5
saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 12 septembre 2006, par plus de soixante députés, en application de l'article 54 de la Constitution, de l'accord de Londres du 17 octobre 2000 relatif au dépôt des brevets européens.
Acte est donné de cette communication.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, la conférence des présidents devant se réunir à dix-neuf heures, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
session extraordinaire 2005-2006
Jeudi 14 septembre 2006 :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (n° 433, 2005-2006) ;
(Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré).
Mardi 19 septembre 2006,
À 10 heures, à 16 heures et le soir,
Mercredi 20 septembre 2006,
À 15 heures et le soir,
Jeudi 21 septembre 2006,
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir,
Mardi 26 septembre 2006,
À 16 heures et le soir,
Mercredi 27 septembre 2006,
À 15 heures et le soir,
Jeudi 28 septembre 2006,
À 9 heures 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Prochaine conférence des présidents : mercredi 27 septembre 2006 à 19 h 00.
Par ailleurs, la conférence des présidents a confirmé les dates suivantes pour l'éloge funèbre des sénateurs décédés au cours de l'intersession :
- mardi 3 octobre, à 16 heures 15 : éloge funèbre de Pierre-Yvon Trémel,
- mardi 10 octobre, à 16 heures 15 : éloge funèbre de Marcel Vidal,
- mardi 17 octobre, à 16 heures 15 : éloge funèbre de Raymond Courrière.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si j'ai bien compris, le Sénat siégera le mercredi 20 septembre.
Or, et je suppose que cela a été indiqué à la conférence des présidents - au demeurant, voilà longtemps que nous l'avons signalé -, les journées parlementaires de l'organisation politique à laquelle j'appartiens auront lieu le même jour, à Nantes.
Permettez-moi donc d'élever la plus vive protestation. La conférence des présidents, passant outre nos observations, a décidé de fixer une séance le jour où une importante formation politique, dont le poids devrait d'ailleurs être encore plus important dans cet hémicycle si le mode de scrutin pour les élections sénatoriales était satisfaisant, tient ses journées parlementaires. C'est tout à fait inadmissible !
Par conséquent, au nom du groupe socialiste, je proteste avec véhémence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, la question que vous venez d'évoquer a effectivement été abordée à plusieurs reprises en conférence des présidents. Mais je n'ai pas souvenir que, lors de la dernière conférence des présidents, les représentants de votre groupe politique aient émis la moindre requête à cet égard. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Y a-t-il d'autres observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
7
Prévention de la délinquance
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors qu'il a été maintes fois annoncé, c'est finalement à quelques mois des échéances électorales que ce projet de loi nous est enfin présenté.
Un projet de loi qui porte d'ailleurs bien mal son nom. En effet, il s'agit d'un texte essentiellement répressif, un de plus dans la panoplie sécuritaire mise en place depuis 2002.
L'objectif, messieurs les ministres, est clair : instrumentaliser le sentiment d'insécurité pour étendre le contrôle social sur ceux que vous considérez comme des classes potentiellement criminogènes, notamment les jeunes, les familles défavorisées ou les malades mentaux.
M. Charles Gautier. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. En 2002, vous aviez promis aux Français d'en finir avec la criminalité et les violences urbaines. Or, au regard des chiffres et des événements récents, votre bilan est finalement très contestable ; mon collègue Jean-Claude Peyronnet l'a d'ailleurs parfaitement démontré tout à l'heure. C'est précisément pour cette raison que vous vous apprêtez, pour la sixième fois en quatre ans, à étendre l'arsenal répressif !
De prévention il n'est que peu question dans ce texte.
En effet, une véritable politique de prévention nécessite une approche globale. Elle se doit d'agir sur toutes les dimensions de ce phénomène social complexe qu'est la délinquance. De ce point de vue, la lutte contre les exclusions, la prévention sociale et l'éducation sont tout aussi nécessaires que la dissuasion et la sanction.
Une véritable politique de prévention de la délinquance, c'est une politique qui, à la fois, combat les comportements violents et agir sur les causes sociales de la violence. Or vous faites exactement le contraire : la quasi-totalité des dispositifs que le présent projet de loi vise à mettre en place sont réactifs, au lieu de viser les problèmes « à la racine ».
Ce projet de loi fabriqué en total décalage avec les acteurs de la prévention donne d'ailleurs l'impression d'imputer aux éducateurs et la justice des mineurs la responsabilité des échecs rencontrés.
Pourtant, le véritable responsable, c'est bien le Gouvernement ! Depuis quatre ans, celui-ci ne cesse de démanteler les institutions et les associations de prévention en réduisant leurs budgets.
Si la commission des affaires sociales a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi, c'est qu'un nombre non négligeable d'articles concerne le champ sanitaire et social. Mais c'est pour mieux le passer, si vous me permettez l'expression, à la « moulinette sécuritaire » !
Car c'est bien de cela qu'il s'agit, par exemple, lorsqu'il est question des hospitalisations sans consentement. Les articles que vous proposez sur le sujet n'ont pas leur place dans ce projet de loi. Ils sont tout simplement inacceptables parce qu'ils font l'amalgame entre les délinquants et les personnes souffrant de troubles mentaux, alors même que la corrélation entre criminalité et troubles mentaux n'est pas démontrée et qu'elle laisse sceptiques les professionnels de la psychiatrie.
Toutes les études existant sur ce sujet le démontrent : le risque de passage à l'acte violent des personnes présentant une maladie mentale est sensiblement identique à celui du reste de la population. Selon ces mêmes travaux, il faut surtout prendre en considération les éléments de désocialisation et de précarisation. En effet, ceux-ci multiplient le risque de passage à l'acte par dix. Ce n'est pas moi qui le dis : cela figure dans le très officiel rapport de la commission santé-justice publié en juillet 2005.
Le présent projet de loi ne vise qu'à stigmatiser une fois de plus une partie de la population et à instrumentaliser la psychiatrie et l'ensemble du champ sanitaire, aussi bien ses acteurs que ses structures, à des fins de contrôle social.
De telles dispositions mettent gravement en danger tout le travail mené depuis des décennies par les associations et les professionnels en faveur de l'intégration des personnes présentant des problèmes de santé mentale. Une société évoluée ne doit plus confondre soins psychiatriques et enfermement, malades et délinquants, hôpital et prison.
La loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, qui détermine le régime juridique des hospitalisations sans consentement, repose sur un équilibre entre santé, liberté et sécurité. C'est un équilibre fragile. J'en conviens, cela explique certaines faiblesses du dispositif, qui ont d'ailleurs été relevées par de multiples rapports. Je pense notamment à un rapport réalisé par l'inspection générale de la police nationale et par l'inspection générale de la gendarmerie nationale au mois de mai 2004, ainsi qu'à un autre, publié en mai 2005, émanant de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des services judiciaires.
Or, dans ce projet de loi, seules les observations du premier de ces rapports ont été prises en compte, ce qui ne nous surprend d'ailleurs guère. (Sourires.) Pourtant, les faiblesses du dispositif ne devraient pas être utilisées pour rompre l'équilibre que j'évoquais ; toute réforme du régime des hospitalisations sans consentement devrait en tenir compte.
Les propositions de réforme existent, mais elles doivent être débattues dans le cadre d'une réforme globale de la loi, que le plan « Psychiatrie et santé mentale 2005-2008 » avait programmée pour cette année. M. Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, assure que c'est en préparation. Il est donc urgent qu'il nous propose une telle révision, qui doit s'inscrire dans la logique d'une politique de santé publique. Dans l'attente, il convient de retirer les dispositions que le présent projet de loi tend à instituer sur ce sujet.
M. Claude Domeizel. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je pense que cette démarche serait fort appréciée par les professionnels...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah bon ?
M. Jean-Pierre Godefroy. ... ainsi que par les familles de malades mentaux, qui ressentent cet amalgame comme une véritable injustice, voire une agression à l'encontre des patients.
La réforme de l'hospitalisation d'office que vous nous proposez vise surtout à s'assurer de l'enfermement de personnes que vous supposez dangereuses, y compris au moyen d'une rétention exercée hors de tout cadre juridique.
A contrario, le projet de loi ne dit pas un mot de la responsabilité des services de police et de l'administration pénitentiaire dès lors qu'il s'agit d'assurer la sécurité périmétrique et les gardes statiques lors des transferts et des soins hospitaliers des détenus présentant des troubles mentaux : l'examen des situations concrètes montre malheureusement que les forces de police et l'administration pénitentiaire « se défaussent » bien souvent, créant une réelle insécurité.
Quant à la création d'un nouveau fichier, ...
M. Claude Domeizel. Encore un !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... elle n'est pas justifiée. Comme le précise le rapport de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des services judiciaires - que vous avez balayé -, les fichiers HOPSY, gérés par les DDASS, fonctionnent de manière satisfaisante.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ils n'existent pas dans un département sur deux !
M. Jean-Pierre Godefroy. Pour répondre au problème du déplacement des malades mentaux, il suffit d'interconnecter ces fichiers entre eux, et je pense que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, pourrait donner son accord, de manière à élargir au niveau national la procédure d'échange d'informations tout en préservant les garanties existantes en termes de libertés publiques et de préservation du secret professionnel.
La logique est la même en ce qui concerne la toxicomanie. Vous promettiez, là encore, une réforme de la loi de 1970 et, finalement, vous ne faites que détourner le dispositif sanitaire existant au bénéfice de l'arsenal répressif.
Tous les spécialistes entendus par la commission des affaires sociales l'ont dit : les liens entre consommation de drogue et criminalité sont complexes et multiples. La logique répressive ne peut valoir que dans certains cas. Il en résulte que la prohibition rencontre obligatoirement des limites et que l'aggravation des peines sera privée d'effets face à certains facteurs psychopathologiques et psychosociaux. D'autres logiques doivent alors être favorisées, notamment celles des soins et de la prévention au sens large.
Je rappelle que la loi de 1970 présente deux particularités : elle a choisi de sanctionner pénalement le simple usage de stupéfiants, même en privé - ce que les conventions internationales n'exigeaient pas -, et elle a prévu la possibilité d'une alternative thérapeutique à la sanction pénale.
L'instauration de cette sanction pénale visait à la fois à dissuader le consommateur et, par le biais de l'injonction thérapeutique, à l'inciter à se faire désintoxiquer. Un dispositif sanitaire financé par l'État a ainsi été mis en place avec la création de centres de soins spécialisés et de diverses structures d'accueil. La gratuité et l'anonymat des soins y sont la règle.
Si, comme le relève le président de la commission des affaires sociales, le dispositif de l'injonction thérapeutique, créé par la loi de 1970, est tombé en désuétude, c'est parce que soigner un consommateur de drogues nécessite d'établir une relation de confiance. Or cette confiance ne peut-être qu'altérée si la loi oblige le personnel médical à transmettre des informations à la police ou à la justice. Pour soigner un consommateur de drogues, il faut obtenir son adhésion ; pour obtenir son adhésion, il faut obtenir sa confiance.
Les médecins que nous avons entendus au cours de la préparation de ce débat nous l'ont dit : l'observation clinique confirme aujourd'hui l'existence d'une forte demande de soins chez les toxicomanes dépendants ; dans la majorité des cas, cette demande est volontaire et l'intérêt de l'injonction thérapeutique consiste parfois à permettre un accès plus rapide aux soins. Désormais, les pratiques sont rodées et efficaces, grâce notamment aux traitements de substitution, même s'il arrive que les lieux où sont distribués ces traitements fassent l'objet d'une surveillance trop rapprochée par la police, qui risque de rendre le dispositif inefficace.
Il faut donc bien faire la différence entre usagers « récréatifs » et toxicomanes dépendants : ces derniers ont besoin de l'aide des médecins et des centres de lutte contre la toxicomanie. Or ces centres doivent déjà faire face au manque de places, surtout en ambulatoire. Plutôt que de les encombrer avec des « fumeurs de joints », il serait opportun de leur donner plus de moyens et de développer les campagnes de prévention.
En fait, c'est la consommation de cannabis qui est la véritable raison de l'insertion de ces dispositions dans ce texte. Celle-ci connaît incontestablement une forte progression.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah, vous l'avez noté ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Selon les statistiques, sept millions de Français ont fait l'expérience du cannabis : ils ne sont pas pour autant sept millions de délinquants ni de criminels en puissance !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Selon la loi, ce sont des délinquants !
M. Jean-Pierre Godefroy. Au lieu de vous interroger sur l'ambiguïté de la loi actuelle, qui conduit à traiter le consommateur comme un délinquant au même titre que le trafiquant, vous choisissez une fois de plus de renforcer l'arsenal répressif. Il est donc aujourd'hui nécessaire d'engager une réflexion sur les fondements de la loi de 1970 et, sans parler de dépénalisation, pourquoi ne pas envisager de « contraventionnaliser » l'usage de cannabis ? Il me semble que M. le rapporteur y a fait allusion.
En ce qui concerne le rôle du maire en matière de prévention de la délinquance, aucun d'entre nous ne dira que ce rôle est nul. Au contraire, il est primordial. Mais il ne peut se justifier que dans le respect des compétences de chacun des acteurs impliqués dans ce vaste travail et, notamment, dans le respect des compétences d'action sociale du département. Or ce projet de loi organise une confusion institutionnelle en accordant aux maires des compétences redondantes, parallèles à celles du département et des travailleurs sociaux.
Ce projet de loi vient court-circuiter le projet de loi réformant la protection de l'enfance, déjà voté en première lecture par le Sénat. Sur ce texte, le groupe socialiste, par la voix de Mme Claire-Lise Campion, avait émis des réserves, invoquant notamment le manque de moyens. Mais au moins, nous en approuvions les grandes lignes. En effet, grâce à la concertation, un consensus a pu s'établir sur la question de la répartition des compétences entre la justice des mineurs et les administrations départementales d'aide à l'enfance, sur le partage des informations entre les acteurs et les institutions, sur le souci de mieux agencer les procédures de signalement d'enfants en danger comme sur la volonté de développer la prévention.
Ce texte allait dans le bon sens, et il est inutile d'y revenir avec le présent projet de loi.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Vous auriez dû le voter !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous savez très bien, monsieur le ministre, que nous nous sommes abstenus parce que nous avons considéré que les moyens ne suivaient pas, mais qu'il s'agissait d'une « abstention positive ».
Puisque vous m'interpellez sur ce sujet, permettez-moi de le faire à mon tour : le projet de loi réformant la protection de l'enfance sera-t-il examiné par l'Assemblée nationale ? Si oui, quand ? Et quand reviendra-t-il au Sénat ? En revanche, il serait totalement inacceptable que le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance vienne s'y substituer ou le dénaturer !
M. Guy Fischer. Nous aurions été trompés !
M. Jean-Pierre Godefroy. J'insiste : si les dispositions de l'article 5 étaient adoptées, elles affaibliraient gravement le secret professionnel institué dans le code pénal non en faveur des professionnels, mais pour offrir aux citoyens les garanties de protection de l'intimité de leur vie privée. Or c'est justement parce qu'ils savent cette confidentialité protégée que les parents acceptent de faire part de leurs difficultés les plus graves et de demander de l'aide aux professionnels, qui sont alors fondés à élaborer avec eux des mesures de prévention ou de soins.
Ainsi, l'adoption de cet article, loin de permettre une meilleure prise en charge des familles et des enfants en difficulté, risque de rompre leur confiance et de les éloigner durablement des professionnels et institutions chargés des soins, de la prévention ou de l'éducation. Les acteurs sociaux, de santé et d'éducation, d'une part, et les acteurs oeuvrant dans le champ de la sécurité, d'autre part, doivent pouvoir travailler dans la complémentarité de leurs missions, mais pas dans la confusion des rôles.
Enfin, je voudrais mentionner un dernier article qui me semble particulièrement dangereux, l'article 16, bien que la commission des affaires sociales n'en soit pas saisie. Cet article permet au médecin constatant des violences au sein d'un couple de signaler les faits à la police ou à la justice, sans l'accord de la victime.
Les situations de violences conjugales sont complexes et parfois difficiles à gérer. Je voudrais rappeler à la Haute Assemblée que, sur l'initiative de mon collègue Roland Courteau et du groupe socialiste du Sénat, une proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple a été adoptée. Ce texte est en navette, me semble-t-il.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est voté !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous avez raison, il est voté...
M. Jean-Jacques Hyest. Ne racontez pas des choses fausses ! (MM. Guy Fischer et Jacques Mahéas protestent.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président de la commission des lois, je ne me suis jamais permis jusqu'à présent de vous interpeller ni a fortiori de vous accuser de dire des choses fausses. Mais vous m'y incitez : oui, il vous est arrivé de dire des choses fausses ! Je me souviens notamment de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, au cours de laquelle nous avons eu quelques passes d'armes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parenthèse est fermée !
M. Guy Fischer. Quand on nous cherche, on nous trouve !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je reviens au texte qui nous occupe : l'article 16 du présent projet de loi traduit une approche simpliste. Non seulement il aligne le statut de la victime de violences conjugales sur celui de la victime mineure, mais surtout il risque de conduire à des interventions policières et judiciaires dans des situations souvent complexes, qui nécessitent une certaine adhésion de la victime.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est une vraie question !
M. Jean-Pierre Godefroy. On peut craindre également qu'une telle pratique ne dissuade certaines victimes de se manifester et ne les éloigne d'un contact avec un médecin dans la mesure où elles voudront éviter d'être signalées.
M. Claude Domeizel. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet article risque de se retourner contre les victimes, que nous souhaitons tous ici protéger, et finalement d'aller à l'encontre de notre volonté commune de lutter contre ce fléau. Nous verrons si la Haute Assemblée suivra notre proposition de supprimer cette disposition.
