec de véritables engagements opérationnels, comme en témoignent les opérations récentes au Congo ou dans l'océan Indien. Mais, c'est un constat regrettable, elles restent en retrait en ce qui concerne les acquisitions.
Dans le prolongement de ces remarques, je formulerai deux questions.
Pouvez-vous nous exposer les améliorations attendues dans le pilotage des grands programmes d'équipement dans le cadre de la réforme de la DGA ?
Par ailleurs, l'Agence européenne de l'armement vous paraît-elle, dans son organisation actuelle, à même de faire progresser la coopération de façon à construire de véritables programmes communs à plusieurs Etats membres ?
M. le président. La parole est Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, j'ai, comme vous, constaté des dérives en ce qui concerne certains programmes ; je n'évoquerai pas le VBCI, le véhicule blindé de combat d'infanterie, non plus que le Rafale.
Il m'a semblé indispensable de poursuivre la réforme de la DGA, pour tenir compte non seulement du contexte national et européen - et, donc, avoir un instrument sur lequel nous puissions réellement nous appuyer -, mais aussi de la complexité croissante des programmes, bien réelle, et, enfin, de l'importance de l'effort financier, qui impliquait, de la part du ministère de la défense, d'être d'autant plus rigoureux quant à l'utilisation de ces crédits.
La réforme de la conduite des programmes d'armements avait donc pour objet premier de permettre une clarification des responsabilités. Un bon suivi suppose de connaître son interlocuteur et de savoir déceler la source d'éventuels dérapages, afin que le responsable les assume.
Une meilleure synergie entre les différents partenaires était, par ailleurs, nécessaire : grâce au Conseil des systèmes de force, dont j'ai souhaité la création, la discussion entre la DGA et les états-majors a pu s'ouvrir et un véritable suivi a pu s'instaurer.
Ayant également voulu que la maîtrise d'ouvrage de l'Etat se renforce, j'ai veillé à ce que mon ministère mène une politique des ressources humaines plus dynamique et plus ouverte, de façon que les compétences des uns et des autres se trouvent rapprochées.
Enfin, j'ai souhaité que notre action industrielle et technologique soit relancée, d'où la constitution d'équipes plus motivées et le déblocage de crédits du type de ceux que j'évoquais tout à l'heure, à l'utilisation desquels les industriels sont davantage associés.
De ce point de vue, le fait de respecter la loi de programmation militaire accroît la lisibilité de notre action, ce qui est indispensable pour les industriels, puisqu'ils se voient ainsi enfin assurés de pouvoir mener à bien leurs programmes. Pendant trop longtemps, en effet, ils ont souffert de ne jamais savoir quand les livraisons interviendraient, tant le risque était grand que les crédits nécessaires aux acquisitions ne leur fassent soudain défaut.
La DGA a la volonté d'agir de façon plus active, pluriactive, et, en même temps, plus transparente vis-à-vis des industriels, tout en faisant preuve également d'une plus grande exigence à leur égard, il ne faut pas l'oublier.
L'Agence européenne de l'armement, quant à elle, est destinée à être une pièce majeure dans la construction non seulement d'une politique industrielle, mais également d'une politique de défense.
C'est pourquoi, approuvés en cela par les Britanniques, nous avons tenu à ce que les quatre missions qui lui sont attribuées constituent quatre piliers équivalents, chacun étant porteur d'une égale ambition.
L'Agence européenne de l'armement doit, tout d'abord, développer les capacités militaires de l'Union européenne, en liaison avec les structures militaires de la PESD.
Il lui appartient également de promouvoir les acquisitions d'équipements de défense en coopération : cette action se met en place de façon satisfaisante.
Il lui incombe, ensuite, d'agir comme catalyseur pour renforcer l'efficacité de la branche « recherche et technologie » de la défense européenne. Vous avez insisté, monsieur le sénateur, sur la recherche, domaine essentiel dans lequel la France a toute sa place et joue un rôle moteur auprès de ses partenaires, qui répondent assez bien à cette incitation, ce qui nous permet, de plus, de renforcer notre base technologique.
Enfin, elle a pour vocation de favoriser la création d'un marché européen des équipements compétitifs et de mettre en oeuvre des politiques visant à renforcer notre base industrielle et de défense.
L'une de nos préoccupations majeures était d'éviter d'en faire un « machin » de plus. C'était, pour nous, essentiel.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé, et obtenu, qu'elle ne soit pas une instance seulement technique mais que les ministres de la défense jouent un rôle essentiel dans la définition et le suivi de ses missions, notre but étant bien de coordonner les efforts, et non pas de créer une structure dans laquelle décisions et responsabilités se perdraient : c'est important pour la défense européenne, pour l'ensemble de nos entreprises et, donc, pour leurs salariés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. André Boyer. Je vous remercie, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le contexte international est lourd de menaces pour notre sécurité. Certes, ces menaces ne sont pas de même nature que celles qui résultaient, jadis, des confrontations dues à la guerre froide. Mais, aujourd'hui, le terrorisme de masse, les conflits qui s'éternisent au Proche-Orient ou en Asie, l'aggravation de la fracture entre le Nord et le Sud nous obligent à analyser le monde avec le souci de mieux définir notre stratégie de sécurité et de défense.
En Irak, ainsi, nous avons l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire !
Les questions de sécurité et de défense n'appellent pas toujours une réponse militaire, même si celle-ci doit rester disponible à la décision politique. Des concepts tels que la prévention et le renseignement sont ainsi prioritaires. La capacité à prévoir les mauvais coups, à anticiper l'essor de la menace apporte une différence significative.
L'acquisition de cette capacité vitale passe par la maîtrise d'un certain nombre de technologies pouvant déboucher sur des outils performants, qu'ils soient spatiaux, de communication ou de renseignement. Il convient d'avoir un ensemble de défense adapté avec le développement des capacités de prévention en matière d'alerte avancée contre les menaces balistiques et de protection dans les domaines nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique.
L'Europe devra se doter de ces mêmes capacités en développant des programmes autour du spatial militaire, élément structurant de la défense européenne.
Or je remarque le niveau insuffisant des crédits consacrés au domaine spatial. Après la forte baisse enregistrée en 2004, dans le projet de budget pour 2005, les crédits dévolus à l'espace militaire ne représentent que 3,1 % des crédits d'équipement des titres V et VI. Nous voudrions comprendre les raisons de cette situation très compromettante pour l'avenir de notre sécurité.
M. Xavier Pintat, l'un des rapporteurs pour avis, s'en étonne et signale qu'« alors que le rôle croissant des équipements spatiaux dans les opérations militaires ne cesse d'être souligné, on ne peut qu'être frappé par la contraction concomitante du budget spatial militaire français ».
Les crédits consacrés à l'espace ont régressé sur une longue période. Ils se situaient en moyenne à environ 600 millions d'euros courants par an au début des années quatre-vingt-dix et sont revenus autour de 400 millions d'euros par an au cours des dernières armées.
Ce projet de budget fait la part belle aux programmes du passé, aux situations acquises, et ne traduit pas un souci suffisant de l'avenir. Si la recherche et les programmes spatiaux sont maltraités, en revanche, les crédits consacrés au nucléaire continuent d'augmenter.
Actuellement - mais ce n'est pas nouveau - le financement du nucléaire militaire représente 20,7 % du budget d'équipement des armées. Ce n'est pas négligeable : sur un budget total de 32,92 milliards d'euros, la France dépensera 3,14 milliards d'euros pour financer sa dissuasion nucléaire. Cette dépense ne mériterait-elle pas un débat parlementaire approfondi ?
Je veux rassurer tout de suite les « gardiens du temple sacré », s'il en est ici, qui seraient tentés de réfuter aveuglément cette proposition : il ne s'agit pas de remettre en cause notre concept de dissuasion nucléaire, je le dis à l'intention notamment de M. Fréville.
Je le souligne de façon liminaire pour éviter les malentendus, volontaires ou involontaires, car le débat, aujourd'hui, est inexistant : il est purement et simplement confisqué au pays.
Je ne suis pas le seul à condamner cette paralysie de la pensée stratégique : des députés socialistes ont, récemment, réclamé un débat sur le poids du nucléaire militaire en fonction des insuffisances notoires constatées sur le financement d'autres projets nécessaires à notre défense.
Le président de la commission de la défense de l'Assemblée nationale a osé, en septembre dernier, soulever un coin du voile en préconisant, selon une dépêche de l'AFP que j'ai sous les yeux, « une pause de vingt-cinq ans dans le nucléaire militaire à partir de 2015 environ, jugeant que la France ne pourrait pas supporter longtemps le coût de la recherche dans ce domaine ». Avant d'être fermement rappelé à l'ordre, il avait cependant eu le temps de déclarer qu'il craignait « que nous ne puissions pas supporter en même temps le coût du nucléaire et celui de l'entretien de notre armée ».
Le chef d'état-major des armées, le général Henri Bentegeat, a, lui aussi, droit à une opinion sur la question, puisqu'il a déclaré qu'il était nécessaire et légitime de savoir si notre doctrine était adaptée à la réalité des menaces et si l'effort financier consenti en faveur des forces nucléaires était dimensionné au bon niveau.
Si un débat approfondi sur la dissuasion ne semble pas faire peur aux militaires, pourquoi faudrait-il que les politiques restent, eux, muets et disciplinés ?
Pourquoi les crédits consacrés au nucléaire restent-ils à un niveau si élevé ? La « stricte suffisance » nous oblige-t-elle à moderniser encore et encore notre panoplie nucléaire et à poursuivre les dépenses ? Avons-nous changé de doctrine et, en conséquence, sommes-nous à la recherche d'armes nouvelles ? On m'objectera que la part du nucléaire dans les titres V et VI était plus élevée il y a quelques années.
Parlons chiffres : en 1990, la part du nucléaire était de 31,7 %. Il est vrai aussi qu'à l'époque la « guerre froide » était encore toute chaude ! Dès 1995, cette part est tombée à 21,9 % pour, en 2000, être ramenée à 19 %. Or, en 2005, le mouvement reste à la hausse, avec 20,7 %.
Il n'est pas question de « baisser la garde ». Nous savons tout aussi bien que quiconque ici que la prolifération des armes de destruction massive, notamment nucléaires, reste un problème majeur sur la scène internationale. Ce risque ne saurait être négligé.
L'affaiblissement des instruments juridiques internationaux de désarmement est, dans le même temps, un réel motif d'inquiétude. L'attitude européenne face à la situation nucléaire iranienne constitue une démarche très positive qu'il convient d'encourager.
Quelle est la meilleure utilisation des crédits que l'effort des Français met à la disposition de la défense ? Je crains sincèrement que notre effort de défense ne soit par trop dépendant du poids financier de l'armement nucléaire.
Madame la ministre, en cinq minutes, il est impossible d'aborder sérieusement l'ensemble des questions soulevées par cette problématique. Voilà pourquoi, d'ailleurs, nous sommes hostiles à cette forme de débat tronqué qui nous est imposée. Pour une fois, ce n'est pas un reproche qui s'adresse à vous. J'ai simplement voulu vous dire honnêtement qu'il est nécessaire de réexaminer les dépenses de défense de la France à la lumière du débat stratégique qu'il convient d'ouvrir sans tarder.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Boulaud, en commençant votre intervention, vous avez dressé un état des données générales et des risques qui pèsent sur la France.
Je relève quant à moi deux problèmes majeurs : les crédits affectés au nucléaire et les crédits alloués au domaine spatial.
Le nucléaire constitue, je le rappelle une fois de plus, notre protection ultime contre des risques majeurs émanant de pays qui, pour une raison ou pour une autre, seraient susceptibles de s'attaquer à nous.
Ce n'est pas au moment où plusieurs pays émergents, dont les régimes sont, souvent, fort loin d'être démocratiques, sont en train de se doter de l'arme nucléaire qu'il nous faut baisser cette protection ultime. Comme je le disais tout à l'heure, nous avons abaissé la part relative de notre dissuasion nucléaire, notamment en en faisant disparaître l'une des composantes.
Il n'existe aucune possibilité de pause, compte tenu des matériels en cause. Sachant cela, il nous faut, en quelque sorte, choisir entre tout ou rien. Or, face au danger, cela ne peut être rien.
En ce qui concerne l'utilisation de l'arme nucléaire, notre doctrine est le même : c'est une doctrine de non-emploi et, en même temps, une doctrine de stricte suffisance, mais, face aux différentes évolutions de la situation internationale, nous ne pourrons être réellement dissuasifs qu'à la condition que notre armement ait la crédibilité nécessaire.
Ce sujet est régulièrement évoqué dans cette Haute Assemblée, que ce soit devant les commissions ou dans cette enceinte, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, et je puis vous dire à cet égard qu'il n'y a pas de problème majeur. Je vous ai indiqué très clairement quels sont les éléments de cette composante nucléaire de notre défense et les raisons de son existence, et il ne nous paraît pas devoir en changer.
Par ailleurs, il est vrai que nous ne devons pas négliger le domaine spatial, essentiel également pour notre autonomie de renseignement, de transmission, voire d'action.
Un certain nombre de crédits sont liés à la réalisation de différents programmes : Hélios II ou Syracuse III, notamment.
Je vous ai indiqué aussi ce sur quoi nous sommes en train de travailler au plan européen pour aller plus loin.
Le spatial est le nouvel horizon de la défense et, par conséquent, il est bon que, dans ce domaine également, la France puisse jouer un rôle moteur pour construire une politique spatiale européenne. C'est ce sur quoi je suis en train de travailler et j'espère pouvoir, dans quelques mois, faire des propositions à l'ensemble de nos partenaires européens, bien entendu après en avoir informé la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Madame la ministre, je tiens à insister, dans le court laps de temps qui m'est imparti, sur l'autre aspect de ce débat, qui concerne bien évidemment la doctrine.
D'aucuns disent que la doctrine française n'a pas changé, que la doctrine de la dissuasion à la française reste immuable. D'autres voix, et non des moindres, reconnaissent qu'il y a eu, qu'il y a des adaptations.
Alors, qui croire ? En juin 2001, le Président de la République parlait de l'adaptation de la doctrine nucléaire. Certaines inflexions existaient en filigrane depuis quelques années sans qu'il y ait eu débat sur la question. Or, depuis cette date, on croit savoir que « l'adaptation » a eu lieu. Quel est le contenu de cette adaptation ?
La dissuasion anti-cités et la dissuasion du faible au fort sont-elles dépassées ? La dissuasion française se place-t-elle aujourd'hui en état de répondre aux « fous », aux puissances non étatiques, à toute menace provoquée par des armes de destruction massive ?
Sommes-nous en train d'adapter, comme envisagent de le faire les Etats-Unis, la capacité de frappe, la précision - vous y avez fait allusion dans votre propos - et la puissance explosive des têtes nucléaires aux actions militaires préemptives ou préventives ?
Le Premier ministre a déclaré, le 16 octobre 2003, que « les forces nucléaires sont [...] adaptées pour faire face à une diversité de scénarios de chantages et de menaces auxquels nous expose, de façon de plus en plus plausible, le développement d'armes de destruction massive. » Cette « diversité de scénarios » mérite explication.
La loi de programmation militaire 2003-2008 affirme que la dissuasion « implique de disposer des moyens diversifiés permettant d'assurer sa crédibilité face aux évolutions des menaces, quelles que soient leur localisation et leur nature ».
En ce qui concerne la « localisation », il s'agirait d'un retour à l'orthodoxie gaullienne : la dissuasion s'exerce « tous azimuts ».
En revanche, la « nature » de la menace pose problème. Cela veut-il dire que l'on élargit le champ d'action du nucléaire ? Est-ce la nature de l'agression ou la dimension de celle-ci qui détermine la riposte ? Toute attaque avec des armes de destruction massive - nucléaire, biologique ou chimique -, indépendamment de la nature de l'attaque, doit-elle attirer le feu nucléaire comme réponse ? Nous savons que ces attaques pourraient ne pas être « signées » et qu'il n'y aurait donc pas d'Etat clairement identifié sur lequel riposter.
Est-il donc crédible d'affirmer que la dissuasion s'exerce contre toute menace quelle que soit sa localisation et sa nature ?
Nous voyons aujourd'hui resurgir les vieilles lunes de l'utilisation offensive, et non pas dissuasive, de cette arme effroyable. Le problème est donc politique. Doit-on évoluer vers une doctrine qui intègre l'emploi de certaines armes nucléaires ? Doit-on, au nom de la modernisation de la panoplie, chercher à tout prix à se procurer des armes tactiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à entendre les déclarations des uns et des autres depuis un moment, je peux affirmer très clairement que le débat n'est pas confisqué et que chacun peut exprimer, pendant ces successions de cinq minutes multipliées par un certain nombre d'intervenants dans chaque groupe, tout ce qu'il a envie de dire, que ce soit sur le plan de la contestation ou de l'approbation.
Votre budget est en hausse de 2 %. Pour la troisième année consécutive, il respecte, les rapporteurs l'ont dit,...
M. Didier Boulaud. Si les rapporteurs l'ont dit, il ne faut pas le répéter !
M. Jacques Peyrat. ...la loi de programmation. Bravo, madame la ministre ! C'est bien, et nous sommes satisfaits : vous nous présentez un bon budget.
Vous avez notamment respecté les normes de l'entraînement, aussi bien pour les forces terrestres que pour les pilotes d'avions de combat ou de transport et pour la marine nationale. Il n'est pas de bonne armée s'il n'y a pas de bons moyens matériels, de bons personnels, de bons moyens d'entraînement, de bons chefs, de bons parlements et de bons ministres.
Oui, nous sommes satisfaits, et je tenais à vous le dire d'autant qu'il nous a semblé que dans un budget contraint, souffrant peut-être d'une certaine concurrence avec d'autres ministères, vous avez su tenir le cap, ce qui, pour les forces, qu'elles soient terrestres, maritimes ou aériennes, est une nécessité absolue.
Ayant dit cela, et comme il ne faut pas toujours trouver tout beau, je vais vous maintenant vous faire part d'une préoccupation. Vous y avez d'ailleurs en partie répondu, en vous adressant à notre éminent collègue François Trucy : il se murmure qu'il y aurait un « fléchissement » des effectifs - le mot a souvent été utilisé -, ce qui serait nocif, notamment pour l'armée de terre.
On a parlé de 10 000 hommes. Je m'en suis ouvert aux éminentes personnalités qui vous assistent au banc du Gouvernement, madame la ministre, mais tous m'ont affirmé en riant que ce n'était pas vrai, que si la préoccupation en question était effective dans l'armée de terre, elle n'était pas fondée. On m'a ainsi dit que vous seriez intervenue il y a quelque temps pour ramener chacun à la raison et que, grâce à un système de repyramidage, les pendules seraient remises à l'heure.
Il s'agirait ainsi de remplacer un sous-officier supérieur - sergent-chef, adjudant ou adjudant chef - par deux sous-officiers de moindre qualité, avec une solde moindre mais que deux hommes toucheraient. Ce serait, à mon avis, une mauvaise chose.
Vous savez, au poste que vous occupez, entourée de tous les conseillers talentueux qui vous assistent, qu'il n'est de bonne armée que servie par des officiers de qualité et bien formés : Saint-Cyr pour l'armée de terre, l'Ecole navale pour la marine, l'Ecole de l'air pour l'aviation, Melun pour la gendarmerie.
Mais il n'est surtout de bonne armée qu'avec un bon corps de sous-officiers, ceux que d'aucuns ont appelé les « maréchaux », surtout dans les formes modernes de la guerre. Et si nos troupes ont été valeureuses et d'une discipline remarquable, faisant preuve d'un sens de l'ordre cohérent et d'un sang-froid extraordinaire au Kosovo, en Bosnie, en Afghanistan et en Côte d'Ivoire, quels que soient les circonstances, les climats, les formes de guerres ou d'opposition rencontrées, sachant résister imperturbablement, c'est certainement dû, pour une large part, au corps des sous-officiers.
Si l'on minorait à l'excès ce corps, je craindrais pour l'efficacité de nos armes. Je le dis comme je le pense pour avoir bien connu les sous-officiers, pour avoir combattu avec eux et avoir eu l'honneur, quelquefois, de les commander.
Je ne sais pas si ceux qui font état de ces craintes sont ce que l'on appelle chez moi des marida lengua, c'est-à-dire des mauvaises langues. Mais, si tel est le cas, madame la ministre, vous me direz dans votre réponse ce qui les fera taire, et je serai alors rassuré. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Peyrat, vous évoquez trois sujets différents.
Premièrement, s'agissant des effectifs, il est vrai que les chiffres les plus farfelus ont circulé, tenant probablement à une anxiété sur le long terme. Je pense en tout cas vous avoir répondu en ce qui concerne les recrutements et les carrières pour 2004 et 2005.
Deuxièmement, vous parlez de repyramidage. Cela concerne la gendarmerie, qui se trouvait dans une situation d'encadrement extrêmement inférieure à celle de toutes les autres armées. Il s'agit donc d'un rattrapage partiel de l'encadrement existant.
Troisièmement, vous évoquez une mesure qui n'est autre chose qu'un témoignage de satisfaction à l'égard des sous-officiers et qui permet à un certain nombre d'entre eux de bénéficier d'un petit échelon supplémentaire. Nous reconnaissons ainsi le rôle essentiel joué par les sous-officiers dans l'efficacité de nos armées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Je ne dirai rien de plus : j'ai applaudi, cela suffit ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons le budget de la défense pour 2005 dans un contexte international fragile.
Vous comprendrez, madame la ministre, que j'évoque, à l'occasion de ce débat - comme d'autres l'ont fait, d'ailleurs -, la crise ivoirienne qui, comme j'ai eu l'occasion de le dire ici, est sans doute l'une des plus graves dans lesquelles la France et les militaires français se sont trouvés impliqués directement.
Permettez-moi encore une fois, au nom du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, de rendre hommage aux victimes françaises, à nos soldats tués et aux victimes ivoiriennes, à leurs familles, à nos compatriotes réfugiés qui vivent des heures extrêmement difficiles.
Cette brusque dégradation de la situation en Côte d'Ivoire illustre la fragilité du processus de paix. La situation est délicate et ne peut se résumer, pardonnez-moi, à une opération de désinformation ou de détournement de l'attention des uns ou des autres. Plus le temps passe, plus les rancoeurs s'accumulent et risquent de laisser des traces profondes.
La polémique que se livrent votre ministère et les autorités ivoiriennes sur le bilan et les circonstances des violences s'est déplacée sur un terrain médiatique. Le président de la fédération internationale des ligues des droits de l'homme ne vient-il pas de se montrer à nouveau extrêmement sévère sur le comportement des soldats français ?
Alors que le sang a coulé, il faut repartir sur de nouvelles bases et recréer les conditions du dialogue et d'un retour à la confiance. Nous avons assez perdu de temps. Comme je l'ai demandé à votre collègue Michel Barnier, n'attendons plus pour avoir un grand débat sur ce que doivent être les orientations des relations entre la France et les peuples africains et les conditions de la présence française en Afrique.
Examiner pour 2005 un budget comme celui de la défense, c'est examiner obligatoirement la place et le rôle de notre pays dans le monde ; c'est le faire à un moment où la situation internationale est extrêmement tendue et source d'inquiétude dans de nombreux endroits de la planète. C'est aussi nécessairement réfléchir au rang de la France dans un contexte où la communauté internationale, au travers de l'ONU, voit son autorité trop souvent mise à mal.
La question qui nous est donc posée au moment d'aborder l'examen de ce budget devrait être celle de l'originalité et de la spécificité française, non inféodée à l'hégémonie américaine et porteuse de cette volonté au sein de l'Europe.
Rappelons que les forces françaises sont intervenues et interviennent encore sous mandat de la communauté internationale en Afghanistan, dans les Balkans, en Haïti, et plus récemment et plus tragiquement encore en Côte d'Ivoire. Elles sont également présentes par le biais d'accord bilatéraux dans de nombreux autre pays africains.
Nul ne peut dire comment va évoluer la situation au Moyen-Orient et dans d'autres pays d'Afrique. Ces événements témoignent de façon gravissime de l'importance et du rôle particulier de nos militaires pour la défense de la paix et la protection de nos concitoyens.
Ce contexte éclaire particulièrement la question des OPEX. Jusqu'à présent, elles n'étaient jamais inscrites en loi de finances. Cette année, le projet de budget prévoit leur financement à hauteur de 100 millions d'euros, inscrits au titre III. Nous nous en félicitons. Cependant, madame la ministre, alors que vous souhaitez porter cette enveloppe à 300 millions d'euros en loi de finances initiale, le montant prévisionnel des OPEX pour 2005 est évalué à 600 millions d'euros. Le surcoût provoqué par l'aggravation de la crise en Côte d'Ivoire est estimé entre 6 millions et 7 millions d'euros pour les six dernières semaines de l'année. Quelle que soit, d'ailleurs, l'évolution du dispositif militaire en Côte d'Ivoire - maintien et/ou renforcement de notre implication -, cela accroîtrait de toute façon le coût des OPEX.
Au demeurant, tout cela n'est qu'évaluation, car ces missions sont par nature imprévisibles. Cependant, la question est de savoir comment redéployer les crédits afin de couvrir ces dépenses supplémentaires, soit environ un peu plus de 500 millions d'euros.
Tout doit être mis en oeuvre pour assurer le rapatriement de nos ressortissants de Côte d'Ivoire. En effet, des milliers de nos compatriotes ont quitté ce pays sous la menace et l'hostilité : on parle ainsi de plusieurs milliers de réfugiés dans les pays limitrophes.
J'en viens au budget de la défense lui-même, qui est certes en hausse, mais, chacun le sait, un budget qui augmente n'est pas forcement un bon budget : tout est question de choix. Or, nous venons de le voir, les crédits affectés à la défense ne répondent pas aux enjeux internationaux et ne couvrent pas les besoins de la représentation de la France à l'étranger. L'image de la France risque de s'en trouver encore détériorée.
Pourtant, s'agissant du cas précis de la Côte d'Ivoire, la tâche reste immense : malgré une certaine évolution, la situation demeure tendue et les soldats français subissent de dures épreuves. Il ne fait aucun doute, madame la ministre, que ce projet de budget n'est pas sans conséquence sur leur moral : créations de postes gelées sans explication, prévisions de recrutement inexistantes, différences de traitement entre les différentes armes, OPEX non ou mal remboursées. Le malaise est profond.
