PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2005.
Nous allons aborder l'examen des articles 5 et 6, relatifs aux dépenses militaires, ordinaires et en capital.
Article 5 et tableau D annexé
Le montant définitif des dépenses ordinaires militaires du budget général de 2005 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis conformément au tableau D annexé à la présente loi (1).
(En euros)
Désignation des titres |
Dépenses |
Ajustements de la loi de règlement |
|
Ouvertures de crédits complémentaires |
Annulations de crédits non consommés |
||
III. - Moyens des armes et services |
18 871 143 946,41 |
66 375 750,62 |
38 529 477,21 |
Totaux |
18 871 143 946,41 |
66 375 750,62 |
38 529 477,21 |
(1) Se reporter aux documents annexés au projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 (n° 3109), sans modification.
Article 6 et tableau E annexé
Le montant définitif des dépenses militaires en capital du budget général de 2005 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis conformément au tableau E annexé à la présente loi (1).
(En euros)
Désignation des titres |
Dépenses |
Ajustements de la loi de règlement |
|
Ouvertures de crédits complémentaires |
Annulations de crédits non consommés |
||
V. - Équipement |
14 116 152 865,01 |
1,11 |
2,10 |
VI. - Subventions d'investissement accordées par l'État |
170 671 348,32 |
» |
0,68 |
Totaux |
14 286 824 213,33 |
1,11 |
2,78 |
(1) Se reporter aux documents annexés au projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 (n° 3109), sans modification.
M. le président. Dans le cadre de ces articles, la conférence des présidents a décidé d'organiser un débat sur l'exécution des crédits de la défense.
Débat de contrôle de l'exécution des crédits de la défense
M. le président. Mes chers collègues, après les interventions des deux rapporteurs spéciaux et du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, les orateurs des groupes pourront poser leurs questions.
Mme la ministre répondra en deux temps, tout d'abord aux rapporteurs, puis aux orateurs des groupes.
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c'est une première !
Pour la première fois dans l'histoire budgétaire de la France, l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget n'est plus global. Il porte sur un ministère particulier, qui a d'ailleurs été bien choisi puisqu'il s'agit du ministère de la défense.
Les dépenses militaires, à elles seules, ont augmenté de 5 % en 2005, pour atteindre 44 milliards d'euros. Certes, dans la conjoncture actuelle, cette augmentation est peut-être de nature à vous étonner, mes chers collègues, ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Eh oui !
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. ... mais les seules dépenses en capital du budget de la défense représentent près de 43,6 % des investissements de l'État et progressent de 13,41 %.
Toutefois, cet accroissement doit être relativisé, car, entre 1991 et 2000, le budget d'équipement avait diminué, en euros constants, de près de 40 %.
Mes chers collègues, il s'agit aussi aujourd'hui d'une première dans la continuité de la politique engagée depuis quelques années.
En effet, pour la troisième année consécutive, non seulement les prévisions budgétaires sont conformes à la loi de programmation militaire mais, fait plus rare, les dépenses en capital sont globalement conformes à l'autorisation budgétaire. Leur taux d'exécution est en effet de 101 % des crédits initiaux avant reports. Le taux d'exécution des dépenses ordinaires, dont mon excellent collègue François Trucy parlera tout à l'heure, dépasse de 3,76 % les crédits initiaux en raison essentiellement de la sous-budgétisation initiale des OPEX, les opérations extérieures.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Il s'agit enfin d'une dernière, mes chers collègues, au sens où nous disons aujourd'hui un adieu définitif à l'ordonnance organique de 1959.
Désormais, les dépenses militaires ne seront plus isolées au sein de l'article d'équilibre du budget. Nous allons donc indiquer pour la dernière fois leur part dans le budget de l'État : en 2005, après transferts, les dépenses militaires représentaient 11,27 % des dépenses du budget général.
Toutefois, ce satisfecit général mérite d'être nuancé. Pour ma part, je m'en tiendrai aux questions financières, M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées apportant de la matière aux arêtes financières que je vais décrire.
S'agissant des dépenses en capital, j'évoquerai deux questions. Comment l'augmentation des dépenses a-t-elle été compatible avec la régulation budgétaire ? Par ailleurs, comment l'exécution du budget satisfait-elle aux exigences définies par la loi de programmation militaire ?
S'agissant de la contrainte liée à la régulation budgétaire, vous aviez à faire face à un grave problème, madame le ministre. En effet, au cours des années passées, nous avions laissé se constituer une « bosse de reports de crédits » de 2,8 milliards d'euros, qui a atteint son maximum en 2004, et un report de charges inquiétant puisque des factures pour un montant de 3 milliards d'euros n'avaient pas été payées en fin d'année et avaient donné lieu, pour un certain nombre d'entre elles, au paiement d'intérêts moratoires.
La première cause de cet état de choses est bien connue. Je vous la rappelle pour mémoire, mes chers collègues, il s'agit de la sous-budgétisation des OPEX ; mais nous y avons apporté une solution un peu différente cette année.
La seconde cause est plus fondamentale : elle tient au fait que, dans un budget d'équipement en croissance rapide, les dépenses d'équipement s'étalent dans le temps. Ainsi, les engagements pris voilà deux, trois ou quatre années se répercutent sur la dépense de l'année en cours. Or, il est toujours difficile de calibrer deux ans ou trois ans auparavant les dépenses d'une année. C'est là une spécificité du budget de la défense.
Naturellement, il n'est pas possible de tout financer, et la régulation budgétaire est la contrainte supplémentaire qui n'est pas inscrite au titre des crédits budgétaires !
Mes chers collègues, la commission des finances est très attachée au fait que les dépenses de l'année ne doivent pas dépasser le montant de l'autorisation initiale prévu dans la loi de finances. En cas de reports, se pose donc la question de la régulation budgétaire.
Certes, je constate que la situation est en voie d'amélioration puisque les reports de crédits ont été ramenés de 2,8 milliards d'euros à quelque 2 milliards d'euros, à la fin de l'année 2005, soit une baisse considérable de 800 millions d'euros.
Ce résultat a pu être atteint tout d'abord grâce à l'annulation de 611 millions d'euros de reports de crédits non engagés en provenance de l'ancienne loi de programmation militaire, ce qui a été relativement facile. Ensuite, madame le ministre, vous avez dû obtenir l'autorisation de dépasser la norme de dépense de quelque 200 millions d'euros.
La question se pose maintenant de savoir si l'on pourra continuer à l'avenir à diminuer les reports de crédits.
Quant aux reports de charges, ils ont été réduits, par voie de conséquence, de plus de 900 millions d'euros, et ont ainsi été ramenés à 2,14 milliards d'euros à la fin de 2005. Il faudra naturellement apurer cette dépense au début de l'année 2006. À partir du 1er janvier 2006, une notion plus précise sera mise en place, celle des « charges à payer ». La commission des finances sera particulièrement attentive au montant de ces charges qui figurera au bilan d'ouverture de l'État au 31 décembre 2005.
Par ailleurs, nous vous en donnons acte, madame le ministre, les conséquences néfastes des retards de paiement pour les entreprises, et notamment les PME, ont été atténuées en début d'année par la mise en place d'un mécanisme de cession par les entreprises des créances non payées à des organismes financiers rémunérés par les intérêts moratoires dus par l'État. Cette intermédiation financière est une solution quelque peu curieuse, à laquelle j'espère voir mis un terme au cours des années à venir.
J'évoquerai maintenant la seconde question : l'exécution de la loi de programmation militaire est-elle satisfaisante ?
Si certaines critiques ou certains doutes voient le jour quant à la qualité de l'exécution de la loi de programmation militaire, il convient de les replacer dans un cadre temporel. En effet, certaines critiques portent sur le passé, d'autres sur le présent, et d'autres encore sur le futur.
Pour ce qui concerne le passé, l'objectif à atteindre reste l'exécution du modèle d'armée 2015. Toutefois, entre 1995 et 2002, soit avant votre entrée en fonctions, madame le ministre, un certain retard a été pris, qui a atteint la somme de 12 milliards d'euros, soit une annuité des dépenses. Cet écart sera difficile, voire impossible, à rattraper.
Pour ce qui concerne le présent, globalement, la loi de programmation militaire actuelle est correctement exécutée, sous réserve de l'utilisation des 2 milliards d'euros de reports de crédits. Je sais que la décision a été prise de supprimer ces reports de crédits d'ici à 2008. Cela signifie que le ministère de la défense aurait le droit de dépasser, dans des proportions assez considérables, la norme de régulation budgétaire que j'ai évoquée tout à l'heure. J'aimerais que vous nous apportiez des précisions en la matière, madame le ministre.
Par ailleurs, pour le présent, certains soulignent que l'exécution de la loi de programmation ne correspond pas exactement à ce qui était prévu par l'annexe de cette loi et évoquent des « bourrages » et des « glissements de crédits ».
Personnellement, de tels glissements de crédits ne me paraissent pas absurdes dans l'optique du financement de la recherche duale, de la recapitalisation de DCN ou de GIAT Industries. Un tel choix peut être nécessaire par rapport à d'autres opérations moins urgentes, et je ne vous en fais donc pas le reproche.
En ce qui concerne le futur immédiat, la gestion de 2005 se clôt avec près de 9 milliards d'euros d'autorisations de programme non engagées. Ces dernières se divisent en deux catégories : d'une part, 6 milliards d'euros d'autorisations de programme affectées et non engagées, dont le report ne devrait pas poser de difficulté ; d'autre part, 3,4 milliards d'euros d'autorisations de programme ni engagées ni affectées, et qui, n'étant plus « éternelles », devraient donc normalement disparaître.
Mais qu'en sera-t-il alors du programme Barracuda, qui est gagé à hauteur de 1,1 milliard d'euros sur ces crédits ? Dans quelle mesure le ministre des finances vous autorisera-t-il à utiliser ce volant de 1,1 milliard d'euros de crédits ?
Reste maintenant le futur plus lointain, pour lequel les problèmes les plus délicats se posent.
La montée en puissance de la loi de programmation militaire et l'allongement de la durée des programmes se conjuguent pour accroître les perspectives de dépenses au-delà de l'horizon 2008.
En effet, le montant des restes à payer au 31 décembre 2005, c'est-à-dire la différence entre les engagements pris et les paiements déjà effectués, s'élève à 45 milliards d'euros. Étant donné l'allongement des programmes, 40 % de cette somme sera à payer sur les crédits futurs, soit au-delà de l'année 2008.
Le problème est donc le suivant : au vu de cette contrainte de paiement pour l'avenir, dans quelles conditions se préparera la future loi de programmation militaire ?
Je sais, madame le ministre, que vous avez arrêté au début de l'année, dans un délai très bref, ce dont je vous félicite, la version actualisée du référentiel 2006, ou VAR 2006. Je serais heureux que vous puissiez nous indiquer quelles solutions vous préconisez.
Mes chers collègues, l'année prochaine, le budget d'équipement éclatera en trois programmes : les recherches en amont iront dans le programme « Environnement et prospective de la politique de défense », le « gros » du développement et de la construction ira dans le programme « Équipement des forces », et le maintien en condition opérationnelle, le MCO, ira dans le programme « Préparation et emploi des forces terrestres, navales et aériennes » - et je ne parle pas de l'infrastructure.
J'ose espérer que la synthèse entre ces programmes, qui dépendra naturellement des votes du Parlement, laissera très clairement transparaître les choix que vous avez continué à faire en faveur des recherches en amont et du MCO.
Mes chers collègues, je laisserai à François Trucy le soin de conclure et de vous donner l'avis de la commission des finances
Je dirai simplement qu'en matière d'équipement nous remontons la pente, et ce non seulement parce que la loi de programmation militaire est exécutée correctement, mais aussi, madame le ministre, parce que la gouvernance, la gestion de votre ministère, avec la recherche du moindre coût, s'inscrit dans la continuité d'une véritable stratégie de réforme.
M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. François Trucy, je ne résiste pas au plaisir de vous annoncer que l'équipe de France mène contre l'Espagne par deux buts à un !
Mme Hélène Luc. Et même trois à un, Zidane venant de marquer le troisième but !
M. le président. La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame le ministre, je pensais commencer mon propos en formant des voeux pour que la défense de l'équipe de France tienne aussi bien que le budget de la défense, mais je suis déjà exaucé ! (Sourires.)
Autant que mon collègue Yves Fréville, j'approuve la méthode qui est la nôtre cette année. En définitive, cela nous donne une occasion supplémentaire de parler des choses importantes, de le faire dans un autre état d'esprit, celui de la LOLF, et de savoir quelle utilisation a été faite des crédits. Il me semble que nous sommes sur la bonne voie.
J'ai la grande satisfaction de dire d'entrée de jeu que la consommation des crédits du titre III est tout à fait exemplaire. En conséquence, madame le ministre, plutôt que de me livrer à des appréciations qui ne pourraient être moins bonnes que cette dernière, je préfère vous poser un certain nombre de questions.
Les crédits disponibles étaient de 18,98 milliards d'euros et le taux de consommation s'établit à 99,42 %. Il n'est pas arrogant de dire que ce dernier est meilleur que le taux de consommation des dépenses d'équipement, parce que nous savons très bien que les conditions d'exécution ne sont pas les mêmes.
S'il est louable de ne pas dépenser plus que les crédits disponibles, il l'est tout autant de ne pas voter des crédits qui ne seraient pas consommés !
En réalité, une telle performance concernant le taux de consommation ne doit pas nous étonner puisqu'elle a été préparée par des calculs extrêmement serrés au moment du vote du budget.
Cette première remarque nous permet-elle de dire que tout est en ordre par rapport à la loi de programmation militaire, en particulier sur le problème des effectifs ?
On doit s'interroger tout de même en matière d'effectifs. Depuis trois ou quatre ans, nous discutons calmement chaque année d'un sous-effectif qui tourne, en général, autour de 4 000 postes civils et militaires non pourvus.
Cependant, n'ayant jamais, en définitive, constaté de gros problèmes sur le terrain, au contact des officiers et des états-majors, nous nous sommes un peu habitués à cet état de fait, au point que certains, qui habillent de mots remarquables des choses qui pourraient nous fâcher, ont parlé d'un « état d'équilibre » !
Peut-on parler d'un état d'équilibre lorsque l'on ne réussit pas à pourvoir quelque 4 000 postes, année après année, même si tout se passe à peu près convenablement partout ?
L'annonce dans le budget de 2007 de la disparition de 4 387 postes militaires dans le cadre de la réduction générale des effectifs de la fonction publique n'est-elle pas, d'une certaine façon, un moyen de prendre acte de cette situation et de la régulariser ?
Madame le ministre, quelle est votre opinion sur ce sujet, sachant que nous ne critiquons pas ce point, mais que nous voudrions comprendre ?
L'exécution du titre III du ministère de la défense appelle quelques remarques.
Le Sénat a été le témoin, année après année, de votre remarquable combat pour les OPEX. Vous avez eu à vous battre contre Bercy pour parvenir à obtenir un début substantiel de programmation dans la loi de finances - c'est tout de même la moindre des choses à l'heure où l'on parle de la transparence du budget !
Plutôt que de vous demander comment vous avez fait en 2005 pour retomber sur vos pieds, madame le ministre, je préfère vous interroger sur les perspectives de cet important budget.
En 2005, il a fallu trouver 421 millions d'euros supplémentaires, qui étaient prévus par le décret d'avance. Que se passera-t-il maintenant ?
Madame le ministre, deux sujets mériteraient que vous nous les expliquiez.
Premièrement, est-il exact que la revalorisation du point de la fonction publique, qui donne lieu à des discussions sans fin, interdit en définitive de fixer l'évolution de cette revalorisation pour les crédits militaires ? Peut-on éviter que le budget militaire ne soit suspendu à des décisions civiles ?
Deuxièmement, la Cour des comptes s'est autorisée à critiquer le versement de 104,27 millions d'euros supplémentaires. Du simple point de vue formel, êtes-vous d'accord avec cette critique ?
J'ai noté également avec un peu de surprise que les dépenses d'alimentation ont augmenté de 4,9 % entre 2004 et 2005.
Je n'éprouve pas d'inquiétude à ce sujet, les crédits d'alimentation étant destinés plus que les autres encore à être consommés. D'autant, je vous rassure, que, faisant la visite d'unités et de bases, je n'ai pas encore vu d'obèses ! (Sourires.)
Quelles sont néanmoins les raisons d'une telle augmentation, madame le ministre ?
En revanche, comment faites-vous pour retomber sur vos pieds pour ce qui concerne la consommation de carburant, compte tenu de l'augmentation du prix du pétrole ? La diminution de 12 % de vos dépenses à ce titre depuis 2001 est un critère de bonne gestion !
S'il y a du mieux en ce qui concerne la poursuite des activités opérationnelles en faveur desquelles nous intervenons auprès de vous année après année, certains points restent encore éloignés des objectifs à atteindre.
J'ai relevé que les heures de vol des pilotes d'hélicoptère de combat, d'avion de transport, mais aussi d'hélicoptère de la marine et de la patrouille maritime, avaient diminué.
Bien entendu, on pourrait se réjouir de ces réductions en pensant qu'elles entraînent des économies. Mais elles ont tout de même deux conséquences un peu perverses. D'abord, lorsque l'on s'entraîne moins, on est moins opérationnel. Ensuite, le fait, pour ces pilotes, de ne pas remplir le programme d'heures de vol qui leur a été donné pour l'année nuit à leur carrière.
Par ailleurs, madame le ministre, pas un jour ne passe sans que je considère que les dépenses de personnel civil et militaire des armées ont été considérablement sous-estimées lors de la professionnalisation des armées, que nous avons votée de grand coeur même si la disparition du service militaire a suscité en nous quelques craintes, en particulier dans le domaine social. Peut-être aurions-nous dû, à cette époque-là, tenir compte de l'exemple des armées anglo-saxonnes.
Enfin, et c'est ma dernière question, il paraît qu'Eurostat veut considérer maintenant les locations d'équipements militaires comme des locations financières, et non comme des locations simples. Cela aggrave-t-il la dette de l'État ? Par voie de conséquence, une telle affectation aura-t-elle une incidence sur le déficit public et la dette publique ?
Quoi qu'il en soit, vous avez bien compris, madame le ministre, que la commission des finances, dans sa majorité, a jugé l'exécution de ce budget digne d'éloges ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je tiens tout d'abord à saluer l'initiative de la commission des finances visant à permettre, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement, un débat spécifique sur les crédits de la défense.
Nous considérons, en effet, que l'exécution de ce budget mérite un examen particulièrement attentif, non seulement parce qu'il s'agit de l'un des plus importants budgets de l'État -et le premier des budgets d'investissement -, mais également parce que, dans le domaine de la défense, nous possédons, avec la loi de programmation militaire, un cadre de référence pluriannuel qui a été établi autour d'objectifs cohérents.
Le suivi régulier des réalisations au regard de ces objectifs répond donc à une nécessité. Le projet de loi de règlement, désormais examiné par le Parlement au plus près de la clôture du dernier exercice, constitue pour cela une occasion privilégiée.
Je ne reviendrai pas en détail sur les principales caractéristiques de la gestion du budget de la défense au cours de l'année 2005. Je n'en mentionnerai que deux : pour les dépenses ordinaires, une couverture satisfaisante des besoins supplémentaires engendrés par les opérations extérieures et par la hausse des prix des carburants ; pour les dépenses en capital, un montant de dépenses constatées en nette augmentation qui atteint un niveau sans équivalent depuis de nombreuses années, malgré une annulation de 611 millions d'euros survenue à l'automne pour gager les ouvertures de crédits au titre III.
Globalement, la commission constate que l'exercice 2005 traduit une application satisfaisante de la loi de programmation militaire, qui a désormais dépassé la mi-parcours. La grande continuité de l'effort réalisé depuis 2002 dans le domaine de la défense témoigne d'une volonté politique forte et constante d'autant plus méritoire dans le contexte économique et financier actuel que le retard pris durant la période précédente exigeait une forte remise à niveau.
J'en viens aux observations et aux questions de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Madame la ministre, nous nous interrogeons bien entendu sur les crédits reportés. Ceux-ci ont fortement augmenté en 2003 et en 2004 en raison, notamment, du plafond de dépenses imposé au ministère de la défense. Leur décrue sur l'année 2005 est en grande partie liée à l'annulation de crédits d'équipement intervenue à l'automne. La possibilité de consommer le volant restant, soit un peu plus de 1,9 milliard d'euros, d'ici à la fin de la loi de programmation, comme l'engagement en a été pris, représente un enjeu important afin d'éviter d'accroître les intérêts moratoires ou de décaler les calendriers de livraison.
Je souhaiterais également vous interroger sur l'observation formulée par la Cour des comptes. Celle-ci évoque, sur la période 2003-2005, un montant de « 1,2 milliard d'euros de dépenses étrangères à la loi de programmation militaire ».
Des efforts très importants ont été effectués afin d'éviter de prendre sur les crédits d'équipement, comme cela avait trop souvent été fait par le passé, des charges non prévues en programmation, telles que la recapitalisation des entreprises publiques, la reconversion de la Polynésie française ou le démantèlement des usines de matières fissiles de la vallée du Rhône. Par ailleurs, la contribution de la défense au budget civil de recherche et développement est aujourd'hui largement orientée vers des activités duales, qui ont des retombées pour la défense, notamment dans le domaine spatial.
Qu'en est-il donc des montants évoqués par le rapport de la Cour des comptes ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur la contribution ces dernières années du budget d'équipement aux restructurations de DCN et de GIAT Industries ?
Plus généralement, il nous semble que, compte tenu de la mise en oeuvre de la LOLF et des changements qu'elle implique, le Parlement devrait à nouveau être officiellement destinataire d'un rapport annuel sur l'exécution de la loi de programmation, comme cette dernière le prévoit.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées m'a en outre chargé de vous interroger sur le financement des opérations extérieures, qui a commencé à trouver une solution avec la création d'une ligne spécifique et l'inscription de crédits significatifs dès la loi de finances initiale. Nous estimons que, après les pas franchis en 2005 et en 2006, il faudra désormais se rapprocher plus résolument du niveau réel des surcoûts, qui est en grande partie prévisible lors de l'élaboration du budget.
S'agissant des équilibres généraux du budget d'équipement, nous souhaiterions avoir des précisions sur l'évolution des coûts de maintien en condition opérationnelle. Il s'agit là d'un poste de dépenses qui a fortement augmenté ces dernières années et qui pèse indirectement sur la part revenant aux acquisitions de matériels neufs. Vous avez fait procéder à différentes évaluations afin de trouver des moyens pour mieux maîtriser cette dépense, notamment dans le domaine de la maintenance des matériels aériens. Quel est le bilan de ces évaluations ? Quelles sont les voies d'amélioration envisageables ?
Enfin, madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur l'état d'avancement de certains programmes qui ont pu connaître des décalages sur l'exercice 2005 pour des raisons tant techniques que financières.
Les difficultés d'ordre industriel rencontrées en 2005 sur l'hélicoptère de combat Tigre et sur la version « marine » de l'hélicoptère de transport NH90 sont-elles désormais pleinement surmontées ?
Concernant le programme Leclerc, dont l'échéance finale a été régulièrement repoussée ces dernières années, peut-on optimiser le coût d'entretien de ce parc, étant donné qu'il est moins appelé que d'autres matériels à être utilisé en opération ?
Le programme des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda a lui aussi été différé, notamment pour des raisons de disponibilité des crédits. Son lancement est désormais crucial compte tenu de l'arrivée en fin de potentiel à un horizon proche des sous-marins de la classe Rubis. Depuis la phase de définition, plusieurs facteurs ont concouru à l'augmentation du devis que la Délégation générale pour l'armement qualifiait à l'automne 2005 de « déraisonnable ».
La commande du premier Barracuda devait intervenir en 2006 et mobiliser plus de un milliard d'euros d'autorisations d'engagement reportées. Ce calendrier pourra-t-il être maintenu ? Selon quel rythme ce programme devrait-il progresser et devrons-nous envisager une réduction temporaire du nombre de sous-marins nucléaires d'attaque en parc ?
Madame la ministre, un rapport d'information sur les drones, réalisé par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a mis en lumière un certain nombre de difficultés et d'interrogations. C'est le cas notamment du système intérimaire de drones MALE, utilisant le drone israélien Eagle, dont la mise en service opérationnelle a été fortement retardée. Où en est-on aujourd'hui ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur l'évolution du programme EuroMALE ?
Il semblerait désormais qu'une coopération avec l'Allemagne soit étudiée, et que cette perspective soit de nature à modifier le contenu même du projet et son calendrier. Le rôle des drones est très certainement appelé à se développer, mais nos rapporteurs avaient exprimé une certaine perplexité en constatant le foisonnement de projets en Europe et la difficulté de converger vers des concepts communs. La réflexion du ministère de la défense a-t-elle progressé sur ce point ?
Je vous remercie, madame la ministre, des réponses que vous pourrez nous apporter. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur le projet de loi de règlement définitif du budget de 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat sur le projet de loi de règlement définitif du budget est effectivement une nouveauté, et je m'en félicite. Il s'inscrit pleinement dans la logique de transparence voulue par la LOLF, mais également dans celle que j'ai souhaité instaurer depuis mon arrivée dans les relations entre le Sénat ou l'Assemblée nationale et le ministère de la défense. Il permet également plus de cohérence entre les différents exercices budgétaires.
Ce débat est en outre l'occasion pour moi de souligner que l'année 2005 a été marquée, pour la défense, par des évolutions très positives en matière de gestion financière et d'acquisition de capacités.
Premièrement, les engagements politiques ont été respectés.
En 2005, comme en 2003 et en 2004, la loi de finances initiale a été votée par vos soins conformément à la loi de programmation militaire. Il en a été de même pour la loi de finances de 2006 et, si vous le voulez bien, il en sera ainsi du projet de loi de finances pour 2007. Ce parfait respect des engagements politiques, conforme aux besoins de nos armées et aux intérêts de la France, mérite d'autant plus d'être souligné que tel n'avait pas été le cas au cours des lois de programmation précédentes, tout particulièrement lors de l'avant-dernière. Ministre depuis mai 2002, j'en suis heureuse pour la défense et pour la France.
En exécution, l'année 2005 marque aussi un progrès important concernant en particulier la réduction des reports et le financement des OPEX.
La réduction des reports, évoquée longuement par M. Fréville, était un engagement que j'avais pris. Les reports ont été réduits d'un tiers conformément aux orientations du Président de la République.
Comme l'a rappelé M. Dulait, les reports s'élèvent désormais à 1,9 milliard d'euros. En 2006, leur apurement sera poursuivi grâce à des crédits de paiement qui dépasseront le montant de la loi de finances. Nous pourrons donc utiliser au moins 800 millions d'euros de reports cette année : 184 millions d'euros au titre de la précédente loi de programmation militaire et au moins 600 millions d'euros au titre de l'actuelle loi de programmation militaire. L'objectif, et je réponds là à M. Dulait, demeure bien un apurement intégral à la fin de 2007.
Le financement des OPEX a pu se faire sans mise à contribution des crédits de la loi de programmation militaire, et la budgétisation en loi de finances initiale continue. À cet égard, je suis tout à fait de l'avis du Parlement : il est nécessaire d'aller vers une plus grande sincérité de la loi de finances, ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ... et donc de se rapprocher du budget réel des OPEX.
Cela dit, nous le savons tous, il n'est pas possible, pour des raisons évidentes, de programmer un an à l'avance tout ce qui pourra être fait. C'est pourquoi il subsistera toujours une part d'incertitude. Néanmoins, il est évident que, pour la bonne application de la loi de finances, il faut se rapprocher le plus possible du budget réel. De ce point de vue, le projet de loi de finances pour 2007, que j'aurai l'honneur de vous présenter à l'automne, marquera, après les progrès réalisés depuis 2005, une nouvelle et très importante progression dans ce domaine.
Telles sont les raisons pour lesquelles l'exécution de la gestion 2005 mérite d'être saluée.
Naturellement, de nombreux progrès restent encore à effectuer, et je ne dirai pas le contraire. Toutefois, pour rassurer le Sénat, notamment MM. Fréville et Dulait, je tiens à préciser que la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ne subit pas de bourrages, ni sur la recapitalisation de GIAT, ni sur le soutien apporté à la Polynésie, ni sur le démantèlement des usines nucléaires, contrairement à ce qui s'était passé pour les précédentes lois de programmation militaire.
Quant à la recherche, nous apportons effectivement des crédits à la recherche duale. Tout le travail effectué par le ministère de la défense a justement consisté à bien identifier les recherches intéressant la défense et à mener une politique d'encouragement de la recherche duale. C'est là l'un des honneurs de la France que de savoir investir dans la recherche. C'est l'une de nos contributions à l'avenir de la France.
Deuxièmement, la gestion 2005 a permis des résultats concrets, qui sont en eux-mêmes porteurs de la meilleure santé de nos armées et du renforcement de notre outil de défense.
De nouveaux matériels équipent nos forces. L'année 2005 a ainsi vu l'entrée en service de deux bâtiments de projection et de commandement, de dix Rafale, du satellite Syracuse IIIA ainsi que des hélicoptères EC725 des forces spéciales.
Nous ne devons bien entendu pas nous contenter du matériel que nous recevons. Nous devons toujours anticiper, comme l'ont remarquablement dit MM. les rapporteurs. Nous sommes d'ailleurs dans un domaine ministériel où l'anticipation a souvent lieu longtemps à l'avance.
D'importantes commandes ont donc été passées en 2005, notamment les huit premières frégates européennes multi-missions, les deux avions TLRA, 130 missiles MICA et 88 véhicules VBL. Début 2006, ont également été passées les commandes de M51 et les premières commandes FELIN, ou Fantassin à équipements et liaisons intégrées.
MM. Fréville et Dulait m'ont interrogée sur un sujet qui concerne plus l'avenir que l'année 2005, mais qui est bien entendu d'un grand intérêt. Il s'agit des 6 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et de leurs conséquences éventuelles sur le programme Barracuda.
Je voudrais vous dire ceci : les 6 milliards d'euros d'autorisations d'engagement sont bien reportés. Nous disposons ainsi de la totalité des autorisations d'engagement pour passer les commandes, et ce conformément à la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.
Certes, nous avons rencontré des difficultés s'agissant du programme Barracuda. La raison en est simple. Lorsque nous avons reçu les estimations des industriels sur ce programme, nous nous sommes retrouvés en présence d'un coût qui était quasiment le double de celui qui avait été initialement prévu. Il n'était pas question pour moi d'accepter une telle situation.
Par conséquent, je me suis adressée aux industriels en leur faisant savoir que je n'entrerais pas dans le jeu consistant à accepter des dépassements considérables. Je leur ai ainsi demandé de revoir le coût de ce programme avec la Délégation générale pour l'armement, ainsi qu'avec l'état-major de la marine qui avait également sa part de responsabilité dans cette augmentation. Des études ont donc été menées.
Aujourd'hui, le dialogue avec les industriels laisse penser que ce programme sera effectivement engagé avant la fin de l'année 2006. Cela correspond, me semble-t-il, à un besoin, mais il était nécessaire de procéder à un sérieux recadrage.
M. Dulait a évoqué un certain nombre d'autres programmes. Il risque d'être difficile de revenir sur chacun d'entre eux.
Il est vrai que les drones constituent certainement l'un des matériels de l'avenir.
S'agissant du programme EuroMALE, nous avons constaté un certain nombre d'errements et d'attentes du côté des industriels. De nouvelles propositions sont en train de nous être faites en la matière.
Je partage votre sentiment : ce n'est pas parce que les drones représentent effectivement un matériel indispensable de l'avenir que nous devons avoir une trop grande dispersion. En même temps, nous devons rechercher les programmes les mieux adaptés aux besoins et les plus équilibrés d'un point de vue financier.
M. Fréville a évoqué les problèmes de la version actualisée du référentiel, la VAR. Cette dernière sera transmise à Bercy cette année, comme elle l'avait été l'année dernière. Je suis à votre disposition pour que nous puissions effectivement en préciser le contenu dans le cadre qui paraîtra le mieux adapté.
Je le rappelle, la VAR a pour objet de procéder aux ajustements qui sont parfois nécessaires, le contexte pouvant être modifié et de nouveaux matériels dont le besoin serait prioritaire pouvant apparaître. Finalement, c'est ce dispositif qui nous permet d'être toujours le plus en adéquation possible avec la situation. En effet, celle-ci peut très bien évoluer pendant toute la durée d'application d'une loi de programmation militaire.
Vous m'avez également interrogée sur le maintien en condition opérationnelle et sur la disponibilité des matériels. Il y a eu une nette progression de la disponibilité des matériels en OPEX et une progression importante de la disponibilité dans la marine. Le niveau de disponibilité des matériels de l'armée de l'air est aujourd'hui relativement bon, des progrès ayant même été enregistrés. En revanche, beaucoup de problèmes demeurent s'agissant des matériels de l'armée de terre.
De ce point de vue, un certain nombre de domaines suscitent mon inquiétude. En effet, nous nous trouvons en présence soit de matériels relativement anciens dont l'entretien est de plus en plus coûteux, comme pour une voiture, soit de matériels très modernes avec un coût d'entretien également en augmentation du fait de la sophistication.
Le maintien en condition opérationnelle, le MCO, constitue donc une véritable préoccupation. Tout comme j'en avais fait une véritable priorité dans la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008, il me paraît indispensable d'y consacrer une part importante dans la future loi de programmation militaire. En effet, le MCO est la condition de la disponibilité de nos matériels.
Monsieur Trucy, la situation a été assainie en matière de carburants grâce à un effort budgétaire d'environ 300 millions d'euros par an, auquel s'ajoute un mécanisme de couverture mis en place depuis le mois de septembre 2005, dans le cadre d'une démarche inédite menée en étroite collaboration avec les services de Bercy.
Je souhaite à présent évoquer les objectifs en matière d'activité. L'activité, c'est effectivement l'entraînement. C'est donc pour nous un domaine important. En effet, comme j'ai eu l'occasion de le préciser à plusieurs reprises dans cet hémicycle, l'entraînement est la condition tant de l'efficacité que de la sécurité des militaires qui sont en opération extérieure. En la matière, les objectifs ont été globalement atteints, à 95 %. Nous avons notamment observé des progrès tout particuliers pour les pilotes de chasse.
Nous pouvons également considérer que la situation des effectifs est satisfaisante. La gestion des recrutements a été régulière et sans à-coup. Les effectifs sont aujourd'hui stabilisés à 430 000 hommes.
J'entends parfois parler de sous-effectifs, voire de réduction des formats. Permettez-moi de rappeler que dans l'univers « lolfien », si vous me pardonnez cette expression, la seule référence est celle de la masse salariale. Or nous nous sommes préparés dès 2004 à cette logique, ce qui a conduit le ministère à travailler avec de nouveaux outils en matière de prévision et de gestion des effectifs.
Je voudrais revenir sur certaines questions plus précises qui m'ont été posées notamment par M. Trucy.
Ainsi, 4 400 suppressions d'emplois ont été évoquées à propos du projet de loi de finances pour 2007. En l'occurrence, le débat ne porte plus sur l'exécution des crédits pour l'année 2005, mais, puisque certains ont fait cette extension, je vais essayer de répondre à leurs questions.
Je voudrais d'abord signaler que la seule suppression réelle est de 3 000 postes, qui correspondent en réalité à des vacances d'emplois.
En revanche, environ 1 400 postes seront créés. Cela correspond à un effort particulier, notamment en matière de gendarmerie, de service de santé des armées et de cryptologie pour la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE. Ces créations sont possibles grâce aux réformes de la stratégie ministérielle d'emploi, qui nous permettent de gager un certain nombre de postes.
Par ailleurs, vous m'avez interrogée sur les critiques de la Cour des comptes quant aux 104 millions d'euros qui auraient été versés selon un mode irrégulier. Le décret du 29 avril 2005 a déployé 104 millions d'euros sur des chapitres de rémunération. Mais il ne s'agit pas d'une procédure irrégulière. En effet, le virement des crédits de fonctionnement vers la masse salariale est autorisé, puisque les règles de la LOLF sur la fongibilité asymétrique ne se sont appliquées qu'en 2006. En l'occurrence, il s'agit bien d'opérations qui ont été réalisées en 2005.
Le point de fonction publique constitue un véritable problème, lié à une réelle difficulté méthodologique. Il est vrai que le projet de loi pour 2006 a été conçu sans connaître l'évolution du point de fonction publique. Le coût qui en résulte pour le ministère de cette évolution est de 66 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable et intervient en cours d'année.
L'objectif du ministère est de maintenir les effectifs à leur niveau de 2005. Afin de ne pas réclamer de crédits supplémentaires, j'ai demandé que les recrutements du ministère soient gérés de la manière la plus fine possible. Mais il faut bien reconnaître que c'est un travail extrêmement complexe et difficile. Il serait préférable que l'augmentation du point de fonction publique puisse réellement être prise en compte dans le budget. Sinon, le problème risque de se poser pour chacune des lois de finances.
Vous avez également abordé le problème de l'alimentation. Vous m'avez même demandé si nous avions mis les militaires en alimentation forcée. (Sourires.) En réalité, l'augmentation de 4,9 % que vous avez constatée en 2005 est liée à l'apurement de reports de charges, qui étaient de 22 millions d'euros à la fin de l'année 2004. Nous avons terminé la gestion à l'équilibre. C'est un signe que ce poste est désormais géré de manière saine et que les insuffisances de budget sont réglées.
Tels sont les points que je souhaitais évoquer à propos des personnels. Les résultats sont, me semble-t-il, satisfaisants. Toutes les missions du ministère sont conduites avec efficacité. Dans le même temps, la stratégie ministérielle de réforme que j'ai définie en 2003, et que je continue de suivre depuis en l'actualisant, a permis d'économiser un certain nombre d'emplois, notamment grâce à la modernisation. En effet, la création d'un portail permet de libérer un certain nombre d'emplois.
Dans le même temps, et toujours dans un souci de gestion au plus juste des moyens mis à la disposition de la défense, j'ai essayé de mener une politique immobilière dynamique.
Ainsi, les cessions immobilières sont passées de 50 millions d'euros en 2004 à 127 millions d'euros en 2005, avec un effort tout particulier pour mettre en oeuvre les dispositifs immobiliers prévus par la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI.
Nous avons également renforcé notre politique de dépollution, avec la création d'un fonds interarmées de dépollution. Celui-ci est alimenté par les cessions immobilières que je viens d'évoquer.
On peut globalement dire que le redressement capacitaire de nos armées s'est accompagné d'une clarification de nos procédures de financement.
Comme dirait M. Jean Arthuis, il s'agit d'un « cercle vertueux », conforme aux principes que j'avais définis dès mon arrivée au ministère. Les moyens supplémentaires que nous accorde la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 nous créent des devoirs en matière d'efficacité, d'imagination et également de transparence.
De ce point de vue - c'est ma troisième remarque globale -, je suis convaincue que nous pouvons encore améliorer l'efficacité du ministère et la transparence que nous mettons en oeuvre dans nos rapports avec le Parlement.
Les progrès accomplis en 2005, que je viens de rappeler, nous ont permis d'aborder la LOLF dans de bonnes conditions et de développer un dialogue enrichi avec le Parlement.
Pour renforcer sa performance, le ministère de la défense a suivi plusieurs axes. Ainsi, la responsabilité du chef d'état-major des armées a été revue, complétée et affirmée par le décret de mai 2005. Il s'est agi d'un complément à la réforme de la DGA, que j'avais menée quelques mois auparavant. Dans les deux cas, ce qui a été recherché et, je le crois, obtenu est un renforcement de la capacité d'arbitrage et une clarification des rôles.
On ne peut pas, me semble-t-il, avoir de véritable transparence sans une responsabilité bien claire des uns et des autres, et la réciproque est vraie.
Grâce aux objectifs et aux indicateurs, le contrôle de gestion a été développé au sein du ministère. Les indicateurs de la LOLF, qu'il est toujours possible de discuter et d'améliorer, permettent notamment de suivre l'évolution des devis et la progression des programmes. En la matière, les premiers résultats que nous avons obtenus dès 2005 me paraissent très encourageants.
Les « programmes LOLF », que nous avons beaucoup évoqués ici, permettent plus de responsabilité et de fongibilité. Je me réjouis que la taille des programmes, taille qui a parfois été critiquée et dont nous avions discuté, soit aujourd'hui reconnue comme pertinente.
L'architecture de la LOLF à la défense accentue la lisibilité, grâce aux nombreuses actions et sous-actions, dont nous essayons de faire en sorte qu'elles soient les plus claires possible. Je le dis très simplement, je suis tout à fait prête à ce que nous discutions des indicateurs et des moyens d'améliorer la transparence.
En effet, cela relève de ma responsabilité à votre égard, mais cela représente également une aide pour moi dans le pilotage des finances.
Un dialogue plus riche entre le Parlement et la défense, entre le Sénat et le ministère, est pour moi le complément naturel de cette recherche d'efficacité. Le débat d'aujourd'hui en est la preuve. Les auditions récentes des grands responsables du ministère de la défense que sont le chef d'état-major des armées, le secrétaire général pour l'administration ou le délégué général pour l'armement l'ont également montré.
À l'automne 2006, nous aborderons les débats budgétaires avec une maquette consolidée. J'aurai l'honneur de vous présenter le rapport sur l'exécution de la loi relative à la programmation militaire, comme le prévoit son article 9.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je tiens à dire que je reste à la disposition de la commission des finances, ainsi que de la commission des affaires étrangères et de la défense pour trouver les moyens d'un dialogue plus régulier.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Chaque fois que l'une ou l'autre commission a souhaité me poser des questions, je suis venue y répondre.
À cet égard, je vous renouvelle mes propositions de réunion trimestrielle de suivi de la consommation de nos crédits, à l'instar de ce qui se pratique depuis 2003 avec la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la gestion 2005 a été la dernière à suivre les règles de l'ordonnance de 1958, la dernière avant l'entrée en application de la LOLF. Voilà pourquoi j'ai tenu à vous faire cette présentation, de façon peut-être un peu longue, comme j'ai tenu à ce que l'année 2005 soit la plus efficace possible au ministère de la défense.
L'année 2006 confirmera 2005 s'agissant du respect de la loi de programmation militaire, du renforcement capacitaire des forces armées, des réponses apportées par la défense à toutes les missions qui lui sont confiées.
Le respect des engagements en matière de défense est un signe fort pour la place de la France dans le monde, pour son dynamisme économique, car nos lois de programmation et nos lois de finances se traduisent par des investissements importants - je rappelle que le ministère de la défense est le premier investisseur de notre pays - pour la préparation de l'avenir, pour l'Union européenne et pour tous ceux qui s'interrogent sur l'action politique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces engagements ont pu être tenus - je tiens à le souligner ce soir - grâce à votre soutien continu. Je tiens à vous en remercier tous, très sincèrement, pour la défense et pour la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est une première. Jusqu'à présent, l'examen des projets de loi de règlement était un exercice formel et donnait lieu à une discussion sans grand intérêt avec le seul ministre du budget. Nous passions à côté de la seule loi de vérité budgétaire qu'est la loi de règlement. Je vous remercie, madame la ministre, de vous être prêtée avec autant de sincérité à cet exercice.
Il me paraît très important que le Parlement soit pleinement éclairé sur les données budgétaires. Pendant trop longtemps, on a eu la fâcheuse idée que le premier adversaire de votre ministère était peut-être le budget. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Il faut donc dissiper ce malentendu. Le souci de transparence que vous manifestez est à n'en pas douter la meilleure réponse que l'on puisse imaginer.
Par ailleurs, n'hésitez pas, madame la ministre, à user de toute votre influence au sein du Gouvernement afin que le Parlement soit désormais informé sur la situation patrimoniale de l'État. La LOLF étant applicable depuis le 1er janvier 2006, il est important que nous connaissions les actifs, les engagements et les dettes de l'État à cette date.
Par conséquent, toute omission, toute sous-estimation de dette ou d'engagement fera surface dans les années à venir et anéantira la manifestation des bons résultats attendus. Les 2,1 milliards d'euros que, avec tant d'imagination et tant de soin, l'État n'a pas voulu constater comme étant une dépense, mais qui, pour les PME, sont une créance, sont incontestablement une dette, comme l'a signalé Yves Fréville. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous attacherons de l'importance à ce que cette dette soit constatée au 1er janvier 2006.
De la même façon, les programmes engagés, les 45 milliards d'euros devront bien être pris en charge un jour.
M. Didier Boulaud. Il faudra bien les payer un jour !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ils devront apparaître au 1er janvier 2006 dans la situation patrimoniale de l'État.
Je vous remercie donc, madame la ministre, de votre contribution aussi déterminée à la sincérité des comptes publics.
M. le président. Nous en venons maintenant aux questions des orateurs des groupes politiques.
Afin de préserver le caractère interactif de nos débats, je rappelle que l'auteur de la question dispose de trois minutes, le ministre de trois minutes pour la réponse et l'orateur, s'il le désire, de deux minutes en réplique. Je vous demande à tous de bien vouloir respecter cette règle.
La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Madame le ministre, je vous remercie à mon tour de toutes les explications techniques que vous nous avez apportées. Comme l'a dit Jean Arthuis, vous avez été assez claire, pour nous en tout cas. Permettez-moi à présent de vous poser quelques questions plus généralistes, mais qui contribueront peut-être à notre information.
En réponse à mon intervention sur le budget de la défense pour 2005, vous aviez dit : « Renforcer la défense européenne, c'est également, pour nous, un moyen de renforcer notre capacité de travailler pour la paix dans le monde et pour la stabilisation d'un certain nombre de zones. »
Nous examinons ce soir le projet de loi de règlement définitif de ce budget dans un contexte international troublé, où la capacité tant française qu'européenne de travailler pour la paix est plus que jamais un impératif.
Vous me permettrez donc, madame le ministre, d'évoquer la défense européenne.
Le Président de la République soulignait, lors du sommet franco-britannique qui s'est tenu le 9 juin dernier, l'impératif que se sont fixé les deux partenaires : « développer nos capacités de sécurité et de défense ».
Lors de la préparation du budget pour 2005, nous nous étions inquiétés des lacunes de certains pays européens. En effet, en matière opérationnelle, seuls deux États, la France et la Grande-Bretagne, jouent un rôle cadre. Ce n'est apparemment pas suffisant. Madame le ministre, le couple franco-britannique reste-t-il, aujourd'hui, le moteur de la défense européenne ? Est-ce suffisant ?
La notion de homeland security était également au coeur des débats de l'Europe en raison de la menace terroriste, toujours présente. Les difficultés pour rendre imperméables les frontières de l'espace Schengen sont plus que jamais d'actualité, tant en Espagne, laquelle a récemment demandé l'aide de l'Union européenne, que dans les nouveaux pays adhérents qui souhaiteraient intégrer cet espace de libre circulation. Madame la ministre, quel regard portez-vous sur cette question délicate, qui peut avoir des implications budgétaires ?
En ce qui concerne le porte-avions franco-britannique, le Président de la République a annoncé que, le « programme de coopération a désormais atteint la phase de définition détaillée qui doit être achevée à la fin de l'année ». Cette phase terminée, viendra alors le temps des industries européennes et de leurs propositions. Madame le ministre, pouvez-vous nous confirmer que le lancement de programme est bien prévu pour 2007 ?
Au crépuscule de la présente loi de programmation et à l'aube de la prochaine, pouvez-vous nous dire quels seront les enjeux réels dans les domaines de l'industrie, de la recherche et de la défense européenne ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Del Picchia, en Europe, seules deux armées sont capables de faire face à quasiment toutes les situations et deux budgets de la défense sont très nettement supérieurs à tous les autres, au regard du PIB : ceux de la Grande-Bretagne et de la France. Cela nous amène à être souvent côte à côte dans les opérations et à faire avancer ensemble l'Europe de la défense.
Les groupements tactiques 1500, notre force d'intervention très rapide européenne, sont une initiative franco-britannique. L'Agence européenne de défense et de l'armement est une initiative franco-germano-britannique.
Dans tous ces domaines, nous sommes ensemble. Si nous n'avons pas systématiquement la même vision sur tous les sujets, nous sommes côte à côte s'agissant des opérations, des engagements, des grands projets et des grands programmes. Nous avons la même volonté d'essayer de sensibiliser nos autres partenaires européens sur la nécessité pour eux de renforcer leurs efforts. La première responsabilité d'un État est en effet d'assurer la sécurité de ses citoyens et de ses ressortissants et il n'y a pas, dans le monde dans lequel nous vivons, de sécurité assurée sans un renforcement de l'effort financier en faveur de la défense.
Il est évident que, face aux nouvelles menaces, comme le terrorisme de masse, les pays européens doivent se mobiliser et agir de façon collective. Avec le programme européen de recherche sur la sécurité, la Commission a pris une initiative utile dans le domaine de la recherche et du développement.
Mais ne l'oublions jamais : la défense est aussi un acteur majeur de la lutte contre le terrorisme, grâce aux opérations extérieures. Certaines opérations ont lieu sur le théâtre national, mais la plupart du temps, nous le voyons bien, les origines du terrorisme et de biens d'autres menaces se situent à l'extérieur. Il faut donc être capable d'intervenir. Le seul moyen de le faire est d'avoir une défense dotée des moyens de cette action.
Enfin, monsieur Del Picchia, vous m'avez interrogée sur le deuxième porte-avions franco-britannique. Oui, le lancement du programme franco-britannique est bien prévu en 2007.
Notre premier objectif est de disposer à la fin de l'année 2006 d'une offre industrielle engageante pour la réalisation de ce porte-avions sur la base d'un design commun. Ce sera l'occasion de consolider le coût prévisionnel du programme. Nous avons en effet constaté que ce rapprochement permettait une certaine réduction des coûts.
Notre second objectif est de passer au stade de la réalisation et de la notification du contrat de réalisation en 2007.
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Je vous remercie, madame la ministre. Je suis rassuré s'agissant du porte-avions, ainsi que sur l'engagement en matière de défense.
Si, en France, on n'a pas toujours conscience ou connaissance du rôle de la défense, sachez que tel n'est pas le cas des Français établis hors de France, dont je suis l'un des représentants dans cette assemblée. Ils apprécient beaucoup en effet que l'on prenne en compte leur défense à l'étranger. Merci pour eux.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Au XVIIIe siècle, et surtout au XIXe et au XXe siècles, avec la conscription, s'est constitué en France un réseau de casernes très important. D'une part, cela représente un patrimoine considérable ; d'autre part, ces bâtiments ne correspondent plus aux besoins d'une armée de métier équipée de nombreux matériels.
Madame la ministre - ce sera ma première question, à laquelle vous avez d'ailleurs partiellement répondu -, dans un souci de bonne gestion, comptez-vous mettre sur le marché, et d'une manière systématique, tous ces bâtiments obsolètes, souvent situés au centre des villes, et construire, dans un souci de rationalisation, sur des terrains extérieurs, beaucoup moins chers et moins nombreux, des infrastructures infiniment mieux adaptées à la défense de notre époque ?
Ma seconde question porte sur l'Agence européenne de l'armement, qui reste encore un objectif. Son retard est source d'inefficacité. Ainsi, les Américains, dont le budget de la défense représente plus du double de l'ensemble des budgets des pays de l'Union, mettent en place une capacité de projection qui est à peu près dix fois supérieure à celle de l'Union européenne. Quand cette Agence deviendra-t-elle une réalité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur de Montesquiou, il y a longtemps que j'ai commencé à vendre les casernes, à tel point que cela pose aujourd'hui un problème pour le projet « Défense deuxième chance » ! Ce programme s'adresse à des jeunes en grande difficulté. Il leur offre une remise à niveau comportementale et scolaire, mais également un apprentissage professionnel, qui exigent qu'ils soient accueillis en internat.
Aujourd'hui, je reçois un très grand nombre de demandes émanant de jeunes, notamment à l'occasion de la journée d'appel de préparation à la défense, la JAPD, et nombre de militaires en disponibilité sont volontaires pour encadrer ces jeunes. Mon problème, c'est de trouver des locaux.
Il y a des bases aériennes ; d'autres ministères, notamment celui de la jeunesse et des sports, ont déjà proposé des bâtiments. De nombreuses casernes seraient également disponibles, mais, comme vous l'avez souligné, elles ne sont plus aux normes et il est extrêmement difficile de les adapter. Nous devons donc chercher ailleurs.
Par conséquent, je suis tout à fait prête à céder ces casernes dès lors qu'elles ne sont pas utilisées. Cependant, bien des lieux ainsi disponibles comportent des pollutions qui sont à la fois extrêmement coûteuses et longues à éliminer. Si, aujourd'hui, des retards sont constatés dans la cession de ces locaux, en particulier à des collectivités territoriales - je souhaite en effet que ces cessions contribuent à l'aménagement du territoire -, c'est essentiellement pour ces raisons.
Vous voulez aller encore plus loin, en suggérant que nous cédions les casernes situées en centre-ville dont nous avons encore aujourd'hui l'usage pour construire sur des terrains extérieurs. Je précise, d'abord, qu'il reste relativement peu de casernes dans les centres-villes et, surtout, que je n'ai pas les moyens de mettre en oeuvre une politique systématique de reconstruction à l'extérieur, qui demanderait des années d'efforts.
Nous sommes donc obligés d'examiner les situations au cas par cas. Toutefois, soyez persuadé que ma volonté, comme l'intérêt du ministère, est de poursuivre cette action. Ainsi que je l'ai dit tout à l'heure, nous avons fait des progrès considérables, puisque les cessions se sont élevées à 127 millions d'euros en 2005. Il ne sert à rien de conserver des locaux devenus inutiles ou qui sont inadaptées.
D'ailleurs, sur Paris même, je suis en train de procéder à deux grands regroupements : l'un concerne la direction générale de la gendarmerie nationale à Issy-les-Moulineaux - de douze implantations sur la région parisienne, nous arriverons à une seule ; l'autre, qui est à l'état de projet, concerne la DGA, pour laquelle l'efficacité commande également de regrouper les personnels sur un même lieu.
Cette politique de regroupement, qui s'appuie sur une volonté de modernisation et de plus grande efficacité, ne peut pas se faire du jour au lendemain.
Ensuite, vous m'avez interrogée sur l'Agence européenne de défense.
Il y a trois ans, peu croyaient à ce projet. Aujourd'hui, l'Agence fonctionne, a un budget, un certain nombre de chercheurs et des programmes, qui ont été définis par les ministres de la défense.
Nous avons mis en place la structure ; il faut ensuite l'alimenter par un budget.
L'année dernière, nous avons déjà considérablement augmenté le budget de l'Agence, mais il est, selon moi, encore insuffisant. Si nous voulons être efficaces, il faut aller plus loin, ce qui, bien entendu, requiert le consensus des différents pays contributeurs, qui, pour certains, opposent quelques freins.
De toute façon, nous ne parviendrons jamais au niveau de crédits qui est celui des États-Unis. Néanmoins - c'est un motif de satisfaction -, il n'y a pas de fossé technologique avec les États-Unis. Cela signifie qu'au niveau de nos pays et, je l'espère, au niveau de l'Agence, nous sommes, semble-t-il, plus efficaces dans la gestion des crédits.
M. le président. Madame la ministre, veuillez conclure !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Nous faisons le maximum avec le peu d'argent dont nous disposons. Les États-unis ont beaucoup d'argent mais mon homologue américain se plaint, parfois publiquement, que cet argent ne soit pas toujours utilisé efficacement.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, votre volonté est évidente. Néanmoins, il existe beaucoup de bâtiments militaires non utilisés dont on pourrait vraiment optimiser la gestion. Il est dommage qu'ils restent vides.
L'Agence européenne de l'armement - j'utilise volontairement cette dénomination - était un objectif proposé par M. Chirac en 1995. Il me semble qu'aujourd'hui, si l'on n'en est plus tout à fait aux balbutiements, on pourrait encore optimiser largement notre potentiel en rationalisant toutes les unités de fabrication d'armements qui existent à travers les divers pays de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je crains que l'intérêt de ce débat en séance publique sur l'exécution des crédits de la mission « Défense » ne soit assez limité, faute d'une discussion générale sur l'évaluation politique du budget de la défense au sens large.
Nous devons donc nous en tenir à des questions.
On nous demande en fait de tester la loi de règlement selon la nouvelle formule de la LOLF, qui mettrait, paraît-il, en avant le rôle essentiel de contrôle et d'évaluation du Parlement.
Je rappelle que le groupe communiste républicain et citoyen s'était fermement opposé au principe même de la LOLF, qui n'a en réalité d'autre objectif que de diminuer à tout prix le déficit.
Procéder à l'examen comparatif entre les crédits inscrits en loi de finances initiale et leur exécution, alors qu'il y a un changement de nomenclature, est particulièrement difficile. En effet, les crédits de la défense pour 2005 ont été établis sur la base de l'ordonnance organique de 1959 et non sur celle de la LOLF. Comment, dès lors, peut-on vraiment contrôler l'exécution des crédits d'un programme qui n'existait pas en 2005 ?
Par ailleurs, comme le souligne le rapporteur pour avis M. Dulait, cette nouvelle méthode n'a empêché ni les ponctions opérées sur les crédits d'équipement ni les annulations de crédits en cours d'exercice.
Dans ces conditions, peut-on vraiment considérer que la loi de programmation militaire a été intégralement respectée en 2005 ? Pour ma part, je pencherais plutôt pour l'analyse de la Cour des comptes, qui a souligné l'impossibilité d'atteindre les objectifs fixés en matière d'investissements militaires.
On cite parfois les retards ou les décalages dans certains programmes d'équipements pour justifier cette impossibilité. Permettez-moi, mes chers collègues, d'examiner avec vous un exemple qui servira de base à ma question.
Vous expliquez souvent, madame la ministre, les retards dans le déroulement du programme de chars Leclerc - en 2005, seuls 37 exemplaires avaient été réceptionnés par la DGA sur les 58 prévus - par des défauts de qualité imputables à GIAT Industries.
Mais quelles sont, selon vous, les raisons des insuffisances de GIAT Industries, entreprise qui, je le rappelle, a été vidée de sa substance à la suite de milliers de licenciements et de nombreux plans sociaux ? Dans ces conditions, que comptez-vous faire pour donner à GIAT Industries les moyens de livrer à notre armée de terre des matériels de qualité ?
Enfin, permettez-moi une question subsidiaire, puisque vous avez évoqué le problème des terrains nécessaires à l'installation des centres de « Défense deuxième chance ».
Je sais que la ville de Saint-Chamond et les salariés de GIAT avaient proposé leur site, qui, malheureusement, va fermer, pour installer l'un de ces centres. Cette candidature a-t-elle une chance d'être retenue ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Luc, au 1er juin 2006, 357 chars Leclerc sur 406 avaient été livrés. Il reste donc 49 chars à livrer.
Un certain nombre d'améliorations ont dû être apportées aux 96 derniers chars, en ce qui concerne la protection des équipages, les systèmes de vision et de détection par tous temps et l'intégration du système d'information terminale.
Mais, en sus de ces évolutions, GIAT doit contractuellement corriger une liste d'anomalies qui ont été enregistrées au cours des dernières années et elle doit organiser le rétrofit sur tous les chars concernés. Cela fait partie du contrat. Nous agissons comme client et celui-ci doit se voir livrer le matériel correspondant à ses besoins.
De très nombreuses anomalies ont été constatées au cours des opérations de vérification des chars par la DGA au début de 2006. Ces chars doivent donc être repris avant l'acceptation et la livraison aux forces, ce qui a entraîné et va entraîner encore des retards de livraison.
Huit chars seulement ont pu être acceptés depuis le début de 2006. À court terme, c'est-à-dire entre juin et juillet, GIAT Industries doit présenter pour acceptation douze chars supplémentaires ; j'espère qu'ils pourront effectivement être acceptés. De toute façon, la chaîne de production des chars Leclerc s'arrête en 2006.
La candidature de Saint-Chamond au titre du programme « Défense deuxième chance » a bien été enregistrée. Comme pour toutes les candidatures en la matière, il appartient à la direction de l'établissement public d'insertion de la défense, l'EPID, après étude de l'ensemble des données, de déterminer si les bâtiments proposés correspondent effectivement aux normes requises pour la restauration et l'hébergement des stagiaires et du personnel, et pour l'installation des salles de classe. C'est au vu de cette analyse que sont transmis les résultats. Mais, en tout état de cause, notre objectif est de pouvoir implanter ces centres sur l'ensemble du territoire afin de répondre aux besoins des jeunes.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, bien sûr, les chars Leclerc qui présentent des défauts doivent être repris. Mais vous ne donnez pas les raisons de ces anomalies. Vous persistez à dire que le programme des chars Leclerc avait pris un retard considérable. Or les retards sont liés à la situation critique de GIAT, au manque de personnels, notamment des personnels qualifiés qui ont quitté l'entreprise.
Vous m'avez expliqué que la restructuration engagée est de nature à redresser cette situation et qu'elle pourra permettre à GIAT de fournir à l'armée de terre les matériels de qualité dont elle a besoin ; je le conteste.
Je persiste en effet à penser que la méthode choisie, celle de la filialisation, que j'interprète comme un désengagement progressif de l'État du capital de l'entreprise, va, au contraire, fragiliser le groupe, le démanteler et en faire, au nom de la seule rentabilité, une proie facile pour les capitaux étrangers, notamment allemands.
À terme, nous perdrons la maîtrise de nos armements terrestres.
Il faut bien avoir présent à l'esprit que la politique de restructuration, telle qu'elle est menée dans le cadre européen, n'empêchera pas les fonds de pension américains, par exemple, de contrôler nos industries d'armement !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Madame le ministre, mes questions porteront sur la budgétisation des opérations extérieures, les OPEX, même si j'ai bien entendu ce que vous avez dit tout à l'heure à ce propos.
En la matière, je ne peux que saluer les efforts de budgétisation qui ont été réalisés et qui doivent impérativement être poursuivis dans les années qui viennent, comme vous vous y êtes engagée.
En loi de finances initiale pour 2005, la dotation budgétaire prévue à cet effet s'élevait à 100 millions d'euros, contre 24,5 millions d'euros chaque année depuis 1999. En dépit de cet effort, force est de constater que la ligne budgétaire prévue pour le surcoût des OPEX reste encore très insuffisante par rapport aux crédits consommés. En 2005, 421 millions d'euros supplémentaires ont été prévus par décrets d'avance, sur les 550 millions d'euros de crédits consommés.
Les crédits consommés en 2005 pour les OPEX sont inférieurs de plus de 100 millions d'euros à ceux qui ont été consommés en 2004. On voit bien là toutes les difficultés de budgétisation des OPEX. Est-ce par souci d'économie que nous avons décidé un plus faible déploiement des forces françaises en 2005 ou est-ce tout simplement que l'actualité internationale n'a pas été aussi agitée en 2005 qu'en 2004 ?
Dans cette même perspective, j'aimerais savoir, madame le ministre, pourquoi la ligne budgétaire concernant le surcoût des OPEX ne prend en compte que les primes versées aux personnels mobilisés. Un coût global incluant également les efforts en termes d'équipement correspondrait davantage à la réalité.
Enfin, j'ai souhaité élargir mon intervention à une nouveauté issue de l'application de la LOLF. La nouvelle nomenclature budgétaire - et c'est une avancée importante par rapport à la présentation budgétaire de 2005 - prévoit une rubrique consacrée aux opérations intérieures, qui vise les cas où l'armée intervient dans le cadre de catastrophes naturelles ou du plan Vigipirate, notamment.
Cette ligne budgétaire n'a pas été dotée en 2006, alors que l'armée est intervenue à plusieurs reprises dans ce genre d'opérations. Je souhaitais obtenir un éclairage sur ce point particulier, afin que nous puissions évaluer les coûts de ces opérations pour les années à venir et que la loi de finances initiale reflète le plus fidèlement possible la réalité des besoins de notre armée pour accomplir toutes ses tâches, même si je perçois, bien sûr, la difficulté de cet exercice.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Gourault, vous posez grosso modo trois questions sur les OPEX.
Tout d'abord, un des chiffres que vous citez ne me paraît pas exact, je ne sais pas d'où vous le tenez : il s'agit de la différence de 100 millions d'euros concernant le coût des OPEX entre 2004 et 2005. Ce chiffre ne correspond pas du tout aux miens.
Nous observons certes une variation, nous en avons parlé tout à l'heure, en fonction des sollicitations : quand un tsunami se produit, il est évident qu'il en résulte des surcoûts non budgétés. Mais, d'une façon générale, cette variation est relativement limitée. Les dépenses d'OPEX tournent toujours autour de 500 millions à 550 millions d'euros : telle est à peu près la norme. Elles se sont élevées à 565 millions d'euros en 2004 et à 521 millions en 2005. La moyenne sur les dernières années s'établit à peu près à 560 millions d'euros. Ces chiffres sont approximatifs : une variation de 20 millions à 30 millions peut se produire d'une année sur l'autre mais, en général, cet ordre de grandeur est respecté, ce qui nous permettra d'ailleurs d'inscrire un montant à peu près crédible en loi de finances initiale.
Pourquoi seules les primes versées aux personnels sont-elles prises en compte dans le calcul des surcoûts ? Tout simplement pour identifier le coût réel des OPEX, car les personnels sont payés de toute façon, qu'ils soient en OPEX ou non ; ces primes représentent donc le seul surcoût véritablement lié aux OPEX.
En revanche, les opérations sur le territoire national concernent principalement la gendarmerie et très peu les armées, sauf dans le cadre du plan Héphaïstos de lutte contre les incendies ou, parfois, lors des inondations, où l'armée de terre intervient parce qu'elle est la seule à disposer des matériels nécessaires. Le coût de ces interventions est comptabilisé dans les crédits OPINT, pour opérations intérieures, et non pas OPEX. Si vous le souhaitez, je vous communiquerai les chiffres correspondants, mais ce n'est peut-être pas l'objet de notre débat de ce soir.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons examiner les crédits de la défense dans le cadre de la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005, même si j'ai parfois le sentiment, à entendre un certain nombre d'interventions, d'assister à un débat sur le projet de loi de finances pour 2007 !
Cet exercice est quelque peu académique et techniquement étrange dans la mesure où nous devons « analyser » ces crédits avec la nomenclature et dans la perspective de la LOLF, tout en sachant que le cadre d'exécution du budget de 2005 était celui de l'ordonnance de 1959... Tout cela rend délicates les comparaisons faites au sein d'un même programme et, encore plus, entre programmes de la même mission « Défense ».
Il est important toutefois de remarquer que, malgré les circonstances que je viens de décrire, le travail de contrôle parlementaire reçoit aujourd'hui une nouvelle impulsion. C'est bien, et il faudra à l'avenir améliorer et approfondir la voie ainsi ouverte par la LOLF.
Cela dit, pour que ce travail soit effectif, cohérent et utile, nous devrons tous, rapporteurs et membres des commissions parlementaires, faire preuve de curiosité, de rigueur et d'esprit critique pour aller au bout de la démarche. Ainsi, au vu des rapports actuels, somme toute assez conformistes, j'ai préféré me pencher sur les récents rapports de la Cour des comptes pour poser ma question.
Les documents budgétaires fournis par votre ministère présentent 2005 comme la troisième année de conformité globale à la loi de programmation militaire 2003-2008, avec un taux d'exécution financière de 97 %. Toutefois, comme je l'évoquais dans mon propos d'introduction, la lecture du rapport de la Cour des comptes et des rapports parlementaires nous révèle une réalité beaucoup moins satisfaisante.
J'évoquerai en premier lieu le vulnérable programme « Équipement des forces », pour lequel la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exercice 2005, met en doute « la capacité à exécuter financièrement la stratégie telle qu'elle a été définie et contractualisée dans le cadre de la loi de programmation militaire 2003-2008 ». Je rappelle que ce programme est le premier programme d'investissement de l'État - en loi de finances initiale pour 2005, il représente 9,25 milliards d'euros - et qu'il rassemble les deux tiers des crédits d'investissement de l'ensemble de la mission « Défense ».
En second lieu, la Cour des comptes soulève la question des impayés sur le budget d'investissement du ministère de la défense, les difficiles situations engendrées par les reports de crédits de paiement et par les reports des autorisations d'engagement ; elle constate l'existence d'un différend qui « oppose le ministère de la défense et celui des finances sur le caractère automatique ou non des reports d'autorisations d'engagement. L'enjeu pour le ministère de la défense est de 6 milliards d'euros ».
Elle signale aussi l'insuffisance des inscriptions de crédits au titre des OPEX, qui vient d'être évoquée : le problème est récurrent. Autant de points que nous avions déjà mis en lumière au cours de débats précédents et qui ne semblent pas tous résolus.
Nous nous inquiétons encore des intérêts moratoires, résultant des retards de paiement, qui sont en augmentation : leur montant s'élevait à 20,13 millions d'euros en 2003 ; il est passé à 28,25 millions d'euros en 2004 et à 33,5 millions d'euros en 2005.
Madame la ministre, cette mauvaise gouvernance budgétaire décrédibilise la loi de programmation militaire votée par le Parlement il y a trois ans. Même les rapporteurs issus de votre majorité gouvernementale ont fustigé les mesures « exceptionnelles et inadmissibles » qui ont grevé le budget en 2004-2005, en particulier la suspension des paiements en matière de crédits d'équipement intervenue à la fin de l'exécution du budget 2004.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Didier Boulaud. Mme la ministre ne me répondra pas, monsieur le président ; je peux donc avoir un peu plus de temps !
Tous ces constats tendent à confirmer le manque de sincérité des budgets annuels et jettent une lumière inquiétante sur l'avenir du budget de la défense.
À l'occasion de l'évaluation de l'exécution du budget pour 2005, à la veille d'une série d'importantes consultations électorales et dans la perspective de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire, je vous demande, madame la ministre, de nous indiquer le niveau d'exécution exact de la dernière loi de programmation militaire adoptée.
Je fais mienne la remarque de la Cour des comptes qui signale qu'« une interrogation subsiste sur la capacité du ministère de la défense à réaliser à terme intégralement la loi de programmation militaire compte tenu de l'encours élevé de ses reports de crédits ». On ne saurait mieux dire !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Merci de me donner l'occasion de vous répondre, monsieur Boulaud !
La Cour des comptes a émis son appréciation. Je l'ai contestée en écrivant à son Premier président pour exprimer mon désaccord sur cette analyse qui me paraît totalement infondée !
S'agissant de la capacité du ministère de la défense à exécuter la loi de programmation militaire, je puis vous dire que celle-ci sera exécutée en totalité, tous les arbitrages rendus vont en ce sens. Elle le sera, sous la réserve des seules améliorations ou atténuations liées aux VAR successives, qui traduisent, ainsi que je le disais tout à l'heure, notre aptitude à évoluer avec le contexte.
En ce qui concerne le problème des reports d'autorisations d'engagement, j'ai dit que j'avais obtenu ce report : vous voilà donc rassuré à ce propos, monsieur Boulaud !
Nous avons réglé le problème des impayés à l'égard des PME et PMI, parce que j'avais le souci que ces petites entreprises n'en subissent pas les conséquences.
En ce qui concerne les OPEX, nous avons tous constaté que la situation s'était améliorée.
Pour ce qui est des intérêts moratoires, le fait que nous soyons en train de récupérer les reports de crédits nous permet de les réduire dès cette année.
Enfin, j'ai déjà dit que le problème des reports de crédits serait réglé d'ici à la fin de 2007. Je pense que vous pourrez donc dormir d'un sommeil paisible, monsieur Boulaud, ainsi que M. le Premier président de la Cour des comptes !
M. Didier Boulaud. C'est votre successeur qui va mal dormir !
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame le ministre, vous nous avez donné ce soir un certain nombre de précisions sur le projet de second porte-avions franco-britannique et je vous en remercie. Vous le savez, c'est un sujet qui me tient à coeur et j'aurai sans doute l'occasion de vous en reparler à l'occasion de la discussion du prochain budget.
Lors de l'examen du projet de budget de la défense pour 2005, je vous avais interrogée sur les moyens budgétaires attribués par votre ministère et par l'Union européenne à l'Eurofor en Bosnie. Je souhaiterais également connaître le bilan précis et les enseignements que vous tirez de cette opération et, plus généralement, des OPEX qui ont eu lieu en 2005, sur le plan budgétaire comme sur le plan opérationnel.
Je souhaiterais également vous interroger plus précisément sur les suites données à l'audit relatif à la fonction communication dans les forces armées.
Le groupe UMP du Sénat a mis en place un groupe de travail « LOLF et réforme de l'État » afin d'assurer le suivi des réformes structurelles sur la base des audits de modernisation. Ces audits, dont la quatrième vague a été lancée le 21 juin dernier, constituent une démarche inédite, ambitieuse et concrète. Le groupe UMP a tenu à accompagner cette démarche en organisant une série de rencontres avec dix ministères, l'objectif étant de faire le point sur les résultats des audits qui les concernent et sur les gains réels qui peuvent en être attendus, pour les usagers, en termes d'amélioration du service rendu et, pour les contribuables, en termes d'économies budgétaires. Il s'agit, là aussi, d'une démarche inédite au sein d'un groupe parlementaire, dans l'esprit de la LOLF.
Dans le cadre de ces rencontres, nous avons eu l'occasion d'auditionner une délégation du ministère de la défense, et nous tenons à remercier vos collaborateurs, madame le ministre, pour leur participation active à cette démarche qui se veut constructive et productive, dans un esprit de réforme.
La fonction communication dans les forces armées concerne environ 1 200 personnes, pour un budget de l'ordre de 70 millions d'euros par an. L'audit permet une meilleure appréhension de cette fonction et formule des propositions en matière de coût et de professionnalisation.
La mutualisation de la rédaction des revues d'armées est à l'étude, de même qu'une simplification de l'organisation des services d'information et de relations publiques, les SIRPA.
L'objectif de la professionnalisation est de normaliser les achats, renforcer la formation et éviter les doublons. Il est aussi de disposer d'équipes compétentes et d'une organisation réactive pour faire face aux enjeux modernes de la communication, comme l'illustre le dossier du Clemenceau.
Je souhaiterais connaître, madame le ministre, les décisions que vous comptez prendre dans ce domaine, ainsi que les gains attendus en matière de qualité du service et de coût, tout en saluant, une fois de plus, la démarche de modernisation que vous avez entreprise au sein de votre ministère.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Garriaud-Maylam, en Bosnie, l'Union européenne a relevé l'OTAN en 2004. La mission de stabilisation de la situation en Bosnie se poursuit. La situation sécuritaire est relativement calme ; aujourd'hui, nous insistons tout particulièrement sur la prise en compte de la criminalité organisée, qui est un des problèmes majeurs de ce pays. Dans la logique de sortie de crise dans laquelle nous nous trouvons, le transfert des responsabilités confiées aux forces militaires en direction des missions civiles, d'abord internationales puis nationales, est en cours.
S'agissant de votre deuxième question, vous savez que j'attache un grand intérêt à la communication et à sa modernisation, parce qu'elle est non seulement indispensable au sein d'une armée professionnelle pour conserver un état d'esprit, mais encore essentielle pour maintenir le lien entre l'armée et la nation.
La modernisation de la communication fait donc partie de ma stratégie ministérielle de réforme. Elle est déjà bien engagée au niveau de l'organisme central qu'est la délégation à l'information et à la communication de la défense, la DICODE. Je rappelle que le budget de communication de la DICODE et de l'établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense, l'ECPA-D, a diminué de 3 % en 2006 et que des économies de 10 % en matière de fonctionnement et d'investissement ont été réalisées.
Il s'agit aujourd'hui de prolonger cet effort en le faisant porter sur les armées. L'audit est à ce titre particulièrement intéressant. Certaines de ses propositions ne posent pas de difficulté majeure. En revanche, d'autres ont suscité un certain nombre de résistances : c'est le cas de la mutualisation des rédactions des différentes revues, car chaque armée tient beaucoup à son identité, ou de la simplification de l'organisation des SIRPA.
Ces sujets sont à l'étude et des décisions seront prises au début du mois de juillet. Au demeurant, un certain nombre des suggestions de l'audit ont déjà été prises en compte.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Madame la ministre, la dynamique économique et militaire des États dépend de plus en plus de l'innovation. À cet égard, l'exemple des États-Unis est bien connu, avec les interventions massives de la DARPA, la Defense advanced research projects agency, et de la sécurité intérieure dans le domaine des recherches duales.
En France, le Gouvernement a agi dès 2005, avec la création des nouvelles agences et l'élaboration de la loi de programme pour la recherche, mais les montants affectés ne correspondent pas à une vraie rupture ou au sursaut nécessaire.
Votre engagement en faveur de la recherche duale, que vous venez de confirmer après l'avoir annoncé en réponse à une question orale que je vous avais posée voilà plus d'un an, m'amène à vous demander si vous pouvez préciser les chiffres pour 2005 et nous fournir d'éventuelles données supplémentaires concernant 2006 et 2007.
Inscrire la recherche duale au rang des priorités serait sage, car cela permettrait au premier investisseur de France de labelliser certains projets émanant de pôles de compétitivité. Une telle démarche présenterait l'intérêt de faire cofinancer par l'industrie privée nombre de projets, et donc - ce cofinancement étant généralement de l'ordre de 70 % - de renforcer grandement la recherche duale tout en dynamisant les pôles de compétitivité, qui ont l'avantage d'être largement répartis sur le territoire, et en associant PME et institutions universitaires et de recherche. En conséquence, la communication du ministère de la défense en direction de ces milieux serait rendue beaucoup plus facile.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Nous consacrons, en 2006, 3,7 milliards d'euros aux dépenses de recherche et de développement, ce qui représente une contribution très importante, souvent ignorée, du ministère de la défense à l'effort général de recherche et de développement de notre pays.
Les pôles de compétitivité, auxquels nous prenons une part importante, sont un autre exemple de notre implication dans la préparation de l'avenir de notre pays. Nous y participons par nos centres de recherche, par nos écoles, par un certain nombre de nos entreprises, comme DCN. Par là même, nous mettons en oeuvre une synergie avec les autres acteurs.
Au-delà, le problème est de convaincre, comme vous le souhaitez, le secteur privé de participer un peu plus à cet effort de recherche. Cependant, cette question ne relève pas directement du domaine qui nous intéresse.
Je me bornerai à faire observer que, au travers de la politique de développement de démonstrateurs, j'ai mis en place, à l'adresse tant des autres pays européens que des entreprises, une démarche par laquelle l'État apporte une contribution financière relativement importante à des programmes, à condition que d'autres acteurs s'engagent à leur tour.
C'est là, me semble-t-il, une voie intéressante parce que très incitative. Au-delà, nous attendons de l'Agence européenne de défense, dont c'est l'une des missions principales, qu'elle joue tout son rôle en matière de coordination et de développement de la recherche.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, et des précisions qu'elle comporte.
Il convient effectivement de renforcer la dynamique que nous avons évoquée, grâce à un certain nombre de pôles de compétitivité, notamment le pôle « mer », auquel participe DCN, et les pôles liés au Commissariat à l'énergie atomique, qui sont financés en partie par votre ministère. Je préside d'ailleurs, en ce qui me concerne, le pôle de compétitivité « solutions communicantes sécurisées ». Il me paraît également important de prendre en considération l'apport des collectivités territoriales.
En tout état de cause, il serait intéressant, me semble-t-il, d'accroître et de mieux faire connaître votre implication dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. La lecture de ce projet de loi de règlement, s'agissant de l'exécution des crédits de la défense pour 2005, fait apparaître des divergences sensibles entre la consommation des crédits affectés et les objectifs affichés.
Cela est tout particulièrement vrai en ce qui concerne la préparation opérationnelle des forces.
En effet, nos trois armées et la gendarmerie ont quelques difficultés à atteindre les objectifs d'activité qui leur sont assignés par la loi de programmation militaire.
Si l'entraînement de l'armée de terre a pu connaître une légère progression en 2005, avec 96 jours d'activité pour les forces et 160 heures de vol pour les pilotes de l'aviation légère de l'armée de terre, la loi de programmation militaire avait néanmoins défini une norme de 180 heures de vol pour les pilotes d'hélicoptère.
L'armée de l'air n'a pas, elle non plus, pleinement atteint ses objectifs. Les pilotes de chasse et de transport ont ainsi effectué, en moyenne, 170 et 279 heures de vol, contre 180 et 400 heures programmées.
En ce qui concerne la marine, si elle parvient à assurer une activité de 92 jours à la mer en moyenne, il faut garder à l'esprit que la loi de programmation militaire prévoyait 8 jours de plus. Encore faut-il noter que l'activité de la flotte a été limitée afin de ne pas trop puiser dans les stocks de carburants, dont les prix, on le sait, ne cessent d'augmenter. En revanche, les pilotes de chasse ont dépassé largement leurs objectifs, avec 183 heures de vol en moyenne.
Enfin, en ce qui concerne la gendarmerie, les personnels n'ont pas suivi les 35 journées d'instruction prévues. Du fait de l'intensité et de la multiplicité de leurs tâches, ils n'ont pu en accomplir que 25.
J'arrête là cette énumération, qui traduit tout de même quelques manques dans le respect de la loi de programmation militaire. Comme vous le savez, madame la ministre, ces lacunes sont souvent douloureusement ressenties au sein même de l'institution militaire.
Cela étant, loin de moi l'idée de peindre tout en noir ou d'insinuer que nos troupes seraient mal préparées ; toutefois, vérifier a posteriori la bonne utilisation des crédits ne présente d'intérêt que si l'on en tire des enseignements.
Je voudrais donc savoir, madame la ministre, quelles mesures vous comptez prendre à l'avenir pour améliorer la situation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Bret, nous sommes partis d'une situation très mauvaise, que nous améliorons d'année en année.
En effet, en 2002, les crédits prévus étaient insuffisants, en particulier pour assurer l'entretien des matériels. Par conséquent, comme les matériels n'étaient pas disponibles, les heures d'entraînement ne pouvaient être effectuées. Telle était la situation que j'ai trouvée en 2002, et que j'ai essayé d'améliorer les années suivantes, jusqu'à aujourd'hui.
En 2005, globalement, les objectifs d'entraînement ont été respectés à concurrence de 95 %. Je ne reprendrai pas ce que vous avez dit à cet égard, notamment en ce qui concerne les pilotes de chasse et les pilotes d'hélicoptère.
Pourquoi les objectifs n'ont-ils pu être respectés à 100 % en 2005 ?
Tout d'abord, on ne rattrape pas le retard pris, en matière de maintien en condition opérationnelle, d'une année sur l'autre. Nous améliorons la situation chaque année, mais tout n'est pas encore parfait, parce que nous sommes partis de très loin !
Par ailleurs, nous avons dû assumer une activité très soutenue au titre des OPEX et, s'agissant de la gendarmerie, des opérations intérieures. Je vous remercie d'avoir souligné ce dernier point, monsieur Bret.
Enfin, l'envol des prix des carburants a constitué pour nous une surprise en 2005. Nous avons partiellement desserré cette contrainte, grâce à l'effort budgétaire que nous avons consenti sur ce poste, qui représente quelque 300 millions d'euros par an, je le rappelle, et au dispositif de couverture du « risque pétrole », que nous avons mis en oeuvre en septembre 2005. Cela nous permet d'améliorer la situation, comme vous pourrez le constater en 2006.
Cela étant, je tiens à le dire par volonté de transparence à l'égard de la représentation nationale, le problème n'est pas totalement réglé. Ce sujet méritera une attention particulière à l'avenir, notamment au cours de l'élaboration du budget de 2007.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. J'ai bien entendu vos propos sur l'« héritage » et sur le fait que vous êtes partie de très loin, les crédits affectés à l'entretien des matériels étant insuffisants en 2002, lorsque vous avez pris vos fonctions.
Je relève également l'importance que vous attachez à la préparation opérationnelle de nos forces et au fait que les objectifs d'entraînement fixés par la loi de programmation militaire ont été respectés à hauteur de 95 % en 2005.
Je tiens compte des contraintes que vous avez rappelées voilà un instant, notamment l'envol des prix des carburants, qui ont une incidence déterminante sur les capacités opérationnelles de nos forces navales et aériennes.
Cela étant, la situation que nous connaissons n'est-elle pas aussi due aux nombreuses interventions de nos forces sur les théâtres d'opérations extérieurs, qui représentent une dépense de 560 millions d'euros par an ? La question qui se pose à nous est peut-être la suivante, madame la ministre : les moyens, notamment financiers, dont nous disposons sont-ils à la hauteur de nos ambitions ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il y aurait beaucoup à dire sur l'exécution du budget de 2005, notamment pour ce qui concerne l'équipement de la marine nationale et les programmes d'armement dévolus à DCN.
Lorsque la Cour des comptes avait examiné le contrat d'entreprise régissant les relations entre DCN et l'État pour les années 2003 à 2008, elle avait conclu que ce contrat reposait sur un carnet de commandes évalué à près de 9 milliards d'euros, comprenant, à parts quasiment égales, des constructions neuves et des opérations de maintien en condition opérationnelle des bâtiments de la marine nationale.
Parmi les programmes de construction prévus par la loi de programmation militaire et le contrat d'entreprise, il en est un qui cumule les retards : je veux parler, madame le ministre, du programme Barracuda. Comme le montrent les tableaux d'exécution du budget, ce sont, pour ce seul programme, plus de 1,1 milliard d'euros d'autorisations de programme qui, en 2005, sont restés non affectés.
Madame le ministre, vous assurez que ce programme n'est pas remis en cause. Je n'en doute pas, et je vous remercie d'ailleurs d'avoir régulièrement reçu les parlementaires de la région de Cherbourg pour évoquer avec eux ce dossier.
Cependant, les propos du président-directeur général de DCN sont moins optimistes : devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, comme lors de sa visite à Cherbourg, le 16 juin dernier, il a manifesté de réelles inquiétudes. Il reconnaît ainsi que des baisses d'effectifs sont à craindre, du fait des retards que j'ai évoqués et d'un bras de fer budgétaire qui devra cesser au plus vite, même si je comprends tout à fait votre position.
Le programme Barracuda représentera, dans les années à venir, 70 % de la charge de travail du site de DCN à Cherbourg. Il revêt donc une importance capitale pour les salariés concernés et présente un caractère d'urgence : DCN, qui a remis à la fin du mois d'avril une troisième offre à la direction générale de l'armement, souhaite obtenir la commande d'une première tranche ferme - développement du sous-marin et commande du premier bâtiment - et la confirmation des tranches conditionnelles à raison d'un sous-marin tous les dix-huit mois ou deux ans.
Ces inquiétudes ne seront levées que lorsque le contrat aura été signé. Il avait été question de juin 2006, mais vous évoquez maintenant la fin de 2006. J'aimerais savoir quelle est la véritable échéance. Le retard pris en 2005 pourra-t-il être rattrapé ? J'en doute, madame le ministre. Quelle incidence cela aura-t-il sur le remplacement des bâtiments en service et sur le plan de charge de DCN ?
Pour conclure, je m'écarterai quelque peu de la discussion du projet de loi de règlement.
Parmi les dossiers qui pourraient permettre de palier les sous-charges inévitables induites par les retards accumulés, il en est un qui pourrait être important pour DCN, celui des sous-marins pour la marine pakistanaise. Selon la revue Defense news, votre ministère vient de donner son accord pour que la société ARMARIS propose au Pakistan la livraison de trois sous-marins, ce qui lève une barrière bureaucratique, voire diplomatique, contrariant les efforts d'exportation de cette entreprise, qui souhaite vendre des sous-marins de type Marlin. Pouvez-vous nous le confirmer, madame le ministre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Godefroy, il est de ma responsabilité de bien gérer les deniers de l'État, qui sont, ne l'oublions pas, le produit de l'impôt. Je ne puis donc admettre que l'on me présente un programme dont le coût a brusquement doublé ! Ce n'est pas sérieux, et c'est ce que je ne cesserai de dire aux industriels. Je pense qu'ils ont compris ma détermination. Si l'on se déclare par avance disposé à accepter leurs propositions, on peut être certain que les prix ne baisseront pas ! En revanche, si l'on annonce que la réponse sera négative si des efforts ne sont pas consentis, comme par hasard, tout le monde devient raisonnable...
Or, ce que je souhaite, c'est précisément obtenir une proposition qui réponde à nos besoins pour un prix qui soit raisonnable. Actuellement, les études sont en cours. Il est prévu que l'on me remette, durant l'été, le dossier de lancement de réalisation. Une offre a effectivement été présentée, mais cela ne signifie pas que les discussions ne continuent pas.
Par conséquent, le dossier progresse, ce qui me permet d'être optimiste quant à la conclusion du contrat. Toutefois, il y a des points sur lesquels je ne céderai pas.
Par ailleurs, il est exact que le dossier pakistanais, après avoir été quelque peu gelé pendant un certain temps, évolue de nouveau. Cela étant, comme vous le savez, un certain nombre de procédures doivent être respectées, surtout quand il s'agit de pays sensibles. Aujourd'hui, le dossier est donc relancé. Si je ne suis pas en mesure d'annoncer ce soir qu'il est conclu, il offre néanmoins un certain nombre de perspectives d'activité.
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Je souhaite vous interroger, madame le ministre, sur l'audit relatif à la reconversion dans les forces armées et, plus globalement, sur la question des personnels.
Lors de l'examen du projet de budget de la défense pour 2005, je vous avais fait part de certaines inquiétudes quant à un fléchissement des effectifs, notamment dans l'armée de terre. Vous m'aviez alors rassuré à ce sujet.
Par ailleurs, alors qu'un repyramidage avait été évoqué, j'avais insisté sur la nécessité de ne pas négliger le corps des sous-officiers, qui contribue de manière essentielle, à mon sens, à l'efficacité et à la discipline, notamment sur les théâtres d'opérations extérieurs. Ils contribuent de manière essentielle à l'efficacité et à la discipline, notamment sur les théâtres d'opérations extérieures. Je souhaiterais connaître le bilan de l'année 2005 dans ce domaine, ainsi que les perspectives pour les années suivantes.
Enfin, la question de la reconversion dans les forces armées me paraît également essentielle.
Le rapport d'audit rendu public la semaine dernière souligne que le ministère de la défense a besoin de militaires jeunes, en raison de la pénibilité physique de nombreux emplois. Par voie de conséquence, il insiste sur la nécessité d'assurer la reconversion vers des emplois civils de ceux qui quittent l'armée, alors qu'ils sont encore en âge de poursuivre une activité professionnelle.
Toujours selon cet audit, 30 000 militaires par an quittent l'armée ; de ce fait, le chômage des anciens militaires devient préoccupant, entraînant une charge budgétaire significative sur le budget de votre ministère. Cette charge était, semble-t-il, de 75,5 millions d'euros en 2004. De combien sera-t-elle en 2005 ?
Mais, au-delà de la question du niveau des crédits, je voudrais connaître les mesures que vous comptez prendre pour remédier aux dysfonctionnements constatés par l'audit et pour améliorer la performance du dispositif de reconversion, dans l'intérêt des anciens militaires, auxquels nous devons reconnaissance, mais aussi assistance lorsqu'ils retournent dans le civil.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J'ai évoqué tout à l'heure, dans mon intervention, la stabilisation des effectifs et, de ce point de vue, nous ne pouvons que nous réjouir de la responsabilité et de la souplesse que nous confère la LOLF.
La globalisation des crédits nous permet de manoeuvrer plus facilement que lorsque nous devions rester dans le cadre strict des emplois. Au cours des années passées, des inquiétudes émanant de certaines armées, relayées par certains journaux, s'étaient exprimées d'une façon plus ou moins officielle et plus ou moins « éthique ». Il n'en a pas du tout été de même cette année. Aujourd'hui, le système, qui met chacun devant ses responsabilités, permet de répondre à ces craintes.
Cela dit, vous avez eu raison de souligner que l'efficacité de nos armées soumet les personnels à un certain nombre de contraintes et de pressions, notamment en termes d'âge. Il est de notre responsabilité de nous occuper de leur reconversion.
La reconversion passe déjà par la formation que nous dispensons. L'audit a permis de relever nos difficultés et nos points forts en la matière. Je ne pourrai pas vous donner ce soir toutes les réponses aux problèmes soulevés, je me bornerai à vous faire part de certaines des observations qu'ils ont suscitées.
Le ministère est conscient de la nécessité de favoriser le reclassement grâce à un partenariat accru avec d'autres fonctions publiques, d'État ou territoriale, et avec un certain nombre de grandes entreprises, dans des secteurs d'activités ciblés ou des cercles d'entreprises locales. Nous allons développer ce partenariat.
Le coût du chômage, qui était de 75 millions en 2004, a augmenté en 2005 de plus de 11 %, pour atteindre un peu plus de 84 millions. Toutefois, un certain nombre de statistiques plus récentes nous laissent espérer une stabilisation, voire une diminution de cette dépense. Je pense que ces résultats encourageants sont directement liés à l'augmentation importante du nombre de prestations de reconversion accordées en 2005, qui sont en hausse globale de 26 % par rapport à 2004, et de 64 % pour les seuls militaires du rang.
Au-delà de ces aides et de ces indemnités, nous souhaitons donner de nouvelles perspectives professionnelles aux militaires du rang, qui, pendant les années passées dans les armées, ont acquis des compétences professionnelles et un comportement appréciés des entreprises Ils peuvent en effet faire profiter les entreprises de leur capacité de cohésion, de leur esprit d'équipe et de leur sens du service.
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Les parlementaires peuvent éprouver des craintes ou des doutes. Vous savez les rassurer ; je vous en remercie, madame le ministre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question porte sur les chantiers d'externalisation.
En présentant les projets de budget pour 2004 et 2005, vous avez annoncé qu'afin de redéployer l'ensemble de nos armées sur les missions opérationnelles certains chantiers d'externalisation pouvaient être engagés. Pour 2005, deux grands chantiers et deux plus modestes étaient prévus.
Le premier grand projet concernait la gestion d'une partie du parc immobilier de la gendarmerie nationale, composé de nombreux gîtes et casernes, afin de recentrer les effectifs sur leur mission première. Le deuxième, encore plus important, était relatif à la gestion et à la maintenance d'un parc de plus de 20 000 véhicules de gamme commerciale. Les deux plus petites opérations portaient, l'une sur l'extension de la formation initiale des pilotes d'hélicoptères à Dax, qui devait être confiée à une entreprise privée, et l'autre, qui peut relever de la nouvelle théorie du partenariat public-privé, sur la rénovation, l'entretien et l'exploitation de l'École interarmées des sports de Fontainebleau.
L'examen de l'exécution du budget de 2005 montre que ces quatre opérations ont rencontré certaines difficultés. Où en est-on ? Envisagez-vous, notamment pour régler les problèmes de dépollution que vous avez évoquée lors d'une précédente réponse, d'aller un peu plus loin dans la voie du partenariat public-privé, pour mieux concentrer votre budget sur des missions opérationnelles ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Plus encore que de recentrer les militaires sur leurs missions opérationnelles, il s'agit de permettre aux personnels du ministère de la défense, qu'ils soient civils ou militaires, de pouvoir exercer véritablement les métiers auxquels ils se sentaient appelés lors de leur engagement, engagement qui revêt une signification particulière dans l'armée comparé au reste de la fonction publique.
Cette volonté n'est pas idéologique, mais elle correspond au souci de répondre à une aspiration, tout en agissant de la façon la plus pragmatique possible. Nous avons donc choisi certains lieux pour procéder à une expérimentation dont les résultats seront évalués. C'est là aussi, me semble-t-il, une bonne utilisation des deniers publics.
Je profite de l'occasion pour dire au président de la commission des finances que l'externalisation nous pose un problème budgétaire important. En effet, elle exige beaucoup plus d'autorisations d'engagement dans la mesure où l'ensemble de la dépense doit être couvert dès le départ. Il faudrait donc en tenir compte dans les budgets à venir. C'est une des causes des retards que nous avons connus, en plus des freinages de certaines administrations qui ne changent pas facilement leurs habitudes.
Nous avons cependant avancé en matière d'externalisation du parc automobile. La procédure est très lourde et il faudra réfléchir à la façon de l'accélérer.
En ce qui concerne le parc immobilier, je me suis heurtée à un certain nombre de freins et de réticences. J'ai donc décidé d'externaliser ce qui marchait le moins bien. Certains biens immobiliers appartenant à la gendarmerie étant en très mauvais état, celle-ci n'ayant pas été capable de les entretenir, j'ai dit : voyons si cela ira mieux avec le privé ! Personne ne peut rien trouver à redire à cela.
L'expérimentation a été lancée sur trois lots importants : les régions PACA, Île-de-France et Nord - Pas-de-Calais. Elle s'achèvera avant la fin de l'année 2006.
À Dax, l'opération est en cours ; elle est même bouclée. À Fontainebleau, des contacts ont été pris ; je vous communiquerai une réponse plus précise demain.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'externalisation se heurte à un problème lié à la TVA. La France est dans une position très singulière à cet égard, et j'aimerais connaître les initiatives que la France pourrait prendre au niveau communautaire pour régler enfin cette question.
Certaines situations confinent à l'absurde. Ainsi, on m'a fait savoir qu'un fournisseur d'équipements français commercialise ses produits par l'intermédiaire d'une agence située à Ulm en Allemagne. Comme l'armée allemande s'approvisionne auprès de ce revendeur, l'armée française s'est livrée à des achats auprès de lui à Ulm également, et donc hors TVA. L'administration des impôts a soumis l'entreprise à un redressement car elle a estimé que l'achat en l'Allemagne constituait une dissimulation destinée à permettre à l'armée française de ne pas payer la TVA. J'ai attiré l'attention du ministre du budget sur la situation de cette PME qui peut se trouver demain en difficulté.
Il faut absolument régler ce problème, qui pénalise l'externalisation dans la mesure où les coûts sont augmentés de la TVA, ce qui n'est pas le cas en interne. L'impact de la TVA doit donc être neutralisé au plan budgétaire, d'autant qu'il n'a pas d'effet sur l'équilibre du budget.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je souhaite remercier le président de la commission des finances de me soutenir dans une demande que je formule auprès de tous les ministres des finances et du budget depuis que je suis ministre. Nous ne pourrons pas avancer tant que la question de la TVA rendra plus coûteux les projets que nous souhaitons externaliser.
M. le président. Le débat sur l'exécution des crédits de la défense est clos.
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 5 et du tableau D annexé.
(L'ensemble de l'article 5 et du tableau D annexé est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 6 et du tableau E annexé.
(L'ensemble de l'article 6 et du tableau E annexé est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.