PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.

Rappel au règlement

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Discussion générale (début)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, pour un rappel au règlement.

Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement du Sénat et concerne l'organisation de nos travaux.

Nous avons déposé de nombreux amendements sur le présent projet de loi, dont nous devions initialement entamer l'examen aujourd'hui à seize heures. Or nous avons appris la semaine dernière que nous commencerions cet examen ce matin. Nous n'avons donc pas eu le temps d'étudier sérieusement en commission les différents amendements affectant ce texte, une partie d'entre eux ayant même été examinés lors de l'interruption de la séance, au moment du déjeuner.

Par ailleurs, nous sommes obligés de constater que les administrateurs de la commission ont dû travailler dans des conditions tout à fait anormales.

Les moyens d'effectuer un travail sérieux en commission ne nous ont pas été donnés et le rythme qui nous est ainsi imposé nuit à notre travail et à la représentativité de la Haute Assemblée.

C'est pourquoi, monsieur le président, je souhaite que nos travaux soient prolongés le temps nécessaire, pour que nous puissions effectivement travailler dans de bonnes conditions.

M. le président. Madame Didier, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Je vous rappelle que la conférence des présidents, qui se réunira jeudi prochain, fera le point sur nos travaux et sera amenée à faire des propositions sur le déroulement des prochaines séances, en accord avec le Gouvernement.

Discussion générale (suite)

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de loi dont je ne peux pas croire que vous ayez l'entière paternité, car le ministre de l'écologie que vous êtes ne peut accepter à la fois l'amputation de son ministère - toujours fragile et toujours remis en question -, la confusion des responsabilités par la sédimentation des intérêts catégoriels et corporatistes, l'injustice qui frappera encore et toujours les usagers domestiques de l'eau par le déséquilibre des redevances en leur défaveur, le désengagement de l'Etat dans la solidarité due aux communes rurales et, au bout du compte - j'ai peine à le dire -, le renoncement à une politique nationale du bon état écologique de l'eau.

Certes, il n'est jamais facile de présenter une réforme touchant à la politique de l'eau dans notre pays, et c'est d'une main tremblante que l'on s'y attelle, tant les intérêts contradictoires, voire divergents, se font alors jour.

Pour ce faire, il faut une conjoncture favorable, indépendamment de la couleur politique du gouvernement en place.

Favorable, la conjoncture le fut en 1992, sous un gouvernement de gauche, mais elle ne le fut pas en 2002, sous un gouvernement de même tendance politique...

Il faut aussi avoir une vision et une volonté.

Ces trois exigences ont présidé à la loi fondatrice du 16 décembre 1964, qui marquait dans notre pays la naissance d'une politique de l'eau.

Cette loi, en créant les agences de l'eau, a eu le mérite d'introduire l'économie dans la gestion des ressources et d'organiser la concertation locale entre tous les partenaires concernés, à savoir les usagers, les élus locaux, l'Etat. Une commission spéciale avait alors été mise en place au Sénat.

Quelque quarante ans après, il est du rôle du Parlement d'évaluer avec lucidité comment les intentions du législateur se sont traduites dans la réalité.

Créées au bénéfice des agences, les redevances avaient un double but : faciliter le financement des actions d'intérêt commun au bassin, mais surtout - et j'insiste sur ce point -, réduire le besoin de telles actions par une incitation faite à chaque usager de prendre lui-même toutes les initiatives décentralisées qui permettent d'atteindre au moindre coût global les objectifs concertés de gestion de la ressource de l'eau.

Les redevances avaient pour objet d'internaliser, au moins en partie, les coûts induits par le comportement de chaque usager. Le rapporteur spécial de l'époque, le sénateur Lalloy, déclarait ainsi, au nom du Sénat, « attendre [...] de l'action d'incitation et de soutien financier que peuvent avoir les agences de bassins [...] des résultats importants pour l'accroissement des ressources en eau, pour une répression de la pollution et pour une meilleure économie de l'eau. »

C'est bien dans cette perspective que le décret du 14 septembre 1966 précisait que le taux des redevances devait tenir compte des « circonstances de temps et de lieu de nature à influer sur la valeur de la ressource ».

Quarante ans plus tard, on se rend bien compte que cette volonté aurait eu quelques chances de se traduire dans un espace géographique limité, où la solidarité physique d'acteurs proches se serait exprimée du mieux possible et où la pédagogie envers les différents usagers aurait pu pleinement s'exercer. Mais force est de constater que les territoires très vastes des grands bassins ont conduit à une dérive du dispositif initial.

Pour faire accepter les redevances, on a cherché à les rendre les plus indolores possibles par la distribution des aides, sans se donner la peine de les rendre incitatives et efficaces par la responsabilisation des acteurs.

On en est ainsi arrivé à un double effet inverse de l'intention originelle : on a externalisé les coûts de chacun en les faisant supporter par d'autres et on a favorisé une expansion insuffisamment efficace de la dépense publique.

Mme Dominique Voynet, qui vous a précédé à ce poste, monsieur le ministre, a créé l'inspection générale du ministère, et les rapports que cette instance a remis au Gouvernement depuis 2001 ne font pas de constat différent.

Je ne me lancerai pas à cet instant dans le débat sur le sexe des redevances, impositions de toute nature ou redevances pour service rendu.

Toutefois, en l'état du droit, il aurait fallu effectuer une réforme en profondeur des mécanismes de financement qui aurait consisté à préciser le rôle et la contribution de chacun des acteurs, en les sensibilisant au coût des atteintes qu'ils portent à la ressource en eau, conformément à la directive-cadre du 23 octobre 2000 qui prévoit une analyse économique de l'utilisation de l'eau.

Ce n'est pas la voie qui a été choisie par le Gouvernement : pour tenter de répondre au problème de l'inconstitutionnalité des redevances, vous proposez au Parlement de les harmoniser entre les agences et de fixer leur assiette, leur taux plafond ainsi que les dépenses plafonds des agences pour les années 2007 à 2012, lesquelles sont estimées à 12 milliards d'euros. Cette improbable fiscalisation décourage la modulation nécessaire des redevances, qui devraient être les plus incitatives possibles.

Ainsi, on s'éloigne toujours plus et, selon moi, définitivement de l'objectif de la loi de 1964, qui visait à prévoir des redevances dans la mesure où le redevable rend nécessaire et utile l'intervention de l'agence dans la réalisation d'intérêts communs au bassin et où il y trouve intérêt.

On tourne ainsi le dos à la direction que l'on aurait dû suivre, à savoir décentraliser davantage la gestion concertée de la ressource en eau, dans le droit-fil de la loi de 1992, et rapprocher progressivement les redevances de la valeur de l'eau et du coût collectif des comportements individuels et catégoriels.

On ne pourra porter la protection de l'environnement au niveau nécessaire - et nous en sommes loin en ce qui concerne l'eau ! - que si l'on sait optimiser les mesures prises pour en réduire le coût, et on ne fera accepter ce coût que si chacun peut avoir l'assurance que le même effort est demandé à ses voisins.

Les distorsions criantes qui aboutissent à faire massivement supporter le prix de l'eau aux contributeurs domestiques - nous en reparlerons au moment de la discussion des articles - ne vont pas dans ce sens.

Je voudrais maintenant revenir sur les deux points que j'ai évoqués dans mon introduction : le désengagement de l'Etat de sa mission de solidarité nationale et la débudgétisation de la politique de l'eau.

Le rôle de l'Etat est d'exprimer la solidarité nationale au travers des dotations et de la redistribution, et de venir en aide, si besoin est, à certains secteurs économiques en difficulté. Force est de constater que le Gouvernement se détourne de cette double exigence.

Mon collègue Paul Raoult a évoqué ce matin ce qui s'est passé lors de la discussion de la loi de finances rectificative à la fin de l'année dernière, et que je qualifie de « hold-up ». Il a estimé que ce débat avait eu lieu « à la sauvette ». Ce n'est pas tout à fait exact, même si le Gouvernement a effectivement tenté d'agir ainsi. J'étais présente à l'époque dans l'hémicycle, comme le président de la commission des finances. Un important débat a alors été engagé, au cours duquel je m'étais élevée contre le transfert aux agences de l'eau des sommes inscrites au Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, car cette mesure consacrait la disparition de ce fonds. Or, la semaine dernière, lorsque nous avons abordé ce sujet en commission des finances, nous avons constaté non seulement que le mécanisme national de solidarité envers les communes rurales disparaissait, mais aussi que les sommes reprises par le budget de l'Etat n'étaient toujours pas transférées aux agences. Cette captation par le budget de l'Etat est à la fois indue et injuste.

La version du projet de loi transmise au Conseil d'Etat comportait la création possible de fonds départementaux. Cette disposition a disparu de l'actuel projet de loi, laissant entier le problème de la solidarité envers les communes rurales.

Sur le point de savoir si les départements doivent se substituer au désengagement de l'Etat en disposant de leurs propres fonds, l'avis n'est pas unanime. En effet, même avec cette solution de repli, on écarterait la solidarité entre l'urbain et le rural et les départements les plus pauvres n'auraient pas les moyens de faire face à la situation.

Par ailleurs, nous admettons parfaitement que la solidarité nationale s'exerce à l'égard de l'agriculture ; cette dernière mérite d'être aidée, mais elle ne doit pas être incitée à porter atteinte à l'environnement par une exonération de redevances au moment où les problèmes posés par l'irrigation, les pollutions azotées et les pesticides sont de plus en plus aigus.

A ce sujet, monsieur le ministre, je veux vous donner un bon point, à vous-même et à votre gouvernement. : pour la première fois, le Gouvernement de la France a reconnu officiellement le lien qui existe entre l'environnement et la santé, notamment pour ce qui concerne les pesticides et autres facteurs de pollution. Mais vous n'en tenez pas compte dans ce projet de loi !

Toutefois, si les objectifs d'efficacité dans la gestion de la ressource, d'une part, et de redistribution sociale et économique, d'autre part, sont légitimes, notamment s'agissant des agriculteurs, on peut être certain, à vouloir les additionner, de n'en atteindre aucun. Ainsi, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si je n'ai pas l'intention d'ouvrir un débat idéologique avec le Gouvernement, permettez-moi de vous rappeler que, lorsque j'étais députée, j'ai participé au débat sur l'écotaxe, qui devait être à la fois une mesure environnementale et une mesure de redistribution sociale. Or, précisément parce que l'on voulait alors combiner ces deux caractéristiques, cela a été un échec.

Aujourd'hui, le principe du pollueur-payeur, que la Charte de l'environnement a pourtant inscrit, fût-ce insuffisamment, dans notre Constitution, n'est pas respecté dans le texte que vous nous proposez. Une association de consommateurs a même dit que votre projet instaurait le principe du pollué-payeur. Ainsi, on fragilise le dispositif global que l'on voulait asseoir juridiquement. Vous ne pouvez pas ignorer ce risque d'inconstitutionnalité !

Enfin, même si ce n'est pas de manière explicite, la confusion et la débudgétisation trouvent leur traduction la plus insensée dans la création de l'ONEMA, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques.

La lecture de l'article 41 du projet de loi nous remplit de scepticisme - et ce scepticisme est partagé sur toutes ces travées - quant aux responsabilités de cet Office national et d'inquiétude véritable quant au but recherché.

Cet Office national de l'eau et des milieux aquatiques mènerait des actions destinées à favoriser une gestion globale, durable et équilibrée de la ressource en eau. On croyait jusqu'à présent que ce rôle était dévolu aux agences de l'eau ! La loi de 1992 n'avait-elle pas donné à notre pays les outils de planification nécessaires à cette bonne gestion de la ressource en eau ?

Est-ce à une structure nouvelle et artificielle qu'il appartient de financer des programmes de recherche ? Que signifie l'expression « Il apporte son appui aux services de l'Etat », quand existe déjà une direction de l'eau au ministère de l'environnement ? Croit-on que l'on assurera une solidarité financière et que les agences pourront assumer leurs multiples missions avec les 108 millions d'euros qui leurs seront versés ?

Mme le rapporteur pour avis de la commission des finances a pointé, à juste titre, l'opération de débudgétisation menée au travers de ce texte. Cette opération ne peut ni recevoir l'appui du Parlement, qui, à partir de 2006, va travailler dans le cadre budgétaire de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, ni recueillir l'aval du ministre de l'environnement, qui peut craindre de voir les prérogatives de son ministère gravement altérées.

Pour conclure, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de citer cette maxime savoureuse de Benjamin Franklin, esprit des Lumières, aussi valeureux homme politique que brillant physicien : « Nul ne connaît la valeur de l'eau jusqu'à ce que le puits tarisse, et si chacun connaît la valeur de l'eau, le puits ne tarit pas ». Cette référence me semble bien utile dans ce débat ! Malheureusement, et sans préjuger la qualité des échanges que nous aurons pendant ces deux ou trois prochains jours, je crains que l'esprit de Benjamin Franklin n'ait pas soufflé sur votre texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Discussion générale (début)
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Discussion générale (suite)

6

PRestation de serment d'un juge à la haute cour de justice

M. le président. M. Georges Othily, juge titulaire à la Haute Cour de justice, va être appelé à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par la loi organique.

Je vais donner lecture de la formule du serment. Je prie ensuite M. Georges Othily de bien vouloir se lever, et de répondre, en levant la main droite, par les mots :

« Je le jure. »

Voici la formule du serment :

« Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme digne et loyal magistrat. »

(M. Georges Othily, juge titulaire, se lève et dit, en levant la main droite : « Je le jure ».)

M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui. (Applaudissements.)

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Discussion générale (suite)

Eau et milieux aquatiques

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Demande de réserve

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, afin d'éviter les redites, je limiterai mon intervention à quelques points.

Je ne reviendrai pas sur l'historique, sur l'attente suscitée par ce texte de loi, sinon pour rappeler que, au cours des cinquante dernières années, les pouvoirs publics et les collectivités ont créé, à la ville comme à la campagne, un véritable service public de l'eau associant collecte et assainissement.

Si je fais ce rappel, c'est parce qu'avaient prévalu, lors de l'élaboration de la loi de 1964, un certain nombre de principes qui étaient novateurs à l'époque, voire quelque peu révolutionnaires. Même s'il est aujourd'hui banal de les énoncer, je le ferai néanmoins, parce qu'il nous faut les conserver à l'esprit au moment où nous discutons de ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.

Je distinguerai trois grands principes.

Le premier concerne la décentralisation. Sur ce sujet, il est évident que les bassins hydrographiques sont les territoires pertinents sur lesquels il faut faire porter nos réflexions.

Le deuxième concerne la responsabilisation : celle des élus, sans doute, mais aussi celle des usagers. Il faut sans cesse rappeler que nous sommes tous des acteurs ou des co-acteurs de la politique de l'eau, de la politique des rejets, des actions de pollution. On ne peut pas dissocier - j'y reviendrai tout à l'heure - les différents co-acteurs, nous sommes tous responsables de la mise en place d'une politique de l'eau et du maintien d'une eau de qualité.

Même si Benjamin Franklin n'est plus là, nous pouvons éviter l'assèchement du puits, et ainsi rencontrer un peu moins de difficultés.

Mme Nicole Bricq. L'Esprit des lois !

M. Jean-François Le Grand. Mais c'est bien l'esprit de la loi, madame ! Je ne reniais pas, disant cela, l'action de Benjamin Franklin, bien au contraire, et vous devriez vous-même vous en inspirer dans certaines de vos réflexions...

Le troisième principe, c'est la mutualisation des moyens financiers afin d'optimiser les taxes et les redevances, mais aussi - j'insiste sur ce point, parce que l'on y reviendra dans le débat - afin de garantir la péréquation et la solidarité. Même si la politique de l'eau ne peut être conduite sans recettes, la finalité n'est pas d'amasser un trésor mais de faire en sorte que péréquation et solidarité puissent s'exprimer dans les meilleures conditions.

Gardons à l'esprit ces trois principes, qui ont prévalu il y a maintenant près de cinquante ans, afin qu'ils continuent de prévaloir dans la réflexion qui est la nôtre.

Intervenant en cet instant en tant que président du Cercle français de l'eau, je rappellerai la finalité de ce dernier.

Le Cercle français de l'eau, le CFE, a été créé sur l'initiative du sénateur Jacques Oudin, voilà près de quatorze ans. C'est une structure de réflexion, d'échanges et de concertation ; c'est aussi une force de proposition ; c'est enfin la voix commune des acteurs de l'eau, et ce d'autant plus que le Cercle français de l'eau regroupe les représentants de l'ensemble des institutionnels, des professionnels ainsi que des collectivités locales et territoriales, sous la coprésidence de deux parlementaires : j'ai l'honneur de partager cette présidence avec notre collègue député Pierre Ducout.

C'est donc au titre de ce Cercle français de l'eau que je vais maintenant vous livrer quelques réflexions et vous rappeler quelques-uns des principes généraux qui nous ont guidés dans la rédaction des amendements que nous avons déposés.

Monsieur le ministre, l'objet de ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques est triple.

Il s'agit tout d'abord de se doter des outils nécessaires pour atteindre l'objectif d'un bon état écologique des eaux, comme vous l'avez rappelé ce matin ; il s'agit ensuite de rénover les différentes organisations institutionnelles, notamment les agences de l'eau et le Conseil supérieur de la pêche, avec la création de l'ONEMA, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques ; il s'agit enfin d'améliorer les services publics de l'eau et de l'assainissement.

Je ferai à cet égard un certain nombre de propositions, que je diviserai en trois groupes et que je déclinerai en cinq principes généraux.

Pour répondre au premier objectif, le CFE propose d'adapter notre organisation nationale à une politique européenne axée sur la qualité du milieu, parce qu'il en va du respect des engagements auxquels la France a souscrit mais aussi du respect d'un certain nombre d'autres buts, qui n'ont pas été rappelés ici mais qui sont néanmoins présents à l'esprit, qu'il s'agisse de la biodiversité, de la qualité de l'environnement et, plus généralement, d'un certain nombre de préoccupations qui sont pour l'essentiel inscrites dans al Constitution.

En ce qui concerne la rénovation de l'organisation institutionnelle, le CFE propose de mettre en oeuvre la véritable « démocratie de l'eau » à laquelle nous aspirons tous, Français, élus, parce qu'il en va de la transparence et de la bonne gouvernance.

Enfin, le CFE estime qu'il faut faire comprendre à chacun que la responsabilité de la protection de la ressource est l'affaire de tous. Peut-être pourrons-nous ainsi échapper à ce mal français que les Anglais évoquent avec l'expression « not in my backyard », qui signifie que tout le monde est prêt à l'effort... du moment que c'est l'autre qui le supporte !

Notre société est de plus en plus marquée par un égoïsme dont il faut sortir, car c'est par le comportement individuel de chacune et de chacun d'entre nous que l'on atteindra un bon état écologique des eaux et, plus généralement, les objectifs contenus dans ce projet de loi.

Je déclinerai maintenant, monsieur le ministre, nos propositions en cinq principes généraux.

Le premier consiste à mettre l'accent sur une conviction commune qui est présente à notre esprit, même si elle a été un peu absente lors de nos discussions : l'eau est l'affaire de tous ! C'est pourquoi une politique de l'eau et de l'environnement ne deviendra pleinement légitime que si elle est partagée par tous, que si l'on élargit le champ de son action à la planète toute entière.

Je participais, voilà quelques jours, aux échanges Europe-Afrique organisés sur l'initiative de M. Gentilini, président de l'Académie de l'eau. La mise en commun de nos connaissances, la préservation en commun d'un patrimoine vital pour l'humanité, le refus de fermer les yeux sur des situations intolérables de non-accès à l'eau potable doivent imprégner les « nantis » - au sens large du terme - que nous sommes. J'ai d'ailleurs entendu notre collègue Philippe Richert utiliser ce mot ce matin.

Un bon état écologique des eaux ne peut pas concerner seulement une sorte de sous-ensemble géographique : il doit être une ardente obligation mondiale, sous-tendue par une volonté de solidarité de tous les instants. A cet égard, je rappelle et je me réjouis du vote intervenu au Parlement, sur l'initiative de notre collègue Jacques Oudin, concernant le 1 % destiné à la coopération décentralisée.

Le deuxième principe général concerne la recherche d'une protection efficace des ressources. Nous en reparlerons lors de la définition des critères d'appréciation du bon état écologique des eaux car, si tout le monde fait référence à ce concept, nous n'avons pas encore pris le temps de définir ce qu'était ce « bon état écologique de l'eau ».

Nous aurons l'occasion d'y revenir et, toute publicité gratuite mise à part, je vous invite à nous retrouver le 17 octobre prochain, à l'occasion d'un colloque organisé sur l'initiative du Cercle français de l'eau, pour élaborer une définition européenne de ce bon état écologique des eaux. Nous devons en effet nous garder d'avoir une définition franco-française en la matière, qui vienne introduire une sorte de « dumping environnemental » alors même que, par ailleurs, la création de l'Europe supporte déjà tant de difficultés.

Toujours concernant la protection des ressources, il faudra clarifier les responsabilités de la police de l'eau et définir ses moyens.

Il faudra avoir une approche globale des pollutions dans les territoires ruraux et, à cet égard, il faudra arrêter de montrer du doigt les agriculteurs, qui seraient seuls coupables de toutes les pollutions et de toutes les difficultés.

M. Gérard César. Exactement !

M. Jean-François Le Grand. Les agriculteurs ne représentent qu'un des maillons de la chaîne : lorsque nous, consommateurs, demandons à avoir des légumes d'une certaine qualité, d'une certaine couleur, sans taches, sans nématodes, sans ceci ou sans cela, nous contraignons les producteurs à utiliser des produits phytosanitaires, et nous les accusons ensuite de contrarier l'environnement...

Co-responsabiliser l'ensemble de la chaîne alimentaire serait beaucoup plus intelligent. D'où, monsieur le ministre, le souhait du groupe de l'UMP, qui sera partagé par tous ceux qui ont du bon sens, d'encourager plutôt la vertu que de pénaliser le vice, d'encourager plutôt les bonnes pratiques agricoles que de fustiger ceux qui ne respecteraient pas les normes de production.

Bref, préférons les actions positives à la dénonciation : nous gagnerons bien plus ainsi qu'au travers quelques taxations abusives.