A cela, il faut ajouter l'insertion économique de nos compatriotes à l'étranger. Les 100 millions d'euros prévus pour le financement des OPEX n'y suffiront pas !
Il est vrai que, si l'on s'en tient au discours qu'il a prononcé le 16 novembre dernier au Palais-Bourbon, le Premier ministre compte sur le dévouement des parlementaires qui reçoivent des réfugiés dans leur département...
Je ne doute pas que vous estimiez, madame la ministre, que la représentation française et la protection de nos compatriotes méritent d'autres moyens.
Avant de conclure, je veux, à l'occasion de ce débat, réitérer la demande que j'ai adressée à la Haute Assemblée, dès le 1er décembre dernier, en faveur de la création d'une mission d'information parlementaire sur la situation en Côte d'Ivoire.
Madame la ministre, votre projet de budget suscite de sérieuses interrogations - je viens d'en évoquer quelques-unes - qui touchent, à travers nos armées, à la question majeure de la représentation de la France, en Afrique et dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, je vous répondrai d'abord sur la Côte d'Ivoire.
Vous parlez de polémique entre les autorités ivoiriennes et la France et vous évoquez les critiques du président de la Ligue des droits de l'homme à l'égard des militaires français. Je vous remercie d'ailleurs de ne pas les faire vôtres, car je ne saurais admettre de critiques sur l'attitude des militaires français en Côte d'Ivoire, qui, en tout point, a été exemplaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il n'y a pas de polémique : les autorités ivoiriennes essaient, je le répète, de détourner l'attention de leurs propres responsabilités en essayant de nous mettre en accusation.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas la question qui a été posée !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cette technique de communication est bien connue et je n'ai pas l'intention de m'y laisser prendre.
Je rappellerai simplement une réalité qui est attestée non seulement par certaines autorités ivoiriennes, notamment le ministre de la santé, mais surtout par tous ceux qui sont revenus de Côte d'Ivoire : tous ont souligné les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles les militaires français étaient intervenus, avec modération et exemplarité.
Je rappellerai également que l'ensemble des membres de l'Organisation de l'union africaine a félicité la France de l'action de ses militaires. De la même façon, l'OUA a totalement approuvé l'action qu'ils ont menée, à l'occasion des derniers événements, pour assurer la sécurité des ressortissants français et étrangers, comme pour protéger, dans un contexte de légitime défense, les militaires français lorsqu'ils étaient agressés.
Vous avez évoqué les conditions de la présence française en Afrique, en particulier en Côte d'Ivoire.
Je vous rappelle que, si des militaires français se trouvent actuellement en Côte d'Ivoire, c'est sous mandat de l'ONU : c'est non seulement pour protéger les ressortissants français et étrangers, mais également, et je dirai presque surtout, pour soutenir les forces de l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, l'ONUCI, qui, sans cela, ne voulaient pas exercer ce mandat. Le président de la République du Sénégal, M. Wade, ainsi qu'un certain nombre d'autres autorités l'ont rappelé et ont demandé à la France de demeurer en Côte d'Ivoire et en Afrique pour éviter un certain nombre de crises et de massacres, comme ce continent en a, malheureusement, trop connu.
Vous m'avez également posé, monsieur le sénateur, une série de questions relatives au budget de la défense et souligné à cette occasion que le moral des militaires dépendait de ce budget. Vous avez bien raison : c'est pourquoi je pense que vous allez le voter ! (Sourires.)
Vous avez parlé de créations de postes qui auraient été gelées. Non ! Je l'ai dit tout à l'heure, j'ai mis le holà, au mois de juillet dernier, à un certain nombre de dérapages. Nous serions arrivés, sinon, à des créations de postes dépassant les crédits que la Haute Assemblée a votés l'année dernière. Or il est de ma responsabilité, en tant que ministre, de faire en sorte que le budget soit consommé, mais pas dépassé. D'ailleurs, après avoir été freinés, les recrutements ont tout naturellement repris et, en cette fin d'année, il a été procédé à la totalité des recrutements sur les postes qui étaient ouverts.
Vous avez ensuite évoqué des différences entre les armées. Il n'y en a pas, sinon celles qui tiennent aux missions et à l'importance des effectifs. D'ailleurs, le choix est fait sur arbitrage du chef d'état-major des armées et chaque armée y trouve son compte. Bien entendu, il revient au chef d'état-major des armées, en fonction des besoins opérationnels, de me soumettre un certain nombre de propositions à partir desquelles les décisions sont prises.
Les 100 millions d'euros d'OPEX ne suffiront pas, dites-vous. Bien sûr ! Les OPEX ont la particularité de se dérouler sur l'ensemble de l'année. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a utilisé ce moyen, les années précédentes, pour ne régler qu'en fin d'année. Grâce à la Haute Assemblée notamment, il a été possible d'inscrire, dès la loi de finances initiale, un élément qui nous permet de ne pas faire l'avance totale de trésorerie sur les OPEX. Il va de soi que les OPEX seront remboursées en fin d'année. C'est d'ailleurs une dépense que vous voterez, je n'en doute pas, mesdames, messieurs les sénateurs, dans quelques semaines, à travers le projet de loi de finances rectificative.
Enfin, dans le projet de budget de la défense, aucun crédit, dites-vous, n'est prévu pour les réfugiés de Côte d'Ivoire. Permettez-moi de vous dire, monsieur le sénateur, cela ne relève pas du budget de la défense ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Bien sûr !
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Madame la ministre, souhaiter la transparence, souhaiter être informé n'est pas de nature, loin s'en faut, à affaiblir l'image de la France et de ses soldats, mais, au contraire, les conforte dans leur mission de paix.
Je veux confirmer, après vous avoir entendue, que les événements de Côte d'Ivoire témoignent avec gravité du rôle particulier et important de nos militaires dans la défense de la paix. Mener à bien cette mission exige cependant des moyens que votre projet de budget n'offre pas, madame la ministre. C'est pourquoi, vous vous en doutiez, je ne le voterai pas.
M. Charles Pasqua. Quel dommage ! (Sourires.)
M. Robert Hue. Je suis, comme vous, très attaché à l'image de la France. Mais il faut y faire attention, car elle peut se ternir rapidement. Il suffit pour s'en convaincre d'observer la contradiction qui se dessine entre l'image magnifique qu'a donnée la France lorsqu'elle a accueilli Yasser Arafat dans ses derniers jours et celle que donne aujourd'hui notre politique en Côte d'Ivoire.
Il convient de retrouver en Afrique le chemin du dialogue et du retour à la confiance. N'attendons plus pour avoir un grand débat au Parlement sur la façon dont doivent être orientées les relations entre la France et les peuples africains et sur les conditions de la présence française - pas seulement militaire - en Afrique.
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Madame la ministre, une nouvelle fois, je souhaite attirer votre attention sur les inconvénients que subit le monde rural depuis la mise en place des communautés de brigades. Ces dernières semblent inadaptées aux spécificités du monde rural, plus particulièrement en zone de montagne et de moyenne montagne.
Les populations rurales perdent, hélas ! leurs services publics. Elles ne veulent pas perdre la sécurité que les gendarmes ont toujours su leur garantir.
Les critiques, au nombre de quatre, que je formulerai au nom des élus et de leur population visent la nouvelle organisation de la gendarmerie. Elles ne s'adressent évidemment pas aux gendarmes, auxquels nous rendons hommage et à la présence desquels nous sommes tous très attachés.
Ma première remarque porte sur les délais d'intervention. A l'heure où la rapidité s'insinue dans toutes les strates de la vie quotidienne, les interventions des gendarmes, en zone de montagne et de moyenne montagne, sont globalement moins rapides que par le passé. Ce n'est plus obligatoirement la brigade la plus proche qui intervient, mais celle qui est en service. Or elle peut venir de loin, ce qui ne se mesure par forcément en kilomètres, mais en temps : le relief est un obstacle, qui ralentit le temps d'intervention. De plus, les gendarmes de service peuvent mal connaître les lieux et effectuer des recherches, ce qui prend du temps. En termes de délai d'intervention, la communauté de brigades réussit beaucoup moins que la brigade de proximité.
Ma deuxième remarque concerne la rédaction des procès-verbaux. Cela peut paraître tout à fait insignifiant vu de Paris, mais, sur le terrain, cela est vécu comme une régression. Auparavant en effet, les procès-verbaux étaient rédigés sur place : le plaignant signait sa déposition chez lui. Aujourd'hui, il est invité à prendre rendez-vous avec la brigade intervenante, qui n'est pas forcément la brigade la plus proche. Or, en milieu rural, les transports en commun sont quasiment inexistants et tout le monde n'a pas une voiture personnelle pour se déplacer. Je ne sais pas si cette pratique est propre à ma région ou si elle est généralisée. Je me permets donc de vous interroger à ce sujet, madame la ministre.
Ma troisième remarque a trait à la communication des procès-verbaux au procureur de la République. J'ai appris avec surprise que la brigade qui rédige le procès-verbal doit obligatoirement le faire transiter par la brigade qui se trouve à la tête de la communauté de brigades. Les délais s'en trouvent donc allongés. Ce n'est pas une simplification ; c'est, au contraire, là encore, une régression en termes de rapidité, voire d'efficacité dans certains cas.
Ma quatrième et dernière remarque porte sur le fait que les communautés de brigades ne favorisent pas le remplacement des gendarmes dans les brigades qui ne sont pas à la tête de cette même communauté. Là encore, cette démarche n'est peut-être pas officialisée, mais c'est celle qui est souvent constatée.
M'appuyant sur ces remarques, je vous poserai deux questions, madame la ministre.
Avez-vous l'intention de faire réaliser, en 2005, un bilan d'étape sur le fonctionnement des communautés de brigades ? Si tel est le cas, pouvez-vous préciser qui sera consulté ? Il serait, en effet, anormal que les élus locaux ne le soient pas.
Mme Hélène Luc. Bien sûr !
M. André Rouvière. Par ailleurs, madame la ministre, ne pensez-vous pas que l'organisation de la gendarmerie pourrait avoir deux visages ? Les communautés de brigades seraient maintenues là où elles donnent satisfaction, mais un retour à la situation antérieure serait possible là où la mise en place des communautés de brigades entraîne des difficultés.
Madame la ministre, ce n'est pas le monde rural qui doit s'adapter à la nouvelle organisation de la gendarmerie, mais la gendarmerie qui doit adapter son organisation aux particularités des zones de montagne et de moyenne montagne. Le monde rural espère que vous entendrez son appel.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, je suis moi-même une élue locale. Par conséquent je suis très sensible à tout ce qui peut concerner les petites communes, même s'il est vrai que les montagnes sont peu nombreuses dans ma circonscription !
M. Jean-Louis Carrère. Elles ne sont pas loin !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Quel était l'objectif de la réorganisation de la gendarmerie ? Il s'agissait tout d'abord d'assurer une plus grande présence sur le terrain. Or, dans les toutes petites brigades, le personnel n'est pas en nombre suffisant pour qu'une partie des gendarmes effectuent le travail administratif tandis que d'autres sont sur le terrain.
Il s'agissait également, en disposant de plus de moyens, de permettre une rapidité d'intervention supérieure.
Il s'agissait enfin d'assurer plus d'efficacité, notamment en matière de lutte contre la criminalité.
Je vous rappelle que cette réorganisation a été réalisée en association avec les élus locaux, qui ont été consultés.
Notre objectif étant d'assurer le meilleur service possible à nos concitoyens, je souhaite que l'on continue sur cette voie.
Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogée sur mon intention de faire réaliser un bilan d'étape. Dans le courant ou à la fin de l'année 2005 sera réalisé un audit. Il nous permettra de mieux apprécier ce qui se passe sur le terrain.
Bien entendu, à cette occasion, les élus locaux seront consultés, parce qu'ils sont à même de nous faire part de la satisfaction ou de l'insatisfaction qui est manifestée dans leur circonscription.
Je souhaite également que soient prises en compte un certain nombre de réalités. Vous avez souligné la situation très spécifique des zones de montagne, en particulier l'hiver, période pendant laquelle la circulation est entravée en raison des conditions météorologiques. Il faudra que nous recherchions ensemble les adaptations nécessaires pour pouvoir répondre à l'attente de nos concitoyens en matière de sécurité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plusieurs intervenants les ayant déjà évoqués, je ne reviendrai pas sur les récents progrès de l'Europe de la défense. Cette montée en puissance ne peut que nous réjouir, d'une part parce que les incertitudes géopolitiques croissantes dans le monde, dont nous venons de vivre des exemples en Côte d'Ivoire et en Ukraine, nous montrent chaque jour la nécessité de cette politique européenne de défense, d'autre part parce que nous savons bien que c'est par la qualité de sa défense que la France pourra maintenir le rôle central et moteur qui a toujours été le sien dans le processus de construction européenne.
Mais, si j'en crois un récent rapport du cabinet Mackenzie, les données budgétaires européennes sont inquiétantes. Certes, les pays européens disposent conjointement de troupes dont les effectifs avoisinent les deux millions et d'un budget combiné de 160 milliards d'euros, chiffre qui doit être comparé cependant aux 382 milliards d'euros et aux 3,4 % du PNB que les Etats-Unis consacrent à leur défense.
Encore plus parlante, hélas ! est la comparaison du montant affecté à la recherche et à l'équipement : les pays de l'Union européenne y consacrent 4 000 dollars par soldat alors que cette somme atteint 28 000 dollars aux Etats-Unis, chiffres dont la portée s'aggrave encore lorsque l'on prend en considération les pertes d'efficacité dues aux fragmentations nationales.
L'Allemagne, quant à elle, a gelé son budget de la défense pour trois ans et le poids de la défense européenne repose donc essentiellement aujourd'hui sur le Royaume-Uni et la France.
Mais ces inquiétudes, aussi sérieuses soient-elles, ne peuvent que renforcer l'idée selon laquelle la France est aujourd'hui à la croisée des chemins et qu'une opportunité exceptionnelle s'offre à elle.
Le professionnalisme de nos troupes, la qualité de nos équipements et l'efficacité de nos méthodes sont universellement reconnus et sont pour nous une source de très grande fierté.
Pour la troisième année consécutive, l'annualité de la loi de programmation militaire a été parfaitement respectée et nous devons vous féliciter, madame la ministre, de ce redressement de notre outil de défense.
Dans cette perspective, quels moyens budgétaires sont dévolus à l'appui de l'Eurofor en Bosnie, qu'ils émanent de votre ministère ou de l'Union européenne ?
Puisque nous parlons de cette expérience de l'Eurofor qui, à mes yeux, constitue un laboratoire pour la future construction européenne de la défense, j'aimerais que vous puissiez nous dire comment vous voyez l'avenir des relations entre l'Union européenne et l'OTAN et nous exposer ce que vous attendez du projet de traité constitutionnel dans le domaine de cette Europe de la défense que nous appelons tous de nos voeux, dans l'intérêt même de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame le sénateur, l'Eurofor, force de l'Union européenne, a pris la relève de l'OTAN en Bosnie. C'est la première fois qu'une telle opération revêt une si grande envergure, car la première opération du même type, qui s'était déroulée en Macédoine, était d'une bien moindre importance.
Le budget des coûts communs de l'opération Althea est fixé aujourd'hui à 71,9 millions d'euros, dont 12 millions d'euros incombent à la France et sont entièrement supportés par le budget de la défense.
Bien entendu, le coût réel pour la France - puisque la somme ci-dessus sera majorée, par exemple, par les primes au titre des OPEX que nous serons amenés à remettre à nos militaires - ne sera réellement connu qu'en fin d'opération.
En ce qui concerne l'Europe de la défense, comme je vous l'ai indiqué, d'importants progrès ont été enregistrés. J'attends que, dans les prochains mois, notamment grâce à la ratification de la constitution européenne, soient confortées un certain nombre d'initiatives prises au plan européen qui aujourd'hui manquent de bases légales.
N'oublions jamais que le premier objectif des pères de l'Europe était, avant tout, de garantir à l'ensemble des membres de l'Europe la paix et la sécurité sur notre continent. Aujourd'hui s'y ajoute la transmission des valeurs européennes à d'autres peuples qui en ont bien besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la défense, nous en sommes parvenus aux quatre dernières questions des orateurs des groupes.
Chaque intervenant dispose, je le rappelle, de cinq minutes maximum pour poser sa question, le ministre a trois minutes pour lui répondre, après quoi l'orateur dispose de deux minutes maximum au titre de son droit de réplique.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la défense pour l'année 2005 a provoqué parmi les commentateurs, et jusque parmi les principaux responsables des armées, une amorce de débat stratégique de fond dont je voudrais ici me faire l'écho. Je souhaiterais évidemment que ce débat se prolonge au-delà de nos assemblées pour atteindre l'opinion publique.
Le débat porte d'abord sur le contexte international, sur la réalité des menaces qui pèsent sur le monde et sur notre pays et, par conséquent, sur la pertinence de notre concept de dissuasion nucléaire.
D'un point de vue stratégique, le concept de dissuasion nucléaire reposait hier sur une réalité qui désormais n'est plus : la menace que représentait l'Union soviétique. La dissuasion du faible au fort pouvait s'expliquer face à un ennemi potentiel clairement identifié, la protection de notre territoire sanctuarisé relevant d'une capacité de riposte purement nationale et dépendant de la seule décision des autorités françaises.
Or, la donne a changé. Les conflits régionaux, les affrontements interethniques, la menace terroriste, les conditions de prolifération se sont aggravés.
Une question se pose donc : une défense accordant une telle place au nucléaire correspond-t-elle à l'évolution des réalités géopolitiques et des menaces qui pèsent aujourd'hui sur la sécurité des Etats démocratiques et des peuples ?
J'espère, madame la ministre, que vous ne vous contenterez pas de clore le débat en affirmant, comme vous l'avez fait en commission, qu'il serait « irresponsable » de remettre en cause la dissuasion et que vous nous expliquerez comment évolue la doctrine de la France sur ces questions.
Interrogée voilà quelques heures par Didier Boulaud, vous avez affirmé que la doctrine française n'avait pas changé. Il existe pourtant un certain nombre d'indices de cette évolution. Qui décide de faire évoluer les armes, en recherchant - j'y mets les guillemets que la formule appelle - une « précision chirurgicale » ? Ne s'agit-il pas là des prémices d'une évolution doctrinale et stratégique, visant à passer de la dissuasion à l'égard d'un Etat à l'intervention ciblée ?
Par ailleurs, un autre débat s'impose à l'occasion de cette discussion budgétaire sur l'accélération nécessaire de la politique européenne de défense.
Nos intérêts vitaux ne sont pas différents de ceux de nos voisins. Vous avez évoqué les efforts, et même les progrès, qui sont en cours dans le sens d'une défense continentale assumée de façon mieux partagée. J'en prends acte. Mais comment ne pas constater les lenteurs et parfois les contradictions, particulièrement en termes de coopération industrielle, de matériels et de programmes d'équipement ?
Madame la ministre, les différents éléments que nous affichons sur le papier comme étant complémentaires ne sont-ils pas, en pratique, contradictoires ? La France peut-elle courir plusieurs lièvres à la fois ? Votre gouvernement n'est-il pas en situation de n'atteindre, à long terme, aucun des objectifs qu'il affiche ?
Concrètement, les militaires eux-mêmes se font l'écho de graves difficultés : d'un côté, un coût de développement d'armes nouvelles - 5 milliards d'euros pour la seule simulation des essais -, auquel s'ajoutent les sommes à consacrer au démantèlement des installations et des armes de premières générations ; de l'autre, un retard important et une dérive des budgets de la plupart des programmes majeurs - le Rafale, le Tigre, le NH 90 - conçus et lancés voilà maintenant une vingtaine d'année, dans un contexte d'ailleurs radicalement différent.
Les problèmes sont connus : nos vecteurs manquent d'allonge et nécessitent une flotte importante de ravitailleurs en vol ; des programmes nouveaux comme le transporteur militaire A 400 M ou les frégates multimissions ont été lancés trop tardivement. La maintenance des équipements et le niveau d'entraînement s'en trouvent réduits, tandis que certains matériels sont à bout de souffle.
Au total, en continuant à accorder une part énorme, et que, pour ma part, je juge excessive, de ses crédits à l'arme nucléaire, la France ne compromet-elle pas l'efficacité de ses forces classiques aujourd'hui mobilisées pour des actions d'interposition et de retour à la paix ? Ne fait-elle pas obstacle à une avancée plus rapide de l'Europe de la défense ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame la sénatrice, il est vrai que nous faisons face aujourd'hui à une multiplication des crises régionales, d'une part, et à un risque terroriste patent, d'autre part.
Cela dit, les autres risques existent toujours, même s'ils ont pris des formes nouvelles. Je le rappelais tout à l'heure, alors que des pays comme la Corée du Nord, le Pakistan, l'Iran peut-être, se dotent de l'arme nucléaire, alors que d'autres pays se préparent à s'en doter, il me paraîtrait totalement irresponsable de ne pas songer à protéger le territoire national contre ce genre de risques et à en faire éventuellement bénéficier d'autres pays alentour.
Il n'y a pas de changement de doctrine en la matière, je le répète, et le Président de la République l'a réaffirmé en 2001, il n'y a donc pas si longtemps. Il n'est question que de l'adaptation d'un certain nombre de nos armes afin qu'elles soient plus précises et conservent un caractère réellement dissuasif aux yeux d'un adversaire potentiel.
Par ailleurs, vous m'avez interrogée sur les programmes européens. S'il est vrai que ces programmes étaient, voilà quelques années encore, des rêves ou des utopies, je constate, depuis deux ans et demi, la mise en oeuvre très concrète d'un ensemble de programmes. Je pense à l'A 400 M, qui n'était effectivement pas « bouclé » à mon arrivée au ministère de la défense, mais qui l'est depuis. Les livraisons auront lieu prochainement.
Il en est exactement de même de l'hélicoptère de combat Tigre, dont les premiers seront livrés cette année, du NH 90, dont les programmes ont été lancés et dont les dates de livraison sont connues, du programme Galileo et du missile Meteor, pour ne citer que ces exemples.
En la matière, les programmes et les efforts complémentaires existent bien. Il s'agit bien de réalités et non d'utopies.
En ce qui concerne maintenant les programmes nationaux, la loi de programmation militaire a parfaitement équilibré les différentes composantes de notre protection : d'un coté, le nucléaire, dont la part dans l'ensemble de notre défense a considérablement diminué par rapport à ces dernières années, de l'autre, l'ensemble des autres programmes destinés à nous permettre de faire face aux différents types de menace que vous évoquiez tout à l'heure et également de tenir nos engagements internationaux, notamment lorsqu'il s'agit de projection.
Madame la sénatrice, comme vous, je ne peux que regretter le retard qu'accusent un certain nombre de programmes. Si de tels retards n'avaient pas été pris, nous aurions sans doute moins de dépenses au titre du maintien en condition opérationnelle, ou MCO. Et c'est bien parce que nos matériels sont vieillissants que nos coûts d'entretien sont extrêmement élevés. Or, madame la sénatrice, si nous avons du retard, il me semble que nous le devons essentiellement au gouvernement dont vous étiez membre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roger Romani. Touché !
M. Didier Boulaud. Pas en cinq ans ! C'est trop facile ! Un programme prend quinze ans. Le retard remonte donc à Balladur !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Je note, madame la ministre, que vous ne m'avez pas répondu sur l'évolution des concepts mêmes utilisés dans le cadre de la dissuasion.
Mme Dominique Voynet. Le problème n'est pas uniquement d'ordre quantitatif. Il s'agit également de la définition de la doctrine...
Mme Dominique Voynet. ...et de l'utilisation des différents concepts. Il aurait été raisonnable de trouver des lieux pour en discuter de façon approfondie Nombreux sont ceux qui, au sein de l'armée et même du Gouvernement, déplorent comme nous, parlementaires, que le débat soit si pauvre sur ces questions.
Vous avez cité, madame la ministre, les autres risques qui continuent d'exister. Nous ne sommes effectivement pas confrontés uniquement à des groupes terroristes ou à des « Etats voyous », pour reprendre un concept bien curieux qui s'est banalisé. La Corée du Nord, le Pakistan, l'Iran, sont probablement dotés d'armes contre lesquelles nous devons nous protéger. Simplement, je ne crois pas que nous puissions nous résigner, du moins aussi facilement que vous semblez le faire, à la relance actuelle de la course à des armements hypersophistiqués et sans rapport avec la réalité des tensions mondiales.
Il ne s'agit pas de renoncer à l'usage de la force lorsqu'elle nécessaire et fondée sur le droit. Simplement il faut mettre en cohérence nos conceptions stratégiques et notre outil de défense avec nos ambitions, européennes et internationales, au service de la paix.
De ce fait, je crois prioritaire de l'affirmer ici, notamment à l'occasion d'une discussion budgétaire, nous ne devons pas renoncer à l'objectif d'un désarmement multilatéral et contrôlé. Les discussions marquent évidemment le pas dans le cadre multilatéral, nous le verrons à l'occasion de la reprise des discussions dans le cadre de la révision du traité de non-prolifération nucléaire qui se tiendront en mai 2005.
Pour ma part, je pense que la France doit renoncer à l'escalade technologique en matière d'armes nucléaires et de boucliers antimissiles à laquelle se livrent les Etats-Unis et qu'elle doit utiliser son statut de puissance nucléaire pour relancer activement le traité de non-prolifération nucléaire.
Même si vous l'avez présenté comme un progrès et l'un des objectifs de la période qui vient, la construction d'une Europe de la défense doit décidément devenir notre ambition centrale, qu'il s'agisse de notre action diplomatique, de l'organisation de nos armées ou de la conception et de la planification de nos équipements militaires.
J'observe, madame la ministre, les recompositions en cours de nos groupes d'armement ; ils étonnent les plus fidèles de nos alliés. Je redoute que votre gouvernement, soumis à leur contrainte, pour ne pas dire à leurs pressions et à leurs lobbies, ne poursuive dans ces conditions une politique « au fil de l'eau », fort préjudiciable à l'avenir de notre sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, ma question sera beaucoup moins générale.