Monsieur le ministre, dans le domaine de compétence de la commission des affaires sociales, les commissaires socialistes, vous l'avez bien compris, s'opposeront à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si faire de la politique, c'est changer les choses, on peut dire que le Gouvernement et sa majorité ont fait de la politique en matière de sécurité, tant les changements ont été notables depuis quatre ans et demi.
Cela tient sans doute au fait que nous sommes passés du temps de la « naïveté » à celui de la lucidité, condition première de l'action. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. C'est ça, faites-vous plaisir !
M. Philippe Goujon. Au temps de la naïveté, c'est-à-dire au cours de la précédente législature (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste) - et vos vociférations n'y feront rien -, la criminalité et la délinquance ont explosé dans notre pays. La gauche semble d'ailleurs n'avoir rien appris depuis lors puisque son apport principal au texte que nous examinons aujourd'hui consiste en de simples motions de procédure et amendements de suppression. Il est vrai qu'entre les positions de Mme Royal et celles des autres candidats au sein du parti socialiste il est sans doute particulièrement difficile de présenter un projet cohérent. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Éliane Assassi. La gauche ne se résume pas au parti socialiste !
M. Philippe Goujon. En 2002, sous l'impulsion du ministre d'État, le Gouvernement a fait de la sécurité sa priorité. L'oeuvre accomplie dans ce domaine dépasse tout ce que les autres gouvernements ont pu entreprendre.
Avec cette politique, les résultats sont au rendez-vous : la délinquance a baissé ; le taux d'élucidation a augmenté.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Les violences contre les personnes ont augmenté de 27 % !
M. Philippe Goujon. Ces succès sont encore amplifiés à Paris.
Mme Éliane Assassi. À Paris, bien sûr !
M. Philippe Goujon. À Paris, entre 1997 et 2002, la délinquance a augmenté de 17 %. Depuis 2002, elle a baissé de 15 % et la délinquance de voie publique de 30 %. Le préfet de police et ses personnels doivent en être particulièrement félicités et remerciés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour le stationnement automobile, c'est certainement vrai !
M. Philippe Goujon. Vidons tout de suite une mauvaise querelle. Si cette évolution a été possible, c'est parce que le ministre de l'intérieur a su donner un contenu à la police de proximité.
M. Jacques Mahéas. Ah bon ?
M. Guy Fischer. Aux Minguettes, il l'a supprimée !
M. Philippe Goujon. Je ferai un peu d'histoire : c'est le gouvernement d'Édouard Balladur qui, par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, présentée par notre collègue Charles Pasqua, a décidé de passer d'une police d'ordre à une police de proximité.
Si sa mise en place, à partir de 1999, n'a eu aucun des effets escomptés, c'est parce que les effectifs nécessaires ont manqué, parce que la théorie du policier généraliste, idéalisée au colloque de Villepinte, s'est révélée être un mythe, parce que la police judiciaire a été sacrifiée et que les missions des îlotiers ont été dévoyées.
M. Guy Fischer. Contrevérités !
M. Philippe Goujon. Il est donc faux de dire que la police de proximité a été abandonnée. C'est exactement le contraire qui s'est produit puisque c'est l'actuel ministre de l'intérieur qui lui a donné une réalité. (Exclamations et hilarité sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. À Paris, vous devez rester dans les salons ! Même le ministre rigole !
M. Philippe Goujon. Le dispositif législatif adopté et mis en oeuvre depuis 2002 a permis de traiter tous les aspects de la délinquance. Il constitue en effet un ensemble cohérent de mesures de lutte contre l'insécurité, parachevé par le texte que nous examinons aujourd'hui, et qu'aucun gouvernement, je le répète, n'avait présenté jusqu'alors. Seul l'éloignement momentané de Nicolas Sarkozy du ministère de l'intérieur l'aura retardé.
Ce qui fait l'intérêt de ce texte dans le domaine de la prévention, c'est qu'il tourne résolument le dos à l'idéologie et qu'il dépasse, en particulier, le vieux clivage entre prévention et répression.
Les mesures pragmatiques qu'il contient ont été élaborées sur la base d'un diagnostic établi par les acteurs de terrain, à partir des préoccupations qui sont véritablement les leurs au quotidien, afin de les traiter en dehors de tout esprit de système.
Mme Éliane Assassi. Il nous fait du sous-Sarkozy !
M. Philippe Goujon. Au coeur du nouveau dispositif, le Gouvernement a placé le maire comme animateur et coordinateur, sans pour autant en faire un shérif ou un procureur. Nombreux sont ceux qui le suggéraient depuis longtemps, sans oser le faire. Ce gouvernement le fait !
Cette démarche est rendue en effet nécessaire par l'évolution même de la délinquance.
M. Jacques Mahéas. C'est un peu tardif !
M. Philippe Goujon. Nous sommes en particulier passés d'une délinquance d'appropriation à une violence gratuite. C'est vrai : s'il subsiste un domaine où la situation s'aggrave, c'est celui des violences aux personnes, plus spécifiquement commises, d'ailleurs, dans la sphère familiale. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Cette augmentation des violences non crapuleuses relève d'un véritable phénomène de société. Elle est d'ailleurs deux fois plus importante que celle des violences crapuleuses. Ces faits sont très difficiles à appréhender par la police : ces violences se produisent en effet dans des lieux où la police n'intervient traditionnellement pas.
Il est donc indéniable que l'effort doit aujourd'hui porter sur ces violences intrafamiliales et conjugales, question dont la Haute assemblée s'est déjà saisie, comme le rappelait M. Hyest, et au sujet de laquelle le Gouvernement propose des mesures complémentaires.
À défaut de profonds changements, notre pacte social est menacé d'explosion. La proximité, avec le rôle confié aux maires, le travail en réseau, l'exigence d'une présence sur le terrain des délégués de l'État et la responsabilisation des personnes sont des mesures qui vont dans le sens souhaité.
La prévention est évidemment le moyen par excellence de lutte contre la délinquance, mais encore faut-il savoir ce qu'est précisément cette prévention.
M. Maurice Cusson, célèbre criminologue canadien, nous en donne une définition pertinente : « La prévention de la délinquance consiste en l'ensemble des actions non coercitives sur les causes des délits dans le but spécifique d'en réduire la probabilité ou la gravité. » La prévention, dès lors, ne trouve justification que dans ses résultats.
C'est pourquoi l'évaluation du dispositif de prévention de la délinquance initié par ce projet de loi mérite une véritable application.
En nous appuyant trop longtemps sur une présupposée responsabilité de la société, nous nous sommes interdits de travailler sur le comportement humain et, par conséquent, sur la responsabilité individuelle.
Le grand criminologue que je citais démontre pourtant que ce n'est pas la société qui transforme un enfant, puis un adolescent, en voyou : non, c'est en lui-même qu'il faut trouver les causes d'un comportement déviant,... (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Ce que vous dites est scandaleux !
M. Philippe Goujon. ...c'est en lui qu'il faut stimuler les facteurs de sociabilisation...
Mme Éliane Assassi. C'est populiste et réactionnaire !
M. Philippe Goujon. ...qui peuvent lui faire abandonner des tendances à la violence et à l'agressivité.
M. Jacques Mahéas. On n'a entendu cela qu'en 1939-1945 !
M. Philippe Goujon. Au titre de cette prévention développementale, une expérience menée à Montréal - et l'on est bien loin de ce que vous rappelez de façon scandaleuse, puisqu'il s'agit du Québec des années 80, exemple que vous citez souvent - une expérience donc, associant parents, enfants et enseignants, a démontré que plus les comportements violents sont précocement décelés (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), plus il est aisé d'y porter remède et d'obtenir des résultats significatifs. Tournez-vous vers vos homologues socialistes québécois, mes chers collègues !
C'est également la raison pour laquelle il est si primordial de lutter contre l'absentéisme scolaire, dont l'ampleur révèle un problème de fond : 1 200 000 élèves sont absents chaque jour.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !
M. Philippe Goujon. C'est d'abord dans l'intérêt des enfants que tout doit être mis en oeuvre pour qu'un enfant de six ans ne développe pas une trajectoire personnelle qui le conduirait à basculer, à l'adolescence, dans la violence chronique et la délinquance d'habitude.
La détection des troubles du comportement chez l'enfant est donc un préalable à toute mesure. Il ne s'agit pas de stigmatisation ni de fichage : de tels propos relèvent de la manipulation politique.
Il faudra créer une chaîne continue du suivi de la santé des enfants et prévoir, bien sûr, l'intervention des professionnels concernés, des travailleurs sociaux, comme le prévoit d'ailleurs la loi relative à la protection de l'enfance et comme le préconise le rapport sur la sécurité des mineurs de notre excellente collègue Mme Hermange.
Au cours des auditions auxquelles la commission des lois a procédé avec l'excellent rapporteur M. Lecerf,...
M. Jean-Pierre Sueur. Tout le monde est excellent sauf les socialistes !
M. Philippe Goujon. ...les représentants des syndicats de police se sont alarmés du sentiment d'impunité quasiment général qui anime aujourd'hui les mineurs délinquants.
Une évidence s'impose en effet : l'ordonnance de 1945 n'impressionne pas plus l'actuel mineur délinquant qu'elle ne dissuade ceux qui hésiteraient à basculer dans la délinquance de peur de la sanction, de sorte que la délinquance des mineurs a augmenté de 80 % en 10 ans, ce qui constitue un beau résultat... Qui plus est, les mineurs en cause sont de plus en plus jeunes et violents.
Un dernier fait atroce, il y a quelques jours, atteste cette vérité : des adolescentes barbares du centre de formation professionnel pour jeunes en difficulté de la Ville de Paris situé dans les Yvelines ont torturé et violé une de leurs camarades de quatorze ans.
Mme Éliane Assassi. Cessez de prendre des cas particuliers pour des généralités !
M. Philippe Goujon. Il n'est pas rare d'avoir affaire à un mineur de quinze ans qui soit déjà « hyper-récidiviste »...
Dans ces conditions, la réforme de l'ordonnance de 1945 que porte ce projet de loi est hautement salutaire.
N'en doutons pas cependant, mes chers collègues, il nous faudra à l'avenir procéder à une réécriture complète de cette ordonnance, tant elle est devenue illisible, en la fusionnant avec l'ordonnance de 1958, comme le préconise M. Alain Bauer, que nous avons auditionné.
Puisque les mineurs d'aujourd'hui ne sont plus les enfants d'hier, c'est aussi à une profonde réforme de la justice des mineurs et de la protection judiciaire de la jeunesse qu'il faudra s'atteler.
Si elle doit rester fondée sur des mesures éducatives, une politique de prévention de la délinquance des mineurs doit faire une place beaucoup plus grande à la responsabilisation. C'est tout le sens de l'avertissement solennel et de l'obligation de réparer le dommage causé que prévoit ce projet de loi.
Enfin, la rapidité de la réponse importe tout autant que son contenu. Aussi, la procédure de jugement immédiat ou quasiment immédiat doit pouvoir être décidée, afin d'éviter que, comme dans certains tribunaux, 70 % des jugements ne soient prononcés alors que le mineur est devenu majeur.
Impliquant fortement les adolescents, la politique de lutte contre la toxicomanie mérite d'être largement rénovée : il faut rendre la loi efficace et dissuasive.
Tel n'est évidemment pas le cas aujourd'hui.
La loi de 1970 n'est pas appliquée parce qu'elle est dépassée. La France détient d'ailleurs le record de consommation de cannabis chez les mineurs.
Ce sont maintenant deux jeunes de dix-huit ans sur trois qui fument ou ont fumé du cannabis, et le nombre de fumeurs quotidiens a triplé en dix ans !
M. Charles Gautier. Tiens, ça a augmenté depuis ce matin !
M. Philippe Goujon. Les parents ont quelque raison d'être désemparés, quand ils apprennent que leurs enfants connaissent leur premier contact avec le cannabis à treize ans en moyenne, et ils sont proprement effrayés si l'on ajoute que ce contact se produit quelquefois dès neuf ans.
Nous avons une des législations les plus répressives d'Europe. Pourtant, chacun le sait, une impunité de fait prévaut. À 100 000 interpellations annuelles ne correspondent que 4 000 condamnations !
Qu'il s'agisse de la création d'un stage de sensibilisation aux dangers de la drogue ou du recours à l'ordonnance pénale, les mesures proposées sont concrètes.
Ne doutons pas, toutefois, qu'il ne nous faille aller plus loin encore, pour refonder complètement notre politique de lutte contre la toxicomanie.
Pourquoi ne pas mener jusqu'à son terme la logique des mesures que propose le Gouvernement, en faisant franchement le choix de la contraventionnalisation ? Cette question a été évoquée par un des orateurs qui m'ont précédé et je suis prêt à en débattre.
Les deux premières interpellations pour usage simple pourraient faire l'objet d'une contravention de la cinquième classe et, après deux contraventions en moins de 24 mois par exemple, toute infraction du même chef constituerait de nouveau un délit passible du tribunal correctionnel.
Tout en permettant à la loi symbolique de retrouver tout son sens et de fournir repères et règle du jeu, un tel système permettrait de sortir réellement de l'hypocrisie actuelle, qui consacre l'affaiblissement de la sanction pénale.
La politique de prévention de la délinquance est une politique globale : elle ne se contente pas d'agir sur les effets mais traite les causes en profondeur.
C'est pourquoi il est important que tous les acteurs concernés - élus, policiers, magistrats, parents, enseignants, travailleurs sociaux... - puissent travailler ensemble. La prévention de la délinquance est, par essence, pluridisciplinaire.
D'aucuns au sein de la Haute assemblée, sans doute un peu frileux, n'ont cessé de répéter que ce texte allait trop loin. D'autres lui reprocheraient peut-être sa tiédeur.
Dans le contexte actuel, pourtant, il s'agit sans doute du meilleur texte qui pouvait nous être présenté. En ce sens, il constitue un texte fondateur, comme l'affirmait tout à l'heure M. le ministre de l'intérieur.
C'est cependant la grande échéance à venir qui sera sans nul doute l'occasion du vaste débat au cours duquel bien des questions qui nous paraissent encore taboues devront faire l'objet de réponses qui amplifieront encore la rupture nécessaire, amorcée aujourd'hui par ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Gisèle Gautier applaudit également. )
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais en préambule témoigner de ce que fut ma surprise à la lecture du projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.
J'observe d'abord que ce texte contient plusieurs volets liés à la délinquance : ils y sont mélangés, pêle-mêle, ce qui, avouons-le, n'en favorise ni la lisibilité ni a fortiori la cohérence.
J'ai été surprise à double titre : en ma qualité de parlementaire d'une part, mais également en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes.
À cet égard, je rappellerai en effet que nous avons longuement débattu de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples - adoptée à l'unanimité des présents - il y a seulement cinq mois.
Je n'interviendrai ce soir que sur ce dernier point.
Si peu de temps après ce débat, voilà que, parmi les mesures aujourd'hui proposées, mesures d'une tout autre nature, nous devons examiner deux articles de ce projet de loi, les articles 15 et 16, qui visent à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes.
Je constate et je m'étonne que les esprits aient à ce point évolué en quelques mois : ce qui, selon le Gouvernement, n'était pas susceptible de figurer dans la loi du 4 avril 2006, peut apparaître dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui.
M. Claude Domeizel. Très bien !
Mme Gisèle Gautier. Je ne fais que m'interroger.
Je pourrais bien sûr m'en féliciter, d'autant plus que j'ai la faiblesse de penser que les débats de l'époque, largement influencés par les travaux de la délégation, ont contribué à faire avancer la question.
Je regrette toutefois - vous l'aurez compris - que la lutte contre les violences faites aux femmes n'ait pu faire l'objet d'un seul et même texte, d'un texte spécifique, la loi du 4 avril 2006 ayant été publiée au Journal officiel il y a peu, et que de nouvelles modifications du code pénal se soient encore révélées nécessaires.
Je reviendrai à présent sur l'article 15. Il vise à sanctionner spécifiquement les violences habituelles, qu'elles soient physiques ou psychologiques, commises par le conjoint, le concubin ou le partenaire de PACS de la victime. Il prévoit une aggravation supplémentaire des peines applicables en cas de violences au sein du couple.
Toutefois, et contrairement à ce que semble indiquer l'exposé des motifs du projet de loi, les « ex », anciens conjoints, anciens concubins et anciens partenaires de PACS, ne seraient pas concernés par ce nouveau dispositif. Je proposerai donc, par amendement, que celui-ci leur soit étendu. On constate en effet que ce sont très souvent les anciens conjoints qui sont les plus violents.
L'article 15 rend également possible la condamnation à un suivi socio-judiciaire des auteurs de violences au sein du couple, qu'il s'agisse donc du conjoint, du concubin ou du partenaire de PACS de la victime.
Cette disposition permettra notamment de les soumettre à une injonction de soins. Je proposerai également un amendement tendant à en étendre la portée aux « ex ».
L'article 16, nous en avons longuement parlé, vise à délier du secret médical le médecin qui apprendrait que la victime a été l'objet de violences commises par son conjoint, son concubin, son partenaire de PACS ou son « ex ».
Le médecin n'aura ainsi plus besoin de l'accord de la victime pour porter ces violences à la connaissance de la justice.
Il s'agit là, me semble-t-il, d'une disposition importante car, bien qu'ils jouent un rôle fondamental pour prévenir et combattre les violences conjugales, les médecins restent trop souvent impuissants face à ce phénomène, comme ils l'ont affirmé lors de leurs auditions.