Mme Bricq vient d'ailleurs de rappeler avec raison les causes fondamentales de l'échec de l'écotaxe : à se donner deux objectifs contradictoires, on court le risque de n'en atteindre aucun, d'où la nécessité - et c'est peut-être sur ce point, madame Bricq, qu'apparaît une différence entre nous - de mener une action positive de proposition et d'encouragement à aller vers de meilleures pratiques plutôt que d'appliquer une taxe « bête et méchante » pénalisant ceux qui n'en peuvent mais.

Dernière observation sur la protection de la ressource, la maîtrise de la qualité des eaux de baignade doit être prise en compte, et différents amendements me donneront, monsieur le ministre, l'occasion de revenir sur ce sujet.

Les rivières vont à la mer et, si nous ne profitions pas de l'examen du présent texte pour introduire dès maintenant dans notre législation les dispositions d'une directive en cours de gestation sur les eaux de baignade, nous manquerions peut-être en partie notre cible. Il y a tout de même en France environ un millier de communes littorales qui toutes sont concernées par la qualité des eaux de baignade. Là encore, nous ne pourrons nous contenter d'une incantation : l'eau de baignade doit certes être de qualité, mais encore faudra-t-il déterminer les critères de cette qualité.

Troisième principe général : il importe de promouvoir une bonne gouvernance de l'eau.

Cela implique de redéfinir les fonctions régaliennes de l'Etat et de préciser les financements, sujet sur lequel nombre d'entre nous se sont déjà arrêtés ou s'arrêteront encore ; de réaffirmer le rôle fondamental des agences de l'eau ; de renforcer le rôle des élus au sein des comités de bassin ; d'inviter les collectivités locales à mieux connaître leur patrimoine.

J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur l'importance de ce dernier point, sachant qu'à peu près un tiers de l'eau traitée destinée à la distribution disparaît du fait du mauvais état des canalisations ou de fuites dans le réseau. L'expertise de l'état patrimonial des réseaux de distribution de l'eau permettra donc à elle seule de réaliser de substantielles économies, mais il faudra aider les départements à la réaliser. Je suis président d'un conseil général qui a déjà mis en oeuvre une telle expertise et je puis vous assurer que cela nous coûte extrêmement cher, même si, in fine, sur le moyen et le long terme, nous serons gagnants par rapport à l'investissement de prospective que nous aurons consenti.

La promotion d'une bonne gouvernance de l'eau passe enfin par la fiabilisation de l'épandage agricole des boues, et je parle là sous le contrôle de nos collègues qui sont directement concernés par les activités agricoles.

Comment continuer d'accepter que les agriculteurs soient sollicités pour épandre des boues quand, dans le même temps, cette pratique est interdite pour obtenir le label bio ? Du point de vue du bon sens et de la logique, il y a là quelque chose qui m'échappe ! La création d'un fonds de garantie est donc une nécessité et, surtout, il faut faire savoir que la bonne qualité écologique des boues n'est pas un inconvénient pour les agriculteurs, mais au contraire un amendement dont ils peuvent bénéficier à moindre frais.

Il faudrait également réaffirmer le droit à la diversité des usages et trouver un compromis entre l'énergie hydraulique et les activités de préservation des milieux naturels ou de pêche. C'est là que se situe le vrai conflit d'usage, et résoudre ce dernier constitue une part essentielle de notre travail de législateur.

Il ne s'agit ni d'opposer un camp à l'autre ni d'en privilégier un, mais, dans chaque cas, de chercher au moins le compromis ou, mieux encore, le consensus. Le compromis signifie en effet l'abandon par chacune des parties d'un peu de sa vérité alors que le consensus permet une sortie par le haut grâce à une solution acceptable et acceptée par tous.

Il n'est pas impossible de parvenir au consensus : il faudra le rechercher en dehors de la passion, en dehors de la pression, avec beaucoup de bon sens et, surtout, avec un regard de citoyen tendu en permanence vers l'intérêt général dans le domaine de l'eau.

L'eau est par ailleurs un véritable facteur de croissance et, monsieur le ministre, nous déposerons des amendements ou, du moins, nous ferons des observations afin que la question de l'eau soit abordée aussi dans cet esprit et que des capacités de croissance soient offertes à tous.

On touche là à la différenciation des enjeux territoriaux. Des péréquations devront être mises en place et, à cet égard, il a été fait allusion ce matin aux fonds départementaux par Mme Keller, par vous-même, monsieur le ministre, et par d'autres orateurs.

De grâce, mes chers collègues, n'entrons pas dans des débats surannés et obsolètes ! Il ne s'agit pas de privilégier telle ou telle collectivité : le bon niveau de compétence est celui qui est le plus efficace. Dès lors que l'efficacité d'un niveau de compétence est avérée, retenons donc ce niveau !

Je fais ici appel à tous ceux qui sont ou qui ont été présidents de conseils généraux sur ces travées : la meilleure péréquation en proximité départementale est bel et bien celle qui nous permet de disposer d'une ligne financière pour aider un peu plus ceux qui sont dans le besoin et un peu moins ceux qui ont peut-être davantage d'atouts. Il ne s'agit même pas d'une opposition entre l'urbain et le rural, mais simplement d'un problème de péréquation et d'égalité des chances, abordé au travers du prisme de ce facteur de croissance.

Enfin, il faudra répondre au besoin d'information du public. Privilégier l'information du public est un devoir maintenant incontournable en même temps qu'une absolue nécessité : une politique n'est partagée que si elle est comprise et, pour qu'elle soit comprise, il faut qu'elle soit expliquée.

L'eau est l'affaire de tous et elle est au coeur du développement durable ; l'enjeu de l'eau est celui des générations futures. Nous avons donc l'obligation de dialoguer, de nous concerter, de rechercher toujours le consensus, et il revient à la loi d'organiser le dialogue et la recherche de consensus.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les observations que je voulais présenter au nom du Cercle français de l'eau, observations sur lesquelles la discussion des amendements nous permettra de revenir de manière un peu plus précise.

Je terminerai en félicitant le rapporteur, Bruno Sido, et les rapporteurs pour avis, Fabienne Keller et Pierre Jarlier, pour la qualité du travail qu'ils ont accompli. Ils ont anticipé, monsieur le ministre, l'examen du projet de loi qui nous est présenté, ce qui nous a permis, comme Bruno Sido l'a rappelé, d'être associés à bon nombre des auditions qu'au titre de président du groupe d'études sur l'eau ce dernier anime au sein de notre assemblée. J'ai ainsi le sentiment d'être depuis longtemps déjà familiarisé à ce texte, et c'est un vrai bonheur de pouvoir en discuter aujourd'hui en séance publique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques nous donne l'occasion de poursuivre les nombreuses initiatives engagées pour protéger notre ressource en eau.

Qu'elles soient d'origine nationale, comme les lois de 1964, 1984 et 1992, ou d'inspiration communautaire, à l'image de celle qui nous est soumise, les lois relatives à la politique de l'eau n'ont eu de cesse de réglementer la protection des eaux et les sources de pollution.

Si de nombreuses directives témoignent de l'active volonté des Etats membres de l'Union européenne dans ce domaine si particulier de l'environnement, force est de constater la prégnance de la directive qui inspire ce projet de loi.

La directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 traduit en effet une véritable ambition commune conciliant préservation du milieu et satisfaction des usagers.

Ainsi fixe-t-elle des objectifs ambitieux aux Etats membres : parvenir sous quinze ans au bon état des eaux ; supprimer ou, à défaut, réduire les rejets de substances dangereuses ; engager une logique participative du public ; prendre en considération le principe de récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau.

Pour autant, cette démarche communautaire n'est pas étrangère à la France. En effet, si la norme européenne se veut plus contraignante que notre législation nationale, elle présente avec cette dernière de nombreuses similitudes et s'inspire même à certains égards de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, laquelle avait érigé l'eau au rang de patrimoine commun de la nation et établi un lien très étroit entre la ressource et ses multiples usages.

Monsieur le ministre, comme vous le soulignez dans l'exposé des motifs du projet de loi, la situation, en dépit des dispositifs mis en oeuvre par notre législation, « n'est pas entièrement satisfaisante » ; vous soulignez également que la qualité des eaux « n'atteint pas encore le bon état requis par la directive ».

Parmi les entraves à la réalisation de cet objectif quantitatif et qualitatif, il nous faut mentionner les pollutions ponctuelles ou diffuses, ainsi que les ouvrages constituant des obstacles à la continuité biologique et au transit sédimentaire.

Soucieuse du devenir de notre ressource aquatique, je crois fermement à la réussite du modèle français, lequel s'appuie en particulier sur le partenariat étroit et efficace avec les organisations représentatives des pêcheurs. Aussi, je bornerai mon propos aux seules dispositions relatives à la pêche en eau douce.

Avant toute chose, je veux revenir sur la contribution de l'Union nationale pour la pêche en France et de ses composantes à la défense de notre environnement naturel.

Forte de 2 millions d'adhérents répartis dans plus de 4 000 associations agréées, l'UNPF est l'exemple réussi d'un engagement associatif au service de causes reconnues d'intérêt général. Depuis sa création en 1947, elle est tantôt à l'origine de normes, comme pour la loi de 1984, tantôt associée à leur rédaction.

Elle exerce ses responsabilités au travers d'une triple approche : en matière environnementale, par le rôle qu'elle joue dans la protection du patrimoine piscicole, la préservation des milieux aquatiques, l'aménagement des rives et la surveillance de la pêche ; en matière économique, au travers des actions engagées pour développer un loisir, gérer un domaine de pêche accessible à tous et contribuer à l'animation touristique de nos territoires ruraux ; en matière sociale enfin, par le biais des campagnes d'information et d'éducation.

Pour que les missions confiées à cette instance de la pêche associative puissent être menées à bien, chaque pêcheur adhère, en prenant sa carte, à une association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique, apportant ainsi sa contribution financière par le biais d'une cotisation statutaire et de la taxe piscicole.

Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est donnée pour saluer, monsieur le ministre, la récente décision du Gouvernement de plafonner à 10 euros cette contribution.

Vous avez ainsi démontré un esprit d'ouverture et un sens du dialogue qui, je l'espère, continueront de se manifester tout au long de l'examen par le Sénat du projet de loi, car, si de nombreux points positifs caractérisent ce texte - missions et organisation des agences de l'eau, création de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, organisation de la pêche en eau douce... -, quelques-uns méritent d'être modifiés pour donner à la pêche associative des moyens à la hauteur de ses missions d'intérêt général.

Ainsi parviendrons-nous, par quelques amendements au texte, à donner encore plus de consistance à un des quatre objectifs communautaires : la participation du public à l'élaboration et au suivi des politiques.

Par quels moyens, si ce n'est par l'esprit d'ouverture et par le sens de la concertation, réussirons-nous en effet à conserver, voire démultiplier, l'investissement bénévole des adhérents de la pêche associative au profit de la protection des eaux et de leur écosystème ?

C'est donc avec le souci de contribuer à l'amélioration d'un texte par ailleurs globalement satisfaisant que je présenterai une série d'amendements qui visent à prévoir la consultation des fédérations départementales des associations de pêche dans le cadre des procédures du débit affecté et de classement des cours d'eau, à assurer une parfaite cohérence du dispositif de classement des cours d'eau par la création d'une procédure de déclassement express, à rappeler aux propriétaires riverains qu'ils ont la possibilité d'obtenir des subventions publiques pour l'aménagement des rives et des fonds, à préciser le champ d'application de ces mêmes subventions, à soutenir les actions de la pêche associative et à en affirmer explicitement la place dans la gestion de la ressource, et enfin à accroître, sur la base du volontariat, les possibilités d'adhésion à une association agréée.

Le défi auquel nous sommes collectivement confrontés pour atteindre les objectifs communautaires ne pourra, me semble-t-il, être relevé en faisant l'impasse sur ces apports parlementaires qui traduisent le sentiment de plus de 2 millions de Français. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous débattons concerne l'eau et les milieux aquatiques. Il est long, complexe. Il concerne de nombreux acteurs. Il touche à de multiples domaines et il est d'une grande technicité. Il aurait donc mérité des conditions de lecture plus conformes à ce que l'on attend du travail parlementaire. Comment, en effet, se préparer sérieusement à son examen alors que le rapport de la commission n'a été disponible qu'hier, et encore uniquement sur Internet ?...

Je m'empresse néanmoins d'ajouter que les travaux préparatoires de la commission, grâce à son rapporteur, M. Bruno Sido, ont été remarquables, et je tiens à souligner l'excellence du travail conduit, dans un délai très court, avec les administrateurs de ladite commission.

Quoi qu'il en soit, le texte qui nous est soumis soulève un certain nombre de questions, et c'est dans un esprit constructif que j'aborderai ce débat.

Je m'en tiendrai volontairement à deux sujets.

Le premier concerne les missions des collectivités territoriales en matière de fourniture d'eau potable et d'assainissement.

Il est décisif que la notion de « service public de l'eau » et de « service public de l'assainissement » soit posée en préalable à l'énoncé de toute mesure technique, et qu'il soit bien spécifié que cette mission, même si elle reste sous le contrôle de l'Etat, est à la charge et sous la responsabilité des collectivités territoriales, lesquelles peuvent bien sûr déléguer l'exercice de cette mission à des opérateurs privés : je pense aux grandes entreprises, sur lesquelles je reviendrai ultérieurement.

Ma seconde réflexion a trait aux captages sauvages ou incontrôlés. Il n'est pas acceptable, comme cela a déjà été dit ce matin par notre collègue M. Richert, de continuer à les tolérer. Outre qu'ils constituent un risque pour l'environnement, ils pèsent sur les budgets des finances locales dans la mesure où, échappant à toute redevance, ils s'accompagnent de rejets sur le réseau d'eaux usées, sans que la collectivité perçoive la taxe afférente. Cette pratique peut être le fait de particuliers, mais elle est parfois liée à l'exercice de certaines professions, dont l'exploitation de terrains de camping.

Après cette déclaration un peu générale, j'en viens à des questions très concrètes.

Ne serait-il pas opportun, monsieur le ministre, de réglementer la profession de foreur, comme l'a été celle de carrier, et de faire provisionner le coût de la remise en état des lieux afin d'éviter la prolifération de ces ouvrages abandonnés qui conduisent la pollution de surface dans la profondeur des eaux souterraines ?

Les présidents de syndicats intercommunaux et les maires ne pourraient-ils pas avoir très directement un pouvoir de contrôle et d'inspection en la matière, tel que celui que ce texte prévoit de confirmer en matière d'assainissement privé ?

Ce sont là autant de questions précises que je tenais à vous poser. Au fond, j'aimerais savoir si nous ne pourrions pas, tous ensemble, au Sénat, déléguer à chaque collectivité territoriale concernée une mission de service public relative à la fourniture de l'eau, s'étendant aux forages des particuliers, pour garantir un minimum d'assurance en matière de risques et d'équité.

S'agissant du financement des réseaux d'adduction d'eau, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que le gouvernement auquel vous appartenez a ouvert une brèche dans la solidarité nationale en faisant voter, en 2004 - à la sauvette, d'ailleurs -, la suppression du Fonds national d'adduction d'eau et sa fusion dans les agences de bassin.

Le risque est ainsi grand de favoriser les régions riches en eau et urbanisées par rapport aux territoires ruraux, où l'accès à l'eau est coûteux et où la faible densité de population résidant à l'année a des répercussions sur les finances locales. C'est la raison pour laquelle je présenterai un amendement visant à rétablir une forme de péréquation nationale des ressources prélevées, mais avec une gestion décentralisée au niveau du département.

Je chercherai également à préciser les conditions d'application de la fourniture d'eau potable aux personnes en difficulté, comme le prévoyait la loi de 1998 sur l'exclusion.

Je le ferai pour des raisons d'humanité, de justice sociale et de solidarité, cela va de soi, mais aussi par réalisme ; ce qui me conduit, monsieur le ministre, à vous soumettre le problème suivant : une fois cette catégorie de population mise à l'abri du besoin en eau potable, qu'adviendra-t-il de tous ceux qui, bien que bénéficiant de revenus corrects, n'ont de cesse d'échapper au paiement de la redevance d'eau en multipliant les impayés ? On voit clairement que les procédures actuelles, qu'elles passent par les percepteurs ou par la justice, ne fonctionnent pas. Est-il licite - c'est une question que je me suis souvent posée en tant qu'élu local - qu'un maire ayant conservé la régie directe de l'eau coupe, en cas d'impayés, l'approvisionnement d'administrés dont la situation sociale n'a pas justifié une aide des pouvoirs publics ?

Je formulerai également un regret. Alors que l'eau doit être économisée et que le traitement qu'elle doit subir pour être potable est coûteux, aucune distinction n'est faite dans la facturation entre l'eau potable destinée à la consommation domestique et l'eau destinée au jardinage, au remplissage des piscines ou à d'autres formes de loisirs. Ce n'est pas logique.

Ne pourrait-on pas prévoir des modalités de financement pour permettre à des syndicats d'irrigation dont les terres sont gagnées par l'urbanisation, comme c'est le cas dans ma commune, de convertir facilement leur activité en affectant leurs ressources en eau à des besoins non domestiques ?

De même que mon collègue Philippe Richert, je suis très intéressé par l'idée du double réseau d'approvisionnement en eau : l'eau pluviale d'un côté, l'eau potabilisée de l'autre.

Voilà autant de propositions qui ne figurent pas dans le texte qui nous est soumis, d'où mon insatisfaction.

Il reste trois sujets que me contenterai d'évoquer, me réservant d'y revenir plus longuement au cours du débat, et qui méritaient, selon moi, plus de courage de la part du Gouvernement, quand bien même le texte qui nous est présenté contient à cet égard des dispositions intéressantes.

S'agissant, d'abord des agences de l'eau, dont notre collègue Mme Bricq vient de rappeler les dysfonctionnements et l'opacité, les rapports se sont multipliés. Or rien, dans ce texte, ne prévoit de remédier à la situation.

Concernant, ensuite, la répartition de la charge entre les acteurs économiques - et je ne pense pas uniquement à l'agriculture - et le budget des contribuables locaux, il serait sans doute souhaitable d'aller un peu plus loin, même si j'admets que cela est difficile. En la matière, il faut avancer, mais avancer avec prudence pour éviter toute rupture.

Pour ce qui est, enfin, des grands opérateurs privés, le texte acte leur présence comme si elle allait de soi, alors qu'ils imposent parfois aux collectivités territoriales des contrats léonins qui ont donné lieu dernièrement à un certain nombre de procédures judiciaires.

Quand, monsieur le ministre, allons-nous reprendre cette question ? Je pense qu'elle mérite d'être examinée et qu'elle explique le ton un peu vif de certains élus, y compris au Sénat, dès lors qu'ils constatent l'inégalité de traitement qui existe entre ces grands opérateurs privés et les collectivités territoriales de petite importance qui n'ont pas les moyens de se défendre.

Ce sont là les questions de fond et les questions techniques - mais elles aussi de portée générale - que je souhaitais verser au débat.

J'espère que le climat constructif qui a présidé à cette discussion générale se poursuivra tout au long de nos travaux et que nous pourrons, à la suite de nos réflexions collectives, adopter - pourquoi pas à l'unanimité ? - un certain nombre des amendements que nous vous proposerons et qui sont dictés par l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rêvons un peu.

Imaginons un martien atterrissant dans notre beau pays.

L'habitant de la planète désertique serait d'abord émerveillé d'y voir couler tant d'eau : celle des fleuves, des rivières et des ruisseaux, mais aussi celle des fontaines des villes, des robinets des habitations partout sur le territoire, celle des canaux d'irrigation de plus en plus nombreux...

Revenu de son éblouissement premier, incrédule, il constaterait rapidement, à l'arrière du tableau, des ombres et une suite d'incohérences.

Il constaterait que l'abondance aquatique s'accompagne de déficits régionaux ou saisonniers ponctuels. Cela concerne évidemment les départements méridionaux subissant une forte pression démographique, mais aussi beaucoup d'autres départements. En 2003, par exemple, dans les trois quarts des départements français, les préfets ont pris des arrêtés réglementant la consommation d'eau, pour faire face à la sécheresse.

Il constaterait non seulement que la pollution menace le milieu et la ressource, mais que ceux qui polluent le moins sont ceux qui payent le plus pour la contenir : globalement, quelque 84 % des redevances et 89 % de la redevance pour pollution sont acquittés par les collectivités locales, donc essentiellement par l'usager domestique, contre 1 % par les agriculteurs et 0 %, sauf erreur de ma part, par les producteurs de nitrates et pesticides divers.

Intrigué, il relirait le dernier état de la Constitution française, dont on lui aurait parlé lors de son stage de préparation au voyage, et il y trouverait cette forte formule : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement dans les conditions définies par la loi. »

Par chance, il se trouve que l'on débattait au Sénat au même moment du projet de loi sur l'eau, ce qui lui avait permis de s'apercevoir que ce dernier ne rectifie qu'à la marge, de quelques points, l'iniquité manifeste de traitement entre ceux qu'il est convenu d'appeler « les usagers de la ressource ».

Autre sujet d'étonnement pour notre martien : la définition de la politique de l'eau, et ce qu'il appellerait, ayant appris un français standard, la « gestion de la ressource », ignorant qu'il serait plus « tendance » de parler de la « gouvernance de l'eau ». Voilà un système, s'agissant de répondre à la demande et d'assurer le service et son financement, qui repose principalement sur les épaules de collectivités locales - communes et intercommunalités, départements, parfois régions - alors même qu'elles ne peuvent pas véritablement peser sur les grands enjeux de la politique de l'eau.

On avait dit à notre martien, toujours lors de son stage de préparation au voyage, que la France était le pays de la décentralisation, qu'elle y connaissait même depuis trois ans une nouvelle jeunesse.

Il s'étonnerait donc que l'Etat - qui, depuis la captation du produit du pari mutuel urbain et la suppression du FNDAE, ne contribue plus que marginalement au financement de la politique de l'eau - dispose au sein des comités de bassin et des conseils d'administration des agences de l'eau du même nombre de représentants que les collectivités locales.

Il s'étonnerait plus encore qu'il désigne le président de leur conseil d'administration.

Il penserait juste et nécessaire que ces collectivités locales disposent de 50 % des sièges dans ces deux organismes et que le président du conseil d'administration des agences de l'eau soit élu parmi leurs représentants.

Il se dirait, accessoirement, que cette disposition donnerait un fondement juridique plus solide aux redevances décidées par les agences, rendant inutile le plafonnement de leurs dépenses, à des niveaux dont on sait qu'ils sont très en dessous des besoins.