J'ai noté que de nombreux orateurs, depuis le début de l'après-midi, on dit du projet de budget de la défense qu'il était « contraint », en dépit du fait qu'il respecte parfaitement la loi de programmation militaire.
Cependant, vous disposez, madame la ministre, de deux moyens pour assouplir la gestion de l'ensemble des crédits qui vous sont confiés.
Le premier de ces moyens est l'externalisation d'un certain nombre de services. Vous avez évoqué à titre d'exemple le matériel automobile commercial. Cette externalisation vous a-t-elle permis de dégager des marges de manoeuvre suffisantes ? L'externalisation des services pourrait être poussée beaucoup plus loin et concerner, par exemple, les services comptables.
L'externalisation de la gestion des bâtiments de la gendarmerie est une très bonne idée en ce qu'elle permettra certainement d'améliorer la gestion de l'ensemble. J'aimerais savoir ce que cela représente en termes d'activités et de services dans l'ensemble de votre gestion.
Bien entendu, les crédits d'investissement ne peuvent être concernés, mais je suis persuadé qu'il est possible, dans le cadre d'un programme pluriannuel d'externalisation, d'assouplir la gestion de l'ensemble des crédits.
Le second de ces moyens, plus difficile à mettre en oeuvre, consiste à recruter du personnel civil. Les membres de la commission des affaires étrangères ont été frappés, lorsqu'ils ont auditionné l'amiral Battet, de constater que la marine comptait 44 000 marins et 11 000 personnels civils, ces derniers constituant un pourcentage très important des effectifs. Ce pourcentage est plus faible dans l'armée de terre, dans l'armée de l'air et dans la gendarmerie.
Madame la ministre, avez-vous utilisé la totalité des marges de manoeuvre que vous ont données les lois de finances successives ? Parvenez-vous à trouver les spécialistes dont vous avez besoin ? Il est ainsi prévu de recruter sept cents gendarmes - je pense que vous les trouverez -, cinquante-cinq médecins afin de renforcer les services médicaux - ce sera plus difficile ! - et, enfin, vingt personnes pour la direction générale des services extérieurs, la DGSE. Il s'agira à l'évidence d'experts dans des spécialités très pointues, qui maîtriseront parfaitement des langues aussi difficiles pour nous Français que le chinois, l'arabe et toutes ces langues dont nous ne sommes pas très férus. Parviendrez-vous à les recruter, madame la ministre ?
Par ailleurs, je voudrais savoir, d'une part, si vous utilisez la totalité des marges de manoeuvre dont vous disposez pour le recrutement des personnels civils, d'autre part, si vous n'allez pas être obligée de mettre en place des systèmes de gestion particuliers pour ces personnels civils à qui les méthodes appliquées pour gérer les militaires ne peuvent être étendues du fait du pluralisme syndical, des comités techniques paritaires, notamment.
Autrement dit, quelles méthodes de gestion allez-vous mettre en oeuvre pour gérer ces personnels civils, qui, à terme, vont représenter une partie importante des effectifs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Fourcade, je veux agir avec pragmatisme et j'examine donc toujours le rapport coût-avantage. C'est, me semble-t-il, la condition d'une bonne gestion. Cela signifie notamment que, pour ce qui est de l'externalisation, nous procédons systématiquement à une étude préalable des appels d'offres.
Les trois premières opérations que nous avons envisagées et que nous lançons cette année sont, comme vous l'avez dit, l'externalisation de la gestion des véhicules de la gamme commerciale - il n'est, bien entendu, pas question de « toucher » aux véhicules opérationnels -, celle de la gestion des immeubles destinés au logement des gendarmes et celle de la formation de base des pilotes d'hélicoptère. Cette dernière n'implique pas l'utilisation de matériels spécialisés et nous faisons donc une économie.
Bien entendu, nous ferons ensuite le bilan de ces opérations et nous examinerons, au fur et à mesure, quelles autres possibilités s'offrent à nous.
J'ai parlé du rapport coût-avantage. Un des problèmes auxquels nous nous heurtons lorsque nous nous adressons à l'extérieur est, je le dis d'emblée, celui du coût supplémentaire du fait du paiement de la TVA. Nous prenons donc en considération non seulement la qualité de la prestation que l'on nous offre, mais également son coût.
Nous devrons poursuivre en ce sens, et notre démarche relève non pas de l'idéologie, mais bien d'un souci de bonne gestion.
Quant aux personnels civils, le ministère de la défense y recourt depuis longtemps, mais il est vrai que la professionnalisation tend logiquement à ce que ces personnels prennent une place plus grande, les personnels militaires se voyant confier toute la partie opérationnelle ou projetable.
Le taux de personnels civils employés par le ministère de la défense est de près de 20 % et continue à progresser. J'ai commandé dans le courant de l'année dernière un rapport, qui m'a été remis il y a environ deux mois, sur la place et le rôle, armée par armée, des personnels civils de façon à la fois à valoriser ces personnels et à parvenir à une juste répartition des métiers.
Je suis très attentive à cette juste répartition, étant entendu que le remplacement des personnels militaires par des personnels civils ne pourra se faire que progressivement, ne serait-ce que parce que nous devons tenir compte des personnels en place.
En ce qui concerne nos capacités de recrutement, nous n'avons pas de problème particulier, mais il y a évidemment des différences selon les métiers et les aides que nous pouvons apporter sont modulées en conséquence. Je l'ai déjà dit, nous accordons désormais chaque année aux personnels, au titre de la reconnaissance professionnelle, l'équivalent des cinq années 1997 à 2002, justement pour rendre plus attractifs certains de nos métiers.
Quant à nos méthodes de gestion, elles sont tout ce qu'il y a de plus classiques : la gestion des fonctionnaires civils du ministère de la défense obéit exactement aux mêmes principes que la gestion des autres fonctionnaires et ne soulève pas de problème majeur.
Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aux personnels civils du ministère de la défense : ils ont à coeur de bien faire leur métier et, à l'instar des militaires, ils sont tout à fait conscients du rôle déterminant qu'ils jouent dans la défense de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je tiens simplement à remercier Mme la ministre de la qualité de sa réponse.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la ministre, avec 32,82 milliards d'euros de crédits pour 2005, le budget de la défense progresse de 1,6 % par rapport à 2004. Pourtant, nombre d'incertitudes demeurent quant au financement de plusieurs programmes d'armement, étant entendu que la question n'est pas de savoir si ces programmes sont ou non surdimensionnés, même si les débats au sein de la commission des finances du Sénat ont révélé les doutes de certains membres de votre majorité. Ces programmes ont été actés par la loi de programmation militaire 2003-2008.
Vous dites, madame la ministre, que, pour la troisième année consécutive, votre budget respecte scrupuleusement la loi de programmation. Pourtant, un certain nombre de projets restent flous. Je pense particulièrement au programme des frégates européennes multimissions, les FREMM.
Le programme FREMM prévoit la construction, en coopération avec l'Italie, de dix-sept frégates. Pour la France, huit frégates sont prévues dans le cadre de la programmation, soit quatre en 2005 et quatre en 2007. La commande aurait dû être passée avant la fin de 2004. Cependant, si 1,7 milliard d'euros d'autorisations de programme sont inscrits au budget de 2005, aucun crédit de paiement n'apparaît.
Votre ministère dit réfléchir à un « schéma de financement innovant ».
Dans son rapport, M Fréville indique que le problème de financement des FREMM est lié à la restructuration de DCN : la transformation de cette société aurait pesé sur les crédits de la marine nationale, les crédits de paiement destinés au financement des FREMM ayant été utilisés pour financer la restructuration.
Il me semble, madame la ministre, que vous devez à la représentation nationale des explications supplémentaires sur ce sujet. Il faut lever les doutes quant au financement de ces frégates. Cette commande est d'une importance capitale notamment pour la DCN, dont le sort même est incertain.
Le Gouvernement entretient le plus grand flou quant à l'avenir de l'industrie navale et militaire française. Lors d'une récente séance de questions d'actualité, M Devedjian a tout bonnement refusé de répondre à la question que je lui posais quant à l'hypothèse d'un rachat de Thales par EADS et ses conséquences.
Cette question est pourtant de la première importance, car, jusqu'à présent, c'est l'hypothèse d'un rapprochement entre DCN et Thales qui était privilégiée, et j'ai cru comprendre, en entendant votre réponse à M. Boyer, qu'elle l'était aussi par vous.
On comprend mieux désormais le blocage du projet par Dassault et Alcatel, actionnaires de Thales. En fait, le seul élément tangible semble être l'ouverture du capital de DCN et la possibilité de filialisation que vous avez annoncée lors du dernier salon Euronaval. Pourtant, là aussi, c'est le flou qui domine.
Lors du changement de statut de DCN, le Gouvernement s'était engagé à rendre compte annuellement devant l'Assemblée nationale et le Sénat de l'état d'avancement du projet et du contrat d'entreprise de la nouvelle société. Nous avons pourtant le plus grand mal à obtenir des informations. Reste qu'il nous importe de connaître la réalité du projet industriel de l'Etat concernant DCN !
En 2002, l'Etat s'était engagé à conserver 100 % du capital. Jusqu'à présent, vous n'aviez jamais remis en cause cet engagement, madame la ministre, mais votre réponse à notre collègue André Boyer m'incite à penser que les choses ont changé. Dès lors, on peut se demander quand et comment l'ouverture du capital interviendra.
Le Conseil d'Etat s'est opposé à l'incorporation des dispositions relatives à cette ouverture dans le projet de loi de finances rectificative à venir. Il semblerait que vous hésitiez entre deux hypothèses : déposer un texte spécifique à l'Assemblée nationale dans les trois à six mois qui viennent ou intégrer la mesure dans le prochain projet de loi portant diverses mesures d'ordre économique et financier. Pour ma part, j'estime que, eu égard à son importance, cette mesure mérite un débat spécifique !
Vous avez annoncé, madame la ministre, la présentation d'un texte, mercredi prochain, en conseil des ministres, ce qui semble démontrer que vous privilégiez la seconde hypothèse, mais je souhaiterais que vous me le confirmiez.
Cette éventuelle ouverture du capital de DCN soulève diverses questions, que vous avez certainement envisagées.
Pouvez-vous nous dire comment sera garanti le contrôle du capital par l'Etat, s'il est garanti ? Comment sera conservée l'unicité de l'entreprise ? Comment seront assurés son plan de charge et les engagements de l'Etat ? Comment les garanties statutaires données aux ouvriers d'Etat et aux fonctionnaires affectés à la nouvelle société DCN seront-elles préservées ? Avec l'ouverture du capital, que deviendront le statut des ouvriers de l'Etat et, surtout, leur régime de retraite ? Ce dernier devra-t-il être adossé au régime général, comme pour EDF-GDF ? Si oui, dans quelles conditions et pour quel montant ? Enfin, comment cet adossement serait-il financé ?
Les syndicats de DCN ont déjà eu l'occasion de dénoncer, à propos des relations avec leur direction, l'absence de dialogue et de perspectives. Vous les avez reçus, mais, jusqu'à ce que vous fassiez l'annonce de l'ouverture du capital, ils n'avaient jamais été informés du projet et, aujourd'hui encore, ils ont le plus grand mal à savoir où on veut les emmener.
Toutes ces incertitudes ne font que renforcer les craintes des personnels, des industriels de la sous-traitance, dont la situation est plus que jamais fragile, et des collectivités locales. Je vous saurais gré, madame la ministre, de bien vouloir apporter au plus vite à tous ceux qui s'interrogent des réponses claires et précises.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Godefroy, pour vous répondre, je vais devoir me répéter, et je vous prie de m'en excuser.
Ainsi, en ce qui concerne les FREMM, je répète qu'il n'y a effectivement pas de crédits de paiement, puisqu'il n'y aura de paiement ni en 2005, ni en 2006, ni en 2007. Nous en sommes au stade des autorisations de programme, qui, elles, figurent bien dans le projet de budget.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous parlez par ailleurs d'« un problème de financement lié à la restructuration de DCN ». Je ne partage pas du tout cette analyse, puisque, encore une fois, s'il n'y a pas de crédits de paiement, c'est simplement parce que nous en sommes au stade des commandes, donc des autorisations de programme.
Quant au sort de DCN, j'ai déjà eu l'occasion d'indiquer qu'aujourd'hui nous étions en avance sur le contrat d'entreprise.
J'ajoute que le carnet de commandes de DCN est plein et qu'il va d'ailleurs être encore complété par les frégates multimissions.
Il est indispensable pour qu'elles soient viables de donner à nos industries d'armement les moyens d'atteindre une taille qui soit au minimum européenne afin qu'elles puissent faire face à la concurrence internationale et notamment, en matière maritime, à la concurrence de l'Asie du Sud-Est.
Je me situe bien dans cette logique : c'est afin que DCN puisse passer les alliances qui lui permettront d'être confortée que je souhaite ouvrir son capital.
J'ai annoncé que le projet de loi serait présenté mercredi en conseil des ministres ; ce projet de loi sera déposé devant le Parlement juste à la fin de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Nous respectons donc exactement le calendrier que j'avais indiqué.
Nous avons en effet interrogé le Conseil d'Etat pour savoir quelle formule devait être adoptée : fallait-il introduire notre texte dans le projet de loi de finances rectificative, puisqu'il comporte des dispositions qui en relèvent ou fallait-il, puisqu'il comporte également des dispositions d'une autre nature, comme celles qui sont relatives aux garanties statutaires que nous entendons donner aux personnels, élaborer un projet de loi séparé ? Cette seconde solution a semblé préférable et c'est donc un texte séparé qui sera examiné suivant le calendrier que j'ai indiqué.
« Absence de dialogue et de perspectives », avez-vous encore dit, monsieur Godefroy.
Je ferai remarquer qu'un texte préalable relatif à DCN a été présenté par un gouvernement précédent, dans lequel vous aviez beaucoup d'amis, sous la forme d'un simple amendement « glissé » à la dernière minute ...
Pour ma part, j'ai annoncé plus d'un mois auparavant et très publiquement ce que nous allions faire et comment nous allions procéder. La forme retenue, à savoir celle d'un projet de loi, donnera lieu à une discussion aussi bien en commission que dans les deux hémicycles.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous le voyez, la transparence caractérise la démarche que j'ai retenue, ce qui tranche avec le passé s'agissant de DCN.
Nous discuterons donc de l'ensemble des questions que vous avez posées lorsque le projet de loi sera examiné. Aujourd'hui, je peux simplement vous répéter que les garanties statutaires qui seront apportées aux personnels de DCN correspondront aux engagements qu'avait pris l'Etat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne vais pas allonger le débat, puisque nous reviendrons sur ces questions essentielles à l'occasion de l'examen de ce texte dont je retiens que ce sera un texte particulier, qui fera la navette d'une façon tout à fait normale,...
M. Jean-Pierre Godefroy. ...sur lequel nous pourrons procéder à des auditions et débattre normalement.
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est fort bien, car tout cela me semble très important.
Concernant les frégates multimissions, je n'ai fait que reprendre ce que j'ai lu dans le rapport de la commission des finances, d'où ma surprise. Vous m'avez répondu, je vous en remercie.
J'insiste beaucoup, madame la ministre, sur le fait que des engagements très fermes ont été pris envers les salariés sous statut d'ouvrier d'Etat. C'est en tant que membre de la commission des affaires sociales que je réagis : s'il y a un changement de statut, nous allons sans aucun doute être confrontés au même problème que pour EDF-GDF et il va falloir trouver un système d'adossement du régime des retraites.
Comment pourront cohabiter, au sein d'une société dont le capital sera ouvert et au sein duquel l'Etat pourrait donc devenir minoritaire, des personnels bénéficiant d'un statut d'Etat, d'une retraite de l'Etat et des personnels relevant du droit privé ? Une telle formule me semble assez complexe, mais nous aurons l'occasion d'en discuter le moment venu.
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Madame le ministre, au risque de me répéter, mais je crois que cela en vaut la peine, j'aimerais vous assurer une nouvelle fois de mon soutien concernant l'action militaire française conduite en Côte d'Ivoire.
En ma qualité de sénateur des Français établis hors de France et au nom de mes collègues, j'estime utile de le rappeler : on ne le fera jamais assez !
Madame la ministre, je vous ai bien écoutée et, en entendant vos différentes réponses, j'avais l'impression d'assister à Questions pour un champion tant vous vous êtes montrée « incollable ».
M. Didier Boulaud. C'est La tête et les jambes !
M. Robert Del Picchia. Madame la ministre, puisque vous avez eu réponse à tout, ou presque, je me suis efforcé de trouver des questions plus difficiles encore. (Sourires.) Je vous soumettrai donc trois questions de fond et une petite question technique par laquelle je commencerai.
S'agissant des financements innovants, ils ne s'appliqueraient pas aux NH 90, car, nous dit-on, la commande ne serait pas suffisamment importante. Je vous pose cette question technique pour être sûr que vous n'aurez pas la réponse !
M. Didier Boulaud. C'est « quitte ou double » !
M. Robert Del Picchia. J'en viens aux questions de fond.
Avec le service national, la défense avait une fonction sociale d'intégration et de promotion professionnelles. Etant donné la brièveté des journées d'appel et de préparation à la défense, ou JAPD, elle ne peut plus remplir ce rôle, ni même d'ailleurs assurer le bilan sanitaire que constituait la visite médicale.
Quatre ans après la professionnalisation des armées, le ministère de la défense est-il à même de tenir une place dans l'action de cohésion sociale. Comment peut-il participer à la formation professionnelle des couches sociales les moins favorisées ?
Question plus difficile encore, ...
M. Jean-Louis Carrère. Superbanco !
M. Robert Del Picchia. ...la communauté internationale s'inquiète d'une éventuelle intervention rwandaise en République démocratique du Congo.
M. Charles Pasqua. C'est déjà fait !
M. Robert Del Picchia. Mais qu'en est-il officiellement ? Qu'elle est l'ampleur de l'opération ? Alors que la région est engagée dans un délicat processus de paix, après une guerre très meurtrière qui semble devoir reprendre, les forces européennes doivent-elles intervenir dans la région des Grands lacs pour prévenir ce que j'appellerai un « Ituri II » ? La coopération européenne en matière de défense, projet communautaire ambitieux, est-elle en mesure de le faire, aujourd'hui ?
Enfin, madame la ministre, bien que nous ayons longuement parlé de l'Europe de la défense et de ses avancées - la stratégie de sécurité, l'Agence européenne, la gendarmerie européenne à propos de laquelle je salue votre initiative - je souhaiterais vous poser une dernière question. Puisque, dans sa rédaction actuelle, le paragraphe 7 de l'article I-41 du projet de traité établissant une constitution pour l'Europe dispose que l'OTAN « reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en oeuvre. », comment la défense française se positionne-t-elle face à l'OTAN ? Qu'attend la France de l'OTAN ?
Je vous remercie par avance de vos réponses.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, en ce qui concerne les financements innovants, il a été envisagé d'avancer la livraison des NH 90, en optant pour un autre type de financement. Cela étant, il nous est apparu que le coût supplémentaire demandé par Eurocopter était trop important par rapport au nombre d'appareils commandés, et qu'il n'entrait pas dans la loi de programmation militaire.
Cet élément est à rapprocher des propos que j'ai tenus sur l'externalisation : nous sommes contraints d'examiner au cas par cas le rapport coût-avantage. En l'espèce, les conditions qui nous étaient faites n'étaient pas assez intéressantes pour nous, ce qui nous a conduits à les refuser.
Il est vrai que, d'ordre général, les commandes supplémentaires se traduisent par une baisse du prix à l'unité, mais, en l'occurrence, la baisse n'est pas suffisante pour la commande que nous sommes en mesure de passer et qui correspond à nos besoins.
S'agissant du rôle de la défense dans l'action de cohésion sociale, on a beaucoup dit, en effet, que, avec le service national, avaient également disparu la mise en commun des savoirs et la formation minimale dispensée aux jeunes qu'il permettait. Gardons-nous, toutefois, d'entretenir ce qui n'est qu'un mythe : mis à part le permis de conduire, on ne pouvait guère parler de véritable formation !
M. Didier Boulaud. Pour la moitié des jeunes !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Aujourd'hui, le rôle de la défense en matière de cohésion sociale est de deux types.
D'abord, il s'agit d'une formation, certes, très succincte, mais commune aux garçons et aux filles à travers la JAPD. Je me suis efforcée de rendre cet enseignement, très sommaire puisqu'il se déroule sur une seule journée, plus intéressant et plus formateur quant à la responsabilisation de chaque jeune par rapport à son pays. J'ai d'ailleurs fait refaire les modules de présentation de la JAPD, pour les rendre plus attractifs et plus instructifs.
Dans le même esprit, j'ai souhaité que cette journée comporte une initiation au brevet de secourisme, afin que chaque jeune, non seulement sache pratiquer les gestes qui sauvent, mais soit conscient, avec cette possibilité d'intervenir lors d'accidents, qu'il est un peu responsable des autres.
Ensuite et surtout, la professionnalisation a permis un autre type d'intégration sociale et professionnelle qui, bien que concernant moins de personnes, agit plus en profondeur. Chaque année, en effet, la défense recrute entre 30 000 et 35 000 jeunes de tous niveaux, y compris des polytechniciens et des saint-cyriens, mais qui, pour la plupart, n'ont pas de formation.
Après avoir dispensé à ces jeunes une formation professionnelle de base et leur avoir appris un métier, la défense se chargera aussi de leur intégration professionnelle lorsqu'ils partiront, une fois arrivés au terme de contrats qui sont en général courts, c'est-à-dire au bout de cinq ou dix ans. De ce point de vue, nous enregistrons un taux de réussite tout à fait extraordinaire, puisque 96 % des jeunes qui quittent la défense sont intégrés dans les entreprises au titre d'un contrat à durée indéterminée. La défense est ainsi certainement l'organisme d'intégration professionnelle, et donc sociale, le plus performant de notre pays. Ce phénomène se reproduisant tous les ans, le rôle de la défense, bien que souvent méconnu, est donc tout à fait essentiel en la matière.
Pour ce qui concerne les relations actuelles entre le Rwanda et la République démocratique du Congo, il est vrai que la France est intervenue, voilà maintenant dix-huit mois, dans une opération difficile, qui était la première menée de façon autonome par l'Union européenne et qui a été une parfaite réussite.
Aujourd'hui, les conditions sont cependant extrêmement différentes.
D'abord, il ne faut pas oublier que l'ONU a obtenu, à la suite de notre intervention, des effectifs supplémentaires ; deux brigades sont ainsi en cours de déploiement dans cette région.
Ensuite, à notre demande et justement pour tenir compte des événements survenus antérieurement, les moyens, notamment juridiques, de l'ONU ont été renforcés, à l'instar de ceux dont la France avait disposé en la matière.
Aujourd'hui, l'ONU est donc effectivement en mesure d'exercer une pression politique et diplomatique sur les acteurs de cette crise. Cela a d'ailleurs été le cas, notamment la semaine dernière, au niveau du Conseil de sécurité, où le président rwandais a été mis en garde contre toute ingérence en République démocratique du Congo.
Je ne pense donc pas qu'il y ait recours à l'Union européenne, ni même mise en oeuvre du programme ReCAMP, ou renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, qui est destiné à permettre l'équipement d'un certain nombre de forces africaines en cas de besoin.
Enfin, vous m'avez interrogée sur le projet de constitution européenne et sa référence à l'OTAN. Bien entendu, nous continuons à dire de l'OTAN qu'elle est le fondement de notre défense dès lors qu'une menace majeure pourrait peser sur l'Europe.
Cela étant, puisque vous me demandez ce qu'attend la France de l'OTAN en dehors de cette action générale, j'aurais tendance à inverser la question : qu'est-ce que l'OTAN attend de la France ? En effet, il ne faudrait pas oublier que notre pays est d'ores et déjà l'un des premiers contributeurs. A ce propos, je vous rappelle que, à l'heure où je vous parle, ce sont des généraux français qui dirigent les deux opérations les plus importantes, et au demeurant extrêmement difficiles, de l'OTAN : le général de Kermabon, au Kosovo, et un autre général français qui, à la tête de l'état-major de l'Eurocorps, dirige les forces de l'OTAN en Afghanistan.
Si la France compte parmi les contributeurs les plus importants de l'OTAN et commande ses deux opérations les plus importantes, elle joue, de surcroît, un rôle moteur dans la création d'une Europe de la défense. Cette dernière est elle-même appelée à intervenir, soit seule, comme alternative à l'OTAN ainsi qu'elle l'a fait, l'année dernière en Ituri, soit en liaison avec l'OTAN dont elle assure la relève, comme elle le fait depuis une semaine en Bosnie ou comme elle l'a fait, l'année dernière, en Macédoine, soit encore au sein de l'OTAN dont elle dirige certaines opérations.
Renforcer la défense européenne, c'est également, pour nous, un moyen de renforcer notre capacité, de façon autonome ou en liaison avec l'OTAN, de travailler pour la paix dans le monde et pour la stabilisation d'un certain nombre de zones.
Par là même, nous remplissons pleinement notre rôle, conformément à notre conception de ce que peut et doit être la place de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. En répondant à toutes mes questions Mme le ministre a gagné mon vote et donc des millions pour son ministère. (Sourires.)
M. Didier Boulaud. C'est surprenant !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. A ce stade de notre discussion, et après un débat interactif riche et intéressant (M. Didier Boulaud s'esclaffe), je voudrais formuler une proposition, et vous poser, madame la ministre, une ultime question.
Je propose que nous prenions le temps de mener une réflexion sur les modalités de constatation budgétaire des investissements militaires.
Lorsque les arbitrages sont trop difficiles, nous pouvons, en effet, être tentés de traiter différemment les investissements, tant les instruments dont nous disposons sont rudimentaires. Il n'y a pas si longtemps, j'ai effectué un déplacement dans un pays membre de l'Union européenne qui était à peu près parvenu à ramener le déficit à 3 % de son PIB conformément au pacte de stabilité et de croissance. J'ai appris à cette occasion que ce pays, ayant à acquérir un sous-marin, avait choisi la formule du crédit-bail, ce qui lui permet, plutôt que de passer l'investissement sur un seul exercice, de l'étaler sur des annuités, lui évitant ainsi de franchir ce seuil des 3 %.
Il nous faudra bien, comme on le voit avec les frégates, reparler de ces financements innovants. En effet, il arrivera un moment où, au-delà des autorisations de programme, l'Etat sera probablement conduit à donner une garantie. Il faudra bien, alors, trouver des organismes financiers pour porter l'opération et convenir de taux d'intérêt intercalaires. Cela, en soit, amènera le Gouvernement à saisir le parlement d'une autorisation de garantie. Il s'agira d'engagements hors bilan.
J'ai noté votre observation sur le problème, non négligeable, de la TVA. En effet, pour un investissement de 15 milliards d'euros TVA comprise, l'Etat perçoit près de 2,5 milliards d'euros de ressources au titre de cette taxe.
La proposition que je voudrais vous faire, en accord avec le rapporteur spécial, M. Yves Fréville, c'est que nous profitions du prochain semestre pour conduire une mission d'information sur les modalités de comptabilisation budgétaire de ces investissements. Faisons quelques comparaisons au plan européen, prenons l'attache d'Eurostat, qui est en quelque sorte le régulateur des constatations budgétaires, afin que tous les partenaires appliquent les mêmes méthodes, les mêmes nomenclatures, pour permettre une véritable comparaison.
Nous pourrions ainsi nous retrouver pour un débat à la fin du premier semestre 2005, avec une perception plus globale de la problématique des investissements dans la défense, prenant en compte la dimension TVA et son impact sur le budget de l'Etat. Une telle approche nous permettrait sans doute de nous projeter dans l'avenir, avec des modalités plus appropriées tendant à étaler les investissements dans le temps, par la voie des amortissements, plutôt que de faire peser sur un exercice donné le poids global d'un investissement. Cette méthode est plus judicieuse si nous voulons obtenir un tableau fidèle de la situation.
Il y a urgence à convenir de ces modalités, avant même que ne s'enclenche le nouveau système d'information budgétaire, comptable et financière de l'Etat et avant que ne débute la mise en oeuvre de la loi relative aux lois de finances.
Telle est la proposition, madame la ministre. J'en viens maintenant à mon interrogation ; elle concerne le futur texte portant ouverture du capital de DCN.
Je me réjouis que vous ayez choisi la formule du projet de loi, mais je ne vous cache pas mon inquiétude quant au calendrier. J'ai compris que le conseil des ministres se prononcerait mercredi prochain, que les députés pourraient débattre du texte le 16 décembre, et que, vraisemblablement, le Sénat en serait saisi en séance publique le 23 décembre.
Or je voudrais vous rendre attentive, madame la ministre, aux contraintes qui sont les nôtres. Nous sommes totalement impliqués dans la discussion de la loi de finances jusqu'au 14 décembre au soir et peut-être même jusqu'à une heure avancée de la nuit. Dès le lendemain, nous devrons réunir la commission des finances pour prendre position sur la loi de finances rectificative, ce qui nous occupera les 16 et 17 décembre. Et je n'aurai garde d'oublier les différentes commissions mixtes paritaires sur la loi de finances pour 2005, puis sur la loi de finances rectificative. Dans ce contexte, ajouter l'examen d'un projet de loi supplémentaire ne va pas sans poser problème.
Dès lors, si vous pouviez dès ce soir nous en dire un peu plus sur les dimensions de ce projet de loi, nous pourrions nous y préparer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'accueille votre proposition de création d'une mission d'information sur les modalités budgétaires.
C'est une réflexion qui serait certainement très utile, d'abord à la Haute assemblée, mais aussi au ministre de la défense. Peut-être même nous réservera-t-elle quelques surprises. Nous découvrirons peut-être, par exemple, qu'à partir du moment où nous mettons en place des modalités qui garantissent un financement régulier sur la durée, les industriels, ayant ainsi une garantie, seront moins tentés de prendre eux-mêmes des garanties sur les prix. Ainsi, ces nouvelles modalités, dès lors qu'elles assurent la réalité du financement, peuvent elles-mêmes être sources d'économies.
En-dehors du problème de TVA, dont nous parlions à l'instant, c'est là un aspect extrêmement important qui ne nous empêchera néanmoins pas de regarder dans quels cas les financements innovants sont possibles, dans quels cas ils paraissent moins cohérents, et d'étudier aussi les différents exemples de financement innovants.
La réflexion restait à mener en la matière, et je suis donc extrêmement favorable à cette proposition. Sachez que vous aurez l'entier soutien et l'entière participation du ministère de la défense sur ce projet.
En ce qui concerne DCN, j'ai bien conscience des contraintes du calendrier parlementaire, et nous allons tout faire pour vous faciliter la tâche, notamment en vous transmettant le projet de texte le plus tôt possible, sachant que ce dernier présente le gros avantage, monsieur le président, de n'être constitué que d'un article unique !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas un argument !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Luc, je répondais à M. le président de la commission des finances, qui m'a interrogé sur les dimensions de ce texte : celui-ci est effectivement très court, tout en apportant les garanties nécessaires aux personnels concernés.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas pour cela que nous allons le voter à la sauvette !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement qui concerne directement l'organisation de nos travaux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne suis pas très satisfait par ce que je viens d'apprendre, et je vais vous dire pourquoi.
Tout à l'heure, madame la ministre, je vous ai précisément interrogée sur DCN et le texte qui doit la concerner.
Je suis obligé de reconnaître, madame la ministre, que vous ne m'avez pas donné les informations que M. le président de la commission des finances vient de m'apporter quant aux délais de discussion prévus.
Vous m'avez, certes, répondu que l'ouverture du capital de DCN ferait l'objet d'un texte spécifique, mais vous avez omis de préciser que, du fait du calendrier extrêmement « serré » qu'a décrit M. le président de la commission des finances, la solution du projet de loi spécifique dont on nous vante les vertus n'est qu'un habillage. Quand donc pourrons-nous aborder toutes les questions que suscite cette ouverture du capital de DCN ? Certainement pas à l'occasion de la discussion d'un article unique ! Mais j'aimerais en savoir plus.
Vraiment, nous trouvons dommage que vous ayez décidé de procéder ainsi. D'ailleurs, puisque vous évoquiez les la précédente réforme du statut de DC, je ne me souviens pas qu'il y en ait eu beaucoup, dans la majorité sénatoriale, pour protester contre la méthode employée à l'époque.
Mais une autre question me vient immédiatement à l'esprit, madame la ministre : ce projet de loi sera-t-il présenté en urgence ?
On nous promet un large débat sur l'avenir de DCN, et nous apprenons aux détours d'une communication de notre président de la commission des finances que tout, ou presque, doit être bouclé le 23 décembre !
Madame la ministre, ce n'est pas une façon de décider de l'avenir de DCN !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de la défense et figurant aux articles 48 et 49.
Article 48
Pour 2005, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III : « Moyens des armes et services » s'élèvent au total à la somme de 261 312 144 €.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, je ne peux pas ne pas réagir à ce que je viens d'entendre. Madame la ministre, si faire adopter un texte un 23 décembre n'est pas contraindre le Parlement à l'examiner à la sauvette, on se demande ce que l'expression veut dire ! Nous n'acceptons pas une telle méthode
En ce qui concerne maintenant le titre III relatif aux moyens des armes et services, force est de constater qu'il existe des disparités entre les orientations données aux différents volets de ce budget.
De cette situation naît un déséquilibre en faveur du titre V qui, conjugué à la très large sous-estimation du coût financier de la professionnalisation des armées et au coût des OPEX, dont Robert Hue a parlé tout à l'heure, fait apparaître une situation de forte tension sur le plan social et humain, sur le sort des personnels, tant civils que militaires.
D'ores et déjà, il est à noter que les objectifs fixés par la loi de programmation militaire en matière d'effectifs ne seront pas totalement tenus. En ce qui concerne les personnels civils, ce sont 1 168 emplois qui seront supprimés au profit d'une politique d'externalisation menée à marche forcée.
Le but est-il de réduire au final à la portion congrue le périmètre des emplois civils relevant du ministère de la défense au profit des sous-traitances et du secteur privé ?
Je ne peux que m'opposer à une telle méthode, qui aura inévitablement un coût social et pourrait entraîner de graves dysfonctionnements dans la mise en oeuvre de certaines missions du ministère de la défense.
Dans le cadre des restructurations d'envergure engagées par le Gouvernement, je prendrai le cas de la direction centrale du matériel de l'armée de terre, la DCMAT, dont 50 % des effectifs seraient, semble-t-il, appelés à disparaître à terme, ou encore celui de la DGA, dont le changement de statut des centres d'essais laisse présager un avenir sombre pour les personnels.
Parallèlement, apparaît au sein même des armées un malaise croissant. Les personnels militaires sont inquiets des mesures qui les pénalisent. Ils s'inquiètent de voir le ralentissement, voire, dans nombre de cas, le gel des recrutements et des promotions. Ils ne comprennent pas les différences de traitement existantes entre les différentes armes.
A ce sujet, et à titre d'exemple, l'armée de terre, dont le malaise est sans doute le plus palpable, craint une réduction drastique de ses effectifs pour 2005. Tout à l'heure, madame la ministre, vous avez annoncé des mesures : mais ces promesses seront-elles vraiment tenues ?
Je ne reviendrai pas sur le sort des personnels hautement qualifiés de nos industries de défense, qu'il s'agisse des personnels du GIAT, de la DCN ou encore de la SNECMA. Les restructurations et fusions ouvrent la voie à des menaces sur les emplois et les statuts et à des dévalorisations salariales qui sont inacceptables.
Je terminerai en vous rappelant, madame la ministre, que la capacité opérationnelle des armées ne dépend pas uniquement de la modernisation et de la disponibilité des équipements ; elle dépend aussi et avant tout des hommes et des femmes, de leur mission pour la défense nationale, pour garantir la souveraineté, et oeuvrer pour la paix dans le monde.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote sur l'article 48.
M. Jean-Pierre Plancade. Madame la ministre, vous nous avez présenté aujourd'hui un budget sous haute tension financière. Vous avez tenté de résister aux assauts de Bercy, qui lorgne en permanence - on l'a lu et entendu - vers la rue Saint- Dominique. Je dois dire que vous avez réussi, mais partiellement.
En effet, comme cela a été dit par plusieurs intervenants, nous avons constaté des carences sur le titre III, en particulier des problèmes de recrutement, qui ont été d'ailleurs évoqués en commission par le chef d'état-major.
Nous avons aussi émis des critiques concernant la distribution des crédits d'équipement, notamment en ce qui concerne la préparation de l'avenir, la recherche, la politique spatiale.
Un point un particulier, qui a été largement évoqué, nous rend perplexes : il s'agit de l'inscription d'une dotation budgétaire de 100 millions d'euros en faveur des OPEX. En effet, tous l'ont souligné, et sur l'ensemble de ces travées, la somme nécessaire s'évalue entre 600 et 650 millions d'euros, ce que vous-même avez reconnu, me semble-t-il.
Plus tard, il sera probablement nécessaire de piocher ailleurs, peut-être même dans le titre V, pour combler le retard.
Vous avez créé la ligne budgétaire - et c'est très bien -, mais il faut aller jusqu'au bout de la logique et donc inscrire la dépense réellement estimée, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Qu'en est-il du projet du second porte-avions dont le programme doit être lancé en 2005 ? Nous n'en savons pas grand-chose, sinon presque rien. Il n'apparaît nulle part dans le projet de loi de finances qui nous est présenté et ne bénéficie d'aucune ligne budgétaire, pas même de provisions financières.
Je ne reviendrai pas sur la question des frégates, vous nous avez répondu, et je n'évoquerai que pour mémoire le prix du baril de pétrole : vous retenez un prix de 25 dollars, alors même qu'il se situe aujourd'hui autour de 50 dollars.
M. André Dulait. Il baisse : il serait proche de 33 dollars !
M. Jean-Pierre Plancade. Il nous est demandé aujourd'hui d'examiner, voire d'approuver un budget qui affiche, certes, une progression qu'il n'a pas connue depuis très longtemps, et je le dis très tranquillement. Cependant, il devra être largement modifié, car il ne correspond pas sur toutes les lignes à la loi de programmation militaire, notamment en matière de recherche.
De façon plus générale, - et c'est pourquoi le groupe socialiste ne le votera pas -, ce projet de budget s'inscrit dans une politique plus large, à laquelle nous ne souscrivons pas, qui consiste à réduire les déficits budgétaires en allégeant l'impôt pour les plus aisés, en augmentant les charges sociales des salariés, et à réaliser une réduction du déficit public qui ne respecte les engagements européens que grâce à une rentrée importante non budgétaire et non renouvelable.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 48.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre !
(L'article 48 est adopté.)
Article 49
I. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2005, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :
Titre V : « Equipement » 14 935 506 000 €
Titre VI : « Subventions d'investissement accordées par l'Etat » 379 382 000 €
Total 15 314 888 000 €
II. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2005, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :
Titre V : « Equipement » 2 233 809 000 €
Titre VI : « Subventions d'investissement accordées
par l'Etat » 330 695 000 €
Total 2 564 504 000 €
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, sur l'article.
M. Didier Boulaud. L'examen de l'article 49 est l'occasion, madame la ministre, d'évoquer un sujet dont il a été peu question pendant ce débat, le renseignement. Or nous savons que le renseignement est un enjeu majeur de la politique de sécurité et de défense.
Aujourd'hui, l'organisation des sociétés démocratiques et des pouvoirs publics est soumise à la tension engendrée par ce qu'il est convenu d'appeler « le terrorisme de masse ». Je pense qu'il convient d'aborder cette question d'une manière globale, et ce débat budgétaire nous fournit l'occasion d'esquisser une analyse de la politique du Gouvernement en matière de renseignement.
Les crédits placés à la disposition du ministère de la défense constituent une part importante du financement de la fonction « renseignement ». Ce ministère a sous son contrôle direct, les crédits de la DGSE, la direction générale de la sécurité extérieure, de la DRM, la direction du renseignement militaire, et de la DPSD, la direction de la protection et de la sécurité de la défense. Il s'agit là de l'essentiel de l'architecture du renseignement en France.
Je suis obligé de constater que ces crédits sont globalement insuffisants : en euros courants, les dotations prévues pour 2005, à hauteur de 300,28 millions d'euros, sont inférieures à celles qui ont été votées en 2003 et qui s'élevaient à 304,15 millions d'euros.
En ce qui concerne les personnels, je ne suis pas non plus très satisfait. Il a déjà été signalé, dans différents rapports parlementaires, que les effectifs restent pratiquement stables, ce qui est contradictoire avec la politique affichée qui consisterait à donner la priorité au renseignement humain. Au ministère de la défense, sur 1 000 créations de postes annoncées, vingt seulement iront à la DGSE, ce qui pose problème, puisque nous savons par ailleurs que les effectifs réels de la DGSE sont sensiblement inférieurs aux chiffres théoriques, notamment en raison des postes de militaires non pourvus.
Il est indispensable de réfléchir aux moyens nécessaires pour garantir l'efficacité des services de renseignement à moyen et à long terme. Le budget de la défense devra revoir certaines de ses priorités à la lumière des évolutions récentes du monde contemporain.
En la matière, les recommandations du Livre blanc de 1996 et de la loi de programmation militaire sont-elles encore adaptées à l'évolution des menaces et aux exigences de déploiement de la première ligne de défense qu'est le renseignement ?
Nous le savons tous, et les événements tragiques à New York et à Madrid nous l'ont malheureusement rappelé, la menace terroriste est toujours présente. Mais nous savons aussi que le terrorisme se combat, d'abord et avant tout, avec le renseignement. Cependant, compte tenu de la multiplicité des structures de renseignement et des failles connues dans leur coordination, leur efficacité pourrait être prise en défaut.
Les services de renseignement britanniques ou américains connaissent d'ailleurs actuellement d'importantes réformes. Le système américain, rudement mis à l'épreuve en septembre 2001, cherche à exploiter les enseignements de cette tragédie.
Le rapport de la commission d'enquête nationale sur les attaques terroristes contre les Etats-Unis a dressé un diagnostic sévère et a proposé une série de changements de fond. Cette commission, créée en novembre 2002 par le Congrès et le Président des Etats-Unis, était composée de dix parlementaires, cinq républicains et cinq démocrates. De la lecture de ce rapport, fort instructive, je ne retiendrai ici qu'une première recommandation : elle a trait à la nécessaire unification et centralisation de la « communauté du renseignement ».
La commission tire ainsi la leçon de l'incroyable chapelet d'erreurs de jugement, de défaillances politiques et, surtout, organisationnelles, qui ont caractérisé la posture américaine face au terrorisme et qui a débouché sur les attentats du 11 septembre.
Elle propose notamment « d'unifier les très nombreux participants à la lutte contre-terroriste et la somme de leurs connaissances dans un système de partage de l'information conçu en réseau pour transcender les cloisonnements gouvernementaux traditionnels ». Ce n'est pas parole d'évangile, mais nous aurions tort de ne pas profiter de cette expérience américaine.
Le système français du renseignement ne pourra pas faire l'économie d'une modernisation de son fonctionnement et de ses méthodes de travail. Or, à notre connaissance et à la différence de nos grands alliés, le Gouvernement n'a pas encore entamé une réforme de nos services de renseignement.
Notre collègue, Yves Fromion, député de la majorité présidentielle, signale, dans son excellent rapport pour avis Espace, communication et renseignement, que, en dépit des efforts accomplis, « sil est indéniable que les synergies entre les services de renseignement français peuvent et doivent être encouragées ».
D'où ma deuxième question : le moment n'est-il pas venu de revoir le fonctionnement actuel, dispersé et cloisonné de nos services, dont la compétence et le dévouement des personnels ne sont pas en cause, afin d'obtenir une meilleure coordination des efforts et des moyens aboutissant à une efficacité accrue à hauteur de la menace ?
J'en arrive à ma conclusion qui prendra, elle aussi, la forme d'une ultime interrogation. Elle concerne le rôle du Parlement face aux services de renseignement.
Madame la ministre, les événements survenus récemment en Afrique, hier dans les Balkans ou en Asie mineure, nous imposent d'être extrêmement attentifs et vigilants. La sécurité et la défense dépendent, et ce n'est pas nouveau, de l'activité et de l'efficacité de nos services de renseignement. Il faut rechercher au maximum, et en toute circonstance, l'amélioration de la posture de sécurité de la France et de l'Europe. Je pense que les parlementaires, les représentants du peuple que nous sommes, ont, dans ce domaine aussi, un rôle à jouer.
Pour me faire comprendre, je reprendrai ici une argumentation que vous connaissez déjà, mais le silence de votre gouvernement en la matière m'incite à persévérer.
Aux Etats-Unis, la commission d'enquête précédemment citée préconise dans ses recommandations de « renforcer la surveillance exercée par le Congrès sur le renseignement et la sécurité intérieure ». En France, comme dans la plupart des démocraties, les services de renseignement dépendent de l'autorité de l'exécutif, mais notre pays est quasiment le seul, parmi ses partenaires et alliés, à ne pas s'être doté d'un organe de contrôle parlementaire de ses services secrets.
Des organes parlementaires de contrôle des activités de renseignement ont été crées en Allemagne depuis 1956, en Italie depuis 1977, aux États-Unis depuis 1976-1977, en Espagne depuis 1992 et au Royaume-Uni depuis 1994.
Est-il normal et souhaitable que la France se singularise en la matière ? Pourquoi ne pas créer au sein de chaque assemblée une instance, rattachée à la commission compétente, chargée d'exercer le contrôle des activités de renseignement ?
Dans l'immédiat, pourquoi ne pas accepter la proposition faite par mon collègue député Jean-Michel Boucheron, lors du récent débat budgétaire à l'Assemblée nationale, consistant à faire en sorte « que la DGSE remette chaque année un rapport de situation aux commissions de la défense des deux chambres » ? Il s'agirait là d'un premier tout petit pas en avant !
Je dois ajouter que, de plus en plus, cette mission doit se concrétiser dans le cadre de notre Europe en construction. Voilà pourquoi je salue l'action de l'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN, et son rôle dans la construction d'une identité européenne de sécurité et de défense. Actuellement l'IHEDN s'ouvre utilement à la création du futur Collège européen de défense. Puissent les financements du Gouvernement être à la hauteur de ses hautes ambitions !
Enfin, madame la ministre, chaque fois que je vous écoute, je vous entends faire référence aux retards accumulés par le gouvernement précédent, qui serait si nombreux qu'il est aujourd'hui quasiment impossible de les rattraper. Mais je m'interroge : depuis 1995, nous avons en France le même chef des armées ; il n'a pas changé. Entre-temps, se sont succédé quatre Premiers ministres - trois de droite, un de gauche -, quatre ministres de la défense - trois de droite, un de gauche. Je m'étonne que le chef des armées n'ait pas réagi à ce retard que vous nous signalez si souvent. Qu'a-t-il fait depuis 1995 ?
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je citerai deux chiffres : cette année encore, les crédits d'équipement relatifs à la dissuasion augmentent de plus de 20 % et représentent près de 10 % du budget de la défense, ce qui tranche avec la pauvreté des budgets sociaux, alors même que de nombreuses voix, notamment de militaires et de membres éminents de la majorité gouvernementale, s'interrogent sérieusement sur le bien-fondé d'une politique de développement du nucléaire.
La modernisation des armes nucléaires se justifie d'autant moins que ces dernières sont inadaptées aux menaces mondiales du terrorisme et des conflits régionaux. Ainsi, il est urgent de repenser en profondeur notre stratégie et de cesser de penser en termes de dissuasion comme centre et vecteur de la défense.
La commission scientifique de l'Union interparlementaire des pays membres et associés de l'OTAN, dont je suis membre, a tenu sa dernière assemblée générale en Italie, le 12 novembre dernier. Ce fut l'occasion d'un débat à la fois émouvant et sérieux, qui démontre les dangers qu'encourt l'humanité avec la progression des armes nucléaires.
Les Etats-Unis multiplient par deux les crédits consacrés au nucléaire dans l'espace. A cela s'ajoutent les déclarations de M. Poutine nous annonçant de nouvelles armes nucléaires. Il y a vraiment de quoi être très inquiet !
L'avenir nécessite un repositionnement clair, qui doit mettre l'accent sur une politique multidimensionnelle de sécurité : j'entends par là une politique en adéquation et en interaction avec l'environnement interne et européen, international et géopolitique, une politique de relance du processus multilatéral onusien.
En effet, il convient de relancer et de promouvoir l'arsenal législatif en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaire dont l'ONU s'est dotée.
A cet égard, je rappelle qu'à l'occasion de la révision du traité de non-prolifération nucléaire qui interviendra l'an prochain à l'ONU, notre pays doit jouer son rôle et garantir nos engagements internationaux, ce dont je ne doute pas. Je souhaite que la France mène une politique courageuse pendant cette discussion à l'ONU, à l'image de la position qu'elle a prise sur l'Irak.
Il faut cesser d'agir en termes de globalisation de l'environnement, comme le fait le gouvernement des Etats-Unis à l'heure actuelle, au travers d'une vision simpliste du monde, pour justifier un désir de domination et une surenchère à l'armement. Il faut à la fois se détacher d'un quelconque suivisme et prévenir tout risque d'être happé dans cette spirale infernale.
Cette mise en garde n'est pas anodine et trouve son prolongement dans la mise en place de l'actuelle politique européenne de défense qui, même si elle est embryonnaire, appelle toute notre vigilance, et c'est pourquoi nous voterons contre le traité constitutionnel européen.
M. Jacques Valade. Comme c'est dommage !
Mme Hélène Luc. L'Europe, telle qu'elle fonctionne aujourd'hui et telle qu'elle est conçue dans le projet de Constitution, ne concourt pas, loin s'en faut, à envisager une véritable perspective d'autonomie dans le domaine de la défense.
J'en veux pour preuve l'article I-40 qui prévoit, dans son paragraphe 2 : « La politique de l'Union respecte les obligations découlant du Traité de l'Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre. »
L'action de la France et des pays européens doit permettre d'adopter une politique de défense originale, audacieuse et autonome, qui intégrerait les grands enjeux économiques, sociaux, institutionnels, démocratiques et culturels de la mondialisation.
J'aurais souhaité, mais je n'en ai pas le temps, aborder les problèmes de la gendarmerie. (Non ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Prenez-le !
Mme Hélène Luc. Je souligne néanmoins que j'approuve, comme je l'ai fait l'année dernière, les propos de mon ami André Rouvière.
Parce qu'il ne répond pas à l'ensemble de ses attentes, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce budget.
En guise de conclusion, je tiens à vous communiquer, ce soir, le souhait qu'avait formulé le grand et regretté philosophe français Jacques Derrida, d'« une puissance militaire indépendante des Etats-Unis et de l'OTAN, ni offensive, ni défensive, ni préventive, intervenant au service d'une nouvelle ONU ». Je vous laisse, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, méditer cette pensée d'un véritable visionnaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le président, je souhaite remercier l'ensemble des membres de la Haute Assemblée de la qualité et de la tenue de ce débat, et surtout de l'adoption de ce budget qui nous permet ainsi de donner à nos militaires les moyens qui leur sont nécessaires pour remplir leur mission au service de la paix et de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la défense.
Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
III. - Recherche
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche : III.- Recherche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la recherche française traverse aujourd'hui une crise grave. Au-delà des revendications à caractère financier auxquelles le Gouvernement s'efforce de répondre, cette crise révèle un malaise profond.
Cependant, à quelque chose malheur est bon. Le retentissement médiatique a eu deux effets positifs. Il a entraîné une prise de conscience, dans l'opinion, du rôle vital que joue la recherche pour l'avenir de la nation. De plus - et c'est un élément au moins aussi important -, à l'issue des états généraux de Grenoble, qui ont réuni la plus grande partie des membres de la recherche française, l'ensemble des chercheurs a reconnu les dysfonctionnements dont souffre notre appareil de recherche et l'urgence de procéder à sa rénovation.