Même si la patiente accepte de leur parler, elle souhaite généralement que ses propos soient couverts par le secret médical. À cet égard, l'article 16 devrait contribuer à mieux appréhender le phénomène des violences au sein du couple et, surtout, à le sanctionner beaucoup plus efficacement.
L'article 16 permet également aux associations concernées de se constituer partie civile en cas de provocation par voie de presse à la commission d'agressions sexuelles par le conjoint, le concubin ou le partenaire de PACS de la victime. Nous avons également rencontré et auditionné ces associations.
L'ensemble de ces mesures constitue sans doute une nouvelle avancée pour mieux lutter contre les violences faites aux femmes, d'autant plus que certaines de ces mesures - je pense en particulier à la sanction des violences habituelles -donnent suite aux recommandations que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes avait formulées à l'occasion de l'examen des propositions qui ont abouti à la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
Nous avions alors longuement débattu de l'incrimination des violences habituelles. Le rapporteur de la délégation, M. Jean-Guy Branger, avait défendu, avec la passion que nous lui connaissons, l'idée de cette incrimination. L'un des amendements qui soulevaient cette question, certains s'en souviennent, n'avait été repoussé que d'une voix.
Nous déplorons unanimement l'actuelle inflation législative et, me semble-t-il, nous aurions d'emblée pu faire l'économie de ce nouveau débat sur des points déjà évoqués. Les juristes nous font en permanence remarquer que les mesures législatives s'amoncèlent.
Je souhaiterais toutefois conclure sur une note positive, en ne retenant que l'essentiel : l'incrimination de violences habituelles pourra désormais être spécifiquement appliquée aux violences au sein du couple, si le Sénat accepte d'approuver cette nouvelle disposition.
Mes chers collègues, je jugerai sur pièces, c'est-à-dire en fonction de votre vote, en formulant le voeu que, dans le cadre de la discussion d'un nouveau texte, nous ne soyons pas amenés à modifier dans quelques mois ce que l'on nous propose d'adopter aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi dit de « prévention » de la délinquance. Or de « prévention » il ne s'agit guère, voire pas du tout, comme en témoignent les journaux, par exemple Le Parisien d'aujourd'hui à propos d'actes barbares d'adolescentes. On peut lire en effet : « Mineurs délinquants : vers des sanctions plus sévères ». Il s'agit d'un texte de répression, dans la droite ligne de la loi de sécurité intérieure, la LSI, votée voilà seulement trois ans, en 2003.
S'agissant de la forme, je commencerai, monsieur le ministre, par vous féliciter. Associer, pour l'élaboration de ce projet de loi, le ministère de l'intérieur à ceux de la justice, de la santé, des collectivités territoriales, de la famille est une bonne chose. Je relève cependant une grave lacune : pourquoi ne pas avoir élargi cette collaboration au ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ?
M. Jean-Patrick Courtois. Et pourquoi pas au ministère des affaires étrangères ?
M. Jacques Mahéas. Très franchement, mon expérience de terrain est manifeste. Bien évidemment, la délinquance se nourrit, notamment, du chômage...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et comment !
M. Jacques Mahéas. ...et des mauvaises conditions de logement. Le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, s'il avait été là, aurait sans doute pu nous expliquer que la situation de l'emploi s'améliore. Nous lui aurions rétorqué que, malheureusement, le nombre de RMIstes a augmenté de 2,4 % de juin 2005 à juin 2006.
Par conséquent, même sur la forme, vous auriez pu mieux faire !
Par une manière de bégaiement étrange, M. Sarkozy revient cette année sur ses propres lois, qu'il s'agisse d'immigration ou de délinquance. Est-ce parce que vous en constatez l'échec retentissant ou parce que l'antienne sécuritaire a valeur de tract électoral ? Toujours est-il que la copie, une fois corrigée, manque encore son but. Après les prostituées, les mendiants et les squatteurs de halls visés par la LSI, vous prenez pour cible les familles en difficultés sociales, les consommateurs de stupéfiants ou les malades mentaux, en faisant peser sur ces populations fragiles une surveillance accrue.
M. Guy Fischer. C'est de la stigmatisation !
M. Jacques Mahéas. Vous cherchez à nous enfermer dans un débat idéologique, où nous serions de doux rêveurs « droits de l'hommistes ». Or ce débat a fait long feu.
C'est au nom du pragmatisme que nous récusons vos mesures. C'est au nom de l'expérience de terrain que nous savons déjà qu'elles seront inefficaces et même contre-productives.
Depuis près de trente ans, je suis maire d'une commune de Seine-Saint-Denis, Neuilly-sur-Marne, le Neuilly du 9-3. Le 5 septembre dernier, lors d'une réunion de notre commission, M. Sarkozy indiquait que la délinquance de voie publique avait diminué de 24 %. J'affirme avec force que ces chiffres ne sont pas fiables. L'OND, l'Office national de la délinquance, où je siège, constate que l'informatisation des mains courantes n'est pas réalisée. On nous la promet certainement au lendemain de l'élection présidentielle !
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui ! Comme l'augmentation du prix de l'énergie !
M. Jacques Mahéas. Selon les chiffres communiqués aux maires de Seine-Saint-Denis, presque toutes les communes de ce département ont vu, ces huit derniers mois, cette délinquance non pas baisser, mais augmenter ! Par exemple, à Neuilly-sur-Marne, elle s'est accrue de 14, 9 % ! Il est vrai que c'est un département sacrifié : il manque cinq cents policiers, dont vingt au commissariat de Neuilly-sur-Marne.
Même Le Figaro du 18 août dernier le rappelle, « les violences ont augmenté de 7,15 % d'août 2005 à juillet 2006 -vous ne le contestez d'ailleurs pas - atteignant leur plus haut niveau en un an, sur fond de délinquance générale quasiment stable, selon les statistiques mensuelles publiées [...] par l'Office national de la délinquance ». Voilà la vérité ! Il était nécessaire que je puisse la rétablir.
Je vis donc le quotidien d'une banlieue cataloguée « difficile ». À ce titre, je suis très inquiet concernant les nouvelles prérogatives accordées aux maires, qui plus est sans moyens supplémentaires. Ce n'est pas sans raison que la presse a pu les qualifier de « maires shérifs » ou de « maires fouettards » ! En effet, de manière insidieuse, le maire devient un agent de contrôle social des plus démunis, ce qui ne fera qu'entraîner confusion et défiance.
J'illustrerai cette confusion par l'exemple du défaut d'assiduité scolaire. L'éducation nationale peut déjà avoir sa propre action, voire faire un signalement à l'aide sociale à l'enfance ou à l'autorité judiciaire.
Or, récemment, vous avez ajouté à ce dispositif le contrat de responsabilité parentale, qui est placé sous l'égide du président du conseil général. Désormais, ce contrat pourra être préconisé par le maire dans le cadre du tout nouveau conseil des droits et des devoirs des familles. Comment comptez-vous coordonner tous ces intervenants ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sera la pagaille !
M. Jacques Mahéas. Si le risque de confusion est évident, ces mesures susciteront par ailleurs la défiance des personnes les plus fragiles. C'est gravement méconnaître la vie des quartiers définis comme sensibles que de vouloir légiférer sur ce qui ne fonctionne justement que dans un cadre informel, au cas par cas, grâce aux liens que tisse le maire avec la population.
Quand un maire se déplace dans les cités, ce n'est pas par exception, à grand renfort de caméras, pour y faire des déclarations fracassantes.
M. Charles Gautier. Effectivement !
M. Jacques Mahéas. Il vit au contact de ses habitants, il les écoute et tâche d'apporter des réponses à leurs difficultés. Parfois, il se fait pompier, quand d'autres ont été pyromanes ! Lors des émeutes urbaines de l'automne dernier, les maires ont joué un rôle d'apaisement essentiel, ne ménageant pas leur peine.
Nous ne refusons pas les responsabilités. Nous récusons de nouveaux pouvoirs inefficaces et octroyés sans moyens, alors que la sécurité, ne l'oublions pas, est du devoir de l'État.
Je ferai encore appel à mon expérience pour évoquer un autre point, les hospitalisations sous contrainte. Ma commune comporte en effet deux hôpitaux psychiatriques.
Sur le fond, il est inacceptable que cette question affleure dans un texte traitant de la délinquance. Quel amalgame préjudiciable que cette approche sécuritaire de la maladie mentale ! La création d'un fichier national recensant les personnes hospitalisées d'office stigmatise ainsi ces malades comme autant de suspects a priori, alors qu'il n'existe évidemment pas de corrélation entre la maladie mentale et le passage à l'acte délinquant. Quel usage sera fait d'un tel fichier ?
Il s'agit d'une question de santé publique. Les malades et leurs familles méritaient une véritable révision de la loi du 27 juin 1990, qui attend, depuis onze ans, d'être évaluée !
Au surplus, le maire est encore mis à contribution, en devenant le responsable en première intention de toutes les hospitalisations d'office, parfois sur simple avis médical. C'est faire peser sur lui une responsabilité fort lourde...
Je pense l'avoir brièvement mais suffisamment illustré : les mesures proposées ne sont que des mesures d'affichage et le pragmatisme dont elles se réclament n'est que de façade.
Votre texte, monsieur le ministre, dessine en creux un modèle de société où l'obsession sécuritaire fait de la répression, qui ne s'en prend qu'aux symptômes, une fin en soi. Or, pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, la prévention, comme son nom l'indique, doit se faire en amont.
Croyez-en un maire de banlieue, il n'est pas bon d'agiter la défiance ! Les bons résultats que nous obtiendrons sur le terrain consacreront toujours une prévention précoce et continue, une politique globale, à la fois dissuasive, éducative et sociale.
Pour ces raisons, monsieur le ministre, nous ne pouvons absolument pas approuver ce texte, qui, je l'espère, aura très peu de mois d'application et nous saurons y revenir ! Il s'agit véritablement d'un affichage électoral, les Français le comprendront certainement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons un projet de loi qui, à la suite de plusieurs volets législatifs touchant à la sécurité, à l'ordre public et à la lutte contre l'immigration clandestine, vient mettre un point d'orgue à trois ans de labeur. Je suppose cependant qu'il ne sera pas le dernier.
Ce texte entend porter remède à la délinquance, en amont, dès le plus jeune âge, et adapter un certain nombre de dispositifs, tant de détection des conditions qui favorisent la délinquance que de coordination de l'action publique et de sanction des délinquants.
Est-il besoin de s'appesantir sur les violences urbaines du mois de novembre 2005 ? Elles stigmatisaient un état de la nation. Touchant plus de deux cents villes, leur coût n'est toujours pas évalué, mais la facture, pour les contribuables, risque d'être lourde. Pour un État de droit et pour un régime républicain, ce climat de véritable guérilla urbaine faisait peine.
Oui, les faits, la réalité, ont l'agaçante vertu de poursuivre leur cours, d'être constatables et de ramener chaque homme de bon sens et de volonté à l'exercice du bon vieux principe de non contradiction. Le cours réel de notre pays, monsieur le ministre, vous le savez, vous nous l'avez dit, montre qu'il est dans une situation alarmante du point de vue de la délinquance et que celle-ci commence à des âges de plus en plus jeunes.
Tous les professionnels, notamment les avocats pénalistes, savent que, depuis quarante ans, la sociologie délinquante a changé.
Mme Éliane Assassi. Tout a changé depuis quarante ans !
M. Jacques Peyrat. Ils apprennent, auprès de leurs jeunes clients, avec lesquels ils parlent afin de pouvoir les défendre, qu'il y a un monde entre la façon dont ils perçoivent notre pays et ce que nous percevons nous-mêmes et que nous voulons leur apprendre.
Ce projet de loi a l'ambition d'apporter de la cohérence aux actions de prévention, de traitement et de sanction de la délinquance, en affinant la coordination entre les divers intervenants que sont le maire, le préfet, la justice, le département et la région. Il s'agit d'une bonne initiative.
L'affirmation, à l'article 1er, du rôle prépondérant du maire comme coordonnateur des actions visant à prévenir et à traiter cette forme de délinquance ne peut que réjouir un maire, même s'il n'est pas un maire de grande ville. En effet, dans les grandes villes, nous avons la police, la gendarmerie, la police municipale, les contrats locaux de sécurité et les conseils de prévention de la délinquance. En revanche, dans les villages ou les petites villes qui font partie de ma communauté d'agglomération, on ne trouve aucune présence policière et ils sont éloignés du tribunal de grande instance et du procureur. Le maire y assume déjà, de fait, un rôle, qu'il est bon de renforcer.
De même, il est intéressant que le maire puisse désigner un travailleur social, interlocuteur unique de la famille, comme il est heureux qu'il puisse saisir la caisse d'allocations familiales, afin d'examiner, le cas échéant, la mise sous tutelle des allocations familiales.
Monsieur le ministre, j'attire toutefois votre attention sur le point suivant : il convient de préciser le plus possible les contours des prérogatives du maire dans cette coordination.
M. Charles Gautier. C'est sûr !
M. Jacques Peyrat. En effet, il est nécessaire de prévenir tout conflit éventuel, susceptible de naître entre les différents intervenants : le préfet, qui arrête un plan de prévention ; le conseil général, qui intervient dans l'aide sociale ; les communautés d'agglomération ou de communes, qui mettent en place des contrats locaux de prévention ; le conseil régional, qui agit sur la formation et sur la sécurisation des transports ; enfin, naturellement, l'autorité judiciaire, dans son rôle de sanction, mais aussi d'aide à la prévention.
Les maires ne peuvent que se réjouir des facilités mises en place en matière de gestion urbaine immobilière. Elles seront des aides précieuses pour prévenir les conditions dans lesquelles la délinquance des plus jeunes peut se développer.
Sur le volet touchant à la responsabilité des familles, je voudrais, monsieur le ministre, non pas exprimer une réserve, mais lancer un appel à la prudence. En effet, on ne rétablira pas l'autorité parentale si on ne la responsabilise pas. L'aide sociale est une matière délicate et il faut saluer les efforts des personnes qui y sont engagées. Il faut, en particulier, éviter que l'État, la commune, les services sociaux, etc. ne soient tentés de se substituer en tout et pour tout aux parents.
Les mesures que vous proposez vont dans le bon sens, mais, je le répète, l'assistance doit être un soutien destiné à permettre aux parents de recouvrer le plus tôt possible le sens de la responsabilité et, partant, leur autonomie.
Bien entendu, je me réjouis que la loi prévoie de permettre à des associations de saisir la justice en cas de provocation, voire d'incitation par voie de presse à la violence, sexuelle ou autre. Il suffit de se rendre dans n'importe quel point de vente de journaux pour s'apercevoir que la pornographie s'étale ostensiblement.
Toujours sur le même sujet, je voudrais souligner la prolifération alarmante, que j'ai constatée dans les maisons d'arrêt que je fréquente, du phénomène appelé « gothique » et se revendiquant souvent comme « sataniste ». Les publications, les musiques et les textes hyperviolents - incitations au meurtre, au suicide, à des actes de barbarie, aux profanations de sépulture - sont diffusés à de jeunes adolescents jusqu'alors sans problème.
Nous devons prendre la mesure de ce phénomène, car de telles images, de tels mots d'ordre, ne sont pas neutres ; ils ne peuvent que contribuer, à un âge où les jeunes cherchent leur place, à exciter des comportements délinquants qui pourraient devenir criminels.
Moderniser la lutte contre les messages violents passe par une prise en compte sérieuse de ces réalités, qui ne sont pas anodines.
Pour ce qui regarde le traitement de la délinquance, le renforcement de la sanction accompagnée de l'éducation et de la réparation des préjudices causés, le texte est équilibré et n'appelle, de ma part, aucune critique.
Monsieur le ministre, maîtriser la délinquance, notamment juvénile, est une impérieuse nécessité. En effet, un pays qui constate que sa jeunesse est violente, déprimée, sans illusion, voire sans espoir sur le monde dans lequel elle va devoir entrer,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel tableau !
M. Jacques Peyrat. ...est un pays gravement malade, un pays en crise qui ne saurait pas protéger l'innocence et insuffler l'espérance génératrice de confiance en soi-même d'abord puis dans les autres.
La crise que traverse notre pays est aussi une crise de l'autorité. C'est un constat partagé par une large part des responsables politiques, de droite comme de gauche. Il est évident que l'on doit réapprendre ce pivot de toute éducation, que ce soit dans la cellule familiale, à l'école ou sur les lieux de travail. C'est ainsi que l'on bâtit une cité vivable dans le respect de tous et de chacun.
Bien des dispositifs ont déjà été pris par le passé pour essayer de lutter. Les politiques de la ville se sont succédé avec des résultats parfois bons, parfois médiocres. La Cour des comptes s'en est d'ailleurs émue à plusieurs reprises. Je crois qu'il nous faut conserver la vigilance que nous devons avoir quant à l'utilisation de l'argent public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh oui, on est d'accord !
M. Jacques Peyrat. Pour conclure, monsieur le ministre, je me réjouis qu'un certain nombre de responsables de notre pays prennent la mesure de la gravité de la crise que traverse notre nation. C'est la raison pour laquelle je souscris pleinement à votre volonté, par ce projet de loi, de porter tous remèdes utiles à un aspect préoccupant de cette situation qu'en deux minutes j'ai essayé de suggérer. Je vous en félicite et, à la petite place qui est la mienne, j'y contribuerai en m'associant à tout ce qui permettra d'affiner le texte...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe aïe aïe !
M. Jacques Peyrat. ...qui nous est présenté.
Enfin, je souhaite que ce texte permette à la France de redevenir une société plus sûre d'elle-même, fière de son passé peut-être, mais préoccupée de son présent et de son avenir, une France surtout plus sereine, qui puisse s'enorgueillir de proposer de l'espoir à sa jeunesse, grâce à des conditions réelles d'espérer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on voudrait nous faire croire que la majorité des maires sont demandeurs de pouvoirs supplémentaires en matière de prévention de la délinquance et satisfaits du présent texte. C'est évidemment faux !
M. Jacques Peyrat. Non !
M. Pierre-Yves Collombat. La seule disposition de ce texte qui est appréciée par les associations d'élus, à commencer par l'Association des maires de France, est d'ordre symbolique : il s'agit de la reconnaissance du rôle de fédérateur et de coordinateur du maire dans la prévention de la délinquance. Là, je dois avouer que c'est bien joué !
Cela dit, sans moyens humains ou financiers nouveaux,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Arrêtez, il y en a plein !
M. Pierre-Yves Collombat. ...sans la capacité de peser sur les décisions de ses multiples partenaires qui continuent à fonctionner selon leur logique et leurs objectifs propres, que pourra faire de plus le pilote, même avec sa combinaison toute neuve ?
Les maires sont certes en première ligne, mais pour recevoir les balles ! En effet, l'État conserve entièrement la définition des politiques de prévention, des politiques répressives - modalités d'intervention des forces de police, objectifs de celles-ci, politique pénale, etc. - et conserve aussi l'usage des moyens dont il dispose.
Pour l'essentiel, les maires - à commencer, là encore, par l'Association des maires de France - demandent que les nouveaux dispositifs prévus par ce texte, tel le conseil pour les droits et devoirs des familles, soient facultatifs, ce qui n'est pas le cas.
Ils ne sont surtout pas d'accord, à la quasi-unanimité, avec la confusion des genres et des fonctions générée par ce texte. Comme le dit le maire de Chanteloup-les-Vignes, qui est quand même un praticien, il ne faut pas faire du maire un juge de proximité ! Voila le problème fondamental posé par ce texte.
En effet, si, comme l'a rappelé tout à l'heure mon collègue Mahéas, le maire peut jouer un rôle central dans la prévention de la délinquance, c'est parce qu'il est perçu non comme un rouage de l'appareil d'État - sauf peut-être, comme l'a dit tout à l'heure le ministre de l'intérieur, dans certains quartiers de banlieue qui ne sont pas, et c'est heureux, la France entière -, mais comme le représentant de la collectivité, de sa volonté et de ses valeurs partagées. Telle est la spécificité d'où il tient son efficacité propre.
En le transformant en auxiliaire de la police ou de la justice, comme le fait le présent projet de loi, on lui ôte cette spécificité : pouvoir tenir, avec les intéressés et leurs familles, un discours face à face, un discours d'« éducateur », au sens classique et le plus fort du mot, qui ne se prive pas d'utiliser la sanction, tout en sachant lui donner un sens. C'est seulement en cas de faillite de cette approche informelle et directe que doit intervenir l'institution. C'est l'efficacité de celle-ci qui est en cause, pas le rôle du maire.
Le formalisme et le caractère institutionnel des conseils pour les droits et devoirs des familles ôteront à ces derniers l'efficacité de ce rapport direct avec l'élu. Quant aux rappels à l'ordre, les maires les pratiquent sans formalisme quand ils les jugent nécessaires et efficaces.
Je prendrai un exemple, mais toute ressemblance avec des personnes existantes serait évidemment fortuite... Imaginons que le fils de l'un de mes administrés, le docteur Gynéco (Sourires), tague ma mairie avec : « J'kiffe quand les keufs cannent ». (Nouveaux rires.) Certes, comme le président de notre commission l'a rappelé tout à l'heure, je devrais - article 40 du code de procédure pénale - saisir le procureur de la République.
M. Jean-Patrick Courtois. Effectivement !
M. Pierre-Yves Collombat. Tracer des inscriptions sans autorisation sur une façade est un délit - article 322-1 du code pénal.
S'agissant d'un primo-délinquant - qui, de plus, a des relations ! -, je peux aussi préférer le faire venir avec son père, lui passer un savon, lui expliquer qui sont les keufs, à quoi ils servent, lui expliquer peut-être, accessoirement, les règles de grammaire, et lui dire aussi qu'il lui reste à choisir entre le procureur et l'effacement, séance tenante, de ses inscriptions.
L'action du maire tire son efficacité de cette absence de formalisme et de son apparente extériorité institutionnelle. Supprimer ces deux caractéristiques serait contre-productif.
M. Jacques Peyrat. On ne les supprime pas !
M. Pierre-Yves Collombat. Très concrètement, il convient de conserver au maire sa fonction non institutionnelle en matière de prévention de la délinquance, tout en améliorant son information utile, et non le flux paperassier. Il convient également de conserver au maire sa capacité de saisine des rouages institutionnels, dont c'est le rôle, et, surtout, de renforcer la réactivité de ces derniers. L'essentiel est là.
J'en viens à une autre préoccupation pour les maires qui n'a pas été évoquée, mais qui est essentielle : ce texte étend le champ de leur responsabilité sur le plan pénal.
Les maires sont déjà responsables d'à peu près tout ! Mais le champ de leur responsabilité pénale se trouve encore élargi, d'abord avec les articles 1er et 3, le maire devant animer et coordonner la politique de prévention de la délinquance, puis avec les articles 21 et 22, qui modifient les conditions de l'hospitalisation d'office.
Nécessairement, un jour ou l'autre, un maire sera mis en cause...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
Mme Marie-France Beaufils. C'est évident !
M. Pierre-Yves Collombat. ...pour n'avoir pas rempli ses obligations en matière de prévention de la délinquance. Il n'est nul besoin de beaucoup d'imagination pour prévoir un incendie catastrophique ou un crime, dont l'auteur sera un adolescent bien connu du maire et des services communaux pour son incivisme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le maire ira même en prison !
M. Pierre-Yves Collombat. On recherchera, et on trouvera, des manquements du maire à ses obligations ! (Eh oui ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) On a déjà commencé à inquiéter le maire de Rennes à la suite d'un crime commis dans sa commune !
M. Charles Gautier. Rue de la soif !
M. Pierre-Yves Collombat. Reprenez la jurisprudence ; vous verrez que l'on commence à chercher si le maire a bien rempli ses obligations !
Tant que la question de la responsabilité pénale pour délits non intentionnels des maires ne sera pas réglée, il ne saurait être question pour eux de voir élargir le champ de leurs responsabilités.
Au final, en organisant la confusion des tâches et des responsabilités, ce texte est, pour l'État, un moyen de se libérer des siennes sur le dos des collectivités locales. Sans bourse délier, il donne ainsi l'illusion d'apporter des solutions simples au problème complexe de la délinquance. Mais, après tout, n'est-ce pas le but recherché ?
En cas d'échec, comme c'est probable, confirmer la présence de M. Sarkozy à la tête de l'État n'en sera que plus nécessaire,...
M. Jean-Patrick Courtois. C'est une bonne chose !
M. Pierre-Yves Collombat. ...car il faudra toujours plus de répression. Encore une fois, c'est bien joué, mais personne n'est dupe et surtout pas les maires ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce moment du débat, tout a été dit, dans un sens positif et négatif. Il me reste peu de choses à ajouter !
Je voudrais néanmoins faire deux observations et quatre suggestions pour apporter ma pierre à ce texte qui complète l'ensemble des lois votées depuis quelques années et qui me paraît nécessaire pour sortir de la spirale infernale d'une violence qui s'aggrave et qui, de plus en plus, est le fait de gens plus jeunes.
Première observation, depuis quelques années, il est clair que, pour nous, maires de grandes villes, la violence urbaine a changé de dimension et de sens.
M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur ont opéré une distinction entre la violence pour la violence et la violence crapuleuse. Dans une grande ville comme celle que j'ai l'honneur d'administrer, les statistiques mensuelles attestent une diminution très nette des atteintes aux biens - il y a moins de cambriolages, moins de vols avec effraction, moins de vols de voitures, etc., dans une proportion annuelle de 15 à 20 % - mais une augmentation des atteintes aux personnes. C'est cette dernière forme de délinquance, monsieur le ministre, qui fait s'accroître le sentiment d'insécurité.
M. Jacques Peyrat. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Et ce sentiment qu'éprouvent à la fois les mères de famille, qui n'osent plus faire sortir leurs enfants, les personnes âgées, qui n'osent plus ouvrir leur porte aux fonctionnaires qui viennent y frapper, etc. est préjudiciable aux relations entre les citoyens d'une même ville.
Le présent texte vise à une synthèse. Certains ont voulu y voir un méli-mélo. C'est faux ! Il a pour objet de s'attaquer à certaines causes de la délinquance. J'y vois un avantage majeur : il tente de lutter contre le mal français par excellence, à savoir le cloisonnement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très juste !
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Chacun fait sa petite soupe, sur son petit fourneau, dans son coin. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) Il est clair qu'entre les services sociaux, le département, la commune, la communauté d'agglomération, l'ensemble des structures judiciaires et bien d'autres encore, il faut faire souffler un vent de transversalité. Or le présent texte vise précisément à améliorer les choses en la matière. C'est la raison pour laquelle, à la suite de l'excellent rapport rendu au nom de la commission des lois par M. Lecerf, je le voterai.
Mais je formulerai quatre observations.
Premièrement, il serait absurde que, à l'occasion de l'examen d'un texte aussi important que celui-ci, l'on se régale des conflits de compétences entre le maire et le président du conseil général.
Certains départements comptent deux cent mille habitants et des petites communes ; certains autres comptent un million et demi d'habitants et à la fois de grandes et de petites communes. Quand on a en charge les parents, les enseignants et l'ensemble de ceux qui participent à la vie collective, l'articulation des compétences en matière de prévention et en matière sociale doit être la plus pragmatique possible. Des conventions existent déjà entre le maire et le président du conseil général, plus exactement les services du conseil général - le texte en prévoit d'autres. L'intérêt de faire du maire le pilote de cette opération et l'élément de transversalité de proximité réside dans le fait que, en règle générale, c'est lui-même qui réalise cette opération. Il ne la délègue pas à un chef de service.
M. Jacques Peyrat. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il serait absurde de passer trop de temps à régler ces problèmes de compétences puisque notre pays est un pays diversifié, qui compte à la fois de grands et de petits départements, de grandes et de petites communes, des communes qui depuis plusieurs années, parfois dix ans, ont mis en place avec pragmatisme des systèmes qui fonctionnent bien.
Certaines communes ont signé des contrats locaux de sécurité qui marchent bien. Pour ma part, j'ai même signé un contrat intercommunal avec la Ville de Paris pour protéger mes administrés des méfaits des voyous qui cherchent noise aux supporters des équipes adverses, singulièrement à ceux de Marseille.
Aussi, nous disposons de toute une palette de systèmes. Il n'est pas nécessaire de les quantifier ou de les clarifier. Il n'y aura pas de confusion si, quel que soit leur engagement politique, les gens sont sérieux et travaillent bien.
Deuxièmement, pour que le maire joue efficacement son rôle, « sanctifié » par les articles 1er et suivants du texte, les relations qu'il entretient avec les autorités judiciaires doivent changer de sens et de forme.
Un certain nombre de maires ici présents ont signé au cours de ces dernières années des CLS. J'en avais signé un auquel le département des Hauts-de-Seine est partie prenante- cette particularité avait réglé les problèmes de compétences - et qui prévoyait plusieurs mesures particulières : premièrement, il prévoyait une assistance psychologique dans les commissariats de police pour les mineurs placés en garde à vue ; deuxièmement, il prévoyait l'existence auprès du maire d'une commission pour rappel à l'ordre dans laquelle figurait le chef d'établissement de l'élève concerné, les parents, la police nationale, la police municipale, le délégué du procureur ; troisièmement, il prévoyait que les chefs d'établissement transmettent à la fois à la police et au maire les relevés d'absence significative des élèves, disposition que nous retrouvons dans le texte actuel.
Que s'est-il passé ?
La première mesure a mis trois ans à s'appliquer - mais j'y suis arrivé. Aujourd'hui, les gens se réjouissent que les mineurs en difficulté bénéficient d'une assistance psychologique lorsqu'ils sont placés en garde à vue - une dizaine sont concernés chaque semaine à Boulogne-Billancourt - et que les familles en soient informées. À cette occasion, on peut détecter certains problèmes complexes auxquels sont confrontées les familles intéressées.
S'agissant de la deuxième mesure, le parquet m'a empêché de la mettre en application. Le premier procureur de la République avec qui j'en ai discuté m'a dit que l'incivilité n'existait pas, qu'un délit était matérialisé ou ne l'était pas.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade. Cette conception traditionnelle est parfaitement claire et nette.
Le deuxième procureur avec qui je m'en suis entretenu m'a dit que l'action publique ne se partageait pas.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade. Aussi, n'ayant pu mettre en place le mécanisme prévu, je suis ravi qu'un texte officialise enfin le droit du maire de faire un rappel à l'ordre dès lors qu'une bêtise est commise et qu'il est possible de convoquer tant son auteur, qu'il soit primo-délinquant ou récidiviste, que sa famille ou les victimes - j'observe d'ailleurs qu'on ne parle pas assez des victimes dans ce texte.
M. Jean-Claude Carle. Effectivement !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le garde des sceaux donnera-t-il aux parquets l'instruction de communiquer ces informations ? Mon ami Jean-Marie Bockel a déposé des amendements visant à renforcer l'information des maires, par exemple lorsqu'ils rencontrent des ennuis avec des délinquants majeurs ou mineurs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. À Boulogne-Billancourt, un délinquant a démoli cet hiver un centre d'accueil et d'hébergement pour les sans domicile fixe dont il rançonnait ceux qui venaient s'y nourrir et y dormir. Or le parquet a refusé d'engager des poursuites. Depuis lors, nous avons un contentieux avec lui et je dis solennellement au Gouvernement que les dispositions du présent texte visant à accroître les pouvoirs du maire et le mettant au coeur du dispositif resteront lettre morte si le parquet continue d'être aussi fermé dans ses relations avec les élus. (MM. Jean-Claude Carle et Jacques Peyrat applaudissent.) Cela me paraît essentiel.
Troisièmement, une source d'information considérable nous permettrait d'être beaucoup plus efficaces pour prévenir la délinquance, à savoir la connaissance des mains courantes déposées dans les commissariats de police. C'est grâce à elles que le maire pourrait accomplir son travail dans de bonnes conditions et intervenir dès lors que les faits en question, quoique signes d'un dysfonctionnement, ne donneront pas lieu pour autant au dépôt d'une plainte. Je souhaite donc que, dans le respect bien évidemment des règles de confidentialité, il soit possible d'utiliser intelligemment ces mains courantes.
Une juge pour enfants m'avait dit un jour être prête à s'engager sur cette voie très utile parce qu'il serait alors possible de bien observer notamment la primo-délinquance.
M. Jean-Claude Carle. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Enfin, si le maire, notamment dans les grandes villes ou dans les grandes communautés, est chargé de ce travail de pilotage et de coordination, il faut renforcer les pouvoirs de la police municipale - je suis d'ailleurs d'accord avec les orateurs socialistes : il ne faut pas que le maire soit le premier étage de la judiciarisation...
MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Jean-René Lecerf, rapporteur. On est d'accord !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ce qui va se passer !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Fourcade. ...car ce serait un renversement complet des perspectives et cela lui ôterait tout recul et toute possibilité d'agir sur l'ensemble des éléments.
Il est quand même étonnant, dans un pays comme la France, qui se veut à l'avant-garde en bien des domaines, qu'une caissière de supermarché puisse vérifier les papiers d'identité d'un client alors que cette faculté est interdite à nos agents de police municipale.
M. Jean-Patrick Courtois. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je rappelle que ceux-ci, au terme de formalités, ont fait l'objet d'une déclaration auprès du parquet et du préfet et qu'ils sont assermentés. Malgré tout, ils ne peuvent pas demander l'identité de deux jeunes gens ou de deux voyous qui se battent dans la rue. (MM. Jean-Claude Carle, Jean-Patrick Courtois et Jacques Peyrat ainsi que Mme Gisèle Gautier applaudissent.)
C'est quand même extraordinaire !
En conséquence, il me paraît nécessaire de débloquer les pouvoirs des policiers municipaux, lesquels sont placés sous le contrôle du maire, lui-même officier de police judiciaire, et de leur permettre notamment de vérifier l'identité des gens qui troublent l'ordre public.
Enfin, monsieur le ministre, j'en viens pour conclure à la fameuse question des moyens supplémentaires.
M. Charles Gautier. Il n'y en a pas !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il se trouve que j'ai la chance d'être dans un département dont le conseil général et son président, que chacun connaît ici, ont dégagé des moyens pour améliorer le matériel et l'équipement des polices municipales.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il ne manque pas d'argent !
M. Jean-Pierre Fourcade. Les rapports sont bons entre le département et les communes des Hauts-de-Seine. Je pense qu'il s'agit moins d'un problème de financement supplémentaire que d'un problème de formation complémentaire. Je souhaiterais, monsieur le ministre, puisque vous exercez avec compétence les fonctions de ministre délégué aux collectivités locales, que les attachés et les administrateurs, qui étoffent progressivement nos structures administratives, bénéficient d'une formation à la prévention de la délinquance, à partir de l'observatoire national de la délinquance, à partir de ce que font les parquets, et notamment les formules les plus avancées contenues dans la loi Perben II, tels les groupements interrégionaux de lutte contre le crime organisé - à Bordeaux, j'ai pu examiner durant quelques jours au nom du Sénat le fonctionnement de ces structures qui rassemblent des juges d'instruction, des magistrats du siège et des policiers.
C'est aujourd'hui plus important pour la vie sociale et pour l'équilibre d'une collectivité que beaucoup d'autres matières qui leur sont enseignées. Le texte que vous nous soumettez comprend une série de dispositions importantes tendant à améliorer le fonctionnement de notre société. Mais il y manque un volet consacré à la formation, volet que je voudrais voir ajouter. C'est grâce à la formation de nos agents, notamment des jeunes agents, qu'on pourra renforcer le rôle du maire et donc la prévention de la délinquance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Gisèle Gautier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas à cette heure tardive sur tout ce qui a été dit d'intéressant par les uns et par les autres, en particulier par mes collègues du groupe socialiste.
Je voudrais simplement compléter leur propos en me référant à notre expérience en matière de prévention depuis un certain nombre d'années, spécialement depuis la démarche engagée depuis le colloque de Villepinte à la suite duquel avait été encouragé le renforcement des mécanismes de prévention.
En écoutant notamment Jean-Pierre Fourcade, on mesure combien les expériences peuvent être diverses. Les uns peuvent rencontrer tel type de problème avec le parquet, avec les services de police ou avec d'autres partenaires. Néanmoins, quelles que puissent être ces difficultés, nous sommes nombreux à être très fortement impliqués dans ces démarches de coproduction de sécurité, de renforcement des actions partenariales, de prévention de la délinquance - je pense en particulier aux villes qui sont plus que d'autres touchées par ces questions de délinquance.
Nous l'avons fait avec peu d'éléments d'ordre législatif ou réglementaire. Nous avons agi, expérimenté, échoué ici, réussi là, évalué, corrigé le tir, beaucoup innové assurément. Soit dit en passant, il serait dommage qu'un texte, quel qu'il soit, freine cette démarche, souvent très riche, qui a été la nôtre.
Évidemment, cela m'amène à porter aujourd'hui sur ce texte un regard à la fois pragmatique et critique.
Je dis « oui », comme d'autres avant moi, à la reconnaissance du maire comme pivot des actions de prévention. Et je ne le vis pas comme un piège, puisque cela vient conforter ce que nous faisons, ce que nous vivons. Ce rôle du maire est même indispensable, puisqu'il donne une assise juridique aux actions que nous menons, aux responsabilités que nous assumons ; encore faut-il avoir les moyens de l'exercer.
Je souhaiterais évoquer rapidement quelques éléments de réflexion, en commençant par la question des relations avec le département, qu'un certain nombre des mes collègues, dont Mme Létard, viennent d'évoquer.
Évidemment, il faut pouvoir passer des conventions avec le département sur ce qui, en matière de prévention, relève de sa compétence. Nous l'avons tous expérimenté, je le fais dans ma ville pour les éducateurs de rue. Je suis très satisfait, parce que, dans l'un des quartiers les plus sensible de cette municipalité, il n'y avait plus - j'allais dire : par une opération du Saint-Esprit ! - aucun éducateur de rue depuis deux ou trois ans. Le club de prévention était arrivé au terme de ce qu'il pouvait faire.
La négociation a donné lieu au début à quelques discussions au sujet de cette compétence. On a critiqué le fait que le maire ne pourrait pas conserver l'indépendance nécessaire à sa mission. En fait, tout se passe très bien, et les professionnels de la prévention spécialisée sont aujourd'hui rassurés. Les négociations avec le département sont importantes, mais elles ne doivent pas remettre en cause le pilotage qui est enfin affirmé. Le texte devrait encourager les conventions, comme c'était le cas dans de précédentes versions. Ainsi, une sorte de pression serait exercée sur certaines communes ou sur certains départements, plus rétifs que d'autres. Ce ne serait pas simplement une supplication, cela ferait partie des objectifs envisageables.
Toujours en ce qui concerne les moyens permettant de remplir cette mission, nous sommes favorables à l'information partagée. Ce que d'aucuns appellent le « secret partagé » est très important et implique une certaine déontologie quant au respect de l'évocation nominale des différentes situations auxquelles nous sommes confrontés et que nous essayons de traiter en temps réel.
Dans ce domaine, sans nous transformer en juge, nous pouvons déjà aller assez loin dans l'évocation des différentes situations avec l'ensemble des partenaires : justice, police, éducation nationale. Je peux témoigner, chez moi, d'expériences de coordination territoriale autour des collèges. La mise en oeuvre de ce partenariat n'a pas été évidente, elle s'est heurtée à des obstacles, mais nous avons réussi à les surmonter. Aujourd'hui, les chefs d'établissement qui n'ont pas encore profité de ces mécanismes nous demandent de les mettre en place au plus vite.
Comme l'ont fait remarquer mes collègues à propos du financement, le fonds interministériel a existé dans des versions précédentes. La commission s'est prononcée sur ce point. Ce fonds est important. Je ne pleurniche pas en disant cela, parce que, depuis que je suis maire, j'ai pratiquement décuplé les moyens mis en oeuvre pour la prévention. L'effort a donc été fait. Toutefois il est indispensable que l'État puisse également être présent dans ce domaine. La politique de la ville nous a permis de financer un certain nombre d'actions en matière de prévention, comme le soutien à certaines associations d'aide aux victimes, d'aide aux familles de personnes en prison, etc. Malheureusement, le désengagement en matière de politique de la ville nous a causé de gros soucis.
En revanche, je dis « non » - cela a déjà été dit, mais il faut le répéter, car c'est un aspect qui me préoccupe et sur lequel je suis très critique - au rôle qui pourrait être attribué au maire dans le cadre du conseil pour les droits et devoirs des familles. Il y a la réalité du texte et la manière dont il sera perçu. Permettre au maire d'exercer cette mission quasi juridictionnelle n'apportera rien par rapport aux partenariats qui existent déjà.
Chez moi, j'ai une école des parents qui fonctionnerait, s'agissant des stages parentaux, que parce que le juge décide et contraint certains parents à agir. Nous acceptons la contrainte à côté du volontariat. Mais c'est le juge qui décide, pas moi. Il faut qu'il en soit ainsi à l'avenir. À défaut, nous perdrons - je suis en désaccord profond avec vous sur ce point - cette capacité d'arbitrer, et, croyez-moi - beaucoup peuvent en témoigner -, elle a son importance ! Nous devons être au-dessus de la mêlée dans les moments difficiles.
Les expériences sont diverses, mais nombre d'entre nous savent que les partenariats locaux en matière de sécurité et de prévention fonctionnent quand un climat de confiance existe sur le terrain. Je peux en témoigner, malgré les difficultés réelles et des partenaires parfois un peu plus rétifs, ce climat de confiance existe, et c'est extrêmement important. Aucun texte ne doit pouvoir le remettre en cause.
La préparation de ce projet de loi n'a pas été un long fleuve tranquille, puisque plusieurs versions se sont succédé. Parmi les nombreuses dispositions que comporte ce texte, certaines sont bonnes et d'autres plus contestables. Même si je suis d'accord avec la remarque sur la transversalité et le fait que chacun ne doit pas faire sa petite cuisine dans son coin, ce texte comprend trop de mesures disparates, ce qui nuit à sa lisibilité et à sa cohérence, tandis que d'autres dispositions qui étaient attendues sont absentes.
Or un tel texte, à notre époque, sur un sujet aussi sensible, doit être le plus fédérateur possible - cela n'empêche pas le débat et les oppositions au sein du Parlement. Ce point est important, car d'aucuns, qui ne siègent pas dans cet hémicycle, sont aux aguets. Dans ce domaine, tout dérapage, toute polémique, tout ce qui pourrait laisser penser que sur des questions aussi essentielles pour la cohésion nationale il n'y a pas un minimum d'entente peut être extrêmement grave, y compris pour les échéances à venir. Il reste donc du pain sur la planche. Au-delà des aspects positifs et des critiques, ce texte gagnerait à être fédérateur, ce qu'il n'est pas aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, d'exprimer ma satisfaction. En effet, comme on l'a vu trop souvent depuis des décennies, il existe un syndrome de l'immobilisme préélectoral...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y en a un autre, c'est l'agitation préélectorale !
M. Christian Demuynck. ...en vertu duquel, lorsque les élections majeures que sont la présidentielle et les législatives se précisent, une sorte de tétanie saisit la classe politique, qui s'immobilise. C'est ce que l'on pouvait craindre pour cette nouvelle session parlementaire, mais ce n'est pas l'attitude que le Gouvernement adopte, et c'est bien. C'est là, me semble-t-il, la marque d'une majorité qui croit au bien-fondé de son action, une action résolument tournée vers l'amélioration de notre société, du quotidien de nos concitoyens. C'est également le signe d'une majorité confiante en elle, en son bilan et en son projet.
Vous vous êtes attaqué, au mois de juin, au problème complexe de l'immigration et de l'intégration. Vous avez donc proposé un texte ambitieux et ô combien nécessaire, qui n'a pas engendré le séisme que la gauche annonçait, car les Français, qui l'ont compris et ne sont pas tombés dans le piège idéologique tendu, l'ont finalement très largement soutenu.
Alors, à l'aube de notre débat sur le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, je fais le pari que, au-delà des manoeuvres orchestrées par certains, les Françaises et les Français auront la même attitude responsable, car ils savent que la prévention de la délinquance et la révision de ce que j'appellerai des archaïsmes s'inscrivent dans une politique globale de lutte contre l'insécurité, qui reste tout de même la troisième préoccupation des Français après le chômage et la pauvreté.
Monsieur le ministre, je me sens doublement concerné par ce texte à travers deux axes qui me semblent majeurs.
Le premier concerne la délinquance juvénile, et spécifiquement la révision de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante. Lorsque Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, m'avait confié, en 2004, une mission relative à la violence scolaire, j'avais pu, durant six mois, observer la réalité du terrain et traduire un certain nombre de besoins en matière de prévention.
En effet, l'évolution de notre société a fait que, naturellement, notre jeunesse s'est métamorphosée. On peut s'inquiéter, se lamenter sur cette société qui n'a pas pu ou su préserver ses enfants de la délinquance, dédouaner ces jeunes de leur responsabilité ou choisir au contraire d'agir et d'apporter des réponses proportionnées. C'est ce que vous nous proposez à travers le projet de loi que nous allons discuter.
Dès lors, la sacro-sainte ordonnance de 1945 que certains aimeraient ériger en sanctuaire inviolable ne peut rester en l'état. Il ne s'agit pas de dire qu'elle est obsolète, mais il paraît évident qu'il est aujourd'hui nécessaire de la faire évoluer ; votre texte va dans ce sens et je ne vois pas comment, sur l'ensemble de ces travées, quelqu'un pourrait juger inacceptable de faire disparaître ce sentiment d'impunité que ressentent certains jeunes, du fait de leur âge.
Plus généralement au sujet des mineurs, je considère qu'il faut leur montrer clairement le cadre dans lequel ils doivent évoluer et punir de manière adaptée toute déviance, si petite soit-elle.
Au-delà du strict aspect répressif, la sanction doit idéalement être constructive et perçue comme une chance donnée au mineur de retrouver le droit chemin.
Et dans ce débat, il convient surtout de ne pas opposer répression et prévention, de ne pas considérer qu'il faudrait faire un choix entre l'un et l'autre. Certains diront que je caricature, mais dans l'inconscient collectif, au même titre que nous aurions d'un côté la droite « libérale » et de l'autre la gauche « sociale », nous avons, d'un côté, la droite qui serait répressive et, de l'autre, la gauche sociale et préventive.
M. Jean Desessard. C'est pas mal, ça ! (Sourires.)
M. Christian Demuynck. C'est ce cloisonnement idéologique qui explique en partie l'échec des politiques que l'on a tenté de mettre en place depuis des années.
Dans son livre intitulé Éduquer ou enfermer ?, Jean-Marie Petitclerc, par ailleurs éducateur depuis plus de vingt-cinq ans, va dans ce sens, et estime qu'il faut dépasser ces clivages, car répression et prévention doivent finalement se compléter.
C'est, selon moi, la direction prise par votre texte, mais il faudra veiller à la bonne application, par les juges, des dispositions prévues, car ils apparaissent, et c'est normal, centraux dans ce dispositif.
Je pense notamment au cas des mineurs multirécidivistes, à l'endroit desquels il conviendra de faire preuve de la plus grande fermeté, afin de ne pas les laisser sombrer dans la délinquance en ne sachant pas mesurer les sanctions qu'il faudrait prendre.
Je n'entends pas par là les mettre en prison ; ce n'est pas la solution la plus adaptée lorsque l'on parle de mineurs. En revanche, les mesures d'éloignement dans des internats ou des centres éducatifs fermés doivent être favorisées, et ce pour des durées suffisantes au regard du travail éducatif et psychologique qu'il y aura à mener.
Enfin, et c'est le plus important, l'accent doit être mis tout particulièrement sur l'apprentissage des acquis fondamentaux, indispensables pour mener une vie sociale normale, ainsi que sur la sensibilisation à la valeur du travail que ces jeunes ne connaissent pas ou connaissent peu.
J'aimerais, sur ce point, vous présenter un projet que j'ai mis en place à Neuilly-Plaisance. Cette expérience parmi d'autres montre que rien n'est jamais perdu. En partenariat avec la chambre de métiers et le préfet de Seine-Saint-Denis, grâce à la politique gouvernementale qui a notamment créé le contrat d'accompagnement dans l'emploi, nous avons mené une action pragmatique en direction des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans, difficiles et en échec scolaire. Certains étaient délinquants récidivistes, d'autres cherchaient un emploi. Bien qu'ils aient suivi une scolarité normale, la plupart ne savaient ni lire, ni écrire, ni compter, d'où l'intérêt de lutter contre l'absentéisme scolaire.
Nous leur avons proposé de suivre une formation rémunérée au sein des services techniques de la mairie, en plomberie, en peinture, en maçonnerie, en électricité, secteurs connaissant une pénurie de main-d'oeuvre. Tout au long de l'apprentissage, chaque jeune était encadré par un tuteur.
Il convient de souligner que cette expérience, qui va dans le sens des mesures d'activité de jour que vous proposez, a été couronnée de succès. En effet, au-delà de la fierté de ramener chez eux le salaire de leurs efforts, ce qui, pour la plupart d'entre eux, leur était inconnu, ils ont appris un métier et nombreux sont ceux qui ont découvert une vocation, l'espoir et sont devenus un exemple pour les autres jeunes. S'étant réintroduits dans le circuit social, ils peuvent désormais envisager un avenir.
Monsieur le ministre, ce sont ces jeunes dont il faut s'occuper, car sans notre aide, ils sont incapables de trouver un emploi et ont la délinquance comme seule solution pour « gagner leur vie ».
M. Jacques Mahéas. Ils sont partis à Madagascar !
M. Christian Demuynck. Vous avez tout à fait raison, monsieur Mahéas, ils sont effectivement partis en mission humanitaire à Madagascar.
M. Jacques Mahéas. Il faut le dire ! Cela nécessite de gros moyens ! C'est difficile de le faire ! J'ai moi-même une entreprise d'insertion !
M. Christian Demuynck. Le second axe du texte qui m'interpelle est la place donnée au maire dans la mise en oeuvre de la politique de prévention.
Parlementaire de Seine-Saint-Denis, département exposé aux problèmes de délinquance mais qu'il ne faut pas, loin de là, réduire à cela car on y trouve des jeunes brillants, des familles heureuses et des entreprises qui fonctionnent, je suis également un maire qui, au même titre que les villes de plus de 10 000 habitants, sera concerné par la mise en place des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, ainsi que des conseils pour les droits et devoirs des familles.
Sur ce point, je reste sceptique, monsieur le ministre, quant à la superposition de tels conseils et à leur réelle efficacité dans la pratique. En outre, les rendre obligatoires me semble contraignant pour des communes où la concertation existe et est déjà efficace, la mise en place de telles structures n'y étant finalement pas nécessaire.
Le texte prévoit, par ailleurs, de donner encore plus de pouvoirs aux maires, et parfois au-delà de leurs prérogatives originelles. S'il est opportun et indispensable de mettre le maire au centre du dispositif en raison de sa proximité et de sa connaissance de ses administrés, il faut lui donner pleinement les moyens de mettre en place les mesures qui s'imposent dans le domaine de la prévention.
Sachant, par exemple, qu'il m'a fallu trois mois pour faire appliquer par la police nationale un arrêté interdisant la vente d'alcool après vingt-deux heures dans un quartier sensible, alors même que cette décision était pleinement de mon ressort, je m'inquiète de savoir quelle sera ma marge de manoeuvre pour des prérogatives qui relèvent beaucoup moins de mes compétences.
Il ne s'agit pas de transformer le premier magistrat d'une ville en supershérif omnipotent, comme certains voudraient nous le faire croire. En effet, ne l'oublions pas, le projet de loi prévoit que le maire doit travailler en concertation étroite avec des intervenants extérieurs, en particulier avec le préfet et le conseil général, ce qui constitue une garantie s'agissant du contrôle de son action.
Pour autant, ces garanties d'un travail collectif de tous les acteurs concernés ne doivent pas freiner l'action du maire pour assurer la sécurité de sa ville et de ses administrés.
Telles sont, monsieur le ministre, trop brièvement évoquées, les quelques remarques que je voulais porter à votre connaissance avant d'aborder la discussion de ce texte.
Même si je suis réservé sur quelques-uns des points qui y sont traités, je reconnais qu'il constitue une avancée notable pour notre pays.
Hier, le champ de la prévention n'était qu'un flou artistique. Demain, le fait de l'inscrire dans le marbre de la loi contribuera à donner une certaine lisibilité à l'action menée, pour réduire durablement la délinquance en s'attaquant à ses causes. Prévenir le mal est toujours mieux que le guérir. C'est pourquoi je soutiendrai, sans arrière-pensée, le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Guy Fischer applaudit également.)
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2002, nous assistons à une véritable inflation législative, un tel TGV de lois, que l'on ne prend même pas le temps d'une évaluation, pourtant indispensable pour construire une vraie politique de prévention et de sécurité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous multipliez les projets de loi, chacun étant supposé être une panacée aux problèmes de notre société.
Vous arrivez à réussir ce grand écart qui consiste à commencer par faire peur aux Français puis à leur faire croire que chacune de vos nouvelles lois est la bonne...
Alors que ce texte est supposé mettre en oeuvre un plan national de prévention de la délinquance, la majorité des dispositions que vous nous présentez ici sont des mesures de répression.
Il est vrai que, pour certains, interdiction et répression sont les premiers maillons de la prévention !
Ce projet de loi nous fait penser à ce vieux slogan : « police partout et justice nulle part », qui devient aujourd'hui « répression partout, prévention nulle part » !
Moins d'un an après les révoltes des banlieues, alors que les braises sont encore chaudes, permettez-moi de vous dire que ce projet de loi apporte une piètre réponse à ces jeunes, qui attendent des propositions concrètes, et qu'il est certainement moins onéreux qu'une réponse adaptée.
En effet, proposer une énième nouvelle loi coûte beaucoup moins cher que d'appliquer celles qui existent déjà, et pour lesquelles de nombreux décrets d'application n'ont toujours pas été publiés. Cela peut rapporter plus politiquement, en tout cas électoralement parlant !
Mais la question de fond est celle de l'efficacité : croyez-vous sincèrement que votre politique sécuritaire est efficace ?
Comme l'ont rappelé mes collègues qui sont intervenus avant moi, les chiffres de la délinquance témoignent à charge contre vous.
Par ailleurs, vous n'avez diffusé aucune évaluation des structures préalablement mises en place. Ainsi, nous n'avons aucune évaluation ni aucun bilan sur les dix-sept centres éducatifs fermés actuellement en fonction.
Mais je pense que ce n'est pas là votre préoccupation.
En fait, il me semble que ce qui vous motive le plus, c'est de poursuivre dans l'affichage d'une parole et d'une image, ainsi que dans l'agitation médiatico-politique.
Vos gesticulations n'ont pas seulement des conséquences sur les courbes de sondages d'opinion, elles ont également des conséquences sur la structure même de l'administration nationale et sur la gestion politique de notre démocratie, que vous mettez en danger en niant la répartition des compétences et en violant l'indépendance des pouvoirs.
En effet, loi après loi, le ministre de l'intérieur accapare un peu plus la direction générale de l'administration et des institutions.
Hier, avec la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, vous préemptiez de fait le pouvoir du ministère de la justice.
Puis, avec la loi pour l'égalité des chances, c'était le tour du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Enfin, avec la loi relative à l'immigration et à l'intégration, c'était le ministère des affaires étrangères et, en particulier, les services consulaires qui passaient sous la souveraineté du ministère de l'intérieur.
M. Guy Fischer. Ça c'est sûr !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Aujourd'hui, c'est au tour du ministère de la santé et des solidarités, du ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, et même des services de l'éducation nationale !
Sans l'avouer ouvertement, ce que vous tentez de mettre en oeuvre, c'est une véritable rupture avec les libertés publiques et nos valeurs républicaines auxquelles nous sommes attachés, en faveur d'un contrôle social policier, discriminatoire et sélectif.
M. Philippe Nogrix. Oh !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Constamment, vous entretenez l'amalgame en maintenant le lien entre, d'une part, certaines catégories de la population - les pauvres, les précaires, les malades, les toxicomanes, les jeunes - et, d'autre part, les violences et la délinquance.
Prenons l'exemple des jeunes : vous tentez de faire disparaître la spécificité de la justice des mineurs, en la rapprochant de façon inacceptable du régime des majeurs.
C'est notamment le cas lorsque vous permettez l'accroissement de la mainmise du parquet sur les tribunaux pour enfants, ou l'extension aux mineurs de la mesure de composition pénale, ou encore la procédure de jugement rapproché, semblable à la comparution immédiate applicable aux majeurs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous ne nions pas que l'ordonnance de 1945 doive être modifiée. D'ailleurs, les nombreux représentants des différents organismes auditionnés sont les premiers demandeurs.
Mais aucune modification de l'ordonnance de 1945 n'est acceptable si elle concourt à dénaturer l'esprit fondateur du texte.
Ce texte rappelle qu'une bonne justice des mineurs est, avant tout, une justice qui prend en compte les différentes étapes de l'enfance et de l'adolescence, étapes qui doivent être traitées différemment.
Si tout le monde s'accorde aujourd'hui pour dire qu'il est néfaste de faire traîner pendant plusieurs années un jugement, car cela vide la justice de son sens, il n'est pas pour autant nécessaire d'opter pour une justice expéditive, au mépris du temps éducatif nécessaire à tous les jeunes, en particulier à ceux qui sont en difficulté.
Dans l'intérêt des jeunes avant tout, il convient de bâtir sans attendre une justice qui dispose de moyens humains et financiers suffisants, afin de prendre le temps nécessaire au traitement spécifique de la délinquance des mineurs.
Un mineur est un mineur : il est de notre devoir de l'accompagner, de le protéger et de le sanctionner comme tel. C'est cette spécificité qu'il convient de maintenir.
Face à cette société que vous voulez mettre au pas, face à ce risque de basculement durable vers l'arbitraire, face à votre volonté répétée d'instituer de nouvelles classes dangereuses, les Verts défendront avec fermeté la défense de nos droits et libertés.
Monsieur le ministre, une société qui a peur de sa jeunesse et de ses enfants est une société sans avenir.
Dans la même logique, vous tentez de faire croire aux Français et aux maires que vous apportez une réponse aux problèmes de délinquance, en élargissant les compétences du maire.
Mais l'une des principales raisons pour lesquelles l'ensemble des maires de France jouent un rôle éminent dans la prévention de la délinquance, c'est avant tout parce qu'ils sont en dehors du système de répression, que ce dernier soit judiciaire ou policier.
Intégrer le maire dans la chaîne de répression pénale revient à rompre le contrat de confiance qui le lie à ses administrés.
M. Charles Gautier. C'est vrai !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ainsi, vous transformez le maire, acteur de conciliation, d'intermédiation et d'équilibre social, en un « maire fouettard », agent de délation et de contrôle social ; sans parler des reproches qui lui seront faits s'il ne répond pas immédiatement aux problèmes. En touchant à sa crédibilité, vous l'affaiblissez dans son rôle de conseil, au lieu de le renforcer.
De plus, avec ce type de transferts de compétences sans moyens financiers, vous faites assumer aux villes les plus pauvres, les plus endettées, les plus démunies, une part supplémentaire et toujours plus grande dans les domaines de la prévention et de la sécurité.
Il ne revient pas aux villes d'assumer ce que l'État ne peut pas ou ne veut pas assumer. Il s'agit de pouvoirs régaliens dont l'État doit assurer pleinement la charge.
Une fois encore, au nom de la lutte contre l'insécurité et les violences, vous voulez nous priver de nos droits et de nos libertés.
En créant de nouveaux fichiers, ou en élargissant le régime de gestion et de consultation de fichiers existants, sans aucune garantie de recours, comme dans le cas de l'hospitalisation d'office, on avoisine un « nouveau casier judiciaire psychiatrique ».
Cette fixation illustre la volonté de notre ministre de l'intérieur de « tout voir, tout savoir », comme il l'a déjà déclaré.
Il me semble que votre « France d'après » ressemblera vite à une société ne proposant qu'une alternative, l'enfermement, c'est-à-dire la prison ou l'hospitalisation !
Tous ces fichiers et ces listes, qui rappellent des pages noires de notre histoire, et dont l'accès, le croisement et l'orientation sont de plus en plus facilités, ne peuvent servir qu'à faire croître l'arbitraire.
La sûreté, c'est certes la sécurité des personnes et des biens, mais c'est également, et avant tout, la sûreté individuelle qui garantit le droit au respect de la vie privée.
Stigmatiser des individus, créer des peurs, amplifier la xénophobie, précariser des familles et ghettoïser tout un pan de notre société, c'est contribuer aux violences qui en découlent, et c'est permettre à M. le ministre de l'intérieur de se présenter, demain, comme l'ultime recours !
Je suis convaincue que, dans les mois à venir, profitant des faits divers qui se produiront forcément, vous serez les premiers à crier sur tous les plateaux de télévision qu'il faut aller encore plus loin dans le contrôle social, plus loin dans le tout-sécuritaire. Cela s'appelle de la surenchère électorale !
La meilleure des préventions que nous devons défendre, c'est avant tout un plan de justice sociale et de lutte contre toutes les discriminations, par l'instauration d'une réelle égalité des droits.
Voilà pourquoi nous, les Verts, nous proposons la création d'une police nationale de proximité, avec des moyens humains et financiers ainsi que des compétences clairement définies et réparties.
Afin de mettre définitivement un terme à toutes les velléités des maires qui se rêvent shérif, nous demandons la suppression de toutes les polices municipales. Le budget ainsi dégagé serait transféré aux organismes d'éducation spécialisée et aux associations locales de prévention.
Nous oeuvrons pour une autre politique, qui refuse l'amalgame, la stigmatisation et la criminalisation, notamment envers les malades et les toxicomanes, une politique de prévention qui ferme les centres d'éducation fermés et qui redonne des moyens à l'éducation spécialisée par la création de 10 000 postes d'éducateurs.
D'ailleurs, ce ne serait que « rendre à César, ce qui lui appartient »... En effet, je vous rappelle que le financement des centres éducatifs fermés s'est effectué au détriment du secteur associatif habilité, notamment des maisons d'enfants à caractère social, puisque l'enveloppe spécifique promise n'est jamais arrivée.
Pour nous, monsieur le ministre, la prévention de la délinquance commence par l'éducation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance marque un grand progrès en matière de prévention et de traitement de la délinquance, et je l'approuve entièrement.
Il complète le travail remarquable que vous avez réalisé, monsieur le ministre, et qui a abouti à une réduction notable de la délinquance depuis quelques années.
M. Jacques Mahéas. Ah bon ?
M. Serge Dassault. Mais il reste encore beaucoup à faire, et je souhaite formuler quelques propositions complémentaires. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Enfin !
M. Serge Dassault. Elles porteront sur un domaine totalement différent, mais essentiel pour prévenir la délinquance, et seront fidèles à l'esprit que vous avez défini.
M. Guy Fischer. L'apprentissage à douze ans !
M. Serge Dassault. Vous avez souligné, monsieur le ministre, que les sanctions ne suffisaient pas et qu'il fallait développer la prévention. Vous avez ajouté : « Les lois ont vieilli, et ce qui était valable en 1950 ne l'est plus aujourd'hui. » Vous avez conclu qu'il fallait revoir un certain nombre de nos habitudes, et vous avez raison.
Posons-nous la question : quelle est la raison principale de la délinquance ? Pourquoi y a-t-il tant de délinquants ?
M. Jean Desessard. Parce qu'il y a des riches et des pauvres !
M. Serge Dassault. Eh bien, je pense que la raison principale de la délinquance est l'inactivité de tous ces jeunes...
M. Jean Desessard. Le chômage !
M. Serge Dassault. ...qui, à partir de seize ans, quittent le collège sans continuer leurs études, sans école, sans compétence ni formation professionnelle, sans travail, qui ne font rien et ne sont plus obligés à rien.
M. Jacques Mahéas. Le ministre de l'emploi n'est pas parmi nous !
M. Serge Dassault. Une fois qu'ils sont sortis du système scolaire, à seize ans, plus personne ne s'occupe d'eux. De plus, l'impunité les protège jusqu'à dix-huit ans, ce dont leurs aînés profitent.
Cette situation est due essentiellement aux inconvénients du collège unique, qui oblige tous les jeunes à suivre la même formation alors que certains d'entre eux n'en ont ni le goût ni les moyens. Résultat : ils sortent du collège à seize ans sans aucune compétence professionnelle, après avoir perdu leur temps et fait perdre le leur aux autres.
Ils n'ont rien à faire et deviennent la proie de ceux qui leur proposent de l'argent pour voler des voitures, en brûler, vendre de la drogue, agresser la police, bref, pour devenir des délinquants. Ils deviennent ainsi les acteurs de l'insécurité que votre projet de loi doit réduire, monsieur le ministre.
Or, si ces jeunes travaillaient ou étudiaient, ils ne traîneraient pas dans les rues, et la sécurité régnerait. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. Bien sûr !
M. Serge Dassault. Voilà l'enjeu : inactivité égale délinquance, mais activité égale sécurité. Il faut donc supprimer l'inactivité pour supprimer la délinquance.
M. Jean-Luc Mélenchon. Eh oui !
M. Charles Gautier. On a compris !
Mme Éliane Assassi. Plus de chômage !
M. Charles Gautier. Jusque-là, on vous suit !
M. Serge Dassault. Voilà pourquoi - écoutez bien, mes chers collègues, car c'est important : c'est un scoop ! (Sourires) - je vous propose de porter l'obligation scolaire de seize à dix-huit ans. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
L'obligation scolaire jusqu'à dix-huit ans ne poserait évidemment aucun problème pour tous ceux qui poursuivent normalement leurs études dans les lycées et les universités ou qui sont engagés dans une formation professionnelle, puisqu'ils travaillent.
En revanche, tous ceux qui, à seize ans, après le collège, ne trouvent aucune école, aucun lycée pour les accueillir et n'ont aucune motivation pour travailler se verraient obligés par cette nouvelle limite à trouver une formation et à s'orienter vers l'apprentissage, en tout cas à ne pas rester inactifs. Cela ferait d'autant moins de délinquants, sans qu'il vous en coûte rien.
Ainsi, la meilleure méthode pour réduire l'insécurité serait de valoriser l'apprentissage, à partir de quatorze ans ou après seize ans, à la fois auprès des jeunes et auprès des familles, qui sont souvent réticentes.
Il ne faudra pas oublier les chefs d'entreprise, qui détiennent la clé du système. En effet, ils hésitent souvent à accepter des apprentis. Il faudrait donc instituer une législation obligeant les entreprises à embaucher un certain nombre d'apprentis, en fonction de leurs effectifs, comme cela a lieu pour les handicapés. Ce serait une mesure citoyenne pour les chefs d'entreprise ; elle serait dans l'intérêt de tous et réduirait à la fois l'insécurité et le chômage des jeunes.
Actuellement, plus de 60 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification, soit près d'un dixième de chaque classe d'âge. Cela représente chaque année un potentiel de 60 000 délinquants supplémentaires. Cela vaut la peine de s'en occuper, non ?
Devenus majeurs, mais toujours inactifs, ces jeunes n'accèdent plus que minoritairement à une formation : 350 000 jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans sont actuellement dépourvus de toute qualification et, pour une grande part d'entre eux, sont au chômage.
On ne peut tout de même pas affirmer que notre système éducatif actuel soit très efficace et qu'il ne faut surtout rien changer, puisqu'il n'atteint pas son objectif : former les jeunes à la vie professionnelle. Il était adapté à la situation des jeunes voilà vingt ans ; les jeunes ont changé, et le système éducatif n'est plus efficace aujourd'hui.
M. le ministre l'a souligné, il faut savoir s'adapter à chaque changement de situation ; sinon, on va vers la catastrophe. C'est ce qui se produira si l'on ne change pas l'âge limite de l'obligation scolaire.
Mais que faire, après, pour ceux qui, à dix-huit ans, restent sans formation ou sans travail ? Plus encore que leurs cadets, ce sont des délinquants en puissance, en révolte contre la société qui ne leur apporte pas de travail ; d'où les émeutes de novembre, qui peuvent d'autant plus recommencer que rien n'aura été fait pour les éviter.
La solution pourra être apportée par le service civil, déjà mis en place, mais à la condition qu'il devienne obligatoire pour tous les jeunes de dix-huit ans qui ne travaillent pas et ne sont pas en formation, et qu'il dure un an. Pour ceux qui travaillent, il n'y a pas de problème !
Au lieu de traîner dans les rues, il serait plus utile pour ces jeunes de passer un an avec les pompiers, les administrations, la police, la gendarmerie, l'armée, etc. Cela les obligerait à sortir de leur quartier, à être en contact avec d'autres communautés, à apprendre un métier, et les éloignerait de toute tentation.
Les quartiers regagneraient en sécurité, comme du temps du service militaire,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est Jacques Chirac qui l'a supprimé !
M. Serge Dassault. ...et ces jeunes trouveraient ainsi plus facilement du travail.
Voilà les nouvelles propositions que je voulais vous faire, monsieur le ministre : allonger l'obligation scolaire et professionnelle jusqu'à dix-huit ans ; obliger les chefs d'entreprise à embaucher des apprentis ; obliger les jeunes de dix-huit ans sans travail et sans formation à s'engager dans le service civil, dans le domaine qu'ils souhaitent, pendant un an.
Moins d'inactivité, plus de travail, plus de sécurité, telle est l'équation.
Ainsi, monsieur le ministre, toutes les mesures que vous voulez prendre - et qui sont excellentes, surtout en ce qui concerne le rôle du maire - ne s'appliqueraient qu'à de moins en moins de jeunes, ceux-ci, de plus en plus occupés, voyant le nombre d'inactifs parmi eux diminuer, et la sécurité deviendrait générale pour un coût minimal.
Voilà ce que je voulais vous proposer, monsieur le ministre, en particulier à la suite de mon expérience de maire d'une commune qui compte trois quartiers difficiles et dont la mission locale a réussi à trouver du travail à plus de 3 000 jeunes depuis dix ans. Ceux-ci ne posent plus aucun problème, preuve que cela marche, et la ville est beaucoup plus tranquille.
J'espère que cette proposition pourra un jour être appliquée, en collaboration avec le ministre de l'éducation nationale, pour le plus grand bien des jeunes. Cela leur évitera le chômage et amènera plus de sécurité.
Mes propositions sont un peu différentes de tout ce qui a été avancé jusqu'à présent, mais je crois qu'elles valent la peine d'être écoutées, entendues et, sans doute, appliquées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Georges Othily, Philippe Nogrix et Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord saluer la très grande qualité et la diversité des remarques qui, formulées sur différentes travées, démontrent l'intérêt des élus de la Haute Assemblée pour un texte aussi important, lequel est au demeurant le fruit d'une longue concertation avec l'ensemble des acteurs de terrain.
Le Gouvernement entend aborder ces débats dans un esprit d'ouverture aux préoccupations exprimées par les élus : il n'est pas le propriétaire de chaque ligne du projet de loi ! Il est une nouvelle fois, autour de Nicolas Sarkozy, ouvert à la discussion et soucieux d'améliorer le texte en accueillant tous les amendements utiles, de quelque travée de la Haute Assemblée qu'ils proviennent. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Ainsi, le Gouvernement entend faire la distinction entre ceux qui adoptent des postures idéologiques, sur ces sujets comme sur beaucoup d'autres d'ailleurs, et ceux qui, parce qu'ils connaissent les réalités de terrain, ont déposé des amendements inspirés à la fois par le pragmatisme qui doit nous guider et par la recherche de l'efficacité.
Je commencerai naturellement par remercier le rapporteur, M. Jean-René Lecerf, du travail considérable qui a été conduit dans cet esprit.
Maires, présidents de conseils généraux, travailleurs sociaux, psychiatres, magistrats, policiers, associations, universitaires : à l'évidence, monsieur le rapporteur, vous avez su écouter la voix de chacun des acteurs souhaitant exprimer leur point de vue sur le projet de loi. Dès lors, vous avez pu formuler des propositions particulièrement éclairées. Je le dirai d'emblée : le Gouvernement est favorable sans réserve à la presque totalité des amendements que vous avez déposés.
Je veux notamment vous assurer de notre souhait commun de trouver une parfaite articulation entre les différents niveaux d'intervention des élus locaux dans le champ, par définition très complexe, de la prévention de la délinquance, préoccupation que vous avez exprimée et que de nombreux orateurs partagent. De fait, nous le savons, les interventions des uns et des autres sont trop souvent enchevêtrées. C'est pourquoi nous avons besoin, sur le terrain, de renforcer le rôle des élus de proximité que sont les maires.
Vous l'avez souligné, les principales associations de maires expriment un large consensus sur le fait de placer le maire au coeur de la prévention. M. Collombat a cité tout à l'heure l'AMF ; il comprendra que je rappelle que, dès le 28 juin dernier, dans un communiqué, cette association a « observé avec satisfaction que ce texte affirme la fonction de coordinateur du maire dans la prévention de la délinquance et reconnaît ainsi son rôle privilégié de fédérateur des actions destinées à conforter la cohésion sociale ».
Je souhaite préciser, car ce point a été évoqué par la plupart des orateurs, qu'il ne s'agit évidemment pas de faire du maire un « procureur » ou un « shérif » ! Je tiens à conforter ceux qui l'ont rappelé et à le confirmer à tous ceux qui n'y croyaient pas : personne n'y songe, car cela n'aurait aucun sens.
De la même manière, il ne s'agit pas d'aller à rebours du mouvement de décentralisation qui a confié au département de larges compétences en matière d'action sociale ; simplement, chacun doit rester à sa place, mais chacun doit occuper toute sa place. Vous l'avez parfaitement compris, monsieur le rapporteur, - M. Peyrat l'évoquait également tout à l'heure - il s'agit d'améliorer les articulations entre les acteurs de terrain. Le projet de loi s'y emploie, et les amendements que vous avez présentés vont dans la bonne direction.
Aussi, je voudrais remercier la commission des lois d'avoir fait émerger, sur la question sensible posée par l'article 5 du projet de loi qui définit les modalités de nomination du coordonnateur et celles du secret partagé, une position très équilibrée. Elle a su prendre en compte les attentes des associations d'élus et les préoccupations de nombreux sénateurs, dans une matière qui requiert un certain consensus. Les remarques du président About, comme celles de MM. Mercier et de Broissia, auront été très utiles car elles permettent d'aboutir à un point d'équilibre.
Je veux aussi marquer dès maintenant l'accord du Gouvernement sur une proposition très importante de la commission des lois, qui répond à la question du financement des mesures proposées dans ce projet de loi. J'ai compris que certains groupes avaient décidé - mais peut-être y renonceront-ils - d'instrumentaliser cette question pour en faire l'argument principal de leur opposition à ce texte.
Je leur indique donc que le Gouvernement est très favorable à l'amendement présenté par la commission des lois, créant le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a rien dedans !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Ce nouvel outil permettra de « sanctuariser », dans une présentation globale, différents crédits mobilisés pour la prévention de la délinquance. Il facilitera ainsi le financement de projets locaux.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est vide !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Pour ce qui est de la réforme du régime des hospitalisations d'office, vous avez su de même exprimer l'essentiel et il ne nous semble pas particulièrement habile et utile de faire, sur ce sujet sensible, un mauvais procès au Gouvernement. Il ne s'agit pas de confondre les personnes atteintes de troubles mentaux et les délinquants. Il s'agit, là aussi, avec beaucoup de pragmatisme, de mieux prendre en compte l'impact sur l'ordre public du régime d'hospitalisation forcée, en offrant le maximum de garanties aux personnes qui doivent en faire l'objet.
Nous avons choisi, avec Xavier Bertrand, d'inclure ces dispositions dans ce projet de loi car l'ordre public n'attend pas. Le calendrier parlementaire est ce qu'il est. Attendre un autre projet de loi n'aurait guère de sens car j'observe que sur le fond, notre réforme n'est pas contestée. Vos amendements nous permettront, en outre, d'aller dans le sens de l'apaisement, mais nous avons bien compris que l'attente allait au-delà. C'est une réforme d'ensemble de la loi de 1990 sur la santé mentale que le Gouvernement proposera dans les prochains mois, au terme d'une très large concertation, je l'indique très clairement, de manière qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.
M. le président About a fait part d'un large accord sur les objectifs poursuivis par le projet de loi. Je tiens, au nom du Gouvernement, à l'en remercier et je souhaite le rassurer sur les questions qu'il nous a posées.
Nous avons voulu, dans l'ensemble du projet de loi, maintenir un équilibre et assurer une articulation entre l'action du maire et celle du président du conseil général. J'ai pu observer, lors des réunions de commissions, qu'il s'agissait là de l'une de ses préoccupations essentielles. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir, s'agissant, par exemple, de l'accompagnement parental.
Il est vrai que le projet de loi crée ou donne une base légale à certains dispositifs mis en oeuvre par les maires dans le cadre de leur action sociale facultative. Il est vrai aussi que certains projets de loi, récemment adoptés ou en cours d'examen, portent sur des sujets proches, je pense au contrat de responsabilité parentale ou à la protection de l'enfance.
Sur ce point aussi, il faut que les choses soient claires : il n'est pas question de substituer un texte à un autre, il s'agit de faire avancer chacun d'eux à un rythme comparable. L'ensemble du Gouvernement est attaché à l'aboutissement de chacun de ces textes, je le dis solennellement, au nom du Gouvernement. M. Philippe Bas était présent tout à l'heure. En son absence, je confirme cette position qui ne souffre pas d'ambiguïté.
Nous avons donné la priorité aux complémentarités. Nous avons veillé à la cohérence des dispositifs et à la coordination des différents textes de loi.
Il est clair cependant que si à l'occasion de la discussion des articles du présent projet de loi, nous pouvons encore renforcer ces complémentarités et cette cohérence, facilitant ainsi la coordination des différents textes, nous y serons naturellement ouverts, dans la mesure où serait respecté l'esprit propre au texte qui vous est proposé aujourd'hui.
J'en viens à l'article 5 du projet de loi, sur lequel les deux rapporteurs ont attiré notre attention.
Je veux tout d'abord préciser deux éléments sur l'esprit dans lequel le Gouvernement a travaillé.
Premier élément : on ne peut absolument pas se passer d'un coordonnateur. Nous avons trop d'exemples où faute de coordination et de partage d'information, les différents intervenants sont passés, bien sûr involontairement, à côté de situations dramatiques qui auraient dû leur sauter aux yeux.
Second élément : il est absolument nécessaire d'assurer l'information du maire dans les cas les plus complexes et les plus graves, et ce point a également été évoqué par M. Jean-Pierre Fourcade. C'est en effet le maire qui, sur le terrain, dispose du plus grand nombre de relais et c'est vers lui - ceux qui exercent des fonctions municipales le savent bien - que se tournent les familles.
C'est pourquoi le Gouvernement est attaché à la désignation du coordonnateur par le maire. Mais le texte du Gouvernement prévoit aussi, dans l'esprit que je viens d'indiquer, la consultation du président du conseil général.
Je l'ai dit en réponse à M. Lecerf, le Gouvernement est prêt à aller plus loin pour trouver une solution acceptable par tous et je sais que M. le rapporteur pour avis a apporté sa contribution à ce travail.
M. le président Hyest a, comme à son habitude avec beaucoup de sagesse, marqué son accord avec le projet de loi, dans son esprit, et a formulé quelques remarques.
Je voudrais tout d'abord souligner l'assentiment que vous donnez à la réforme, fondamentale, de l'ordonnance de 1945.
Oui, vous avez raison, monsieur Hyest, il faut adapter l'ordonnance de 1945 aux mineurs de 2006. Et en citant ces deux dates, on comprend bien que toutes ces années qui se sont écoulées nécessitent une évolution, laquelle n'a pas pour objet de remiser les grands principes de la loi de 1945, qui doivent au contraire être respectés. Mais nous donnons, par exemple, la primauté à l'éducatif et nous respectons la spécialisation de la justice des mineurs.
Chacune des mesures créées ou renforcées n'a qu'un objectif : faire en sorte que chaque acte répréhensible trouve une réponse individualisée.
C'est le sens de l'extension de la procédure de la composition pénale, qui exclut l'emprisonnement ferme et responsabilise les mineurs et leurs parents, par un engagement.
C'est aussi le sens des mesures comme l'avertissement solennel pour les mineurs, la mesure de placement éloigné du lieu de résidence habituelle, l'exécution de travaux scolaires, la mesure d'activité de jour, etc. Nous restons dans une logique éducative, adaptée aux réalités de notre temps. Comme M. le garde des sceaux l'a indiqué, la réforme que nous vous proposons est équilibrée, réaliste et pragmatique.
Monsieur Othily, je vous remercie d'avoir apporté au projet de loi le soutien d'une large partie du groupe RDSE.
Je vous remercie aussi du réalisme de vos propos : « La France est malade de l'incivilité », avez-vous dit. Vous rejoignez ici la détermination du Gouvernement à lutter contre ces phénomènes qui, en amont de la délinquance, perturbent la vie quotidienne de nos concitoyens qui se lèvent tôt, qui vont travailler honnêtement et qui ne supportent plus de subir ces « incivilités » qui sont pourtant parfois leur lot quotidien.
Face à ce phénomène, nous sommes convaincus, comme vous, qu'il faut conforter l'autorité parentale, aider les parents à assumer leurs responsabilités. C'est tout le sens du conseil pour les droits et devoirs des familles. C'est tout le sens de l'accompagnement parental.
Je remercie également le groupe RDSE d'avoir soulevé, par un amendement important, une question qui n'avait pas été abordée par le projet de loi : celle des disparitions d'enfants. Trop souvent par indifférence, des disparitions inquiétantes ne sont pas signalées à temps. Votre amendement n° 173 permet d'ouvrir le débat, et je vous en suis reconnaissant.
Madame Assassi, vous avez choisi le terrain de la polémique. C'est votre droit. Je ne vous répondrai pas exactement sur le même ton, car ce n'est pas ce qu'attendent les Français. Ils sont las des procès d'intention, des invectives et de certaines formes de querelles.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Pour autant, je ne veux pas rester sans réagir face à certaines contre-vérités.
Il n'y a pas de concertation, dites-vous. Mais ce texte est en préparation depuis trois ans. S'il n'y avait pas eu de concertation depuis trois ans, ce serait tout de même curieux. Le ministre d'État et ses équipes sont allés sur le terrain. Ils ont rencontré l'ensemble des acteurs qui ont souhaité s'exprimer. Et nous serons ouverts, je l'ai dit, aux amendements pragmatiques qui permettront d'améliorer le texte.
Vous avez évoqué l'idée selon laquelle il s'agirait d'un texte liberticide - même si vous n'avez pas employé cet adjectif -, remettant en cause les principes fondamentaux de notre droit. Nous en reparlerons, article après article. Je rappelle simplement que le projet de loi a été soumis à l'examen du Conseil d'État, lequel n'a pas estimé devoir le désapprouver. Cela prouve que ce texte ne heurte pas de front les principes généraux du droit.
Enfin, vous avez évoqué la question des fichiers, et c'est un sujet important. Je peux vous confirmer tout le soin que nous avons apporté à l'examen de l'avis rendu par la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Plusieurs ajustements du projet de loi proposés par le rapporteur, M. Jean-René Lecerf, et les sénateurs Alex Türk et Hugues Portelli, permettront d'ailleurs, avec l'avis favorable du Gouvernement, d'améliorer les garanties apportées aux personnes faisant l'objet des traitements automatisés que le projet de loi crée ou améliore.
La troisième contre-vérité concerne les moyens financiers consacrés aux mesures définies par le projet de loi. Je répète ce que j'indiquais tout à l'heure : nous avons bien l'intention de « sanctuariser » certains crédits dans un fonds interministériel, comme l'a proposé la commission des lois.
La dernière contre-vérité est plus classique, mais c'est un plaisir de pouvoir y répondre. Chaque fois que nous vous proposons un texte, vous agitez le spectre de Big Brother et du contrôle social. Cela pourrait devenir lassant, mais c'est pour nous l'occasion de vous poser un certain nombre de questions.
Est-ce du contrôle social que de constater que les difficultés sociales rencontrées par des familles, des femmes, des mineurs, appellent une réponse qui soit si possible intelligente - c'est le cas - coordonnée, informée ?
Est-ce du contrôle social que de souhaiter, tout simplement, que les travailleurs sociaux se parlent, échangent leurs informations, en confiance ?
Est-ce du contrôle social, enfin, que de veiller à coordonner les actions des différents acteurs - élus, fonctionnaires, magistrats - qui sont les uns et les autres, tous ensemble, confrontés aux mêmes réalités ?
Je vous laisse, sur ce point comme sur les autres, la responsabilité de vos propos.
Monsieur Détraigne, vous avez fait part d'un accord de principe, mais vous vous êtes interrogé sur plusieurs dispositifs proposés dans le projet de loi.
Je ne pense pas trahir votre pensée en la résumant ainsi : « Oui à l'information et à la coordination, mais sans création de structures et de procédures. »
J'essaierai de vous convaincre, article après article, que ce projet de loi présente des mesures de bon sens qui améliorent la coordination des différents acteurs.
Le rapprochement des points de vue, qui se dessine autour de l'article 5, avec le concours déterminant du président Mercier, ira dans le sens que vous souhaitez.
J'ajoute que le Gouvernement sera favorable à l'amendement que vous présentez pour préciser le rôle respectif du maire et du président du conseil général en vue de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale. J'espère ainsi répondre à votre souhait.
Monsieur Peyronnet, à titre liminaire, vous avez - j'imagine que c'était une erreur, en tout cas une imprudence de votre part - rendu hommage au Gouvernement et à la majorité en soulignant l'oeuvre législative d'ores et déjà accomplie depuis 2002.
C'est vrai : nous ne sommes pas restés les bras croisés - je vous remercie de l'avoir rappelé. J'ai une pensée pour ceux qui avaient évoqué la naïveté. Mais M. Goujon, qui est toujours stoïque, est là. Je suis sensible à son argumentation.
M. Jacques Mahéas. Ce sont toujours les mêmes sujets, cela bégaye !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Puisque vous évoquez les années passées, je vous rappellerai quelques données pour la clarté du débat et je suis sûr que M. Mahéas ne me contredira pas tout de suite.
Depuis 2002, la délinquance baisse.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. En quatre ans, les faits constatés par les services de police et de gendarmerie ont diminué de 8,8 %.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur Mahéas, j'y reviendrai tout à l'heure, alors dites « ce n'est pas vrai » en bloc à la fin, cela me permettra de répondre clairement à votre collègue M. Peyronnet !
M. Guy Fischer. Les chiffres sont truqués !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Les faits constatés par les services de police et de gendarmerie ont diminué de 8,8 %, disais-je. Je rappelle pour tous ceux qui l'auraient oublié que de 1998 à 2002 la délinquance avait progressé de 14,5 %.(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Goujon. Il est bon de le rappeler.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. En 2001, plus de 4 millions de crimes et de délits avaient été commis. Aujourd'hui, ce chiffre a été ramené à 3,7 millions.
M. Jacques Mahéas. Cela veut dire que les gens ne portent plus plainte !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cela ne signifie pas que la délinquance a disparu, cela veut dire qu'elle a baissé et qu'il y a eu 300 000 actes de délinquance en moins.
M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Ce n'est pas rien !
Enfin, de 1998 à 2002, la délinquance de voie publique avait augmenté de 10,5 %. Depuis 2002, elle a reculé de 23,7 %, et cette décrue est continue.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !
M. Charles Gautier. Baratin !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'y reviendrai, mais les méthodes de comptage n'ont pas évolué.
Derrière ces chiffres, mais j'imagine que cela vous réjouit,...
M. Jacques Mahéas. Non, malheureusement !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...il y a des victimes épargnées, des traumatismes évités et des coupables sanctionnés. J'imagine que sur toutes les travées, y compris sur les vôtres, c'est un motif de satisfaction.
M. Jacques Mahéas. C'en serait un si c'était vrai !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je pourrais continuer en évoquant le taux d'élucidation, le nombre de gardes à vue, le nombre de mises en cause, le nombre de personnes écrouées. Bref, cela mérite d'être précisé.
Mais il est vrai qu'il faut encore améliorer les choses.
M. Charles Gautier. Oui !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Vous avez raison et je le dis : pourquoi devrait-on s'interdire de tirer les leçons des expériences qui ont été menées sur le terrain ?
Au nom de quoi faudrait-il censurer les initiatives des élus locaux qui ont su dégager avec beaucoup de pragmatisme des solutions adaptées aux réalités de notre temps ? C'est toute l'ambition de ce texte.
Tels sont les principaux éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, monsieur Peyronnet, mais je réserve quelques arguments à l'attention de M. Mahéas.
Monsieur Carle, je vous remercie de votre soutien. À l'évidence, la meilleure réponse à la violence des mineurs délinquants est en effet une réponse rapide. Vous avez eu raison de le rappeler, car la réitération des actes tient souvent au sentiment d'impunité qu'engendre, dans l'esprit des délinquants, l'absence de réponse ou la réponse tardive.
Je vous remercie en outre d'avoir déposé, avec M. Pierre Hérisson, un amendement visant à mieux prévenir les troubles occasionnés par le stationnement illicite des gens du voyage. Cette question constitue, chacun le sait, une de vos préoccupations. De très nombreux maires, sans remettre en cause la loi Besson, attendent avec impatience une plus grande efficacité des procédures d'évacuation.
Merci à M. Zocchetto d'avoir souligné le travail de fond accompli par le Gouvernement pour rénover l'ordonnance de 1945 sur les mineurs.
Il a souligné, à juste titre, que la présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement est un élément très important de la réforme que nous proposons. Il ne s'agit pas d'une justice expéditive ; c'est une justice qui est entourée de quatre garanties principales, sur lesquelles nous aurons sans doute l'occasion de revenir au cours du débat.
J'en viens à l'intervention de Mme Tasca, qui n'est pas là.
M. Charles Gautier. Elle n'est pas la seule !
M. Jacques Mahéas. M. Sarkozy lui non plus n'est pas là !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Elle a essentiellement évoqué non pas le débat de la prévention de la délinquance, mais celui de la maîtrise des flux migratoires.
Ce sujet a été largement examiné par le Parlement. La Haute Assemblée y a consacré plus de cinquante heures de discussion. Ce n'est ni le moment ni le lieu d'y revenir.
Cependant, je ne peux pas laisser passer l'idée, qui a également été évoquée par Mme Boumediene-Thiery, selon laquelle « la France a peur de ses enfants ». C'est un contresens. Dans notre esprit, prévenir la délinquance, ce n'est en aucun cas repérer des prédélinquants et ce n'est pas davantage se méfier des mineurs. C'est au contraire essayer d'apporter le plus tôt possible des réponses aux problèmes des familles et aux « dérapages » des enfants. C'est précisément parce que le Gouvernement refuse la fatalité de la délinquance qu'il veut se donner les moyens d'une vraie politique de prévention.
Monsieur Courtois, je vous remercie d'être revenu, dans une intervention précise, percutante et non dénuée d'humour, sur le bilan de notre action, sur notre méthode et sur les perspectives ouvertes par le projet de loi.
Vous avez su faire justice des principales critiques adressées à ce texte. Vous l'avez fait avec toute la légitimité qui s'attache à vos fonctions de rapporteur de plusieurs textes importants, je pense notamment à la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, et à la loi pour la sécurité intérieure.
J'ajoute que le Gouvernement sera très favorable aux amendements que vous avez présentés sur la vidéosurveillance ou sur le service volontaire citoyen de la police nationale.
Madame Létard, votre démarche est sincère, je l'ai bien compris, et je suis persuadé que nos débats permettront de lever les interrogations que vous avez exprimées.
Qui fait quoi, comment et avec quels outils ? Nous le préciserons ensemble, article après article.
Je peux d'ores et déjà vous dire que je ne partage pas entièrement vos appréhensions sur la tutelle d'une collectivité locale sur une autre qu'organiserait ce texte. Depuis la loi de 1884, les communes ont toujours mené une action sociale. Selon moi, il est normal que cette action se tourne aujourd'hui vers l'accompagnement parental, non pas à la place du contrat de responsabilité parentale, mais en amont : plus tôt, plus proche ! J'ai cru comprendre que c'était une de vos préoccupations et je suis persuadé que nous aurons l'occasion d'y revenir.
Vous avez par ailleurs insisté sur la question financière et budgétaire. Le Gouvernement s'engage à ce que la prochaine loi de finances prenne en compte la priorité qui s'attache à la prévention de la délinquance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Demain, on rase gratis !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le dernier comité interministériel de prévention de la délinquance a déjà approuvé la création d'un document de politique transversale consacré à cette politique. La création du fonds interministériel de prévention de la délinquance sera un outil essentiel.
L'effort budgétaire a déjà été considérable. Je ne citerai qu'un seul exemple : entre 2002 et 2006, les effectifs de la PJJ, la protection judiciaire de la jeunesse, ont augmenté de 10 %. Ce pourcentage ne veut pas dire grand-chose, mais si je précise que cela correspond à 800 agents, c'est beaucoup plus significatif. Sur la période 2005-2006, le taux de progression du budget de la PJJ est supérieur à l'inflation. Quelque 740 millions d'euros y seront consacrés cette année. Ce n'est pas rien !
Monsieur Godefroy, après un début encourageant, votre propos s'est gâté. Au-delà des critiques que vous avez émises dans la seconde partie de votre intervention - et je pense que vous avez entendu les réponses que j'ai apportées aux précédents orateurs -, vous avez posé quelques questions précises.
S'agissant d'abord de l'hospitalisation d'office, nous sommes quelque peu surpris que notre texte provoque tant d'incompréhension, puisqu'il offre de nouvelles garanties aux personnes faisant l'objet de ces mesures.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles. Je suis convaincu que votre position ne se résumera pas à des postures de principe et que la discussion permettra de dissiper les incompréhensions.
Ensuite, concernant l'injonction thérapeutique, loin de supprimer les soins aux personnes toxicomanes, nous proposons au contraire de généraliser l'injonction thérapeutique à travers toutes les étapes de la procédure pénale.
Enfin, le projet de loi réformant la protection de l'enfance, qui a été adopté par le Sénat, poursuit son parcours parlementaire. Le Gouvernement n'entend nullement renoncer à ce texte important, complémentaire de celui qui vous est soumis aujourd'hui. Il n'y a donc pas d'ambiguïté sur ce point.
Monsieur Goujon, votre intervention a suscité l'intérêt sur toutes les travées de la Haute Assemblée, sans doute parce qu'elle était équilibrée et claire. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. Quelle ironie !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Merci de votre soutien déterminé aux profonds changements proposés, à travers ce texte, par M. le ministre d'État. Qu'il s'agisse de lutter contre les violences intrafamiliales et conjugales ou d'adresser à chaque mineur délinquant une réponse rapide et adaptée à sa situation, vous avez à juste titre souligné combien le projet de loi marque une rupture - c'est le mot que vous avez employé, sans doute faut-il y voir des allusions fines - avec les années de complaisance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Avec audace et en toute liberté, vous avez appelé à aller encore plus loin dans le rythme de certaines réformes.
M. Jacques Mahéas. À aller beaucoup plus loin !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Vous avez donc posé sans tabou et avec un grand sérieux une question essentielle : la lutte contre la toxicomanie serait-elle plus efficace si l'on renonçait totalement au délit d'usage de stupéfiants, pour en faire une simple contravention ?
Vous l'avez compris, le Gouvernement ne souhaite pas aller jusque-là, non à cause d'une mode ou par crainte, mais pour des raisons que Nicolas Sarkozy et moi-même qualifierions d'opérationnelles. Nous souhaitons avant tout redonner une réalité à l'interdit social de la drogue. Nous voulons donc une loi applicable, notamment à l'endroit des jeunes. C'est pourquoi nous proposons de traiter d'abord l'usage de drogue par la composition pénale, qui sera désormais applicable aux mineurs, et par l'ordonnance pénale, que l'on étend au délit d'usage de stupéfiants par les majeurs. Concrètement, et ce sujet a été évoqué dans les réunions des deux commissions, cela signifie que, dans la très grande majorité des cas, l'usager de stupéfiants n'encourra plus de peine de prison.
Cependant, nous avons besoin de maintenir un délit d'usage de stupéfiants pour deux raisons. La première : cela permet la garde à vue d'usagers qui se révèlent être des trafiquants et il sera donc possible de remonter les filières. Seconde raison : nous créons des circonstances aggravantes, lorsque l'usager est dépositaire de l'autorité publique ou est un professionnel des transports.
Madame Gautier, en qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, vous avez souligné que le Gouvernement souhaitait, aux articles 15 et 16 du présent projet de loi, mieux réprimer les violences conjugales, et ce quelques mois à peine après le vote de la loi - importante - d'avril 2006. Je vous remercie d'avoir estimé que nos propositions s'inspiraient de celles que votre délégation avait formulées pour mieux lutter contre les violences habituelles au sein du couple.
Madame le sénateur, votre soutien nous sera précieux et utile. Le Gouvernement est très attentif à ce que la discussion engagée réponde pleinement aux préoccupations que vous avez exprimées à travers la délégation aux droits des femmes.
Monsieur Mahéas, je m'abstiendrai de toute polémique bien que, pour une raison que j'ignore, votre propos en ait été quelque peu empreint, ce qui ne fut pas le cas lors de la discussion du projet de loi sur la fonction publique territoriale.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est jamais le cas ! (Sourires.)
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, mais je tiens à être très clair. Le mode de calcul de la délinquance n'a pas changé depuis quinze ou vingt ans. C'est le même indicateur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une contrevérité !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Pas du tout !
Si vous acceptiez ces chiffres voilà quinze ans, vous ne pouvez pas les contestez aujourd'hui. Ou alors, il vous faut revenir sur les propos que vous teniez alors.
M. Jacques Mahéas. On ne prend plus les plaintes dans les commissariats !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur Mahéas, vous avez regretté l'absence ou l'insuffisance d'effectifs de police dans votre département.
Je voudrais être sûr que vous ayez bien voté la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. En effet, un de ses objectifs était d'améliorer et d'augmenter les moyens de la police et de la gendarmerie.
M. Jacques Mahéas. C'est raté !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Si vous l'avez votée, vous avez raison de vous inquiéter. Dans le cas contraire, vous êtes mal placé pour ce genre de remarque.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout ! La loi est la loi ! Elle s'applique à tout le monde !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. M. Peyrat a insisté sur un point très important : la nécessité de responsabiliser les parents, en les invitant à assumer les missions qui doivent être les leurs.
C'est aussi une de nos préoccupations. Les mesures d'accompagnement parental ont bien pour objectif d'améliorer la capacité des parents à accomplir leur devoir d'éducation.
Monsieur Collombat, je suis très surpris, car il semble que vous ayez lu dans le texte des dispositions qui n'y figurent pas. Il serait intéressant qu'au cours du débat vous indiquiez très précisément au Sénat l'endroit où vous avez lu que le maire deviendrait, aux termes de notre projet, un « juge de proximité ». Ce sont les mots que vous avez utilisés et il vous faut donc les rattacher à une référence.
M. Pierre-Yves Collombat. C'est M. Cardo qui les utilisent ! Il appartient à votre majorité !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Nous ne proposons, naturellement, rien de tel. Le « rappel à l'ordre », en particulier, n'est pas une mesure juridictionnelle et ne doit pas le devenir, comme l'ont montré à juste titre les travaux de la commission des lois.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, il n'est pas question de transformer le maire en procureur. Il ne s'agit pas davantage de lui demander de se substituer aux autorités juridictionnelles.
M. Pierre-Yves Collombat. Dans ce cas, pourquoi le mettre dans la loi ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il s'agit, je le répète - mais peut-être faudra-t-il le répéter plusieurs fois - de placer le maire au centre des acteurs de la prévention de la délinquance, d'organiser ses relations avec les autres acteurs afin qu'il puisse, en tant que de besoin, passer le relais aux acteurs compétents.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut faire un fichier ! (Sourires.)
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cela répond, monsieur Collombat, à une vraie attente des maires.
Vous avez par ailleurs rappelé le rôle important joué par les polices municipales. C'est précisément pour reconnaître ce rôle et pour accompagner la professionnalisation des polices municipales que j'ai signé, en avril dernier, avec la majorité des organisations syndicales, un protocole qui ne résout certes pas tout, mais qui constitue une avancée et dont les mesures d'application seront très prochainement publiées.
Je voudrais remercier M. Fourcade...
Plusieurs sénateurs socialistes. Il est parti !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas que Mme Tasca qui n'est plus là !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'ai répondu à Mme Tasca et je réponds de la même manière à M. Fourcade, je vous remercie de le souligner.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'avez pas relevé qu'il n'était plus là !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. M. Fourcade a souligné, et je l'en remercie, que ce texte avait le mérite de lutter contre les cloisonnements.
J'ai relevé aussi que M. Fourcade a insisté sur la nécessité de mieux répondre aux attentes des victimes. L'amendement présenté par M. Fillon et par les membres du groupe de l'UMP répond à cette préoccupation : il est proposé que, désormais, le juge d'instruction convoque et entende la partie civile régulièrement, et au minimum tous les quatre mois, afin de la tenir informée de l'évolution de la procédure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les avocats sont là pour cela !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. C'est un changement fondamental, auquel nous sommes très ouverts.
Monsieur Demuynck, je vous remercie d'avoir fait entendre une autre voix pour le département de la Seine-Saint-Denis.
Oui, nous devons tout faire pour répondre, de manière déterminée, à la délinquance des mineurs. Le présent texte nous donnera de nouveaux instruments pour y parvenir. Je suis persuadé que, sur le terrain, en particulier dans votre département, les acteurs locaux sauront les utiliser, parce qu'ils en ont besoin !
M. Bockel a souligné, à juste titre, combien ce projet de loi est issu du recueil des expériences menées dans différentes villes de France. Il a naturellement et très logiquement fait état de sa propre expérience à Mulhouse. Comme vous le savez, monsieur Bockel, notre texte est pragmatique.
Vous avez notamment insisté sur la possibilité de déléguer l'action sociale départementale aux communes et sur l'apport que représente le secret partagé.
Sur d'autres sujets, tels que le conseil des droits et devoirs des familles, j'espère que nous pourrons vous convaincre, au cours de nos débats, de la valeur ajoutée que permettra le texte. Je le précise encore une fois, il ne s'agit ni de décider à la place du juge, ni de priver le maire de ses prérogatives actuelles ; il s'agit de faire bénéficier ce dernier de l'expérience de chacun des membres du conseil, afin qu'il puisse proposer utilement à chaque famille, au cas par cas, les réponses les plus adaptées.
J'ai noté que vous aviez conclu votre propos en souhaitant que le texte devienne le plus fédérateur et le plus lisible possible. C'est très exactement le voeu du Gouvernement, qui se montrera très ouvert à plusieurs amendements importants que vous présenterez.
Mme Boumediene-Thiery a souligné le caractère transversal et interministériel du texte, élaboré sous la conduite de Nicolas Sarkozy, en plein accord avec les membres du Gouvernement concernés. Je l'en remercie.
Pour le reste, la nature de vos critiques, madame la sénatrice, montre tout l'intérêt qu'il y aura à ce que nous prenions le temps de procéder à une lecture attentive du texte, article après article, pour lever un certain nombre d'incompréhensions.
Vous avez conclu votre intervention en rappelant que la prévention de la délinquance commençait par l'éducation : c'est exactement ce qu'a dit votre collègue Serge Dassault au début de sa propre intervention. Vous avez donc assuré la transition ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Il a dit que les promeneurs sont des délinquants !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je ne sais pas si c'était spontané ou calculé, mais, en tout cas, je suis obligé de le relever !
Monsieur Dassault, nous partageons votre souci de favoriser l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Plusieurs dispositions du projet de loi y concourront, comme l'inscription de la prévention de la délinquance dans les plans régionaux de développement de la formation professionnelle.
En outre, des propositions constructives seront présentées, émanant d'ailleurs des différentes travées de la Haute Assemblée, s'agissant notamment des écoles de la deuxième chance.
M. Guy Fischer. Parlons-en !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Par ailleurs, nous sommes nous aussi attachés à la lutte contre l'absentéisme scolaire, et c'est ainsi que nous proposons de créer une mesure d'activité de jour, ce qui répond en partie à vos préoccupations.
Voilà, monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques réflexions qu'ont suscitées, au sein du Gouvernement, les propositions, critiques et remarques que vous avez d'ores et déjà souhaité formuler à l'aube de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF. - M. Georges Othily applaudit également.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.