Il espérerait, par cette augmentation significative de la représentation des élus locaux, réduire le pouvoir de la bureaucratie toute-puissante qui, à. l'abri de complications techniques parées des plumes de la science et de l'objectivité, est le véritable patron de la politique des agences de l'eau.

Un système de redevance complexe, multipliant seuils et assujettissements forfaitaires, peu soucieux des efforts réels des acteurs, est encore le moyen le plus simple d'éviter de parler de ce qui fâche, de perpétuer les inégalités de traitement et, finalement - ce qui est essentiel - d'assurer son pouvoir.

Devenus pourtant des acteurs incontournables en matière d'eau et d'assainissement au fil des années, les départements sont les premiers à se plaindre d'être tenus pour quantité négligeable par les agences. Ils déplorent devoir trop souvent se plier aux oukases de ces dernières et ils éprouvent des difficultés à harmoniser les politiques des uns et des autres.

Un renforcement du poids et du rôle des élus locaux au sein des comités de bassin et des agences serait de nature à faciliter cette harmonisation et à développer des politiques contractuelles, lesquelles sont de plus en plus indispensables.

Notre martien, pénétrant de plus en plus les arcanes du système, se dirait qu'une telle solution garantirait une postérité au défunt fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE. En effet, il y aurait quelque paradoxe à ce que les communes rurales, dont provient l'essentiel de la ressource en eau - sans qu'elles en tirent d'autre avantage que des contraintes de protection -, se voient privées d'un des principaux leviers de leur politique en matière d'eau et d'assainissement.

Il imaginerait que départements et agences pourraient coordonner leurs politiques, définissant des programmes spécifiques aux communes rurales et y affectant des crédits clairement identifiés.

J'en resterai là de ma chronique martienne, ajoutant simplement que même si, par certains aspects, le projet de loi qui nous est présenté va dans le bon sens, les pas sont bien petits !

Autant que je puisse en juger, les propositions des commissions vont un peu plus loin, mais seulement un peu. Nous nous efforcerons, par nos amendements, de réduire la distance entre les grands principes et les réalités, si tel est votre voeu, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprimerai ici en tant que président non pas d'un syndicat d'eau ou d'assainissement, mais du groupe d'études sur la pêche, ce qui ne vous surprendra pas : il faut bien qu'il y ait au Sénat un groupe d'études traitant exclusivement de ce sujet !

Après nous être occupés des territoires ruraux, puis de la présence postale, nous nous attachons aujourd'hui à un autre élément structurant de notre ruralité : l'utilisation de l'eau douce sous toutes ses formes, et, bien sûr, la pêche.

Je forme le voeu que tous ici nous sachions, une fois encore, nous retrouver solidaires pour défendre des activités, des valeurs, des traditions, des femmes et des hommes qui nous sont chers.

Mon temps de parole est trop bref pour vous rappeler le caractère festif de la pêche d'étang, qui réunit des dizaines de personnes d'un village ou d'un canton, des parcours de pêche des communes ou des comités d'entreprise, qui constituent le seul lieu de distraction de centaines de milliers de nos concitoyens, des étangs de production et des piscicultures, sans oublier bien évidemment les sports d'eau vive. Tout cela représente une fraction de notre patrimoine rural commun, qui est toutefois traversé de multiples conflits d'usage que le présent projet de loi pourrait judicieusement apaiser.

Dès l'abord, je prie mes collègues des villes de m'excuser si je les surprends ou les ennuie en évoquant un premier conflit typiquement franco-français, celui qui oppose les « eaux libres » aux « eaux closes », les « eaux vives » aux « eaux privées ».

Quelques mots me suffiront pour dire que la volonté exprimée par le Parlement, en 1984, de maintenir le critère de communication du poisson a été bafouée. Il ne s'agit pas, en ce jour, de régler des comptes. Mais, heureusement, tous les pêcheurs, pisciculteurs et gestionnaires d'étangs en sont aujourd'hui conscients, et personne ne confond plus, si vous me permettez l'expression, « pompe à finances » et « pompe de relevage ». (Sourires.)

M. Bruno Sido, rapporteur. Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. Dans tous les cas, nous attendons un geste fort de votre part, monsieur le ministre, pour redonner leur sens ancestral aux eaux closes.

A cet égard, je tiens à féliciter notre rapporteur, Bruno Sido, pour l'ensemble du travail qu'il a accompli et, plus particulièrement, pour son effort de recherche d'une solution consensuelle, à laquelle je suis tout à fait prêt à me rallier.

Les temps ont changé et il ne serait pas opportun, j'y insiste, d'en revenir au statu quo ante, c'est-à-dire au flou entre police de l'eau et police de la pêche.

Fort heureusement, monsieur le ministre, le projet de loi qui nous est soumis trace, concomitamment avec un projet d'ordonnance, une ligne de partage claire. Ainsi, il est envisagé aujourd'hui de faire concourir au financement de la police de l'eau tous les pêcheurs en eau douce, par le biais d'une redevance de 10 euros versée à l'office de l'eau.

Pour ma part, je proposerai que tous les utilisateurs de l'eau, qu'ils soient exploitants d'étangs, pisciculteurs, producteurs d'énergie ou personnes exerçant des activités touristiques liées à l'eau, participent au financement de cette police.

Toutefois, s'agissant des étangs et des piscicultures, deux conditions devraient être respectées afin que le système puisse fonctionner harmonieusement.

La première est que l'Etat assume ses responsabilités de puissance publique en indemnisant les dégâts anormaux causés par les cormorans, ainsi que l'y enjoint le Conseil d'Etat dans son arrêt du 30 juillet 2003, dont voici un extrait : « Le préjudice résultant de la prolifération des animaux sauvages appartenant à des espèces dont la destruction a été interdite [...] doit faire l'objet d'une indemnisation par l'Etat lorsque, excédant les aléas inhérents à l'activité en cause, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés. »

La seconde condition est que cette redevance tienne compte de toutes les autres contributions fiscales versées par les propriétaires concernés et finançant déjà les missions régaliennes de l'Etat, dont la police de l'eau fait partie.

Monsieur le ministre, voilà comment pourrait se résoudre, avec un peu de doigté et de bonne volonté, ce problème lancinant que vos prédécesseurs vous ont laissé en héritage.

Vous resterez, je l'espère, celui qui aura eu le mérite de faire progresser le débat et de faire adopter le présent projet de loi, tant attendu, sur l'eau et les milieux aquatiques. Mais la France est ainsi faite que, si l'on semble prendre parti pour les uns - les étangs, les pisciculteurs et les parcours de pêche -, c'est que l'on n'aime pas tous les autres, dont les pêcheurs à la ligne. Eh bien non ! Il est temps de réconcilier les tribus gauloises !

M. Ladislas Poniatowski. Je vous demande donc, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, de faire droit à certaines revendications de nos pêcheurs, telles qu'elles sont exprimées par l'Union nationale pour la pêche et la protection du milieu aquatique.

La première d'entre elles est relative à leur représentation au sein des commissions locales de l'eau, des comités de bassin et de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA. A ce sujet, nous attendons des engagements publics de votre part, monsieur le ministre, afin de rassurer les pêcheurs.

La deuxième revendication a trait au risque de multiplication de microcentrales, dont on connaît les effets négatifs sur nos rivières. A cet égard, le texte qui nous est proposé est bien complexe et, selon certains, peu protecteur.

Il faut que nous en ayons tous la même lecture, monsieur le ministre : ce projet de loi a bien pour ambition d'améliorer, lorsque c'est possible, l'efficacité des microcentrales légalement installées, et non d'accroître le parc existant, sauf cas de figure très exceptionnels.

Je sais bien toutes les difficultés techniques que nous allons rencontrer - elles ont déjà été évoquées en commission, comme à cette tribune -, mais n'oublions pas que nous avons une responsabilité majeure au regard des générations à venir.

J'en viens à la troisième revendication des pêcheurs : alors qu'ils participent de façon remarquable à la préservation de l'environnement, ils sont inquiets de la disparition programmée de l'article 432-3 relatif au régime de l'autorisation de travaux dans le lit des rivières. Vous le savez, monsieur le ministre, ainsi que monsieur le rapporteur, pour les avoir reçus. Ils redoutent, en effet, que la nouvelle nomenclature en préparation soit moins protectrice que la législation en vigueur, notamment en ce qui concerne les seuils.

Monsieur le ministre, nous attendons des précisions sur ces points, qui sont extrêmement importants non seulement pour les pêcheurs mais aussi pour les propriétaires fonciers et pour les communes.

Le temps me manque pour compléter cette énumération, mais j'y reviendrai lors de la discussion des articles.

En conclusion, monsieur le ministre, je veux vous dire que, s'agissant des points que j'ai évoqués, vous nous présentez un bon projet de loi, sous réserve d'explications et de pédagogie, toujours nécessaires, et de quelques améliorations techniques qui ne remettent cependant pas en cause l'architecture de l'ensemble.

Il faudra toutefois « sauter le pas » et en revenir à une définition de bon sens des eaux libres et des eaux closes. Toutes les parties prenantes, sans exception, y sont prêtes. Mais, à l'évidence, nous ne construirons quelque chose de solide que si nous savons dégager un consensus entre nous, ce qui ne devrait pas être si difficile lorsque l'on a, au fond, la même passion de l'environnement, de l'eau, du poisson et du partage.

De même, nous ne construirons quelque chose de solide que si nous savons faire de ce projet un texte que je qualifierai de « gagnant-gagnant » pour tous les pêcheurs, tous les propriétaires et tous les gestionnaires d'étangs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a l'objectif ambitieux d'aboutir, à l'horizon 2015, à un « bon état écologique de l'eau » en France. Nous ne pouvons qu'y souscrire.

Il est vrai que - une fois n'est pas coutume - nous sommes pressés d'agir dans ce domaine par les autorités européennes. En effet, la directive-cadre européenne du 23 octobre 2000 établit un schéma de politique communautaire durable dans le domaine de l'eau : tout d'abord, elle incite les Etats membres à protéger et à restaurer leur ressource en eau afin de parvenir à un bon état chimique et écologique, dans un délai de quinze ans ; ensuite, elle les invite à arrêter progressivement le rejet de certains produits dangereux dans un délai de vingt ans ; enfin, elle recommande aux usagers de participer à l'élaboration et au suivi des politiques menées par les Etats et de tenir compte du principe de récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau.

Monsieur le ministre, vous ne nous l'avez pas caché, la situation de l'eau en France n'est pas satisfaisante actuellement. Ainsi, le « bon état écologique des eaux » n'est atteint que sur la moitié environ des points de suivi de la qualité des eaux superficielles. Par ailleurs, dans certaines régions, d'importants déséquilibres entre les besoins et les ressources en eau sont préjudiciables aux activités économiques et à l'équilibre écologique des milieux aquatiques.

Pourtant, ces quinze dernières années, de très gros efforts en matière d'assainissement des eaux usées ont été réalisés par les collectivités territoriales comme par les industriels, efforts que traduit d'ailleurs une hausse importante des redevances d'assainissement qui sont supportées par nos « concitoyens contribuables ».

Les agences de l'eau ont également joué un rôle majeur dans le développement des réseaux d'assainissement et le traitement des eaux usées par l'octroi de subventions en capital non négligeables aux collectivités territoriales, pour permettre à ces dernières de compléter le financement de leurs plans d'investissements.

Cependant, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, plusieurs problèmes pendants doivent recevoir très rapidement des solutions satisfaisantes. Il s'agit notamment de l'inconstitutionnalité des redevances, de la complexité et, parfois, du manque de transparence des dispositifs, de la difficulté de lutter efficacement contre la pollution par les engrais et les produits phytosanitaires, de la qualité défaillante de l'assainissement non collectif et, enfin, de l'insuffisante coordination de la gestion des petits prélèvements.

Je m'attacherai, en premier lieu, aux aspects de votre texte qui me paraissent positifs, avant de vous faire part, en second lieu, d'un certain nombre d'interrogations.

Je crois pouvoir dire que, par bien des aspects, votre projet de loi répond incontestablement au besoin de transparence, de simplicité et d'équité qu'éprouvent les acteurs de la distribution de l'eau, notamment les élus des collectivités territoriales. Je pense, par exemple, à la conformité des redevances de bassin à la Constitution, puisque les règles d'assiette ainsi que les plafonds ou fourchettes de taux seront désormais votés par le Parlement. Je pense également à la perception de la redevance pour pollution domestique dont sera désormais redevable le service de l'assainissement, ce qui réduira le sentiment d'inégalité ressenti d'une collectivité à une autre.

Le texte traite également de la lutte contre les pollutions diffuses, notamment d'origine agricole. Toutefois, il mérite d'être amélioré sur le plan de la connaissance et de la traçabilité des produits phytosanitaires utilisés ainsi que sur l'impact de ces produits sur la qualité des eaux et sur la santé publique.

D'autres mesures me paraissent particulièrement satisfaisantes comme, par exemple, l'extension du pouvoir des collectivités territoriales, pour ce qui concerne aussi bien les contrôles de l'assainissement non collectif que les possibilités d'intervention sur les parties privatives, ou l'accroissement du rôle des départements - ils se sentent un peu évincés par ce texte -, notamment par le biais des SATESE, les services départementaux d'assistance technique aux exploitants des stations d'épuration, dont les compétences sont étendues aux domaines de l'assainissement autonome, de l'alimentation en eau potable, de la gestion des eaux de ruissellement et de l'entretien des rivières. Bien qu'ils disposent de compétences facultatives en la matière, ces services devraient pouvoir apporter une expertise, qui sera souvent salutaire aux gestionnaires des services des eaux.

J'ajoute que la création d'un fonds de garantie chargé d'indemniser les dommages causés par l'épandage de boues d'épuration urbaines et industrielles constitue également une très bonne mesure, attendue depuis de longues années par les agriculteurs. En effet, certains leur demandent d'épandre les boues alors que d'autres le leur interdisent ou les pénalisent s'ils le font.

Toutefois, après ces propos quelque peu laudateurs, souffrez, monsieur le ministre, que je mette l'accent sur un certain nombre de dispositions qui suscitent des interrogations.

S'agissant, en premier lieu, des évolutions institutionnelles, permettez-moi tout d'abord de m'interroger sur l'articulation existant entre les comités de bassin, au sein desquels je regrette l'absence de parlementaires, et les agences de l'eau.

Le rôle des comités de bassin est, en principe, renforcé, puisqu'on leur impose de donner un avis conforme aux délibérations du conseil d'administration de l'agence de l'eau et d'approuver le programme pluriannuel d'intervention et les taux des redevances.

Le président du comité de bassin sera élu par son conseil d'administration, alors que le président de l'agence de l'eau sera nommé par décret, tout comme d'ailleurs les directeurs des agences. Or ce sera bien l'agence de l'eau qui élaborera son programme pluriannuel d'intervention, qui attribuera des aides financières pour procéder à la réalisation de travaux d'intérêt général, qui participera financièrement à la réalisation des schémas d'aménagement et de gestion des eaux, les SAGE, et qui mettra en recouvrement les redevances, désormais très nombreuses.

J'observe, au surplus, que le SAGE sera approuvé par le préfet et que celui-ci pourra également le modifier. N'assistons-nous pas là, en l'occurrence, à une sorte de recentralisation rampante des agences de l'eau, qui ont pourtant fait leurs preuves et ne puisent leurs ressources qu'à travers les redevances ?

Permettez-moi de vous dire à ce sujet, monsieur le ministre, que je suis pour le moins inquiet face à la multiplication des redevances qui seront, in fine et pour l'essentiel, mises à la charge des consommateurs d'eau : redevance pour pollution de l'eau, redevance pour modernisation des réseaux de collecte, redevance pour pollutions diffuses, qui remplace la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, redevance pour prélèvements de la ressource en eau, redevance pour stockage d'eau en période d'étiage, redevance pour obstacles sur les cours d'eau, redevance pour protection des milieux aquatiques ; voilà nombre de redevances sur lesquelles nous devrons revenir au cours du débat afin d'être éclairés.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous obligez les collectivités territoriales à gérer les eaux pluviales en les incitant notamment à améliorer leur capacité d'épuration. Cette disposition se traduira très vraisemblablement par une nouvelle et significative hausse du prix du mètre cube d'eau distribué. Or vous savez bien que, dans cette affaire, les conseilleurs ne sont pas les payeurs, et ce sont les élus qui sont en première ligne pour affronter les réactions de leurs concitoyens !

Je dirai, pour simplifier, que l'écologie coûte cher, et de plus en plus cher, notamment pour les consommateurs d'eau : s'agissant des redevances perçues par les agences de l'eau, les ménages resteront en effet les plus gros contributeurs, avec une part de 82 %, alors que celle des industriels s'élève à 14 %, et celle des agriculteurs à 4 %.

En deuxième lieu, je tiens à évoquer la suppression du Fonds national de développement des adductions d'eau, le FNDAE, qui continue de susciter de très graves inquiétudes tant auprès des maires des communes rurales que des responsables des départements, qui se voient privés d'une part des ressources avec laquelle ils encourageaient les collectivités territoriales à réaliser leurs travaux.

Rappelons que, dans un esprit de péréquation entre la ville et la campagne, ce fonds apportait un financement complémentaire non négligeable aux communes rurales qui avaient à supporter des dépenses très importantes au titre de l'adduction d'eau et bien plus encore, compte tenu de la longueur des réseaux à réaliser en milieu rural et de leurs faibles ressources, au titre de l'assainissement.

Les compétences du FNDAE ont été transférées aux agences de l'eau, qui doivent, en principe, prendre en charge les missions de solidarité en faveur des communes rurales dans le domaine de l'adduction d'eau et de l'assainissement, missions qui étaient jusqu'alors assurées par l'Etat grâce aux ressources de ce fonds, en concertation avec les départements. J'ose espérer que tel sera toujours le cas et que les élus des communes concernées ne seront pas déçus par ce nouveau système de financement.

Comme vous le savez, les besoins sont immenses et les ressources bien faibles. Je pense, au demeurant, qu'il serait prudent que nous inscrivions dans la loi que les sommes que devront consacrer les agences de l'eau à ces missions de solidarité seront au moins égales à celles qui alimentaient, précédemment, le FNDAE. Elles ne doivent pas se fondre dans les autres financements !

Monsieur le ministre, j'ajoute que votre texte ne limite pas la durée des contrats des délégataires de service public - pour parler clairement, des grandes compagnies des eaux - et n'encadre pas davantage la part fixe dans la facture d'eau, qui est souvent source d'incompréhension pour les redevables.

S'agissant des renouvellements et des grosses réparations à caractère patrimonial que le contrat de délégation du service public d'eau et d'assainissement peut mettre à la charge du délégataire, vous prévoyez, à juste titre, l'établissement, en fin de contrat, d'un rapport énumérant les travaux réalisés et, d'autre part, le versement d'une somme correspondant au montant des travaux stipulés au programme prévisionnel et non exécutés dans le budget de l'eau et de l'assainissement du délégant.

Dans la mesure où certains contrats de délégation de service public auraient d'ores et déjà prévu des renouvellements ou des grosses réparations sur les réseaux d'eau ou d'assainissement, je pense qu'il serait opportun que cette dernière mesure leur soit également appliquée.

En outre, il ne me semble pas possible de passer sous silence la pollution des sols et des nappes phréatiques par les nitrates.

Selon l'Institut français de l'environnement, la moitié du territoire est classée en zone vulnérable pour cette pollution, même si elle cette dernière est sans doute plus importante dans certaines régions bien connues que dans d'autres. Les agriculteurs et les éleveurs sont tout à fait conscients de ce problème et se tournent de plus en plus vers une agriculture raisonnée, mais il faudra du temps et beaucoup d'argent pour retrouver une situation plus satisfaisante. Et il en est de même pour les pesticides, dont la présence est avérée dans les trois quarts des cours d'eau et dans la moitié des nappes souterraines.

Je souhaiterais également vous faire part, monsieur le ministre, d'un certain nombre de préoccupations relatives à certaines mesures envisagées pour réaliser le « décloisonnement écologique » des cours d'eau, mesures qui pourraient avoir des conséquences non négligeables sur la production hydroélectrique de notre pays, qui est par définition non polluante.

Les assouplissements apportés à l'application du débit réservé minimum afin d'améliorer la vie aquatique pourraient conduire à une perte annuelle de 3 milliards de kilowatts d'énergie renouvelable hydroélectrique - énergie qui n'est d'ailleurs pas uniquement produite par EDF -, ce qui correspondrait à 5 % de la production totale d'origine hydraulique de notre pays. Cela entraînerait une réduction significative du potentiel français en matière d'énergies renouvelables, alors même que de nombreux efforts sont entrepris par ailleurs pour les développer.

Circonstance aggravante, plus de la moitié de la perte de production concernerait l'énergie de pointe indispensable à la sécurité du réseau électrique ; or, face à un refroidissement important des températures, nous avons pu constater, dans le courant des mois de février et de mars, combien il était nécessaire de mobiliser toutes les énergies disponibles afin d'éviter des coupures dans l'alimentation en électricité des entreprises et des particuliers.

J'ajoute que les études montrent que les débits minimums nécessaires aux milieux varient selon la nature de la rivière, les espèces concernées et les usages qui se sont développés. Ainsi, pour certains cours d'eau, cette disposition pourrait être sans effet bénéfique sur la vie piscicole.

Je pense que la valeur des débits réservés, de même que la gestion des éclusées, devrait être fixée en fonction de l'état écologique de la rivière, en tenant compte des enjeux énergétiques de notre pays.

Dans le cas contraire, la réduction du potentiel hydroélectrique affaiblirait les marges de sécurité du système électrique français et obligerait à prévoir une substitution d'origine thermique, entraînant une augmentation substantielle des émissions de CO2 à hauteur de 1 million de tonnes par an environ. Monsieur le ministre, il ne faudrait pas que votre projet de loi, qui a une vocation écologique certaine, aboutisse, sur ce point, au résultat inverse de celui qui est escompté.

S'agissant, en dernier lieu, des dispositions relatives à la pêche et aux milieux aquatiques, le remplacement du Conseil supérieur de la pêche par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA, ne semble pas poser de problème.

En revanche, l'augmentation du montant de la redevance, que vous aviez envisagée dans un premier temps, monsieur le ministre, et qui devait être mise à la charge des pêcheurs afin d'alimenter le futur office a suscité l'incompréhension des intéressés. Ces derniers estimaient, en effet, ne pas mettre en péril les milieux aquatiques et souhaitaient que cette mesure soit rapportée.

Je crois que vous avez entendu leur message puisque vous avez fixé des plafonds plus raisonnables. Néanmoins, on peut s'interroger sur la pertinence du supplément de redevance de 20 euros qui sera exigé des personnes qui se livrent à l'exercice de la pêche de l'alevin d'anguille, du saumon et de la truite de mer. Je partage d'ailleurs, sur ce thème piscicole au sens large du terme, les arguments que Mme Françoise Férat a développés tout à l'heure.

Telles sont, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais formuler à l'égard de ce projet de loi, qui comporte quelques imperfections que je me suis plu à souligner, suscite de nombreuses interrogations et exige que nous y apportions quelques améliorations.

Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, je voterai ce texte, tout en restant attentif à son impact réel, car il y va de l'avenir de notre ressource en eau. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en buvant un verre d'eau que René Dumont, candidat écologiste à l'élection présidentielle, avait ouvert, en 1974, sa campagne électorale à la télévision, en déclarant que l'eau serait à l'avenir un problème fondamental pour la planète.

Par ce geste, que je fais à mon tour (L'orateur boit un verre d'eau),...

M. le président. A votre santé ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. ... je veux rendre hommage à ce fondateur de l'écologie politique et saluer la justesse et la pertinence de ses propos visionnaires.

Trente ans plus tard, en 2004, l'Organisation mondiale de la santé s'est livrée à un triste constat : dans le monde, un milliard de personnes n'ont pas accès à une source d'eau potable et 2,6 milliards de personnes ne disposent pas d'installations sanitaires convenables. En 1998, les maladies d'origine hydrique ont tué 3,4 millions de personnes, majoritairement des enfants.

Au problème de la pollution de l'eau s'ajoute l'enjeu crucial de la ressource. En 2000, ce sont 450 millions de personnes, dans vingt-neuf pays situés principalement en Afrique et au Moyen-Orient, qui ont souffert de pénuries chroniques d'eau. D'ici à 2050, si les taux actuels de consommation, de croissance démographique et de développement se maintiennent, ces pénuries toucheront environ les deux tiers de la population mondiale.

En France, la situation des ressources en eau, nous le reconnaissons tous, est tout aussi préoccupante et assez peu réjouissante.

Malgré la mise en place des agences de l'eau il y a quarante ans, malgré la loi sur l'eau de 1992 qui a déclaré l'eau « patrimoine commun de la nation », malgré les nombreuses directives européennes et malgré deux programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, en 1994 puis en 2001, l'eau est de plus en plus polluée en France.

Ainsi, le dernier rapport de l'Institut français de l'environnement, publié en 2002, constate que 75 % des rivières et 57 % des nappes d'eau souterraines sont polluées. Par ailleurs, les zones vulnérables, c'est-à-dire celles où la concentration en nitrates est supérieure à 40 milligrammes par litre, représentent la moitié du territoire national.

Face à cette inquiétante situation, nous devons aujourd'hui rechercher les responsabilités.

Certes, depuis trente ans, des mesures importantes ont été prises en France pour faire face aux pollutions domestiques et industrielles.

Ainsi, les rejets polluants de l'industrie ont été réduits de façon significative grâce à l'installation de dispositifs de dépollution.

De même, au prix d'efforts financiers considérables, la situation de l'assainissement des collectivités est en voie d'amélioration : la France dispose aujourd'hui de plus de 12 000 stations d'épuration - c'est le niveau d'équipement le plus élevé d'Europe -, auxquelles 95 % des logements sont raccordés.

Toutefois, nous ne pouvons nier que l'industrie est responsable de la moitié des rejets polluants organiques et de la quasi totalité des rejets toxiques. Je pense ici aux métaux lourds tels l'arsenic, le chrome, le mercure, le plomb, etc., et aux polluants organiques persistants, comme les dioxines.

De même, chaque habitant produit en moyenne un kilogramme par jour de déchets ménagers, lesquels contiennent 45 % à 50 % de matière organique et polluent, une fois mis en décharge, les sols et les eaux en se décomposant.

Mais c'est surtout le modèle agricole intensif, développé depuis 1950, qui est ici en cause. En favorisant l'augmentation des niveaux de production, l'accroissement de la taille des élevages et l'extension des élevages hors-sol, l'agriculture est conduite à utiliser divers produits dont les effets sont dévastateurs pour l'environnement.

Ainsi, dans les zones d'élevage et d'agriculture intensifs, 25 % des points de prélèvement d'eau ont une teneur en nitrates supérieure à 40 milligrammes par litre et 12 % ont une teneur supérieure à 50 milligrammes par litre, seuil de pollution.

Les effets de cette pollution se font également sentir dans le milieu marin et dans l'atmosphère. Ainsi ; les précipitations déversent annuellement 200 000 tonnes d'ammoniac dans la mer du Nord.

Bref, nous ne pouvons que déplorer l'échec des politiques de l'eau menées jusqu'à présent et assister aux condamnations successives de la France pour non-respect des directives européennes.

Des structures existent pourtant. Créées par la loi sur l'eau du 16 décembre 1964, les agences de l'eau sont des échelons pertinents de gestion et de valorisation de la ressource en eau.

Cependant, la plupart des consommateurs ignorent jusqu'à leur existence, et pour cause : ils n'y sont représentés que de façon symbolique et ne reçoivent aucune information. En revanche, la majorité des membres des comités de bassin représente les secteurs industriels et agricoles qui, ainsi, dominent des débats d'initiés.

Il est un problème plus grave encore : les redevances versées aux agences de l'eau et servant à payer les opérations d'assainissement et de dépollution sont prélevées de manière inégale et injuste.

Concrètement, sur les 2 milliards d'euros de redevances diverses gérées par les agences de l'eau, les ménages en supportent actuellement 85 %, les industriels 14 %, et les agriculteurs seulement 1 % !

Or la réforme des redevances que vous proposez, monsieur le ministre, ne modifiera qu'à la marge la répartition entre les différents consommateurs. Les ménages demeureront les plus importants contributeurs, à hauteur de 82 % ; les industriels verront leur contribution stagner à 14 % ; les agriculteurs verront, quant à eux, la leur passer de 1 % à 4 %. Ce taux est dérisoire proportionnellement à la pollution et à la consommation engendrées par les pratiques agricoles intensives !

M. Dominique Mortemousque. C'est proportionnel à leurs revenus ! Vous le savez, les agriculteurs sont pauvres !

M. Jean Desessard. Ce taux est d'ailleurs contraire au principe fondamental pollueur-payeur, pourtant inscrit dans la Charte de l'environnement. Ainsi, à peine adopté, ce texte à valeur constitutionnelle est déjà bafoué. Je ne peux donc que m'interroger sur la véritable valeur que le Gouvernement lui accorde, alors que le Président de la République l'a pourtant si vivement défendu.

Certes, toutes les dispositions de ce projet de loi ne sont pas à rejeter.

Il est important, par exemple, de rendre les SAGE opposables aux tiers. De même, la substitution de la notion de curage par celle d'entretien va dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'écosystème aquatique. Le texte permettra également de mieux assurer la traçabilité des pesticides. Enfin, l'accroissement des compétences des communes en matière d'assainissement non collectif devrait permettre de mieux contrôler les installations obsolètes.

Pourtant, ces mesures ne seront pas suffisantes pour obtenir une eau saine, de bonne qualité, accessible à tous et propice à l'épanouissement de la biodiversité.

Pour cela, ayons une démarche ambitieuse, sous-tendue par les deux objectifs que sont la protection de l'environnement et la justice sociale.

Ainsi, il nous faut apprendre à maîtriser la ressource en eau par une gestion économe et équitable. Cela a été dit par tous. Pourtant, ce projet de loi autorise la dégressivité du prix de l'eau. C'est une erreur !

M. Bruno Sido, rapporteur. Non !

M. Jean Desessard. Seule une règle pédagogique peut permettre une bonne gestion de l'eau : la progressivité des prix. L'eau n'est pas une marchandise, et encore moins une ressource inépuisable. L'augmentation de son prix proportionnellement à sa consommation incitera à une économie généralisée de ce bien précieux.

S'agissant du droit à l'eau, la quantité nécessaire indispensable pour vivre a été estimée à cinquante litres par jour et par personne par l'Organisation mondiale de la santé. Nous proposons que le coût de ces cinquante premiers litres soit fixé par un tarif unique, sans discrimination géographique.

Par ailleurs, les produits phytosanitaires font l'objet de publicités abondantes et mensongères. Par exemple, en novembre dernier s'est ouvert le procès de la firme multinationale Monsanto, assignée par l'association Eaux et rivières de Bretagne, à propos du Round Up. Qualifié dans les publicités de « biodégradable », ce pesticide est pourtant composé de glyphosate, produit classé « toxique pour les organismes aquatiques » en 2001 par la Commission européenne. Nous ne pouvons plus rester passifs face à ces opérations de promotion : il nous faut informer nos concitoyens des effets néfastes de ces produits.

Monsieur le ministre, le projet de loi fait l'impasse sur la pollution des nitrates par l'agriculture intensive et ne respecte pas le principe pollueur-payeur inscrit dans la Constitution. Le groupe socialiste et Vert a présenté un amendement à ce sujet et sera fort attentif à son adoption par cette assemblée. La taxation des engrais aurait été un signe fort, que des aides écoconditionnelles à l'agriculture auraient pu ultérieurement renforcer, certains l'ont souligné ce matin. Il aurait fallu un tel geste, aujourd'hui, dans ce projet de loi !

L'agriculture intensive cause des dégâts écologiques considérables sur les milieux aquatiques, dont les agriculteurs eux-mêmes sont parfois les premières victimes. Ainsi, la situation frise le burlesque, notamment en Bretagne : des éleveurs doivent s'équiper d'un purificateur d'eau ou se faire livrer de l'eau de source pour que leurs cochons ne s'intoxiquent pas en buvant de l'eau qu'ils polluent eux-mêmes !

Et quelle désolation de découvrir trop souvent dans la presse régionale les alertes des communes déconseillant formellement aux femmes enceintes et aux nourrissons de consommer l'eau du robinet ! En effet, vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que les nitrates sont à l'origine de la « maladie bleue » du nourrisson, la méthémoglobinémie, qui empêche l'oxygène de se fixer. Et, si la responsabilité des nitrates dans les cancers digestifs fait encore débat, il est démontré que ces substances sont cancérigènes chez de nombreux animaux.

Pour toutes ces raisons inquiétantes et devant tous ces constats navrants, il faut donner à l'agriculture biologique la capacité de prendre toute sa place. Encourageons les reconversions en agriculture biologique et récompensons ces agriculteurs qui contribuent, par leurs pratiques, à restituer une eau de bonne qualité !

Par ailleurs, si nous retrouvons de nouveau aujourd'hui des cours d'eau conformes aux normes européennes, comme ils sont entravés de hauts barrages successifs, nous ne sommes pas près d'y revoir des saumons. C'est pourquoi il faut également inciter les constructeurs d'ouvrages hydrauliques à ne pas dépasser une hauteur d'un mètre, pour permettre la migration des poissons.

Ainsi, monsieur le ministre, vous auriez dû nous proposer un texte plus déterminé, plus ambitieux et, surtout, plus indépendant des intérêts catégoriels.

A titre d'exemple, je voudrais citer le cas de la Bretagne, qui est particulièrement éloquent. En 2015, si aucune mesure efficace n'est prise, 72 % des cours d'eau, 85 % des plans d'eau, 100 % des nappes d'eau et 84 % des eaux littorales ne respecteront pas la directive-cadre européenne.

En Bretagne, si le taux moyen de nitrates dans l'eau est de 5 milligrammes par litre en 1970, il est actuellement de l'ordre de 35 milligrammes par litre, ce qui représente une augmentation moyenne d'un milligramme par litre par an. Pour atteindre en 2015 ne serait-ce que 25 milligrammes par litre, nombre guide européen, il faudrait une baisse significative, qui ne peut être obtenue que par une meilleure répartition de la production animale sur l'ensemble du territoire français, appuyée par d'autres modes de production non polluants.

Ce projet de loi aurait été l'occasion idéale de faire preuve de volontarisme en faveur de l'environnement et de la santé publique. Il n'est malheureusement pas à la hauteur du défi que nous avons à relever, pour nous aujourd'hui comme pour les générations futures.

En effet, monsieur le ministre, sans moyens financiers importants, sans réelle incitation à changer les pratiques agricoles en France, sans maîtrise de la compatibilité des ouvrages hydroélectriques avec la préservation de la biodiversité, sans lutte contre les gaspillages, chaque nouveau projet de loi sur l'eau ne sera qu'une goutte supplémentaire dans l'océan de la négligence envers cet élément essentiel de la vie qu'est l'eau.

Dans cette assemblée, durant ce débat, j'ai entendu à maintes reprises la plupart des orateurs faire état de leur souci écologique. Je me réjouis de cette prise de conscience et de ces positions. Il faut dire que c'est un plaisir d'être écologiste au Sénat ! (Sourires.)

Tous les intervenants de la journée se sont montrés particulièrement attentifs aux problèmes d'environnement. Philippe Richert, dans la première partie de son intervention, a fait une plaidoirie très écologiste ! Jean-François Le Grand a même parlé de « dumping environnemental ». C'est formidable ! Plus écologiste que moi, tu meurs ! (Nouveaux sourires.)

Je ne savais pas le Sénat si écologiste !

M. Bruno Sido, rapporteur. Si !

M. Jean Desessard. Ce doit être pour cette raison que les Verts, jusqu'à présent, n'étaient pas représentés dans cette assemblée !

M. Bruno Sido, rapporteur. Ce n'était pas la peine ! (Rires.)

M. Jean Desessard. En réalité, si nous nous accordons sur le diagnostic à poser, ce qui est la preuve soit que nous sommes lucides soit que la situation est devenue particulièrement alarmante, nous divergeons sur le remède à apporter.

Mme Nicole Bricq. Et comment !

M. Jean Desessard. La situation ne nécessite plus seulement des déclarations d'intention, qui sont fort bien formulées d'ailleurs, mais des actes décisifs. Je pense en particulier à la modification des pratiques économiques nuisibles responsables des pollutions.

Monsieur le ministre, je salue votre volonté d'adapter la législation française aux directives européennes. Le présent projet de loi présente des avancées intéressantes, mais il est dommage que n'y soit pas abordé le problème central de la pollution agricole : l'activité agricole produit 74 % des nitrates et 90 % des pesticides. Il ne s'agit pas d'accabler les agriculteurs, mais de dénoncer un mode d'agriculture polluant. Ce projet de loi aurait été plus crédible s'il avait institué une taxe sur les nitrates !

Il n'est pas trop tard et nous sommes là pour vous aider à élaborer une loi efficace et juste. Nous y sommes prêts, et nous espérons que nos amendements seront adoptés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, je vous prie tout d'abord d'excuser mon absence au moment où vous m'avez appelé à intervenir dans le présent débat. Vous reconnaîtrez toutefois qu'il n'est pas facile de jongler entre la séance publique et la commission des affaires sociales ! En effet, cette dernière reçoit actuellement le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, au sujet de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Vous comprendrez que, en tant que rapporteur du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, je m'intéresse à ce sujet et sois contraint, de ce fait, à ces allers et retours entre l'hémicycle et la salle de réunion de la commission !

M. le président. Dont acte.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, je voudrais tout d'abord me réjouir de l'excellent travail accompli par les différents rapporteurs, en particulier par le rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Bruno Sido. Ils ont déposé quelques deux cents amendements, ce qui montre combien le Sénat a souhaité apporter une contribution positive et enrichir ce texte, que Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, est venu défendre devant le Parlement.

Cette initiative du Gouvernement était attendue de longue date par les élus locaux. En effet, nous avons tous, depuis longtemps, constaté l'insuffisance des moyens dont disposent les maires ou les présidents de structures intercommunales pour faire face à la compétence liée à l'assainissement.

Cette compétence impliquera l'engagement de dépenses relativement importantes, même en matière d'assainissement non collectif, lorsqu'il s'agira de mettre aux normes les dispositifs d'assainissement de chacun des habitants de nos communes. Ces dépenses pèseront soit sur le budget des familles, soit sur celui de la collectivité si celle-ci décide de prendre à sa charge la réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectif.

Un certain nombre d'interrogations accompagnent donc ce texte.

Monsieur le ministre, j'attends de vous que vous apaisiez certaines des inquiétudes dont je me fais ici l'écho et qui sont exprimées sur le terrain par l'ensemble des élus locaux, voire par certains de nos concitoyens.

Vous m'avez déjà quelque peu rassuré, monsieur le ministre, à l'occasion d'un précédent échange, en me confirmant que la date de 2005, à laquelle les élus sont très attentifs, ne concernera que la prise de compétence relative à la gestion des SPANC, les services publics d'assainissement non collectif. Pour le reste, ainsi que vous l'avez dit, l'échéance est fixée à 2015.

Néanmoins, la prise de cette compétence entraînera pour les collectivités des charges non négligeables, notamment en termes de contrôle.

A cet égard, monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur un premier point, qui n'a certainement pas échappé à nos collègues au fil du temps.

Les fameux emplois-jeunes mis en place par Martine Aubry, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, ont été l'occasion pour le gouvernement de l'époque de décharger l'Etat d'une de ses compétences jusque-là exercée par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS : ces administrations étaient en effet chargées d'instruire les dossiers d'assainissement des particuliers. Cette compétence ayant été transférée aux collectivités, on leur a conseillé de recruter des emplois-jeunes afin de diminuer le coût inhérent à l'exercice de cette nouvelle responsabilité.

Nous avons donc embauché des emplois-jeunes, ce qui nous a permis de bénéficier d'une aide de l'Etat pendant cinq ans à 90 %. Mais, aujourd'hui, ces dispositifs d'aide arrivent à leur terme et nous sommes obligés de rémunérer ces personnels pour un travail que faisait autrefois l'Etat, sans aucune compensation de la part de celui-ci.

Vos prédécesseurs nous ont donc laissé, à vous comme à nous, monsieur le ministre, une ardoise.

M. Paul Raoult. Il fallait prolonger les emplois-jeunes !

M. Alain Vasselle. J'aimerais savoir s'il est dans votre intention de compenser l'insuffisance de ressources que constatent les collectivités au niveau des frais de personnel engendrés par l'instruction des dossiers d'assainissement.

M. Gérard Delfau. Vous êtes mal placé pour tenir ce langage !

M. Alain Vasselle. Monsieur Delfau, c'est la réalité. Je sais que toute vérité est toujours difficile à entendre !

M. Gérard Delfau. Et les routes ? Et les TOS ?

M. Alain Vasselle. Ne mélangez pas l'éducation nationale et l'assainissement, cela n'a rien à voir !

Monsieur le ministre, le deuxième point sur lequel je souhaite appeler votre attention me permet de poser le problème des ressources qui seront mobilisées pour permettre aux collectivités de faire face aux travaux d'investissement relatifs à l'assainissement

Le transfert de l'ensemble des crédits anciennement dévolus au FNDAE ainsi que de la TGAP aux agences de l'eau servira à alimenter le budget de l'agence. Toutefois, au passage - mais c'est également le résultat d'une situation dont vous avez hérité, je ne vous en fais donc pas grief -, en supprimant le FNDAE, on a fait disparaître dans le même temps la dotation du Pari mutuel urbain qui alimentait le budget du FNDAE à hauteur de 150 millions d'euros.

M. Alain Vasselle. Ont ainsi été perdus en route 75 millions d'euros issus des recettes du PMU, qui sont retournés au budget de l'Etat mais ne sont plus affectés aux actions d'assainissement ou de renforcement des réseaux d'eau sur l'ensemble du territoire national au profit de nos collectivités.

M. Gérard Delfau. Quel est le gouvernement responsable ?

M. Alain Vasselle. Je crois savoir, monsieur le ministre, que des dispositions vont être prises pour permettre que l'agence soit progressivement dotée de 150 millions d'euros. Mais comment ferons-nous pour trouver les 75 millions d'euros manquants qui doivent servir à alimenter les agences de bassin ? Une augmentation de la redevance supportée par les particuliers n'est certainement pas une solution de nature à satisfaire les élus locaux et les particuliers, car, bien entendu, cela se répercutera inévitablement sur le prix de l'eau.

Donc, comme cela a été dit à l'occasion d'un autre échange, le résultat est le même au bout du compte : si l'on dote l'agence de bassin de moyens importants, comme celle-ci sera alimentée par une ressource prélevée sur les particuliers, en définitive, le chat se mord la queue, c'est-à-dire que le particulier autofinance des investissements qui seront réalisés sur le territoire de la commune grâce au produit de la redevance.

En ce qui concerne le prix de l'eau, je considère, mes chers collègues, que la solidarité nationale doit jouer, au-delà du concours qui pourrait être apporté par les départements à travers un fonds départemental.

Mme Evelyne Didier. Très bien !

M. Alain Vasselle. Il est incontestable que, d'une commune à une autre, d'une intercommunalité à une autre, d'un département à un autre, d'une région à une autre, les niveaux de ressources et de dépenses varient.

Certes, l'Etat a mis en place des dotations de péréquation afin de recréer un équilibre mais, dans certains départements très pauvres, l'insuffisance de ces dotations ne permet pas d'assurer une véritable péréquation.

M. Gérard César. C'est vrai !

M. Alain Vasselle. C'est la raison pour laquelle nous devrons, selon moi, impérativement abonder les ressources de l'agence de bassin au-delà du produit de la redevance et du produit de la TGAP, soit par une dotation de l'Etat, soit par une nouvelle recette complètement indépendante de la redevance de l'eau.

C'est une analyse personnelle, et je ne demande pas qu'on la partage.

M. Gérard Delfau. Nous la partageons !

Mme Evelyne Didier. Nous aussi !

M. Bruno Sido, rapporteur. C'est un comble !

M. Alain Vasselle. En tout cas, nos concitoyens comprendraient assez difficilement qu'ils soient seuls à supporter le coût des investissements nécessaires à la mise aux normes de l'ensemble de nos installations. Cela mérite donc réflexion.

M. Paul Raoult. C'est déroutant !

M. Alain Vasselle. Je souhaite, monsieur le ministre, que cette réflexion nous permette d'aboutir à un prix moyen de l'eau qui soit supportable sur l'ensemble du territoire national et qui s'inscrive dans une fourchette dont nous pourrions convenir.

Pour l'atteindre, il suffirait que la solidarité nationale s'exerce à travers des dotations de péréquation, telles que la dotation de développement rural, la DDR, ou la dotation globale d'équipement, la DGE. On peut imaginer que les préfets bénéficient d'une subvention accrue de l'Etat afin d'aider davantage, avec le concours du conseil général et du conseil régional, les travaux d'assainissement public ou la réhabilitation de l'assainissement individuel dans nos collectivités.

Un troisième point sur lequel je veux également attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, a trait à la création d'un fonds de garantie pour les boues de stations d'épuration, disposition qui suscite une certaine inquiétude.

Le présent projet de loi prévoit en effet que ce fonds aura notamment pour objet d'indemniser les propriétaires et les exploitants qui auraient épandu sur leurs terres des boues qui auraient elles-mêmes provoqué une pollution, ce qui empêcherait la production sur ces terres de cultures légumières, céréalières ou betteravières, les entreprises, dans un souci de sécurité sanitaire, refusant ensuite toute production issue de ces parcelles.

L'indemnisation prévue est limitée, pour ce qui concerne le propriétaire, à la valeur immobilière du foncier. Que dirait un commerçant ou un artisan qui serait indemnisé uniquement sur la valeur immobilière de son bien et non sur la valeur de son fond de commerce ? C'est le même problème pour le propriétaire ou l'exploitant !

Après que le propriétaire aura été indemnisé sur la valeur de son bien foncier à partir de l'estimation des domaines pour 4 000 ou 5 000 euros, il subira néanmoins un préjudice en termes de revenus lié à ce foncier qu'il ne pourra plus exploiter !

Je considère donc que l'indemnisation prévue par le texte est insuffisante et qu'il est nécessaire d'aller plus loin ; j'aurai l'occasion d'y revenir au cours du débat.

J'évoquerai un quatrième point.

M. Desessard a critiqué assez vertement l'insuffisance du concours des exploitants agricoles, en considérant que le principe pollueur-payeur n'était pas appliqué, notamment en ce qui concerne les nitrates ou les produits phytosanitaires.

M. Jean Desessard. Exactement : vous avez tout compris !

M. Alain Vasselle. Les choses sont claires. Chacun sait très bien que le fabricant de produits phytosanitaires, pesticides ou insecticides qui se verra appliquer une taxe spéciale sur ses produits la répercutera immédiatement auprès des producteurs, qui en supporteront donc le coût. C'est alors la profession agricole qui, indirectement, devra supporter l'augmentation éventuelle de la taxe ou le coût d'une dépollution.

En ce qui concerne les nitrates, les choses sont tout aussi claires. Dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, ainsi que vous l'avez d'ailleurs évoqué, monsieur le ministre, les agriculteurs vont être tenus, notamment en ce qui concerne les nitrates, de respecter un certain nombre de normes et de règles d'écoconditionnalité, ...

Mme Evelyne Didier. Cela ne concerne pas tout le monde !

M. Alain Vasselle. ... qui leur imposeront des contraintes financières lourdes et les obligeront à se soumettre à un contrôle largement dénoncé par la profession.

Par conséquent, ne faites donc pas de procès d'intention aux agriculteurs : ceux-ci, au même titre que les autres citoyens, vont apporter leur contribution dans le cadre de leur activité professionnelle et par le biais des mesures qui s'appliquent à eux à travers l'écoconditionnalité, dont dépendra le versement des aides de la PAC.

Il faudrait plutôt, à mon avis, que le Gouvernement veille à ce que cette répercussion ne soit pas intégrale, car la profession agricole est aujourd'hui dans une situation particulièrement difficile.

J'évoquerai un dernier point qui porte sur la création dans ce projet de loi d'une redevance spéciale.

Cette redevance n'est pas considérée comme un « impôt de toute nature ». J'ai entendu dire qu'elle avait un caractère inconstitutionnel. De même vous ai-je entendu déclarer, monsieur le ministre, que, dorénavant, le ministère des finances ne pourrait plus, comme il l'a fait par le passé, ponctionner, lorsque des excédents se dégageront au niveau des agences de bassin, une partie de ces sommes pour alimenter le budget de l'Etat. Vous avez cité le chiffre de 210 millions d'euros. Si le présent projet de loi est adopté, cela ne sera plus possible, et je ne peux que m'en réjouir.

Vous me permettrez toutefois de m'étonner, en tant que rapporteur du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, que la même rigueur ne se soit pas appliquée aux dépenses de la sécurité sociale car, bien entendu, on a voulu se garder les mains libres pour ce qui concerne l'utilisation des ressources qui alimentent la branche maladie de la sécurité sociale : l'Etat, après l'adoption de cette loi organique, se garde tout pouvoir d'affecter des ressources de la sécurité sociale au budget de l'Etat ou à d'autres dépenses.

En tout cas, si je vous ai bien compris, il ne le pourra plus s'agissant des agences de bassin aux termes des dispositions de la loi sur l'eau.

Mme Evelyne Didier. Ce n'est pas sûr !

M. Alain Vasselle. J'aimerais bien qu'une position constante soit adoptée à travers l'ensemble des dispositions législatives, et que ce qui est possible grâce à la loi sur l'eau puisse l'être également pour ce qui concerne les dépenses de la sécurité sociale et des différentes branches.

Cela, me direz-vous, n'a rien à voir, mais je ne pouvais m'empêcher de faire ce parallèle...

Quand au caractère inconstitutionnel de cette mesure, je rappelle que le Gouvernement m'avait demandé de retirer, en qualité de rapporteur du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, tous les amendements que la commission avait déposés au motif qu'ils avaient un tel caractère inconstitutionnel. Et la nouvelle redevance qu'il est ici proposé d'instaurer serait, dit-on, inconstitutionnelle. Par conséquent, je m'interroge : que va faire le Gouvernement ? Va-t-il retirer la redevance, ou va-t-il prendre le risque de l'inconstitutionnalité ?

S'il accepte de prendre le risque de l'inconstitutionnalité pour la redevance prévue dans le projet de loi sur l'eau, pourquoi n'a-t-il pas accepté de le prendre pour la compensation intégrale de la perte des recettes au niveau du budget de la sécurité sociale ? Vous comprendrez que je m'interroge sur les dispositions qui sont ici proposées !

Veuillez m'excuser, mes chers collègues, d'avoir été long, mais je tenais à vous dire ce que j'avais sur le coeur en toute franchise. Peut-être ai-je été un peu dérangeant, mais je n'ai pas l'habitude de pratiquer la langue de bois,...

M. Gérard César. C'est un euphémisme ! (Sourires.)

M. Alain Vasselle. ... ce qui me vaut quelquefois des remontrances et des observations. Ce que j'ai dit est en tout cas conforme à mes convictions profondes. Ce sont des propos sincères, ...

M. Paul Raoult. Les nôtres le sont aussi !

M. Alain Vasselle. ... qui ne sont guidés par aucun calcul politique de quelque nature que ce soit. Je suis là pour servir l'intérêt général et aider le Gouvernement dans son action ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

M. Paul Raoult. Des propos sincères ! Dans l'intérêt général ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Desessard. Et surtout pas de calcul politicien ! (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)

Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne pensais pas que ce débat serait aussi passionné !

Mon propos s'inscrira en tout cas, lui aussi, dans le cadre de la défense de l'intérêt général. Cependant, je ferai d'emblée observer à M. Vasselle, qui, parlant, à tort, des emplois-jeunes, et emporté par son élan, nous a attribué la paternité de la suppression du FNDAE, que c'est la majorité actuelle qui a supprimé ce fonds en 2004 !

Modérez donc vos élans, monsieur Vasselle, et rétablissez l'ordre des choses, ce que je tente pour ma part de faire, modestement.

M. Alain Vasselle. La loi organique, c'est Lionel Jospin qui l'a mise en oeuvre !

Mme Nicole Bricq. Nous l'avons tous votée !

Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, ce grand débat sur l'eau, tous les Français l'attendent, notamment les élus locaux que nous sommes. Je souscris à ce qu'ont dit Nicole Bricq, Paul Raoult et Pierre-Yves Collombat sur un plan politique. Mon propos sera beaucoup plus technique et concernera nos préoccupations et notre travail quotidiens. En effet, nous rencontrons tous les mêmes difficultés et partageons le même souhait de simplification et de cohérence.

J'aborderai deux problèmes : d'une part, la production hydroélectrique, notamment la question des débits réservés, et, d'autre part, l'assainissement individuel. A cet égard, je traiterai d'un point particulier qui n'a pas encore été abordé dans cette discussion générale.

S'agissant de la production hydroélectrique, nous avons le droit, dans un souci de cohérence, de rechercher cet équilibre nécessaire entre le développement durable et la protection du milieu aquatique, sur laquelle nous nous rejoignons tous.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit ce matin, et j'ai apprécié vos propos, que l'énergie hydroélectrique était à la fois importante, essentielle même, parce qu'elle est renouvelable, propre et qu'elle contribue à la réduction de l'effet de serre, notamment pour ce qui est des barrages. Tout cela est vrai. Mais précisément, cette vérité étant posée, pourquoi ne chercherions-nous pas, dans une démarche cohérente, d'abord à valoriser davantage les installations et, ensuite, à équiper les sites qui en ont besoin ? Certes, ceux-ci sont peu nombreux, mais il en reste encore.

Cela permettrait de faire face à une certaine demande, non satisfaite notamment en cas de pics, et de réagir de façon adaptée quand le point de rupture menace. Nous devons apporter rapidement des réponses en termes de moyens supplémentaires d'ici à 2008. C'est sur ce créneau-là, où des possibilités existent encore, que nous devons chercher des réponses.

Pour ce qui est plus particulièrement des débits réservés, vous savez bien, monsieur le ministre, que, si l'on retient la référence au dixième du module d'un cours d'eau, cela représente aujourd'hui une perte de 4 % de la production hydraulique de notre pays, soit 3 milliards de kilowattheures, c'est-à-dire la production totale de mon département, les Hautes-Pyrénées. Par conséquent, il nous faudra sans doute réfléchir plus avant et introduire une certaine possibilité de modulation.

M. Poniatowski a parlé des effets négatifs et dévastateurs induits par les débits réservés et les microcentrales. Si tel était le cas, cela se saurait ! D'ailleurs, à cet égard, un certain nombre de mesures ont déjà été prises et des garanties données.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Mais cela se sait !

Mme Josette Durrieu. Non, cela ne se sait pas, monsieur le ministre ! Mais vous nous indiquerez sans doute tout à l'heure quels sont ces effets dévastateurs que vous avez l'air de si bien connaître !

Dans ce domaine, il nous faut donc réglementer et adapter - c'est le mot que vous avez employé ce matin - ce débit réservé à la réalité. A cet égard, monsieur le ministre, cette proportion du un dixième est-elle juste ? Nous sommes passés de un quarantième à un dixième ! Sans être une technicienne en ce domaine, je pense que la bonne norme se situe plutôt entre les deux. A cet égard, j'ai déposé un amendement qui prévoit un vingtième, mais tout cela est négociable, pourvu que la notion de débit réservé moyen et annuel puisse faire l'objet d'adaptations.

En effet, monsieur le ministre, cette notion, purement mathématique, n'a rien de cohérent, dans la mesure où elle ne prend pas en compte les différences de régime hydrologique existant entre nos cours d'eau. Qu'y a-t-il de comparable entre un torrent des Pyrénées, appelé gave ou neste, et une rivière du bassin parisien ?

A l'évidence, ce sont ces différences de régime qu'il faut prendre en considération. Par conséquent, l'une des premières adaptations auxquelles vous serez contraint, monsieur le ministre, consistera à adopter la notion de débits minima différents selon les périodes, la moyenne de ces débits pouvant ensuite être retenue pour le respect d'un débit moyen annuel. Il semble que vous souhaitiez aller dans ce sens.

Cette notion de débit minimum est essentielle et devra trouver sa traduction dans les actes administratifs d'autorisation et de concession élaborés par les préfets, tout au moins si vous souhaitez réellement réaliser ces adaptations.

Monsieur le ministre, il est nécessaire d'être très précis, et même prudent, en cette matière, car nous sommes souvent surpris de la marge d'interprétation que nous laissons aux services de l'Etat dans les textes législatifs et réglementaires. D'ailleurs, les services ne sont pas en cause, qui ont le plus souvent à coeur de faire du bon travail, mais on doit prendre garde à cet écart qui peut exister entre l'intention initiale du législateur et son interprétation par les services.

M. Paul Raoult. Très juste !

Mme Odette Herviaux. C'est vrai !

Mme Josette Durrieu. Je vous demande donc, monsieur le ministre, d'exiger que les actes administratifs, en l'occurrence les autorisations et les concessions, soient rédigés avec une grande précision. En effet, l'imprécision a un coût, et, en termes économiques généraux, comme je le disais précédemment, il s'agit d'une perte de 4 % de la production hydroélectrique du pays. Et je ne parle pas des intérêts des particuliers, qui existent aussi.

J'aborderai maintenant un autre dossier technique, celui de l'assainissement individuel. Il s'agit d'un gros problème, c'est sans doute la raison pour laquelle nous l'évoquons tous, avec cependant des éclairages différents.

C'est un gros problème pour les collectivités locales, car un transfert de responsabilité considérable a eu lieu, des directions départementales des affaires sanitaires et sociales vers les maires, sur la base d'une compétence que ces derniers ne possèdent pas.

C'est la raison pour laquelle nous avons jugé prudent, pour notre part, de nous équiper et de former nos « emplois-jeunes » afin d'en faire des techniciens à la disposition des maires. Pour citer un exemple personnel, qui aurait intéressé notre collègue Alain Vasselle s'il était resté parmi nous, j'ai pris cette initiative dans le cadre de la communauté de communes que je préside.

C'est un gros problème aussi pour les particuliers, en milieu urbain comme en milieu rural.

En d'autres termes, monsieur le ministre, parce que l'assainissement individuel est un gros problème pour tous, il paraît évident que nous n'aurons pas les moyens nécessaires pour mettre en place ce dispositif, car la demande est énorme.

Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que nous allons nous heurter à des obstacles considérables en tentant de mobiliser des moyens. J'ai d'ailleurs déposé un amendement à ce propos. Je vous demande de réfléchir, avec votre collègue chargé du logement, au fait qu'il n'est pas possible actuellement de faire du problème de l'assainissement une priorité, notamment dans le cadre des OPAH. Or c'est ce que nous voulons pourtant, et à juste titre !

Pour prendre mon exemple personnel, je suis amenée à gérer, dans le cadre des responsabilités locales que j'exerce comme beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, une opération programmée d'amélioration de l'habitat, ou OPAH. Or, lorsque l'on veut réhabiliter, dans le cadre d'une OPAH, un système d'assainissement chez un particulier, cela n'est possible que si la réhabilitation concerne le système extérieur, notamment les cuvettes. Dans ce cas, on prend en compte le système d'assainissement lui-même. En revanche, en l'absence de réhabilitation de l'équipement extérieur, on ne prend pas en compte le système d'assainissement.

J'affirme ici que nous sommes dans l'impossibilité d'inverser cette situation et d'imposer comme une priorité la réhabilitation du système d'assainissement, avant même l'aménagement extérieur et l'équipement de celui-ci.

J'évoquerai un autre sujet, dont j'ai pris conscience récemment et qui est une véritable source de blocage.

Chacun ici a fait référence aux différents dispositifs que nous avons mis en place en application de la loi. Il s'agit, tout d'abord, du schéma directeur d'assainissement, créé par la loi de 2002. Ce schéma a un coût, que les collectivités ont assumé, en général dans le cadre des communautés de communes.

Il s'agit ensuite des SPANC, les services publics d'assainissement non collectif, que nous mettons actuellement en place - le dernier délai est fixé à la fin de 2005 -, notamment en utilisant les emplois-jeunes que nous avons formés en vue d'en faire des techniciens. Toutes ces mesures ont un coût, mais nous nous y préparons.

Or, au moment où nous pensons pouvoir accompagner la démarche des particuliers désireux de réhabiliter leur système d'assainissement, je me rends compte du fait que les aides de l'Agence de l'eau, qui sont égales à 50 % d'une dépense plafonnée à 9 000 euros, toutes taxes comprises, ne sont plus attribuées, sauf à produire un diagnostic complémentaire, qui vient s'insérer entre le schéma directeur et le rapport établi par le contrôleur du SPANC. Une étude de plus, monsieur le ministre, et une étude qui aura un coût et qui nous fera perdre du temps !

M. Gérard César. Vous avez raison !

Mme Josette Durrieu. Et quel est l'objet de cette étude ? Il s'agit de faire l'inventaire de tous les dispositifs d'assainissement individuel existant sur le périmètre d'intervention souhaité. Cela suppose de visiter chaque dispositif, ce que le contrôleur du SPANC pourrait faire, et d'identifier 5 % à 10 % des installations les plus nuisibles pour l'environnement - vous le voyez, mes chiffres sont précis, monsieur le ministre -, dans la mesure où ces installations-là et elles seules sont susceptibles d'être subventionnées par l'Agence de l'eau.

A l'évidence, cela tombera malheureusement sur ceux qui ne demandent rien, car ils ne disposent pas des 50 % qui manquent, soit 4 500 euros. Et comme ils n'auront pas été repérés en tant que demandeurs dans ce périmètre, on ne fera rien.

Monsieur le ministre, il faut bien en avoir conscience, compte tenu de tous ces éléments, les lignes budgétaires de l'Agence de l'eau sont pratiquement bloquées jusqu'en 2006.

Certes, monsieur le ministre, nous avons besoin de clarification, de simplification et de cohérence. Mais je vous demande instamment de prendre en considération ces problèmes très précis et particulièrement de décider rapidement des mesures, en collaboration avec votre collègue chargé du logement, afin que l'assainissement devienne une priorité dans le cadre des OPAH. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Henri Revol.

M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques dont nous sommes aujourd'hui saisis en première lecture est un texte particulièrement attendu.

L'actualité est, en effet, inquiétante en matière de qualité de l'eau, qu'il s'agisse des pollutions accrues, non seulement des eaux superficielles mais, de plus en plus, des eaux souterraines, de la hausse de la facture payée par les particuliers - les maires que nous sommes, du moins la plupart d'entre nous, connaissent bien ces problèmes -, qu'il s'agisse aussi des déséquilibres de la ressource, avec les fortes fluctuations entre périodes d'inondations ou de sécheresse, que l'on se trouve en un point ou un autre du territoire, qu'il s'agisse encore des répartitions de compétences entre collectivités territoriales, et des nombreuses condamnations de la France par la Commission européenne pour manquement à certains de nos engagements européens.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous convenons totalement de la nécessité de ce texte, qui doit nous permettre de moderniser notre législation et de mieux prendre en compte ces objectifs environnementaux.

Nous saluons également la méthode choisie par les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin. D'une part, il s'est agi de sérier les questions en traitant des inondations dans la loi sur la prévention des risques technologiques et naturels, en transposant dans une loi particulière la directive-cadre, en intégrant certaines dispositions relatives à la consommation et la qualité de l'eau dans la loi relative à la politique de santé publique. D'autre part, vous avez su, monsieur le ministre, inscrire votre démarche dans la continuité de celle de votre prédécesseur, Mme Bachelot-Narquin, en donnant une très grande place à la concertation dans la préparation de ce texte.

Je n'insisterai pas sur les grandes orientations de ce projet de loi que notre excellent rapporteur, Bruno Sido, a détaillées avant moi, et que de nombreux collègues ont déjà commentées.

Pour autant, il me semble indispensable de souligner que le texte que nous adopterons devra garantir tous les équilibres entre les différents usages de l'eau. Et c'est à ce titre que je me permets d'insister, après, d'ailleurs, plusieurs de mes collègues de tendances politiques différentes, sur les choix que nous allons être amenés à faire en matière d'hydroélectricité.

La France a développé, tout au long du XXe siècle, son patrimoine hydroélectrique pour disposer aujourd'hui du premier parc hydroélectrique de l'Union européenne.

Ce parc participe pleinement de notre bouquet énergétique, qui fait appel à différentes sources d'énergie dont la complémentarité assure l'équilibre entre production et consommation.

Parallèlement, la France s'est engagée à respecter des objectifs forts pour préserver notre environnement : porter d'ici à 2010 la part des énergies renouvelables dans notre consommation d'électricité à 21 % ; atteindre un bon état écologique des eaux en 2015 ; tenir nos engagements internationaux, notamment ceux du protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre, ce qui revient à diviser par quatre nos émissions d'ici à 2050.

La question qui se pose, mes chers collègues, est celle de la conciliation entre ces différents engagements, sachant que, si la France est l'un des premiers producteurs d'énergie renouvelable en Europe, c'est bien grâce à l'hydroélectricité.

Or le projet de loi, dans la rédaction qui nous est proposée, ne va pas sans soulever de nombreuses interrogations, voire de nombreuses inquiétudes.

En effet, les incidences du texte sont d'ores et déjà très claires.

L'impact de l'article 4 sur les débits réservés en termes de perte de production est évalué par les experts à 3 milliards de kilowattheures sur environ 65 milliards de kilowattheures produits annuellement par l'hydroélectricité en France. Quant à l'impact de l'article 2 sur les éclusées, il est, lui, évalué à 2,5 milliards de kilowattheures de production modulable. 

De plus, les 10 % de turbinage autorisés dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie, que nous examinerons ici en deuxième lecture début mai, me paraissent très loin d'apporter une compensation, car ils demanderaient des investissements importants qui ne sont pas toujours techniquement possibles.

Ainsi, la réduction du potentiel hydroélectrique de notre pays affaiblira nos marges de sécurité en réduisant nos capacités de production d'électricité en phase de pointe, et accroîtra nos émissions de CO2, puisque l'essentiel de cette production perdue sera compensée par de l'électricité produite à partir de l'énergie thermique.

Enfin, la nouvelle architecture des redevances prévue par le texte se traduira, à n'en pas douter, par une augmentation de la contribution aux agences de l'eau.

Au total, un grand journal économique calculait récemment que la loi sur l'eau pourrait coûter plus de 360 millions d'euros par an à EDF, notre grande compagnie nationale. Monsieur le ministre, confirmez-vous cette évaluation ? Et, de façon plus large, quel sera l'impact sur l'avenir de l'entreprise, notamment dans la perspective de l'ouverture de son capital ?

Monsieur le ministre, il nous faudra veiller, et je m'y emploierai personnellement en tant que rapporteur du projet de loi d'orientation sur l'énergie, à la bonne coordination entre ce texte et le présent projet de loi.

C'est pourquoi je souhaiterais, dans un premier temps, que nous puissions amender le texte qui nous est proposé en trouvant les solutions - et il y en a ! - qui permettent de concilier production d'électricité hydroélectrique et respect de l'environnement dans les rivières concernées.

Dans cette perspective, je défendrai plusieurs amendements, dont je tiens dès maintenant à expliciter la portée.

Je souhaiterais, tout d'abord, que les dispositions proposées par les articles 2 et 4 du projet de loi tiennent pleinement compte des nécessités que j'ai rappelées précédemment et que, en ce qui concerne tant la réduction de l'impact des éclusées que les nouvelles règles relatives au débit réservé, nous n'adoptions pas des dispositions obérant le potentiel hydroélectrique français d'une manière excessive, au risque, sinon, de déstabiliser la sécurité du réseau.

Je vous proposerai également de réintégrer le Rhône dans la liste des cours d'eau bénéficiant de dérogations, dans la mesure où la gestion de ce fleuve ne dépend pas uniquement de l'administration française, et sachant que l'enjeu énergétique est important.

Par ailleurs, je vous ferai des propositions visant à la préservation de l'équilibre financier des contrats de concession hydroélectrique, notion reconnue par la jurisprudence administrative, car il importe de ne pas déséquilibrer ces contrats qui s'exécutent sur des périodes relativement longues, susceptibles, pour certaines d'entre elles, d'aller jusqu'à soixante-quinze ans.

En outre, deux amendements à l'article 8 du projet de loi, qui traite des sanctions en cas de destruction de frayères, visent à créer un cadre juridique prévisible pour les exploitants afin que ces derniers ne soient pas sanctionnés s'ils respectent les prescriptions fixées par les actes d'autorisation.

Enfin, je vous proposerai deux amendements visant à faire prendre en compte par les documents de gestion des eaux, les SDAGE et les SAGE, les nécessités liées à la production d'énergie hydroélectrique en raison de sa contribution à la lutte contre l'effet de serre.

Faudra-t-il, au cours de la deuxième lecture au Sénat du projet de loi d'orientation sur l'énergie, supprimer l'objectif du texte initial du Gouvernement, confirmé au cours des précédentes lectures, aux termes duquel : « La France doit également conforter son potentiel de production d'électricité d'origine hydraulique. » ? J'ose espérer que nous n'en arriverons pas là ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. De nombreux orateurs ont rappelé avant moi l'accueil mitigé reçu par le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques que vous soumettez à notre examen aujourd'hui, monsieur le ministre.

« Décevant » pour les uns, « équilibré » pour les autres, il ne fait, de toute façon, ni unanimité, ni consensus. Pour ma part, je regrette d'emblée que ce texte, comme beaucoup d'autres, fasse peu de cas des particularités et contraintes liées au contexte insulaire de la Martinique,en particulier, et des départements d'outre-mer, en général.

Il n'en reste pas moins que l'enjeu principal est aujourd'hui le respect des objectifs de la directive-cadre sur l'eau du 23 octobre 2000, en particulier, atteindre d'ici à 2015 le « bon état écologique » sur les trois quarts des masses d'eau. Chacun d'entre nous ne peut qu'être d'accord avec l'objectif  - je vous cite, monsieur le ministre - qui consiste à : « avoir d'ici dix ans une eau de totale qualité dans la nature ».

La question est de savoir comment nous y parviendrons. En effet, qui dit protection de la ressource, dit aussi amélioration du système d'assainissement,  ce qui est encore plus vrai face à la fragilité de l'écosystème insulaire.

Or, déjà, sur ce point, j'ai de grosses inquiétudes. En effet, « 4 à 5 milliards d'euros d'investissement par an seront nécessaires pour » - je vous cite à nouveau, monsieur le ministre - « permettre aux collectivités locales d'avoir financièrement les moyens de répondre aux besoins en matière d'eau potable et d'assainissement ».

Mais, comme vous abandonnez le projet de taxe sur les nitrates et pesticides, le chlordécone, en particulier, pour la Martinique, à la demande du Président de la République, il est vrai, permettez-moi de craindre que votre action en faveur d'une politique de l'eau ambitieuse et efficiente ne soit lourdement grevée.

Ce choix politique n'en est pas moins perçu par les écologistes et les associations de défense des consommateurs comme une « capitulation » face aux lobbies des gros agriculteurs. Il témoigne, selon eux, d'une « cruelle absence d'ambition réformatrice », qui aura pour conséquence de faire peser, encore et toujours, le coût de la dépollution sur les seuls ménages. Le consommateur devra donc financer 85% du budget de la dépollution via les taxes et les redevances.

Ce problème du financement de l'assainissement par les communes inquiète d'ailleurs notre rapporteur, qui n'a pas manqué d'affirmer dans la presse que « les objectifs fixés aux communes pour 2005 ne pourront pas être tenus », et qu'il « faudra trouver d'autres solutions ». J'espérais bien que le projet de loi présenté allait les prévoir... Or je reste sur ma faim.

Ce n'est pas l'article 25 du projet de loi, qui tend à la modification de l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, en permettant le financement de l'assainissement, sous certaines conditions, par le budget général, qui va arranger les choses.

Au contraire, il eût été plus opportun de permettre aux syndicats de communes, qui ont deux budgets distincts, alimentés essentiellement par la redevance, de financer l'assainissement par le budget « Eau potable », ainsi que par des participations des communes sur leur budget général.

En Martinique, compte tenu des difficultés que rencontrent les syndicats des eaux et assainissement en raison de leur retard en termes de structure, de mise en place de réseaux et de protection de la ressource, et parce qu'il faut protéger le littoral, il serait nécessaire de créer un abondement de leurs subventions versées par l'Etat.

Nous aurions pu espérer que ce dernier dégage de véritables fonds pour alimenter les structures existantes plutôt que d'en créer de nouvelles. Ces moyens auraient permis de réaliser des investissements colossaux en matière d'assainissement, notamment pour rendre conformes les stations d'épuration et les réseaux.

Au lieu de cela, on constate à une dilution des responsabilités et à un manque d'efficience sur le terrain, à une insuffisance des fonds pour réaliser les travaux, pourtant si nécessaires aujourd'hui.

Le second point qui me préoccupe concerne la police de l'eau. « Renforcer et simplifier la police de l'eau » font partie des orientations de ce projet de loi. Ce qui, de fait, est une bonne chose, puisque cette police de l'eau n'est appliquée ni en matière de prévention, ni en matière de sanction, et ce en raison de l'insuffisance de moyens humains des services de l'Etat pour assurer les contrôles sur les rivières productrices d'eau potable.

Or les dispositions proposées se contentent de renforcer la police de l'eau d'une manière générale et de faciliter la constatation de l'infraction, mais le pouvoir de police demeure concentré au niveau de l'Etat.

Aucune mesure de simplification n'est réellement proposée dans le texte. En Martinique, par exemple, les EPCI sans fiscalité propre dotés de compétences en matière d'eau et d'assainissement, tel le SICSM, le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique, verraient l'efficacité de leur mission croître s'ils étaient autorisés à constater les infractions. Or, nous sommes en présence d'un simple affichage politique, sans mesures incitatives.

Cela est tout à fait regrettable, d'autant que l'absence de véritable police de l'eau en matière de surveillance et de prévention en Martinique se traduit, vu la spécificité insulaire de ce département, par des attaques graves à la qualité de l'eau, d'une part, et au milieu marin, d'autre part.

Dans la mangrove du Lamentin, juste à côté de la baie de Fort-de-France, les crustacés qui s'y développent sont devenus impropres à la consommation, ce qui est révélateur, non seulement de la pollution et de la mauvaise qualité de l'eau, mais aussi de la nécessité d'une prise de conscience collective de la mise en danger de l'écosystème et, même, de la chaîne alimentaire.

Le temps qui m'est imparti étant très court, la conclusion de mon propos, monsieur le ministre, prendra la forme de questions.

Le projet de loi prévoit l'extension aux offices de l'eau de l'ensemble des redevances concernant les agences de l'eau, mais la fixation au 1er janvier 2007 de la date d'application des dispositions relatives aux redevances et des mesures de solidarité mises en oeuvre par le biais de l'ONEMA, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, m'inquiète. En effet, cela laisse les offices départementaux de l'eau dépourvus de ressources suffisantes pour réaliser leurs programmes pluriannuels d'intervention. En outre, il apparaît qu'il y a « télescopage » entre l'article 54 de la loi de programme pour l'outre-mer de 2003 et la future loi. Lequel des deux textes sera applicable à compter de 2007 ?

Par ailleurs, le FNDAE, qui a été supprimé par la loi de finances rectificative de 2004, sera remplacé, en Martinique, par le Fonds départemental d'équipement, le FDE. Cette substitution soulève de nombreuses interrogations, même si dorénavant les agences de l'eau ont mission d'assurer la solidarité nationale au profit des communes rurales.

A cet égard, j'aimerais savoir si l'assiette globale du FDE sera la même que celle du FNDAE. Le manque de transparence s'agissant de l'avenir de la taxe sur la consommation et les imprécisions sur les modalités de la mise en oeuvre de cette solidarité, pourtant indispensable au regard de l'étroitesse de l'assiette des redevances, ne sont pas pour nous rassurer. Les communes peuvent-elles espérer bénéficier d'une véritable solidarité nationale pour financer des travaux dont la nécessité se fait cruellement sentir, ce qui permettrait d'assurer le respect du principe de l'égalité d'accès au service public de l'eau ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, était très attendu. En effet, depuis Corinne Lepage, qui avait engagé la discussion, jusqu'à Roselyne Bachelot-Narquin, qui avait eu la volonté d'organiser un vaste débat national, cinq ministres se seront succédé, plusieurs avant-projets de loi sur l'eau et les milieux aquatiques auront été élaborés avant que nous ne puissions aborder aujourd'hui l'examen de votre texte.

De la grosse production d'énergie hydraulique, avec les barrages alpins, à une bonne et saine gestion de la ressource en eau potable liée à une politique rigoureuse d'assainissement, en passant par la préservation des milieux piscicoles, le tourisme de l'eau, l'entretien des cours d'eau, l'irrigation, les retenues collinaires avec le recours à la neige de culture, la tâche est énorme, les enjeux sont nombreux : certains d'entre eux, si contradictoires soient-ils parfois, doivent être conciliés, ce qui impose de trouver un équilibre.

Il s'agit, en premier lieu, de trouver un équilibre entre le développement des sources d'énergie renouvelables et la préservation de la ressource et des milieux piscicoles.

Je ne reviendrai pas ici sur les propos qu'a tenus M. Revol, ni n'évoquerai plusieurs sujets que nous aurons l'occasion d'aborder lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, qui devra nous permettre de relever le défi de produire, à terme, 21 % de notre électricité à partir de sources d'énergie renouvelables, en diversifiant le « bouquet énergétique » français.

Toutefois, l'on ne peut faire silence sur la place de l'hydroélectricité, quand on sait que celle-ci représente aujourd'hui plus de 90 % de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables. La nécessaire protection des rivières, cours d'eau et torrents, notamment celle des têtes de bassin, ne saurait exclure la micro-hydroélectricité ni la marginaliser, comme j'ai malheureusement pu l'entendre affirmer, monsieur le ministre, au cours des travaux préparatoires. C'est dire l'importance que revêtiront la mise en place de la nouvelle politique de classement des cours d'eau et la prise en compte des équilibres, qui pourraient relever de plans départementaux de gestion ou de bassin. Les précisions que vous pourrez nous apporter sur ce point seront bienvenues, monsieur le ministre.

Il s'agit, en deuxième lieu, de trouver un équilibre entre la nécessaire préservation de l'environnement et l'entretien des cours d'eau.

Là aussi, le projet de loi vient prolonger un certain nombre de mesures qui imposent de mettre à la disposition des collectivités territoriales de véritables outils de gestion et d'entretien.

A cet égard, les différents plans de protection, en particulier les PPRI, les plans de protection contre les risques d'inondation, et les plans de gestion de bassin, mis plus récemment en place sur l'initiative de Roselyne Bachelot-Narquin, ainsi que les SDAGE et les SAGE, impliquent la mise en oeuvre d'outils puissants de gestion et d'entretien, obligeant les propriétaires riverains et, surtout, les collectivités territoriales concernées à se regrouper au sein de syndicats de bassin versant, qui deviennent des interlocuteurs privilégiés disposant des moyens nécessaires.

Permettez-moi donc d'insister tout particulièrement, monsieur le ministre, sur la nécessité d'améliorer l'indispensable procédure d'entretien des cours d'eau pour permettre aux élus et aux collectivités territoriales de disposer d'outils réglementaires adaptés à une gestion moderne, souple et efficace, dès lors que les procédures ont permis d'établir les conditions de gestion et d'entretien des cours d'eau. Cela permettrait d'éviter que l'on ne se perde dans des dédales et des délais administratifs qui rendent insupportable la politique d'entretien des cours d'eau.

Il s'agit, en troisième lieu, de trouver un équilibre entre une politique volontariste de l'eau et de l'assainissement, les moyens budgétaires et les institutions mises en place.

A ce titre, convient-il de rappeler qu'une politique volontariste mais « vertueuse » en matière d'eau et d'assainissement suppose d'abord la reconnaissance de la mutualisation et de la solidarité entre les territoires urbains et les zones rurales, de plaine ou de montagne ?

Au travers de votre projet de loi, monsieur le ministre, vous nous proposez une remise à plat de l'architecture actuelle. Cette refondation, qui peut se justifier par bien des raisons, nécessite malgré tout qu'un certain nombre de garanties soient apportées aux collectivités territoriales qui ont à supporter la lourde charge des investissements en matière d'eau et d'assainissement.

Sur ce plan, je voudrais tout d'abord évoquer les interventions du FNDAE, dont les crédits, transférés aux agences de l'eau depuis la suppression de ce fonds, s'élevaient à quelque 122 millions d'euros ces dernières années, avant d'être ramenés à environ 77 millions d'euros en 2003.

Il est nécessaire, monsieur le ministre, que des garanties soient données aux communes quant au maintien, dans le cadre des conventions qui seront signées entre les départements et les agences de l'eau, des montants précédemment attribués par le FNDAE.

Puis-je prolonger cette question, monsieur le ministre, en évoquant maintenant ce décret tant attendu concernant le classement des communes éligibles au FNDAE ? La réforme en cours intervenant dans le prolongement de l'Acte II de la décentralisation, ne serait-il pas judicieux de prévoir que ce classement puisse relever dorénavant des départements, qui, cela apparaît très clairement, auront la responsabilité de mobiliser l'ensemble des ressources financières nécessaires aux côtés des communes, et donc de veiller à la solidarité et à la péréquation entre les collectivités ? Quoi qu'il en soit, dans l'optique de cette réorganisation, les agences de l'eau sont confirmées et confortées dans leur primauté.

Par ailleurs, au-delà du débat sur l'organisation de la représentativité au sein des agences de l'eau qui ne manquera pas de s'élever, ne serait-il pas souhaitable que, en matière d'eau et d'assainissement, les agences de l'eau soient placées dans l'obligation de mobiliser, au profit des collectivités locales, les montants de financements ayant été apportés en moyenne ces dix dernières années, de façon à donner à la mise en oeuvre des politiques la continuité nécessaire et à éviter ainsi de remettre en cause les politiques locales au gré des orientations arrêtées ou remises en question par les agences de l'eau ? Combien de programmes, monsieur le ministre, ont été interrompus ou remis en cause parce que les agences de l'eau avaient modifié leur politique !

La contractualisation entre les départements et les agences de l'eau est un signe fort, mais elle ne constituera le socle d'une politique nouvelle que si les financements des conventions reposent sur des engagements importants et pérennes. La loi peut et doit donner ce cadre et cette garantie.

Il s'agit, enfin, de trouver un équilibre entre la préservation de l'environnement et des milieux piscicoles et les activités de loisir.

La préservation des milieux et des ressources piscicoles constitue, dans une importante mesure, le point d'équilibre d'une authentique politique durable de l'eau qui doit intégrer de façon croissante les activités touristiques et de loisir.

A ce sujet, permettez-moi, monsieur le ministre, bien qu'il s'agisse là du domaine réglementaire, d'insister sur la nécessité d'adapter les cartes de pêche « loisir » à une pratique à l'année, afin de prendre en compte l'évolution du temps de loisir, qui n'est plus limité à la période estivale. De même, il conviendrait d'offrir aux titulaires de cartes à la journée la possibilité d'accéder à tous les plans d'eau ou cours d'eau, sans aucune limitation.

Ces quelques observations, qui portent sur des domaines très différents, témoignent de la richesse du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques que vous nous soumettez et que nous aurons plaisir à soutenir, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques était attendu. D'ailleurs, le contexte mondial révèle aujourd'hui de profondes inquiétudes sur les ressources en eau et souligne à quel point il est nécessaire que les gouvernants engagent des politiques ambitieuses à tous les niveaux.

Le texte qui nous est présenté s'inscrit, me semble-t-il, dans cette perspective. Il était dès lors légitime d'espérer l'expression, au travers de ce projet de loi, d'une ambition forte pour la politique de l'eau, en termes tant de quantité que de qualité.

Or les ambitions affichées semblent, en fait, bien modestes à certains égards, monsieur le ministre.

Certes, un certain nombre d'avancées peuvent être constatées en matière de transparence, de responsabilité ou d'évolution des réglementations. Elles étaient nécessaires, et j'estime qu'il convient de les mettre en exergue.

Cependant, on observe aussi, malheureusement, un certain nombre de limites inquiétantes, qui ont été révélées à l'occasion des multiples auditions réalisées au Sénat ces dernières semaines. Il en est ainsi des obligations et du calendrier de mise en oeuvre, qui apparaissent bien timorés au regard des recommandations contenues dans la directive-cadre du 22 décembre 2000.

Les dispositions du projet de loi, tel qu'il est actuellement rédigé, ne permettront pas à la France de tenir son engagement d'assurer d'ici à 2015 le bon état écologique des trois quarts de ses eaux ; l'objectif pourra être atteint pour à peine la moitié de celles-ci.

De même, des incertitudes inquiétantes doivent être relevées en matière budgétaire, comme l'a d'ailleurs souligné la direction du budget lors des auditions.

De surcroît, comment ne pas s'étonner que, à l'heure où se prépare ce changement essentiel que constitue, pour le Parlement, l'application de la loi organique relative aux lois de finances, aucun programme relatif à l'eau ne soit prévu en tant que tel, et donc qu'aucun responsable ne soit clairement identifié ?

Au-delà de ces considérations générales, je voudrais faire état d'interrogations majeures concernant les insuffisances de ce texte, plusieurs amendements déposés par notre groupe ayant précisément vocation à pallier ces insuffisances.

La première et la plus redoutable pierre d'achoppement naît du traitement réservé dans ce projet de loi à la question fondamentale de la solidarité nationale entre les territoires et à la politique de péréquation.

Le FNDAE a été supprimé. Depuis trois ans, nous avons entendu sur ce point maintes explications, tendant à nous rassurer ou à faire valoir des justifications prétendument objectives. On nous a tout d'abord affirmé que les crédits n'étaient pas consommés.

Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas vrai !

M. François Marc. On a ensuite évoqué le prélèvement opéré sur les sommes engagées au titre du pari mutuel urbain, et d'autres considérations techniques nous sont aujourd'hui présentées. Quoi qu'il en soit, une réalité s'impose à nous : le FNDAE a bien été supprimé, non par le gouvernement de Lionel Jospin au travers d'une loi organique, mais par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, comme on a pu le constater lors de l'élaboration de la loi de finances pour 2004.

En tout état de cause, il est tout à fait regrettable que le projet de loi assigne aux agences de l'eau une mission de solidarité envers les communes rurales sans qu'aucun objectif chiffré ne soit précisé. Ce sont donc les agences de l'eau qui devront combler le « manque à gagner » résultant de la disparition du FNDAE, par le relèvement des taux des redevances. La péréquation s'opérera donc non plus à l'échelle nationale - il y a là une contradiction dans les termes, car la péréquation est nationale ou elle n'est pas ! -, mais, au mieux, entre bassins versants. Or les six bassins versants français présentent évidemment des potentiels de fiscalité très différents.

A cet égard, je voudrais, à titre d'illustration, rappeler que les premiers contacts qui ont été pris ces dernières semaines entre les agences de l'eau et les départements révèlent à quel point les engagements qui pourront être tenus par les agences seront en deçà de ceux qui étaient auparavant assumés par l'Etat. Ainsi, s'agissant du département du Finistère, dont je suis l'un des élus, l'Etat s'était engagé par convention à verser 3,5 millions d'euros par an ; pour sa part, l'agence de l'eau ne s'engage aujourd'hui qu'à hauteur de 1,5 million d'euros : la différence est nette.

J'évoquerai maintenant des questions relatives aux collectivités territoriales, car le projet de loi, qui est pourtant proclamé « texte central de référence pour la politique de l'eau en France », reste flou sur de nombreux sujets bien identifiés.

Tout d'abord, la clarification du rôle des communes n'est qu'à moitié opérée.

Certes, le développement des outils juridiques nécessaires à leur intervention dans le domaine de l'assainissement non collectif était attendu, et les communes auront désormais la possibilité d'organiser et de gérer un véritable service public de l'assainissement non collectif, en régie ou en délégation.

Cependant, les compétences de contrôle des communes ou des communautés de communes en matière d'assainissement ne sont complétées par aucun pouvoir de police de l'eau spécifique. Or, sans pouvoir de police, et avec un contrôle très partiel de l'augmentation du prix de l'eau, les communes pourraient se voir reprocher une inflation des tarifs sans réelle contrepartie en matière de service ni amélioration sensible de la qualité de l'eau.

Par ailleurs, avec une représentation diminuée dans les agences de l'eau, l'Etat accroît en réalité son pouvoir. Désormais, son collège n'est plus celui des « représentants désignés par l'Etat » mais celui des « représentants de l'Etat ». Traditionnellement, les fonctionnaires ne votaient pas. Or ce changement pourrait bien modifier la donne en minorant le rôle des collectivités locales.

La troisième préoccupation pour les collectivités, c'est l'article 23, qui institue une taxe relative à la collecte des eaux pluviales. Dans les faits, son application sera très difficile.

Nombreux sont déjà les élus et les parlementaires - sur toutes les travées, comme on a pu le constater aujourd'hui -, qui disent à haute voix leur plus grand scepticisme quant à la mise en oeuvre de cette taxe. Ils se demandent principalement quelle sera son assiette et comment on pourra la calculer précisément.

Mme Nicole Bricq. C'est inapplicable !

M. François Marc. Enfin, monsieur le ministre, reste ce qui constitue une des insuffisances de ce texte, et non la moindre, je veux parler de la répartition de la charge de la protection de l'eau entre les différents acteurs de l'eau en France.

Eu égard au statu quo proposé en la matière - très défavorable, on le sait, aux consommateurs d'eau, qui supportent l'essentiel de la charge, soit 82 % -, la future loi sur l'eau, en l'état, pourrait avoir le triste privilège d'être le premier texte à bafouer la charte de l'environnement promulguée le 1er mars dernier par le Président de la République.

Une question essentielle mérite, à mes yeux, d'être posée à ce stade : a-t-on véritablement pris la mesure du risque environnemental créé par l'utilisation excessive et incontrôlée des produits phytosanitaires et des engrais chimiques ?

On sait, en effet, qu'un très grand nombre de cours d'eau sont aujourd'hui concernés. Ainsi, le dernier rapport de l'IFEN, l'Institut français de l'environnement, met en évidence que près des trois quarts des points d'eau superficiels analysés en France sont contaminés par les pesticides. Or, comme l'indique le site internet du ministère de l'environnement lui-même, l'ensemble de la communauté scientifique s'accorde sur le danger et la nocivité des produits phytosanitaires.

Doit-on, par ailleurs, rappeler la teneur de l'appel de Paris lancé à l'issue du colloque organisé par l'ARTAC, l'association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse, le 7 mai 2004, en son article 2 : « La pollution chimique constitue une menace grave pour l'enfant et pour la survie de l'homme » ?

Or votre projet de loi, monsieur le ministre, ne manifeste aucune ambition nouvelle concernant ce risque majeur créé par l'utilisation déraisonnable des produits phytosanitaires et des engrais chimiques.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé plusieurs amendements, en particulier un qui vise à accroître la taxation à la source des entreprises chimiques qui réalisent des profits considérables par la vente de ces produits. Ce serait une bonne façon de rééquilibrer la charge de protection de la ressource en eau, tout en recherchant un effet incitatif sur la réduction des volumes achetés par les utilisateurs.

Voilà, monsieur le ministre, un certain nombre de pistes pour améliorer ce texte, sur les questions tant de solidarité que de rééquilibrage de la charge de la protection de la ressource en eau. Bien entendu, notre groupe sera attentif aux réponses que vous apporterez à ces suggestions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Jean Desessard. Sans doute pour nous parler de la qualité du vin ! (Sourires.)

M. Gérard César. Mais, mon cher collègue, je peux aussi m'intéresser à l'eau ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur le ministre, comme l'ont déjà dit certains de mes collègues, ce texte était très attendu. Nous tenons donc à vous remercier d'avoir adopté une approche globale du cycle de l'eau afin de nous préparer à relever les défis à l'horizon de 2015. J'en profite également pour remercier l'excellent rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Bruno Sido, ainsi que M. Pierre Jarlier et Mme Fabienne Keller, qui, au nom de leur commission respective, ont également réalisé un excellent travail.

Pour ma part, je centrerai mon propos sur deux points : la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau en matière d'irrigation et la redevance pour pollutions diffuses, notamment les modalités pratiques de sa mise en place, sur lesquelles je souhaiterais obtenir quelques précisions.

La disponibilité de la ressource en eau constitue un enjeu majeur avec le développement de l'irrigation dans la plupart des zones de production agricole. Certes, l'agriculture n'est pas la seule activité consommatrice d'eau, mais l'irrigation représente, sur le plan national, 42 % de l'ensemble de la consommation totale d'eau tous usages confondus.

L'Aquitaine est la première région française pour les surfaces irriguées, car les irrigants y maintiennent un taux d'utilisation des équipements plus élevé qu'ailleurs : 82 % en 2003. C'est également la région où la surface agricole utile est irriguée dans la proportion la plus forte : 20 % en 2003.

Le maïs occupe à lui seul les quatre cinquièmes des surfaces irriguées.

M. Jean Desessard. Oh là là !

M. Gérard César. L'irrigation se pratique plutôt via des forages individuels, pour 57 % des surfaces équipées, alors que le réseau collectif en représente à peine 20 %.

Sur le plan des résultats comptables, on constate que les irrigants s'en tirent mieux au bout du compte, mais l'« effet revenu » de l'irrigation est variable en raison des coûts d'investissement et de fonctionnement.

En ce qui concerne les redevances pour prélèvements sur la ressource en eau, le projet de loi prévoit un encadrement des taux volumétriques de l'eau d'irrigation consommée en deux catégories.

Les taux plafond proposés s'appuient sur le taux maximal actuellement appliqué en agriculture dans le bassin Artois-Picardie. Or, vous le savez, monsieur le ministre, ce taux n'est pas du tout représentatif de ceux qui sont habituellement appliqués en France. Il concerne un secteur représentant beaucoup moins de 20 % des prélèvements dans cette région pour l'irrigation, eux-mêmes correspondant à une proportion très faible de la totalité de l'eau consommée pour l'irrigation sur notre territoire. Ainsi, dans notre bassin Adour-Garonne, en zone de répartition des eaux, ce taux plafond est près de sept fois supérieur au taux actuel. Son application conduirait inévitablement à des baisses importantes de résultat courant avant impôt pour les agriculteurs.

Une évaluation réalisée par l'assemblée permanente des chambres d'agriculture à partir d'exploitations types - selon les bassins, les pourcentages de surface agricole utile irriguée et la nature des productions - fait ressortir que, en appliquant le taux de 2 centimes d'euro, les baisses de résultat courant avant impôt se situent entre 2 % et 7 % dans certains bassins.

Cette situation aura forcément des répercussions en termes d'activité, d'emplois agricoles et agroalimentaires. C'est pourquoi je présenterai un amendement visant à abaisser les taux plafonds, tout en laissant des marges de manoeuvre à l'échelle des bassins afin de prendre en compte la diversité des situations.

Dans le même esprit, je proposerai d'appliquer un abattement incitatif afin de renforcer la gestion collective là où elle existe déjà et de l'encourager là où ce n'est pas encore le cas.

Concernant les retenues collinaires, la région Adour-Garonne est certainement l'une des mieux équipées, car pas moins de 10 000 lacs se répartissent prioritairement entre le Tarn-et-Garonne, le Lot-et-Garonne et le Gers, couvrant ainsi 20 % de l'eau utilisée pour l'irrigation. La création de retenues collinaires met en oeuvre le principe de recueil et de stockage des eaux de ruissellement en période d'abondance pour ne pas prélever dans le milieu en période d'étiage, c'est-à-dire en période de tension sur la ressource.

De nombreux agriculteurs ont, sans aides publiques, créé leurs propres ressources en eau sur des parcelles privées. Actuellement, le règlement Adour-Garonne leur accorde, en zone de répartition, le taux de 1 sans majoration. Afin de tenir compte de leurs efforts, il me paraîtrait opportun et logique d'introduire ce dispositif dans le projet de loi. Cela constitue un enjeu important pour les propriétaires des lacs.

Par ailleurs, je proposerai la reconnaissance de la notion de « prélèvement net » afin de conserver un principe d'équité entre irrigants face aux redevances, notamment au regard des fortes disparités existant sur le plan tant des ressources que des besoins en eau pour les productions.

En effet, pour les sols sablonneux très filtrants - c'est le cas, en particulier, de la région des Landes -, la distinction entre le prélèvement brut dans la nappe des sables et la consommation nette par les cultures s'impose. Des études menées par l'INRA et le CEMAGREF ont mis en évidence et quantifié les retours d'eau dans la nappe d'origine par infiltration. Cette particularité est déjà reconnue dans le bassin Adour-Garonne, et les redevances de l'agence de l'eau prennent en compte ce principe de prélèvement net.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais vous demander des précisions sur les modalités pratiques de la mise en place de la redevance pour pollutions diffuses, car ce sujet intéresse au premier chef les agriculteurs.

Le projet de loi, nous l'avons dit, a un objectif clair : atteindre un bon état écologique des eaux d'ici à 2015, comme nous y engage la directive européenne. Les agriculteurs sont pleinement conscients des enjeux de la politique de l'eau et ils mènent déjà souvent des actions actives pour améliorer leurs pratiques. Les principes d'éco-conditionnalité, fixés par la PAC, et, maintenant, la redevance pour pollution diffuse sont des moyens déterminants pour atteindre ces objectifs.

La redevance pour pollution, telle que proposée dans le projet de loi, s'articule de la manière suivante : toute personne distribuant des produits anti-parasitaires y est assujettie ; la redevance est assise sur les quantités de substances dangereuses contenues dans les produits concernés ; elle est exigible lors de la vente à l'utilisateur final, et le montant de la redevance apparaît sur les factures, lesquelles font l'objet d'un registre.

Cette redevance remplace la taxe générale sur les activités polluantes assise sur les produits phytosanitaires, qui est, aujourd'hui, prélevée au niveau des fabricants, ce qui me paraît plus juste et aussi plus facile pour sa perception.

Dans cette perspective, monsieur le ministre, nous aimerions obtenir un certain nombre de réponses aux questions qui se posent. Ainsi, quels seront les montants perçus au titre de la redevance ? Quelles seraient les conséquences si le taux de la redevance venait à varier fortement d'un bassin à un autre ?

Il paraît que certains acteurs se fournissent directement auprès des fabricants : comment s'acquitteront-ils de la redevance ? Comment les distributeurs seront-ils informés de la qualification des substances dangereuses ?

La procédure de délivrance de l'agrément aux distributeurs est en cours de modification : comment veillez-vous à ce que les deux textes soient compatibles ?

Il s'agit de questions très concrètes sur lesquelles il me semble utile que la représentation nationale et les agriculteurs soient informés.

Avant de terminer mon propos, permettez-moi de m'interroger sur le montant exorbitant des sanctions et des amendes infligées pour cause de pollution viticole.

J'ai l'exemple de deux viticulteurs récemment installés en GAEC. La police de l'eau, rattachée au conseil supérieur de la pêche, propose au procureur d'infliger aux deux jeunes, personnes physiques, une peine de deux ans de prison et de 75 000 euros d'amende, ainsi qu'une peine de 375 000 euros d'amende à la personne morale, le GAEC, ...

M. Gérard Delfau. C'est de la provocation !

M. Gérard César. ... soit, au total, vous aurez fait l'addition, mes chers collègues, 450 000 euros d'amende !

Certes, la pollution est réelle et ne peut être remise en cause, mais je me demande comment, si les peines proposées sont prononcées, ces jeunes pourront construire une unité de traitement adaptée à leur production et aux effluents viticoles qui en découlent, qui sont composés, nous le savons tous, de matières organiques. A coup sûr, c'est la ruine de leur entreprise !

Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à toutes ces questions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Lise.

M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de l'eau et des milieux aquatiques revêt une importance toute particulière dans les départements d'outre-mer, comme l'a dit tout à l'heure mon collègue Serge Larcher. Beaucoup de problèmes que l'on connaît ici, dans l'Hexagone, prennent là-bas en effet une acuité autrement plus grande.

C'est le cas en ce qui concerne la ressource en eau, notamment aux Antilles et à la Réunion. Elle y est non seulement très inégalement répartie, mais elle tend également à y devenir de plus en plus insuffisante en période d'étiage. On remarque en effet, depuis quelques années, une aggravation des épisodes de sécheresse liée, en partie, à des pratiques de déboisement excessif.

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. A la Réunion ?

M. Claude Lise. C'est également le cas en matière d'assainissement. C'est plus encore le cas en matière de pollution des sols, des rivières et des eaux littorales. Dans ce domaine, la situation a atteint une telle gravité, notamment aux Antilles, que l'Assemblée nationale a récemment créé une mission d'information. Celle-ci doit chercher à établir les conditions dans lesquelles ont pu être utilisés de façon intensive, dans l'agriculture, différents pesticides dangereux, notamment le chlordécone. Elle doit évidemment évaluer les conséquences qui en résultent.

Face à l'ampleur et à l'aggravation croissante de ces problèmes, force est de constater qu'il y a eu carence de l'Etat en matière de financement d'équipement, d'où les retards pris dans la réalisation d'un certain nombre d'entre eux, ou encore en matière d'application de textes législatifs et réglementaires, dont certains auraient pu, à l'instar de ce qui s'est passé dans l'Hexagone, avoir quelques effets positifs.

Il faut savoir, par exemple, que la loi du 16 décembre 1964 n'a, pendant longtemps, pas connu d'application dans les départements d'outre-mer et qu'il a fallu attendre la loi du 3 janvier 1992 pour que ceux-ci se voient habilités à créer des comités de bassin.

Toutefois, la carence la plus grave, qu'il importe de dénoncer, est l'absence de prise en compte réelle des spécificités des DOM en matière d'eau et de milieux aquatiques.

Comment ne pas comprendre qu'une île n'est pas un morceau de continent ? Comment ignorer, en milieu tropical, le régime particulier des eaux ? Comment ne pas tenir compte des risques naturels auxquels sont soumis certains bassins hydrographiques ? Comment ne pas prendre en considération ce qui est connu, tant aux Antilles qu'à la Réunion, sous le nom de « ravines », ces dépressions allongées et profondes, creusées par l'écoulement des torrents, et qui entraînent, en période de pluies, des crues parfois redoutables ? Je pourrais continuer l'énumération...

Le seul instrument spécifique en matière de politique de l'eau dans les DOM a été créé par la loi d'orientation de décembre 2000, à partir d'une proposition que j'avais faite dans un rapport co-rédigé avec le député réunionnais Michel Tamaya : il s'agit de l'office départemental de l'eau. Or ce dernier voit ses possibilités d'action, notamment la mise en oeuvre du SDAGE, entravées par la modicité des moyens qui lui sont alloués.

L'actuel projet de loi aurait pu contribuer à palier toutes ces carences et à ouvrir, enfin, la voie à une politique de l'eau ambitieuse pour les DOM, à la mesure des problèmes qui s'y posent, et, ne l'oublions pas, des objectifs fixés par l'Union européenne. Malheureusement, ce n'est pas le cas !

Bien sûr, ce texte comporte quelques avancées. Toutefois, elles sont loin d'être suffisantes. Les élus du conseil général de la Martinique ne s'y sont pas trompés puisqu'ils ont donné, il y a quelques jours, à l'unanimité, toutes tendances confondues, un avis négatif sur le texte, tel qu'il se présente en tout cas actuellement.

Monsieur le ministre, je veux cependant espérer que vous accepterez de prendre en considération les propositions constructives d'amélioration qui vous seront présentées au cours des débats.

Pour ma part, je défendrai quelques amendements qui traitent de points fondamentaux pour les départements d'outre-mer, et tout particulièrement pour celui que je représente : la Martinique. Ils concernent, notamment, le problème des ravines - elles doivent absolument faire l'objet d'un classement dans le domaine public fluvial -, les conditions d'une péréquation équitable, les ressources des offices de l'eau et la possibilité pour ces offices, situés dans les régions du monde que l'on sait, de participer à des actions de coopération internationale dont les collectivités auxquelles ils sont rattachés prennent déjà l'initiative.

Dans le domaine de l'eau, par exemple, le conseil général que je préside mène déjà des actions de coopération internationale importante ; il serait dommage que je ne puisse impliquer, dans ces opérations, l'office de l'eau dont je suis président de droit.

En conclusion, je ne peux me résigner à penser que, une fois de plus, on ne saisisse pas l'occasion de changer le cours des choses et de créer les conditions de mise en oeuvre d'une politique de l'eau en rapport avec la gravité de la situation que l'on connaît dans les départements d'outre-mer et à la hauteur des besoins et des attentes de ceux qui y vivent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, patrimoine commun de la nation, l'eau constitue le support incontournable du développement durable de nos territoires. La capacité de l'humanité à savoir modérer sa consommation et à protéger la qualité de l'eau conditionne l'avenir même de notre planète.

Or, depuis plusieurs années, en France, des signaux inquiétants nous ont fait prendre conscience des dangers que font courir des modes de développement par trop ignorants de la fragilité de cette ressource ou négligents cette dimension : 75% des rivières contiennent des pesticides ainsi que 50% des nappes ; la moitié du territoire est polluée par les nitrates ; de nombreuses agglomérations n'ont pas d'assainissement aux normes.

Le constat est donc sévère et plaide pour une reprise en main de notre politique de l'eau. Tel est l'objectif assigné à ce projet de loi. Concrètement, il s'agit d'atteindre, conformément aux directives européennes, un bon état écologique des eaux, à l'horizon 2015, afin d'assurer à nos concitoyens des cours d'eau et des eaux souterraines de bonne qualité et en quantité.

Fruit d'un long processus de discussion et de concertation, qui a permis de réunir l'ensemble des acteurs intéressés à la politique de l'eau, ce texte, au fil de ses cinquante articles, aborde de nombreuses problématiques. De fait, il a pour ambition de constituer le texte de référence de la politique française de l'eau et d'en conforter ses grands principes pour les quinze années à venir, au moins : une politique de l'eau largement décentralisée et définie en partenariat entre l'Etat, les usagers et les collectivités territoriales.

A cet égard, si la qualité des eaux est, pour nous tous, un enjeu vital, il est important de noter que les besoins de financement des collectivités territoriales ayant la charge de la gestion de la distribution et de l'assainissement sont considérables et en augmentation constante.

Ainsi, comme l'ont souligné nos excellents rapporteurs, le développement de la coopération intercommunale en la matière est devenu une quasi-nécessité pour permettre la maîtrise et l'équilibre économique de ces services.

Dans un souci de bonne gestion, il convient, me semble-t-il, de favoriser les regroupements. La commission des loi a d'ailleurs jugé nécessaire de proposer des amendements tendant à inciter les communautés de communes à exercer les compétences de leurs communes membres en matière d'assainissement. Par expérience, je ne peux qu'adhérer à cette démarche.

Lors de la création de la communauté d'agglomération de Brive, composée de quinze communes pour une population totale de 78 000 habitants, les élus concernés ont affiché une volonté unanime forte de voir prendre en charge, par cette nouvelle structure, la préservation, l'alimentation et l'assainissement de l'eau afin de fédérer leurs moyens, dans une logique de développement durable, et ce pour une population extrapolée de 200 000 habitants.

Grâce à la communauté d'agglomération de Brive et à la démarche des élus en la matière, dictée par une logique de préservation de l'équilibre du cycle de l'eau, de nombreuses actions, qui n'auraient pu être possible sans la mutualisation de moyens, sont d'ores et déjà menées ou en cours d'élaboration.

A elle seule, la future station d'épuration de la communauté d'agglomération de Brive coûtera plus de 40 millions d'euros. Pour faire face aux besoins croissants de financements des communes et des EPCI, de nouveaux moyens financiers vont être instaurés par ce projet de loi, ce qui répond parfaitement aux attentes des collectivités territoriales.

Il sera ainsi permis aux services de distribution d'eau et d'assainissement de voter en excédent la section Investissement de leur budget afin de permettre la constitution de provisions et d'instaurer une taxe sur les volumes des eaux de ruissellement pour financer les travaux en matière d'assainissement pluvial.

Par ailleurs, je tenais à saluer l'initiative de la commission des lois qui a, pour assurer la solidarité envers les communes rurales, proposé de garantir le maintien des aides autrefois versées par le FNDAE.

En effet, depuis une cinquantaine d'années, le FNDAE a permis de faire subventionner, par l'ensemble des consommateurs d'eau et les parieurs du PMU, les travaux des communes rurales de mise à niveaux de leurs équipements d'alimentation en eau potable et d'assainissement. Supprimée par la loi de finances rectificative de 2004, cette solidarité est dorénavant assurée par les agences de l'eau.

Je ne vous cacherai pas que cela inquiète fortement les communes rurales, qui s'interrogent sur l'effectivité de la neutralité financière du transfert. Peut-être pourrez-vous réaffirmer, monsieur le ministre, les engagements pris en la matière par le Gouvernement et rassurer nos collègues maires qui sont, comme toujours, les metteurs en scène de nos décisions auprès de leurs concitoyens.

De même, évoquant les charges financières considérables pesant sur les collectivités locales et parce que, sur ce sujet aussi, de nombreux maires corréziens m'ont interpellé, je ne pouvais conclure sans dire l'importance des charges nouvelles qui résultent, pour les communes rurales, de la mise en oeuvre des dispositions relatives au contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine. Ainsi, le coût moyen des analyses pour une commune de moins de 500 habitants risque d'être multiplié par six, coût exorbitant au regard de la modestie de leur budget, donc de leurs ressources.

Monsieur le ministre, la diminution de ces charges est un sujet que nous avons déjà abordé ensemble, avec mon collègue Georges Mouly. Je sais que ma question recoupe vos préoccupations et que nous pouvons espérer, à terme, des solutions : fréquence des analyses réduite et limitation de leur contenu, modernisation des contrôles, regroupement des points de captages. Cependant, c'est aujourd'hui que nos communes, déjà très fragilisées par la crise de la ruralité, souffrent ; et c'est donc aujourd'hui qu'elles espèrent une réponse concrète !

En conséquence, j'ai pris l'initiative, avec certains de mes collègues de l'UMP, de déposer un amendement tendant à prendre en compte le coût de ces analyses dans la section Investissement des budgets communaux, et ce afin qu'il puisse ouvrir droit aux attributions du fonds de compensation pour la TVA. J'espère que vous tiendrez compte de l'esprit de cet amendement, de sorte que, à l'issue de l'examen du texte, une vraie solution soit trouvée pour répondre à l'attente des maires ruraux et, bien sûr, de l'ensemble du monde agricole, qui anime ces territoires !

Monsieur le ministre, les actes de tout responsable politique doivent être guidés par le devoir sacré de préparer un avenir meilleur pour les générations futures. Ce projet de loi sur l'eau s'inscrit pleinement dans ce souci universel, écologique et humaniste. Je lui souhaite bonne chance, car nous n'avons plus le droit à l'erreur, n'en déplaise à certains lobbies égoïstes et autistes, déconnectés de la philosophie qui sous-tend ce texte et que je partage comme une grande majorité de français, toutes opinions confondues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier les trois rapporteurs, M. Bruno Sido, Mme Fabienne Keller et M. Pierre Jarlier, de la qualité de leurs travaux et de la pertinence de leurs réflexions. Je remercie également l'ensemble des intervenants de leurs remarques étayées et de la richesse des expériences dont ils ont nourri cette discussion générale.

Cela montre combien les problèmes de l'eau vous passionnent, et je m'en réjouis. Je constate que vous émettez de nombreuses propositions issues de votre expérience de terrain. Elles sont le reflet des différents usages de l'eau dont vous témoignez ici, mais aussi des responsabilités que vous devez assumer, en qualité d'élu local.

Permettez-moi donc de vous apporter quelques éléments de réponse avant que nous n'abordions la discussion des articles.

Tout d'abord, monsieur Poniatowski, en ce qui concerne l'hydroélectricité, je suis, comme vous, très attentif aux incidences sur les cours d'eau que peuvent avoir les microcentrales ou les centrales hydroélectriques. Situés sur un cours d'eau, de tels ouvrages ont nécessairement un impact sur celui-ci.

Monsieur Sido, vous l'avez rappelé, nous avons un objectif ambitieux, fixé par la directive-cadre sur l'eau : obtenir, d'ici à 2015, un bon état écologique des eaux. Aujourd'hui, seule la moitié des points de mesure sur les cours d'eau correspond à cet objectif qualitatif. Un barrage, parce qu'il constitue un obstacle pour les poissons et parce qu'il prive la rivière de son débit, peut indéniablement être un frein dans cette démarche.

Par ailleurs, le fonctionnement de certains ouvrages par éclusée peut engendrer des dégâts importants sur les cours d'eau. Ces éclusées peuvent détruire les frayères et l'ensemble de la vie qu'héberge une rivière. De tels phénomènes sont constatés sur certains cours d'eau des Pyrénées ou encore sur la Dordogne.

Parallèlement, l'hydroélectricité est aujourd'hui la source principale d'énergie renouvelable en France ; elle représente 13 % de l'énergie totale produite aujourd'hui. La France est très équipée en ouvrages. Je rappelle que l'engagement de 21 % n'est pas juridiquement contraignant, contrairement à l'objectif de bon état écologique des eaux.

Mais je me tourne vers MM. Revol, Vial et Laffitte. J'ai bien entendu leur plaidoyer en faveur du développement de l'hydroélectricité. Sachez, messieurs les sénateurs, qu'il n'est aucunement dans mon intention de réduire la production d'hydroélectricité en France. Toutefois, il convient de l'adapter lorsque c'est nécessaire. Il faut rechercher un équilibre entre la protection des milieux naturels et le développement des énergies renouvelables. Certains ouvrages intègrent d'ores et déjà les enjeux environnementaux, mais d'autres doivent encore être améliorés.

En effet, certains ouvrages construits voilà plusieurs dizaines d'années, parfois entre les deux guerres, doivent faire l'objet d'évolutions, certains modes de fonctionnement étant incompatibles avec l'objectif de bon état écologique.

C'est pourquoi le Gouvernement a cherché à proposer des mesures équilibrées, qui figurent à la fois dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie et dans le présent texte.

Dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie, les mesures proposées visent à optimiser la production des ouvrages existants avant qu'il en soit créé de nouveaux. Trois mesures importantes, trois possibilités sont prévues dans ce texte-là : la possibilité de turbiner le débit réservé, c'est-à-dire le débit laissé à la rivière, afin de produire de l'électricité juste avant de mettre ce débit dans le cours d'eau naturel ; la possibilité d'augmenter la puissance des installations sans procédure administrative lourde ; enfin, la possibilité d'équiper les barrages existants sans procédure lourde. De telles mesures permettent de répondre aux attentes de Mme Durrieu, de M. Revol et de M. Mouly.

A contrario, monsieur Poniatowski, dans le projet de loi sur l'eau, nous devons intégrer l'objectif de bon état écologique des eaux en 2015 fixé par la directive-cadre sur l'eau et amener les gestionnaires d'ouvrages à mieux prendre en compte les enjeux des cours d'eau.

Ne nous trompons pas, nos objectifs sont clairs ; il faut nous donner les moyens de les atteindre. Pour ce faire, le projet de loi sur l'eau comporte plusieurs mesures, dont une, essentielle, arrête la fin de l'année 2013 comme date butoir pour que tous les débits réservés soient fixés au dixième du module, c'est-à-dire à 10 % du débit moyen du cours d'eau.

En conclusion, pour répondre à votre question, monsieur Revol, je considère que le chiffre avancé de trois milliards de kilowattheures de pertes est partiel. Il résulte du calcul d'une perte de production entre un débit réservé au dixième du module - qui, je le rappelle, était déjà affiché dans la loi de 1984 mais que très peu d'entreprises ont respecté - et un débit réservé au quarantième du module.

Ce calcul n'intègre pas les mesures en faveur de l'hydroélectricité prévues dans le projet de loi sur l'énergie qui, naturellement, permet plus que de compenser. Il faut clairement regarder les deux projets de loi ensemble - c'est ainsi que le Gouvernement a travaillé - sinon, la vue n'est que partielle et le résultat, erroné.

S'agissant des conseils généraux, je reconnais comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'ils jouent un rôle très important dans la politique de l'eau.

En effet, les conseils généraux consacrent aujourd'hui environ 400 millions d'euros à la politique de l'eau. Ce sont des acteurs essentiels pour la solidarité à l'égard du monde rural. Si le Gouvernement n'a pas inscrit le fonds départemental dans la loi, c'est non pas pour refuser ce rôle aux départements, mais, bien au contraire, pour qu'un véritable débat de fond puisse s'instaurer au Parlement sur les sources de financement de cette politique. Vous le savez, le Gouvernement est ouvert sur ce sujet.

Parallèlement aux conseils généraux, une solidarité à l'égard des communes rurales à un niveau supérieur est essentielle, c'est pourquoi j'ai veillé, lors de la suppression du FNDAE, à ce que les agences de l'eau puissent reprendre ces missions.

Vous avez été nombreux à rappeler l'importance d'une solidarité ambitieuse ; j'y suis également très attaché. Les moyens nécessaires devront être mis en oeuvre. C'est pourquoi j'écouterai avec attention vos propositions, afin de trouver une solution qui organise clairement cette solidarité dont les agences de l'eau sont désormais chargées.

Vous avez été plusieurs à soutenir le fond « boues », notamment MM. Le Grand, Sido et Vasselle, et je les en remercie.

C'est une mesure essentielle qui doit permettre d'apporter de la sérénité dans la filière d'épandage des boues, 70 % de celles-ci étant épandues en agriculture. C'est, vous le savez, la filière écologiquement et économiquement la plus pertinente. Certes, quelques améliorations peuvent être apportées au texte, car c'est un sujet complexe, mais l'objectif général me semble bon.

La taxe relative aux eaux pluviales, vous avez raison de le souligner, madame Keller, est complexe. Néanmoins, de nombreuses collectivités ont à faire face à des investissements importants et je souhaitais ainsi leur ouvrir des possibilités nouvelles.

Vous le savez, il est essentiel de bien gérer les eaux pluviales, qui peuvent, par ruissellement et entraînement, être source de pollution des rivières. Une mauvaise gestion des eaux pluviales peut également entraîner localement des risques d'inondation.

L'assiette de cette taxe peut être complexe et, surtout, déroutante. Dans l'esprit de la loi, c'est le rejetable, c'est-à-dire le diamètre du tuyau qui raccorde l'habitation ou la parcelle au réseau public, qui doit être pris en compte. En effet, depuis vingt ans, les diverses tentatives visant à créer une assiette fondée sur l'imperméabilisation des sols n'ont pas permis d'aboutir à une solution efficace et réalisable, d'où notre souhait de proposer une nouvelle voie.

Néanmoins, je veux bien reconnaître l'aspect complexe voire déroutant de cette taxe. C'est pourquoi je vous proposerai de mettre en place très rapidement, d'ici à la deuxième lecture, un groupe de travail afin d'avancer dans la réflexion sur ce point.

En matière d'assainissement non collectif, vous avez évoqué, monsieur Vasselle, les enjeux auxquels doivent faire face les communes rurales, et personne ne s'en étonnera ici. C'est très important, vous avez raison. Il s'agit de plus de 5 millions de logements représentant plus de 11 millions d'habitants.

C'est pourquoi le projet de loi sur l'eau prévoit de nombreuses mesures précisant les compétences des maires et, surtout, leur donnant les moyens financiers, en particulier à travers les agences de l'eau.

La loi de 1992 avait en effet prévu des obligations pour les maires dès la fin de l'année 2005, sans leur en donner les moyens. Le présent texte prévoit d'y remédier.

L'assainissement non collectif est un défi majeur. Trop souvent, le collectif et le « tout-à-l'égout » ont été privilégiés alors qu'ils coûtaient plus chers. Il faut savoir que l'assainissement non collectif coûte globalement moins cher pour des performances environnementales aussi bonnes, voire meilleures. Il faut donc que nous réhabilitions ce type d'assainissement et que nous renforcions les moyens des communes. C'est bien l'objet du projet de loi. De nombreux amendements ont été déposés à ce sujet, et je suis sûr que le texte sortira amélioré de vos délibérations.

Vous avez abordé, madame Didier, les enjeux sociaux liés à l'eau et la nécessité d'inclure encore plus de solidarité dans la politique de l'eau. J'entends, avec le projet de loi sur l'eau, répondre à ces attentes à travers une double approche.

D'une part, les dernières pratiques de caution solidaire ou de dépôt de garantie, qui grèvent inutilement les budgets des ménages, seront supprimées. En effet, jusqu'à six mois de factures d'eau sont parfois demandés d'avance.

D'autre part, je tire toutes les conséquences du fait que le service d'eau est décentralisé, sous la responsabilité du maire ou du président de la structure intercommunale concernée. Je donne la possibilité aux élus de fixer le prix de l'eau en pleine et totale responsabilité. Ils pourront ainsi, notamment, fixer un prix de l'eau dégressif ou progressif, selon leurs choix à la fois politiques et techniques. Ils auront ainsi la possibilité d'afficher clairement leurs ambitions sociales, mais aussi environnementales.

Vous avez abordé, monsieur Le Grand, les enjeux de la politique littorale. Ils sont, il est vrai, essentiels.

Le bon état écologique des eaux que nous devons atteindre en 2015 concerne également les eaux côtières. Dans les programmes d'intervention des agences de l'eau et dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, une place toute particulière devra être faite aux actions concernant le littoral.

Les eaux littorales sont en effet le réceptacle des eaux de rivières et concentrent à ce titre les pollutions. Une attention particulière devra leur être portée par les agences de l'eau et par les préfets.

Des avancées importantes sont prévues dans le cadre de la future directive sur les eaux de baignade. Nous pourrions dès à présent nous en inspirer pour engager localement des études de profil des zones de baignade et des actions de réduction de la pollution.

Mme Férat a insisté sur l'importance de l'eau en tant que bien global et vital.

Vous avez souligné, madame la sénatrice, la gestion de l'eau dans un esprit de solidarité amont-aval, de façon globale et cohérente, en s'appuyant sur des maîtres d'ouvrage locaux. Sachez que c'est dans cet esprit qu'est élaboré le projet de loi sur l'eau.

Je veux relancer la gestion locale et participative de la politique de l'eau. A ce titre, les schémas d'aménagement et de gestion des eaux et les démarches locales, comme les plans de gestion pour la lutte contre les pollutions diffuses, seront renforcés. Il s'agira, bien sûr, dans chaque cas, de bien associer les acteurs locaux, dans un esprit de gestion locale et participative de l'eau.

J'en viens aux agences de l'eau et aux redevances.

Je voudrais tout d'abord répondre à Mme Bricq et lui préciser que le mécanisme proposé par le projet de loi sur l'eau n'est ni confus, ni contraire à la charte de l'environnement ou à la directive-cadre. Au contraire, il va permettre une simplification des redevances existantes, lesquelles sont incompréhensibles, complexes et parfois injustes. D'une commune à l'autre, en effet, les redevances sont différentes et personne n'est plus capable d'expliquer pourquoi !

Mme Nicole Bricq. C'est vrai !

M. Serge Lepeltier, ministre. Quant à la charte de l'environnement, le projet de loi s'inscrit parfaitement dans le cadre du principe édicté par l'article 4, dont je rappelle les termes : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi ». C'est précisément ce principe du « pollueur-payeur », ou plutôt du « pollueur-réparateur » qui sous-tend les redevances des agences de l'eau.

Il en est de même de la directive-cadre, qui fixe un principe de récupération des coûts auprès des personnes dont les activités ont un impact sur la ressource en eau.

Cette réforme des agences de l'eau permet donc de rendre les redevances constitutionnelles et de construire un dispositif cohérent et efficace qui apportera 2 milliards d'euros par an au financement de la politique de l'eau.

Il est vrai, madame Bricq, que nous avons choisi la voie de la simplicité et de la transparence, contrairement à un projet précédent qui, sous des dehors beaucoup plus incitatifs, multipliait les coefficients divers et les exonérations pour arriver sensiblement au même résultat.

Permettez-moi, monsieur Sido, de vous remercier d'avoir réaffirmé l'esprit de la loi de 1964, notamment le fait que les agences de l'eau doivent favoriser la réalisation d'actions d'intérêt commun au bassin.

M. Serge Lepeltier, ministre. En effet, les agences de l'eau ne sont pas une banque de l'eau où chacun viendrait chercher au guichet sa subvention. Ces agences sont bien des établissements publics animés d'une démarche collective, dans laquelle il existe un fort lien entre les usagers et où la redevance acquittée permet de financer des actions qui engendreront un bénéfice collectif en termes d'amélioration de l'état de la ressource.

En ce qui concerne la qualification juridique de cette redevance - impôt ou taxe -, la troisième voie que vous indiquez nécessiterait une révision constitutionnelle. Cette hypothèse avait d'ailleurs été étudiée en 2003, puis abandonnée.

Mme Nicole Bricq. On aurait pu le faire le 28 février dernier !

M. Serge Lepeltier, ministre. Cela étant, je tiens à vous préciser que l'application des règles européennes de plafonnement des aides de l'Etat n'est pas liée à cette qualification juridique. Les aides des agences aux agriculteurs et aux industriels ont d'ailleurs été modifiées depuis plusieurs années.

Vous avez été plusieurs à soulever les problèmes de la composition des comités de bassin, de la place insuffisante faite aux élus et aux usagers ainsi que de la participation de l'Etat à l'élection du président du comité de bassin. Madame, messieurs les rapporteurs, sachez que je suis très ouvert sur ces sujets.

A la suite de l'examen du texte par le Conseil d'Etat, qui a considéré avec attention la question constitutionnelle, le comité de bassin n'est plus un organe intégré au sein de l'agence de l'eau mais un comité qui a son autonomie. Je ne suis donc pas opposé à une évolution de sa composition.

En ce qui concerne la redevance azote, permettez-moi, monsieur Desessard, de vous indiquer que le Gouvernement entend adopter une démarche non pas idéologique mais bien pragmatique.

Les pollutions diffuses azotées sont un véritable enjeu. Il est illusoire de croire qu'une taxe sur les nitrates réglerait tout.

Sur ce sujet, l'action du Gouvernement doit être ciblée sur le meilleur outil économique disponible : la conditionnalité des aides agricoles de la politique agricole commune qui porte, à compter du 1er janvier 2005, sur la directive nitrates.

Les agriculteurs doivent notamment respecter un plafond en matière d'engrais azoté organique - 170 kilos d'azote par hectares et par an -, ils doivent tenir un registre d'épandage et ne rien épandre pendant la période hivernale. A défaut, les aides seront réduites de 1 % à 5 %.

Par ailleurs, la création d'une taxe sur l'azote au kilo d'engrais pourrait être perçue comme l'institution d'un droit à polluer. Nous obtiendrions ainsi l'effet inverse de celui qui est ici recherché !

M. Serge Lepeltier, ministre. Depuis la loi élaborée par le précédent gouvernement, en 2002, le contexte a considérablement changé et la redevance sur l'azote apparaît désormais bien complexe eu égard aux progrès qu'elle pourrait apporter.

Monsieur César, vous proposez de baisser les taux plafonds de la redevance sur les prélèvements agricoles et d'introduire des dispositifs dérogatoires pour les retenues collinaires.

Sachez, monsieur le sénateur, que ce projet de loi ne fait que prévoir des taux plafonds. Rien n'empêchera que l'on fixe, en fonction des enjeux locaux, des taux plus bas dans le cadre des discussions du comité de bassin.

En revanche, il serait très dommageable de baisser le plafond et de priver d'autres bassins d'un outil économique qui peut être très efficace, même avec un taux plus élevé, parce que, localement, certains agriculteurs sont prêts à l'accepter.

En ce qui concerne la redevance relative aux pesticides, je souhaite, monsieur César, vous apporter quelques éléments d'information.

Environ 15 000 distributeurs sont susceptibles d'être redevables, parmi lesquels, en réalité, se trouvent 1 000 gros distributeurs. Je tiens dès à présent à préciser que ces distributeurs sont connus, car ils doivent être agréés.

Les agences de l'eau ont par ailleurs l'habitude de gérer un grand nombre de redevables. A titre de comparaison, en matière d'irrigation, il y a plus de 20 000 redevables en Adour-Garonne.

Si des acteurs se fournissent directement auprès de fabricants, c'est que ces fabricants sont agréés pour la vente ; donc, ils paieront la redevance.

Dans le cas contraire, ces fabricants, qui auraient dû être agréés, sont des fraudeurs, et les services de la protection des végétaux pourront les sanctionner.

Naturellement, les fabricants auront l'obligation de fournir toute information nécessaire aux distributeurs sur les modalités de cette redevance. En aucun cas les distributeurs ne devront aller à la recherche de l'information. Cette obligation des fabricants sera inscrite dans le décret d'application ; son principe pourrait d'ailleurs être inscrit dans la loi.

En ce qui concerne maintenant l'incidence sur les finances de l'Etat, les dépenses de l'Etat diminuent de 100 millions d'euros par rapport à 2005 et les recettes diminuent de 119 millions, soit un solde négatif d'environ 20 millions d'euros, correspondant justement au décroisement des aides déjà effectuées dans le projet de loi de finances pour 2005.

Quant aux agences, le solde négatif de 46 millions d'euros correspond à un redéploiement qui leur a été demandé à hauteur de 2,5 % de leur budget.

Messieurs Lise et Marc, je vous confirme que la solidarité à l'égard des départements d'outre-mer est essentielle. Des investissements importants sont à réaliser. L'ONEMA participera à cette solidarité et les moyens financiers des offices de l'eau seront renforcés grâce à la possibilité d'établir de nouvelles redevances.

Monsieur Poniatowski, vous avez évoqué les enjeux liés à la pêche. Comme vous, je reconnais pleinement le rôle social, voire environnemental, de la pêche de loisir, car les pêcheurs sont souvent les premiers protecteurs des rivières.

Le projet de loi reconnaît pleinement ces qualités et précise très clairement les missions d'intérêt général des fédérations de pêche. Leur contribution à la préservation des milieux aquatiques est essentielle. Les pêcheurs ont donc naturellement toute leur place au sein des comités de bassin et du conseil d'administration de l'ONEMA.

Quant au cormoran, que vous évoquez à juste titre, monsieur le sénateur, (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) ...

M. Bruno Sido, rapporteur. Et le héron !

M. Serge Lepeltier, ministre. ... et dont nous avions abondamment parlé lors des débat sur la loi relative au développement des territoires ruraux, je remarque que l'arrêt du Conseil d'Etat auquel vous faites référence porte sur des faits qui remontent à dix ans, époque à laquelle l'Etat n'avait effectivement pas pris de mesures suffisantes pour la gestion de cette espèce protégée.

Aujourd'hui, la situation est très différente puisque les quotas de tir ont été largement augmentés et que je viens de prendre plusieurs mesures destinées à en faciliter la réalisation.

M. Alain Vasselle. Très bien !

M. Serge Lepeltier, ministre. La nature se gère avec tous les acteurs concernés. Je préfère développer et donner des moyens à ce partenariat plutôt que d'entrer dans une logique d'indemnisation qui ôte toute responsabilité aux uns et aux autres.

M. Alain Vasselle. De toute manière, ces oiseaux sont des nuisibles !

M. Serge Lepeltier, ministre. Enfin, je terminerai sur le sujet, très passionnel, des eaux libres et des eaux closes

Vous avez été plusieurs à évoquer - M. Poniatowski, mais aussi M. Mouly - ce dossier complexe.

Après les lois de 1984, puis celle de 1991, nous avons trouvé une solution jurisprudentielle équilibrée.

M. Bruno Sido, rapporteur. Tout à fait !

M. Serge Lepeltier, ministre. Certes, sur le terrain, certaines interprétations, qu'elles aillent dans un sens ou dans l'autre, peuvent encore être excessives. Pour autant, un équilibre a pu progressivement être trouvé entre les pêcheurs à la ligne et les pêcheurs en étang ou les propriétaires privés.

Certains souhaiteraient inscrire cette jurisprudence dans la loi, ou prévoir une définition. Il s'agit néanmoins d'une entreprise complexe qui risquerait de donner lieu, de nouveau, à de nombreux jugements.

C'est la raison pour laquelle j'ai préféré, dans le projet de loi, en rester à la jurisprudence actuelle et ne pas toucher à la définition, quitte à donner ultérieurement aux préfets des instructions très précises fondées sur la jurisprudence.

En parallèle, j'ai demandé à deux éminents membres respectivement du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation de procéder à une analyse juridique de cette définition. Ils viennent de me transmettre leur rapport, lequel est actuellement en cours d'analyse par les services du ministère ; je le diffuserai prochainement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos nombreuses contributions ; elles nous permettent d'aborder la discussion des articles dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je comprends, étant donné la richesse de ce débat, que vous n'ayez pas pu répondre à toutes les questions posées.

Je veux simplement être certain que, lorsque l'article concerné viendra en discussion, vous nous donnerez votre sentiment sur les prélèvements en eau effectués sans contrôle et parfois sans autorisation par des particuliers à des fins domestiques, voire économiques !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.

La discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des articles.

Demande de réserve

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Art. additionnels avant l'art. 1er

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, conformément à l'article 44, alinéa 6, du règlement, la commission demande la réserve des amendements nos 293 rectifié, 504 et 363 rectifié jusqu'avant l'article 42, au moment du débat sur l'organisation de la pêche en eau douce.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Serge Lepeltier, ministre. Favorable.

M. le président. La réserve est de droit.

titre 1er

Préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques

Chapitre 1er

Milieux aquatiques