C'est à cette tâche ambitieuse et difficile à laquelle vous vous attelez aujourd'hui, monsieur le ministre. Permettez-moi, mes chers collègues, d'en dire, en quelques mots, les mérites et les difficultés.
Après les restrictions budgétaires de 2002 et de 2003, inspirées, sinon justifiées, par d'importantes sous-consommations de crédits, après le rétablissement des 550 postes de titulaires, dont la transformation en contractuels avait été très mal vécue, le budget de l'an prochain augmente de près de 5 %.
Ainsi, il sera porté remède au décalage grandissant entre les autorisations de programme et les crédits de paiement, puisque ces derniers augmentent de plus de 27 %. Le budget civil de recherche et de développement, le BCRD, c'est-à-dire l'ensemble des crédits de recherche réparti entre une dizaine de ministères, augmente, pour sa part, de 4 %, soit de 350 millions d'euros. C'est un effort important qu'il convient de souligner, d'apprécier et d'approuver.
Au total, les moyens de la recherche devraient ainsi progresser de 1 milliard d'euros, et nous souhaitons, monsieur le ministre, que cette dotation supplémentaire annuelle se poursuive pendant six ans ; j'y insiste, mais je sais que vous y attachez également une attention toute particulière.
Ainsi, si cela se produit, comme nous le souhaitons, l'effort de recherche français atteindrait en 2010, enfin, les 3 % du produit intérieur brut, un pourcentage conforme à la norme de la stratégie européenne qui a été fixée à Lisbonne voilà quatre ans. Ce milliard d'euros se répartira en trois tiers à peu près égaux : les frais de laboratoire et de personnel, la dotation à une agence nationale pour la recherche abondée il est vrai par des crédits de privatisation, qui sera opérationnelle dès janvier 2005 sous la forme d'un groupement d'intérêt public, et enfin différents avantages fiscaux consentis aux entreprises privées qui s'engageront dans des projets communs de recherche aux côtés d'organismes publics et d'universités.
Ce projet de budget pour 2005, dont l'augmentation des crédits est très supérieure à celle des autres ministères, montre que la recherche est désormais considérée non pas seulement par le Gouvernement ou par les chercheurs, mais également par l'opinion générale - ce qui constitue un progrès considérable - comme une priorité nationale. Il met un terme au déclin dont témoigne hélas ! la modestie des résultats de la recherche et au retard qu'elle accuse aujourd'hui sur les pays voisins.
Ce projet de budget est la première étape d'un processus qui devrait, en six ans, rendre à la recherche les chances de rénovation qu'elle a laissé échapper au cours de la dernière décennie. Ce rétablissement n'est pas seulement une affaire de crédits, la communauté scientifique elle-même en convient. Les compétences sont là, et nombre de pays étrangers se les disputent.
En fait, c'est l'organisation ou, pour oser dire le vrai, la désorganisation, voire l'inorganisation du système où s'inscrivent ces compétences qui interdit aux chercheurs de qualité et de talent de s'épanouir, et les conduit à s'en détourner.
Je rappellerai rapidement quelques-unes des principales faiblesses de la recherche. Ce sont autant de contradictions qui sont à l'origine de son manque de productivité.
Tout d'abord, notre système de recherche est un grand corps aux membres multiples, mais sans véritable tête capable de leur imposer un minimum de cohérence et d'unité. Par conséquent, il vit dans la dépendance de l'Etat, ou plutôt d'une dizaine de ministères, et chacun défend son pré carré.
Le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, de brillant renom il n'y a pas si longtemps, est aujourd'hui à la fois le symbole et la caricature de cet état de choses.
Né en 1939, il y a donc bientôt soixante-dix ans, pour pallier - déjà ! - l'insuffisance de la recherche universitaire, fort de 25 000 fonctionnaires, dont moins de la moitié sont des chercheurs, il est aujourd'hui une maison coûteuse - son budget s'élèvera l'an prochain à 2,5 milliards d'euros -, une maison sans maître - la durée de vie de son directeur général était jusqu'à présent de deux ans -, qui est divisée en départements multiples où hélas ! le corporatisme a prospéré.
Lié par plus de mille contrats avec des équipes universitaires, ce vaste complexe échappe, en vérité, à l'évaluation, car celle-ci supposerait une gestion rigoureuse. Or, on en est très loin.
Je prendrai un autre exemple, plus inquiétant encore, celui du retard pris - et c'est un paradoxe - par la patrie de Pasteur dans les sciences de la vie. Ce retard résulte largement de la dispersion des organismes et des crédits qui, à des titres divers, ont cru avoir, chacun de leur côté, à en connaître.
J'en viens au deuxième paradoxe. La loi Chevènement de 1982 a fait du chercheur français- le temps a montré que ce n'était pas une idée saine - un fonctionnaire à vie. Ce système n'existe dans aucun autre pays. Du coup, rien n'a été prévu pour offrir au chercheur en cours de carrière d'autres responsabilités, quand son dynamisme fléchit à cause de son âge.
L'âge moyen du chercheur français est l'un des plus élevés au monde : quarante-sept ans, soit un âge trop élevé pour que le chercheur garde sa créativité et fasse surtout sa place aux plus jeunes. Cette fixité du statut, facteur d'immobilisme, affecte en particulier les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, tels que le CNRS, l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, ou l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, bien que ce dernier consente de louables efforts pour l'assouplir, un fait qui doit être souligné. Ensemble, ils accueilleront néanmoins l'an prochain 190 chercheurs et 360 ingénieurs-techniciens supplémentaires.
A l'inverse, voués à la recherche fondamentale, les EPST contrastent avec les EPIC, qui, comme leur nom l'indique, sont à finalité industrielle et commerciale, tels que le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, et le Centre national d'études spatiales, le CNES. Ceux-ci bénéficient fort heureusement d'une plus grande souplesse de gestion. Cette souplesse a permis au CEA de procéder sans drame, et en dix ans, à une réorientation de ses activités et de son personnel, et au CNES d'occuper sans conteste la première place dans la recherche et l'industrie spatiales en Europe.
Ces deux exemples démontrent que la question des structures l'emporte sur tout le reste ; lorsqu'elle est bien traitée, nous obtenons des résultats exceptionnels.
Mes chers collègues, il est vrai que, dans les nouvelles technologies, le fondamental - la recherche de base, comme l'on dit - et l'appliqué, le civil et le militaire, la recherche et le marché ne font plus qu'un. Toute recherche est désormais duale. La distinction d'hier, tradition hélas ! bien française, entre le clerc et le profane, le gratuit et l'utile, le savoir pur et le profit, une distinction souvent inavouable et, au reste, contredite en son temps par toute la carrière de Pasteur, et qui nous fait mal et nous paralyse, n'est plus de mise. Pasteur est parti de la levure, du vin et de leur maladie pour déboucher, un peu plus tard, sur le microbe, la plus spectaculaire révolution biologique qu'ait connue l'Europe du XIXe siècle
Enfin, j'aborderai le troisième handicap, qui n'est pas le moindre : la césure, le divorce entre l'université et la recherche nous prive d'une arme qui, partout ailleurs, hors de nos frontières, fait tous les jours ses preuves.
Cette césure explique le prestige des grandes écoles à la française qui alimentent, hélas, presque seules, les cellules de recherche dans l'entreprise privée, laquelle se trouve ainsi largement marginalisée au niveau de notre effort en matière de recherche. Elle réduit d'autant les débouchés auxquels accèdent tout naturellement, dans les autres pays, les titulaires de titres universitaires.
A la racine de cette coupure qui altère gravement l'image et l'attrait de l'université française à l'étranger, on retrouve deux singularités françaises.
La première, c'est l'obligation qui a été faite à l'université française, un jour qui n'est pas si lointain, d'accueillir sans sélection préalable et au nom d'un principe d'uniformité mal compris, des millions d'étudiants, dont certains sont et restent sans vocation ni sanction. Cette obligation a provoqué un déséquilibre entre les deux fonctions d'encadrement et d'enseignement des étudiants, d'une part, et la recherche, d'autre part, et ce au détriment et de l'une et de l'autre, car elles sont appelées à se féconder réciproquement. On constate d'ailleurs le même déséquilibre au sein des centres hospitaliers universitaires, les CHU, qui sont aux prises à la fois avec l'afflux des malades et leurs tâches en matière de recherche.
Quant à la seconde singularité française, disons-le en toute simplicité sans accuser quiconque, elle tient au mode de désignation des dirigeants.
Elus par un collège de pairs, ces dirigeants ne disposent pas toujours du recul et de l'autorité nécessaires pour appréhender l'avenir de l'université dans sa vérité, c'est-à-dire dans ses liens essentiels avec son environnement économique et social. L'université est ainsi exposée à vivre quelquefois hors du temps et de la société qu'elle devrait servir.
Ce rappel, trop rapide, j'en ai conscience, des défis que doit relever la recherche française est loin d'être complet. Il permet cependant de prendre la mesure de la tâche qui vous attend, monsieur le ministre.
La loi de programmation et d'orientation que vous annoncez devrait apporter un commencement de réponse. Quelles seront les étapes de ce vaste chantier, monsieur le ministre ? Il devrait être possible- c'est une suggestion parmi d'autres - d'apporter cohérence et unité dans certaines filières, à l'image - nous avons des exemples très positifs, par ailleurs - de celle de l'atome où elles existent heureusement depuis les origines, alliant le militaire et le civil, la théorie - c'est le CEA - et l'application - c'est EDF -, ou encore le public et le privé.
Ce pourrait être, par exemple, le cas de l'énergie, un domaine qui est confronté aux problèmes croissants et de la rareté et de la pollution, et peut-être surtout les biotechnologies et les monotechnologies - une perspective d'extrême avenir - qui souffrent chez nous d'un retard inquiétant.
L'Agence nationale pour la recherche, dont la création nous est annoncée, aura-t-elle la capacité d'orientation, c'est-à-dire de choix, qui donnerait une visibilité et une efficacité nouvelles à un corps de recherche qui est aujourd'hui tragiquement dispersé ?
Ce rôle ne pourrait-il être réservé plutôt, me semble-t-il, à un haut conseil scientifique composé de personnalités beaucoup moins nombreuses, mais à l'autorité incontestable, et dont la mission serait d'appliquer les directives ?
Le même impératif de choix s'imposera demain à l'Europe, où nous avons à jouer un rôle éminent, et nous le jouons dans l'atome, dans l'espace. En effet, compte tenu du coût croissant des instruments de recherche, une nation moyenne, comme la nôtre, ne peut plus assumer seule la recherche. Les pays européens devront donc demain à la fois s'unir et se spécialiser. On le constate d'ailleurs dès aujourd'hui dans le domaine militaire. C'est dire que le défi de la recherche, qu'il soit européen ou français, s'il est, certes, financier, est d'abord un phénomène de culture et, surtout, de volonté politique.
Monsieur le ministre, l'établissement de « pôles d'excellence » signifie fort pertinemment, et fort heureusement, la réconciliation entre les organismes publics, les universités et les entreprises privées, dont l'absence génère gaspillage et impuissance. Ne pourrait-on pas imaginer que nous connaissions, avant la fin de l'année 2005, date à laquelle nous vous donnons rendez-vous, monsieur le ministre, des réalisations qui aient valeur d'exemple et d'entraînement ?
Quant au statut de chercheur, un des plus graves problèmes que vous ayez à traiter, monsieur le ministre, il serait certainement sécurisé et valorisé si le chercheur était davantage intéressé financièrement au résultat de ses travaux. C'est ce que s'efforce actuellement de mettre en place l'INSERM, et les résultats sont extrêmement probants. L'évaluation pluriannuelle et a posteriori de l'activité des directeurs de laboratoire, et non plus comme aujourd'hui a priori et annuelle, sous l'oeil de Bercy, une tutelle de moins en moins bien supportée, dégagerait une marge accrue de responsabilité et d'autonomie dans l'activité de recherche, qui deviendrait alors un terrain privilégié d'application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
En quelques mois, j'ai pu saisir cet univers complexe qu'est la recherche à la française. Je ne suis pas du tout certain que nous réussissions à faire en sorte, monsieur le ministre, que, dans une année, dans deux ou trois années, la LOLF se soit imposée avec sa clarté, sa rigueur et son utilité. Peut-être pourrez-vous accélérer le mouvement, monsieur le ministre, mais rien n'est moins sûr. En effet, la route sera longue dans un monde qui a, peu à peu, désappris le goût du calcul et le respect du temps. Pourtant, il faut que vous vous y engagiez, tout comme nous et, comme le font d'autres démocraties, sous peine de voir la nation française s'épuiser dans des combats coûteux, mais dispersés et sans lendemain.
De la réponse à ces problèmes clés dépend, je le dis sans forcer le ton, parce que je le pense très profondément, l'avenir de notre recherche, et donc celui de la nation.
Pour mener à bien cette vaste entreprise, vous pourrez, monsieur le ministre, - je le dis au nom de la commission des finances - compter sur le soutien sans faille de la Haute Assemblée. Elle vous accompagnera tout au long d'une entreprise dont le projet de budget que vous présentez ce soir constitue un premier pas prometteur. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche et les nouvelles technologies. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette que nous soyons conduits à examiner un budget aussi fondamental pour l'avenir de notre pays à une heure si tardive...
M. Claude Saunier. Tout à fait !
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. ...et devant un auditoire aussi peu nombreux.
La crise qu'a connue le secteur de la recherche, évoquée par notre rapporteur spécial, M. Blin, a effectivement eu pour conséquence positive de mettre en lumière ce secteur.
Je suis sans doute moins optimiste que notre collègue pour ce qui est de la pérennité de cette préoccupation dans les médias et de la volonté des décideurs d'accorder la priorité à la recherche et à l'innovation. Celles-ci sont pourtant fondamentales pour la France et pour l'Europe, y compris pour l'existence future d'une Europe économiquement et techniquement crédible. Il n'est que de voir les progrès phénoménaux réalisés aux Etats-Unis, au Japon et dans les pays asiatiques pour s'en convaincre
La grave inquiétude qui règne dans les milieux de la recherche publique a donné lieu à quantité de débats, de rapports, d'études, de suggestions. Les trois commissions compétentes du Sénat ont d'ailleurs formé un groupe commun de réflexion sur l'avenir de la recherche, dont les conclusions rejoignaient pour une bonne part celles de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et de beaucoup d'autres. Mon rapport écrit fait référence à tous ces travaux et je me permettrai, compte tenu du peu de temps dont je dispose, d'y renvoyer les lecteurs intéressés.
Votre projet de budget pour 2005, monsieur le ministre, préfigure les orientations de la future loi d'orientation et de programmation pour la recherche, et j'en suis très heureux. Ce projet de loi, qui suscite d'énormes espoirs, doit valoriser l'excellence et l'expérimentation audacieuse ; il doit non seulement donner plus de moyens à la recherche, mais aussi et surtout développer de nouvelles formes de structures, mieux à mêmes de libérer les énergies qui sont trop souvent enserrées dans des carcans administratifs.
A cet égard, des expérimentations intéressantes pourraient bientôt être réalisées, en particulier des pôles de compétitivité de forte attractivité au niveau mondial, sur le modèle combiné du Stanford Research Institute et du Massachusetts Institute of Technology, ou bien encore des zones d'excellence telles qu'elles sont proposées dans l'appel d'offres de la DATAR.
Ces initiatives ne me paraissent toutefois pas suffisamment mettre l'accent sur la composante technologique et s'apparentent plus, dans certains cas, à des clusters, certes industriels, mais qui ne sont pas forcément liés à l'innovation fondamentale.
Monsieur le ministre, l'innovation devra certainement être « sanctuarisée » par la future loi d'orientation et de programmation. Nous attendons beaucoup de cette action, qui est par nature régalienne, au même titre que le budget de la défense. C'est l'avenir de notre nation qui est en jeu ! Je forme donc le voeu que le budget de la recherche puisse, à terme, être débattu aussi longuement que celui de l'agriculture ou de la défense, ce qui n'est pas le cas actuellement.
J'ai examiné le budget de la recherche pour 2005 en considérant qu'il préparait ce projet de loi d'orientation et de programmation et, par conséquent, je me réjouis que la recherche ait été déclarée prioritaire et qu'elle le soit effectivement. Ses moyens sont dotés de 1 milliard d'euros supplémentaire, conformément aux engagements du Gouvernement. Cet effort, le plus important depuis vingt ans, devra impérativement être poursuivi et s'inscrire dans la durée, surtout si nous voulons montrer l'exemple et réussir à atteindre l'objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche.
Les moyens des établissements de recherche enregistrent une hausse sensible, à l'exception de l'Institut français du pétrole, ce qui est tout de même assez étonnant en cette période d'incertitude énergétique. Qui plus est, en gelant certains crédits, on oblige en quelque sorte l'Institut à vendre les fleurons de la couronne, ce qui, vous en conviendrez, est une curieuse façon d'aider ceux qui réussissent, encore une fois surtout eu égard à l'importance croissante de l'énergie.
Je sais bien, monsieur le ministre, que le ministère de la recherche n'est pas seul en cause et que la question relève au moins autant du ministère de l'industrie ; c'est tout de même un signe fâcheux qu'il conviendrait à mon sens d'éviter, l'excellence de l'Institut du pétrole étant reconnue dans le monde entier et par la profession, s'agissant notamment de la liaison entre la recherche fondamentale, le développement industriel et l'innovation.
Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous apportiez quelques précisions sur la proposition avancée par le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, visant à permettre l'accès au monitorat à un plus grand nombre d'étudiants inscrits en formation doctorale. Cette idée me paraît très pertinente et conforme à la notion d' « expérimentation innovante ».
Sans m'appesantir sur les actions qui permettent de revaloriser régulièrement le budget de la recherche, j'en viens à l'Agence nationale pour la recherche, qui me paraît constituer la grande innovation de ce projet.
La création de cette agence constitue le premier grand geste en faveur du financement de projets et non plus uniquement de structures. C'est un point capital et l'Agence sera évidemment d'une importance considérable.
Je me réjouis que le rapport d'information de la commission des affaires culturelles, La culture scientifique et technique pour tous : une priorité nationale, ait guidé l'élaboration du plan national de diffusion de la culture scientifique et technique, encore que sa mise en oeuvre ne soit pas aussi rapide que nous le souhaitions.
Pour renforcer l'attractivité des carrières de la recherche et de l'innovation, un plan pluriannuel de l'emploi scientifique devrait, me semble-t-il, être élaboré. Cela pose pour partie le problème du statut et comprend les questions de l'assouplissement des obligations des jeunes enseignants-chercheurs, de l'évolution des carrières, de la réforme de l'évaluation, des conséquences en termes de rémunération, du recours nécessaire et accru à des emplois contractuels, notamment sur des postes d'accueil de haut niveau.
Au regard de ce que je viens d'énumérer, le budget de la recherche pour 2005 va dans le bon sens et la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri Revol, rapporteur pour avis.
M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons-le sans ambages, ce budget fera date dans l'histoire de la recherche française.
Ce budget, les engagements d'ores et déjà pris jusqu'en 2007 ainsi que la perspective de la prochaine loi d'orientation et de programmation démontrent une volonté qui se traduit par des moyens nouveaux, mais aussi par un esprit nouveau.
Quand la France est capable de s'engager en Europe, elle est reconnue et elle est suivie. La récente annonce de l'installation du réacteur thermonucléaire expérimental international ITER à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, en est un exemple frappant.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vous allez tout de même un peu vite, mon cher collègue...
M. Henri Revol, rapporteur pour avis. Plus précisément, ce budget nous donne au moins trois grands motifs de satisfaction que j'assortirai chacun d'une question.
Premier motif de satisfaction, je me félicite, bien évidemment, de l'augmentation, sans précédent depuis dix ans, du budget civil de recherche et de développement. Les crédits du ministère délégué à la recherche en représentent 70 %, le reste est réparti entre treize autres ministères. C'est un engagement fort du Gouvernement dans le cadre fixé par le Président de la République. Chacun ne peut que s'en réjouir.
En revanche, je m'interroge sur le contrôle budgétaire du Parlement. La loi organique relative aux lois de finances rend l'effort budgétaire de recherche plus lisible au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » où chaque ministère disposera d'un programme regroupant ses actions de recherche. Toutefois, le contrôle parlementaire portant sur l'effort de recherche extrabudgétaire pourra-t-il être correctement exercé ?
Cette année, par exemple, les deux tiers du milliard d'euros supplémentaires pour la recherche n'apparaissent pas dans les crédits des ministères. De surcroît, l'un des deux tiers en question n'apparaît pas dans le projet de loi de finances que nous examinons ce soir. Et pour cause : il consiste en la dotation d'un groupement d'intérêt public, l'Agence nationale de la recherche, par des produits de privatisation qui ne sont pas inscrits au budget.
Monsieur le ministre, je souhaiterai savoir comment, parallèlement à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, il sera possible d'assurer un contrôle du Parlement sur ces autres financements de l'Etat en faveur de la recherche.
Mon deuxième motif de satisfaction porte sur la philosophie qui inspire la création de cette Agence nationale de la recherche. Cette agence de moyens est destinée à promouvoir un financement par projet et non plus seulement par organisme, avec des moyens nouveaux, jusqu'alors inédits : 350 millions d'euros en 2005. Je vois une autre nouveauté tout à fait remarquable dans le fait que des priorités thématiques claires sont désormais affichées.
Quels seront les délais de financement effectifs des projets à partir du début de l'année 2005 ? Cette question m'a été inspirée par les équipes et les organismes que j'ai rencontrés dont les thématiques entrent dans les priorités arrêtées. Je pense, notamment, à l'Institut Pasteur et aux recherches sur la grippe aviaire ou encore au projet Agora du Centre national d'études spatiales qui pourrait déboucher, très vite, sur une solution innovante d'Internet à haut débit pour ceux de nos territoires qui ne sont pas couverts par les réseaux terrestres.
Enfin, troisième et dernier motif de satisfaction, je me félicite du renforcement du soutien à la recherche et l'innovation privée. Après la hausse du budget civil de recherche et développement et le financement de l'Agence nationale de la recherche, le dernier tiers du milliard d'euros supplémentaire pour 2005 ira au soutien à la recherche ; la pleine application de la réforme du crédit d'impôt recherche comptera pour 235 millions d'euros.
La commission des affaires économiques du Sénat s'est posé la question d'une réorientation de ce crédit d'impôt en direction des PME-PMI. Ces dernières en ont, sans doute, plus besoin que d'autres : elles bénéficient de moins de 10 % des aides directes à l'innovation, alors qu'elles en réalisent plus de 20 %.
Cela suppose sans doute d'élargir l'assiette et les critères du crédit d'impôt et d'augmenter encore la part en volume des dépenses de recherche et développement pour l'ensemble des entreprises, voire pour les seules PME-PMI.
Ces questions se posent aujourd'hui. Elles se poseront dans les mois à venir, à l'occasion de la discussion de la loi d'orientation et de programmation, à laquelle nous nous préparons déjà. Dans cette attente, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur cet excellent budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, avant toute chose, saluer la mobilisation historique des chercheurs. Elle a permis l'ouverture d'un vaste débat consacré à l'avenir de la recherche.
Des Etats généraux de la recherche ont émergé un grand nombre de propositions, exposées publiquement en novembre dernier. Le rapport final indique notamment que « la sagesse politique voudrait que les conclusions du document final soient prises en compte par le Gouvernement ».
Malheureusement, l'examen du budget montre que les chercheurs n'ont pas été totalement entendus. Certes, on note quelques points positifs tels que le remplacement des départs à la retraite ou la création de deux cents postes pour l'accueil de scientifiques étrangers. La situation de l'emploi dans la recherche n'en demeure pas moins particulièrement préoccupante.
Ce ne sont certainement pas les cent cinquante postes de maître de conférence nouvellement créés qui relanceront réellement la recherche universitaire. Plus grave encore, aucune mesure ne vient renforcer l'attractivité des carrières scientifiques. Pour échapper au chômage ou au déclassement social, de jeunes chercheurs n'ont souvent d'autre choix que de s'expatrier.
A l'heure où beaucoup de nos jeunes concitoyens se détournent des filières scientifiques, mettre en oeuvre une politique de recrutements massifs et de lutte contre les emplois précaires dans la recherche publique relève de l'urgence.
Outre la mise en place d'un plan pluriannuel de l'emploi scientifique, le rapport des Etats généraux préconise la création de contrats à durée déterminée pour financer la préparation des doctorats, la définition d'un statut de « chercheur ou enseignant - chercheur associé » transformant les dispositifs existants, souvent précaires.
Je ne cite ici que quelques-unes des recommandations émises par les chercheurs, mais elles auraient mérité d'être prises en compte dans leur totalité.
Monsieur le ministre, vous vous félicitez de présenter un budget en progression de 1 milliard d'euros. En réalité, les laboratoires publics ne bénéficieront que d'un tiers de cette somme. Celle-ci viendra seulement combler une partie du retard accumulé en 2003 et 2004, pour cause de gel ou d'annulation de crédits.
Parallèlement, 300 millions d'euros de mesures fiscales sont destinés au secteur privé, c'est-à-dire en faveur du développement de la recherche appliquée. L'efficacité de telles dispositions demeure inconnue. Et vos choix budgétaires, monsieur le ministre, démontrent l'insuffisante reconnaissance du rôle moteur de la recherche fondamentale.
Et ce n'est pas avec ce budget que la recherche et les chercheurs pourront faire preuve de toute leur créativité.
L'Etat se devrait d'investir massivement en faveur du développement de la recherche publique. Source de connaissance, elle nourrit les activités d'innovation, le foisonnement créatif. En outre, elle alimente et éclaire la réflexion de nos concitoyens sur l'évolution de la société dans le long terme, fournit les éléments contradictoires de décision permettant de répondre, au mieux, aux grands défis du monde contemporain.
A l'heure de la société de la connaissance et de l'information, l'Etat doit plus que jamais, à nos yeux, consacrer ses efforts en faveur du développement de la formation à la recherche et par la recherche, mission essentielle du secteur public. Sans cela, la France se verra durablement distancée dans les domaines scientifiques et technologiques, en particulier par des pays comme la Chine ou l'Inde, sans oublier naturellement les Etats-Unis et le Japon.
A notre époque, la recherche scientifique constitue un immense système d'information au plan mondial. Chaque pays se doit d'y participer, sous peine sinon d'être démuni devant bien des problèmes. D'où l'importance de la communication scientifique, qui n'est plus à démontrer. Je rappelle, au passage, que les moyens classiques de publication sont en crise.
Cela étant, l'affectation de 350 millions d'euros à la future Agence nationale de la recherche est quelque peu surprenante. Alors que nous ignorons tout encore à ce jour de l'organisation et du financement à moyen terme de cette structure, comment comprendre qu'un tiers de l'effort budgétaire lui soit consacré ? Quelles sont les compétences réelles de cette agence ? Sera-t-elle une agence de moyens ? Distribuera-t-elle des crédits aux laboratoires selon le critère de l'excellence scientifique ? Mettra-t-elle en place des pôles de compétitivité ? Sera-t-elle un outil de pilotage de la recherche par le Gouvernement en fonction de ses priorités ? Du reste, Bruxelles pilote la recherche européenne par cette voie.
Encourager la créativité suppose de libérer les énergies.
Le professeur Jean-Pierre Kahane, membre de l'Académie des sciences, rappelle ainsi que « les acteurs de la recherche ne sont pas, ne peuvent pas être de simples exécutants. Au minimum, ils doivent interpréter les directives. Ils doivent aussi savoir s'en écarter, improviser en fonction de ce qu'ils découvrent, tracer de nouvelles voies. L'efficacité de la recherche dans la quête de l'inconnu implique la liberté de l'esprit. »
L'indépendance des chercheurs vis-à-vis de leur autorité de tutelle, leur autonomie par rapport au monde économique sont essentielles. « Car la curiosité et l'inventivité aboutissent à des découvertes et des inventions imprévues. Il s'agit donc, dans tous les secteurs de la recherche, de privilégier un certain désordre créateur plutôt que l'optimisation à la mode. Dans l'édification des grands programmes de recherche qui peuvent avoir un effet mobilisateur, il faut varier les approches et chercher l'inspiration dans les besoins en friche dans le monde entier. »
La définition des programmes de recherche ne peut être conditionnée à des notions de rentabilité stricto sensu ; sinon, certains champs de recherche, pourtant fondamentaux, seront délaissés. Trop de laboratoires sont stérilisés par la gestion de la pénurie.
Toutes les disciplines doivent avoir leur place dans le dispositif de recherche national. Je pense, en particulier, aux sciences humaines et sociales dont l'importance est trop souvent minorée bien que celles-ci permettent de mieux appréhender les principales évolutions du monde contemporain.
C'est dans ce domaine en particulier que peut progresser l'idée de science et de « conscience européenne ». Cela a été souligné au Collège de France réuni ces derniers jours sur les valeurs de l'humanisme que portait le fondateur de cette institution au XVIe siècle, Guillaume Budé. Plutôt que d'humanisme, nous parlerions aujourd'hui d'une certaine éthique de l'existence, de foi dans les capacités de l'homme à bâtir un monde plus juste, plus équilibré, plus respectueux des personnes.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas donné suite aux recommandations émises conjointement par le mouvement « Sauvons la Recherche » et le comité d'initiative et de proposition. Les responsables de ces collectifs avaient notamment attiré votre attention sur l'urgence de la situation des jeunes chercheurs. Aussi vous avaient-ils demandé « que le plan pluriannuel de l'emploi scientifique annoncé prenne effet dès le budget 2005 ».
Les chercheurs attendaient un signe fort du Gouvernement leur permettant de croire à la sincérité de son engagement en faveur de la recherche. Le budget présenté aujourd'hui ne traduit en aucun cas la volonté politique d'inscrire la recherche au rang des priorités nationales, dans une perspective de refondation du système de recherche. Il ne permettra pas à la part de la recherche publique d'atteindre, d'ici à 2010, à 1 % du PIB, condition pourtant indispensable pour atteindre l'objectif fixé à Lisbonne de 3% du PIB européen consacré à la recherche.
Avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, nous ne pouvons voter ce budget 2005, caractérisé une nouvelle fois par un manque d'ambition. Croyez bien que je le regrette, au nom d'une certaine idée de la recherche scientifique et de l'avenir de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE dans sa majorité votera cet excellent budget.
Je reviens ce soir d'une réunion organisée par la Commission européenne à Stuttgart et à Karlsruhe. J'ai y notamment entendu la société SAP, numéro un mondial des progiciels, exposer comment elle s'est lancée dans le corporate venture, le capital-risque d'entreprise. Peu de sociétés européennes s'engagent dans de telles aventures !
J'ai également écouté la présentation de la société DaimlerChrysler. Elle consacre chaque année 6,5 milliards d'euros à la recherche, soit un pourcentage dont peu d'entreprises peuvent s'enorgueillir...
On a beaucoup parlé du processus de Lisbonne : invocation plutôt qu'action ! Les innovations de votre budget, dont je me suis fait l'écho, ont été fort bien perçues. En particulier, la recherche de structures souples, publiques et privées, en expérimentation cette année, permettant de libérer les chercheurs du carcan administratif - je veux parler des fondations de recherche - a été très bien accueillie.
C'est très important, parce que l'innovation est tout de même le fruit du travail d'hommes et de femmes dont la formation et le talent leur permettent d'être audacieux et entreprenants ; il faut donc libérer leur énergie.
Libérer l'énergie des chercheurs et des innovateurs, telle devrait être l'une des conclusions majeures des nombreux travaux et débats qui ont été évoqués notamment par M. Renar. Car ces discussions ne se sont pas uniquement traduites par de nouvelles revendications ; elles ont également permis des propositions, des suggestions de modification de structure, qui tiennent un rôle primordial dans cette réflexion générale sur la recherche.
Mais l'innovation, c'est aussi de l'argent, et de l'argent supplémentaire, car si nous n'en avons pas au-delà de ce que les pays européens dans leur ensemble peuvent consacrer, nous n'aurons certainement pas la possibilité de rattraper le retard que nous avons pris par rapport à d'autres, qui vont tout simplement plus vite que nous. Car ce n'est pas parce que nous accélérons que certains n'accélèrent pas encore plus !
Pour ma part, je pense que le pari de Lisbonne n'est pas gagné. Par conséquent il faut trouver un autre financement. Puisque nous ne pouvons pas le trouver uniquement à l'échelon national, il faut le trouver à l'échelon européen. Or, jusqu'à présent, l'Europe ne fait que redistribuer l'argent que les Etats lui donnent.
Mais, après tout, il ne faudrait pas oublier la Banque européenne d'investissement. A cet égard, vous connaissez notre projet d'un emprunt destiné à développer l'économie par l'innovation, monsieur le ministre, car il commence à rallier nombre de personnes. Nous en avons parlé à différentes occasions, à l'OCDE, dans les réunions d'Eurêka, à Varsovie à l'occasion d'un colloque sur l'énergie ; nous en avons également parlé à Malmö, à l'occasion d'un colloque consacré aux télécommunications et à la recherche militaire. Chaque fois, nous avons constaté que les représentants des milieux industriels et scientifiques, voire, dans certains cas, les ministres, trouvaient que le recours à l'emprunt auprès de cet établissement constituait une solution du type de l'oeuf de Christophe Colomb !
Il reste à préciser les modalités de remboursement de cet emprunt, et l'effet qu'aura l'opération en termes d'augmentation du produit intérieur brut. Un grand nombre d'études, dont l'une réalisée par Bercy, concluent que l'emprunt est possible dans la mesure où le produit intérieur brut généré pendant les dix ans qui viennent dépasse quatre à cinq fois ce qui est investi. Or certaines études, notamment celles qui sont réalisées par la filière électronique, démontrent que le produit intérieur brut généré par les innovations peut monter jusqu'à vingt fois dans des secteurs comme ceux de la télévision haute définition ou les recherches de logiciels.
Enfin, en ce qui concerne la délicate question de l'appui aux petites et moyennes entreprises, la seule solution consiste à monter un système sur le modèle du small business administration et, surtout, du programme SBIR, ou small business innovation research, ce qui n'est pas possible dans un seul Etat. Le ministère de l'industrie a bien tenté d'encourager cette formule, mais sans la rendre obligatoire, et les différents industriels ont clairement fait savoir leurs réticences à l'égard des PME, ce que l'on peut comprendre. En outre, au titre de la commande publique, on pourrait contrarier les règles de la concurrence, et Bruxelles ne le permettrait pas.
Voilà pourquoi l'idée d'un tel système a été tellement bien accueillie, au point que nous avons créé un groupe international, ELITE, ou élargissement de l'innovation et des talents en Europe. Ce groupe, qui comporte déjà une cinquantaine de membres répartis dans différents pays européens, va essayer de vous aider, monsieur le ministre, et d'aider les décideurs pour que l'innovation en Europe devienne beaucoup plus florissante.
En effet, si le mouvement des chercheurs a rendu la recherche et l'innovation plus crédibles, je crains que, notamment pour les expérimentations, le financement de la recherche au moyen de structures beaucoup plus souples, en particulier par des fondations, ne soit pas toujours très bien accueilli de la plupart des ministères, et notamment de celui auquel nous ne pouvons pas manquer de faire référence dans ces discussions budgétaires.
Monsieur le ministre, il est nécessaire de poursuivre le combat que vous avez engagé. Sachez que le Sénat dans son ensemble sera derrière vous. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 10 % de hausse et 1 milliard d'euros de plus pour la recherche, ce sont les chiffres très prometteurs brandis par le Gouvernement. Prometteurs si l'on s'en tient à l'affichage, mais que cachent ces données, en réalité ? D'abord, se contenter de ces chiffres, c'est faire fi du passé. Et le passé, en l'occurrence, ou plutôt votre passif, monsieur le ministre, ce sont des moyens pour la recherche sacrifiés en loi de finances initiale, avec une baisse à structure constante du budget civil de recherche et développement, et plus encore par les régulations en cours d'exercice.
Dans le « bleu » budgétaire, la différence entre les crédits des budgets 2004 et 2005 fait apparaître seulement 356,1 millions d'euros supplémentaires. Or ces millions d'euros ne représentent qu'une partie du rattrapage des 618 millions d'euros de réduction et d'annulations de crédits réalisées entre 2002 et 2004. Par comparaison, et pour mémoire, entre 1998 et 2001, les laboratoires ont connu une progression régulière de 26,5 % au total de leurs moyens de fonctionnement, sans aucune régulation.
De plus, la hausse du budget civil de recherche et développement pour 2005 n'est que de 4 % ce qui, compte tenu de l'inflation, ramène l'augmentation effective, en euros constant à 2,2 % seulement.
Enfin, le reste du milliard annoncé, soit 300 millions d'euros au titre du crédit d'impôt recherche sous forme d'avoir fiscal aux entreprises, et 350 millions d'euros pour la future agence nationale de la recherche, l'ANR, issus du produit des privatisations, ne relève pas de votre responsabilité et peut très bien fluctuer.
Ainsi, à ce manque de sincérité dans la présentation du budget de la recherche pour 2005 s'ajoutent de fortes incertitudes sur la mise à disposition des fonds.
En effet, Bercy envisagerait de revoir les crédits de l'ANR à la baisse. Dans ces conditions, pouvez-vous, monsieur le ministre, donner à la Haute Assemblée des garanties sur ces 350 millions d'euros, ainsi que sur les 104 millions d'euros restants du fonds créé par la loi de finances de 2004, inscrits dans un compte d'affectation spéciale du Trésor pour le financement des fondations et sur lesquels il me semble que vous comptiez également ?
Néanmoins, je tiens à préciser d'ores et déjà que, même si vous étiez en mesure de nous garantir les engagements de Bercy, ce geste ne suffirait pas à nous rassurer quant à la concrétisation de ce budget. Votre ministère, certes, pour la dernière année, puisque les choses changeront avec l'entrée en application de la loi organique relative aux lois de finances, ne maîtrise en effet qu'un peu plus du tiers du BCRD.
Or, pour vos collègues du Gouvernement, il faut bien l'avouer, la recherche est bien souvent une variable d'ajustement de l'exercice budgétaire.
Et la mise en question de la sincérité budgétaire de ce gouvernement n'est pas l'apanage de l'opposition. J'en veux pour preuve le commentaire du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, qui est lui-même très clair sur ce sujet, puisqu'il « n'approuve la structure de l'augmentation du budget 2005 que si un engagement formel du type de celui pris pour la loi de programmation militaire est adopté ». Et, citant en particulier l'augmentation prévue pour l'Agence nationale de la recherche et les financements liés aux nouvelles mesures fiscales, il indique qu'il « serait en effet aisé de puiser sur ces lignes budgétaires, puisqu'il s'agit de projets et non de gestion de personnels. Et les précédents rendent prudents ! ».
Si les précédents rendent même un rapporteur pour avis prudent, au groupe socialiste, ils nous rendent plus que sceptiques ! Et je ne reparlerai même pas de l'engagement pris à Barcelone de consacrer 3 % de notre PIB à la recherche, qui, à force de s'éloigner de notre portée, d'année en année, finit par constituer une véritable chimère.
Le même scepticisme nous gagne s'agissant de l'Agence nationale de recherche, qui doit théoriquement être opérationnelle dans moins de trois semaines, et sur les fondations qu'elle est censée financer.
Sur ce sujet aussi, notre collègue Pierre Laffitte, dans son rapport pour avis, écrit noir sur blanc : « Il semble que la concrétisation de ces projets ne soit pas encore obtenue, des réticences de certains services du ministère des finances n'étant pas encore vaincues ». Pour notre part, si nos incertitudes portent sur le financement, nous formulons aussi de fortes réserves, pour ne pas dire plus, sur les modalités de création et de fonctionnement de cette agence.
Votre idée, monsieur le ministre, est de créer un groupement d'intérêt public opérationnel au 1er janvier 2005, auquel se substituera, à terme, avec la loi de programmation et d'orientation sur la recherche, un établissement public. Or, même pour un groupement d'intérêt public, les délais sont un peu courts, puisque les consultations des conseils d'administration des organismes participant au groupement d'intérêt public, à propos desquels d'ailleurs on peut se poser quelques questions sur les critères de choix, viennent de débuter en catastrophe.
Dans ces conditions, il paraît plus qu'illusoire de penser que cette agence puisse être opérationnelle à la date prévue. Mais ce ne sera qu'un retard de plus en matière de recherche à porter à l'actif de ce gouvernement. Et quand bien même elle le serait, la sélection des projets à soutenir, le lancement des appels d'offres, les réponses aux appels d'offres, leur évaluation, toute cette procédure exige un temps de mise en oeuvre long, de sorte que l'argent ne sera pas disponible pour les projets en 2005.
Il en est de même pour les fondations. Je suis désolé de devoir en revenir toujours à Bercy, mais un autre débat concernant la structure financière des futures fondations pour la recherche semble ne pas être encore tranché, puisque le ministère des finances voudrait limiter la part de capital consomptible de ces fondations à la moitié de leur capital total. Pourtant, une fondation à capital entièrement consomptible permet de s'engager sur un capital déterminé consommable au fur et à mesure, au service d'un objectif précis défini par les statuts, et pour une durée qui, elle, n'est pas déterminée à l'avance. Sur ce point précis, nous souhaiterions aussi des éclaircissements, monsieur le ministre. Selon vos chiffres, et dans le meilleur des cas, près de 500 millions d'euros sont en suspens avec le projet d'agence nationale de la recherche, soit plus que la totalité des crédits de fonctionnement alloués à la recherche universitaire.
Finalement, ce qui ressort des précédents exercices budgétaires et des divers freins précédemment évoqués, ce à quoi il faut ajouter la longueur du processus de discussion pour l'élaboration de la future loi de programmation et d'orientation et son report, c'est que le Gouvernement a d'ores et déjà fait les économies qu'il souhaitait, qu'il joue la montre pour desserrer, le plus tard possible, les cordons de la bourse, tout simplement parce que sa marge de manoeuvre, notamment du fait des cadeaux fiscaux plus que discutables qu'il a décidés, est limitée, et qu'il sait pertinemment qu'il ne pourra pas se permettre de décevoir une fois de plus le milieu de la recherche.
Or l'argent non consommé, c'est du temps perdu pour la recherche, et nous en avons suffisamment perdu comme cela depuis deux ans. La situation de l'emploi scientifique dans ce budget en est l'illustration flagrante.
Alors même qu'elle constitue la préoccupation majeure du milieu de la recherche, que l'avenir des jeunes chercheurs est au coeur de leur mobilisation, c'est l'attentisme. Bien sûr, le Gouvernement a tenu les promesses arrachées par le mouvement des chercheurs le printemps dernier, il ne pouvait pas en être autrement, mais, en dehors de cela, c'est le néant pour l'emploi pérenne. Les simples maintiens de postes statutaires sur deux exercices constituent un gage bien faible au regard des estimations européennes qui évaluent à 700 000 le nombre d'emplois de chercheurs supplémentaires nécessaires d'ici à 2010.
Concernant les pôles de compétitivité, outre le flou dans les modalités du dispositif et l'absence de compensation des exonérations de taxes professionnelle et foncière des entreprises déjà relevée par mes collègues lors de l'examen de l'article 12 du projet de loi de finances, il n'a été question, pour l'instant, que de mesures fiscales et sociales incitatives en faveur des entreprises. Aussi souhaiterais-je savoir, monsieur le ministre, quelles incitations, par exemple en termes de moyens supplémentaires, de soutien au montage de projets ou de recrutements de post-doctorants, sont envisagées pour les organismes de recherche publics, explicitement cités comme acteurs principaux des pôles de compétitivité à dominante technologique ?
J'aborderai enfin le volet européen de la recherche. Comme notre collègue Pierre Laffitte, j'attendais les conclusions du Conseil « compétitivité » des 25 et 26 novembre dernier, sur les grands traits du septième programme cadre pour la recherche et le développement, or celui-ci n'a donné malheureusement lieu à aucune proposition concrète. Je partage tout à fait la position de notre rapporteur à propos du nécessaire allègement des procédures européennes. J'ajouterai qu'un des enjeux pour nos laboratoires publics est de pouvoir bénéficier d'une mutualisation de personnels compétents pour répondre aux appels d'offres de Bruxelles, afin d'améliorer le taux de retour pour notre pays.
Nous sommes favorables également, comme nous l'avons indiqué à Grenoble, lors des assises nationales de la recherche, à l'exclusion des dépenses de recherche du pacte de stabilité européen.
En revanche, contrairement à notre ami Pierre Laffitte, nous ne pouvons être favorables au budget de la recherche pour 2005, qui est bien loin d'impulser la dynamique nécessaire et réclamée par le mouvement des chercheurs pour l'avenir de notre système de recherche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord vous prier d'excuser notre collègue Jean-Paul Emorine, qui avait prévu de s'exprimer sur ce budget en sa qualité de président de la commission des affaires économiques mais qui, en raison d'un empêchement imprévu, ne pourra être avec nous ce soir. Il m'a fait l'honneur de me demander de m'exprimer ce soir en son nom, en ma qualité de membre de cette commission.
La recherche est devenue un enjeu économique essentiel pour notre économie, notre place dans le monde et nos emplois. C'est une réalité qui va désormais au-delà de son intérêt intrinsèque pour l'augmentation des connaissances humaines.
C'est pour cette raison que le président de la commission des affaires économiques et du Plan souhaitait vous faire part de ses réflexions au seuil de cette année 2005, qui sera l'année de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche à laquelle notre commission - comme d'autres - se prépare activement. Vous avez pu vous en rendre compte en écoutant le rapporteur pour avis Henri Revol.
Notre collègue Christian Gaudin, rapporteur pour avis des crédits de l'industrie, a, lui aussi, beaucoup travaillé sur les nouveaux pôles de compétitivité. Et, toujours au sein de notre commission, Bernard Dussaut, nous a présenté un avis budgétaire sur les industries agroalimentaires, dans lequel il pose des questions fortes sur la recherche en matière de biocarburants.
Monsieur le ministre, le président Jean-Paul Emorine souhaitait vous assurer que la commission des affaires économiques du Sénat, dans toutes ses composantes, était engagée pour apporter sa contribution à l'organisation de la recherche française, dans un contexte international qui ne nous donne pas le droit à l'erreur.
Ce contexte international, quel est-il ?
Monsieur le ministre, vous connaissez la célèbre formule : « quand on se regarde, on se désole ; mais quand on se compare, on se console ».
Eh bien, s'agissant du contexte international en matière de recherche, on a parfois tendance à penser l'inverse : quand on regarde l'effort sans précédent du Gouvernement dans le budget 2005 et ses engagements pour 2006 et 2007, on peut être très satisfait, mais quand on évalue l'effort d'autres pays, des questions et des préoccupations subsistent encore.
En effet, il semble que les cartes de l'avance technologique, c'est-à-dire celles du monde de demain, se redistribuent à une vitesse encore inédite.
Depuis 1997, alors que la France glissait doucement de la quatrième vers la cinquième place mondiale en termes de dépenses comme de nombre de publications, la Chine, quant à elle, augmentait sa production scientifique de 80 %, passant ainsi de la treizième à la septième place. A ce rythme-là, elle sera devant la France d'ici deux à trois ans. Ce phénoménal rattrapage sera d'ailleurs l'une des préoccupations de la mission que notre commission a prévu d'effectuer en Chine au mois de septembre 2005.
Certes, face aux Etats-Unis, face au Japon, numéro deux mondial qui accélère son effort, et face à la Chine de demain, on pourrait se dire qu'il ne faut plus considérer la France seule, mais l'Europe. Ce n'est pas le président de la commission des affaires économiques qui affirmerait le contraire. Car la dimension européenne y est une priorité naturelle, qu'il a d'ailleurs souhaité renforcer.
Mais la politique européenne de la recherche nous paraît appeler deux observations.
La première, c'est que le programme cadre de recherche et de développement, le PCRD, n'est pas assez centré sur les PME. Pourtant, les travaux de notre commission démontrent que c'est là que se trouve le potentiel de rattrapage européen pour s'approcher de l'objectif, arrêté au conseil européen de Barcelone en 2002, de 3 % du PIB consacré à la recherche et au développement en 2010.
La France est d'ailleurs en dessous de la moyenne européenne en ce domaine, car la recherche de l'ensemble des PME y est trois fois moins importante que celle des grands groupes.
Or notre pays est à la traîne en matière de recherche privée, puisque celle-ci ne représente que 55 % de l'effort national, alors qu'elle représente près de 70 % dans le reste de l'Europe. Il est donc urgent de faire aussi de l'Europe un levier de la recherche et du développement des PME-PMI.
On nous avait d'ailleurs promis un sixième PCRD plus souple et mieux adapté aux PME. Malheureusement, les procédures administratives, les exigences de coopération aussi fortes que pour les grands organismes ainsi que des critères trop académiques et pas assez technologiques ont empêché la greffe de prendre.
On nous promet de nouveau la même chose pour le septième PCRD en préparation. Nous serons très vigilants avant, pendant et après la décision qui sera adoptée, afin qu'elle profite à nos PME.
La seconde observation est autant un regret qu'un constat, qu'il nous faut énoncer sans ambages.
Le fameux espace européen de la recherche n'existe pas encore, malgré le cadre fixé par la communication de la Commission du 18 janvier 2000. Savoir s'il existera demain est aujourd'hui une interrogation majeure.
Le nouveau commissaire à la science et à la recherche, M. Janez Potocnik, fera-t-il preuve de la même volonté sur ce sujet que son prédécesseur, M. Francis Busquin ?
Voici deux questions clés.
Dans les faits, si nous savons nous mobiliser sur des très grands projets comme ITER, nous n'avons pas su créer une réalité quotidienne de la recherche européenne. Les stratégies et initiatives restent nationales, la mobilité des équipes n'est pas plus forte en Europe qu'à l'international, et je ne reviens pas sur le retard préoccupant du brevet communautaire. Nous devons aller au-delà de la course aux subventions du BCRD.
En matière de recherche, nous n'avons pas encore su trouver ces points d'équilibre dynamique entre la concurrence et la coopération, entre l'ancrage local et la mobilité, entre la solidarité européenne et le positionnement mondial qui font pourtant la force de notre continent dans d'autres domaines.
Mais il est clair, monsieur le ministre, que la France ne saurait tout attendre de l'Europe et que son principal défi est de se remettre dans le rythme d'un monde ou tout s'accélère.
Il existe sans doute un lien entre la baisse progressive des performances de la recherche française, en termes de dépôts de brevets ou d'impact des travaux, et sa difficulté à se réformer à un rythme lui permettant de rester en phase avec son temps.
Ces difficultés sont-elles dues à une certaine tendance à rester trop centrée sur ses structures, les statuts de ses personnels et ses procédures, et à ne pas se demander assez ce que serait la meilleure organisation de la recherche française au regard de ce qui se fait ailleurs, puis à prendre les moyens de réaliser cette organisation optimale ? Quel est votre sentiment sur ce sujet, monsieur le ministre ?
Les débats que nous aurons dans les prochains mois se devront de faire émerger une convergence d'analyses pour établir le diagnostic, mais ils ne devront pas s'en contenter. Ils devront aussi nous permettre de construire des solutions prospectives et dynamiques.
Au sein de notre commission, dont les attributions englobent des aspects de l'économie qui vont du sillon au satellite, nous avons remarqué qu'il y avait sans doute là une spécificité de notre pays, qui reste longtemps réticent, voire rétif, aux réformes, puis qui, confronté à une crise menaçante, se réveille un jour en un sursaut et recolle en quelques années au peloton de tête.
Nous avons connu cela pour la modernisation agricole, pour le téléphone, pour l'espace, pour l'automobile et, plus récemment, pour l'Internet. II est indispensable que ce soit le cas, demain, pour la recherche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Les inadmissibles restrictions des budgets 2003 et 2004 de la recherche ont mis à mal les dynamiques des laboratoires.
En revanche, elles ont fédéré les équipes dans un même élan revendicatif et engendré la coproduction d'exigences communes : « des postes, la simplification des procédures, la remise à plat de l'évaluation et de vraies perspectives pour des emplois dignes », avons-nous entendu aux Etats généraux de la recherche à Grenoble.
Le budget que vous nous présentez fait mine de répondre aux besoins ; comme mes collègues du groupe socialiste, je suis convaincue que, d'une part, le compte n'y est pas, et que, d'autre part, certains affichages - l'Agence, les fondations, le crédit d'impôt -, qui constituent, on peut au passage le pointer, une aide de plus aux entreprises, sont d'ores et déjà englués dans les embûches procédurières de Bercy.
Ne nous y trompons pas, un rattrapage tardif n'est en rien une politique ambitieuse pour la recherche. Tout comme l'arrêt des suppressions de postes ne tient pas lieu de plan pluriannuel de l'emploi.
De plus, il ne suffit pas de « sauver la recherche », il faut aussi en faire un objet de désir et de choix collectifs.
Le désir, c'est d'abord le savoir partagé, et la diffusion de la culture scientifique ne reçoit toujours pas l'aide indispensable.
Les choix collectifs, ce sont, en connaissance de cause, des demandes de la société.
Aujourd'hui, à eux seuls, la recherche militaire, le nucléaire, l'aéronautique et le spatial absorbent près de 40 % de la dépense publique de recherche. Ce poids énorme est désormais préjudiciable au développement d'autres secteurs. Par contrecoup, les sciences de la vie représentent moins du quart de la dépense intérieure pour la recherche et le développement publique.
Il y a un décalage entre des priorités encore liées à une conception de la puissance datant d'il y a quarante ans, hélas perpétuées par des lobbies industriels et scientifiques influents, et les besoins actuels. Face au modèle américain, inscrivons-nous dans un projet alternatif de société où le développement durable et la qualité de la vie - plutôt que la puissance - seraient le moteur de la dynamique économique.
Bien que la répartition budgétaire soit assez opaque, il apparaît nettement, en croisant les données, que la France accuse un déficit considérable en maints domaines : toxicologie, épidémiologie, écologie, énergies renouvelables, agriculture durable, chimie et ingénierie vertes...
Dans le domaine énergétique, le nucléaire engloutit 90 % des dépenses : nous ratons le coche des renouvelables, de l'efficacité énergétique et de la maîtrise de la demande.
Dans le domaine de la santé, la performance n'est guère plus brillante. Si la biologie moléculaire et les recherches liées à la biomédecine curative sont bien des priorités, la santé publique et l'épidémiologie sont peu soutenues. La santé environnementale est délaissée : l'IFEN, l'Institut français de l'environnement, et l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, pointent l'absence de soutien. Sa place est très marginale au sein de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale - moins de 2 % des chercheurs -, tandis que des organismes comme l'INERIS, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, ne jouent pas leur rôle. Pour le plus grand bonheur du lobby de l'industrie chimique, la France est lanterne rouge en Europe dans ce domaine.
A l'heure du plan national santé-environnement, la quasi-absence de ce thème dans le plan cancer, est un déni de bon sens. Même les familles les plus cruellement touchées par cette maladie souhaitent, au-delà d'éventuelles thérapies, savoir l'origine de ces pathologies. Mais peut-être est-ce indicible ?
Que pensez-vous d'un ministère mettant au pain sec un laboratoire breton qui se penche sur les perturbations de la division cellulaire causées par un désherbant, dès lors que la firme chimique fait pression ?
La recherche sur les effets des « perturbateurs endocriniens », préoccupation sanitaire et thème de recherche en plein essor au niveau mondial, est malmenée en France.
L'agriculture biologique, dans le secteur de la recherche agronomique, constitue un autre champ de connaissances sciemment bloqué. Certes, il dérange à la fois les industries agrochimiques, les coopératives agricoles qui font leurs marges sur la vente d'intrants, et les paradigmes productivistes encore bien ancrés dans les institutions agronomiques. Pourtant, la consommation de produits « bio » augmente de 20 % par an en France.
L'INRA compte moins de trente chercheurs à temps plein dans ce domaine - sciences sociales incluses -, isolés dans des équipes différentes. La masse critique n'est pas atteinte. A l'heure où l'on veut construire des pôles d'excellence, il serait grand temps d'en créer un pour l'agriculture biologique en reconvertissant certains domaines expérimentaux de l'INRA.
Je manquerais à mon devoir si je n'insistais pas aussi sur les sciences humaines et sociales.
Allons-nous laisser le mal-vivre de cinq millions de Français aux seules mains des fabricants d'antidépresseurs, quand l'industrie pharmaceutique consacre 35 % de son chiffre d'affaires au marketing et seulement 16 % à la recherche ?
L'injustice planétaire, les bouleversements de l'organisation du travail et de la distribution des richesses, le doute démocratique et les tentations identitaires méritent aussi des recherches. A la clef, il n'y a certes pas de brevets, mais il y a le vivre-ensemble, y compris entre le Nord et le Sud.
Tous ces exemples de domaines orphelins illustrent l'abandon dans lequel sont laissés certains et l'ampleur de la réorientation à effectuer. Ces thématiques orphelines n'auraient-elles pas en effet gagné une meilleure reconnaissance si la société civile avait eu la possibilité de faire entendre sa voix dans l'élaboration des choix scientifiques, si le Parlement jouait un rôle réel en amont et si l'Office parlementaire avait les moyens d'organiser le débat ?
Après le travail considérable effectué par le collectif « Sauvons la recherche » sur les moyens et l'organisation, vous aviez deux devoirs pour l'avenir : d'une part, lui répondre sans masquer vos refus derrière des engagements différés, construire un budget plus ambitieux et plus transparent, offrir des perspectives pluriannuelles d'emploi ; d'autre part, ouvrir le débat avec la société sur les choix d'orientation, car ceux-ci n'appartiennent ni aux cabinets ministériels, ni aux secteurs historiquement partenaires, ni même aux seuls chercheurs enfermés dans la course au brevet et à la publication. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Saunier.
M. Claude Saunier. Monsieur le président, monsieur le ministre, à cette heure avancée, l'hémicycle n'est pas aussi rempli qu'on pourrait le souhaiter compte tenu de l'importance du débat qui nous réunit, et je rejoins tout à fait notre collègue Pierre Laffitte pour regretter cette manifestation du désintérêt - j'ose à peine prononcer le mot - de la représentation nationale. Il est vrai que les conditions matérielles dans lesquelles ce débat se déroule ne sont guère favorables à une présence très forte. En tout cas, elles ne sont pas à la hauteur des attentes et des besoins de la nation en la matière.
Monsieur le ministre, vous nous soumettez ce soir un projet de budget pour la recherche qui n'est pas un budget ordinaire ou, plutôt, qui ne devrait pas être un budget ordinaire, compte tenu non seulement des enjeux, qui ont été exposés à plusieurs reprises, mais aussi des circonstances.
Vous-même êtes un élu local. Notre assemblée est en prise avec les réalités territoriales. Nous savons bien, peut-être plus que d'autres, quels chocs représentent la mondialisation, l'innovation, la concurrence, qui peuvent déstructurer et nos économies et nos territoires.
Nous savons aussi que nous avons une chance, une porte de sortie : gagner la course à l'innovation. Une mobilisation générale de la nation pour gagner cette course à l'innovation par la recherche est donc nécessaire.
Cette analyse est d'ailleurs largement partagée par les uns et par les autres. Ce soir, il a été fait à plusieurs reprises référence à l'objectif de Lisbonne. Les autorités les plus éminentes de la nation, dont le chef de l'Etat lui-même, se sont engagés formellement à donner à la France et à ses chercheurs les moyens de participer à ce grand effort national. Je rappelle la substance de cet engagement : la recherche devra représenter 3 % du produit intérieur brut d'ici à 2010.
Je vais vous faire une confidence. Lorsque vous avez, il y a quelques semaines, lors de la préparation du budget, fait part des intentions du Gouvernement, j'ai cru que vous alliez effectivement vous situer pleinement dans la ligne de cet objectif et répondre à cet engagement. A y regarder de plus près, je crois que l'optimisme dont on pouvait alors faire preuve doit être quelque peu tempéré.
Ma deuxième observation générale porte sur le contexte dans lequel vous avez préparé et présenté ce budget ; il en a déjà été question, mais je pense qu'il n'est pas inutile d'y revenir
Ce contexte a été celui d'un mouvement historiquement exceptionnel, unique dans notre pays comme en Europe. A cet égard, je voudrais rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont été les instigateurs et les animateurs du mouvement « Sauvez la recherche ».
D'abord, ils ont fortement contribué à améliorer la prise de conscience par la nation de l'enjeu que représente la recherche pour notre pays. En témoigne l'initiative qui a accompagné cette prise de conscience et qu'a prise l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, auquel j'appartiens.
Nous avons été invités, mes collègues et moi-même, à aller à la rencontre des chercheurs. Nous nous sommes rendus dans les laboratoires, dans les entreprises, dans les universités : c'est donc sur le terrain que nous avons pu recueillir des témoignages sur les difficultés concrètes que rencontrent les chercheurs dans leur pratique professionnelle quotidienne. Cela a constitué pour nous une source d'informations considérable. Au demeurant, il était également important que les chercheurs puissent constater que les représentants de la nation, les députés, les sénateurs, étaient effectivement attentifs à leurs préoccupations.
Ce début de rencontre entre la nation et la recherche fut un grand progrès.
Par ailleurs, dans le combat qu'ils ont mené, les chercheurs ont fait preuve à la fois d'intelligence, de détermination et d'un grand sens des responsabilités. Ce sens des responsabilités s'est du reste retrouvé dans les propositions concrètes qui ont été formulées lors des états généraux de Grenoble, auxquels il a déjà été fait plusieurs fois allusion.
Au total, ce mouvement des chercheurs a atteint un certain nombre de ses objectifs.
Il a d'abord contraint le Gouvernement - excusez-moi, monsieur le ministre ! - à revenir sur une politique que l'on avait du mal à comprendre, une politique de « casse » financière de la recherche ; comment l'appeler autrement ?: Force est de dire que la recherche française a connu véritablement deux années noires.
Le mouvement a aussi obtenu, à travers les états généraux, la reconnaissance du rôle de la recherche et des chercheurs. Vous-même vous y êtes rendu avec un certain nombre de personnalités.
Ce mouvement, dont on souligne aujourd'hui l'intérêt, aurait sans doute pu être évité.
Permettez-moi de vous conter une anecdote, monsieur le ministre. Il se trouve que dans le cadre de l'Office parlementaire, j'avais personnellement déposé, en janvier 2003, un rapport consacré aux micro et nanotechnologies. Ce rapport concluait notamment sur la nécessité d'appeler l'attention des pouvoirs publics, et donc, en particulier, celle du ministre en charge de la recherche à l'époque, sur la situation qui m'avait semblé très dégradée dans les laboratoires, où la tension était très vive. J'avais indiqué qu'il était grand temps de penser à élaborer une loi d'orientation et de programmation pour la recherche.
Il me semble que, de temps en temps, les pouvoirs publics et les cabinets pourraient porter un peu plus d'attention à certains rapports parlementaires, le cas de celui que viens d'évoquer n'étant pas isolé.
Monsieur le ministre, vous affichez le fameux milliard d'augmentation. Comme plusieurs de mes collègues l'ont signalé, ce milliard se décompose en réalité en trois parties. Seuls 356 millions d'euros supplémentaires apparaissent, à mettre en rapport, me semble-t-il, avec les réductions sensibles qui étaient intervenues au cours des années précédentes.
Cela me conduit à vous rapporter une seconde anecdote. J'ai rencontré cet après-midi dans le TGV un jeune universitaire, très intéressé par toutes ces problématiques. Il m'a dit craindre que cet argent supplémentaire ne soit finalement consacré en quasi-totalité aux dépenses supplémentaires qui n'ont pas été quantifiées lors de la mise en place de la réforme LMD - licence-mastère-doctorat. Si tout le monde s'accorde à considérer que cette réforme doit être réalisée, il n'en demeure pas moins que, en accroissant la charge de travail d'un certain nombre d'universitaires et de chercheurs, va entraîner une consommation tout à fait exceptionnelle d'heures supplémentaires.
Je me fais donc l'écho de l'observation de ce jeune universitaire, monsieur le ministre, en vous posant cette question : cette réforme LMD ne va-t-elle pas consommer la quasi-totalité de l'enveloppe supplémentaire ?
Par ailleurs, je doute que cette proposition budgétaire entre dans le cadre du calendrier de Lisbonne. Il faudrait, me semble-t-il, aller un peu plus loin et un peu plus vite.
Vous me permettrez de vous interroger sur l'interprétation que vous faites des promesses du Premier ministre. Celui-ci a annoncé - c'est du moins ce que nous avons cru comprendre, les uns et les autres - une augmentation supplémentaire de 1 milliard d'euros par an pendant trois ans. Cela signifie logiquement 1 milliard en 2005, 2 milliards en 2006, 3 milliards en 2007.
Est-ce la lecture que fait Bercy de l'engagement du Premier ministre ? Quelle lecture faites-vous, vous-même, de ses propos ?
Je partage totalement ce qui a été dit par l'une de nos collègues quand elle a évoqué la situation internationale. Nous sommes en effet confronté, en matière de recherche comme en bien d'autres domaines à la concurrence internationale, à une véritable compétition, et tout jugement sur l'état de la recherche dans notre pays est vain si l'on n'établit pas une comparaison internationale.
Le temps passant, je me contenterai d'évoquer un point que j'ai mis en évidence dans mon rapport sur les micro et nanotechnologies.
Dans ce secteur central pour l'avenir d'un certain nombre d'industries, lorsque la France engage, au titre de la recherche et du développement, 50 millions d'euros - j'ai effectué les vérifications -, l'Allemagne en engage 200 millions, l'Europe, dans sa globalité, 500 millions, le Japon 1,3 milliard de dollars et les Etats-Unis 3 à 4 milliards de dollars.
J'admets que l'on dise que notre recherche sera plus efficace si elle se réforme. Néanmoins, ainsi que cela a été souligné, on ne pourra pas se dispenser de donner à nos chercheurs des moyens comparables à ceux dont bénéficient les chercheurs des autres grands pays pour mener leurs travaux.
Pour cet ensemble de raisons, monsieur le ministre, nous considérons que les moyens que vous mettez en oeuvre, même s'ils sont en progrès, ne font que résorber une situation antérieure, qu'ils ne répondent pas pleinement aux enjeux de notre époque. Nous voterons donc contre votre budget en attendant avec beaucoup d'intérêt les propositions que vous nous soumettrez lorsque sera présentée le projet de loi d'orientation et de programmation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier MM. les rapporteurs du travail qu'ils ont effectué au sein des commissions.
Celles-ci rassemblent des parlementaires qui, sur quelque travée qu'ils siègent, sont passionnés par la recherche, ce secteur si important pour la France et dont ils sont les ardents défenseurs. Je leur suis reconnaissant de soutenir cet effort indispensable accompli en faveur de la recherche, car celle-ci, tous les orateurs l'ont dit, est capitale pour notre pays.
La recherche représente une activité tout à fait majeure en ce sens qu'elle prépare l'avenir de la France et l'aide à relever le défi de la compétition internationale. Elle est devenue, Mme Gousseau l'a dit, un enjeu essentiel au regard de notre économie, de notre place dans le monde, de nos emplois et de notre croissance.
Il est exact qu'il existe une compétition portant aussi bien sur les résultats de la recherche, la technologie, l'innovation, que sur les structures de recherche et d'innovation. D'où l'importance de l'effort que nous allons engager et qui apparaîtra dans le projet de loi d'orientation et de programmation que nous soumettrons au Parlement à la fin du premier semestre de 2005.
La recherche favorise la croissance. Selon les études de l'OCDE, une progression de 10 % des dépenses de recherche et développement permettra d'augmenter le produit intérieur brut de 0,3 à 0,4 point à l'horizon de dix ans, à condition de soutenir un effort continu, effort dont le projet de budget pour 2005 est la première pierre.
La recherche est également capitale en ce qu'elle se situe au centre des grands débats de société. Qu'il s'agisse du cancer, des OGM, des cellules souches, de l'énergie de demain, de la biodiversité, des procédés de télécommunication, des usages futurs d'Internet ou de l'UMTS, presque tous les domaines exigent de la recherche et même plus de recherche.
La recherche mérite aussi une place de choix dans la politique publique d'un pays parce que, dans bien des domaines, elle relève de l'intérêt stratégique de la nation. Elle participe directement à la souveraineté d'un pays comme à l'affirmation de son indépendance, en particulier dans les secteurs de l'énergie - au travers du nucléaire -, de l'aéronautique ou de l'espace.
Enfin, la recherche et la science sont au coeur des interrogations et des aspirations de l'homme.
Plus de recherche, c'est aussi, souvent, plus de démocratie. Si l'on regarde notre histoire, le progrès et la diffusion des connaissances apparaissent en effet comme un principe majeur d'évolution et d'organisation de nos sociétés démocratiques.
De ce point de vue, il est important de soutenir, entre autres, la recherche en sciences humaines et sociales. Mesdames, messieurs les sénateurs, n'ayez aucune inquiétude à ce sujet : ce domaine de la recherche sera soutenu de façon tangible, grâce aux actions de la future agence nationale pour la recherche et aux projets que nous allons mettre en oeuvre.
Le projet de budget pour 2005 est tout à fait exceptionnel. Je le qualifiais d'historique il y a quelques jours, et je n'ai pas changé d'avis. Il marque en effet un point de départ tout à fait essentiel. Le Gouvernement, et au premier chef le Premier ministre, a en effet souhaité placer la recherche au premier rang de ses priorités et au coeur de son ambition pour la France.
Jamais depuis vingt ans, comme l'a rappelé M. Laffitte, l'effort public en faveur de la recherche n'aura autant progressé en une seule année. En 2005, 1 milliard d'euros de financement public supplémentaire seront consacrés à des dépenses de recherche dans notre pays, soit une progression de plus de 10 % par rapport à 2004.
Compte tenu de la progression prévue du PIB en volume de 2,5 % prévue pour 2005, cela signifie que la dépense intérieure de recherche et développement, la DIRD, qui n'a cessé de régresser depuis dix ans, passant de 2,4 % du PIB en 1993 à 2,19 % en 2003 - il semblerait qu'elle ait augmenté légèrement en 2004 -, progressera l'an prochain, nous en sommes convaincus, grâce à sa part publique.
Je souhaite d'ailleurs saisir cette occasion pour mettre les choses au point sur les propos que l'on peut lire ou entendre ici ou là et selon lesquels ce projet de budget ne compenserait qu'à peine les baisses et les gels de crédits de 2003 et 2004. Cela est tout à fait inexact, pour les raisons suivantes.
Tout d'abord, tous les crédits qui avaient été gelés, soit 235 millions d'euros, ont été intégralement versés dans les budgets de 2004 des établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST.
Ensuite, si les baisses de crédits de paiement représentaient 273 millions d'euros, les retards de paiement, quant à eux, ne s'élevaient qu'à 162 millions d'euros, car 111 millions d'autorisations de programmes avaient été annulées. Or on ne peut, par définition, couvrir des autorisations de programme qui n'existent pas. Cette logique budgétaire me paraît imparable.
Au total, le rattrapage ne porte que sur 162 millions d'euros, c'est-à-dire moins du quart des700 millions d'euros de progression des crédits consacrés aux laboratoires dans le projet de budget pour 2005 ! Il est donc complètement faux de laisser entendre, comme l'a fait M. Renar, que cette hausse compense une partie des baisses et gels de crédits des années 2003 et 2004.
J'ajoute que les annulations de crédits portant sur le budget de la recherche ne sont pas l'apanage des gouvernements de droite ou du centre. Je rappelle en effet que, de 1998 à 2001, les gouvernements socialistes ont annulé la bagatelle de 265 millions d'euros de dotations ordinaires et de crédits de paiement sur le budget de la recherche, notamment un nombre important de crédits servant à payer les personnels des EPST, dont 60 millions d'euros pour le seul CNRS. Le résultat de ces mesures d'annulation a été la création d'impasses de financement, notamment en ce qui concerne le CNRS, qu'il nous a fallu compenser. Et je ne parle pas des changements de périmètre des années 1997 à 2001, qui ont « BCRDisé » - les spécialistes comprendront ! - 150 millions d'euros ou presque.
Cette année, le périmètre du BCRD, le budget civil de recherche et de développement technologique, n'a pas changé, alors qu'entre 1997 et 2001 il avait augmenté plus ou moins subrepticement de 150 millions d'euros, ce qui modifie tout de même les conditions de la comparaison d'une année sur l'autre.
J'ajouterai, s'agissant de l'année 2004, qu'aucune régulation n'est intervenue, ce qui montre l'importance que le Gouvernement accorde à la recherche.
Le projet de budget pour 2005, en hausse de 1 milliard d'euros, place notre pays sur une trajectoire qui lui permettra de respecter l'engagement des 3 % du PIB européen consacrés à la recherche, pris lors du sommet de Barcelone. Il respecte aussi à la lettre l'engagement pris par le Gouvernement d'accroître de 3 milliards d'euros, d'ici à 2007, l'effort public en faveur de la recherche publique et privée.
L'accroissement important des crédits publics consacrés à la recherche est équilibré. Il a été conçu pour répondre à trois grandes priorités : le renforcement de la recherche publique, académique et finalisée, avec l'amélioration de la situation des personnels et des laboratoires ; l'accroissement du financement par projets de la recherche française, avec la création de l'Agence nationale pour la recherche ; ...
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. C'est très important !
M. François d'Aubert, ministre délégué. ... l'amplification des mesures en faveur de ce couple si important pour notre avenir que constituent la recherche et l'innovation.
Premièrement, s'agissant du renforcement de la recherche publique, le projet de budget pour 2005 engage une nouvelle dynamique, car il prévoit une amélioration sans précédent de la situation des personnels et des laboratoires, grâce à la très forte progression du BCRD.
En 2005, le BCRD s'établira à 9,3 milliards d'euros. Cette hausse est exceptionnelle, car c'est la plus forte en volume depuis dix ans : elle est quatre fois plus importante qu'en 2004 et représente deux fois et demie l'augmentation annuelle moyenne sur les dix dernières années, y compris pendant les cinq années de gouvernement socialiste. Cette progression est très supérieure à l'augmentation du PIB en volume, qui est de 2,5 %. Cette hausse bénéficiera, à hauteur de 97 %, aux personnels et aux laboratoires de nos établissements de recherche et de nos universités.
J'ai pu constater un décalage marqué entre les besoins des laboratoires et leurs moyens effectifs. Le projet de budget pour 2005 apporte des premières réponses très concrètes.
L'accroissement des moyens de paiement des EPST - de 32 % -, des établissements publics à caractère industriel ou commercial - de 22 % - et de la recherche universitaire - de 13 % - leur permettra à la fois de couvrir tous leurs engagements passés, y compris les contrats de plan Etat-région, de faire face à des investissements lourds en 2005, tels que la poursuite de la réalisation du synchrotron SOLEIL et, enfin, d'accroître significativement les moyens récurrents des laboratoires par rapport à 2004. Le projet de budget pour 2005 permettra une hausse d'au moins 5 % de ces crédits.
De surcroît, cet accroissement des moyens s'accompagnera d'une simplification des démarches administratives et des procédures, comme cela était demandé de toutes parts, mais surtout par les laboratoires.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Très bien !
M. François d'Aubert, ministre délégué. En effet, comme vous l'avez dit, monsieur Blin, la rénovation de notre système de recherche n'est pas seulement affaire de crédits.
J'ai soumis au Premier ministre toute une série de propositions visant à simplifier la vie quotidienne dans les laboratoires et qui, je l'espère, seront mises en oeuvre d'ici à la fin de l'année. Certaines ont déjà fait l'objet d'un arbitrage positif.
Dès 2005, nous supprimerons ainsi le contrôle financier a priori dans trois EPST, avec l'objectif d'un élargissement à tous les autres organismes en 2006. Cela signifie concrètement qu'aucun acte de gestion ne fera désormais l'objet d'un contrôle a priori, dont tout le monde reconnaît qu'il alourdit les procédures et retarde l'exécution des dépenses des laboratoires, sans compter le temps qu'il fait perdre aux gestionnaires de l'argent des laboratoires.
Ainsi, pour ne citer que cet exemple emblématique, les laboratoires n'auront plus besoin de requérir le visa du contrôleur financier pour recruter du personnel non permanent, ce qui permettra d'être plus réactif et de limiter les contrôles administratifs inutiles.
L'autre orientation forte que nous avons voulu donner à ce projet de budget est la croissance du potentiel scientifique de nos établissements de recherche et universitaires. Ainsi, tous les emplois statutaires dans les EPST sont maintenus : chaque départ donnera lieu à un recrutement, qu'il s'agisse d'un départ à la retraite ou d'un autre type de départ. En effet, dans les EPST, une certaine mobilité est possible et il arrive que des chercheurs quittent les EPST pour aller travailler dans d'autres organismes ou administrations, ou pour occuper des fonctions extérieures à l'administration.
Dans le contexte actuel d'augmentation des départs à la retraite, cette mesure est un signal fort pour les jeunes qui souhaitent s'engager dans la carrière de chercheur. Elle se traduit par un accroissement à moyen terme du volume des recrutements, et donc des débouchés dans la recherche publique pour les étudiants.
Le nombre global des départs de chercheurs et d'ITA - ingénieurs, techniciens et administratifs - qui auront lieu dans les prochaines années est en effet estimé à 2000 par an, en moyenne, ce qui permettra d'intensifier significativement le niveau des campagnes de recrutement. Nous sommes au sommet de la courbe démographique des départs et nous nous engageons à les remplacer tous !
Notre engagement de maintenir les postes budgétaires est donc bien plus favorable que le plan de M. Schwartzenberg sur l'emploi scientifique, qui, je vous le rappelle, prévoyait la suppression d'emplois à partir de 2005 !
Le projet de budget pour 2005 prévoit en outre des mesures significatives pour renforcer les moyens humains dans l'enseignement supérieur.
Ainsi, 1 000 emplois budgétaires sont ouverts. Tout d'abord, 700 postes de professeurs et maîtres de conférences et 150 postes de personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et services, IATOS, ont été annoncés dans le courant de 2004. Ensuite, les crédits pour 150 attachés temporaires d'enseignement et de recherche, ATER, figurent dans le projet de budget. On arrive bien aux 1 000 postes annoncés pour 2004 et qui sont consolidés dans le projet de budget pour 2005. Par ailleurs, 150 maîtres de conférence supplémentaires seront recrutés au 1er septembre 2005.
Pour accompagner ces recrutements, la recherche universitaire bénéficie d'une augmentation substantielle de ses moyens de fonctionnement, à hauteur de 23 millions d'euros.
Le projet de budget pour 2005 prévoit en outre la création de 200 postes d'accueil de haut niveau. L'accroissement des capacités d'accueil des EPST est, depuis longtemps, une attente forte à la fois des établissements, mais aussi des enseignants-chercheurs, dont beaucoup souhaitent, à titre temporaire, se consacrer entièrement à des activités de recherche.
Le choix politique a été fait de garantir à ces postes d'accueil un très bon niveau de rémunération, environ 60 000 euros bruts par an. Cela permettra aux établissements de renforcer leur attractivité vis-à-vis des meilleurs chercheurs étrangers et de proposer à des chercheurs français expatriés de revenir travailler en France avec un niveau de salaire équivalent à celui d'un directeur de recherche.
J'ai souhaité, dans ce budget, que le soutien aux jeunes chercheurs soit renforcé à tous les stades de leurs parcours.
Ils seront aidés, avant leur entrée dans nos établissements, par l'augmentation de 7 % des moyens consacrés à la formation à la recherche. Cela permettra d'accueillir 4 000 nouveaux allocataires de recherche en 2005. L'allocation de recherche, qui a été revalorisée de 15 % en deux ans, s'élève aujourd'hui à 1 308 euros par mois, soit un niveau légèrement supérieur au SMIC, lequel s'établit à 1 197 euros.
Je souhaite qu'elle puisse être à nouveau revalorisée. Je proposerai surtout, dans la future loi, qu'elle soit indexée sur l'inflation, ce qui garantira un maintien du pouvoir d'achat des allocataires de recherche, comme vous le proposez, monsieur le rapporteur pour avis.
Le budget crée, par ailleurs, quarante nouveaux contrats CIFRE, ce qui portera leur nombre à 1 200.
Renforcer le soutien aux jeunes chercheurs à tous les stades de leur parcours passe aussi par la poursuite du programme « Initiative post-docs », qui incite les post-doctorants français à revenir en France, ainsi que par l'amplification de la politique de résorption des libéralités, à laquelle 2 millions d'euros supplémentaires seront consacrés en 2005.
Après leur entrée dans nos établissements.
Nous allons, en outre, faire passer de 100 à 200 le nombre de jeunes chercheurs bénéficiant des dotations globales, ce qu'on appelle les packages, mis en place par les organismes pour ces jeunes chercheurs : ATIP au CNRS, Avenir à l'Inserm, jeunes équipes à l'INRA, etc.
Ces jeunes bénéficient, sur plusieurs années, d'un montant de crédits leur permettant de mener à bien leur projet de recherche. Davantage de souplesse leur sera donnée dans l'utilisation des crédits : ils auront, par exemple, la faculté de recruter des post-doctorants.
La deuxième grande priorité du projet de budget pour 2005 est l'accroissement du financement de projets de recherche, avec la création de l'Agence nationale pour la recherche.
Je m'attarderai quelque peu sur cette agence parce que je sais qu'elle suscite chez vous, comme dans la communauté scientifique, quelques interrogations.
Je dois d'emblée vous indiquer que son financement par le compte d'affectation spéciale des privatisations est un financement d'une grande sécurité, peut-être encore plus sûr à moyen terme que le financement budgétaire classique. En effet, ce compte est bien doté et il n'y a pas de raison qu'il le soit moins à l'avenir. Dans ce cadre, comme vous le souhaitez monsieur Laffitte, nous pouvons espérer une hausse des financements à moyen terme de l'agence.
Cette agence, qui fonctionnera tout d'abord sous la forme d'un groupement d'intérêt public, sera dotée en 2005 de 350 millions d'euros, auxquels s'ajoutera le reliquat du compte d'affectation spéciale des fondations de recherche.
En tenant compte des 200 millions d'euros figurant au BRCD sur les lignes du fonds pour la recherche technologique et du fonds national de la science, cela signifie que le financement sur projets de la recherche s'élèvera à environ 600 millions d'euros en 2005.
Si nous avons annoncé la création de l'agence sous forme d'un groupement d'intérêt public, c'est bien pour que les crédits soient effectivement disponibles dès le 1er janvier 2005 et qu'elle puisse entrer en action dès cette date. Il n'y a donc pas de raison d'être pessimiste ou de dramatiser en expliquant qu'on ne pourra pas débloquer ou consommer les crédits de l'Agence. Disponibles le 1er janvier prochain, ils pourront financer des projets en 2005, sans compter les procédures existantes, actuellement financées, par exemple, au travers du fonds pour la recherche technologique, tel le concours pour la création d'entreprises innovantes, lancé aujourd'hui même.
La mission de l'agence sera de financer, après sélection, les meilleurs projets de recherche dans les thématiques prioritaires. En 2005, trois de ces thématiques seront définies.
Suffisamment vastes pour intéresser un très grand nombre de laboratoires, quasiment tous les EPST, voire l'ensemble des EPIC, ces thématiques sont : les sciences de la vie, notamment les biotechnologies, que je juge comme vous tout à fait prioritaires ; les sciences et technologies de l'information et de la communication ; l'énergie et le développement durable.
A l'intérieur de ces priorités pourront naturellement prendre place les thématiques qui nous paraissent essentielles. Je l'ai dit tout à l'heure pour les biotechnologies, je le dis également pour les nanotechnologies.
M. Saunier a fait allusion tout à l'heure à ces dernières, et il est vrai que c'est un domaine considérable, que la plupart des grands pays de recherche ont placé en tête de leurs priorités. La France a fait de même. Sommes-nous en retard sur les autres ? Peut-être légèrement, mais heureusement pas dans les proportions que vous avez dites, monsieur le sénateur.
Actuellement, 50 millions d'euros en crédits incitatifs sont consacrés chaque année aux nanotechnologies, notamment au travers du financement de plates-formes de nanotechnologies. Ce sont, je le répète, des crédits incitatifs, qui n'incluent pas les dépenses de personnel correspondantes. En incluant ces dépenses, on aboutit à des sommes de l'ordre de 300 millions d'euros, voire davantage.
Nous sommes dans la norme des pays européens, et assez près de l'Allemagne. Certes, on peut faire encore mieux, sans doute en étant plus précis sur les thématiques qui sont retenues et, surtout, en incitant des entreprises, notamment des PMI, à inclure des nanotechnologies dans les procédés qu'elles utilisent et dans les produits nouveaux qu'elles mettent sur le marché.
C'est sans doute là le principal problème : celui du transfert des résultats de la recherche en matière de nanotechnologies dans des entreprises qui peuvent être intéressées par un approfondissement, soit qu'elles travaillent déjà avec des microtechnologies, soit qu'elles fassent de l'innovation avec des produits utilisant les nanotechnologies, soit qu'elles soient déjà spécialisées en nanotechnologies.
Le mode de financement par projets de l'Agence nationale pour la recherche permettra, dans le cadre de la future loi d'orientation et de programmation, de faire évoluer les établissements de recherche eux-mêmes, en permettant d'assurer une cohérence programmatique nationale dans des domaines prioritaires couverts par différents établissements. Nous éviterons ainsi les redondances, et toutes les équipes travaillant sur un même sujet seront amenées à se fédérer plus encore.
Le mode de fonctionnement de cette agence sera double. D'abord, elle pourra financer elle-même des projets de recherche. Elle le fera, par exemple, en lançant en 2005 les actions nouvelles anciennement assurées par le fonds pour la recherche technologique et le fonds national de la science. Elle pourra aussi consentir des dotations en capital à des fondations de recherche reconnues d'utilité publique.
Ensuite, l'agence pourra déléguer l'exécution de programmes de recherche à certains de nos établissements de recherche. En cela, l'agence sera un vecteur de réforme, en renforçant tout à la fois nos établissements de recherche, mais aussi en les faisant évoluer davantage vers une culture de la performance.
Dans les deux cas, les projets seront sélectionnés sur des critères d'excellence scientifique et technique, selon des modalités claires, éprouvées et conformes aux meilleurs usages, faisant appel à des procédures transparentes et à des comités d'experts internationaux.
Opérationnelle dès janvier 2005, l'agence sera une structure légère, bien ancrée sur nos organismes et nos universités, qui financera, après sélection, les meilleurs projets de recherche sur les thématiques prioritaires.
S'agissant du contrôle parlementaire de l'utilisation des crédits de l'agence, je tiens à vous rassurer, monsieur Revol, il sera aussi étendu que pour tous les crédits budgétaires.
En effet, ils figurent au sein de la mission « Participations financières de l'Etat », qui fera l'objet chaque année d'un projet annuel de performance et d'un rapport annuel de performance, avec des objectifs, des indicateurs et des résultats.
Par ailleurs, dès l'an prochain, je m'assurerai de l'inclusion, dans les projets annuels de performance, des programmes gérés par mon ministère, des éléments d'information sur l'agence et son action, de façon à compléter de la façon la plus exhaustive possible l'information du Parlement en la matière.
M. Henri Revol, rapporteur pour avis. Très bien !
M. François d'Aubert, ministre délégué. La troisième priorité du budget 2005 est le renforcement des mesures en faveur du couple recherche et innovation.
Comme je vous l'ai dit, le lien entre les dépenses de recherche et la croissance est reconnu par tous. Dans cet esprit, le budget 2005 accroît de 300 millions d'euros l'effort fiscal en faveur de l'innovation.
J'entends ici ou là des critiques sur cette partie de notre budget, aux termes desquelles il ne serait pas du rôle de l'Etat de tout mettre en oeuvre pour aider les entreprises à faire de la recherche. Cet argument m'étonne quelque peu.
Je crois qu'il faut, une fois pour toutes, se mettre d'accord sur le fait qu'il ne sert à rien d'opposer les différents types de recherche, notamment la recherche publique et la recherche privée. Nous devons nous employer à tirer le bénéfice de tous les investissements de recherche, qu'ils soient faits par le public ou par le privé.
Or, que fait apparaître la comparaison entre la France et ses grands voisins? La France se caractérise par la proportion très importante des financements en provenance des administrations publiques : près de 40 % de la DIRD, contre 32 % pour l'Allemagne, cette dernière se distinguant, comme le Japon, par l'importance des dépenses de recherche et développement des entreprises.
En 2001, selon les chiffres de l'Observatoire des sciences et des techniques, les entreprises allemandes ont dépensé - le chiffre est surprenant - plus de 33 milliards d'euros en recherche et développement, soit la totalité des dépenses consacrées à ce domaine en France.
Les entreprises allemandes exécutent en moyenne le double de dépenses de recherche et développement des entreprises françaises. Le nombre d'entreprises concernées par la recherche et développement est plus important en Allemagne qu'en France. L'intensité de la recherche et développement dans chaque entreprise concernée est également plus forte que chez nous.
Il y a donc un gros travail à faire à la fois pour rattraper le retard et pour tenir le bon rythme en matière de recherche publique.
Si l'on veut satisfaire à l'objectif de Lisbonne, les dépenses de recherche et développement consenties par les entreprises doivent doubler. Cela sera difficile. Il n'y a pas de chemin tracé d'avance. Le discours selon lequel l'Etat, y ayant consacré presque 1 %, aurait fait son devoir, laissant aux entreprises le soin de faire le leur, ne serait pas non plus tout à fait réaliste !
La recherche effectuée dans les entreprises est, en effet, bénéfique pour l'ensemble de la société, tout autant que pour les entreprises elles-mêmes.
En outre, il est optimal pour la société que l'Etat finance une partie de l'effort de recherche et développement du secteur privé dès lors que l'entreprise n'y trouve pas un intérêt suffisant.
Quand on affirme que la connaissance est un bien public, même partiel ou imparfait, comme l'a écrit Jean-Louis Beffa, mais comme le dit aussi le Comité d'initiative et de proposition, c'est aussi de cela qu'il s'agit.
Ainsi, premier volet de ce soutien à l'innovation, le crédit d'impôt recherche est en progression de 235 millions d'euros.
Je souhaite poursuivre le travail d'amélioration entrepris sur le crédit d'impôt recherche, de façon à dynamiser l'effort de recherche des entreprises, y compris dans les secteurs qui y consacrent un effort insuffisant, notamment dans le secteur des services, mais aussi des secteurs riches, comme le secteur pétrolier, où sont pratiquées deux manières de faire de la recherche : la recherche d'exploration pétrolière, qui fait partie du coeur de métier, et la recherche sur d'autres énergies, domaine dans lequel la grande entreprise française de ce secteur montre de sérieuses faiblesses.
Et n'oublions pas le secteur des télécommunications. France Télécom est en train de remonter la pente en matière de recherche ; je rappelle que ses dépenses de recherche et développement étaient tombées en quelques années de 4,5 % à environ 1 % du chiffre d'affaires.
Mais que dire de l'effort à peu prés nul que consentent les autres opérateurs de télécommunications ? Chacun le sait, les innovations qu'ils lancent périodiquement sur le marché, ils les doivent bien souvent à de la recherche achetée « sur étagère » au Japon ou dans quelque autre pays !
Nous souhaitons donc que les entreprises de télécommunications puissent faire davantage pour la recherche.
L'Autorité de régulation des télécommunications est, bien sûr, indépendante, et nous ne pouvons lui donner des instructions, mais nous pouvons éventuellement lui faire des suggestions : lorsque des sociétés de télécommunications ou des opérateurs de téléphonie mobile se voient accorder des avantages ou réalisent des gains, le régulateur leur demanderait, à titre de compensation en quelque sorte, un effort en faveur de la recherche.
Quoi qu'il en soit, le crédit d'impôt recherche est un dispositif essentiel. Nos voisins européens, à l'exception de l'Allemagne, se sont d'ailleurs tous dotés d'un instrument comparable. Sans ce dispositif, nous ne serions tout simplement plus compétitifs ! Il contribue, à l'évidence, à l'attractivité de notre territoire. C'est pourquoi il me paraît assez maladroit de le dénigrer, comme on le fait dans certaines enceintes - il ne s'agit pas du Sénat ! -, en le jugeant, par exemple, insuffisamment performant ou insuffisamment sélectif.
En réalité, la France est partie prenante d'une compétition internationale en matière de dispositifs d'incitation à l'innovation. Or la barre ne cesse de monter : chaque année, chaque trimestre même, on voit apparaître de nouveaux systèmes d'incitation, souvent sous la forme de mesures fiscales, parfois sous celle de soutiens financiers directs, que ce soit dans les pays européens, à Singapour, à Taïwan, en Corée du Sud ou ailleurs.
Il faut donc en permanence se mettre à niveau, et il serait à mon sens particulièrement absurde de prétendre le faire en réduisant le crédit d'impôt recherche. Il convient au contraire de trouver les moyens d'en élargir l'assiette et peut-être aussi, en raison de la spécificité de la situation française, de faire en sorte que les dépenses de recherche des entreprises qui sont réalisées dans les laboratoires publics puissent être mieux comptabilisées. Certaines d'entre elles sont déjà comptées double, mais je pense qu'on peut aller plus loin dans cette voie.
En tout état de cause, nous travaillons en coopération avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur des modifications à apporter au crédit impôt recherche afin de renforcer son effet de levier au profit de la recherche, pour les grands groupes mais aussi et surtout pour les PME, qui, je n'en doute pas non plus, monsieur Revol, ont un rôle important à tenir. Je souhaite en outre que l'effet de levier joue davantage pour les travaux de recherche financés par les entreprises et effectués au sein des organismes de recherche publics, des universités ou des centres techniques exerçant une mission d'intérêt général.
A cet égard, le renforcement des coopérations entre recherche publique et recherche privée sera bénéfique pour tous et favorisera la croissance. Dans cette optique, le programme des fondations de recherche lancé en mai dernier témoigne bien de tout ce que peut apporter cette vision partenariale de la recherche, ...
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Très bien !
M. François d'Aubert, ministre délégué. ... notamment des financements accrus dans des domaines où les besoins étaient manifestes. Cela permet de fédérer l'ensemble d'une filière économique et le secteur public, comme le montre l'exemple de la fondation Coeur et artères. A ce titre, je souhaite vous rassurer, monsieur le rapporteur pour avis : les services de Bercy et ceux de mon ministère oeuvrent de concert pour que les fondations de recherche puissent se développer le plus rapidement possible. L'engagement financier de l'Etat vient d'ailleurs d'être confirmé pour les onze premières fondations.
Je voudrais maintenant évoquer la mise en place des pôles de compétitivité, à laquelle nous contribuerons à hauteur de 35 millions d'euros en 2005. Les entreprises participant à un projet de recherche et développement conduit dans l'un des pôles de compétitivité labellisés bénéficieront en effet d'exonérations d'impôt sur les bénéfices et de possibilités d'exonérations de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties, sous réserve, bien entendu, de l'accord des collectivités territoriales concernées, ainsi que d'allégements de cotisations sociales patronales.
Ces pôles de compétitivité sont susceptibles d'apporter, à mon sens, plus de cohérence, d'unité et de visibilité au développement de certaines filières technologiques, et aussi de rapprocher les grandes écoles des universités.
Les pôles de compétitivité seront conçus dans une perspective d'expérimentation, et chacun d'entre eux aura, en quelque sorte, son originalité, car il ne s'agit nullement d'instaurer une uniformité sur l'ensemble du territoire.
L'appel à projets a été lancé, les réponses doivent parvenir pour le 28 février 2005 et les premiers pôles de compétitivité émergeront avant la fin du premier semestre de 2005. Je pense que nous trouverons aisément les moyens de coordonner ces pôles de compétitivité avec les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, tels qu'ils ont été souhaités et définis par le Comité d'initiative et de proposition et par les états généraux de la recherche.
En tout état de cause, la recherche devra jouer un rôle moteur dans les pôles de compétitivité, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il existe quelques modèles à l'étranger ; il faut non pas les copier, mais essayer d'en retenir le meilleur, à savoir la cohabitation de laboratoires publics, de laboratoires d'entreprises privées et de laboratoires universitaires et d'instituts de recherche, soutenus par des dispositifs de valorisation et d'aide à la création d'entreprise, de start up, permettant d'étoffer à la fois le potentiel de recherche et le tissu économique.
Le dernier volet des dispositions en faveur de l'innovation a trait aux mesures ciblées de soutien.
La création d'un nouveau contrat d'épargne d'assurance vie, davantage orienté vers l'innovation, c'est-à-dire vers le financement du capital d'amorçage et du capital risque, traduit la volonté de consacrer plus d'épargne au financement des projets innovants. Je voudrais en outre me féliciter de l'engagement pris par les assureurs d'accroître de 6 milliards d'euros leur contribution au financement de l'innovation.
Par ailleurs, le projet de budget pour 2005 tend à améliorer le régime des FCPI en prévoyant de porter de 500 à 2 000 salariés le seuil pour l'éligibilité des sociétés au quota d'investissement de 60 % et en permettant, sous certaines conditions, aux FCPI de financer les sociétés innovantes par l'intermédiaire de holdings.
Je voudrais enfin évoquer brièvement le dispositif en faveur des jeunes entreprises innovantes qui a été mis en place au 1er janvier de cette année, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi sur l'innovation et la recherche. Les données dont nous disposons pour le premier semestre de 2004 sont très encourageantes puisque déjà 500 entreprises au moins ont bénéficié, au total, de 13 millions d'euros d'exonérations de charges sociales. Ces jeunes entreprises innovantes regroupent déjà plus de 5 500 personnels de recherche, et je suis convaincu que le dispositif montera en puissance dans les mois à venir.
Au-delà du milliard d'euros supplémentaire mobilisé au profit de la recherche, ce projet de budget constitue un gage donné à la communauté scientifique. L'évolution nécessaire de notre système de recherche et d'innovation se fera avec des moyens en croissance.
En effet, le projet de budget pour 2005 n'est qu'une étape, la prochaine, plus importante encore, devant être l'élaboration de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche. Le projet de loi, je le répète, sera présenté au Parlement au deuxième trimestre de 2005. Nous aborderons, à cette occasion, les questions relatives à la gouvernance de la recherche et au pilotage du ministère, mais aussi à l'articulation de la recherche française avec la dynamique européenne : je suis convaincu qu'il s'agit, là aussi, d'un chantier prioritaire.
Les chercheurs l'ont bien compris, l'occasion de dynamiser et de moderniser notre système français de recherche et d'innovation est unique. C'est une chance qui doit être saisie grâce à l'engagement de tous, à l'université, dans les grandes écoles ou dans les organismes de recherche, parce que, nous le savons bien, il y a aussi beaucoup à faire pour coordonner plus efficacement les trois grands types d'institutions où se pratique aujourd'hui la recherche dans notre pays.
Ainsi, nous pourrons, je l'espère, rétablir la confiance entre les Français et les chercheurs, l'ordonner autour d'un pacte rassemblant les chercheurs et la nation, renouer avec cette histoire commune d'une confiance partagée et projeter notre pays, en cinq ou six ans, dans une nouvelle dynamique de succès. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche : III.- Recherche.
État B
Titre III : 60 518 804 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits du titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 337 373 829 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits du titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 367 417 000 € ;
Crédits de paiement : 367 417 000 €.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Je profite de l'examen des crédits du titre V pour évoquer l'Agence nationale pour la recherche, qui absorbera plus d'un tiers du milliard d'euros annoncé.
Les statuts du GIP qui préfigure l'établissement public circulent sans que nous en ayons été informés, sans débat sur la question. Déjà, on demande aux conseils d'administration des établissements sollicités de s'engager sans qu'ils aient été associés à la réflexion.
Puisque vous ne nous avez pas non plus demandé notre avis, monsieur le ministre, j'espère que ma proposition sera pour vous une bonne surprise et que vous en tiendrez compte !
Vous prévoyez que six représentants de l'Etat siégeront au GIP, dont trois avec voix délibérative, représentant les ministères chargés de l'enseignement supérieur et de la recherche, et trois avec voix consultative, représentant les ministères chargés de la santé, de l'industrie et du budget. Pourquoi ne pas prévoir un représentant du ministère de l'environnement, alors que tous nos éminents chercheurs et savants ainsi que le Président de la République lui-même disent l'urgence de trouver de nouvelles solutions pour vivre en harmonie avec la planète, pour consommer moins de ressources naturelles, pour mettre toujours davantage l'intelligence au service des femmes et des hommes ?
Vous prévoyez en outre que cinq organismes publics de recherche, le CEA, le CNRS, l'INRIA, l'INRA et l'INSERM, seront également représentés au sein du GIP. Pourquoi ne pas ajouter à cette liste l'IRD, l'Institut de recherche pour le développement, établissement de taille modeste, certes, mais qui présente le mérite rare de faire cohabiter la recherche biologique et épidémiologique avec l'étude de la société, et dont les chercheurs s'intéressent autant à ce qui se passe sous le microscope qu'à la vie quotidienne, qu'il s'agisse de prévention, de soins ou de développement ?
Vous prévoyez enfin que trois autres membres du GIP représenteront l'ANVAR, l'ANRT et la CPU, la conférence des présidents d'université.
Monsieur le ministre, désigner deux membres de plus ne modifierait pas les équilibres au sein du GIP, l'Etat conservant 52 % des droits de vote. En revanche, un tel ajout serait cohérent avec le discours tenu par la France tant sur le plan intérieur que sur le plan international, et avec les enjeux de ce début du troisième millénaire. Je vous demande de bien en mesurer la portée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - Autorisations de programme : 2 082 020 000 € ;
Crédits de paiement : 1 849 546 000 €.
M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme Marie-Christine Blandin. M. le ministre ne me répond pas ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François d'Aubert, ministre délégué. Je n'ai pas compris, madame Blandin, si vos propos relatifs au GIP constituaient une suggestion ou une simple remarque.
Le GIP est une structure provisoire, dans laquelle l'Etat détiendra effectivement la majorité des droits de vote. Les ministères représentés seront ceux de la recherche, de la santé, de l'industrie et du budget.
Cela étant, le ministère de la recherche représentera aussi, en quelque sorte, l'ensemble des ministères qui ne seront pas associés au GIP. Je vous invite donc à faire confiance aux représentants du ministère de la recherche pour prêter la plus grande attention aux questions d'environnement.
Par ailleurs, le ministère de la recherche est également compétent, bien entendu, pour les questions relatives à l'aide à la recherche et au développement. Comme le nombre des personnes siégeant au sein d'un conseil d'administration doit forcément être limité, il n'était pas envisageable que l'ensemble des départements ministériels ou des services de l'Etat y soient représentés, car l'effectif aurait alors été pléthorique !
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la recherche.
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TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs et de combustible usé.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2782 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 866/2004 concernant un régime en application de l'article 2 du protocole n° 10 de l'acte d'adhésion en ce qui concerne des produits agricoles et les facilités concédées aux voyageurs.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2783 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque.
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2784 et distribué.
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ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 7 décembre 2004 à dix heures trente, quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 73 et 74, 2004-2005) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
- Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (+ articles 71, 72, 72 bis et 72 ter) :
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 3) ;
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (agriculture, avis n° 76, tome I) ;
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (pêche, avis n° 76, tome II) ;
M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (développement rural, avis n° 76, tome III) ;
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (industries agricoles et alimentaires, avis n° 76, tome IV) ;
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (enseignement agricole, avis n° 75, tome VII).
-Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche :
I. -Enseignement scolaire :
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 24) ;
Avis de la commission des affaires culturelles (Enseignement scolaire, avis n° 75, tome IV) ;
Mme Annie David, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (Enseignement technologique et professionnel, avis n° 75, tome VI).
(Procédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs)
II. - Enseignement supérieur :
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 25) ;
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 75, tome V).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2005
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2005 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2005
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2005 est fixé au vendredi 10 décembre 2004.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 7 décembre 2004, à une heure trente.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD