sommaire

présidence de M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Liban

3. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'agriculture.

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

MM. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la pêche ; Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le développement rural ; Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les industries agricoles et alimentaires ; Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole.

MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.

MM. Georges Mouly, Jean-Marc Pastor, Dominique Mortemousque, Yves Détraigne, Gérard Le Cam, Yvon Collin, André Lejeune, Michel Doublet, Marcel Deneux.

Suspension et reprise de la séance

4. Rappel au règlement

Mme Hélène Luc, M. le président.

5. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (suite)

MM. Yves Coquelle, Gérard Delfau, Bernard Piras, Gérard Bailly, Daniel Soulage, Mme Annie David, MM. Paul Raoult, Gérard César, Jean Boyer, Mme Odette Herviaux, MM. Charles Revet, Claude Biwer, Claude Saunier, Mme Adeline Gousseau, M. Jean-Paul Amoudry, Mme Yolande Boyer, MM. Alain Vasselle, Yann Gaillard, Bernard Murat, Jacques Blanc.

MM. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité ; Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.

Crédits du titre III. - Adoption

Crédits du titre IV

M. Daniel Soulage.

Amendement no II-42 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption

Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre V

M. Pierre-Yves Collombat.

Amendements nos II-39 rectifié bis et II-40 rectifié bis de M. Yann Gaillard. - Retrait des deux amendements.

Adoption des crédits.

Crédits du titre VI. - Adoption

Articles 71 à 72 ter. - Adoption

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

6. Modification de l'ordre du jour

7. Candidatures à une commission mixte paritaire

8. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Education nationale, enseignement supérieur et recherche (suite)

I. - Enseignement scolaire

MM. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances ; François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement scolaire ; Mme Annie David, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement technologique et professionnel ; M. le ministre.

MM. Jean-Luc Mélenchon, le ministre.

MM. Jacques Legendre, le ministre.

MM. André Vallet, le ministre.

Mme Annie David, M. le ministre.

MM. Jacques Pelletier, le ministre.

MM. René-Pierre Signé, le ministre.

MM. Jean-Claude Carle, le ministre.

Mme Valérie Létard, M. le ministre.

MM. Jean-Marc Todeschini, le ministre.

MM. André Ferrand, le ministre.

MM. Pierre Martin, le ministre.

Crédits du titre III

M. Ivan Renar, Mme Annie David, M. Yannick Bodin.

Amendement no II-38 de Mme Valérie Létard. - Mme Valérie Létard, MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.

Adoption des crédits.

Crédits du titre IV

MM. Robert Laufoaulu, le ministre.

Adoption des crédits.

Crédits des titres V et VI. - Adoption

II. - Enseignement supérieur

MM. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Jean-René Lecerf, Mme Françoise Férat, MM. Ivan Renar, Serge Lagauche, Jacques Legendre, David Assouline, André Lardeux.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Crédits du titre III

Amendement no II-41 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial, Ivan Renar. - Adoption.

Amendement no II-43 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.

Adoption des crédits modifiés.

Crédits des titres IV à VI. - Adoption

9. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

10. Transmission d'un projet de loi

11. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du LIBAN

M. le président. Mes chers collègues, j'ai l'honneur et le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune présidentielle, d'une délégation de cinq députés libanais, conduite par Mme El-Hariri, présidente de la commission de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la culture de l'Assemblée nationale du Liban.

Cette délégation pluraliste est en France, à l'invitation du Sénat. Pendant une semaine, elle aura l'occasion de rencontrer divers sénateurs ou administrateurs, ainsi que d'autres interlocuteurs publics français, compétents dans les domaines qui les intéressent.

C'est l'occasion pour moi de saluer les représentants d'un pays qui nous est particulièrement cher, et avec lequel nous entretenons les relations les plus étroites et les plus fraternelles, quelles que soient les vicissitudes de ces derniers mois.

Vous savez, madame le président, messieurs les députés, combien nos intérêts sont convergents, à la fois d'un point de vue régional et du point de vue de notre coopération bilatérale.

Je forme des voeux pour que votre séjour en France soit aussi fructueux qu'instructif. Je ne doute pas qu'il annonce d'autres échanges entre nos deux institutions, au service de nos deux peuples, que l'histoire et la culture rapprochent profondément.

Au nom du Sénat et en mon nom personnel, je vous adresse mes souhaits de cordiale bienvenue dans l'hémicycle de la Haute Assemblée. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

3

Etat C  - Titres V et VI (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Deuxième partie

Loi de finances pour 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74).

Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (interruption de la discussion)

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (et les articles 71, 72, 72 bis et 72 ter).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales s'élève pour 2005 à 4,88 milliards d'euros, en baisse de près de 2 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2004, mais en quasi-reconduction si l'on tient compte des reports significatifs, à hauteur de 90 millions d'euros, de l'année 2004 sur l'année 2005.

Comme chaque année, le budget du ministère de l'agriculture fait l'objet de modifications de périmètre qui, selon leur importance, peuvent biaiser l'analyse de son évolution.

Pour 2005, je souhaite attirer l'attention de la Haute Assemblée sur l'absence de dotation pour le financement des dépenses d'adduction et d'assainissement d'eau dans le présent projet de budget. Car, dans un souci de simplification, le Gouvernement a prévu, à compter de 2005, le transfert aux agences et offices de l'eau, territorialement compétents, de l'intégralité des financements des opérations d'eau et d'assainissement en faveur des communes rurales. Toutefois, je constate que le présent projet de loi de finances ne contient aucune disposition permettant de donner une base législative à ce transfert de compétences.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous nous informiez sur les modalités de ce transfert de compétences, ainsi que sur ses conséquences budgétaires.

Malgré les contraintes budgétaires, nationales et internationales, existantes, et grâce à la mise en oeuvre d'une politique de rationalisation des coûts budgétaires et de meilleure gestion des effectifs, le présent projet de budget permet la définition d'objectifs prioritaires clairs.

Avant d'étudier plus avant le projet du budget de l'agriculture pour 2005, je souhaite m'arrêter un instant sur la réforme de la politique agricole, décidée par le Conseil européen des ministres de l'agriculture le 26 juin 2003 à Luxembourg et dont les conséquences futures sur l'agriculture française seront très importantes.

L'entrée en vigueur de cette réforme sera progressive : certains éléments sont intervenus dès 2004, notamment la réforme des organisations communes de marché - lait et céréales -, tandis que les aspects horizontaux, à savoir le découplage, la modulation et les « conditionnalités » des aides, entreront en vigueur à partir de 2005, avec possibilité de différer la mise en place du découplage des aides en 2007.

Ainsi, la nouvelle politique agricole commune introduit deux mesures principales, d'une part, le découplage des aides, d'autre part, la « conditionnalité » des aides désormais soumises au respect des règles essentielles de la législation européenne, notamment en matière d'environnement et de bien-être des animaux. Le découplage introduit le principe de « droit à paiement unique » d'aides par exploitation, fixé sur la base d'une période de référence 2000 à 2002. L'année 2005 permettra une simulation en grandeur réelle de la réforme. Chaque agriculteur connaîtra précisément les caractéristiques de son exploitation au regard des droits à paiement qu'il pourra faire valoir pour bénéficier des aides uniques.

D'après les informations fournies par vos services, monsieur le ministre, l'accord de Luxembourg devrait permettre de maintenir le budget affecté aux agriculteurs français à 9,5 milliards d'euros en 2007.

J'en viens maintenant au contenu du présent projet de budget qui permet la mise en oeuvre de quatre mesures définies comme prioritaires par le Gouvernement.

Première mesure prioritaire : le lancement attendu de l'assurance récolte.

Après trois années d'expérimentation sur les assurances gel-grêle en arboriculture et sur vigne et à la suite du rapport remis au Gouvernement par notre collègue député Christian Ménard, un produit d'assurance multirisques et multicultures sera proposé à compter de 2005 aux agriculteurs et encouragé par l'Etat par une prise en charge partielle des cotisations à hauteur de 10 millions d'euros en 2005, cette somme pouvant être abondée par la suite en loi de finances rectificatives.

Toutefois, toutes les conditions de mise en oeuvre du mécanisme d'assurance récolte ne sont pas encore définies.

M. Hervé Gaymard, votre prédécesseur, avait indiqué que le principe retenu avait été de limiter le dispositif d'assurance récolte aux seules cultures de vente, de rendre l'application du système progressive sur cinq ans sans le rendre immédiatement obligatoire, de plafonner la participation budgétaire de l'Etat à 130 millions d'euros par an à l'horizon 2010, enfin de mettre en place une franchise à hauteur de 25 %. En outre, il avait indiqué que deux offres assurancielles à destination des agriculteurs existaient à l'heure actuelle sur le marché : une offre de Groupama, globale et multisectorielle, et une offre du Crédit agricole, privilégiant une approche filière par filière, production par production.

Pouvez-vous nous confirmer ces informations, monsieur le ministre, et nous indiquer si les offres assurancielles disponibles actuellement ont évolué ?

Je suis convaincu qu'il faudra veiller, à l'avenir, à la pluralité des offres sur le marché et à ce que les conditions de mise en oeuvre de l'assurance récolte ne lèsent pas les agriculteurs, notamment les victimes de catastrophes naturelles.

Deuxième mesure prioritaire : la création d'un fonds unique consacré à la rénovation des bâtiments d'élevage.

En raison de l'importance des besoins de modernisation des exploitations, le présent projet de budget prévoit la mise en place d'un plan d'aide aux bâtiments d'élevage bovin, ovin et caprin concernant l'ensemble du territoire à compter du 1er janvier 2005 en vue d'améliorer les conditions d'élevage des animaux et d'intégrer les mesures environnementales requises.

Les aides financières consacrées à ce plan seront amplifiées en 2005 et 2006 et de façon plus importante à compter de 2007 par augmentation du niveau de cofinancement communautaire pour atteindre un montant d'aide estimé à 120 millions d'euros en régime de croisière. Les collectivités locales pourront apporter leur contribution à ce « plan bâtiment » en complément des aides de l'Etat.

Les spécificités de la zone de montagne et le surcoût inhérent à la modernisation des exploitations dans cette zone seront préservés dans ce plan.

Troisième mesure prioritaire : l'engagement d'une politique volontariste dans le domaine phytosanitaire.

Les crédits en faveur de la politique dans le domaine phytosanitaire connaissent une augmentation significative dans le présent projet de budget, de l'ordre de 8 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2004, et s'élèveront à 15,1 millions d'euros en 2005.

Trois actions principales sont concernées par cette politique : la santé des végétaux et des produits d'origine végétale, la protection du consommateur et de l'exploitant agricole avec notamment le renforcement de la surveillance et de la gestion des risques liés à l'accumulation dans les végétaux de pesticides provenant de sols contaminés, enfin le respect de l'environnement.

Quatrième et dernière mesure prioritaire du présent projet de budget : le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles, sur lequel vous disposez, mes chers collègues, d'un rapport du rapporteur spécial pour l'enseignement.

Les moyens dédiés à l'enseignement supérieur et à la recherche agricoles marquent en 2005 une progression de 7 % par rapport à 2004. En outre, s'agissant de la recherche agricole, les crédits d'investissement seront en augmentation de 30 %, avec, comme priorité, la recherche appliquée.

Le présent projet de budget se fixe comme objectifs, d'une part, de donner une réelle visibilité à l'enseignement supérieur agricole et, d'autre part, de développer des coopérations entre la formation, la recherche et l'économie locale.

Je tiens également à encourager la volonté du Gouvernement de réformer certains vecteurs traditionnels de la politique agricole.

C'est le cas notamment de la politique de rationalisation et de maîtrise des coûts de fonctionnement des offices agricoles qui a été entamée en 2004 par le ministère, sur le fondement d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement en octobre 2003, soulignant l'efficacité de l'action menée par les offices, mais indiquant des marges de progression possibles.

En 2005, les subventions aux offices diminuent de 386 millions d'euros en 2004 à 362 millions d'euros pour 2005, soit une baisse de plus de 6 %.

Je souhaite ici réaffirmer que les crédits des offices sont d'une importance primordiale s'agissant de l'adaptation structurelle des exploitations et des filières. La réforme doit donc permettre de rationaliser le fonctionnement des offices tout en préservant leur rôle de régulateur en cas de crise grave du marché.

La deuxième réforme emblématique engagée par votre ministère est celle du financement du service public de l'équarrissage.

L'application, au 1er janvier 2004, des nouvelles lignes directrices agricoles européennes sur les aides d'Etat dans ce secteur a imposé de revoir le financement de ce service public dans la voie de la prise en charge par les opérateurs économiques des coûts de traitement de leurs déchets produits.

En effet, la Commission européenne autorise les aides à l'élimination des cadavres testés au regard des encéphalopathies spongiformes transmissibles, mais impose pour les autres espèces que les éleveurs participent directement, à hauteur de 25 % des coûts de transformation et d'incinération ou, de façon alternative, que l'aide soit financée à 100 % par un prélèvement obligatoire sur les filières viande en excluant la distribution. Enfin, elle interdit les aides aux industries et commerces de viande.

Au 1er janvier 2004, le financement du service public de l'équarrissage a donc été revu, de manière à préserver un niveau satisfaisant de sécurité sanitaire : la taxe d'abattage, prélevée au niveau des abattoirs, mise en place par la loi de finances initiale pour 2004 en remplacement de la taxe sur les achats de viande, devrait rapporter 156 millions d'euros par an et sera complétée par 54 millions d'euros d'aide d'Etat, dont 29 millions d'euros pour la filière bovine et 13 millions d'euros pour la filière porcine. La Commission européenne a décidé, le 30 mars 2004, d'approuver, au titre des règles communautaires sur les aides d'Etat, les mesures en faveur des éleveurs et des entreprises d'abattage, financées par la nouvelle taxe d'abattage, ainsi que par des contributions budgétaires directes.

En outre, compte tenu de la charge que représente cette taxe et de la volonté de ne pas la faire porter par les producteurs agricoles, le Gouvernement a mis en place, dans le respect du droit européen et national, un dispositif visant à encourager la répercussion, vers l'aval des filières, de la taxe d'abattage, en décrétant une obligation d'information, sur les factures, des charges dont les abattoirs s'acquittent au titre du service public de l'équarrissage. Toutefois, il semble que, dans certains cas, la grande distribution ait refusé de prendre en charge le coût ainsi répercuté. Le système mis en place au moment du vote de la loi de finances initiale pour 2004 demeure imparfait et devrait évoluer dans le sens d'un moindre coût pour la collectivité, d'une part, et pour les producteurs, d'autre part.

C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, qu'une réflexion approfondie sur l'évolution du financement du service public de l'équarrissage et ses conséquences sur les éleveurs puisse être menée en 2005.

Enfin, la troisième réforme d'envergure que je souhaite évoquer devant vous est celle de la politique de promotion des produits agroalimentaires français.

J'ai effectué cette année, au nom de la commission des finances, avec notre collègue Marc Massion, une mission de contrôle budgétaire sur les subventions publiques versées à SOPEXA, la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, et plus généralement sur l'efficacité de la politique nationale de soutien à la promotion des produits agroalimentaires français à l'étranger. Il est ressorti de cette mission plusieurs propositions de changement : notamment la sortie des organismes publics du capital social de SOPEXA, la révision des modalités du soutien financier de l'Etat à SOPEXA, ainsi que la meilleure adaptation du réseau international de SOPEXA.

Je souhaite savoir, monsieur le ministre, quelles seront les suites données à ce rapport.

Outre le lancement de ces réformes, certaines politiques sectorielles méritent encore d'être consolidées même si le présent projet de budget permet de les prendre en considération.

Il s'agit de la politique de la pêche : c'est un secteur qui connaît aujourd'hui de réelles difficultés, d'ordre à la fois conjoncturel et structurel. La réforme de la politique commune de la pêche au niveau communautaire impose une restructuration de la profession qui doit pouvoir être accompagnée par les pouvoirs publics. Le présent projet de budget, avec des crédits afférents à la politique de la pêche à hauteur de 32,4 millions d'euros, devrait permettre de poursuivre l'effort en faveur de ce secteur économique dont l'importance est cruciale dans de nombreuses zones littorales. De nouveaux crédits d'initiative nationale sont prévus pour les sorties de flotte, ainsi que pour le soutien à la filière, la modernisation des navires et des structures professionnelles à terre, ce dont je me félicite.

Il s'agit également de la politique forestière. Le présent projet de budget s'inscrit dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques qui conduit, en moyenne, à une légère baisse des crédits destinés à la forêt et à la filière bois.

Outre l'accent mis sur la réduction des dépenses de fonctionnement, tant pour l'administration forestière que pour les établissements publics et organismes forestiers de développement, une diminution plus marquée a été opérée sur les travaux d'investissement, tant pour la production forestière que pour les entreprises d'exploitation et de première transformation du bois.

M. le président. Monsieur le ministre, il faudrait augmenter un peu ces crédits ? (Sourires.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. J'approuve !

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Nous aussi !

M. le président. Monsieur le ministre, partagez-vous mon point de vue ? (M. le ministre acquiesce.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Le plan décennal de reconstitution de la forêt détruite par les tempêtes de 1999 se poursuit et continue de mobiliser d'importants cofinancements communautaires. Les autres investissements en forêt privée et publique bénéficient également d'un soutien, notamment ceux liés à la prévention des risques, tout comme la filière bois dont le dynamisme est soutenu par l'action de divers organismes techniques et de recherche cofinancés par l'Etat.

L'Office national des forêts, l'ONF, est conforté dans la mise en oeuvre de son plan de modernisation de l'organisation et de la gestion grâce au versement compensateur de l'Etat, de l'ordre de 145 millions d'euros en 2005.

Enfin, en ce qui concerne la protection sociale agricole, le régime de protection sociale des non-salariés agricoles se trouve aujourd'hui dans une situation financière préoccupante. En effet, le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, qui a remplacé le budget annexe des prestations sociales agricoles, connaîtra un besoin de financement de l'ordre de 1,5 milliard d'euros en 2005, après un déficit du régime de protection sociale agricole de 900 millions d'euros en 2004.

Un rapport doit être remis au Parlement, au plus tard le 31 mars 2005, sur la situation et les perspectives du FFIPSA.

Je pense qu'une réflexion doit aujourd'hui être menée sur la structure de financement de ce régime et que des solutions de financement pérenne doivent être proposées afin de ne pas pénaliser les exploitants bénéficiaires des prestations sociales agricoles.

Je souhaite savoir, monsieur le ministre, si des solutions de financement se dessinent déjà, compte tenu des réunions interministérielles qui ont déjà eu lieu sur le sujet.

Le dernier aspect, et non le moindre, du présent projet de budget que je souhaiterais aborder devant vous concerne la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Le présent projet de budget anticipe la mise en oeuvre des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances de différentes manières.

En premier lieu, cela se fait par le développement des expérimentations des actions et programmes de la nouvelle nomenclature budgétaire qui concerneront plus de la moitié du budget. Ces expérimentations se traduisent par la création de huit chapitres nouveaux correspondant soit à des actions de futurs programmes de la mission ministérielle « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », soit à des programmes entiers de cette même mission ministérielle ou des trois autres missions interministérielles auxquelles participera également le ministère de l'agriculture.

Je tiens toutefois à souligner que ces expérimentations, pour nécessaires qu'elles soient, rendent très difficile la lecture du présent projet de budget ainsi que la comparaison des crédits d'une année sur l'autre, en l'occurrence ceux de 2005 par rapport à ceux de 2004. J'estime qu'un effort de lisibilité accrue et de pédagogie dans la présentation des crédits aurait été plus que nécessaire.

En deuxième lieu, l'anticipation sur la LOLF se fait par la présentation d'un avant-projet annuel de performance relatif à l'agriculture, à la pêche, à la forêt et aux affaires rurales, qui expose la stratégie du ministère de l'agriculture pour ses programmes et ses actions compris dans cette mission, ainsi que les objectifs et les indicateurs qui y sont associés.

En troisième lieu, enfin, elle se fait par la mise en place d'un plan de développement du contrôle de gestion.

S'agissant plus spécifiquement des objectifs et indicateurs associés aux programmes et actions de la mission ministérielle « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », je puis dire, à ce stade de la réflexion, que certains objectifs associés d'indicateurs donnent pleine et entière satisfaction : il s'agit des objectifs et indicateurs qui ne sont pas purement quantitatifs, mais qui donnent une réelle information quant au coût de gestion de certaines politiques.

A l'inverse, certains objectifs associés d'indicateurs mériteraient d'être précisés ou corrigés : il s'agit, notamment, d'une part, des objectifs associés d'indicateurs ne donnant qu'une information sur le volume de l'activité réalisée par les services du ministère et non sur l'efficacité de cette activité et, d'autre part, d'objectifs et d'indicateurs traduisant simplement un état donné de la situation.

Enfin, deux articles sont rattachés à ce projet de budget pour 2005.

L'article 71 tend à supprimer l'article L.  654-16 du code rural, selon lequel, en cas de préjudice, une indemnité est accordée aux communes dont les abattoirs ont été supprimés soit d'office, soit spontanément par elles avec l'accord du Gouvernement.

La mise aux normes communautaires des abattoirs est désormais achevée. Cette mesure n'a donc plus d'objet et équivaut à la prise en charge par l'Etat des conséquences financières et sociales de la fermeture de services communaux. Je vous proposerai, mes chers collègues, d'adopter cet article sans modification.

L'article 72 vise à fixer le plafond de l'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambre d'agriculture pour 2005. Ce taux est fixé à 1,8 %, contre 1,5 % en 2004. Je vous demanderai également, mes chers collègues, d'adopter cet article sans modification.

En résumé, je vous propose donc, au nom de la commission des finances, d'adopter le projet de budget de l'agriculture pour 2005, estimant qu'il répond, dans un contexte budgétaire national et communautaire restrictif, aux grandes priorités de l'agriculture française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais saisir l'occasion de la discussion de ce projet de budget pour souligner, tout d'abord, les nombreuses incertitudes qui affectent aujourd'hui le monde agricole.

Sur le plan national, les résultats économiques de l'agriculture pour l'année 2003 sont de nouveau décevants : le résultat agricole net recule de 1,1 % à la suite de la chute de la production due à la canicule et à la sécheresse.

Les premières prévisions pour 2004 n'incitent guère à l'optimisme, en raison à la fois de la baisse des prix des produits et du renchérissement spectaculaire du coût de l'énergie.

Sur le plan européen, nous entrons dans la dernière « ligne droite » avant la mise en oeuvre de la réforme de la PAC, au 1er janvier 2006, sans réellement savoir quelles en seront les conséquences sur notre agriculture.

Par ailleurs, à la suite du renouvellement de la Commission européenne, de nouveaux commissaires en charge de l'agriculture et du commerce extérieur ont été désignés. Souhaitons qu'ils sachent défendre un modèle agricole équilibré au sein des instances internationales !

C'est à ce niveau mondial, que se situe la troisième source d'incertitude : si les 148 pays de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, se sont entendus sur une série d'accords-cadres, la seconde phase de négociations d'ici au rendez-vous de Hong-Kong, en décembre 2005, va se révéler cruciale.

Les enjeux sont déterminants pour l'avenir de notre agriculture : engagements chiffrés sur les droits de douane, définition de la liste des produits dits « sensibles » ou encore protection des signes de qualité. Souhaitons que l'Union européenne reste unie et ferme dans la défense de son « exception agriculturelle » !

S'agissant plus particulièrement des crédits destinés à l'agriculture, qui ont été détaillés de façon très précise par mon excellent collègue Joël Bourdin,...

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Très brillant, en effet !

M. Gérard César, rapporteur pour avis. ... je considère qu'ils bénéficient d'une évolution globalement favorable, compte tenu des contraintes budgétaires qui sont les leurs.

D'un point de vue global, il convient de souligner que le projet de budget de l'agriculture reste stable, du fait des reports de crédits annoncés.

Il faut également rappeler qu'il ne correspond finalement qu'à moins d'un sixième de l'ensemble des crédits destinés au soutien de l'agriculture française, dont la majeure partie provient aujourd'hui de l'Union européenne.

De façon plus précise, je voudrais souligner que ce projet de budget permet à la fois de financer les priorités fixées par le Gouvernement et de lancer d'ambitieux programmes.

Parmi les priorités dont le financement est pérennisé, je relèverai, d'une part, l'action en matière agro-environnementale, avec la hausse des crédits destinés aux indemnités compensatoires de handicap naturel et le maintien à un niveau élevé, quoiqu'en légère diminution, des crédits affectés à la prime herbagère agro-environnementale ou au financement de 10 000 nouveaux contrats d'agriculture durable, les CAD, et, d'autre part, la protection et le contrôle phytosanitaires, dont les crédits augmenteront de plus de 6 %, hausse qui permettra de mieux combattre les organismes nuisibles et les maladies végétales tout en réduisant les intrants.

A ces priorités, auxquelles on pourrait d'ailleurs ajouter la revalorisation des crédits destinés à la recherche et à l'enseignement agricole, dont nous parlera plus longuement notre collègue Françoise Férat, s'ajoutent deux ambitieux projets très attendus par le monde agricole.

Il s'agit, tout d'abord, de la mobilisation de 10 millions d'euros destinés à amorcer un dispositif d'assurance récolte qui pourrait prendre le relais du système de solidarité actuel, dont le financement se dégrade et les délais d'intervention s'allongent.

Il s'agit, ensuite, de la mise en place d'un plan « bâtiments d'élevage », doté à hauteur de 80 millions d'euros, qui permettra d'améliorer les conditions de vie et de travail des agriculteurs.

Finalement, et malgré les incertitudes liées, en particulier, à la disparition effective ou programmée de dispositifs tels que l'ancien BAPSA, le fonds d'allégement des charges ou le dispositif d'aide aux agriculteurs en difficulté, l'AGRIDIF - cela fait l'objet d'une réflexion déjà bien avancée avec les organisations professionnelles agricoles -, ce projet de budget paraît équilibré et volontariste.

La commission des affaires économiques est donc favorable à son adoption.

A titre de conclusion, je souhaiterais simplement insister sur l'importance de la discussion du projet de loi de modernisation agricole qui aura lieu l'année prochaine.

Dans le contexte global d'incertitude que j'ai rappelé au début de mon propos, il sera essentiel de tracer de véritables perspectives d'avenir pour le monde agricole.

A cet égard, je fais confiance au nouveau ministre de l'agriculture, qui, il y a quelques jours, était encore secrétaire d'Etat chargé du budget et à qui je souhaite, au nom de tous, la bienvenue au Sénat, tout comme à M. Nicolas Forissier, qui a conservé son poste, pour travailler, en relation avec l'ensemble des acteurs intéressés, à l'élaboration d'un texte à la fois équilibré et porteur d'espoir pour nos agriculteurs afin , notamment, de favoriser, par une lisibilité plus grande, l'installation des jeunes agriculteurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La parole est à M. Alain Gérard, rapporteur pour avis.

M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en cette fin d'année 2004, le monde de la pêche est dominé par l'incertitude et l'appréhension.

Ce climat d'inquiétude a, tout d'abord, des causes conjoncturelles. C'est ainsi que l'augmentation continue des cours du pétrole tout au long de l'année pèse lourdement sur les comptes d'exploitation des pêcheurs, que ce soit directement, avec la hausse du prix du gazole, ou indirectement, à travers l'augmentation du coût des matériels de synthèse dérivés du pétrole, tels que les emballages à base de polymères.

Par ailleurs, les indicateurs économiques sont loin d'être encourageants : stagnation de la demande intérieure en produits de la mer, recul des exportations, hausse des charges et, in fine, diminution du chiffre d'affaires des pêcheurs.

De plus, l'accumulation d'accidents en mer affectant des pêcheurs renforce le sentiment d'amertume et d'incompréhension au sein d'une profession souffrant d'un manque - tout du moins, c'est ainsi qu'elle le ressent - de considération.

A ces difficultés conjoncturelles viennent s'ajouter les handicaps structurels de la pêche française que sont la diminution progressive de notre flotte, le vieillissement des équipements ou encore la traditionnelle pénurie de main-d'oeuvre enregistrée par le secteur.

Face à toutes ces difficultés, le Gouvernement n'est pas resté inactif, loin s'en faut.

En vue d'aider les pêcheurs à surmonter cette crise pétrolière, de nombreuses concertations ont eu lieu avec les représentants du secteur. Elles ont abouti à l'annonce de trois séries de mesures dont la dernière en date, au début du mois d'octobre, s'est élevée à hauteur de plusieurs millions d'euros.

Au-delà de ces réponses à court terme, il est à présent indispensable de mener une réflexion plus approfondie en vue de renforcer l'attractivité d'un secteur aujourd'hui en crise.

La réforme de l'apprentissage et de la formation engagée par le Gouvernement constitue, de ce point de vue, une piste intéressante. Les aménagements en cours du régime fiscal des marins pêcheurs travaillant en dehors des eaux territoriales devraient également se révéler fort utiles. Peut-être, monsieur le ministre pourrez-vous nous apporter quelques précisions à ce sujet ?

Toutes ces actions visant à revaloriser le métier de pêcheur doivent naturellement s'inscrire dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche engagée en 2002.

Certes, la France est parvenue à un compromis satisfaisant. Je tiens ici à rendre hommage au ministre sortant en charge de la pêche, M. Hervé Gaymard, dont les talents de négociateur ont été à cet égard essentiels. Mais je forme également des voeux de réussite pour son successeur, M. Dominique Bussereau, dont je ne doute pas qu'il réussira dans son action.

Nous avons ainsi conservé la possibilité de continuer à attribuer des aides à la construction de navires jusqu'au 31 décembre de cette année et à la modernisation de la flotte jusqu'au 31 décembre 2006.

Mais, comment, au-delà de cette échéance fatidique, envisager l'avenir d'un secteur en difficulté censé ne plus bénéficier de soutiens publics ? Là encore, sans doute pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques éléments de réponse.

S'agissant, enfin, plus spécifiquement, des crédits destinés à la pêche, je me limiterai à quelques remarques.

Prenant acte de la baisse formelle de ce projet de budget, je soulignerai qu'elle s'accompagne d'une hausse importante des dépenses en capital, qui constituent le support financier des investissements de demain.

Par ailleurs, je me félicite du fait que la priorité ait été accordée à la mise en place du plan de modernisation de la flotte de pêche, qui bénéficie d'une hausse de 54 % en crédits de paiement et de 22 % en autorisations de programme.

Enfin, je tiens à souligner l'augmentation substantielle des moyens de contrôle de la pêche, qui devrait permettre de mieux faire respecter la réglementation européenne relative aux quotas et de combattre la pratique croissante du black fish.

En conséquence, considérant, d'un point de vue global, que ce projet de budget est équilibré au regard des contraintes ayant présidé à son élaboration, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le développement rural. Monsieur le ministre, en vous présentant mes félicitations pour les nouvelles fonctions que vous occupez, je tiens à attirer votre attention sur les conditions d'information du Parlement pour la discussion budgétaire, en particulier sur les réponses apportées aux questionnaires budgétaires des commissions.

Force est, hélas ! de constater que le ministère de l'agriculture se distingue de la plupart des autres ministères par le retard considérable avec lequel sont transmises les réponses aux questionnaires budgétaires.

Je suis convaincu, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous aurez à coeur de remédier à ce dysfonctionnement.

Je ne m'attarderai pas sur les éléments budgétaires que notre collègue Joël Bourdin a brillamment présentés.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je vous remercie !

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis. Tout au plus citerai-je quelques chiffres qui montrent une baisse significative des crédits affectés à des secteurs aussi décisifs que la forêt et le financement des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, devenus contrats d'agriculture durable, CAD.

Sur le plan législatif, l'année 2004 a été largement consacrée à l'examen en première lecture du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, que nous serons prochainement amenés à discuter en deuxième lecture.

L'achèvement de ce vaste chantier devrait être suivi rapidement par l'ouverture de celui du projet de loi de modernisation agricole, qui comprendra, lui aussi, de nombreux aspects relatifs au développement rural. Monsieur le ministre, nous souhaitons vivement avoir un éclairage du Gouvernement sur ce sujet. Peut-être pourrez-vous nous apporter des précisions.

Sur le plan budgétaire, le projet de loi de finances permet de commencer à évaluer le bouleversement complet de la nomenclature budgétaire qu'entraîne la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Cette évolution rend, sur certains points, très difficile la comparaison des crédits d'un exercice sur l'autre.

Je reviendrai seulement sur le nouveau programme budgétaire « forêt ». Avec 325 millions d'euros, les actions regroupées dans ce programme sont en recul de 6,5 %. On constate moins 4,5 % pour la gestion du patrimoine forestier public, moins 11 % pour la forêt privée, alors même que les conséquences des tempêtes de 1999 ne sont pas encore effacées, moins 8 % pour le développement économique de la filière forêt-bois, ce qui est particulièrement dommageable, à mon sens, à un moment où la hausse du coût des matières premières redonne tout son attrait au bois matériau de construction et au bois-énergie.

Monsieur le ministre, nous avons eu un débat, en commission, sur le taux de TVA applicable au bois-énergie. Pouvez-vous nous dire quelles sont les perspectives de voir cette énergie renouvelable bénéficier d'une fiscalité qui ne la désavantage pas par rapport aux autres sources d'énergie ?

Enfin, on constate une baisse de 2 % pour la prévention des risques et pour la protection de la forêt.

J'aurais pu formuler les mêmes observations s'agissant du volume du budget affecté aux CTE, devenus CAD, dont les crédits baissent de 9 %.

J'en viens maintenant au volet thématique de mon rapport pour avis : les réseaux de découverte de l'espace rural. Je ne vous présenterai qu'un résumé, vous renvoyant à mon rapport pour les éléments factuels.

Nous assistons à un véritable renouvellement de l'utilisation collective de l'espace naturel comme espace récréatif et de loisir. Naturellement, et c'est un préalable, l'espace rural ne peut pas être dissocié de l'activité agricole, qui en reste le moteur de développement. Mais l'essor rapide des activités non productives est aujourd'hui une caractéristique de l'espace rural.

Je rappellerai deux chiffres.

D'abord, on compte 800 000 kilomètres de chemins et sentiers, dont 180 000 sont balisés.

Ensuite, la part de l'espace rural, en termes de consommation touristique, représente environ 20 milliards d'euros, c'est-à-dire environ 20 % de la consommation touristique en France.

Une partie du développement de ces activités repose bien évidemment sur les collectivités territoriales, notamment sur les communes rurales, en particulier celles de montagne.

La solidarité nationale envers les collectivités les moins favorisées doit donc jouer afin de leur permettre d'entretenir au mieux ce patrimoine naturel. A ce titre, la réforme de la DGF, portée par le présent projet de loi de finances, constitue une évolution positive, qu'il faut souligner ou plutôt un premier pas, parce qu'il faudra encore d'autres mesures de ce type pour que les communes rurales, notamment celles de montagne, voient financièrement reconnue leur contribution aux loisirs des urbains et à l'équilibre du territoire national.

Telles sont les réflexions rapides que je voulais faire. En dépit de la position que j'avais exprimée à titre personnel, la commission des affaires économiques s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits du développement rural. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis.

M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les résultats enregistrés en 2003 par les industries agroalimentaires, les IAA, font état d'une stagnation globale.

Ainsi, l'indice de production n'a que peu évolué, plus 0,2 %, tout comme le chiffre d'affaires plus 0,4 %, l'emploi salarié plus 0,2 %, les prix plus 0,9 %, la consommation des ménages moins 0,3 % ou encore le solde du commerce extérieur plus 0,6 %.

Certes, cette stagnation doit être replacée dans le contexte plus général d'une croissance économique limitée et d'une situation très difficile de l'industrie manufacturière en général, dont presque tous les indicateurs, précédemment évoqués, sont négatifs.

Mais, plus que cette conjoncture incertaine pour le secteur des industries agroalimentaires, ce sont les handicaps structurels continuant de l'affecter qui peuvent aujourd'hui inquiéter : recul des parts de marché à l'international, caractère à la fois très concentré et très dispersé du tissu industriel, difficultés de recrutement, conflit dans la répartition de la valeur ajoutée avec la grande distribution, faiblesse des efforts de recherche ou encore insuffisance du dispositif de promotion des produits.

Chacun sait quelles sont les contraintes budgétaires du Gouvernement. Mais le montant et la répartition des crédits destinés, dans le projet de loi de finances pour 2005, aux industries agroalimentaires ne semblent pas de nature à leur apporter le soutien qu'elles requièrent.

Certes, on ne peut que se réjouir de l'augmentation importante des dotations affectées à la recherche. Le secteur des industries agroalimentaires se caractérise, en effet, par la faiblesse des dépenses de recherche, car il comprend un très grand nombre de petites et moyennes entreprises.

On relèvera par ailleurs la quasi-reconduction des crédits destinés à la promotion des produits agricoles et alimentaires et à la politique de sécurité sanitaire, que l'on pourra juger satisfaisante ou insuffisante.

Mais, comment ne pas s'alarmer de la baisse notable des crédits consacrés à la politique de qualité, moins 4,7 %, et à la politique industrielle, moins 10,5 % ? Dans un contexte de concurrence accrue au plan international, où les parts de marché de notre pays ne cessent de s'éroder - je pense en particulier au secteur de la viticulture -, il semble nécessaire de soutenir notre industrie agroalimentaire afin de la maintenir à la place qui doit lui revenir, c'est-à-dire rien moins que la première !

Par ailleurs, au-delà des seules évolutions budgétaires, je souhaite saisir l'occasion de cette discussion pour évoquer deux thèmes qui ont été approfondis lors des travaux préparatoires du présent rapport pour avis.

Le premier porte sur l'implication des industries agroalimentaires dans les questions liées à la nutrition et à l'équilibre alimentaire. Les thèmes de la « malbouffe » et de l'obésité, de plus en plus médiatisés, sont également de plus en plus souvent associés et les industries agroalimentaires sont soupçonnées d'avoir une grande part de responsabilité. Afin d'y remédier, le Gouvernement a lancé un vaste programme, le « plan national nutrition-santé », tandis que les industries agroalimentaires ont pris neuf engagements de « bonne conduite » envers tant les professionnels que les consommateurs.

Pouvez-vous donc nous préciser, monsieur le ministre, quel degré de responsabilité vous attribuez aux industries agroalimentaires en la matière et quelles seront, en 2005, les priorités de votre ministère pour les encourager à prévenir à la fois la surnutrition et la malnutrition ?

Le second thème que nous avons approfondi a trait aux biocarburants. S'ils ne représentent que 1 % environ de la consommation nationale de carburants, leurs indéniables atouts, en termes tant environnementaux qu'économiques, devraient favoriser leur développement. Notre commission se préoccupe tout particulièrement de leur évolution. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles actions concrètes vous entendez mener à cet effet dans le cadre du plan national annoncé récemment par M. le Premier ministre ?

Je terminerai mon propos en vous souhaitant à mon tour, monsieur le ministre, au-delà des divergences politiques et des différences d'approche que vos nouvelles fonctions induisent, la bienvenue dans cet hémicycle. Le secteur des industries agroalimentaires est un élément vital tant pour notre économie et nos emplois que pour le rayonnement de notre pays à travers le monde. Aussi je souhaite très sincèrement que vous ayez à coeur de le défendre et d'en assurer la promotion. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen des crédits de l'enseignement agricole est l'occasion pour moi, dans le bref laps de temps dont je dispose, d'insister sur l'apport original et spécifique de cette filière à la réussite de notre système de formation.

Alors que le budget de l'agriculture recule de 1,8 %, les crédits inscrits au titre de l'enseignement technique, de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles, qui représentent près du quart de ce budget, font l'objet d'un effort notable, qui marque un signal encourageant.

Toutefois, les besoins de rattrapage restent importants. Aussi, me suis-je attachée, dans mon rapport, à pointer certains sujets d'inquiétude, tout en saluant le volontarisme mis en oeuvre par le Gouvernement pour insuffler une dynamique nouvelle à la hauteur de la qualité des formations dispensées.

Cette ambition se traduit par d'importantes avancées.

Tout d'abord, le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole figure au rang des quatre priorités du budget de l'agriculture pour 2005. Les subventions d'investissement à la recherche progressent de près de 30 %. En outre, la concrétisation du projet de réorganisation de l'enseignement supérieur agricole en six « pôles régionaux de compétences », présenté le 17 mai dernier, répond de façon positive à la nécessité de faciliter la lisibilité et donc l'attractivité de l'enseignement supérieur agricole au plan national et international. Cela me semble primordial pour l'adapter au défi de la concurrence au sein de l'espace européen de l'enseignement supérieur.

Par ailleurs, je tiens à saluer les progrès réalisés pour améliorer la transparence du financement des établissements d'enseignement technique privés et pour repartir sur des bases assainies. En effet, la situation était devenue urgente face aux besoins importants de rattrapage et d'actualisation des subventions versées par l'État à ces établissements, conséquence de la non-application des « lois Rocard », de 1984.

Après la conclusion d'un accord, en 2003, avec les fédérations du « temps plein », un grand pas a été franchi, cette année encore, par la signature d'un protocole d'accord avec les fédérations « du rythme approprié », qui regroupent notamment les Maisons familiales rurales.

De fait, le projet de budget pour 2005 traduit la volonté du ministère de tenir les engagements pris, avec l'inscription de 14 millions d'euros supplémentaires destinés au financement des établissements techniques privés. En outre, comme cela avait été annoncé, 20 millions d'euros sont inscrits à ce titre au projet de loi de finances rectificative pour 2004.

Toutefois, ces avancées ne doivent pas nous détourner de préoccupations sur lesquelles je tiens, cette année encore, à insister.

Il s'agit tout d'abord des crédits d'aide sociale, qui font l'objet d'une mesure de réduction de 2 millions d'euros : cumulée à des reports de charge, elle compromet la capacité de l'Etat d'honorer le versement des bourses en fin d'année, au moment où les charges supportées par les familles sont le plus lourdes. En outre, les aides aux stages et à l'achat des manuels scolaires ne sont plus versées, et ce pour la deuxième année consécutive. Cela est d'autant plus préjudiciable que ce sont, bien entendu, les familles les plus modestes qui sont touchées.

Bien que réservée sur ce point, je partage votre souhait, monsieur le ministre, de voir, dans le cadre de la LOLF, l'inscription du programme « Enseignement technique agricole » au sein de la mission « Enseignement scolaire » permettre de tendre vers un alignement avec l'éducation nationale en la matière.

Par ailleurs, je m'inquiète de l'état très dégradé du patrimoine immobilier de l'enseignement supérieur agricole.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Eh oui !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Je soutiens néanmoins les réponses que votre ministère tente d'apporter à ce problème en encourageant la cession des exploitations annexes ou l'installation dans des locaux neufs, moins coûteux à l'entretien.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur l'application de ces mesures, alors que les besoins de mise aux normes de sécurité de certains bâtiments, tels ceux de l'INA de Paris-Grignon ou ceux de l'Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort, sont urgents ? Je souligne également que 5 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits au collectif budgétaire pour 2004.

Enfin, je salue dans mon rapport la capacité d'adaptation dont sait faire preuve l'enseignement agricole quand il s'agit de suivre les mutations du monde agricole et de répondre à des enjeux nouveaux. A ce titre, le quatrième schéma prévisionnel national des formations, nouvelle « feuille de route » de l'enseignement agricole pour la période 2005-2009, incite à intégrer dans les programmes les thèmes liés à la nutrition et à la santé.

J'attirerai toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur une nouvelle formation d'ingénieur dispensée depuis 2001 à l'Institut supérieur d'agriculture de Beauvais. Cette filière, baptisée « Agrosanté », répond à des attentes fortes en matière de sécurité sanitaire et de lien entre l'alimentation et la santé. Or, en raison de moyens insuffisants, elle ne peut toujours pas, cette année encore, bénéficier d'un financement public. Qu'en sera-t-il pour les années à venir ?

Telles sont les principales remarques que je souhaitais formuler à l'issue de l'examen des crédits de l'enseignement agricole pour 2005.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aurais souhaité en cet instant reprendre mot pour mot les propos que vous avez tenus lors de votre visite dans le département de la Marne, le 2 septembre dernier. Le temps m'est compté, mais je sais votre sincérité et votre détermination. Vous l'avez dit, et nous vous croyons, « ensemble, nous allons gagner le pari de l'avenir  ». La commission des affaires culturelles a donc donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, 2005 sera l'ultime année précédant la mise en oeuvre intégrale, le 1er janvier 2006, de la réforme de la politique agricole commune, actée l'année dernière à Luxembourg.

Cette réforme suscite, comme toujours lorsque l'on se dirige vers l'inconnu, de l'espoir chez certains, mais aussi une inquiétude, au demeurant légitime, chez d'autres.

Je souhaite donc rappeler combien notre pays doit à l'Europe dans le domaine agricole. Je voudrais également souligner que cette réforme peut être positive pour notre agriculture, à condition toutefois que nous sachions l'appliquer avec suffisamment de souplesse.

L'Union européenne, on ne le dit pas assez, est devenue aujourd'hui un élément vital de notre agriculture. Je rappellerai simplement que le budget agricole de l'Union, une cinquantaine de milliards d'euros, représente environ la moitié du budget communautaire global. Or, a-t-on bien conscience, lorsque l'on critique l'Union, que la France bénéficie de près du quart de son budget agricole, ce qui fait de notre pays le premier bénéficiaire ? Sait-on que ces aides communautaires augmentent cette année de 300 millions d'euros et nous permettent de soutenir nos marchés agricoles, au titre du premier pilier, et de favoriser notre développement rural, au titre du deuxième pilier ?

Si notre pays bénéficie aujourd'hui à ce point de transferts communautaires, l'action menée par Hervé Gaymard auprès des institutions européennes, en sa qualité de ministre de l'agriculture, y est pour beaucoup. Je tiens ici à lui rendre très solennellement hommage, tant son implication dans les négociations de Luxembourg, au côté du Président de la République, a été déterminante.

Grâce à sa fermeté, la France conserve des perspectives stables et certaines jusqu'à l'horizon 2013. Ainsi, l'enveloppe budgétaire qui lui est allouée restera inchangée, et ce malgré la récente adhésion de dix nouveaux Etats membres.

Par ailleurs, la politique agricole commune voit ses outils essentiels préservés : les instruments de régulation des marchés, qui sont vitaux dans un secteur aussi cyclique que l'agriculture, seront maintenus et, à la demande insistante du ministre sortant, des mécanismes essentiels pour notre agriculture, tels les quotas laitiers ou la prime à la vache allaitante, sont pérennisés.

Mais la nouvelle politique agricole commune ne doit pas seulement être perçue de façon défensive. Plutôt que d'énumérer les désagréments qu'elle nous épargne, il me paraît important d'insister sur toutes les perspectives que, in fine, elle ouvre.

Tout d'abord, le système de découplage des aides permet à l'Union européenne d'adopter une posture offensive dans les négociations internationales, comme cela a été le cas cet été à Genève. Ce type d'aides y relève en effet de la « boîte verte », catégorie de mesures autorisées dans le cadre de l'OMC.

Ensuite, le principe de conditionnalité des aides, dont la France assurera le respect dès l'année prochaine, garantira un plus grand respect de l'environnement. Cela ne pourra que contribuer à valoriser l'image du monde agricole auprès de l'opinion publique.

Enfin, le volet « développement rural », dit du deuxième pilier, sera renforcé et apportera à terme 270 millions d'euros à la France pour renforcer l'équilibre et l'attractivité de ses campagnes.

Si les principes de la politique agricole commune réformée sont donc avantageux pour notre pays, encore faut-il que leurs modalités d'application soient satisfaisantes. Deux éléments seront ici déterminants.

Il faudra, en premier lieu, faire les bons choix dans les options de découplage, que ce soit dans le calendrier, dans le type de découplage ou dans le transfert des droits. Si l'on en croit les premières projections, les choix opérés par le Gouvernement permettront de préserver nos filières tout en tenant compte de leurs spécificités.

Il faudra, en second lieu, que l'administration fasse preuve d'une souplesse suffisante dans la mise en oeuvre de cette réglementation. J'y insiste, monsieur le ministre, car de très nombreuses voix, au sein de la commission des affaires économiques et du Plan, se sont fait l'écho du désarroi des agriculteurs devant le maquis législatif et réglementaire que constitue aujourd'hui la gestion des droits à paiement. A également été stigmatisée la rigueur excessive avec laquelle l'administration déconcentrée exerce le contrôle des exploitants. Ce phénomène complique l'activité de nos agriculteurs et peut même décourager certains de s'installer ou de continuer d'exploiter ; il a surtout le tort de les dresser contre les institutions et la réglementation européennes, qu'ils perçoivent comme la source de tous leurs maux.

Je soulignerai, pour conclure, que l'élaboration et l'examen du projet de loi de modernisation agricole, qui aura pour vocation d'adapter notre législation à la dernière réforme de la politique agricole commune, devront être l'occasion de débattre de la simplification du cadre réglementaire quotidien des agriculteurs. Beaucoup reste à faire en ce domaine, mais je ne doute pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que tant les débats organisés en ce moment à l'échelon local que le travail que la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat peut réaliser sur ce sujet pour vous aider permettent d'y contribuer de façon déterminante. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais me réjouir de l'omniprésence de M. Dominique Bussereau dans cette discussion budgétaire. (Sourires.)

Nous avons gardé un excellent souvenir de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances, et un souvenir ému de cette journée du lundi 29 novembre qui a vu la discussion commencer avec le secrétaire d'Etat au budget et se poursuivre avec le ministre de l'agriculture. Nous vous retrouvons donc aujourd'hui, monsieur le ministre, et je réitère les voeux que nous avions, dès l'annonce de votre nomination, formés pour vous.

Permettez-moi, monsieur le président, d'informer les membres de la commission des finances que celle-ci se réunira immédiatement après la suspension de nos travaux de ce matin.

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 101 minutes ;

Groupe socialiste, 61 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 27 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes.

Mes chers collègues, je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. « Budget en baisse », « budget globalement reconduit » ou, plus récemment, « budget équilibré et volontariste » : tels sont les commentaires que l'on a pu lire ou entendre sur le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre.

Etant entendu que le budget lui-même ne retrace pas, et de loin, l'ensemble des aides publiques à l'agriculture, je n'insisterai pas davantage sur les chiffres.

Avec la réforme de la PAC et les négociations de l'OMC, Gérard César l'a rappelé, ce projet de budget s'inscrit dans un contexte difficile, tant national qu'international.

Grâce à la PAC, relevait récemment le Président de la République en déplacement dans le Cantal, « une grande partie de nos territoires ruraux ont échappé au dépérissement et parfois à la désertification ». Et le Président de poursuivre : « Les défis d'aujourd'hui, ce sont d'abord ceux du commerce mondial et de la réforme de la politique agricole commune. [...] Le temps nécessaire pour préparer l'avenir, nous nous le sommes donné. J'ai fait en sorte que le montant des crédits pour financer les aides de la PAC soit stabilisé jusqu'en 2013. Cela n'a pas été une bataille facile. » Certes !

Les responsables agricoles que j'ai pu entendre hier, à l'assemblée générale de la chambre d'agriculture, prennent acte de l'accord de Luxembourg. Leurs inquiétudes ne sont pas levées pour autant. L'une de leurs demandes porte sur les règlements d'éco-conditionnalité et leur contrôle, dont ils souhaitent une mise en place très progressive.

Il est bien d'autres craintes et appréhensions face à l'OMC et à l'évolution de la PAC. Mais je veux souligner les efforts que font sur le terrain les responsables du secteur agricole, efforts d'explication et même de dédramatisation.

« La réforme de la PAC ne saurait déboucher sur une remise en cause des ambitions agricoles de la France et de l'Europe », avait également souligné le Président de la République. Encore faudra-t-il veiller, me semble-t-il, à ce que la marge de manoeuvre dont dispose chaque pays pour l'application de la réforme ne conduise pas à des distorsions de concurrence entre producteurs.

Nous devons compter sur la détermination du Gouvernement « pour que le développement des échanges ne se fasse ni au détriment des garanties sanitaires, naturellement, ni au préjudice des pays les plus pauvres », poursuivait le Président de la République.

Nous comptons donc sur vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat !

Quant au projet de budget lui-même, il faut saluer les éléments positifs qu'il comporte : rénovation des bâtiments d'élevage, effort en faveur de l'enseignement, politique de qualité sanitaire et lancement de l'assurance récolte.

Sur ce dernier point, qui est important, j'ai enregistré des demandes d'amélioration du dispositif : subventions de l'Etat pour réduire les primes, couverture des risques sur les fourrages, etc. Mais j'ai bien entendu les propos du rapporteur spécial, Joël Bourdin, sur cette question.

Cependant, il y a aussi des ombres au tableau de ce projet de budget. Il en va ainsi de la réduction des crédits de gestion de crise, du fonds d'allégement des charges ou encore de l'aide aux agriculteurs en difficulté. Au cours de l'assemblée générale que j'ai évoquée à l'instant, des propos très virulents ont été tenus concernant l'allégement des charges, qui fait l'objet de vigoureuses réclamations.

On peut également citer la dotation aux jeunes agriculteurs, même s'il faut signaler la simplification qu'elle connaît, et la pénalisation dont souffrent les jeunes agriculteurs ainsi que les petites exploitations qui veulent s'agrandir, du fait du plafonnement à 110 % du montant de l'indemnité compensatoire des handicaps naturels versée l'année précédente.

Alors, peut-on rêver au déplafonnement ? En tout cas, il est souhaité.

Ne pourrait-on, dès la campagne 2005, faire bénéficier de l'indemnité compensatoire les éleveurs laitiers en zone de piémont ? Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est, là encore, une demande des agriculteurs de mon département, et même de toute une région, que je fais remonter jusqu'à vous !

Je veux également me faire l'écho d'une demande de la chambre d'agriculture : celle-ci voudrait que les crédits de l'Etat affectés à des missions d'intérêt général, telle l'identification pérenne généralisée, l'IPG, soient préalablement connus de manière à faciliter l'élaboration du budget.

J'en viens au volet social de la politique agricole.

Le fonds de financement des prestations sociales agricoles suscite de l'inquiétude. A mes yeux, l'essentiel est qu'il n'y ait aucune réduction des prestations. Du reste, il ne saurait y en avoir !

Je ne rappellerai pas les avancées qui ont été obtenues sur les retraites. Un problème demeure, et pas seulement dans notre département : celui de la préretraite des conjoints. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, satisfaction ayant été récemment donnée à une demande que mon collègue Bernard Murat et moi-même avions faite concernant les quotas, je garde espoir d'obtenir, pour 2005, une réponse aussi satisfaisante de votre part dans ce domaine.

En conclusion, le moins que l'on puisse dire est que l'agriculture est en phase de mutation. Les agriculteurs veulent y voir clair, à la fois pour leur avenir - ils nous l'ont dit et répété - et leur place dans la société. Tel est bien, me semble-t-il, le but du débat national « Agriculture, territoires et société », destiné à préparer le projet de loi de modernisation agricole.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes en charge de toutes ces questions ; je sais que nous pouvons compter sur votre talent et tout autant - peut-être plus encore - sur votre détermination. Cette confiance se traduira, de la part de la majorité du groupe du RDSE, par l'adoption de votre budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, 4,89 milliards d'euros ne font pas de ce budget en baisse pour 2005 un document apte à répondre aux fortes inquiétudes des agriculteurs français. Il ne les prépare pas aux défis auxquels ils devront faire face dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune.

Est-ce un budget de transition, en attendant la future loi de modernisation, censée donner une ligne directrice pour les vingt ans à venir ? Aujourd'hui, ce n'est pas clair.

Il est vrai que ce budget ne reflète pas les versements de l'Union européenne à la France en matière agricole, versements qui représentent environ 10,5 milliards d'euros en provenance du FEOGA-garantie.

Il est primordial, en tout cas, de ne pas se tromper dans nos choix fondamentaux. L'Union européenne a proposé deux objectifs : la multifonctionnalité et la compétitivité de l'agriculture, avec, en arrière-plan, la volonté de renforcer ses marges de manoeuvre dans la négociation au sein de l'OMC.

Le maintien des revenus agricoles a, jusqu'ici, été assuré au prix de l'augmentation de la productivité, de l'agrandissement des unités de production, de l'intensification et de la diversification. Peut-on encore longtemps aller dans ce sens ?

Comment adapter notre modèle d'agriculture face à la montée en puissance des dix nouveaux pays de l'Union ?

Chacun de mes collègues évoquera un aspect précis de ce que vous proposez aux agriculteurs : les anciens contrats territoriaux d'exploitation, CTE, et les nouveaux contrats d'agriculture durable, CAD, la politique de la montagne, l'élevage, la pêche, l'hydraulique, l'enseignement agricole, les retraites, etc. Tous ces thèmes seront abordés, sans oublier, bien sûr, la viticulture, qui se trouve dans une situation délicate.

Pour ma part, je constate que ce budget est cohérent avec le contexte général de morosité. Son niveau en baisse confirme que l'agriculture n'est plus une priorité d'Etat.

M. Dominique Bussereau, ministre. Ce n'est pas une question de crédits !

M. Jean-Marc Pastor. L'aménagement du territoire semble, petit à petit, laisser place à une politique marquée par une évolution dans laquelle compétitivité ne rime pas forcément avec maintien sur le territoire.

Le « jaune » retraçant les crédits affectés à l'aménagement du territoire fait d'ailleurs apparaître une baisse significative, de 67 millions d'euros, de la contribution du ministère de l'agriculture, notamment en termes d'amélioration des structures agricoles, d'aménagement de l'espace. Autant dire que ceux qui croient encore en des exploitations à taille humaine sur des territoires défavorisés difficiles à exploiter risquent de perdre leurs dernières illusions !

Ce n'est pas notre conception ; celle-ci, nous l'avions exprimée à l'occasion du débat sur la loi d'orientation agricole, qui avait défini des objectifs de multifonctionnalité, de qualité d'installation, de manière qu'il y ait autant d'agriculteurs que possible sur tous les terroirs.

Or, dans votre budget, monsieur le ministre, même si ce n'est pas vous qui l'avez préparé, les installations ne semblent pas être un objectif prioritaire, comme si, par delà les paroles lénifiantes, le Gouvernement s'était fait une raison. Il ne faut pas faiblir un seul instant sur cette politique volontariste !

Les indemnités compensatoires de handicaps naturels, quant à elles, n'ont pas fait l'objet de la revalorisation attendue. Y aura-t-il augmentation de 50 % au moins en loi de finances rectificative ? Il appartient à votre prédécesseur, à son nouveau poste, de tenir l'engagement qu'il avait pris voilà un an ici même. Pouvez-vous, monsieur le ministre, le lui rappeler ?

Jusqu'à présent, la politique agricole trouvait son équilibre dans une ventilation complémentaire entre un soutien au produit et un soutien au producteur, à l'homme. C'était le cadre de notre agriculture, essentiellement familiale. Malheureusement, les orientations que semble donner votre budget sont, à nouveau, en rupture avec cet équilibre et vont certainement faire disparaître encore de nouveaux agriculteurs.

Une fois de plus, les CAD, ex-CTE, mobilisent peu d'efforts de la part du Gouvernement, alors qu'ils correspondent à des outils pleinement en phase avec la PAC en ce qui concerne la multifonctionnalité et la conciliation de la valorisation économique et écologique. La baisse de la dotation de 10 %, en contradiction avec les paroles prononcées, est éloquente !

Le manque d'intérêt vis-à-vis de la mesure est, à mon sens préjudiciable, à terme, à notre agriculture, qui est certainement en train de perdre la chance qui lui était donnée. Ce lien nécessaire, cet engagement, ce contrat entre la société et l'agriculture, est maintenant négligé. C'était le seul rempart pour protéger le monde agricole face à un marché déstabilisé par l'abus de position dominante de quelques grands distributeurs que vous semblez protéger. Que comptez-vous faire pour maîtriser la pression exercée par la grande distribution ?

Les crédits Agridif et ceux du fonds d'allégement des charges, le FAC, marquent un très net décrochement par rapport aux années précédentes : pour le FAC, 2,4 millions d'euros, contre près de 22 millions d'euros en 2004 - c'est une quasi-suppression ! -  et 5 millions d'euros, soit deux fois moins qu'en 2004, pour la ligne Agridif.

Les moyens des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, sont en « chute libre », selon les propres termes du président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, l'APCA. Quid des installations qu'elles favorisent en permettant l'accès au foncier ?

Je veux également mentionner un recul de l'hydraulique, dont l'enveloppe ne permettra certainement pas à l'Etat de respecter les contrats de plan Etat-région ; elle rendra même impossible l'entretien des réseaux existants. Cette baisse serait-elle le pendant du lancement de l'assurance récolte ?

Monsieur le ministre, nous prenons acte des mesures relatives aux bâtiments d'élevage que contient ce budget. Le fonds unique est a priori une bonne chose. Sera-t-il suffisant, compte tenu de la conditionnalité de certaines aides PAC intégrant la mise aux normes ? Les filières, la forêt, etc. ont également des crédits en baisse, et cela nous inquiète.

Enfin, nous avons tous noté le remplacement du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, par le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, fonds qui est déjà en déficit. Un de mes collègues y reviendra.

Oui, monsieur le ministre, vous venez d'ouvrir la porte d'un ministère difficile, en proie aujourd'hui à une certaine tristesse. Un sentiment de morosité plane sur tout le monde agricole.

Dans ce contexte déprimé, votre projet de budget, mais aussi le niveau de réaction de la profession sur le plan national, finalement soucieuse de canaliser les préoccupations et d'éviter les débordements, sont complètement déconnectés des réactions que nous retrouvons localement.

Quel dessein et quel espoir ambitionnez-vous de donner aux agriculteurs, monsieur le ministre ?

Cette question, évoquée surtout dans les zones d'élevage, va au delà du problème du revenu : c'est clairement la notion de qualité de vie qui est aujourd'hui en jeu pour l'éleveur et sa famille.

Alors qu'ils ont tant d'attentes à cet égard, les agriculteurs ont le sentiment qu'on ne leur propose rien, du vide, voire que l'essentiel des missions dévolues à l'administration et aux représentants déconcentrés de l'Etat est consacré au contrôle, parfois même au « flicage », pour reprendre un terme que j'ai déjà entendu.

Monsieur le ministre, donnez un autre sens à votre administration locale ! Pour une administration plus positive, plus dynamique, tournée vers l'accompagnement et le soutien.

Je dirai, en conclusion, qu'il découle du découplage, même partiel, que les marchés devront rétribuer l'acte agricole et que les soutiens publics seront de plus en plus destinés à rémunérer les services non marchands que l'agriculture rend à notre société.

Avec ce budget, vous nous proposez, en fait, une baisse des aides économiques correspondant au premier pilier, mais sans soutien suffisant du volet aménagement et multifonctionnalité. En cela, ce budget n'est pas cohérent et sa légitimité est discutable. C'est pourquoi notre groupe ne le votera pas. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le ministre, je vais peut-être vous étonner, mais je ne vous parlerai pas d'argent ! (Sourires.)

M. Dominique Bussereau, ministre. Cela va me changer ! (Nouveaux sourires.)

M. Dominique Mortemousque. C'est pour une raison simple : Gérard César a fait, ce matin, un tour d'horizon assez complet de la situation de l'agriculture et des perspectives d'avenir. Je partage pleinement son analyse et, suivant ses conclusions, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à ce budget, que, naturellement, je voterai.

De plus, le président de la commission, Jean-Paul Emorine, a complété ce tour d'horizon en précisant bien ce qui nous interpelle pour l'avenir.

J'ai écouté ce que vient de dire mon collègue Jean-Marc Pastor sur la politique d'installation des jeunes agriculteurs. Pour moi, la meilleure politique dans ce domaine consiste à permettre à ceux qui exercent le métier d'agriculteur - je parle en connaissance de cause puisque je suis moi-même un paysan - de le faire dans la quiétude et la sérénité.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes aujourd'hui devant une situation quelque peu paradoxale. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, a travaillé très durement, avec Nicolas Forissier, au niveau européen pour permettre à la France d'obtenir une ligne budgétaire garantie sur plus de dix ans.

Mais il convient aujourd'hui de rétablir la confiance chez les agriculteurs.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Dominique Mortemousque. C'est, dans l'immédiat, le problème qui se pose à vous, qui avez désormais la charge de ce ministère.

Je vous propose trois ordres d'actions pour tenter de remédier à une situation pour le moins gênante au sein du monde agricole.

Premièrement, la « conditionnalité » des aides - pour employer le jargon actuel - reposant sur l'obligation de mise aux normes des exploitations, il convient d'accorder des délais suffisamment souples aux agriculteurs pour permettre à ceux qui le souhaitent d'adapter les bâtiments d'élevage, sans que « s'essoufflent » ceux qui, par prudence, ne veulent pas trop s'endetter, ce que je comprends.

Il convient également de penser à ceux qui sont proches de l'âge de la retraite et qui aimeraient terminer leur parcours sans remettre tout en question.

Je sais que ces problèmes ont été évoqués à Bruxelles, à l'occasion des nombreux va-et-vient, mais nous avons besoin de réponses claires et pratiques en la matière.

Ma deuxième proposition porte sur les dossiers. Il convient de les simplifier, afin de rendre la procédure la plus limpide possible. Je sais qu'il est plus aisé de le dire que de le faire, mais il est important de faciliter l'élaboration de ces dossiers, sans lesquels les agriculteurs ne peuvent obtenir les aides indispensables. Si nous n'aidons pas les ayants droit à remplir ces dossiers, nous aurons des catastrophes, car ils ont besoin de cette trésorerie.

Pour ma troisième et dernière proposition, je me ferai l'écho de mes collègues agriculteurs. Ils constatent que, plus le temps passe, moins ils sont nombreux, mais plus les structures techniques se multiplient à leurs côtés.

M. Charles Revet. C'est vrai !

M. Dominique Mortemousque. Ne pourrait-on pas identifier précisément ces différentes structures qui se sont accumulées autour des exploitants et les unifier, afin qu'elles apportent aux agriculteurs l'aide qui leur est nécessaire pour exercer ce métier noble qui est celui de producteur et de paysan. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Voilà, messieurs les ministres, les propositions que je souhaitais faire.

Je ne clôturerai pas mon propos sans dire un mot des retraités agricoles. Ils ne me le pardonneraient pas, d'autant que, vous le savez, leur président, M. Drapeyrou, est de mon département !

En son nom et au nom de tous les agriculteurs, je tiens à rendre hommage au Gouvernement pour tout le chemin qui a été parcouru : le financement des retraites est maintenant assuré et la mensualisation est mise en oeuvre. Les agriculteurs n'attendent plus désormais, sur ce sujet, qu'un calendrier précis soit établi, de façon que les dossiers des retraités qui ont été, pour l'instant, oubliés soient traités avant la fin de la législature. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon collègue Dominique Mortemousque a déjà introduit le sujet que je souhaite évoquer aujourd'hui puisque, une fois n'est pas coutume, je n'aborderai pas la question des biocarburants, même si le sujet me tient particulièrement à coeur. A cet égard, je forme simplement des voeux pour que la commission mixte paritaire puisse améliorer la rédaction des articles 16 bis et 16 ter telle qu'elle est ressortie de nos discussions.

J'évoquerai donc la question des retraites agricoles.

Les ressources tirées de la TVA et de la contribution sociale de solidarité, qui abondaient le BAPSA les années précédentes, ayant disparu, la seule recette perçue par l'Etat et affectée au financement des retraites agricoles reste une partie de la taxe sur les tabacs. Or, nous le savons, cette taxe connaît une forte diminution de son rendement. Il faut sans aucun doute s'en féliciter sur le plan de la santé publique, mais cette situation pose des problèmes, notamment au regard du financement des retraites agricoles. Aujourd'hui, le FFIPSA, qui a remplacé le BAPSA, affiche donc déjà un déficit de 1,5 milliard d'euros !

Monsieur le ministre, il y a moins d'un mois, votre prédécesseur déclarait devant l'Assemblée nationale : « Le budget social agricole doit avoir un financement pérenne. » Je partage bien évidemment cet avis, mais je constate que, malheureusement, tout n'a pas été fait, jusqu'à présent, pour aller dans ce sens.

Par conséquent, je vous pose la question : quelles pistes envisagez-vous pour assurer ce financement pérenne ? Le prochain projet de loi de modernisation et d'orientation agricole actuellement en préparation ne pourrait-t-il pas être l'occasion de régler durablement ce problème ?

En ce qui concerne la retraite des non-salariés agricoles, l'adoption de la loi du 4 mars 2002, qui crée un régime complémentaire obligatoire, a constitué sans aucun doute une avancée majeure, notamment en ce qu'elle instaure un minimum de retraite à hauteur de 75 % du SMIC. Je rappelle au passage que, en juillet 2003, lors de l'examen de la réforme du régime général des retraites, nous avons voté une disposition élevant le montant minimum des pensions, pour tous les salariés, à hauteur de 85 % du SMIC.

Quoi qu'il en soit, les diverses mesures mises en oeuvre ces dernières années pour améliorer le sort des quelque 2 millions de retraités agricoles non-salariés n'ont, en réalité, bénéficié qu'à la moitié d'entre eux. En effet, le plancher de 75 % ne concernant que les exploitants ayant fait une carrière complète, nombreux sont les laissés-pour-compte, en particulier parce que de nombreux exploitants agricoles ont commencé par être aides familiaux sans être déclarés.

La baisse démographique de ce régime de retraite, qui enregistre environ 90 000 décès pour 40 000 nouveaux entrants chaque année, ne pourrait-elle pas fournir l'occasion d'une accélération du règlement de ce dossier, par exemple en réaffectant les sommes dégagées du fait de l'évolution démographique, soit environ 270 millions d'euros, à une augmentation des pensions de ces laissés-pour-compte ?

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. Yves Détraigne. Telles sont, monsieur le ministre, les questions que je souhaitais vous poser. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, le ministère dont vous venez de prendre la charge est l'un des plus importants de notre pays, par tout ce qu'il représente dans notre société : l'emploi agricole, para-agricole et agroalimentaire ; l'alimentation humaine et animale ; l'énergie, les paysages, le cadre de vie, l'environnement. En un mot, il est le « coeur » de la ruralité, au sens large du terme.

Je vous adresse donc mes voeux de plein succès dans l'exaltante tâche qui vous attend.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Merci.

M. Gérard Le Cam. Pour en venir à votre projet de budget pour 2005, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture a dénoncé son extrême rigueur.

Or cette extrême rigueur, qui fait suite à la rigueur des années précédentes, ajoute au malaise d'une profession qui a besoin d'une vision claire pour l'avenir, de motivations, de perspectives, bref, qui a besoin d'être assurée de pouvoir vivre dignement de son travail et d'être reconnue.

En baisse de 1,8 %, s'établissant à 4,88 milliards d'euros, ce budget ne convainc personne et l'on sent bien que c'est uniquement par solidarité avec le Gouvernement que les membres de la majorité sénatoriale s'apprêtent à le voter. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Non !

M. Gérard Le Cam. Malgré tout, certains aménagements internes à ce budget permettent de dégager quatre priorités, qui sont naturellement financées par des économies réalisées dans d'autres domaines. Ces économies portent sur les crédits d'orientation des offices, les CAD, les bonifications, l'installation, le fonds d'allégement des charges et le dispositif de soutien aux agriculteurs en difficulté.

Les quatre priorités gouvernementales sont le lancement de l'assurance récolte, pour 10 millions d'euros, la création d'un fonds unique de modernisation des bâtiments d'élevage, pour 55 millions d'euros, l'engagement d'une politique phytosanitaire, pour 15 millions d'euros, et le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour 228 millions d'euros.

Ces priorités, toutes fort louables, sont attendues par la profession, mais les économies faites sur les secteurs que je viens de citer risquent fort de réduire sensiblement leur portée au regard du bénéfice global espéré par les agriculteurs.

L'assurance récolte peut être un excellent outil au service du monde agricole, tant les aléas climatiques pèsent lourd, notamment pour les viticulteurs et les producteurs de fruits et légumes. Encore faudra-t-il que l'Etat l'abonde suffisamment, que la contribution des agriculteurs soit mutualisée et que les remboursements soient plafonnés ; sinon, l'assurance récolte peut rapidement devenir un nouvel outil de sélection et de course à la concentration.

Par ailleurs, certaines calamités agricoles ne sont pas prises en compte par cette assurance, notamment, bien sûr, les crises sanitaires.

Cependant, monsieur le ministre, la pire des calamités agricoles, celle des prix et des relations avec la grande distribution, a besoin, non pas d'assurance, mais de décisions politiques et législatives courageuses ; j'y reviendrai tout à l'heure.

La création d'un fonds unique de modernisation des bâtiments d'élevage s'inscrit dans la stratégie du guichet unique, en lieu et place du CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, des services de l'Etat et des offices d'intervention. Une telle création peut être considérée comme une simplification d'accès aux aides, mais quel est, exactement, le « plus » financier qu'apporte le budget en comparaison du système précédent ?

Pourriez-vous également, monsieur le ministre, nous préciser les critères qui présideront à l'attribution de ces aides ? Seront-ils comparables à ceux du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, au titre duquel les aides sont attribuées en priorité aux exploitations les plus importantes, en attendant que les plus petites aient disparu ?

Parmi les quatre priorités du projet de budget, on ne peut que saluer la mise en place d'une politique phytosanitaire. Quant aux crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche, ma collègue Annie David les évoquera tout à l'heure.

Je voudrais, à présent, évoquer la gestion des crises.

Votre prédécesseur, M. Gaymard, a déclaré il y a quelques jours, devant la commission des affaires économiques et du Plan, qu'il s'agissait du « plus important combat à mener à Bruxelles dans les mois qui viennent ».

L'actuelle crise du chou-fleur en Bretagne est évocatrice : les pertes s'élèvent à 100 millions d'euros, ce qui représente une baisse de 30 % du chiffre d'affaires. Si la crise est, certes, liée à des conditions climatiques trop favorables, elle est amplifiée par l'importation de choux-fleurs de Pologne.

Au demeurant, cette crise n'est qu'un aperçu de ce qui nous attend demain, dans le cadre d'une Europe où la concurrence est libre et non faussée, où la circulation des biens, des capitaux, des services et des hommes se fait sans entrave ni régulation, dans le cadre d'une Europe qui, aux termes de l'article III-232 du projet de Constitution européenne, prévoit de taxer à l'exportation des produits aidés au sein de leur filière, afin de ne pas affecter la sacro-sainte libre concurrence !

En réalité, à lire le volet agricole du projet de Constitution européenne, l'objectif est de favoriser des importations à bas coût, pour faire pression sur les prix agricoles et les rémunérations, en libérant la concurrence intracommunautaire et extracommunautaire. A cet égard, l'unicité des prix des produits agricoles à l'intérieur de l'Union laisse la place à une « politique commune éventuelle des prix ».

A aucun moment, la Constitution européenne n'évoque le racket sur les producteurs organisé par les grandes et moyennes surfaces, les GMS, et son objectif louable d'« assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs » risque de s'appliquer uniquement au détriment des producteurs.

La politique agricole commune et l'instauration du découplage partiel ou total vont accentuer la désorganisation des filières et de la maîtrise des productions. Par conséquent, de nouveaux facteurs de crise apparaîtront, dans la mesure où de très nombreux agriculteurs français et communautaires vont se mettre à produire autre chose que ce sur quoi est assise leur rente de référence, les fameux droits à paiement unique.

La gestion des crises nécessite de s'attaquer, d'abord, aux causes plutôt qu'aux conséquences. Si nous ne sommes pas maîtres des aléas climatiques, nous devrions pouvoir maîtriser les productions et encourager des échanges mutuellement avantageux.

C'est pourtant le contraire qui se déroule sous nos yeux, avec l'OMC, qui joue au « Monopoly international » en cherchant à supprimer toutes les protections douanières et en incitant les Etats à troquer, pour des milliards de dollars, des services, des produits manufacturés, le tout souvent au détriment des productions agricoles.

Chaque crise fait disparaître les exploitations les plus fragiles, et le savoir-faire de milliers d'agriculteurs. Le présent projet de budget, qui prévoit de consacrer 68 millions d'euros à l'installation et 91 millions d'euros au départ et à la réinsertion professionnelle, témoigne d'une volonté inavouée de concentrer encore davantage l'agriculture.

Il serait nettement préférable d'utiliser de telles aides au maintien des exploitants qui souhaitent rester dans l'agriculture. En effet, l'expérience montre que, même s'ils sont beaucoup moins nombreux, les agriculteurs ne vivent pas mieux qu'avant. Il est donc urgent de rompre avec cette logique qui vide nos campagnes et fait grossir les rangs du chômage et de la précarité.

Quant aux mécanismes traditionnels utilisés en cas de crise, à savoir les reports de charges ou de cotisations sociales et les aides au stockage, ils retardent parfois la chute, mais s'avèrent très peu efficaces à long terme.

La crise laitière qui a affecté notre pays se solde également par une baisse du revenu des producteurs laitiers, au profit des transformateurs, qui accaparent la majeure partie de l'aide laitière instituée par la PAC, et au profit de la grande distribution.

Au-delà des conséquences traditionnelles des crises, ce sont les espaces herbagers et montagnards les plus écologiques qui risquent de disparaître, au profit de cultures industrielles ou de jachères.

L'agriculture, qui semble se rapprocher des « taquets » de la productivité, les a même souvent dépassés dans le cadre d'une agriculture durable. Aussi, se pose en grand, aujourd'hui, la question de la revalorisation des prix agricoles à la production.

A ce propos, monsieur le ministre, qu'est devenue la conférence sur les prix promise par le Gouvernement ?

Ces quarante dernières années, les prix alimentaires ont augmenté de 600 %, alors que les prix payés au producteur n'ont augmenté que de 200 %.

Il est urgent d'organiser une conférence nationale des prix agricoles, qui rassemble tous les acteurs, du producteur au consommateur, en passant par les syndicats, les transformateurs, la grande distribution et les commerçants.

Les textes en vigueur demeurent globalement inefficaces face aux GMS et aux centrales d'achat, qui font la pluie et le beau temps. Ni la loi Galland ni la loi relative aux nouvelles régulations économiques ne suffisent à stopper les pratiques scandaleuses des marges arrière et les marges bénéficiaires exorbitantes.

Monsieur le ministre, j'avais proposé, lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, d'instaurer annuellement, pour chaque produit agricole, un prix minimum au-dessous duquel la situation de crise serait reconnue, et un prix de référence permettant aux agriculteurs de vivre décemment, d'investir, afin de moderniser et de rendre pérenne leur outil de travail, à savoir la terre qu'ils transmettront, demain, à leurs enfants.

Ces deux prix pourraient servir de référence permanente à l'ensemble des acteurs, du producteur au consommateur, et faire grandir l'idée selon laquelle il est possible de mieux rémunérer le producteur sans pénaliser le consommateur.

Au demeurant, une réelle politique des prix et non des primes est-elle encore possible et imaginable dans une France, une Europe et une Organisation mondiale du commerce toutes libérales ?

Le récent refus de l'Assemblée nationale de constituer une commission d'enquête sur le niveau, la formation et les conséquences de l'évolution des prix ne laisse rien espérer de positif en ce domaine.

La voie des prix rémunérateurs, d'une agriculture diversifiée à dimension humaine, de la souveraineté alimentaire des pays, des échanges équilibrés et de la solidarité internationale, appelle une tout autre politique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, parce qu'elle structure la plupart de nos paysages et parce qu'elle occupe encore près de 900 000 actifs, l'agriculture, à l'évidence, est un secteur majeur dans notre pays.

Régulièrement confrontée à des crises, tantôt structurelles, tantôt conjoncturelles, l'agriculture connaît souvent de graves difficultés, qui plongent de nombreux exploitants dans l'incertitude économique et la détresse sociale.

Force est de constater que le présent budget ne répondra pas, monsieur le ministre, aux attentes du monde agricole.

Le report de 90 millions d'euros du budget de 2004 permet d'afficher une reconduction des crédits pour l'année prochaine. Si l'on soustrait ce report, le budget pour 2005 diminue en réalité de 1,8 %. Avec 4,88 milliards d'euros, l'agriculture est, visiblement, loin de constituer une priorité.

Certes, monsieur le ministre, votre budget ne représente qu'une partie des concours publics à ce secteur puisque les dépenses communautaires apportent actuellement environ 10 milliards d'euros supplémentaires.

Si les marges de manoeuvre demeurent faibles sur le plan intérieur, il n'en demeure pas moins que les agriculteurs souhaitent une politique nationale d'orientation volontariste, ouvrant des perspectives pour l'avenir.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, vous avez choisi, monsieur le ministre, de financer quatre priorités : le lancement de l'assurance récolte, la création d'un fonds unique de modernisation des bâtiments d'élevage, l'engagement d'une politique active dans le domaine phytosanitaire et le renforcement des crédits destinés à l'enseignement supérieur et à la recherche.

S'agissant de l'assurance récolte, on peut regretter, à l'heure actuelle, la timidité du dispositif, puisque seule une dotation de 10 millions d'euros est prévue pour 2005. Comme vous le savez, 240 millions d'euros seront nécessaires pour garantir sa montée en puissance. C'est d'ailleurs, grosso modo, ce que l'Espagne consacre à sa propre assurance récolte.

Les modalités de l'assurance multirisques et multicultures ne sont pas complètement définies aujourd'hui. Vous pourrez peut-être, monsieur le ministre, nous livrer des éléments issus des discussions que vous menez actuellement sur ce thème avec tous les acteurs concernés.

Quoi qu'il en soit, vous le savez, le monde agricole s'inquiète des propositions actuelles en ce qui concerne les taux de franchise, qui sont jugés particulièrement élevés, l'insuffisance de la subvention publique et le cantonnement du dispositif aux cultures de vente. A mon avis, l'assurance récolte ne devra constituer ni une aubaine pour les assureurs ni un mobile justifiant le désengagement de l'Etat. Ce produit devra être à la fois viable, équitable et accessible à l'ensemble des exploitants.

Parmi les priorités du budget de l'agriculture pour 2005 figure la politique phytosanitaire, qui reçoit un coup de pouce significatif. En effet, grâce à une dotation de 15,1 millions d'euros, les crédits destinés à prévenir les risques sanitaires et phytosanitaires augmentent de 8 % par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances pour 2004. Au regard des crises passées, il est effectivement impératif de multiplier les moyens destinés à protéger la santé des consommateurs et l'environnement.

Je voudrais toutefois souligner combien les décisions en la matière doivent être prises avec toute la mesure qui s'impose sur des questions déchaînant bien souvent les passions. J'espère d'ailleurs que les efforts financiers que vous consentez également en direction de la recherche contribueront à la réalisation d'études sincères pour évaluer les risques.

A ce titre, souvenons-nous de l'étude réalisée en 1999 et concluant à un taux de mortalité inhabituel du papillon monarque : incriminé, le maïs transgénique avait alors immédiatement été qualifié de « plante Frankenstein » !

Le débat plus récent sur l'utilisation du Régent et Gaucho appelle quelques remarques. A la suite de plusieurs décisions du Conseil d'Etat, votre prédécesseur, monsieur le ministre, a décidé de suspendre, pour la culture du maïs, l'usage de cet insecticide, soupçonné de décimer les abeilles. Depuis lors, une étude nationale des services vétérinaires semblerait démontrer que le lien entre ces produits et la mort inexpliquée des abeilles n'est pas du tout évident.

Pendant ce temps, la suspension des produits Régent et Gaucho entraîne des conséquences économiques graves pour les entreprises de traitement des semences. Afin de répondre aux nouvelles normes et réglementations, certaines d'entre elles se sont adaptées, au prix de forts investissements, tandis que d'autres ont dû arrêter brutalement une grosse partie de leur activité. A à ce jour, ces entreprises s'adressent aux élus pour leur demander ce qu'elles peuvent faire de leur stock de semences enrobées, sachant que d'autres pays, où de telles semences sont autorisées, en attendent l'importation.

Enfin, pour terminer, monsieur le ministre, je souhaite évoquer un sujet qui, comme à beaucoup d'autres de mes collègues, me tient à coeur et qui, en raison de la disparition du BAPSA, ne donnera plus lieu à un débat spécifique : je veux en effet revenir sur la question des retraites agricoles, qui a fait l'objet de nombreuses avancées sous la précédente législature et qui est, actuellement, au point mort.

La richesse de notre agriculture doit beaucoup aux actifs agricoles d'hier et, à ce titre, la solidarité nationale doit s'exercer de façon équitable envers eux. Il faudra bien, un jour, ouvrir le dossier du « décret Vasseur », qui minore la retraite des agriculteurs ayant cotisé moins de 37,5 années, et celui de l'uniformisation de la bonification de pension pour les personnes ayant élevé trois enfants. Il nous faudra aussi nous pencher très vite sur la question de l'accès à la retraite complémentaire des conjoints et aides familiaux, ainsi que sur celle, plus générale, d'une retraite de base pour tous, égale à 75 % du SMIC.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, derrière la qualité et la diversité de notre agriculture, il y a des milliers d'hommes et de femmes qui travaillent pour des revenus soumis à de nombreux aléas et dont le montant n'est pas toujours à la hauteur de leurs efforts. Aux agriculteurs d'hier et à ceux d'aujourd'hui, nous devons une politique agricole volontaire et porteuse d'espoir en l'avenir.

A mon tour, monsieur le ministre, je vous adresse tous mes voeux de succès dans l'exaltante et difficile mission qui est la vôtre ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Lejeune.

M. André Lejeune. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention mon collègue Jean-Marc Pastor, et je souscris pleinement, ce qui ne vous étonnera pas, à ses propos.

En effet, non seulement le budget de l'agriculture pour 2005 que vous nous présentez, monsieur le ministre, est en baisse pour la troisième année consécutive, mais surtout il ne répond ni aux attentes des exploitants agricoles ni à celles du monde rural dans son ensemble.

A un moment où l'inquiétude est grande dans les campagnes, qui voient, les unes après les autres, disparaître leurs services publics - je suis bien placé pour en parler ! -, où les dotations aux collectivités ne permettent pas de faire face aux nouvelles charges que leur impose la décentralisation, les orientations que vous proposez vont davantage encore fragiliser les zones rurales.

Ce budget est un mauvais budget, et je ne suis pas le seul à l'affirmer puisque les professionnels du monde agricole sont unanimes à le reconnaître.

Pour la FNSEA, ce budget montre « une nouvelle fois que l'agriculture n'est pas une priorité pour notre pays » ; pour les Jeunes agriculteurs, il « manque définitivement d'ambition pour faire face aux difficultés que connaît l'agriculture française » ; pour la Coordination rurale, « c'est un budget pour nourrir la machinerie administrative » ; pour la Confédération paysanne, son adoption « mettrait en danger l'avenir des campagnes françaises » ; enfin, pour le MODEF, il « n'anticipe pas la nécessaire réorientation de l'agriculture face à l'application dévastatrice de la réforme de la PAC décidée en 2003 ».

Compte tenu des nombreuses questions que se posent aujourd'hui les agriculteurs sur leur avenir, pensez-vous sincèrement, monsieur le ministre, que ce budget soit de nature à les rassurer et à les encourager ?

La population agricole vieillit et les installations sont de moins en moins nombreuses. Comment envisagez-vous de résoudre ce problème crucial pour nos départements ruraux, où les agriculteurs représentent une part importante de la population active ? Est-ce en réduisant, comme vous nous le proposez, la dotation aux jeunes agriculteurs de 5 millions d'euros et en amputant de 2 millions d'euros les crédits accordés aux SAFER, ce qui limiterait leur capacité d'intervention sur le marché foncier ?

En 2002, vous vous êtes empressé de supprimer les CTE, qui connaissaient un succès certain, pour les remplacer par les CAD, vers lesquels les agriculteurs ne se précipitent pas, qui ont été longs à mettre en place, et dont le nombre, aujourd'hui, stagne.

A la lumière de cette expérience, ne pensez-vous pas qu'il aurait mieux valu faire preuve d'un esprit moins partisan en conservant les CTE, quitte à en améliorer le dispositif ?

M. Gérard Delfau. Ça, c'est vrai !

M. André Lejeune. Etes-vous sincèrement convaincu du bien-fondé des CAD et avez-vous réellement confiance en leur avenir, puisque vous diminuez leurs crédits de 10 % ?

Comme l'avait justement reconnu la loi d'orientation agricole du 10 juillet 1999, la multifonctionnalité était un excellent moyen de relancer notre agriculture, en conciliant valorisation économique et respect de l'environnement.

Or, aujourd'hui, alors que les préoccupations environnementales sont de plus en plus importantes, vous ne considérez plus la multifonctionnalité comme une priorité !

Par ailleurs, en vertu d'économies budgétaires, vous diminuez de 6 % la dotation aux offices d'intervention agricole. Ne serait-il pas préférable de leur donner des moyens pour organiser la maîtrise et la répartition des productions, afin de permettre à toutes les régions, et en particulier aux régions défavorisées dont l'avenir en dépend, le développement de productions de qualité ?

Vous diminuez également les crédits relatifs à la valorisation de la production. Or celle-ci n'est-elle pas indispensable pour faire face à la concurrence mondiale ?

Par ailleurs, envisagez-vous de rétablir la ligne « restructuration des abattoirs publics » ?

Les catastrophes climatiques affectent l'agriculture de manière récurrente. Pourquoi, dès lors, faites-vous disparaître le principal outil de gestion des catastrophes, le fonds national des calamités agricoles, qui était un dispositif public financé par l'Etat et fortement redistributif ?

Vous le remplacez par l'assurance récolte, un dispositif privé subventionné, individualisé pour chaque exploitation et par culture, en fonction de l'exposition au risque. Bien que vous en fassiez l'une de vos priorités, les crédits que vous y affectez ne permettront d'accompagner que 5 % environ des productions assurables.

Ce nouveau dispositif s'annonce très coûteux. Pouvez-vous nous confirmer que son lancement sera effectif au 1er janvier 2005 et nous préciser quel sera son coût annuel lorsque son fonctionnement aura atteint son rythme de croisière ?

Une autre de vos priorités est le financement des bâtiments d'élevage. Toutefois, les exigences de mise aux normes sont les mêmes pour tous les bâtiments d'élevage, alors que les conséquences sur l'environnement sont très différentes selon les systèmes d'élevage et que certains investissements sont prohibitifs pour les petits ateliers. Aucune mesure spécifique n'est prévue pour les petites fermes, qui se voient exclues de toutes formes d'aide compte tenu de l'obligation qui leur est faite de prouver leur viabilité économique pour y accéder. D'un côté, pour les petits et moyens agriculteurs, les aides publiques au revenu sont conditionnées par le respect de normes environnementales ; de l'autre, pour bénéficier du soutien public à la mise aux normes, il faut justifier d'un revenu minimum élevé. Comment envisagez-vous de sortir de ce paradoxe ?

Les moyens consacrés aux agriculteurs en difficulté sont remis en cause. S'agit-il, d'après vous, de la réponse urgente qu'ils attendent pour leur permettre de maintenir leur activité ?

Quant aux retraités agricoles, dont mon collègue Gérard Le Cam a parlé, ils sont une nouvelle fois oubliés. En effet, aucune mesure d'extension de la retraite complémentaire obligatoire n'est envisagée et, pour la troisième année consécutive, aucune revalorisation des retraites n'est programmée.

Quel avenir réservez-vous au tissu associatif, indispensable au monde rural ? Comme moi, mes chers collègues, vous avez dû être sollicités par les associations qui, depuis de nombreuses années, interviennent, grâce à l'action de 50 000 personnes, dans les domaines du développement local, des activités économiques, du sport, des loisirs, de la culture et de l'aide à la personne.

Alors que ces associations contribuent au développement des territoires, rôle que consacre l'article 66 du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, elles n'ont encore reçu aucun financement pour l'année 2004. Cette situation est inadmissible. Envisagez-vous de prendre en compte les demandes des associations et de continuer à leur apporter un soutien à hauteur de celui qu'elles ont reçu en 2003 ?

Enfin, pouvez-vous me préciser à quelle date auront lieu cette année les derniers versements de la PMTVA, c'est-à-dire la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, de la prime à l'abattage et de la prime spéciale aux bovins mâles, qui auraient déjà dus être effectués et que de nombreux éleveurs creusois attendent avec impatience ?

Au moment où de nombreuses incertitudes pèsent sur l'agriculture à la suite de la réforme de la PAC, ce budget n'apporte, à mon avis, aucune réponse satisfaisante aux difficultés que connaît ce secteur.

Ce projet de budget confirme la dérive libérale de la gestion de l'agriculture française, au détriment des exploitations familiales. Il condamne les plus faibles et traduit le mépris du Gouvernement pour les territoires ruraux.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Oh !

M. André Lejeune. Mais si !

Le mauvais coup supplémentaire qui est porté aux agriculteurs ne peut qu'accroître le sentiment de malaise qui règne dans nos campagnes. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre votre projet de budget, monsieur le ministre. Ce qui ne nous empêche pas de vous souhaiter tout de même bon courage ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget de l'agriculture pour 2005 s'inscrit dans un contexte difficile : crise sur le marché des fruits et légumes ; difficultés dans le secteur de la viticulture, avec une baisse des ventes ; débat sur le partage des marges et sur les relations entre producteurs, entreprises et grande distribution ; envolée des prix du pétrole.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je me réjouis des quatre priorités affichées par votre ministère : lancement de l'assurance récolte, création d'un fonds unique consacré à la rénovation des bâtiments d'élevage, engagement politique volontariste dans le domaine phytosanitaire et renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles.

S'agissant plus particulièrement de l'assurance récolte, le Parlement devra être très vigilant sur les besoins supplémentaires qui devront être pris en compte lors de l'examen de la loi de finances rectificative. Il faudra également garantir la diffusion la plus large possible de ce nouvel outil et veiller à sensibiliser les différents acteurs à son financement.

Par ailleurs, je m'interroge sur le calendrier de mise en place de ce mécanisme. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques éclaircissements sur ce sujet ?

Autre priorité de ce projet de budget, la création d'un fonds unique consacré à la rénovation des bâtiments d'élevage est bien venue, car beaucoup d'éleveurs rencontrent des difficultés pour financer l'investissement nécessaire à l'adaptation de leurs bâtiments. Améliorer les bâtiments d'élevage, c'est améliorer l'outil de travail de nos agriculteurs et leur permettre d'être plus compétitifs.

Monsieur le ministre, quelle sera la date d'entrée en vigueur de cette nouvelle mesure ? Comment les collectivités territoriales pourront-elles travailler de concert avec l'Etat sur ce dossier ? Vous le savez, la Charente-maritime a déjà lancé un programme d'aide aux bâtiments d'élevage. J'aimerais donc savoir comment les initiatives volontaristes des départements ou des régions pourront s'articuler avec cette politique de l'Etat.

Votre projet de budget est tourné vers l'avenir. Il doit en effet préparer la mutation de notre agriculture pour qu'elle puisse répondre aux défis du monde à venir. Cela passe par le renouvellement des générations. Or on assiste à une baisse du nombre des installations aidées : 6 000 de moins par an. Il faut donc mettre en place une politique rénovée de l'installation, adaptée aux besoins de nos agriculteurs et s'accompagnant d'une simplification des procédures.

C'est pourquoi je ne peux que me réjouir de la décision qui a été prise de verser en une seule fois la DJA, la dotation aux jeunes agriculteurs ; cette disposition, très attendue, a été saluée par nos agriculteurs.

Une autre mesure budgétaire importante concerne la protection sociale agricole. Le FFIPSA, qui remplace le BAPSA, risque, dès cette année, d'être confronté à un manque de financement en raison de la diminution des recettes de la taxe sur le tabac. Il nous faut donc trouver de nouvelles ressources pérennes. Pouvez-vous, monsieur le ministre, informer la représentation parlementaire sur les différentes pistes étudiées par vos services ?

Cette problématique ne doit pas affecter le remboursement des prestations ni le versement des retraites. Sur ce dernier point, la mensualisation et le financement de la retraite complémentaire sont des mesures qui vont dans le bon sens. Cependant, des améliorations méritent encore d'être apportées : relèvement des retraites les plus faibles, prise en compte de la situation des polypensionnés, relèvement de la retraite de base du conjoint, accès pour ce dernier à la retraite complémentaire, résolution du problème des effets de seuil pour les conjoints et les veuves.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part des options qui pourraient être retenues par le groupe de travail sur les retraites.

Autre mesure phare destinée à appuyer la transformation de notre agriculture : la relance de la production de biocarburants d'origine agricole, qui a été annoncée dernièrement par le Premier ministre, avec un triplement de la production à l'horizon 2007 et le lancement d'un appel d'offres pour la construction de quatre nouvelles usines de production de biocarburants ; vous savez que la Charente-maritime s'est portée candidate pour accueillir une telle usine.

Il faudra veiller à garantir l'équilibre entre le diester et l'éthanol, s'assurer que les pétroliers incorporent bien des biocarburants français, et non pas étrangers, comme c'est le cas actuellement.

Par ailleurs, le problème de l'investissement doit être étudié, car le coût de production est encore deux à quatre fois plus élevé que celui des carburants fossiles.

De plus, il serait logique que ces produits, qui ne sont pas pétroliers, soient exonérés de la TIPP.

Enfin, reste à mettre en place un cadre réglementaire pour permettre l'application de la directive européenne sur l'incorporation obligatoire de biocarburants dans les carburants classiques.

Monsieur le ministre, j'aimerais attirer plus particulièrement votre attention sur les huiles pures végétales, qui présentent de nombreux avantages tant sur le plan écologique - sans additif, ininflammables, non évaporables, non toxiques, biodégradables - que sur le plan énergétique - bilan supérieur aux biocarburants actuels. Seront-elles inscrites sur la liste française des carburants autorisés ?

Je profite de la tribune qui m'est offerte pour vous dire combien est préoccupante la situation du mouvement des foyers ruraux, ...

M. Michel Doublet. ... en raison de la non-reconduction de la convention pluriannuelle qui vous liait.

Ce mouvement, qui représente quelque 3 000 associations, contribue à l'animation et au développement économique, culturel et social du monde rural grâce essentiellement au service à la personne. Certaines de ces associations sont très affaiblies sur le plan financier. Pouvez-vous me garantir que celles qui connaissent des difficultés de trésorerie bénéficieront bien, à la fin de l'année 2004, d'une subvention exceptionnelle ?

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Oui !

M. Michel Doublet. De plus, le nouveau conventionnement préparé par vos services pour 2005 permettra-t-il d'assurer la pérennité des actions engagées ? Je vous remercie de bien vouloir me répondre sur ces deux points.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Michel Doublet. Avant de conclure, permettez-moi d'aborder brièvement quelques sujets qui ont trait plus spécifiquement à mon département, qui est également le vôtre, monsieur le ministre, et qui concernent le dossier de la viticulture et celui de l'eau.

S'agissant de la viticulture, je ne peux que m'insurger contre la campagne de diabolisation du vin suscitée par l'assouplissement législatif qui a été adopté dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Il faut tout de même savoir raison garder !

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Michel Doublet. Plus précisément, j'aimerais aborder la question des plantations illicites - 100 000 hectares - qui ont été réalisées par les Italiens, les Espagnols et les Grecs. Bien sûr, je me réjouis de la mobilisation de la France face à la position initiale de la Commission, qui voulait régler ce problème isolément. La question sera tranchée dans le cadre indispensable de la réforme de l'OCM vitivinicole.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer le contenu des nouvelles propositions de la Commission européenne sur ce sujet ?

Dernier point concernant la viticulture, le problème du respect des QNV, les quantités normalement vinifiables. Les vins issus de cépages à double fin, c'est-à-dire de cépages classés à la fois comme variété à raisin de cuve et comme variété destinée à l'élaboration d'eaux-de-vie à appellation d'origine contrôlée, font l'objet d'une réglementation particulière. Or certains producteurs de cognac ne la respectent pas toujours, ce qui crée des tensions et fragilise la filière. Il faut donc que, face au non-respect des QNV, votre administration fasse preuve de la plus grande fermeté et applique systématiquement des sanctions, et ce dès la campagne en cours.

M. Dominique Bussereau, ministre. Tout à fait d'accord !

M. Michel Doublet. Enfin, j'aimerais soulever un problème qui me tient particulièrement à coeur et qui concerne le dossier de l'eau.

Aujourd'hui, le FNDAE, le fonds national pour le développement des adductions d'eau, n'existe plus, la redevance ayant été remplacée par une surtaxe nationale destinée à alimenter le budget de l'Etat. Or ce fonds a permis d'équiper, pendant plus de trente ans, les communes rurales en réseau de distribution d'eau potable grâce à une solidarité financière avec les communes urbaines.

Afin de respecter l'esprit des lois de décentralisation et le grand principe de solidarité entre le monde rural et le monde urbain, je propose que le produit de cette surtaxe recouvrée auprès de tous les abonnés soit reversé aux départements, et non aux agences de l'eau. Les départements assureraient ainsi l'affectation des fonds aux travaux neufs engagés par les communes rurales pour renforcer, développer et mettre aux normes les réseaux d'eau potable et d'assainissement

Tels sont les quelques éléments que je souhaitais soumettre à votre réflexion et qui me conduisent à soutenir la politique agricole menée par le Gouvernement et, par conséquent, à voter en faveur des crédits que vous nous présentez.

En conclusion, monsieur le ministre, permettez-moi de vous souhaiter, à titre personnel, plein succès au ministère de l'agriculture, mais je ne suis pas très inquiet, car je connais votre énergie et votre compétence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.

M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers amis, le temps nous est compté dans ce débat. Je veux néanmoins saluer avec plaisir votre arrivée rue de Varenne, monsieur le ministre, constater le départ d'Hervé Gaymard et souligner la grande énergie qu'il a déployée dans ce poste où, chacun le sait, il n'y a pas de tâche facile.

J'exprimerai mon point de vue sur le budget du ministère de l'agriculture et je formulerai quelques considérations.

Ce budget est en baisse de 1,8 % dans un ensemble de budgets civils qui augmente pourtant de 1,8 %. Il est globalement reconduit grâce au report de 90 millions d'euros de 2004 pour financer les bâtiments d'élevage et le PMPOA.

Bien sûr, ce budget n'est qu'une petite partie - moins de 20 % - des concours publics dont bénéficie l'agriculture, mais il représente moins de 1,7 % des dépenses du budget de l'Etat.

Permettez-moi une considération sur les aides communautaires à l'agriculture française. Je ne dispose que des chiffres de 2003, mais on y voit déjà se dessiner une orientation. Les crédits du second pilier, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas aides directes aux agriculteurs et régulation des marchés, représentent presque 10 % du premier pilier. Cette orientation, que nous avions souhaitée, va s'amplifier en 2004 et encore plus en 2005. Sont ainsi cofinancées, notamment, les aides à l'installation, les modernisations, les ICHN, les CAD et la forêt.

Ce budget pour 2005 affirme quatre priorités auxquelles je souscris : assurance récolte, fonds unique de bâtiments d'élevage, politique phytosanitaire, renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais elles ne font pas à elles seules une politique agricole.

Ces priorités sont financées soit mécaniquement par des économies, soit par redéploiement. On devine, dans la structure de ce budget, les contraintes. Finalement, au-delà de ces augmentations et diminutions, ce budget manque de marges de manoeuvre et l'on n'y découvre pas les moyens que l'on souhaiterait pour conduire une politique agricole dynamique, pourtant nécessaire, afin de s'adapter au nouveau contexte issu de la réforme de la politique agricole commune du 26 juin 2004.

II aurait été pour le moins utile de redéployer les économies constatées sur certaines lignes - bonification, PMTVA - pour amplifier les actions indispensables.

C'est pour le budget 2006 que vous aurez des problèmes, monsieur le ministre. Le budget 2005 est une sorte d'impasse, qui apparaîtra réellement lorsque vous serez obligé d'assurer le financement des autorisations de programme annoncées. Je pense au plan « bâtiments d'élevage », par exemple, où l'on est passé de 68 millions à 133 millions d'euros en autorisations de programme, alors que les crédits de paiement pour 2005 n'atteignent que 14,6 millions d'euros.

M. Marcel Deneux. Ce projet de loi de finances ne comporte aucune disposition nouvelle significative sur la fiscalité agricole. On n'y trouve pas non plus d'orientation marquant la volonté de prendre en compte l'émergence d'un nouvel environnement, tant sur le plan des marchés que sur celui de l'adaptation des pratiques agricoles, avec une mise en place de la conditionnalité annoncée dès 2005.

A ce sujet, je regrette que l'on ne profite pas de l'annonce dans ce projet de budget de la baisse de 10 % des crédits relatifs aux CAD, et parallèlement de la reconduction - sans plus - des mesures agri-environnementales pour proposer de nouveaux engagements à des agriculteurs qui voudraient contractualiser, ou pour permettre à ceux qui ont déjà signé des contrats de renouveler leur engagement, notamment sur les surfaces en herbe.

Cela me paraîtrait une voie intelligente pour garantir à la fois le respect des règles liées à la conditionnalité qui s'annonce et la prise en compte affirmée de l'environnement.

Voilà, monsieur le ministre, les quelques remarques générales que je souhaitais formuler.

J'évoquerai maintenant trois points particuliers.

Pour une grande partie de la production agricole française, un niveau correct de revenu passe par l'existence d'industries agricoles et alimentaires fortes. Nous avons entendu, au cours de l'été dernier, des affirmations très intéressantes à ce sujet, notamment sur les perspectives d'évolution. Or ce budget confirme le désengagement de I'Etat en ce qui concerne l'agro-alimentaire et la promotion. Il y a quelque part une incohérence, que l'action de Nicolas Forissier, dont je salue la volonté et le dynamisme, ne suffira peut-être pas à effacer.

M. Dominique Bussereau, ministre, et M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Mais si ! (Sourires.)

M. Marcel Deneux. La politique de la France quant aux farines animales doit être profondément reconsidérée dans les plus brefs délais, ainsi que tout ce qui touche à notre politique de l'équarrissage, afin que l'« exception française » en la matière ne contribue plus à la ruine de la rentabilité de certaines filières de production animale.

De multiples réflexions sont en cours. De nombreux groupes se sont réunis, à différents niveaux. Le moment de l'action est arrivé, monsieur le ministre : les éleveurs attendent votre décision.

Ma troisième et dernière remarque portera sur les biocarburants. Je vous en parle,...

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. En expert !

M. Marcel Deneux. ... car il semble que votre ministère soit en première ligne.

En vérité, les biocarburants constituent non une filière agricole, mais plutôt une filière énergétique et environnementale. C'est, appliquée à la France, une déclinaison du protocole de Kyoto.

Vous avez pris connaissance de ce dossier dans le cadre de fonctions antérieures encore récentes, et je vous en sais gré.

Au-delà des modalités pratiques qu'il faudra mettre en place quand la loi de finances dont nous discutons sera votée, modalités auxquelles il sera nécessaire que les pouvoirs publics accordent encore une attention toute particulière, les opérateurs publics et privés devront tous être convaincus de l'importance du développement de cette filière industrielle.

Il leur faudra comprendre que ce développement s'inscrit dans un contexte de concurrence, à un niveau européen, mais surtout international, que cette filière doit encore gagner en productivité et qu'il ne faut pas relâcher l'effort sur les travaux de recherche.

Enfin, il faut dire clairement que l'objectif premier de cette politique n'est pas d'en faire un outil privilégié de l'aménagement du territoire.

J'aurais aimé vous donner mon avis sur bien des sujets encore, mais le temps me manque et je me contenterai de dire quelques mots sur un dernier point.

Un projet de loi dite « de modernisation agricole » est en préparation pour 2005. Des groupes de travail sont déjà en place. Dans cette période d'incertitude, les agriculteurs ont besoin d'espérance. Le terme de « modernisation », dans ce titre déjà consacré par l'usage, n'est pas approprié. L'agriculture française est moderne : ce n'est donc pas d'une modernisation qu'elle a besoin. Ce terme nous donne une impression d'archaïsme qui ne rend pas compte de la réalité.

Il y a une symbolique des mots, monsieur le ministre : vous arrivez dans ce ministère, faites entendre votre message. Je vous suggère un terme différent : « adaptation ». Mais la langue française est riche, et je vous fais confiance pour trouver le mot juste ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, le président de la commission des finances ayant souhaité que celle-ci se réunisse, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Discussion générale

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux vous alerter sur ce qui s'est passé hier soir, à la fin de l'examen du projet de budget de la défense.

Alors que je m'étais félicitée, au cours de la discussion, que le Conseil d'Etat ait refusé que le Gouvernement présente un amendement sur le projet de loi de finances rectificative pour 2004, qui viendra en discussion devant le Sénat à la fin du mois de décembre, décidant de l'ouverture du capital de DCN, Mme la ministre de la défense a annoncé qu'elle contournerait la difficulté en présentant un projet de loi. Celui-ci sera examiné demain par le Conseil des ministres, puis le 16 décembre à l'Assemblée nationale et le 23 décembre au Sénat. Pourquoi pas le 24 décembre ?

Mme la ministre a précisé que la discussion ne durera pas longtemps, car le texte ne comportera qu'un article. Je vous laisse juges du mépris dans lequel elle tient les salariés !

Je tiens à protester contre la gravité d'une telle décision, qui engage l'avenir de l'emploi et du statut de milliers de salariés. Elle signifie, à terme, la privatisation de cette entreprise nationale dont la renommée mondiale n'est plus à faire.

Le Gouvernement accélère la politique de privatisation en France et en Europe.

Je l'ai dit hier : « Il faut avoir le courage de dénoncer cette Europe qui prône la privatisation de l'industrie de défense européenne pour mieux l'assujettir aux desseins transatlantistes et la subordonner à l'OTAN.

« Il faut avoir le courage de nous ériger contre les recommandations de la Commission européenne, qui préconisent une libéralisation du marché de l'armement ».

La loi de l'argent prend le pas dans le secteur stratégique - c'est également le cas pour France Télécom, EDF ou ADP -où les armes ne sont pas une marchandise comme une autre.

La réponse de Mme Alliot-Marie a été claire : l'ouverture du capital de l'entreprise est une nécessité pour résister à la concurrence et permettre des rapprochements, afin de préparer le terrain à des regroupements dans l'industrie navale en France et en Europe. Le mariage de DCN et de Thales doit préparer un mouvement plus large de restructuration du secteur en Europe.

Il ne fait aucun doute qu'après DCN ce sera l'ouverture du capital de GIAT Industries. Nous nous y opposerons avec la même fermeté.

Je veux souligner le mépris dans lequel le Gouvernement tient le Parlement. J'ai appris ce matin que, hier après-midi, Mme la ministre avait informé les syndicats du dépôt dudit projet de loi. Mais elle n'a pas communiqué cette information au Sénat. Il a fallu que plusieurs sénateurs après moi lui posent la question pour lui arracher la réponse.

Ainsi, le Parlement n'est plus un lieu d'information et de débat. Non seulement on nous oblige à débattre du budget sous la forme de questions, ce qui ne permet pas aux groupes politiques d'exprimer leur position en cohérence, mais, en outre, Mme la ministre ne répond pas aux questions !

Nous protestons vivement contre la volonté de rabaisser de plus en plus le rôle du Parlement, qui s'explique par le fait que l'Europe prendra de plus en plus des décisions graves pour notre pays. Il n'est qu'à lire l'article I-40, paragraphe 2, de la Constitution européenne : « La politique de l'Union (...) respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord (...) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre. »

Telles sont, entre autres dangers, les raisons pour lesquelles nous voterons contre la Constitution européenne.

Mme Alliot-Marie a dit qu'elle était d'accord pour organiser, comme je le lui proposais, un débat sur l'industrie nationale d'armement. Je demande donc, monsieur le président, qu'il soit prévu dès la rentrée de janvier.

Les salariés de DCN, de GIAT Industries, de Thales et d'EADS peuvent compter sur le groupe communiste républicain et citoyen pour riposter, comme eux-mêmes le font, contre ces nouvelles attaques qui n'ont rien à voir avec l'intérêt de la France. Nous nous y opposerons avec toute la résistance possible.

Je demande, monsieur le président, que soit maintenu l'ordre du jour tel qu'il avait été prévu, et je compte fermement sur vous pour faire respecter le Parlement.

M. le président. Madame Luc, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

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Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Deuxième partie

Loi de finances pour 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (suite)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Coquelle.

M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec des crédits en baisse de 5,7 %, le budget de la pêche pour 2005 n'échappe pas à la rigueur. Le contexte général de la pêche française, aggravé par la crise du carburant, aurait pourtant nécessité une attention particulière compte tenu de l'impact économique et social très important de cette flambée des prix.

Les effets de la crise du carburant se sont trouvés accentués par la suppression de la TIPP flottante et ont amené le Gouvernement à réagir au coup par coup. Fort heureusement, la coopération maritime avait imaginé un système d'assurance gazole qui a permis, grâce au prêt de 15 millions d'euros de l'Etat, de faire diminuer momentanément, de façon sensible, le prix du carburant pour les pêcheurs.

La crise du carburant, nous dit-on, risque de durer. La profession aimerait connaître le dispositif que le Gouvernement envisage de mettre en place, monsieur le ministre.

En ce qui concerne les taux admissibles de capture pour 2005, le monde de la pêche ne sera fixé que le 21 décembre prochain. Malgré une évolution certaine des comportements à l'égard de la ressource et des restrictions successives, il apparaît toujours nécessaire de défendre les capacités françaises au sein du groupe des amis de la pêche.

L'Europe menace la France d'une amende fixe de 115,5 millions d'euros et d'une astreinte de 57,7 millions d'euros par semestre pour insuffisance de contrôle et non-respect des règles sur la prise et la vente de poisson sous taille de pêche.

Cela explique sans doute le renforcement des postes de contrôle dans votre budget.

Je me demande, monsieur le ministre, si l'Europe est aussi draconienne à l'égard de la pêche minotière, particulièrement destructrice, pratiquée par certains pays du nord de l'Europe.

La grande question qui anime cependant le monde de la pêche est celle de l'extinction des aides à la construction et à la modernisation des bateaux, ou de leurs prolongements possibles et ciblés.

A ce propos, le rapport de M. Michel Tricot, administrateur général des affaires maritimes, est particulièrement intéressant. A titre d'exemple, l'âge moyen de la flotte bretonne est supérieur à vingt ans. La politique de modernisation d'unités âgées atteint ses limites ; il est désormais indispensable de construire des bateaux neufs, subventionnés, tout particulièrement pour les jeunes professionnels.

Ce rapport préconise que des aides de 60 % à 80 % puissent être destinées à la sécurité du navire et de l'équipage, aux conditions de travail, d'habitabilité, d'hygiène et de confort de l'équipage, au traitement des captures et à leur valorisation, ainsi qu'aux innovations techniques en matière de sélectivité des engins de pêche.

N'oublions jamais que la pêche maritime s'exerce dans un environnement particulièrement hostile et dangereux.

Le caractère durable de la pêche voulu par l'Europe s'est, jusqu'à présent, traduit par la casse de milliers de bateaux et par la politique de réduction des totaux admissibles de capture, les TAC. Désormais, la taille des armements diminue et se recentre sur la pêche artisanale, ce qui nécessite impérativement d'orienter les aides vers les petits patrons pêcheurs, d'encourager les groupements d'achat autour de bateaux « génériques » et d'éviter la concentration vers la pêche industrielle.

De nombreux jeunes s'intéressent également à la reprise des goémoniers ; ce secteur déficitaire mérite de ne pas être oublié et d'obtenir les permis de mise en exploitation nécessaires.

Je dirai quelques mots, enfin, sur la formation des jeunes, qui méritent davantage d'aides et de promotion. Il conviendrait de compenser financièrement les formations et d'apporter les aides utiles aux établissements.

Si, demain, la politique européenne des aides à la pêche est appliquée comme prévu, elle n'aura de durable que le nom. Notre conception de la durabilité est plus humaine, plus sociale, plus diversifiée. Là aussi, monsieur le ministre, deux mondes s'affrontent.

La seconde partie de mon l'intervention portera sur les prestations agricoles, l'enseignement et la pêche.

A notre grand regret, la fin du BAPSA et l'arrivée du FFIPSA se traduisent par l'absence de débat spécifique aux prestations sociales agricoles, ce qui est fort regrettable au regard d'une question si importante.

Monsieur le ministre, votre prédécesseur, à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, s'était déclaré favorable au rétablissement d'un tel débat au sein de chaque assemblée. Nous formons donc le voeu que les commissions respectives du Sénat et de l'Assemblée nationale conviennent de rétablir ce débat essentiel lors de la discussion du budget pour 2006.

Le FFIPSA, désormais financé pour l'essentiel par les droits sur le tabac, est particulièrement fragilisé ; son déficit de 1,5 milliard d'euros inquiète, à juste titre, les retraités de l'agriculture. Il est vrai que l'assiette de la TVA était plus rassurante qu'une ressource en régression, fort heureusement pour la santé publique.

Il est urgent que votre gouvernement formule des propositions concrètes de mesures de compensation démographique en direction d'une profession qui compte 2,5 retraités pour un actif. La TVA est une piste, mais la taxation de tous ceux qui vivent grassement sur le dos des agriculteurs en est une autre.

D'après les chiffres de l'Association nationale des retraités agricoles de France, la profession compte environ 90 000 retraités de moins chaque année pour 40 000 nouveaux arrivants, soit un solde net de 50 000 retraités de moins à financer. Sachant que la retraite moyenne des conjoints et des aides familiaux est de 5 484 euros annuels, le total s'élève à 274 millions d'euros. Même si ces chiffres méritent d'être affinés, ils correspondent presque aux 300 millions d'euros nécessaires à l'abaissement des coefficients de minoration et au passage du seuil de minoration de 32,5 années, tous régimes confondus, au lieu des 37,5 années uniquement pour le régime agricole.

Oui, monsieur le ministre, les hypothèses du groupe de travail du 15 juillet 2004 peuvent rapidement devenir réalité, mais encore faut-il que le Gouvernement en ait la volonté politique. Ce n'est pas leur renvoi au futur projet de loi de modernisation agricole qui va rassurer les retraités !

D'autres revendications justifiées demandent à être entendues : il s'agit notamment de l'égalité entre les hommes et les femmes en matière de retraite de base.

Seuls 5 % des retraités agricoles perçoivent 75 % du SMIC, alors que 1,5 million d'entre eux n'atteint que 30 % ou 40 % du SMIC.

Le chantier de la retraite complémentaire obligatoire nécessite une harmonisation entre ce qui précède et ce qui suit l'année 1997. La retraite complémentaire obligatoire doit également bénéficier aux conjoints et aux aides familiaux, au prorata de leur carrière.

Enfin, monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur une mesure qui a l'énorme mérite de ne rien coûter : la forfaitisation de la bonification pour enfants, demandée par de nombreuses associations de retraités agricoles, y compris la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA.

Il nous paraît donc urgent qu'une nouvelle planification soit mise en oeuvre, en donnant la priorité aux plus âgés. Le Président de la République n'a-t-il pas déclaré : « les plus âgés des agriculteurs, qui ont consacré tant d'efforts et d'énergie au travail de la terre, ont droit à des pensions décentes de même niveau que celles des autres professions. »

Le message est donné ; votre ministère dispose de tous les éléments, monsieur le ministre. Il vous reste donc à vous dégager du carcan de l'austérité budgétaire pour ne pas décevoir les retraités de l'agriculture ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au moment où nous discutons du budget de l'agriculture, la profession viticole s'apprête, de nouveau, à manifester dans plusieurs villes pour exprimer sa colère et demander l'aide des pouvoirs publics. La nouveauté, aujourd'hui, c'est que la crise est générale : elle touche toutes les régions, ou presque, et pas seulement le Languedoc-Roussillon.

L'autre caractéristique, c'est que la baisse des prix s'étend désormais aux vins classés d'appellation d'origine, au-delà de la traditionnelle mévente des vins de table. Il semble qu'elle commence à affecter même les vins de cépage, qui avaient le vent en poupe, notamment les Chardonnay, Sauvignon, Viognier, c'est-à-dire des vins blancs dont le marché est aujourd'hui mal orienté.

Des vendanges abondantes dans tous les pays européens ont aggravé le marasme et le désarroi s'installe, comme j'ai pu l'observer.

La semaine dernière, j'étais dans un petit village du Minervois, aux confins de l'Aude et de l'Hérault. J'ai constaté avec inquiétude que des exploitants ayant axé leur activité sur la viticulture de qualité et la commercialisation en bouteille doutaient de l'avenir de leur métier. Si leurs doutes venaient à être confirmés, les conséquences seraient désastreuses, et pas seulement pour leurs familles ; les communes rurales en seraient gravement affectées.

Disant cela, je n'oublie pas qu'une autre partie des vins d'appellation, y compris en Languedoc-Roussillon, continue à tirer son épingle du jeu, malgré la concurrence sévère sur le marché international, et je m'en réjouis. Bref, aujourd'hui, la situation est contrastée, insaisissable, alors que la hiérarchie des pays viticoles connaît de profondes et rapides mutations.

Quelles mesures conjoncturelles et de moyen terme comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour faire face à cette situation, car il y a urgence ? Je formerai par ailleurs le souhait plus général que vous dressiez le bilan des réformes de l'organisation de ce secteur, qui font l'objet d'un débat depuis une dizaine d'années.

Au nom de la commission des affaires économiques, Gérard César, Roland Courteau et moi-même nous avons présenté, en 2002, un rapport sur l'avenir de la viticulture française, bien accueilli par la profession. M. Gaymard, alors ministre de l'agriculture, s'était engagé à faire avancer quelques-unes des idées-force de ce texte. Je les rappelle : amélioration de la force de frappe commerciale de la viticulture française sur le marché international ; réorganisation interne du secteur grâce au financement de la jachère qualitative ; renforcement du lien entre viticulture et tourisme, en collaboration avec les collectivités territoriales ; enfin, défense de la dimension culturelle du vin, trop souvent confondu avec les boissons alcoolisées de type industriel.

Sur tous ces sujets, nous aimerions avoir un bilan d'étape à mi-parcours de la législature. La viticulture a besoin de retrouver une lisibilité et seul l'Etat, s'appuyant sur la profession et les collectivités territoriales, peut la fournir. Nos régions viticoles doivent cesser d'être les mal-aimées de l'Europe et parfois de la nation ; cela dure depuis si longtemps !

Je voudrais, avant de conclure, évoquer d'un mot l'avenir incertain des abattoirs communaux. J'y reviendrai sans doute à propos de l'article 71, mais je tiens à signaler dès à présent le cas d'un abattoir de mon département, remis aux normes récemment, et dont l'insuffisance des rentrées financières s'ajoutant à l'aggravation des charges, notamment fiscales, pèse sur son budget. Que faut-il faire pour sauver cet outil de travail tout en lui assurant l'équilibre financier, sans recourir à une contribution de la commune, ce qui serait injuste ?

Telles sont les questions que je souhaitais poser au cours de ce débat, afin de relayer l'inquiétude qui grandit au sein de la viticulture, notamment dans l'Hérault. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses rassurantes qui permettent à nos vignerons de continuer à aller vers le seul avenir qui vaille, celui d'une viticulture de qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aurais tant aimé pouvoir souligner à cette tribune que le budget consacré en 2005 à l'agriculture répondait aux attentes et aux besoins non seulement des agriculteurs, mais aussi du monde rural. Ma déception, qui reflète celle de cette honorable profession et des nombreuses organisations représentatives que j'ai pu rencontrer, ne se veut ni partisane ni idéologique, mais fondée sur la triste réalité de ce budget.

En effet, pour la troisième année consécutive, le budget de l'agriculture est en baisse. Cette année, la baisse s'élève à 1,8 %, soit une diminution réelle de 3,6 % compte tenu de la non-compensation de l'inflation, qui est estimée à 1,8 % en 2004.

Répéter, comme le Gouvernement en a pris l'habitude désormais - analyse qui n'était d'ailleurs pas celle de la majorité actuelle lorsqu'elle se trouvait dans l'opposition -, « qu'un bon budget n'est pas forcément un budget en hausse », ne peut désormais masquer une évidence : l'agriculture n'est plus une priorité pour le Gouvernement.

Le manque d'ambition et de ligne directrice de ce budget ne peut qu'accentuer les incertitudes et les inquiétudes auxquelles sont déjà confrontés nos agriculteurs.

D'une part, le contexte européen est incertain, si l'on en juge par les récentes déclarations de la commissaire européenne en charge du budget, laquelle n'hésite pas à affirmer qu'il est honteux que la moitié du budget soit consacrée à la PAC. Une telle prise de position à la veille des nouvelles négociations au sein de l'OMC, est, vous en conviendrez, monsieur le ministre, de mauvais augure au regard du soutien sans faille de l'administration Bush à ses agriculteurs.

D'autre part, nos marchés sont soumis à des crises récurrentes, qu'il s'agisse des fruits et légumes, du vin ou du lait. A ce titre, je tiens à souligner que les aides apportées par le Gouvernement sont notablement insuffisantes en raison de l'ampleur de la crise traversée par le secteur des fruits et légumes. La grogne qui perdure un peu partout dans notre pays, et particulièrement dans le département que je représente,...

M. Gérard Le Cam. En Bretagne aussi !

M. Bernard Piras. ...atteste de la vive inquiétude de nos agriculteurs.

Face à ce climat morose, amplifié par le sentiment d'abandon généré par votre budget, trop de problèmes ont à ce jour reçu une réponse insuffisante, voire pas de réponse du tout !

L'instauration de l'assurance-récolte, qui constitue l'une des mesures phares annoncées dans votre budget, est une décision intéressante. Vous voyez, monsieur le ministre, que je souhaite être objectif.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Tout à fait !

M. Bernard Piras. Cependant, cette mesure reste floue : qui paiera, selon quel dispositif et quelle solidarité ? Cela annonce-t-il la disparition du fonds de calamité agricole, qui, rappelons-le, ne répond pas à la même logique, puisqu'il s'agit d'un dispositif public financé par l'Etat, alors que l'assurance-récolte est un dispositif privé subventionné ?

L'instauration d'un fonds unique pour la rénovation des bâtiments est également appréciable, notamment par rapport à la dispersion antérieure des instruments d'intervention. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que celle-ci est financée en partie avec des reports de crédits, d'autres mesures ayant disparu par ailleurs, et qu'en outre les moyens mis en oeuvre sont largement insuffisants devant l'ampleur du problème. De plus, l'assurance d'un cofinancement par l'Union européenne à hauteur de 50 % laisse dubitatives nombre d'organisations.

Enfin, pour ce qui concerne la recherche - il s'agit également d'une mesure phare -, il est effectivement nécessaire d'en faire une priorité pour 2005, mais il ne faut pas oublier que, depuis 2002, vous avez procédé à des coupes claires et que les besoins actuels résultent, en grande partie, de vos insuffisances antérieures. Il ne s'agit donc que d'un rattrapage.

En dehors de ces apparentes mesures phares, pour ce qui est de l'installation des jeunes, il n'est pas admissible de se contenter d'affirmer, comme vous le faites, que la baisse des crédits résulte simplement de la diminution du nombre des installations. Cette triste et dangereuse tendance ne doit pas être suivie par les pouvoirs publics, lesquels, au contraire, doivent tout mettre en oeuvre pour l'inverser.

A titre d'exemple, dans mon département de la Drôme, le nombre d'installations a baissé de près de 10 % depuis 2002. Dans ce domaine, c'est l'ambition qui s'impose, et non pas la résignation. La survie de nos campagnes est en jeu.

Par ailleurs, la baisse des crédits en faveur des agriculteurs en difficulté est incompréhensible quand on connaît la situation financière de toutes ces exploitations. Ces dernières subissent, depuis des années, des crises d'origine climatique, sanitaire ou liées au marché ou à l'environnement.

Je profite de ce débat pour souligner que le Conseil économique et social a rendu récemment un rapport intéressant sur les conséquences économiques et sociales des crises, dans lequel il souligne que « des évolutions sont nécessaires visant à mettre en place un système plus global de gestion des risques, fondé à la fois sur l'épargne de précaution, sur l'assurance, sur la solidarité professionnelle et nationale pour les risques exceptionnels et les sinistres non assurables. »

A cet égard, il apparaît clairement que la seule instauration d'une assurance ne résoudra pas tout. La nature récurrente des crises exige d'en prévenir les effets plutôt que de tenter d'en atténuer les conséquences.

En matière de relations commerciales entre les producteurs et distributeurs, j'ai pu personnellement constater, lors de mes rencontres avec les organisations représentatives de producteurs, combien les conclusions du rapport Canivet les inquiétaient. Vous indiquez, sur ce point également, qu'un groupe de travail interministériel a été mis en place. Néanmoins, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner votre sentiment sur l'instauration d'un coefficient multiplicateur, réclamé par beaucoup ?

J'en viens à l'enseignement agricole, à la recherche et au FFIPSA.

Notre agriculture est confrontée à une réglementation de plus en plus complexe. Elle doit satisfaire les exigences sanitaires et environnementales exprimées par la société. Les connaissances nécessaires pour gérer une exploitation sont de plus en plus élevées.

Face à cela, le rôle de l'enseignement agricole est de garantir une formation technique de haute qualité.

Je ne m'attarderai pas sur les excellents résultats de cet enseignement avec un taux d'insertion de près de 85 %. Son influence s'étend à l'ensemble du monde rural, contribuant ainsi à un aménagement du territoire cohérent. C'est vers cet objectif que notre action doit tendre.

Je suis satisfait de constater que les effectifs sont en légère hausse dans l'enseignement technique, augmentation qui est plus marquée dans l'enseignement supérieur.

Suivant le budget de l'enseignement agricole depuis de nombreuses années, je me réjouis également de constater que le Gouvernement commence à prendre conscience de son importance. Cependant, je regrette profondément que la hausse des crédits ne profite pas aussi à l'enseignement public.

Monsieur le ministre, êtes-vous informé du désespoir grandissant ? Le ton satisfait que vous employez contraste singulièrement avec la situation réelle et le contenu des auditions que j'ai pu mener : ...

M. Dominique Bussereau, ministre. Je n'ai encore rien dit !

M. Bernard Piras. Je parlais de l'audition en commission !

M. Dominique Bussereau, ministre. Ce n'était pas moi !

M. Bernard Piras. ... fermetures de classes sans attendre le gel préalable préconisé, options facultatives en voie d'extinction, fin de la deuxième langue vivante en filière technologique, regroupements pédagogiques intenables, remise en cause des seuils de dédoublement, insuffisance des dotations horaires, sont devenus courants.

Tous ces éléments conduisent à une baisse de qualité de l'enseignement public agricole, et la rédaction d'un livre noir sur le sujet serait en cours.

A l'appui de cette affirmation, je vous rappellerai simplement que si 500 emplois ont été créés dans l'enseignement public entre 2000 et 2002, 301 emplois ont été supprimés de 2003 à 2005, tandis que les effectifs des élèves sont restés stables.

Cette situation de rationnement de l'offre publique n'est pas admissible à une période où, en raison des enjeux et des mutations profondes, notre agriculture a besoin d'un enseignement public de qualité.

Pour clore ce sujet de l'enseignement, j'aborderai brièvement trois dossiers qui méritent une attention particulière de M. le ministre, et plus particulièrement de M. le secrétaire d'Etat, puisque c'est lui qui est en charge de ces questions.

Le premier dossier concerne le devenir des quatre établissements publics nationaux d'enseignement agricole : le centre d'enseignement zootechnique de Rambouillet, le centre d'expérimentation pédagogique de Florac, le centre d'étude du milieu et de pédagogie appliquée du ministère de l'agriculture de Fouesnant et le centre national de promotion rurale de Marmilhat.

Un récent rapport a bien mis en lumière qu'il était indispensable et urgent de clarifier les situations juridiques et administratives de ces établissements et de leurs personnels, de définir des objectifs clairs pour chacun et de prévoir les moyens nécessaires en fonction des réponses apportées.

Le deuxième dossier est relatif aux ATOSS. Nous connaissons tous les problèmes engendrés par le transfert de ces personnels aux collectivités territoriales, voulu par le Gouvernement dans le cadre de la décentralisation. Mais l'enseignement agricole rencontre des problèmes spécifiques en la matière. Que va-t-il se passer pour les ATOSS embauchés sur les budgets des établissements ? Les collectivités vont-elles les intégrer ? Les régions vont-elles entériner ou remettre en cause les iniquités constatées entre les établissements ? Comment va s'opérer le transfert des personnels, peu nombreux, gérant les ATOSS ?

Enfin, en matière de réduction de l'emploi précaire - il s'agit du troisième dossier - nous arrivons au terme du dispositif Sapin. Or des contractuels ont été recrutés depuis pour pallier aux besoins. Que vont-ils devenir ? Cela concerne près de 2000 personnes.

J'en viens au FFIPSA. Autrefois, le Parlement examinait en détail, grâce à ses rapporteurs spéciaux et à un débat spécifique, le budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, dont les chapitres étaient très détaillés. Il concernait 4,5 millions de bénéficiaires, dont 1,9 million de retraités agricoles.

Désormais, la représentation nationale ne connaît que les grandes masses de dépenses et de recettes décrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le montant maximum de l'emprunt de la mutualité sociale agricole. La protection sociale agricole ne fait même pas l'objet d'un programme. Une telle évolution constitue une régression.

L'an passé, à cette même époque, à l'occasion de mon intervention relative au budget consacré à l'agriculture pour 2004, je vous avais fait part de mon scepticisme. Je m'étais fait l'écho de nombreux parlementaires pour lesquels le mode de financement du FFIPSA retenu, à savoir la fiscalité sur le tabac, ne présentait pas de réelles garanties de pérennité ; certains de nos collègues l'ont évoqué ce matin.

Comment s'étonner que les prévisions relatives au FFIPSA pour 2005 fassent apparaître un déficit de près de 1,5 milliard d'euros ? Cette situation était prévisible ! Répondre, comme vous le faites, que ce problème n'est pas spécifique aux prestations agricoles n'est pas admissible puisque, dès le départ, les recettes affectées étaient clairement insuffisantes.

La pérennité du régime de sécurité sociale des exploitants agricoles ne peut être assurée que par la solidarité nationale. Avez-vous fait examiner les différentes solutions possibles de financement et d'équilibrage du FFIPSA telles que la compensation démographique, la TVA, la reprise de la dette par la caisse d'amortissement de la dette sociale ou encore l'adossement au régime des indépendants ? Ou bien comptez-vous, une de fois de plus, renvoyer cette question à un groupe de travail ?

Par ailleurs, il est regrettable que, près d'un an après sa création par le Parlement, le mode de fonctionnement de ce fonds n'ait toujours pas été défini.

Lorsque nous évoquons la question des retraites agricoles, ne perdons jamais de vue que nous sommes face aux retraités les plus faibles de notre système : sur 2 millions de retraités, 430 000 seulement touchent une retraite supérieure à 75 % du SMIC. Plus d'un million de retraités non-salariés de l'agriculture n'ont bénéficié d'aucune revalorisation.

Le gouvernement précédent avait mis en place et respecté un plan quinquennal de revalorisation, amorcé d'ailleurs sous le précédent ministre, M. Philippe Vasseur. Le budget pour 2005, comme ceux de 2004 et de 2003, aurait dû être l'occasion de franchir une nouvelle étape et de répondre à une véritable exigence de justice sociale. Malheureusement, vous avez, une fois de plus, renvoyé l'examen de ce dossier à un groupe de travail.

La seule action notable du gouvernement actuel porte sur la mensualisation des retraites, qui est prévue par l'article 105 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Elle était nécessaire, je vous le concède bien volontiers. En revanche, contrairement à ce que votre majorité affirme trop souvent, la retraite complémentaire a été adoptée sous le gouvernement Jospin, grâce à la proposition de loi de mon collègue Germinal Peiro.

A défaut de plan programmé, comment comptez-vous atteindre l'objectif, si souvent annoncé, d'une retraite équivalente à 75 % voire 85 % du SMIC annuel pour une carrière complète, alors que près de 1,5 million de retraites n'atteint que 30 % ou 40 % du SMIC ?

Par ailleurs, trop de problèmes restent en suspens : les nouvelles dispositions concernant les pensions de réversion qui en font une allocation différentielle soumise à condition de ressources et révisable chaque année, la pension des conjoints des chefs d'exploitation et des aides familiaux, l'extension de la retraite complémentaire obligatoire à ces mêmes conjoints et aides familiaux au prorata de leurs carrières - je vous rappelle, monsieur le ministre, que votre majorité réclamait avec véhémence cette mesure en 2001, lors du débat parlementaire - la révision du statut des polypensionnés pour prendre en compte le montant total de leurs diverses pensions, la réduction des taux de minoration en cas de carrière incomplète, enfin, les conditions exorbitantes de rachat des périodes accomplies en qualité d'aide familiale à partir de quatorze ans.

Ainsi, l'étude des crédits prévus pour 2005 en faveur de l'enseignement et de la retraite agricoles montre clairement que ce budget ne prépare pas suffisamment l'avenir. Il n'apporte pas une reconnaissance suffisante aux générations qui ont permis à notre agriculture d'être l'une des plus performantes.

Le débat que vous avez lancé en vue de l'adoption d'une loi de modernisation agricole ne peut ni masquer ni occulter ces insuffisances. Dans la note de présentation de ce débat, il est annoncé « qu'il semble nécessaire de redéfinir la place de l'agriculture dans notre société, en lui redonnant une ambition et des perspectives. » Malheureusement, ce budget pour 2005 consacré à l'agriculture manque cruellement d'ambition et de perspectives.

Malgré toutes ces critiques, monsieur le ministre, je vous souhaite bon vent dans vos nouvelles fonctions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous étions nombreux, voilà quelques mois, à nous interroger sur la consistance du budget de l'Etat, en particulier celui de l'agriculture, vu l'endettement important de notre pays : environ 15 000 euros par habitant.

Nous constatons que ce budget pour 2005 est en reconduction, malgré le contexte d'économies budgétaires.

Pour aider l'agriculture française à affronter toutes les mutations qui se préparent, vous avez renforcé l'enseignement et la recherche agricole de 26 millions d'euros supplémentaires, avec une création nette d'emplois de plus de cent postes. Ce geste est très positif.

J'apprécie votre soutien à l'enseignement privé, dont les crédits étaient à la traîne ces dernières années. II est indispensable que nos jeunes disposent d'une offre variée de formations qui répondent à leurs attentes.

Parmi les priorités, vous nous proposez l'instauration d'un fonds unique pour les bâtiments d'élevage. Ce dispositif est le bienvenu pour les agriculteurs qui doivent moderniser leurs installations.

Les investissements sont souvent lourds, surtout en zones de montagne. L'accroissement des crédits de 35 millions à 80 millions d'euros est significatif. Ceux-ci devraient atteindre une centaine de millions en 2006, ce dont je me réjouis. J'espère seulement que la part des crédits « bâtiments d'élevage » réservés aux zones de montagne sera équitablement répartie.

Les agriculteurs apprécieront aussi le guichet unique regroupant l'ensemble des aides. Ils sont vraiment demandeurs de procédures simplifiées. En effet, la complexité administrative, qui, hélas ! ne va pas décroissant, les décourage.

Je suis heureux que l'on privilégie les bâtiments en bois, compte tenu des quantités de bois disponibles sur les marchés, alors que flambe le prix de l'acier.

Puisque nous évoquons les zones de montagne, en tant que représentant d'un département en grande partie situé dans ces zones, je me félicite de la revalorisation de 50 % des indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, sur la durée de la législature. C'est une mesure forte !

Cette aide permet le maintien de petites exploitations en zones de montagne et constitue un complément substantiel de revenu. Elle compense, et c'est bien normal, les handicaps et les surcoûts dus au climat, à la pente et à l'isolement.

Je souhaite, moi aussi, que soit accordée la dotation supplémentaire de 16 millions d'euros nécessaire, cette année, pour atteindre l'objectif.

Parler de vie des territoires de montagne, c'est naturellement parler d'agriculture et, chez nous, de filière laitière. Or vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, les difficultés auxquelles sont confrontés nos producteurs de lait et les inquiétudes qu'ils manifestent.

Un accord est intervenu dernièrement pour stabiliser la baisse des prix. Pour autant, vous savez bien que cette baisse des prix du lait due à la réforme de la PAC n'est compensée qu'en partie, ce qui risque d'entraîner la disparition d'un certain nombre d'éleveurs. Sur tout le territoire, le nombre de producteurs laitiers français devrait passer de 120 000 aujourd'hui à 70 000 dans dix ans. Une très grande vigilance sur les cours des produits de la filière laitière s'impose.

J'en profite pour évoquer les AOC, qui font la richesse de notre terroir. Monsieur le ministre, comment comptez-vous sensibiliser les nouveaux pays entrants dans l'Europe à la pérennisation des AOC ? Il s'agit de spécificités qui permettent, bien souvent dans des secteurs difficiles, d'obtenir une meilleure rentabilité, laquelle est indispensable au maintien des producteurs sur ces territoires. Il ne faudrait pas que l'Europe conduise à une dilution de la qualité en vue d'une harmonisation des produits par le bas.

En lien avec la filière laitière et les éleveurs, j'évoquerai le problème de la grande distribution et des marges. Dans le cas du lait, on sait bien qu'il serait trop facile de tenir pour seuls responsables les transformateurs et les industriels de la filière, puisqu'ils sont eux-mêmes soumis en permanence à la menace de se voir exclus des références des enseignes de la grande distribution. Cela détermine la survie non seulement des différents milieux agricoles et du modèle d'agriculture que nous souhaitons préserver, mais aussi du modèle d'alimentation auquel les consommateurs sont attachés, qu'il s'agisse de la qualité ou, naturellement, de la sécurité alimentaire.

Les Français sont attachés à la diversité et à la qualité de nos productions, mais la recherche perpétuelle du prix le plus bas ne va pas dans ce sens, bien au contraire.

Il faut vraiment prendre en compte, monsieur le ministre, cette pression permanente de la grande distribution sur les prix. Afin de lutter contre les abus, il convient aussi de songer à un encadrement des marges. Votre prédécesseur, M. Gaymard, avait été l'un des premiers à émettre l'idée d'un contrôle des marges. On n'en entend plus guère parler. Si l'on fait baisser les prix de la grande distribution sans contrôler ses marges, je suis convaincu que ce sont les producteurs qui en feront les frais.

Monsieur le ministre, en vingt-cinq ans, les prix payés aux producteurs en monnaie constante ont baissé de moitié, alors que les prix des produits alimentaires n'ont pas diminué. C'est pourquoi nous attendons que l'on débouche sur des négociations qui tiennent compte de l'ensemble de la chaîne de la distribution, du producteur au distributeur, en préservant les intérêts des producteurs et des structures de transformation.

Pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs sur notre territoire, il faut leur faciliter la vie. Les éleveurs ne peuvent plus, ne veulent plus travailler, comme leurs aînés, 7 jours sur 7 et 365 jours par an.

Parfois, des accidents et des maladies provoquent malheureusement, dans certaines exploitations laitières individuelles, de véritables drames. C'est pourquoi il faut favoriser les services de remplacement. Mais les jeunes, les petits et moyens exploitants n'ont généralement pas les moyens suffisants pour solliciter ces services.

Le centre de gestion de mon département vient de publier le revenu de l'échantillon de 616 exploitations suivies. Résultat : 12 456 euros par unité de travailleur, soit 80 950 francs par an ou 6 740 francs par mois. Quant aux producteurs qui produisent moins de 150 000 litres de lait, leur revenu est inférieur à 10 000 euros.

Les prix des services de remplacement sont élevés et, là comme ailleurs, les 35 heures ont tout compliqué. Il est donc impératif d'envisager des allégements de charges pour les employés des services de remplacement en agriculture. Ce serait vraiment faire oeuvre sociale.

En tant que Jurassien, je ne peux manquer d'évoquer les problèmes inquiétants que rencontrent les communes forestières et les propriétaires forestiers. Ces derniers sont nombreux dans le département à connaître des difficultés du fait de la baisse des prix de ces dernières années. Cette baisse est liée à la tempête, à laquelle s'ajoutent les dégâts provoqués par la sécheresse de l'été 2003. Cette sécheresse a favorisé le développement des scolytes, qui rendent les bois pratiquement invendables. Dans certaines communes, le cubage détruit par ces insectes a été aussi important que celui qui a été détruit en 1999. Ces communes ne peuvent plus assurer leurs dépenses de fonctionnement. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez les rassurer.

Je ne peux pas ne pas évoquer rapidement la réforme de la PAC avec la mise en place des droits à paiement unique et de la modulation des aides, qui vont profondément modifier le métier d'agriculteur. Etant donné les changements que cela va impliquer, il faut instituer, dans chaque département, un comité de pilotage pour suivre les effets de cette modulation et comprenant, naturellement, l'Etat, les organisations agricoles et les collectivités territoriales. Mais je sais que nous aurons l'occasion d'en reparler en 2005, lors de l'examen du projet de loi de modernisation agricole.

En conclusion, j'approuve tout à fait votre engagement résolu en faveur des biocarburants. Cette mesure permettra, je l'espère, de remplacer des jachères - il y en a plus d'un million d'hectares dans notre pays -, elle fournira de nouveaux débouchés pour nos agriculteurs et elle permettra la création d'emplois. Les céréales peuvent également être utilisées pour la production d'énergie de chauffage.

Je me félicite également de l'assurance récolte, qui arrive vraiment à point pour faire face aux aléas climatiques.

Monsieur le ministre, ce budget dégage de bonnes priorités dans un contexte difficile. Je le soutiendrai ; je vous soutiendrai résolument. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Tout d'abord, monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter de votre arrivée à la tête d'un ministère qui m'est cher en tant qu'agriculteur et élu du monde rural. C'est un ministère difficile et exigeant, mais également gratifiant, car sa mission est de contribuer au maintien de l'économie, donc de la vie dans nos territoires.

L'agriculture est l'activité qui, historiquement, structure les régions et les paysages français. Chez moi, ce sont les vergers qui font le paysage, qui soulignent le passage des saisons. Si je vous en parle, c'est parce que j'espère que cela va continuer encore longtemps, mais la situation actuelle de la filière des fruits et légumes est préoccupante.

Je sais que nous sommes nombreux à vouloir nous exprimer. Aussi vais-je centrer mon propos sur les crises récurrentes que traverse la filière des fruits et légumes. J'interviendrai par ailleurs sur la mise en place d'une assurance récolte, qui est une priorité symbolique de ce projet de budget pour 2005.

La filière des fruits et légumes emploie directement quelque 650 000 personnes, du stade de la production à celui de la distribution. Cela fait d'elle le premier employeur agricole, avec la viticulture.

Or cette filière traverse une crise structurelle grave. Chaque année, le Gouvernement pare au plus pressé, si je puis dire, il colmate les plus grosses fissures, mais rien n'est fait pour aider et soigner en profondeur cette filière, qui ne bénéficie notamment d'aucun financement européen.

Cette année encore, votre prédécesseur a débloqué des aides d'urgence non négligeables en faveur des producteurs : 10 millions d'euros d'aides directes de trésorerie aux agriculteurs, 10 millions d'euros à l'ONIFLHOR pour engager des actions structurantes, 50 millions d'euros pour des prêts de consolidation et 1 million d'euros pour une prise en charge de cotisations de la Mutualité sociale agricole.

Cependant, si l'intention est louable, cela reste largement insuffisant.

A titre d'exemple, pour le département du Lot-et-Garonne, on ne connaît pas à ce jour l'enveloppe de prise en charge des cotisations de la MSA, qui doit être répartie, mais début septembre, les besoins recensés s'élevaient à 500 000 euros, ce qui représente la moitié des crédits accordés par le ministre au niveau national. Une enveloppe supplémentaire sera inévitablement nécessaire.

Certes, aider les producteurs à étaler sur cinq ans les échéances bancaires et les cotisations sociales agricoles est important, mais ne vaut-il pas mieux agir avant qu'ils ne soient pris à la gorge, avant qu'ils ne se posent la question, comme c'est le cas chaque année, de savoir s'ils continuent de planter, de produire, ou s'ils abandonnent ?

Afin de mettre fin à ce cercle vicieux, nous nous devons d'agir sur un certain nombre de points sensibles, que je souhaite vous exposer.

Premier point : depuis quarante ans, la consommation de fruits et de légumes diminue au profit des produits manufacturés. Dès lors, les débouchés commerciaux pour les produits de cette filière diminuent. En outre, et c'est beaucoup plus grave, se pose un problème de santé publique. L'INSEE estime que, en 2020, 20 % de la population française sera obèse. L'Organisation mondiale de la santé et l'Union européenne ont fait chacune des recommandations pour que la consommation des fruits et des légumes soit vivement encouragée. C'est un point que le Président de la République a également abordé lors de la présentation du plan anticancer.

Monsieur le ministre, les crédits actuels sont insuffisants : l'interprofession doit bénéficier de moyens financiers importants, notamment européens, pour pouvoir communiquer. En effet, en relançant la consommation des fruits et des légumes, nous aiderons les producteurs et nous participerons activement à la politique de santé publique que conduit le Gouvernement. Rappelons qu'à ce jour, entre les budgets publicitaires de l'interprofession et ceux d'un grand groupe agroalimentaire, il y a un rapport de 1 à 35.

Le deuxième point que je souhaite évoquer concerne le coût de la main d'oeuvre : en France, le coût d'un travailleur saisonnier est de 8,32 euros en moyenne à l'heure, contre 6,15 euros en Allemagne, soit une différence d'un peu plus de 2 euros. Il nous faut agir sur ce levier. A cet égard, le Sénat avait adopté, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, un amendement proposé par mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe sur l'extension des dispositions du « contrat vendanges » à toutes les activités de récolte. Malheureusement, la commission mixte paritaire est revenue sur ce point. Mais j'espère que nous pourrons en reparler lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux et trouver des moyens pour redonner de la compétitivité à nos producteurs.

Les distorsions de concurrence proviennent aussi du fait que la législation française concernant les intrants, qu'ils soient chimiques ou non, est nettement plus sévère que celle d'autres pays européens. II est inconcevable qu'à l'heure où s'ouvre le marché mondial nous ayons à souffrir non seulement de la concurrence des pays tiers, mais également, et surtout, de celle de nos plus proches voisins.

J'en viens à mon troisième point, les crédits destinés aux exploitations légumières et fruitières. Aujourd'hui, avec l'arrivée des pays de l'Est, nos exploitations ont besoin d'un plan d'adaptation structurel prenant en compte l'économie, l'environnement et le social. Il s'agit d'élaborer un produit de qualité et d'être compétitif, tout en respectant les règles environnementales et en maîtrisant les intrants.

La profession travaille sur ce sujet en liaison avec votre ministère, monsieur le ministre, pour que des mesures soient prévues dans le PDRN.

L'entrée de l'Espagne a été accompagnée par des dispositions très importantes, notamment des financements européens au niveau du programme intégré méditerranéen, qui ont été complétées à l'échelon national en 1992 et en 1993.

Aujourd'hui comme hier, nous avons besoin de mesures d'accompagnement pour les agriculteurs.

Le dernier levier sur lequel il nous faut réfléchir et agir concerne la difficile régulation économique du marché. A cet égard, je suis ravi que M. Gaymard soit notre nouveau ministre de l'économie, des finances et de l'industrie Il connaît très bien le sujet et je suis sûr qu'il n'oubliera pas les agriculteurs. Si tel était le cas, je sais, monsieur le ministre, que vous lui rappellerez son passage au ministère de l'agriculture et à quel point sont inégales, voire injustes, les relations entre les petits producteurs et la grande distribution.

Coefficient multiplicateur, prix minimum, mécanisme de cliquet, aucune solution n'est aujourd'hui définitivement arrêtée sur le sujet. Je sais que Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, a été chargé d'étudier cette question d'un point de vue global.

Considérant les difficultés particulières de cette filière, j'ai proposé à M. Emorine de créer, au sein de la commission des affaires économiques, un groupe de travail sur les fruits et légumes. Je le remercie d'avoir répondu favorablement à ma suggestion, ainsi que Gérard César. Ce groupe de travail sera constitué mardi prochain. J'espère que nous saurons, avec mes collègues et les acteurs de la filière, dans un esprit constructif, être une force de proposition sur ce sujet sensible et complexe.

Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que je suis inquiet, d'autant que la marge de manoeuvre laissée par le projet de budget pour 2005 est très étroite. Les crédits sont reconduits, mais il faut y ajouter les reports prévus dans la loi de finances rectificative pour avoir le compte ! Dès lors, comment financer des actions supplémentaires ?

Les aides conjoncturelles accordées par votre prédécesseur s'avéreront rapidement très insuffisantes pour bon nombre d'entreprises. Dans ce contexte, comment trouverez-vous des crédits pour venir au secours des plus fragilisées d'entre elles ?

A compter de 2005, le dispositif communautaire de gestion des crises devrait être en place à partir du financement prélevé sur la modulation : 3 % de modulation, dont 1 % pour les crises. Si tel est le cas, vous aurez l'obligation d'apporter une contrepartie financière nationale à ce dispositif. Où comptez-vous trouver ces crédits ?

Monsieur le ministre, même si ce budget ne me donne pas entière satisfaction, je le voterai parce que je pense que votre prédécesseur a été un bon ministre de l'agriculture. Il a, en particulier, sorti la France de son isolement au niveau international et il s'est battu avec beaucoup d'énergie pour défendre l'agriculture française.

Je le voterai également parce que j'ai confiance en vous ; je connais votre courage et votre savoir-faire. Je sais que vous aussi, monsieur le ministre, vous vous battrez pour défendre notre agriculture, avec le concours de M. Forissier.

M. Dominique Bussereau, ministre. Absolument !

M. Daniel Soulage. La conjoncture, qu'elle soit européenne ou mondiale, ne vous facilitera pas les choses. Il vous faut d'ores et déjà être très attentif à la suspension des aides à l'exportation et de certaines aides qui entraînent des distorsions de concurrence, ainsi qu'à la contestation des indications géographiques protégées, ce qui constituerait une catastrophe pour notre agriculture.

Je souhaite vivement qu'avec l'appui du Gouvernement et du Président de la République vous puissiez trouver les moyens de redonner confiance à nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, étant la dernière à intervenir pour mon groupe, je ne parlerai que de l'enseignement agricole, les autres points ayant été abordés par MM. Coquelle et Le Cam.

Le volet enseignement technique agricole et le volet enseignement supérieur et recherche du budget de l'agriculture sont crédités de 2 % d'augmentation, dans un budget lui-même en baisse globale de 1,8 %. Un examen un peu plus approfondi de ces chiffres laisse apparaître un traitement différencié entre l'enseignement public, qui accueille environ 40 % des effectifs, et l'enseignement privé, qui en reçoit 60 %.

En ce qui concerne les emplois, tout d'abord, 90 postes sont supprimés dans le secteur de l'enseignement public, notamment dans le domaine de l'éducation physique et sportive, ce que je déplore vraiment.

Sur les 30 postes annoncés de directeur adjoint d'EPL, 22 sont effectivement créés, mais par suppression d'emplois d'ingénieurs.

Depuis le budget de 2003, cela porte à près de 300 le nombre d'emplois supprimés et nous avons assisté à la fermeture d'une centaine de classes. En effet, la fixation d'un effectif maximal dans les classes pour éviter les dédoublements conduit de nombreux établissements à refuser d'accueillir des élèves, et ce au profit de l'enseignement privé.

J'en viens aux augmentations de crédits pour l'enseignement technique public. Elles sont notamment liées à des évolutions mécaniques concernant la revalorisation des rémunérations et des prestations familiales, à la cotisation patronale du jour férié supprimé et, enfin, au financement du régime de retraite complémentaire.

La LOLF contribue également à l'effet trompe-l'oeil de ces crédits par des transferts de chapitre à chapitre.

Par contre, la suppression des aides aux manuels scolaires et aux stages, secteurs public et privé confondus, ne contribue pas à faciliter la vie des familles et des élèves. Enfin, la baisse de 2 millions d'euros de crédits d'aide sociale affecte particulièrement la situation des bourses accordées aux familles.

Le secteur privé bénéficie, quant à lui, d'un traitement de faveur puisque la revalorisation des subventions aux différentes fédérations engendre une hausse de 5 % des crédits pour l'enseignement technique et de 10,5 % pour l'enseignement supérieur.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. C'est l'application des lois Rocard !

Mme Annie David. Il faut toutefois préciser que, s'agissant des maisons familiales rurales, les MFR, et de l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion, l'UNREP, l'accord signé le 26 juillet 2004 prévoit le rattrapage du coût de formation au titre de l'année 2002, comme l'a expliqué Mme Férat ce matin, lors de son intervention.

On ne peut que se réjouir de l'augmentation des crédits de l'enseignement supérieur, mais il faut la relativiser dans la mesure où elle est essentiellement due au transfert de 88 emplois du Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts, le CEMAGREF, et de 22 emplois d'ingénieurs thésards dans ce budget. Là encore, deux poids et deux mesures : 1,96 million d'euros est affecté à l'enseignement supérieur privé et 0,5 million d'euros au public.

Montré comme exemplaire au travers des différents rapports, l'enseignement agricole porte pourtant de multiples faiblesses : taux d'encadrement souvent trop faible, recrutement insuffisant par concours de postes de titulaires, débouchés incertains, notamment dans le domaine de l'environnement, mise aux normes impératives en particulier dans le privé.. Faute de temps, je m'arrête là, mais la liste n'est pas exhaustive !

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, la tentation est grande, au travers du caractère dit exemplaire de cet enseignement, au regard des bons résultats, de la proximité, de l'alternance et du rôle d'intégration sociale, de transposer à l'ensemble des formations professionnelles ce schéma, ce qui risquerait d'enfermer de nombreux jeunes dans un moule peu évolutif et adapté uniquement aux besoins du patronat.

Tout cela nous promet de vifs débats lors de la discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école ou de celle sur le projet de loi de modernisation agricole ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, j'ai le sentiment que la ferme « France » va mal ; les agriculteurs sont perplexes, fatalistes devant les difficultés, les inconnues qu'ils ont devant eux. L'inquiétude et la peur de l'avenir sont fortes, mais votre budget, globalement à la baisse, ne peut leur rendre espoir et courage.

Ce qui me frappe, c'est le manque de volonté politique. Ce budget au fil de l'eau essaie de colmater des brèches béantes, ici ou là, mais, au nom de la maîtrise budgétaire, il n'y a plus de grande politique publique de l'agriculture.

La baisse des crédits est significative dans divers domaines. Elle se traduit par une diminution de 39 millions d'euros dans celui des offices et cette baisse affecte les contrats d'agriculture durable, les CAD, les mesures agro-environnementales, les MAE, les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, la prime à l'herbe. La diminution des crédits dans l'enseignement agricole est un signe tangible de ce renoncement.

Par conséquent, vous vous résignez à une pure logique économique : on se contente de faire confiance aux marchés, aux opérateurs privés. Le pire, c'est que l'évolution de la PAC risque de renforcer cette tendance par la mise en oeuvre du découplage, c'est-à-dire la suppression des prix garantis. Je crains que cela ne cache en réalité l'affaiblissement du poids global des aides directes qui venaient en compensation de la baisse des prix.

On voit bien, finalement, que le poids de la France, dans une Union européenne à vingt-cinq, lorsqu'il s'agit de défendre la politique agricole commune au bénéfice de notre pays, diminue fortement.

Je ne pense pas que cette ouverture à pas forcés vers le marché mondial sauvera notre agriculture, d'autant que les Etats-Unis ne jouent toujours pas le jeu et qu'ils sont les premiers à protéger leurs agriculteurs. Céder à la pression du groupe de Cairns conduira à la faillite de notre agriculture.

Si nous ne réagissons pas, monsieur le ministre, sans vouloir pronostiquer une évolution catastrophique, de 590 000 agriculteurs aujourd'hui, nous aboutirons à 120 000 agriculteurs dans vingt-cinq ans.

Ils étaient 1 588 000 en 1970, 1 017 000 en 1988. Si vous suivez cette ligne, vous comprendrez que c'est la quasi-disparition des petites et moyennes exploitations qui nous attend à l'orée de ces vingt-cinq ans.

Les exploitations continuent de disparaître à la vitesse de 3 % ou 4 % l'an et la faiblesse du volume des aides à l'installation ne peut contrecarrer cette évolution. Nous avons distribué jusqu'à 13 000 dotations aux jeunes agriculteurs, en 1999 ; en 2002, nous en avons attribué à peine 6 000.

Cela conduit à une bipolarisation de l'espace agricole, dans un schéma déprise-intensification, qui n'est pas souhaitable pour notre pays en termes d'aménagement agricole.

On constate une diminution des surfaces cultivées : de 1988 à 2000, nous avons perdu plus de 740 000 hectares de surface agricole utilisée. De fait, les conséquences environnementales sont mal maîtrisées et le scénario catastrophe est toujours possible.

On constate une standardisation des territoires, des paysages et des produits. N'a-t-on pas atteint une rupture des équilibres en termes de perte de richesse de la biodiversité, par exemple dans les races, à travers l'érosion des sols, la diminution de la qualité des eaux et de celle des sols, notamment par la perte en humus de ces mêmes sols ?

Face à cette situation, monsieur le ministre, il est temps de réagir. On ne peut transformer 80 % du territoire de la France en vaste parc naturel, avec un développement de la friche agricole et de la forêt, qui couvrent déjà 30 % de la surface de notre pays. On doit pouvoir collectivement résister, casser le modèle intensif. Un autre scénario est possible.

Sinon, le consensus social et politique qui existe autour de nos agriculteurs depuis une quarantaine d'années va disparaître en raison de votre désengagement financier et réglementaire et conduire à une crise identitaire dangereuse pour la République.

On doit pouvoir faire une France agricole de haute qualité environnementale, dans le cadre de débats environnementaux pacifiés.

Favoriser une agriculture de proximité ou « bio », ou raisonnée, en imposant des règles environnementales plus strictes sur les phytos, par exemple, soutenir l'identité des terroirs avec des circuits courts, porter plus d'attention aux territoires dans leur diversité, par le développement des labels, des appellations d'origine contrôlée, par des contrats territoriaux plus soutenus, n'est-ce pas le meilleur moyen de lutter contre les délocalisations ? Je citerai l'exemple de la viande de bovin et d'ovin, mais, on le constate aujourd'hui, des achats de viande de lapin sont effectués en Chine.

Cette politique de labellisation serait aussi créatrice d'emplois et permettrait le développement d'une plus grande diversité de nos paysages et le maintien ou le développement des bocages, en particulier.

Je crois que l'agriculture est à la croisée des chemins. L'avenir est ouvert. Ce budget ne permet pas, pour le moment, d'emprunter ce nouveau chemin. C'est pourquoi je voterai contre.

Monsieur le ministre, prenez garde que la demande environnementale des consommateurs ne s'exprime demain avec davantage de force, dans un contexte politique mal maîtrisé. Le consommateur se montre de plus en plus vigilant et exigeant en matière de qualité. Il faut répondre à cette demande avec sérieux. En 2003, la consommation de produits sous label de qualité n'a représenté que 19 % de la consommation alimentaire des ménages français.

Tel est le pari fondamental que vous avez à relever. Aurez-vous la force et la volonté politique d'y répondre dans le cadre de la loi de modernisation agricole ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Gérard Le Cam. Ce n'est pas sûr !

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Je tiens tout d'abord à vous saluer, monsieur le ministre, et à vous dire combien nous sommes heureux de vous voir aujourd'hui à ce poste, d'autant que vous êtes l'élu d'un département viticole, voisin de la Gironde. (Sourires.)

'J'interviens en qualité de président du groupe d'études sénatorial « Vigne et vin ». Il m'apparaît, en effet, extrêmement important d'appeler votre attention sur la situation de la viticulture française et des viticulteurs.

La filière vitivinicole, fleuron du secteur agroalimentaire français, est actuellement confrontée à une crise importante, liée à la conjonction d'une concurrence accrue des vins du nouveau monde sur les marchés extérieurs, d'une difficulté de positionnement à l'exportation et d'une diminution tendancielle de la consommation de vins sur le marché français.

En outre, il ne faut pas oublier les calamités à répétition que l'année 2003 a connues - gel, grêle, sécheresse et canicule, - qui ont touché l'ensemble du territoire national et qui ont eu pour conséquences des baisses de rendement dans les exploitations viticoles, qui ont atteint 30 %, parfois plus.

La plupart des vignobles sont aujourd'hui confrontés à des conditions économiques très difficiles, mettant en péril la pérennité des exploitations et les nombreux emplois directs et indirects qu'elles représentent, soit 500 000.

Face à cette situation, il est impératif de prendre des mesures à court terme pour soutenir les exploitations : aides à la trésorerie, en particulier sur les emprunts et les cotisations sociales et foncières, adaptation de la fiscalité agricole et allégement des charges, ou encore versement accéléré des aides à la restructuration du vignoble.

Par ailleurs, des mesures urgentes doivent être mises en oeuvre pour assainir le marché dès cette campagne : le régime de stockage prévu par l'organisation commune des marchés, l'OCM, doit être encouragé et ouvert aux vins de qualité provenant de régions déterminées.

Après quelques années d'application de l'OCM réformée, on constate que les mécanismes mis en place sur le plan tant conjoncturel que structurel n'ont pas été d'une réelle efficacité et n'ont permis d'atteindre ni les objectifs d'équilibre entre l'offre et la demande ni ceux de soutien aux producteurs pour l'exploitation et le développement des marchés.

Il est urgent, en dehors de la politique de restructuration, précieuse pour nos vignobles, de mobiliser les crédits communautaires en faveur de la promotion et de la communication. C'est largement préférable à une politique qui vise à soutenir la destruction d'une part importante de la production. Sur un budget de 1,7 milliard d'euros, l'Union européenne consacre entre 300 millions et 400 millions d'euros à la distillation, hors prestations viniques, et seulement 10 millions d'euros à la promotion.

Il apparaît impératif de renforcer les mesures structurelles, afin que la filière vitivinicole puisse s'adapter aux exigences des marchés d'un point de vue à la fois quantitatif et qualitatif.

Une réforme en profondeur s'impose au travers d'un soutien positif à nos productions. L'avenir de celles-ci dépend avant tout de la capacité de nos filières régionales à définir les solutions les plus adaptées à leur développement. Le ministre de l'agriculture et le secrétaire d'Etat sont, pour leur part, chargés d'appliquer les propositions régionales, qui doivent être cohérentes avec les bassins de production et être formulées en partenariat étroit avec les interprofessions régionales.

L'amélioration de la qualité, vers laquelle tendent les efforts de nos viticulteurs, doit pouvoir être valorisée. A cet égard, la communication sur nos vins et leur promotion revêtent une importance grandissante.

C'est précisément dans ce domaine que les viticulteurs sont en droit d'attendre un soutien des pouvoirs publics pour faire connaître leurs produits, reflets de la passion d'un métier qui allie l'homme et la terre.

De plus, ne confondons pas, à l'image des Espagnols, le vin et l'alcool !

A la vue d'une publicité sur l'alcool parue hier dans un journal du soir (M. Gérard César brandit un encart publicitaire faisant la promotion d'une marque de whisky.), je m'interroge, alors que l'on veut interdire la publicité sur le vin ! Je trouve qu'il y a deux poids et deux mesures ! De surcroît, les moyens financiers des viticulteurs ne sont pas ceux des producteurs d'alcool. Voilà ce que je dénonce, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Murat. Vive le vin français !

M. Gérard César. La qualité des vins français est un véritable patrimoine et leur force repose essentiellement sur les notions de terroirs et de typicité des produits.

La grande diversité de nos vins fait leur succès mondial. Elle sert l'image touristique et culturelle de notre pays. Elle contribue de manière non négligeable à l'excédent de notre balance commerciale. Rappelons que les exportations de vin représentent 6 milliards d'euros !

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la filière vitivinicole cherche un nouveau souffle dans la libéralisation des moyens de promotion du vin. Mes collègues députés, sénateurs, les viticulteurs et les ministères concernés se sont engagés à mener un certain nombre d'actions pour valoriser une consommation raisonnable et responsable, dans le cadre du livre blanc consacré à la place du vin dans la société, que nous avons remis le 28 juillet dernier à M. le Premier ministre. Où en est la création du conseil de la modération ? Quand sera-t-il mis en place ?

Comme vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'ensemble des organisations syndicales viticoles, la FNSEA et les jeunes agriculteurs, les interprofessions et les parlementaires ont appelé à une journée d'ampleur nationale, demain mercredi 8 décembre, pour sensibiliser le Gouvernement et l'opinion publique à la réalité de leurs difficultés.

Les viticulteurs réclament non seulement des mesures à court terme devant leur permettre de passer cette crise, mais également, et surtout, une véritable politique de gestion des marchés et d'aide à la promotion de leurs produits, et non des campagnes financées par l'Etat pour dénigrer le vin, campagnes au demeurant fort coûteuses ; plusieurs centaines de millions d'euros sont attribuées à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES.

J'espère, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez les écouter et que vous comprendrez leur message.

Il faut cesser de considérer que la lutte contre l'alcoolisme est incompatible avec la promotion de notre viticulture. Pour reprendre le thème d'une exposition en cours, je conclurai en disant que le vin, nectar des dieux, est le génie des hommes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. M. César ne nous a pas dit :

« Ah ! verse-nous encore de ce vin de Bourgogne

« Qui fait rougir la trogne

« Et donne des rêves d'or. » (Exclamations et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

Je n'ai rien trouvé sur le Bordeaux ! (Rires.)

M. Gérard César. Mais vous allez chercher, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, je souhaite tout d'abord vous souhaiter pleine réussite dans vos nouvelles fonctions. Le 30 novembre dernier, vous avez remarquablement situé votre future mission, ainsi que l'exceptionnelle dimension des chantiers que vous aurez à conduire, en particulier celui de la loi de modernisation agricole. Les agriculteurs de France sont très sensibles à cette conception.

Chaque année, l'étude de ce budget de l'agriculture mobilise nos attentions, car nous savons tous la place que celle-ci a tenue hier, tient aujourd'hui et devra tenir demain.

Vous savez aussi qu'elle vit, depuis plusieurs décennies, des mutations successives. Nos agriculteurs doivent être prêts à y faire face et savoir réagir en permanence.

Nous savons tous que le temps où elle devait seulement nourrir le monde est révolu. Aujourd'hui, sa mission initiale est certes conservée, mais elle est aussi élargie à des actions qui contribuent à une amélioration de la qualité de la vie, y compris sur le plan alimentaire.

A présent, l'agriculteur est un chef d'entreprise. Il doit connaître précisément les décisions prises à Berlin, à Luxembourg ou à Cancun. L'agriculture française est liée au contexte mondial, dans lequel la France doit garder une place déterminante.

Nous avons la chance que l'actuelle génération d'agriculteurs soit active et performante. Son état d'esprit est sans cesse en évolution. Notre agriculture doit anticiper non seulement les besoins, mais également les aspirations de la société. Si un agriculteur est un producteur, il doit aussi être, de plus en plus, un gestionnaire avisé et perspicace.

Nos agriculteurs sont trop souvent noyés sous un flot de circulaires trop rigides, dont l'application sur le terrain manque parfois de bon sens. L'objet de certains contrôles - cela date non pas d'aujourd'hui, mais de plusieurs décennies - est plutôt de poser des obstacles que d'apporter des solutions. Ce n'est pas raisonnable ! Etre agriculteur en 2004 requiert de l'exigence. Il faut y croire et ne pas se décourager.

Elu d'un département de moyenne montagne, j'ai eu à connaître régulièrement des handicaps liés à la topographie, au parcellaire diffus, au potentiel productif limité et au climat plus rude, qui crée des contraintes supplémentaires. Cette agriculture-là ne demande pas des privilèges ; elle souhaite simplement une approche de parité.

En 1950, mon département comptait 24 000 exploitations agricoles. Elles ne sont plus aujourd'hui que 4 500. Dans certains villages du Massif central, le problème est non plus de trouver des terres disponibles, mais de vivre dans un village où l'agriculteur n'est pas et ne sera pas le dernier habitant permanent.

En l'absence de toute vie sociale possible, il est tenté de ne plus habiter sur place et, par conséquent, d'exploiter à distance. C'est très regrettable !

La France, comme d'autres pays européens, a connu ce que l'on appelle des friches industrielles. Aujourd'hui, certaines zones agricoles françaises sont en friches, de très nombreux bâtiments d'exploitations sont totalement abandonnés. Un volet « habitat » s'impose si l'on ne veut pas que les villages se vident de leurs hommes.

Rappeler les priorités, c'est vous dire, monsieur le ministre, la nécessité d'améliorer la dotation jeunes agriculteurs afin d'inciter à s'engager dans ce métier. Penser - peut-être avec un peu d'égoïsme ou de sensibilité au pays - à une revalorisation plus importante dans les zones dites de revitalisation rurale est vraiment nécessaire.

Si la prime à l'herbe a été très sensiblement améliorée, l'indemnité compensatoire de handicaps naturels mérite d'être de nouveau actualisée afin d'atteindre les indispensables engagements qui ont été pris.

En outre, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, la PMTVA, suscite une certaine inquiétude. Cette dernière concerne plus particulièrement le calendrier de paiement pour 2004, qui risque de ne pas être respecté. La situation financière de certains éleveurs risque d'être fortement fragilisée, les empêchant de procéder, cet automne, au règlement des factures. N'oublions pas non plus que le versement en deux paiements de cette prime sur une année civile risque de poser des problèmes sur le plan fiscal.

Je complète mon propos en me félicitant que, depuis le 1er janvier 2004, le paiement de la retraite agricole s'effectue mensuellement. Mais cette mensualisation pose un problème. J'ai, à plusieurs reprises, appelé l'attention du secrétaire d'Etat au budget et celle de votre prédécesseur Hervé Gaymard, monsieur le ministre. En 2004, un agriculteur percevra quatorze mois de retraite et, s'il a la chance d'avoir encore son épouse, il bénéficiera de quatre mois supplémentaires. Les revenus qu'il touchera durant ces quatre mois supplémentaires risquent d'être le véritable détonateur d'un assujettissement à l'impôt sur le revenu ou d'un changement de tranche. C'est très important et les agriculteurs attendent une réponse, monsieur le ministre.

Nous avons apprécié l'effort qui a été réalisé récemment en faveur des bâtiments d'élevage, particulièrement en zone de montagne, où des surcoûts sont inévitables.

La production laitière en zone de montagne est également confrontée à des surcoûts, la densité de collecte étant très faible par rapport à la moyenne nationale. Elle est parfois assurée dans des conditions difficiles. Il faudra envisager très rapidement, comme par le passé, une compensation de ces surcoûts, afin de maintenir la vocation laitière de ces zones de montagne.

En effet, pour la première fois depuis de nombreuses années - c'est un phénomène très surprenant, mais réel -, des jeunes arrêtent la production laitière. Le lait était le salaire du paysan. Mais, aujourd'hui, produire du lait demande de l'exigence et cette activité a des répercussions tant humaines que sociales. La traite devant être effectuée tous les jours, elle ne laisse que peu disponibilités à l'agriculteur et ne lui permet pas de prendre des vacances comme la plupart des Français.

Monsieur le ministre, dans nos zones de montagne, l'élevage est indiscutablement une pièce maîtresse, indispensable à la survie d'une activité économique complémentaire aux aspirations touristiques et environnementales.

Les installations doivent reposer sur des bases solides, garantes de la pérennité de cette agriculture en mutation permanente.

Monsieur le ministre nous avons conscience que votre mission est lourde. Votre prédécesseur avait démontré, outre son exceptionnelle capacité de travail, une compétence et une conviction qui avaient rallié la confiance d'une grande partie des agriculteurs de notre pays.

Nous savons, au regard de vos actions précédentes, qui ont été appréciées, que vous irez dans le même sens.

M. Dominique Bussereau, ministre. Merci !

M. Jean Boyer. L'agriculture est, certes, un domaine différent, mais nous connaissons vos compétences.

Avec la même conviction, je continuerai donc à soutenir avec énergie et détermination l'action que le Gouvernement mène en faveur de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'avais écouté la présentation faite par votre prédécesseur du projet de budget de l'agriculture. Que ce soit lors des débats à l'Assemblée nationale ou devant notre commission au Sénat, il a souvent plaidé pour un budget « en reconduction », selon ses propres termes, affirmant « qu'il est possible de lancer des actions nouvelles avec un budget en simple reconduction ».

Monsieur le ministre, vous semblez partager, et ce n'est pas une surprise, cette vision et cette analyse budgétaire. Mais notre agriculture ne peut pas, surtout en ce moment, se satisfaire de quelques actions prioritaires.

Même si l'on peut ne pas être d'accord sur les chiffres, il faut bien reconnaître qu'un budget traduit avant tout un choix politique.

Je ne reviendrai pas sur l'analyse globale des chiffres, car je conçois parfaitement que, lorsque les temps sont difficiles, on puisse parfois être tenté de maîtriser les dépenses. Mais je regrette que, cette année encore, le secteur agricole ne fasse pas partie des priorités nationales, malgré toutes les difficultés qu'il rencontre et sur lesquelles nombre de mes collègues, toutes tendances politiques confondues, ont insisté tout à l'heure.

Monsieur le ministre, comme l'avait dit votre prédécesseur, rien n'est plus menteur qu'un budget. Après avoir analysé les choix affichés pour 2005, je me permets de vous dire que je ne partage pas les orientations que vous souhaitez donner à notre agriculture.

En effet, si l'on examine ce budget attentivement, on s'aperçoit que de nombreux secteurs, qu'il s'agisse des services, de la régulation des marchés, de la gestion organisée et solidaire des crises et des calamités, de la solidarité générationnelle, de la réorientation vers une agriculture de qualité, durable et liée aux territoires, ou des contrôles pour la santé et la sécurité alimentaire, voient leurs crédits diminuer.

Je ne prendrai que quelques exemples.

Tout d'abord, comme en 2004, la baisse des crédits d'intervention des offices nationaux interprofessionnels se poursuit : ils diminuent de 39 millions d'euros, soit une baisse de 6,2 %. Votre budget affaiblit donc encore une fois les politiques d'orientation économique ou de promotion des productions de qualité, dont notre agriculture a pourtant tant besoin.

Avec ce budget, l'OFIVAL et l'ONIFHLOR vont devoir se contenter des seuls accompagnements de crises et abandonner les mesures structurelles d'organisation du marché.

Vous proposez d'accompagner cette évolution en créant, d'une part, un organisme payeur autour de l'ONIC et de l'ACOFA et, d'autre part, trois offices sectoriels : végétal pour l'ONIC, l'ONIOL, et le FIRS ; animal pour l'OFIVAL et l'ONILAIT ; spécialisés pour l'ONIFLHOR et l'ONIVINS.

Ces offices joueront un rôle d'observatoire, de concertation et d'élaboration de statistiques, mais avec 250 emplois en moins à la clé !

Je regrette d'ailleurs que, sur un sujet aussi primordial, nous n'ayons pas beaucoup entendu les représentants de la profession. Peut-être étaient-ils, dans un premier temps, plus préoccupés par le maintien des conseils de direction par filière.

Cette évolution risque également de compromettre l'avenir agricole du CNASEA. Alors que la ligne de partage précédente existe toujours, l'ONIC étant le premier pilier de la PAC et le CNASEA, le second, vous proposez d'attribuer désormais toutes les aides à la surface à l'ONIC et les aides aux exploitations au CNASEA. Pourtant, nous savons bien que le paiement unique et les nouvelles aides de la PAC sont désormais essentiellement basés sur un critère de surface.

Monsieur le ministre, pensez-vous qu'il y ait encore un avenir pour le volet agricole du CNASEA, alors que l'on ne subventionne et que l'on n'instruit que quelques dossiers ? Les dotations d'installation aux jeunes agriculteurs, les contrats d'agriculture durable, les indemnités compensatrices pour handicap naturel et les primes herbagères agro-environnementales, toutes ces aides sont en baisse.

Il y va de l'avenir de 1 600 agents et des 500 agents sur les 1 000 travaillant dans les ADASEA et qui sont très inquiets.

Actuellement, le rapport entre l'agriculture, l'emploi et la formation professionnelle varie de 30 % à 70 %.

Envisagez-vous, monsieur le ministre, de réduire ces interventions au seul champ des affaires sociales, sous la tutelle de la Direction générale de l'enseignement et de la formation professionnelle, et comptez-vous maintenir un conseil d'administration paritaire entre la profession agricole et l'Etat ?

Si l'on peut comprendre, globalement, les économies d'échelle et les restructurations nécessaires, encore faudrait-il que celles-ci s'effectuent dans un réel souci d'efficacité, et non pas de simple gestion comptable.

Nous savons bien, monsieur le ministre, qu'une intervention publique volontariste peut compenser les désengagements européens. L'ouverture à la concurrence aura de graves conséquences pour beaucoup d'agriculteurs.

Malgré tout, vous ôtez encore des moyens aux filières, que vous souhaitez par ailleurs mieux structurées afin de répondre aux crises actuelles. Or cette restructuration, qui nécessite des besoins importants, est parfois vitale dans une région comme la mienne, la Bretagne, qui cumule actuellement tous les problèmes puisque ceux-ci concernent à la fois les productions avicole, laitière, légumière et porcine.

Non seulement vous renoncez à tenter de réguler les marchés agricoles, mais, en plus, il semble que vous souhaitiez accentuer la logique libérale du compromis de Luxembourg.

Pour ce qui est de la solidarité nationale et de celle de la profession face aux calamités agricoles, le fonds national de garantie des calamités agricoles, n'est pas doté, comme en 2003 et 2004, alors que les problèmes climatiques sont de plus en plus fréquents.

Certes, vous mettez en place l'assurance récolte. Mais outre le fait que cette mesure fait l'objet de nombreuses critiques de la part des assureurs, elle traduit, là encore, le choix qui est le vôtre : vous préférez à la solidarité ou à la mutualisation un dispositif privé d'assurances, subventionné pour le moment, mais forcément lourd de conséquences, à terme, pour nos agriculteurs les plus défavorisés. Nombre d'entre eux ne pourront pas faire le choix d'une assurance volontaire, notamment ceux qui se sont installés récemment.

Il faut également rappeler que les crédits du fonds d'allègement des charges, ceux du dispositif « agriculteurs en difficulté » et ceux qui sont accordés au titre de la multifonctionnalité sont en réduction : seulement 5 millions d'euros pour la ligne AGRIDIF, un soutien quasi homéopathique aux ICHN, un objectif des CAD en régression et un financement des PHAE qui passe de 133 à 121 millions d'euros.

Je citerai un autre exemple : la baisse des moyens dans le domaine de la santé publique vétérinaire, en ce qui concerne tant le financement des actions que le personnel, risque de remettre en cause l'avenir sanitaire de nombreux élevages et, à terme, la sécurité des consommateurs.

Dans plusieurs départements, les directions départementales des services vétérinaires n'ont même plus les moyens de faire analyser leurs prélèvements, mettant ainsi en danger la sécurité sanitaire des cheptels, mais également en difficulté financière des laboratoires publics départementaux.

Je pourrais prendre bien d'autres exemples, mais le temps me manque.

Je souhaite toutefois vous dire, monsieur le ministre, avant de conclure, combien je regrette l'abandon d'une politique volontariste en faveur de l'installation des jeunes, qui accuse une baisse de 5 %. Et ce n'est pas seulement un effet mécanique !

Certes, le nombre d'installations diminue de manière catastrophique. Mais doit-on considérer cette situation avec fatalisme et favoriser cette baisse, ou bien doit-on mettre en oeuvre une véritable politique ambitieuse, qui rende enfin attractives les professions agricoles et favorise davantage, et dans de meilleures conditions, les installations ?

L'avenir de nos territoires ruraux et, bien au-delà, celui de nombreuses régions, dont la mienne, dépendra d'une réelle ambition pour notre agriculture au sein de l'Union européenne. Ce n'est pas en réduisant de façon drastique les aides aux associations oeuvrant pour le développement rural, qui sont en baisse de 49 %, que l'on risque de s'orienter vers un développement des territoires !

Ces réseaux associatifs ruraux contribuent fortement à l'implication de tous les citoyens, car ils favorisent les démarches participatives de développement durable dans l'agriculture, l'environnement ou l'animation socioculturelle. Ils sont le ferment de la vitalité de nos territoires.

Pour avoir assisté récemment aux premiers échanges qui ont eu lieu dans le cadre de la préparation de la future loi de modernisation agricole, je peux vous assurer que tous les participants, agriculteurs ou non, ont revendiqué cette nécessaire inclusion de l'agriculture dans la société et réaffirmé l'importance de tous ces lieux de débat et de rencontre pour la compréhension mutuelle.

En conclusion, monsieur le ministre, un budget en baisse ou stable n'est pas systématiquement un mauvais budget, à condition toutefois qu'il reflète une véritable ambition politique et qu'il permette de mener à bien les adaptations nécessaires.

Ce n'est pas le cas du vôtre, monsieur le ministre, car il ne répond nullement aux inquiétudes très fortes ressenties par le monde agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je commencerai mon propos en vous disant à mon tour combien je me réjouis de votre arrivée au ministère de l'agriculture, en remplacement de M. Hervé Gaymard, qui s'y était beaucoup investi, et aux côtés de M. Nicolas Forissier, qui a pris ses responsabilités à bras-le-corps. Chacun connaît votre volonté et votre ténacité. Elles seront utiles pour l'accomplissement de votre mission. Mais vous savez que vous pouvez compter sur notre entier soutien.

Dans le temps bref qui m'est imparti, car nous sommes nombreux à intervenir, je souhaite présenter trois réflexions concrètes, qui sont à la fois des interrogations et des suggestions.

Ma première réflexion porte sur la politique agricole commune au travers de l'attribution des aides aux productions fourragères.

La Seine-Maritime, et ce n'est pas le seul département concerné, a subi,depuis une dizaine d'années, des inondations à répétition, avec des conséquences quelquefois dramatiques, en tout cas extrêmement coûteuses. Elle compte en effet sur son territoire de très nombreux bassins versants, qui étaient autrefois essentiellement laissés en prairie permanente. Aujourd'hui, la prairie permanente tend à disparaître au profit d'autres cultures, notamment du maïs fourrage.

Ma première interrogation porte sur la disparité qui existe en la matière : le maïs fourrage, comme beaucoup d'autres productions, bénéficie d'aides assez substantielles - et je ne souhaite en aucun cas la disparition de ces aides, bien au contraire - alors que la prairie permanente ne bénéficie d'aucune aide ou presque ? Pourtant, si on analyse ce que représentent ces cultures en termes de productivité, le rendement du maïs s'élève en moyenne à 12 000 unités fourragères par hectare, et celui de la prairie permanente à 6 000 unités, c'est-à-dire moitié moins.

La logique voudrait que la prairie permanente bénéficie au moins des mêmes aides. En effet, comme le savent les responsables des collectivités et la population, il est clair que, lorsqu'un bassin versant est maintenu en prairie permanente, on évite l'érosion des sols et, pour une grande part, les inondations.

Ma deuxième réflexion porte sur le développement des biocarburants, auquel le Gouvernement a indiqué qu'il souhaitait donner un coup de fouet, ce dont je me réjouis.

Lorsque j'étais député, j'avais fait venir à l'Assemblée nationale une voiture importée du Brésil qui fonctionnait à l'alcool pur de betterave. Le ministre de l'agriculture d'alors, M Jean Puech, m'avait fait l'amitié de monter à bord. Par conséquent, cela fonctionne !

Aujourd'hui, alors que le pétrole se fait rare et très cher, nous avons de l'espace à utiliser, particulièrement en France.

Quelles dispositions comptez-vous prendre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat ?

Tout d'abord, il est clair que la filière des biocarburants ne pourra devenir compétitive qu'à partir du moment où la recherche sera suffisamment encouragée au niveau tant de la production que de la transformation.

Ensuite, en France et en Europe, certains agriculteurs ont commencé à mettre en place, dans leur exploitation, voire dans les groupements d'exploitations, des installations fonctionnant avec leur propre carburant, c'est-à-dire l'huile de colza, de tournesol ou autres.

Alors qu'en Allemagne cette pratique est, à ma connaissance, exemptée de toutes taxes, ce qui me paraît une bonne chose puisqu'il s'agit d'une incitation, il semblerait qu'en France se manifestent d'ores et déjà des velléités de taxation des producteurs qui s'engagent dans cette voie. Or une telle démarche, économe en produits pétroliers, offre, en outre, un débouché pour l'agriculture elle-même.

Ma troisième réflexion concerne la pêche, domaine qui relève également de votre compétence, monsieur le ministre. La pêche est largement pratiquée dans mon département, qui compte de nombreux ports. Je souhaite vous parler de la coquille Saint-Jacques : il s'agit non pas des problèmes sanitaires qui sont apparus ces derniers jours et qui, fort heureusement, sont en train de s'estomper, mais des quotas et des périodes de pêche.

Que je sache, la France et l'Angleterre sont en Europe ! Pourriez-vous m'expliquer les raisons pour lesquelles les Anglais peuvent pêcher, semble-t-il, toute l'année, alors que les Français sont soumis à des quotas, et doivent, en plus, respecter des périodes de pêche ?

Que l'on édicte des restrictions et des quotas pour permettre le renouvellement de la ressource, je suis tout à fait d'accord. Mais comment justifier cette disparité, qui est d'autant moins compréhensible que les coquilles pêchées par les Anglais, après avoir transité par les ports britanniques, arrivent sur les étals de nos poissonniers ?

Nos agriculteurs et nos pêcheurs sont assez souvent surpris que certaines dispositions, qui sont prises notamment à l'échelon européen, soient aussi éloignées du bon sens qui régit leur travail quotidien.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour étudier tous ces aspects de la question.

Bien entendu, comme mes collègues, je voterai votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le mal-être des professionnels de l'agriculture est dû, pour l'essentiel, à la baisse de leur revenu, lui-même imputable à la baisse des prix agricoles à laquelle la réforme de la politique agricole commune n'est évidemment pas étrangère. Mais la responsabilité en incombe aussi, sur certaines productions, au déséquilibre persistant dans les relations entre producteurs et distributeurs.

Si le Gouvernement a pris sur ce point d'heureuses initiatives, je crains, cependant, qu'elles ne suffisent pas à renverser une tendance particulièrement fâcheuse, qui s'est traduite, notamment cet été, par une situation surréaliste. Au moment même où les prix à la production stagnaient ou diminuaient, les consommateurs voyaient les prix de la distribution atteindre des sommets, ce qui les conduisit d'ailleurs à restreindre leurs achats.

Sans vouloir, bien entendu, rétablir un quelconque contrôle des prix, il faut tout de même que les producteurs puissent vivre de leur production et les consommateurs bénéficier de prix de détail raisonnables. Dans ces conditions, peut-être faudrait-il réglementer les marges et supprimer les marges arrière. J'attends d'ailleurs, à cet égard, de connaître le sort qui sera réservé à la proposition de loi que j'ai déposée, ainsi qu'à ma suggestion de mettre en place une commission d'enquête parlementaire.

A présent, je souhaite vous faire part brièvement de trois difficultés, monsieur le ministre.

La première difficulté a trait aux crédits destinés à la reconstitution de la forêt française. La Meuse, qui est un département forestier, a beaucoup souffert des effets de la tempête de 1999. Or les engagements financiers qui ont été pris dans le cadre du plan tempête ne semblent pas avoir été complètement respectés. Ainsi, de nombreux dossiers présentés en 2004 sont en souffrance faute de crédits, victimes, m'a-t-on dit, de la régulation budgétaire. Qu'en sera-t-il pour 2005 ? Les moyens mis à votre disposition, monsieur le ministre, permettront-ils de rattraper ce retard ?

La deuxième difficulté concerne la situation financière des maisons familiales rurales. Interpellé sur ce sujet, votre prédécesseur m'a répondu que le Gouvernement s'est engagé à opérer un rattrapage à hauteur de 14 millions d'euros sur quatre ans permettant de revaloriser le coût du formateur avec, en contrepartie, une maîtrise des effectifs.

Concrètement, cela signifie que le rattrapage financier ne sera que partiel et progressif, ce qui obligera les maisons familiales rurales à trouver des moyens de trésorerie pour pallier le retard de financement de l'Etat.

De plus, les MFR devront refuser des élèves au moment même où ce type d'enseignement connaît un certain succès auprès des parents et des jeunes, ce qui n'est tout de même pas le moindre des paradoxes.

Qu'envisagez-vous de faire, monsieur le ministre, afin d'accompagner le développement des maisons familiales rurales ?

La troisième difficulté est relative aux retraites agricoles.

S'agissant de la retraite agricole de base, le mode de calcul pénalise de très nombreux anciens exploitants ou conjoints d'exploitants. En effet, celles et ceux d'entre eux qui ne peuvent justifier d'une carrière dite complète, souvent parce qu'ils ont été des aides familiaux et que leur activité n'a pas été déclarée, ou encore du fait de l'assujettissement des aides familiaux à partir de 21 an, puis, ultérieurement, de 18 ans, ou encore de services militaires longs insuffisamment pris en compte, peuvent être pénalisés plusieurs fois : par la technique de la proratisation et des minorations qui s'appliquent aux retraites de base, par l'exclusion ou les minorations drastiques sur les revalorisations intervenues entre 1997 et 2003, et par l'exclusion ou les minorations sur la retraite complémentaire obligatoire.

Dans ces conditions, l'objectif qui consistait à aligner les retraites de base agricole sur le minimum vieillesse est évidemment loin d'être atteint pour de nombreux anciens exploitants et, surtout, conjoints d'exploitants.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre afin de réparer ces injustices ?

Enfin, s'agissant de la retraite complémentaire qui devait permettre d'accorder aux retraités agricoles un revenu équivalent à 75% du SMIC, cette parité a été respectée en 2003, mais, dès 2004, un décrochage a eu lieu par rapport à l'évolution du SMIC, puisque aucune revalorisation n'est intervenue depuis le 1er janvier dernier.

Monsieur le ministre, à quel moment la retraite complémentaire agricole sera-t-elle réellement revalorisée ?

Le Gouvernement, qui exerce ses responsabilités dans des circonstances difficiles, défend inlassablement une certaine vision de l'agriculture européenne. Croyez bien que le monde agricole lui en sait gré. Mais une sourde inquiétude est en train de grandir, que les élus de terrain que nous sommes perçoivent bien. Il faut y prêter attention. Car de cette inquiétude, mêlée au désespoir, peuvent naître des réactions qu'il sera difficile de maîtriser.

Par ailleurs, la simplification administrative, dont on parle beaucoup, n'a guère effleuré nos campagnes. Les difficultés que connaissent les agriculteurs en la matière, en particulier la complexité des procédures, les découragent, qu'il s'agisse de règlements nationaux ou européens concernant, en particulier, les effets de la politique agricole commune.

Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez agir sur ce phénomène récurrent.

Comme les membres de mon groupe, j'appuie votre démarche et je soutiens votre budget, confiant dans votre détermination à agir afin de redonner enfin un peu d'espoir aux agriculteurs, qui en ont bien besoin. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Saunier.

M. Claude Saunier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous approchons du terme du marathon que constitue traditionnellement, dans cette assemblée, l'examen du budget de l'agriculture.

Je souhaite également vous faire part de notre sympathie, monsieur le ministre : d'abord, vous arrivez à la tête d'un ministère historiquement majeur ; ensuite, vous avez la responsabilité de défendre un budget que vous n'avez pas construit, ..

M. Gérard Le Cam. Il était quand même au budget !

M. Claude Saunier. ... enfin, nous avons la conviction que c'est un mauvais budget. (Rires.)

M. Charles Revet. Ce n'est pas forcément un sentiment partagé !

M. Josselin de Rohan. C'était pourtant bien parti !

M. Claude Saunier. J'en veux pour preuve la déclaration récente de la FNSEA, qui est généralement peu suspecte de vigilance excessive à l'égard de la majorité que vous représentez : « L'agriculture ne fait pas partie des priorités annoncées par le Gouvernement en 2005. » Pour une fois, cela ne manque pas de pertinence !

En tant qu'élu du département des Côtes-d'Armor, deuxième département agricole de France par la valeur de la production agricole, je suis particulièrement sensible, comme beaucoup de collègues ici, au rôle que jouent l'agriculture et l'agroalimentaire dans notre pays en termes d'emplois, d'exportation, de valeur ajoutée et, ce qui n'est pas secondaire, d'aménagement du territoire.

Notre agriculture, qui est certes l'un des points forts de notre économie, est aussi porteuse de quelques fragilités, que je voudrais souligner pour mieux éclairer l'examen du projet de budget.

Le premier risque, c'est la concurrence : concurrence qui nous vient de l'Europe élargie, concurrence qui nous vient d'un monde où l'OMC organise la dérégulation des échanges, concurrence qui est aggravée par des mutations technologiques.

Ayant eu l'occasion de travailler pendant quelque temps dans les laboratoires, j'ai appris, avec un peu d'effroi, que l'on était en train de préparer de nouveaux procédés pour conserver la viande fraîche pendant trois semaines, ce qui permettrait à la viande brésilienne ou à la viande argentine d'arriver directement en Europe non congelée.

Le deuxième risque, c'est l'émergence de nouvelles attentes de la société, de nouvelles exigences en matière d'environnement, de qualité alimentaire, de santé.

Cela me conduit à évoquer la sécurité alimentaire, sujet que j'ai eu l'occasion d'aborder voilà quelques mois au travers d'un rapport que m'avait confié l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques consacré à la qualité et à la sécurité alimentaires.

A la suite des contacts que j'ai eus avec les chercheurs et les industriels à l'occasion de l'élaboration de ce rapport, je vous livrerai quelques observations.

Première observation : notre système de production alimentaire et de contrôle de la sécurité est fiable. En effet, à l'heure actuelle, on ne compte plus, selon des statistiques validées par l'Institut de veille sanitaire, que quelques centaines de décès par an liés à des intoxications alimentaires, contre 15 000 dans les années cinquante.

Seconde observation : malgré l'efficacité du système, des crises sont toujours possibles. Elles sont coûteuses et dévastatrices, ainsi qu'en témoigne la récente crise de la « vache folle ».

A cet égard, je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que des risques nouveaux apparaissent. Ceux-ci sont liés aux effets indirects des médicaments vétérinaires sur la chaîne alimentaire, à l'emploi de molécules toxiques pour traiter les végétaux - chacun a en mémoire l'affaire du Régent et celle du Gaucho -, aux mutations génétiques des bactéries et des virus, qui induisent des antibiorésistances chez l'homme, enfin à la croissance des importations qui multiplie les risques, un quart du contenu de notre assiette comportant des produits importés.

Cela me conduit à la conclusion que la sécurité alimentaire n'est jamais définitivement acquise et que nous avons le devoir de ne pas baisser la garde.

Dans cette perspective, je souhaite évoquer la question des moyens alloués à l'AFSSA pour préserver la qualité et la sécurité alimentaires.

L'AFSSA a fait la preuve de son efficacité et apparaît comme une référence dans l'espace européen. J'ai eu l'occasion, dans le passé, de rédiger quelques rapports sur cette agence, et j'en prépare un autre actuellement. Or l'examen de votre projet de budget, monsieur le ministre, m'amène à affirmer que l'Etat prend aujourd'hui des risques réels avec la sécurité et la santé des Français, à l'heure où de multiples menaces se font jour.

En effet, les crédits inscrits au projet de budget pour l'AFSSA, d'un montant global de 65 millions d'euros, accusent une baisse de 536 000 euros par rapport à 2004, du fait de la réduction des subventions de l'Etat. L'équilibre financier de l'agence n'est obtenu que par des artifices dangereux : un prélèvement de 600 000 euros sur le fonds de roulement et un autre de 400 000 euros sur la section d'investissement. Cet organisme scientifique sera obligé de ramener de 6 millions d'euros à 4 millions d'euros le montant de ses investissements, en partie au détriment des acquisitions de matériels scientifiques. Il obère donc gravement sa capacité d'expertise pour l'avenir.

Ces analyses financières me confortent dans ma conviction que, sur ce point, le projet de budget n'est pas à la mesure des responsabilités de l'Etat, non seulement parce qu'il ne permettra pas à l'agriculture française de tenir son rang, mais aussi parce qu'il amènera une dégradation de la sécurité alimentaire, à laquelle nos concitoyens sont légitimement attachés.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, puisque vous venez d'arriver dans ce beau ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, je me permettrai de vous remettre un rapport qui est paru voilà quelques mois et qui a été approuvé à l'unanimité par les membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : peut-être contribuera-t-il à ce que vous vous forgiez la conviction qu'il faut donner à l'AFSSA et à tous les organismes chargés d'assurer la sécurité alimentaire les moyens dont ils ont besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Adeline Gousseau.

Mme Adeline Gousseau. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à saluer votre arrivée au ministère de l'agriculture. Vous saurez, j'en suis sûre, relayer efficacement votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, qui a effectué un remarquable travail, dont le projet de budget que nous examinons aujourd'hui est le fruit.

L'examen des crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité fait apparaître d'indéniables avancées, qui prouvent la réelle ambition du Gouvernement dans la conduite d'une politique agricole qui se déploie, par ailleurs, en totale cohérence avec les financements européens.

A l'instar du débat qui entoure actuellement la préparation d'une future loi de modernisation agricole, ce projet de budget vise à relever les défis décisifs qui s'imposent aujourd'hui au monde agricole, dont certains revêtent un certain caractère de nouveauté : je pense, par exemple, aux préoccupations environnementales et sanitaires, qui concernent désormais l'ensemble de notre agriculture. D'autres défis, beaucoup plus anciens, n'en sont pas moins actuels, à l'image de celui de la protection des revenus agricoles face aux aléas climatiques, dont la sécheresse de 2003 a rappelé l'impérieuse nécessité.

C'est précisément ce sujet qui constituera le coeur de mon intervention, alors que, d'une part, le lancement du dispositif d'assurance récolte prévu dans ce projet de budget est très attendu par un monde agricole qui se montre prêt, dans l'ensemble, à tenter l'expérience, et que, d'autre part, de nombreuses questions restent encore en suspens.

A cet égard, je tiens d'ores et déjà à saluer la volonté du Gouvernement de permettre un amorçage du dispositif d'assurance récolte, grâce à la constitution d'une provision de 10 millions d'euros.

En effet, nous n'en sommes qu'au début d'un processus qui vise à installer non pas, bien sûr, un nouveau système d'indemnisation public à caractère redistributif, à l'instar du FNCGA, mais bien un mécanisme assuranciel multirisque dans lequel l'Etat prendrait à sa charge une partie des cotisations.

Il s'agit notamment, suivant les préconisations de notre collègue député Christian Ménard, d'orienter in fine les choix de production via les primes assises sur le « prix du risque » et d'encourager la prise de décisions de production plus rationnelles.

Sans entrer dans le détail du système actuellement en gestation à travers la négociation qui associe les pouvoirs publics, les organisations professionnelles agricoles et les assureurs et qui s'appuie sur les dispositions en vigueur depuis la parution du décret du 19 juillet 2004, permettez-moi, monsieur le ministre, de soulever plusieurs questions relatives à ce projet. Je suis sûre que vous saurez y apporter des réponses concrètes le moment venu.

Tout d'abord, il sera nécessaire d'abonder, en cours d'exercice, la dotation de 10 millions d'euros prévue dans ce projet de budget pour amorcer véritablement les nouveaux instruments de couverture des risques que les établissements d'assurance devront s'efforcer de proposer au plus grand nombre possible d'exploitants agricoles. L'un des atouts de ce projet est de permettre une très large adhésion à une offre multiproduits adaptée aux besoins de tous et qui aura vocation à se substituer progressivement au FNGCA, qui s'est révélé insuffisant.

Votre prédécesseur avait d'ailleurs évoqué cette possibilité d'abonder, en tant que de besoin, par le biais de la prochaine loi de finances rectificative, les crédits provisionnels que nous allons voter.

En outre, il avait prévu de limiter le champ d'application du dispositif d'assurance récolte aux seules cultures de vente, de rendre l'application du système progressive sur cinq ans sans qu'elle soit immédiatement obligatoire, de plafonner la participation budgétaire de l'Etat à 130 millions d'euros, enfin de mettre en place une franchise à hauteur de 25 % des pertes, seule à même de contenir le niveau des primes et donc de favoriser la mutualisation future du système, qui est une autre condition incontournable du succès de ce dernier.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous saurez nous éclairer sur ce que vous comptez proposer en 2005, à la suite de votre prédécesseur, en ce qui concerne ces différents points.

Enfin, je souhaite vous exposer l'une des principales préoccupations des assureurs aujourd'hui. M. Gaymard avait indiqué que la question-clé de la réassurance de l'Etat ne serait posée qu'en 2007. Or, monsieur le ministre, cette couverture des gros sinistres, du type de la sécheresse de 2003, est indispensable à la mise en place d'un système de couverture accessible à tous les agriculteurs.

Croyez bien que tous les acteurs demeurent particulièrement attentifs à cette avancée d'importance primordiale, qui consisterait à intégrer purement et simplement un véritable système de réassurance d'Etat au sein du dispositif d'assurance récolte. Je crois possible et utile d'évoquer cette question dès aujourd'hui et d'en faire l'un des axes principaux des réflexions qui seront menées en 2005.

En conclusion, je pense que nous sommes bien parvenus à un tournant sur ce sujet et qu'il faut croire au lancement de cette assurance récolte, à condition que celle-ci bénéficie d'emblée d'une image crédible aux yeux de tous les acteurs.

Par ailleurs, je veux souligner combien ce projet de budget, notamment par cette première mesure d'amorçage de l'assurance récolte, permet de manifester le soutien de la nation au monde agricole, qui connaît de profondes mutations depuis plusieurs décennies, en particulier avec la réforme de la PAC et les négociations commerciales multilatérales.

Ces mutations ont surtout pour conséquence une diminution importante des protections et des aides directes et une libéralisation des marchés, qui laissent bien des exploitants agricoles désemparés. C'est dire, monsieur le ministre, combien les mesures que vous présentez aujourd'hui et l'évolution affichée au travers de votre projet de budget apparaissent salutaires et doivent être prolongées. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord saluer à mon tour votre nomination au ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité et vous souhaiter beaucoup de réussite dans l'exercice de cette haute responsabilité au service de l'agriculture française, en formant le voeu de voir s'établir une fructueuse coopération entre vos services et le Sénat.

Je me permettrai également de saluer l'action de votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, qui a eu, entre autres mérites, celui d'engager une action réformatrice par le biais de l'élaboration du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux et de la mise en chantier de la future loi de modernisation agricole.

Mon intervention portera sur l'agriculture de montagne. Celle-ci connaît actuellement une période de lourdes incertitudes et craint de subir durement les effets de la réforme de la PAC, malgré les efforts considérables accomplis depuis deux décennies par les exploitants de montagne pour s'engager dans la voie d'une production de qualité et de la modernisation de leurs équipements et de leurs installations.

Sur le plan des orientations, ce projet de budget comporte une innovation qui était très attendue, mais il suscite aussi certaines interrogations quant aux moyens prévus.

Tout d'abord, la réforme de l'aide à la modernisation des bâtiments d'élevage était très attendue depuis plusieurs années. A cet égard, le relèvement substantiel du plafond pour chaque exploitation prévu par ce projet de loi de finances est accueilli avec beaucoup de satisfaction.

Toutefois, des incertitudes subsistent, et ce pour deux raisons.

Premièrement, les crédits affectés aux bâtiments de montagne sont désormais incorporés à un fonds unique concernant l'ensemble du territoire. Or si les modalités d'octroi des subventions devraient permettre d'identifier l'enveloppe spécifique aux exploitations de montagne, rien n'indique, à ce stade, quel sera le montant de celle-ci. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements utiles sur ce point ?

Deuxièmement, cette ligne de crédits globale de 80 millions d'euros, la part des financements communautaires étant comprise, apparaît insuffisante au regard de l'effort de modernisation à accomplir sur tout le territoire, effort d' autant plus indispensable et urgent que la réforme de la PAC réservera le bénéfice des financements européens aux exploitations qui auront pu précédemment se mettre aux normes. Quelles assurances pouvez-vous nous donner pour l'avenir, monsieur le ministre, notamment pour les deux prochaines années, quant au niveau des moyens affectés à la modernisation des exploitations ?

Une autre question prioritaire pour les exploitations de montagne concerne la revalorisation des indemnités compensatrices de handicap naturel.

A la grande satisfaction de la profession agricole, le Gouvernement s'était engagé, voilà deux ans, à relever à hauteur de 50 % le montant de cette aide spécifique à l'agriculture de montagne pour les vingt-cinq premiers hectares exploités, et un relèvement de 10 % avait déjà été prévu dans le budget initial pour 2004 de votre ministère.

Cependant, lors de la présentation du projet de budget pour 2005, votre prédécesseur avait indiqué qu'à la suite des arbitrages budgétaires cette réévaluation ne serait pas reconduite l'année prochaine. Puis, le 21 octobre dernier, le Président de la République a assuré que le processus engagé l'an dernier se poursuivrait. Et M. Hervé Gaymard a annoncé le 8 novembre, devant nos collègues de l'Assemblée nationale, qu'un nouveau relèvement de 10 % de l' ICHN serait effectif dès 2005 et figurerait parmi les mesures inscrites dans la loi de finances rectificative pour 2004. Afin de rassurer pleinement les nombreux exploitants de montagne concernés par cette mesure, je vous serais reconnaissant de bien vouloir confirmer cette décision.

Enfin, la décision de l'ONILAIT de se désengager des actions destinées à accompagner la politique de qualité en montagne, dans les filières laitière et porcine, cause un profond désarroi au sein de la profession agricole.

Chacun connaît l'importance vitale de la « démarche qualité » pour les productions de montagne, principal facteur de différenciation pour compenser les surcoûts et handicaps et gage de pérennité des exploitations.

Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous préciser les moyens prévus pour compenser les diminutions de moyens financiers qui, du fait de la décision prise par l'ONILAIT, affectent ces actions à hauteur de 6,2 millions d'euros pour le lait.

Je voudrais maintenant évoquer quelques problèmes, pour la plupart d'ordre financier, qui préoccupent fortement la profession agricole.

Je ne peux manquer de soulever ici la question, restée sans réponse, des demandes de remboursement partiel de la prime à l'herbe adressées par le CNASEA à 400 éleveurs français, dont 60 Haut-Savoyards. Cette situation est d'autant plus mal vécue qu'elle concerne principalement des subventions versées lors de la campagne 1998-1999 à des exploitations déjà fragilisées.

En dépit des appels lancés par la profession à différents niveaux de l'Etat, aucune décision n'a, semble-t-il, été prise. Voudriez-vous, monsieur le ministre, éclairer notre assemblée sur ce dossier ?

Une autre difficulté a surgi récemment dans les départements de montagne.

Sur la base d'une circulaire du 2 juillet 2004, le CNASEA effectue actuellement une campagne de contrôles sur les exploitations agricoles ayant bénéficié de prêts bonifiés, en particulier pour la construction de bâtiments d'élevage.

Or cette circulaire prévoit que les investissements doivent être réalisés et payés dans un délai maximum de deux mois à compter de la libération du prêt. Ce délai est évidemment irréaliste dans des secteurs où les conditions climatiques limitent considérablement les périodes de l'année pendant lesquelles les travaux extérieurs peuvent être réalisés.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, rechercher toutes les solutions appropriées, afin d'éviter aux exploitations concernées de se trouver dans une impasse et, parfois, d'être gravement fragilisées ?

Avant de mettre un terme à mon intervention, je tiens à évoquer deux sujets d'une importance primordiale pour la pérennité de l'activité agricole en montagne.

D'une part, la question foncière est devenue fondamentale dans de nombreux départements, notamment la Haute-Savoie. Il est en effet à craindre que les effets conjugués de la hausse des prix des terres et de la nouvelle PAC, qui instaure un découplage presque total entre les aides à l'agriculture et les productions, ne viennent menacer la pérennité de nombreuses exploitations.

D'autre part, il est important de différencier les produits et de mettre en place des signes de qualités spécifiques à la montagne. Désormais, des productions AOC se trouvent directement concurrencées, sur certains segments de leur marché traditionnel, par des produits industriels fabriqués à de lointaines distances de la zone de production. Ces produits introduisent habilement une confusion dans l'esprit du consommateur, en profitant d'imprécisions ou de failles de la législation.

Je tenais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à soumettre à votre réflexion ces deux problèmes graves, auxquels la future loi de modernisation agricole devrait apporter les solutions attendues. Confiant dans votre action, je voterai le projet de budget de ce ministère. Je vous remercie par avance des réponses que vous pourrez m'apporter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, gros temps pour la pêche et les pêcheurs ! C'est ainsi que je souhaite intituler mon intervention, qui portera uniquement sur le budget de la pêche pour 2005.

En effet, c'est un secteur important d'activités économiques pour notre pays. Je le résumerai en quelques chiffres : 5 675 navires, pour une puissance de quelque 900 000 kilowatts et un tonnage de plus de 600 000 tonnes. La majorité de ces navires pratiquent la pêche artisanale et hauturière, ainsi que la pêche côtière.

En termes financiers, cela représente 964 millions d'euros en produits frais et 77 millions d'euros en produits congelés. Je n'oublie pas, bien évidemment, la conchyliculture, qui représente environ 20 000 emplois.

Elue bretonne, je rappelle que la Bretagne concentre 40 % de la puissance des navires, près de 29 % des effectifs, que l'on estime aujourd'hui à 26 000 marins en France.

Ce secteur d'activités cumule difficultés et incertitudes ; j'en citerai quelques-unes.

Tout d'abord, le prix du gazole augmente d'une façon vertigineuse : le carburant représente 25 % des coûts d'exploitation des entreprises de pêche et l'augmentation de 0,15 euro entraîne une réduction de 4 % à 16 % du revenu des marins pêcheurs.

Ensuite, la fin des aides européennes est programmée pour la fin de l'année 2004 s'agissant de la construction, et pour la fin de l'année 2006 en ce qui concerne la modernisation.

Enfin, la maîtrise de la ressource est indispensable au développement durable et à l'avenir de la filière.

J'ajouterai le lourd tribut que payent les marins à un métier difficile, exigeant et dangereux. Je rappellerai à cet égard le drame cruel du Bugaled Breizh qui a endeuillé le monde de la pêche en général, et la Bretagne en particulier. J'insiste sur le désarroi des familles face à une énigme qui n'est toujours pas résolue à ce jour.

C'est dans un tel contexte que nous débattons aujourd'hui du budget de la pêche. Je reviendrai sur plusieurs aspects de ce budget.

La baisse globale des crédits de la pêche agrégat « gestion durable des pêches maritimes et de l'aquaculture », à hauteur de 5,7 %, n'échappe pas à la logique générale de baisse des budgets de l'Etat. A la page 5 du rapport écrit de M. Alain Gérard, il est indiqué : « les crédits (...) sont en diminution non négligeable. » Notre rapporteur pour avis reconnaît donc clairement cette situation !

Le même constat est dressé en ce qui concerne les crédits de I'OFIMER : « 8,5 millions d'euros ont été affectés à cet organisme en 2005, soit une dotation en recul de 15,2 %. » Et le rapport d'ajouter : « Votre commission insiste cette année encore, sur l'importance des missions de I'OFIMER et la nécessité d'assurer en conséquence la pérennité de son financement. »

Je ne pourrai pas mieux dire ! Je me contenterai de rappeler les missions de l'OFIMER, un outil essentiel qui permet la promotion et la valorisation des produits, l'information du consommateur, le soutien à l'amélioration de la qualité, c'est-à-dire, globalement, l'organisation des marchés.

Je ne peux d'ailleurs pas m'empêcher de faire le parallèle, certes dans un autre domaine, avec la situation du Conservatoire du littoral : on loue l'intérêt de cet organisme, sans lui donner les moyens nécessaires. Cette attitude consistant à masquer les réalités crues des baisses budgétaires par des propos flatteurs et enjôleurs serait-elle systématique ?

J'évoquerai maintenant quelques autres aspects du sujet.

S'agissant du fonds pour aléas, je disais, au début de mon intervention, que les marins avaient été frappés de plein fouet par l'augmentation du gazole. Cela m'amène à relayer une demande récurrente des professionnels sur la gestion des aléas par la constitution d'un fonds. D'ailleurs, pourquoi ne pas renouveler, à l'échelon européen, une demande d'organisation commune sur ce dossier ?

Pour ce qui est du dispositif des « Sofipêches », qui a été mis en place par la loi du 18 novembre 1997, son objet était d'aider à la modernisation des navires, laquelle conditionne la sécurité. Où en est-on aujourd'hui de la modification de ce dispositif ? Des interrogations subsistent, en effet, sur l'après 2006.

Certes, la maîtrise des constructions est liée à la préservation de la ressource. L'un des moyens pour y parvenir est l'instauration des totaux admissibles de captures et des quotas. Mais cela peut aussi passer par les périodes de repos biologique, à condition d'indemniser les pêcheurs. Nous connaissons les désaccords récurrents qui existent entre les professionnels et les scientifiques à ce sujet. Des progrès ont été réalisés ces derniers temps grâce à la signature de la charte entre l'IFREMER, le milieu maritime et l'Etat. C'est un premier pas. La confiance est encore à gagner.

Cette maîtrise passe aussi par les contrôles. Ces derniers sont indispensables et les crédits figurant sur cette ligne connaissent une augmentation, ce dont nous nous réjouissons. Mais méfions-nous du phénomène de black fish. Les professionnels s'inquiètent de la provenance des poissons mis sur le marché. Ils dénoncent l'existence d'un marché hors criée et supposent qu'il s'agit de poissons hors quotas.

Ces apports bouleversent les cours et anéantissent les efforts qu'accomplissent les pêcheurs pour pratiquer une pêche responsable et respectueuse de la ressource.

Il est regrettable que l'Europe renvoie la solution du problème à chaque Etat membre au lieu de conduire une politique globale !

Cette maîtrise passe également par la qualité sanitaire, la traçabilité et la préservation du littoral. Les récents rapports et débats sur la loi Littoral ont permis de rappeler l'importance des schémas de développement sur ces espaces à protéger en étant très vigilants face à la pression foncière.

Monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de deux points qui me préoccupent.

Pouvez-vous nous apporter des précisions au sujet de la transformation de l'instrument financier d'orientation de la pêche en fonds européen de la pêche ?

Par ailleurs, la question des pensions de réversion est importante pour les femmes de marins. Quand une femme perd malheureusement son mari, la pension est seulement de 54 %. Il faudrait passer à 70 %, car de nombreuses veuves ne touchent même pas le SMIC.

Avant de conclure, je parlerai plus largement de la situation des gens de mer. Les inquiétudes s'accumulent. Le projet de loi portant création du registre international français, le RIF, n'a toujours pas été discuté à l'Assemblée nationale. Les vives oppositions qu'il a provoquées posent les enjeux du débat.

Les décisions prises récemment par les sociétés Gazocéan et France Télécom Marine illustrent la poursuite de la réduction du nombre de marins français. La question du registre ne doit pas être, à mes yeux, abordée sous le seul angle de la compétitivité et de la concurrence. L'actualité récente nous montre que la sécurité maritime et celle des marins doivent guider et encadrer toute réflexion dans ce domaine, car la question de la sécurité reste majeure pour l'avenir de la pêche.

En conclusion, je constate que, face à la situation très difficile de ce secteur de l'économie, votre projet de budget n'est pas à la hauteur des enjeux, monsieur le ministre. Je l'ai démontré, me semble-t-il, dans mon intervention. Ce projet de budget ne rassure pas les professionnels, car il manque de souffle, de volonté. Il ne répond pas aux défis que le xxie siècle pose au monde de la pêche. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je salue l'arrivée de Dominique Bussereau au ministère de l'agriculture. Le Président de la République et le Premier ministre ont, me semble-t-il, joué gagnant-gagnant.

Monsieur le ministre, vous étiez au budget, vous voilà à l'agriculture ; Hervé Gaymard passe de l'agriculture à l'économie et aux finances. Si nous ne réussissons pas à défendre les intérêts de l'agriculture, ce sera à désespérer !

M. le président. Et M. Forissier est toujours là !

M. Alain Vasselle. Il tient bon, heureusement ! C'est le pilier de la maison !

Si vous ne déjouez pas les ficelles de Bercy que vous connaissez bien, monsieur Bussereau, je pense que l'on saura vous rappeler votre passage au budget. Mais, grâce à vous, nous allons permettre aux agriculteurs de retrouver le moral, parce que, par les temps qui courent, avec la perspective de la PAC, ils sont plutôt inquiets !

Le temps de parole imparti à chacun d'entre nous étant très limité, mes observations seront un peu lapidaires et je vous prie de m'en excuser. J'espère que vous n'aurez pas la même réaction que M. Hervé Gaymard, qui m'avait reproché, l'année dernière, d'avoir été désagréable avec le ministre de l'agriculture.

M. Charles Revet. Ce n'est pas possible ! (Sourires.)

M. Alain Vasselle. Ce n'était pas mon intention ! Je voulais simplement lui demander d'être vigilant quant aux préoccupations de la profession agricole.

Le premier sujet sur lequel je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, concerne le BAPSA. Sa suppression est l'une des conséquences des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances : il a été remplacé par le FFIPSA. En tant que rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer cette question. Mais le BAPSA et le FFIPSA ne font plus l'objet d'aucune discussion.

Monsieur le ministre, j'aimerais que vous puissiez nous rassurer et que vous organisiez, en liaison avec Philippe Douste-Blazy, un débat sur le FFIPSA. La loi organique nous en fournira peut-être l'occasion. Quoi qu'il en soit, comment le Gouvernement compte-t-il assurer l'équilibre de ce budget ? Sur l'exercice 2004-2005, le FFIPSA présentera un déficit cumulé de 2,3 milliards d'euros. Cette situation ne doit pas perdurer ; il faudra bien que l'on se donne les moyens de l'équilibre.

Le second sujet que je souhaite aborder est celui des retraites. Chaque année, 90 000 personnes travaillant dans le domaine agricole sortent du système, tandis que 40 000 y entrent. Cela dégage un résultat positif net de 270 millions d'euros pour le financement des retraites. Aujourd'hui, si 930 000 exploitants ont vu leur pension revalorisée, près de 1,5 million n'a pas encore bénéficié de cette revalorisation.

Environ un quart des exploitants agricoles bénéficient d'une retraite qui atteint approximativement 75 % du SMIC, alors que 1,5 million d'agriculteurs retraités ont une retraite qui ne représente que 30 % à 40 % du SMIC. Or, dans le cadre de la réforme des retraites, M. Fillon avait pris, devant la représentation nationale, l'engagement que, en quatre ans, les retraites des exploitants agricoles atteindraient 85 % du SMIC.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous disiez où en est le Gouvernement sur les évolutions futures concernant les agriculteurs retraités.

Quant à la PAC, Hervé Gaymard a fait de son mieux : il a bien défendu les intérêts de l'agriculture française à Bruxelles, dans le cadre des négociations qui ont été menées.

Le premier pilier est stabilisé jusqu'en 2013. L'entrée des nouveaux pays n'aura pas de conséquence sur l'enveloppe des pays bénéficiaires de la PAC. Vous avez réussi à sauver à peu près les meubles en maintenant le couplage pour une partie de la production.

Cela étant, les perspectives ne sont pas réjouissantes. Les aides couplées, découplées subiront une réduction, à raison de 3 % en 2005, 4 % en 2006 et 5 % en 2007, au profit du deuxième pilier. Il y a aussi la fameuse discipline budgétaire qui risque de s'appliquer ; à ce propos, les centres de gestion agricole qui réalisent des simulations ne savent pas sur quel pied danser : la discipline budgétaire sera-t-elle de 3 %, de 10 % ou entre les deux ? La différence n'est pas négligeable.

J'ai demandé au centre de gestion agricole de l'Oise de procéder à des simulations de l'application de la PAC en prenant ou non en compte les changements résultant du règlement « sucre ».

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : toutes les exploitations agricoles, qu'elles soient céréalières, d'élevage ou productrice de lait, perdent, d'ici à 2007, entre 7 % et 22 % de leur revenu. Par ailleurs, si la discipline financière va jusqu'à 10 %, l'impact est de l'ordre de 12 % à 26 %.

Imaginez une entreprise en France qui verrait son revenu baisser dans de telles proportions ! Tous ses salariés descendraient dans la rue, car elle ne pourrait pas survivre une seconde !

Notre agriculture est administrée, mais pour combien de temps encore ? Nous savons bien que, si l'on fermait le robinet des aides européennes, toute l'agriculture française serait en situation de quasi-faillite, autrement dit elle n'aurait plus de revenu du tout ! Les seuls revenus dont bénéficient les agriculteurs aujourd'hui sont ceux qui correspondent aux primes. Aussi, au vu d'une telle diminution, de 3 % à 5 %, et de l'apparition d'un dispositif de discipline financière, on ne peut qu'être préoccupé !

Selon le centre de gestion agricole dont je parlais tout à l'heure, une exploitation sur deux connaîtra des difficultés de trésorerie à partir de 2007.

C'est la raison pour laquelle je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez quelques apaisements, notamment dans la perspective de la loi de modernisation agricole. Qu'allez-vous faire sur les plans fiscal, économique et social ?

Il faut compter aussi avec l'impossibilité pour un agriculteur de répercuter les hausses des prix des produits qu'il utilise.

Lorsque le prix de l'acier flambe pour s'élever à plus de 50 %, le constructeur de charpentes métalliques est contraint d'accroître le prix de vente de son produit. Mais lorsque le baril de pétrole passe à cinquante ou soixante dollars, l'agriculteur, lui, ne peut répercuter une telle hausse sur ce qu'il produit : ni sur la viande, ni sur les céréales, ni sur les produits oléagineux ! Nous n'avons aucune marge de manoeuvre contrairement aux entrepreneurs agricoles qui procèdent aux arrachages de betteraves ou éventuellement aux récoltes de céréales.

Il y a peu de temps, un entrepreneur me disait qu'il allait être obligé d'augmenter son tarif de prestation pour tenir compte de la hausse du pétrole. L'agriculteur, lui aussi, subit cette hausse de plein fouet, mais il ne peut la récupérer.

Les agriculteurs sont donc très inquiets de l'évolution qui se profile à l'horizon.

Et, cerise sur le gâteau, ajoutez à cela l'éco-conditionnalité, belle invention ! En fait, cette nouvelle notion impliquerait que les agriculteurs sont peu soucieux de l'environnement. Je vois là un mauvais procès qui leur est fait dans la mesure ou ils ont démontré, à plus d'une occasion, que ce n'était pas le cas.

En outre, en mettant en place cette éco-conditionnalité, on crée de nouvelles contraintes sans faire gagner un sou supplémentaire, au contraire ! Un agriculteur qui ne respecterait pas un certain nombre de normes ou de contraintes prendrait le risque de perdre les aides européennes, donc la totalité de son revenu ou de son bénéfice.

C'est la raison pour laquelle je suis inquiet de l'évolution des crédits concernant les CAD, ex-CTE. Je terminerai donc mon propos sur ce point.

J'aimerais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez au moins procéder par redéploiement pour ce qui concerne les départements les plus dynamiques dans ce domaine. Je m'en suis déjà entretenu en privé avec vous.

J'ai constaté, en lisant des documents que vous m'avez fait parvenir, que certains départements n'étaient pas du tout consommateurs.

Je citerai quelques exemples : en 2004, les départements de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse - peut-être cela n'étonnera-t-il personne - n'ont déposé aucun dossier de CAD ; le département des Alpes-Maritimes n'en a déposé que trois ; la Gironde, neuf ; le département des Vosges, cher au président Poncelet, deux ; le Territoire-de-Belfort, cinq ; la Lozère, deux ; le Lot, neuf. Parallèlement, certains départements ont des dossiers en attente. Le département de l'Oise que je représente a aujourd'hui quatre-vingt-cinq dossiers en souffrance qui ne sont pas financés.

Pour atteindre un rythme de croisière qui tienne compte de la disparition des CTE et de la création des CAD, il faudrait traiter deux cents dossiers par an. Or, avec la baisse des crédits prévus au titre de l'exercice 2005, on ne pourrait en financer que soixante. Il y a un problème !

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez quelques assurances afin de nous tranquilliser complètement sur l'évolution du financement des CAD.

Je conclus : bien entendu, appartenant à la majorité sénatoriale, je fais parfaitement confiance a priori au Gouvernement, dont j'espère qu'il saura apaiser mes inquiétudes, inquiétudes que j'ai exprimées à double titre : en qualité de parlementaire d'un département agricole, d'une part, et en qualité d'agriculteur, d'autre part.

Je serais d'ailleurs curieux de savoir combien il y a d'agriculteurs en activité dans l'hémicycle, ce soir. Si je demandais à ce que les mains se lèvent, je n'en verrais pas beaucoup. On ne serait peut-être que deux !

Cela explique, monsieur le ministre, que nous ayons de plus en plus de mal à peser sur les décisions politiques. Toutefois, nous sommes suffisamment déterminés pour vous sensibiliser à nos problèmes, et je sais que vous n'y êtes jamais indifférent. J'ai bon espoir, et je vous remercie d'avance ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la forêt qui couvre le quart du territoire national a du mal à se faire entendre : pour le ministre de l'agriculture, elle n'est qu'un des soucis multiples qui l'assiègent. La LOLF et son programme « forêt » la rendront peut-être plus visible.

J'ai malgré tout deux motifs d'optimisme : votre capacité d'écoute, monsieur le ministre, dont vous nous avez donné des preuves récentes, alors que vous étiez encore à Bercy, et la nomination de votre collègue des finances, Hervé Gaymard, qui a appris, rue de Varenne, à connaître les forestiers et les communes forestières...

Au Sénat, le groupe d'études Forêt et filière bois vient d'être reconstitué, sous la présidence de notre collègue Philippe Leroy, spécialiste éminent. Vous entendrez donc souvent parler de nous. C'est heureux, car les arbres ont coutume de souffrir en silence, et ils ont beaucoup souffert ces dernières années ! Il faut donc que les hommes les aident.

M. Charles Revet. Voilà qui est joliment dit !

M. Yann Gaillard. M. Gaymard et vous-même, nous avez aidés en reconduisant à un chiffre plein, 144,7 millions d'euros, le versement compensateur. Bravo ! Vous nous avez dit, rue de Bercy, que le décret sur le fonds d'épargne forestière était signé. Renseignement pris, vous vous avanciez encore un peu !

M. Dominique Bussereau, ministre. C'est l'intention qui compte ! (Sourires.)

M. Yann Gaillard. Ce texte, dont j'ai pris l'initiative lors de la discussion du projet de loi d'orientation sur la forêt de juillet 2001, eût été bien utile pour placer les fonds qui - abondance malheureuse et fugace - ont suivi les ventes de chablis. J'ai bon espoir que nous allons sortir bientôt de ce pataquès, si habituel, hélas ! quand il s'agit de prendre des textes d'application qui déplaisent à quelque puissant bureau de la direction du budget ou du Trésor ! C'est un ancien inspecteur des finances qui vous parle...

Dans la détresse budgétaire que connaît notre pays, le ministère de l'agriculture n'étant pas prioritaire, votre prédécesseur a dû faire des concessions au ministre des finances qu'il allait devenir. La forêt productive, qu'elle soit publique ou privée, unie dans le malheur, aura donc été frappée, depuis le début du siècle, de quatre plaies, aussi douloureuse que les plaies d'Egypte : tempête séculaire, canicule, chute des cours du bois - vraie tempête économique - et, cette année, réductions des crédits du chapitre 59-02.

Notre incompréhension est totale à la lecture dans le « bleu » des lignes relatives à la gestion des peuplements et la reconstitution après tempête. Il semble qu'on ait un peu mélangé les crédits de la forêt publique de l'article 20 à ceux de la forêt privée de l'article 30 ; mais sans doute allez-vous nous rassurer sur ce point, qui n'est d'ailleurs pas le plus important !

Bien plus grave, en fait : ce budget est taillé trop juste au regard des besoins. Certes, vous me direz que, globalement et avec un montant annuel moyen supérieur à 91,5 millions d'euros depuis l'année 2000, vous respectez les engagements pris par le Gouvernement au lendemain de la tempête. Peut-être, mais vous incluez dans ce montant les aides européennes - c'est sans doute de bonne guerre - et asséchez totalement les financements destinées à la gestion des peuplements non touchés par la tempête.

En 2004, 80 millions d'euros seulement, budget de l'Etat et cofinancement européen additionnés, ont été affectés à la reconstitution des forêts. Or nous sommes maintenant dans la phase la plus active et la plus délicate des opérations de reconstitution et il est indispensable de tenir le cap. Plusieurs orateurs l'ont d'ailleurs rappelé avant moi, notamment le rapporteur pour avis Gérard Delfau ainsi que le rapporteur spécial, Joël Bourdin.

Je vous demande donc, au nom de l'ensemble des propriétaires forestiers publics et privés, d'ajouter au chapitre 59-02, au titre des reconstitutions, une somme de 6,9 millions d'euros qui, abondée du cofinancement de l'Europe, permettra de retrouver le montant de 91,5 millions d'euros.

J'associe également ma voix à celle des représentants de la forêt privée pour vous demander de ne pas différer la deuxième partie du programme d'accroissement des effectifs des CRPF, centres régionaux de la propriété forestière, et d'inscrire au budget pour 2005 les moyens nécessaires à la création des trente nouveaux postes promis dans le cadre de la loi d'orientation sur la forêt de 2001.

Pour mieux afficher notre détermination, nous avons, avec quelques collègues, déposé deux amendements qui, pour ne pas tomber sous la hache de l'article 40 de la Constitution, le sont sous forme de réduction indicative de crédits, contradiction interne que tout le monde connaît et qui n'aura probablement plus lieu d'être lorsque la LOLF sera entrée en application.

Le temps me manque pour évoquer le problème irritant de l'interprofession et de sa cotisation volontaire obligatoire. Quelle belle alliance de mots ! (Sourires.) La défection de la deuxième transformation - panneaux, papier, meuble - pose un problème tant financier que juridique. Il faut que le ministre de tutelle sorte du bois, s'il m'est permis de m'exprimer ainsi.

Monsieur le ministre, une image m'a frappé. Notre pays possède une grande forêt, la troisième de l'Union européenne en surface ; mais en volume de bois sur pied, elle occupe la première place, ce qui ne nous réjouit pas, car c'est un phénomène d'obésité !

Notre forêt s'alourdit, monsieur le ministre, elle s'empâte, elle est sous-exploitée et cela, vous le savez, est grave. Une forêt vieillie et « en surcharge pondérale » est plus sensible aux catastrophes, tempêtes et incendies ; elle est plus sombre et a donc à la fois une biodiversité plus pauvre et une qualité d'accueil diminuée ; par ailleurs, bien sûr, elle valorise mal son bois alors que le bois-construction et le bois-énergie, constituent de vraies pistes de développement économique et d'emplois locaux ; je sais que c'est un sujet auquel vous êtes très attaché.

Nous attendons de vous que vous preniez la pleine mesure de la question et que vous nous donniez les moyens nécessaires pour que notre forêt soit vraiment durable et multifonctionnelle comme le veut la loi d'orientation de 2001, qui, après les mesures prises sous Colbert et Charles X, est le troisième grand texte forestier de notre histoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Permettez-moi, tout d'abord, monsieur le ministre, de vous féliciter pour votre nomination au portefeuille de l'agriculture, si symbolique pour le sénateur de la Corrèze que je suis. Je voudrais aussi saluer le travail remarquable effectué par votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, en particulier lors des négociations à Bruxelles.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget que vous nous présentez n'échappe pas à la logique générale de maîtrise des déficits publics qui a guidé l'ensemble du projet de loi de finances pour 2005. Comme l'a fait remarquer l'un de nos collègues qui fait partie de cette noble représentation nationale des paysans, je dois dire que ces derniers sont inquiets.

M. Alain Vasselle. C'est vrai !

M. Bernard Murat. Pour autant, 4,9 milliards d'euros seront consacrés à l'agriculture. Nous sommes donc en présence d'un budget en quasi-reconduction, dont la qualité doit se mesurer non pas à son volume mais à sa capacité de dégager des priorités destinées à préparer l'avenir. Nos excellents rapporteurs ayant précédemment détaillé avec talent ces priorités, je ne m'attarderai que sur l'une d'entre elles, la création d'un fonds unique de modernisation des bâtiments d'élevage, dont je me félicite tout particulièrement.

Il était, me semble-t-il, important de redonner des perspectives aux éleveurs afin que la mise aux normes ne soit pas, pour eux, un motif supplémentaire d'abandon de la production, en particulier dans le veau de lait.

En effet, de nombreux éleveurs éprouvent des difficultés à financer le lourd investissement que représente l'adaptation d'un bâtiment d'élevage. La nouvelle procédure permettra de regrouper en un guichet unique l'ensemble des aides jusqu'alors gérées selon des procédures disparates. Doté de 55 millions d'euros, ce fonds devrait atteindre en 2006-2007 120 millions d'euros. J'espère que cet objectif sera respecté, car, pour être efficace, cette politique nécessite la durée.

Par ailleurs, il conviendra, pour que ce principe de guichet unique soit effectif, que les moyens en personnel mis à disposition soient suffisants.

En me félicitant des mesures contenues dans ce projet de budget, monsieur le ministre, j'apporte la preuve que l'on peut engager de nouvelles actions sans pour autant dépenser plus que de raison, même si je suis tout de même obligé d'émettre certaines critiques.

En ce qui concerne le soutien aux territoires les plus fragiles, pour les indemnités compensatrices de handicaps naturels, les ICHN, qui permettent la présence d'agriculteurs dans les zones les plus défavorisées, un montant de 234 millions d'euros est prévu. Je crois qu'il faut aller beaucoup plus loin, et ce conformément à l'engagement pris précédemment d'augmenter leur montant de 50 % en trois ans pour les vingt-cinq premiers hectares. Après une augmentation de 10 % l'année dernière, une dotation de 16  millions d'euros supplémentaires sera donc nécessaire.

M. le Président de la République, voilà quelques semaines, affirmait que la hausse des crédits était acquise pour 2005 et qu'elle figurera dans la loi de finances rectificative. Nous sommes donc rassurés sur ce point. Mais il reste que le plafonnement à 110 % du montant de l'indemnité versée l'année précédente aux agriculteurs pénalise les jeunes agriculteurs qui développent leur exploitation, ainsi que les petites exploitations qui tentent de s'agrandir.

De plus, la diminution de 10 % des crédits relatifs aux contrats d'agriculture durable et la simple reconduction des mesures agro-environnementales ne permettront pas aux agriculteurs d'avoir les moyens nécessaires pour prendre en compte les préoccupations environnementales qui s'affirment de plus en plus. De nouvelles marges de manoeuvre pourront peut-être être dégagées dès 2005, à la suite de la mise en place de la modulation des aides dites du « premier pilier » de la PAC.

Plus fondamentalement, sans doute conviendrait-il de s'orienter vers un repositionnement de l'instrument que constituent les CAD, du fait de la mise en place de l'éco- conditionnalité des aides agricoles de la PAC, du programme Natura 2000 et du développement annoncé de l'agriculture raisonnée. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous faire connaître les perspectives d'avenir, sachant combien nos agriculteurs s'inquiètent fortement de la mise en place de la nouvelle PAC. Ils demandent que les règlements d'éco-conditionnalité et leurs contrôles soient mis en place de manière très progressive. En effet, le procès fait à nos agriculteurs en matière d'environnement est, pour une large part, dû à des raisons philosophiques sinon bureaucratiques.

Les crédits d'accompagnement à l'installation des jeunes agriculteurs, qui est depuis longtemps l'un des axes forts de la politique agricole en France, sont, cette année, malheureusement en baisse.

Or, si depuis l'année 2000, la tendance à la baisse du nombre d'installations de jeunes agriculteurs s'accentue, il est pour le moins paradoxal de constater que le nombre d'installations non aidées, lui, ne cesse de croître. Il serait donc bénéfique, à mes yeux, non pas de réduire les crédits, mais de mettre en place une politique rénovée en la matière, politique qui prendrait en compte les spécificités de chaque filière, ainsi que leurs perspectives d'évolution, tout autant que les conditions de vie des agriculteurs.

J'espère que nous pourrons aborder ce sujet dans le cadre du prochain projet de loi de modernisation agricole, car, chaque fois que je me rends dans les exploitations corréziennes, je suis en admiration devant le niveau de formation, le savoir-faire et l'enthousiasme de cette jeunesse paysanne française.

Aussi, en leurs nom et place, je voudrais, monsieur le ministre, vous poser une question qui leur tient particulièrement à coeur : quand le versement en une seule fois de la dotation jeune agriculteur, revendication ancienne et légitime qui a été satisfaite l'année dernière, sera-t-il pérennisé et appliqué ? Vous le savez, il s'agit là d'une mesure parfaitement juste pour les jeunes agriculteurs et qui revêt aujourd'hui un caractère d'urgence.

En conclusion, comme mon collègue Georges Mouly, je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer tout particulièrement votre attention sur les prestations sociales des agriculteurs. En effet, si nous ne pouvons que nous féliciter des progrès accomplis ces dernières années en matière de retraites, la mise en place du fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, en remplacement du BAPSA, n'est pas satisfaisante, puisque le déficit de ce régime pourrait atteindre, en 2005, 1,4 milliard d'euros.

J'avais, à plusieurs reprises, attiré l'attention de votre prédécesseur sur cette situation qui ne peut continuer. Il est impérieux que nous trouvions rapidement une solution : l'avenir de la protection sociale agricole en dépend.

J'espère, monsieur le ministre, que mes inquiétudes et mes interrogations ne vous paraîtront pas trop critiques. Je tiens à répéter que, dans un contexte difficile, vous avez fait de votre mieux pour dégager des priorités. Toutefois, ces critiques sont le reflet de nos nombreuses visites sur le terrain ; elles émanent des agriculteurs corréziens, qui ont, aujourd'hui plus que jamais, besoin de voir leurs efforts reconnus et d'entrevoir des perspectives d'avenir afin d'aborder avec confiance l'année cruciale qui arrive.

En leur nom, je voudrais vous témoigner toute notre confiance et je voterai, par solidarité avec le Gouvernement, le projet de budget de transition que vous nous présentez, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, permettez-moi, tout d'abord, de vous féliciter pour votre brillante nomination comme ministre de l'agriculture ; c'est un poste important, n'est-ce pas, monsieur Puech ? Je ne doute pas qu'avec M. Nicolas Forissier vous formerez une équipe solide pour que notre agriculture puisse franchir des caps importants. Je pense en particulier à la poursuite de la bataille européenne que M. le Président de la République, M. le Premier ministre et votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, ont menée, bataille qui a permis, il ne faut pas l'oublier, d'assurer le maintien des financements de la PAC jusqu'en 2013, ce qui n'était pas acquis.

Cette période va donc être une période capitale pour confirmer le rôle de nos agriculteurs.

Je me souviens que M. Valéry Giscard d'Estaing, lors d'un discours qu'il avait prononcé à Vassy, avait dit que l'agriculture était le pétrole vert de la France !

Il ne faut donc pas oublier le rôle essentiel que jouent nos agriculteurs à la fois pour nous offrir des produits de grande qualité, qui sont de plus en plus reconnus - d'ailleurs la future loi de modernisation agricole renforcera cette reconnaissance -, pour tirer le maximum de revenus des fruits de leur travail et non pas être considérés comme des assistés, mais aussi pour jouer un rôle fondamental dans la qualité de nos paysages et de notre environnement.

C'est la conciliation de ces différentes vocations qui doit permettre d'assurer l'avenir et la dignité de nos agriculteurs.

Le projet de budget que nous examinons représente 4,89 milliards d'euros, ce qui, certes, est important mais sans plus. Toutefois, on ne peut l'analyser autrement qu'en l'intégrant dans le vaste ensemble des aides à l'agriculture dont une grande partie, soit 10,5 milliards d'euros, provient d'aides communautaires.

Par conséquent, il convient de rappeler que, dans cette période où il est courant d'accuser l'Europe de tous les maux, c'est tout de même grâce à celle-ci que notre agriculture est aujourd'hui en mesure d'exporter, de fournir une grande partie de l'alimentation en Europe et de permettre de faire face aux besoins du monde. Je pense donc qu'il est essentiel de repositionner cette démarche.

Il ne faut pas oublier non plus - l'un de nos collègues en a parlé tout à l'heure - les problèmes posés par la mutualité sociale agricole, qui implique, là aussi, de grandes solidarités.

Ce projet de budget comporte - et nous nous réjouissons - un certain nombre de priorités, parmi lesquelles le lancement de l'assurance récolte, la création d'un fonds unique de bâtiments d'élevage - dossier, ô combien essentiel pour la montagne, j'y reviendrai -, la dotation consacrée à l'amélioration de la qualité des productions végétales ainsi que le renforcement de l'enseignement supérieur et des recherches agricoles.

Pour ma part, je voudrais évoquer ici, monsieur le ministre, les problèmes spécifiques à la montagne - comme l'ont déjà fait ceux de mes collègues qui sont membres du groupe d'études sur la politique de la montagne - en insistant, notamment, sur l'engagement qu'avait pris votre prédécesseur d'assurer la garantie de cette activité indispensable au maintien de la vie. Certes, en zone de montagne, l'agriculture n'est pas la seule activité, mais elle est essentielle et quand on est sénateur d'un département de montagne comme la Lozère, on sait de quoi l'on parle quand on dit qu'il faut compenser les handicaps !

Il existait auparavant la prime à la vache allaitante, dont la formulation a été modifiée, ce qui est un peu dommage, car c'était la traduction de ce qu'apportent les animaux à la protection de l'environnement de la montagne. Nous sommes quelque peu inquiets concernant l'ICHN, puisque tel est son nom. En effet, comment être sûr de pouvoir, compte tenu des crédits prévus de 235 millions d'euros, respecter l'engagement qui a été pris d'augmenter la dotation de 50 % sur les vingt-cinq premiers hectares dans les cinq ans qui viennent ? C'est ma première question.

Par ailleurs, se pose le problème du lait, problème qui est encore plus aigu en montagne qu'ailleurs. Comment pourra-t-on perpétuer ce qui a été mis en oeuvre et qui a permis à nos producteurs de lait de ne pas être trop victimes de la baisse des prix ? Vous savez en effet, comme moi, que le coût de la production ne diminue pas ; c'est donc une question importante.

Le second problème, toujours propre à la montagne, concerne les actions en faveur des zones défavorisées de montagne, dont les crédits doivent servir à financer des opérations de diversification en montagne - améliorations génétiques ou sanitaires, rétablissement des races anciennes en voie de disparition ou commercialisation locale. Or ces crédits baissent. Ce chapitre n'était déjà pas très bien doté, puisqu'il représentait 9 millions d'euros en 2004. Plus grave encore, les dotations ont été gelées dans certains massifs.

A cet égard, je voudrais insister sur la nécessité de redonner un élan à ce qui fera sans doute l'objet d'un débat lors de la discussion de la future loi de modernisation agricole, je veux parler des appellations en montagne, qui doivent être un signe de qualité ; il s'agit là, bien entendu, d'un sujet qui nous préoccupe fortement.

En ce qui concerne les aides aux investissements, aux bâtiments d'élevage notamment, mesure dont nous nous félicitons, nous nous demandons si les crédits de paiement inscrits à hauteur de 14,6 millions d'euros seront suffisants. Il faudra suivre cela de très près, monsieur le ministre. En effet, nous savons tous que ces investissements coûtent plus cher en montagne qu'ailleurs et qu'une compensation du surcoût doit être prévue. Il faudra donc peut-être consentir un effort supplémentaire.

De la même façon, vous savez comme moi combien il est important de lutter contre la déprise de l'ensemble de notre environnement de montagne et qu'un effort supplémentaire est nécessaire pour encourager le pastoralisme. Il en va de même pour les peuplements forestiers, qu'a évoqués avec talent notre éminent collègue Yann Gaillard.

Monsieur le ministre, nous voterons les crédits de votre ministère, tout en mobilisant votre attention sur un certain nombre de points.

Ainsi, vous me permettrez d'insister sur deux dossiers qui ne revêtent pas la même importance.

Le premier, qui a été porté par votre prédécesseur, après une période d'oubli, pour ne pas dire d'abandon, est la prime à l'herbe, devenue la prime herbagère agro-environnementale.

Il s'agissait d'une bonne initiative qui a été court-circuitée par des opérations locales. Dans certaines régions, des éleveurs ont touché deux primes. Il est légitime de leur demander de les rembourser au prorata du trop-perçu, et non dans leur intégralité. Ce problème peut apparaître secondaire, mais plus de trois cents agriculteurs sont concernés en Lozère. Je me devais donc de l'évoquer.

Le second dossier n'a rien à voir avec la montagne, sauf à mentionner la viticulture « héroïque » ! Il s'agit d'un sujet qui fâche, tant les faux débats sont nombreux : je veux bien entendu parler de la viticulture. Les viticulteurs doivent d'ailleurs manifester demain.

Je suis médecin, monsieur le ministre. Je puis vous dire que des études extrêmement rigoureuses et sérieuses ont mis en évidence que, chez un sujet normal - j'exclus bien entendu les personnes fragiles et les femmes enceintes - une consommation de vin modérée non seulement n'est pas dangereuse, mais peut avoir des effets bénéfiques sur la santé ; je pense à la diminution des risques cardio-vasculaires et cérébraux ainsi que du nombre de cancers.

J'ai fait réaliser, dans le cadre de l'Institut des régions viticoles européennes, des études sérieuses et solides qui confirment le French paradox, lancé par le professeur Renaud, et qui démontrent que le vin peut être un élément positif.

M. Alain Vasselle. Et le lait !

M. Jacques Blanc. On ne peut donc le comparer ni à la drogue, ni au tabac.

En outre, il ne faut pas assimiler vin et alcool. Le vin est un produit d'alimentation : ne boit-on pas en mangeant ! Ne nous laissons plus entraîner dans de faux débats, dans lesquels le vin est mis au banc des accusés. Luttons intensément contre l'alcoolisme, qui fait des dégâts terribles, et cessons de nous donner bonne conscience en rejetant sur le vin des troubles liés à la consommation d'autres boissons alcoolisées ou de drogues.

Le Sénat, puis l'Assemblée nationale ont, dans leur sagesse, voté des amendements sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Ne revenons pas sur ce qui a été fait, et mobilisons-nous, avec tous les responsables de la viticulture, pour lutter réellement contre les ravages de l'alcoolisme.

Nos agriculteurs, je le disais au début de mon propos, nous apportent des produits de qualité croissante. Ils réalisent des efforts formidables dont ils doivent être récompensés. Ils doivent retrouver leur dignité.

M. Alain Vasselle. Très bien !

M. Jacques Blanc. Ils contribuent à l'aménagement équilibré et harmonieux de notre territoire, c'est un choix de société. Avec vous, monsieur le ministre, nous allons les soutenir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à remercier toutes celles et tous ceux d'entre vous - ils ont été très nombreux - qui ont eu des mots sympathiques et amicaux à mon égard.

Comme l'a rappelé M. Jean Arthuis, c'est dans cette enceinte que j'ai eu l'honneur d'apprendre ma nomination à mes nouvelles fonctions. Ce fut pour moi un moment très émouvant.

J'ai parfaitement conscience de ne pas avoir le niveau de connaissance de certains d'entre vous -  je pense notamment à mes prédécesseurs, MM. Jean Puech et Jacques Blanc - bien que j'ai été pendant plusieurs années élu d'une région rurale. Je plaide donc l'indulgence auprès de ceux qui sont plus expérimentés que moi. Je serai appuyé par un secrétaire d'Etat de grande qualité en la personne de Nicolas Forissier.

J'adresse également mes remerciements au président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, au président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, ainsi qu'aux différents rapporteurs, MM. Joël Bourdin, Gérard César, Alain Gérard, Gérard Delfau, Bernard Dussaut et Mme Françoise Férat.

Le budget de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales pour 2005 permettra au Gouvernement de conduire une agriculture créatrice de richesses, d'emplois qui continue de promouvoir nos territoires ruraux.

L'agriculture française doit conserver toute sa place dans l'économie et dans les grands équilibres commerciaux et alimentaires mondiaux. Accroître la compétitivité de nos produits et entreprises implique la modernisation des exploitations, l'organisation des filières, mais aussi et surtout l'affirmation de notre présence sur les marchés.

Part essentielle de la ruralité, l'agriculture contribue à une gestion durable de notre patrimoine commun. Cette agriculture française, que nous voulons toujours plus prospère, concilie l'activité économique et la préservation des milieux, ce qui n'est pas incompatible.

D'une façon générale, et contrairement au diagnostic qu'a porté ce matin M. Pastor, la politique agro-environnementale reste un enjeu majeur que je souhaite, après M. Gaymard, continuer à développer.

Nous avons aussi un objectif d'emploi et d'occupation du territoire : cela passe par un engagement fort en faveur du renouvellement des exploitations et par l'ensemble des politiques en faveur des zones défavorisées, en particulier en montagne.

Je suis conscient d'être aussi le ministre de l'alimentation. La politique sanitaire, la politique de promotion de la qualité, l'information du consommateur sont autant d'axes d'action. J'aurai l'occasion d'y revenir dans un instant.

Ce budget, préparé par MM. Gaymard et Forissier, s'élève, après de rudes discussions avec le ministre du budget (Sourires.), à 4, 888 milliards d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement et à 1 822 milliard d'euros en autorisations de programme.

Avec les 90 millions d'euros qui seront reportés à la fin de l'année pour financer les bâtiments d'élevage et le programme de maîtrise des pollutions, nous retrouvons les moyens dont nous disposions l'année dernière.

Comme l'a souligné M. Emorine, le budget de l'agriculture doit être replacé dans le contexte européen : près de 9 milliards d'euros d'aides du premier pilier de la PAC, ajoutés aux 800 millions d'euros d'aides au développement rural, viennent compléter nos crédits nationaux.

Par ailleurs, et M. Alain Vasselle l'a rappelé, la protection sociale agricole représente 12,5 milliards d'euros de financement public, hors cotisations sociales.

Ce budget est innovant par la démarche qui le sous-tend.

En effet, il intervient alors que les débats préalables au futur projet de loi d'orientation et de modernisation agricoles se sont achevés dans les régions. Les échanges ont été de grande qualité. La synthèse de ces débats sera confiée à une commission nationale et elle orientera nos travaux à venir.

J'ajoute que la mise en place du partenariat national en faveur des industries agroalimentaires, que pilote M. Nicolas Forissier, contribuera lui aussi largement à cette vision prospective de notre agriculture.

Par ailleurs, comme le savent bien les membres de la commission des finances, en particulier son président, nous sommes dans un nouveau cadre de référence.

Notre document budgétaire marque aussi une étape : il s'agit de la première étape de l'application de la loi organique pour les lois de finances, qui permettra une présentation plus claire et une gestion plus souple du budget de l'Etat, axé désormais sur des programmes et des priorités.

Permettez-moi de dire quelques mots de son application dans le secteur de l'agriculture, domaine dans lequel je m'étais beaucoup investi dans mes précédentes fonctions. La loi organique relative aux lois de finances constitue, me semble-t-il, un moyen de redonner beaucoup de pouvoir au Parlement et de rendre les politiques publiques plus transparentes pour nos concitoyens.

Nos politiques publiques ont été organisées en sept programmes, appartenant à quatre missions, dont trois interministérielles : la mission « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », la mission « enseignement scolaire », la mission « recherche et enseignement supérieur » et la mission « sécurité sanitaire ».

L'année 2004 a vu, sous l'autorité d'Hervé Gaymard et de Nicolas Forissier, les premiers bénéfices d'expérimentations complexes. Fort des avancées réalisées en 2004, je voudrais, en 2005, étendre et approfondir notre démarche d'anticipation.

L'ancien secrétaire d'Etat au budget que je suis constate que le ministère de l'agriculture est un très bon élève s'agissant de l'application de la loi organique puisque près de la moitié du budget de l'agriculture - 2,5 milliards d'euros - feront l'objet, en 2005, d'une programmation et d'une gestion sur le mode LOLF.

Nous responsabilisons aussi davantage les services déconcentrés : dans deux régions tests, Aquitaine et Nord-Pas-de-Calais, les chefs de service déconcentrés auront la possibilité de redéployer leurs crédits de fonctionnement et de personnel selon leurs besoins.

Mon ambition est que ces expérimentations permettent de rapprocher autant que possible les lieux de décision et le terrain. C'est seulement à cette condition que nous créerons une meilleure adéquation entre les besoins réels et leur prise en compte.

Enfin et surtout, comme vous le savez, la présentation des budgets sur le mode LOLF vise la recherche de la performance. Nous nous appuierons sur deux outils : les objectifs stratégiques et les indicateurs de résultat.

On ne fait pas une réforme pour faire plaisir à une administration, on fait une réforme afin qu'il en résulte un bienfait pour les bénéficiaires : simplification de la procédure, réduction des délais, information accrue, meilleur « retour sur impôt ». Cela nous permettra de mesurer l'efficacité de notre action et d'en rendre compte au Parlement. Cette nouvelle présentation, dont le Parlement peut apprécier les avantages dès cette année, concernera l'ensemble du budget en 2006.

J'en viens aux quatre priorités du budget de l'agriculture pour 2005.

La première de ces priorités est le lancement de l'assurance récolte. Ce n'est pas aux sénatrices et aux sénateurs, qui connaissent si bien le monde rural, que j'apprendrai l'importance des aléas climatiques, du péril qu'ils constituent à la fois pour le revenu des agriculteurs et pour l'adaptation de l'agriculture au contexte économique. La sécheresse de 2003, outre ses conséquences humaines, a montré la fragilité de certains systèmes économiques, notamment dans le monde rural.

En réponse à Mme Adeline Gousseau et à MM. Yvon Collin et Daniel Soulage, je confirme que nous travaillons, avec les représentants de la profession agricole et des assureurs, à l'élaboration d'un dispositif assuranciel adapté à notre agriculture. Ces travaux s'appuient sur les conclusions du rapport du député Christian Ménard.

J'ai bien entendu les organisations professionnelles agricoles, qui demandent que nous analysions très précisément les conséquences des propositions qui ont été formulées et dont Hervé Gaymard a présenté les grandes lignes lors d'un débat à l'Assemblée nationale.

Je suis bien évidemment d'accord pour que nous progressions par étape sur ce dossier très important. Il me semble néanmoins tout aussi important de dire que nous ne devons pas perdre de vue notre objectif, à savoir la mise en place de l'assurance récolte dès 2005.

A ce titre d'ailleurs, et nombre d'entre vous l'ont rappelé, une provision de 10 millions d'euros est prévue pour amorcer, dès 2005, les nouveaux instruments de couverture des risques que les établissements d'assurance devraient proposer au plus grand nombre possible d'exploitants. Cette provision sera, bien entendu, complétée en cours d'année en tant que de besoin.

La deuxième priorité de ce budget réside dans la création d'un fonds unique des bâtiments d'élevage.

Nombre d'éleveurs rencontrent des difficultés pour financer l'investissement lourd que suppose l'adaptation d'un bâtiment d'élevage. Cette difficulté est particulièrement sensible dans les zones de montagne et dans les systèmes d'exploitation soumis à des évolutions très rapides des marchés, par exemple dans la production laitière.

Monsieur Doublet, deux axes ont guidé la conception de ce fonds unique, qui sera opérationnel dès le début de 2005 : la simplification et l'accroissement des moyens disponibles. Par ailleurs, monsieur le sénateur, les collectivités locales pourront y contribuer.

Dans un souci de simplification, nous créerons, dans les directions départementales, un guichet unique pour l'ensemble des aides précédemment gérées par les services de l'Etat, les offices d'intervention ainsi que par le Centre national pour l'amélioration des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.

Est prévu parallèlement un accroissement des moyens puisque les cofinancements communautaires augmentent dès cette année, nous permettant de porter les moyens disponibles jusqu'à 80 millions d'euros en 2005 et 120 millions d'euros dès 2007.

Le Premier ministre l'a rappelé lors du sommet de l'élevage à Clermont-Ferrand, ce plan constitue pour le Gouvernement une priorité.

Surtout, en inscrivant ces mesures dans le plan de développement rural national pour la période 2007-2013 lors de sa révision, nous avons voulu donner un gage de solidité et une vision d'ensemble à la filière.

MM. Jean Boyer et Jacques Blanc nous ont interrogés sur ce qui sera fait pour les zones de montagne : leurs spécificités ont été préservées dans l'élaboration des orientations du plan. Le surcoût lié aux difficultés d'exploitation inhérentes à ces zones géographiques est compensé par des subventions en augmentation. Un encouragement à l'utilisation du bois pour la construction et l'intégration paysagère a également été prévu.

En complément, le programme de maîtrise des pollutions agricoles, le PMPOA, nécessite un important effort de financement public, compte tenu de l'enjeu majeur que représente la restauration de la qualité des eaux. Une dotation de 133 millions d'euros d'autorisations de programme sera consacrée à ces deux enjeux en 2005.

J'en viens à l'amélioration de la santé des végétaux et au renforcement de la sécurité sanitaire des aliments. C'est là une priorité pour nos compatriotes, qui veulent que l'on continue de faire de la France un pays où l'on se nourrisse sans crainte. La dotation consacrée à cette action est majorée de 7 % dans le projet de budget. Elle atteint 15,2 millions d'euros de crédits d'intervention et mobilise d'importantes équipes des services du ministère ainsi que des établissements publics de recherche.

Cette mission répond à des impératifs de sécurité sanitaire des aliments, de santé des végétaux et de protection de l'environnement. Nous devons avant tout contrer les attaques parasitaires qui touchent de plus en plus de végétaux.

Il est également indispensable de mieux maîtriser l'utilisation des produits phytosanitaires destinés à lutter contre ces organismes nuisibles aux cultures. Tout à l'heure, lorsqu'il abordera la priorité qu'accorde le Gouvernement à l'enseignement supérieur et à la recherche agricoles, Nicolas Forissier pourra également montrer comment tous ces aspects sont liés aux progrès de la recherche.

Je voudrais maintenant dire quelques mots de la politique de protection sociale agricole. Bien que, cette année, vous ne votiez pas de BAPSA, mesdames, messieurs les sénateurs, cette question demeure pour nous une préoccupation essentielle.

MM. Détraigne et Piras, ainsi que M. Vasselle à l'instant, m'ont interrogé plus précisément sur les retraites agricoles.

Comme le Président de la République en avait pris l'engagement lors de la campagne présidentielle, le Gouvernement a déjà mis en oeuvre un plan qui est sans précédent, pour revaloriser les retraites agricoles, notamment les plus modestes. Ont donc été instaurés la retraite complémentaire obligatoire, le rachat des périodes d'aide familiale effectuées avant l'âge de dix-huit ans et la mensualisation des versements aux retraités. Figure également dans le projet de loi de finances une mesure destinée à permettre l'adaptation de l'éventuelle soumission à l'impôt sur le revenu des pensions perçues durant la période de transition entre leur versement trimestriel et leur mensualisation.

Certes, un effort important reste à faire. Nous avons tous reçu, dans nos permanences, des retraités agricoles, en particulier des femmes, qui nous ont montré leurs relevés de prestations de la MSA : cela ne fait pas une fortune ! Il est clair que, compte tenu de l'effort accompli, des heures passées, de la dureté du travail, il faut encore agir. M. Mouly a insisté sur ce point. La volonté politique du Gouvernement est forte en la matière.

La mise en oeuvre de la LOLF devant s'accompagner de la disparition des budgets annexes, la création d'un établissement public dédié à la gestion de l'ensemble des branches de la protection sociale agricole - maladie, retraite, famille - conforte la spécificité de ce régime et permet de maintenir le dialogue avec l'ensemble des partenaires concernés. Ceux-ci participeront au conseil de surveillance du nouvel établissement, qui sera installé comme prévu dès le début de 2005.

L'architecture du nouveau dispositif a fait l'objet d'une concertation approfondie au cours de l'année 2004, et le décret en Conseil d'Etat, déjà transmis au contreseing de mes collègues chargés des finances, du budget et de la santé, sera, je l'espère, signé et publié avant la fin de cette année.

M. le rapporteur spécial m'a également interrogé sur les besoins de financement du FFIPSA. Il est vrai que la recette tabac n'a pas eu le rendement escompté. Mais les droits à prestation des affiliés au régime ne sont nullement remis en cause.

Il faut également rappeler que, toujours du fait de sa structure démographique, le régime n'est financé que pour moins de 20 % par les cotisations des actifs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Dominique Bussereau, ministre. Il est donc nécessaire de l'équilibrer par des ressources provenant soit de la solidarité nationale, donc de l'Etat, soit de la solidarité interprofessionnelle, donc des autres régimes de sécurité sociale.

Une mission rassemblant l'inspection générale de l'agriculture, l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales va étudier les diverses solutions pérennes possibles. Elle rendra ses conclusions au Gouvernement au printemps prochain : c'est à cette échéance que la solution se dessinera. Naturellement, le Gouvernement les soumettra au Parlement, et un débat aura lieu.

M. Alain Vasselle. Il faut 2 milliards !

M. Dominique Bussereau, ministre. Nous essaierons, monsieur Vasselle, d'être à la hauteur des besoins, qui, vous avez raison de le rappeler, sont très importants.

Ayant énoncé ces priorités, je voudrais maintenant rappeler l'ensemble des autres actions du ministère.

Nous voulons promouvoir une agriculture écologiquement responsable. Des aides très importantes participent au soutien apporté aux territoires et aux acteurs ruraux et sont complétées par les cofinancements communautaires.

Je mentionnerai les aides agro-environnementales, comme la prime herbagère qui bénéficie largement aux éleveurs pratiquant un élevage extensif : 121 millions d'euros sont prévus, qui seront complétés par un solde de remboursement en provenance du FEOGA « orientation », sur l'ancienne programmation communautaire.

Je citerai également les indemnités compensatoires de handicap naturel, qui permettent la présence d'agriculteurs dans les zones défavorisées, spécialement en montagne, et qui s'élèvent à 234 millions d'euros. A ce titre, le Président de la République a tenu à ce qu'en 2005, après 2004, les vingt-cinq premiers hectares soient revalorisés de 10 % : à MM Jean-Paul Amoudry et Bernard Murat, qui s'en inquiétaient notamment, je confirme la reconduction de cette mesure.

En outre, plusieurs milliers de nouveaux contrats d'agriculture durable, les CAD, pourront être conclus, monsieur Vasselle. Je tiens à préciser que la dotation de 232 millions d'euros qui leur est affectée tient compte de la baisse des paiements sur les anciens contrats territoriaux d'exploitation, car ces paiements ne sont pas linéaires, le volet « investissements » introduisant de fortes variations. Je souligne cependant que, lorsque la majorité actuelle a été amenée à former un gouvernement, la dotation n'était que de 70 millions d'euros !

M. Alain Vasselle. C'est exact !

M. Dominique Bussereau, ministre. Les exploitations agricoles bénéficient également de politiques structurantes qui visent à encourager l'installation des jeunes exploitants, ce qui est bien sûr fondamental : 70 millions d'euros y sont consacrés. Je précise que le décret permettant le versement en une seule fois de la dotation jeunes agriculteurs - disposition qui était très attendue, mais qui devait recevoir l'accord préalable de Bruxelles - a été signé ; c'est d'ailleurs le dernier décret que j'ai cosigné en tant que secrétaire d'Etat au budget ! Cette mesure de simplification - d'autres suivront - devrait rassurer MM. Murat et Mortemousque. J'en attends un effet positif sur la trésorerie des exploitants nouvellement installés.

L'engagement du Gouvernement en ce domaine, contrairement à ce qu'a affirmé ce matin M. Lejeune, se manifeste également par le montant des crédits affectés aux programmes locaux d'action et d'accompagnement, les PIDIL, et par la priorité donnée aux jeunes pour l'accès au foncier et aux droits à prime et à produire. Je pourrais aussi citer diverses mesures d'accompagnement, tels les prêts bonifiés et les allégements fiscaux et sociaux.

Nous souhaitons également soutenir les investissements : c'est l'objet du nouveau fonds de financement des bâtiments d'élevage ou encore de la poursuite du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole en faveur de la qualité des eaux que j'ai déjà évoqués.

La politique de bonification des prêts est également maintenue, et la dotation du budget sera complétée par des ressources exceptionnelles provenant du budget communautaire, grâce à l'effort de fiabilisation de la procédure que mettent en oeuvre les pouvoirs publics et les banques. Ces mesures mobilisent 400 millions d'euros.

Monsieur Amoudry, j'ai bien noté votre question sur les délais de réalisation des investissements. Je souhaite faire examiner ce point par mes services avant de vous apporter la réponse précise que vous attendez.

Il nous faut par ailleurs accompagner l'évolution de la PAC et encourager une production de qualité.

L'évolution de notre agriculture est bien sûr liée à la transformation de ses technologies, mais aussi à celle des besoins des hommes et des femmes qui la mettent en oeuvre et à celle des attentes de notre société. Sont également à prendre en compte les modifications du contexte économique et réglementaire découlant de la politique agricole commune et des négociations internationales.

Les outils permettant d'accompagner ces évolutions seront mobilisés autour de deux objectifs.

Il nous faut d'abord, M. Raoult l'a évoqué ce matin, poursuivre les efforts en faveur de la qualité : l'ensemble des productions agricoles va devoir tenir compte d'objectifs qualitatifs. Ainsi, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes est maintenue, sans découplage, y compris sa part financée sur le budget national, soit 160 millions d'euros ; l'institut national des appellations d'origine voit sa dotation budgétaire reconduite ; l'Agence Bio est en place, avec des financements de l'Etat ; les offices poursuivent la restructuration de leurs interventions ; enfin, la promotion des produits agroalimentaires bénéficie de la reconduction de sa dotation spécifique.

Il nous faut ensuite accompagner la réforme de la PAC. Une campagne d'information et de communication visant les agriculteurs a été lancée - j'espère qu'elle sera bonne - avec le concours des chambres d'agriculture, qui savent leur parler. Le débat « Agriculture, territoires et société », qui s'est déroulé dans toute la France, complète cette sensibilisation et permet de préparer la loi de modernisation. Enfin, 2005 sera une année de préfiguration et servira de test en grandeur nature.

La PAC prévoit le maintien jusqu'en 2013 des flux financiers du premier pilier, soit 9 milliards d'euros. Cependant, ces crédits évolueront par le jeu du mécanisme du découplage et de la conditionnalité des aides. Des moyens humains, pour 8,5 millions d'euros, et des moyens matériels sont inscrits dans le projet de budget pour préparer ces changements et appliquer la réforme, et ce avec toute la souplesse que vous avez souhaitée, monsieur Emorine.

MM. Mortemousque et Biwer, à très juste titre, ont pointé du doigt la complexité administrative. La politique agricole commune change, mais son adaptation n'impose pas de renforcer la complication ! Il nous faut au contraire poursuivre l'effort de simplification et essayer d'éviter l'enlisement procédural. C'est aussi une façon de bien gérer l'agent de nos concitoyens !

Vous savez ce qui a déjà été réalisé : un comité de simplification, où siègent des représentants du Parlement, a été installé ; soixante-cinq mesures de simplification ont été prises, dont vingt-trois sont appliquées.

Lorsque je tiens mes permanences, il arrive parfois - cela vous est certainement arrivé aussi, mesdames, messieurs les sénateurs - que des agriculteurs me montrent les documents qu'ils doivent remplir : il faut avoir fait au moins l'ENA, peut-être même une autre grande école (Sourires.) pour essayer d'en comprendre ne serait-ce que la présentation !

M. Charles Revet. C'est bien dit !

M. Dominique Bussereau, ministre. J'ai feuilleté le « manuel de la conditionnalité » qui doit être envoyé à tous les agriculteurs. Il paraît que l'on ne pouvait pas faire plus simple : je n'en ai pas l'absolue certitude ! Nous verrons à l'usage comment leurs destinataires le perçoivent. S'il faut l'améliorer, il sera amélioré, et s'il est trop mal fait pour être conservé, nous le modifierons le moment venu. Je me suis laissé dire que les agriculteurs avaient été associés à sa rédaction. J'espère que c'est vrai et que leurs attentes ont été bien comprises.

Il nous faut donc poursuivre l'effort de simplification. L'efficacité en la matière sera d'ailleurs l'un des critères d'évaluation des directeurs d'administration centrale de mon ministère : pour la rémunération au mérite, il sera également tenu compte du mérite d'être compris. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

Je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour me faire part de vos réactions et de celles que vous aurez pu recueillir sur le terrain après l'arrivée de ce « manuel de la conditionnalité ». Nicolas Forissier et moi-même y attachons une extrême importance.

J'en viens à la politique forestière.

Les engagements du Gouvernement dans ce domaine sont tenus. Avec 325 millions d'euros consacrés au programme « forêt », le plan décennal de reconstitution de la forêt détruite par les tempêtes de 1999 se poursuit et continue de mobiliser d'importants cofinancements communautaires. Les autres investissements en forêts privées et publiques bénéficient également d'un soutien, notamment ceux qui sont liés à la prévention des risques ou à la filière forêt-bois.

Par ailleurs, et cela répond à un engagement fort, le versement compensateur de l'Etat à l'Office national des forêts est majoré de 20 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2004, ainsi que l'a souligné M. Yann Gaillard. Ainsi, l'ONF pourra poursuivre sa modernisation.

Monsieur Gaillard, je vous confirme que le « bleu » budgétaire lié à la nouvelle présentation du budget Forêt au format LOLF a agrégé les crédits de reconstitution des forêts privées et communales.

De plus, la répartition des crédits entre forêt communale et forêt privée se fera suivant des priorités établies localement. Enfin, les dix-huit centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, ont été dotés, en 2004, de personnels nouveaux leur permettant d'agir pour le respect des engagements internationaux de la France.

Dans un contexte de maîtrise des dépenses et des emplois publics, la création de nouveaux emplois n'est pas prévue en 2005, mais nous ferons naturellement un suivi de l'évolution induite par la loi d'orientation forestière.

J'en viens aux questions de plusieurs d'entre vous sur l'adaptation des entreprises de pêche et la préservation de la ressource halieutique.

A l'occasion de la négociation européenne, Hervé Gaymard a fait, dans ce domaine, un remarquable travail, comme il l'avait fait dans les autres négociations internationales.

Je vais assister à un premier conseil Agriculture et pêche à la fin du mois, les 21 et 22 décembre exactement. A priori, les négociations ne devraient pas présenter de difficultés particulières pour nous ; toutefois, nous devrons rester extrêmement attentifs. Au cas où nous rencontrerions des problèmes, nous devrions nous battre pour défendre les intérêts de la pêche de notre pays.

Je remercie M. Alain Gérard d'avoir salué cette négociation européenne. Sachez que nous poursuivrons nos efforts en faveur de ce secteur économique.

Des crédits d'initiative nationale sont prévus pour le soutien à la filière, la modernisation des navires et des structures professionnelles à terre. Le contrôle des pêches, mis en oeuvre par les services déconcentrés du ministère de l'équipement, permet, parallèlement, de s'assurer du respect des règles visant à préserver la ressource en poisson. Contrairement à ce qu'ont dit Mme Yolande Boyer et M. Yves Coquelle, les crédits nécessaires sont donc prévus pour ces actions.

Il nous faudra également faire un effort - je le dis aux élus représentant les régions maritimes - en matière de sécurité des pêcheurs. Il y a encore eu récemment un incident grave, qui aurait pu être dramatique pour des pêcheurs bretons. En tant que secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, j'ai eu à gérer, avec mon collègue Hervé Gaymard, le problème du Bugaled Breizh, à propos duquel nous sommes encore dans l'expectative.

Depuis quelques années, les accidents de pêche sont trop nombreux sur les mers qui entourent notre pays. Il est vrai que les pêcheurs privilégient plus - on ne peut pas leur en vouloir - l'action de pêche que la surveillance de l'environnement du navire ou du port de vêtements de sécurité, lesquels sont parfois une charge supplémentaire de par leur poids. Mais nous ne pouvons accepter de voir des jeunes, hommes et femmes, perdre la vie dans des accidents de pêche.

Nous devrons beaucoup travailler avec les professionnels pour améliorer la sécurité et, avec Gilles de Robien et François Goulard, j'essaierai de prendre des initiatives dans ce domaine, qui me paraît particulièrement important si nous voulons que des jeunes se lancent encore dans ce métier difficile.

J'en viens à la maîtrise des risques sanitaires.

Je lirai avec beaucoup d'intérêt le rapport que m'a remis M. Claude Saunier. A M. Jean Bizet, qui m'a interrogé sur les problèmes sanitaires, je répondrai que la maîtrise des risques sanitaires est au coeur de nos préoccupations. Cela inclut des sujets de santé sanitaire des végétaux, de santé animale et de qualité des produits agroalimentaires. Nous consacrons plus de 495 millions d'euros à notre politique de santé et de qualité alimentaire dans ce budget.

Les succès obtenus depuis deux ans nous donnent plutôt raison : le nombre des cas d'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, a diminué spectaculairement ; le contrôle des produits phytosanitaires est mieux assuré ; le service public de l'équarrissage - sur lequel je reviendrai, car je suis bien conscient des difficultés - est en place ainsi que les moyens nécessaires pour accélérer la destruction des farines animales stockées.

Enfin, nous prenons un tournant dans la surveillance sanitaire des élevages en instaurant un bilan sanitaire annuel obligatoire dans les élevages bovins.

Avant d'entrer dans le détail des questions qui m'ont été posées, je voudrais évoquer la modernisation du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Vous avez noté ce changement d'intitulé. Les termes « affaires rurales » étaient un peu flous, contrairement au mot « ruralité », dont tout le monde sait ce qu'il recouvre.

Nous continuerons à assurer un bon fonctionnement du ministère, tout en étant économes des moyens publics. Nous essayerons de ne pas remplacer tous les départs à la retraite et d'améliorer la productivité des services.

Nous nous efforcerons d'accompagner la décentralisation, en fixant de nouvelles priorités aux directions régionales de l'agriculture, qui constituent de véritables pôles « agriculture et monde rural ». Nous allons lancer de nombreuses réformes de structures dans les services, afin de renforcer la pertinence de leur organisation.

Comme dans tous les ministères, sera mis en place un secrétaire général, qui aura pour mission de veiller à la cohérence du fonctionnement, mais aussi de renforcer la mobilité dans la gestion du personnel, de favoriser la mutualisation des moyens et de piloter la mise en oeuvre de la stratégie ministérielle de réforme.

Enfin, nous allons poursuivre la réforme des offices agricoles pour rationaliser leur organisation, tout en maintenant une présence territoriale dans chaque filière agricole et agroalimentaire. Il s'agit, madame Odette Herviaux, d'une démarche de nature non pas idéologique, mais technique. Ainsi, les six offices seront regroupés en trois pôles : les grandes cultures, l'élevage et les cultures spécialisées.

L'ensemble du dispositif de paiement des aides communautaires doit être fiabilisé pour réduire la part des refus d'apurement sur le budget de l'Etat. C'est pourquoi une agence, adossée dans un premier temps à l'ONIC-ONIOL, se verra confier par étapes la gestion et le paiement de ces aides. Cette agence prendra ensuite, progressivement, son autonomie et regroupera, dès 2007, le paiement de toutes les aides de masse, qu'elles soient ou non découplées. Pour des raisons d'efficacité, les offices seront regroupés à Montreuil.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, vous constaterez que nous nous donnons les moyens, dans ce budget préparé par Hervé Gaymard, de mettre en oeuvre la politique souhaitée par la majorité et par le Premier ministre, même s'il reste beaucoup à faire.

Je vais maintenant m'efforcer de répondre plus précisément à certaines des questions qui m'ont été posées. Je donnerai ensuite la parole à Nicolas Forissier, qui évoquera les sujets qu'il suit plus particulièrement dans les domaines d'action pour lesquels il a reçu délégation d'Hervé Gaymard et de moi-même.

Je commencerai par répondre aux questions de M. Soulage sur la gestion de crise.

J'évoquais ce point hier, à Berlin, avec la ministre allemande de l'agriculture car, dans les négociations européennes, nous avons besoin d'avoir, avec l'Allemagne, des positions qui soient le plus proche possible.

La France a remis au mois de juillet un mémorandum à la Commission pour faire part de ses idées en la matière. Des dispositifs de gestion de crise sont en effet indispensables à notre agriculture, en particulier pour les filières qui sont en difficulté ou qui pourraient l'être : celles des fruits et légumes, du porc et de la volaille. Or la PAC actuelle souffre d'une sorte de « chaînon manquant », comme avait l'habitude de le dire Hervé Gaymard, puisque Bruxelles n'intervient plus, tout en interdisant aux Etats nationaux de le faire.

Le seul moyen pour sortir de cette situation est donc bien la mise en oeuvre de cette gestion communautaire de crise que nous appelons de nos voeux et que M. Charles Revet évoquait à propos de la conchyliculture.

La crise que vient de connaître la filière des fruits et légumes est, à cet égard, emblématique. Elle a justifié une action ciblée des pouvoirs publics. Il faut que nous ayons, dans ce domaine comme dans d'autres, tous les moyens d'examiner les facteurs de distorsion de concurrence intra-européens, notamment sur le coût de la main-d'oeuvre, et de formuler des propositions destinées à y porter remède.

Monsieur Soulage, nous allons naturellement agir dans ce domaine. Cela va être une vraie bagarre pour le gouvernement français, en dehors du problème des fruits et légumes, que d'obtenir de la Commission une vraie politique de gestion de crise. Pour ce faire, il faut que nous ayons des alliés au sein de l'Europe. Nous attendons des réponses de la Commission aux demandes effectuées par le gouvernement français.

J'en viens à la viticulture.

Demain, des manifestations viticoles auront lieu dans notre pays. De cette tribune, je lance un appel pour qu'elles se déroulent dans le calme. Il y va de l'intérêt de nos viticulteurs. La situation est tendue ; M. César l'a très bien rappelé tout à l'heure, comme M. Jacques Blanc et un certain nombre d'entre vous. Les exploitations viticoles rencontrent de vraies difficultés économiques, de vrais problèmes de concurrence avec de nouveaux producteurs dont les produits, d'une certaine qualité, arrivent sur les marchés européens. Les professionnels sont très sensibles à ces questions. Il faudra donc trouver des solutions adaptées à chaque catégorie de vin, à chaque région, maîtriser l'offre par des mesures structurelles et conjoncturelles, continuer la réflexion sur la segmentation du marché, sur la consommation modérée du vin. Des parlementaires avaient lancé l'idée d'un comité, qui a été mis en place.

M. Jean-Louis Carrère. Il faut un observatoire !

M. Dominique Bussereau, ministre. Ce n'est pas par des observatoires que l'on répond aux problèmes. Mais, de temps en temps, il n'est pas mauvais de réfléchir.

Demain, à l'occasion des questions au Gouvernement, j'aurai l'occasion, devant vos collègues de l'Assemblée nationale, de revenir sur cette question. Le Gouvernement sait d'ores et déjà que lui sera lancé un appel puissant. Sachez que nous sommes tout à fait décidés à l'entendre et à agir de la meilleure manière.

MM. Revet, Doublet, Détraigne, Dussaut et Deneux ont évoqué les biocarburants. Le Président de la République a rappelé toute l'importance qu'il attachait à ce sujet. Le 7 septembre dernier, le Premier ministre a annoncé un plan Biocarburant, qui doit nous donner les moyens d'atteindre en 2010 l'objectif communautaire d'incorporation des biocarburants, fixé à 5,75 %.

Cette ambition, très importante, comporte des enjeux dans différents domaines.

Le premier est environnemental. Dans le cadre général du protocole de Kyoto, les biocarburants sont essentiels pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les transports.

Le deuxième enjeu, fondamental, est agricole. Notre potentiel est énorme et nous pouvons rapidement mobiliser des surfaces importantes, notamment les surfaces en jachère évoquées par M. Gérard Bailly.

Le troisième enjeu est économique. C'est pour nous le moyen de réduire notre facture pétrolière, notre dépendance énergétique, et de créer plusieurs milliers d'emplois.

Une première étape pour parvenir à l'objectif fixé par le Premier ministre consiste à tripler, d'ici à 2007, la production des biocarburants, ce qui représente des agréments nouveaux de 800 000 tonnes de carburant défiscalisé.

Par l'intermédiaire d'un amendement voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, le Parlement a souhaité ajouter aux outils d'incitation préexistant le principe d'une pénalité financière - le Sénat en a légèrement changé les modalités, je crois - en cas d'incorporation insuffisante de biocarburants au-dessous d'un certain seuil. Ce seuil, fixé chaque année un peu plus haut, permettra d'atteindre l'objectif voulu par le Premier ministre.

Il convient, en conséquence, de définir les réglages sur trois points.

Le premier concerne la répartition des volumes entre filières éthanol et diester - ce n'est pas facile, car il peut y avoir des demandes, non pas contradictoires, mais complémentaires - et le calendrier d'ouverture de ces agréments.

Le deuxième porte sur le soutien de la compétitivité économique des biocarburants produits en France. Il nous faut organiser notre appareil industriel : les usines à créer sur le territoire, les endroits où les implanter.

Enfin, le troisième concerne la visibilité pluriannuelle qu'attendent les opérateurs.

Le Gouvernement précisera très prochainement comment il entend décliner ce plan. Des appels à candidatures seront lancés et dépouillés au printemps prochain. Les unités nouvelles seront opérationnelles en 2007.

En plus des arguments environnementaux, agricoles et économiques que je viens de citer et que vous connaissez mieux que moi, il en est un autre qui est d'ordre psychologique.

En effet, il convient de faire comprendre à nos agriculteurs - à qui l'on explique qu'ils sont subventionnés, maintenus en vie, voire en survie - que nous allons avoir un déficit énergétique important et une forte baisse des productions fossiles, qu'en conséquence nous ne pourrons résoudre un certain nombre des défis auxquels nous sommes confrontés dans le domaine de l'énergie que grâce à notre agriculture.

Il faut transformer cette image d'une agriculture assistée, donnée à tort par certains, en une image d'agriculture participant au processus industriel de création d'énergie. C'est là un important défi politique à relever pour les agriculteurs de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Cela ne sera pas facile. Hier, de l'autre côté du Rhin, j'ai entendu diverses réactions, j'ai entendu dire en particulier : mais les biocarburants, c'est pour les voitures ! Il y aura donc des difficultés à surmonter. Au demeurant, il s'agit-là d'une formidable chance pour l'agriculture de notre pays.

M Joël Bourdin, rapporteur spécial, M. Michel Doublet, que je n'aurai garde d'oublier, et d'autres m'ont interrogé sur le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE.

En 2004, ce fonds a été budgétisé au niveau des recettes escomptées de la taxe sur la consommation d'eau affectée au budget général, soit 75 millions d'euros. Ainsi l'Etat a pu attribuer des subventions en capital aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour l'exécution des travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales, dans le cadre de dotations départementales.

Parmi les diverses hypothèses d'évolution du FNDAE, le Gouvernement a choisi l'option du transfert des crédits et des attributions vers les agences de l'eau. Maintenant, il faut y travailler.

Cette évolution vous sera présentée, par voie d'amendement gouvernemental, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004. J'espère qu'elle retiendra particulièrement votre attention.

MM. Gérard et Delfau m'ont interrogé sur la fiscalité du chauffage par le bois. Il est tout à fait envisageable d'étendre le bénéfice du taux réduit de TVA, qui est actuellement réservé au bois de chauffage à usage domestique, aux collectivités ou aux groupements de collectivités. Il faudrait néanmoins, pour ce faire, une modification du droit communautaire, qui ne peut être envisagée qu'après une décision du Conseil à l'unanimité. Je suis prêt à étudier les moyens pour agir dans cette direction.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Dominique Bussereau, ministre. En ce qui concerne l'équarrissage, le Gouvernement est tout à fait conscient des difficultés rencontrées par les opérateurs de la filière viande dans la mise en oeuvre du service public de l'équarrissage.

Les travaux conduits au cours de ces dernières semaines ont permis d'importantes avancées, qu'il s'agisse du périmètre de ce service ou de son adaptation au règlement européen relatif au traitement des sous-produits animaux.

Cependant, monsieur Bourdin, les grands équilibres du dispositif ne sont pas, à ce jour, suffisamment stabilisés pour que nous puissions envisager une évolution du service public de l'équarrissage dont je puisse vous rendre compte aujourd'hui.

Nous allons travailler sur ce sujet, conscients des enjeux territoriaux et économiques qui nous imposent de traiter avec beaucoup d'attention le volet « cadavres en élevage », tant dans sa mise en oeuvre que dans son financement. Aujourd'hui, je considère qu'aucune réponse suffisante n'a été apportée. Je propose donc que nous nous donnions encore un peu de temps afin de poursuivre nos travaux pour identifier, dans les meilleurs délais, les voies et les moyens permettant une évolution équilibrée du service public de l'équarrissage.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de m'excuser si je n'ai pas répondu avec autant de précisions que vous le souhaitiez à chacune de la centaine de questions qui m'ont été posées. Naturellement, si certains le souhaitent, je suis prêt à répondre par écrit et à poursuivre le dialogue individuellement ou dans le cadre de commissions spécialisées.

Pour un ministre débutant sur les sujets agricoles, avoir la responsabilité de ce domaine est un enjeu passionnant. Je suis conscient de tous les défis que nous avons à relever. Il nous faut dessiner le nouveau visage de notre agriculture, pour construire, ensemble, un modèle français.

Il nous faut aussi faire vivre un modèle européen. Or ce qui s'avère déjà compliqué à vingt-cinq le sera d'autant plus à vingt-six, vingt-sept ou vingt-huit membres, une fois que la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie auront adhéré à l'Union européenne. Ce modèle européen doit s'affirmer dans les négociations internationales. A ce titre, la réunion de l'OMC qui se tiendra à Hong Kong à la fin de l'année 2005 est une échéance importante.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la mission qui m'a été confiée est très exigeante. Sachez que je l'aborde avec beaucoup d'humilité et que j'entends, avec Nicolas Forissier, mettre en place un dialogue permanent avec le Sénat.

Ce projet de budget est sérieux et solide. Il est à l'image de la politique qu'a menée Hervé Gaymard. S'il n'est pas toujours aussi ambitieux que certains l'auraient souhaité, il est le reflet de la situation économique et politique de notre pays.

Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont soutenu l'action du Gouvernement. Désormais, je suis un militant des questions agricoles et de la ruralité, au service de chacune et de chacun d'entre vous. Je table sur vos connaissances pour améliorer les miennes. Je compte sur votre soutien afin que nous puissions mener, ensemble, une politique pour la France à la hauteur des ambitions du monde agricole, du monde de la pêche et de notre ruralité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord saluer la qualité des rapports du Sénat et celle des échanges que nous avons eus lors de la préparation de ce budget.

Dominique Bussereau vient de souligner avec force et conviction combien ce projet de budget confortait nos priorités d'action.

J'apporterai à mon tour certaines précisions en répondant aux questions posées sur les sujets qui me concernent plus particulièrement : l'enseignement technique, l'enseignement supérieur et la recherche agricoles, l'industrie agroalimentaire, l'exportation et la promotion de nos produits agricoles et agroalimentaires, ainsi que certains points touchant aux affaires rurales.

L'enseignement et la recherche agricoles regroupent, je le rappelle, la moitié des emplois budgétaires et représentent le quart du budget du ministère.

Notre enseignement agricole s'inscrit parfaitement dans les nouvelles orientations pour la réussite à l'école que le Premier ministre a souhaité mettre en avant dans le contrat « France 2005 ». Nous sommes déterminés, Dominique Bussereau et moi-même, à faire en sorte que la place et la mission de cet enseignement soient confortées dans le système éducatif national.

A cet égard, j'ai été tout particulièrement sensible aux propos de Mme Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Avec sa grande compétence sur ces sujets qu'elle connaît très bien, elle a salué à juste titre l'importance de l'enseignement agricole qui, au-delà de son rôle de formation, intervient dans la vie de nos territoires et permet de préparer l'avenir des secteurs de l'agroalimentaire et de l'agriculture.

Lors de la préparation de ce budget, nous avons souhaité tracer des perspectives susceptibles de mobiliser la communauté éducative de l'enseignement agricole.

A cette fin, nous faisons, d'abord, évoluer l'offre de formation de manière cohérente, pour être toujours plus en phase avec les attentes de la société.

Nous consacrons, ensuite, un gros effort à la valorisation des métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire et des métiers de service en milieu rural, auxquels l'enseignement agricole prépare notamment. Nous sommes conscients du travail de communication qui reste à faire, notamment sur l'agroalimentaire.

Nous veillons, enfin, à conforter la dimension européenne de nos formations, notamment avec l'adaptation au système LMD, licence-mastère-doctorat, ou le renforcement des échanges avec les pays de l'Europe élargie.

Nous avons donc souhaité nous donner les moyens de cette triple ambition dans le budget de l'enseignement agricole pour 2005.

M. Jean-Guy Branger. Très bien !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Par ailleurs, Mme Férat et M. Piras ont clairement rappelé tout à l'heure un fait trop méconnu, que j'ai donc le devoir de faire connaître davantage : l'enseignement agricole fait réussir. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Jean-Guy Branger. Tout à fait !

M. Dominique Bussereau, ministre. Absolument !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. En l'espèce, le taux d'insertion dans la vie professionnelle dans les six mois suivant la fin des études est particulièrement élevé puisqu'il se situe entre 85 % et 90 %.

Cet enseignement joue donc un rôle d'insertion sociale important, en offrant une seconde chance à des élèves qui ne sont pas toujours à l'aise dans l'enseignement général. C'est un véritable « ascenseur social ».

En outre, vous le savez, l'enseignement agricole contribue au dynamisme de nos territoires ruraux, par son ancrage local fort et grâce à de réelles interactions avec les filières professionnelles et les entreprises locales. En ce sens, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux conforte l'enseignement agricole dans son rôle de développement et d'animation.

Comme Dominique Bussereau l'a indiqué, nous nous situons dans un environnement en forte évolution, qu'il s'agisse de la réforme de la politique agricole commune, des nouvelles attentes de la société à l'égard de son agriculture ou encore des réformes techniques, à l'image de la mise en oeuvre de la LOLF, laquelle prévoit le rattachement de l'enseignement technique agricole à la mission interministérielle « enseignement scolaire ».

Ainsi avons-nous dû prévoir dans notre budget les conséquences de toutes ces évolutions.

A cet égard, je tiens à dire à M. Raoult que, contrairement à ce qu'il a affirmé tout à l'heure, le budget négocié de l'enseignement agricole progresse, ce qui lui permettra d'être en mouvement.

Pour cela, nous avons procédé à des ajustements de l'appareil de formation. Certes, nous avons dû fermer des classes, mais nous avons respecté le seuil fixé puisqu'elles comptaient toutes moins de huit élèves. En même temps, nous avons maintenu notre capacité d'accueil, et 174 700 élèves seront donc accueillis cette année dans l'enseignement technique agricole, ce qui représente une légère progression de près de 1 % des effectifs par rapport à la rentrée scolaire de 2003.

Mme David et M. Piras ont sous-entendu que le Gouvernement favorisait l'enseignement privé au détriment de l'enseignement public et qu'il ne faisait pas assez d'efforts en faveur de ce dernier.

M. Bernard Piras. Je le répète !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Bien au contraire, mon principe - et il correspond au voeu de M. le Président de la République et de M. le Premier ministre - est de veiller à respecter très scrupuleusement l'équité.

Précisément, nous avons souhaité être équitables en rattrapant les retards subis par l'enseignement privé en raison de la non-application des lois Rocard par la majorité précédente.

M. Henri de Raincourt. Voilà ! C'était du sectarisme !

M. Charles Pasqua. C'est clair !

M. Jean-Louis Carrère. Contrairement à vous, nous ne sommes inféodés à personne !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Dominique Bussereau et moi-même veillerons, par nos choix budgétaires, à respecter intégralement cette équité, non seulement pour cette année mais pour les années à venir.

Je voudrais souligner deux idées fortes.

Premièrement, la recherche et l'enseignement supérieur agricoles sont des priorités. Les moyens qui leur sont consacrés progressent globalement de 7 %, malgré les contraintes que vous connaissez. En fait, la progression est de 5,4 % en faveur de l'enseignement supérieur et de 12,7 % en faveur de la recherche, du développement et du transfert de technologies.

Dans cette enveloppe, les crédits d'investissement de la recherche bénéficient d'une attention toute particulière puisqu'ils progressent nettement de 30 %. Monsieur Piras, il s'agit d'un effort important et non d'un simple rattrapage, comme vous l'avez affirmé. (M. Bernard Piras proteste.) Si vous le souhaitez, je vous transmettrai les statistiques de ces dernières années.

Le Gouvernement répond donc aux voeux qui ont été formulé en la matière par nombre d'entre vous. Je voudrais en particulier souligner que cet effort budgétaire va permettre la réorganisation des vingt-six établissements d'enseignement supérieur agricole en pôles de compétences régionaux, pour leur donner une meilleure lisibilité et les rendre plus attractifs, notamment à l'échelon européen.

Madame Férat, s'agissant de l'évolution de la rénovation des bâtiments, j'ai effectivement pu constater, avec Hervé Gaymard, un retard important dans certaines grandes écoles très connues. A cette fin, des moyens ont été mobilisés, y compris en loi de finances rectificative pour 2004. Nous avons ainsi obtenu 4,5 millions d'euros de crédits de paiement et 5 millions d'euros d'autorisations de programme supplémentaires, pour accélérer l'effort engagé afin de rénover ces bâtiments. En effet, il s'agit d'offrir aux enseignants et aux élèves des conditions matérielles qui soient dignes de la qualité de ces enseignements et de ces écoles.

Nombre d'entre vous, notamment MM. Dussault, Deneux et Revet, ont évoqué la recherche appliquée dans le domaine de l'agroalimentaire et de l'agroindustrie, en soulignant, avec raison d'ailleurs, la nécessité de la renforcer dans les entreprises.

La recherche appliquée dans ces domaines bénéficiera tout particulièrement de la revalorisation de 30 % des crédits d'investissement que j'ai évoquée. Il s'agit d'un élément important dans le cadre du travail qui est conduit avec les professionnels de ce secteur pour le développement des industries agroalimentaires. Vous êtes d'ores et déjà tenus informés de ce travail, mais j'aurai l'occasion de m'en expliquer de nouveau devant la Haute Assemblée.

Deuxièmement, l'enseignement technique agricole est conforté puisque ses crédits progressent de 2,3 %.

Pour l'enseignement public, nous avons choisi de donner la priorité à l'encadrement des élèves. Comme nous nous y étions engagés avec Hervé Gaymard, les moyens dévolus à la vie scolaire sont consolidés : le nombre d'assistants d'éducation est maintenu au niveau de la rentrée scolaire 2003, et 1 145 postes sont donc pourvus.

A ce propos, madame Férat, je vous remercie d'avoir souligné l'importance des crédits d'aide sociale dans l'enseignement technique. Ce dispositif de formation joue pleinement son rôle de promotion sociale et accueille, en particulier, de nombreux jeunes issus de milieux modestes.

Nous devons en permanence procéder à des ajustements et à des mises à niveau dans l'enseignement agricole. S'il était nécessaire, dans le présent budget, d'agir ainsi en faveur de l'enseignement privé, je suis parfaitement conscient que nos efforts doivent également porter en priorité sur les crédits d'aide sociale, et ce sera un élément très fort de notre réflexion et de notre action pour les échéances budgétaires à venir.

Je rappellerai néanmoins que des efforts ont déjà été réalisés. Ainsi, à la rentrée de 2001, le doublement de la prime d'équipement et l'introduction de la bourse au mérite ont été mise en oeuvre. A la rentrée de 2002, nous avons mis en place la prime à l'internat.

Je rappelle également que le nombre d'élèves boursiers a atteint 58 728 en 2004-2005, soit un tiers de l'effectif total de l'enseignement technique. Je suis toutefois conscient que cette question doit faire partie des priorités. Nous y travaillons, je tenais à vous le dire.

Vous m'avez interrogé sur la formation à la sécurité sanitaire et au lien entre l'alimentation et la santé dispensée à l'ISA de Beauvais. Je vous précise que cet établissement, comme tous les enseignements privés d'enseignement supérieur, bénéficie de l'augmentation de 10 % des crédits qui figure dans le projet de loi de finances pour 2005.

Par ailleurs, cette formation qui est récente, madame le sénateur, vient d'être agréée et l'établissement a obtenu à ce titre un financement transitoire. Bien sûr, nous accompagnerons cette filière dans les années qui viennent, de façon à la conforter.

Monsieur Piras, vous m'avez posé trois questions.

La première portait sur la réforme des quatre établissements publics nationaux. Je rappelle que ces établissements qui apportent un soutien à l'innovation pédagogique de l'ensemble de notre enseignement agricole, avaient depuis très longtemps besoin d'être soutenus.

J'ai souhaité, avec Hervé Gaymard et Dominique Bussereau, mettre en oeuvre une politique volontariste, afin de leur permettre de remplir leur mission. Cette réforme est donc engagée. Elle leur permettra de se rapprocher de façon plus intégrée d'établissements techniques ou supérieurs.

La seconde question concernait les TOS. Le ministère de l'agriculture est attentif à la situation de ces personnels, même si cela n'a pas d'incidence budgétaire pour 2005.

Enfin, en ce qui concerne la « déprécarisation », je tiens à dire que nous avons fait de gros efforts, lesquels ont abouti, au cours des années successives depuis 2000, à réduire d'un tiers les effectifs en situation de précarité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, s'agissant de l'enseignement privé, les engagements de l'Etat, comme l'a d'ailleurs souligné M. Gérard Bailly, ont été tenus au terme d'un travail de concertation important. Les contentieux, dont j'ai rappelé l'origine, ont été réglés.

Pour l'enseignement privé pratiquant le temps plein, nous avons mis en place de nouvelles modalités de calcul des subventions de fonctionnement. Le décret a été publié très rapidement et 3 millions d'euros sont prévus pour 2005, sur un total de 12 millions d'euros qui auront été versés pour actualiser les subventions.

Monsieur Biwer, vous m'avez interpellé au sujet des maisons familiales rurales. Une convention signée le 26 juillet 2004 a permis de régler le problème de l'actualisation des subventions. Au total, 14 millions d'euros seront versés sur quatre ans.

Monsieur Biwer, vous avez également attiré mon attention sur les difficultés de trésorerie d'un certain nombre d'établissements, difficultés dont je suis tout à fait conscient. Afin de corriger cette situation, je veillerai particulièrement à ce que la première tranche des versements puisse être effectuée dès les premiers jours du mois de janvier, grâce aux crédits inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004.

Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez constater que le Gouvernement concrétise effectivement la forte priorité qu'il donne à l'enseignement, à l'enseignement supérieur et à la recherche.

S'agissant des industries agroalimentaires et de l'exportation, M.  Joël Bourdin s'est interrogé, dans son excellent rapport, sur les suites que nous devons donner à la réforme de la SOPEXA. Ce travail, qui est conduit activement avec les responsables de cette société, cherche à atteindre plusieurs objectifs.

Il s'agit tout d'abord de clarifier les relations entre l'Etat et la SOPEXA, notamment en cédant les parts de l'Etat, de façon à bien séparer les rôles.

Nous devrons ensuite signer rapidement, avant la fin de cette année, la convention visant à harmoniser les actions de SOPEXA, d'UBIFRANCE et de l'ADEPTA.

Enfin, nous nous efforçons de redéfinir de façon plus lisible et plus pérenne le cadre d'action, notamment pour le compte de l'Etat, de la SOPEXA.

Messieurs César, Dussaut et Deneux, je tiens à vous dire que tout cela s'inscrit dans le cadre de la volonté du Gouvernement de développer la promotion à l'exportation, pour laquelle le Président de la République a annoncé un doublement des crédits. Plus globalement, notre action s'inscrit dans le cadre des efforts que nous conduisons pour développer nos industries agroalimentaires ; j'aurai l'occasion de revenir sur ce point.

Pour terminer, je souhaite évoquer brièvement un sujet soulevé non seulement par MM. Delfau et Lejeune, Mme Herviaux, mais plus particulièrement par M. Doublet, à savoir le financement des associations rurales.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère de l'agriculture soutient les associations d'animation rurales, qui jouent un rôle très important. Ce soutien d'ordre budgétaire prend également la forme de mises à dispositions de fonctionnaires et de financements de postes FONGEP.

Certes, je suis conscient des difficultés de trésorerie rencontrées par un certain nombre d'associations. Un rapport a été élaboré sur ce sujet par les services du ministère.

Nous sommes dans une année de transition, et j'ai souhaité que mes services accélèrent la procédure de versement du soutien exceptionnel prévu pour 2004, afin d'aider les associations à passer le cap de cette année.

Par ailleurs, sur le fondement de ce rapport, nous avons décidé d'accélérer les instructions qui préparent un nouveau conventionnement avec ces associations, dans une logique de projet plus active. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et figurant aux états B et C.

État B

Titre III : 8 368 170 €.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont est adoptés.)

Titre IV : moins 1 313 450 529 €.

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, sur ces crédits.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant d'un département qui a beaucoup souffert des aléas climatiques, qu'il s'agisse des orages, des inondations ou du gel, je me bats, depuis que je suis parlementaire, pour que soit mis en place, au niveau national, un système d'assurance efficace.

Bien entendu, je suis ravi que ce budget prévoie l'amorce d'un tel dispositif, et je vous en félicite, monsieur le ministre. C'est une nécessité pour rassurer les agriculteurs et encourager les plus jeunes d'entre eux. Le Gouvernement a fait un pas important et j'espère qu'il poursuivra sur cette lancée.

Toutefois, nous n'en sommes qu'aux préliminaires sur ce sujet. Au moment où, avec l'évolution de la PAC, les aléas économiques s'ajoutent aux aléas climatiques, il me semble que le dispositif proposé manque un peu d'ambition. Je suis persuadé que l'assurance récolte doit pouvoir évoluer vers une assurance chiffre d'affaires, voire vers une assurance revenu.

Dans cette perspective, je souhaite formuler quelques remarques et soumettre certaines idées à vos réflexions.

Premièrement, il me semble primordial que, avant d'avoir estimé les limites de l'assurance récolte, nous ne touchions pas aux crédits du Fonds national de garantie des calamités agricoles. En effet, plusieurs questions restent en suspens : quel sera le rythme d'assurance ? Comment seront indemnisés les risques « non assurables », comme les inondations, le gel, les pertes de fonds ?

A mon sens, les deux systèmes doivent cohabiter quelques années, afin qu'aucun agriculteur ne soit brutalement marginalisé.

Deuxièmement, le dispositif envisagé concerne les cultures de vente. Les contrats d'assurance peuvent porter sur une exploitation ou sur une culture.

Pour les contrats d'exploitation, il est prévu, pour 2005, une aide de l'État à hauteur de 40 %, et de 45 % pour les jeunes, avec un système de franchise de 20 %.

Pour les contrats de culture, les aides seront, en 2005, respectivement de 30 % et 35 %, avec une franchise de 25 %.

Le système proposé, en pourcentage et en montant, me semble tout à fait correct. Mais les aides prévues pour la suite baissent en trop grande proportion et rendent le dispositif peu attractif.

Troisièmement, alors que l'assurance récolte représente une priorité du budget, seulement 10 millions d'euros sont prévus pour la financer. De plus, les interventions publiques seront plafonnées à 130 millions d'euros à l'horizon 2010. C'est moitié moins que nos voisins espagnols !

Enfin, il me semble indispensable de prévoir une réassurance publique, et je regrette que l'examen de cette question soit renvoyé à plus tard.

M'étant longtemps battu pour que nous progressions sur ce sujet, j'espère que nous pourrons, par exemple à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation et d'orientation agricole, réussir à mettre en place un système attractif et efficace pour les agriculteurs, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Aujourd'hui, l'agriculture se trouve à un nouveau virage. Les pouvoirs publics se doivent, comme cela a été fait en 1992 et en 1993, d'accompagner l'ouverture de l'Europe. Ils doivent aussi prendre en compte les nouvelles règles de commerce international qui seront bientôt décidées.

Demain, il ne sera plus possible de soutenir les exportations, et de nombreuses aides devront être supprimées parce qu'elles entraînent des distorsions de concurrence. Seules les aides considérées comme neutres sur ce plan et classées « boîte verte » pourront être attribuées.

Dans ce cadre, le soutien d'une assurance revenu classée « boîte verte » et susceptible de redonner confiance à de nombreux agriculteurs me paraît une piste intéressante à étudier pour l'avenir.

A leur manière, les Etats-Unis l'ont fait avec les marketing loans. L'Espagne est en train de mettre en place une assurance chiffre d'affaires à partir de son assurance récolte. Pourquoi ne prendrions-nous pas ce chemin ?

Pour avoir participé à la conférence de Cancùn et rencontré plus récemment à Bruxelles des parlementaires de 148 pays, je me suis bien rendu compte que notre agriculture, comme, d'ailleurs, celle des Etats-Unis, est vue comme un eldorado.

Soyons conscients que chacune des aides sera étudiée à la loupe par l'OMC et que nombre d'entre elles disparaîtront, vraisemblablement parce qu'elles ne seront pas classées « boîte verte ». Si nous voulons conserver notre agriculture, l'Etat et l'Europe devront l'aider, conformément au règlement mondial. Nous avons, avec l'assurance revenu, un outil qui, si nous le voulons, pourra s'avérer très efficace.

M. le président. L'amendement n° II-42, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Augmenter la réduction des crédits du titre IVde500 000 euros.

En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 1.313.950.529 euros

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement vise à procéder à une réduction de 500 000 euros sur le titre IV, qui s'imputerait sur le chapitre 44-70 « Promotion et contrôle de la qualité », plus précisément à l'article 80 « Agence française d'information et de communication agricole et rurale, AFICAR ».

En effet, cette agence est dotée, pour 2005, de 1,996 million d'euros, alors même que l'AFICAR, établissement public à caractère industriel et commercial, n'a pas d'existence effective puisque sa création résulte des dispositions de l'article 75 ter du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui n'a pas encore été définitivement adopté par le Parlement.

En outre, il faut rappeler que, lors de l'examen de cet article par le Sénat, la commission des finances avait proposé et obtenu sa suppression, estimant qu'il s'agissait d'un instrument financier dont l'utilité était discutable et les modalités de financement imprécises.

Le Sénat avait donc voté en faveur de la suppression de cet article, qui a été rétabli par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

M. Charles Pasqua. Il faut le supprimer à nouveau !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Finalement, monsieur le ministre, avec toute la sympathie qu'elle éprouve à votre égard, la commission des finances vous fait éviter le pire puisqu'elle ne propose qu'une réduction de 500 000 euros.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Comme j'ai beaucoup de sympathie pour la commission des finances du Sénat, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée. (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-42.

(L'amendement est adopté.)

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 71

M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État C

Titre V : - Autorisations de programme : 352 689 000 € ;

Crédits de paiement : 287 575 000 €.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur ces crédits.

M. Pierre-Yves Collombat. Les incendies de forêt sont une calamité pour les départements du sud de la France, tout particulièrement pour les départements méditerranéens.

Ainsi, vous comprendrez qu'un élu du Var s'inquiète du manque de cohérence des engagements budgétaires du Gouvernement en la matière.

En effet, en 2005, tout son effort porte sur le renforcement des moyens d'intervention, surtout aériens, dont les crédits sont inscrits au budget de la sécurité civile. D'une année sur l'autre, les crédits d'investissement sont passés de 14,5 millions d'euros à 52,5 millions d'euros, en vue de l'acquisition de deux avions gros porteurs, d'un onzième Canadair et de nouveaux hélicoptères.

On ne peut que s'en féliciter, ces moyens étant absolument déterminants dans le succès de la lutte, une fois l'incendie déclaré. Cependant, et c'est là que réside le problème, une amélioration des dispositifs d'intervention sans l'accompagnement d'une politique active d'entretien et d'aménagement de la forêt est vouée à l'échec ; pire, elle devient, à terme, contre-productive.

Paradoxalement, le caractère catastrophique des incendies de forêt peut tout aussi bien témoigner de l'efficacité des dispositifs d'alerte et d'intervention que de leur inefficacité. Plus un dispositif est efficace en effet, moins il y aura d'incendies de moyenne ampleur durant des années, mais plus les rares départs de feu qui échapperont à la vigilance, un jour ou l'autre, seront catastrophiques.

Encore une fois, si l'entretien de la forêt est négligé, le renforcement des moyens de surveillance et d'intervention s'avérera, au final, contreproductif. La forêt en effet n'est pas une poudrière, un dépôt de carburant qu'il suffirait de tenir sous haute surveillance pour qu'elle se tienne tranquille. Elle ressemble plutôt à un dépôt de gaz qui fuirait. La biomasse produite à chaque instant, si elle n'est pas détruite par l'homme, l'animal ou le feu, demeure sur place, augmentant d'autant le risque. Plus tardive sera la destruction, plus catastrophique sera l'incendie qui ne manquera pas de se déclarer ; c'est exactement ce que l'on observe.

D'où l'intérêt d'un organisme comme le Conservatoire de la forêt méditerranéenne, chargé de financer, en partenariat avec les collectivités locales, les travaux de défense de la forêt contre les incendies, les travaux d'entretien, et de préfinancer l'exécution d'office du débroussaillement obligatoire, dont les maires ont la charge.

A sa création, il y a un peu plus de dix ans, le Conservatoire fut doté d'un budget de l'ordre de 15 millions d'euros, alimenté de manière spécifique par une nouvelle taxe sur les briquets et allumettes et par une hausse de la fiscalité sur les tabacs. Comme l'a montré on ne peut plus clairement la Cour des comptes dans son rapport 2000, ces crédits diminueront au fil du temps et seront en partie détournés de leur objet. L'année 2005 ne rompt pas avec ces mauvaises habitudes : en apparence, les crédits du Conservatoire augmentent de 5 %, passant de 9,5 millions d'euros à près de 10 millions d'euros ; en réalité, ils baissent par rapport à 2004, dans la mesure où un abondement lors de la loi de finances rectificative pour 2003 avait permis de faire passer les crédits à 11 millions d'euros. En euros courants, l'amputation des moyens du Conservatoire par rapport aux moyens dont il disposait à sa création est importante. En euros constants, c'est l'effondrement.

Or, encore une fois, négliger l'aménagement et l'entretien régulier de la forêt, c'est obérer l'efficacité des moyens d'intervention. La modulation des crédits consacrés à l'entretien des forêts en fonction de ceux qui sont réservés aux moyens d'intervention est la condition de l'efficacité de ces derniers, comme on peut le constater si l'on se réfère à une période d'une dizaine d'année. Comme le disait déjà la Cour des comptes dans le rapport que j'ai cité, « le constat est donc confirmé que l'Etat négligeait la prévention, peu visible, et privilégiait l'achat d'un matériel destiné à une lutte active et plus spectaculaire contre les incendies ».

Rien de nouveau donc sous le soleil méditerranéen ! Avouez que c'est fort dommage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n° II-39 rectifié bis, présenté par MM. Gaillard,  Leroy,  Vasselle,  Vinçon,  Jarlier,  du Luart,  Ginoux,  Bernardet,  de Richemont et  Bailly, est ainsi libellé :

Réduire les autorisations de programme de 1 500 000 € ;

Réduire les crédits de paiement de 1 500 000 €.

L'amendement n° II-40 rectifié bis, présenté par MM. Gaillard,  Leroy,  Vasselle,  Vinçon,  Jarlier,  du Luart,  Ginoux,  Bernardet,  de Richemont et  Bailly, est ainsi libellé :

Réduire les autorisations de programme de 6 900 000 € ;

Réduire les crédits de paiement de 6 900 000 €.

La parole est à M. Yann Gaillard, pour défendre ces deux amendements.

M. Yann Gaillard. Je les ai déjà évoqués dans mon propos liminaire.

M. le président. Dois-je considérer qu'ils sont retirés ?

M. Yann Gaillard. Bien entendu, monsieur le président.

M. le président. Les amendements n°s II-39 rectifié bis et II-40 rectifié bis sont retirés.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre VI. - Autorisations de programme : 1 469 056 000 € ;

Crédits de paiement : 991 613 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 71, 72, 72 bis et 72 ter qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Etat C - Titres V et VI
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Art. 72

Article 71

L'article L. 654-16 du code rural est abrogé. - (Adopté.)

Art. 71
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Art. 72 bis

Article 72

Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : « pour 2004, à 1,5 % » sont remplacés par les mots : « pour 2005, à 1,8 % ». - (Adopté.)

Art. 72
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Art. 72 ter (début)

Article 72 bis

I. - Les trois derniers alinéas du III de l'article 1619 du code général des impôts sont ainsi rédigés :

« Pour la détermination de l'assiette de la taxe, les tonnages de céréales livrés font l'objet d'une réfaction correspondant :

« 1° Au taux d'humidité, égal à la différence entre le taux d'humidité constaté et un taux de référence compris entre 14 % et 15 % des tonnages fixé par arrêté du ministre chargé de l'agriculture ;

« 2° Au taux d'impuretés diverses, égal à la différence entre le taux d'impuretés constaté et le taux de référence compris entre 0,5 % et 2,5 % des tonnages, fixé par arrêté du ministre chargé de l'agriculture pour chaque céréale, dans la limite d'un taux maximal de réfaction compris entre 1 % et 3 %. »

II. - Le I entre en vigueur au 1er janvier 2004. - (Adopté.)

Art. 72 bis
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Art. 72 ter (interruption de la discussion)

Article 72 ter

Le premier alinéa de l'article L. 641-9-1 du code rural est complété par les mots : « ou de produits pour lesquels la proposition d'enregistrement en indication géographique protégée a été homologuée dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat. » - (Adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je tiens tout d'abord à remercier M. le ministre et M. le secrétaire d'Etat.

Je dirai ensuite à M. le ministre qu'il ne s'étonne pas si la commission des finances manifeste beaucoup de circonspection chaque fois qu'il tentera de créer de nouvelles agences et de nouveaux organismes publics. Nous souhaitons qu'à l'heure de la réforme de l'Etat on évite de multiplier tous ces satellites...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...qui ne sont que des sources de dépense publique contre lesquelles nous devons lutter avec beaucoup de détermination.

Monsieur le président, je me tourne maintenant vers vous : s'est posée la question de savoir s'il ne fallait pas reporter l'examen des crédits de l'enseignement supérieur qui devait avoir lieu ce soir. Après consultation de M. Fillon et de M. le président de la commission des affaires culturelles, il a été décidé d'examiner aujourd'hui, et ce même jusqu'à une heure avancée, les crédits de l'enseignement scolaire et les crédits de l'enseignement supérieur.

M. le président. Le Sénat en prend acte.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Art. 72 ter (début)
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Discussion générale

6

Modification de l'ordre du jour

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« En application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie comme suit l'ordre du jour de la séance du vendredi 10 décembre 2004, en accord avec la commission des finances :

« Vendredi 10 décembre, le matin, l'après-midi et le soir :

« - Projet de loi de finances pour 2005 ;

« - Budget équipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer :

« - V - Mer ;

« - II - Transports et sécurité routière - Aviation et aéronautique civiles :

« - Budget annexe de l'aviation civile ;

« - Budget équipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer :

« - II - Transports et sécurité routière - Transports terrestres et intermodalité - Routes et sécurité routière.

« - I - Services communs et urbanisme.

« - III - Aménagement du territoire.

« - Budget jeunesse et sports et vie associative.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments fidèles et dévoués.

« Signé :

« Henri Cuq »

Acte est donné de cette communication et l'ordre du jour de la séance du vendredi 10 décembre est ainsi modifié.

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CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.

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Art. 72 ter (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Deuxième partie

Loi de finances pour 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Education nationale, enseignement supérieur et recherche - I. - Enseignement scolaire

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Education nationale, enseignement supérieur et recherche (suite)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche.

I. - Enseignement scolaire

M. le président. Le Sénat va tout d'abord examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche : I. - Enseignement scolaire.

J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.

Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.

Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.

Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'essaierai de ne pas être trop « spécial » dans mon rapport, et je voudrais rassurer M. le ministre : l'importance d'un budget et d'une action gouvernementale ne se mesurent heureusement pas à la fréquentation de l'hémicycle ! La qualité qui est ici rassemblée y pourvoira largement !

Dans le débat public, il revient au rapporteur d'interroger le ministre et, naturellement, de lui faire part des observations de la commission au nom de laquelle il rapporte.

Je voudrais d'abord dire que c'est un très beau budget. Il concerne un Français sur cinq. Plus de 12 millions de nos compatriotes les plus jeunes se trouvent, en effet, sous l'autorité du monde scolaire.

Par ailleurs, c'est un budget qui, au-delà de l'action de l'Etat, associe de très nombreux partenaires. Je pense en particulier aux collectivités locales, communes, départements et régions ; je pense naturellement aux partenaires de l'enseignement au sens large, mais également aux familles, sans l'implication desquelles la réussite en matière d'enseignement est à peu près impossible.

J'ajoute que l'examen de ce budget survient au moment où vous présentez, monsieur le ministre, un projet de loi d'orientation d'ensemble qui se propose de restituer une finalité à l'enseignement, à l'enseignement secondaire en particulier.

Ce projet, tel que nous le connaissons actuellement, suscite beaucoup d'intérêt. J'ajoute qu'il a recueilli la sympathie de la commission, car il pose un certain nombre de problèmes à la solution desquels nous sommes très attachés.

J'évoquerai notamment cette idée d'un socle commun, qui permet de reconstituer un patrimoine intellectuel partagé par l'ensemble de nos jeunes compatriotes, patrimoine de connaissances, de comportement, de culture et d'éducation.

Cette idée serait complétée par ce nouveau brevet, si intéressant : les efforts des élèves ont besoin d'être reconnus, et non sanctionnés, par un diplôme mérité.

Le deuxième thème qui a retenu l'intérêt de la commission des finances, en raison même de notre implication sur le terrain économique, c'est l'idée de répondre à une question simple : pourquoi amener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat ?

Vous nous dites que la moitié de ces jeunes doit pouvoir suivre une formation supérieure très large, très ouverte, qui aille de la filière post-baccalauréat d'insertion aux études les plus longues.

Au moment où l'on s'aperçoit que, dans la compétition internationale, seule la valeur ajoutée permettra aux Français, et d'une manière générale aux Européens de l'Ouest, de maintenir leur pouvoir d'achat et leur place dans le système économique mondial, l'investissement formation et l'investissement formation supérieure constituent assurément un devoir absolu, afin de servir un modèle social auquel nous sommes attachés.

Un troisième point a retenu l'attention de la commission des finances dans votre projet : le suivi des élèves en difficulté. Dans une démographie déclinante - il faut avoir le courage de rappeler ce fait -, nous n'avons pas le droit de gâcher l'avenir des jeunes, de compromettre leurs possibilités.

Trop souvent encore, en dépit de la bonne volonté des enseignants, de l'engagement des élèves, du soutien des parents, notre appareil de formation laisse sur le bord du chemin de très nombreux jeunes.

L'actualité parisienne, ce sont les embouteillages dus aux manifestations. Il faudra d'ailleurs se poser un jour la question : les capacités d'accueil de la capitale sont-elles adaptées à l'expression publique ? Ne conviendrait-il pas de mettre en place une sorte de déambulatoire public, qui permettrait à la ville de continuer à vivre, pendant que d'autres se compteraient sur ce déambulatoire.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est une bonne idée !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Cela permettrait la coexistence d'une vie urbaine et d'une expression collective publique. Mais je crois que, malheureusement, le bonheur des uns repose très largement sur l'encombrement et la gêne qu'ils procurent aux autres.

Revenons-en au budget. Je ferai cinq observations.

La première n'entraîne pas de question. La commission des finances soutient la politique de maîtrise des dépenses que vous avez confirmée en 2005. Elle procède d'une définition plus rigoureuse des priorités, qui permet un redéploiement et donc une maîtrise des dépenses globales.

Je n'entrerai pas dans le détail : ces éléments sont repris dans le rapport écrit.

Après plusieurs années d'augmentation très importante du budget de l'éducation, il est responsable, monsieur le ministre, de revenir à des mouvements ciblés, sur des domaines définis, qui aboutissent à une augmentation raisonnable du pouvoir d'achat.

Je rappellerai que, en matière d'enseignement secondaire, le problème réside bien plus dans la mobilisation des moyens et leur utilisation que dans leur volume global.

En effet, l'OCDE l'a noté à plusieurs reprises, ainsi que d'autres organismes comme la Cour des comptes ou les différentes inspections de votre ministère, nous avions les moyens financiers de l'enseignement secondaire, mais leur utilisation n'était peut-être pas la plus judicieuse ni la plus pertinente, si bien qu'il n'y avait pas une adéquation parfaite.

Nous exprimons donc ici notre satisfaction, et la commission des finances encourage le Gouvernement à persévérer dans cette direction.

La deuxième observation est, en revanche, plus ouverte. Il s'agit de la lancinante question que pose l'adaptation, peut-être impossible, de l'offre d'enseignement à la demande d'enseignement.

Vous gérez des moyens considérables, monsieur le ministre : le ratio de professeurs par élève, en particulier dans le secondaire, est l'un des plus élevés d'Europe.

Pourtant, ces moyens donnent des résultats mêlés et l'on peut à bon droit se dire insatisfait.

On observe en effet un décalage que vous connaissez bien, monsieur le ministre, en tant qu'élu de terrain - président de région, président de département, vous êtes au fait de la vie locale - entre le dynamisme des territoires et la mobilité naturelle d'une grande administration centralisée.

Il n'est pas désobligeant de dire que l'administration va moins vite que les régions : l'administration centralisée évolue au rythme d'une gestion d'Etat, au rythme de carrières qui ouvrent des droits et méritent le respect, mais, de ce fait, les régions les plus vivantes et les plus dynamiques sont souvent moins bien servies que des régions à la démographie stabilisée voire déclinante.

Cette préoccupation des élus remonte vers vous parce que les moyens disponibles quelque part ne le sont évidemment pas là où de nouveaux besoins se font sentir.

Les questions pratiques que la commission souhaiterait vous poser dans ce domaine sont de trois natures.

Le monde rural, assurément, se défend. Les ministres successifs s'efforcent de ne pas appliquer trop brutalement des ratios nationaux. Les élus locaux, pourtant, considéreront toujours la disparition d'un poste comme une tragédie ou du moins comme un affaiblissement.

Nous vous interrogeons, monsieur le ministre, sur la stabilité des politiques d'inspection académique par département quant aux regroupements scolaires.

Les élus locaux s'organisent. L'intercommunalité est aujourd'hui une réalité. Les regroupements pédagogiques existent, regroupements éclatés d'abord, concentrés aujourd'hui.

Nous aimerions que l'expression des politiques scolaires reste cohérente : une vérité qui varie avec chaque changement d'inspecteur d'académie n'en est plus une. Nous faisons alors face à une absence totale de référence. Sur le terrain, cela jette le discrédit sur votre administration et sape la confiance.

En ce qui concerne le monde rural, nous souhaitons un partenariat stable. Lorsque les règles du jeu ont été acceptées par les élus locaux, qu'ils ont fait des efforts considérables pour admettre une fois pour toutes que l'école était faite pour les enfants et leur réussite plus que pour la gloire des communes, encore faut-il qu'ils n'aient pas le sentiment que ce qui est vérité un jour ne le sera plus le surlendemain, ou même le lendemain matin.

La deuxième question en ce qui concerne l'adaptation de l'offre et de la demande porte sur l'enseignement professionnel.

Dans les régions industrielles de notre pays, l'enseignement professionnel est un héritage souvent riche, mais disparate, d'unités d'origine et d'histoire différentes, qui aboutissent parfois à des spécialisations trop grandes ou à des tailles trop petites ou, en tous les cas, moins adaptées aux besoins en emploi.

Monsieur le ministre, il nous faut savoir, en liaison avec les régions qui ont en charge les lycées, quelle est votre politique d'adaptation de l'outil qu'est l'enseignement professionnel aux réalités du monde industriel d'aujourd'hui, les statistiques nous montrant, hélas ! chaque jour qu'il occupe de moins en moins de place dans notre pays.

Je représente une région dans laquelle, en 1970, 50 % des emplois étaient industriels. Aujourd'hui, ce pourcentage est inférieur à 25 %. La moyenne nationale se situant à 17 %, certaines régions en comptent donc beaucoup moins. Par conséquent, nous devons nous interroger sur l'avenir de cet outil de formation.

J'évoquerai un dernier sujet en matière d'adaptation de l'offre et de la demande.

Si la coexistence de l'enseignement public et de l'enseignement privé est pacifiée, elle n'est cependant pas complètement dénuée d'ambiguïté dans la mesure où, quantitativement, les postes de l'enseignement privé représentent, rectorat par rectorat, un pourcentage de l'évolution de l'enseignement public. La règle de proportionnalité méconnaît parfois les déplacements, voulus par les parents et acceptés par les élèves, d'un secteur à l'autre.

Il convient de ne pas raviver la guerre. Il faut donc non seulement tenir compte du fait que le déclin de l'un n'entraîne pas nécessairement le déclin de l'autre, mais aussi de la liberté de choix des parents.

La troisième question, qui recoupe en partie celle de l'adaptation de l'offre et de la demande de formation, est liée à la revalorisation des formations professionnelles.

Face une démographie déclinante, le Gouvernement affiche, à juste titre, des ambitions fortes en matière d'apprentissage. Nous avons entendu à cette même tribune M. le ministre évoquer une augmentation de 50 % des effectifs d'apprentis sur une période relativement courte.

Pour ma part, je n'y vois que des avantages, compte tenu, en particulier, de l'évolution de l'apprentissage vers des métiers nouveaux et des qualifications de plus en plus élevées.

Se pose quand même la question de la coexistence pacifique, non plus entre le privé et le public, mais entre les différentes filières de formation, y compris à l'intérieur du secteur public, à savoir l'apprentissage, les lycées professionnels, l'enseignement en alternance et les filières générales.

Nous craignons qu'une forme de sélection au bénéfice des structures les plus traditionnellement ancrées dans votre ministère ne s'opère au détriment même de l'objectif affiché de formation en alternance, de revalorisation de l'apprentissage et d'ouverture du lycée vers les formations professionnelles qualifiantes.

A cet égard, je voudrais vous poser une deuxième question d'ordre pratique, qui pourrait éclairer la première : comment assurer une coordination des différentes formes d'orientation des jeunes ?

En la matière, je pense à la coexistence entre les centres d'information et d'orientation, les conseillers d'orientation et les psychologues de l'éducation nationale, d'une part, les missions locales, les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, et, le cas échéant, les points d'information jeunesse, d'autre part. Ces derniers dépendent désormais de votre ministère, puisque le secteur de la jeunesse y a été rattaché. Cette coexistence ne va pas nécessairement de soi dans la vie quotidienne, d'autant que s'y ajoute le rôle d'orientation de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA.

Nous avons le sentiment qu'une coordination et une ouverture des orienteurs sur les réalités du monde économique d'aujourd'hui seraient certainement souhaitables, dans l'intérêt même des jeunes qui veulent bâtir leur carrière.

Je vous le rappelle, c'est une donnée spectaculaire qui est l'expression d'un échec, le taux d'abandon chez les jeunes en cours de formation en lycées professionnels est deux fois plus élevé que dans l'enseignement général.

Le quatrième point évoqué par la commission des finances concerne l'autonomie des établissements. Elle souhaiterait savoir, en particulier, jusqu'où le pouvoir du chef d'établissement pourrait aller vis-à-vis de ce que l'on appelle communément aujourd'hui la « communauté éducative », mais dont la définition n'est peut-être pas totalement claire pour tous.

Qui dit communauté dit partage et respect de valeurs et de règles communes. Quels pouvoirs envisagez-vous d'accorder à un chef d'établissement - le principal, le proviseur, le directeur d'un établissement d'enseignement agricole - afin qu'il exerce ce rôle de patron ?

Je voudrais terminer en faisant référence à la LOLF.

De l'avis général de la commission des finances, vous avez une administration exemplaire. Elle a su démontrer sa capacité sur le terrain à conduire des expériences : je pense aux rectorats de Rennes et de Bordeaux, et, pour l'enseignement secondaire, à l'application des principes de la loi du 1er août 2001.

Si tout va bien, pourquoi devrais-je vous interroger ? (Sourires.)

En fait, j'aimerais savoir de quelle façon la LOLF pourrait laisser une place à la participation des collectivités locales, sans l'engagement desquelles l'enseignement français n'aurait pas de sens.

L'engagement des collectivités locales - communes, départements, régions - contribue fortement à la réussite de la formation dans l'enseignement secondaire, et sans doute dans l'enseignement supérieur, mais ce domaine n'est pas de ma compétence. On peut le constater avec l'équipement des lycées, sur le plan professionnel, dans la diffusion de la culture informatique, mais aussi dans les domaines liés à l'offre et à la demande de formation, dans la répartition des établissements à travers l'espace territorial.

On imagine donc que la LOLF devrait permettre, d'une façon ou d'une autre, de mettre en valeur le travail des collectivités locales.

Comme formule conclusive, je paraphraserai, en guise de clin d'oeil, monsieur le ministre, le titre d'un ouvrage de votre prédécesseur : qu'est-ce donc qu'une éducation réussie ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le rapporteur spécial, une éducation réussie est une éducation qui permet à 100 % des élèves d'obtenir une qualification, et donc de trouver une place dans notre société.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Voilà qui est clair !

M. François Fillon, ministre. C'est tout l'objet du débat que nous aurons dans quelques mois, lorsque vous sera soumis le projet de loi d'orientation sur l'école.

Je vous sais gré d'avoir remercié le ministre de l'éducation nationale et son administration, en particulier pour l'effort de maîtrise des dépenses et des emplois qu'ils ont entrepris. Dans la situation économique et financière que connaît notre pays, il est normal que les emplois publics soient déterminés en fonction des besoins, et que leur répartition dans le secteur de l'éducation tienne compte de la démographie scolaire.

Je n'ai pas voulu que nous nous en tenions simplement à cette règle. J'ai souhaité que nous donnions aux personnels de l'éducation nationale et aux collectivités locales, qui ont des stratégies à élaborer et des choix à préparer, une perspective pluriannuelle.

Nous avons commencé en annonçant de manière anticipée les postes au concours pour 2005, ...

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Très bien !

M. François Fillon, ministre. ... ce qui permet, notamment aux étudiants, d'avoir une visibilité sur les politiques de recrutement de l'Etat. Je le rappelle, l'objectif est d'adapter ces politiques aux besoins.

Je voudrais aller plus loin, en intégrant dans le projet de loi d'orientation sur l'école nos objectifs de recrutement sur les cinq ans à venir.

Dans le cadre de la maîtrise des dépenses et des emplois, nous avons également entrepris un effort très significatif de revalorisation des métiers : 34 millions d'euros seront destinés à renforcer l'attractivité du métier d'enseignant et 32 millions d'euros auront pour but d'enclencher un rattrapage indemnitaire au profit des personnels non enseignants. En effet, le ministère de l'éducation nationale est celui dont les personnels ont les régimes indemnitaires les moins favorables de la fonction publique.

Vous m'avez posé plusieurs questions auxquelles je voudrais répondre sans détour.

Par rapport à l'inégalité de répartition des moyens sur le territoire, ou plutôt à la réactivité qui doit être celle de l'éducation nationale vis-à-vis des besoins des territoires, de leur développement et de leur stratégie, nous faisons, lors de chaque rentrée, des ajustements entre les académies dites excédentaires et celles dites déficitaires.

Mais ces ajustements, comme vous l'avez vous-même fait remarquer, ne peuvent pas nous conduire à une simple répartition arithmétique. Nous devons tenir compte de critères liés à la structure scolaire : par exemple, le poids des collèges de petite taille ou la part des écoles à une ou plusieurs classes. Nous pouvons également faire appel à des critères territoriaux plus qualitatifs, comme le pourcentage de population dans les zones rurales, le taux de personnes au RMI, le nombre de chômeurs. Toutes ces données justifient des stratégies différentes pour faire face à des difficultés ou à des atouts qui changent d'un territoire à l'autre.

Vous m'avez également interrogé sur les politiques de regroupement en milieu rural. Je souhaite, bien évidemment, leur stabilité, mais je désire surtout que ces politiques soient le reflet de choix locaux.

C'est pourquoi j'ai demandé à l'administration de l'éducation nationale de ne pas imposer des politiques de regroupement qui n'auraient pas le soutien des maires, notamment. Elle n'a pas, en effet, à décider à la place des élus locaux si les compétences en matière scolaire doivent être transférées aux communautés de communes ou rester du ressort des communes. Ce choix revient aux maires, et ils en assument la responsabilité.

Si se dégagent sur place des consensus pour créer des structures de coopération dans le domaine scolaire, je suis prêt à les encourager. J'ai d'ailleurs donné des instructions en ce sens à l'administration de l'éducation nationale. Mais je ne veux pas que ces structures soient imposées pour des raisons d'organisation ou d'économies de moyens. Il existe un lien profond entre la commune et l'école et ce lien ne peut être affaibli pour ces raisons.

Monsieur le rapporteur, vous avez appelé de vos voeux une revalorisation de la filière professionnelle liée, en particulier, à une rénovation de l'orientation.

La principale évolution que je propose dans ce domaine est de taille, c'est la réforme de la classe de troisième. Elle a déjà été décidée, mais elle se mettra en place de manière progressive dans tous les collèges. Elle permettra d'introduire trois heures hebdomadaires de découverte professionnelle pour l'ensemble des élèves.

A terme, une fois que les enseignants auront été formés, je veux que tous les élèves du collège puissent préparer eux-mêmes leur orientation par une découverte des métiers. Cela supposera, naturellement, l'intervention des enseignants, mais également de nombreuses personnes extérieures qui viendront présenter leur métier et les filières professionnelles.

Au-delà de ces trois heures, qui devront être généralisées à l'ensemble des classes de troisième, les élèves qui auront déjà manifesté un intérêt ou un choix pour les filières professionnelles pourront prendre une option de six heures de découverte professionnelle. Celle-ci leur permettra, tout en restant dans le collège et en continuant à suivre certains enseignements généraux, d'engager une pré-professionnalisation, qui est d'ores et déjà une réalité dans bien des cas, mais qui n'a jamais reçu la reconnaissance nationale qui est aujourd'hui nécessaire dans notre système éducatif.

S'agissant de la revalorisation de l'enseignement professionnel, dont nous débattrons dans le cadre de la loi d'orientation, j'envisage d'abord une reconfiguration des filières professionnelles et technologiques, pour tenir compte des évolutions de notre société. Je souhaite en particulier que ces filières soient plus compactes, c'est-à-dire plus générales et qu'elles comportent moins d'options, de manière que les troncs communs de formation soient plus importants et que les évolutions technologiques et professionnelles puissent être mieux prises en compte.

Dans le même esprit, je vous proposerai, d'une part, de généraliser la possibilité, pour ceux qui le souhaitent et qui le peuvent, de passer le baccalauréat professionnel en trois ans, de manière à en faire l'égal du baccalauréat général, et, d'autre part, de développer l'accès à la licence professionnelle. Il me paraît en effet essentiel que la filière professionnelle ne constitue pas une impasse pour ceux qui veulent aller au-delà du baccalauréat professionnel, si nous voulons en renforcer l'importance dans notre système éducatif.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur spécial, le développement de l'autonomie des établissements. De nombreuses mesures vous seront proposées dans la loi d'orientation sur ce sujet, notamment un renforcement majeur du rôle des chefs d'établissements, qui exerceront désormais la présidence du conseil pédagogique et auront la responsabilité de l'établissement des contrats individuels de réussite éducative, de la gestion des remplacements de courte durée à l'intérieur de l'établissement et, naturellement, d'une politique de contractualisation avec l'académie qui va progressivement développer des marges de liberté et d'autonomie.

S'agissant de l'enseignement privé, vous avez évoqué la règle non écrite qui préside à la répartition des postes entre l'enseignement public et l'enseignement privé, selon un rapport établi une fois pour toutes à 20  % pour ce dernier. C'est une règle mécanique, qui, je le reconnais, n'est pas très juste. Elle a profité par le passé à l'enseignement privé, qui a connu des baisses d'effectifs et qui, à l'époque, ne s'était pas trop plaint de son application. Aujourd'hui, la situation est un peu moins favorable pour l'enseignement privé parce que ses effectifs progressent. Je pense que, l'un dans l'autre, la justice a été respectée. Pour l'avenir, je ne suis pas opposé, naturellement, à ce que nous réfléchissions ensemble à des solutions plus efficaces et plus justes.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, d'avoir bien voulu souligner que l'administration de l'éducation nationale était exemplaire dans la mise en place de la LOLF. C'est une affirmation qui ira droit au coeur des fonctionnaires de l'éducation nationale, qui ne sont pas tellement habitués à être félicités, notamment pour leurs qualités en matière de gestion, et c'est un tort !

Nous réalisons aujourd'hui la plus grande expérimentation en matière de mise en oeuvre de la LOLF. Cette expérimentation va d'ailleurs conduire à certaines réorganisations au sein du ministère dont nous aurons l'occasion de parler.

Monsieur le rapporteur spécial, je ne sais pas comment prendre en compte la part des collectivités locales dans les mécanismes actuels de la LOLF, même si je mesure bien tout l'intérêt qu'il y aurait à le faire, ne serait-ce que pour démontrer l'importance considérable de l'effort public en faveur de l'éducation dans notre pays. Il s'élève en définitive à plus de 600 milliards de francs, si l'on additionne les concours financiers de l'Etat et des collectivités locales, ce qui nous place très loin devant les autres pays européens. Je serai très attentif aux suggestions de la commission des finances sur ce point.

Enfin, je veux vous rassurer, monsieur le rapporteur spécial, l'objectif de doublement du nombre de formations en alternance assumées par l'éducation nationale ne créera pas de déséquilibre par rapport aux autres filières. L'éducation nationale forme actuellement grosso modo 35 000 apprentis par an ; leur doublement portera ce chiffre à 70 000. Ce sera notre contribution à la réalisation de l'objectif global de 500 000 fixé par le ministre de la cohésion sociale.

Il me semble essentiel que les lycées professionnels participent à cet effort et apportent les compétences de l'éducation nationale en matière de formation en alternance, sous la forme de plateformes qui seraient d'ailleurs ouvertes à l'ensemble des filières.

Telles sont, en quelques mots, les réponses que je voulais apporter aux questions qui ont été évoquées par M. le rapporteur spécial, au nom de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement scolaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'avis que j'ai l'honneur de vous présenter, au nom de la commission affaires culturelles du Sénat, se fonde très largement sur le rapport pour avis qu'a établi et présenté notre collègue Philippe Richert, et qui a été distribué à l'occasion de la présente discussion budgétaire.

Comment ne pas mentionner une fois encore, à l'occasion de l'examen des crédits de l'enseignement scolaire, que nous entrons dans une phase stratégique pour le système de formation de notre jeunesse ? M. le rapporteur spécial, dans son exposé, et vous-même, monsieur le ministre, dans votre réponse, l'avez évoqué. En effet, vous nous présenterez prochainement un projet de loi qui rénovera les objectifs et les méthodes de l'école, au moins pour les quinze années à venir. A cet égard, peut-être pouvez-vous, dès aujourd'hui, nous indiquer le calendrier prévu pour les débats au Sénat ?

Premier poste de dépenses de l'Etat, le budget de l'enseignement scolaire pour 2005 traduit la priorité du Gouvernement en faveur de l'éducation, sans pour autant négliger le souci de bonne gestion de l'appareil éducatif. Il poursuit les efforts engagés depuis deux ans pour recentrer l'action de l'école sur des priorités clarifiées, ce qui répond, de façon bienvenue, à un besoin certain de stabilité.

J'attirerai votre attention, monsieur le ministre, sur quatre sujets d'interrogation relatifs à l'ambition d'une école à la fois plus juste, plus efficace et plus ouverte : le dossier des bourses ; l'organisation de la vie au sein de l'établissement scolaire et notamment le rôle du chef d'établissement, en vue d'apporter des réponses adaptées aux problèmes que rencontre l'école ; les carences en matière de formation des maîtres ; enfin, le devenir des enseignements artistiques, dont se sont inquiétés plusieurs commissaires de la commission des affaires culturelles.

Sur le premier point, notre commission a salué les efforts engagés dans le projet de loi de finances en faveur des crédits d'aide sociale, par l'inscription d'une mesure nouvelle, destinée à l'extension du dispositif du fonds social aux lycéens de l'enseignement privé et à la revalorisation de 1,7 % du montant des bourses et des primes de lycée.

Nous regrettons, toutefois, que cette actualisation, de même que celle des barèmes de ressources, se limite au niveau de l'inflation. En outre, à la modestie des bourses se conjuguent des fonds sociaux aux dispositifs d'attribution peu formalisés, inégaux d'un établissement à l'autre. On constate chaque année, malgré une amélioration récente, des volumes importants de reliquats, dans la mesure où il appartient aux familles de faire une démarche compliquée pour obtenir ces aides.

Alors que vous comptez, monsieur le ministre, dans un souci fort positif d'équité scolaire, relancer les bourses au mérite, ne faudrait-il pas envisager, dans le même temps, une refonte du système d'aide sociale aux familles, notamment pour améliorer l'utilisation des fonds sociaux, et réexaminer le montant des bourses ?

Ma deuxième question porte sur ce que la commission Thélot a désigné très justement, dans son rapport, comme la « clef de voûte » du système éducatif, à savoir l'établissement scolaire. N'est-il pas, en effet, comme cela a été évoqué, le niveau le mieux adapté pour créer les conditions favorables à la réussite des élèves et apporter des réponses de proximité aux problèmes que rencontre l'école ?

La diversité des contextes scolaires et des élèves accueillis suppose une plus grande souplesse des modalités de pilotage, pour combattre l'échec scolaire ou lutter contre les incivilités. Or la rigidité du système actuel et le « harcèlement textuel » que vous dénoncez vous-même, monsieur le ministre, conduisent le plus souvent à déresponsabiliser les acteurs éducatifs et à brider leurs initiatives.

En outre, comme l'ont souligné les jeunes enseignants de l'académie de Créteil que vous avez rencontrés en novembre dernier, la clé de la réussite repose sur la qualité de l'encadrement, ainsi que sur la cohésion et la stabilité des équipes éducatives.

Vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, le chef d'établissement joue pour cela un rôle pivot, tant pour organiser les relations avec les partenaires extérieurs - les parents, les entreprises, les collectivités, les institutions - que pour créer les conditions les plus favorables à l'amélioration des performances des élèves et à la qualité de l'ambiance de vie et de travail. Cela implique notamment que le chef d'établissement bénéficie de marges de souplesse pour utiliser au mieux les compétences des personnels placés sous son autorité, afin de gérer les besoins de remplacements ponctuels ou d'organiser des aides plus personnalisées pour les élèves en difficulté.

A ce titre, notre collègue Christian Demuynck préconise, dans son rapport sur les violences scolaires remis au Premier ministre le 15 juin dernier, de donner une « autonomie accrue aux établissements et plus particulièrement aux chefs d'établissement ».

Quelles suites comptez-vous donner à ces propositions, notamment en vue de conférer de plus grandes capacités d'action, pour ne pas dire de liberté, aux chefs d'établissement et rendre ces fonctions plus attractives - outre la mesure statutaire d'extension de la hors classe inscrite au présent budget - alors que les besoins de renouvellement du corps seront massifs dans les années à venir ?

Ces réflexions nous renvoient, par ailleurs, aux enjeux de la formation des maîtres. Alors que la formation initiale, trop théorique, qui est dispensée aux futurs enseignants ne permet pas de les préparer aux réalités du métier, les professeurs stagiaires demandent eux-mêmes « mieux et plus de terrain ». En écho à cette prise de conscience quasi générale, la conférence des directeurs d'IUFM, de même que la commission nationale du débat sur l'école, dont nous avons, en commission, auditionné les présidents respectifs, plaident en faveur d'une formation professionnelle renforcée, en deux ans, fondée sur une alternance accrue entre la classe - dans des lieux qui doivent être divers - et l'IUFM.

Il est choquant, en outre, que l'institution scolaire persiste à nommer les professeurs les moins expérimentés sur les postes les plus difficiles. Quelles sont, monsieur le ministre, vos intentions pour pallier ces carences en matière de formation initiale et d'entrée dans le métier et dans la vie active ?

En effet, si le budget de l'enseignement scolaire pour 2005 marque un signal en ce sens, en inscrivant une dotation spécifique pour améliorer l'attractivité des carrières enseignantes, la situation devient urgente et les difficultés de recrutement sont déjà sensibles dans les disciplines scientifiques. Ne serait-il pas souhaitable de réadapter, dans certaines conditions, le système des Instituts de préparation aux enseignements de second degré, les IPES, ou encore d'élargir les viviers de recrutement, en direction de personnes ayant une expérience professionnelle préalable ? L'IUFM de Lyon paraît être le seul, actuellement, à proposer des modules spécifiques dit « de reconversion », pour préparer ces candidats aux concours d'enseignants. Une telle expérience ne mériterait-elle pas d'être étendue ?

Enfin, je terminerai mon propos en vous interrogeant, monsieur le ministre, sur le devenir des enseignements artistiques. Certes, il n'est pas souhaitable de diluer les missions de l'école, au risque de perdre de vue l'essentiel, qui est de conduire les élèves à la maîtrise des savoirs fondamentaux, et, en premier, de notre langue.

Toutefois, comme ont tenu à le souligner plusieurs sénateurs de la commission à l'occasion de l'examen du présent rapport, l'ouverture culturelle sur les arts plastiques ou le spectacle vivant participe pleinement à la formation de l'individu et du citoyen. Or la diminution du nombre de classes à projet artistique et culturel, PAC, est constante ces dernières années. Pouvez-vous nous éclairer sur le devenir de ces classes à PAC ?

En outre, ne serait-il pas opportun de diversifier, en partenariat avec les institutions, associations, ou médias, les activités proposées, sur le modèle de l'expérience la Main à la pâte qui permet d'initier les enfants aux sciences et de susciter de nouvelles vocations ?

Quelles sont vos intentions en ce sens, le cas échéant, en concertation avec le ministre de la culture ?

Voilà, monsieur le ministre, les principales questions que je souhaitais vous poser à l'occasion de l'examen du budget de l'enseignement scolaire pour 2005.

En conclusion, je vous indique, avec plaisir, que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de 'l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Annie David, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement technologique et professionnel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de l'enseignement technologique et professionnel au sein du budget de l'enseignement scolaire est l'occasion de souligner le rôle primordial que joue cette composante spécifique dans notre système éducatif pour contribuer à la réussite de tous les élèves.

En effet, face à la stagnation du taux d'accès au baccalauréat général, les filières professionnelles offrent une marge de progression non négligeable pour élever le niveau de qualification de notre jeunesse. Près d'un bachelier sur cinq en est issu. De surcroît, cette voie permet de suivre une formation d'excellence jusqu'au niveau de la licence, avec le développement des licences professionnelles.

Avec cette ambition en perspective, je ciblerai mon intervention sur trois sujets d'interrogation : d'abord, le défi de l'orientation positive pour que chaque jeune puisse trouver les conditions de son épanouissement ; ensuite, la place de l'éducation nationale dans la politique de relance de l'apprentissage ; enfin, le devenir de la mission générale d'insertion qui intervient auprès des jeunes en voie ou en situation de décrochage scolaire.

En premier lieu, si le processus d'orientation se situe au coeur de la revalorisation des voies professionnelles que nous souhaitons tous, chacun s'accorde à pointer du doigt certains dysfonctionnements. En dépit des efforts engagés, l'orientation vers le lycée professionnel reste encore trop souvent vécue par les élèves et leurs familles comme une décision subie, la sanction d'un échec scolaire. Ce sentiment contribue à fragiliser notre système de formation. Depuis dix ans, plus de 150 000 jeunes quittent chaque année l'école sans diplôme ni formation, c'est-à-dire sans le sésame indispensable pour accéder à un emploi et construire sa vie de citoyen.

En outre, le processus d'orientation renforce les inégalités. Comme l'a souligné le Haut conseil de l'évaluation de l'école, les décisions des conseils de classe confirment plus qu'elles ne corrigent, à niveau scolaire égal, les différences d'ambition qui s'expriment dans les voeux des élèves et des familles, selon l'origine sociale ou le sexe.

J'ai tenu à souligner dans mon rapport combien ces choix sont pénalisants pour les jeunes filles. Quasiment absentes des filières industrielles ou scientifiques aux débouchés les plus porteurs, elles sont majoritaires dans certaines spécialités saturées et mal adaptées aux besoins du marché du travail.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est tout à fait exact !

Mme Annie David, rapporteur pour avis. Ces désajustements, qui reposent sur des images souvent surannées mais persistantes, sont révélateurs d'un déficit d'information. Il apparaît que les connaissances tant des enseignants que des parents et des élèves eux-mêmes sur les exigences et les contenus des filières professionnelles et des différents métiers sont aujourd'hui trop floues et partielles.

Or, pour aider les élèves à bâtir un projet éclairé de formation, il est impératif que chacun ait connaissance de ces contenus. Comment cela sera-t-il pris en compte dans la rénovation de la formation des enseignants et dans l'information aux parents ?

En outre, ne serait-il pas utile de renforcer l'attractivité de séries méconnues et boudées, et de diffuser plus largement les enquêtes telle que celle qui a été réalisée par le comité européen pour le rapprochement de l'économie et de la culture montrant les disparités d'insertion professionnelle qui existent entre les différentes spécialités ?

L'option de découverte professionnelle sera proposée à la rentrée 2005 aux élèves de troisième. Je souscris à cette volonté d'inscrire la connaissance professionnelle au sein de la culture scolaire, comme vous venez de nous l'indiquer monsieur le ministre. Toutefois, j'avoue rester encore perplexe quant aux contenus et aux modalités d'enseignement de cette option.

Par exemple, les élèves qui auront fait le choix de l'option de six heures au détriment d'une deuxième langue conserveront-ils la possibilité d'intégrer une classe de seconde générale ? Il serait préjudiciable, en effet, que cela aboutisse à la création d'une nouvelle filière d'orientation précoce des collégiens en difficulté. J'ai bien entendu votre proposition de « classe passerelle ». Concrètement, pouvez-vous nous en dire davantage ? En outre, il me semble primordial de réhabiliter en amont le travail manuel auprès des plus jeunes écoliers.

En second lieu, alors que l'ambition de votre gouvernement, dans le cadre du plan de cohésion sociale, est de porter le nombre d'apprentis à 500 000 d'ici à, 2009, soit 150 000 de plus en cinq ans, quelle sera la participation de l'éducation nationale à cette ambitieuse politique ? En effet, son implication est essentielle pour garantir la réussite et la qualité de cette filière spécifique qui permet à des jeunes, en marge du système scolaire, d'accéder à une qualification et à un emploi.

Toutefois, j'attirerai votre attention sur deux nécessités. D'une part, il faut s'assurer que les périodes en entreprise ne soient pas détournées de leur finalité pédagogique première, par un encadrement approprié des jeunes et des liens plus resserrés entre formateur et maître d'apprentissage. D'autre part, il convient de réaliser la complémentarité entre les offres d'apprentissage et d'enseignement professionnel. Cela renvoie à la question du statut social des lycéens professionnels pour lesquels une formation en apprentissage rémunérée peut apparaître, de façon concurrente, plus attractive.

Quelle sera, monsieur le ministre, la réponse de l'éducation nationale à ces interrogations ?

J'aborderai pour finir la situation de la mission générale d'insertion, la MGI, qui propose des actions personnalisées à des jeunes de plus de 16 ans en difficulté scolaire. Si j'ai constaté avec satisfaction les efforts engagés dans le présent projet de loi de finances pour remédier à la situation de précarité que connaît la MGI, je reste inquiète quant à la pérennité des moyens tant financiers qu'humains dont dispose cette structure. En effet, la majorité de son personnel n'est pas titulaire - parfois, les contrats sont de moins d'un an ! - alors que ses missions requièrent la stabilité et la cohésion des équipes d'encadrement et de suivi des élèves.

Je souhaiterais insister sur l'importance de la mission de prévention de la MGI. A ce titre, quel bilan peut-on tirer de la stratégie de rénovation initiée en 2002 visant à assurer une meilleure intégration des actions de la MGI à l'activité des établissements scolaires ? Quelles en seront les suites données ?

Telles sont les quelques questions que je souhaitais vous poser, monsieur le ministre, à l'occasion de l'examen des crédits de l'enseignement technologique et professionnel pour 2005.

Je conclurai mon propos en indiquant que la commission des affaires culturelles a donné, contre les conclusions de son rapporteur, un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Contre l'avis de son rapporteur, dites-vous ? Pourtant, votre rapport était excellent !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Je voudrai tout d'abord remercier M. Valade, que je suis heureux de voir de nouveau dans l'hémicycle du Sénat !

Je répondrai tout de suite aux questions qu'il a posées sur la politique sociale et la politique des bourses.

Il a souligné l'effort de revalorisation et d'augmentation du nombre de bourses, notamment des bourses au mérite, que nous avons entrepris. Je suis prêt à engager une réflexion sur la réorganisation des fonds sociaux.

Le projet de loi d'orientation vous sera soumis sous peu, monsieur Valade. Il sera présenté au conseil supérieur de l'éducation nationale le 16 décembre prochain, au conseil des ministres le 12 janvier 2005, à l'Assemblée nationale dans le courant du mois de février, et donc au Sénat au début ou à la mi-mars.

Dans ce texte, j'envisage, notamment, un effort très important concernant les bourses au mérite, puisque je voudrais en tripler le nombre, en revaloriser le montant de manière significative pour atteindre 1000 euros et, au-delà des critères qui permettent aujourd'hui l'attribution des ces bourses, permettre une attribution automatique à tous les enfants issus de milieux défavorisés dont les résultats scolaires le justifient.

Concernant la place des établissement et leur autonomie, vous avez eu raison de dire, monsieur Valade, que tout repose sur le chef d'établissement et son équipe. Il joue, en effet, un rôle considérable - chacun ici le sait bien - dans le succès ou parfois les difficultés d'un établissement.

Dans le projet de loi d'orientation, nous envisageons de renforcer considérablement le rôle des chefs d'établissement, d'abord, en leur donnant, dans le domaine pédagogique, une compétence qu'ils n'ont pas réellement aujourd'hui.

Ainsi, la loi va créer un conseil pédagogique qui aura pour responsabilité d'harmoniser et de coordonner la politique, le projet de l'établissement. Le président de ce conseil pédagogique - en tout cas, c'est ce que je vous proposerai - sera le chef d'établissement. C'est lui qui signera et qui assurera l'organisation des contrats de réussite scolaire, qui gérera les moyens accordés aux élèves qui éprouveront des difficultés pour acquérir le socle de compétences et des connaissances fondamentales.

Par ailleurs, comme je l'ai déjà souligné en réponse au rapporteur spécial de la commission des finances, le chef d'établissement aura autorité pour organiser le remplacement des professeurs, tout du moins les remplacements de courte durée.

En outre, c'est lui qui aura la responsabilité de négocier avec les académies le contrat qui donnera progressivement des marges d'initiatives de plus en plus grandes aux établissements.

Pour remplir ces fonctions, il est indispensable que les chefs d'établissement soient mieux formés encore qu'ils ne le sont aujourd'hui. Nous allons donc renforcer la densité et le champ de leur formation. Mais il faut aussi que ce métier soit un métier attractif, c'est-à-dire qu'ils soient récompensés pour les efforts qu'ils accomplissent.

Depuis plusieurs mois, nous avons engagé avec les représentants des chefs d'établissement un travail très sérieux qui a abouti à une importante augmentation du nombre de promotions hors classe et à un aménagement de l'obligation de mobilité pour les personnels près de la retraite et pour ceux qui connaissent des situations familiales particulières. La règle, en effet, était trop rigide. Elle était ressentie comme une injustice par beaucoup de chefs d'établissement et ce, à juste titre me semble-t-il.

Enfin, nous avons décidé de maintenir des bonifications indiciaires à partir de 55 ans pour les personnels qui demandent un établissement moins important en fin de carrière.

Dans le cadre de la loi d'orientation, nous voulons renforcer non seulement la formation des chefs d'établissement mais également celle des maîtres en proposant une réforme des IUFM.

Je ne reviens pas sur les reproches qui sont adressés régulièrement aux IUFM. Beaucoup les trouvent trop autonomes ; nombreux sont ceux qui considèrent que les enseignements dispensés n'ont pas toujours une qualité suffisante d'un point de vue universitaire ; enfin, à la quasi-unanimité, ceux qui les fréquentent indiquent que les IUFM peinent à assurer les bases d'une formation professionnelle réellement ancrée sur les terrains d'exercice.

Je vous proposerai donc des changements profonds. Le premier consistera à fixer un cahier des charges national pour la formation des enseignants, qui s'imposera à l'ensemble des IUFM. Cela n'a jamais été fait.

Il est naturel que l'Etat, employeur des enseignants, détermine de manière précise les conditions dans lesquelles cette formation doit être assurée par l'ensemble des IUFM. Ce cahier des charges sera défini par le ministre responsable de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, après avis du Haut conseil de l'éducation dont je vous proposerai la création.

La deuxième mesure consiste à confier aux universités l'entière responsabilité de la formation des enseignants. Il est très important, en effet, que, comme dans tous les pays européens - j'ai envie de dire, comme dans tous les pays développés - ce soit l'université qui soit responsable de la formation des enseignants.

C'est important s'agissant de la qualité des savoirs, qui doit être garantie par l'université ; c'est important pour permettre d'inscrire la formation des enseignants dans l'architecture européenne des diplômes au niveau du mastère, et nous allons pouvoir y parvenir de manière progressive ; enfin, c'est important pour rapprocher la formation continue et l'université.

Les formateurs des IUFM devront avoir, soit un lien direct avec la recherche, ce seront donc des enseignants chercheurs, soit un lien avec la pratique de la classe, pour les professeurs du premier ou du second degré. Cela signifie qu'à l'avenir nous ne recruterons plus dans les IUFM que des enseignants chercheurs ou des professeurs des écoles, des enseignants du secondaire qui continueront d'effectuer une part de service dans leurs écoles, leurs collèges et leurs lycées.

Parallèlement, nous voulons renforcer l'alternance en augmentant le temps de présence des étudiants des IUFM sur le terrain et dans les classes. Dans cet esprit, j'ai proposé que les futurs professeurs soient désormais nommés, au moins pour la première année, dans l'académie où ils ont effectué leur formation, de manière à ce qu'ils puissent être accompagnés par leur formateur, par l'institut universitaire de formation des maîtres.

Naturellement, cela posera des problèmes importants dans les académies qui sont aujourd'hui déficitaires. C'est la raison pour laquelle nous travaillons à rendre ces académies plus attractives. Parmi les solutions retenues, figure, naturellement, le pré-recrutement que vous avez évoqué à l'instant, monsieur le président Valade.

En ce qui concerne le devenir de l'enseignement artistique, je voudrais dire que les rumeurs selon lesquelles la politique du Gouvernement viserait à stopper les projets qui avaient été lancés en la matière n'ont absolument aucun sens.

On parle aujourd'hui des classes à projet d'action culturelle, les classes à PAC, comme si elles représentaient à elles seules l'ensemble de l'éducation artistique et culturelle alors qu'elles ne concernent aujourd'hui que 3 % des élèves de notre système éducatif.

M. Serge Lagauche. C'est bien dommage !

M. François Fillon, ministre. Il ne faut pas faire de ces classes à PAC un mythe, l'offre d'éducation culturelle et artistique est bien plus large. Il existe des ateliers de pratique artistique, des classes à horaires aménagés, des chorales.

En réalité, l'enseignement artistique touche aujourd'hui, dans notre pays, 100 % des élèves. C'est bien ainsi, et nous devons renforcer cette tendance, mais ce n'est pas seulement à travers les classes à PAC que nous allons permettre à l'ensemble des élèves d'avoir accès à une éducation artistique et culturelle de meilleure qualité.

Cette éducation artistique et culturelle s'inscrit, en milieu scolaire, dans un contexte qui est marqué par de nouvelles exigences que l'éducation nationale doit prendre en compte, notamment la diversité des champs reconnus dans le monde des arts et de la culture - je pense aux arts visuels, aux arts du son, aux arts du spectacle vivant, à l'histoire des arts, à la diversité des approches pédagogiques qui conjuguent les enseignements artistiques, aux approches croisées et aux divers dispositifs d'action culturelle - , ainsi que la diversité des partenariats dans lesquels les structures artistiques et culturelles ainsi que les collectivités territoriales s'impliquent de plus en plus.

Il faut que les écoles, les collèges et les lycées prennent en compte cette dimension au sein de leur projet d'établissement en encourageant la diversité des actions.

Il s'agit donc aujourd'hui, non pas de supprimer les classes à PAC, comme je l'entends dire, mais, au contraire, de les consolider grâce aux partenariats avec les directions régionales des affaires culturelles et les collectivités territoriales. C'est d'ailleurs ce partenariat que je vais exposer avec le ministre de la culture au début de l'année, au cours de la semaine anniversaire de la loi de 1988 relative aux enseignements artistiques. (M. Serge Lagauche applaudit.)

Mme David a évoqué l'orientation, au sujet de laquelle j'ai commencé à donner quelques éléments de réponse.

L'amélioration de l'attractivité des filières industrielles passe, vous l'avez dit, madame, par leur revalorisation, et d'abord en termes d'accès à des diplômes de niveau supérieur. C'est dans cet esprit que, dans le projet de loi d'orientation pour l'école, il vous sera proposé de permettre l'accès au niveau de technicien supérieur aux élèves ayant obtenu le baccalauréat professionnel, soit en quatre années via le BEP, soit en trois années avec la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans. Il s'agit également de permettre aux jeunes qui auront choisi la voie technologique de poursuivre jusqu'à la licence professionnelle.

Souvent, notre regard sur les problèmes de l'éducation nationale ne tient pas compte de la diversité des publics et, notamment, de la répartition entre les filles et les garçons. En effet, lorsque l'on observe attentivement la situation, on constate que les chances sont assez inégales. Les jeunes filles sont généralement plus sérieuses et plus brillantes que les garçons, pourtant elles ont souvent des parcours scolaires qui sont moins ambitieux et elles choisissent les filières qui offrent le moins de débouchés.

Nous avons donc un gros effort à faire pour attirer les jeunes filles vers les filières industrielles, ce qui, de mon point de vue, ne peut se concevoir sans une meilleure connaissance du monde de l'entreprise, notamment des entreprises de production, des métiers industriels et de la place qu'ils offrent aujourd'hui aux femmes.

C'est tout l'objet, madame David, de l'option « découverte professionnelle » que vous avez évoquée et qui va se généraliser à partir de la rentrée de 2005 à raison de trois heures pour tous les élèves et de six heures pour ceux qui auront déjà choisi une option de pré-professionnalisation.

Nous avons expressément prévu la possibilité de retour vers la filière générale pour ceux qui auront choisi, en troisième, l'option de six heures de découverte professionnelle, avec un dispositif de rattrapage dans la langue 2, de manière à ce que ceux qui auront été mal orientés ou qui se seront trompés puissent revenir en arrière.

M. Jean-Luc Mélenchon. En arrière !

M. François Fillon, ministre. Pas en arrière ! Ils pourront revenir vers la filière générale.

Il faudra, vous l'avez dit, madame David, réaliser un effort très important en matière de formation des professeurs qui auront en charge la découverte professionnelle, afin d'améliorer leur connaissance des métiers et des formations qui y conduisent.

Nous allons donc proposer des stages de formation spécifique dans le cadre des plans académiques de formation. Au niveau national, le Centre d'études pour la rénovation pédagogique de l'enseignement technique, le CERPET, développe, avec des partenaires industriels, des stages longs en entreprise qui peuvent aller jusqu'à une année scolaire, les enseignants étant placés en immersion complète en tant qu'acteurs économiques.

Enfin, nous devrons consentir un effort considérable d'information sur la réalité des débouchés dans les différentes filières. Je regardais, voilà quelques jours, un reportage à la télévision dans lequel une conseillère d'orientation expliquait que, par déontologie, elle se refusait à donner la moindre information sur les débouchés des filières.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est pratique !

M. François Fillon, ministre. Il s'agit plutôt d'une faute professionnelle que du respect d'une règle déontologique !

Madame David, l'implication de l'éducation nationale est essentielle si nous voulons réussir et garantir la qualité de la filière apprentissage. Je vous l'ai dit, ma volonté est de développer l'apprentissage public. J'ai donné tout à l'heure les chiffres : j'ai proposé de doubler l'effectif actuel de 35 000 enseignants, ce qui ne me semble pas bouleverser les équilibres, puisque nous atteindrions 70 000 enseignants dans les centres de formation des apprentis rattachés aux établissements d'enseignement. J'ai déjà pris les mesures nécessaires pour faciliter le développement des sections et des unités de formation par apprentissage.

Dans le projet de loi d'orientation pour l'école, je vous proposerai que les professeurs de lycée professionnel puissent intervenir dans les formations d'apprentis dans le cadre de leur service.

Je vous proposerai également de construire, sur la base des établissements existants, des plates-formes de formation multiforme qui permettront aux jeunes, mais également à des adultes, de se construire des parcours de formation composites en concentrant les ressources humaines et les ressources matérielles en un même lieu.

Le lien entre les formateurs et les maîtres d'apprentissage ne pourra être resserré que si nous mettons en place des formations pour les tuteurs en entreprise, ce qui est d'ailleurs prévu dans la loi de cohésion sociale.

L'ouverture de l'école sur le monde économique contribuera également à une meilleure compréhension des acteurs du monde de la formation et du monde de la production et du service.

Par ailleurs, le statut des apprentis, qui en fait des salariés de l'entreprise, ne présente pas de mon point de vue de risque sérieux de concurrence entre formation scolaire et formation en apprentissage, car si l'aspect financier de ce statut peut attirer les jeunes, il faut quand même prendre en compte la très lourde contrepartie qui est demandée aux apprentis par une immersion rapide dans le monde de l'entreprise et l'adaptation à ses règles de fonctionnement.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. François Fillon, ministre. Enfin, je dirai un mot sur la mission générale d'insertion.

Vous avez eu raison de souligner combien la lutte contre les sorties sans qualification de notre système éducatif doivent constituer une priorité absolue. Cette lutte passe d'abord par la reconfiguration de notre système éducatif, en particulier par la définition du socle des fondamentaux, et par la mise en place de dispositifs faisant appel à une pédagogie beaucoup plus personnalisée et armée par des heures de soutien pour faire en sorte que, à la fin de la scolarité obligatoire, au moment du brevet rénové que nous allons vous proposer, tous les jeunes aient bien le bagage indispensable à la poursuite de leurs études ou à l'entrée dans une voie de pré-professionnalisation.

En attendant que nous ayons atteint l'objectif de 100 % que nous nous fixons, la mission générale d'insertion est extrêmement utile. En effet, c'est un des outils qui contribuent le plus efficacement à cette mission de lutte contre les sorties sans qualification puisque ce dispositif accueille chaque année un nombre très important de jeunes en situation de très grande fragilité et leur apporte des solutions d'insertion et de poursuite d'études.

Je suis personnellement intervenu en juin pour que les budgets académiques soient abondés afin de garantir la continuité de la prise en charge des jeunes en difficulté, notamment grâce à une mesure qui est très efficace : le remboursement par anticipation des crédits du Fonds social européen, que les missions générales d'insertion devaient par le passé porter en trésorerie.

Je voudrais vous assurer de ma volonté de préserver cet outil et vous indiquer, madame David, que je continuerai à être extrêmement attentif à la poursuite de notre effort dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.

Je compte sur chacun d'entre vous pour respecter les temps de parole impartis.

La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous le savons tous, un jeune sur deux en âge d'être scolarisé dans l'enseignement secondaire conduit son éducation à travers les filières technologiques, professionnelles et de l'apprentissage.

Ce seul fait suffit à signaler l'importance de ce parcours pour nos jeunes. Il est conforme, peut-être de manière insuffisante quant aux effectifs, à un fait moderne qui est l'élévation des prérequis techniques et des qualifications requises dans tous les métiers sans exception.

Cette réalité se heurte à une autre réalité démographique qui est la baisse de la classe d'âge disponible et les départs massifs à la retraite. Ces deux facteurs se combinant, nous sommes absolument certains de déboucher sur ce que l'on peut appeler un bug d'ici à quelques années. Il est donc nécessaire de faire preuve d'un très grand volontarisme. L'impératif démographique ne doit pas nous conduire à une adaptation « à la calculette » des moyens sur les effectifs. Pour les voies professionnelles et technologiques, cela n'a pas de sens.

Ainsi, le ministère conteste-t-il que, depuis la reprise des inscriptions dans les filières professionnelles en 2001, leur nombre s'est accentué, à rebours de ce qui se passe dans tous les autres filières d'enseignement ?

Les chiffres publiés par votre ministère indiquent clairement que les inscriptions dans les filières professionnelles ont augmenté de 3 500 à la rentrée de 2002, de 8 400 à la rentrée de 2003, de 5 000 à la rentrée de 2004, 5 000 supplémentaires étant prévues à la rentrée de 2005. Ainsi, 710 000 élèves sont inscrits dans la voie professionnelle, ce qui représente le niveau le plus élevé depuis 1995.

Au regard de cette évolution, que je juge très positive dans la perception qu'ont les familles de l'avenir de leurs enfants et qu'ont les jeunes eux-mêmes de leur parcours, si vous faites le même constat que le groupe socialiste, n'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur deux applications de cet impératif lié à la démographie, qui me semblent démesurées ?

L'une d'entre elles concerne les postes d'enseignant, puisque près de 2 000 emplois budgétaires de professeurs de lycées professionnels sont supprimés dans les budgets pour 2004 et 2005. Est-ce conforme à l'évolution que je viens de décrire et aux besoins du pays ?

Les suppressions de moyens pour l'enseignement professionnel ne vont-elles pas s'aggraver dans l'avenir, puisque les recrutements de professeurs baisseront de 40 % en 2004 et ne seront pas compensés par la légère hausse prévue pour l'année 2005 ?

Par ailleurs, doit-on fermer des sections de lycées professionnels lorsque ceux-ci prennent leur essor ? Je voudrais faire notamment valoir que la réduction des classes à faible effectif dans les lycées professionnels est un concept extrêmement flou dans la mesure où, pour toute une série de professions, de métiers, il n'est possible de dispenser cet enseignement qu'avec des effectifs de faible importance. Par conséquent, ce n'est pas par rapport au niveau des effectifs que l'on doit mesurer l'opportunité du maintien d'une section, c'est plutôt en fonction de l'intérêt du métier considéré et des débouchés qui se présentent ou plutôt, devrais-je dire, en fonction des exigences de la production.

Ainsi, comment peut-on interpréter la limitation des heures d'enseignement dispensées devant des groupes de moins de dix élèves, comme cela a été annoncé, dans un domaine où plus de 20 % des heures d'enseignement s'effectuent devant moins de dix élèves, à commencer par les filières industrielles où c'est une exigence élémentaire des disciplines enseignées ?

J'espère que nous serons d'accord sur ce diagnostic et que vous nous direz comment vous l'interprétez.

Dans le même ordre d'idée, monsieur le ministre, nous savons qu'un des moyens pour conforter la filière professionnelle sera d'améliorer sa fluidité et en particulier de faciliter l'accès des jeunes aux échelons qui se situent après le baccalauréat professionnel. Un énorme effort est déjà à consentir, puisque 50 % des jeunes s'arrêtent avant le bac professionnel, ce qui est un gâchis immense pour le pays. Mais, il faut que ceux qui veulent continuer puissent le faire.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué l'idée que ces parcours puissent se prolonger jusqu'à la licence professionnelle. Fort bien, en tant que créateur de ce diplôme j'en suis très heureux.

La question que je pose - car il s'agit bel et bien d'une licence et non d'une sous-licence, et donc d'un bac + 3 - est la suivante : comment passera-t-on du bac professionnel à bac + 3 ? Quelles mesures va-t-on mettre en place pour faciliter l'accès à ce diplôme quand on est passé par la filière professionnelle ? Pour le reste, c'est plus simple. Cependant, dans ce cas, comment envisagez-vous les choses ?

Cette réponse est attendue par de nombreux jeunes, enseignants et parents qui souhaitent que la voie professionnelle soit ouverte et aille le plus loin possible pour chacun des jeunes, car il y va de leur intérêt autant que de celui du pays.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Je voudrais, d'abord, rendre hommage aux orientations qui sont défendues depuis longtemps par M. Mélenchon. Le développement de la filière professionnelle a été un élément déterminant s'agissant de l'objectif visant à amener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat puisque c'est, pour l'essentiel, grâce à la filière professionnelle qu'on a commencé, dans notre pays, à s'en approcher.

Monsieur Mélenchon, vous l'avez rappelé, nous avons fait le choix de tirer les conséquences de la démographie pour déterminer les moyens. Les hausses d'effectifs dans l'enseignement professionnel constatées à la rentrée dernière dans certaines académies ont entraîné des ouvertures de section par les recteurs, en proportion du nombre d'élèves.

On peut simplement regretter que les demandes - et nous avons un travail à faire dans ce domaine - soient plus fortes pour le secteur tertiaire que pour le secteur industriel, qui continue d'attirer peu d'élèves. Il est vrai que les restructurations pèsent particulièrement aujourd'hui sur ce secteur.

Cette situation ne me satisfait pas et c'est la raison pour laquelle, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner dans plusieurs de mes réponses, je veux, à travers le projet de loi d'orientation pour l'école, vous proposer des mesures susceptibles de renforcer d'une manière très importante l'attractivité de ces filières industrielles.

Je crois que nous pouvons améliorer la lisibilité de la voie professionnelle en séparant bien les objectifs du CAP et ceux du BEP.

Premier objectif, il s'agit de positionner le CAP comme un diplôme professionnel de niveau V, accessible soit après le collège en deux ans, soit après le BEP en un an, soit à partir de n'importe quelle classe de seconde générale ou au-delà, et permettant l'accès à l'emploi salarié, à la reprise ou à la création d'entreprise.

Deuxième objectif, il s'agit de faire déboucher la voie professionnelle sur l'enseignement supérieur, notamment en permettant à tous les bacheliers professionnels ayant obtenu une mention au baccalauréat professionnel d'accéder directement au BTS, voire à la licence professionnelle. C'est un débat que nous pourrons reprendre ensemble lors de la préparation de la loi d'orientation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai bien entendu votre réponse, monsieur le ministre : je ne suis pas certain que, dans la plupart des cas, on n'ait pas eu recours à la calculette pour établir le rapport entre les sections que l'on fermait et le nombre des élèves qui se présentaient !

S'il est vrai que la voie tertiaire attire plus que la voie industrielle, je n'ai pas le sentiment que ce déséquilibre ait été une raison pouvant justifier toutes les fermetures. Mais c'est sur le terrain que cela se juge.

Le positionnement du CAP me semble être un fait acquis. Ce qui nous importe - mais j'ai l'impression que nous disons la même chose, tant mieux si c'est le cas - c'est la fluidité de la voie qui conduira jusqu'à la licence professionnelle. De ce point de vue, monsieur le ministre, des mesures permettant les transitions devront être prévues parce qu'il est absolument impossible, en l'état actuel des choses, de passer directement du baccalauréat professionnel à la licence professionnelle.

Des transitions sont donc nécessaires et l'art de la transition dans l'enseignement professionnel, c'est la prise en compte de la situation sociale des jeunes ; ce n'est pas un problème intellectuel. Les élèves les plus âgés - si l'on peut dire, puisqu'ils ont entre dix-huit ans et vingt ans - sont souvent pères ou mères de famille et doivent faire face à leurs engagements. C'est donc leur prise en charge sociale, l'allocation d'études, qui leur permet de poursuivre leur formation.

Dorénavant, chacun doit être conscient que l'intérêt national est en jeu. Si nous venons à manquer de la main-d'oeuvre hautement qualifiée dont notre pays a besoin dans une économie aussi avancée que la nôtre, c'est le système tout entier qui se trouvera bloqué. Cette question n'est pas seulement relative à une classe d'âge ou à un secteur de l'éducation. Elle intéresse le pays tout entier puisque, dans les métiers de service, notamment, et dans beaucoup d'autres professions de cette nature, nous avons besoin de centaines de milliers de gens.

Par conséquent, quelle que soit la personne en charge de ce ministère, on l'attendra de pied ferme, et on lui demandera de s'assurer que cette fluidité sera bien garantie. Or je crains que cela ne soit pas le cas.

En tout cas, monsieur le ministre, résistez si l'on cherche à vous convaincre de l'idée que l'apprentissage va tout régler sans qu'il en coûte un sou à l'Etat, car ce n'est pas vrai ; cela n'a jamais marché et ne marchera jamais ainsi !

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée se préoccupe depuis longtemps de l'apprentissage des langues étrangères.

C'est un rôle important donné à notre école que de permettre aux jeunes Françaises et Français d'entrer en dialogue direct avec les jeunes d'autres pays. C'est également un élément important dans un cursus professionnel et l'on sait l'importance qu'accordent les entreprises à la connaissance des langues dans les curriculum vitae qui leur sont adressés.

A deux reprises, en 1994 et en 2003, le Sénat a rédigé des rapports sur l'enseignement des langues étrangères en France qui, à chaque fois, ont été adoptés à l'unanimité par la commission des affaires culturelles de notre assemblée. Il est bon de le noter.

Aussi tenons-nous à insister sur la nécessité pour les jeunes Français de suivre ce qui apparaît comme une norme pour les jeunes Européens : bien connaître, outre leur langue nationale, bien évidemment, deux autres langues. C'est un élément d'ouverture sur le monde.

Monsieur le ministre, le rapport Thélot, que vous avez récemment commandé, a traité de ce problème, mais ses conclusions nous ont un peu surpris.

Il part d'un constat que nous ne discutons pas : l'enseignement des langues étrangères en France doit être revu, les résultats n'étant sans doute pas exactement ceux que nous attendons. Mais, partant de cela, il conclut que, dans ces conditions, il faut obligatoirement, dès le primaire, apprendre l'anglais.

Cette façon de présenter le problème nous paraît réductrice. Dans nos préconisations, nous insistions, au contraire, sur la nécessité de diversifier l'apprentissage des langues étrangères, non pas, comme certains le disent, pour nier l'importance de la langue anglaise au XXIe siècle - il est assurément difficile pour un jeune, actuellement, de ne pas posséder une certaine maîtrise de cette langue - mais parce que, parallèlement à la plus ou moins bonne connaissance de cette langue que tout le monde dans l'avenir possédera, il est également très important, car c'est un élément déterminant pour l'entrée dans la vie professionnelle, de maîtriser une autre langue.

Monsieur le ministre, vous comprendrez qu'aujourd'hui, à l'occasion de ce débat budgétaire, nous vous demandions de préciser quelles sont vos intentions pour rénover l'apprentissage des langues étrangères, tout en respectant le droit des jeunes - et des parents - de choisir les langues étrangères qu'ils ont envie d'apprendre. Comment entendez-vous organiser pour tous les jeunes Français l'apprentissage de deux langues étrangères à un certain niveau, d'une façon qui soit plus efficace et qui permette, à travers cette diversité dont nous donnerons ainsi l'exemple dans le domaine linguistique, de montrer que la France est exemplaire dans sa volonté de respecter la diversité culturelle ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Monsieur Legendre, chacun sait le rôle qui est le vôtre dans la réflexion que mène le Sénat à la fois sur la modernisation de l'apprentissage des langues, sur la défense de la diversité culturelle et sur le rôle particulier que la France joue en Europe et dans le monde pour défendre cette diversité culturelle et linguistique qui est, de notre point de vue, nécessaire à un ordre mondial dans lequel chaque peuple peut exprimer ses aspirations.

Dans cet esprit, m'inspirant des rapports du Sénat et des conclusions de la commission Thélot, je propose un plan très ambitieux en matière de rénovation de l'apprentissage des langues.

D'abord, nous avons choisi, écoutant vos remarques et vos interrogations, de ne pas privilégier l'anglais mais d'introduire dans le socle des compétences la connaissance d'une langue étrangère. Cette connaissance d'une langue étrangère fera l'objet d'une évaluation tout au long de l'école primaire et du collège et d'un contrôle à l'occasion du brevet rénové.

Par ailleurs, nous avons décidé d'avancer la date de l'apprentissage des deux langues vivantes, notamment de la seconde langue, dont l'enseignement débutera désormais en cinquième. Tous les jeunes Français apprendront donc deux langues vivantes, ils commenceront la première dès le début de l'école primaire et la seconde en cinquième.

Nous voulons moderniser considérablement cet apprentissage des langues vivantes.

Premièrement, à l'école primaire, tous les professeurs des écoles devront avoir reçu une formation leur permettant d'enseigner une langue vivante. Une épreuve obligatoire de langue au concours de recrutement des professeurs des écoles ainsi qu'une formation renforcée en matière d'apprentissage des langues à l'institut universitaire de formation des maîtres seront désormais prévues.

Deuxièmement, au collège et au lycée, l'organisation de l'enseignement des langues va être radicalement modifiée. Nous voulons d'abord que la pédagogie s'appuie sur une pratique orale qui n'est pas aujourd'hui suffisamment développée et, à cette fin, j'ai proposé que les cours de langue soient progressivement dédoublés.

Dans les autres pays européens, dont l'investissement dans l'éducation, au moins dans le secondaire, est plutôt inférieur au nôtre, si, dans certaines matières, les professeurs ont devant eux beaucoup d'élèves, l'enseignement des langues, se fait par petits groupes. En effet, il n'y pas d'autre solution si l'on veut encourager cette pratique orale.

Nous allons donc dédoubler les cours de langue. Cela représentera évidemment un effort financier considérable qu'il nous faudra compenser par ailleurs ; sur l'ensemble des années, le coût est estimé à plus de 1,5 milliard d'euros.

Deuxièmement, le dispositif d'apprentissage des langues que nous allons mettre en place aura pour cadre non plus la classe, mais des groupes de niveau qui s'affranchiront complètement des limites des classes, à l'intérieur du collège ou du lycée. Ces groupes seront fondés sur les systèmes d'évaluation européens, aujourd'hui généralisés, qui permettent de déterminer de manière très précise le niveau de maîtrise d'une langue étrangère par un élève.

J'insiste sur ce point, car j'entends souvent dire que la loi d'orientation que nous présentons manque d'ambition pédagogique et que nous ne révolutionnons pas suffisamment le système. Or, je constate que beaucoup de ceux qui ont voulu révolutionner le système se sont contentés d'inscrire dans les textes des principes - je pense, par exemple, aux cycles, dont l'objectif était de décloisonner le lycée et le collège - pour, ensuite, laisser l'école continuer son chemin sans que ces révolutions pédagogiques ne deviennent réalité.

Là, nous proposons une vraie révolution pédagogique dans un domaine précis, à savoir l'apprentissage des langues. Il n'y aura plus de classes ; il y aura des groupes de niveau. : des élèves de sixième ou de cinquième pourront se retrouver avec des élèves de quatrième ou de troisième. Au lycée, il en ira de même. Si cette manière d'apprendre les langues, déjà utilisée dans d'autres pays européens, se révèle efficace, rien n'empêchera qu'elle soit étendue à d'autres matières.

Dans le même esprit, monsieur le sénateur, nous allons engager un effort très important, qui fait déjà l'objet d'un travail commun avec nos amis allemands pour sauver l'apprentissage de l'allemand dans notre pays.

Il n'est pas anormal, compte tenu des liens qui nous unissent à l'Allemagne et de leur importance pour l'avenir de l'Union européenne, que nous mettions en place une sorte de discrimination positive en faveur de l'apprentissage de la langue allemande.

J'ai proposé que soit attribuée une sorte de prime à ceux qui choisiraient l'allemand. Destinée à avoir un effet d'encouragement, elle n'aurait cours que durant une courte période de quatre ou cinq ans.

Par ailleurs, j'ai également proposé que le baccalauréat franco-allemand soit organisé dans toutes les académies, que l'inspection académique mette sur pied, pendant les vacances, dans chaque département, une opération « école ouverte » en langues, et, enfin, que soit encouragée l'acquisition par les professeurs de disciplines non linguistiques de certifications complémentaires en langues, afin de leur permettre d'enseigner leur discipline dans une langue étrangère, soit dans le cadre de sections européennes, soit dans le cadre de sections internationales.

Enfin, toutes les universités devront prévoir des modules de langues dans leur parcours de licence.

Je crois que l'ensemble de ces mesures permettra à la fois de moderniser considérablement l'apprentissage des langues, mais aussi de répondre à votre souci de diversité culturelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, je suis effectivement rassuré par les propos que vous venez de tenir et je vous remercie de nous avoir fait part de ces orientations.

Je crois cependant qu'il faut vous souhaiter d'être très ferme. En effet, des tendances se feront jour, y compris au sein de l'éducation nationale, pour aller au plus simple et généraliser dès le primaire l'apprentissage de l'anglais.

Vous avez mentionné l'action que vous comptez mener en faveur de l'allemand. Je crois que nous ne pouvons que nous en réjouir. Alors que la France et l'Allemagne sont des moteurs essentiels de la construction européenne, il est en effet extrêmement inquiétant de penser que de moins en moins de Français et d'Allemands peuvent dialoguer dans la langue de l'autre.

Par ailleurs, le déclin de l'apprentissage de quelques autres langues nous inquiète : le russe, l'italien, le portugais, qui ne sont pas des langues mineures, sont de moins en moins apprises dans notre pays.

Se pose aussi la question de l'enseignement de l'arabe dans le secteur public. Cette question est liée aux liens importants qu'entretient la France avec les pays arabophones, mais il s'agit aussi d'un problème social : il faut montrer à ceux qui viennent d'arriver chez nous que nous respectons leur culture d'origine et que nous voulons que leur langue soit apprise dans les écoles de la République, et non en d'autres lieux, avec des motivations tout à fait différentes. Je souhaite que vous n'oubliiez pas ce problème. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'urgence, pour 2005, n'est certainement pas de donner plus mais d'utiliser autrement et mieux le potentiel des moyens et des compétences de l'éducation nationale.

C'est la voie tracée par votre budget. Pour cette raison, le groupe de l'Union centriste-UDF le soutiendra tout en formulant, à travers mes questions, un certain nombre de suggestions et de remarques.

Pourquoi ne pas imaginer, monsieur le ministre, que le recrutement des futurs enseignants - et l'on sait combien il sera massif au cours des prochaines années -, se fasse sur la base de contrats à longue durée, évitant ainsi le carcan de la fonction publique ? Je ne veux pas abolir le statut de la fonction enseignante. Ceux qui sont aujourd'hui fonctionnaires doivent conserver ce qu'ils ont acquis. Il ne faut pas toucher à ce qui existe, mais pourquoi ne pas jouer sur les différentiels à venir ?

Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas accorder une part plus importante au choix dans les promotions et échapper ainsi au monopole de l'ancienneté ?

Pourquoi les augmentations de salaire ne devraient-elles pas intervenir plus souvent en fonction du mérite ?

Ne faut-il pas également surpayer les enseignants qui acceptent de travailler dans les quartiers difficiles ? Qui pourrait refuser qu'un professeur exerçant dans un tel quartier soit mieux payé que son collègue du lycée Henri IV ?

Etes-vous favorable, monsieur le ministre, à un véritable contrôle du Parlement sur la gestion de l'éducation nationale ? Un contrôle n'est ni un acte de défiance ni la mise en cause de l'action gouvernementale ; il ne vise qu'à éclairer les choix du Gouvernement. Le Parlement n'est pas un contre-pouvoir dans l'Etat puisque les assemblées sont intégrées à l'organisation étatique.

Pouvez-vous, par ailleurs, renseigner le Sénat sur le nombre d'enseignants n'ayant pas charge d'élèves et nous indiquer leurs affectations. Je veux, bien entendu, parler des enseignants déchargés, mis à disposition ou détachés dans divers organismes.

Enfin, concernant les zones d'éducation prioritaires, les ZEP, n'est-il pas temps d'en présenter le bilan complet en faisant apparaître les résultats des élèves, l'évolution de leur scolarité et le coût réel du dispositif ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, je ne peux qu'être favorable -  la question ne se pose d'ailleurs pas - au contrôle par le Parlement de la gestion du budget de l'éducation nationale. Plus ce contrôle sera étroit et sérieux, plus nous pourrons dissiper toute une série de croyances qui subsistent dans notre pays et dont, tout à l'heure, le rapporteur spécial de la commission des finances a bien voulu souligner, s'agissant notamment de la mise en oeuvre de la LOLF, qu'elles n'avaient aucune réalité.

Vous m'interrogez sur les effectifs. Les gouvernements successifs ont réalisé un travail de rationalisation de plus en plus sérieux qui, aujourd'hui, butte simplement sur les limites qui sont celles des spécialités, des disciplines et des territoires.

Dans le premier degré, les enseignants sont au nombre de 312 900, hors stagiaires. Ils se répartissent de la manière suivante : 266 300 enseignent devant une classe ; 25 300 sont affectés aux remplacements ; 13 200 bénéficient de décharges, dont 9 200 directeurs d'école, 3 400 maîtres-formateurs et 600 au titre des décharges syndicales ; 2 300 se consacrent à l'animation et au soutien ; 1 000 sont en réadaptation ou en réemploi ; enfin, 4 600 sont sur des affectations diverses - dans les instituts universitaires de formation des maîtres, les secrétariats des commissions de circonscription préscolaires et élémentaires, les secrétariats des commissions départementales d'éducation spéciale, d'autres fonctions administratives diverses.

S'agissant du second degré, sur les 390 400 enseignants titulaires, 357 700 enseignent dans un ou plusieurs établissements, 15 200 sont affectés aux remplacements, 8 300 exercent une fonction de documentation, 2 400 sont chefs de travaux, 1 500 exercent des fonctions de direction, 1 500 sont en réadaptation ou en réemploi, 900 bénéficient d'une décharge syndicale, 900 sont conseillers en formation continue, enfin, 2 000 sont sur des affectation diverses : mise à disposition, fonctions administratives ou emplois particuliers.

Le ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, en étroite liaison avec le ministère de l'éducation nationale, réfléchit à la modernisation des statuts. Ses réflexions portent sur certains des points que vous avez évoqués dans vos questions, notamment la seconde carrière, question importante qui fait l'objet de nombreuses demandes de la part des personnels enseignants et de certaines organisations syndicales.

Enfin, s'agissant des ZEP, nous pourrons mettre à votre disposition les nombreux bilans que nous avons réalisés. Ils permettent de mesurer l'efficacité des politiques qui ont été conduites. J'indique que je n'ai aucunement l'intention que la loi d'orientation remette en cause la politique des ZEP. Toutefois, au-delà de la loi d'orientation, nous pourrons et devrons mener ensemble une réflexion sur cette carte. Elle n'est pas figée et doit évoluer.

En revanche, je souhaite ajouter aux moyens spécifiques qui sont destinés aux ZEP des moyens calculés en fonction non plus de la localisation géographique mais du nombre d'élèves en difficulté dans les établissements. Vous savez comme moi que les élèves en difficulté, ceux ne maîtrisant pas les fondamentaux, ne se rencontrent pas seulement dans les zones d'éducation prioritaire ; on en trouve aussi dans les zones rurales ou dans les établissements de centre ville.

L'idée de la pédagogie personnalisée, du contrat individuel de réussite éducatif, consiste justement à mettre aussi des moyens supplémentaires. Naturellement, ces moyens seront plus nombreux dans les ZEP qu'ailleurs parce qu'on y trouvera sans doute plus d'élèves en difficulté, mais ils correspondront, à l'unité près, à la réalité de ces difficultés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. Monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir communiqué ces chiffres. Nous aurons l'occasion de reparler du nombre des enseignants qui n'ont pas charge d'élèves au moment de la discussion de la loi d'orientation.

J'apprends également avec satisfaction qu'une réflexion est menée sur l'évolution des statuts.

J'espère aussi, monsieur le ministre, que, toujours dans le cadre de cette loi d'orientation, vous pourrez nous donner quelques indications supplémentaires sur la seconde carrière qui peut être envisagée par un enseignant.

Enfin, j'ai été satisfait d'entendre que la carte des ZEP n'était pas figée. Le problème des ZEP tient à ce que certains des établissements qui y ont été classés l'ont été voilà plusieurs années. On en a ajouté mais on n'en a pas retiré. Les choses ayant évolué, une refonte de cette carte me paraît aujourd'hui être nécessaire. Le classement en ZEP n'est pas une situation acquise ; il est souhaitable, au contraire, que ces établissements reviennent, après quelques années, à une situation normale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vous abreuverai pas de chiffres, qu'ils s'expriment en milliards d'euros ou en pourcentage. Nous les connaissons. Personne n'est dupe, comme le démontrent le mouvement de grève de ce jour, dont le taux de participation atteste la forte mobilisation qu'il a suscitée, et les centaines de milliers de cartons rouges que vous avez reçus au sujet de ce budget.

J'aborderai cependant la question des personnels.

Dans le prolongement des lois de finances initiales précédentes, les mesures que vous proposez vont aggraver l'érosion des effectifs : dans le primaire, 1 000 postes d'enseignants sont affectés, dont 300 destinés à la pérennisation d'un corps de fonctionnaires en poste à Mayotte, pour 51 000 élèves supplémentaires. On crée donc un poste d'enseignant pour soixante-douze nouveaux élèves, alors qu'un réel déficit existe déjà dans ce secteur.

Sont supprimés 5 450 postes d'enseignants dans le secondaire, dont 3 350 postes de titulaires et 2 100 postes de contractuels, pour 41 000 élèves de moins. Et alors même que l'on enregistrera 18 700 départs à la retraite, vous ne mettez au concours que 14 000 postes ! Là encore, l'écart renforcera l'érosion des effectifs.

Sont également supprimés 50 emplois de conseillers d'orientation et 600 postes d'administratifs. Et en ne prévoyant aucune création de postes d'infirmières, de médecins scolaires et d'assistantes sociales, vous ne donnez pas suite non plus à la priorité affichée par votre Gouvernement.

Les 800 postes d'assistants d'éducation créés ne remplaceront pas la totalité des postes de maîtres d'internat-surveillants d'externat, les MI-SE, et d'aides éducateurs qui ont été supprimés.

Les conséquences de cette diminution du nombre d'adultes au sein des établissements se font d'ores et déjà sentir : selon les résultats de l'enquête Signa, l'année scolaire 2003-2004 accuse en effet une hausse de 12,8 % de la violence scolaire.

Par ailleurs, la crainte de la communauté éducative que ces postes ne soient pas occupés par des étudiants se trouve confirmée, puisque seuls 60 % de leurs titulaires affirment poursuivre des études. Lors du vote de la loi relative aux assistants d'éducation, je m'étais fait l'écho, dans cet hémicycle, de ces différentes inquiétudes.

Un système éducatif dont l'objectif est la réussite de tous doit poser la question du service public de l'éducation et des conditions d'exercice des différents métiers de l'éducation nationale.

La conception du service public de l'éducation du parti communiste français implique la volonté de mettre fin à toutes les inégalités, non au nom d'un pseudo conformisme, mais bien pour donner à chaque être humain les mêmes chances d'accéder aux savoirs, afin de développer ses potentialités culturelles, professionnelles et citoyennes. Elle implique aussi une politique familiale et sociale audacieuse et respectueuse du principe de gratuité.

Nous avons des propositions à formuler, monsieur le ministre, notamment la mise en place d'un fonds d'action contre les inégalités, afin que chaque enfant puisse bénéficier de conditions d'études équivalentes, ou encore la définition de la base commune des besoins indispensables dans tous les établissements pour assurer un enseignement de qualité.

Cette conception implique enfin de se donner pour ambition de faire acquérir à chaque élève une culture commune de haut niveau. Cette visée présuppose que l'on se fonde sur le principe d'éducabilité de tous, l'objectif étant l'élévation du niveau de formation générale de chacun, quelle que soit l'orientation choisie, et que l'on sorte de la logique d'une école au service de l'économie.

Je vous proposerai dans quelques mois de faire de la lutte contre les inégalités l'élément décisif d'une politique résolument tournée vers la démocratisation de l'accès aux savoirs, qui doit s'accompagner d'un plan ambitieux de recrutement et de formation des personnels.

Cet enjeu mérite toute notre attention, monsieur le ministre, car, sans instruction, saurons-nous voir au-delà de nous-mêmes, dépasser notre quotidien et appréhender les réalités mondiales ? Sans instruction, comprendrons-nous que les peuples appartenant à d'autres cultures ou d'autres religions ont les mêmes rêves ou les mêmes espérances que nous ?

Sans instruction, enfin, nous sommes incapables de reconnaître l'universalité des aspirations humaines. L'éducation est donc bien un élément fondamental de paix et d'épanouissement à l'échelon local, national et mondial.

Cette conception de l'école présuppose aussi une autre société, où la justice sociale, qui va de pair avec la justice scolaire, prendrait le pas sur l'intérêt économique, où la misère ne serait plus acceptée dans un monde d'abondance, où le peuple serait éclairé, comme le souhaitait Condorcet, et non pas réduit à n'être que « des temps de cerveau disponible à la vente », comme semblent le croire certains !

Bien évidement, une telle transformation du système éducatif doit s'inscrire comme une priorité dans les dépenses de la nation.

Monsieur le ministre, avec ce budget, comment comptez-vous financer les mesures que vous proposez et qui doivent être, pour une part d'entre elles, effectives dès la rentrée de 2005 ? Que proposez-vous aux enfants issus des milieux populaires, qui subissent particulièrement les inégalités que l'école contribue à renforcer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Madame David, je suis très attentif aux propositions du parti communiste. Je partage d'ailleurs plusieurs des objectifs généraux que vous venez d'évoquer et nous les retrouverons dans la loi d'orientation.

Cependant, vous conviendrez avec moi que, si la démonstration avait été faite qu'il suffisait d'augmenter les moyens pour répondre à ces difficultés, il y a longtemps que nous les aurions résolues puisque nous sommes, en Europe, le pays qui investit le plus dans l'éducation.

M. Jean-Claude Carle. C'est vrai ! Très bien !

M. François Fillon, ministre. Nous investissons en moyenne 20 % de plus que nos voisins européens dans l'enseignement secondaire.

Nous avons reçu aujourd'hui une nouvelle évaluation internationale. Ce n'est pas la première de ce type et on ne peut donc plus contester les critères qui sont pris en compte.

Une fois encore, cette évaluation montre que la France se situe dans la moyenne européenne et dans la moyenne des pays développés, ce qui ne peut pas constituer un objectif valable pour un grand pays comme le nôtre, qui a vocation à occuper le premier rang. Nous sommes, en revanche, toujours au premier rang pour l'investissement, les dépenses et les moyens que nous consacrons à l'éducation.

Alors que nous avons vu, depuis 1990, nos effectifs scolaires baisser de 500 000 élèves, pour des raisons démographiques, dans le même temps, le nombre d'enseignants a augmenté de 100 000.

Si les résultats scolaires avaient progressé un tant soit peu dans le même sens, madame David, je serais prêt à reconnaître que vous avez raison. Or la vérité est toute différente. Nous devons donc nous préoccuper aujourd'hui de l'organisation de notre système éducatif et nous demander pourquoi ces moyens supplémentaires mis à la disposition de l'éducation nationale n'ont en rien amélioré ses performances.

Mme Hélène Luc. Et nous pencher aussi sur les effectifs, tout de même !

M. François Fillon, ministre. Ces moyens n'ont en rien amélioré les performances d'ensemble puisqu'elles diminuent !

Enfin, nous ne pouvons pas ne pas tenir compte, dans notre réflexion, de la situation financière de notre pays. En effet, madame David, le fait d'accumuler, comme nous le faisons, les déficits, est également un crime contre les générations futures, aussi grave que celui qui consisterait à réduire la qualité de notre enseignement.

Il nous faut donc augmenter la qualité de notre enseignement. Puisque les autres pays européens y parviennent avec des moyens financiers un peu moins importants, nous devons être capables de faire de même. Mais nous devons dans le même temps réduire notre déficit, au lieu de nous faire plaisir en tirant des traites sur l'avenir, ce qui aura des conséquences dramatiques pour les générations futures.

Nous avons choisi de faire coïncider notre politique en matière d'effectifs enseignants avec la démographie, en maintenant les taux d'encadrement que nous connaissons aujourd'hui. Cela nous a donc conduits à réduire les effectifs dans certains domaines, car des baisses démographiques très importantes sont encore à venir, et à les augmenter dans d'autres.

Vous avez cité, madame David, l'exemple de l'enseignement primaire en indiquant, reprenant une formule syndicale, que les créations de postes y seraient très insuffisantes par rapport à la réalité des effectifs d'élèves. C'est oublier que, depuis plusieurs années, ces effectifs n'ont jamais atteint les niveaux prévus dans les lois de finances.

Je prendrai deux exemples.

A la rentrée de 2003, nous attendions, dans l'enseignement primaire, 34 000 élèves et nous avions calculé les effectifs d'enseignants sur cette base : 10 000 élèves seulement ont été accueillis.

A la rentrée de 2004, nous attendions 53 000 élèves, toujours dans le primaire : ils ont été seulement 27 000.

Si l'on considère un passé plus lointain, on constate que l'enseignement primaire a perdu 200 000 élèves entre 1996 et 2002.

Dans ces conditions, les objectifs de 1 000 postes que nous proposons permettent, je vous le rappelle et je m'y engage, de maintenir les taux d'encadrement au niveau d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La procédure des questions ne nous octroie que cinq minutes de temps de parole, ce qui ne me permettra pas de faire le tour de cette question tellement importante.

Je ne ferai pas l'erreur de dire qu'il suffirait d'augmenter les moyens pour que tout s'arrange dans l'éducation nationale. Cela me paraît évident ! Je le dis chaque année et je ne pensais pas utile de le répéter encore une fois. Vous avez raison, monsieur le ministre, il ne suffit pas de prévoir des moyens supplémentaires pour que les résultats scolaires s'améliorent.

M. Jean-Claude Carle. C'est un progrès !

Mme Annie David. Mais il existe tout de même une différence entre le fait d'augmenter sans arrêt les crédits et celui d'opérer les coupes claires que vous prévoyez.

Je rappelle que, depuis l'arrivée de ce Gouvernement aux affaires, ce sont plus de 6 300 postes d'enseignants et plus de 30 000 postes de MI-SE et aides éducateurs qui ont été supprimés dans le secondaire. Le recrutement des enseignants et des conseillers principaux d'éducation a baissé de plus 30 %. Des milliers de vacataires n'ont pas retrouvé d'emploi. Les personnels TOSS vont être décentralisés et les postes de personnels administratifs sont en diminution.

Les familles, notamment défavorisées, et les élèves seront les premières victimes des coupes claires prévues dans votre budget. Celui-ci constitue, monsieur le ministre, une mauvaise réponse pour l'ensemble de ces familles.

A l'occasion du projet de loi d'orientation que vous nous présenterez prochainement, et qui sera sans doute l'occasion de vifs débats, il nous faudra veiller à apporter réellement une réponse de qualité à l'ensemble des élèves de ce pays, car rien n'est pire que de décevoir une jeunesse déjà en difficulté.

Il vous serait facile, en effet, de vous dégager de vos responsabilités en disant à ces élèves que vous leur avez donné tous les moyens pour réussir et que c'est de leur faute s'ils n'y sont pas su saisir leur chance. Ce serait vraiment la pire des choses à faire, si l'on veut que notre pays puisse se construire dans de bonnes conditions.

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis toujours, nous entendons parler de réforme de l'éducation nationale, ce qui me semble tout à fait normal. Ce secteur fondamental pour l'avenir de notre pays doit être en perpétuelle mutation. La mondialisation que nous vivons au quotidien nécessite, par exemple, l'apprentissage performant des langues étrangères et une maîtrise de l'informatique.

Nous réformons l'université, le lycée, voire le collège, mais nous entendons moins parler de la réforme de l'école primaire. Et pourtant, l'école primaire est la clé de voûte de notre système éducatif. En effet, si 15 % à 20 % des enfants n'atteignent pas un bon niveau scolaire lors de l'entrée en sixième, il y a toutes les chances qu'ils sortent du système éducatif sans aucun diplôme, ce qui est un drame.

Il faut donc porter une attention toute particulière à l'enseignement dispensé lors des premières années d'école et à la façon de dispenser cet enseignement.

J'aborderai deux questions, monsieur le ministre.

Vous avez déjà répondu partiellement à la première, vous adressant à notre excellent rapporteur, Gérard Longuet.

En milieu rural, il existe encore des classes uniques, mais elles sont relativement peu nombreuses, car il est difficile d'enseigner à des enfants dont les niveaux s'étendent de la maternelle au CM2. En revanche, il existe un plus grand nombre de classes dites multigrades, à deux ou trois niveaux. Les avis sont partagés sur ces structures.

Certains estiment que les regroupements concentrés sont indispensables sur le plan pédagogique. Une école de cinq ou six classes, avec une classe par niveau, offrant la possibilité de cantine scolaire, est évidemment séduisante.

D'autres pensent en revanche que, dans ces classes multigrades, les enfants progressent légèrement mieux, car ils côtoient des élèves de niveau supérieur, qui les stimulent. D'après les statistiques, les risques de redoublement en classe de sixième pour les élèves ayant effectué une scolarité dans de telles écoles, seraient presque deux fois moins élevés que pour les élèves sortant de classes à un seul niveau.

Les communes rurales possédant encore une école à deux ou trois niveaux, avec un effectif suffisant, souhaitent bien évidemment la conserver. A cela, il faut ajouter que, si cette école, souvent en bon état, ferme ses portes, il faudra construire une nouvelle classe dans le regroupement scolaire, ce qui représente des dépenses supplémentaires importantes pour les collectivités concernées, le conseil général et l'intercommunalité. Dans mon département, 180 000 euros en moyenne sont nécessaire pour financer une classe primaire et près de 300 000 euros pour une classe maternelle.

Vous le savez, monsieur le ministre, l'école exprime et induit la vitalité de nos villages. Une école qui ferme est synonyme de « petite mort », c'est un peu de vie qui s'échappe.

Dans le projet de loi sur le développement des territoires ruraux, il avait été prévu un moment d'abaisser de 20 % le seuil d'effectifs nécessaire pour le maintien des classes d'enseignement primaire dans les zones de revitalisation rurale.

L'idée paraissait séduisante a priori, mais une démarche permettant aux autorités académiques d'apprécier avec souplesse les spécificités de chaque zone paraît préférable à la fixation d'un seuil national rigide et incontournable.

Quoi qu'il en soit, elle devra tenir compte de l'alternative que constituent les classes multigrades,  aussi bien en termes pédagogiques qu'en termes sociaux. J'aimerais que vous nous donniez votre sentiment sur l'efficacité et l'avenir de ces structures.

J'en viens à ma seconde question.

J'ai toujours regretté, monsieur le ministre, que l'éducation physique soit considérée dans le primaire comme un enseignement mineur. Au collège et au lycée, l'enseignement dispensé par des maîtres spécialisés est mieux pris en compte.

Or il est souhaitable pour leur bon équilibre que les jeunes élèves - entre six et douze ans - soient bien initiés à la pratique sportive. A cet âge, on peut déjà détecter les futurs jeunes talents qui nous font tant défaut, notamment en athlétisme - sauf dans les départements des Antilles, bien évidemment. Nous sommes très en retard par rapport à de nombreux pays européens, notamment l'Allemagne et les pays scandinaves, lesquels consacrent beaucoup plus de temps à la pratique du sport scolaire.

Il faudrait, monsieur le ministre, que l'éducation physique soit reconnue comme une discipline à part entière - au même titre que les mathématiques, le français ou l'histoire - et soit sanctionnée dans tous les examens, avec un coefficient important, à condition de trouver une formule pour exempter les jeunes qui sont physiquement handicapés.

Je crois que c'est le bon moyen pour revaloriser cet enseignement et de le faire prendre en considération aussi bien par les élèves que par les enseignants et leurs parents.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, l'importance de l'école primaire et de l'école maternelle n'est pas à démontrer.

Je proposerai d'ailleurs, dans la loi d'orientation, à la fois un renforcement de la grande section de maternelle dans la préparation des apprentissages fondamentaux et une réorganisation de l'école primaire à travers cette idée de la définition du socle des compétences et des connaissances fondamentales.

Je proposerai également la mise en place, dès le début de l'école primaire, des évaluations et des contrats individuels de réussite éducative pour réduire considérablement les échecs qui sont aujourd'hui beaucoup trop nombreux en sixième et que l'on constate au collège.

Vous m'avez interrogé sur les classes uniques, qui ont toujours été considérées comme des classes difficiles dans lesquelles il faut, au sens plein du terme, pourvoir à tout : enseigner dans toutes les disciplines, surveiller les temps de récréation ou de cantine, gérer les affaires de l'école.

Les études que nous avons sur ce sujet - elles ne sont pas très récentes - convergent toutes pour mettre en évidence des facteurs très favorables aux classes à plusieurs niveaux, parmi lesquels on peut citer une scolarité plus régulière, moins de retard et un peu plus d'avance scolaires en moyenne que dans les écoles qui comportent des classes à un seul cours.

Quant aux risques de redoublement en classe de sixième - vous en avez parlé - ils sont presque deux fois moins élevés.

Enfin, les performances réalisées par les élèves des classes à plusieurs niveaux aux évaluations nationales en français ou en mathématiques, en CE 2 et en sixième, sont équivalentes ou légèrement supérieures à celles de leurs camarades de caractéristiques identiques des classes à un seul niveau. C'est encore plus net en mathématiques qu'en français.

Je ne vois donc aucune raison de condamner ces classes à plusieurs niveaux, qui peuvent très souvent être une réponse pour maintenir le service public de l'éducation nationale dans les petites communes.

J'en viens à l'éducation physique et sportive. Les professeurs des écoles doivent l'enseigner et ils sont, en principe, formés pour cela. Certes, ils font souvent appel à des intervenants extérieurs, parfois mis à disposition par les collectivités locales. Il nous faut donc améliorer et renforcer leur formation.

Au collège, le sport, qui est la deuxième discipline en nombre d'heures, est pris en compte pour le brevet, via le contrôle continu, et le restera. J'indique, pour faire taire les rumeurs qui circulent sur ce sujet, que c'est aussi une matière importante pour le baccalauréat, et qu'elle le restera.

Mon souhait est évidemment de maintenir une implication très forte de l'éducation nationale dans ce domaine qui est essentiel pour le développement et pour l'épanouissement des élèves.

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Je remercie M. le ministre des précisions qu'il vient de me donner, notamment sur les classes à deux ou trois niveaux. Cela me paraît tout à fait important pour nos communes rurales.

Par ailleurs, je l'ai dit, si l'enseignement de l'éducation physique est bien dispensé au collège et au lycée, je pense qu'il mérite d'être amélioré au niveau primaire et élémentaire.

En outre, je regrette que l'épreuve d'éducation physique n'ait qu'un caractère facultatif, notamment au baccalauréat. Avec un 18 - ce fut mon cas - on gagne quatre points. C'est bien, mais c'est peu. Je souhaite que cette épreuve soit rendue obligatoire et qu'elle soit affectée d'un coefficient plus fort.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir fait face à la massification de l'enseignement, nous devons relever le défi de sa démocratisation.

Après avoir ouvert les portes de l'école à tous les enfants, il nous faut leur offrir des chances égales de réussir. Il est regrettable que le monde enseignant subisse des critiques et voie ses moyens se réduire. Les sempiternels discours sur l'illettrisme et la crise de l'école ont culpabilisé injustement les enseignants.

On nous explique que « l'efficience de l'utilisation de la dépense publique est insuffisante dans l'enseignement scolaire ». Mais l'école n'est pas faite pour être rentable, elle ne peut être soumise à une obligation de résultat, surtout si elle n'a pas les moyens pour exercer ses compétences !

Il est vrai que 95 % des crédits de l'enseignement scolaire correspondent à des dépenses de personnels. S'il faut bien mesurer le poids de ces dépenses, il faut également être conscient de la responsabilité des enseignants et de l'importance cruciale de leur fonction pour l'avenir de notre jeunesse.

Ainsi, les enseignants ne peuvent être une variable d'ajustement. J'ai noté que l'augmentation de 50 000 élèves dans le primaire entraîne seulement la création de 1 000 postes, alors que la baisse de 45 000 élèves dans le secondaire provoque, elle, la suppression massive de 3 400 emplois de titulaires. On observe une suppression globale de 2 400 postes d'enseignants ; monsieur le ministre, nous ne devons pas avoir les mêmes chiffres, même si les vôtres sont sûrement vérifiés. L'encadrement sera bel et bien réduit, d'où une évidente pénurie.

La réduction des moyens d'encadrement des classes, par la suppression de postes, la disparition des aides éducateurs et des surveillants, a aggravé les conditions de travail. L'école pour tous, peut-être, mais pas les mêmes chances de réussite pour tous : la sacro-sainte égalité du service public est détournée.

Il paraîtrait pourtant logique de concentrer les moyens sur ceux qui en ont le moins et de gommer, autant qu'il est possible, les inégalités sociales accompagnant les inégalités territoriales. Aux deux pôles de la politique pédagogique, il y a des manques : dans l'enseignement supérieur, mais aussi - c'est ce que je veux souligner en cet instant - au niveau de la petite enfance, dans les zones rurales.

Il est évident qu'il faut soutenir l'enfant dès son plus jeune âge pour que les inégalités sociales ne créent pas des disparités criantes entre les enfants sollicités par leurs parents et ceux qui ne se nourrissent que de culture de rue ou de télévision. La capacité à apprendre dépend d'un capital cognitif que l'on acquiert entre zéro et six ans. La pauvreté des parents, leur manque d'instruction ne doivent pas pénaliser les enfants.

L'accès à la maternelle doit donc se faire dès le plus jeune âge puisque l'on sait que l'éclosion précoce de l'intelligence et la stimulation des facultés des enfants sont déterminantes quant à leur épanouissement et leur éducation. Je crains que cette analyse n'ait pas toujours été partagée.

L'éducation doit aller très au-delà de ce service minimum que vous rappeliez, monsieur le ministre, et qui s'appuie sur les bases fondamentales de Jules Ferry : écrire, lire et compter. Si l'école se réduit à ces principes, elle est loin d'assumer sa mission complète. En effet, l'émancipation, l'épanouissement, la qualification, l'apprentissage de la citoyenneté, l'éducation à la démocratie, au « vivre ensemble » lui incombent aussi. Ainsi se resserrent les liens sociaux et se renforce l'intégration sociale, car la violence qui se développe dans la société pénètre l'école elle- même.

L'école doit aller au-delà des fondamentaux, à l'intérieur comme à l'extérieur. Elle doit tisser des liens entre culture et jeunesse, d'abord à la maternelle, ensuite tout au long de la vie scolaire, tout en développant des partenariats avec tous les acteurs susceptibles de l'assister, et, d'abord, les partenaires territoriaux.

Pour cela, il faut élargir les responsabilités et les périmètres pédagogiques en intégrant notamment des activités sportives, artistiques, théâtrales et musicales. L'établissement scolaire doit être le principal pôle de stabilité dans la vie de certains enfants.

L'organisation des activités périscolaires doit s'inscrire dans un projet d'éducation - qui figurera peut-être dans la loi d'orientation - rassemblant communes, parents, associations. C'est fondamental. Des zones entières du territoire ne sont pas pourvues d'équipements de proximité périscolaires et, surtout, ne peuvent fournir un personnel d'encadrement compétent pour l'exercice de ces disciplines.

De fait, monsieur le ministre, ma question est simple : pensez-vous que l'on puisse, dans cette mission d'intégration et d'égalité des chances, prendre en compte les difficultés des zones rurales, en particulier, en élargissant l'éducation nationale à un grand service qui, depuis la maternelle jusqu'au collège, se fixerait de hautes ambitions permettant à chacun d'apprécier l'égalité des chances ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, je partage votre souci de voir les enseignants mieux respectés dans notre pays. 

Si nous voulons qu'il en soit ainsi, il faut que nous leur reconnaissions une liberté pédagogique que je tiens à inscrire dans la loi, que nous leur redonnions les instruments d'une autorité souvent fragilisée ces dernières années et qui, sans se réduire à leur pouvoir de sanction, passe par cette aptitude qui doit leur être donnée face à leur classe d'adapter leurs méthodes, leur manière d'envisager la discipline en fonction des situations auxquelles ils sont confrontés.

Vous le savez, les enseignants ont été encadrés par des normes, par des textes toujours plus contraignants qui ont contribué à leur donner le sentiment qu'ils n'étaient pas respectés par la société, voire par l'institution qu'ils servaient. C'est en tout cas ce qu'ils me disent lorsque je parle avec eux.

Je prendrai l'exemple, qui a donné un éclairage inexact des orientations qui sont les miennes dans la lutte contre l'échec scolaire, du redoublement.

Je ne considère pas - et je le redis devant le Sénat - que le redoublement soit en lui-même une solution aux problèmes que rencontrent les élèves qui sont en difficulté. En revanche, je pense que le fait d'avoir retiré aux enseignants et à l'équipe éducative le droit de décider, dans un certain nombre de cas, de ce redoublement a été ressenti par les enseignants comme un manque de respect vis-à-vis de leur rôle et de leur travail.

Il n'est pas question, monsieur Signé, de réduire l'ambition de l'école au socle des connaissances et des compétences fondamentales qui, d'ailleurs, ne reprendra pas la formule de Jules Ferry. En effet, il sera plus large puisque je propose, dans le projet de loi d'orientation, que ce socle soit composé de la maîtrise de la langue française, des bases des mathématiques et du calcul, d'une culture générale humaniste et scientifique, indispensable pour comprendre le monde, des bases d'une langue étrangère et de la maîtrise des outils de communication modernes.

Ce socle ne résume pas l'ambition de l'école. Non seulement elle demeure ce qu'elle est aujourd'hui, mais nous la faisons monter d'un cran. En effet, je vous proposerai d'ajouter aux 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat les 100 % de qualification, mais aussi les 50 % d'une classe d'âge dans l'enseignement supérieur, sous toutes ses formes.

Il s'agit, non de sacrifier au plaisir de proposer un slogan, mais de nous rapprocher de tous les pays développés, notamment les Etats-Unis et le Japon, où le taux de diplômés de l'enseignement supérieur par rapport à la population est déjà supérieur au nôtre.

Ce socle est constitué en réalité par les outils de communication nécessaires à la transmission des savoirs, qui est l'ambition de l'école. Si l'on ne possède pas ce socle, on ne peut pas acquérir les savoirs, et là réside la cause de tant d'échecs dans notre système scolaire.

Cette notion de socle est, je le crois, fondamentale. C'est autour d'elle que tournent tous ceux qui réfléchissent aux questions pédagogiques depuis des années sans jamais avoir trouvé les outils adéquats, que nous n'avons pas non plus encore complètement définis. Nous devons attendre, pour cela, que se soit tenu le débat au Parlement sur le projet de loi d'orientation sur l'école, que la haute autorité de l'éducation que nous allons créer ait rendu son avis et que le ministère ait accompli le travail final d'établissement précis du périmètre du socle.

L'objectif essentiel est d'élever le niveau général en donnant les outils qui permettent d'acquérir la maîtrise des savoirs. Nous avons, monsieur le sénateur, une grande ambition pour notre école ; il nous faut trouver ensemble les moyens et les méthodes pour que cette grande ambition ne soit pas simplement un objectif inatteignable.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Je remercie M. le ministre de sa réponse, mais je voudrais insister sur le fait qu'il existe tant d'inégalités dans notre société, qui sont parfois liées aux inégalités territoriales.

En effet, les zones rurales ne peuvent pas offrir aux jeunes les mêmes ressources que les zones urbaines, et l'on ne peut sous-traiter des pans entiers de la formation culturelle et intellectuelle. Il vaudrait donc mieux refaire de l'éducation nationale une source de propositions et d'expérimentations permettant de dépasser un horizon qui n'autorise guère d'espoirs de réussite.

L'égalité des chances est le fil conducteur de la réflexion, mais sa réalisation doit faire l'objet d'une priorité budgétaire accordée par la nation. En effet, tout part d'elle : le progrès scientifique et technique, le développement économique, l'emploi, la citoyenneté, la sécurité. L'éducation est un droit et ne doit pas être soumise à la loi du marché.

Dans cette perspective, monsieur le ministre, ne serait-il pas envisageable d'instituer un grand service public couvrant notamment les garderies, le suivi médical et psychologique, la lutte contre la pauvreté infantile, l'acquisition de la maîtrise de la langue et des savoirs fondamentaux, les actions pédagogiques nouvelles et toutes les activités qui contribuent au développement de la personnalité de l'enfant mais que les collectivités territoriales rurales ne peuvent offrir ?

Peut-être cela apparaîtra-t-il dans la future loi d'orientation, mais je pense que l'éducation nationale doit, en tout état de cause, englober cette éducation périscolaire et élargir ses périmètres de responsabilité et de financement, plutôt que de prévoir le transfert aux collectivités territoriales de compétences que celles-ci ne pourraient assumer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, l'examen du projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui précède de quelques semaines celui du projet de loi d'orientation sur l'école.

Les crédits sont en augmentation de 2,55 % à structure constante par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Je m'en réjouis, car plus que d'une dépense, c'est d'un investissement qu'il s'agit, et du meilleur qui soit à mon sens pour nos enfants et pour la nation.

Cependant, cette satisfaction est limitée pour deux raisons, l'une d'ordre structurel, l'autre plutôt d'ordre culturel.

En premier lieu, les charges de structures, en particulier le poids des pensions des personnels, obèrent largement cette augmentation prévue des crédits. Faut-il le rappeler, elles ont triplé entre 1990 et 2005, pour atteindre près de 15 milliards d'euros, soit 26,5 % du budget,....

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Cela ne va pas s'arranger !

M. Jean-Claude Carle. ...et elles dépasseront, en 2010, les 20 milliards d'euros.

En second lieu, notre culture budgétaire fait que, d'une manière générale et plus particulièrement dans le domaine de l'éducation, la réponse aux difficultés depuis deux décennies a été l'accroissement des crédits.

Or force est de constater que l'inflation budgétaire constante n'a pas apporté les résultats escomptés : notre école éprouve de grandes difficultés à remplir sa première mission, qui est d'assurer l'égalité des chances entre tous nos enfants. Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre : un fils d'ouvrier a aujourd'hui dix-sept fois moins de chances d'entrer à l'université qu'un fils de cadre supérieur ou d'enseignant.

Nos concitoyens nous l'ont d'ailleurs dit au cours du grand débat voulu par le Président de la République. Ainsi, une enseignante de mon département résumait assez bien la situation en déclarant que « notre école va bien pour les enfants qui vont bien ». Cette affirmation fut complétée par un intervenant de Nancy, selon lequel « les enfants en échec scolaire sont des enfants qui ne vont pas bien ».

Votre ambition, monsieur le ministre, est bien de rétablir l'égalité des chances et de bâtir une école qui aille bien pour tous les enfants. Ce projet de budget en est l'expression : des crédits sont affectés au profit de ceux qui en ont le plus besoin, de ceux qui cumulent les difficultés ou les handicaps.

Tout cela est indispensable, mais notre école ne réussira que si l'ensemble de ses acteurs réussissent : les enfants, bien évidemment, les enseignants et l'ensemble des personnels administratifs, techniques, médicosociaux, les conseillers principaux d'éducation, les personnels des centres d'information et d'orientation, cela va de soi, mais aussi les autres partenaires de la communauté éducative, à savoir les parents, le monde socioéconomique, les élus locaux.

En outre, pour réussir, notre école devra savoir identifier et valoriser très tôt tous les talents, et enfin savoir valider tous les acquis.

Au regard de ces constats, monsieur le ministre, ma question sera triple.

Tout d'abord, votre projet de loi d'orientation prendra-t-il en compte l'implication de toute la communauté éducative, de tous les acteurs, sachant qu'un tel texte doit fixer le cap et les grands objectifs et permettre le développement de champs d'expérimentation et de politiques contractuelles fondées sur le partenariat et la proximité ?

Ensuite, identifier et valoriser tous les talents suppose la pratique d'une orientation positive et non plus, comme c'est trop souvent le cas actuellement, d'une orientation par échecs successifs. Cette orientation devra tenir compte du projet du jeune et de sa famille, mais aussi des besoins de notre économie et de l'aménagement harmonieux du territoire. Quelle est votre approche en la matière, monsieur le ministre ?

Enfin, l'une des missions majeures de l'école est la transmission du savoir, du savoir-faire, du « savoir être », mais c'est aussi l'évaluation des acquis. Aujourd'hui, seule l'acquisition des deux premières formes de savoir, c'est-à-dire les connaissances et les compétences, est sanctionnée. Envisagez-vous d'évaluer la troisième, le « savoir être », c'est-à-dire le comportement ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Ce sera difficile !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. En ce qui concerne l'implication de la communauté éducative, nous proposerons, dans le projet de loi d'orientation, de la renforcer, au travers notamment de la préparation du projet d'établissement, mais aussi de son suivi et de son évaluation.

Par ailleurs, il est indispensable que l'école soit plus ouverte, par des partenariats tant avec le monde économique qu'avec les collectivités territoriales. Quant à la participation des parents, j'y attache une très grande importance. Les parents continueront de contribuer à l'élaboration des projets d'établissement, mais je proposerai qu'ils soient mieux associés à l'orientation de leurs enfants et plus impliqués dans la mise en oeuvre des contrats individuels de réussite éducative prévus dans la future loi.

Le contrat, qui débouchera sur la mise en place de dispositifs de soutien, devra faire l'objet d'un accord entre l'établissement, les parents et l'enfant. En effet, je pense qu'il est nécessaire que chacun s'engage et, en particulier, que les parents participent, qu'ils accompagnent l'effort que l'école entreprendra pour permettre à chacun des élèves d'acquérir les savoirs fondamentaux.

Votre deuxième question, monsieur Carle, portait d'une manière large sur l'orientation et sur l'éducation au choix, la préparation de l'orientation. Je m'en suis expliqué à plusieurs reprises au cours de cette soirée : pour que l'orientation ne soit pas vécue comme un échec, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui, il faut renverser la perspective, par la promotion des filières professionnelles et la mise en place d'une orientation positive qui tienne compte des projets personnels, mais aussi des perspectives d'emploi. Il faut, me semble-t-il, insister sur chacun de ces deux aspects.

C'est dans cette perspective que j'ai choisi de proposer la création d'une option de découverte professionnelle de trois heures par semaine en classe de troisième. Les propositions de la commission Thélot tendaient plutôt à instituer un apprentissage des choix, mais permettre aux jeunes de se rendre compte par eux-mêmes de la réalité des métiers, en les accompagnant dans cette démarche, naturellement, et en leur donnant les informations nécessaires, me semble préférable à l'ajout d'une approche théorique de plus.

S'agissant enfin de l'évaluation des comportements des élèves, je pense comme vous, monsieur le sénateur, que l'école a pour mission de faire acquérir, outre des connaissances et des compétences, c'est-à-dire des savoirs, des comportements, tels que le respect du règlement intérieur des établissements et la conscience des valeurs de la République. Ce sera d'ailleurs l'objet du premier article du projet de loi d'orientation que je présenterai bientôt au Parlement.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Très bien !

M. François Fillon, ministre. A cette fin, monsieur le sénateur, je proposerai au Parlement de prévoir, dans le cadre du nouveau diplôme national du brevet, une note de vie scolaire, qui pourra refléter l'assiduité, le respect du règlement intérieur, mais aussi l'engagement de l'élève dans la vie de l'établissement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je voudrais remercier M. le ministre de ces précisions et me féliciter de l'affirmation de sa volonté d'impliquer les différents partenaires, en particulier les parents, dans la vie de l'école, chacun devant bien sûr rester à sa place.

S'agissant de l'orientation, il faut effectivement tenir compte du projet du jeune et de sa famille, bien entendu, mais aussi des débouchés professionnels. Je me réjouis, à cet égard, de votre volonté de revaloriser la filière professionnelle, monsieur le ministre.

Enfin, votre idée d'instituer une note de vie scolaire me semble très positive. En effet, si le savoir est important, le « savoir être » l'est tout autant, sinon plus.

Je souhaite, monsieur le ministre, que tout cela puisse se concrétiser très rapidement, notamment par le biais du projet de loi que vous nous présenterez dans quelques semaines.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, dans son rapport annuel pour 2002, la défenseure des enfants consacre un long développement aux faiblesses de la médecine scolaire. Parmi celles-ci, elle met notamment en exergue l'effectif insuffisant des médecins scolaires, qui est de 2 200 pour l'ensemble des élèves, soit en moyenne un médecin scolaire pour 5 800 élèves, et l'absence d'articulation entre les priorités de la médecine scolaire et celles des programmes régionaux de santé publique, hormis dans quelques départements pilotes.

Ce rapport relève également l'impossibilité, pour la médecine scolaire, de remplir la mission de prévention qui lui a été assignée par la circulaire du 24 juin 1991 relative aux missions et au fonctionnement du service de promotion de la santé en faveur des élèves. Dans les faits, est-il souligné, « la médecine scolaire répond essentiellement aux situations d'urgence », et cela résulte principalement du manque de personnel et du fait que 47 % des médecins scolaires sont des vacataires, dont le statut précaire détermine bien évidemment un turnover important, que le rapport désigne comme une source supplémentaire de difficultés.

Le cas de mon département est une illustration parfaite de cette situation : il compte 550 000 élèves, 103 médecins, dont 74 médecins titulaires et 17 « équivalents temps plein », assurés par 50 à 60 vacataires.

Il faut regretter, monsieur le ministre, que, malgré des déclarations de principe encourageantes sous tous les gouvernements récents, la médecine scolaire reste toujours dans la situation du « parent pauvre ».

Mais si l'on veut améliorer les choses, encore faudrait-il que les personnels médicaux qui se tournent vers cette carrière soient bien traités.

Or il existe, comme vous le savez, monsieur le ministre, des disparités choquantes, qui perdurent au fil des années, entre certains médecins scolaires qui, à compétence égale et à ancienneté dans l'emploi comparable, ne reçoivent pas le même traitement.

Je fais ici allusion aux 132 médecins de santé scolaire recrutés par le concours interne spécial prévu à l'article 28 du décret du 27 novembre 1991. Contrairement à tous les autres médecins titularisés ultérieurement, ces praticiens n'ont jamais pu obtenir la reprise d'une partie de leur ancienneté au titre du temps consacré à l'exercice de fonctions de vacataire et à celui de leur stage interné. En décembre 2003, le directeur de cabinet de votre prédécesseur avait indiqué l'intention de ce dernier d'accorder à ces professionnels une bonification d'ancienneté égale à la moitié du temps de pratique professionnelle, dans la limite de quatre ans. Il s'était engagé à ce que cette mesure soit inscrite dans le projet de loi de finances pour 2005.

Son coût avait alors été évalué à 370 000 euros. L'examen du budget de l'enseignement scolaire montre que, pour finir, ce rattrapage n'a pas été retenu dans les arbitrages de cette année.

Ma question sera simple : entendez-vous, monsieur le ministre, accorder satisfaction à cette demande très légitime ? Et pour vous faciliter la tâche, je proposerai à notre assemblée d'adopter un amendement qui vise à mettre fin à cette iniquité. J'espère qu'il pourra bénéficier de votre soutien et de celui de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Madame la sénatrice, je voudrais d'abord vous indiquer que j'entends proposer, à l'occasion de la discussion du projet de loi d'orientation, une profonde réforme de notre politique en matière de santé scolaire.

Nous avons commencé à discuter avec l'ensemble des parties prenantes à cette question, et nous nous orientons vers un système qui pourrait s'articuler de la manière suivante : les médecins scolaires interviendraient prioritairement dans l'enseignement primaire, même s'ils continueraient à être présents dans tous les établissements ; une infirmière scolaire à temps plein serait présente dans chaque établissement secondaire - ce n'est pas le cas aujourd'hui, vous le savez -, ce qui nécessiterait le recrutement de 1 500 infirmières supplémentaires.

J'en viens à la question précise que vous avez posée. Vous avez rappelé vous-même qu'un décret du 27 novembre 1991 a permis d'organiser des concours internes spéciaux pour le recrutement de médecins de l'éducation nationale. Aucune reprise d'ancienneté n'a été prévue pour ces personnels. Il est vrai que les autres vacataires titularisés médecins de l'éducation nationale en bénéficient et, de ce point de vue, la demande que vous relayez peut se comprendre.

Je me permets cependant de vous rappeler que le décret de 1991 fixait des conditions particulières de recrutement - la titularisation sur place -, ce qui pouvait justifier des conditions spécifiques relatives à la reprise d'ancienneté.

D'ailleurs, le décret de 1991 est sans ambiguïté sur cette question, et le juge administratif a estimé, en l'espèce, que les règles statutaires de classement ont été correctement appliquées. Cela signifie que, sur le plan du droit, les textes sont respectés.

Cela n'enlève rien au sentiment d'injustice que vous exprimez. Je tiens cependant à vous indiquer qu'aucun de mes prédécesseurs n'a réussi à obtenir l'accord du ministère des finances et du ministère de la fonction publique pour remettre en cause une disposition qui date de 1991. Je suis prêt à engager de nouveau cette discussion avec mes collègues chargés du budget et de la fonction publique pour relayer votre demande et mettre fin à ce qui peut être considéré comme une injustice. Il faudra simplement que je m'arme d'un certain nombre de moyens pour aboutir là où mes collègues ont échoué.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous remercier de l'effort que vous envisagez de faire concernant le dispositif d'accompagnement en matière de santé scolaire.

Sans entrer dans le détail puisque nous le ferons lors de la discussion de notre amendement, je dirai simplement qu'il s'agit là d'une mesure de justice dont le coût - je l'ai dit tout à l'heure dans mon exposé - est estimé à 370 000 euros par an. Ce n'est tout de même pas insurmontable, me semble-t-il. Il faudrait en discuter avec la commission des finances, car une telle mesure contribuerait à satisfaire un corps professionnel dont les effectifs doivent être renforcés. Mais, pour y parvenir, il faudrait d'abord revaloriser cette profession.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis près de trois ans, les budgets défilent et se ressemblent. Le « miroir du débat », qui préfigure le projet de loi d'orientation sur lequel le Parlement aura à débattre, rapportait que l'école avait deux défis à relever.

Le premier concerne le passage de la massification à la démocratisation de l'enseignement : après l'égal accès à l'enseignement, il faut offrir aux jeunes une égalité réelle des chances de réussite.

Le second défi est celui du renouvellement de près de la moitié des enseignants dans les dix ans qui viennent, ce qui pose l'urgente question du recrutement et de la formation de milliers de nouveaux enseignants.

Puisque ces défis sont identifiés et qu'une loi d'orientation doit les concrétiser, il aurait été logique que ce budget pour 2005 les anticipe ou, au mieux, maintienne au moins ce qui existe. Nous en sommes loin, monsieur le ministre.

Derrière un budget de l'enseignement scolaire prétendument en hausse de 1,9 % se cache en réalité un budget qui hypothèque le futur. Ces 1,9 %, véritable trompe-l'oeil, sont simplement le résultat des augmentations mécaniques liées à celles des traitements et des pensions. Pire encore, si l'on se réfère au PIB, ce budget est en régression : notre société consacre aujourd'hui une part de ses richesses à l'éducation moins importante qu'il y a dix ans.

Pourtant, monsieur le ministre, vous affichez ici une vision très comptable de vos conceptions éducatives. J'en veux pour preuve votre façon, à vous et aux parlementaires de votre majorité, de brandir le rapport de la Cour des comptes ayant révélé que «  dans le second cycle, le taux d'encadrement a augmenté de près de 10 % en dix ans sans que rien ne permette d'affirmer que cette politique a permis d'améliorer les résultats des élèves ».

Utiliser un tel argument est inconcevable ; il est le contresens de toute véritable politique pédagogique éducative. On le sait bien, plus les élèves sont encadrés, plus les effectifs des classes sont convenables et mieux se déroule l'apprentissage des connaissances.

Si vous ne voulez pas consulter les enseignants, reportez-vous au rapport Thélot, monsieur le ministre !

Avec ce budget, vous prorogez le plan social pour l'école engagé depuis trois ans et creusez encore plus les inégalités. Pour 2005, vous supprimez plus de 5 000 postes dans l'enseignement secondaire au motif que l'on assiste à une baisse des effectifs. Depuis trois ans, ce sont 60 000 personnes environ qui ont été retirées de l'enseignement secondaire.

Cette baisse est certes réelle, mais elle est, surtout et avant tout, provisoire, puisqu'un nouvel afflux affecte déjà l'enseignement primaire. Dès lors, comment, compte tenu de la diminution de postes d'enseignants que vous avez décidée, pourra-t-on faire face à cette situation, dans la mesure où il faut quatre ans pour former un enseignant et où vous avez abandonné le plan pluriannuel de recrutement engagé par certains de vos prédécesseurs ?

Par cette mesure, qui n'anticipe en rien l'évolution de notre système éducatif, vous êtes en train de rejouer la même scène que votre ami Alain Juppé, voilà quelques années, avec la formation des infirmières, dont les conséquences aujourd'hui sont bien connues : la pénurie. Vous allez provoquer une véritable crise du recrutement de jeunes enseignants dès 2007-2008.

Vous en serez responsable, car, monsieur le ministre, le gouvernement Jospin avait décidé une programmation pluriannuelle de recrutement prévoyant l'embauche de 185 000 enseignants sur cinq ans. L'une des premières mesures du gouvernement auquel vous appartenez fut d'abandonner ce plan.

Aujourd'hui, vous annoncez que 26 500 postes vont être ouverts aux concours externes, dont 14 000 dans le second degré. Or, dans le second degré, le nombre de départ à la retraite est estimé à 18 000. Comment ce déficit sera-t-il comblé ? Est-ce par un retour possible au plan pluriannuel de recrutement que vous avez récemment évoqué sans en décrire les contours, bien évidemment ?

J'en reviens, si vous me le permettez, aux emplois supprimés. Si je me réfère aux chiffres que vous annoncez, 1 000 postes seront créés dans l'enseignement primaire pour 51 000 élèves supplémentaires, 3 400 postes d'enseignants seront supprimés dans l'enseignement secondaire pour une baisse attendue de 44 700 élèves. Et je ne comptabilise pas ici, faute de temps, les suppressions des maîtres d'internat et surveillants d'externat, les MI-SE, des professeurs contractuels et des emplois administratifs.

En d'autres termes, d'un côté, on crée un poste pour 51 élèves, et, de l'autre, on supprime un poste pour 13 élèves en moins. Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, cette arythmie curieuse par laquelle vous diminuez les personnels ?

Cette diminution va avoir une incidence sur la pédagogie, vous le savez pertinemment, puisque le rapport Thélot le mentionne : « La nécessaire personnalisation des pratiques pédagogiques serait facilitée par le fait que l'équipe pédagogique n'est pas limitée au principe d'un maître par classe. »

Cette individualisation de la pédagogie n'est-elle pas nécessaire pour aider les élèves en difficulté et ouvrir à tous les voies de la réussite ? Ne passe-t-elle pas par l'engagement de véritables moyens en personnels formés ?

Or vos faibles moyens, vos suppressions sans nom entraînent aussi de graves conséquences sur l'enseignement des langues et de certaines disciplines artistiques.

En effet, on continue à voir s'afficher une diminution des crédits pédagogiques et la disparition des classes à projet d'action culturelle. Ne pénalisez-vous pas ainsi les élèves les plus défavorisés qui, de par leur milieu d'origine, n'ont pas accès à la culture ? De nombreuses options vont être également remises en cause.

Vous prenez, là encore, des mesures injustes, inégales, en pleine contradiction avec la commission Thélot, qui insiste sur la nécessité d'offrir des parcours diversifiés pour permettre la réussite de chacun.

Les exemples sont nombreux : vous ignorez les résultats des grandes consultations que vous lancez sur l'avenir de notre école, simplement parce qu'elles vont à l'encontre de votre vision libérale et comptable de notre système éducatif.

Vous tenez des discours vibrants de fougue démocratique, mais, sur le terrain, vos recteurs poursuivent la saignée de l'Ecole.

En résumé, monsieur le ministre, comment comptez-vous remédier, aux conséquences de votre politique budgétaire de restriction à l'égard de la politique de l'emploi, du recrutement et de la formation des enseignants afin d'anticiper et de gérer les départs importants à la retraite ?

C'est d'ailleurs un membre de votre majorité, M. Richert, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire, qui a insisté, lors de votre audition le 3 novembre par la commission des affaires culturelles, sur la nécessité d'anticiper les besoins de recrutement par la mise en place d'une programmation pluriannuelle mieux calibrée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, il me semble que j'ai déjà entendu ce discours dans d'autres cercles que celui dans lequel nous nous trouvons. Il ne tient aucun compte des indications démographiques que j'ai fournies ni des études qui montrent, les unes après les autres, que la question aujourd'hui n'est pas celle du taux d'encadrement.

Si l'on prend en compte les chiffres de cette année, le taux d'encadrement est, en moyenne, monsieur le sénateur, de 1 pour 22 dans le premier degré, et de 1 pour 13 dans le second degré. Cela explique d'ailleurs que l'impact démographique sur l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire ne soit pas le même.

Je rappelle au passage que l'argumentation sur la faiblesse des créations de poste dans l'enseignement primaire par rapport aux prévisions d'effectif refuse de tenir compte d'une réalité : les effectifs, ces dernières années, n'ont jamais été au rendez-vous des prévisions. Dois-je vous redonnez les chiffres : pour la rentrée 2003, sur les 34 000 postes prévus, il y en a eu 10 000 ; pour la rentrée 2004, les prévisions étaient de 53 000 postes, et il y en a eu 27 000. Cela est dû, vous le savez bien, à des mécaniques de prévision qui mériteraient d'être un peu mieux sécurisées.

Monsieur le sénateur, vous faites appel à plusieurs reprises à la commission Thélot, qui aurait formidablement bien travaillé. Je partage ce point de vue. Mais si elle a si bien travaillé, je me demande pourquoi le parti socialiste a refusé d'y participer.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est pour ça qu'elle a bien travaillé !

M. François Fillon, ministre. Et je me demande aussi pourquoi vous ne soutenez pas toutes ses conclusions : je n'ai vu aucune conclusion qui aboutissait à l'idée d'une augmentation des taux d'encadrement ; en revanche, une proposition, que je n'ai pas choisi de retenir, visait à augmenter le service des enseignants. Il ne me semble pas que vous soyez favorable à cette proposition... (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)

Enfin, vous faites allusion à un plan pluriannuel de recrutement qui aurait eu lieu dans le passé. J'ai beau chercher dans ma mémoire et dans les archives, je n'en trouve aucune trace. En vérité, un plan pluriannuel annoncé dans la loi de 1989 n'a jamais été mis en oeuvre par les gouvernements que vous avez soutenus.

Je l'ai dit, depuis 1990, il y a 500 000 élèves de moins, 100 000 enseignants de plus, et des performances en baisse ! (M. Jean-Louis Carrère s'exclame à nouveau.) Je mettrai des moyens supplémentaires là où ils sont nécessaires, notamment pour l'enseignement des langues et pour le soutien aux élèves qui ne maîtrisent pas les bases.

Il est irresponsable de réclamer systématiquement dans tous les domaines des moyens supplémentaires. Pour certaines matières - la démonstration est faite en Europe -, le nombre d'élèves dans la classe à peu de rapport avec l'efficacité de l'enseignement ; pour d'autres, notamment l'enseignement des langues, comme je l'ai dit tout à l'heure, il est indispensable de prévoir de petits groupes.

On peut d'ailleurs s'interroger, monsieur le sénateur, en vous écoutant, sur les limites de l'exercice. Environ 55 milliards d'euros sont consacrés par l'Etat à l'éducation, soit un peu plus de 20 % de son budget. Quelle est la limite ? Jusqu'où doit-on aller ? Cette proportion a considérablement augmenté depuis quinze ans.

Tout le monde doit avoir à coeur d'améliorer l'efficacité de ce système en cherchant à maintenir une dépense que nous finançons, je vous le rappelle, par des emprunts sur le long terme. En effet, près de 25 % des dépenses de fonctionnement que nous évoquons sont financées par des emprunts que nos enfants devront rembourser demain ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Inutile de vous dire que vous ne m'avez pas convaincu, monsieur le ministre ! Je sais d'ailleurs que là n'était d'ailleurs pas l'objectif !

Toutefois, il faut constater que, sur le terrain, vos représentants sont certes des fonctionnaires d'autorité, mais d'exécution. J'ai cité les recteurs, voilà un instant, mais je peux également évoquer les inspecteurs d'académie s'il est question de l'enseignement primaire. Venez donc en Moselle, après l'établissement de la carte scolaire ; on verra alors si ce que vous dites est vrai ! L'inspecteur d'académie a déjà dû annoncer que l'on « sabre » toute la formation, ainsi que les remplacements.

Ce soir, vous avez beaucoup parlé du futur, mais c'est le projet de budget pour 2005 que nous examinons !

A ce jour, dans les écoles élémentaires, les remplacements ne sont plus assurés, et les inspecteurs d'académie ont dû supprimer tous les postes qui ne se voyaient pas, pour éviter des fermetures de classes. La formation des maîtres, terminée ! Les remplacements, terminés ! Vous nous faites des discours sur l'avenir, très bien ! Mais la réalité est là !

On étend de plus en plus le secteur des psychologues scolaires et des maîtres spécialisés !

Vous évoquez également la sécurité et l'insécurité dans les établissements. Et bien oui ! La société rencontre une foule de problèmes qui n'épargnent naturellement pas le milieu scolaire. On le sait tous ! La présence d'enseignants mais aussi d'adultes formés, auxquels vous vous êtes également attaqué, est indispensable pour faire face à cette situation.

Vous tenez un discours et dites du nôtre qu'il est toujours le même ! C'est vrai, car nous ne céderons jamais à votre vision comptable de l'école. Nous ne pouvons pas être d'accord.

M. le président. La parole est à M. André Ferrand.

M. André Ferrand. Monsieur le ministre, c'est de l'enseignement français à l'étranger dont je voudrais, profitant de ce débat budgétaire, vous entretenir. De même, je souhaiterais mieux connaître vos intentions concernant le sujet, car chacun, aujourd'hui, s'accorde à reconnaître la grande importance de notre pays dans le monde, en termes de présence économique et d'influence.

Vous le savez, j'ai remis au Premier ministre, le 15 octobre dernier, le rapport de la mission qu'il m'avait confiée concernant la diversification des moyens de financement de notre réseau d'école à l'étranger. Ce rapport explore un certain nombre de partenariats et d'outils nouveaux, et il expose les conditions du succès de leur mise en oeuvre, le tout constituant les grandes lignes d'une politique d'ensemble cohérente et ambitieuse. Cette dernière mobilise tous les ministères concernés au premier rang desquels se trouve le vôtre, monsieur le ministre.

Dès le 3 novembre, M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, présentait, en conseil des ministres, une communication sur le sujet et annonçait un certain nombre de mesures, s'inscrivant toutes dans la lignée des orientations que nous souhaitions, et un plan d'action pour la période 2005-2007.

Par ailleurs, nous avons eu le plaisir de constater que plusieurs moyens ainsi que de nouvelles facilités avaient récemment été accordés à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger autant par les services du budget, qui semblent rompre radicalement avec une attitude passée trop froidement restrictive, que par le Quai d'Orsay, qui est son ministère de tutelle.

Monsieur le ministre, vous-même comme vos principaux collaborateurs, ainsi que l'état-major de l'administration de votre ministère, êtes très conscients, je le sais, de l'importance de l'enjeu et prêts à engager les actions qui constituent l'indispensable contribution de votre département à cette nouvelle politique.

C'est donc sans inquiétude que j'évoquerai les mesures et initiatives principales que nous attendons et pour lesquelles je vous serais néanmoins reconnaissant de bien vouloir nous indiquer le calendrier et les modalités de leur mise en oeuvre ou les éventuels obstacles qui pourraient s'opposer à une telle avancée.

Une réflexion commune avec le ministère des affaires étrangères a-t-elle déjà commencé en vue d'installer un vice-président représentant votre ministère au conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, aux côtés de son actuel président, le directeur général de la coopération internationale et du développement, qui dépend du ministère des affaires étrangères ?

Par ailleurs, afin à la fois de mettre cette préoccupation au coeur des priorités de toutes les entités concernées de votre ministère et de coordonner leurs actions, envisagez-vous de créer un comité « enseignement français à l'étranger » ?

Les missions qui seraient confiées à ce comité relèvent toutes d'une notion d'« enseignement international » dont l'existence, dans les lycées de nos régions françaises, à travers des sections européennes et internationales, serait, on le sait, un puissant facteur d'attractivité pour nos territoires, donc potentiellement créateur d'emplois.

Enseignement français à l'étranger, enseignement international en France, n'y a t-il pas là beaucoup de complémentarités et cela ne plaide-t-il pas en faveur de la création d'un tel comité ou pôle expérimental ? Ce dernier serait compétent autant en ce qui concerne l'internationalisation de nos programmes et de nos certifications qu'en matière de gestion d'un personnel ayant acquis des compétences particulières grâce à des séjours à l'étranger ?

Je formulerai encore quelques questions.

Un lycée conventionné avec l'AEFE, tel que le lycée franco-mexicain de Mexico qui compte des filières techniques et même un cursus de BTS, ne pourrait-il pas, en adaptant les termes de sa convention afin de satisfaire aux règles de la comptabilité publique, bénéficier de la taxe d'apprentissage à l'instar de ce qui se passe en France ?

L'optimisation de la carte des partenariats entre nos académies et nos établissements de l'étranger, qui prendrait en compte, au bénéfice de ces derniers, les affinités de nos collectivités territoriales avec les pays hôtes de nos écoles à l'étranger est-elle en cours de réalisation ?

L'Europe, monsieur le ministre, nous a fait des propositions auxquelles nous n'avons pas répondu. Pourquoi n'avons-nous pas saisi au bond celle qui consistait à donner le statut d'« école européenne déléguée ou associée » à ceux de nos établissements situés dans les villes où s'ouvrent de nouvelles agences européennes, notamment Lisbonne, Helsinki et Stockholm. Des sections spécialisées d'un intérêt expérimental certain et entièrement financées par Bruxelles y accueilleraient les enfants des fonctionnaires européens et tous ceux qui seraient intéressés par un tel cursus ?

Enfin, monsieur le ministre, peut-on imaginer qu'aujourd'hui une nouvelle loi d'orientation sur l'école ne consacre pas un chapitre spécial à l'enseignement français à l'étranger ?

L'éducation nationale doit retrouver toute sa place dans la grande ambition que nourrit la France sur le plan international, et je suis sûr que vous voudrez faire en sorte que ce chantier soit rondement mené.

Je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien m'apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, c'est avec beaucoup de respect et d'admiration que je pense aux Français expatriés qui soutiennent l'influence de notre langue et de notre culture dans le monde. La question de l'enseignement français à l'étranger est donc très importante pour notre pays.

Je voudrais rendre hommage au travail que vous avez effectué et au rapport que vous avez remis au Premier ministre. Il répond à la question très difficile des nouvelles ressources possibles profitant aux lycées français à l'étranger.

Pour ce qui concerne le comité « enseignement français à l'étranger » que vous appelez de façon plus générale « enseignement international », je veillerai, lors de la révision des programmes, à l'issue du vote du projet de loi d'orientation sur l'école, à ce que le contenu international de l'enseignement soit bien pris en compte comme vous le souhaitez. A ce titre, un passage de la loi est explicitement consacré à l'international.

Parmi les autres questions particulières que vous me posez, vous reconnaîtrez que certaines ne relèvent pas tout à fait de mon champ de compétences, notamment lorsqu'il s'agit de certaines ressources financières.

Je voudrais vous rappeler, s'il en est besoin, que l'enseignement français à l'étranger est placé sous la responsabilité diplomatique, administrative et financière du ministère des affaires étrangères. Ce dernier ouvre, gère et administre les établissements français à l'étranger. La tutelle lui incombe exclusivement.

Vous m'avez interrogé sur l'installation d'un vice-président représentant le ministère de l'éducation nationale au sein du conseil d'administration de l'AEFE. Je n'y suis pas hostile ; c'est pourquoi, sur ce point, je vous propose que nous ouvrions la discussion avec mon collègue chargé des affaires étrangères.

Les établissements d'enseignement très souvent de droit local perçoivent des droits de scolarité de la part des parents d'élèves et emploient des enseignants rémunérés par le ministère des affaires étrangères, détachés des cadres du ministère de l'éducation nationale, parmi d'autres enseignants issus du recrutement local. Pour autant, le ministère de l'éducation nationale est impliqué de par son expertise propre dans l'enseignement français à l'étranger et exerce une autorité de nature pédagogique.

J'attache ensuite une importance particulière aux jeunes titulaires d'un baccalauréat passé dans les établissements de l'AEFE ; c'est pourquoi je souhaite que leurs demandes d'inscription dans les universités métropolitaines soient traitées prioritairement de telle sorte que l'investissement réalisé par leur famille et par la France profite à notre pays.

Je suis favorable, lorsqu'il est possible, à un aménagement plus européen de l'enseignement dans un certain nombre de pays, notamment là où se mettent en place des organisations communes de la représentation des différents pays européens. Je propose d'ailleurs, dans cet esprit, que l'on utilise le plus souvent possible les baccalauréats binationaux ou les baccalauréats européens, qui peuvent constituer un élément de réponse à cette préoccupation.

Enfin, monsieur le sénateur, je souhaite ajouter que, lorsque les circonstances l'exigent, le ministère de l'éducation nationale met tout en oeuvre en faveur du sauvetage scolaire des élèves et des enseignants touchés par une crise. C'est ainsi, vous le savez, que nous n'avons rien négligé pour accueillir, en urgence et dans les meilleures conditions possibles, me semble-t-il, les élèves et les enseignants rapatriés de Côte d'Ivoire.

M. le président. La parole est à M. André Ferrand.

M. André Ferrand. Monsieur le ministre, je suis heureux de vous en donner acte : tous les représentants des Français de l'étranger savent que la réinsertion des quelque huit cents élèves français rentrés de Côte d'Ivoire en France s'est faite dans des conditions aussi bonnes que possible. Cela a été une opération remarquablement menée.

Pour le reste, monsieur le ministre, c'est bien entendu le ministère des affaires étrangères qui assure la tutelle et le financement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, et mon propos n'était pas de vous demander de l'argent. D'ailleurs, je ne l'ai pas fait !

En revanche, j'ai soulevé quelques points très précis, et je vous serais très reconnaissant de demander à vos services de les explorer, parce que vos réponses, que j'ai beaucoup appréciées sur un plan général, et vos encouragements, en particulier, qui ne m'ont pas déçu, me laissent quelque peu sur ma faim, surtout lorsqu'il s'agit de l'Europe où, véritablement, la Commission nous attend. Elle nous a proposé un marché et nous ne réagissons pas. Sur ce point, ce n'est pas le Quai d'Orsay qui est concerné, c'est bien le ministère de l'éducation nationale !

La taxe d'apprentissage dépend également du ministère de l'éducation nationale ; un courrier a été envoyé à cet égard.

J'aimerais si possible avoir des réponses un peu plus précises...

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en dépit d'efforts importants - en effet, c'est le montant du produit de l'impôt sur le revenu des personnes physiques qui est mobilisé -, l'enseignement scolaire reste confronté à de nombreux défis.

L'école publique ne remplit plus assez efficacement la fonction qui lui est assignée. Les savoirs fondamentaux ne sont plus acquis par un assez grand nombre ; l'école n'est plus un sanctuaire ; la formation est inadaptée aux réalités économiques et sociales.

Votre projet de budget pour 2005, monsieur le ministre, confirme la volonté du Gouvernement de faire de son action éducative un objectif prioritaire.

« Instruire et rassembler », c'est, dites-vous, le projet porté par l'éducation nationale, et l'enseignant que j'ai été partage cette devise.

Instruire, c'est combattre l'illettrisme : vaste programme ! Comment atténuer l'influence négative que peuvent induire les nouveaux moyens de communication ?

Je déplore que, pour comprendre un texto, il faille le lire à haute voix ; je regrette que les « courriels » se moquent de l'orthographe et que l'appréhension du français haché, parlé à mi mots, en verlan et en argot, appelle, au moins pour le commun des mortels, l'aide d'un traducteur ! Quelle stratégie peut-on mettre en place pour éviter ces inconvénients ?

Il ne faudrait tout de même pas laisser s'installer une différence socio-éducative après avoir combattu la diversité linguistique de nos régions patoisantes au XIXe siècle.

Instruire, c'est pouvoir compter sur des maîtres bien formés : vaste programme également !

Votre projet de budget, qui adapte les effectifs à l'évolution du nombre d'élèves scolarisés, prévoit la création de 1 000 postes d'enseignants pour la prochaine rentrée dans l'enseignement primaire, auxquels viendront s'ajouter 138 contrats pour l'enseignement privé.

Si la création d'un nombre de postes adaptés aux besoins correspond à une action quantitative, elle ne peut, à elle seule, relever tous les défis, ainsi que l'ont prouvé les années passées. Il est urgent d'accompagner cette création de postes d'une action qualitative indispensable : je veux parler de la formation des maîtres.

A l'heure actuelle, à une première année de bachotage en IUFM, peu formatrice, suit une année de formation professionnelle insuffisante dans la pratique et dans le temps. En effet, alors que les premiers lauréats profitent d'un stage, les autres, inscrits sur la liste complémentaire, se voient propulsés du jour au lendemain, sans la moindre expérience, dans une classe.

Or les enseignants stagiaires ne sont malheureusement pas forcément aptes à la conduite d'une classe, aux relations avec les parents ou au travail en équipe, et cette lacune se ressent d'autant plus que certains maîtres exercent aujourd'hui ce métier sans en avoir la vocation.

Par expérience, je crois pouvoir dire que l'on ne s'improvise pas pédagogue, que l'on ne devient pas forcément pédagogue. La pédagogie du maître de l'enseignement primaire constitue l'élément moteur de l'estime, du respect, de l'écoute, de l'autorité naturelle, voire de l'affection que portera une classe à son enseignant. Or ce dernier est trop souvent confronté aux incivilités de ses élèves. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Dans ce cas, comment peut-il affirmer son autorité ? Par quels moyens peut-il assurer la discipline indispensable au bon fonctionnement de sa classe ?

Relever le défi de l'illettrisme, des sorties de l'école sans diplôme ne peut se concevoir sans la réorganisation de la formation des maîtres, exigeante, d'une part, dans les disciplines universitaires et, d'autre part, dans l'approche de la pédagogie. Quelle place accorderez-vous, monsieur le ministre, à la réforme de cette formation des maîtres ?

Enfin, point n'est besoin de rappeler pourquoi les acquis dans l'enseignement primaire sont déterminants pour la suite du cursus scolaire de chaque élève. Ils constituent les fondations indispensables à toute réussite ultérieure.

Le professeur des écoles, enseignant des savoirs fondamentaux - lire, écrire, compter -, formateur aux technologies de l'information et des communications, initiateur de la langue anglaise, éducateur sportif, animateur de soutien scolaire en vient, à travers cette pluridisciplinarité, à douter de l'efficacité de son action dans la transmission des connaissances !

En outre, il manque de la disponibilité indispensable au soutien des élèves qui connaissent des difficultés soit en raison des lacunes qu'ils ont accumulées, soit parce qu'ils vivent un conflit familial, ou encore en fonction de leur environnement social.

Votre projet de budget, monsieur le ministre, prévoit la création de 9 000 postes d'assistants d'éducation pour 2005. Cette nouvelle mesure, qui vient consolider l'ancien dispositif attribué aux MI-SE, est élargie à des missions d'animation.

En 2003, lorsque ce statut à été crée, votre prédécesseur avait précisé « qu'il y aurait dans le service public des assistants d'éducation partout où sur le territoire français le besoin se ferait sentir ».

Or ce besoin est fortement ressenti dans l'enseignement primaire, et il est d'autant plus pressant que des habitudes ont été prises.

Ce projet de budget prévoit-il d'accorder au primaire les aides éducateurs ou les assistants d'éducation dont il a grandement besoin ? (Eh non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ces derniers seraient chargés d'accompagner le maître, de le seconder auprès des élèves en difficulté.

A défaut de ne pouvoir répondre à cette demande, pourquoi ne pas envisager un autre dispositif qui doterait - en fonction de la configuration de l'école, bien entendu - les établissements primaires d'un maître supplémentaire, d'un maître « volant », c'est-à-dire d'un maître ou d'un stagiaire qui ne serait pas affecté à une classe déterminée mais dont le rôle consisterait à suivre les enfants fragilisés ou en difficulté auxquels leur instituteur ne peut répondre individuellement ?

Monsieur le ministre, considérant que ce projet de budget est pragmatique, je le voterai, mais je souhaiterais savoir quelle place vous réservez, d'une part, au problème urgent de la formation des maîtres, d'autre part, à l'aide que ces derniers sont en droit d'attendre pour remplir au mieux leur mission, et, enfin, à la reconnaissance nécessaire de leur métier afin que leur motivation se maintienne à la hauteur de l'ambition que nous nourrissons pour nos enfants, qui sont l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Je ne crois pas que les nouvelles technologies soient à l'origine des difficultés de maîtrise de la langue française que beaucoup de nos élèves rencontrent aujourd'hui. Je pense plutôt que cela est dû à des dérives dans les méthodes d'enseignement, en particulier - je l'ai souligné dans une circulaire récente - au fait qu'on ait, pour diverses raisons, abandonné, sinon complètement du moins beaucoup trop, le recours, en matière de maîtrise de la langue française, à des exercices personnels, des exercices répétés, des exercices qui font appel à l'effort, à la mémoire,...

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Parfaitement !

M. François Fillon, ministre. ...et sans lesquels il n'y a aucune chance de maîtriser la langue française.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Très bien !

M. François Fillon, ministre. Autrement dit, ce n'est pas, me semble-t-il, en luttant contre les « textos » que l'on pourra résoudre le problème de l'illettrisme ; cela ne pourra se faire qu'en rétablissant le rôle des dictées, des récitations, ou en faisant apprendre les règles de grammaire. Il n'y a là, je crois, rien de nostalgique, et je n'ai d'ailleurs fait, en proposant ce dispositif, que reprendre les conclusions d'une commission présidée par M. René Rémond qui regrettait l'insuffisance de ces méthodes que certains considéreront comme classiques, ce qui, de mon point de vue, est plutôt un compliment, en matière d'enseignement de la langue française.

S'agissant de la réforme de la formation des maîtres, j'ai eu l'occasion tout à l'heure de m'exprimer assez longuement sur la nouvelle structure que je propose.

Quant au contenu de la formation, elle pourrait se résumer à trois volets.

Il s'agit, en premier lieu, du volet disciplinaire : la connaissance des programmes que les enseignants devront enseigner, puisque l'apprentissage de la discipline est, lui, acquis pendant la période universitaire, avant l'IUFM .

Il s'agit, en deuxième lieu, du volet pédagogique : connaître la diversité des élèves, apprendre à leur apprendre, apprendre à se faire respecter.

Enfin, vient un troisième volet que j'intitulerai le service public : quels sont les devoirs des fonctionnaires ? Quelles doivent être les relations avec les parents et avec le monde extérieur - les collectivités locales, la sphère économique.

Tels sont les trois axes de la formation des maîtres rénovée que je vous proposerai.

S'agissant de la mise en place des assistants d'éducation, vous me donnez, monsieur le sénateur, l'occasion de répondre à plusieurs questions qui ont été posées et auxquelles je n'ai pas encore répondu.

Tout d'abord, tous les postes de MI-SE qui ont été supprimés ont été remplacés par des postes d'assistants d'éducation.

Ces postes ont été conçus à travers un dispositif qui laisse au chef d'établissement la responsabilité du recrutement. Vous avez été nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à souhaiter que le chef d'établissement ait plus d'autorité, plus d'autonomie, qu'il puisse constituer son équipe et faire les choix correspondant aux besoins de l'établissement.

De ce point de vue, une liberté supplémentaire a été donnée aux chefs d'établissement, et je ne vois pas de raison de s'inquiéter du fait que certains d'entre eux, surtout si leur établissement pose de sérieuses difficultés, décident de recourir à des recrutements qui ne font pas forcément appel à des étudiants.

Quand, dans des établissements très difficiles, l'on se trouve confronté, par exemple, à des problèmes de racket ou de trafic de drogue, il n'est peut-être pas inutile de disposer d'un certain nombre de professionnels recrutés dans des conditions statutaires qui n'ont rien à voir avec le dispositif des emplois-jeunes.

Enfin, monsieur le sénateur, vous posez la question : pourquoi pas un maître supplémentaire, un « maître volant » ?

En proposant, dans le projet de loi d'orientation, la mise en place d'heures de soutien - trois heures par semaine pour tous les élèves qui en auront besoin - sous la forme d'un contrat individuel de réussite éducative, je réponds finalement à votre question. En effet, il s'agira bien de moyens supplémentaires qu'il conviendra de mettre en oeuvre pour que ces heures de soutien soient assurées soit à l'intérieur des établissements, soit par des équipes extérieures aux établissements.

Par conséquent, monsieur le sénateur, cet objectif, que d'ailleurs nous partageons, montre bien, me semble-t-il, que nous n'avons en rien une vision comptable de l'organisation de l'éducation nationale. Notre volonté est de mettre les moyens publics là où ils sont efficaces. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre.

J'ai beaucoup apprécié que vous parliez de l'effort, tant il est vrai que la pédagogie de l'effort est sans aucun doute à réinventer, pédagogie à laquelle tous les partenaires de la communauté éducative doivent participer.

Ils doivent ainsi essayer tout à la fois de convaincre les enfants de leur désir de réussir, et de faire en sorte que les parents accompagnent l'enfant, car il y a là un grand manque au sein de notre société.

Il s'agit aussi de faire en sorte que non seulement les enseignants soient compétents, mais également que les établissements soient de qualité.

Enfin, il convient de veiller à ce que les élus soient mobilisés pour la réussite de cet objectif, car, si réussite il y a, ce sera non pas par les moyens comme ceux dont on parle souvent, mais certainement grâce à la mobilisation totale de la communauté éducative. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Education nationale, enseignement supérieur et recherche - I. - Enseignement scolaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche : I. - Enseignement scolaire.

État B

Titre III : moins 10 004 981 €.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, vous avez fixé comme priorité l'acquisition par l'ensemble des élèves d'un « socle commun » de connaissances. La culture commune est une question de première importance, et j'ai bien pris note que c'est le Parlement qui en définira prochainement les contours.

Pour autant, je ne vous cacherai pas que je ne saurais me satisfaire du socle commun tel que vous l'entendez et que vous réduisez aux seuls lire, écrire et compter, lesquels constituent le b.a.-ba de l'école, le minimum que chacun est en droit d'attendre d'un enseignement digne de ce nom.

Certes, l'objectif de la maîtrise du français et des mathématiques va de soi. En revanche, il est inconcevable que cela se fasse au détriment d'autres matières fondamentales.

Pour ma part, je souhaite tout particulièrement mettre l'accent sur l'éducation artistique, car je ne pourrai jamais à me résoudre à ce qu'elle demeure le parent pauvre de l'éducation nationale, comme c'est le cas dans ce projet de budget, alors même que de multiples études ont confirmé sa pertinence pédagogique, sociale et culturelle.

De nombreux élèves en difficulté s'épanouissent et trouvent un sens à leur scolarité grâce à l'éducation artistique, à la musique, aux arts plastiques, au théâtre, etc. Beaucoup d'enseignants en témoignent : l'éducation artistique recèle un pouvoir exceptionnel ; elle agit comme une plus-value, y compris pour les autres matières enseignées.

En effet, en raison de sa spécificité même, elle ajoute une forme d'intelligence aux savoirs transmis et contribue à « re-lier » les connaissances entre elles, donc à mieux faire comprendre le monde dans lequel nous vivons.

La formation artistique, fondée à la fois sur l'universel et le singulier, est une invitation à la découverte de l'altérité, du respect d'autrui et de soi-même. Favorisant la pensée, la réflexion, l'expérimentation créative, elle permet aux élèves de se considérer non seulement comme des acteurs mais aussi comme des citoyens.

Vous mettez en avant le lire et le compter, monsieur le ministre, fort bien ! Mais comment envisager à notre époque une école réellement efficace qui passerait à côté de l'éducation à l'image, pour ne citer que ce seul exemple ? L'image est aujourd'hui omniprésente. Nos concitoyens, dès leur plus jeune âge, passent de plus en plus de temps devant la télévision. Quant au cinéma, il est une des premières pratiques culturelles, en particulier chez les jeunes.

Dès lors, comment envisager un système éducatif qui n'apprendrait pas à décrypter les images ?

Si de nombreuses expériences d'éducation artistique existent, grâce, d'ailleurs, à l'action volontariste des collectivités locales ainsi qu'à l'opiniâtreté d'enseignants passionnés, il devient urgent que ces expériences d'exception - je pense en particulier aux classes à projet artistique et culturel, ou PAC -soient non plus l'exception mais deviennent la règle.

Il est vrai que les classes à PAC ne sont pas les seules susceptibles de faire évoluer la situation. Toutefois, ces classes permettent une liaison avec les artistes eux-mêmes, et donc avec la création artistique.

Le vrai problème, selon moi, tient à la généralisation de toutes les formes d'action possibles sur l'ensemble du territoire. Et la meilleure façon de dire, c'est de faire.

En effet, l'éducation artistique n'est ni accessoire ni un supplément d'âme, encore moins un luxe. Bien au contraire, elle est de première nécessité, et son interdisciplinarité constitue un formidable et puissant instrument de formation des esprits.

Face à la déferlante de sous-produits culturels, face au décervelage ambiant, contre l'appauvrissement culturel généralisé, l'éducation artistique stimule les capacités des élèves à créer du symbolique et à forger les valeurs du « vivre ensemble ».

Développer l'éducation artistique, c'est faire oeuvre de civilisation, surtout dans une période où « l'effondrement de la raison engendre des monstres », selon la belle expression de Georges Bernanos.

J'irai plus loin : il me paraît indispensable d'enseigner l'histoire de l'art tout au long de la scolarité. L'art n'a pas à être à part, ou optionnel, c'est une contribution trop nécessaire pour n'en écarter personne.

L'histoire de l'art du xxe siècle, avec le dadaïsme, le surréalisme, le cubisme, par exemple, n'éclaire-t-elle pas pour les lycéens l'histoire tout court d'un siècle terrible et tragique, et en même temps exaltant ?

Le non-partage de l'art et de la culture, c'est comme une bombe antipersonnel, cela provoque des mutilations terribles. Il est urgent d'éradiquer les inégalités face aux richesses de l'esprit, de l'émotion, de l'imaginaire. Chaque enfant doit avoir une piste d'envol, et la formation artistique est indispensable à la pleine réalisation des individus.

L'école ne remplit pas sa mission si elle ne permet pas à chaque élève de développer toutes ses potentialités et, en particulier, d'apprendre à apprendre.

C'est à l'épreuve du feu qu'on se brûle, c'est à l'épreuve de l'art qu'on en suscite le désir. De surcroît, l'art a ce pouvoir extraordinaire de stimuler le désir d'apprendre. N'est-ce pas là l'une des vocations premières de l'éducation nationale et la condition même de ses succès ?

Il serait dommage, monsieur le ministre, de ne se satisfaire que d'un kit de survie culturelle réservé de fait aux élèves en difficulté, et de renforcer ainsi les inégalités sociales et culturelles toujours à l'oeuvre dans l'école du xxie siècle.

L'éducation artistique permet à certains élèves en échec de rebondir, de reprendre confiance, et à tous de développer leur part d'humanité et d'humanisme.

La rencontre avec les artistes qui viennent appuyer l'action des maîtres et des professeurs est très pédagogique. Quand des artistes, qu'ils soient musiciens, acteurs, poètes ou plasticiens, rencontrent des élèves, il y a toujours un moment magique : celui où les enfants et les jeunes découvrent qu'il n'y a pas de talent sans une quantité gigantesque de travail.

Voilà plus de quarante ans, la maison de la culture de Bourges était inaugurée par le général de Gaulle, accompagné d'André Malraux. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Le lendemain, La Nouvelle République titrait sur toute la largeur de sa première page, citant le général de Gaulle : « La culture n'est pas qu'un refuge et une consolation, c'est la condition même de notre civilisation ».

Monsieur le ministre, à défaut d'être d'accord avec moi, je pense que vous serez d'accord avec André Malraux et le général de Gaulle !

M. François Fillon, ministre. Et avec Bernanos !

M. Ivan Renar. Cette citation est plus utile que jamais, à commencer pour l'éducation nationale.

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, permettez-moi d'émettre à nouveau le regret que, pour vouloir dynamiser la discussion budgétaire, nous aboutissions en fait à un débat tronqué, dans lequel nous n'avons pas la possibilité d'aborder l'ensemble des questions que soulève ce budget. Je vous rappelle, mes chers collègues, que notre groupe n'a disposé que de sept minutes lors des questions.

S'agissant du titre III, je reviendrai sur la situation des personnels, notamment des agents techniciens, ouvriers et de service, les TOS, qui sont préoccupés par leur très proche avenir puisqu'ils doivent, le 1er janvier prochain, changer d'employeur.

En effet, les agents TOS des lycées vont devenir des personnels régionaux, et ceux des collèges, des fonctionnaires départementaux.

Or, monsieur le ministre, vous avez vous-même déclaré devant l'Assemblée nationale qu'« il n'appartient pas au ministre de l'éducation nationale, pas plus qu'à une autre autorité de l'Etat, de demander aux collectivités territoriales de prendre un engagement solennel sur la préservation des missions de service public ».

Est-ce à dire que les personnels TOS ne sont pas assurés de poursuivre leur carrière au sein de l'éducation nationale ou des établissements publics locaux d'enseignement ?

Ce serait faire peu de cas du rôle au sein des établissements de ces agents, qui font partie intégrante de la communauté éducative. C'est pourquoi les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen demandent la suspension pure et simple du processus de décentralisation des personnels TOS et l'ouverture d'indispensables négociations entre l'Etat, les collectivités locales et les organisations syndicales représentatives de ces salariés afin de procéder à un réexamen de la situation de ces agents et de leur rôle dans la communauté éducative.

Par ailleurs, monsieur le ministre, adaptation et flexibilité s'imposent de plus en plus aux personnels de l'éducation nationale, selon la logique managériale de votre politique libérale qui vise à réduire l'école au rang de marchandise.

Ainsi, les chefs d'établissement deviennent des « managers », les enseignants des « techniciens de la pédagogie », et les personnels TOS sont décentralisés. Quant aux parents, ils ne sont plus que des « clients ». L'équipe éducative est chargée non plus d'une mission de service public, mais de la production et de la vente d'un service marchand. L'école n'a donc nul besoin de fonctionnaires ; elle nécessite simplement des « ressources humaines ».

C'est en tout cas la conviction de l'ensemble de la communauté éducative, conviction que je partage ! Les personnels ont d'ailleurs été nombreux, aujourd'hui, à la scander dans leur mouvement de grève.

Ce sentiment se trouve conforté par les propos tenus par le ministre de la fonction publique, qui affirme que les retraités de la fonction publique ne servent à rien et qu'ils pèsent lourdement sur les finances de l'Etat.

Ces propos augurent mal du contenu du futur projet de loi relatif à la fonction publique territoriale qui est en cours d'élaboration. Ce projet viserait à modifier principalement l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984. L'employeur public devrait désormais, au terme des CDD proposés par dérogation, présenter un CDI de droit privé et non plus une titularisation dans la fonction publique ! Encore un pas franchi vers la marchandisation de l'école !

Pour ce qui est de la précarité, ce gouvernement n'est pas en reste, s'armant sans cesse de nouveaux dispositifs pour permettre toujours et encore plus de flexibilité, au détriment de l'aspect humain. Et ce mouvement se fera aussi sentir dans l'éducation nationale, au détriment des élèves, vous le savez parfaitement, monsieur le ministre.

Cette absolue inhumanité comptable se traduit, à l'échelon national, par un vaste plan social dont le maître d'oeuvre n'est autre que l'Etat.

Lors de la dernière rentrée scolaire, des milliers de personnels non titulaires se sont retrouvés au chômage ou ont été sommés d'accepter des vacations. Il reste, aujourd'hui encore, 450 contractuels au chômage dans l'académie de Lille, et 178, contractuels ou vacataires, dans l'académie de Grenoble.

Cette situation a d'ailleurs mobilisé les personnels à travers de multiples initiatives. Aujourd'hui, ceux que l'on appelle les « précaires » étaient en tête de cortège pour dénoncer leur précarité.

Cette obsession de rentabilité et de diminution des coûts va non seulement creuser les inégalités, mais aussi sacrifier l'avenir. La précarisation et la prolétarisation du style de vie des enseignants en général, et celles des contractuels et vacataires en particulier, rendent la fonction moins attractive. Aussi, en raison de la croissance des effectifs scolaires dans l'enseignement primaire, de la succession des suppressions de postes que le Gouvernement a entrepris, du départ à la retraite de près de la moitié des enseignants dans les dix prochaines années et du déclin des conditions de travail de l'équipe éducative, nous devrons faire face à une pénurie d'enseignants. D'ailleurs, un récent rapport de l'OCDE a lancé une mise en garde contre ce phénomène.

M. le président. Veuillez conclure, madame David.

Mme Annie David. Malgré la légère augmentation des postes mis au concours cette année, nous serons confrontés, dans les prochaines années, à une véritable crise de recrutement des enseignants. Vous en supporterez l'entière responsabilité, monsieur le ministre!

Assurer le droit à l'éducation est une question de moralité et de justice, valeurs qui vous sont chères, je crois. Mais ce droit à l'éducation ne peut être satisfait si l'équipe éducative, pierre angulaire du système éducatif, est malmenée ! C'est pourquoi l'Etat doit assumer pleinement sa mission, au-delà des considérations financières.

Einstein affirmait ceci : « Tout ce qui peut se compter ne compte pas ; tout ce qui compte ne peut pas se compter ».

Aussi, monsieur le ministre, si l'éducation nationale compte tant à vos yeux, cessez de vouloir la réduire à une simple variable comptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.) )

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, vous nous avez beaucoup parlé, ce soir, du projet de loi d'orientation sur l'école qui est en préparation, à tel point que j'avais parfois l'impression que nous avions anticipé et que nous discutions déjà de ce projet de loi.

Pour ma part, sans crainte d'être hors sujet, je reviendrai sur le budget de votre ministère pour 2005, et j'expliquerai le vote de mon groupe sur l'ensemble des titres et des articles.

Monsieur le ministre, vous présentez un budget en régression. Le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles a eu la pudeur d'utiliser l'expression « progression maîtrisée ». Mais enfin, les faits sont têtus. En effet, le budget présente une augmentation de 1,9 % à structure courante, mais, si l'on prend en compte la prévision de l'inflation, qui est de 1,8 %, on constate que ce budget n'augmente pas.

Il ne comporte aucune mesure nouvelle. A titre de comparaison, laissez-moi le plaisir de rappeler que le dernier budget du gouvernement Jospin pour l'enseignement scolaire marquait une hausse de 4,11 % par rapport à celui de l'année précédente. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Certains souvenirs sont douloureux, je le sais !

La question des personnels a été au coeur de nos débats. Permettez-moi d'y revenir, mais pas sous l'angle comptable.

Une idée de bon sens, très répandue, est qu'il faut plus d'adultes dans les établissements scolaires. Nous entendons cela partout autour de nous.

Monsieur le ministre, les besoins en encadrement sont de plus en plus importants pour mieux lutter contre la violence scolaire, qui est en augmentation constante ; pour permettre le nécessaire apprentissage de la citoyenneté, de ce que certains appellent le « vivre ensemble » ; pour mieux personnaliser l'aide aux élèves, pour mieux prendre en charge les élèves en difficulté scolaire ou sociale ; pour favoriser les apprentissages indispensables, notamment pour les langues ou les nouvelles technologies ; pour mieux assurer une véritable assistance sanitaire et sociale.

Dans votre budget, l'encadrement adulte des élèves est en régression. Sont touchés, je le rappelle rapidement, le taux d'encadrement dans le premier degré, les postes dans le second degré, les postes de maîtres-auxiliaires et de professeurs contractuels, les emplois administratifs, les aides-éducateurs, le secteur médico-social, soit près de 30 000 adultes en moins depuis que le Gouvernement est en place. Or, vous n'avez de cesse de dire que vous voulez renforcer la présence des adultes dans les établissements scolaires, notamment pour lutter contre la violence.

En fait, on constate une fois encore la contradiction habituelle entre les paroles et les actes, mais surtout entre les besoins réels des établissements et votre budget. Rien ne s'améliorera dans l'école, vous le savez, monsieur le ministre, sans une présence renforcée des adultes.

En outre, malgré les effets d'annonce du Gouvernement qui affiche sa volonté de lutter contre les inégalités, on constate que la politique sociale en faveur des élèves marque le pas depuis plusieurs exercices.

En effet, les crédits destinés aux fonds sociaux des collèges et lycées, tout comme ceux des cantines, accusent une baisse constante : 13,54 millions d'euros entre 2001 et 2005. C'est d'autant plus grave que près du quart de ces fonds ne sont pas versés aux établissements par les rectorats.

Les crédits consacrés au financement des bourses des élèves des collèges et lycées sont également en chute libre depuis plusieurs exercices avec, pour la seule année 2005, une baisse de 5 millions d'euros.

Quant au plan en faveur des handicapés, dont on n'a pas beaucoup parlé ce soir,...

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Pourtant, on fait de bonnes choses !

M. Yannick Bodin. ... on reste loin du compte, notamment en ce qui concerne les postes d'auxiliaires de vie scolaire et assistant d'éducation : 800 créations prévues en 2005 alors que votre plan prévoyait la création de 6 000 postes. Vous affirmez que 5 200 auraient déjà été recrutés, mais il semble bien que ce chiffre soit largement surévalué.

En commission, monsieur le ministre, vous avez déclaré que vous présentiez un budget de « transition et d'impulsion », pour permettre la mise en oeuvre de la loi d'orientation que vous présenterez dans les mois qui viennent.

Vous affirmez avoir de grandes ambitions avec ce prochain projet de loi. On entend même circuler le coût de sa mise en oeuvre, évalué à 2 milliards d'euros, chiffre que vous avez vous-même évoqué, me semble-t-il. Au vu du budget pour 2005, nous sommes particulièrement inquiets.

Comment croire à des progrès demain, notamment à travers des mesures nouvelles - nous les avons évoquées, vous les avez mentionnées, et nous y reviendrons -, alors que le projet de budget que vous nous présentez ce soir marque un recul évident ? A moins que vous n'ayez décidé de faire triompher l'expression : « reculer aujourd'hui pour mieux sauter demain » !

Les socialistes ont d'autres ambitions pour l'école de la République, monsieur le ministre. C'est la raison pour laquelle ils voteront contre votre projet de budget.

Quant au projet de loi d'orientation, que vous avez largement commenté dès ce soir, nous vous disons : à bientôt, monsieur le ministre. Et puisqu'il semble qu'il faille terminer toute intervention par une citation, je proposerai de méditer cette répartie d'Abraham Lincoln - mes références vous surprendront peut-être ! - qui, lorsqu'on lui fit remarquer : « L'éducation coûte cher », répondit : « Essayez donc l'ignorance ! » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n° II-38, présenté par Mme Létard, est ainsi libellé :

Titre III : moins 10 004 981 €.

Augmenter cette réduction de : 370 000 €.

En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à : moins 10 374 981 €.

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Ayant déjà exposé dans ma question la situation des cent trente-deux médecins de santé scolaire recrutés par le concours interne spécial prévu à l'article 28 du décret du 27 novembre 1991, je n'y reviendrai que brièvement. Je trouve anormal que, contrairement à tous leurs collègues recrutés ultérieurement, ces médecins n'aient jamais pu obtenir la reprise d'une partie de l'ancienneté qu'ils ont acquise dans leurs fonctions de vacataires et durant leur stage interné.

Je l'ai rappelé, il semble que votre prédécesseur ait eu l'intention de remédier à cet état de fait mais que, pour finir, ce dossier n'ait pas été retenu dans les arbitrages de cette année. Mon amendement vise donc à affecter à ce rattrapage les 370 000 euros nécessaires, ce qui m'oblige, pour respecter les exigences de la discussion budgétaire, à proposer la suppression d'autres crédits.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances, qui n'a pas examiné cet amendement, est en général plutôt favorable aux diminutions de crédits : dans les conditions budgétaires que connaît notre pays, la perspective de maîtriser la dépense publique devrait donc la satisfaire.

En l'espèce, cependant, ce serait porter un jugement sur la gestion d'un dossier qu'elle ne connaît pas. En effet, le décret n° 91-1195 du 27 novembre 1991 ne nous est pas familier. Il faudrait reconstituer ce qu'il signifiait dans le contexte d'il y a treize ans maintenant. A titre personnel, je ne m'en sens pas la compétence, et la commission n'a pas été sollicitée sur ce point.

Je souhaite donc entendre l'avis du Gouvernement pour former mon jugement. (Sourires.)

M. Ivan Renar. « Essayez donc le Gouvernement ! » (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. J'ai indiqué tout à l'heure à Mme Létard les raisons qui expliquaient les modalités d'application du décret de 1991. Je lui ai également rappelé que je comprenais son émotion au sujet de ce qu'elle considère comme une injustice et que je m'engageais à l'examiner dans les prochaines semaines avec mes collègues chargés de la fonction publique et du budget ; ce sont là, en effet, des questions qui ont forcément des conséquences au-delà de mon strict département ministériel.

Compte tenu de l'engagement que je viens de prendre, compte tenu aussi du fait que sa proposition aurait pour résultat de réduire une partie des crédits de l'éducation nationale, je souhaite que Mme Létard retire cet amendement.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission se rallie à l'avis du Gouvernement.

M. le président. Madame Létard, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Valérie Létard. C'est bien sûr un amendement d'appel que j'avais déposé afin de vous permettre, monsieur le ministre, d'apporter une réponse rassurante à cette question.

Vous vous engagez à régler définitivement cette situation dans les plus brefs délais. Ce sera répondre à une nécessité logique, car il n'y a aucune raison que les membres de cette profession se voient traités de deux manières différentes.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-38 est retiré.

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre IV : 8 712 874 €.

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, sur les crédits.

M. Robert Laufoaulu. Le titre IV, relatif aux interventions publiques, me donne l'occasion d'appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la question de l'enseignement sur le Territoire de Wallis-et-Futuna.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de l'effort qu'a consenti le Gouvernement en faveur du lycée de Wallis, dont l'état de dégradation est vraiment indigne de notre pays. J'espère que les sommes annoncées seront débloquées rapidement - peut-être pourrez-vous me donner des précisions sur ce point -, car cette dotation est attendue de façon urgente pour que la première tranche de travaux puisse démarrer dès le début des grandes vacances, à la fin du mois de décembre.

Il faut cependant savoir que ces crédits ne permettront de réaliser que les réparations les plus pressées et que la remise en état du lycée, comme d'ailleurs des différents bâtiments scolaires, nécessitera d'autres subventions. Nous espérons les voir arriver prochainement, puisque l'Etat en avait pris l'engagement dans la convention de développement qu'il a signée avec la Territoire.

Je tiens également à vous remercier, monsieur le ministre, de l'accroissement du nombre de bourses attribuées par votre département ministériel à des étudiants originaires de Wallis-et-Futuna. Néanmoins, compte tenu de l'attitude de certains centres régionaux des oeuvres universitaires et sociales, ou CROUS, quelques cas ont été difficiles à régler. Peut-être conviendrait-il d'adresser à tous les CROUS une circulaire afin d'éviter des interprétations divergentes, et parfois défavorables, de la réglementation.

J'en viens maintenant au problème qui est au coeur de nos préoccupations actuelles. Les îles Wallis et Futuna connaissent depuis trois mois des débats, parfois virulents, suscités par la mise en place d'une réforme du régime des bourses territoriales accordées aux élèves et aux étudiants qui, en raison de l'insuffisance des filières de formation secondaire ouvertes sur place et, bien entendu, de l'absence de toute filière d'enseignement supérieur, sont obligés de quitter le territoire pour poursuivre leurs études.

Un mouvement de mécontentement a ainsi vu le jour, créant des tensions au sein de la population et allant jusqu'à entraîner la fermeture de certaines écoles. L'Assemblée territoriale a été le théâtre de manifestations qui auraient pu déboucher sur des actes de violence et sur des dégradations diverses.

Les manifestants demandaient en particulier la suspension de la réforme des bourses, en attendant qu'une saisine du Conseil d'Etat par le Gouvernement permette que soit précisée la répartition des compétences entre l'Etat et la collectivité en matière d'enseignement, répartition prévue à l'article 7 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant à Wallis-et-Futuna le statut de territoire d'outre-mer. Cet article indique en effet que la République assure la charge des dépenses de fonctionnement et d'équipement des services, dont ceux de l'enseignement.

Une deuxième délibération de l'Assemblée territoriale - la première a été votée l'an dernier - a ainsi été adoptée au mois d'octobre dernier, tendant à demander au ministère de l'outre-mer la saisine du Conseil d'Etat afin que celui-ci clarifie les responsabilités de chacun pour ce qui concerne aussi bien la scolarisation sur le territoire que les conséquences de l'obligation d'orienter les élèves vers la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française ou la métropole, en raison de l'inexistence sur le territoire des structures et des formations souhaitées. La question de la prise en charge des bourses est bien sûr sous-jacente à cette demande de clarification.

Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'apporter quelques éléments de réponse à cette question, qui fait débat à Wallis-et-Futuna, avec l'espoir qu'un dialogue approfondi puisse s'engager avec votre ministère. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, la question de l'enseignement à Wallis-et-Futuna, vous l'avez souligné, mérite une attention toute particulière, car c'est la clef du développement du territoire.

Je vous confirme que les travaux viennent de commencer au lycée de Wallis. Ils ne représentent, en effet, qu'une première phase de la nécessaire remise à niveau de cet établissement, et l'effort sera poursuivi jusqu'à la rénovation intégrale.

L'offre de formation à Wallis-et-Futuna ne peut et ne pourra à l'avenir, bien évidemment, concerner l'ensemble des filières. Cette situation contraint de nombreux jeunes du territoire à se rendre en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou en métropole, ce qui conduit à s'interroger sur les accompagnements proposés en termes de bourses.

Il nous faut donc agir à la fois sur l'offre de formation, par l'augmentation du nombre de filières ouvertes, mais aussi sur les moyens d'aider les jeunes de Wallis-et-Futuna à aller poursuivre leurs études en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou en métropole.

Ces questions, comme la nécessité de redéfinir les termes de la convention qui lie l'Etat à la direction de l'enseignement catholique pour l'enseignement primaire, sont autant de sujets que nous devons aborder dans la concertation.

Vous avez évoqué la possible saisine du Conseil d'Etat sur la répartition des compétences entre la collectivité et l'Etat : cette saisine apporterait peut-être un éclairage juridique sur cet aspect des choses, mais ne donnerait pas pour autant les moyens de l'action.

Aussi, monsieur le sénateur, je vous propose une démarche plus constructive. Je suis prêt à organiser à Paris, dès le début de l'année 2005, en collaboration avec le ministère de l'outre-mer, une réunion de concertation avec les principaux acteurs représentatifs du monde éducatif de Wallis-et-Futuna. Ainsi, il nous sera possible de remettre à plat l'ensemble du dossier et d'étudier avec vous toutes les solutions qui pourraient permettre que le service public de l'éducation nationale soit à la hauteur des attentes de votre territoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Education nationale, enseignement supérieur et recherche - II. - Enseignement supérieur

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État C

Titre V. - Autorisations de programme : 58 040 000 € ;

Crédits de paiement : 8 701 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre VI. - Autorisations de programme : 16 604 000 € ;

Crédits de paiement : 5 729 000  €.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement scolaire.

II. - Enseignement supérieur

Etat C - Titres V et VI
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Le Sénat va maintenant examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche : II. - Enseignement supérieur.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits demandés pour le budget de l'enseignement supérieur atteignent plus de 9 milliards d'euros en 2005, soit une progression de 3,1 % à structure constante.

Je dois rappeler que ces crédits ne représentent qu'environ la moitié des dépenses publiques en faveur de l'enseignement supérieur. En effet, douze autres ministères et, bien sûr, les collectivités locales participent au financement de l'enseignement supérieur.

Cela me conduit à évoquer la mise en oeuvre de la LOLF et la création de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».

A cet égard, monsieur le ministre, je me réjouis du dialogue constructif engagé entre mon prédécesseur, M. Jean-Philippe Lachenaud, et vos services à propos des objectifs et des indicateurs envisagés pour les deux programmes qui concernent ce budget, les programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante ».

Je souhaite que ce dialogue se poursuive, car certains des indicateurs et des objectifs ne sont pas encore tout à fait satisfaisants. En particulier, je souhaite qu'ils permettent de mieux apprécier le parcours des étudiants en tenant compte du taux de réorientation, du taux de redoublement, de l'adéquation entre la formation et l'emploi, etc.

En outre, s'agissant de l'architecture de cette nouvelle mission, je regrette que les écoles d'ingénieurs dépendant de plusieurs ministères ne soient pas intégrées à la mission, dans laquelle on retrouve pourtant la recherche qui s'effectue dans ces écoles !

Par exemple, le laboratoire des ponts et chaussées relèvera de la mission interministérielle, mais non l'Ecole nationale des ponts et chaussées elle-même. C'est quelque peu regrettable, et je pense que vous en conviendrez.

J'en viens maintenant au budget de l'enseignement supérieur à proprement parler.

Au préalable, je rappellerai que l'enseignement supérieur était devenu le « parent pauvre » de l'éducation nationale au cours de ces dernières décennies. Ainsi, entre 1975 et 2003, la dépense moyenne par étudiant de l'enseignement supérieur a augmenté de 25 % en euros constants, alors que, dans le même temps, la dépense moyenne par élève de l'enseignement scolaire, tous niveaux confondus, a augmenté de 82 % en euros constants. Cette évolution a placé la France dans une position singulière, puisque la dépense par élève de l'enseignement secondaire est nettement supérieure à la moyenne des pays de l'OCDE, tandis que la dépense par étudiant est sensiblement inférieure.

Quant aux performances, le dernier rapport annuel de l'OCDE sur l'éducation met en évidence le fait que la France figure parmi les pays développés où le taux d'échec des étudiants des filières générales est le plus élevé. Or l'amélioration qualitative de notre enseignement supérieur est indispensable pour que notre pays s'adapte à « l'économie de la connaissance ».

Compte tenu de ces observations, je constate avec plaisir que le projet de loi de finances pour 2005 comporte, pour la seconde année consécutive, un effort de redéploiement des moyens de l'éducation nationale en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche universitaire. Cet effort se traduit notamment non seulement par la création de 1 000 postes d'enseignants-chercheurs, destinés prioritairement à renforcer les activités de recherche, mais aussi par le redressement des crédits d'investissements.

Malgré cela, comme vous le savez tous, mes chers collègues, le bilan de la réalisation des contrats de plan Etat-région n'en demeure pas moins décevant. En effet, les crédits de paiement qui auront été engagés d'ici à la fin de 2005 ne correspondent qu'à 30 % des engagements de l'Etat pour la période 2000-2006. On est donc loin de l'achèvement effectif des opérations contractualisées ! Ce retard représente une « dette » potentielle pour l'Etat de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.

Cette question de l'investissement me conduit à souligner la situation préoccupante du logement étudiant, que je n'hésite pas à qualifier de « point noir » de l'enseignement supérieur.

Le parc actuel des résidences universitaires est aussi obsolète qu'insuffisant. En effet, on compte aujourd'hui autant de places que dans les années soixante-dix, alors que le nombre d'étudiants a plus que doublé. Les difficultés de logement ont évidemment été accrues par l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers et par la flambée des prix de l'immobilier.

Le 18 mars dernier, le Gouvernement a annoncé des objectifs très ambitieux : 7 000 rénovations de chambres par an pendant dix ans et 50 000 constructions en dix ans ; je me félicite de ce volontarisme. Toutefois, monsieur le ministre, je me demande si cet objectif de 7 000 rénovations par an est réaliste.

Je m'interroge en particulier sur les capacités techniques des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, les CROUS à conduire des chantiers immobiliers d'une certaine ampleur ; ce n'est en effet pas leur métier ! Monsieur le ministre, je souhaite que vous réalisiez des expériences, afin de savoir s'il ne serait pas plus efficace, d'une part, de confier la construction et la rénovation des bâtiments à des organismes dont c'est le métier - éventuellement les HLM - et, d'autre part, de mobiliser des techniques de financement modernes, comme le « lease-back », qui est régulièrement utilisé par les entreprises désirant se recentrer sur leur coeur de métier.

La France est engagée dans une bataille planétaire en matière à la fois de recherche, d'innovation et de transfert de technologie. Cet ensemble de domaines jouera un rôle majeur. Jusqu'à présent, pour nos entreprises, tout se jouait sur le coût de la main-d'oeuvre, terrain sur lequel nous n'avons aucune chance de gagner. Il reste l'innovation dans les process, les produits, les matériaux et les services, domaines dans lesquels tous les autres pays se sont fortement engagés.

Compte tenu des problèmes budgétaires que nous connaissons, il serait souhaitable, à l'avenir, que les redéploiements budgétaires aillent à l'essentiel.

En attendant, vous avez une possibilité, monsieur le ministre : remettre le patrimoine de 150 000 logements étudiants à des professionnels, leur laisser le soin de manager les opérations de reconstruction et de réaménagement, afin d'être, avec les mêmes fonds, beaucoup plus efficaces et d'utiliser les sommes annuellement engagées à l'heure actuelle dans ce domaine pour vous recentrer sur votre coeur de métier. C'est le signal extrêmement fort que vous pourriez donner. Tel est, monsieur le ministre, le message que je souhaitais vous faire passer.

Quoi qu'il en soit, au-delà du logement, c'est sans doute l'ensemble de l'organisation et de la gestion des établissements d'enseignement supérieur qui a besoin d'une rénovation.

En effet, notre enseignement supérieur est à mi-gué entre gestion centralisée et autonomie des établissements. De nombreux rapports ont mis en évidence l'absence de gestion prévisionnelle des ressources humaines, l'opacité des procédures de recrutement, l'insuffisance du contrôle budgétaire des établissements, des pratiques comptables peu satisfaisantes, la méconnaissance du patrimoine immobilier, les carences de leur maintenance ainsi que les dérives de l'offre d'enseignement, etc.

A cet égard, le Gouvernement a décidé de procéder à une réforme progressive. Pour l'heure, le projet de loi de modernisation des universités est reporté sine die. Mais, le choix n'est pas pour autant celui de l'inaction.

Je me félicite de l'engagement du ministère de réformer d'ici à la fin de 2005 les modalités de répartition des emplois et des crédits de fonctionnement. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous précisiez les objectifs de cette réforme.

En outre, le « LMD » - licence - master - doctorat - et la LOLF constituent deux leviers majeurs de réforme « silencieuse ».

Le LMD est aujourd'hui un succès. En effet, près des trois quarts des universités ont déjà adopté, ou seraient sur le point d'adopter, ce dispositif, qui favorise le décloisonnement des filières, la diversification des parcours individuels, la rationalisation de leur offre de formation, et qui peut être le point de départ d'un dialogue avec les grandes écoles et stimuler la constitution de pôles de compétences de taille critique.

De même, la LOLF peut encourager l'autonomie et la responsabilisation des établissements et, en contrepartie, la diffusion d'une culture de l'évaluation.

Ce choix d'une modernisation progressive me paraît adapté dans la mesure où il permet aux différents acteurs de participer aux changements et non pas seulement de les subir.

Cela étant, on peut se demander si cette méthode ne risque pas d'achopper sur la « mal-administration » des universités. En effet, si le LMD et la LOLF sont susceptibles de favoriser une plus grande cohérence au sein des universités, ils n'en requièrent pas moins une amélioration de leur gouvernance.

Je crois donc nécessaire de réviser rapidement les modes de désignation et les prérogatives des présidents d'université, comme de leur conseil d'administration. L'organisation des universités de technologie pourrait, je crois, être un exemple à suivre.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à me réjouir de la hausse de 3,02 % du budget de l'enseignement supérieur pour 2005. Si je voulais être provocateur, je parlerai de « hausse comptable », qualificatif qui est souvent utilisé avec mépris. Or il me semble qu'une bonne vision comptable est quelquefois supérieure à une faible vision minable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Ivan Renar. C'est le socle du rapport !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous examinons le budget, monsieur le rapporteur pour avis !

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis. Ce budget correspond, je crois, à une prise de conscience, très largement partagée désormais, du sous-financement criant du secteur de l'enseignement supérieur par rapport au secteur de l'enseignement secondaire et aux systèmes étrangers. Cette priorité devra, bien entendu, s'inscrire dans le long terme.

Cette augmentation des crédits concerne à la fois les moyens des services, avec des créations d'emplois, le fonctionnement des établissements et l'accompagnement social des étudiants. Ce dernier fait l'objet d'avancées significatives, et je tiens à saluer, monsieur le ministre, l'esprit de dialogue constructif que vous avez su développer avec les organisations étudiantes.

Ce « chantier » n'est toutefois pas achevé ; je sais que vous poursuivez la concertation avec ces organisations, qui plaident pour une réforme profonde du système d'aides sociales, auquel elles reprochent, me semble-t-il à juste titre, d'ignorer les jeunes issus des classes intermédiaires. Ces étudiants, qui ne peuvent bénéficier ni des bourses sur critères sociaux ni de l'impact du quotient familial, sont donc bien souvent contraints d'exercer une activité rémunérée pendant leurs études.

Je précise néanmoins que je ne suis pas favorable à l'instauration d'un « revenu minimum étudiant », qui n'aurait, par définition, aucun effet « redistributif », feindrait d'ignorer la diversité des situations familiales et financières, et dont le coût serait disproportionné. D'autres pistes doivent être creusées ; le système comporte des marges d'amélioration. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, l'état d'avancement de cette concertation ?

Je relève par ailleurs avec satisfaction les progrès très importants qui ont été réalisés dans un certain nombre de domaines. Je pense en particulier au plan ambitieux qui a été lancé par le Gouvernement en faveur du logement étudiant et qui prévoit, en dix ans, la rénovation de 70 000 chambres et la construction de 50 000 autres. Cette programmation devra être impérativement respectée ; il y va, là encore, de l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur.

En effet, il me semble nécessaire d'entreprendre une réorientation de nos stratégies de promotion en matière de mobilité internationale des étudiants. Or nous ne pourrons attirer ces derniers que si nous les accueillons correctement et si nous leur permettons d'accéder dans de bonnes conditions à un logement décent.

Le système LMD concerne désormais 75 % des universités, et sa mise en oeuvre s'avère satisfaisante, sous réserve d'une certaine hétérogénéité des dénominations des offres de formation. Toutefois, je m'interroge sur le positionnement des formations à bac+2 et bac+4, et j'espère pouvoir être rassuré sur les modalités d'intégration dans le système des formations dispensées par les écoles consulaires.

Notre système d'enseignement supérieur est confronté au double défi de la démocratisation et de la mondialisation.

S'agissant de la démocratisation, la réussite sur le plan quantitatif me semble cependant entachée par le drame du taux d'échec au DEUG, qui met gravement en cause notre système d'orientation. Par conséquent, je me réjouis de la décision du Gouvernement de faire de l'orientation des nouveaux bacheliers une priorité, et des mesures prises dans ce sens. Je crois néanmoins que celles-ci devraient être renforcées par une amélioration du dispositif d'orientation dans les lycées, afin de mieux prendre en compte les aptitudes des jeunes concernés, la réalité des offres de formation et celle des débouchés professionnels. En outre, il me semble indispensable que les établissements d'enseignement supérieur publient des statistiques précises concernant l'employabilité par diplôme. Je propose, par ailleurs, que soit étudiée l'idée d'un entretien individuel au moment du passage au cursus étudiant et que soient multipliées les relations entre lycéens, étudiants et monde du travail. Peut-on espérer, monsieur le ministre, que la future loi sur l'école nous permette de sortir de cette ornière ?

S'agissant du défi de la mondialisation, je crois que, à l'instar de nombre de nos partenaires étrangers, il nous faut renforcer l'autonomie de nos établissements avec une globalisation du budget, la dévolution du patrimoine immobilier, une gestion plus décentralisée des ressources humaines. Il nous faut aussi avancer sur les questions liées à la gouvernance et à la réforme de l'évaluation.

Nous espérons que le futur projet de loi sur la recherche sera l'occasion de franchir quelques pas dans ces directions. Je défends tout particulièrement l'idée de l'expérimentation, les projets de création de pôles d'excellence et, comme ceux-ci seront nécessairement en nombre limité, le développement de véritables projets de sites sur l'ensemble du territoire.

Je crois par ailleurs vital, dans le contexte d'une concurrence internationale croissante, que la coopération non seulement entre les universités mais aussi entre les universités et les grandes écoles soit renforcée dans le sens d'une mutualisation des moyens et des ressources.

Enfin, on ne pourra longtemps faire l'économie d'une vraie réflexion sur les moyens du financement de notre système d'enseignement supérieur sur le long terme. Toutes les pistes devront être étudiées sans tabou ni préjugé.

Compte tenu des priorités et des mesures positives engagées par M. le ministre, je vous indique, mes chers collègues, que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption du budget de l'enseignement supérieur pour 2005. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 27 minutes ;

Groupe socialiste, 22 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 8 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.

Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

M. Ivan Renar. Comment fait-on lorsqu'on ne dispose que de cinq minutes de temps de parole ? (Sourires.)

M. le président. Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviens quelque peu à contre-courant.

En effet, je n'aborderai ni l'adaptation de notre enseignement supérieur aux exigences du XXIe siècle, ni l'accompagnement universitaire des pôles de compétitivités de demain, ni, encore, l'indispensable effort à réaliser dans le domaine de la recherche, condition de la compétitivité de notre économie et de la pérennité de nos entreprises.

En réalité, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur une « vieille dame », qui vient de fêter ses deux cents ans, et qui aimerait que cet anniversaire puisse être suivi par beaucoup d'autres : je veux parler de la capacité en droit.

Voilà, certes, une formation assez étrangère à la mise en oeuvre du système LMD, et dont l'utilité pour l'accès à l'enseignement supérieur ne peut que diminuer avec la réussite d'une part sans cesse croissante d'une classe d'âge aux épreuves du baccalauréat.

Ce n'est pourtant pas par nostalgie que je souhaite défendre la pérennité de la capacité en droit, mais c'est tout simplement parce que cette formation est originale, qu'elle répond à une demande spécifique et qu'elle obtient des résultats exemplaires. Par conséquent, son grand âge ne peut suffire à la condamner.

Il s'agit d'abord d'une formation de la deuxième chance, offrant la possibilité à des jeunes, ou à des moins jeunes, qui, pour de multiples raisons, ont interrompu très tôt leur cursus scolaire, de le reprendre tout en exerçant, éventuellement, une activité professionnelle, et de rejoindre ainsi les filières traditionnelles d'enseignement supérieur, avant d'entamer des carrières juridiques ou judiciaires qui leur auraient été interdites sans une telle opportunité.

Il s'agit, en outre, d'une formation accueillante pour des adultes qui, même bacheliers, peuvent redouter l'assimilation à des étudiants beaucoup plus jeunes et aux préoccupations assez éloignées des leurs.

Il s'agit, enfin, d'une forme assez unique de formation continue « citoyenne », sorte d'instruction civique pour des adultes volontaires, au point que la réussite à l'examen ne constitue pas, loin s'en faut, la seule mesure de son utilité.

Si je profite ainsi de l'opportunité de ce projet de loi de finances pour m'exprimer sur le sujet, monsieur le ministre, c'est que la capacité en droit est en train de disparaître pour des raisons financières.

De nombreuses universités ont déjà mis fin à cet enseignement, et celles qui résistent encore les imiteront peu à peu si rien n'est fait.

La capacité en droit disparaîtra, victime de la norme SANREMO, ou système analytique de répartition des moyens, qui attribue aux universités un forfait correspondant au nombre d'heures possibles d'enseignement par étudiants.

Or, par rapport au cursus d'un étudiant de licence, celui d'un étudiant de capacité requiert des moyens financiers dix fois inférieurs.

Dans ces conditions, la capacité n'est pas rentable pour les universités puisqu'elle cumule le double handicap d'effectifs limités et de normes spécifiques pénalisantes.

Mon ambition, ce soir, monsieur le ministre, était simplement d'attirer votre attention sur une filière, qui est jusqu'ici bien peu médiatisée alors qu'elle ouvre l'université sur un public spécifique et tout particulièrement motivé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, j'ai découvert avec un sentiment partagé, empreint de satisfactions et d'interrogations, les crédits de l'enseignement supérieur inscrits au projet de loi de finances pour 2005.

Je suis tout d'abord satisfaite de la progression de 3,13 % de ce budget, à structure constante. Cette évolution s'inscrit dans la dynamique connue les années précédentes, confirmant ainsi l'enseignement supérieur comme une priorité gouvernementale.

Pour autant, cette embellie budgétaire ne peut dissimuler les nombreuses carences de l'enseignement supérieur français, confronté à une absence historique de moyens.

Je suis ensuite satisfaite de la création de plus d'un millier d'emplois, répartis comme suit : 700 enseignants chercheurs, 150 attachés temporaires d'enseignement et de recherche, 150 ingénieurs d'études et, pour la rentrée universitaire de 2005, 150 maîtres de conférence.

Si je me félicite de l'ouverture de 750 postes supplémentaires pour les personnels non enseignants, je ne peux pas, pour autant, passer sous silence la faiblesse chronique du taux d'encadrement.

Or, avec la réforme licence-mastère-doctorat, qui vise à une meilleure intégration de nos diplômes dans le système européen, les besoins humains s'avèrent encore plus importants pour favoriser un meilleur accompagnement des étudiants.

Je suis également satisfaite de la récente mise en oeuvre d'un programme de dotation individuelle en équipements informatiques.

Toutefois, aussi louable soit-elle, cette réponse ne doit pas constituer un leurre. En effet, l'ouverture des étudiants au monde et à notre société nécessite aussi des mesures structurelles, comme l'accroissement du volume horaire d'ouverture des bibliothèques, la démocratisation des programmes d'échanges ou la mise en oeuvre de stages vraiment formateurs.

Je suis aussi satisfaite des efforts financiers consentis pour l'accompagnement social des étudiants. La revalorisation des bourses et des plafonds d'attribution, la création de trois cents bourses de mérite supplémentaires, la rénovation des prêts d'honneur, la fusion de fonds en une allocation unique d'aide d'urgence constituent de véritables avancées.

Pour autant, le système existant est encore facteur d'iniquité. De ce fait, comme le révèle notre collègue Jean-Léonce Dupont dans son excellent rapport, ...

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

Mme Françoise Férat. ... 50 % des étudiants sont actuellement salariés.

Totalement défavorable à l'institution d'un « revenu minimum étudiant », je souhaite que vous poursuiviez, monsieur le ministre, la concertation sur la problématique de l'aide sociale. Les organismes représentant la communauté estudiantine souhaitent une véritable réforme, une réforme juste pour tous, qui réponde à l'actuelle exclusion des enfants issus des classes moyennes.

A ce stade de mon intervention, permettez-moi de contribuer à cette réflexion en vous donnant un exemple concret : la région Champagne-Ardenne a mis en place, depuis de nombreuses années, un système de prêt étudiant plafonné, dont elle rembourse les intérêts pendant les dix-huit premiers mois, en laissant à l'ancien étudiant ou à la famille le soin de rembourser le capital sur les trente-six mois suivants. Ne pourriez-vous pas vous inspirer de ce dispositif, qui a largement fait ses preuves ?

Je suis en outre satisfaite de voir les lignes des contrats de plan 2000-2006 consommées à un rythme soutenu, ce qui s'avère indispensable à la modernisation de nos universités.

Cependant, à l'instar des points précédemment évoqués, le retard est tel que nous devons d'ores et déjà songer à la poursuite de ce plan sur le même rythme et à l'activation d'un nouveau plan.

En Champagne-Ardenne, comme partout ailleurs, les opérations à mener sont lourdes et nécessitent un phasage pluriannuel. Ainsi, après avoir réalisé la réhabilitation de la faculté de médecine et l'extension de la faculté de droit, les collectivités locales, réunies autour d'une même ambition, au-delà des clivages partisans, s'engagent désormais dans la restructuration et l'aménagement des locaux de l'UFR de lettres. Force est de constater que, sans l'action des collectivités, ces bâtiments seraient dans un état déplorable.

Je suis enfin satisfaite de découvrir que le colossal chantier du logement étudiant est désormais lancé. Sur ce point, je tiens à saluer la prise de conscience et le sens des responsabilités du gouvernement, qui prévoit, en dix ans, la rénovation de 70 000 chambres et la construction de 50 000 autres.

J'espère seulement que les lois de finances à venir et la capacité contributive des collectivités territoriales permettront d'engager ces travaux dans les meilleurs délais.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, ce budget m'a apporté des satisfactions, mais il a également suscité nombre d'interrogations. Je souhaite donc, en mon nom personnel et au nom du groupe de l'Union centriste, que vous profitiez des mois à venir pour transformer ces questionnements en autant de certitudes. En effet, s'il est une certitude, c'est la part essentielle de l'enseignement supérieur dans la compétitivité, l'ingéniosité et la vitalité de notre pays. Il nous faut donc nous donner les moyens de notre ambition collective pour l'enseignement supérieur français.

C'est sur cette note pleine d'espoir que le groupe de l'Union centriste vous apportera son soutien et votera ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, en préambule, reprendre l'avis émis, en octobre 2003, par le Haut conseil de l'évaluation de l'école : « On peut même estimer que notre pays consacre à ses étudiants de premier cycle universitaire à peu près la moitié de ce qu'il consacre à un collégien et le tiers, au plus, de ce qu'il consacre à un élève de classe préparatoire. Un tel déséquilibre est bien sûr choquant mais surtout révélateur de l'ambition que nous avons pour notre université ».

Il faut malheureusement constater que le budget de l'enseignement supérieur pour l'année 2005 ne permettra pas d'infirmer ce constat.

Tandis que le rôle central des universités au sein du dispositif de recherche national a été réaffirmé avec force lors des assises nationales des états généraux de la recherche, il apparaît que les universités ne connaîtront, au cours de l'année 2005, qu'un simple rattrapage de leurs dotations, les crédits inscrits dans le contrat quadriennal n'ayant jusqu'alors pas été versés dans leur totalité.

Au mieux, le présent budget ne devrait permettre qu'une simple stabilisation des moyens de l'enseignement supérieur, compte tenu à la fois de l'inflation et de l'augmentation des effectifs étudiants.

La mise en place actuelle du dispositif LMD aurait pourtant nécessité un investissement massif de la part de l'Etat pour s'affirmer encore davantage. La refonte des cursus universitaires ne peut, en effet, se réaliser à moindres frais.

Au passage, je souhaite évoquer la situation extrêmement inquiétante d'une part croissante de la population estudiantine. Selon le CROUS, 80 000 étudiants ont fait une demande d'aide exceptionnelle l'an dernier, 22 000 seraient dans une situation de pauvreté grave et durable, et 107 000 dans une situation précaire.

Aussi ne faut-il pas s'étonner des taux d'échec enregistrés dans l'enseignement supérieur, lorsque les étudiants sont, pour la plupart, contraints de chercher des « petits boulots » pour financer leur scolarité.

Face à cette urgence, il importe de mettre en oeuvre un véritable plan social étudiant, prenant en compte l'ensemble des problèmes auxquels sont confrontés nos jeunes concitoyens, qu'il s'agisse de l'accès au système de soins, du prix du ticket-restaurant, du droit au logement, des bourses et allocations de recherche ou du mode de financement des études.

Parallèlement, l'Etat se doit d'engager une véritable politique de l'emploi universitaire. Sur ce plan, le budget pour 2005 n'est pas non plus satisfaisant. La création de 150 postes de maîtres de conférence à la rentrée prochaine demeure très largement insuffisante au regard des besoins réels des universités.

Certes, monsieur le ministre, votre projet mentionne l'ouverture au concours 2005 de 700 postes d'enseignants-chercheurs, la consolidation des 150 recrutements d'ATER, les attachés temporaires d'enseignement et de recherche, et des 150 emplois d'ingénieurs d'études engagés à la rentrée de 2004.

Mais je rappelle qu'il ne s'agit pas de mesures nouvelles, ces emplois relevant des 1 000 emplois « recherche » qui ont été obtenus au printemps dernier grâce à la lutte des chercheurs. De plus, de telles mesures ne permettent pas d'anticiper les nombreux départs à la retraite programmés dans les prochaines années.

Susciter les vocations scientifiques nécessite de créer de nouvelles perspectives d'emplois et de rendre l'enseignement supérieur plus attractif. En ce sens, il est plus qu'urgent de définir un plan pluriannuel des postes à créer et de revoir, entre autres, le statut de l'enseignant-chercheur.

Nous reviendrons naturellement sur ces dispositions pour les faire figurer dans le futur projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche et de l'enseignement supérieur, dont nous discuterons dans quelques mois.

Il est en effet grand temps de mettre un terme à la désaffection, à l'égard des filières scientifiques, des jeunes, et plus particulièrement des femmes, lesquelles peinent à accéder aux postes de chercheurs et d'enseignants-chercheurs à l'université.

Alors qu'elles sont très largement représentées dans les troisièmes cycles de l'enseignement supérieur, les femmes n'occupent, toutes disciplines confondues, que 41 % des postes de maîtres de conférences et à peine un quart des postes de professeurs.

La situation est plus préoccupante encore dans les sciences dites « dures », où l'on compte une très faible proportion de femmes parmi les effectifs d'enseignants-chercheurs.

A cet égard, au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, nous travaillons depuis juin dernier pour appréhender les problèmes de la recherche. Les femmes chercheuses et les universitaires se sont organisées pour faire état de leurs revendications, qui me semblent d'ailleurs justifiées. Dans ce domaine, nous ne courons assurément pas le risque de passer au matriarcat à la fin du XXIe siècle !

Dès lors, le Gouvernement serait bien avisé de donner suite aux propositions suivantes des chargées de mission à l'égalité entre les femmes et les hommes dans les universités et les établissements d'enseignement supérieur : exigence de parité sur les listes présentées aux élections du CNU, le Conseil national des universités, du CNRS, des commissions de spécialistes et des différents conseils dans les universités ; établissement d'un rapport annuel sur la situation de l'égalité entre les femmes et les hommes ; sensibilisation des enseignants aux problématiques de l'égalité et de la mixité.

Par ailleurs, sur un tout autre plan, on regrettera l'absence de création de postes IATOS, les personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service. Les présidents d'université avaient pourtant déjà fait état des besoins de leurs établissements en « emplois environnés », la création d'un emploi d'enseignant-chercheur ne trouvant toute son efficacité que si elle s'accompagne de celle de personnels administratifs et techniques.

Or cette recommandation de la conférence des présidents d'université, la CPU, est, cette année encore, restée lettre morte.

Avant de conclure, je rappellerai que la démocratisation de l'enseignement supérieur demeure, toujours, un défi à relever.

En effet, si l'université est devenue une institution de masse, il n'en reste pas moins que le nombre d'étudiants en situation d'échec progresse sensiblement. Il faut, en outre, souligner que ce sont surtout des jeunes issus de milieux défavorisés qui abandonnent leurs études universitaires. On ne saurait demeurer passif face à cette situation.

Aussi faut-il que l'Etat s'engage dans une double politique d'éradication des sorties non ou peu qualifiées et d'élargissement de l'accès aux qualifications les plus élevées.

Une telle démarche implique de moderniser notre système éducatif dans son ensemble, de l'école à l'université, en lui attribuant les moyens nécessaires pour mener ses missions à bien. Vouloir réduire l'engagement de l'Etat dans ce domaine risque de gravement compromettre l'avenir de notre pays.

Pour reprendre le constat établi par MM. Romano Prodi et Wim Kok, « il reste beaucoup à accomplir pour éviter que les engagements de Lisbonne » - qui visent à l'édification d'une « société de la connaissance » - « deviennent synonymes d'objectifs manqués et de promesses non tenues. »

L'examen du budget ne permet pas de contredire ces propos, l'effort en faveur du développement de l'enseignement supérieur n'étant que par trop insuffisant. Le groupe CRC ne pourra donc voter le budget de l'enseignement supérieur, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le ministre, comme à l'accoutumée, le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 2005 est placé, cette année encore, sous le signe de la stagnation des moyens et des effectifs, alors que le nombre d'étudiants ne cesse d'augmenter depuis plusieurs années et que le mouvement des chercheurs a fait naître de grands espoirs pour l'université.

Je vous donne acte de la création concrète des 1 000 emplois annoncés en avril dernier, ce qui constituait une mesure d'urgence pour désamorcer la mobilisation des chercheurs.

La seule mesure nouvelle en termes d'emplois est la création de 150 postes de maîtres de conférence. Or les établissements universitaires ont besoin d'une évolution parallèle des personnels enseignants et administratifs, en particulier dans le contexte du passage au système LMD.

Aussi, l'absence de toute création nouvelle d'emploi de personnels IATOSS, les personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers, de service et de santé, ou de personnels ITA, les personnels ingénieurs, techniciens, administratifs, risque de mettre en difficulté les universités, tout particulièrement les plus sous-dotées. En outre, ces emplois ne s'intègrent toujours pas dans une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs.

Après un an de discussion sur l'aide sociale, les représentants étudiants ont bien vite déchanté à l'annonce, en septembre dernier, des mesures du Gouvernement : la revalorisation des bourses est moins importante que la hausse des prix, amputant ainsi le pouvoir d'achat des étudiants les plus modestes. L'augmentation des bourses de mobilité et des bourses au mérite bénéficiera à un si faible contingent que les étudiants qui auront la chance d'être concernés par ces décisions seront une infime minorité.

Quant à la fabuleuse opération de communication sur l'ordinateur portable à un euro par jour, elle ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin, puisque ces derniers ne peuvent pas satisfaire aux conditions de ressources exigées par les banques et justifier du cautionnement requis pour l'obtention d'un prêt.

On est bien loin du plan social étudiant du gouvernement Jospin ! Rien n'est véritablement mis en oeuvre pour faire reculer le salariat étudiant toujours en hausse, alors que, désormais, 49 % des étudiants ont une activité rémunérée durant l'année universitaire. Pour une très faible proportion d'entre eux, cette activité est intégrée à leurs études. Je pense, par exemple, aux internes ou aux attachés temporaires d'enseignement. Pour 87 % des étudiants qui travaillent, cette activité entre directement en concurrence avec leurs études et constitue l'une des causes d'échec, en particulier dans les premiers cycles.

Dans vos propositions pour l'école, figure, monsieur le ministre, l'objectif que la moitié d'une classe d'âge, au lieu de 35 %, soit diplômée de l'enseignement supérieur. Au groupe socialiste, nous partageons évidemment cet objectif. Mais le bât blesse s'agissant des moyens que le Gouvernement se donne pour atteindre cet objectif.

D'abord, l'enseignement supérieur, hormis l'enseignement des langues étrangères au cours du cursus universitaire, est totalement absent de vos propositions pour la future loi d'orientation. Mais il est vrai que vous conservez la même logique puisque, dès le départ, l'enseignement supérieur n'a pas été intégré au débat sur l'école.

Ensuite, en termes de moyens, le sous-financement de l'enseignement supérieur par rapport à l'enseignement secondaire et par rapport aux principaux pays étrangers, qui est attesté par l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, est alarmant. Aux Etats-Unis, pays avec lequel il est à la mode de comparer notre pays, la dépense moyenne annuelle par étudiant, hors activité de recherche et de développement, est presque trois fois supérieure à celle qui est engagée en France. Et encore convient-il de relativiser cette dépense moyenne, puisque celle d'un étudiant en classe préparatoire aux grandes écoles est quasiment deux fois plus importante que celle d'un étudiant à l'université !

Ce budget n'est donc assurément pas à la hauteur de l'enjeu auquel est confrontée l'université française, qui aurait besoin d'un véritable plan de rattrapage financier. J'en veux pour preuve la hausse de 11 % de la dotation des établissements privés, alors que les crédits de l'enseignement supérieur augmentent seulement de 2,3 %.

Si le chapitre « soutien des activités de recherche universitaire » connaît une progression de 3 %, il reste malgré tout en diminution par rapport à 2004, ce qui est un mauvais signe pour la recherche universitaire. L'évolution est similaire en matière de soutien de base aux laboratoires.

Nous sommes par ailleurs confrontés à de véritables problèmes structurels liés à l'accès aux différentes filières de notre enseignement supérieur.

Les filières de techniciens supérieurs destinées à l'origine aux bacheliers technologiques et professionnels - nous en avons parlé tout à l'heure, lors du débat sur l'enseignement scolaire -, lesquels sont généralement issus des milieux les plus modestes, ont été détournées de leur vocation. Ainsi, en 2003, les IUT, les instituts universitaires de technologie, comprenaient 65,8 % d'étudiants issus de baccalauréats généraux, contre 32,8 % issus de baccalauréats technologiques, et seulement 1,4 % ayant un baccalauréat professionnel. Les filières de techniciens supérieurs sont devenues, au fil du temps, un moyen de contourner, pour les bacheliers généraux, le premier cycle universitaire, au détriment du public qu'elles étaient censées accueillir à l'origine.

Les bacheliers technologiques et professionnels, pourtant postulants pour la majorité d'entre eux à une filière sélective du type BTS, brevet de technicien supérieur, ou IUT, n'ont plus eu que la solution de se « rabattre » sur l'université pour entrer dans l'enseignement supérieur, et ce alors même qu'ils ont le moins de chance d'y réussir parce que les filières universitaires n'ont pas été conçues pour eux et ne savent pas valoriser leurs atouts.

En réalité, force est de le reconnaître, la sélection existe, y compris à l'université. Sur ce point, je partage l'analyse de M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, en ce qui concerne « le mythe de l'absence de sélection de notre système scolaire », ce qui ne signifie pas pour autant, que, a contrario, je sois partisan d'un système sélectif.

J'ajouterai même que la sélection à l'université est double : elle se fait d'abord socialement, ensuite par l'échec. Peut-être pire qu'un système qui se déclare ouvertement sélectif, cette sélection est totalement hypocrite et taboue, et entretient l'illusion de la réussite chez un certain nombre de nos jeunes, qui pourraient légitimement se sentir trompés par un tel système.

Il s'agit là d'un véritable gâchis humain, économique et social, sur lequel les présidents d'université se sont d'ailleurs encore récemment exprimés. Il faudra bien plus qu'une simple circulaire visant à réaffirmer la priorité aux bacheliers technologiques dans les sections de techniciens supérieurs pour contrecarrer cette situation de fait.

Le futur projet de loi de programmation et d'orientation sur la recherche ne pourra pas faire l'impasse sur ces questions de fond pour l'avenir de notre système universitaire. Quel sera donc, monsieur le ministre, son périmètre ? Sera-t-il circonscrit à la recherche stricto sensu, comprenant ou non la recherche universitaire, ou bien sera-t-il élargi à l'enseignement supérieur ?

Manque de moyens, manque d'ambition pour l'enseignement supérieur, c'est ce que traduit ce budget pour 2005, qui ne peut appeler qu'un vote négatif de la part du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, je voudrais saisir l'occasion de ce débat budgétaire pour soulever les problèmes de la proximité et de la démocratisation de l'enseignement supérieur.

Certes, l'expression « démocratisation de l'enseignement supérieur » peut paraître un peu dépassée tant nous avons fait de progrès en ce domaine ! Nous ne sommes plus dans les années soixante durant lesquelles la France comptait seulement quelques centaines de milliers d'étudiants et peu de villes universitaires.

En effet, une première phase de démocratisation s'est accompagnée, dans les années soixante, de la création de nouvelles universités. Une nouvelle vague a marqué les années quatre-vingt ; il était temps, car les chiffres montraient que beaucoup de jeunes ne s'engageaient pas dans l'enseignement supérieur, alors qu'ils en avaient la capacité, parce que leur lieu d'habitation était trop éloigné d'une ville universitaire, et que les frais de logement et de transport étaient trop élevés pour qu'ils osent demander cet effort à leur famille. C'était incontestablement, pour eux et pour notre pays, une perte !

Néanmoins, dans ces années-là, les universités, qui étaient confrontées à une démographie dynamique, constataient que le poids des premiers cycles ne cessait d'augmenter. Elles ont alors compris qu'il valait mieux, parfois, déplacer quatre professeurs vers un site jusqu'alors dépourvu d'enseignant, plutôt que de faire venir quatre cents étudiants supplémentaires dans un premier cycle d'enseignement supérieur d'une université complètement submergée.

Malheureusement, aujourd'hui, la démographie n'est plus la même. Le taux d'accès à l'enseignement supérieur s'est amélioré ; les universités « mères », qui ne sont plus, désormais, menacées par ce flot d'étudiants de premier cycle et qui voient leurs effectifs plafonner, voire régresser, ont tendance à ramener à elles les enseignements de premiers cycles et leurs étudiants. Cela n'est pas sans poser des problèmes aux villes moyennes, qui s'étaient réjouies, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, de la multiplication de sites universitaires et qui, souvent, n'avaient pas hésité à faire des efforts considérables pour accueillir des antennes.

Entendons-nous bien : il n'est pas ici question de réclamer le développement excessif de sites ou de troisièmes cycles d'enseignement supérieur ni de militer pour de « mini universités » ! N'oublions jamais, en effet, que, dans l'enseignement supérieur, enseignement et recherche vont de pair : l'enseignement supérieur, surtout en troisième cycle, ne peut pas être de qualité s'il ne s'appuie pas sur la recherche.

Il ne faudrait pas que la nouvelle donne dans le domaine de la démographie nous fasse perdre certains des acquis des décennies précédentes, car, s'il est vrai que l'écart était souvent de un à trois ou quatre entre un jeune de milieu modeste habitant à proximité d'une université et qui n'hésitait pas à s'inscrire dans l'enseignement supérieur et un jeune dont le lieu d'habitation était plus éloigné de l'université, ce problème réapparaîtrait très vite si nous laissions disparaître certains des quelque 150 sites nouveaux qui se sont créés depuis une vingtaine d'années et qui rendent bien des services.

D'abord, et c'est fondamental, ces sites rendent service à des étudiants qui sont souvent d'origine modeste. Ensuite, ils rendent service aux villes qui ont fait l'effort de les accueillir, en contribuant à un enrichissement intellectuel. A ce titre, je tiens à dire que la Fédération des maires des villes moyennes est particulièrement attentive à ce problème.

Monsieur le ministre, nous souhaitons donc que le Gouvernement - il semble que ce soit maintenant dans ses intentions - manifeste clairement la volonté de définir le rôle de ces sites d'enseignement supérieur en ville moyenne, de ces antennes, d'en assurer la pérennité, et de faire en sorte qu'une sorte de contractualisation existe entre les universités, les collectivités qui ont eu le bonheur, ces dernières années, d'accueillir ces sites et l'Etat. Sans doute serait-il également nécessaire que les personnels et les crédits soient clairement délégués à ces nouvelles antennes universitaires, afin d'éviter la tentation d'un mouvement de « reconcentration », qui apparaît actuellement.

Je voudrais insister sur le fait que, dans les villes moyennes, une gamme relativement large de premier cycle d'enseignement supérieur est nécessaire, afin d'éviter que l'élève ne fasse le choix de la proximité, qui ne serait pas conforme à sa véritable vocation. Ce serait un piège qu'une large gamme de cursus jusqu'au niveau de la licence, avec la mise en place des LMD, permet de déjouer. Dans certains cas, si l'environnement socio-économique le justifie et si ce développement s'insère dans la stratégie de l'université, il est possible de mettre en place des filières d'enseignement jusqu'au deuxième cycle, voire jusqu'au troisième cycle.

Telles sont les remarques dont je tenais à vous faire part, monsieur le ministre, à l'occasion de l'examen de ce projet de budget. Il me semble en effet que, du bon maillage du territoire et de la bonne répartition des sites universitaires, dépend pour partie le maintien de l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur, qui, actuellement, nous paraît simplement un élément important de justice sociale.

Je pense également que la vitalité de nos villes dépend pour partie de ce bon maillage. A ce titre, monsieur le ministre, étant, vous aussi, l'élu d'une ville moyenne, vous êtes certainement conscient de cette situation. Nous comptons donc sur vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Lagauche a largement présenté la position du groupe socialiste sur ce projet de budget.

J'aborderai donc ici un problème qui ne concerne pas uniquement le budget de l'enseignement supérieur et qui doit vraiment être pris en compte par l'Etat. Il a été à la une des médias en cette rentrée plus qu'en toute autre : il s'agit de la vie étudiante, qui est le parent pauvre de la vie universitaire française.

La tradition universitaire française, à l'inverse de ce qui se passe dans d'autres pays, a toujours considéré qu'il s'agissait là d'une question secondaire. On insistait sur la qualité de l'enseignement et de la recherche et on pensait que leur rayonnement suffisait à montrer l'excellence du système. Or, aujourd'hui, nous constatons que l'environnement social et culturel, les conditions de la vie quotidienne des étudiants nuisent à l'image de notre système dans le monde et constituent un facteur primordial dans l'échec, notamment au cours des deux premières années.

En 1968, on ne comptait que 400 000 étudiants, pour la plupart issus de milieux relativement aisés et vivant dans leur cocon, dans des grandes villes, et inscrits dans des universités prestigieuses qui avaient leur propre vie, leur propre système de protection de la vie des étudiants.

De 1985 à 1995, le nombre d'étudiants est passé de un million à deux millions. Certains, ici, ont parlé de démocratisation ; c'est en fait une massification. En effet, la démocratisation n'est pas encore au rendez-vous. La démocratisation, c'est certes la massification, mais c'est aussi la qualité ; c'est permettre au plus grand nombre d'entrer dans le système universitaire et d'y réussir. Or les étudiants qui appartiennent à des couches sociales plus larges, plus ouvertes, réussissent plus difficilement. Si, à l'entrée de l'université, 60 % des étudiants sont des fils d'ouvriers ou d'employés, ce qui n'était pas le cas auparavant, le pourcentage chute brutalement dans le troisième cycle. Quand on regarde les chiffres de la condition étudiante, on comprend pourquoi il en est ainsi : en effet, aujourd'hui, 50 % des étudiants sont obligés d'être salariés, non pas pour effectuer des travaux susceptibles de compléter leurs études et d'enrichir leur formation, mais pour faire des petits boulots, par exemple chez McDonald's, fatigants et décervelants, ce qui ne permet pas d'être dans un environnement adéquat pour poursuivre des études.

Ce qui a éclaté à la rentrée, c'est la question du logement : on a parlé de misère étudiante. Dans ce domaine, le retard est dramatique. On a permis à de plus en plus d'étudiants d'entrer à l'université, mais la plupart d'entre eux ne peuvent accéder au logement social. En France, 150 000 chambres leurs sont proposées. A Paris, pour 300 000 étudiants, pour 30 000 boursiers, on ne dénombre que 2 000 logements sociaux pour étudiants ! C'est là où la situation est la plus dramatique.

A la rentrée, des étudiants dormant dans la gare du Nord ont été interviewés par des chaînes de télévision. Début septembre, certains étudiants dormaient sous les ponts. D'autres fréquentent des foyers pour jeunes SDF. Paris doit être une terre d'accueil pour la plupart des étrangers qui souhaitent venir étudier dans notre pays. Or, lorsque ces derniers arrivent à Paris, ils voient cette situation, que peu de capitales européennes connaissent.

L'environnement social, qu'il s'agisse de l'accès aux bibliothèques, de la restauration, de l'accès au logement, des bourses, contribue à la réussite des études. Or ce sont les étudiants les plus défavorisés qui subissent de plein fouet les manques en ces domaines. Pour lutter contre l'échec dans le premier cycle, il faut apporter une réponse à cet égard.

S'agissant de l'aide sociale, l'augmentation de 1,5 % du montant des bourses prévue par votre budget est inférieure à l'inflation, alors que les frais d'inscription ont, quant à eux, augmenté de 4 %.

Il faut réussir la démocratisation. Le Gouvernement doit donner une grande visibilité à la question de la vie étudiante. Le rapport Anciaux ayant été validé par le Gouvernement, le plan de construction de logements sur dix ans doit faire sentir ses effets dès la première année. En effet, à quoi sert-il de dire à ceux qui sont aujourd'hui à l'université que la situation sera un peu meilleure dans dix ans ? Ils ne seront alors plus étudiants ! Je sais que c'est difficile, mais il ne faut pas tout faire reposer sur l'effort des collectivités territoriales.

A Paris, nous avons décidé de construire en cinq ans 3 000 logements sociaux pour étudiants. Or, pour mettre ce programme en route, pour trouver les emprises nécessaires et pour monter les dossiers, notre principale difficulté a été d'obtenir des financements de l'Etat. En effet, le Gouvernement a déclassé le logement étudiant sur le plan administratif, et les prêts, dans une ville comme Paris où le prix du foncier est très élevé, ne sont pas faciles à obtenir.

Je tenais à insister sur ce point. En effet, monsieur le ministre, vos déclarations sont fortes, ce qui, pour moi, est déjà important ; je sens en effet de votre part une réelle prise de conscience. Néanmoins, je n'en vois pas la traduction budgétaire. Or il s'agit d'un enjeu majeur non seulement pour la réussite de nos étudiants, mais aussi pour l'image de l'université française dans le monde.

A cet égard, vous connaissez le rôle du bouche à oreille. On rêve de la France, on rêve de la Sorbonne. Or, quand un étudiant chinois ou marocain arrive, il est confronté à un véritable parcours du combattant pour obtenir des papiers et pour trouver un logement. En effet, pour obtenir un logement, il faut avoir un chèquier. Et pour ouvrir un compte en banque, on vous demande d'avoir une adresse et un logement ! Les difficultés sont telles que les étudiants déchantent très vite et se tournent vers d'autres capitales.

Nous devons donc faire un effort, et qu'il soit visible : il faut rapidement faire savoir dans le monde, par des faits concrets, des petites mesures, que nous voulons accueillir des étudiants étrangers et que nous nous donnons les moyens de les accueillir.

Monsieur le ministre, votre budget ne me semble pas à la hauteur, même s'il est difficile de connaître la réalité de l'effort. Les organisations syndicales étudiantes aimeraient avoir un véritable correspondant, un guichet unique au niveau de l'Etat. En effet, actuellement, quand on veut parler du logement, on va voir le ministre du logement, et quand on souhaite parler de la vie culturelle, on s'adresse au ministre de la culture. Or, la vie étudiante est un ensemble. Il faudrait, dans votre ministère, une réponse globale, un interlocuteur unique et des moyens lisibles et à la hauteur pour que nous puissions discuter.

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Monsieur le ministre, je ne tomberai pas dans le catastrophisme de certains dont on se demande bien ce qu'ils ont pu faire pendant les cinq années de vaches grasses dont ils ont bénéficié voilà fort peu de temps.

Aussi, vous ne serez pas étonné que mon intervention n'ait pas pour but de vous réclamer plus de crédits ou de moyens. En effet, avant d'allouer ceux-ci, il y a lieu, me semble-t-il, de réfléchir à leur usage. Dans un certain nombre de cas, notre système universitaire souffre non pas d'un manque de financement ou de personnel, mais d'un usage insuffisamment performant, voire d'un mésusage. Aussi, à cette heure, je souhaite simplement attirer votre attention sur quelques points particuliers.

La première question concerne l'enseignement supérieur privé, qui est le parent très pauvre du budget de l'enseignement supérieur. Même si l'on peut constater avec satisfaction que, pour 2005, les subventions relatives à l'enseignement supérieur privé augmentent de 10 %, cela s'applique à un volume budgétaire modeste au regard du service rendu à la collectivité. On est encore loin de ce qu'exige la simple équité à l'égard des étudiants concernés et de leurs familles, et de ce qui est nécessaire au bon fonctionnement des établissements.

Les grandes écoles privées sont très loin de bénéficier des moyens de leurs homologues publiques. La situation est encore plus difficile pour les universités catholiques. Celles-ci ont subi, ces dernières années, des contraintes fortes, notamment l'application des 35 heures, ce qui a créé des charges insupportables qu'elles n'ont pu répercuter totalement sur les droits d'inscription, déjà élevés, qu'elles exigent des étudiants. Si elles n'étaient pas soutenues de façon volontariste par certaines collectivités locales, cette situation aurait mis en jeu leur existence même. C''est particulièrement le cas à Angers où, sans le soutien accordé depuis de longues années par le conseil général, l'université catholique aurait eu bien du mal à continuer d'exister. J'ajouterai d'ailleurs que d'autres collectivités n'ont pas la même attitude à l'égard de certains établissements privés dont elles souhaitent purement et simplement la disparition pour des raisons idéologiques. Aussi, je souhaite savoir ce que le ministère envisage pour une mise à niveau crédible, dans les années futures, de l'aide de l'Etat à ces établissements.

Ma deuxième question a trait au rôle des collectivités locales dans le financement de l'enseignement supérieur. Leur place est de plus en plus importante dans les investissements. Or, la plupart du temps, elles n'ont nulle obligation en la matière, puisqu'il s'agit, pour elles, de politiques facultatives.

Aussi faudra-t-il bien un jour en tirer les conséquences. Les collectivités ne peuvent pas continuer à suppléer indéfiniment l'Etat. La question, me semble-t-il, est donc de savoir s'il est envisageable de simplifier la donne, en laissant à l'Etat la maîtrise totale du système, pour qu'il assure en tout cas les droits et devoirs, en matière financière notamment, ou s'il faut songer, dans les années à venir, à décentraliser les investissements universitaires, en les confiant par exemple aux régions.

Ma troisième question est relative aux modes de fonctionnement du système universitaire. Ceux-ci ont encore, dans certains domaines, un aspect « soviétiforme », un rendement fortement décroissant et déresponsabilisant.

Il est sans doute nécessaire de procéder à une évaluation approfondie pour mesurer le degré de performance du système. Trois secteurs méritent d'être étudiés.

Premier secteur, les finances : comme le soulignait notre excellent rapporteur de la commission des finances Philippe Adnot, s'il y a eu des progrès dans la gestion, il y a encore, dans ce domaine, d'importantes marges d'amélioration.

Deuxième secteur, la gestion des ressources humaines : le système universitaire est fort loin d'être, dans le secteur, un modèle, particulièrement pour les enseignants, qu'il s'agisse des modes de recrutement, d'affectation ou des mutations inter établissements. En effet, tout cela fonctionne dans une grande opacité, et il n'est pas certain que les principes de la République soient bien respectés.

Enfin, troisième et dernier secteur, le niveau des universités : en effet, malgré des progrès, la question de l'adaptation des formations aux mutations de la société et de l'économie subsiste.

Beaucoup trop d'étudiants quittent le système sans bagage, et pas seulement pour des raisons sociales. En revanche, d'autres s'engagent dans des formations qui sont des trappes à chômage ; le nombre de surdiplômés RMIistes n'est pas négligeable. Certaines formations sont peut-être utiles pour maintenir l'emploi d'enseignants ou pour la culture générale, mais ne sont absolument pas efficientes pour l'insertion dans la vie active.

Aussi, je souhaite savoir si vous envisagez de revoir le système d'orientation universitaire et si vous ne pensez pas nécessaire d'instituer une sélection générale, qui se fait d'ailleurs officiellement dans certaines filières, notamment médicales, et clandestinement dans d'autres, sélection générale qui serait le meilleur gage d'une réelle démocratisation.

Ma dernière question concerne les IUFM, qui appartiennent aussi à l'enseignement supérieur.

L'un de vos objectifs est de rétablir l'autorité des enseignants, objectif auquel je souscris totalement. Cependant cette autorité ne se décrète pas, elle se mérite.

Pour cela, il faut que les enseignants soient correctement formés. Or, dans ce domaine, on est très loin du compte. Dans beaucoup de cas, le niveau scientifique ne paraît pas suffisamment garanti, notamment face aux exigences des programmes de lycée.

Plus préoccupant est le principe même des IUFM. Est-il raisonnable de vouloir faire passer dans le même moule tous les enseignants, de la maternelle aux classes post-baccalauréat ?

Non seulement les IUFM n'ont pas fait la preuve de leur efficacité, mais je crains qu'ils ne soient des instruments à mal former, voire à déformer. Entre une pédagogie hors de son contexte et une psychologie passe-partout, ils contribuent plus à dérouter les futurs enseignants qu'à les armer pour leur métier.

La majorité des enseignants qui ont eu à subir cette formation fantasmagorique soulignent que cela ne les a pas préparés à affronter les situations qu'ils rencontrent dans leurs classes. Un nombre non négligeable d'entre eux parle de formation infantilisante, de phraséologie oiseuse, d'endoctrinement pernicieux, et je ne fais que citer quelques appréciations.

Ne pensez-vous pas alors qu'il est temps de mettre fin à ce gaspillage, de supprimer purement et simplement les IUFM, et d'y substituer une formation pratique, en situation réelle, sous la conduite d'enseignants tuteurs expérimentés ?

Voilà quelques-unes des questions que je souhaitais aborder lors de ce débat, monsieur le ministre. Tout cela n'empêche bien sûr pas que votre budget emporte mon assentiment. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat de ce soir engage plus que d'autres l'avenir de la France. C'est du niveau et de la qualité de notre effort dans le domaine de l'enseignement supérieur que dépend à bien des égards notre capacité à préserver notre place dans le monde. Notre pays ne peut en effet compter que sur un atout majeur : sa capacité à former sa jeunesse pour lui permettre d'atteindre le plus haut niveau international.

Dans ce domaine, vous l'avez tous rappelé, il nous reste beaucoup de chemin à parcourir.

En effet, si nous avons un système d'enseignement supérieur de grande qualité, si nous disposons de multiples foyers d'excellence, il n'en demeure pas moins que la France investit globalement moins que d'autres pays dans ce domaine.

A bien des égards, l'enseignement supérieur est même le parent pauvre de notre système éducatif. C'est ainsi que, si la France se situe très au-delà de ses partenaires de l'OCDE pour ce qui concerne, par exemple, la dépense d'éducation dans l'enseignement secondaire, elle est très en dessous de la moyenne pour la dépense par étudiant.

Face à cette situation, il est important de réagir par un effort volontaire et durable. Le Gouvernement y est décidé.

Ainsi, le budget que j'ai l'honneur de vous présenter affiche une hausse d'un peu plus de 3 % pour le budget de l'enseignement supérieur, soit pratiquement le double du taux retenu pour le budget dans son ensemble.

J'ai entendu les préconisations, les encouragements, venus notamment des travées de la gauche, en particulier de MM. Renar et Lagauche. Je ne peux m'empêcher de vous rappeler, messieurs les sénateurs, que cette situation n'est pas nouvelle. Elle dure depuis près de vingt ans. Et vous savez toute la part que vous avez prise à la gestion de notre pays depuis vingt ans !

Je retiendrai un exemple de cette situation, monsieur Renar. Contrairement à ce que vous avez dit, nous avons rattrapé le retard existant, en 2002, en matière de contrats quadriennaux En effet, les contrats 2001-2004 n'étaient pas signés, et, en 2003, nous avons donc payé l'année 2002 et l'année 2001.

Actuellement, les contrats quadriennaux sont, en moyenne, en progrès de 10 % quant à leur financement, et nous nous trouvons aujourd'hui dans le cadre d'un calendrier normal, pour la première fois depuis très longtemps.

En termes d'emplois, des efforts très significatifs ont été réalisés dès cette année avec la création, annoncée voilà quelques mois, de 1 000 postes : 700 professeurs et maîtres de conférence, 150 ATER, 150 IATOS.

Le budget pour 2005, vous avez pu le constater, consolide ces postes, annoncés en cours d'année et créés à la fin de cette année pour des raisons liées à la durée du recrutement. De plus, il prévoit 150 postes de maîtres de conférences supplémentaires. C'est la preuve que nous entendons ne pas nous arrêter à l'effort considérable réalisé en 2004 et que notre démarche s'inscrit dans la durée.

J'ajouterai, s'agissant de ces recrutements, qu'ils correspondent très exactement, quant à leur nombre et leur prise en charge par le budget pour 2005, à l'accord auquel j'étais parvenu, à mon arrivée au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, avec les acteurs des mouvements en matière de recherche et les représentants des présidents d'université.

Ce budget apporte également une attention toute particulière à la vie étudiante. Le rythme de construction de logements étudiants sera multiplié par quatre à la rentrée prochaine.

Je répondrai d'ailleurs à M. le rapporteur spécial que les CROUS ne construiront aucun logement eux-mêmes : ce sont les offices d'HLM ou des sociétés d'économie mixte, dont c'est le métier, comme il l'a souligné, qui effectueront les constructions immobilières ; les CROUS seront seulement gestionnaires de ces logements.

Quant au lease-back que vous évoquiez, la loi Robien permet à des promoteurs d'investir des capitaux privés pour construire des logements étudiants, puis de louer à un CROUS, qui sous-loue aux étudiants. Bien entendu, ces promoteurs privés peuvent tout simplement procéder eux-mêmes à la construction et à la location. La loi Robien inclut d'ailleurs des incitations à leur attention.

En ce qui concerne les résidences qui appartiennent à l'Etat, et non aux CROUS - ils n'en possèdent en effet pratiquement aucune -, je veux enfin souligner que la loi de décentralisation permet aux collectivités qui en feront la demande d'en devenir propriétaires.

Je vous indique que, à l'étranger, le secteur privé est assez peu impliqué dans la construction et la gestion des résidences universitaires : en réalité, quand l'Etat ne s'en charge pas, ce sont les universités qui en sont responsables.

J'ai également souhaité conforter financièrement le système d'aide aux étudiants, en lui affectant 22 millions d'euros de mesures nouvelles. Celles-ci ont été citées : il s'agit de la revalorisation des taux et des plafonds des bourses, de la création de bourses au mérite, de bourses de mobilité supplémentaires, ainsi que de la réactivation des prêts d'honneur, qui constituent, je crois, une solution parmi d'autres pour améliorer la situation des étudiants.

D'autres projets sont en cours, ou à l'étude, pour améliorer les conditions d'octroi des aides sociales grâce au versement pluriannuel des bourses, le renforcement du suivi sanitaire de la population étudiante, ou le développement de l'accueil des étudiants handicapés. Les chantiers en cours font actuellement l'objet de discussions régulières et intenses avec les organisations étudiantes.

Je dirai à M. Assouline que, si l'Etat a certes des responsabilités importantes - nous essayons d'ailleurs de rattraper les retards que nous avons trouvés -, les collectivités locales en ont aussi. La situation à l'intérieur du pays varie d'une région à l'autre : certaines régions étaient très impliquées dans la construction de logements, l'amélioration des conditions de vie des étudiants. Je citerai, par exemple, la région des Pays-de-la-Loire, qui avait pris en charge en quasi-totalité la rénovation des cités universitaires et la construction de logements pour les étudiants.

Quant aux crédits d'équipement, enfin, l'effort accompli dans ce budget est considérable : pour les contrats de plan Etat-région en particulier, nous passons d'une phase de préparation des projets à la phase de réalisation, celle où les constructions sortent véritablement de terre. Cela a pour conséquence une très forte augmentation des crédits de paiement inscrits au budget. En tenant compte des crédits du projet de loi de finances et de ceux que le Gouvernement vous proposera très bientôt d'ouvrir en loi de finances rectificative, les sommes disponibles à ce titre feront plus que doubler entre 2004 et 2005.

Toujours dans le domaine des investissements, et pour m'en tenir à un exemple particulièrement symbolique, je mentionnerai que j'ai posé avec M. Assouline la première pierre de la future implantation de l'université Denis-Diderot sur la ZAC Rive Gauche.

En ce qui concerne le campus de Jussieu, 163 millions d'euros d'autorisations de programme et 131 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits au budget, ce qui permettra que vingt et une barres sur les vingt-huit que compte l'université soient totalement désamiantées mi-2005.

Il s'agit d'un projet d'une très grande ampleur qui montre comment, à partir d'une difficulté considérable - le désamiantage de Jussieu -, nous avons su faire naître une opportunité magnifique : la consolidation d'une véritable université du XXIe siècle.

Plusieurs orateurs ont évoqué les perspectives de réforme à venir de l'université. Ils m'ont questionné sur le calendrier de cette réforme, sur l'autonomie des universités.

En réalité, la réforme dans l'enseignement supérieur est quelque peu permanente. Nous mettons actuellement en place, dans des conditions exceptionnelles à la fois quant aux délais et quant à son succès, la réforme licence-master-doctorat, ou LMD, qui n'est pas seulement un aménagement permettant la correspondance des diplômes en Europe. C'est en effet aussi une véritable révolution interne, qui oblige à une réorganisation des établissements et à une clarification des formations.

Je tiens à rassurer M. Jean-Léonce Dupont quant au devenir des diplômes à bac + 2 et à bac + 4 dans ce cadre.

Le schéma européen ne signifie pas la disparition dans chaque pays des niveaux intermédiaires. C'est pourquoi la mise en oeuvre du LMD dans les universités a préservé la possibilité de délivrer aux étudiants qui le souhaitent le DEUG à bac + 2 et la maîtrise à bac + 4. C'était d'autant plus nécessaire que, par exemple, la maîtrise reste le diplôme nécessaire pour se présenter à l'agrégation ou à d'autres concours de la fonction publique.

En outre, de nombreuses professions restent attachées au maintien des diplômes professionnels à bac + 2, dans la mesure où des emplois existent à ce niveau.

Dans cette optique, le brevet de technicien supérieur doit continuer à fournir les qualifications nécessaires, et le projet de loi d'orientation sur l'école confirmera l'importance de la filière technologique et professionnelle des lycées qui culmine avec le BTS.

Mme Férat m'a interrogé sur la politique des moyens humains dans le cadre de la réforme : le schéma licence-master-doctorat ne nécessite pas en lui-même l'augmentation des moyens humains.

Certes, la mise en oeuvre de parcours plus individualisés requiert un engagement des enseignants-chercheurs plus important auprès des étudiants pour améliorer leur orientation, notamment en licence. Mais, en même temps, la mutualisation d'enseignements dans des cursus moins « tubulaires » permet une optimisation de l'offre d'enseignement.

Quant aux niveaux master et doctorat, ils s'appuient sur des compétences scientifiques qui, par définition, existent puisque l'évaluation nationale l'a préalablement vérifié.

Cela ne signifie pas que des moyens supplémentaires ne sont pas nécessaires. Je l'ai dit à plusieurs reprises, notre enseignement supérieur est sous-financé par rapport à celui de bien d'autres pays ; mais ce n'est pas une conséquence du LMD.

Je répondrai maintenant à M. Lecerf, s'agissant de la capacité en droit.

On constate depuis quelques années, c'est vrai, une diminution régulière du nombre d'étudiants qui veulent s'inscrire dans cette filière, cette dernière ayant perdu, en dix ans, 50 % de ses effectifs.

Cette diminution peut s'expliquer par l'amélioration du taux de réussite au baccalauréat - 469 000 admis en 1997, 503 000 admis en 2003 -, mais aussi par une certaine faiblesse des débouchés professionnels à ce niveau de formation.

Toutes les universités qui proposent des formations juridiques disposent d'une capacité en droit, soit quarante-sept établissements aujourd'hui. Il appartient à ces établissements, de par l'autonomie que leur confère la loi, d'adapter éventuellement leur offre dans ce domaine.

Mme Férat a évoqué l'opération « portable à un euro ». Je donnerai simplement quelques chiffres à cet égard. Le site Internet de l'opération a connu un million de visiteurs, 35 000 portables ont été achetés, 200 000 sont en pré-commande. Le rythme d'achat est d'environ 1 000 portables par jour, contre quelque 250 en temps normal.

L'opération a eu aussi un effet de levier très important sur la modernisation des universités, puisque 80 % de ces dernières se sont engagées à s'équiper en Wi-Fi. Nous essayons, avec ces universités, de trouver des solutions pour les étudiants qui ne sont pas en mesure de profiter de cette opération.

M. Legendre a parfaitement décrit la problématique des universités dans les villes moyennes.

Notre pays compte 88 universités et 114 IUT, comprenant 639 départements, implantés sur 153 sites et antennes, ainsi que 236 écoles d'ingénieurs réparties sur tout le territoire.

C'est un maillage extraordinairement fin, l'un des plus denses en Europe. Il constitue, bien évidemment, un atout pour le développement des territoires, mais aussi une charge considérable pour l'ensemble de notre système, en particulier face aux difficultés de financement que je viens d'évoquer. Il est donc légitime de se demander si l'on a toujours eu raison, jadis, de multiplier les implantations.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à plusieurs nécessités.

D'abord, il convient d'améliorer la lisibilité de ce système territorial, notamment dans un cadre européen et mondial qui a pris une importance plus grande que par le passé. Nous avons besoin de constituer des pôles dotés d'une véritable visibilité internationale. C'est l'un des axes que je proposerai dans le cadre de la réforme de la recherche.

Ensuite, s'agissant plus particulièrement des antennes, M. Legendre en était d'accord, il faut rompre avec la logique de gonflement quantitatif des sites existants et asseoir leur légitimité en s'appuyant sur leurs segments de qualité. Un petit site n'est pas destiné à offrir, à l'identique, la palette de formation d'un plus grand.

Il n'y a pas de règle générale dans ce domaine. Il faut donc faire preuve de pragmatisme : consolider ce qui fonctionne bien, encourager les excellentes initiatives qu'il peut y avoir ici ou là et, surtout, aboutir à une réelle complémentarité entre les sites universitaires de toutes tailles.

Monsieur Lardeux, vous m'avez interrogé sur beaucoup de sujets, notamment sur les IUFM. J'ai déjà évoqué cette question tout à l'heure, mais ma réponse était moins radicale que la vôtre.

Si on les supprimait, il faudrait bien recréer des instituts, car je ne vois pas comment la France pourrait être le seul pays développé, voire le seul pays au monde, à ne pas former ses enseignants à l'université. Il ne peut pas vraiment y avoir débat sur le principe de la formation des maîtres. En revanche, on peut débattre du contenu des formations. D'ailleurs, je partage bien des choses que vous avez dites, et je les entends lorsque je rencontre les étudiants des IUFM.

S'agissant de l'enseignement supérieur privé, qui est un thème qui vous tient particulièrement à coeur, je suis très conscient des difficultés qu'il rencontre. J'ai d'ailleurs demandé à un député, M. Jérôme Chartier, de travailler sur cette question.

Le Gouvernement a décidé, en 2003, de mettre en place un comité consultatif de l'enseignement supérieur privé, associant les représentants des grandes fédérations. Celui-ci a reçu la mission de proposer un mode de répartition des crédits qui soit plus objectif et plus transparent que par le passé. En particulier, le comité approfondira ses travaux afin de mieux prendre en compte les démarches de formation des établissements dans une perspective de contractualisation.

En 2005, les crédits affectés à l'enseignement supérieur privé s'élèveront à 39,5 millions d'euros, soit une progression de plus de 11 %. Cette hausse est consacrée, pour les trois quarts, à un rattrapage en fonction de critères proches de ceux utilisés pour l'enseignement supérieur public et, pour le quart restant, à la politique contractuelle.

De manière générale, la démarche du Gouvernement est pragmatique et raisonnable. Nous souhaitons simplement que l'enseignement privé soit placé, tant sur le plan de ses moyens que sur celui des mesures et des orientations le concernant, dans des conditions semblables à celles que connaît l'enseignement public.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi pour conclure de rappeler que l'examen de ce budget ne peut être dissocié de celui de la recherche, que François d'Aubert vous a déjà présenté. Là aussi, l'effort du Gouvernement a été considérable, puisque le milliard d'euros supplémentaire d'effort public en faveur de la recherche représente une hausse de 10 %.

L'université, qui constitue une pièce essentielle du dispositif français de recherche, est évidemment pleinement associée à cet effort. Les crédits nouveaux inscrits au budget civil de recherche et développement profiteront, notamment, à la recherche universitaire. De même, l'Agence nationale pour la recherche que nous allons mettre en place, et qui sera dotée de 350 millions d'euros dès cette année, financera les universités à travers les projets qu'elles présenteront.

Vous avez tous, ou presque, reconnu l'effort significatif réalisé par le Gouvernement dans ce budget. Certains ont regretté que nous n'allions pas plus loin. J'ai rappelé que notre retard d'investissement en matière d'enseignement supérieur n'était évidemment pas de la responsabilité d'un seul gouvernement ou d'un seul parti : il est en fait le résultat de choix effectués au cours de plusieurs décennies.

Aujourd'hui, un consensus existe sur la nécessité de renforcer notre investissement en matière d'enseignement supérieur et de recherche. Je m'en réjouis. J'y vois la promesse d'une continuité dans l'effort, qui est indispensable pour que la France se place, dans ce domaine, au premier rang.

Il est vrai que nous pouvons mieux faire. Je vous propose de faire mieux au fur à mesure des réformes et des efforts budgétaires que nous allons engager.

Ce budget constitue un premier pas. Il va de soi qu'il sera soutenu dans la durée. Pour la France, il n'y a pas de meilleur investissement que celui qu'elle consacre à la formation de sa jeunesse. Lorsqu'on regarde l'évolution des pays qui nous entourent et des pays plus lointains, c'est, pour nous, une question de survie.

Si nous voulons maintenir notre rang, notre mode de vie et continuer à avoir une influence sur l'évolution du monde, il ne faut pas cesser d'augmenter notre effort et d'affûter notre dispositif d'enseignement supérieur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Education nationale, enseignement supérieur et recherche - II. - Enseignement supérieur
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI (début)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche : II.- Enseignement supérieur.

État B

Titre III : 116 089 934 €.

M. le président. L'amendement n° II-41, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Réduire les crédits du titre III de 1 353  000 € .

Majorer les crédits du titre III de 1 353 000 €.

La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. A compter de l'exercice 2005, l'organisation des épreuves classantes nationales pour l'accès au troisième cycle des études médicales incombera au ministère de l'éducation nationale, et non plus au ministère de la santé.

Dans ce cadre, une mesure de transfert de crédits de fonctionnement et d'indemnités de jurys, d'un montant de 1,353 million d'euros, est prévue au présent projet de loi de finances entre la section santé et la section éducation nationale.

Or ces crédits ont été inscrits au chapitre 36-11, qui concerne les établissements d'enseignement supérieur, alors que les dépenses seront en réalité prises en charge par l'administration centrale.

Je demande donc au Sénat d'ouvrir ces crédits, non au chapitre 36-11, mais au chapitre 37-82, c'est-à-dire celui des examens et concours.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. J'ai bien compris qu'il s'agissait d'une mesure technique, et je suis prêt à la voter. Je voudrais néanmoins obtenir une précision, car je suis étonné que nous financions, en définitive, des sociétés privées.

Je conçois que, selon les termes de l'objet de l'amendement, « la mise en place du dispositif relève finalement de l'administration centrale du ministère de l'éducation nationale... pour le pilotage et la gestion des candidatures ». Mais il est ensuite indiqué que cette mise en place relève aussi « de sociétés privées, pour l'impression des sujets, le transport sécurisé des sujets vers les centres d'examen et l'organisation du séminaire de correction des épreuves ».

Pourquoi le ministère ne prend-il pas lui-même en charge ces tâches ?

M. François Fillon, ministre. Monsieur Renar, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Ivan Renar. Bien sûr, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.

M. François Fillon, ministre. Le ministère n'a tout simplement pas les moyens humains de réaliser ces opérations. L'achat du papier, l'impression des sujets, le transport des sujets vers les centres d'examen, l'organisation matérielle du séminaire de correction des épreuves sont donc sous-traités à des sociétés privées. Ce n'est pas une nouveauté.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Renar.

M. Ivan Renar. Je suis étonné que le transport dit « sécurisé » ne soit pas confié à des véhicules appartenant aux universités ou au ministère, éventuellement accompagnés par des policiers. Dans ces conditions, je ne voterai pas contre l'amendement, mais je préfère m'abstenir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-41.

M. Ivan Renar. Le groupe communiste s'abstient.

M. Serge Lagauche. Le groupe socialiste également.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-43, présenté par M. Adnot, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Réduire les crédits du titre III de 50 000 €.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Compte tenu des excédents de l'agence EduFrance, la commission des finances propose de réduire ses crédits de 50 000 euros.

Il ne s'agit pas de remettre en cause l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur ni de contester l'effort de bonne gestion d'EduFrance, qui nous paraît indispensable puisque ce genre d'organisme a vocation à équilibrer ses comptes.

En fait, avant de retirer cet amendement, comme vous allez très probablement le lui demander, monsieur le ministre, la commission des finances aimerait savoir si vous comptez donner des orientations précises pour élargir le champ de compétence d'EduFrance afin de lui permettre d'améliorer la qualité d'accueil des étudiants étrangers ou si vous envisagez de réduire la subvention de cette agence de manière à redéployer les crédits là où ils sont nécessaires ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Je vous demande effectivement, monsieur le rapporteur spécial, de bien vouloir retirer cet amendement, dont l'objet, si j'ai bien compris, est surtout de donner au Gouvernement l'occasion d'insister sur l'exigence dont il doit sans doute faire preuve quant à la gestion d'EduFrance et de réexaminer l'articulation entre toutes les structures qui jouent un rôle vis-à-vis des étudiants étrangers. Je m'engage à le faire et à informer le Parlement du résultat de ce travail.

Je vais également me pencher sur la situation financière de cet organisme afin de m'assurer que ses moyens sont utilisés au mieux. Cela étant, ce n'est pas parce qu'un organisme dégage des excédents qu'il est mal géré. Nous savons tous que le procédé qui consiste à ponctionner les excédents des organismes bien gérés peut les conduire à changer de méthode de gestion.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement est-il maintenu ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Je le retire, étant entendu que, dans le courant de l'année 2005, la commission des finances aura l'occasion de réexaminer cette situation avec vous, monsieur le ministre.

M. le président. L'amendement n° II-43 est retiré.

Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre IV : 11 488 162 €.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État C

Titre V. - Autorisations de programme : 77 154 000 € ;

Crédits de paiement : 9 273 000 €.

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI (interruption de la discussion)

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre VI. - Autorisations de programme : 818 910 000 €;

Crédits de paiement : 449 470 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement supérieur.

Etat C - Titres V et VI (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Discussion générale

9

NOMINATION DE MEMBRES D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.

Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Nicolas About, Louis Souvet, Mme Valérie Létard, MM. Alain Gournac, Dominique Braye, Jean-Pierre Godefroy, Roland Muzeau.

Suppléants : MM. Gilbert Barbier, Jean-Patrick Courtois, Guy Fischer, Paul Girod, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. André Lardeux et Mme Gisèle Printz.

10

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 99, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales.

11

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet de position commune ... du Conseil concernant les mesures restrictives à l'encontre de la Côte d'Ivoire.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2785 et distribué.

12

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 8 décembre 2004, à onze heures quarante-cinq, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 73 et 74, 2004-2005) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).

Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :

- Outre-mer :

M. Henri Torre, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 28) ;

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 76, tome XXII) ;

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (aspects sociaux, avis n° 78, tome VII) ;

M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (départements et régions d'outre-mer, avis n° 79, tome VII) ;

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (collectivités d'outre mer à statut particulier et Nouvelle-Calédonie, avis n° 79, tome VIII).

- Affaires étrangères :

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial (affaires étrangères, rapport n° 74, annexe n° 1) ;

M. Michel Charasse, rapporteur spécial (aide au développement, rapport n° 74, annexe n° 2) ;

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (affaires étrangères, avis n° 77, tome I) ;

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (relations culturelles extérieures et francophonie, avis n° 77, tome II) ;

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (aide au développement, avis n° 77, tome III) ;

M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (relations culturelles extérieures, avis n° 75, tome XI°) ;

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (francophonie, avis n° 75, tome XII).

- Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer :

IV. - Tourisme :

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 19) ;

M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 76, tome XVI).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2005

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2005 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2005

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2005 est fixé au vendredi 10 décembre à seize heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 8 décembre 2004, à deux heures quarante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD