sommaire
présidence de M. Roland du Luart
2. Secteur de l'énergie. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
MM. Jean-Pierre Bel, Robert Bret, Yves Coquelle, Roland Courteau, Daniel Raoul, Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques ; François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Suspension et reprise de la séance
MM. le ministre délégué, Roland Courteau, le rapporteur, le président.
Division additionnelle avant le titre Ier
Amendement no 198 de M. Yves Coquelle. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Article additionnel avant le titre Ier ou avant l'article 14
Amendements nos 199, 200 et 510 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, le rapporteur, le ministre délégué, Gérard Le Cam, Roland Courteau. - Rejet des trois amendements.
Articles additionnels avant le titre Ier
Amendement no 201 rectifié de M. Yves Coquelle. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre délégué, Gérard Le Cam, Jean-Marc Pastor. - Rejet.
Amendement no 202 de M. Yves Coquelle. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre délégué, Yves Coquelle. - Rejet.
Amendement no 203 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, le rapporteur, le ministre délégué, Robert Bret. - Rejet.
Amendement no 204 de M. Yves Coquelle. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre délégué, Robert Bret. - Rejet.
Amendement no 205 de M. Yves Coquelle. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre délégué, Yves Coquelle. - Rejet.
Amendement no 206 de M. Yves Coquelle. - Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Yves Coquelle, Roland Courteau. - Rejet.
Amendement no 208 de M. Yves Coquelle. - Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Robert Bret, Daniel Raoul. - Rejet.
Amendement no 209 de M. Yves Coquelle. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre délégué, Yves Coquelle, Roland Courteau, Mme Nicole Bricq, M. Robert Bret. - Rejet.
Amendement no 210 de M. Yves Coquelle. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Marie-France Beaufils. - Rejet.
Amendement no 211 de M. Yves Coquelle. - Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Yves Coquelle, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Adrien Gouteyron
3. Candidatures à des organismes extraparlementaires
4. Souhaits de bienvenue à une délégation de sénateurs du Burundi
5. Secteur de l'énergie. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
MM. Yves Coquelle, le président.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Articles additionnels avant le titre Ier (suite)
Amendement no 212 de M. Yves Coquelle. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, François Loos, ministre délégué à l'industrie. - Rejet.
Amendement no 213 de M. Yves Coquelle. - M. Robert Bret, le rapporteur, le ministre délégué, Yves Coquelle. - Rejet.
Amendement no 214 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, le rapporteur, le ministre délégué, Daniel Raoul. - Rejet.
Amendement no 215 de M. Yves Coquelle. - MM. Michel Billout, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Bariza Khiari. - Rejet.
Amendement no 207 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendements identiques nos 81 de M. Roland Courteau et 589 de M. Jean Desessard. - MM. Roland Courteau, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué, Gérard Le Cam, Mmes Nicole Bricq, Marie-France Beaufils. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 82 de M. Roland Courteau et 590 de M. Jean Desessard. - MM. Daniel Raoul, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué, Gérard Le Cam, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Nicole Bricq. - Rejet des deux amendements.
MM. Jean-Pierre Bel, le ministre délégué, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme Nicole Bricq, M. le président.
Suspension et reprise de la séance
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
Amendement n° 83 de M. Roland Courteau. - MM. Jean-Marc Pastor, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.
Amendement no 84 de M. Roland Courteau. - MM. Daniel Reiner, le rapporteur, le ministre délégué, Yves Coquelle, Roland Courteau, Mme Marie-France Beaufils. - Rejet par scrutin public.
MM. Michel Billout, le président, le ministre délégué.
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
Amendement no 85 de M. Roland Courteau. - Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Michel Sergent, Jean-Luc Mélenchon, Roland Courteau. - Rejet.
Amendement no 86 de M. Roland Courteau. - Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
MM. Jean-Marc Pastor, Michel Billout, le ministre délégué, Jean-Pierre Raffarin.
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
Amendement no 87 de M. Roland Courteau. - MM. Michel Sergent, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Luc Mélenchon. - Rejet.
Amendement no 88 de M. Roland Courteau. - MM. Michel Sergent, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 89 de M. Roland Courteau et 596 de M. Jean Desessard. - MM. Roland Courteau, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Nicole Bricq. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 90 de M. Roland Courteau et 597 de M. Jean Desessard. - MM. Roland Courteau, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 91 de M. Roland Courteau et 598 de M. Jean Desessard. - Mme Bariza Khiari, MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 92 de M. Roland Courteau et 599 de M. Jean Desessard. - MM. Michel Sergent, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 93 de M. Roland Courteau et 600 de M. Jean Desessard. - MM. Jean-Marc Pastor, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 94 de M. Roland Courteau et 601 de M. Jean Desessard. - MM. Roland Courteau, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué, Daniel Reiner. - Rejet des deux amendements.
6. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
7. Organisme extraparlementaire
Suspension et reprise de la séance
8. Secteur de l'énergie. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. Gérard Le Cam.
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
Amendement no 95 de M. Roland Courteau. - MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 96 de M. Roland Courteau. - MM. Michel Sergent, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements identiques nos 97 de M. Roland Courteau et 604 de M. Jean Desessard. - MM. Jean-Marc Pastor, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 100 de M. Roland Courteau et 607 de M. Jean Desessard. - Mme Bariza Khiari, MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 99 de M. Roland Courteau et 606 de M. Jean Desessard. - MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait des deux amendements.
Amendements identiques nos 98 rectifié de M. Roland Courteau et 605 rectifié de M. Jean Desessard. - Mme Bariza Khiari, MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 101 de M. Roland Courteau et 608 de M. Jean Desessard. - MM. Roland Courteau, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 102 de M. Roland Courteau et 609 de M. Jean Desessard. - MM. Roland Courteau, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 103 de M. Roland Courteau et 610 de M. Jean Desessard. - MM. Daniel Reiner, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendement no 104 de M. Roland Courteau. - Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Fourcade, Roland Courteau, Mme Nicole Bricq, MM. Daniel Reiner, Jean-Marc Pastor, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Michel Sergent. - Rejet.
Amendement no 188 rectifié de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Marc Pastor. - Rejet.
Amendement no 189 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 190 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 191 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.
Amendements nos 193 rectifié et 194 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué, Gérard Le Cam, Roland Courteau, Marcel Deneux. - Rejet des deux amendements.
Amendement no 194 de M. Jean Desessard. - Rejet.
Amendements identiques nos 530 de M. Roland Courteau et 587 de M. Jean Desessard. - MM. Roland Courteau, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Marc Pastor, Mme Bariza Khiari, M. Daniel Reiner. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 531 de M. Roland Courteau et 588 de M. Jean Desessard. - Mme Bariza Khiari, MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Renvoi de la suite de la discussion.
9. Dépôt d'une proposition de loi
10. Transmission d'une proposition de loi
11. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
12. Renvoi pour avis
14. Dépôt d'un rapport d'information
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Secteur de l'énergie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (no 3, 2005-2006, nos 6, 7).
Rappels au règlement
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, nous travaillons sur ce projet de loi depuis deux jours. Ce matin, la presse se fait l'écho d'informations qui, à mon sens, devraient nous amener à réfléchir plus sereinement.
Un article des Échos daté de ce jour nous apprend que M. Pinault « est prêt à mettre 18 milliards d'euros sur la table pour reprendre le pôle eau, déchets et services à l'énergie de Suez, autrement dit pour recréer l'ex-Lyonnaise des Eaux, aujourd'hui partie intégrante de ce conglomérat. Les modalités sont définies, le financement est assuré. L'homme d'affaires n'attend plus que le lancement par Enel, son allié dans cette opération, de l'OPA hostile sur Suez à laquelle l'Italien travaille depuis des mois. »
De plus, nous avons appris ce matin qu'un conseil d'administration extraordinaire de GDF doit se tenir pour étudier les conséquences des cessions demandées par la Commission européenne à GDF et, me semble-t-il aussi, des concessions que GDF et Suez seraient prêts à consentir. Ces événements de très grande importance sont directement liés au sujet que nous traitons.
Au nom de mon groupe, je demande donc que la commission des affaires économiques soit immédiatement convoquée afin que M. le ministre nous donne des explications sur ces questions capitales. Nous devons pouvoir jouer notre rôle : le Parlement ne doit pas simplement être un spectateur qui agirait indépendamment de tout ce qui se passe.
M. Roland Courteau. Cela fait désordre !
M. Jean-Pierre Bel. Le Parlement doit pouvoir délibérer sereinement et en toute connaissance de cause.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour un rappel au règlement.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement du Sénat relatif à l'organisation de nos travaux.
Nous faisons la même lecture que M. Jean-Pierre Bel des informations qui nous ont été données par les médias ce matin.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, à chaque jour suffit sa peine ! Au fur et à mesure du temps qui passe, l'écran de fumée qui dissimulait les véritables enjeux de notre débat depuis le début de nos travaux se dissipe quelque peu, malgré vos tentatives pour le maintenir.
Quelles sont les fameuses nouvelles garanties que la commissaire européenne Neelie Kroes, indéfectible représentante des intérêts gaziers et pétroliers anglo-néerlandais, comme chacun le sait, exige de Suez pour autoriser la mise en oeuvre de la fusion avec Gaz de France ? Il s'agit probablement du pôle environnement de Suez, représentant 27 % du chiffre d'affaires du groupe.
Quel pur hasard ! Comment ne pas rappeler que Henri Proglio, P-DG de Veolia Environnement, c'est-à-dire le concurrent direct de Suez sur le marché du traitement des ordures ménagères et des services associés, est à l'origine de la fameuse proposition de fusion GDF-Suez... ?
Et la presse en rajoute encore en nous indiquant ce matin que M. François Pinault, qui vient de se débarrasser d'une partie de son empire - en l'occurrence la FNAC -, se trouve à la tête de liquidités suffisantes pour se mettre en position d'acquérir, lui aussi, le pôle environnement de Suez.
Qui cherche-t-on à tromper dans ce débat ? Nous ne sommes manifestement pas en situation de légiférer en connaissance de cause, alors qu'en coulisses une guerre de pouvoirs se joue entre grands patrons et bureaucrates européens comme toujours aux dépens de l'intérêt national et de celui des Françaises et des Français.
Décidément, monsieur le ministre, ce théâtre d'ombres est tout à fait détestable ! Il renforce sans la moindre équivoque la proposition, d'ailleurs tout à fait juridiquement valable et économiquement rationnelle, de fusion entre GDF et EDF, source évidente d'avantages mutuels tant pour ces deux entreprises publiques que pour les usagers et les entreprises consommatrices d'énergie de notre pays.
Jour après jour, outre son caractère juridiquement contestable la fusion GDF-Suez apparaît bel et bien comme un non-sens économique, une aberration et un abandon stratégique de première ampleur pour l'avenir même de l'économie nationale.
Je me joins donc à la demande du président du groupe socialiste, Jean-Pierre Bel, pour demander que la commission des affaires économiques se réunisse dès maintenant pour réexaminer, en fonction des informations données par la presse, ce projet de loi, qui va à l'encontre des intérêts de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour un rappel au règlement.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous apprenons effectivement que « la Commission européenne demande plus de concessions aux groupes Suez et GDF pour valider leur fusion, par rapport ce qui a été proposé jusqu'ici », d'après une source proche du dossier reprise mercredi par une dépêche de l'AFP.
« Il y a de nouvelles exigences des services de Neelie Kroes, [...] de nouvelles demandes sur les remèdes » proposés par les groupes pour faire avaliser leur rapprochement, a expliqué cette source ayant requis l'anonymat.
Nous estimons nécessaire, avec mes amis du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen, que la commission des affaires économiques se réunisse pour permettre à notre rapporteur de nous donner les informations dont il dispose. Il est décidément impossible de légiférer à l'aveuglette.
En tout état de cause, l'audition de Mme Kroes apparaît de plus en plus comme une nécessité impérieuse pour la transparence des débats.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Courteau. Comme la presse l'indique - et, à mon avis, ses sources sont sûres -, l'OPA sur Suez va se réaliser. Si nous continuons à légiférer, nous allons aboutir à la privatisation de GDF, sans aucune autre porte de sortie. Une fois privatisé, Gaz de France pourra facilement faire l'objet d'une OPA et passer sous le contrôle d'une entreprise étrangère.
M. Robert Bret. C'est irresponsable !
M. Gérard Le Cam. Et l'intérêt national ?
M. Roland Courteau. Dans ces conditions, continuer de légiférer serait gravissime. Nous vous demandons donc de retirer ce projet de loi et nous associons aux demandes de mes collègues.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour un rappel au règlement.
M. Daniel Raoul. Je souhaite simplement livrer une information supplémentaire à notre assemblée. Bruxelles aurait envoyé une lettre concernant le décret anti-OPA de M. de Villepin. Tout cela contribue à fragiliser le dispositif que vous essayez de nous vendre avec la golden share, qui n'aura plus de sens.
Je souhaiterais que l'on nous éclaire sur ce sujet et j'approuve les demandes qui ont été présentées par mes collègues.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. J'ai bien entendu le président du groupe socialiste, Jean-Pierre Bel, et les différents intervenants. Il me paraît cependant très difficile d'accéder à leur demande de réunion de la commission sur la base de simples informations parues dans les journaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je souhaiterais donc que M. le ministre délégué à l'industrie donne son sentiment sur cet article de presse.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Messieurs les sénateurs, vous avez posé deux questions ce matin. Des entreprises s'intéressent-elles à l'avenir de Suez ? Les négociations sur les griefs de la Commission européenne au projet de fusion GDF-Suez se poursuivent-elles ?
Sur la première question, ce n'est pas un scoop de dire que des entreprises s'intéressent à Suez ! À un moment, la rumeur courait que c'était le cas d'Enel, mais d'autres bruits ont couru en même temps. Aujourd'hui, une personnalité française serait l'un des acteurs de cette proposition.
Tout cela démontre que des restructurations sont en cours dans ce secteur et que les appétits s'aiguisent. Des banques d'affaires élaborent des projets ; des financiers imaginent des solutions. Le texte qui vous est actuellement soumis prévoit de transposer les directives et de permettre à Gaz de France, et seulement à lui, de se développer, non pas en s'endettant, mais en ouvrant son capital pour pouvoir s'allier à une autre entreprise. Ce texte nous met en position de force en offrant à Gaz de France cette possibilité. Toutes les autres questions ne sont que spéculation !
M. Roland Courteau. Vous jouez avec le feu !
M. François Loos, ministre délégué. Vous en avez connaissance, car le secteur de l'énergie suscite des convoitises. De très nombreuses opérations sont d'ailleurs envisagées, certaines ont même déjà été lancées. Il suffit de regarder ce qui se passe depuis des mois en Espagne. C'est ce que nous voulons éviter en prenant la main. Tel est le sens de ce texte.
M. Thierry Repentin. C'est La Palice qui parle !
M. François Loos, ministre délégué. Lisez donc les dispositions du texte !
Quant à la suite que Gaz de France et Suez vont donner à la lettre de griefs de la Commission européenne, la procédure suit son cours. En l'espèce, il est normal que la Commission examine l'état de la concurrence lorsque deux entreprises, dont l'activité européenne est suffisamment importante, souhaitent fusionner - j'en ai parlé hier soir à propos d'EDF et de Gaz de France - pour savoir si cette fusion à 100 % n'entraînerait pas une situation de monopole, ce qui ne serait pas possible.
La procédure communautaire veut que les entreprises concernées répondent aux griefs en formulant des propositions de cession, par exemple. C'est également ce que nous faisons en France lorsque les entreprises opèrent strictement sur le territoire national. J'en veux pour preuve ce qui s'est passé cet été avec Canal Plus et TPS. (Protestations ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Ce n'est pas comparable !
M. François Loos, ministre délégué. C'est exactement la même chose : ce sont les entreprises qui font des propositions pour répondre à la situation !
Gaz de France et Suez ont répondu à la lettre de griefs et ont fait une proposition qui est apparue sérieuse puisque la Commission l'a transmise pour consultation à tous les concurrents, comme le prévoit la procédure.
Actuellement, les discussions se poursuivent et elles ont entraîné la convocation prochaine du conseil d'administration de Gaz de France.
La procédure en cours est donc normale. Il sera constaté, je l'espère, que cette fusion se fait dans de bonnes conditions.
M. Robert Bret. Comment pouvez-vous dire cela ? Quelles garanties avez-vous ?
M. François Loos, ministre délégué. Ainsi Gaz de France et Suez pourront accroître considérablement leurs capacités d'achat sur le marché international ; je vous ai d'ailleurs communiqué les chiffres hier soir.
M. Robert Bret. C'est irresponsable !
M. Jean-Pierre Bel. Vous vous moquez de nous !
M. François Loos, ministre délégué. Vous profitez, à tout instant, des rumeurs pour remettre en question ce texte !
M. Roland Courteau. La sagesse commande de le retirer !
M. François Loos, ministre délégué. Ce projet de loi marque une première étape nécessaire, quel que soit le futur partenaire de Gaz de France.
Je vous rappelle que nous avions rencontré le même problème, en 2002, avec Air France. À l'époque, le Gouvernement avait accepté de diminuer la part de l'État pour qu'Air France puisse conclure une opération avec Lufthansa, qui s'est finalement réalisée avec KLM.
M. Roland Courteau. Il y a le feu, et vous ne voulez pas le reconnaître !
M. François Loos, ministre délégué. Tout ce qui se dit aujourd'hui sur ce qui se passera après le vote de ce texte n'est que spéculation !
M. Roland Courteau. Vous jouez avec le feu !
M. Robert Bret. Vous en préparez les conditions !
M. Thierry Repentin. C'est honteux !
M. François Loos, ministre délégué. Vu les enjeux, il est normal que nombre d'entreprises et de financiers s'intéressent au sujet. Toutefois, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à revenir à l'examen du projet de loi qui est soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Thierry Repentin. Vous bradez !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. J'ai bien entendu la demande qui a été faite au président de la commission des affaires économiques.
Comme vient de le rappeler M. le ministre, ce projet de loi ne contient pas qu'un seul article, l'article 10, et un seul titre, le titre III !
M. Thierry Repentin. J'ai un doute !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il comprend également le titre 1er relatif à l'ouverture des marchés et au libre choix des consommateurs, le titre II relatif à la distribution de l'électricité et du gaz et le titre IV, qui prévoit des dispositions relatives aux contrats de fourniture d'électricité ou de gaz naturel.
En tant que rapporteur, je souhaite que nous avancions dans l'examen du texte, car le titre 1er et le titre II ne peuvent pas attendre. En outre, les quelque soixante-quinze amendements, qui tendent à insérer des articles additionnels avant l'article 1er et qui n'émanent d'ailleurs ni du groupe de l'UMP ni du groupe de l'UC-UDF,...
M. Robert Bret. Ni de la commission !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... mais uniquement du groupe CRC et du groupe socialiste, visent presque tous à renégocier les directives, à demander un bilan sur l'ouverture de la concurrence et à fixer les prix de l'électricité. Certes, il est vrai, qu'un certain nombre d'entre eux concernent le projet que vous appelez de vos voeux, EDF-Gaz de France, mais aucun n'a trait au problème que vous avez évoqué tout à l'heure, monsieur Bel.
La commission n'a donc aucune raison de se réunir maintenant pour réexaminer les volets de ce projet de loi. Je le répète, je souhaite que nous ne prenions pas de retard.
Votre demande est fondée sur les rumeurs qui courent aujourd'hui. Toutefois, considérant le nombre d'amendements à examiner auparavant, je pense que l'article 10 du projet de loi ne viendra pas en discussion avant le vendredi 20 octobre ou le lundi 23 octobre. D'ici là, je ne suis pas hostile au fait que la commission entende M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. le ministre délégué ou les acteurs concernés.
En outre, M. le ministre nous a indiqué que le conseil d'administration de Gaz de France allait se réunir cet après-midi. Attendons d'avoir plus d'informations pour convoquer la commission et faisons la part entre les ragots, si je puis dire, ...
Plusieurs sénateurs socialistes. Oh !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pas de vous !
M. Robert Bret. De la presse !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Oui, de la presse !
M. Robert Bret. Elle va apprécier !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... et la vérité. Moi-même, en tant que rapporteur, je m'interroge également sur ces informations. Mais, prenons le temps calmement, et non pas dans l'affolement, ...
M. Roland Courteau. On ne s'affole pas !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... de recueillir les informations nécessaires sur ce que nous avons lu dans la presse ce matin. Laissons également le temps à Gaz de France de réunir son conseil d'administration pour faire en sorte que le projet GDF-Suez réponde aux exigences de Bruxelles, parce que ce sont deux sujets totalement différents.
Je le répète, sincèrement, je ne vois pas ce que pourrait vous apporter maintenant une réunion de la commission, si votre objectif est vraiment d'avoir des informations supplémentaires sur ce que nous avons appris ce matin.
M. Jean-Pierre Bel. Bien sûr !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur le sénateur, j'appuie votre demande, mais pas maintenant, car je souhaite moi aussi avoir plus d'informations sur cette question, mais il faut que celles-ci soient réelles et sérieuses. Ne nous réunissons pas simplement pour le plaisir de la réunionnite !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Les réactions de M. le ministre nous laissent particulièrement dubitatifs. Nous savons tous que c'est pour résister à l'assaut d'Enel sur Suez que le Gouvernement a décidé de faire examiner en urgence ce projet de loi par les deux assemblées. La manière dont M. le ministre nous l'explique aujourd'hui nous laisse pantois.
J'ai bien écouté les arguments avancés par M. le rapporteur. Il n'en reste pas moins que, avant de commencer l'examen des amendements, nous souhaitons pouvoir nous concerter et, au nom de mon groupe, je vous demande une suspension de séance, monsieur le président.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures cinquante-cinq, est reprise à dix heures quinze.)
M. François Loos, ministre délégué. Je viens de me rendre compte que je n'ai pas répondu à la question qui m'a été posée avant la suspension de la séance sur les OPA, plus particulièrement sur l'action spécifique, la fameuse golden share. Or je tiens à donner toutes les explications sur ce sujet.
La golden share est en général interdite et c'est normal. On ne peut pas imaginer que le détenteur d'une telle action puisse avoir les pleins pouvoirs sur des pans entiers d'une entreprise.
En revanche, à l'échelon européen, une action spécifique est admise dans certains cas, notamment lorsqu'un État entend défendre un intérêt stratégique. Cette action lui donne alors des pouvoirs particuliers.
Où se situent les intérêts stratégiques dans le domaine de l'énergie ?
La France a d'abord intérêt à disposer de terminaux méthaniers. Comment assurer les approvisionnements en gaz naturel liquéfié sans ces terminaux ? Que se passerait-il si ces terminaux étaient mis en vente ou utilisés pour autre chose ?
Elle a ensuite intérêt à disposer de stocks de gaz. Les installations souterraines, où le gaz est injecté et d'où il peut être retiré, sont évidemment stratégiques pour notre approvisionnement. Nous avons actuellement des stocks de gaz, qui représentent environ 25 % de la consommation nationale annuelle et qui nous permettraient de faire face à un problème de rupture d'approvisionnement d'un fournisseur.
Enfin, elle a intérêt à s'assurer de la disponibilité du réseau de transport qui alimente les réseaux de distribution, en tout cas de l'essentiel de ce réseau. En France, il en existe deux : celui dont dispose Gaz de France et celui, long de 5 000 kilomètres, appartenant au groupe Total, qui est un gazier important.
La golden share permet de protéger ces trois intérêts.
Lorsque nous avons informé le commissaire européen en charge du marché intérieur et des services que l'État français envisageait de détenir une action spécifique dans Gaz de France, car il ne serait plus majoritaire dans son capital, il nous a répondu qu'il était contre en général - il a raison -, sauf lorsqu'il s'agit de défendre des intérêts stratégiques, ce qui est le cas, les intérêts que nous évoquions étant déjà reconnus comme légitimes par les institutions européennes. Ainsi la Belgique détient-elle aujourd'hui des golden shares dans des filiales de Suez. D'autres pays en possèdent déjà. Compte tenu de cette jurisprudence, il est donc certain que notre demande sera acceptée.
Tels sont l'objectif de cette golden share et le contexte juridique européen dans lequel elle s'inscrit. Je tenais à vous rassurer sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les informations dont nous disposons proviennent d'organismes de référence en matière économique - l'AFP, La Correspondance économique, La Tribune, Les Échos -, dont on ne peut pas dire qu'ils se répandent quotidiennement en ragots et en fausses informations !
Compte tenu de la situation nouvelle ainsi créée et du danger qu'il y a à continuer de légiférer comme si rien ne s'était passé, compte tenu des propos évasifs qu'a tenus M. le ministre tout à l'heure...
M. Roland Courteau. ...et des doutes exprimés par M. le rapporteur, nous demandons une suspension de séance dans l'attente de la décision du conseil d'administration de Gaz de France, qui aura lieu cet après-midi.
Par ailleurs, nous vous informons que nous allons immédiatement saisir M. le Premier ministre de cette situation, que le groupe socialiste et le groupe CRC considèrent comme étant extrêmement dangereuse pour l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Je ne pense pas avoir donné des explications évasives (« fumeuses ! » sur les travées du groupe socialiste), monsieur le sénateur ; je suis au contraire disposé à vous répondre très précisément.
La situation évoquée ce matin par les journaux n'influe en rien sur les raisons pour lesquelles nous nous sommes engagés à présenter ce texte, à savoir l'existence d'une crise de l'énergie au plan international. Or l'approvisionnement en gaz est une vraie question de sécurité pour notre pays.
Si nous n'avons pas rencontré de problèmes comme l'Ukraine ou l'Italie en début d'année,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est parce qu'on avait une entreprise publique !
M. François Loos, ministre délégué. ...c'est parce que notre pays dispose d'un certain nombre de manettes qui nous permettent de mener une politique énergétique forte, et ce texte vise à renforcer encore notre sécurité d'approvisionnement.
Selon vous, l'opinion du conseil d'administration de Gaz de France constitue l'élément clé de notre discussion.
M. Jean-Pierre Bel. Mais non !
M. François Loos, ministre délégué. Je ne suis pas d'accord ! Les délibérations du conseil d'administration de Gaz de France sont certes importantes pour l'entreprise, mais le Parlement est invité à poursuivre le débat sur le fond du projet de loi. Pour ce qui est des étapes ultérieures, le rapprochement entre Gaz de France et Suez n'est qu'une hypothèse parmi d'autres.
Par ce texte, nous nous donnons des possibilités d'une meilleure sécurité d'approvisionnement. Le Parlement débat du cadre général, dans lequel pourra éventuellement s'inscrire, ultérieurement, la fusion des entreprises Gaz de France et Suez. Au demeurant, l'avis des commentateurs diffère sur la réalisation de celle-ci. Il ne faudrait donc pas inverser l'ordre des facteurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Daniel Raoul. C'est incroyable !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne voudrais pas que l'on trahisse mes propos.
Je ne suis pas du tout hostile, je l'ai dit, à ce que nous entendions le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre délégué à l'industrie, voire le P-DG de Gaz de France, afin qu'ils puissent nous informer des décisions prises par le conseil d'administration de l'entreprise en fonction des réponses de Bruxelles.
Ces informations seront utiles à notre débat sur l'article 10 du projet de loi, vraisemblablement vendredi 20 octobre ou lundi 23 octobre prochain. Il n'est toutefois pas nécessaire que la commission se réunisse dès maintenant sur ce sujet ; les ministres disposeront en outre de plus amples informations d'ici à l'examen du titre III en séance publique.
Par ailleurs, puisque vous avez fait allusion à l'AFP, mes chers collègues, je veux vous citer une dépêche qui vient de tomber : « Le pôle environnement de Suez n'est pas à vendre, a déclaré un porte-parole du groupe jeudi, alors que des informations de presse font état d'un projet de rachat par l'homme d'affaires François Pinault. ?Suez environnement n'est pas à vendre?, a déclaré ce porte-parole, et ?a toute sa place dans le nouvel ensemble Suez-GDF?, a-t-il ajouté, rappelant que le groupe ne prévoyait pas de s'en séparer dans le cadre de son rapprochement en cours avec Gaz de France. »
Enfin, j'ai moi aussi auditionné les représentants de tous les syndicats, et non pas seulement les trois principales centrales, y compris ceux de Gaz de France et de Suez ; certains d'entre vous étaient présents. Comme vous le savez, les syndicats de Suez craignent avant tout le démantèlement de leur groupe.
M. Jean-Pierre Bel. C'est normal !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous le rappelle incidemment, au cas où certains leur prêteraient d'autres propos.
Quoi qu'il en soit, le refus du démantèlement fait l'objet d'un vrai consensus de la part des pouvoirs publics et de l'entreprise, au niveau tant de l'encadrement que des salariés. Je tenais à le rappeler. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. Robert Bret. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Monsieur Bret, tous les groupes se sont exprimés. La discussion des articles permettra, le moment venu, de reprendre ce sujet.
M. Robert Bret. Je vois, monsieur le président, que l'on me censure !
M. Charles Revet. C'est vous qui parlez le plus dans cette assemblée !
M. le président. Ce n'est pas dans mes habitudes : j'ai permis à chacun de s'exprimer largement.
M. Roland Courteau. Nous avions demandé une suspension de séance !
M. le président. M. le ministre délégué et M. le rapporteur viennent de vous donner des réponses suffisamment claires. La sagesse nous commande maintenant de travailler.
M. Robert Bret. Nous n'avons pas les éléments pour travailler, monsieur le président, c'est le fond du problème !
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Division additionnelle avant le titre Ier
M. le président. L'amendement n° 198, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre 1er, ajouter une division et son intitulé ainsi rédigés :
TITRE ...
BILAN DE L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE ET RENÉGOCIATION DES DIRECTIVES
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous sommes dans une situation abracadabrantesque, un peu à l'image - c'est le breton qui parle - du homard qui, quand il mue, se fait manger par le congre : la mue que vous voulez faire opérer à GDF ne laisse pas augurer par qui il se fera croquer demain...
L'un des arguments souvent utilisés pour justifier les privatisations est l'intérêt des clients, qui pourraient bénéficier, grâce au jeu de la concurrence, de baisses des tarifs.
Or, cet argument s'avère de plus en plus discutable, si l'on en croit l'expérience de l'ouverture des marchés dans le domaine de la téléphonie, dans celui des services postaux ou de ce que nous pouvons constater dans le domaine de l'électricité.
S'agissant de la téléphonie, comment ne pas rappeler que, depuis l'ouverture des services à la concurrence, l'événement le plus important que nous ayons pu constater est plus la condamnation des trois principaux opérateurs de téléphonie mobile pour entente sur les prix qu'une véritable baisse du prix des prestations fournies, et ce sans compter le véritable racket organisé sur les usagers au travers des services associés à la téléphonie mobile - envoi de minimessages, par exemple ?
Comment encore ne pas rappeler que l'ouverture du marché des renseignements téléphoniques se traduit par un véritable fiasco, la plupart des opérateurs intervenant sur ce segment plus que réduit de service étant d'ores et déjà en situation de disparition programmée ?
Les usagers eux-mêmes ne s'y sont pas trompés : la médiocre qualité du service rendu a fait chuter de 40 % la sollicitation des numéros dédiés au regard de l'ancien recours au numéro 12 de France Telecom ; l'opérateur historique, pour sa part, s'apprêterait à supprimer 40 % des postes de travail destinés à l'activation de ce service.
Comment ne pas relever, en matière de services postaux, que les pays ayant totalement mis en oeuvre la libéralisation de ceux-ci se retrouvent aujourd'hui - l'exemple de la poste en Suède est instructif de ce point de vue - avec un service dont l'efficacité est sérieusement remise en question ?
Revenons à la question de l'énergie et à l'expérience fondée sur l'éligibilité de la clientèle des professionnels à la concurrence des opérateurs.
Généralement, dans le passé, à l'époque de la seule application des tarifs réglementés, les industriels étaient épargnés et une augmentation concernant les seuls particuliers ne soulevait pas de contestation flagrante. Mais, cette fois, nous assistons à un véritable tollé de la part des industriels qui constatent une flambée des prix, dépassant de très loin les records antérieurement observés. Il est nombre de secteurs dans lesquels cette hausse des prix des fournitures énergétiques a un impact sur les coûts de production.
Il est donc nécessaire de mettre en oeuvre au plus vite un processus de contrôle et de bilan pour prévenir les dérapages éventuels.
Du point de vue de l'efficacité économique, les exemples des pays libéralisés devraient nous inciter à la prudence. En effet, plus les pays ont opté pour la libéralisation de leur système de production, de distribution et de transport, plus les effets de la volatilité des cours se sont fait ressentir.
Par exemple, la progression des prix « spot » est particulièrement spectaculaire. Selon le rapport annuel 2005 de la Commission de régulation de l'énergie - qui recommande pourtant dans le même temps de prolonger le mouvement de libéralisation... -, la moyenne annuelle des prix spot était de 46,67 euros par mégawattheure en base et de 64,05 euros par mégawattheure en pointe en 2005, alors qu'elle s'établissait respectivement à 28,13 euros et à 37,55 euros en 2004. Et chacun sait pertinemment ici que les prix du gaz ont connu la même ascension, suivant assez étroitement la tendance haussière observée sur les prix du pétrole !
En fait, la réalité semble décidément ne pas donner raison à ceux qui préconisent de longue date la déréglementation. Annoncée au début des années quatre-vingt-dix comme une « révolution » inéluctable et liée au développement de l'économie mondiale, la déréglementation sous sa forme actuelle est aujourd'hui sujette à interrogation, même dans de grands pays libéraux.
Cette volatilité des prix a des conséquences économiques que l'on ne saurait ignorer. Comment, en effet, équilibrer ses budgets et prévoir ses dépenses pour une entreprise quand les prix de l'énergie connaissent de telles envolées, à tel point que vous vous sentez obligés, pour l'heure, de créer un dispositif de tarification transitoire, dont vous allez d'ailleurs faire payer une part non négligeable à l'opérateur historique de l'électricité, même si un amendement examiné hier en commission améliore ce point précis ?
Dans ces conditions, vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, de l'utilité d'un bilan indispensable sur la question de l'ouverture à la concurrence, dans la perspective de la renégociation des directives l'ayant favorisée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement est le premier d'une série de propositions consacrées au bilan de l'ouverture à la concurrence et à la renégociation des directives énergétiques. C'est pour moi l'occasion de réaffirmer un certain nombre d'éléments dont nous avons débattu à de nombreuses reprises, et les arguments que je vais développer seront également valables pour les amendements suivants, qui sont une variante de celui-ci.
En premier lieu, la renégociation des directives est bien entendu une option politique dont nous pouvons tout à fait discuter. Cependant, ce n'est certainement pas à la loi française de l'envisager. D'une part, comme toujours, il s'agit d'une injonction au Gouvernement, ce qui, je le rappelle, est contraire à la Constitution. D'autre part, une telle initiative ne pourrait recevoir une traduction concrète que par une action concertée des États membres de l'Union européenne. Dois-je rappeler que le mouvement de libéralisation des marchés en Europe a pris corps tout au long des années quatre-vingt-dix et a reçu une consécration juridique communautaire, pour les marchés énergétiques, en 2002, lors du sommet de Barcelone, où notre gouvernement était représenté par Lionel Jospin ?
M. Roland Courteau. Et par Jacques Chirac !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pourtant, jamais cette option n'a été remise en cause à l'époque. Surtout, elle fait directement suite au sommet de Lisbonne, qui s'est également tenu en 2002 et qui prévoyait un grand nombre de libéralisations ; notre pays y était également représenté par un gouvernement que vous souteniez totalement.
M. Robert Bret. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais, nous, nous y étions opposés !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En second lieu, il nous faut être mesurés sur le bilan de l'ouverture à la concurrence. N'oublions pas les bénéfices qu'un grand nombre d'entreprises ont retirés du fait de la possibilité qui leur a été progressivement offerte de changer de fournisseur. Celles d'entre elles qui ont fait jouer leur éligibilité ont vu, au début des années 2000, leur facture d'électricité considérablement diminuer. Il est vrai que la tendance s'est inversée ces derniers dix-huit mois. À cet égard, en abordant l'article 3 ter, nous aurons l'occasion d'examiner le fameux mécanisme du « tarif de retour » que proposent nos collègues de l'Assemblée nationale.
Si les prix de l'électricité ont augmenté - j'en profite pour répondre à plusieurs orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale -, c'est non pas à cause de la libéralisation, mais pour des raisons économiques beaucoup plus lourdes et, surtout, conjoncturelles. Nous le savons tous !
Il s'agit tout d'abord de la hausse des énergies fossiles, pétrole et gaz - vous l'avez rappelé à différentes occasions, monsieur le ministre -, qui a un impact direct sur les coûts de production d'électricité à partir de ces sources.
Il s'agit ensuite d'une insuffisance des moyens de production, les investissements de ces dernières années n'ayant pas été suffisamment importants pour couvrir la hausse de la demande. Je rappelle que nous avons frôlé la catastrophe à plusieurs reprises, notamment au cours des périodes les plus froides et les plus chaudes, car même avec les importations de nos voisins européens, la production a été à peine suffisante.
Il s'agit enfin de la mise en place d'un marché des permis d'émissions de gaz à effet de serre, qui a contribué pour près de 10 euros à la hausse du mégawattheure. Cette contribution continuera à peser sur nos prix pendant au moins un ou deux ans. Après, cela sera absorbé par le mécanisme du marché.
Ces causes sont conjoncturelles, et certaines devraient disparaître progressivement. En effet, les investissements de production sont en hausse. Par exemple, nous avons lancé la construction d'un réacteur EPR dans notre pays. À cet égard, je me suis réjoui que ce lancement ait reçu un soutien très clair de la part de la majorité UMP, des centristes et du parti communiste. Ce soutien n'a toutefois pas été aussi clair dans tous les rangs du parti socialiste.
Par ailleurs, je suis persuadé que certains effets spéculatifs sur le marché du CO2 devraient s'atténuer avec le temps.
Toutes ces raisons font que l'on ne peut imputer la hausse des prix à la libéralisation. En conséquence, il convient de rejeter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Raoul. C'est explicite !
M. Thierry Repentin. Évasif !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant le titre Ier ou avant l'article 14
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 199, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Un bilan démocratique et contradictoire des conséquences du processus d'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie en matière de continuité et de sécurité d'approvisionnement sera engagé dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi.
La poursuite de ce processus, et notamment l'ouverture à la concurrence pour les consommateurs domestiques, est subordonnée à l'examen de ce bilan par le Parlement.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Cet amendement s'explique par son texte même.
M. le président. L'amendement n° 200, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Un bilan démocratique et contradictoire des conséquences tarifaires du processus d'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie sera engagé dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi.
La poursuite de ce processus, et notamment l'ouverture à la concurrence pour les consommateurs domestiques, est subordonnée à l'examen de ce bilan par le Parlement.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Chacun le sait, le processus d'ouverture à la concurrence dans le secteur de l'énergie n'est pas encore terminé. De nouvelles phases de libéralisation sont à venir, en particulier l'ouverture à la concurrence pour les particuliers. Ce qui s'est passé pour les entreprises doit nous alerter et nous pousser d'ores et déjà à agir afin que les particuliers ne fassent pas les frais de hausses importantes. La situation actuelle de GDF nous y incite.
Pour l'année 2005, son chiffre d'affaires est de 22,4 milliards d'euros, avec un résultat net de 1,7 milliard d'euros.
Pour le premier semestre de 2006, Gaz de France a dégagé un nouveau bénéfice net record en hausse de 44 % et a relevé ses prévisions pour l'ensemble de l'exercice 2006.
Il semble que la progression des résultats en France soit due à celle de la marge liée au gaz, soit la différence entre le prix de vente et le prix d'achat du gaz, qui serait aujourd'hui de 13 %. Or nous savons tous que cette marge résulte de la hausse des prix réglementés du gaz - fixés par les pouvoirs publics - de près de 30 % en un an et demi.
Je suis sûr que les usagers de GDF, devenus des clients, apprécieront d'apprendre que c'est grâce aux hausses qu'ils ont subies que le profit des actionnaires a augmenté, et que cela va se poursuivre.
Pour l'année 2005, les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 60 %. La lettre de M. Cirelli présentant la mise en bourse d'actions de GDF prévoyait le doublement des bénéfices entre 2005 et 2007. Il est sur la bonne voie !
L'objectif premier de rentabilité financière est bien affiché : les marges doivent augmenter, les prix vont donc encore grimper.
On le voit, l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique, qui s'accompagne de la privatisation du secteur, entraîne des évolutions scandaleuses en termes de prix. C'est pourquoi il est inadmissible de poursuivre cette déréglementation sans connaître avec précision et certitude l'effet qu'elle aura sur les prix.
Nous ne pouvons courir le risque qu'après les entreprises les particuliers fassent les frais de cette décision idéologique au seul profit des marchés financiers. C'est pourquoi nous demandons, d'une part, que la poursuite du processus de déréglementation, notamment en ce qui concerne l'ouverture à la concurrence pour les consommateurs domestiques, soit subordonnée à la réalisation d'un bilan démocratique et contradictoire et, d'autre part, que l'examen de ce bilan sur l'impact tarifaire de la déréglementation soit réalisé par le Parlement.
M. le président. L'amendement n° 510, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un bilan démocratique et contradictoire des conséquences industrielles du processus d'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie sera engagé dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi.
La poursuite de ce processus, et notamment l'ouverture à la concurrence pour les consommateurs domestiques, est subordonnée à l'examen de ce bilan par le Parlement.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Cet amendement a le même objet que les précédents.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 199, je voudrais faire deux observations.
Premièrement, que faisons-nous si ce n'est débattre, notamment, des conséquences de l'ouverture à la concurrence ? Je ne vois pas l'utilité de prévoir un nouveau débat au mois de janvier prochain, puisque nous sommes précisément en train de nous prononcer sur ce point.
Deuxièmement, on ne peut pas remettre en cause, par l'unique action de la loi française, les directives européennes, puisque celles-ci s'appliqueraient même sans mesure de transposition législative. J'irais même plus loin : dépêchons-nous de transposer la première des trois directives que nous allons examiner ! Je rappelle le couperet de l'ouverture du marché au 1er juillet 2007.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne les amendements nos 200 et 510, il s'agit de variantes du précédent. La commission a donc également émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous pensez qu'aucune concertation n'a eu lieu avant la mise en chantier de ce texte. Sachez que nous avons chargé le Conseil supérieur de l'énergie d'examiner la situation créée par l'application des directives et le projet de loi que nous envisagions de présenter. Une concertation très importante a donc été menée au sein de cet organisme qui regroupe l'ensemble des parties prenantes aux questions énergétiques.
Par ailleurs, vous avez évoqué les augmentations des tarifs du gaz. Je rappelle simplement qu'en 2000-2001, sous le gouvernement Jospin, la hausse a été de 30 %. Cette année, l'augmentation de 5,8 % est due à la forte progression du prix international de cette matière première. Or, vous le savez, ce coût entre à peu près pour 50 % dans le tarif. L'entreprise demandait 8 % d'augmentation. Le Gouvernement a donc veillé à la meilleure régulation possible.
Compte tenu de ces éléments, Il ne me paraît pas nécessaire d'ajouter des étapes supplémentaires à notre obligation de transposer les directives. Il vaut mieux transposer ce texte « à la française » plutôt que de subir une transposition sans avoir pu y mettre les bémols indispensables. (Mme Borvo s'esclaffe.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote sur l'amendement n° 199.
M. Gérard Le Cam. Les articles de ce projet loi que vous voulez faire avaliser, monsieur le ministre, concernent la vie quotidienne de 28 millions d'usagers d'EDF et de 13,8 millions d'abonnés à GDF, soit la quasi-totalité des foyers de notre pays, toutes ses collectivités locales et ses administrations, ainsi que les entreprises françaises.
Tous sont particulièrement préoccupés par le poids de leur facture énergétique, qui ne cesse d'augmenter. Or il s'agit bel et bien de la déréglementation totale du service public du gaz et de l'électricité qui est programmée. C'est donc la fin de la maîtrise des prix de l'énergie par l'État, le renoncement au principe de péréquation garantissant un tarif unique sur l'ensemble du territoire.
Certes, vous mettez en avant le titre Ier portant sur le maintien des tarifs régulés et la tarification sociale. Mais nos concitoyens, qui souffrent déjà des hausses répétées de l'énergie, risquent de faire douloureusement les frais de votre entêtement à vouloir privatiser coûte que coûte, par pur dogmatisme.
On attend toujours un début de preuve des bienfaits de la libéralisation, ainsi qu'un bilan des premières conséquences des directives européennes d'ouverture à la concurrence. On sait en revanche qu'en Californie la déréglementation a entraîné des augmentations allant jusqu'à 500 %. On sait aussi que les industriels français qui ont choisi d'abandonner les tarifs régulés ont eu à supporter des hausses considérables.
Ce texte, qui prépare le démantèlement de Gaz de France et sa soumission à la bourse, qui organise une rivalité meurtrière et destructrice avec EDF, qui livre chaque usager à la jungle de la concurrence dans un marché qui sera dominé par quelques grands groupes financiers avides de profits, signe l'abandon d'une politique énergétique exercée dans l'intérêt de la nation et torpille une organisation qui a soutenu pendant soixante ans le développement économique et social de notre pays.
La logique rentière des actionnaires privés n'est pas celle qui peut garantir des prix abordables pour le plus grand nombre.
Depuis l'ouverture de son capital, GDF s'est conformé à cette logique en poussant ses tarifs vers le haut pour alimenter des bénéfices record, mais également sans doute pour préparer sa future privatisation, anticipée par le Gouvernement, qui lui avait écrit au printemps 2003.
Résultat, la facture de gaz a augmenté de 30 % en dix-huit mois et de 70 % depuis l'année 2000.
L'absorption de GDF par Suez - ou par un autre groupe -, dont le capital est dominé par des fonds spéculatifs, ne fera qu'attiser cette inflation.
Or le gaz est non pas une marchandise banale, mais un produit de première nécessité, dont la gestion est incompatible avec des politiques financières à courte vue, surtout dans un contexte de tensions internationales sur l'accès aux hydrocarbures.
Voilà pourquoi, je le répète, il nous faut faire un bilan sur le processus de libéralisation en cours dans le domaine de la tarification, avant d'élargir la concurrence pour les consommateurs domestiques.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Le groupe socialiste et les Verts voteront ces trois amendements.
En effet, le bilan des conséquences de l'ouverture à la concurrence était l'une des deux conditions fixées lors du Conseil européen de Barcelone, en mars 2002, où la France était représentée par M. Lionel Jospin et par le Président de la République, M. Jacques Chirac.
On a tendance à oublier, ce qui est quand même surprenant, la présence du Président de la République ! M. Chirac n'a pas joué un rôle secondaire à ce niveau et le fait de minimiser son rôle ou de l'oublier, c'est réduire, d'une certaine façon, la fonction présidentielle.
Je rappelle les deux conditions préalables à la poursuite du processus d'ouverture totale à la concurrence : premièrement, l'évaluation des conséquences de la libéralisation de l'électricité et du gaz et, deuxièmement, l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général avant la fin de l'année 2002.
Je rappelle également que M. Chirac avait confirmé, lors de la conférence de presse qui avait suivi le Conseil européen de Barcelone, que ces deux conditions avaient bien été obtenues.
Or, durant quatre années, le gouvernement français, à notre connaissance, n'a pas demandé à la Commission la mise en oeuvre de ces deux conditions. D'ailleurs, selon certaines informations - qu'il faut peut-être vérifier - il semblerait que la Commission européenne ait décidé qu'il serait procédé à cette évaluation à la fin de l'année 2006, c'est-à-dire après le vote de ce projet de loi. Voilà donc une raison supplémentaire qui aurait dû nous inciter à attendre.
Je souligne au passage que c'est bien le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui, en novembre 2002, quelques mois après le sommet de Barcelone, par la voix de Nicole Fontaine, a accepté que soit fixée la date finale à laquelle serait totalement libéralisé le marché électrique et gazier, et cela sans conditions. Cela avait été annoncé ici même avec une grande fierté et beaucoup d'enthousiasme, enthousiasme que je ne retrouve d'ailleurs plus aujourd'hui à la droite de cet hémicycle.
J'ajoute que les députés européens socialistes ont manifesté leur opposition lors des différents votes sur les directives. Ils ont même décidé de faire bouger la Commission européenne en déposant une proposition de directive-cadre, puisque l'adoption d'une directive-cadre était la deuxième condition préalable.
En conclusion, cette absence d'évaluation ne permet pas d'examiner sereinement ce projet. Vraiment, nous manquons de trop d'éléments pour nous lancer ainsi dans l'inconnu. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons ces amendements, et nous le ferons avec d'autant plus de conviction qu'à l'époque Mme Nicole Fontaine avait indiqué ici même qu'une telle évaluation était un préalable à la poursuite de la libéralisation. Or elle n'a jamais été réalisée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 510.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant le titre Ier
M. le président. L'amendement n° 201 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le représentant de l'État français siégeant au Conseil des ministres de l'Union européenne propose à l'Union européenne de demander un moratoire indéterminé sur les négociations relatives à la libéralisation des services dans le cadre de l'accord général pour le commerce des services.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Voilà quelques mois, l'échec des négociations du Round de l'Organisation mondiale du commerce nous laissait penser que nos craintes à propos de l'application de l'accord sur les services s'éloignaient pour quelque temps.
Or, selon un entrefilet paru dans la presse, il semble que les négociations se poursuivent en coulisse et que certains souhaitent la conclusion d'un accord a minima sur l'agriculture permettant la mise en oeuvre, en particulier, de l'accord sur les services, que bon nombre d'entre nous récusent.
Si nous laissons faire, c'est la spécificité de certains services administratifs, éducatifs, de santé et de gestion de l'énergie qui seront remis en cause.
C'est la première raison qui motive cet amendement visant à demander un moratoire d'une durée indéterminée sur l'Accord général sur le commerce des services, l'AGCS. Il est important de nous prononcer de façon préalable sur cette question, car il y va de l'avenir de notre compétence législative.
Si l'AGCS est entériné, nous ne pourrons plus légiférer sur des pans entiers de l'organisation de notre pays et l'essentiel de nos services publics disparaîtra.
Est-ce alors un hasard si c'est le moment que choisit le Gouvernement pour nous demander de privatiser GDF ? Nous ne le pensons pas !
Certes, la déréglementation du secteur énergétique est une décision européenne, que le Gouvernement avait déjà entérinée avant même de consulter la représentation nationale.
Mais ces décisions dites de libéralisation, en fait de déréglementation, qui sont prises depuis des années par la Commission européenne, s'inscrivent dans un contexte plus global. Celui-ci est marqué par la progression de mesures ultra- libérales mises en place à l'échelle mondiale sous la pression de lobbies, d'intérêts financiers très puissants, qui s'avèrent même plus puissants que les États.
Partout dans le monde et dans tous les domaines d'activité, il y aurait du business à faire, des profits à dégager. Que ce soit dans l'enseignement, l'énergie, les médicaments, tout doit être fait pour dégager la place au profit d'investisseurs en mal de rentabilité rapide et significative
C'est ainsi que nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui sur ce projet de loi qui offre à un groupe privé fragile, endetté, la puissance d'une entreprise nationale efficace, en excellente santé, apte à dégager très rapidement des profits considérables.
Peu importe qu'il s'agisse là d'énergie, soit une ressource qu'il faut gérer avec économie et sur le long terme. Peu importe qu'il s'agisse là d'un bien indispensable à la vie, qui doit donc être accessible à tous. Pourtant, chacun s'accorde à reconnaître que l'énergie n'est pas un produit, et que sa distribution n'est pas un service comme les autres.
C'est pourquoi nous refusons cette perspective. Telle est la seconde raison qui motive cet amendement.
Si nous récusons le projet qui nous est aujourd'hui soumis et si nous souhaitons pouvoir mettre en oeuvre d'autres solutions en France et en Europe pour sauvegarder les intérêts du plus grand nombre dans ce secteur essentiel de l'énergie, il nous faut mettre en échec les négociations actuelles au niveau de l'OMC et obtenir un moratoire sur les services.
Il est du devoir des femmes et des hommes politiques que nous sommes de protéger ce secteur. Nous n'y parviendrons pas si nous laissons se mettre en place des règles commerciales internationales sur lesquelles nous ne pouvons agir actuellement et qui s'imposeront ensuite à nous. Une fois promulguées, ces règles nous interdiront toute législation différente au niveau national comme à l'échelle européenne, même si cette volonté de réforme répond à nos besoins et aux choix de nos concitoyens.
Alors, n'acceptons pas de nous lier les mains et de nous rendre finalement inutiles, ne pouvant plus maîtriser notre propre avenir.
Nous vous proposons cet amendement, car il est urgent que se mette en place un moratoire, pour une période indéterminée, sur les négociations relatives à la libéralisation des services dans le cadre de l'AGCS.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, de m'en tenir à l'objet de cet amendement et de ne pas répondre à tous les sujets que vous avez évoqués, monsieur Foucaud, et qui ont été souvent abordés.
Par cet amendement, vous souhaitez que le représentant de l'État français siégeant au Conseil des ministres de l'Union européenne propose à l'Union européenne de demander un moratoire indéterminé sur les négociations relatives à la libéralisation des services dans le cadre de l'AGCS.
Mes chers collègues, je rappelle que l'Accord général sur le commerce des services est négocié non pas ici, mais au niveau de l'OMC et que la loi française ne peut pas avoir d'incidence sur cette négociation. Les acteurs de la négociation peuvent agir, pas la loi française.
Par ailleurs, cet amendement constitue une injonction au Gouvernement, ce qui est inconstitutionnel. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je pourrais me contenter de dire que j'ai le même avis que le rapporteur, ce qui serait déjà une information importante. Toutefois, je souhaite évoquer l'AGCS, m'étant beaucoup occupé de cette question dans de précédentes fonctions.
La discussion au sein de l'Organisation mondiale du commerce porte sur les engagements que prend chaque pays - l'Europe étant considérée comme un pays dans ce cas-là -, qui informe le reste du monde des engagements qu'il prend. Les engagements de l'Union européenne à l'égard du reste du monde, c'est un peu moins que l'ensemble des directives que l'Union européenne a adoptées.
Il n'y a donc pas de négociations, puisque la seule question est de savoir quels sont les engagements que peut tenir chaque pays de façon durable devant ses partenaires de l'OMC. Autrement dit, l'OMC ne peut rien nous imposer ; c'est nous, au travers de l'exemple que nous donnons sur le plan international, qui demandons aux autres pays éventuellement de pratiquer le type d'ouverture que nous avons décidée.
Dans ce contexte, il est effectivement arrivé à l'Europe de demander des ouvertures sur le marché aérien aux États-Unis. Dans d'autres pays, des demandes ont été faites visant à unifier des modes de fonctionnement différents. En général, les réponses tardent à venir et sont plutôt négatives. En pratique, aujourd'hui, aucune négociation de ce type n'est en cours, ni de façon générale ni de façon particulière, sur le secteur du gaz.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement préalable est essentiel pour nous.
Je ne sais pas s'il s'agit d'une injonction au Gouvernement, ...
M. Robert Bret. Le Parlement est dans son rôle !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sinon, à quoi sert-il ?
M. Gérard Le Cam. ...mais, pour se faire entendre, il est quelquefois nécessaire de hausser un peu le ton.
Cet amendement marque notre engagement dans l'action pour la sauvegarde des services publics.
Aujourd'hui, nous allons participer aux débats sur ce projet de loi avec la ferme conviction qu'il nous faut faire des propositions visant à assurer le maintien et le développement du service public de l'énergie.
Nous interviendrons comme nous l'avons fait à de multiples reprises - par exemple, pour la sauvegarde du service postal -, et comme nous le ferons à chaque fois qu'un gouvernement mettra en cause l'avenir de ces services. Mais si nous voulons être assurés de pouvoir le faire à l'avenir, il nous faut maintenant rejeter l'Accord général sur le commerce des services.
En effet, le caractère irréversible des engagements conduisant à une libéralisation totale aboutirait à une transformation radicale de notre société avec, à la clé, l'abandon de nos services publics ou leur affaiblissement à un niveau tel qu'ils ne pourraient plus jouer leur rôle de correcteurs des inégalités et de pôles d'attractivité territoriale.
Afin d'expliquer notre vote et de permettre à chacun de comprendre le sens que nous entendons donner à cet amendement, je voudrais rappeler quelques données de base s'agissant de l'AGCS.
L'Accord général sur le commerce des services a pour objet la libéralisation totale de 160 secteurs d'activité. L'idéologie de la marchandisation du monde n'est donc malheureusement pas l'apanage des instances communautaires, qui nous obligent d'ores et déjà à aller dans cette direction.
Alors qu'il n'a fait l'objet d'aucune discussion au sein des institutions représentatives nationales ou européennes, l'AGCS a vocation à devenir une norme juridique de rang supérieur aux réglementations et aux législations nationales et communautaires.
C'est tellement grave que des responsables politiques de toutes sensibilités commencent à s'inquiéter face à un tel système qui les déposséderait de leurs prérogatives.
Nous avons donc déposé cet amendement pour faire cesser le mouvement destructeur qui tend à mettre en danger aujourd'hui le service public de l'énergie, et demain ceux de l'enseignement, de la santé ou de la culture. Le Gouvernement doit s'engager à demander le gel des négociations sur les services qui sont menées dans le cadre de l'AGCS et à agir en ce sens au sein du conseil des ministres de l'Union européenne.
En de multiples occasions, en particulier lors du référendum sur le projet de constitution européenne, notre peuple a montré son attachement aux services publics et son opposition à leur démantèlement. Quand sera-t-il écouté ?
Certes, j'entends déjà l'argument traditionnel selon lequel l'ouverture des échanges n'aurait pas d'effet sur le caractère public de la propriété des entreprises de services. Cependant, force est de le constater, chaque fois qu'un marché est ouvert à la concurrence, les services publics se restreignent peu à peu, puis disparaissent.
D'abord, on installe la concurrence sur les activités les plus lucratives, puis on appauvrit les services publics jusqu'à leur étouffement.
L'ouverture à la concurrence de l'ensemble du secteur des services enclenchera un processus qui fera disparaître partout les services publics, au profit de structures marchandes uniquement préoccupées par la rentabilité.
C'est donc l'avenir de notre société et de son organisation solidaire qui est en jeu.
En d'autres occasions, la France a su faire entendre une voix différente, portant haut l'intérêt général des peuples. Nous demandons donc que nos dirigeants défendent aujourd'hui une autre conception des rapports entre les peuples, fondée non plus sur la confrontation commerciale et la domination des puissances financières, mais sur l'entraide, le respect des différences et le codéveloppement, contre la maladie, la faim et la misère.
C'est pourquoi nous sollicitons un moratoire sur l'AGCS.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. La question qui est posée par les auteurs de cet amendement est celle de la privatisation des services d'une manière générale. À cet égard, permettez-moi de mentionner deux ou trois exemples.
Hier, j'écoutais notre collègue Gérard Longuet, qui, lorsqu'il exerçait des fonctions gouvernementales, avait en charge la responsabilité de plusieurs dossiers, dont celui de la téléphonie mobile.
Comme vous le savez, ce secteur a fait l'objet d'une privatisation. Au bout de dix ans, quelles en sont les conséquences ?
Dans mon département, le Tarn, 43 % du territoire ne sont pas couverts par la téléphonie mobile. Nous sommes pourtant des citoyens français ! Ce sont donc le conseil général et les communes qui doivent financer les relais pour remédier à la carence des opérateurs privés et permettre aux citoyens d'avoir accès au service. Et ce n'est qu'un exemple ; je pourrais en choisir d'autres.
Ainsi, certains ont évoqué les engagements qui avaient été pris en 2002, et qui n'ont pas été tenus, ou encore la volte-face politique de M. Sarkozy.
Toutes ces interrogations font que nous avons aujourd'hui beaucoup de doutes.
S'agissant de la future augmentation des prix, comment pourra-t-on trouver un équilibre entre l'intérêt de l'investisseur, qui attend un bénéfice en retour de son apport de capital, et les exigences de l'usager, qui est à la recherche du meilleur service au moindre coût ?
C'est de ce point de vue que nombre de difficultés surgiront. En pratique, comment les choses se dérouleront-elles ? Pour le savoir, il suffit de considérer l'histoire récente des pays qui nous entourent.
Ce sera sans doute sur la maintenance des réseaux que les opérateurs réaliseront des économies. En effet, cela a déjà été le cas pour le secteur ferroviaire au Royaume-Uni et pour l'électricité en Californie, où les usagers n'ont plus eu accès à des services qui fonctionnaient pourtant autrefois de manière satisfaisante.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jean-Marc Pastor. La raison en est la suivante : il faut répondre aux exigences des investisseurs, qui attendent un bénéfice en retour de leur apport de capital,...
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Marc Pastor. ... tout en essayant de baisser les charges dans l'entreprise.
C'est pourquoi nous nous interrogeons.
En matière de téléphonie, je voudrais mentionner un autre exemple, même si le problème n'est évidemment pas de votre fait, monsieur le ministre.
Nous avons récemment vu disparaître le service des renseignements téléphoniques, le fameux 12, que nous utilisions pourtant avec un retour immédiat depuis des dizaines et des dizaines d'années. Désormais, pour un usager, un contribuable ou, plus généralement, un citoyen, la recherche d'un renseignement téléphonique coûte dix fois plus cher qu'auparavant, si tant est que l'on parvienne à trouver le bon opérateur !
Ce sont tous ces sujets qui nous interpellent. Dans ces conditions, les auteurs de cet amendement ont le mérite de poser la question importante de la place de la notion de « service » dans un secteur caractérisé par la seule recherche de la rentabilité pour une poignée d'individus.
C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 202, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'attente d'un bilan sur les effets de l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique en termes d'emplois, d'efficacité économique et de tarifications, la France, par l'intermédiaire du ministre chargé de l'énergie, demande, auprès des institutions européennes, un moratoire sur les directives européennes.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Comme nous avons défendu l'idée d'un moratoire sur l'Accord général sur le commerce des services pour mettre en oeuvre les politiques énergétiques souhaitées par notre pays, vous ne serez pas étonnés que nous demandions également un moratoire sur les directives européennes tendant à ouvrir à la concurrence le secteur énergétique.
Certes, une telle demande se veut pragmatique. Mais elle traduit également un souci de l'intérêt national et du respect qui est dû à l'expression du suffrage universel de nos concitoyens. Il s'agit donc, avant tout, d'une saine mesure de gestion.
En effet, depuis plusieurs années, nous sommes appelés - nous pourrions même dire « sommés » - à transposer dans notre droit des directives européennes tendant à l'ouverture du secteur de l'énergie à la concurrence.
Nous n'entrerons pas ici dans le débat sur le caractère inévitable de telles transpositions. Nous le ferons à l'occasion de l'examen d'autres amendements. Cependant, il serait normal que nous prenions le temps d'étudier les conséquences de ces transpositions en termes d'emplois, d'efficacité économique, d'investissements et de tarifications de ces transpositions.
En effet, les lois se succèdent, s'empilent les unes sur les autres et nous ne prenons à aucun moment le recul suffisant pour évaluer les conséquences de nos décisions législatives.
Eu outre, à la lumière des bilans qui auront été dressés, peut-être devrons-nous également examiner si la rectification de telle ou telle transposition, voire de telle ou telle directive, ne s'impose pas.
En effet, la problématique que nous soulevons s'agissant des transpositions est-elle également applicable aux directives elles-mêmes ? Et ne serait-il pas temps de dresser le bilan de celles-ci au niveau européen ?
À moins d'avoir des oeillères idéologiques et de ne rechercher que la privatisation à tout prix, l'Union européenne aurait bien besoin de faire le point sur les directives qu'elle a adoptées et d'en analyser les répercussions.
C'est même une exigence cruciale s'agissant des directives relatives à l'énergie. En effet, comme nous l'avons rappelé, ce secteur est essentiel, et ce à plus d'un titre.
D'abord, il conditionne la vie de l'ensemble des citoyens et des entreprises de l'Union européenne et constitue un outil primordial d'aménagement du territoire pour tous les États.
Ensuite, ses implications environnementales sont vitales.
Enfin, comme vous le savez, la recherche, le développement et les investissements dans le domaine de l'énergie sont des données capitales pour l'avenir.
Pour toutes ces raisons, il est urgent que nous prenions le temps d'analyser les effets des directives qui ont d'ores et déjà transposées, afin d'en examiner les conséquences.
Bien entendu, à la lumière de ces analyses, nous serons particulièrement attentifs au sort de nos activités énergétiques nationales, afin de nous assurer que les directives européennes n'ont pas eu de répercussions néfastes. Mais n'anticipons pas.
Cependant, il s'agit là d'une question très importante, compte tenu de la qualité, de l'importance, de la santé et de l'influence internationale de nos entreprises publiques avant la mise en oeuvre de ces directives.
C'est pourquoi nous vous proposons cet amendement, qui vise à demander un moratoire sur les directives européennes dans le secteur énergétique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Foucaud, après avoir demandé un moratoire sur l'AGCS, vous sollicitez à présent un moratoire sur les directives européennes.
Je me suis longuement exprimé sur le fond et je n'y reviendrai pas.
Sur la forme, je ne suis pas opposé à ce que des injonctions à l'égard du Gouvernement soient émises dans cet hémicycle. D'ailleurs, c'est un peu une tradition, voire une habitude, et c'est parfaitement votre droit. En revanche, je suis effectivement hostile à ce qu'une telle injonction figure dans le projet de loi, car ce serait inconstitutionnel.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je suis très flatté que vous souhaitiez donner des injonctions au ministre en charge de l'énergie et je vous en remercie. (Sourires.)
Néanmoins, vous comprendrez certainement que je partage l'avis du rapporteur.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Cet amendement nous paraît très logique.
M. Roland Ries. Le contraire eût été étonnant ! (Sourires.)
M. Yves Coquelle. En revanche, ce qui est illogique est la réponse qui nous est adressée. (Nouveaux sourires.)
En effet, nous demandons un moratoire sur les transpositions de directives relatives à l'ouverture du secteur de l'énergie à la concurrence.
Certains estimeront peut-être que la mise en oeuvre de ces directives est inévitable. Mais le pire est-il vraiment toujours inévitable ? En tout cas, force est de constater que l'enjeu déborde les clivages partisans.
L'évolution des tarifs sur le marché libre de l'énergie intéresse directement l'avenir de nos concitoyens et de nos entreprises.
Comme le soulignait récemment Michel Brugnon, consultant chez Nus Consulting, nous assistons aujourd'hui à un « blocage du marché ».
M. Brugnon ajoutait : « Après les hausses importantes des prix sur le marché dérégulé, plus aucune entreprise ne veut y aller. »
Monsieur le ministre, un tel constat devrait vous alerter, vous interpeller et vous engager à réaliser un bilan et à vous rapprocher de vos homologues européens.
L'adoption de cet amendement serait, me semble-t-il, de nature à répondre aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens quant à l'évolution future de leurs factures d'énergie.
Brandir le maintien du tarif régulé ne suffit pas, d'autant que vous l'assortissez d'une clause d'irréversibilité et que, comme vous le savez fort bien, un tel maintien n'est que transitoire.
Lors de chaque débat législatif sur les transpositions de directives européennes qui nous font inexorablement avancer vers la disparition des services publics, alors que ceux-ci constituent une composante essentielle de la spécificité française, nous n'avons eu de cesse d'alerter la représentation nationale sur les conséquences désastreuses d'une telle politique, en termes d'emploi, de cohésion sociale et d'équilibre territorial.
Nos appels à des analyses préalables et à des études d'impact sont demeurés vains.
Au nom d'une construction européenne libérale, nos différents services publics, qu'il s'agisse de La Poste, des télécommunications, avec France Télécom, de l'énergie, avec EDF et GDF, ou des chemins de fer, avec la SNCF, ont été successivement minés.
C'est pourquoi nous voterons cet amendement visant à exiger un moratoire sur les directives relative au secteur de l'énergie, afin qu'un bilan des processus de déréglementation des économies nationales soit réalisé.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Il s'est quand même produit un événement en France, le 29 mai 2005. Tous les commentateurs se sont accordés à reconnaître que l'attachement de nos concitoyens au service public a joué un rôle essentiel dans leur vote contre le projet de constitution européenne. Chacun d'entre nous peut mesurer, notamment dans son département, combien ce sujet reste sensible s'agissant, en particulier, du secteur énergétique.
Demander un moratoire sur les directives européennes serait sans doute un signe fort, montrant à la fois que le vote des Français a été entendu et que leur opinion a été écoutée. Il serait à l'honneur de notre assemblée de donner ce signe d'ouverture.
Voilà ce que je souhaitais ajouter aux brillantes explications de mon collègue Yves Coquelle.
M. le président. L'amendement n° 203, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le gouvernement soumet à ses partenaires européens le projet d'insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les directives européennes existantes et futures.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Il est un principe dans notre droit qui veut que toute loi puisse être revue, modifiée ou supprimée par une autre loi. Il s'agit là d'un principe éminemment démocratique et même de bon sens : s'il s'avère qu'une loi est mauvaise, il est bon que l'on puisse la supprimer.
Ce principe permet aussi de mettre en oeuvre les changements que le peuple souverain peut souhaiter. Chacun s'en souvient, nous avons pu le constater, au printemps dernier, avec le projet de contrat première embauche. À l'occasion de ces événements, nous avons même tous découvert que l'application d'une loi pouvait être suspendue...
En revanche, ce principe démocratique ne fonctionne pas au niveau européen. Pourtant, notre droit est modifié en permanence par des directives qu'il nous faut appliquer, sans qu'il nous soit possible de les remettre en cause. Aussi, en défendant cet amendement, nous souhaitons que le Gouvernement soumette à ses partenaires européens le projet d'insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les futures directives européennes.
L'expérience devrait vous convaincre de l'utilité de ce principe de précaution. En effet, on connaît aujourd'hui la nocivité d'un certain nombre de ces directives, en particulier celle dont nous parlerons dans les jours à venir. Il nous semble donc qu'il serait de bonne politique, pour construire une Europe allant dans le bon sens, d'offrir à celle-ci le droit à l'erreur, c'est-à-dire la possibilité de faire marche arrière.
Le principe de réversibilité est un principe démocratique. Il permettrait d'abord de prendre en compte un aléa très humain, l'erreur. Mais il permettrait aussi de modifier le cours des choses s'il s'avère, à l'expérience, que la voie empruntée n'est pas la bonne ou si le peuple souhaite changer les politiques mises en oeuvre.
En ce qui concerne la dérégulation du marché énergétique, sujet très sérieux, aux implications économiques, mais aussi sociales, territoriales et environnementales considérables, ne pensez-vous pas que cette entreprise de dérégulation totale devrait rencontrer un garde-fou ?
Si les processus d'ouverture à la concurrence et de privatisation, conformes à la directive européenne, ont des effets pervers, pourquoi ne pas se réserver la possibilité de revenir en arrière ? Cela me paraît être une question de bon sens !
Vous noterez que nous avons pris soin, dans le libellé de notre amendement, de prendre en compte l'ensemble des directives car leur contenu nous semble, bien souvent, de nature avant tout idéologique. C'est pourquoi il est nécessaire de pouvoir les reconsidérer à la lueur d'un examen critique et, le cas échéant, de les modifier.
Nous ne soulèverons pas ici une question pourtant largement débattue parmi les juristes aujourd'hui. En effet, si les directives s'imposent à nous dans le cadre des traités européens, leur transposition demeure du domaine de la loi. Ces transpositions sont donc, par principe, modifiables.
Cependant, les orientations qu'imposent ces directives sont, elles, intangibles. De ce fait, les lois de transposition ne peuvent être modifiées qu'à la marge. Il y a là, chacun le sait, un problème de droit. Cela dit, en vous proposant cet amendement, notre seul souci est de permettre la modification des directives européennes quand elle s'avère utile et nécessaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit encore d'une injonction au Gouvernement, qui a donc un caractère inconstitutionnel. La commission a émis un avis défavorable.
Mais je voudrais préciser à notre collègue Yves Coquelle que rien n'interdit la réversibilité dans l'état actuel de la législation communautaire. Nous introduisons d'ailleurs, dans ce projet de loi, des éléments de réversibilité - vous le savez très bien, car nous en avons déjà débattu et discuté ensemble - puisque les particuliers qui feraient jouer leur éligibilité pourraient à nouveau bénéficier de tarifs réglementés à l'occasion d'un déménagement.
Cette application du principe « site-personne » pour les particuliers est très importante et s'appuie sur les travaux effectués par le député Jean-Claude Lenoir en sa qualité de président du Conseil supérieur de l'énergie.
Aller au-delà de ce principe, comme vous le souhaitez, remettrait définitivement en cause la libéralisation et serait contraire aux directives.
Je voudrais aussi préciser, Yves Coquelle, que les représentants des associations de consommateurs, que j'ai reçus dans le cadre de mes auditions, en sont parfaitement conscients et ne souhaitaient pas à aller au-delà, leurs demandes portant principalement sur le principe « site-personne ». Sur ce point, le projet de loi leur donne satisfaction.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est invraisemblable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Il me semble que la défense de notre amendement, développée par mon ami Yves Coquelle, a été particulièrement claire sur nos motivations. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, le caractère anticonstitutionnel de cet amendement : qu'il me soit cependant permis de revenir sur un aspect qui le sous-tend et pose un problème de fond.
En effet, lors des débats qui se sont déroulés à l'occasion du projet de constitution européenne, la Commission elle-même a noté un déficit démocratique ressenti par tous les peuples, dans tous les pays de l'Union, à propos du fonctionnement même des institutions européennes.
Nous pensons que les directives sont un des aspects de ce déficit démocratique et nous ne sommes pas les seuls. Certains n'osent pas le dire haut et fort, notamment dans cet hémicycle, mais nous sommes tous convaincus de cette réalité. Les peuples ont l'impression - mais n'est-ce qu'une impression ? - que les décisions sont prises par on ne sait qui, loin de leurs préoccupations, et que, à aucun moment, il n'est possible de les remettre en cause.
De plus, notre Parlement, nous le savons, n'est pas sérieusement associé en amont aux travaux préparatoires de ces directives. Au mieux, nous pouvons donner un avis et nous savons ce qu'il en advient.
Aussi, ne serait-il pas temps que l'Europe, bien sûr, mais aussi nous-mêmes, donnions un signe montrant que nous avons entendu cette critique ? Introduire la réversibilité des directives serait, à notre avis, un premier pas dans le bon sens.
Nous considérons même que la France ayant rejeté le projet de traité constitutionnel, elle serait bien placée pour être à l'origine d'un élargissement des pratiques démocratiques de l'Union, en proposant à ses partenaires européens d'insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les directives européennes existantes et futures.
Ce serait une avancée démocratique que la majorité de notre peuple apprécierait grandement. Chacun se souvient, en effet, que la critique de l'orientation libérale et de l'application des directives a été au coeur de la campagne référendaire dans notre pays.
Cette critique compte pour une part essentielle dans le rejet de ce traité. Entendre ce que notre peuple a dit passe, bien sûr, par l'absence de la signature de la France au bas de ce traité, mais aussi par des actes politiques qui prouvent que le peuple n'a pas seulement été entendu, mais qu'il a été écouté. Depuis des mois, aucun signe n'a été fait en ce sens.
Avec cet amendement, nous donnons à la représentation nationale l'occasion de se rattraper et de prouver qu'elle n'est pas restée sourde au résultat du référendum du 29 mai 2005. Je le voterai donc avec mes collègues et amis du groupe CRC, et je vous invite à en faire de même.
M. le président. L'amendement n° 204, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de permettre, en toute transparence, la réalisation d'un bilan contradictoire sur les effets de la libéralisation du secteur énergétique, la France demande, par l'intermédiaire du ministre chargé de l'énergie, la suspension de la transposition des directives relatives à l'ouverture et à l'institution des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Ce qui s'est passé depuis quelques années en France, mais aussi dans d'autres pays d'Europe, montre que nous faisons fausse route en poursuivant l'ouverture à la concurrence et la privatisation du secteur énergétique. Il est temps de nous ressaisir !
En effet, chacun a en tête les augmentations considérables du prix de l'électricité subies par les entreprises ayant choisi la prétendue tarification libre qui, finalement, s'apparente à une tarification d'usurier. Le piège de la liberté du renard dans le poulailler s'est refermé sur elles. Elles ne peuvent que subir des hausses incessantes ou disparaître : vive la concurrence libre et non faussée ! Elles en paient aujourd'hui le prix fort et leurs salariés sont les premières victimes de cette libéralisation.
Toujours en France, nous savons tous que, depuis l'ouverture du capital d'EDF, il est souvent arrivé que cette entreprise, pendant certaines périodes de l'année, soit dans l'obligation d'acheter à prix fort l'électricité qu'elle ne produit plus.
Enfin, chaque citoyen peut mesurer sur ses factures de gaz que les prix ont flambé. Sur cet aspect, qu'on ne vienne pas nous dire que c'est uniquement à cause du prix du pétrole et du dollar !
Je rappellerai que, au cours de la même période, les profits de GDF ont augmenté. Il faut bien rétribuer les investisseurs, bien sûr, mais il convient aussi de dire qu'une part des augmentations subies par nos concitoyens a servi à rémunérer les actionnaires de GDF. Ainsi, pour l'année 2005, les dividendes qui leur ont été versés ont augmenté de 60 % !
Nous ne mesurons pas non plus combien cette libéralisation est porteuse d'interrogations quant aux investissements à venir, tant en termes de structures que d'installations de production et de distribution, et quant à la gestion des ressources humaines, salaires et salariés devenant des variables fluctuantes.
Si nous demandons la suspension de la transposition des directives relatives à l'ouverture à la concurrence et à l'institution de règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel, nous n'avons pas en tête la situation de notre seul pays.
Je pense également à l'expérience allemande. En 1998, l'Allemagne a été le premier pays de l'Union à libéraliser à 100 % son marché de l'électricité et du gaz. Aujourd'hui, deux grandes compagnies produisent et transportent 80 % de l'énergie consommée.
Avant la libéralisation, de multiples fournisseurs disposaient d'un monopole dans chaque localité. Beaucoup étaient des régies municipales ; elles ont aujourd'hui disparu. La loi allemande permet désormais à qui le souhaite de vendre du courant électrique aux particuliers comme aux industriels, et les entreprises qui disposent du réseau de distribution sont dans l'obligation de le louer. Mais, d'un réseau à l'autre, le prix de l'accès varie et les entreprises gestionnaires de réseaux peuvent, en fait, choisir leurs clients.
Huit ans après la libéralisation complète en Allemagne, ce pays connaît de graves difficultés dans ces secteurs d'activité. L'exemple de la libéralisation qui y est observé doit nous conduire à la plus grande prudence, voire à la plus grande méfiance.
Faute de vous convaincre, mes chers collègues, de ne pas voter ce projet de loi, décidons ensemble de n'avancer plus loin dans ce processus de libéralisation qu'après avoir réellement mesuré ses répercussions. C'est pourquoi nous vous proposons de suspendre la transposition des directives relatives à l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie et de demander que cette suspension s'applique à tous les pays de l'Union.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Comme les précédents, cet amendement émet une injonction à l'intention du Gouvernement, inconstitutionnelle selon les textes actuellement en vigueur. La commission a donc émis un avis défavorable.
Monsieur Le Cam, par cet amendement, vous voulez demander à Bruxelles la suspension de la transposition des directives dans l'attente d'un bilan.
J'y suis bien sûr totalement opposé : ces directives existent et s'imposent à nous ! Au contraire, dépêchons-nous de les transposer ! Vous connaissez très bien le sujet, car vous y travaillez depuis longtemps, cher collègue ; vous savez donc que, si nous ne nous hâtons pas de les transposer, ce sont les consommateurs français qui en paieront les conséquences.
M. Yves Coquelle. Avec votre projet de loi, ce sont les usagers qui vont payer doublement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est défavorable, pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées par M. le rapporteur.
J'en ajouterai une : sur le fond, cette directive est déjà appliquée dans la plupart des pays de l'Union. Même si vous vouliez revenir en arrière aujourd'hui, ce serait donc impossible. En ce qui concerne la France, il est nécessaire de transposer cette directive par un texte législatif, sinon elle serait d'application immédiate. Il est donc important d'agir comme nous vous le proposons, pour que les consommateurs s'y retrouvent.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Je n'ai été convaincu ni par M. le ministre ni par M. le rapporteur.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé l'impossibilité de remettre en cause les directives européennes qu'il nous est proposé de transposer. Or, en politique, l'impossible n'existe pas : on l'a vu s'agissant du traité constitutionnel européen, qui aurait été approuvé à hauteur de 80 % à 90 % des suffrages si la voie de la ratification parlementaire avait été choisie, mais que notre peuple a très clairement rejeté, par près de 55 % des suffrages, s'opposant ainsi à la mise en oeuvre de la logique de l'économie de marché dans un cadre ultralibéral.
M. Yves Coquelle. Absolument !
M. Robert Bret. J'attire votre attention sur ce point, monsieur le ministre.
Par ailleurs, je ferai observer à M. le rapporteur que, dans ce débat, nous remplissons tout simplement notre mission de parlementaires. À nos yeux, le Parlement a un rôle essentiel à jouer. On nous renvoie sans cesse aux décisions de Bruxelles, mais qui siège au Conseil européen, définit les orientations et s'approprie ainsi les prérogatives du Parlement, tout en se défaussant ici de ses responsabilités sur la Commission européenne ? Qui prend les décisions, sinon les chefs d'État et de gouvernement réunis au sein du Conseil européen ?
S'agissant de la transposition des directives européennes sur la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz naturel, nous souhaitons la réalisation d'un bilan contradictoire sur les effets mêmes de cette libéralisation.
On le sait : ouverture à la concurrence et privatisation n'ont jamais été synonymes, pour les salariés, d'embauches, d'amélioration des conditions de travail, encore moins de hausses de salaires. En effet, pour le secteur privé, la main-d'oeuvre est un coût avant d'être un investissement, et un coût qu'il faut réduire.
Cependant, peut-on réellement se permettre de rogner sur les dépenses de main-d'oeuvre dans le secteur de l'énergie ?
Les agents d'EDF-GDF, dont il est souvent de bon ton, ici, de critiquer le statut, interviennent sur des installations stratégiques, des installations dangereuses, telles que les terminaux gaziers, les gazoducs, les lignes électriques à haute tension, les centrales nucléaires ; autant dire qu'ils ne peuvent être l'objet d'une gestion guidée prioritairement par le souci de la rentabilité financière.
Cette main-d'oeuvre nécessite des investissements, par exemple dans la formation, une rémunération à la hauteur des responsabilités exercées ou encore une protection médicale particulière pour certaines activités - je pense ici au nucléaire.
Les conditions de travail devraient donc être à la hauteur des enjeux de sécurité et, plus généralement, de service public. Toutefois, les attentes des actionnaires sont-elles compatibles, chers collègues, avec des embauches, de bons salaires, un suivi sérieux du personnel ou des investissements en matière de formation ? L'expérience nous montre qu'il n'en est rien ! Je vous mets au défi de me citer des exemples qui me démentissent, monsieur le ministre.
En attendant, il convient, vous pourrez difficilement le contester, de suspendre la transposition des directives communautaires sur l'énergie, pour qu'un bilan des effets de la déréglementation du secteur puisse être réalisé, tout particulièrement en matière d'emploi.
Telle est l'une des raisons qui m'amèneront à voter cet amendement.
M. Yves Coquelle. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 205, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La France, par l'intermédiaire du ministre chargé de l'économie, demande la renégociation des directives européennes impliquant l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, s'il est un point sur lequel vous avez raison, c'est le suivant : l'Europe ne possède pas de marche arrière ! Elle ressemble un peu à un véhicule qui pourrait avancer, éventuellement débrayer, mais non reculer. C'est sans doute ce fonctionnement peu démocratique qui a irrité des millions de Français...
En ce qui concerne l'amendement n° 205, si nous avons précédemment proposé un moratoire sur l'application des directives européennes relatives à la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz naturel ou une suspension de leur transposition, si par ailleurs nous avons demandé la mise en oeuvre d'une clause de réversibilité pour toutes les directives européennes, existantes et à venir, dans tous les domaines, ce n'est pas, bien entendu, parce que nous sommes partisans du statu quo ; si nous voulons un bilan complet et sérieux des conséquences de cette libéralisation, c'est pour pouvoir en modifier le cours.
C'est pourquoi nous proposons, par ce nouvel amendement, que la France demande d'ores et déjà la renégociation des directives européennes impliquant l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie.
Nous avons déjà eu l'occasion à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, de dénoncer l'idéologie libérale qui sévit au sein des institutions communautaires. Dans cette critique, nous ne nous sentons pas du tout isolés : j'en veux pour preuve le vote des Français contre le traité constitutionnel européen, le 29 mai 2005.
À cette occasion, c'est aussi la logique libérale que notre peuple a rejetée. Elle applique les mêmes recettes à tout un ensemble de secteurs économiques - le transport ferroviaire, le transport aérien, les activités postales, l'énergie. Une preuve du caractère idéologique du processus de déréglementation auquel sont soumis tous ces secteurs tient précisément au parallélisme des décisions prises pour des domaines économiques très différents, par exemple la poste, qui est une activité de main-d'oeuvre, aux économies d'échelle peu développées, et le secteur énergétique, où les enjeux en matière de sécurité, d'environnement, de santé publique sont très importants !
Le processus se déroule de la manière suivante.
Tout d'abord, les entreprises publiques sont mises en accusation, on se répand partout sur la prétendue gestion calamiteuse de leur budget, sur leurs sureffectifs supposés, sur leur absence de modernité, et j'en passe...
Parallèlement, on décide de comprimer les effectifs, on impose des critères de gestion qui ne peuvent qu'amener une dégradation des performances de ces entreprises, ce qui les rend impopulaires aux yeux de l'opinion.
Dans le même temps, on vante les mérites du marché, qui instaurerait une saine émulation entre les acteurs du jeu économique, développerait l'esprit d'initiative et la créativité, inciterait naturellement à la modernité et à l'efficacité.
Ensuite, on intervient sur le plan législatif, en général par étapes et par secteur, pour éviter que l'opposition ne soit trop unie et trop forte. On commence ainsi par mettre en place une filialisation progressive des entreprises de transport ferroviaire, avant de procéder à un démantèlement des entreprises du secteur de l'énergie ; entre-temps, on s'occupe des entreprises postales.
On le voit, le scénario n'est guère original ! Quoi qu'il en soit, il est mis à toutes les sauces, sans que l'on se soucie de sa pertinence économique, sociale et écologique.
C'est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, la renégociation à tête reposée des directives européennes impliquant l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique, afin que l'on puisse étudier sérieusement les spécificités de ce dernier et leur compatibilité avec la mise en oeuvre des mécanismes de marché.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Sans trop prolonger le débat, j'indiquerai que notre collègue demande à nouveau, avec une légère variante, la renégociation des directives européennes. J'émettrai logiquement un avis défavorable sur cet amendement, car il s'agit toujours d'une injonction au Gouvernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit que le Parlement n'a aucun poids !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Robert Bret. Nous sommes une chambre d'enregistrement, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Je serai moins bref que M. le rapporteur et M. le ministre, sans que mon propos excède le temps de parole de cinq minutes qui m'est imparti !
Ceux qui nous proposent aujourd'hui de privatiser GDF se mettent en parfaite contradiction avec la lettre et l'esprit de lois qu'ils ont eux-mêmes votées, dont ils ont pris l'initiative, voilà quelques mois, deux ans à peine pour la plus ancienne d'entre elles : je veux bien sûr parler de la loi de 2004 et de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.
Or je rappellerai que, en annexe à cette dernière, nous pouvions lire cette affirmation fort intéressante, précieuse, car rare ô combien sous la plume de membres de la majorité :
« La France vise à faire partager les principes de sa politique énergétique par les autres États membres de l'Union européenne afin que la législation communautaire lui permette de mener à bien sa propre politique. (...) Ainsi, la France élabore tous les deux ans, à l'intention de l'Union européenne, des propositions énergétiques visant notamment à promouvoir la notion de service public. »
Au fond, est ainsi posé le principe selon lequel la France pourrait être amenée à demander la renégociation de directives européennes, dans l'hypothèse où celles-ci seraient contraires à ses intérêts et à la promotion de la notion de service public.
Or, qu'entendons-nous aujourd'hui, de la bouche même du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, rejoint par de nombreux membres de la majorité ? On nous affirme que les directives s'appliquent, telles des lois naturelles ou surnaturelles,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Surnaturelles, en effet !
M. Yves Coquelle. ... et ne sauraient faire l'objet d'aucune discussion, d'aucune contestation !
Au dire de M. le ministre, nous devons transposer les directives d'ouverture des marchés : « C'est comme ça ! » Eh bien non ! En effet, quand l'application d'une directive produit des effets aussi négatifs que dans le cas qui nous occupe, quand elle menace notre industrie, la survie même de certaines de nos entreprises, on ne peut se contenter de dire : « C'est comme ça ! »
Le bon sens et l'esprit de responsabilité politique imposent alors de demander à Bruxelles un moratoire, de convier les autres pays membres à faire le bilan de l'ouverture partielle à la concurrence et d'envisager sérieusement une renégociation des directives concernées.
Notre amendement vise à rappeler cette simple évidence et à inviter à la renégociation des directives de 2003, sur la base d'un bilan chiffré des conséquences économiques, notamment tarifaires, de l'ouverture partielle à la concurrence engagée depuis 2000.
M. le président. L'amendement n° 206, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er janvier 2007, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur le bilan de l'ouverture à la concurrence dans le secteur énergétique. Ce rapport examine l'impact en termes d'emplois, d'aménagement du territoire et de coût de l'énergie de la transposition des directives européennes. Il comporte une étude prospective à horizon 2010 sur ces différents aspects.
La poursuite de ce processus, et notamment l'ouverture à la concurrence pour les consommateurs domestiques, est subordonnée à l'examen de ce bilan par le Parlement.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, notre précédent amendement visait à ce que l'on prenne le temps de réaliser une étude sérieuse sur l'incidence tarifaire de la déréglementation engagée dans le domaine de l'énergie, avant que celle-ci se poursuive avec l'ouverture prochaine à la concurrence du secteur de la consommation domestique.
En effet, derrière les hausses des marges de l'entreprise, permettant de verser des dividendes aux actionnaires, se profile le véritable enjeu du débat actuel.
Il s'agit de l'avenir des tarifs administrés et de leur remplacement éventuel par des contrats indexés sur les marchés libres, pour lesquels, rappelons-le, les prix sont, selon le dernier rapport de la CRE, deux fois plus élevés que ceux des contrats de long terme de Gaz de France. Cela conduirait à des hausses vertigineuses de tarifs.
Cependant, l'incidence d'une telle déréglementation ne se mesure pas seulement en termes de coûts et de tarifs ; des questions se posent aussi, pour l'avenir, en matière d'emploi et d'aménagement du territoire.
En effet, dans les secteurs du gaz et de l'électricité, des contrats et des programmes d'investissements de long terme sont nécessaires, notamment pour assurer une production et une fourniture continues, ainsi qu'une fiabilité optimale des réseaux.
Or les règles du jeu boursier ne favorisent ni l'établissement de relations commerciales stables et mutuellement avantageuses avec les pays producteurs, s'agissant du gaz, ni la conduite de chantiers de long terme exigeant des investissements lourds et coordonnés.
La maintenance et le renouvellement des réseaux de transport d'électricité et des conduites de gaz sont des missions impératives, qui relèvent de l'aménagement du territoire et de la sécurité publique, comme l'ont dramatiquement rappelé les accidents de Mulhouse et de Dijon, en ce qui concerne le gaz, et toutes les tempêtes que nous avons connues, s'agissant de l'électricité.
Le degré de fiabilité des équipements devra-t-il évoluer en fonction des fluctuations des cours de la bourse ? Par ailleurs, comment la France compte-t-elle réduire massivement ses émissions de gaz à effet de serre et sauvegarder l'environnement si elle s'en remet aux seuls critères comptables du marché, critères qui privilégient les transactions opportunistes et qui tirent vers le bas les salaires, ainsi que les dépenses de formation et de recherche ? Quelles seront, en outre, les répercussions de ce marchandage gigantesque entre GDF et Suez pour les 200 000 salariés concernés ? Tout le monde craint que des milliers d'emplois ne soient supprimés.
En se montrant un tant soit peu soucieux de ces problèmes, chacun reconnaîtra avec nous qu'il devient urgent d'examiner sérieusement toutes les implications de cette déréglementation avant de poursuivre le processus.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'ai bien compris que Mme Beaufils souhaitait retarder quelque peu, de trois ou quatre mois, la transposition des directives relatives à la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz naturel, en proposant l'établissement d'un rapport supplémentaire.
Je répéterai ce que j'ai déjà dit tout à l'heure : au contraire, ne perdons pas de temps,...
M. Robert Bret. Dépêchons-nous de nous tromper !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... ne prenons pas le risque de voir ces marchés de l'électricité et du gaz s'ouvrir à la concurrence dans des conditions qui nous seraient imposées par Bruxelles !
L'intérêt de ce texte, c'est que nous en sommes les auteurs : ainsi, nous sommes à même de fixer les meilleures conditions possibles pour les consommateurs français.
Ne perdons pas de temps en repoussant de trois mois le débat : au contraire, discutons-en sereinement aujourd'hui.
Mme Nicole Bricq. On ne comprend pas pourquoi vous êtes pressé !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler que, sur l'initiative du Gouvernement, le Conseil supérieur de l'énergie s'était réuni pour examiner les conséquences et les contraintes qu'entraînerait l'ouverture à la concurrence dans le secteur énergétique prévue par les directives européennes. Par conséquent, madame Beaufils, le rapport supplémentaire que vous demandez n'est pas nécessaire : le Conseil supérieur de l'énergie a déjà réalisé cette étude.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 206.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Le dialogue est difficile. Je constate d'ailleurs qu'il a lieu uniquement avec M. le ministre délégué et M. le rapporteur, et qu'il ne semble pas tellement intéresser nos collègues de l'UMP,...
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Mais si !
M. Yves Coquelle. ...qui sont plongés dans la presse, ou dans des rêveries !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est vous qui le leur avait conseillé !
Je vois Les Échos devant vous : tout le monde a la même lecture ! (Mme Nicole Bricq s'exclame.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est en relation directe avec notre débat !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je le sais !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bruxelles n'en finit pas de pousser à la libéralisation !
M. Yves Coquelle. Nous estimons que l'heure de dresser un bilan sérieux de l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie est venue.
Il est nécessaire de prendre un certain recul sur les processus engagés à la hâte depuis quelques années, avant de poursuivre le renforcement de la déréglementation pour l'ouverture forcée de ce secteur à la concurrence.
En outre, monsieur le ministre, la concurrence des entreprises privées face aux grandes sociétés nationales n'étant pas jugée assez efficace, votre gouvernement propose tout simplement de livrer l'une d'entre elles au secteur privé pour développer une offre concurrente à la société nationale. Ce projet de loi en témoigne.
Comme le secteur privé se révèle incapable d'investir suffisamment pour mettre en place une véritable concurrence, l'État, pour pallier cette défaillance et faire place au privé, réduit l'offre publique. Pire encore, il offre aux marchés financiers l'un des fleurons de nos entreprises publiques !
Nous devons refuser ce hold-up contre le service public au profit des actionnaires privés : ce sont les usagers et le personnel qui en feraient les frais !
Dans ces circonstances, vous comprendrez que je soutienne l'amendement n° 206, dont l'objet est la réalisation, avant le 1er janvier prochain, d'un véritable bilan sur l'impact en termes d'emploi, d'aménagement du territoire et de coût de l'énergie de la transposition des directives européennes, et la suspension, dans cet intervalle, de l'ouverture à la concurrence sur le marché des consommateurs domestiques.
L'adoption de cet amendement répondrait, selon moi, aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens s'agissant non seulement de l'évolution future de leurs factures d'énergie, mais aussi de l'approvisionnement, de l'emploi et des investissements dans ce secteur, comme des garanties dans le domaine de la sécurité.
Sur ce sujet, permettez-moi de vous livrer mes inquiétudes.
Nous risquons d'assister à l'avenir, dans ce secteur, à une réduction des coûts en personnels et en maintenance, notamment par une utilisation accrue de la sous-traitance. Or qui dit sous-traitance dit souvent salariés moins formés, travaillant dans des conditions de travail plus difficiles : sans doute ceux-ci n'auront-ils pas toujours les formations requises, peut-être même pas les qualifications nécessaires !
Nous avons fait ce constat dans tous les domaines d'activité où une concurrence accrue a été mise en place. Cependant, lorsqu'il s'agit de fabriquer, de transporter, de diffuser du gaz ou de l'électricité, les enjeux sont autrement plus graves.
Les usagers - la population tout entière comme nos entreprises - risquent fort d'en payer le prix en termes de sécurité et de continuité dans la fourniture de ces énergies.
C'est pourquoi nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Le groupe socialiste soutient cet amendement pour les raisons que j'ai déjà longuement développées : je veux parler des conditions qui avaient été fixées par le Conseil européen du mois de mars 2002.
En effet, avant de poursuivre le processus de libéralisation de l'énergie, une évaluation précise des conséquences de cette ouverture à la concurrence est nécessaire. Nous l'attendons depuis quatre ans, c'est-à-dire depuis la reddition, qui plus est sans condition - j'insiste sur ce point -, de Mme Nicole Fontaine, alors ministre déléguée à l'énergie, lors du conseil de l'Union européenne « transports, télécommunications et énergie » du 25 novembre 2002. Nous devons donc l'obtenir avant de nous aventurer dans ce monde inconnu, plein de risques et de dangers.
M. le président. L'amendement n° 208, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2004-809 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est abrogée.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Vous savez que nous avons voté contre la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ; vous ne serez donc pas étonnés que nous profitions de ce débat pour en demander l'abrogation.
Nous sommes plus que jamais convaincus, comme une majorité de nos compatriotes, que seules des entreprises publiques doivent être habilitées à gérer des services de production et de distribution de l'énergie.
Les enjeux de sécurité d'approvisionnement et des installations, les enjeux pour notre indépendance nationale, les enjeux considérables en termes de recherche-développement sont tels dans ce domaine que la recherche du profit est contraire à l'intérêt général.
Je n'ai pu assister au débat, hier, en fin d'après-midi, car j'assistais à une manifestation dans ma ville, dans le cadre de la Semaine de la science. Un certain nombre d'entreprises du secteur énergétique était présent. Les questions qui ont été posées sont celles que nous abordons aujourd'hui.
À notre avis, une maîtrise publique du secteur énergétique peut, seule, donner l'assurance d'un véritable service public pour tous. Ce point de vue est largement partagé, pas seulement par les membres de notre groupe.
A l'occasion de l'ouverture de ce débat visant à privatiser l'entreprise nationale Gaz de France, nous souhaitons réaffirmer, par cet amendement, notre attachement à la mise en place d'un véritable service public de l'énergie.
C'est pourquoi nous soutenons qu'il est aujourd'hui nécessaire d'abroger la loi du 9 août 2004, qui a disloqué le pôle EDF-GDF et ouvert le capital des deux nouvelles entreprises.
Une autre raison motive notre demande. Avec cette loi, le législateur a organisé le secteur énergétique français à partir de sociétés détenues majoritairement par la nation : il a donc dessiné l'architecture générale des services de production et de distribution de l'énergie à partir de deux structures indépendantes à dominante publique.
Cette décision a été prise par l'ensemble de la majorité gouvernementale, voilà tout juste deux ans. Que s'est-il passé pour qu'il soit décidé, en urgence, de remettre en cause ce choix ? J'espère que la discussion qui s'ouvre nous éclairera un peu plus que celle qui s'est déroulée à l'Assemblée nationale...
Cependant, force est de constater que ce texte, dont nous débutons l'examen, vient remettre en question les fondements et l'équilibre général de la loi que vous aviez votée en 2004, chers collègues de la majorité.
C'est donc toute logiquement qu'il nous faut remettre l'ouvrage sur le métier en repensant totalement l'organisation dans ce secteur, afin de proposer une nouvelle architecture, qui, cette fois, soit transparente sur les véritables enjeux et objectifs. Nous ne pouvons, en effet, simplement modifier certains aspects de la loi de 2004 : c'est l'ensemble de son architecture qu'il nous faut revoir.
À cette fin, nous demandons l'abrogation de cette loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement est loin d'être une variante des précédents : il prévoit, non pas un nouvel angle d'attaque, mais une nouvelle approche !
Madame Beaufils, vous voulez abroger la loi du 9 août 2004, qui a transformé - vous le savez, mes chers collègues - EDF et GDF en sociétés anonymes.
Je rappelle que cette loi a constitué une étape importante dans la vie des entreprises EDF et GDF, en leur donnant les moyens de poursuivre leur développement dans le nouveau contexte économique et juridique européen. Cela n'a apparemment pas suffi en ce qui concerne GDF, puisque nous débattons à nouveau sur ce sujet.
La loi du 9 août 2004 a également introduit un grand nombre d'obligations de service public, notamment la conclusion d'un contrat de service public entre l'État et ces deux entreprises. Les remettre en cause serait, selon moi, une grave erreur.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je partage naturellement l'avis du rapporteur. Je suis même très surpris, madame Beaufils, que vous ayez déposé un amendement qui vise à supprimer une loi dont le titre Ier s'intitule « Le service public » et dont l'article 1er dresse la liste des obligations à remplir pour réaliser un service public du gaz et de l'électricité en France. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est un volet important !
M. François Loos, ministre délégué. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable : il est impossible de revenir sur ces obligations, alors qu'elles sont essentielles à la conduite de la politique énergétique dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Pour notre part, nous ne comprenons pas votre surprise, monsieur le ministre. Permettez-moi de vous rappeler les conditions dans lesquelles la loi du 9 août 2004 a été adoptée.
L'objectif initial du gouvernement de l'époque était bel et bien la privatisation de nos deux grandes entreprises nationales, EDF et GDF. Souvenons-nous, cependant, que l'opinion publique n'y était pas du tout favorable, pas plus que ne l'étaient, il faut bien le reconnaître, bon nombre de parlementaires de la majorité. C'est certainement pour cette raison que les sénateurs du groupe UMP ne se bousculent pas aujourd'hui pour siéger, encore moins pour participer à ce débat de fond sur l'avenir de notre indépendance énergétique !
Dans ces conditions, le gouvernement, par l'intermédiaire de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait finalement assuré que l'ouverture du capital de ces deux entreprises ne serait que partielle. Afin de donner toutes les garanties à ce sujet, il avait fait inscrire ce seuil dans la loi.
À la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité qu'avait déposée le groupe CRC lors de l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur ce texte, le rapporteur de l'époque, Ladislas Poniatowski, répondait : « ...vous considérez que l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 n'est pas respecté. Vous précisez, notamment, que la nation sera dépossédée de sa propriété.
« Sur ce point également, je vais me répéter. Il est vrai que le Gouvernement a changé de position ; il a même été beaucoup plus restrictif à la suite du travail de fond mené par Nicolas Sarkozy et par Patrick Devedjian lors des négociations avec les syndicats. C'est la preuve que le dialogue social est une phase importante, décisive, et qu'il peut amener un gouvernement à modifier sa position.
« Le Gouvernement a pris des engagements : l'ouverture du capital n'ira pas au-delà de 30 %.
« Cela signifie que l'Etat restera propriétaire à plus de 70 % de Gaz de France et d'EDF. En conséquence, la nation n'est pas dépossédée ! »
Tels sont les propos qui ont été tenus à l'époque. Deux ans plus tard, finies les belles promesses !
La loi du 9 août 2004 s'appuyait sur cette conception, et c'est sur ce fondement qu'elle fut adoptée.
Aujourd'hui, est annoncée une éventuelle OPA hostile du groupe Pinault sur Suez, qui lui permettrait de reprendre le pôle eau, déchets et services à l'énergie, la branche énergétique revenant à Enel.
Or, chers collègues de l'UMP, faut-il vous rappeler que c'est pour empêcher une OPA hostile d'Enel sur Suez que le Premier ministre a donné, dans l'urgence, son feu vert à la fusion avec GDF, le 25 février dernier ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, c'est la raison majeure !
M. Robert Bret. C'est fort de cet argument qu'avec Thierry Breton il a tout fait pour vous convaincre d'accepter la privatisation de GDF !
Depuis, nous vous avons entendu, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, l'argumentation a évolué :...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est consternant !
M. Robert Bret. ...il est question de hausse des prix des énergies fossiles, d'insuffisance de production. Cela ne trompe personne, pas même les sénateurs de l'UMP ! (M. Robert Del Picchia s'exclame.)
C'est donc par souci d'honnêteté que nous vous proposons aujourd'hui d'abroger cette loi et que nous vous exhortons, chers collègues de la majorité, à voter avec nous cet amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Soyez cohérents avec vous-mêmes !
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, je suis étonné, alors que les membres du groupe CRC vous tendaient une magnifique perche vous permettant de vous racheter une virginité, que vous vous soyez opposé à cet amendement. En réalité, il s'agissait de libérer de l'engagement qu'il avait pris devant nous un certain candidat à la fonction présidentielle !
M. Robert Bret. Pourquoi le mettez-vous en difficulté ?
M. Robert Del Picchia. Il y a une stratégie cachée !
M. Daniel Raoul. Je ne comprends pas votre raisonnement. Laissez-lui la voie libre !
M. le président. L'amendement n° 209, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'examen du présent projet de loi est suspendu jusqu'à ce que les conclusions d'un rapport contradictoire commandé par le ministre en charge de l'énergie sur la faisabilité d'une fusion des établissements publics Electricité de France et Gaz de France soient rendues publiques.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur Raoul, je tiens à préciser que, en aucun cas, nous ne tentons de donner des chances à M. Sarkozy ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul. C'est pourtant ce que j'avais compris ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Le Cam. Dans notre amendement précédent, nous indiquions comment le Gouvernement s'y prenait, à chaque fois, pour « casser » les services publics. Le cas d'EDF-GDF en est un parfait exemple.
Le principal objet de la loi de 2004 était de diviser l'opérateur historique EDF-GDF en deux entités juridiques distinctes et de les confier au droit privé. Vous expliquiez, à l'époque, qu'il fallait séparer ces deux entités parce qu'elles n'avaient rien à faire ensemble, agissant dans des secteurs d'activité différents. Vous avez donc séparé l'électricien et le gazier. Or, aujourd'hui, l'un des arguments que vous mettez en avant pour justifier la fusion entre GDF et Suez, c'est la nécessité pour GDF de trouver un partenaire électricien afin d'assurer son développement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est fantastique !
M. Gérard Le Cam. Vous êtes ainsi prêt, pour justifier la mise en oeuvre de votre logique libérale, à dire tout et son contraire, à quelques mois d'intervalle !
À présent, vous soutenez que le droit communautaire vous empêche de soumettre à débat la possible fusion entre EDF et GDF, car la nouvelle entreprise ainsi créée occuperait une position dominante sur le marché. C'est curieux ! Vous avancez des risques de contreparties dans l'hypothèse d'un projet de fusion entre EDF et GDF, mais vous refusez de faire connaître celles qui sont liées à la fusion entre GDF et Suez, ou à toute autre fusion, les choses évoluant de jour en jour.
En outre, l'impossibilité de fusionner EDF et GDF est contestée par un très sérieux cabinet de conseil. Au terme de son étude, les contreparties qui, le cas échéant, seraient exigées par les autorités communautaires ou nationales de la concurrence ne seraient pas si exorbitantes ou disproportionnées. C'est ce qu'indiquent les études de la direction de GDF et du cabinet Bredin Prat, commanditées par le Gouvernement. En tout état de cause, ces contreparties seraient compatibles avec la viabilité économique de l'entreprise fusionnée.
À ce propos, on peut s'interroger sur la méthode européenne qui consiste à faire grandir quelqu'un en lui coupant qui une main, qui un doigt de pied, qui les cheveux. Demain, les entreprises servant l'économie de l'énergie dans notre pays vont être étonnantes !
Il faut donc examiner sérieusement la question, au lieu de « jeter aux oubliettes » soixante ans de travail ensemble, une culture d'entreprise commune, une conscience du service public très développée. Souvenez-vous, notamment, de ce qui s'est produit lors des grandes tempêtes.
En soutenant cet amendement, nous souhaitons donc que l'examen du présent projet de loi soit suspendu jusqu'à ce que les conclusions d'un rapport contradictoire sur la faisabilité d'une fusion des établissements publics Électricité de France et Gaz de France, commandé par le ministre en charge de l'énergie, soient rendues publiques.
Il ne s'agit pas d'une injonction. Monsieur le ministre, vous pourriez très bien nous répondre que vous allez commander ce rapport contradictoire dans les meilleurs délais.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne vais pas traiter longuement du projet de fusion entre Électricité de France et Gaz de France, car j'en ai déjà amplement parlé lors de la discussion générale. En outre, j'y ai consacré une partie de mon rapport. De plus, les ministres, comme de nombreux collègues, ont également développé ce sujet.
Je ne peux que répéter les propos que j'ai déjà tenus : une éventuelle fusion entre EDF et GDF est trop tardive. Il fallait l'envisager voilà dix ou douze ans !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas croyable !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pourquoi ne l'avez-vous pas faite entre 1997 et 2002, même si je pense qu'il était déjà trop tard ?
M. Robert Del Picchia. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En réalité, c'est justement parce que ceux qui tenaient alors les rênes du gouvernement étaient déjà conscients que les exigences formulées en contrepartie par la Commission de Bruxelles auraient été exorbitantes...
M. Roland Courteau. On ne les connaît pas !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Certes, mon cher collègue, mais pourquoi le gouvernement de l'époque, dont le Premier ministre était socialiste, n'a-t-il pas engagé ladite fusion ? Parce que les dirigeants étaient conscients des risques encourus.
Ceux-ci tenaient aux actifs qu'EDF et GDF devraient abandonner en cas de fusion en matière de centrales nucléaires, de parts de marché, de capacités de stockage, voire de parts dans des ports méthaniers ; ils étaient identiques entre 1997 et 2002.
Mes chers collègues, je vous trouve très vigilants quant aux conséquences que pourrait entraîner une éventuelle fusion entre Gaz de France et Suez, s'agissant notamment des abandons d'actifs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne le sait pas !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En revanche, vous êtes très silencieux quant aux renoncements que la fusion entre EDF et GDF impliquerait.
Vous ne cessez de répéter un seul argument : « on ne sait pas. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais nous avons tout de même des indications.
Vous faisiez partie de la commission Roulet, qui a disposé d'un grand nombre d'éléments d'information. Elle a procédé à maintes auditions. Ses conclusions ne sont pas fantaisistes. L'abandon de 15 % d'actifs par Gaz de France et Électricité de France qu'elle évoque n'est pas fantaisiste.
Cependant, il est vrai que des interrogations demeurent. Ainsi, faut-il augmenter le nombre de centrales, diminuer un peu les parts de marché ?
Pour ces différentes raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 209.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je veux tout d'abord formuler une remarque positive. Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, je constate que vous êtes d'accord sur le fait que GDF doit évoluer. Je me réjouis de votre ralliement à cet argument qui, depuis le début, a présidé à l'élaboration de ce projet de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est affligeant !
M. François Loos, ministre délégué. Quoi qu'il en soit, je partage évidemment les arguments que vient de développer M. le rapporteur ; j'ai déjà eu l'occasion de les détailler au cours de mes différentes interventions.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 209.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vos explications ne m'ont pas convaincu. Je ne comprends pas pourquoi vous soutenez que la fusion entre EDF et GDF était encore possible voilà sept ans, et qu'elle ne l'est plus aujourd'hui. Il faudra que vous me l'expliquiez un jour !
Je veux, en cet instant, rappeler les conditions dans lesquelles on a prétendu étudier la possibilité de fusion entre GDF et EDF.
Pour s'opposer à la proposition alternative, fondée sur un véritable projet industriel et de service public consistant en la fusion, à 100 % publique, entre EDF et GDF, deux rapports à charge ont été réalisés, l'un par les présidents d'EDF et de GDF, et l'autre par le cabinet Bredin Prat.
Ces deux rapports répondaient à la demande du ministre, contraint par les luttes du printemps de faire analyser les avantages et les inconvénients des diverses relations envisageables entre ces deux entreprises, y compris celle de la fusion entre les deux groupes. Ils n'ont fait l'objet d'aucun débat public, pas plus qu'au sein du conseil d'administration des entreprises susvisées.
Ultérieurement, la commission Roulet, chargée d'examiner le projet d'EDF et les besoins de financement, a été créée. Le rapport qu'elle a remis brandit la menace de contreparties exorbitantes parvenant à un démantèlement des deux entreprises publiques et ce, dans le cadre de la Commission européenne.
Mais cette version des choses est contestée par le cabinet Levy. Attardons-nous sur les conclusions de son rapport sur la faisabilité de la fusion.
L'étude conteste les deux rapports - celui des présidents d'EDF et de GDF et celui du cabinet Bredin Prat -, ainsi que les analyses de la commission Roulet, en ces termes : « Alors même qu'il s'agit là d'un élément fondamental pour apprécier les conséquences économiques, sociales et financières d'une fusion de deux groupes publics, il convient de relever que ces études ne reposent, sur ce point, sur aucune donnée comptable, ce qui s'avère particulièrement étonnant.
« Ne faut-il pas, dès lors, considérer que tant la note réalisée en interne par les services d'EDF et de GDF que l'étude du cabinet Bredin Prat sont des documents de circonstance, qui n'ont pour seul objectif que d'accréditer la thèse selon laquelle les contreparties que nécessiterait une autorisation de la Commission européenne seraient d'une ampleur déraisonnable pour l'avenir des deux entreprises, et ce alors qu'aucune étude sérieuse, fondée sur des données chiffrées, n'a été menée, ce qui retire toute crédibilité auxdites études ?
« L'absence d'argumentation comptable de la commission Roulet, dont il faut rappeler qu'elle avait pour mission de se prononcer sur le projet industriel et financier d'EDF, s'avère d'autant plus surprenante que ses membres disposaient de manière certaine de données chiffrées qui leur auraient permis de se prononcer par eux-mêmes sur l'application du seuil des deux tiers à une fusion d'EDF et de GDF ou, tout au moins, de discuter les conclusions de l'étude présentée par l'Agence des participations de l'État. »
Retenons également la conclusion de l'étude, qui est très explicite : « En définitive, et par delà l'application des législations communautaire et nationale dont on a vu qu'elles permettaient la réalisation d'une telle opération, la fusion d'EDF et de GDF devrait procéder d'une véritable volonté politique exprimée par les représentants de la nation. »
Comme nous pouvons le constater, le débat n'est pas tranché. Il est bien question de volonté.
Pour toutes ces raisons, nous voterons cet amendement qui tend à suspendre l'étude de ce projet de loi, dans l'attente d'un rapport contradictoire sur la faisabilité d'un pôle EDF-GDF à 100 % public.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. On reproche souvent au gouvernement de Lionel Jospin de ne pas avoir étudié ce projet de fusion EDF - GDF en 1997, 1998 ou 1999.
Depuis le début de l'examen de ce projet de loi, on nous répète également que les temps ont changé depuis 2004, vraisemblablement pour justifier le fait que M. Sarkozy n'ait pas tenu ses engagements, qui ont, en quelque sorte, été reniés par le Gouvernement.
Souffrez donc qu'en 1997, 1998 ou 1999, la question se posait différemment.
Vous-mêmes êtes au pouvoir depuis ...
M. Jean-Marc Pastor. Trop longtemps !
M. Roland Courteau. ... quatre ans et vous nous dites que les temps ont changé. Soyez cohérents !
En fait, la question n'a jamais été posée officiellement à la Commission européenne.
On nous oppose toujours l'exemple du Portugal. Je vous le répète une fois encore : comparaison n'est pas raison. Établissez un rapport, étudiez ce projet sérieusement ; ensuite, posez la question à la Commission et affrontez-la.
Mon collègue et ami Daniel Raoul cite souvent, fort à propos, un personnage célèbre selon lequel « là où il y a volonté, il y a toujours un chemin ». Mes chers collègues, au lieu de dire « il se peut que la Commission réponde non », « il est probable qu'un certain nombre de cessions d'actifs devront être opérées », posez clairement le problème à la Commission européenne. À ce moment-là, nous saurons à quoi nous en tenir.
Pour l'heure, les membres du groupe socialiste se rallient à l'amendement n° 209.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur, nous n'admettons pas votre argumentation politique qui renvoie la question à la période 1997-2002, lorsque vous nous dîtes que nous n'avons pas opéré alors la fusion parce que nous connaissions les risques encourus.
Je tiens à attirer l'attention du Sénat sur la méthode utilisée à l'époque ; il est très important, monsieur le rapporteur, que vous l'ayez en mémoire. Je suis bien placée pour en parler, ayant été missionnée par le gouvernement de Lionel Jospin au moment de la transposition de la directive relative au gaz dans le droit français. J'étais alors députée. J'ai, du reste, noté que M. le ministre de l'économie et des finances et M. le président de la commission des affaires économiques m'ont fait l'honneur de citer le rapport que j'avais rendu.
À la différence de MM. Raffarin et de Villepin, le Premier ministre d'alors, Lionel Jospin, avait confiance en sa majorité.
Aujourd'hui - je l'ai déjà dit au mois de juin, lors du débat sans vote - le Gouvernement nous propose une unique solution. Qu'il se méfie ! Il n'est pas bon de proposer aux parlementaires et aux Français une solution unique, sans avoir analysé les autres.
Le gouvernement Jospin souhaitait, avec le rapport qu'il m'avait demandé, avoir un état des lieux ; il est vrai que, depuis 1998, la situation énergétique européenne, voire mondiale, a profondément changé. Cette méthode était totalement différente de celle que vous nous demandez d'avaliser.
Je reviendrai sur le fond de ce travail au moment de la discussion de l'article 10, qui est, finalement, le coeur de ce projet de loi, tout les autres articles étant là pour « habiller » la privatisation d'un groupe public et sa cession de facto à un groupe privé.
J'avais déjà annoncé, lors de nos débats du mois de juin, ouverts et intéressants - je vous engage à en reprendre le verbatim -, que les contreparties qui vont être exigées par la Commission européenne pour cette fusion allaient finir par être équivalentes à celles qu'elle aurait demandées pour la réunion d'EDF et de GDF.
Arrêtez de nous raconter un conte de fées ! Vous savez très bien, tout comme la majorité, quels sont les risques inhérents à ce projet de fusion.
Votre argumentation, monsieur le rapporteur, est très faible. Nous voterons donc cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Au moment où la presse nous annonce que Bruxelles réclame de nouvelles concessions à Suez et à GDF, comment ne pas s'interroger, monsieur le rapporteur ? C'est surtout cela qui me pose problème.
Je voterai cet amendement, car proposer que l'examen du projet de loi soit « suspendu jusqu'à ce que les conclusions d'un rapport contradictoire commandé par le ministre en charge de l'énergie sur la faisabilité d'une fusion des établissements publics Électricité de France et Gaz de France soient rendues publiques » nous semble frappé au coin du bon sens : nous avons en effet besoin de nous prononcer en toute connaissance de cause.
M. le président. L'amendement n° 210, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie a pour objet de garantir l'indépendance et la sécurité d'approvisionnement, le respect de l'environnement et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Par cet amendement, nous souhaitons une nouvelle fois réaffirmer les principes et les missions essentiels qui doivent prévaloir dans le secteur de l'énergie.
Nous avons vu précédemment combien la garantie de l'indépendance et de la sécurité d'approvisionnement en gaz était primordiale et à quel point la privatisation de GDF faisait courir des risques.
Il est cependant un autre aspect, tout autant fondamental, que je veux évoquer ici : le respect de l'environnement et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
Ces deux principes vont de pair et sont étroitement liés. En effet, une saine politique énergétique vise à une utilisation de toutes les sources d'énergie afin de répondre à la demande de façon diversifiée, ce dans un bon équilibre entre qualité économique, qualité environnementale et qualité sociale.
Cela nécessite un pouvoir d'intervention indépendant, disposant de l'ensemble des ressources et moyens de production, animé par le seul intérêt général. Le projet de privatisation de GDF et de fusion avec Suez ne va pas dans ce sens, bien au contraire. Il tend à éparpiller ce qui était uni et qui devrait le redevenir, à mettre en place une concurrence exacerbée, dont le véritable enjeu, caché, est en fait l'électricité.
L'objectif du Gouvernement est de permettre à Suez d'acquérir la taille suffisante pour devenir un concurrent sérieux d'EDF dans le domaine de la production et de la distribution d'électricité, mais la concurrence, en la matière, peut être dévastatrice pour notre cadre de vie.
Il ne faut pas oublier que le respect de l'environnement constitue un enjeu de taille pour une bonne politique énergétique. En effet, la production énergétique fondée sur la combustion de molécules riches en carbone engendre des déchets considérables. Le phénomène d'effet de serre et de pollution atmosphérique que cela induit en est une conséquence bien connue.
Par leur logique de recherche de rentabilité immédiate et de concurrence, les processus de libéralisation des entreprises énergétiques conduisent irrémédiablement à une dégradation de notre cadre de vie. J'en veux pour preuve la situation dans les pays où règne la libre concurrence. Les États-Unis, par exemple, pour maintenir leur modèle économique et poursuivre leur recherche du profit, refusent d'appliquer les accords internationaux contre les pollutions.
Nous, nous faisons le choix inverse et dénonçons la trahison du principe de précaution pour le respect de notre environnement dans le cadre d'une ouverture à la concurrence.
Si le Gouvernement poursuit sa politique de privatisation, il prend le risque de voir, demain, s'aggraver la pollution de notre environnement, et il le sait. En effet, pour faire face aux pics de la demande, tout d'abord, puis au développement de cette demande, il sera fait appel à des centrales en Europe moins compétitives en termes de protection de l'environnement, donc plus polluantes.
Dans ces conditions, nous tenons à réaffirmer ce principe : seul un service public peut prendre en compte l'indispensable politique de protection de l'environnement, l'utilisation rationnelle des énergies et la lutte contre l'effet de serre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement vise à ce que soient précisés dans la loi un certain nombre d'éléments concernant les missions du service public.
Je renvoie ses auteurs aux lois de 2000, de 2003, de 2004 et de 2005, plus particulièrement à l'article 1er de la loi du 13 juillet 2005, qui reprend très précisément les termes qui figurent dans cet amendement.
À quoi cela sert-il de répéter indéfiniment dans des textes ce qui est déjà inscrit ?
Puisque vous avez satisfaction, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. M. le rapporteur a raison : le titre Ier de la loi de 2000, Le service public de l'électricité, et le titre III de la loi de 2003, Le service public du gaz naturel, énoncent déjà l'ensemble de ce qui est demandé par cet amendement, c'est-à-dire l'obligation d'indépendance, de sécurité, de respect de l'environnement.
Par conséquent, cet amendement est satisfait.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous nous trouvons confrontés à une situation particulière : ce texte de loi remettant en cause des dispositions qui ont été votées antérieurement, il est donc logique de revenir sur ces questions. Rappeler des principes permet de dessiner la route qu'il nous faudrait emprunter.
N'étant pas en accord avec la réforme qui nous est proposée, il est évident que nous ne le sommes pas non plus sur les principes qui la sous-tendent. À l'inverse, cela veut dire que le Gouvernement n'adhère pas aux principes que nous exposons, sinon, nous parviendrions assez facilement à nous entendre.
Nous pensons que seul un service public peut apporter les plus hautes garanties dans le domaine de l'approvisionnement et de la sécurité énergétique, du respect de notre environnement et de l'utilisation rationnelle de l'énergie. En défendant par principe l'intérêt général, le service public est bien le mieux placé pour répondre aux enjeux d'aujourd'hui et de demain.
En le cassant comme il l'a fait et en le réduisant comme il veut le faire aujourd'hui, le Gouvernement prend des risques qui ne sont même pas calculés. Sa vision est courte, elle ne dépasse malheureusement pas l'horizon de la corbeille à la Bourse !
Ce projet de loi ne répond pas, en particulier, à la grande question de l'avenir énergétique de notre planète. Est-ce la nouvelle entreprise GDF-Suez qui va porter la recherche dans ce domaine ? Certainement pas ! Pourtant, c'est aussi de cela dont on parle lorsqu'il est question de l'utilisation rationnelle et responsable de l'énergie. C'est 2galement prévoir l'avenir.
Il est vrai que l'avenir, dans ce domaine, est à vingt, trente ou cinquante ans. Or, aucune entreprise privée n'a une telle vision, n'accepte de s'engager pour des temps aussi longs, car cela nécessite des investissements de développement et de recherche qu'aucune d'entre elles ne peut ou ne veut soutenir, compte tenu des exigences de ses actionnaires.
Ce ne sont que les pouvoirs publics qui peuvent et qui devraient porter une telle anticipation. Le Gouvernement le reconnaît, d'ailleurs, en d'autres occasions, puisque, lorsqu'il est question des pôles de compétitivité, ce sont les collectivités territoriales qui, bien souvent, sont sollicitées pour accompagner ces efforts de recherche des entreprises, parce que ces dernières n'y affectent pas les moyens nécessaires.
Le Gouvernement va « couper les ailes » de la puissance publique en privatisant GDF et en créant une concurrence exacerbée contre EDF.
J'en veux pour preuve l'exemple suivant : afin de soutenir des sources énergétiques émergentes et de diversifier les sources d'énergie, EDF rachète parfois de l'électricité plus cher qu'elle ne vend sa propre production, ce pour soutenir la production d'électricité photovoltaïque, mais aussi la production des éoliennes, tout comme elle soutient la production à partir de la cogénération.
Combien de temps pourra-t-elle continuer à le faire, quand la concurrence va se durcir et que ses actionnaires vont lui demander plus de rendement financier, sachant que, parallèlement, le nouvel opérateur GDF-Suez n'aura pas, lui, les mêmes obligations ?
Le Gouvernement est, par ailleurs, en train de disperser et de cloisonner les producteurs, les transporteurs, les distributeurs d'énergie ; il sépare ce qui devrait être uni et privatise ce qui est du domaine de l'intérêt général. Nous ne pouvons l'accepter : c'est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui vise à réaffirmer les missions de service public que vous faites disparaître et que nous voulons, nous, au contraire, voir inscrites dans ce projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 211, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité et en gaz sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Vous allez peut-être me dire qu'il s'agit encore d'un amendement destiné à réaffirmer les missions du service public de l'énergie. Eh bien oui ! Comme vous pouvez le constater, notre volonté est grande de maintenir et de développer dans notre pays de grands services publics, pour répondre, dans la solidarité et l'efficacité, aux besoins de notre population.
Il n'est jamais inutile de réaffirmer les fondamentaux du service public en général. Cela permet de comprendre encore mieux qu'il a encore de l'avenir et que tant de choses restent à faire pour qu'il soit pleinement efficace.
Pour autant, le fait de répéter, au moment où vous bradez Gaz de France, que l'énergie électrique et gazière doit être disponible sur tout le territoire n'est pas seulement une pétition de principe.
En effet, avec ce texte de loi, vous vous attaquez à la gestion des réseaux de distribution de gaz. Une nouvelle fois, vous vous apprêtez à ouvrir à la concurrence un secteur d'activité relevant auparavant d'entreprises nationales, avec de graves conséquences pour nos concitoyens.
Ce qui se profile, c'est le positionnement d'opérateurs privés sur les zones de distribution les plus rentables, lorsque les contrats de concession arriveront à échéance. Il restera donc à l'opérateur historique, ou plutôt à sa filiale distribution, à assurer la desserte des zones les plus difficiles à approvisionner en gaz, afin de remplir ses obligations dans le cadre d'un service public de distribution de l'énergie. Pour la distribution de gaz dans les zones les moins rentables, les populations concernées risquent alors de payer très cher, car la perte des concessions les plus rentables rendra impossible la péréquation des coûts de distribution. À moins que quelques autres soient sollicités pour assurer un tel service...
Au final, le risque est grand que ces populations n'aient plus aucune chance d'être raccordées au réseau de distribution : les nouveaux opérateurs jugeront l'opération trop coûteuse, pas assez rentable, et l'opérateur historique n'aura plus les capacités pour investir dans des zones de moindre rentabilité. Nous savons déjà combien il est parfois difficile de convaincre cet opérateur de réaliser des investissements quand il n'est pas assuré d'un niveau de vente de gaz lui assurant une rentabilité suffisante.
Nous exigeons donc que la loi affirme clairement que le service public de l'énergie a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité et en gaz sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général. Pour nous, un service public soucieux de l'intérêt général doit assurer cette solidarité nationale, afin que la justice tarifaire soit elle aussi garantie sur tout le territoire.
Je l'ai rappelé lors de la discussion générale, les activités de distribution de GDF sont florissantes. C'est le premier réseau de distribution en Europe, et la péréquation tarifaire s'applique sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi nous n'acceptons pas que vous remettiez en cause le monopole de distribution et la péréquation tarifaire qui va avec.
Le but du service public, ce n'est pas d'ouvrir la porte à de nouveaux acteurs privés pour leur permettre de se faire des bénéfices sur le dos des usagers, qui supportent, depuis de nombreuses années, le coût des infrastructures de distribution.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Hier, Daniel Reiner a eu quelques paroles aimables à mon égard, disant que j'étais un rapporteur éminent et émérite. Mes chers collègues, je ne partage pas du tout son avis : je suis au regret de constater que je suis un très mauvais rapporteur de ce projet de loi ! (Sourires.)
M. Robert Bret. En tout cas, vous êtes bien seul !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'êtes pas soutenu !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Car, vraiment, je n'arrive pas du tout à me faire comprendre : soit je m'exprime mal, soit j'utilise de mauvais arguments !
MM. Robert Del Picchia et Charles Revet. Mais non !
M. Daniel Raoul. C'est de l'autoflagellation !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout le monde avait compris, mon cher collègue !
En donnant l'avis de la commission sur l'amendement précédent, j'ai évoqué l'article 1er de la loi du 13 juillet 2005. Cette fois-ci, je vais vous en donner lecture. Vous pourrez ainsi constater combien sa rédaction est plus complète que celle que vous avez proposée à l'amendement précédent, à celui-ci et que vous nous soumettrez au suivant.
Au reste, cet article 1er, soumis par le Gouvernement, défendu par la majorité et amélioré par nous, je crois me rappeler que vous l'aviez voté...
M. Robert Del Picchia. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'en rappelle donc les termes, écoutez-moi bien :
« La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique. »
« Les quatre objectifs suivants sont fixés.
« Cette politique vise à :
« - contribuer à l'indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d'approvisionnement ; » Je ne vois aucune différence avec votre proposition !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par la privatisation, vous mettez cet objectif en cause !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je poursuis la lecture de l'article :
« - assurer un prix compétitif de l'énergie ;
« - préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre ; » Reconnaissez-le, cette rédaction est meilleure et plus complète que celle de votre amendement : vous avez donc satisfaction non pas à 100 %, mais à 200 % !
L'article finit ainsi : « - garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie.
« L'État veille à la cohérence de son action avec celle des collectivités territoriales et de l'Union européenne selon les orientations figurant au rapport annexé. » Voilà qui vous donne satisfaction pour l'amendement suivant !
Franchement, madame Beaufils, quand je vous dis que vous avez satisfaction, ce n'est pas pour polémiquer, c'est un fait : je ne fais que reprendre mot à mot les termes de la loi de 2005. Si vous avez bien sûr soulevé d'autres arguments, il n'en demeure pas moins que les deux amendements qui viennent d'être défendus sont plus que satisfaits par un texte faisant déjà partie de notre arsenal juridique.
Je suis d'ailleurs ravi que M. le président de la commission des lois soit ici présent pour m'entendre, lui qui n'a de cesse de veiller à ce que la même disposition ne soit pas répétée indéfiniment dans une multitude de textes.
M. Robert Bret. C'est la loi que vous voulez remettre en cause !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En ce sens, c'est un excellent président de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je reste moi-même vigilant pour éviter ce type de situation. C'est pourquoi la commission émet un avis très défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Même si je n'ai pas à faire de commentaires sur la commission des lois, j'émets évidemment le même avis que M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Charles Revet. M. Coquelle n'a pas compris les explications de M. le rapporteur !
M. Yves Coquelle. Monsieur le rapporteur, vous dites que vous êtes un mauvais rapporteur : ou alors je suis sourd, ou alors je ne vous comprends pas !
M. Daniel Raoul. Les deux, mon général ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. M. Raoul est un mauvais camarade !
M. Yves Coquelle. C'est un provocateur !
Monsieur Poniatowski, vous faites allusion à l'année 2005. Si j'ai bien suivi le calendrier, nous sommes en 2006 ! Des événements ses sont passés depuis, le plus important d'entre eux étant le dépôt du projet de loi que nous sommes en train de discuter et qui vise à privatiser Gaz de France. Si les arguments que vous avez présentés pouvaient nous satisfaire il y a un an, ce n'est plus le cas aujourd'hui, puisque le présent texte les remet en cause.
L'amendement défendu par mon amie Marie-France Beaufils tend à apporter quelques précisions sur le contenu que nous souhaitons donner au service public de l'énergie, lequel doit avoir pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité et en gaz sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général.
Nous tenons à de telles précisions législatives. En effet, que vous le reconnaissiez ou non, vous préparez le démantèlement de l'entreprise intégrée, avec la filialisation du réseau de distribution et sa privatisation. Si vos amis s'en sont défendus au cours de la discussion à l'Assemblée nationale, force est de constater qu'avec ce texte rien ne s'y opposera.
Certes, il n'y pas d'articles précis consacrés à ce sujet. Mais vous avez « dispersé » dans le projet de loi tous les éléments qui permettront d'aboutir à la privatisation partielle du réseau. Il suffit simplement de collecter les dispositions des articles 6, 9 et 12 pour comprendre l'ampleur des changements en jeu.
Pour commencer, à l'article 6, vous définissez les missions de gestionnaires de réseau, préparant ainsi le terrain pour l'arrivée de nouveaux distributeurs de gaz ou d'électricité.
Puis, à l'article 12, vous modifiez le 1° de l'article 8 de la loi du 8 avril 1946. Ce court alinéa définit les activités exclues de la nationalisation : par un simple ajout de deux mots, vous ouvrez la voie à la privatisation des activités de distribution de gaz.
Enfin, à l'article 9, vous mettez fin au système de péréquation nationale qui prévalait peu ou prou sur l'ensemble du territoire. Les nouveaux opérateurs privés qui souhaiteraient conquérir des parts de marché sur le territoire français dans les activités de distribution de gaz pourront ainsi appliquer leurs propres tarifs sans se soucier de l'égalité de traitement entre les usagers. Ils seront simplement tenus de pratiquer une péréquation sur leurs zones de distribution. Autrement dit, tous les usagers qui seront fournis en gaz par les services du même opérateur paieront le même prix. Mais plus question d'obligation d'égalité entre les usagers, plus question de solidarité nationale, quel que soit le lieu de résidence !
Par conséquent, quel que soit le scénario qui se prépare, l'usager sera le grand perdant. C'est pourquoi il importe de réaffirmer dans ce projet de loi la nécessité de garantir l'approvisionnement en électricité et en gaz sur tout le territoire.
M. Robert Bret. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, je ne sais pas si vous êtes éminent ou émérite, mais, ce qui est sûr, c'est que vous êtes charmant et souriant ! (Exclamations amusées sur l'ensemble des travées.) C'est une boutade, bien sûr !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je suis tout de même flatté !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si vous êtes aujourd'hui très convaincu, vous l'étiez tout autant en 2004 quand vous nous affirmiez que, jamais, au grand jamais, les entreprises publiques que sont EDF et GDF ne seraient privatisées ! Par conséquent, même exposés avec le sourire, nous ne pouvons que douter de vos arguments. Je vous l'avais déjà rappelé hier.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Avec talent d'ailleurs !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, trop, c'est trop ! Il y a beaucoup de conviction dans votre discours, mais aussi, hélas ! beaucoup de contradictions. Vous regrettez nos doutes, mais - que voulez-vous ? - notre position est tout à fait fondée.
Selon vous, tout est en train de changer. Certes, mais nous ne voyons pas les mêmes changements ! Vous avez parlé d'un temps, pas si irrationnel, où service public rimait avec maîtrise publique. Aujourd'hui, vous voulez nous faire croire que rien ne changera pour le service public par rapport à 2005, alors même qu'il n'y aura plus de maîtrise publique !
Malgré votre sourire, malgré toute la conviction que vous pourrez y mettre, vous n'êtes donc absolument pas crédible, et vous ne nous ferez pas changer d'avis, car la situation n'est plus du tout la même.
Je dois le dire, vos collègues ne vous soutiennent pas beaucoup. Certes, ils votent avec vous, mais ils interviennent très peu pour vous soutenir.
Nous avons pu voir à la télévision un certain nombre de parlementaires assister à la projection du film d'Al Gore. Il devrait, à mon sens, les faire réfléchir sur l'importance de la maîtrise publique dans le domaine de l'environnement, tant pour l'avenir de notre pays que pour celui de la planète. En la matière, tout le monde s'insurge et nous invite à agir. Eh bien, chers collègues de la majorité, réfléchissez-y à deux fois avant de voter, car la maîtrise publique présente tout de même de nombreuses garanties ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 211.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement. - Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
CANDIDATURES À des organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du conseil d'administration de la société Radio France, du conseil d'administration de la société France Télévisions et du conseil d'administration de Radio France Internationale.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose les candidatures de MM. Jean-François Picheral, Louis de Broissia et Louis Duvernois pour siéger respectivement au sein de ces organismes extraparlementaires.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
4
souhaits de bienvenue à une DÉlégation de sénateurs du Burundi
M. le président. Mes chers collègues, il m'est particulièrement agréable de saluer la présence, dans nos tribunes, d'une délégation de sénateurs du Burundi, conduite par M. Gervais Rufyikiri, président du Sénat, qui effectue en France, à notre invitation, une mission d'étude dans le cadre de l'accord de coopération que nous avons signé entre nos deux assemblées.
Cette visite contribue à renforcer nos relations interparlementaires que je souhaite voir se développer, grâce, notamment, à l'action conduite par le groupe interparlementaire présidé par notre collègue Jean-Pierre Cantegrit.
Je forme des voeux, monsieur le président, pour la pleine réussite de votre visite, pour la vigueur du bicamérisme et pour que votre venue fortifie et renforce, s'il en était besoin, les liens qui unissent nos deux pays. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
5
Secteur de l'énergie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Rappel au règlement
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36.
Il m'arrive d'avoir de bonnes lectures. Ainsi, dans Le Monde daté du 13 octobre 2006, je lis ceci : « M. Patrick Ollier, le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, ne cachait pas sa ?colère?, jeudi 12 octobre au matin, après avoir appris par la presse l'opération préparée par François Pinault pour s'emparer du pôle environnement de Suez en s'alliant avec le groupe italien Enel ».
Le Monde cite ensuite les deux phrases suivantes de M. Ollier : « ?Si cette opération devait connaître un début de commencement, cela mettrait à mal tout le travail engagé depuis des mois?, estime le député (UMP) des Hauts-de-Seine, qui n'a pas ménagé sa peine pour convaincre ses collègues de voter le projet de loi sur l'énergie ». Et ce parlementaire ajoute : « Mon devoir, à présent, est de m'assurer du respect de la parole donnée. [...] Le ministre de l'économie, Thierry Breton, s'était engagé à revenir début décembre devant la commission pour faire le point sur le projet de fusion entre GDF et Suez dès que le périmètre en aurait été établi. Ce sera à lui de s'expliquer sur les événements nouveaux qui auront pu intervenir. Celui-ci en est un. Nous avions prévu une fusion dans un certain contexte. Si le contexte change, il faudra évidemment revoir ce que nous avions prévu. »
M. Robert Bret. Eh oui !
M. Yves Coquelle. Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre délégué, qu'il faut tirer les enseignements de ces événements et interrompre notre débat ?
M. Robert Bret. Il faut faire vite !
M. le président. Monsieur Coquelle, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
Motion d'ordre
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la clarté de notre débat, et avec l'accord de tous les représentants des groupes politiques, je vous propose d'examiner séparément l'amendement n° 216, déposé par nos collègues du groupe CRC, tendant à la suppression de l'article 1er du projet de loi. Il s'agit ainsi d'éviter la mise en discussion commune automatique des quatre-vingt-deux amendements déposés sur cet article.
Cette proposition a pour objectif de fluidifier et de clarifier le débat en procédant à la discussion de petits groupes d'amendements portant sur des sujets bien précis, mais en aucun cas de faire retirer l'un ou l'autre de ces amendements.
M. Robert Bret. Et s'agissant des propos de M. le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, monsieur le rapporteur ?
Articles additionnels avant le titre Ier (suite)
M. le président. Nous reprenons la discussion des articles.
L'amendement n° 212, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie a pour objet de garantir la cohésion sociale nationale, en assurant le droit au gaz et à l'électricité pour tous, en contribuant à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire ainsi qu'à la recherche et au progrès technologique.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Aujourd'hui, sur notre territoire national, environ 10 000 communes sont raccordées au gaz. L'approvisionnement de ces communes couvre environ 75 % de la population française.
Les efforts de GDF ont donc été importants pour que l'accès à cette énergie, qui a longtemps été une énergie bon marché, profite au plus grand nombre, soit directement par les réseaux, soit grâce au système des bonbonnes ou des traditionnelles bouteilles de gaz.
Cependant, l'effort n'est pas terminé, et devrait donc être poursuivi.
Un audit réalisé par Gaz de France a révélé que 5 000 communes demandent aujourd'hui leur raccordement au réseau de distribution de gaz.
Chacun s'accordera à considérer qu'il s'agit là d'un enjeu d'aménagement du territoire de grande dimension, et de ses corollaires, en termes tant de lutte contre les exclusions sociales que de progrès partagé. Une telle extension porte également en elle des enjeux industriels, technologiques et commerciaux qu'il ne faudrait pas négliger.
Mais quand le réseau de distribution est menacé d'éclatement, comme c'est prévu aux articles 6 et 8 du projet de loi, le risque est grand de voir freiner ce développement attendu de l'approvisionnement en gaz sur le territoire national.
Il est connu que les coûts de raccordement au réseau sont variables. Ainsi, un raccordement en montagne est plus coûteux qu'un raccordement en plaine. De même, le raccordement d'une ville de taille moyenne est, à long terme, plus rentable que celui d'un petit village. Nous le savons tous, et ces réalités s'imposent à nous en de multiples domaines et fondent le principe de péréquation.
Ce principe, étroitement lié à celui de solidarité, est à la base de notre République, dont l'objectif toujours réaffirmé est l'égalité des droits pour tous et en tout lieu. Il « vit » donc dans des secteurs aussi différents que l'éducation, la santé et le logement. En fait, il serait plus juste de dire qu'il « devrait vivre », tant il est mis à mal depuis de nombreuses années.
S'agissant du gaz, le principe de péréquation correspondait encore à une réalité. Or, avec ce projet de loi, vous allez une nouvelle fois restreindre son champ d'application et, finalement, le faire disparaître partout et pour tous, mettant à mal dans la réalité toute notion de cohésion nationale.
Le système de péréquation des coûts de distribution qui a prévalu jusqu'alors a pourtant permis à GDF d'équilibrer le coût de ses investissements sur l'ensemble du territoire. Sa gestion nationale de la distribution s'est ainsi faite au bénéfice de l'égalité entre les usagers, où qu'ils se trouvent sur le territoire national, tout en restant pourtant rentable. Ainsi, chaque commune raccordée a accès au réseau de distribution pour un coût moyen égal pour tous.
En mettant fin à la péréquation, vous menacez cet équilibre.
Ce qui se profile, c'est le positionnement d'opérateurs dans les zones où le coût de la distribution est le plus intéressant, au détriment des zones peu rentables, dont le raccordement au gaz sera compromis !
Avec cet amendement, nous tenons à réaffirmer par la voie législative que le service public de l'énergie a aussi pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité et en gaz sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général.
À la veille de la disparition de GDF, il est bon de rappeler ce principe et de nous assurer que cette mission de service public, essentielle à la nation, perdurera. C'est pourquoi nous voulons inscrire le principe de péréquation dans la loi.
Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, selon une tradition bien établie, de « bonnes paroles » figurent dans des lois précédentes. Il s'agit sans nul doute d'un enrobage destiné à faire « passer la pilule ».
Mais aujourd'hui, nous sommes dans un nouveau contexte : à la suite de la privatisation, et sous l'influence des actionnaires, la pratique sur le terrain n'aura plus grand-chose à voir avec ces belles paroles.
C'est pourquoi nous insistons encore, en ce début d'après-midi, sur ces grands principes édictés à l'issue de la Seconde Guerre mondiale et qui ont fait leurs preuves pendant une soixantaine d'années, car nous pensons que cela vaut la peine d'attirer l'attention du peuple français sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ferai deux observations.
Premièrement, cher Gérard Le Cam, vous savez bien que le droit au gaz n'existe pas sur l'ensemble du territoire national : quelque 11 millions de foyers étaient raccordés au gaz. Nous savons tous que l'on n'ira pas beaucoup plus loin, même si les collectivités locales s'investissent à cet égard.
Pour faire bénéficier le plus grand nombre de personnes du droit au gaz, mieux vaut utiliser le propane que d'étendre encore des réseaux très coûteux.
Deuxièmement, s'agissant de la rédaction proposée dans votre amendement, je souhaite citer l'article 1er de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, présentée par le gouvernement de M. Jospin et défendue à l'époque par M. Christian Pierret, secrétaire d'État à l'industrie : le service public de l'électricité « concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique. »
Mes chers collègues, il n'est pas utile d'écrire la même phrase dans chaque texte qui nous passe entre les mains !
Monsieur Le Cam, le souhait que vous exprimez au travers de votre amendement est satisfait, et votre inquiétude n'a donc pas lieu d'être.
Je vous demande par conséquent de bien vouloir retirer l'amendement n° 212. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Je le maintiens d'autant plus que le service public est fortement mis en cause, tant par les directives européennes que par la privatisation de GDF. Dans la mesure où il n'a plus de valeur profonde, nous demandons sa réinscription dans le texte de la loi.
M. le président. L'amendement n° 213, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est déposé devant le parlement au plus tard le 1er juillet 2007 relatif aux nouvelles technologies en matière de production de gaz, notamment à partir du charbon.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. On ne saurait débattre de l'avenir du secteur de l'énergie sans parler du retour en grâce du charbon, source d'énergie pourtant tombée en désuétude en France à la fin des années quatre-vingt et qui, conséquence directe du prix du pétrole et de sa raréfaction, tel le sphinx, renaît de ses cendres.
Ainsi, la crise structurelle pétro gazière à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui démontre combien la liquidation de la production nationale, conduite sous prétexte du contre-choc pétrolier de 1986, fut une aberration.
Rappelez-vous, mes chers collègues : tout a commencé par un comparatif entre le prix de la tonne du charbon en France et en Afrique du Sud, et s'est conclu, après maints engagements, incertitudes, propositions des gouvernements successifs, par le précepte qu'il fallait mieux payer un chômeur qu'un mineur. Et de conclure que l'ère « Germinal » était révolue.
Pourtant, le projet nivernais tout comme le projet aveyronnais justifient pleinement le combat mené par les syndicats et les ouvriers des mines, par les populations et les élus des communes minières, qui défendaient le maintien de l'exploitation charbonnière. En effet, aujourd'hui, nous est annoncé, sous couvert du concept d'innovation, un projet de mine à ciel ouvert, mis en chantier dans la Nièvre, accompagné de la construction d'une centrale thermique sur le même site.
De même, la société des ressources minières du Massif central appartenant à un grand groupe britannique veut exploiter dans les meilleurs délais la concession qu'elle a achetée en 2003 par arrêté ministériel.
Dès lors que l'exploitation du charbon est assurée par Suez ou autre grand groupe privé, et non plus par une entreprise d'État, vous n'hésitez plus à parler d'innovation, et ce bien que les deux projets en question aient la particularité d'être des exploitations à ciel ouvert, vecteurs d'une pollution obligée, et donc contraires au respect de l'environnement et au développement durable que nous avons inscrits dans une Charte visée par le préambule de la Constitution.
Mais, à l'évidence, cette dichotomie ne vous heurte pas, chers collègues de la majorité sénatoriale. Comment peut-on parler de projet innovant, alors que, voilà deux ans encore, ceux qui prônaient le maintien des mines - certes en travaillant à une utilisation propre du charbon et en développant la recherche en ce sens - étaient étiquetés de « ringards », de « vieux passéistes », arc-boutés sur une histoire ancienne ?
Force est de constater que ceux qui avaient tort hier ne s'étaient donc pas trompés. Il fallait les faire taire, non parce que leur discours était inopportun, mais parce qu'ils voyaient juste ! À l'évidence, il s'agissait tout bonnement de créer les conditions de fin de monopole public pour offrir au secteur privé les importantes richesses minières du sous-sol national. J'en veux pour preuve l'exemple, dans mon département, de la fermeture anticipée des Houillères de Provence à Gardanne, en 2004.
Lorsque l'on a séparé la centrale de la mine, les plus clairvoyants dénonçaient la volonté de mettre en déséquilibre financier la mine pour mieux justifier sa fermeture et permettre ainsi la privatisation de la centrale. L'histoire confirme cet objectif, et ce au détriment tant de l'intérêt national, de l'industrie nationale, que des mineurs et de leurs familles.
En effet, aujourd'hui, la centrale thermique de Gardanne est propriété d'Endesa, opérateur espagnol, lui-même objet d'une OPA hostile de la part d'un opérateur allemand, E.ON. Et comble d'ironie, c'est le même directeur, chargé de la fermeture anticipée des Houillères de Provence à Gardanne, qui pilote à présent le projet d'ouverture de cette mine dans la Nièvre !
Quel gâchis ! Combien de mines fermées ? Combien d'ennoyages de galeries ? Combien de régions ne se sont pas encore remises des conséquences redoutables, d'un point de vue social, humain, industriel et économique, de ces fermetures ? Et au final, on reconnaît que le charbon est une énergie principale, source de 40 % de l'électricité mondiale, et qu'il est à l'origine des plus grandes réserves de combustible fossile !
Face à l'épuisement des ressources d'hydrocarbures, les énergies de l'atome et du charbon sont les seules ressources non renouvelables qui perdureront au-delà du XXIe siècle. Aujourd'hui, de grands groupes industriels bâtissent des projets pour rouvrir les mines. L'État les y aide et, entre-temps, le statut des mineurs est passé en pertes et profits.
En effet, dans le même temps, monsieur le ministre, les mineurs, à qui l'on demande de patienter plus encore, sont toujours dans l'attente de voir leurs droits maintenus, garantis et honorés.
En effet, si les droits des mineurs ont bien été garantis par le législateur et si les dotations de l'État ont été respectées, il n'en demeure pas moins que de graves dysfonctionnements pénalisent les mineurs et leurs ayants droit. En effet, l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs n'est toujours pas parvenue, deux ans plus tard, à verser aux intéressés l'intégralité des prestations qui leur sont dues à la suite de la cessation d'activité des entreprises minières.
Sont à déplorer des retards de paiements, l'absence de prise en compte dans le recensement de 2001 de droits acquis et d'accords verbaux pourtant reconnus, ou encore des problèmes relatifs aux charges locatives et au logement.
Pour conclure, il est important de souligner que l'indépendance énergétique doit être un objectif de la politique énergétique de la France et, plus largement, de celle de l'Europe.
On l'a dit depuis le début du débat, seule la création d'un pôle public de l'énergie permettrait de répondre aux besoins de tous et de stimuler un développement durable et solidaire respectueux de l'environnement.
Il est essentiel et urgent de soustraire le secteur de l'énergie à l'économie concurrentielle.
L'importance de ces questions nécessite qu'une étude complète soit menée sur ce dossier du charbon. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous demandons d'adopter notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, ce qui ne signifie pas qu'elle soit hostile aux nouvelles technologies et, plus particulièrement, à la production de gaz à partir des anciennes mines de charbon. Je crois d'ailleurs que ce sujet mérite d'être développé. Ce à quoi la commission est défavorable, c'est au dépôt d'un rapport supplémentaire.
Il se trouve, cher Robert Bret, que M. Thierry Chambol a remis voilà quelques mois aux ministres de l'économie, de l'écologie et de la recherche un rapport consacré aux nouvelles technologies de l'énergie, qui envisage les différentes options possibles en la matière. J'ai d'ailleurs utilisé certains de ses éléments dans mon propre rapport.
Monsieur le ministre, j'ai peur que notre pays ne finisse par mourir sous la multiplication des rapports ! Qu'à l'occasion d'un débat comme celui d'aujourd'hui nous utilisions le fruit de ce travail est une bonne chose ; mais de là à refaire tous les six mois un nouveau rapport, nous y sommes beaucoup moins favorables.
Au cours du débat ont été cités deux projets tout à fait intéressants, l'un dans le Nord-Pas-de-Calais, l'autre dans les Bouches-du-Rhône. Mais, à ma connaissance, aucun des projets de réouverture de mines - et M. le ministre nous le confirmera - n'est soutenu par le Gouvernement ou par l'État. Le seul projet est privé. Situé dans la Nièvre, il suscite d'ailleurs pas mal d'hostilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Bret, il ne nous semble pas nécessaire d'élaborer un rapport supplémentaire.
En revanche, sur le fond de la question, je suis très intéressé par votre proposition et vos réflexions. Élu d'une région qui a bien connu les mines et l'exploitation du charbon, vous êtes forcément sensible à l'actuelle évolution du contexte énergétique mondial.
L'une des conclusions du récent sommet franco-allemand est de travailler ensemble au charbon propre. La France importe 22 millions de tonnes de charbon. Dans la sidérurgie, le charbon est un produit indispensable, celui qui apporte le carbone. Il sert aussi pour produire de l'électricité dans des centrales utilisées à la pointe, et que la direction d'EDF est plutôt encline à remplacer progressivement par des centrales au gaz.
Le problème du charbon par rapport à l'environnement est sa production énorme de gaz à effet de serre : 0,9 tonne de CO2 pour un mégawattheure produit à partir de gaz, contre 0,4 tonne de CO2 pour un mégawattheure produit à partir de charbon. Quelqu'un qui aurait un projet de transformation de charbon en électricité devrait donc être en mesure d'acheter les tonnes de CO2 nécessaires, qui sont plus importantes que celles de gaz.
Tel est aujourd'hui le contexte dans lequel on peut imaginer des utilisations supplémentaires du charbon en France. Nous avons aujourd'hui connaissance de deux projets, l'un à l'état de demande de concession, l'autre, situé dans l'Ariège, pour lequel la concession existe.
Ces projets, qui ne sont en aucun cas publics, ne répondent même pas à une demande particulière. Au fur et à mesure que les pétitionnaires feront connaître leurs intentions, ils auront à s'expliquer, ce qui sera beaucoup plus riche en informations qu'un nouveau rapport déposé au Parlement.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 213.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Je voterai, bien sûr, l'amendement présenté par mon ami Robert Bret.
Je veux m'exprimer sur le problème de fond, en évoquant le cas du Nord-Pas-de-Calais, région qui compte deux cents ans d'exploitation charbonnière.
Toutes les mines ont été comblées, mais plus ou moins bien. Des millions de mètres cubes de gaz stockés au fond de la mine sont actuellement utilisés par Gazonor pour alimenter des usines, lesquelles emploient des salariés.
Or j'apprends que Charbonnages de France s'apprête à liquider ce patrimoine au plus offrant. J'attire votre attention sur le fait que, en dehors des aspects économiques, il y a des aspects de sécurité. Qui connaît mieux les gisements de charbon du Nord-Pas-de-Calais que les ingénieurs qui y ont travaillé et qui dirigent maintenant Gazonor ? Je voudrais vous sensibiliser à ce problème très important pour notre région.
M. le président. L'amendement n° 214, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Chaque fournisseur, chaque opérateur, chaque distributeur participe au financement des efforts de recherche dans le domaine des gaz combustibles (production, transformation, transport, distribution, stockage, utilisation, technologies associées). Pour chacun, l'effort financier pour l'année N doit être a minima égal à 3% de la valeur ajoutée de l'année N-1 réalisée dans leur activité gazière, dont 0,5% est consacré à la recherche fondamentale.
II. - Les fonds correspondants peuvent être utilisés à des activités de recherche sur les gaz combustibles au sein même de l'entreprise et/ou d'une de ses filiales et/ou dans un organisme de recherche créé ou géré en coopération avec d'autres entreprises gazières et/ou dans un organisme de recherche publique.
III. - La Commission de régulation de l'énergie veille au respect de ces dispositions. En cas de non-respect, elle en informe les ministres chargés de l'énergie et de la recherche qui prennent les mesures nécessaires.
IV. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Cet amendement porte sur le financement des efforts de recherche dans le domaine des gaz combustibles.
En application des articles 2 et 3 du projet de loi du 8 avril 1946, EDF et GDF se sont vu confier des activités d'ingénierie et de recherche.
Or le présent projet de loi, pas plus que tous les autres textes que nous avons pu examiner ces dernières années, ne précise nulle part qu'EDF et GDF peuvent avoir un rôle moteur des activités dans ces domaines essentiels pour l'avenir de notre pays.
Cela nous semble particulièrement grave à l'heure où la situation détériorée des marchés énergétiques appelle, sans la moindre équivoque, qu'un effort particulièrement vigoureux, et quasi volontariste, soit accompli en ces domaines.
De plus, comment ne pas rappeler que nous sommes liés parl'atteinte d'objectifs environnementaux qui devraient largement nous inciter à rechercher le plus possible des solutions énergétiques respectueuses du devenir de l'environnement ?
Par cet amendement, nous souhaitons mettre en particulier l'accent sur le rôle actuel d'EDF en matière de recherche. Ainsi, le budget consacré à la recherche par cet établissement public s'élevait, en 2004, à 395 millions d'euros, hors coûts induits, soit 1,3 % du chiffre d'affaires et 2,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise.
Cet effort de recherche global, certes important, tend à stagner depuis plusieurs années, ce qui est grave. Cela se comprend dans un contexte où la direction de l'entreprise, malgré l'affirmation de valeurs distinctes des seules logiques libérales, tend à se complaire à satisfaire d'abord et avant tout les actionnaires minoritaires entrés dans le capital de l'entreprise publique.
Promouvoir une culture d'entreprise pour affaiblir la culture de service public à laquelle les agents sont particulièrement attachés, tel est, qu'on le veuille ou non, le projet qui se met en oeuvre.
De fait, EDF, après avoir mené une course folle aux acquisitions externes souvent dénuées de toute logique industrielle, se retrouve avec un budget consacré à la recherche diminué de 20 % depuis 1999.
Ces choix stratégiques imposés par des dirigeants spécialistes du pilotage à courte vue ont eu pour conséquence la suppression de laboratoires expérimentaux, uniques en Europe, qui menaient des recherches de pointe en matière d'expérimentation sur le réseau ou de qualification des matériels de sûreté du nucléaire.
Ces compétences sont ignorées.
Le Gouvernement prétend inscrire des objectifs de recherche et développement dans les contrats de service public passés avec les entreprises et s'assurer, entre autres choses, de l'atteinte d'objectifs d'une stratégie plus globale de développement durable et soutenable, mais de telles affirmations ne peuvent trouver cohérence et mise en oeuvre sans moyens conséquents.
Pour notre part, nous proposons que l'effort financier en matière de recherche de chaque fournisseur, de chaque opérateur et de chaque distributeur soit au moins égal pour l'année n à 3 % de la valeur ajoutée de l'année n-1.
Une telle disposition permettrait non seulement de préserver les compétences d'EDF, mais également de les renforcer.
En outre, elle participe de notre volonté de sauvegarder le patrimoine qui appartient à la nation, et non à l'État, et dont font partie ces compétences sans lesquelles nos entreprises n'auraient pas pu atteindre, dans certaines filières industrielles, un niveau d'excellence reconnu sur le plan mondial.
Se priver progressivement de telles compétences placerait l'entreprise dans une voie sans issue. EDF et GDF ont au contraire besoin de recherche sur le très long terme.
Enfin, de manière incidente, cet amendement conduirait chacun des opérateurs intervenant dans le domaine de l'énergie sur le territoire national à participer à la mise en oeuvre de la recherche dans ces domaines essentiels pour le devenir à la fois économique et environnemental de la planète.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Coquelle, tout d'abord, il s'agit d'un domaine dans lequel l'intervention de la loi n'aurait pas beaucoup d'efficacité.
Ensuite, mon cher collègue, croyez-vous sincèrement qu'EDF et GDF vous aient ou nous aient attendus ? Dans les secteurs où la technologie est importante, il y a bien longtemps que les entreprises, seules et sans que le législateur ait eu à les y obliger, consacrent des efforts particuliers à la recherche, et c'est heureux !
M. Yves Coquelle. Jusqu'à maintenant !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Plus particulièrement, puisque votre amendement vise la recherche en matière de gaz, permettez-moi de préciser que Gaz de France compte actuellement près de 590 collaborateurs qui s'y consacrent et que 40 % des ingénieurs qu'il recrute y sont destinés.
Gaz de France joue un rôle majeur dans la recherche énergétique à l'échelle européenne et figure parmi les leaders mondiaux de la recherche gazière ; il a notamment établi des partenariats particulièrement originaux avec le CNRS, comme d'ailleurs beaucoup d'entreprises ayant une activité technologique, mais aussi avec les grandes écoles et les universités.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. Yves Coquelle. Il n'empêche que le budget de la recherche de GDF est en régression !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Coquelle, la recherche dans le domaine énergétique, en particulier chez EDF et GDF, est en effet indispensable. Il est normal et nécessaire que des orientations scientifiques soient définies et dotées des moyens suffisants pour assurer leur mise en oeuvre.
Nous avons ainsi prévu de préciser, dans le cadre du contrat de service public de chacune des deux entreprises, les thèmes sur lesquels les recherches devront être particulièrement poussées. Par exemple, toutes les questions relatives au démantèlement d'installations nucléaires ou aux déchets nucléaires doivent clairement être parfaitement maîtrisées par EDF. De la même façon, Gaz de France doit avoir à sa disposition les compétences et les connaissances nécessaires pour mener à bien ses activités de recherche, qu'il s'agisse de recherche en amont ou de recherche tout court.
Cela étant dit, si la recherche est indispensable, la bonne méthode pour obtenir que les entreprises s'y consacrent n'est pas de leur imposer des « tarifs » ou des « quantités » de recherche à conduire. L'expérience prouve que ce sont les entreprises qui gèrent une activité qui sont les mieux à même de mener la recherche liée à cette activité.
À l'échelle nationale, les dépenses de la France pour la recherche atteignent 2,2 % du produit intérieur brut, la recherche privée représentant entre 1,2 % et 1,4 % environ de ce même PIB. Ces taux sont sûrement améliorables, mais il n'en reste pas moins que nous devons cette part de 1,4 % à la recherche privée française. Je ne doute pas que même une entreprise dans le capital de laquelle l'État n'est plus majoritaire continuera à avoir à coeur de conduire les recherches nécessaires pour assurer la qualité de ses investissements et son futur.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. J'abonde dans votre sens, monsieur le rapporteur : dans les domaines que vous avez cités, notamment le traitement des déchets - les déchets de toute nature d'ailleurs, y compris les déchets ménagers -, Gaz de France est à la pointe des compétences et des techniques, par exemple pour la méthanisation.
C'est justement ce qui m'amène à m'interroger sur la question de la propriété industrielle et du retour sur investissement. En effet, si Gaz de France est privatisé, une partie de tout ce savoir-faire et de ces brevets va passer dans une société privée sans que l'État n'ait de retour sur investissement.
M. Yves Coquelle. Bien sûr !
M. Daniel Raoul. Le problème se pose d'ailleurs dans les mêmes termes s'agissant des efforts de notre pays en faveur de son enseignement supérieur : pour reprendre une formule historique d'un goût douteux, si nous formons de bons docteurs, d'autres pays ont, eux, les moyens de les acheter ! S'il est parfaitement normal que la France investisse pour ses étudiants, notamment dans les bourses « post-doc », on peut quand même légitimement se demander où passe exactement cet investissement.
M. Gérard Le Cam. C'est vrai !
M. Daniel Raoul. Il s'agit d'un véritable problème, qui devrait sans doute être traité non pas seulement au niveau français mais aussi au niveau européen.
M. le président. L'amendement n° 215, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le domaine énergétique, les missions de service public de l'électricité et du gaz doivent être réalisées par des agents assujettis au statut du personnel des industries électriques et gazières défini par le décret n° 461541 du 22 janvier 1946. En particulier, le personnel nécessaire à l'exploitation, à la maintenance et aux améliorations des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire doit, dans son ensemble, être assujetti à ces dispositions statutaires.
En ce qui concerne les salariés dont l'activité sur ces centrales est occasionnelle, ils doivent disposer de garanties sociales de haut niveau dont la base minimale est constituée par le statut des industries électriques et gazières.
Les questions de conditions de travail et de santé au travail doivent être examinées au sein d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail unique pour tous les salariés sur chaque site nucléaire.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement porte sur le statut des personnels des industries électriques et gazières, les IEG, notamment ceux qui travaillent dans les centrales nucléaires. Tous ces personnels, y compris ceux qui y travaillent de façon occasionnelle, doivent être assujettis aux dispositions statutaires.
Comme nul ne l'ignore, les établissements de production d'énergie d'origine thermonucléaire sont des établissements répondant à des règles tout à fait spécifiques de sécurité.
Nous avons d'ailleurs parlé de cette question encore récemment, notamment dans le cadre de la discussion de la loi sur la sécurité nucléaire, puisque l'article 39 de cette loi a notamment permis de réaliser quelques avancées sur la question de la constitution de structures paritaires de site en matière d'hygiène et de sécurité.
Je cite les termes du premier paragraphe de cet article 39, qui modifie le code du travail : « Dans les établissements comportant une ou plusieurs installations nucléaires de base, le comité est informé par le chef d'établissement de la politique de sûreté et peut demander au chef d'établissement communication des informations mentionnées à l'article 19 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. Le comité est consulté par le chef d'établissement sur la définition et les modifications ultérieures du plan d'urgence interne mentionné à l'article L. 1333-6 du code de la santé publique. Il peut proposer des modifications de ce plan au chef d'établissement qui justifie auprès du comité les suites qu'il donne à ces propositions. »
Au demeurant, ces avancées législatives, dégagées dans des conditions de discussion pour le moins surprenantes - je rappelle que le Gouvernement avait expressément souhaité que le texte soumis au Sénat en deuxième lecture soit adopté conforme, et il s'en est donc fallu de peu pour que ces avancées n'aient pas lieu -, ne permettent pas, à notre avis, d'aller jusqu'au bout de la logique.
En effet, si les questions de conditions de travail et de santé au travail seront désormais, dans tous les cas, examinées au sein d'un comité d'hygiène et de sécurité unique pour tous les salariés sur chaque site nucléaire, les différences de statut et de traitement entre les salariés de l'exploitant de l'installation - pour ce qui nous concerne, il ne peut s'agir que d'EDF, puisque aucun autre opérateur ne dispose pour l'heure de la moindre capacité de production sur le territoire national - et ceux des entreprises sous-traitantes ne sont pas réglées.
Il importe donc que des dispositions extrêmement précises soient prises pour que cette divergence de traitement ne perdure pas inutilement, d'autant que certains des sous-traitants ont parfois beaucoup à voir avec l'exploitant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Billout, je ne partage pas du tout l'affirmation que vous venez d'émettre, selon laquelle tous les personnels travaillant dans les centrales nucléaires, y compris ceux qui accomplissent des travaux de sous-traitance occasionnels, devraient relever du statut du personnel des IEG, affirmation qui va d'ailleurs au-delà de l'amendement lui-même. Ce dernier est en effet un peu moins exigeant puisqu'il vise à accorder aux salariés dont l'activité dans les centrales est occasionnelle des « garanties sociales de haut niveau ».
Je rappelle que la règle - et c'est une bonne règle - est que le statut du personnel des IEG s'applique dès lors que l'objet de l'activité principale de l'entreprise est l'énergie. Modifier cette règle remettrait en cause tout l'équilibre.
En outre, monsieur Billout, le statut du personnel des IEG n'est pas nécessairement le meilleur de tous les statuts. Certains salariés qui travaillent chez Total, par exemple, n'aimeraient sans doute pas du tout quitter le statut de personnel des exploitations minières et assimilées pour celui de personnel des IEG.
Chaque statut a ses avantages et ses inconvénients. Certes, le statut du personnel des IEG est un bon statut, et je comprends qu'on veuille le protéger, mais je ne suis favorable à son application que lorsque l'activité principale de l'entreprise est l'énergie.
D'ailleurs, pour siéger au Conseil supérieur de l'électricité, qui se réunit régulièrement pour examiner les décrets que nous envoie pour avis le ministre ou pour voter, je puis vous assurer que même les représentants des syndicats ne demandent pas son extension : ils veillent à ce que les salariés qui en bénéficient aujourd'hui le conservent et à ce que l'on n'y touche pas, sauf éventuellement à l'améliorer, mais ils ne demandent pas la remise en cause de l'équilibre national qui s'est installé, notamment quant au partage qui peut s'opérer dans les entreprises ayant des activités à la marge du secteur de l'énergie.
J'ajoute que lors d'aucune des auditions auxquelles j'ai participé je n'ai entendu une telle demande exprimée par les représentants des syndicats, qu'il s'agisse des syndicats nationaux ou des syndicats d'entreprise. Cela confirme que l'équilibre auquel on est parvenu est un bon équilibre : n'y touchons pas.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je suis bien sûr tout à fait d'accord avec M. le rapporteur.
Puisque cet amendement portant sur le statut des salariés est en partie motivé par des raisons de sécurité, je veux simplement rappeler qu'une loi récemment votée par le Parlement, à savoir la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, fait obligation aux établissements comportant au moins une installation nucléaire de base d'élargir les comités d'hygiène et de sécurité à une représentation des chefs d'entreprises extérieures et de leurs salariés, renforçant ainsi les garanties apportées à ces salariés.
Cette loi témoigne de notre souci de mettre l'information maximale à la disposition des personnels qui sont susceptibles d'intervenir, même de façon occasionnelle, dans les centrales ; le statut de ces personnels est sans incidence sur ces questions et le projet de loi ne touche pas au statut du personnel des IEG.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. La garantie sociale de haut niveau assure effectivement la stabilité des effectifs et évite, dans des entreprises de ce genre, un turn-over important.
Nous nous sommes attachés au savoir-faire de ces personnels parce que nous pensons que la perte de savoir-faire dans des domaines aussi stratégiques est toujours dommageable pour l'entreprise elle-même et, plus généralement, pour tous les Français.
C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 215.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE IER
OUVERTURE DES MARCHÉS ET LIBRE CHOIX DES CONSOMMATEURS
M. le président. L'amendement n° 207, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :
MISSIONS DU SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE
ET RESPECT DES DROITS DES USAGERS
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la directive gaz dont nous transposons la teneur dans le cadre de ce projet de loi répond, quant au fond, à un certain nombre d'attendus philosophiques que nous pouvons au demeurant parfaitement critiquer.
Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, prenons les termes du second considérant de la directive : « L'expérience acquise avec la mise en oeuvre de cette directive [la première directive gaz] montre les avantages considérables qui peuvent découler du marché intérieur du gaz, en ce qui concerne les gains d'efficacité, les réductions de prix, l'amélioration de la qualité du service et l'accroissement de la compétitivité. Cependant, d'importantes lacunes subsistent et il est encore possible d'améliorer le fonctionnement de ce marché, il faut notamment prendre des dispositions concrètes pour assurer des conditions de concurrence équitables et pour réduire le risque de domination du marché et de comportement prédateur, en garantissant des tarifs de transport et de distribution non discriminatoires par l'accès au réseau sur la base de tarifs publiés avant leur entrée en vigueur, et en garantissant la protection des droits des petits consommateurs vulnérables. »
Cependant, à la lumière de l'expérience, on pourrait dire au moins deux choses.
Premièrement, les attendus de la directive gaz sont fondés sur un texte - celui du traité sur l'Union Européenne - que nos compatriotes ont rejeté l'an dernier dans nombre de ses acceptions, les dispositions relatives à la concurrence libre et non faussée figurant dans la partie III du traité ayant été particulièrement combattues.
Deuxièmement, depuis 2003, le retournement tendanciel en matière de prix du gaz est pour le moins évident : il ne se passe quasiment pas de trimestre sans qu'une nouvelle poussée de fièvre, purement spéculative, ne vienne tirer les prix vers le haut, mettant précisément en cause les droits des usagers et la protection des plus vulnérables.
Enfin, comment ne pas souligner, une fois encore, que le texte de la directive est, comme souvent en matière de texte communautaire, empli de contradictions diverses. La transposition se doit de faire mieux !
En effet, l'alinéa 2 de l'article 3 de la directive indique notamment ceci : « En tenant pleinement compte des dispositions pertinentes du traité, en particulier de son article 86, les États membres peuvent imposer aux entreprises opérant dans le secteur du gaz, dans l'intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d'approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection de l'environnement, y compris l'efficacité énergétique et la protection du climat. Ces obligations sont clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables et garantissent aux entreprises de gaz de l'Union européenne un égal accès aux consommateurs nationaux. »
Plus loin, l'alinéa 4 de l'article 3 précise ceci : « Les États membres mettent en oeuvre les mesures appropriées pour atteindre les objectifs en matière de cohésion économique et sociale, de protection de l'environnement, qui peuvent comprendre des moyens de lutte contre le changement climatique, et de sécurité d'approvisionnement. »
Ce sont ces dispositions que nous souhaitons transposer au travers de cet amendement qui vise à spécifier le contenu du titre Ier de ce projet de loi.
Plutôt que de constater l'ouverture totale des marchés énergétiques, nous devons en effet valider, par l'adoption de cet amendement, le sens que nous donnons au service public dans notre législation nationale et, au sein de ce service public, la place prépondérante que nous donnons aux droits mêmes des usagers à un service de qualité.
Ce qui est devant nous en matière d'énergie est non pas la persistance de difficultés plus ou moins affirmées de fonctionnement du principe de libre concurrence - celle-ci étant de toute manière une vue de l'esprit, notamment au stade actuel de développement de l'économie -, mais bien plutôt la création de conditions d'une primauté des critères de service public dans le service rendu à la population.
Le service public à la française, quelle que soit la nature de ceux qui le mettent en oeuvre, est effectivement l'égalité de traitement des usagers, la garantie de tarifs abordables pour un service de qualité, la possibilité de prendre en compte des stratégies de long terme quant à la desserte ou à la sécurité d'approvisionnement.
Ce sont des éléments contenus dans cet amendement que nous vous invitons à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne répondrai pas sur tous les points abordés par M. Coquelle, car nous aurons l'occasion d'y revenir à différentes reprises au fur et à mesure que nous avancerons dans l'examen de ce texte.
Cet amendement tend à modifier l'intitulé du titre Ier afin d'y faire figurer la notion de service public.
Sincèrement, il n'y a pas lieu aujourd'hui de modifier la définition du service public de l'énergie, ce qui a été fait - je le répète - à trois reprises avec les lois de 2000, de 2003 et de 2004.
En revanche, la commission tient à garder l'actuel libellé du titre Ier. Il nous paraît en effet vital de conforter la base juridique du système tarifaire français, qui pourrait être remis en cause à compter du 1er juillet 2007, à l'occasion d'un contentieux communautaire.
L'intitulé du titre Ier est précis. Son contenu lui correspond exactement. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 207.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 81 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 589 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'indépendance énergétique nationale et la sécurité de nos approvisionnements en gaz naturel nécessitent qu'Électricité de France et Gaz de France demeurent des entreprises publiques nationales.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 81.
M. Roland Courteau. Cet amendement souligne la nécessité qu'il y a à ce que des entreprises comme EDF et GDF demeurent publiques afin d'assurer notre indépendance énergétique et la sécurité de nos approvisionnements.
C'est la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique qui a posé le principe du caractère public des entreprises chargées d'assurer notre indépendance énergétique.
Faut-il rappeler que l'électricité n'étant pas un bien stockable, la régulation de l'offre pour faire face à la demande ne peut donc s'opérer que si l'on dispose de capacités de production et de transport suffisantes ? C'est un point essentiel de la régulation du secteur énergétique que l'on oublie trop souvent.
C'est grâce à une entreprise publique comme EDF que nous avons atteint un grand degré d'indépendance dans le domaine de l'électricité.
Grâce aux investissements en faveur du parc nucléaire, nous avons pu réduire fortement dans ce domaine notre dépendance par rapport à d'autres sources d'énergie, comme le pétrole. Notre facture énergétique extérieure s'en est trouvée substantiellement allégée !
Les centrales nucléaires permettent de répondre en continu à la demande, tandis que les autres équipements, comme les barrages produisant de l'hydroélectricité, permettent de répondre aux pointes de la demande.
En jouant de manière complémentaire sur ces deux types de capacités de production, on est sûr de faire face aux besoins.
Un tel système a fait la preuve de sa viabilité sur le long terme, et nous avons jusqu'à maintenant été à l'écart de ruptures d'approvisionnement, même si, aujourd'hui, des tensions se manifestent dans un contexte d'accroissement de la demande et de vieillissement de nos infrastructures.
Ce type de dispositif est fondé sur une programmation des investissements sur le long terme. Pour le faire fonctionner, l'entreprise publique a réalisé des surinvestissements dans la production et le transport de l'électricité afin de répondre aux besoins des populations et au développement de l'économie.
Ces surcapacités permettent en effet de disposer de réservoirs de kilowattheures pour faire face aux fluctuations de la demande.
La production d'électricité, dont les coûts étaient lissés sur le long terme, a permis de maintenir des tarifs bas au bénéfice des usagers.
Tout cela était le fruit d'une politique et d'une stratégie orientées vers le long terme, soustraites aux contraintes et aux exigences de rentabilité du secteur privé.
Nous savons aujourd'hui qu'il faut à nouveau investir à en termes la fois de capacités de production et de transport, comme l'a plusieurs fois signalé le gestionnaire de transport RTE. Sommes-nous assurés que de tels investissements seront entrepris afin de maintenir cet ingénieux dispositif de régulation des flux ?
Il faudra alors compter sur l'altruisme des actionnaires privés, lesquels devront donner leur aval à des investissements dont la rentabilité n'est réellement assurée que sur le très long terme, à des investissements dont les capacités pourront n'être utilisées qu'en période de pointe de la demande, et seront donc sous-évaluées.
Il est certes nécessaire de développer à l'échelon européen les interconnexions entre les pays pour réaliser un marché énergétique unifié où l'électricité peut circuler.
Cependant, sans la programmation des investissements sur le long terme, cela ne suffira certainement pas à répondre à une demande croissante et aux besoins des populations, notamment de nos concitoyens.
Cela ne permettra pas d'assurer l'indépendance énergétique à l'échelle de l'Union européenne.
Les inquiétudes soulevées par le Livre vert de la Commission européenne sont légitimes. Encore faut-il que l'Union européenne se donne les moyens nécessaires en relançant de grands programmes d'investissements !
Qui plus est, de telles mesures seraient bénéfiques sur le plan du dynamisme économique et de l'emploi
C'est là également que réside toute la faiblesse d'une politique européenne de plus en plus libérale, qui croit aveuglément dans les vertus autorégulatrices d'un grand marché unifié alors que, dans ce domaine en particulier, il faudrait faire preuve d'un réel volontarisme politique !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 589.
M. Jean Desessard. Cet amendement est identique à l'amendement n° 81, excellemment défendu par M. Courteau. Je n'ai donc rien à ajouter au propos tenu par ce dernier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à obliger EDF et GDF à demeurer des entreprises publiques nationales.
Si je vous prends au mot, monsieur Courteau, vous souhaitez que la part de l'État dans le capital de ces deux entreprises soit d'au moins 51 %. Autrement dit, vous seriez d'accord pour que la part de l'État dans EDF passe de 70 % à 51 % ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je vous taquine, mon cher collègue, mais c'est ce que votre amendement signifie, si on vous prend au mot !
M. Roland Courteau. Mais non !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Quoi qu'il en soit, j'ai bien compris le sens de cet amendement : il s'agit de remettre en cause l'objet même de ce projet de loi.
Pour EDF, j'ai déjà dit lors de la discussion générale -les deux ministres l'ont également indiqué - qu'il n'était en aucune manière question d'envisager une privatisation.
Pour GDF, j'ai déjà développé toute une série d'arguments. Je pense, mes chers collègues, que nous y reviendrons, si vous en êtes d'accord, au moment de l'examen de l'article 10, au sujet duquel nous ne partageons pas le même avis.
Mme Nicole Bricq. Oui, c'est clair !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En attendant, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement est bien entendu défavorable à ces deux amendements.
Au fond, messieurs les sénateurs, vous faites comme si vous pensiez que seule une entreprise publique pouvait remplir une fonction de service public. Or vous savez que ce n'est pas vrai puisque, dans vos collectivités, des services publics sont probablement assurés par d'autres entreprises que des entreprises publiques !
Il existe de nombreux exemples à cet égard, mais j'en prendrai un dans le secteur de l'énergie.
Aujourd'hui, nous considérons qu'il est important - il s'agit d'ailleurs là d'une politique publique qui a fait l'objet d'un article dans une loi - de développer l'éolien en France. Or, étant donné que ce sont des entreprises privées qui sont chargées de cette tâche, c'est à l'État qu'il revient de définir les conditions générales et de prévoir les mesures financières et budgétaires nécessaires à travers la contribution pour le service public de l'électricité, le CSPE.
En effet, c'est cette méthode qui rend possible l'investissement privé réalisé par une entreprise privée sur une politique publique, car un tel investissement privé n'existerait pas en l'absence d'une politique publique.
Dès lors, nous serions en pleine contradiction, me semble-t-il, si l'on essayait de faire croire aux Français que le service public relève forcément d'une entreprise publique. Cela n'est pas vrai ; il existe en France de nombreuses situations qui prouvent le contraire.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nos camarades socialistes soulèvent ici une question essentielle, à savoir l'indépendance énergétique nationale, et je voudrais, à ce titre, faire porter mon intervention sur le secteur électrique, même si notre débat tourne avant tout autour du gaz.
En 2003, déjà, à la suite de la sécheresse, nous avons pu constater, en particulier au moment de la canicule du mois d'août, des tensions importantes sur les prix de gros de l'électricité : le tarif du mégawatt était de 500 euros fin juin, de 100 à 200 euros début juillet, et de 1 000 euros en août ! Ainsi l'électricité s'est-elle ponctuellement et à plusieurs reprises échangée très cher.
La sécheresse puis la canicule ont servi de loupe pour mettre en évidence le risque d'une offre insuffisante.
Dès lors, les partisans de la déréglementation devraient se réveiller, car la rareté qui frappe à la porte ne va pas tarder à frapper au porte-monnaie de ceux-là mêmes qu'elle est censée libérer !
En effet, depuis cinq ans au moins, les développements de nouveaux moyens de production, tous hors marché - cogénération, éolien, etc. -, se sont révélés sans rapport avec l'évolution des besoins. La demande a continué de croître à un rythme de 1 % à 2 % par an, c'est-à-dire, au niveau européen, d'une vingtaine de térawattheures par an, ce qui équivaut à la production de 2 à 3 gigawatts de centrales lourdes, du style charbon, gaz, nucléaire.
On voit mal ce qui pourrait éclaircir les perspectives à un horizon de trois ou quatre ans.
En effet, les producteurs ont besoin de reconstituer leurs marges sérieusement écornées par les deux ou trois années passées en luttes stériles pour obtenir des parts de marché et en développements internationaux hasardeux. Ils risquent donc d'attendre pour investir, ce qui montre bien le danger pour les années à venir dans le cadre des privatisations en matière énergétique.
Voilà qui justifie notre soutien aux deux amendements identiques nos 81 et 589.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Chacun aura compris que le groupe socialiste tient beaucoup à ces amendements.
Monsieur le ministre, votre explication, excusez-moi de vous le dire, ne tient pas !
Si nous pouvons effectivement être d'accord avec vous sur le fait qu'un service public n'est pas forcément garanti par la seule existence d'une entreprise publique, tant il est vrai qu'il existe dans nos collectivités des délégations de service public donnant dans la plupart des cas satisfaction, tel n'est pas l'enjeu du débat.
Le problème, en effet, est de savoir qui détient le pouvoir de décision s'agissant d'un domaine extrêmement sensible, à savoir la sécurité énergétique. Je ne reviendrai pas sur les débats que nous avons eus et que nous continuerons à avoir les uns et les autres sur ce sujet.
En ce qui concerne tant la nature du capital que la détention de la décision, il apparaît aujourd'hui - nous reviendrons sur les questions posées par la fameuse action spécifique golden share, lors de l'examen de l'article 10 - que l'État n'a plus le pouvoir de décision...
M. Jean Desessard. Abandon !
Mme Nicole Bricq. ... pour prendre les solutions qu'il juge les meilleures en vue d'assurer l'indépendance énergétique. C'est bien de cela qu'il s'agit, monsieur le ministre, et vous le savez pertinemment ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je partage, moi aussi, les préoccupations exprimées par les auteurs de ces deux amendements identiques.
Pour en revenir à l'argumentation développée par M. le ministre, je voudrais tout de même rappeler que ce débat a déjà eu lieu en 2004. Or, contrairement à ce que disait notre rapporteur, M. Poniatowski, ce matin, nous sommes toujours dans la même logique et notre position n'a pas changé concernant le contenu de ce que nous estimons devoir être les missions de service public de ces grandes entreprises que sont EDF et GDF.
S'il me semble si important que ces deux entreprises continuent de relever de la responsabilité du secteur public, c'est pour que nous puissions donner des orientations afin que l'État affirme ses choix en vue de décisions que nous estimons souhaitables.
Il est vrai qu'aujourd'hui, si l'on a un reproche à adresser à l'État, on peut lui dire qu'il n'a pas suffisamment affirmé son rôle en exigeant d'EDF, et parfois de GDF, qu'elle assume mieux la responsabilité d'entreprise publique qui lui incombe concernant, par exemple, les réponses à apporter dans le domaine des énergies renouvelables.
Pour reprendre l'exemple de l'énergie éolienne cité tout à l'heure, je vous dirai que si, de nos jours, ce secteur se développe, c'est non pas par choix de diversifier les sources d'énergie et d'assurer une meilleure indépendance énergétique, mais essentiellement pour des raisons économiques. Et l'un de mes grands reproches tient à la formule d'achat de l'énergie éolienne produite par EDF.
Mais à partir du moment où, petit à petit, vous voulez faire passer le secteur énergétique dans le secteur privé, vous perdez toute possibilité de peser sur les choix. Vous mettez les entreprises dans une situation telle qu'elles ne prendront de décisions qu'en fonction de certains intérêts économiques ou de choix définis par les actionnaires et non pas en fonction des choix que l'État pourrait vouloir assumer à tel ou tel moment.
Pour ma part, je ne saurais me contenter d'une vision à courte vue dans ce domaine. Au contraire, j'estime, comme je l'ai dit ce matin, que nous devons nous situer à un horizon de vingt, trente, voire cinquante ans, si l'on veut véritablement que les problèmes soient réglés.
Pour prendre l'exemple de l'alimentation en gaz de la France, je rappellerai que c'est grâce à des contrats à long terme que l'on a pu jusqu'à présent assurer notre indépendance énergétique avec des coûts financiers acceptables.
Par conséquent, si l'on perd cette possibilité - et cela ne manquera pas de se produire si votre conception est retenue, monsieur le ministre -, nous ne serons plus en mesure de résoudre les difficultés dans ce domaine.
Telles sont les raisons pour lesquelles je considère que ces deux amendements sont importants.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81 et 589.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 82 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud- Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 590 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene- Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Pour assurer la sécurité nucléaire, aucun intérêt privé ne peut, directement ou indirectement, être présent au capital des entreprises exploitantes d'une installation nucléaire de base.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour défendre l'amendement n° 82.
M. Daniel Raoul. Tous les mots contenus dans cet amendement ont un sens et un poids.
La dérégulation du secteur et la transformation de l'un des principaux exploitants de la filière électronucléaire en société anonyme ont constitué une première étape sur la voie de la privatisation de la filière nucléaire avec, pour conséquence directe, la banalisation du nucléaire.
Nous nous opposons évidemment à un tel processus qui fait fi des risques et des dangers inhérents à ce type d'activité.
Par ailleurs, je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, ce que déclarait devant la Haute Assemblée, M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le 5 juillet 2004 : « Il n'y aura pas de privatisation d'EDF, non pour des raisons idéologiques, mais pour un motif simple : une centrale nucléaire n'est pas un central téléphonique. Il existe une différence de nature entre EDF et France Télécom qui justifie une différence de politique entre ces deux entreprises. »
Je me souviens très bien des applaudissements nombreux et nourris dont l'UMP avait alors gratifié les propos de M. Sarkozy.
D'ailleurs, notre rapporteur lui-même avait conforté la position de M. Sarkozy en disant : « Bien sûr ! » Vous pourrez, mes chers collègues, consulter le compte rendu intégral du Sénat du 5 juillet 2004 pour retrouver cette citation in extenso.
Une telle déclaration nous paraît évidemment intéressante, mais il serait plus intéressant encore que cela figure dans le texte de la loi, et j'espère donc que vous voudrez bien accepter cet amendement, monsieur le ministre. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 590.
M. Jean Desessard. Il se trouve que cet amendement est identique à celui que vient de défendre en termes excellents mon collègue Daniel Raoul, sénateur du Maine-et-Loire. Aussi, afin de ne pas répéter l'ensemble de l'argumentaire de mon collègue, je m'en déclare solidaire.
Si, d'aventure, je devais, à l'insu de mon plein gré (Sourires.), m'absenter de l'hémicycle cet après-midi, sachez que je suis d'ores et déjà solidaire de tous les amendements déposés par le groupe socialiste et identiques aux miens !
M. Yves Coquelle. C'est une bonne position !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Desessard. Favorable ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En aucune façon, monsieur Desessard !
En effet, vous serez certainement d'accord avec moi, tout comme M. Courteau, pour considérer que ces deux amendements reviennent en fait à porter la part de l'État ou de ses établissements publics au sein du capital d'EDF jusqu'à 100 %.
M. Jean Desessard. Nous avons été compris ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Or je tiens tout de même à vous signaler que, lorsqu'on a ouvert le capital d'EDF, près de 5 millions de Français ont acheté des actions EDF.
Par conséquent, si l'on revenait sur cette décision, cela voudrait dire qu'il faudrait racheter les actions de ces 5 millions de Français, disposition qui aurait incontestablement un coût pour l'État.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous rappellerai, en outre, qu'au moment où l'on a ouvert le capital d'EDF, l'action se situait, si mes souvenirs sont exacts, aux alentours de 20 euros, alors qu'elle atteint aujourd'hui quelque 45 euros.
Si je dis cela, ce n'est pas tant pour insister sur l'« addition salée » que représenterait ce coût, mais bien plus pour montrer que les Français aiment leur électricien national. Je ne suis pas sûr que le fait de leur annoncer la reprise d'une part du capital de cette entreprise soit, d'un point de vue stratégique, une bonne idée. Je tenais simplement à apporter cette précision.
M'adressant à Mme Bricq, je ne voudrais pas que mes propos soient interprétés comme ils l'ont été à une ou deux reprises.
Loin de moi l'idée de porter une accusation sur le rapport que vous avez rédigé, ma chère collègue. Ce dernier constitue même, à mes yeux, un vrai travail de fond sur le problème que vous aviez soulevé à l'époque et qui concernait non pas EDF mais Gaz de France.
Je répète qu'il s'agissait d'un travail sérieux dont les conclusions se rapprochaient de la pensée de M. Fabius à l'époque, à savoir qu'il n'était pas absurde d'ouvrir le capital de Gaz de France. Je crois même me souvenir que, dans votre rapport, madame Bricq, vous envisagiez un rapprochement éventuel avec Total.
Mme Nicole Bricq. Et EDF !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Disant cela, je cherche non pas à vous mettre en contradiction avec tel ou tel amendement, mais simplement à attirer l'attention des uns et des autres.
Je suis frappé de voir que, lorsqu'on est dans l'opposition, on n'a plus le même comportement que lorsqu'on tient les rênes du pouvoir !
M. Gérard Le Cam. C'est vrai pour tout le monde !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est un peu regrettable.
Je considère, pour ma part, que les choses peuvent toujours s'inverser et que, quand on fait une proposition, il convient de prévoir les conséquences que celle-ci pourrait entraîner.
Telle est l'observation complémentaire que je souhaitais faire avant d'indiquer que la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je ferai référence à ce qui est fondamental dans l'exploitation d'une installation nucléaire de base, ou INB, d'une centrale nucléaire, je veux bien sûr parler de la sécurité et du long terme.
Ainsi, qu'en est-il de la question des démantèlements ou de celle des déchets ? Que va-t-on faire de ces derniers ?
Tout à l'heure, Mme Beaufils a évoqué le long terme qui devait, selon elle, prévaloir en matière de politique énergétique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi Mme Beaufils en particulier ?
M. François Loos, ministre délégué. Durant les cinq années qu'a duré le gouvernement Jospin, de 1997 à 2002, aucun investissement de production dans l'électricité n'a été réalisé en France. Était-ce là préparer l'avenir ?
Qui a fait voter la loi sur les déchets radioactifs ? C'est nous. Qui a fait voter la loi sur l'autorité de sûreté nucléaire ? C'est nous, en prenant pour base un texte préparé par Mme Voynet, qui avait été bloqué au Sénat et que nous avons repris et modifié pour, finalement, mettre en place l'autorité de sûreté nucléaire.
Nous avons donné des gages de notre souci du long terme en demandant à EDF d'investir 40 milliards d'euros, alors que pas un euro n'avait été consacré à la production d'électricité sous la législature précédente, les investissements réalisés alors étant bien différents ! Le fond du problème est là, me semble-t-il.
À ce titre, la véritable réponse aux préoccupations que vous exprimez par le biais de cet amendement, c'est la mise en place, sur notre initiative, de l'autorité de sûreté nucléaire qui, en toute indépendance, se trouve à même d'assurer la sécurité des installations nucléaires françaises.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, vous venez d'évoquez le coût du démantèlement des centrales qui, de fait, est estimé à 15 milliards d'euros, mais le retraitement du combustible nucléaire pose également problème dans une perspective de long terme.
En effet, nous pouvons craindre que le secteur privé ne tente d'échapper à ses obligations en défalquant certains coûts de la valeur des entreprises acquises. Nous pouvons penser également que les actionnaires d'EDF achètent des titres pour les revendre par la suite et n'assument donc pas le développement de l'entreprise sur le long terme, alors que, nous le savons, la durée de vie des centrales nucléaires est relativement limitée, même si elle peut désormais être prolongée de quelques années. Le principe de la privatisation de l'énergie se heurte ici, me semble-t-il, à une sérieuse difficulté.
C'est en ce sens que nous soutenons l'amendement n° 82, qui tend à soulever le problème de la sécurité nucléaire, dans toute l'acception de cette expression.
Il s'agit là, en effet, d'une véritable difficulté, que seuls l'État et le service public sont capables de surmonter à long terme. Il est vrai que les investissements ont été insuffisants au regard de l'évolution de la consommation d'électricité de notre pays - je l'ai souligné tout à l'heure -, et ce quels qu'aient été les gouvernements au pouvoir.
Il est vrai aussi que l'on tarde à mettre au point les réacteurs de troisième génération, notamment. Nous ne sommes pas allés assez vite ni assez loin, mais c'est aussi, nous le savons, parce que le lobby pétrolier a pesé sur la recherche.
Ainsi, depuis très longtemps nous savons à peu près quand vont s'épuiser les réserves de pétrole et de gaz dans le monde ; pourtant, les progrès sont lents dans ce domaine, car des intérêts privés pèsent sur la recherche, et cela ne cessera sans doute pas, malheureusement.
Nous en sommes donc encore aux balbutiements, notamment, des moteurs propres et des bioénergies, que le Gouvernement ne soutient pas autant qu'il le devrait, en particulier grâce à la fiscalité incitative.
Pour autant, les biocarburants ne feront pas de miracle ! Ils ont leurs limites, ils ne pourront pas représenter plus d'un certain pourcentage de la consommation énergétique nationale, et il faudra le faire savoir aux Françaises et aux Français. Il est temps de dire la vérité à nos concitoyens et de cesser de les faire rêver avec les biocarburants, même si ceux-ci doivent être développés au maximum.
La sécurité nucléaire est essentielle. À aucun moment il ne faudra la confier au secteur privé ou aux actionnaires.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous soutiendrons ces deux amendements identiques.
Monsieur le ministre, vos arguties sur les positions défendues dans le passé par les uns ou par les autres sont lassantes, d'autant que vous vous êtes adressé nommément à Mme Beaufils, qui n'est tout de même pas la représentante attitrée du gouvernement de la gauche plurielle !
Au lieu de tenir à chaque fois ce genre de discours, expliquez-nous plutôt comment vous-même, ou en tout cas la majorité et, à peu de choses près, le même gouvernement, pouvez affirmer que ce que vous souteniez en 2004 et en 2005 n'est plus valable aujourd'hui !
J'aimerais que nos collègues de la majorité qui, il n'y a pas si longtemps, applaudissaient aux discours favorables au service public et à la maîtrise de l'énergie nucléaire par l'État m'expliquent pourquoi ils se taisent aujourd'hui. Par quel miracle proprement incompréhensible - et ils n'en donnent d'ailleurs aucune justification - considèrent-ils désormais que le rôle de la puissance publique dans ce domaine est secondaire et que, au fond, nous pouvons faire confiance au secteur privé pour assurer, entre autres, la sécurité nucléaire et environnementale, les investissements à long terme et les approvisionnements ?
Mes chers collègues, il serait tout de même intéressant que vous nous disiez comment vous percevez désormais ces enjeux.
En effet, j'en suis désolée, depuis le commencement de nos débats, vous ne vous êtes pas expliqués sur votre projet, en dépit des incertitudes qui l'entourent et que nous avons soulignées ce matin !
Vous défendiez ce projet de loi au nom du patriotisme économique. Il était censé donner à la France des bases industrielles solides, à l'échelle mondiale. Et patatras ! Nous nous apercevons qu'il n'en est rien, du moins si nous nous fions aux informations parues dans la presse.
Vous jouez donc désormais sur un autre registre, en nous expliquant que tous les propos que vous avez tenus sur la sécurité n'ont plus d'importance.
Monsieur le ministre, s'il est vrai qu'il faut prendre à bras-le-corps la politique énergétique - et, en effet, les incertitudes grandissent dans ce secteur, à l'échelle mondiale -, nous devons faire preuve d'une véritable volonté politique. Et s'il faut vraiment indemniser les actionnaires, faisons-le !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ferai deux remarques.
Tout d'abord, il est grave de vouloir confier la sécurité nucléaire au secteur privé, car cela peut poser d'importants problèmes en France, mais surtout faciliter la prolifération nucléaire à travers le monde, et nous n'avons pas fini d'en mesurer les conséquences. Mes chers collègues, nous prenons aujourd'hui une lourde responsabilité !
Ensuite, monsieur le rapporteur, vous l'avez souligné, les Français aiment bien leur électricien national, comme ils aimaient bien leur postier national, comme ils aiment bien leur gazier national !
Mais alors, pourquoi voulez-vous leur faire de la peine ? (Sourires.) Pourquoi voulez-vous qu'ils n'aient plus de gazier national ? Pourquoi avez-vous supprimé leur postier national ? Pourquoi supprimez-vous leur électricien national, alors que ce service fonctionnait bien et que les Français en étaient contents ? Pour qui, pour quels intérêts économiques ? Pourquoi vouloir faire cette peine aux citoyens français ?
Vous auriez pu ajouter quelques étoiles européennes sur les camionnettes bleues ou jaunes, puisqu'il est désormais nécessaire de s'organiser à l'échelle européenne. Mais pourquoi priver les Français d'un service public national qui marchait bien et donnait satisfaction ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur, vous avez raison sur un point : le rachat des actions de GDF aux cinq millions de porteurs actuels aurait un coût, qui est élevé dans l'absolu, et qui l'est aussi relativement d'ailleurs - tout le problème est là -, compte tenu de l'état où vous laisserez les finances publiques après cinq ans d'exercice du pouvoir !
Comme nous l'avons souligné hier lors des explications de vote relatives à la motion tendant à soumettre ce projet de loi au référendum, vous auriez été plus prudents de proposer la question qui nous occupe aujourd'hui au vote des Français.
En effet, vous laissez à notre candidat ou à notre candidate à l'élection présidentielle - une fois que nous, les socialistes, nous l'aurons choisi, ce qui ne saurait tarder - la possibilité de demander aux Français de l'élire sur certaines priorités. Mais tel n'est pas notre débat d'aujourd'hui.
Monsieur le rapporteur, les propos que vous m'avez adressés montrent que, une fois encore, vous regardez dans le rétroviseur. Pour ma part, par tempérament, je préfère regarder devant moi plutôt que derrière. Toutefois, vous m'avez donné envie de relire le rapport que j'avais commis, en 1999, à la demande du Premier ministre de l'époque.
Or, si vous lisez ce rapport attentivement, vous n'y trouverez pas les propos que vous m'avez prêtés. La pratique, certes fréquente en politique, qui consiste à sortir une phrase de son contexte ou à pratiquer l'amalgame est tout de même désagréable !
D'ailleurs, monsieur le rapporteur, je vous donne acte d'avoir rappelé que mon rapport ne portait absolument pas sur EDF, mais sur Gaz de France. Si vous le lisez attentivement, vous verrez que j'ai toujours défendu l'idée que ces deux entreprises, sauf en ce qui concerne la distribution, exerçaient deux métiers différents. (M. Ladislas Poniatowski acquiesce.)
À la page 29 du rapport - vous la lirez entièrement -, j'écris que, si un rapprochement peut-être envisagé pour GDF, c'est avec un groupe pétrolier - à l'époque, cela avait tout son sens - ou alors avec EDF, notre électricien national, et un gazier européen, ce qui n'est pas tout à fait ce que l'on me fait dire depuis deux jours dans notre hémicycle !
Encore une fois, monsieur le rapporteur, je vous réserve les bonnes feuilles de ce rapport pour les égrener, s'il en est besoin, tout au long de notre débat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut cesser d'utiliser cet argument, monsieur le rapporteur !
Mme Nicole Bricq. Nous devons encore passer ensemble une petite quinzaine de jours à examiner ce projet de loi. Si vous voulez évoquer à nouveau cette question, vous me trouverez à chaque fois !
Je n'ai donc aucun état d'âme à défendre ces deux amendements identiques.
Du reste, monsieur le rapporteur, quand je ne suis pas d'accord avec un amendement, vous ne trouvez pas mon nom dans la liste des signataires ! (M. Daniel Raoul applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 et 590.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Bel. Ce rappel au règlement s'explique par les déclarations du président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier, dont je viens de prendre connaissance dans Le Monde.
M. Josselin de Rohan. Vous vous répétez !
M. Jean-Pierre Bel. Je tiens à revenir sur cette question !
M. Patrick Ollier, évoquant l'opération préparée par François Pinault, affirme ceci : « si cette opération devait connaître un début de commencement, cela mettrait à mal tout le travail engagé depuis des mois ».
Il déclare également ceci : « mon devoir, à présent, est de m'assurer du respect de la parole donnée. Le ministre de l'économie, Thierry Breton, s'était engagé à revenir début décembre devant la commission pour faire le point sur le projet de fusion entre GDF et Suez dès que le périmètre en aurait été établi. Ce sera à lui de s'expliquer sur les événements nouveaux qui auront pu intervenir. Celui-ci en est un. Nous avions prévu une fusion dans un certain contexte. Si le contexte change, » - et c'est le cas ! - « il faudra évidemment revoir ce que nous avions prévu ».
Monsieur le président, ce qui est bon pour l'Assemblée nationale doit l'être également pour la Haute Assemblée !
Au moment où nous abordons l'examen de ce projet de loi, où nous sommes appelés à nous prononcer sur ce texte important, qui conditionne largement notre avenir dans le domaine énergétique, il est pour le moins normal que les exigences formulées par M. Ollier à l'Assemblée nationale soient également celles du Sénat !
Je demande donc une suspension de séance, le temps de permettre à M. Thierry Breton de venir s'expliquer devant nous sur les informations dont nous avons pris connaissance ce matin, et en particulier sur les réponses qu'il a apportées aux questions de M. Ollier, président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Bel.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Bel, je suis déjà intervenu sur la situation apparemment nouvelle qui a été évoquée ce matin dans un article des Échos.
Les informations que vous venez de communiquer valent pour l'ensemble de notre débat. Thierry Breton s'est engagé à s'exprimer devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur les événements nouveaux qui pourraient survenir dans ce dossier, après le vote de la loi.
De la même façon, lorsqu'il a présenté le projet de loi devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'est engagé à présenter à la commission des affaires économiques du Sénat toutes les hypothèses de rapprochement qui se présenteraient entre Gaz de France et un autre opérateur, en faisant le point sur ce qui sera alors l'état des discussions entre les entreprises concernées.
Les informations que nous évoquons ont été démenties ce matin dans un communiqué publié à onze heures par Enel, qui affirme ne pas être intéressé par cette opération.
Mme Nicole Bricq. Mais M. Pinault n'est pas du même avis !
M. François Loos, ministre délégué. Voilà quinze jours, un financier du nom de Knight a déjà fait des déclarations annonçant telle ou telle opération. Je crois par conséquent que nous devons rester sereins.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et donc attendre avant d'adopter ce texte !
M. François Loos, ministre délégué. Le projet de loi que nous présentons porte sur Gaz de France et sur les occasions qui lui sont offertes.
Lorsque ce texte sera voté, c'est-à-dire lorsque la fusion avec Suez sera réellement possible, le Gouvernement viendra présenter aux commissions des deux assemblées le détail des discussions en cours. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Pastor. Mieux vaut avant qu'après !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, votre réponse n'est pas acceptable. Nous discutons d'un projet de loi qui est motivé par votre volonté de fusionner GDF avec Suez. Vis-à-vis de votre majorité et des Français, vous prétendez sauvegarder nos intérêts économiques et financiers, au nom du patriotisme économique.
Mais, il s'avère, selon différentes informations, que la situation est bien plus incertaine que vous ne le dites. À l'heure actuelle, en effet, tout est parfaitement incertain, comme le sont d'ailleurs en général les tractations financières entre groupes capitalistes. Vous le reconnaissez d'ailleurs, en disant : on verra ! J'en tire donc une conclusion précise : le projet de loi n'a comme seul objectif que la privatisation de GDF. Or, vous l'avez bien compris, nous ne voulons pas de cette privatisation !
Le texte tel qu'il est présenté ne correspond pas du tout aux objectifs réels de ce projet. Nous sommes donc fondés à vous demander de suspendre le débat. Nous l'avons officiellement demandé au Premier ministre, et la commission des affaires économiques serait bien inspirée de faire de même...
M. Michel Billout. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...en attendant que la situation s'éclaircisse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vais commencer par rappeler ce que j'ai déjà dit ce matin : le Parlement ne doit pas réagir à des rumeurs ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Nous devons continuer nos travaux : le projet de loi, s'il aborde dans son article 10 le sujet que vous avez évoqué, traite aussi de beaucoup d'autres points !
M. Josselin de Rohan. Bien sûr !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les titres Ier, II et IV n'ont à voir ni avec l'agitation à laquelle nous assistons, ni avec ce que nous avons lu dans la presse ce matin, ni avec les réactions des uns et des autres.
Moi aussi, je lis les communiqués qui pleuvent de tous côtés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement, il faut nous éclairer !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Suez dément que le pôle environnement est à vendre, Enel dit qu'il n'est plus intéressé... Arrêtez donc de réagir à la moindre information ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et M. Ollier ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'ai aussi lu la dépêche de l'AFP rendant compte de la réaction du président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
Nous avons des décisions importantes à prendre concernant l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz, et des directives à transposer. En tant que rapporteur - là, je suis dans mon rôle et à ma place -, je vous demande de ne pas retarder ces débats-là !
Monsieur le ministre, il est vrai que je ne suis pas hostile à ce que la commission des affaires économiques puisse vous auditionner avec le ministre de l'économie et des finances avant le débat sur l'article 10, c'est-à-dire entre le vendredi 20 octobre et le lundi 23 octobre. D'ici là, nous pourrons calmement récolter des informations importantes afin de ne pas réagir à des rumeurs ou à des agitations. Si vous-même et M. Breton n'y êtes pas hostiles, cette audition pourrait se tenir avant l'échéance initialement prévue, c'est-à-dire avant la fin du débat.
Mes chers collègues, j'aimerais en tout cas que nous ne prenions pas de retard sur le volet des travaux que nous abordons en ce moment. Chaque chose en son temps...
S'agissant de la demande de suspension, il ne m'appartient pas d'y répondre. J'aimerais néanmoins que de telles demandes ne nous fassent pas prendre trop de retard sur le volet du texte pour lequel nous disposons de tous les éléments nous permettant de débattre. Ce serait en effet une erreur.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Je tiens à remercier M. le rapporteur d'avoir fait cette mise au point très claire qui indique la façon dont, selon nous, ce débat doit être poursuivi.
Mme Borvo Cohen-Seat a affirmé tout à l'heure que, avec ce texte, le Gouvernement ne cherchait qu'à faire la fusion GDF-Suez. Non ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.) Les motivations du Gouvernement sont de transposer les directives...
M. Josselin de Rohan. Oui !
M. François Loos, ministre délégué. ... et de donner à GDF une capacité accrue pour s'occuper de la sécurité d'approvisionnement de notre pays. Pour y arriver, GDF doit, à notre avis, pouvoir grandir.
Je vais revenir sur une information parue avant-hier, à laquelle personne n'a fait attention, mais qui montre à quel point le monde énergétique bouge énormément.
Alors qu'une très grande entreprise française figurait parmi les candidats à l'exploitation du gigantesque gisement russe Shtokman, les Russes - Gazprom - ont finalement décidé qu'ils le développeraient seuls.
Avec cet exemple, on constate que les questions d'approvisionnement sont effectivement beaucoup plus difficiles à résoudre que vous ne l'imaginez ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Or, vous faites semblant de croire que de la possession des tuyaux français va dépendre la capacité à investir dans les pays qui disposent des gisements !
Notre motivation, avec ce projet de loi, est la garantie à long terme de notre approvisionnement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des contrats publics à long terme !
M. François Loos, ministre délégué. J'ai parlé tout à l'heure des raisons pour lesquelles vous pouviez être sûrs que ce texte est sous-tendu par cet objectif. La solution que nous soutenons aujourd'hui est le rapprochement avec Suez, car les deux entreprises paraissent complémentaires.
Mais ce texte a surtout pour objet de donner à GDF, d'une part, l'opportunité d'ouvrir son capital pour grandir sans être obligé de s'endetter, et, d'autre part, les moyens d'investir massivement dans les gisements qui garantiront la sécurité d'approvisionnement à long terme dont nous avons besoin.
Mme Bariza Khiari. Sauf que votre argument repose sur la fusion !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur a raison sur un point : la politique ne se fait pas à la corbeille. Dans une bataille boursière, nous savons tous qu'il y a des rumeurs, des contre-rumeurs, des bruits... Cela ressemble parfois à une partie de poker !
Mais la demande de suspension formulée par le président du groupe socialiste n'a aucun rapport avec cela ! Elle vise le fond du sujet.
Vous nous avez proposé, monsieur le rapporteur, que les ministres soient auditionnés par la commission des affaires économiques. Je suppose que cette audition pourrait être élargie aux autres commissions, et donc à la commission des finances saisie pour avis sur ce projet de loi.
Je vous rappelle cependant que, lorsque nous avons défendu la motion de renvoi à la commission, vous avez rejeté cette dernière sous prétexte que tout était bouclé. Or ce n'est visiblement pas le cas !
Je prendrai un autre argument relatif à Gaz de France, qui est encore notre entreprise publique nationale. Un comité central d'entreprise, convoqué justement aujourd'hui pour évoquer les contreparties demandées par la Commission européenne au projet de fusion, a été annulé. Et, en ce moment même, se tient un conseil d'administration extraordinaire de GDF.
Notre demande de suspension n'a donc rien à voir avec la bataille boursière qui semble couver sous la cendre, dont quelques flammes rejaillissent dans notre hémicycle. Il faut donc nous accorder cette suspension afin que le ministre de l'économie et des finances, qui a forcément des informations privilégiées, vienne s'expliquer dans cet hémicycle.
M. le président. Je rappelle que les suspensions de séance sont non pas de droit, mais à l'appréciation du président de séance.
M. le rapporteur a reconnu que les informations parues dans la presse pouvaient mériter des éclaircissements, et il a fait une proposition. Il a aussi fait remarquer que le projet de loi contenait bien d'autres dispositions que l'article 10.
Dans ces conditions, je serais fondé à demander que la séance se poursuive. Néanmoins, dans un souci d'apaisement et afin de permettre un échange de vues entre le rapporteur et ceux qui souhaitaient une suspension,...
Mme Bariza Khiari et M. Jean-Marc Pastor. Le rapporteur n'est pas ministre de l'économie !
M. le président. ... je vais suspendre la séance pour dix minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)
M. le président. Nous reprenons la discussion des articles.
L'amendement n° 83, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Électricité de France est un instrument fondamental de la vie du pays.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Cet amendement reprend une déclaration de Marcel Paul, ministre de la production industrielle à la Libération et père fondateur d'EDF, devant une assemblée d'électriciens de la nouvelle entreprise publique EDF, à la Bourse du travail de Paris, en 1950. Il disait alors ceci : « Je vous demande à vous, collègues et camarades, de ne jamais oublier qu'avec EDF, vous avez en charge un instrument fondamental de la vie du pays. »
En effet, l'énergie n'est pas un bien comme les autres. C'est un bien de première nécessité, qui est donc vital pour tout un chacun.
Cet instrument devait permettre d'oeuvrer à la réduction des inégalités sociales, de promouvoir l'emploi et, in fine, de garantir la cohésion de notre société.
C'est pour cette raison que, après le désastre économique des années trente et la tragédie de la Seconde Guerre mondiale, des secteurs économiques clés ont été considérés comme devant faire l'objet d'une organisation particulière, être soustraits de la pure régulation par le marché et être ainsi dégagés des contraintes et des exigences de la rentabilité à court terme.
Il s'agissait de se réapproprier ce bien particulier, ce bien public, pour répondre aux besoins fondamentaux des populations. Cela participait d'une réflexion plus globale, qui visait à répondre à la crise des années trente.
Il s'agissait aussi de prendre en compte le fait que cette entreprise constituait un outil industriel, essentiel pour préserver notre indépendance énergétique, assurer notre développement économique et développer l'emploi.
Ces éléments sont toujours d'actualité et concernent tant EDF que GDF.
L'entreprise EDF contribue en effet à la compétitivité de nos industries grâce au faible coût de son électricité et, plus globalement, parce qu'elle fournit à l'ensemble des acteurs - collectivités locales, administrations, hôpitaux - et des ménages une énergie de qualité à un prix abordable.
Qu'en sera-t-il demain, alors que ce projet de loi programme en filigrane l'extinction des tarifs régulés ?
Cette analyse vaut également, bien sûr, pour GDF.
La hausse des coûts de l'énergie est un facteur réel de délocalisation des « électro-intensifs ». Or, avec ce projet de loi, vous prenez la responsabilité d'un alignement des tarifs régulés sur les prix. Avec le niveau atteint aujourd'hui par ces derniers, c'est l'ensemble de notre économie qui risque d'être, elle aussi, mise à mal.
Les prix de l'électricité et du gaz sont des éléments qui contribuent au dynamisme économique et à la cohésion de notre société. La maîtrise de la politique tarifaire est donc fondamentale.
L'investisseur privé privilégie toujours ce qui est susceptible de lui procurer une rentabilité immédiate.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Çà, c'est sûr !
M. Jean-Marc Pastor. C'est vrai dans tous les domaines. L'exemple de l'éolien, que vous avez cité tout à l'heure, monsieur le ministre, n'est pas neutre. L'énergie éolienne est certes souvent produite par des opérateurs privés, mais grâce à EDF et à des opérateurs publics, qui achètent leur énergie à un prix plus élevé que le prix moyen de production électrique. Seul un opérateur public peut se permettre d'investir à long terme, d'assurer la promotion d'une énergie renouvelable, ainsi que la diversification des énergies. Qu'adviendrait-il demain si les tarifs régulés disparaissaient ?
Cet amendement vise à souligner la nécessité de préserver l'environnement d'EDF et de GDF en qualité d'entreprises nationales publiques. Dans une entreprise privée, la compétition est permanente entre l'intérêt public et l'intérêt des actionnaires. Souvent, c'est l'intérêt des actionnaires qui l'emporte, essentiellement parce qu'il se mesure tous les jours à la Bourse, alors que l'intérêt public se mesure, lui, sur le long terme.
Les énergies renouvelables s'inscrivent dans cette logique du long terme. Qu'en sera-t-il demain ? Que le Gouvernement soit de gauche ou de droite - peu importe ! -, il doit avoir les moyens d'exercer ses choix politiques et de ne pas abandonner ces derniers aux actionnaires. L'acteur public peut lui permettre cette indépendance sur le long terme
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, je suis tout à fait d'accord avec vous : il est évident qu'EDF est un instrument fondamental de la vie du pays !
M. Jean-Marc Pastor. Nous sommes d'accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Personne ne dira le contraire, que ce soit dans cet hémicycle ou aux quatre coins de France ! Mais de là à inscrire cette phrase au contenu normatif dans le projet de loi ...
Excusez-moi de me répéter - certains arguments eux-mêmes reviennent régulièrement -, mais l'entreprise EDF n'est ni concernée ni menacée par ce texte. Seuls sont concernés les tarifs et la fourniture d'électricité. Et là, allons-y ! Débattons-en ! Mais pour cela, il nous faut parvenir à l'examen de l'article 1er.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 9 :
Nombre de votants | 296 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 148 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 168 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 84, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La préservation des contrats à long terme est essentielle à la garantie de la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel de la France.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement est d'une grande importance. L'existence des contrats à long terme est en effet essentielle à la garantie de la sécurité d'approvisionnement du gaz naturel en France.
Ce projet de loi nous inquiète, car il porte en lui la remise en cause des contrats à long terme. Il ressort de la lettre de griefs de la Commission européenne que l'existence de ces contrats pose un problème en termes de concurrence, dans la mesure où ils gênent l'entrée de nouveaux opérateurs.
Chacun sait bien que la diplomatie est essentielle dans ces contrats, au même titre que les acteurs économiques ou financiers, et l'entreprise privatisée perdra la possibilité d'accéder à des contrats à long terme parce qu'elle aura perdu une partie de l'appui de l'État.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Reiner. Ces contrats à long terme sont suffisamment rares dans l'économie capitalistique pour que l'on puisse les considérer comme raisonnables, équilibrés à la fois pour les pays consommateurs et pour les pays producteurs. Ils offrent une visibilité aux producteurs et une maîtrise raisonnée des tarifs aux consommateurs, correspondant grosso modo au prix vrai, calculé à partir des coûts de production, d'acheminement, de distribution, majorés de la marge - raisonnable - gazière ou électrique.
Si nous perdons notre capacité de négocier des contrats à long terme, il nous restera les prix de marché. Nous avons une bonne expérience de ces derniers avec le pétrole, et nous pouvons craindre que le gaz ne suive en quelque sorte le même cheminement historique...
Autrefois, les prix du pétrole étaient calculés sur les coûts de production, d'acheminement et de distribution. Puis, à la suite de la concentration des entreprises, les prix ont été dictés par les marchés financiers, nourrissant une rente pétrolière. Nous en voyons aujourd'hui le résultat, puisque quelques majors pétroliers se partagent la majeure partie de cette manne financière.
À l'origine, le prix du gaz était calé sur celui du pétrole ; il était même légèrement inférieur, afin que le gaz soit un concurrent raisonnable et que les consommateurs puissent choisir.
Ensuite, Mme Thatcher, avec ses théories libérales, a épuisé très rapidement son gaz, mais elle a créé un nouveau marché du gaz, le marché spot. Ce dernier n'a rien à voir avec le marché réel du gaz, c'est un simple marché d'ajustement dont les prix sont complètement disproportionnés par rapport au coût réel de production.
Finalement, quelqu'un paiera la perte de ces contrats, et ce sera naturellement le consommateur ! Voilà pourquoi nous voulions, par cet amendement, attirer l'attention sur l'existence et la préservation des contrats à long terme.
M. le président. L'amendement n° 591, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La préservation des contrats à long terme est essentielle à la réduction de la consommation d'énergie et à la garantie de la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel de la France.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 84 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cher Daniel Reiner, vous énoncez que la préservation des contrats à long terme est essentielle à la garantie de la sécurité d'approvisionnement, et c'est une évidence à laquelle je souscris pleinement ; nos opérateurs s'attachent d'ailleurs à le défendre. Mais, sincèrement, cela ne relève pas du domaine législatif.
Aujourd'hui, près de 85 % des approvisionnements gaziers de GDF sont assurés par des contrats à long terme, et il n'est nullement question de les modifier. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Pastor. Ce serait suicidaire !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !
Même si, demain, le capital de l'État dans une nouvelle entité regroupant Gaz de France et Suez n'était plus que de 34 %, je ne vois pas quel intérêt aurait cette entité à risquer de ne plus profiter de contrats à long terme : c'est de la bonne gestion.
Vous avez à l'esprit l'indépendance énergétique française, et vous avez raison ; mais l'argument vaut aussi pour l'intérêt de l'entreprise. Ce n'est pas une évolution dans le capital de l'entreprise qui changera ce point.
J'ajoute que la position de Bruxelles a évolué sur les contrats à long terme. Il fut un temps où la Commission européenne envisageait de les remettre en question. Toutefois, grâce à l'action menée, en particulier par le gouvernement français, au niveau communautaire, cette remise en cause semble définitivement abandonnée - M. le ministre délégué sera certainement à même d'éclaircir ce point.
M. Yves Coquelle. Ce n'est pas dans la lettre de griefs !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Quoi qu'il en soit, c'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je confirme ce que vient de dire M. le rapporteur concernant la position de la Commission sur ces questions. La nécessité des contrats à long terme est aujourd'hui bien comprise.
Je voudrais simplement ajouter qu'il est inscrit dans le contrat de service public de Gaz de France que 85 % de son approvisionnement doit provenir de contrats à long terme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne savons pas si cette disposition continuera à s'appliquer !
M. François Loos, ministre délégué. Cet amendement est donc satisfait. Inscrire une telle pétition de principe dans la loi ne nous paraît pas nécessaire, mais nous avons bien évidemment à coeur de la voir respectée.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Je ne comprends pas très bien : on nous dit à la fois que 85 % de l'approvisionnement proviendra de contrats à long terme...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En vertu de quoi ?
M. Yves Coquelle. ... et que Bruxelles nous fera connaître ses conditions une fois le projet de loi voté !
Or, dans la lettre de griefs - si j'ai bonne mémoire, car nous avons eu à peine le temps de la lire -, il est bien question de remettre en cause les contrats à long terme et de négocier le marché du gaz à la corbeille !
C'est une question fondamentale qui mérite des explications, monsieur le rapporteur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ahurissant !
M. Gérard Le Cam. C'est contraire à la concurrence ! (Sourires.)
M. Yves Coquelle. C'est précisément parce que Gaz de France a des contrats à long terme que les prix demeurent « raisonnables ». Si ceux-ci devaient disparaître, nous serions dans un marché libre et confrontés à l'envolée des prix. Quelles garanties avons-nous sur ce point ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Expliquez-nous pourquoi les contrats à long terme sont garantis !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. J'avais cru, moi aussi, lire dans la lettre de griefs de la Commission que les contrats à long terme posaient un problème : la lettre de griefs a-t-elle été rectifiée ? Y a-t-il une autre lettre de griefs ? Personne n'en parle ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Au-delà de la lettre de griefs, je voudrais en revenir à une question plus fondamentale.
Si Gaz de France a pu obtenir des contrats à long terme, c'est parce qu'ils résultaient, pour une part, de négociations d'État à État...
M. Michel Sergent. Évidemment !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr ! Ils le savent bien !
Mme Marie-France Beaufils. Il ne faut tout de même pas nous leurrer sur les conditions dans lesquelles nous avons remporté ces contrats, à l'issue de négociations menées depuis de nombreuses années.
La possibilité de peser dans les négociations pour obtenir des contrats à long terme concernant le gaz russe ou algérien ne se posera plus dans les mêmes termes, nous le savons bien, pour une entreprise privatisée.
Le maintien de Gaz de France dans le secteur public afin que l'entreprise conserve la possibilité de conclure des contrats à long terme est une question essentielle. Cet amendement s'accorde donc parfaitement avec notre demande de suppression de l'article 10.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Je trouve que M. le rapporteur fait preuve de beaucoup d'optimiste. Voici très exactement ce que contient la lettre de griefs, dont des extraits ont été publiés dans la presse : certes, GDF et Suez ne sont pas les seuls opérateurs gaziers ayant conclu des contrats d'achat de gaz à long terme. En revanche, les autres opérateurs qui ambitionnent d'entrer sur les marchés du gaz ont plus difficilement accès à ces contrats. Ainsi, dans un tel contexte, selon la Commission, la détention de contrats à long terme confère un réel avantage à la nouvelle entité par rapport aux opérateurs qui viennent d'entrer ou qui viendraient à entrer, ce qui nuit à la concurrence.
Les termes sont à peine sibyllins. On peut même dire qu'ils sont clairs comme de l'eau de roche : il y a là la volonté de remettre en cause les contrats à long terme.
Je souhaite que le gouvernement français intervienne fermement à Bruxelles afin que les contrats à long terme soient maintenus. Pour autant, cela ne supprimera pas l'argument selon lequel la privatisation fera perdre la caution de l'État dans la négociation desdits contrats.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça va être dur !
M. François Loos, ministre délégué. Vous mettez le doigt sur une préoccupation fondamentale pour la sécurité de nos approvisionnements.
Quand de grandes entreprises françaises veulent acheter du gaz sans passer par Gaz de France, elles lancent un appel d'offres. Mais elles ne cherchent pas à s'approvisionner pour une semaine : elles veulent pouvoir se fournir pour une période plus longue.
Ayant conclu des contrats à long terme, Gaz de France peut répondre à ce type de demande. C'est la nature même de l'activité gazière de fonctionner sur le long terme.
En outre, les contrats à long terme sont tout simplement nécessaires, car la distribution ou l'entretien des réseaux nécessitent des investissements.
M. Yves Coquelle. Oui !
M. François Loos, ministre délégué. Dans la lettre de griefs que plusieurs d'entre vous ont citée, la Commission considère que la détention de contrats à long terme confère un avantage. C'est vrai !
Si une entreprise souhaite vendre du gaz en 2007, soit elle n'est capable d'en fournir que pendant cette année, soit elle peut non seulement approvisionner son client en 2007, mais également jusqu'en 2015 s'il le désire. Il est évident que l'entreprise qui est dans le premier cas ne présente pas le même avantage aux yeux d'un client que celle qui a la capacité de l'approvisionner sur le long terme.
M. Yves Coquelle. Oui !
M. François Loos, ministre délégué. La Commission constate qu'il est difficile à un opérateur de se substituer sur le marché à Gaz de France ou à Suez s'il ne possède pas des contrats de la même qualité. Je dirais qu'en l'occurrence c'est le problème du concurrent et non celui de Gaz de France ou de Suez.
Dans le contrat de service public que j'ai signé l'année dernière au mois de juin, l'État demande à Gaz de France que les approvisionnements des consommateurs particuliers en France soient assurés à 85 % par des contrats à long terme, ce qui permet en quelque sorte de « couvrir les risques ». Cet engagement à long terme intéresse également les fournisseurs, qui peuvent ainsi envisager les investissements nécessaires en matière de canalisation ou de gisement.
Voilà pourquoi un contrat à long terme est meilleur qu'un contrat à court terme. Mais tout cela ne se négocie pas d'État à État, ...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne nous prenez pas pour des débiles : on sait comment ça se passe !
M. François Loos, ministre délégué. La meilleure preuve en est que Suez, Ruhrgas ou tous les opérateurs qui ont un pied dans la place cherchent à conclure des contrats à long terme et réussissent à les obtenir.
Voilà le point que je voulais faire sur le sujet. J'espère vous avoir rassurés, mesdames, messieurs les sénateurs, quant au souci qu'a le Gouvernement de voir nos opérateurs respecter cette obligation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Pastor. On voit la motivation de nos collègues de droite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Appelez votre majorité, monsieur le ministre !
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 10 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 de notre règlement relatif à l'organisation de nos travaux.
M. le président. Cet article est commode !
Mme Marie-France Beaufils. Il est important !
M. Michel Billout. Des informations de première importance, dont une dépêche de l'AFP, viennent de nous parvenir portant sur les exigences posées par la Commission européenne quant à la faisabilité de la fusion entre Gaz de France et Suez.
M. Cirelli, dont nous demandons la convocation immédiate devant la commission des affaires économiques, vient de proposer au conseil d'administration extraordinaire de l'entreprise publique, qui s'est réuni à partir de seize heures, de céder aux injonctions de Mme Neelie Kroes telles qu'elle les a formulées ces derniers jours.
En effet, après que Suez a annoncé la cession de ses capacités de production nucléaire en Belgique, capacités que la SPE des communes belges et EDF sont d'ailleurs prêts à acquérir, Gaz de France se préparerait à renoncer à l'équivalent de 35 % de ses contrats à long terme en matière d'approvisionnement en gaz, au lieu des 20 % dont il fut question à l'origine. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vraiment, vous êtes formidable, monsieur le ministre !
M. Michel Billout. Résultat des courses : entre les cessions d'actifs de Suez et celles de Gaz de France - et nous sommes loin des 5 % de cessions d'actifs dont M. le ministre nous faisait état hier - nous serions demain en présence d'un groupe qui ne serait pas plus important que celui aujourd'hui représenté par l'actuel périmètre de consolidation de Gaz de France. Dès lors, où se trouve, encore une fois, la justification de la fusion entre les deux entités Suez et Gaz de France ? Quelle utilité y a-t-il à débattre d'un tel projet de loi, en particulier de l'article 10 ?
Il nous faut donc suspendre nos travaux sans tarder et convoquer devant les commissions compétentes des deux assemblées tant Jean-François Cirelli que Gérard Mestrallet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est grave !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
Mme Marie-France Beaufils. C'est bien dommage !
M. François Loos, ministre délégué. Cette information semble provenir d'un conseil d'administration dont la réunion, si j'ai bien compris, n'est même pas encore terminée.
Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, en accord avec le rapporteur et le président de la commission des affaires économiques, le Gouvernement propose de venir s'expliquer sur cette question devant votre commission avant l'examen de l'article 10, qui est l'article clé en la matière, afin que vous disposiez de toute l'information nécessaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur le président, je réitère ma demande de poursuivre nos travaux, non pas dans l'urgence, mais sans faiblir. Le projet de loi ne se résume pas à l'article 10 : il y a également d'autres dispositions. Au demeurant, nous n'avons même pas abordé le premier article du titre Ier.
M. Yves Coquelle. Si j'ai bien compris, à l'article 10, vous arrêtez les travaux !
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 85 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 592 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Pour répondre aux exigences en matière de développement durable et préserver l'environnement Gaz de France et Électricité de France doivent demeurer des entreprises publiques nationales.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 85.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement vise à faire respecter des engagements inscrits dans la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
Ce texte précise en effet que, pour répondre aux exigences en matière de développement durable et préserver l'environnement, Gaz de France et Électricité de France doivent demeurer des entreprises publiques nationales. Il rend compte de la nécessité d'inscrire le développement du secteur énergétique dans la problématique du développement durable et de la nécessité de respecter le protocole de Kyoto en matière d'émissions de gaz à effet de serre.
Nous savons tous que les entreprises publiques réagissent à des critères différents de ceux du secteur privé, et ce d'autant plus dans un contexte de domination des actionnaires exigeant des dividendes élevés. Dans la discussion générale, j'ai imaginé que les actionnaires pourraient avoir un retour sur investissement de 12 % à 15 %.
Monsieur le ministre, la nouvelle que vous avez qualifiée ce matin de « ragots » (M. le ministre délégué proteste.), mais qui en fait se fonde sur des pratiques courantes en affaires, montre bien que la privatisation de GDF ouvre la voie à tous les montages.
M. Gérard Le Cam. Absolument !
Mme Bariza Khiari. Compte tenu des détails qui nous ont été donnés par le biais de ces ragots sur des faits réels ou supposés, on peut penser que cette alternative a été sérieusement étudiée et que, finalement, l'opération serait financée non pas par des capitaux propres, ce qui pourrait être rassurant, mais sur la base d'un système dit de LBO classique, leverage buy out, expression qui désigne le rachat d'une entreprise avec effet de levier, c'est-à-dire avec emprunts bancaires et endettement massif.
Cela revient à dire que le remboursement de cet endettement massif se fera sur le compte d'exploitation de l'entreprise, donc sur les marges, qui, dans ce cas-là, seront doublées ; le retour sur investissement n'est plus de 12 % à 15 %, il est de 20 % à 30 %.
Donc, les inquiétudes que nous exprimions hier dans la discussion générale sont de plus en plus fondées.
Les entreprises publiques, elles, ont un horizon lointain, dégagé des contraintes de rentabilité à court terme. Ce sont des défricheurs, elles peuvent consacrer d'importants investissements à la recherche en vue de l'élaboration de nouvelles technologies moins polluantes.
Nous souhaitons donc, mes chers collègues, profiter de cette occasion pour mentionner la nécessaire protection de l'environnement, si chère au Président de la République, et que nous avons intégrée dans notre Constitution.
M. le président. L'amendement n° 592 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 85 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les amendements identiques nos 85 et 592, ainsi d'ailleurs que les amendements nos 86 et 593 qui suivent, sont les petits frères de l'amendement n° 81 puisque, dans cet amendement, il était demandé qu'EDF et GDF restent des entreprises publiques.
Aux termes de l'amendement nos 85, EDF et GDF doivent rester des entreprises publiques pour protéger l'environnement, l'étape suivante étant qu'elles doivent rester publiques pour préserver la santé humaine.
Par conséquent, afin de ne pas prolonger inutilement ce débat, j'indique tout de suite que la commission est défavorable à l'amendement n° 85 et je vous renvoie, mes chers collègues, aux arguments que j'ai déjà développés à propos de l'amendement n° 81.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Sergent, pour explication de vote.
M. Michel Sergent. Nous ne faisons que parler de l'environnement, des problèmes climatiques, et il est vrai que la maîtrise de l'énergie est aujourd'hui un élément essentiel.
Nous le savons, nous qui, au sein de nos collectivités, de nos syndicats, qu'ils soient départementaux ou locaux, mettons en oeuvre des programmes de maîtrise de l'énergie tant avec GDF qu'avec EDF. Ainsi que Mme Khiari le disait à l'instant, ces entreprises publiques peuvent nous accompagner sur le long terme puisqu'elles sont dégagées des contraintes de rentabilité immédiate. Elles peuvent nous aider à diminuer la consommation, ce qui sert l'intérêt des populations.
Évidemment, cette logique n'est pas celle d'une entreprise privée qui, elle, a besoin de vendre plus pour faire plus de bénéfice.
Il est indispensable de développer cet axe de maîtrise de l'énergie et nous ne pouvons le faire qu'avec l'aide de nos grandes entreprises publiques. Il est donc évidemment important qu'elles demeurent publiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne veux pas cacher le sentiment d'amertume et de dégoût qui emplit le coeur d'un parlementaire plongé dans une situation aussi irréelle que celle que nous vivons en cet instant.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est surréaliste !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous ne sommes pas en train de nous affronter dans le cadre du jeu normal, ordinaire et bien compréhensible de la démocratie entre un gouvernement, sa majorité et une opposition. Nous sommes sur un débat de fond, nous en convenons tous. Je ne crois pas qu'il y ait ici une seule personne, qu'elle siège à droite ou à gauche de cet hémicycle, pour dire qu'il s'agit d'un débat de second ordre. Nous savons tous que nous sommes en première ligne d'un des plus grands problèmes de notre époque, celui de l'énergie disponible.
Alors que, dans cet hémicycle, où sont aujourd'hui réunis le ministre, les parlementaires, parmi lesquels un ancien Premier ministre, nous échangeons longuement nos arguments, contrebattons nos raisons, nous livrons à cet exercice ô combien honorable de la démocratie, quelques personnages s'agitent derrière les rideaux des conseils d'administration de leurs sociétés et décident en réalité de notre destin à tous.
Les paramètres à partir desquels vous avez pris vos décisions ne sont plus réunis. D'autres les ont changés sans que vous soyez en mesure de vous y opposer, monsieur le ministre. Et nous savons que, si vous aviez un seul argument à faire valoir, vous le produiriez immédiatement, ne serait-ce que pour la dignité de votre fonction, puisque vous êtes ministre délégué à l'industrie.
Mais voilà que MM. François Pinault, Albert Frère, Thierry Desmarets et consorts prennent des décisions dont nous ne savons rien. Nous devons attendre à la porte des conseils d'administration pour savoir quelles ont été leurs décisions, qui, elles, ne dépendent d'aucune délibération et n'obéissent qu'à des intérêts qui nous échappent totalement.
Cela est indigne ! Comment pouvons-nous accepter une situation pareille ? Quelles que soient vos convictions, même si vous êtes convaincus qu'il faudra en définitive privatiser GDF, comment pouvez-vous, mes chers collègues, accepter cette humiliation ?
Nous sommes ridiculisés collectivement. Parce que quelques personnes prennent des décisions en fonction de ce qui leur paraît important ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Leur intérêt !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... - et l'on comprend leurs raisons -, la démocratie est ridiculisée.
Le P-DG de GDF, qui aurait mérité cent fois d'être mis à la porte, sera demain, sans avoir pris d'autre risque que celui d'être assis dans son fauteuil, à la tête d'une société privée et cumulera des stock-options après avoir été désigné par un gouvernement. Il a déjà dit qu'il n'attendait pas qu'on prenne les décisions concernant GDF « en dehors de GDF », oubliant que, lorsque l'État est actionnaire majoritaire, c'est l'État qui s'exprime au nom de la nation, décide ce qu'il veut, et que le P-DG n'a qu'à obéir et servir, comme le lui impose son rôle, aussi longtemps qu'il s'agit d'une entreprise publique.
Cette situation est intolérable. Notre dignité commune exigerait que, devant nos concitoyens, nous suspendions nos travaux et attendions de savoir de quoi nous parlons réellement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je veux juste faire une remarque à la suite de l'information qui vient de nous être donnée par nos collègues du groupe CRC, selon laquelle GDF devra céder 35 % de ses capacités de gaz et que Suez devra se délester d'un certain nombre de ses capacités nucléaires. Je crains que nous n'arrivions à l'équation suivante : GDF privatisée + Suez de demain = GDF d'aujourd'hui.
M. Michel Sergent. Peut-être même moins !
M. Roland Courteau. Alors, à quoi riment tous ces efforts, mes chers collègues ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 86 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 593 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La préservation de la santé humaine et de l'environnement nécessite le maintien d'entreprises publiques nationales, comme Électricité de France et Gaz de France.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 86.
Mme Bariza Khiari. Je comprends tout à fait notre rapporteur lorsqu'il souligne, à juste titre, que la transposition est nécessaire, mais travailler dans ce climat est, pour la nouvelle parlementaire que je suis, tout à fait curieux.
Par l'amendement n° 86, nous souhaitons, encore une fois - la pédagogie passe aussi par la répétition -, réaffirmer le principe du caractère public des entreprises EDF et GDF.
Cet amendement s'inscrit dans les objectifs de la loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.
L'article ler de cette loi dispose en effet que la préservation de la santé humaine et de l'environnement nécessite le maintien d'entreprises publiques nationales comme EDF et GDF. Le législateur a eu raison d'inscrire ce principe.
S'agissant des exigences en matière de normes de sécurité et de sûreté, la privatisation de Gaz de France fait peser des risques importants en matière de gestion des infrastructures. Il ne faudrait pas qu'elle conduise à un relâchement des normes de sécurité.
En effet, dans le secteur gazier, il s'agit d'infrastructures de transport de très haute pression, avec des installations de recompression, des terminaux méthaniers et des stockages souterrains.
Ainsi, GDF possède quinze sites classés Seveso 2. Certaines stations de recompression sont susceptibles, à terme, d'être également classées Seveso 2. Plus de 4 000 postes de gaz à très haute pression sont situés à proximité des lieux d'habitation et 30 000 kilomètres de canalisations de très haute pression sont enfouis sous nos routes et voies de chemins de fer. Leur maintenance et leur entretien nécessitent un personnel qualifié, formé aux risques que présentent de tels ouvrages.
Lorsqu'il s'agit de remplacer les canalisations en fonte cassante, qui sont dangereuses, la rentabilité ne doit pas entrer en ligne de compte.
À la suite du drame de l'usine AZF, le rapport de la commission parlementaire avait permis de mettre en évidence les risques industriels liés à l'exploitation des réseaux de transport de gaz. Le rapport insistait sur la nécessité de renforcer les normes de sécurité sur tous les sites présentant des risques industriels majeurs, d'éviter le recours à la sous-traitance et à une main-d'oeuvre peu qualifiée pour effectuer les travaux de maintenance et d'entretien.
Qu'en sera-t-il en matière de sécurisation des réseaux de transport avec la privatisation de GDF ? Que deviendra le cahier des charges de GDF - où doivent figurer les obligations d'entretien et de maintenance ainsi que les normes de sûreté - avec la fusion ? Rien n'est prévu dans ce projet de loi en ce qui concerne ce type de contraintes, alors que, demain, GDF sera privatisé et absorbé par Suez !
Quid du contrat de service public entre GDF et l'État, qui couvre la période 2005-2007 et qui prendra donc fin en 2007 ? Ce contrat de service public comporte des éléments de sécurité dans le cadre des obligations de service public de GDF. Dans quel cadre sera-t-il renouvelé ? Et si, du fait de la fusion, l'entité était démembrée ? À quelles normes de sécurité et de sûreté seront alors soumises les capacités de transport et de stockage qui seront cédées ?
Enfin, en matière de sécurité et de sûreté, comme l'a très justement souligné, en 2004, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, une centrale nucléaire n'est pas un central téléphonique.
Telles sont les raisons pour lesquelles EDF et GDF doivent rester des entreprises publiques.
M. le président. L'amendement n° 593 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 86 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. À deux mots près, l'amendement n° 86 est identique au précédent. Donc, toujours pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable.
J'ajoute que je ne vois pas pourquoi une entreprise publique devrait plus respecter les normes de santé publique et les normes environnementales qu'une société privée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Madame Khiari, lorsque l'on s'est rendu compte que des accidents se produisaient à cause des fontes grises, j'ai pris un arrêté rendant obligatoire le remplacement de ces fontes avant la fin de 2007. Cette mesure s'applique de la même façon à l'ensemble des distributeurs, c'est-à-dire, en pratique, soit à Gaz de France soit aux distributeurs non nationalisés. Tout le monde doit appliquer cet arrêté. C'est ainsi que cela fonctionne en France. La plupart de ces obligations seront remplies à la fin de cette année.
Par ailleurs, vous avez évoqué les sites Seveso 2. Gaz de France compte sept sites de ce type et il existe environ un millier de sites Seveso 2 en France qui, pour sans doute 95 % d'entre eux, sont privés. Les textes s'appliquent de façon identique à toutes les entreprises, qu'elles soient privées ou publiques, et ne croyez pas qu'il soit plus facile de les faire appliquer aux entreprises publiques.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 86.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Rappels au règlement
M. Roger Karoutchi. Une nouvelle dépêche est tombée ! (Sourires sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trois jours, il règne dans cet hémicycle une atmosphère particulière, voire une atmosphère désagréable, qui est différente de celle que j'ai pu connaître lors de l'examen de certains textes sur lesquels pourtant les avis étaient très divergents. Voir le rapporteur et le ministre défendre seuls le texte renforce ce sentiment de malaise.
Et voilà qu'à l'instant même, grâce à notre collègue Michel Billout, une information nous arrive que personne d'autre n'avait pris soin de nous communiquer.
Monsieur le président, alors même que nous débattons, des faits importants qui concernent le projet de loi que nous sommes en train d'examiner se déroulent en dehors de cet hémicycle.
Je vous demande donc solennellement une suspension de séance de quelques minutes pour nous permettre d'aborder ce sujet avec les responsables de GDF. Cela donnera également le temps au ministre délégué de rassembler toutes les informations utiles pour revenir devant nous avec des indications précises sur les premières conclusions de ce conseil d'administration exceptionnel.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, la Haute Assemblée a besoin d'être tenue informée de ce qui est en train de se produire. Et ce n'est pas rien, puisque cela concerne directement le débat actuel !
M. le président. Monsieur Pastor, ces préoccupations ont déjà été exprimées et M. le ministre délégué ne manquera pas de vous répondre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Michel Billout. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Thierry Foucaud. Une autre dépêche vient de tomber ?
M. Michel Billout. Monsieur le président, je pense que nous pouvons lier mon rappel au règlement à celui de M. Pastor, car ils vont tous deux dans le même sens.
Nous venons de recevoir une nouvelle dépêche de l'AFP (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP) dont voici les termes : « La Commission européenne a annoncé jeudi qu'elle repoussait au 24 novembre, au lieu du 17, la date butoir de son verdict sur la fusion, sans préciser les raisons de ce report, comme elle le fait d'habitude. »
M. Roland Courteau. Décidément, l'AFP est mieux informée que le Parlement !
M. Michel Billout. La dépêche se poursuit ainsi : « Mercredi, une source proche du dossier a confié à l'AFP que Bruxelles demandait plus de concessions à Suez et GDF, nécessaires pour donner son feu vert à leur mariage que celles que les deux groupes ont proposées jusqu'ici. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est plus possible de travailler dans ces conditions !
M. Jean-Marc Pastor. Nous ne pouvons pas continuer comme cela !
M. Michel Sergent. C'est totalement surréaliste !
M. Michel Billout. Ainsi, les événements qui se déroulent à Bruxelles justifient également que nous prenions tout le temps nécessaire.
Après tout, le processus de transposition des directives « Énergie » doit être achevé le 1er juillet 2007. Cela nous laisse donc un délai raisonnable et il est, à mon sens, nécessaire d'organiser différemment nos débats.
Je soutiens donc la demande de suspension de séance.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Au risque de me répéter, je confirme que je ne peux pas faire de commentaires sur un conseil d'administration qui n'est probablement pas encore terminé.
En revanche, j'ai suggéré que la commission des affaires économiques se réunisse avant le début de l'examen de l'article 10. À cette occasion, nous pourrions venir vous présenter les différents aspects de la discussion qui est actuellement menée.
M. Thierry Foucaud. J'espère que nous serons mieux informés, cette fois !
M. François Loos, ministre délégué. D'ici là, vous pourrez examiner nombre d'articles qui nous permettront de transposer les directives relatives au secteur de l'énergie et de faire avancer des dossiers très importants, comme la sécurité d'approvisionnement et le tarif régulé pour nos concitoyens.
Par conséquent, je vous propose que nous échangions toutes les informations nécessaires sur le sujet dans le cadre d'une réunion de la commission qui pourrait se tenir avant que la Haute Assemblée n'aborde les articles tendant à l'ouverture du capital de Gaz de France. En attendant, nous pouvons travailler sur le reste. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur le ministre délégué, c'est dans cet esprit qu'une courte suspension de séance avait été accordée tout à l'heure à nos collègues de l'opposition.
En l'occurrence, il n'y a pas, me semble-t-il, d'éléments nouveaux sur le sujet. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Pastor. Vous venez de prononcer le mot qu'il ne fallait pas, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Je voulais répondre avec toute la considération qui convient aux propos de MM. Mélenchon et Pastor.
Il y a un mot avec lequel je suis d'accord : il existe effectivement un certain malaise s'agissant de l'information sur plusieurs sujets, et cela nous touche tous.
En revanche, il y a un mot avec lequel je suis en désaccord : vous ne pouvez pas affirmer que la dignité du Parlement est en cause.
En l'occurrence, nous nous trouvons en présence de deux sujets très distincts.
D'un côté, il y a le problème de la liberté que nous donnons à Gaz de France. C'est la question stratégique majeure.
Pour ma part, j'ai pu constater que l'entreprise France Télécom avait perdu beaucoup de capacités d'initiatives faute de pouvoir nouer des alliances par des échanges de participations. Dans ces conditions, la liberté stratégique qui est offerte à Gaz de France constitue bien le point clé.
Si, aujourd'hui ou demain, certaines informations, qu'elles proviennent des institutions communautaires ou du marché, faisaient craindre une remise en cause de la stratégie que nous souhaitons pour Gaz de France, rien n'obligerait l'actionnaire de cette entreprise, qui est aujourd'hui l'État, à adhérer à une stratégie à laquelle il ne souscrirait pas.
Par conséquent, il faut bien regarder la réalité. Il s'agit de débattre de la liberté stratégique que nous donnons à Gaz de France.
De l'autre côté, il y a effectivement un certain nombre de faits que nous n'apprécions pas. C'est bien pour cela que nous devons nous montrer attentifs et vigilants face au marché et à certains jeux d'actionnaires.
Mais, aujourd'hui, ce n'est pas la question posée. Ce qui importe en ce moment, c'est la liberté de Gaz de France. Bien entendu, l'État aura toujours son mot à dire sur ce sujet. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est faux ! Il n'aura plus son mot à dire !
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
M. le président. Toujours avant l'article 1er, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 87 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 594 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Tout changement dans le capital de Gaz de France ne peut se faire qu'après consultation des autorités concédantes du service public du gaz.
La parole est à M. Michel Sergent, pour présenter l'amendement n° 87.
M. Michel Sergent. J'ai bien retenu un élément de l'intervention de M. Raffarin, ancien Premier ministre : il y a au moins un terme qui se dégage de ce débat, celui de « malaise ».
MM. Mélenchon et Pastor l'ont constaté, M. Raffarin le reconnaît lui-même, alors que nous débattons dans cet hémicycle, le malaise règne et nous le ressentons tous.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit !
M. Michel Sergent. L'amendement n° 87 vise à imposer une consultation des autorités concédantes du service public du gaz avant tout changement dans le capital de Gaz de France.
En effet, GDF et EDF sont des entreprises concessionnaires de service public de distribution. Les collectivités locales en sont les autorités concédantes et sont propriétaires des réseaux de distribution publics, en l'occurrence de gaz.
Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que ces réseaux constituent des monopoles naturels. En effet, d'un point de vue économique, l'existence de « doublons » constituerait un véritable gaspillage et une allocation non optimale des ressources.
C'est pourquoi les collectivités locales ont confié la gestion de leur service public à l'entreprise GDF, qui était le « concessionnaire obligé ». Elle seule pouvait d'ailleurs l'être. GDF doit donc assumer des missions de service public, liées à l'exploitation des réseaux de distribution, et elle peut le faire parce qu'elle est une entreprise publique.
Mais nous savons que les rapports entre les autorités concédantes et GDF n'ont pas toujours été simples. Nous le voyons d'ailleurs sur tout le territoire s'agissant des relations entre les syndicats et l'entreprise.
Toutefois, l'entreprise exploitante avait l'obligation d'améliorer la qualité de la desserte, d'entretenir les réseaux de distribution et de veiller à la sûreté et à la sécurité des canalisations. Je pense notamment au remplacement des canalisations en fonte grise par des canalisations plus résistantes. Ce programme devrait être terminé d'ici à la fin de l'année de 2007. En effet, chacun se souvient des graves accidents qui ont eu lieu à Mulhouse, à Dijon ou près d'Arras, dans mon département du Pas-de-Calais.
L'entreprise publique a donc des obligations de service public importantes. Elle y répond également par le biais d'un dialogue permanent avec les autorités concédantes. Or il paraît évident que ces dernières seront touchées par la privatisation de GDF, pour les raisons que nous avons déjà évoquées.
En effet, il y a un risque de mise en concurrence des concessions et de changement d'interlocuteur. Nous n'aurons ainsi plus les mêmes pratiques sur le même terrain et cela deviendra encore plus difficile demain.
De nouvelles relations vont s'établir avec des entreprises privées.
Dans cette nouvelle configuration, les risques d'une recherche de rentabilité à court terme - ne le nions pas, cela se produira certainement - et de l'insuffisance des investissements d'entretien et de développement - c'est déjà un peu le cas - ne sont pas à écarter.
Dès lors, il nous semble essentiel que les collectivités publiques, qui sont les autorités concédantes du service public de distribution, puissent être consultées avant la privatisation de GDF et son éventuelle fusion avec Suez ou avec un autre groupe, puisque les choses évoluent tellement vite que nous ne sommes plus certains de rien. Il nous paraît donc tout à fait nécessaire que ces collectivités puissent prendre le temps de la réflexion.
Nous qui sommes responsables d'autorités concédantes devons garantir aux collectivités locales et aux maires la sécurité des réseaux de gaz qui parcourent leur commune.
M. le président. L'amendement n° 594 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 87 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cher Michel Sergent, je vous rappelle que notre collègue Xavier Pintat, ici présent, est le président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR
M. Michel Sergent. Je le sais !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il est intervenu lors de chaque débat portant sur un texte législatif relatif à l'énergie, que ce soit en 2000, en 2003 ou en 2004, et je peux vous dire qu'il s'est montré particulièrement vigilant depuis le début de l'examen du présent projet de loi.
Je crois qu'il vous a très bien défendu, si je puis dire, puisque vous présidez un syndicat départemental. Il nous a sollicités et nous serons amenés à prendre ses observations en compte lorsque nous pourrons enfin arriver à la partie que je qualifierai de constructive de notre discussion, c'est-à-dire à partir de l'article 1er. À cette occasion, nous examinerons un grand nombre d'amendements que, j'en suis certain, vous défendrez également.
Je tenais à le rappeler, parce que je considère, pour ma part, que nous avons consulté les autorités concédantes. M. Pintat s'est exprimé à plusieurs reprises.
En outre, même si nous devons nous montrer particulièrement attentifs au rôle des autorités concédantes, celles-ci ne sont en aucun cas propriétaires de Gaz de France.
M. Michel Sergent. Certes !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les évolutions de la structure capitalistique de l'entreprise relèvent aujourd'hui de la seule autorité du Parlement. J'espère que nous parviendrons à en débattre dans les prochains jours.
Par ailleurs, il convient de rappeler que le système des concessions n'est pas concerné par l'évolution de la forme juridique de GDF, qui demeurera le seul concessionnaire dans sa zone de desserte historique. D'ailleurs, vous le savez.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Je souhaite en fait obtenir une précision de la part de Michel Sergent. Mon cher collègue, vous souhaitez que tout changement dans le capital de Gaz de France ne puisse intervenir qu'après autorisation des autorités concédantes ?
M. Michel Sergent. Non ! Après « consultation », et non « autorisation » !
M. Yves Coquelle. Dans ce cas, je comprends mieux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je soutiendrai naturellement cet amendement. Mais je voudrais en préalable remercier notre collègue Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, de la considération qu'il a bien voulu manifester à l'égard de notre raisonnement en faisant l'effort d'y entrer.
Nous avons bien compris que, dans son esprit, ainsi que dans celui de nombre de nos collègues, l'acte fondateur est ce que certains résument sous l'expression « donner la liberté à GDF » et que, pour notre part, nous qualifions plus volontiers de « privatisation ». Vous le savez, nous sommes en désaccord avec vous sur ce point.
C'est même la grande querelle de notre époque. Je l'admets, dans cette grande querelle, vous avez quelques points de plus que nous. En effet, nous luttons le dos au mur, tant en France que dans d'autres pays. Toutefois, la tendance semble se retourner, et j'en dirai juste un mot.
Quant à la dignité du Parlement, si j'admets que le terme était peut-être un peu fort, je ne doute pas que vous avez parfaitement saisi l'esprit de mon propos.
Depuis le début de ce débat, nous nous débattons sans connaître les données de base sur lesquelles vous déclarez pourtant appuyer votre raisonnement. Or, à cette heure, deux principes, qui ont chacun leur légitimité, se trouvent en opposition.
Certes, la délibération privée des actionnaires d'une entreprise a sa légitimité. Mais nous, qui représentons le peuple et la nation, avons également des droits. Et, dans la hiérarchie des normes juridiques, les droits des parlementaires étaient jusqu'à présent, semble-t-il, supérieurs à ceux des actionnaires. Or la situation qui nous est faite manifeste très exactement l'inverse.
D'ailleurs, vous l'avez bien compris, monsieur Raffarin, puisque vous concluez en disant qu'il nous faudra être très attentifs aux signaux qui nous seront adressés parce que l'État reste actionnaire et qu'il n'est pas obligé d'entrer dans le jeu. Nous voilà justement au coeur du sujet ! Pourquoi donc commencer ce jeu, puisque vous admettez vous-même que nous pourrions être obligés de nous en retirer ?
Dans cette affaire, nous ne confrontons pas des conceptions abstraites ni des visions politiques, je les mets de côté pour l'instant, non, nous représentons la France ! Il est très important que, dans un débat qui ne se déroule pas entre purs esprits, la volonté collective des Français s'exprime avec toute sa force.
Les commissaires européens n'ont pas, comme par miracle, perdu leur patrie. Nous, en tout cas, nous en avons une et nous avons bien observé la continuité d'une série de décisions qui, au nom de la libéralisation des marchés, visent toujours à frapper plus fort les Français que les autres membres de l'Union. Pourquoi ? Parce que notre pays est ainsi constitué : notre génie national a voulu que l'État joue un grand rôle dans l'organisation et le développement de la puissance des Français.
À cet instant, donc, ce n'est pas seulement la question abstraite de l'organisation des marchés européens qui est en jeu, c'est aussi la question de la place spécifique des Français, en tant que peuple, un peuple qui a encore entre les mains des outils dont il ne disposera plus demain !
Monsieur Raffarin, je voulais attirer votre attention sur ce point, car je suis sûr que vous pensez, comme moi, que les signaux qui nous sont adressés n'émanent pas d'une pensée désincarnée, simplement préoccupée de réorganiser le grand marché européen de l'énergie. Je n'y crois pas et je pense que nous sommes nombreux ici à ne pas y croire.
Sinon, la Commission européenne aurait été plus respectueuse des décisions prises au sommet de Barcelone. Or, elle les a contournées à la première occasion ! Au sommet de Barcelone, compte tenu de ce que nous autres, Français, avions à dire sur le sujet, et cela a tout de même une certaine importance, il avait été clairement établi que l'Europe ne prendrait pas de décision sans directive-cadre sur les services publics. Et le projet de Constitution rappelait que l'Union ne porte pas d'appréciation sur le statut des entreprises.
Sur ce point, la volonté des Français reste très claire : ils veulent une régulation collective, soit au niveau de leur pays, soit à l'échelle de l'Europe. Et ils ne veulent pas l'abandonner à la main aveugle du marché, qu'ils ne croient pas capable de servir l'intérêt général.
Voilà, monsieur Raffarin, ce que nous voulons dire : l'état de confusion dans lequel la décision se prend nous donne raison. Nous vous comprenons parfaitement quand vous nous dites que, au fond, c'est la grande querelle du public et du privé qui nous oppose. Peut-être bien ! Mais, pour l'instant, c'est nous qui sommes fondés à vous inviter à constater dans quelle opacité nous prenons les décisions.
Si l'opacité règne au moment de prendre la décision, qu'en sera-t-il une fois qu'elle aura été prise ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 88 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 595 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Tout changement dans le capital d'Électricité de France ne peut se faire qu'après consultation des autorités concédantes du service public de l'électricité.
La parole est à M. Michel Sergent, pur défendre l'amendement n° 88.
M. Michel Sergent. Au préalable, je voudrais dire à M. le rapporteur que M. Pintat, en tant que président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, défend évidemment sa fédération, dont je suis d'ailleurs l'un des modestes vice-présidents. Il y a trois semaines, nous tenions congrès à Bordeaux, et les maires et les collectivités représentées ont fait état de nombreuses inquiétudes émanant de l'ensemble de leurs concitoyens.
L'amendement n° 88 relève du même esprit que le précédent, mais il s'inscrit dans le cadre du service public de l'électricité. Il tend à rendre obligatoire la consultation des collectivités concédantes avant tout changement dans le capital d'EDF.
N'oublions pas que la hausse du prix de l'électricité, qui résultera de l'ouverture des marchés à la concurrence, accroîtra encore le manque d'attractivité des territoires. La variable que constitue le coût énergétique est, en effet, une dimension importante de la rentabilité des investissements.
L'ouverture du capital des entreprises ayant la charge de la distribution, les concessions, conduit à la mise en place de nouveaux critères de gestion, axés sur la rentabilité. Les investissements nécessaires à l'entretien et au développement des réseaux risquent donc d'en pâtir. Les collectivités locales se plaignent déjà d'une situation difficile dans ce domaine.
J'en parlais précisément hier avec Xavier Pintat qui, à la suite d'une tempête que vient de vivre le Bordelais, a pu constater que les moyens mis en oeuvre pour rétablir l'électricité étaient déjà de bien moins bonne qualité par rapport à ceux qui avaient été déployés après la tempête de 1999.
Avec l'ouverture du capital et la privatisation des entreprises, nous risquons effectivement de voir encore la situation se détériorer, contribuant ainsi à la dislocation territoriale.
Le service public de l'électricité garantissait l'égalité de la desserte des territoires et, globalement, à un même prix - c'était vrai pour l'électricité, un peu moins pour le gaz. L'ouverture du capital de ces entreprises publiques et la privatisation de GDF contribueront nécessairement à faire voler en éclats ce système.
Il n'y a en effet aucune raison pour que les critères de rentabilité ne s'appliquent pas, car il faudra donner satisfaction aux nouveaux actionnaires de ces entreprises. Les missions de service public, en matière d'accessibilité, de desserte du territoire et d'égalité des prix, risquent donc de ne plus figurer au rang des priorités. La fragilisation du monopole de concession de distribution participe également de cette logique.
On nous reparle régulièrement de France Télécom : n'oublions pas, mes chers collègues, à quel point l'aménagement du territoire en termes de téléphonie et d'ADSL s'avère difficile. Cela a été déjà dit : il y a maintenant en quelque sorte des territoires à deux vitesses, ceux qui n'ont pas accès à ces nouveaux moyens de communication, les fameuses « zones blanches », et ceux qui y ont accès. Nous ne voudrions pas que le secteur de l'énergie, de l'électricité notamment, nous présente demain le même visage.
M. le président. L'amendement n° 595 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 88 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je suis tenté de répéter les mêmes observations, bien que la question soit différente, puisqu'elle concerne EDF et non plus GDF.
Je ne sais pas si des projets de modification du capital d'EDF verront le jour, demain ou plus tard. Le Parlement sera alors à nouveau consulté et le rapporteur qui sera désigné fera comme moi : il auditionnera de manière très officielle la FNCCR.
Nous avons invité non pas Xavier Pintat, mais la fédération qu'il préside. M. Pintat est venu avec son directeur général, il aurait très bien pu venir accompagné d'un certain nombre de ses vice-présidents mais, rassurez-vous, vous avez été tous bien défendus, mes chers collègues ! M. Pintat a exprimé les soucis et les inquiétudes que vous venez de mentionner, monsieur Sergent.
Vous verrez même que, sous réserve d'un certain nombre de modifications, la quasi-totalité des amendements déposés à la suite de l'assemblée générale de votre fédération seront acceptés par le Gouvernement et par la commission.
En revanche, en ce qui concerne l'amendement n° 88, l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est également défavorable.
Même si on voulait effectuer une consultation pour tenir compte de l'ensemble des préoccupations émises par les autorités concédantes, je ne vois pas bien comment on procéderait, sauf à faire comme M. le rapporteur.
Je voudrais rappeler que ce projet de loi ne comporte évidemment aucune disposition relative à l'évolution du capital d'EDF, pas plus qu'il ne modifie les concessions ou la propriété des réseaux de distribution, qui reste celle des collectivités locales. Certains articles du présent texte confirment d'ailleurs ce statu quo, preuve que le Gouvernement n'entend pas le remettre en cause.
Nous ne pouvons donc que demander le rejet de cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 89 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 596 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remettra au Parlement, avant la fin de chaque année, un rapport sur les conséquences économiques et sociales du changement de statut de Gaz de France depuis 2004.
La parole est à M. Roland Courteau, pour défendre l'amendement n° 89.
M. Roland Courteau. Cet amendement pose le principe de la remise d'un rapport annuel sur les conséquences, pour le service public et les usagers, de la transformation, en 2004, de l'établissement public industriel et commercial qu'était GDF en société anonyme.
Il s'inscrit parfaitement dans la logique de la directive 2003/55/CE du 26 juin 2003 sur l'ouverture à la concurrence du marché du gaz naturel. Celle-ci prévoit en effet que la Commission établit un rapport de ce type pour l'information du Parlement européen.
Dans son article 31, la directive prévoit le dépôt d'un certain nombre de rapports concernant le bilan de la mise en oeuvre, par les États membres, des obligations de service public. Par exemple, le paragraphe 2 de cet article dispose que ce rapport « comprend également une analyse des différentes mesures, prises par les États membres pour respecter les obligations de service public ». Il est précisé qu'il peut également comporter des « recommandations sur les mesures à prendre au niveau national pour atteindre un niveau élevé de service public ».
Nous pensons que la transmission, par le Gouvernement, d'un rapport sur l'évolution du service public, dans le cadre du changement du statut de l'opérateur historique, s'inscrit dans cette problématique. Ce rapport permettrait d'évaluer l'évolution de la qualité et de l'efficacité du service public, depuis que GDF est devenu une société anonyme avec un actionnariat en partie privé.
Il pourrait notamment aborder la problématique des prix et de la péréquation tarifaire, la desserte du territoire en gaz naturel, l'évolution des rapports entre GDF et les autorités concédantes, l'évolution de la nature des contrats de l'entreprise GDF et la sécurité de nos approvisionnements en gaz.
Un tel rapport représenterait un effort louable de transparence et d'information du Parlement, dans un domaine aussi stratégique que le secteur gazier, qui comporte des obligations de service public fondamentales, en termes de cohésion économique, sociale et territoriale.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 596.
M. Jean Desessard. Il se trouve que cet amendement est le même que celui qui a été excellemment défendu par mon collègue Roland Courteau, sénateur de l'Aude. Afin de ne pas répéter son argumentaire, je m'en déclare solidaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je me suis déjà exprimé ce matin sur ce sujet et j'ai dit ce que je pensais de la multiplication des rapports. Plus ils sont nombreux, plus ils s'affaiblissent eux-mêmes. Je suis donc très réticent sur le principe même.
Mais, sur ce sujet plus particulièrement, je tiens à vous rappeler que nous pouvons interpeller chaque année le Gouvernement, notamment à l'occasion de la loi de finances, sur la politique de GDF et les évolutions de son activité. Je pense que cela suffit aux besoins d'information du Parlement. (M. Roland Courteau manifeste son scepticisme.)
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Je complète ce que vient de dire le rapporteur : l'article 106 de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique prévoit qu'un rapport sur les moyens consacrés à la politique énergétique nationale est joint à la loi de finances. Vous disposerez donc d'un « jaune » budgétaire sur la politique énergétique dans lequel figurera un gros chapitre sur le gaz.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous refusez que le Parlement soit destinataire, chaque année, d'un rapport sur l'évolution de la situation de Gaz de France. Parce qu'il s'agit bien de Gaz de France, et non de la politique énergétique en général.
Je ne comprends pas votre attitude. Je me souviens de la photo qui a fait la une de tous les quotidiens au mois de février dernier : c'est le Premier ministre, M. de Villepin, accompagné de M. Cirelli, président de Gaz de France, et de M. Mestrallet, président de Suez, qui a annoncé lui-même la privatisation de GDF et la fusion avec Suez. L'exécutif était à l'évidence partie prenante dans cette décision.
Il serait donc normal que le Parlement reçoive une information spécifique sur les suites de ces opérations successives, que nous combattons par ailleurs, je veux parler de la transformation du statut en 2004, puis de la privatisation et enfin de la fusion en 2006, si du moins vous y arrivez, et rien n'est moins sûr aujourd'hui !
Monsieur le ministre délégué, le Parlement doit être tenu informé des conséquences de l'acte qu'il s'apprête à autoriser !
Je ne comprends pas que le Gouvernement et, surtout, M. le rapporteur puissent s'opposer à la remise d'un document qui serait utile à la représentation nationale. Je ne comprends pas votre attitude, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas la justifier ! Que le Gouvernement ne veuille pas qu'un tel rapport soit remis au Parlement, soit, mais que la commission s'y oppose, cela m'échappe, je l'avoue !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je voudrais appuyer les propos de ma collègue Nicole Bricq, d'autant que j'ai le sentiment que M. le ministre et M. le rapporteur n'ont pas lu attentivement le texte de mon amendement.
Il ne s'agit pas, je le rappelle, de prévoir la remise d'un rapport sur la politique énergétique suivie ; il est vrai que l'on peut aborder à tout moment ce sujet dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances. Notre amendement prévoit que « le Gouvernement remettra au Parlement, avant la fin de chaque année, un rapport sur les conséquences économiques et sociales du changement de statut de GDF depuis 2004 ».
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je comprends que ma collègue Nicole Bricq trouve qu'il serait tout de même intéressant que le Sénat puisse bénéficier d'un tel rapport, puisqu'on nous a dit qu'il s'agit ici d'un sujet stratégique, fondamental, que l'avenir de la France, de l'Europe, du monde est en jeu ! On pourrait donc s'attendre à ce que le Parlement puisse au moins disposer d'un bilan des conséquences du changement de statut de GDF.
Cela étant, je comprends aussi pourquoi le rapporteur ne veut pas d'un tel rapport. En effet, il sait que les conséquences du changement de statut seront catastrophiques pour les salariés, pour les usagers, pour l'indépendance énergétique de la France ! Par conséquent, il ne veut pas de ce rapport. Évidemment, ce serait trop grave ! Il sait déjà que le bilan sera négatif, et il n'a pas envie d'avoir à faire son autocritique, comme M. Fourcade a pu faire la sienne hier en reconnaissant que lui et ses amis n'avaient pas prévu l'augmentation du prix du pétrole ni la raréfaction de la ressource, que nous avions, nous, pour notre part, pourtant annoncées.
Aujourd'hui, nous affirmons que la démarche engagée va déboucher sur une catastrophe pour les usagers, pour les salariés, pour la situation énergétique de notre pays ! On comprend donc très bien que M. le rapporteur ne souhaite pas que cela figure dans un document remis au Parlement ! Il n'a pas envie de devoir admettre, dans deux ou trois ans, que nos prédictions se seront vérifiées.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 89 et 596.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Jean-Marc Pastor. La transparence fait peur !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 90 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 597 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 1er de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il repose sur le maintien d'entreprises publiques. »
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 90.
M. Roland Courteau. Il s'agit d'un amendement de cohérence, visant à mettre en conformité la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'énergie avec la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
En effet, le début de l'article 1er de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi rédigé :
« La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la Nation et favorise sa compétitivité économique. Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique. »
En conséquence, nous souhaitons compléter l'article 1er de la loi du 10 février 2000, qui définit le service public de l'énergie, par une phrase ainsi rédigée : « Il repose sur le maintien d'entreprises publiques. »
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rappeler la teneur de cet article 1er de la loi du 10 février 2000 :
« Le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général.
« Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie.
« Il concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique.
« Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique. »
Je reste convaincu que l'accomplissement de toutes ces missions de service public n'est pas compatible avec la privatisation d'une entreprise publique comme Gaz de France !
Cela étant, monsieur le ministre, je ne doute pas que vous accepterez cet amendement de simple mise en conformité avec une loi que le Gouvernement nous a demandé de voter en 2005 !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 597.
M. Jean Desessard. Cet amendement est identique à celui qu'a excellemment défendu M. Courteau. Je me rallie à son argumentation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les auteurs des amendements souhaitent inscrire dans la loi du 10 février 2000 que le service public de l'électricité repose sur le maintien d'entreprises publiques. Comme vous l'indiquez vous-même, monsieur Courteau, cette disposition figure déjà dans la loi du 13 juillet 2005. Je ne vois donc pas l'utilité de le répéter.
M. Roland Courteau. C'est une mise en cohérence !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Certes, mais cela me semble inutile.
Par ailleurs, je relève une sorte de procès d'intention quant à l'évolution d'EDF. Je rappelle que nous n'avons pas l'intention de privatiser EDF !
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Ces amendements sont des pétitions de principe. Leurs auteurs ont une conception étatique du service public, mais, pour notre part, nous pensons que le service public est garanti par son inscription dans la loi et par l'obligation de service public.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 90 et 597.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 91 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 598 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Seule la puissance publique garantit la pérennité du service public sur le long terme.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 91.
Mme Bariza Khiari. En ce qui concerne le gaz, les missions de service public consistent notamment à assurer la sécurité de nos approvisionnements, la continuité de la fourniture de gaz naturel et la distribution de cette énergie au consommateur final, à des prix abordables et faiblement variables sur l'ensemble du territoire.
La France ne dispose plus de gisement de gaz depuis l'abandon du site de Lacq, qui produisait autrefois une quantité négligeable, et ses capacités de stockage équivalent à trois mois de consommation, ce qui permet de réguler les fluctuations saisonnières de la demande. Elle est donc obligée d'importer son gaz de pays producteurs tels que la Norvège, l'Algérie, la Russie, les Pays-Bas.
Le secteur gazier a été organisé afin que nous n'ayons pas à subir de ruptures d'approvisionnement ou à acheter du gaz à des prix très élevés. Il est caractérisé par des investissements lourds et fixes, propres à une industrie très capitalistique : gazoducs, terminaux de liquéfaction et de regazéification, méthaniers.
La rentabilité de ces investissements n'est assurée que sur le très long terme. Comme nous avons eu l'occasion de le souligner, ce type d'industrie a conduit à la mise en place de contrats à long terme, qui lient des producteurs, comme Sonatrach en Algérie ou Gazprom en Russie, et des acheteurs, comme Gaz de France, partageant les risques et les intérêts économiques.
Ces accords relèvent en premier lieu du politique. Par exemple, l'accord politique avec le producteur algérien Sonatrach a été « gagnant-gagnant ».
L'acheteur s'engage à enlever des quantités données sur des périodes très longues, allant de vingt à trente ans : le fournisseur dispose ainsi d'une garantie de recettes, qui lui permet d'emprunter pour financer son développement. De cette manière, les pays fournisseurs ont pu développer une activité totalement publique, avec des interlocuteurs eux-mêmes publics, portant garantie de l'État, comme Gaz de France.
L'acheteur doit, de son côté, être assuré qu'il trouvera des débouchés pour le gaz acheté par le biais de ces contrats à long terme.
Une telle situation, marquée à la fois par des investissements lourds et par des engagements à long terme, tend naturellement à engendrer des modes d'organisation monopolistiques ; d'où l'apparition de monopoles de fait et de droit, pour que ce secteur énergétique puisse fonctionner de manière optimale, dans le respect des missions de service public, s'agissant notamment de la sécurité d'approvisionnement.
C'est ce mode d'organisation, fondé sur des relations d'État à État, qui risque de voler en éclats, et avec lui la pérennité de notre service public du gaz.
Gaz de France, lorsqu'il était un établissement public à caractère industriel et commercial, achetait du gaz au nom de la France et bénéficiait de contrats de long terme d'approvisionnement gazier. Or toute cette organisation semble peu compatible avec la logique marchande et actionnariale d'une société, déjà cotée en bourse, que vous entendez privatiser.
Comment croire que le changement de statut de l'entreprise n'aura pas de conséquences sur la formation des tarifs ? Les hausses récurrentes du prix du gaz - plus de 30 % d'augmentation de 2004 à 2006 - sont tout à fait révélatrices à cet égard.
De plus, les annonces faites par le président de Gaz de France lors de la dernière présentation des comptes de l'entreprise, relatives à une hausse des dividendes versés aux actionnaires l'année prochaine, incitent à la réflexion. À quel prix paierons-nous demain notre gaz, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 598.
M. Jean Desessard. Cet amendement a été très bien défendu par Mme Khiari, mais j'aimerais cependant ajouter quelques mots, monsieur le président !
Comme je l'ai dit lors de mon intervention dans la discussion générale, il est tout de même illusoire de croire que des entreprises privées vont garantir le statut des salariés, maintenir un prix de l'énergie inférieur à celui du marché - car c'est bien ce qui a été annoncé, même s'il a été reconnu que la différence ne serait peut-être pas énorme -, assurer la péréquation, pour que chacun puisse avoir accès au service public, permettre un bon fonctionnement de ce dernier, conclure de bons contrats avec les pays producteurs et les fournisseurs. Tout cela serait assuré par le secteur privé ?
M. Jean-Marc Pastor. Ce serait nouveau !
M. Jean Desessard. S'il devait vraiment en être ainsi, il serait bien normal que les actionnaires soient récompensés !
On pourrait penser qu'il sera possible à des entreprises privées de pratiquer des prix inférieurs à ceux du marché et d'offrir un statut et des salaires intéressants au personnel parce qu'il n'y aura pas de concurrence, mais on nous dit qu'au contraire tout se fera dans un contexte concurrentiel ! Dans ces conditions, comment des entreprises privées pourraient-elles distribuer de bons salaires, maintenir un statut favorable du personnel, pratiquer des prix inférieurs à ceux du marché, s'astreindre à la péréquation du service public, négocier des contrats de long terme au lieu de se livrer à des opérations à court terme ?... C'est vraiment mal connaître les règles du capitalisme et de l'économie de marché que de croire une telle chose possible dans un secteur ouvert à la concurrence ! Il faudra donc que nous vous expliquions le droit des sociétés et le fonctionnement de l'économie, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. Il y a du boulot !
M. Jean Desessard. La solution tient en une phrase : « Seule la puissance publique garantit la pérennité du service public sur le long terme. »
M. Roland Courteau. Voilà qui est bien dit !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je suis tout à fait d'accord avec vous ! Bien sûr, « seule la puissance publique garantit la pérennité du service public ». Personne d'autre !
M. Yves Coquelle. C'est pour cela que vous privatisez !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous énoncez une évidence qui n'a pas de portée législative !
M. Roland Courteau. Cela va mieux en le disant !
M. Jean-Marc Pastor. Et en l'écrivant !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais c'est déjà écrit, dix fois, vingt fois, dans des textes de loi !
La puissance publique est certes garante de la pérennité du service public, à court ou à long terme, non seulement grâce à l'existence d'entreprises publiques, mais également grâce à la définition de missions de service public, qui s'imposent aux entreprises publiques comme aux entreprises privées. Mais c'est tout à fait inutile de le préciser ici.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 91 et 598.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 et 598.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 92, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie doit satisfaire aux principes de transparence, de responsabilité et d'accessibilité.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Transparence, responsabilité, accessibilités : ces trois principes fondent le service public de l'énergie. Par certains aspects, ils peuvent être embarrassants pour les partisans de ce projet de loi.
S'agissant du secteur de l'énergie nucléaire - l'entreprise fusionnée EDF-GDF sera gestionnaire de l'énergie nucléaire -, l'exigence de transparence paraît essentielle. Elle doit être de mise pour les procédés de fabrication du kilowattheure comme pour la phase avale, si importante, qui concerne la gestion des déchets.
Nous savons bien que la mise en oeuvre des principes de libéralisation dans le secteur énergétique entraîne, par nature, un déficit de transparence et que, en matière nucléaire, les impératifs du marché sont difficilement compatibles avec ceux de la sûreté.
L'existence de précédents en la matière n'est malheureusement pas faite pour nous rassurer. Il n'est qu'à citer les incidents de centrales nucléaires survenus aux États-Unis ou en Suède et rappeler que ces structures étaient sous le contrôle de groupes privés. Or c'est bien un manque de sûreté des installations qui a été à l'origine de ces graves dysfonctionnements.
Le groupe socialiste a déjà exigé l'application de ce principe de transparence lors des débats sur la loi de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.
C'est la revendication de cet impératif qui, du moins, a rendu possibles l'adoption d'un Plan national de gestion des déchets radioactifs et des matières valorisables et la mise en oeuvre d'un cadre permettant le provisionnement sécurisé et le financement du démantèlement futur des centrales.
Quelle garantie de transparence offre le Gouvernement face à ce risque majeur que constitue la gestion du nucléaire par des intérêts privés ? Aucune.
La transparence est-elle de mise quand nous savons que, dès l'ouverture totale du marché pour les ménages, la privatisation de GDF entraînera très certainement une forte hausse des tarifs ? Certes, non. C'est l'opacité qui domine.
Ainsi, lorsque le président de POWEO réclame à EDF la livraison de kilowattheures nucléaires à prix coûtant, personne ne sait quel prix de revente il fixera.
Quant à la responsabilité, si elle est au centre de l'action de service public, nous savons tous que, dans le cadre de cette privatisation-fusion, elle dépendra naturellement des exigences des actionnaires. Croyez-vous que ces derniers accepteront de faire une croix sur leurs dividendes parce que les impératifs de sécurité et de continuité du service nécessiteront le réinvestissement direct des bénéfices ?
Enfin, s'agissant de l'accessibilité, si elle est encore garantie par nos services publics, le sera-t-elle toujours dans ce secteur ? Le Gouvernement est en effet, aujourd'hui, dans l'incapacité de dire ce qu'il fera des infrastructures de GDF si la Commission européenne exige - comme elle peut le faire - la cession d'une partie de ses actifs.
Si une société privée venait à prendre le contrôle de nos réseaux de transport de gaz et de nos centres de stockage - pas nécessairement français d'ailleurs -, sa priorité sera-t-elle d'assurer cette sécurité ? Personne ne le croit !
En termes d'aménagement du territoire, il était déjà particulièrement difficile d'obtenir de Gaz de France un certain nombre d'extensions. Avec une entreprise privée, ce sera naturellement encore moins facile, pour des raisons évidentes de rentabilité.
Dès lors, la responsabilité de l'État en matière d'approvisionnement et de sécurité des installations sera réduite à néant, tout comme le sera l'accessibilité.
Monsieur le ministre délégué, parce que nous considérons que l'énergie n'est pas un bien comme les autres - nous l'avons dit et redit ; malheureusement, cet avis n'est pas partagé par tous -, parce que les principes de transparence, de responsabilité et d'accessibilité s'inscrivent dans un système et ne sont pas seulement affaire de volonté, parce que l'article 1er de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique dispose que « la politique énergétique repose sur un service public de l'énergie » assuré par des « entreprises publiques nationales et locales », nous attendons que votre gouvernement - je pense particulièrement au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque - ne renonce pas à ses engagements et consacre le maintien de l'énergie dans le secteur public.
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 599, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie doit satisfaire aux principes de transparence, de responsabilité, d'accessibilité et de durabilité.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement est similaire à celui que vient de présenter excellemment mon collègue Daniel Reiner, sénateur de la Meurthe-et-Moselle. Je ne le défendrai donc pas. Je me contenterai de rappeler, à propos du principe de transparence, qu'à une certaine époque on a prétendu que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté à nos frontières ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Pastor. Sur le Rhin !
M. Jean Desessard. La puissance française était telle que le nuage était bloqué et ne pouvait pénétrer sur le territoire français...
M. Roger Karoutchi. Allons !
M. Jean Desessard. Il ne faut pas qu'une telle désinformation se reproduise ! Le service public doit être transparent.
Il s'agit bien là d'une question de responsabilité : derrière ce qui peut apparaître comme un roman d'espionnage, il y a des maladies, des irradiations nucléaires, des cancers... On n'assume pas ses responsabilités lorsque l'on nie les faits ; une telle attitude empêche toute réparation et toute politique de prévention pour l'avenir.
Monsieur le rapporteur, va encore une fois dire : nous sommes d'accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Eh oui !
M. Jean Desessard. Nous le sommes à un tel point que ce n'est pas la peine de l'écrire ! Mais, monsieur le rapporteur, si nous sommes d'accord, autant l'écrire : nous le serons alors encore plus et nous émettrons un vote unanime, pour plus de transparence, de responsabilité et d'accessibilité !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais oui, je suis d'accord ! (Sourires.)
Pour autant, je ne crois pas que la loi doive être bavarde.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Une évidence comme celle que vous voulez inscrire dans le texte n'aurait strictement aucune portée législative concrète. D'ailleurs, ni les gouvernements de droite avec les lois de 2004 ni les Gouvernements de gauche avec la loi de 2000 ne se sont amusés à porter de telles évidences dans la loi.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 92 et 599.
En outre, monsieur Desessard, je n'ai pas compris pourquoi vous évoquiez l'accident de Tchernobyl : la mission de service public ne peut pas s'appliquer à un nuage radioactif qui vient de l'étranger ; elle ne peut pas non plus concerner une entreprise étrangère propriétaire d'une centrale nucléaire.
M. Jean Desessard. Il s'agit de la transparence de l'information !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. J'étais en train de rechercher dans les différentes lois de 2000, 2003, 2004 et 2005 tout ce qui est exigé des services publics : cela va au-delà de la transparence, de la responsabilité et de l'accessibilité. Il est vrai qu'avec ces trois principes vous avez mis en évidence des notions-clés.
Au reste, pour qu'une loi soit opérationnelle, il faut que les principes qu'elle édicte puissent être mis en oeuvre et que leur respect soit assuré. À cet égard, je préfère les formulations qui se trouvent dans les lois existantes à la rédaction que vous proposez, qui, si elle est intéressante, reste trop générale pour pouvoir être véritablement sanctionnée dans la pratique.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 93 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 600 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La recherche de l'efficacité du service public de l'énergie ne peut entraîner la mise en oeuvre d'un système de tarification contraire au principe d'égalité.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 93.
M. Jean-Marc Pastor. La République considère tous ses citoyens de façon égalitaire. C'est inscrit, et pas dans une simple loi.
Le service public de l'énergie, c'est l'assurance d'une tarification mutualisée pour favoriser cette égalité entre tous les citoyens français.
Comme nous le savons tous, les deux variables d'ajustement principales de l'amélioration des résultats financiers de Gaz de France sont les tarifs, d'une part, la masse salariale, d'autre part.
Or, dans le cadre de la privatisation de GDF et de sa fusion avec le groupe Suez, il apparaît inconcevable que ce groupe soit durablement contraint par des tarifs administrés inférieurs de 30 % à ceux du marché libre, comme c'est le cas actuellement.
Par ailleurs, GDF est le seul concessionnaire des collectivités locales et, à ce titre, il est titulaire d'un monopole de fait sur les concessions de distribution publique de gaz de son territoire de desserte.
Or la Constitution interdit tout monopole de fait pour une entreprise privée. Ainsi, une fois privatisée, GDF devra-t-elle abandonner sa position monopolistique ainsi qu'une partie des contrats de concession signés du temps où elle était entreprise publique.
Par extension, et puisque aucune entreprise privée en France ne dispose d'un monopole de fait, sur des contrats de gestion d'actifs appartenant à des collectivités territoriales, le groupe privé GDF-Suez sera nécessairement soumis à la mise en concurrence des concessions.
En d'autres termes, monsieur le ministre délégué, vous commencez par casser la complémentarité entre EDF et GDF. Cela entraînera la disparition du distributeur mixte EDF-GDF distribution et la mise en concurrence frontale de ces deux entreprises. Dès lors, comment imaginer un seul instant que cette mise en concurrence n'aura pas d'incidences sur le maintien de la péréquation tarifaire que je viens d'évoquer, qui est pourtant au centre de la solidarité entre les territoires et entre les citoyens, et qui caractérise justement le service public ?
Faut-il rappeler à ce Gouvernement et à cette majorité la situation actuelle de la Poste, pour qu'ils puissent enfin se rendre à l'évidence ?
Tout comme la Poste supprime aujourd'hui des services de proximité, parce qu'elle est concurrencée sur les segments les plus rentables de ses activités, demain EDF, concurrencée par le groupe privé GDF-Suez, ne pourra plus garantir les services rendus actuellement. Je pense, en tout premier lieu, à nos territoires ruraux, à ceux de nos concitoyens qui y vivent et aux entreprises qui tentent de s'y développer, parfois dans les plus grandes difficultés.
Mais le Gouvernement, figé dans son dogmatisme le plus étroit, n'en a cure : le patriotisme économique, la défense de la valeur travail, la cohésion sociale même résonnent désormais comme de vagues concepts vides de sens.
Avec ce texte dangereux, il ne sera plus question, comme ce fut le cas entre 1997 et 2002, de répercuter les gains de productivité réalisés sur le prix de l'électricité.
Dans la logique libérale qui est la vôtre, vous mettez la recherche de l'efficacité au service non plus de l'intérêt général, mais exclusivement des actionnaires et de leur quête de profit.
Oui, je crois que le principe d'égalité de traitement et de prix qui fonde les services publics ne pourra pas résister à cette privatisation et à cette mise en concurrence. C'est pourquoi il est plus que jamais impératif de donner naissance à un pôle public de l'énergie, tel que nous l'avons évoqué les uns et les autres, seul garant de l'égalité entre tous les citoyens français.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 600.
M. Jean Desessard. Cet amendement est identique à celui que vient de défendre excellemment mon collègue, sénateur du Tarn, Jean-Marc Pastor. Ne voulant pas répéter son argumentaire, je me déclare solidaire de ses propos.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris si j'énonce, de nouveau, une évidence. En 1991, dans son rapport annuel, le Conseil d'État écrivait : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite. » Certes, cette remarque était sévère, mais ce rapport fait partie de ceux qui ont marqué la vie publique française. Nous devrions le garder davantage à l'esprit.
J'ajoute que les dispositions qui figurent dans les textes en vigueur sont beaucoup plus concrètes que celle que proposent les auteurs des amendements identiques nos 93 et 600. Elles reposent, en particulier dans les lois de 2003 et de 2004, sur l'existence d'un système national de péréquation des tarifs de transport d'électricité. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Les expressions « principe d'égalité » et « recherche de l'efficacité du service public » sont tellement générales que les conditions de leur mise en oeuvre doivent être précisées. C'est pourquoi le Gouvernement préfère les principes et les contraintes figurant dans les lois qui traitent de l'énergie depuis l'an 2000 à ces prescriptions trop générales, dont la mise en application paraît extrêmement difficile. Il est donc également défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 93 et 600.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 94 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 601 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie assure aux citoyens des tarifs péréqués et abordables.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 94.
M. Roland Courteau. Quel que soit l'endroit du territoire où il se trouve, qu'il soit proche ou non d'une source d'énergie, le consommateur doit pouvoir payer l'électricité qu'il consomme au même tarif.
Or, force est de constater que notre système de péréquation tarifaire risque de voler en éclats.
Nous savons tous que le prix de l'énergie constitue un facteur d'attractivité territoriale. Plusieurs observations nous laissent penser que le maintien d'un même coût de l'électricité sur le territoire revient aussi à oeuvrer indirectement contre la désertification de certaines zones et contre la dislocation de notre territoire. Les tensions actuelles relatives au prix de l'électricité et du gaz jouent aussi dans ce sens.
Des inégalités ont déjà vu le jour entre les consommateurs qui ont exercé leur éligibilité et les autres, qui, eux, ont toujours droit aux tarifs régulés.
Ces inégalités ne sont pas négligeables dans la mesure où les écarts constatés entre les tarifs régulés et les prix du marché de l'électricité ont atteint, entre les mois d'avril 2005 et 2006, en moyenne 66 %.
Dans le secteur du gaz, la remise en cause des contrats à long terme qui assuraient une stabilité des tarifs risque de conduire, de la même manière, à l'abandon de toute péréquation.
Certes, dans ce secteur existaient des différences selon les zones de desserte des distributeurs ; mais elles risquent de s'accroître à l'avenir au lieu de se résorber, ce qui renforcera les distorsions territoriales.
Par ailleurs, les différents fournisseurs peuvent également utiliser les prix comme une arme de concurrence auprès des clients éligibles.
Avec la fusion de GDF et de Suez, vous mettrez en concurrence EDF et GDF, entreprises qui vont proposer toutes les deux une offre duale de gaz et d'électricité. Dans ces conditions, comment pourrait perdurer la péréquation sur l'ensemble du territoire ?
En cas de partage de marchés entre les différents opérateurs sur la zone de desserte, le groupe Suez fournira-t-il de l'électricité et du gaz au même prix qu'EDF ?
Les entreprises publiques, étant exonérées des préoccupations de rentabilité sur le court terme, sont seules garantes de la préservation d'une péréquation tarifaire permettant un égal accès de tous les consommateurs à l'énergie à un prix abordable, qu'ils soient proches ou non des sources énergétiques.
Enfin, la remise en cause des tarifs régulés signe la mort de notre système de péréquation tarifaire pour les particuliers, quoique vous souhaitiez nous convaincre du contraire. Ne nous dites pas que ces tarifs régulés seraient protégés par des dispositions figurant dans le projet de loi que nous examinons. Pour les petits consommateurs, le risque de basculer vers les tarifs de marché est bien réel, d'autant que le contrat de service public que l'État, c'est-à-dire vous-même, monsieur le ministre, ainsi que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Thierry Breton, et l'entreprise publique GDF ont conclu pour les années 2005-2007 prône une convergence entre tarifs régulés et prix du marché. Il stipule en effet : « L'État et Gaz de France conviennent de rechercher à l'occasion de chaque mouvement tarifaire la convergence entre les tarifs réglementés et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de clients. »
Ne s'agit-il pas d'aligner les tarifs du gaz sur les prix du marché, autrement dit de programmer la fin des tarifs régulés ? Le prochain contrat de service public relatif à EDF programmera-t-il la fin des tarifs régulés ? C'est tout l'enjeu des prochains mois. Vous risquez d'appliquer un jour à EDF les dispositions que vous avez prises à l'égard de GDF.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 601.
M. Jean Desessard. Cet amendement est identique à celui que vient de défendre mon collègue M. Courteau. Cependant, je voudrais apporter une précision complémentaire.
Je souscris tout à fait à l'argumentaire développé par M. Courteau en ce qui concerne la péréquation et la nécessité de maintenir des prix abordables. Toutefois, je pense que le calcul du coût de l'énergie, lorsque cette dernière n'est pas renouvelable, doit également tenir compte du coût de raréfaction.
De la même façon, il faut prendre en considération le coût écologique lié aux dégâts entraînés par l'utilisation de telle ou telle énergie. N'oublions pas, non plus, le coût de réparation. Ainsi, dans le domaine nucléaire, le coût du démantèlement des centrales comme celui de la gestion des déchets ne doivent pas être ignorés, ce qui est parfois le cas actuellement.
Tout en étant favorables au maintien de prix abordables, nous estimons nécessaire de ne pas oublier l'existence d'autres énergies renouvelables, qui, certes, peuvent apparaître plus coûteuses aujourd'hui, mais dont le coût est moins important qu'il n'y paraît si l'on tient compte du coût de raréfaction, du coût écologique et du coût de réparation.
Par conséquent, un plan relatif aux différentes énergies doit être élaboré. L'ensemble des paramètres doit être pris en considération lors de la détermination des prix, qui doivent être maintenus, autant que faire se peut, à un taux abordable, l'énergie étant un produit de première nécessité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Sur la forme, je ferai la même observation que précédemment. Mais je souhaite apporter deux précisions sur le fond.
Tout d'abord, comme l'a fort bien rappelé M. Courteau, la péréquation est déjà prévue par la loi.
Quant aux tarifs, le contrat de service public passé entre l'État et EDF prévoit qu'ils ne pourront pas augmenter plus rapidement que l'inflation au cours des cinq prochaines années, ce qui constitue une garantie importante pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
M. Daniel Reiner. Et pour le Gaz ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. La formulation proposée dans ces amendements est beaucoup trop simple pour répondre à l'ensemble des problèmes qui apparaîtront lors de la fixation des tarifs. Pour des raisons pratiques, le Gouvernement y est donc défavorable.
En fait, le présent projet de loi n'opère aucun changement en ce qui concerne le calcul des tarifs. Il ne fait qu'ajouter un tarif social et un tarif transitoire de retour, à la suite des travaux de l'Assemblée nationale, ce qui constitue des améliorations au système actuel. Le Gouvernement, pas plus que vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, ne veut modifier ce système.
Certes, tout le monde souhaite que les tarifs soient abordables et que les concitoyens se voient appliqués des tarifs aussi péréqués que possible. Tout est dans le détail ; nous aurons l'occasion de revenir ultérieurement sur la proposition formulée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. M. le rapporteur vient de nous rappeler l'engagement tarifaire pris dans le contrat de service public passé entre l'État et EDF aux termes duquel la hausse des tarifs sera limitée à hauteur de l'inflation dans les cinq années à venir. En revanche, il n'a rien dit au sujet du gaz, alors que le projet de loi que nous examinons vise ce secteur.
Dans le contrat de service public que le Gouvernement a passé avec Gaz de France, un chapitre porte vraisemblablement sur la régulation des tarifs. Sur quoi se fonde-t-il ? Dès lors que l'opération de privatisation sera menée à bien, que des capitaux privés seront majoritairement présents dans l'entreprise en résultant, que vaudra l'accord passé avec GDF ?
Monsieur le ministre, si vous nous répondez que rien n'est prévu en matière de tarif, vous ne pouvez pas affirmer, dans le même temps, que la hausse sera maîtrisée. Tous les risques que nous évoquions à propos des prix abordables seront alors aggravés.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Reiner, effectivement, la situation est un peu plus difficile pour le secteur du gaz que pour celui de l'électricité. Les conditions de la production d'électricité, qui est à 80 % d'origine nucléaire et à plus de 10 % d'origine hydraulique, sont, de ce fait, connues pour les années à venir. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a pu demander à EDF de s'engager à ne pas dépasser le taux de l'inflation dans l'évolution des tarifs réglementés.
Le prix de vente final du gaz au consommateur est constitué du prix d'achat du gaz résultant, en général, de contrats à long terme, des coûts d'acheminement et des frais de commercialisation.
En fin de compte, la matière première, la « molécule », intervient pour à peu près 50 % dans le prix du gaz. Les contrats à long terme n'empêchent pas une évolution de ce prix, indexé sur celui du pétrole ; ils garantissent un rythme d'évolution mais pas un blocage du prix.
C'est la raison pour laquelle, en ce qui concerne le gaz, le travail de la CRE est absolument déterminant : elle évalue quelle est la juste augmentation ou diminution du prix du gaz qu'il faut prendre en compte.
Ainsi, cette année, elle a confirmé la proposition de Gaz de France d'augmenter le prix de 8 %, mais, considérant qu'il convenait d'affiner son analyse, nous avons fait appel à des experts indépendants, qui, après avoir pris en compte, pour cette étude, plus d'éléments que la CRE n'en retenait, d'après les règles fixées par la loi, nous ont proposé une hausse de 5,8 %, que nous avons autorisée. Nous avons donc revu à la baisse la proposition d'augmentation du prix formulée non seulement par l'entreprise, mais aussi par la CRE.
Si j'ai cité cet exemple, c'est pour vous démontrer la volonté du Gouvernement de faire en sorte que le prix du gaz soit le plus avantageux possible pour le consommateur, ce en dépit des souhaits de l'entreprise.
M. Jean-Marc Pastor. C'est cela, le service public !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Le cas du gaz est plus compliqué que celui de l'électricité, c'est clair.
Depuis trois jours que nous débattons de ce projet de loi, les hausses du coût du gaz de 2005 et de 2006, hausses relativement importantes en dépit de tarifs régulés et liées à la hausse des coûts d'approvisionnement, ont été évoquées à plusieurs reprises et, parallèlement, ont été rappelées celles qui sont intervenues sous le gouvernement de M. Jospin, en 2000 et en 2001. M. Thierry Breton a dit dans son discours avoir procédé à une hausse de 30 %, comme la gauche à l'époque.
Toutefois, les hausses de 2000 et de 2001 ne sont pas de même nature que celles de 2005 et de 2006.
En 2000 et en 2001 sont intervenues deux hausses successives consenties sur les tarifs régulés, la première - je cite de mémoire - de 8 % et la seconde de 15 %. En additionnant les deux, on ne parvient d'ailleurs pas aux 30 % que vous évoquez.
J'ajoute que, au cours des années précédentes, avait eu lieu une série de baisses. Il n'est donc pas exact de parler de hausses dès 1997.
En réalité, seule la hausse du coût de l'approvisionnement était alors prise en compte. Ainsi, les résultats de l'entreprise Gaz de France sont à peu près identiques, en 2001, à ce qu'ils étaient en 1998, tandis que les hausses qui viennent d'être consenties après l'avis de la CRE ont conduit, elles, à augmenter le résultat de Gaz de France !
J'entends bien que les contrats à long terme ne sont pas des contrats constants et qu'ils sont réévalués chaque année en fonction d'un certain nombre de critères. Quoi qu'il en soit, l'année dernière et cette année, le résultat de Gaz de France a été amélioré pour que la mariée soit parée de ses plus beaux atours en vue de son mariage avec Suez, nous l'avons bien compris ! Les résultats nets de fin d'exercice laissent apparaître 1,4 milliard d'euros supplémentaire, soit environ 400 millions d'euros ou 500 millions d'euros de plus que l'année précédente, ce qui correspond à l'augmentation des dividendes qui ont été versés aux actionnaires, qu'ils soient privés ou qu'il s'agisse de l'État, toujours propriétaire pour 80 %.
Ainsi, la marge qu'accorde le Gouvernement, au-delà de l'avis de la CRE, au-delà de la réalité des coûts d'approvisionnement, permet d'améliorer plus ou moins les dividendes versés aux actionnaires. On devine aisément que, lorsque la fusion sera réalisée, que la part de l'État actionnaire ne sera plus que de 34 %, les 66 % restants se feront très pressants pour augmenter cette marge.
M. Mestralet, dont les propos ont été largement relayés par la presse, a bien laissé entendre que les tarifs régulés, c'était bien, mais qu'il ne fallait quand même pas qu'ils durent aussi longtemps que les contributions, par exemple, sous peine de bloquer les marges ! L'État avait déjà donné des gages.
La notion de prix abordables, même si les prix sont régulés, mérite donc d'être étudiée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je pensais que nous n'aurions ce débat qu'un peu plus tard...
M. Daniel Reiner. Il aurait pu avoir lieu un peu plus tard, effectivement.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... mais, le sujet étant intéressant, je vais répondre dès à présent, bien que nous soyons loin de l'objet de l'amendement.
Ce qui m'a plu dans votre démonstration, monsieur Reiner, c'est que vous expliquiez que, s'agissant d'un service public, ce n'est pas parce qu'un tarif est régulé qu'il peut être bloqué. Vous nous avez montré que les éléments extérieurs, indépendants du service public agissent fortement.
M. Daniel Reiner. Et les marges !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vais être encore plus pessimiste que vous : tous les chiffres, toutes les informations dont nous disposons montrent - Mme Khiari l'a dit, ainsi que deux autres orateurs dans la discussion générale - que, d'ici à 2030, les prix du gaz vont très vraisemblablement doubler, tout en connaissant des fluctuations du type de celles que vous avez évoquées, à savoir les hausses de 2000 et de 2001, de plus 8 % et de 15 %, suivies, en 2003, par de légères baisses, de 0,5 % ou de 0,7 %, auxquelles succédèrent de nouvelles augmentations. L'offre deviendra de plus en plus complexe, en raison notamment du nouvel accord russo-algérien entre Gazprom et Sonatrach. La demande, elle, demeurera forte. La tension ne va pas cesser d'augmenter.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. La matière première, la « molécule », représente à peu près 50 % du prix du gaz, mais les 50 % restants résultent d'une bonne ou mauvaise gestion de l'entreprise, de ses contrats, de ses investissements.
Le travail de l'entreprise, qui essaie d'optimiser son dispositif, entre également en ligne de compte : combien de kilomètres de nouvelles canalisations installer, et où ? De quelles mesures de sécurité les entourer ? Ces facteurs sont plus importants que les dividendes dont vous parlez, et la CRE veille.
Vous soupçonnez que le résultat du premier semestre, meilleur que celui de l'année dernière, serait dû à ce que nous aurions procédé à une augmentation de tarif de 5,8 % au lieu de 4 %, par exemple, qui n'aurait permis d'obtenir qu'un résultat inférieur.
En réalité, ce sont les paramètres du prix tels qu'ils ont été analysés par les experts qui nous ont amenés à la faire, le résultat de l'entreprise ne venant qu'après.
Le résultat du premier semestre est dû en fait aux opérations internationales et non au marché français. Il se chiffre à environ 1,7 milliard d'euros. Je vous en indiquerai le montant exact au cours de la discussion.
Je souhaitais que vous ayez tous ces éléments en tête...
Mme Nicole Bricq. Nous les avons !
M. François Loos, ministre délégué. ... pour bien comprendre quelle est la politique que nous menons et que nous entendons poursuivre.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J'ai une question technique à poser à M. le ministre : au cours de cette séance, il nous a dit à plusieurs reprises que le prix de la « molécule » représentait 50 % du prix final de vente : représente-t-il 50 % du prix sur le lieu d'extraction ou 50 % du prix « acheminé », par exemple sur le territoire français ?
M. François Loos, ministre délégué. Il représente 50 % du prix « acheminé » sur le territoire français.
M. Jean Desessard. M. le rapporteur prévoit que le prix du gaz va doubler d'ici à 2030. Il est permis de penser que, compte tenu, notamment, des aléas politiques et de la raréfaction de la ressource, il fera peut-être même plus que doubler.
Pourquoi, alors, s'opposer à la rédaction de rapports ...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cela ne fera pas baisser les prix !
M. Jean Desessard. ... qui pourraient conclure à la nécessité de recourir à d'autres modes de production énergétique, par exemple à des sources d'énergie renouvelables qui nous rendraient indépendants ?
Au lieu de cela, on nous demande de brader le service public au bénéfice du secteur privé ; on nous demande de lier notre avenir énergétique à un géant, à un ogre énergétivore à la démarche lourde et maladroite, aux spasmes respiratoires chroniques, qui, puisqu'il ne sera pas agile, ne pourra pas s'adapter et sera, de plus, ligoté par toutes les missions de service public qu'on lui demandera de remplir et dont il ne pourra s'acquitter, étant soumis à la concurrence !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, en défendant l'amendement n° 94, j'ai évoqué l'alignement, qui se profile, des tarifs du gaz sur les prix de marché. Je suis d'ailleurs conscient que tout bouge, pour reprendre les termes de M. le rapporteur, et que les pressions ne cessent d'augmenter.
Je m'interroge tout de même encore sur un point, mais je n'ai peut-être pas été suffisamment attentif à vos réponses. Il s'agit du fameux contrat de service public entre l'État et Gaz de France, dont je me suis procuré un exemplaire. Au 1.1 « La formule » du 1 « Les tarifs en distribution publique » du titre II « Les tarifs », voici ce qui est écrit :
« L'État et Gaz de France conviennent de rechercher à l'occasion de chaque mouvement tarifaire la convergence entre les tarifs réglementés et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de clients.
« Les tarifs sont révisés trimestriellement au 1er mars, 1er juin, 1er septembre et 1er décembre de chaque année. »
Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Desessard, vous avez souligné tout à l'heure la nécessité de mettre en oeuvre d'autres sources d'énergie. Mais c'est bien ce que nous faisons : grâce à la loi de programme du 13 juillet 2005, nous avons pu non seulement mettre en place des moyens mais aussi fixer des objectifs. Vous aurez des informations à ce propos en consultant la programmation pluriannuelle des investissements en matière d'électricité, document élaboré par mon ministère et que M. le Premier ministre a transmis au Parlement voilà quelques semaines. Vous y trouverez, dans le détail, l'exposé de nos ambitions dans le domaine des autres énergies, notamment des énergies renouvelables, et la manière dont nous agissons. Du reste, je suis prêt à revenir sur ce sujet aussi souvent que vous le souhaiterez.
Monsieur Courteau, au vu de l'évolution des prix de l'électricité sur le marché libre ces derniers temps, le paragraphe du contrat de service public que vous avez évoqué pourrait effectivement paraître inquiétant. Or, je vous le rappelle, il ne porte que sur le gaz. Dans ce domaine, il se trouve que l'écart entre le prix du marché et le tarif régulé est inférieur à 10 %.
M. Roland Courteau. Tout de même !
M. François Loos, ministre délégué. Par conséquent, la réalité du marché du gaz est très différente : ce qui constitue le coût de l'approvisionnement, c'est le coût du transport et celui de la matière première, c'est moins l'achat spot. En effet, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, lorsqu'une entreprise achète sur le marché sans bénéficier du tarif régulé, elle obtient grosso modo le même type de prix que Gaz de France.
Certes, les grands acheteurs de gaz indépendants de Gaz de France, qui achètent au prix du marché, peuvent subir de légères fluctuations de prix, en fonction de l'origine du gaz et des conditions dans lesquelles ils l'achètent. Malgré tout, les différences restent faibles par rapport aux tarifs régulés : je le répète, c'est environ 10 %. Tout cela est donc beaucoup plus « borné » que dans le marché de l'électricité.
En définitive, dans la pratique, il n'y a pas lieu de vouloir assurer une convergence des tarifs, car le risque de subir un décalage important n'existe pas pour le gaz.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 94 et 601.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
6
NOMINATION DE MEMBRES D'organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé des candidatures pour trois organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Jean-François Picheral, membre du conseil d'administration de la société Radio France ;
- M. Louis de Broissia, membre du conseil d'administration de la société France Télévisions ;
- M. Louis Duvernois, membre du conseil d'administration de la société Radio France Internationale.
7
ORGANISME extraPARLEMENTAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires économiques à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Secteur de l'énergie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Rappel au règlement
M. Gérard Le Cam. Mon intervention se fonde sur l'article 36 du règlement de notre assemblée, relatif à l'organisation de nos travaux.
Ce qui n'était, cet après-midi, que rumeur ou « ragots », pour reprendre l'expression de notre rapporteur, M. Poniatowski, se trouve finalement confirmé par les plus récentes informations en notre possession.
Je vous livre ici un extrait du contenu d'une dépêche de l'Agence France-Presse : « La Commission demande aux groupes de céder 35 % de leur capacité d'approvisionnement en gaz, notamment par la vente totale de Distrigaz, filière gazière de Suez en Belgique, [...].
« Bruxelles demande également une ?cession sur une partie du nucléaire belge? de Suez, [...].
« ?Le conseil d'administration a mandaté son président pour poursuivre le processus de fusion, en prenant en compte l'ensemble des éléments constitutifs de la fusion au regard du développement, et l'avenir du groupe?, selon le communiqué de GDF.
« ?Il a constaté que les remèdes à apporter dans le domaine du gaz en Belgique devront vraisemblablement être plus étendus que ceux qui avaient été initialement proposés?, ajoute le groupe. »
Que peut-on dire de plus dans cette affaire sinon que, décidément, ce n'est pas un géant de l'énergie que nous voyons naître sous nos yeux, mais une banale société de plus, dans un secteur énergétique où la concurrence étrangère fera bientôt ses choux gras de cette véritable dilapidation du capital de la nation ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Gérard Le Cam. Que signifie la prise en compte des éléments constitutifs de la fusion et de l'avenir du groupe, selon la formulation retenue par le communiqué du conseil d'administration de GDF ?
Cela veut-il dire qu'il faut gaspiller la trésorerie de Gaz de France dans le paiement de la soulte - on pourrait dire « la dot » - versée aux actionnaires de Suez ? Ou que l'on doit liquider des pans entiers de Gaz de France comme de Suez, au mépris, entre autres, de l'aménagement du territoire et de l'emploi ?
Cela signifie-t-il que l'on doit éloigner un peu plus la perspective d'une extension de la desserte du pays par le réseau public de gaz, faute de disposer sur la durée des moyens pour investir ?
J'insisterai sur un point qui peut passer inaperçu.
Monsieur le ministre, vous avez dit cet après-midi : « La réalité, c'est que nous devons renforcer encore notre sécurité d'approvisionnement. Peu importe que le rapprochement se fasse avec Suez ou une autre entreprise. » Une autre entreprise ? Laquelle donc, monsieur le ministre ?
Il est évident que la solution la plus idoine, susceptible d'ailleurs d'être parfaitement recevable au plan communautaire, est ni plus ni moins la fusion entre Gaz de France et Électricité de France, qui donnerait enfin naissance à un efficace et puissant pôle public de l'énergie !
Voilà bel et bien ce que vous devriez faire si vous persistez à ne pas vouloir suspendre la discussion d'un projet de loi décidément surréaliste !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. le président. Monsieur Le Cam, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er.
Je suis saisi de deux amendements identiques
L'amendement n° 95 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 602 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard au 1er janvier 2007, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport détaillé examinant dans quelle mesure les petites et moyennes entreprises et les ménages tirent pleinement parti du changement de statut d'Électricité de France et de Gaz de France, notamment en ce qui concerne le service public.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n 95.
M. Roland Courteau. Le Gouvernement entend privatiser GDF.
Ce changement de statut aura des conséquences directes sur l'évolution des tarifs. Toutes les études démontrent en effet que la privatisation et la dérégulation entraînent une augmentation du prix des services de l'énergie.
En Angleterre, le prix du gaz est l'un des plus élevés du monde et l'électricité coûte 50 % à 60 % plus cher que dans les autres pays européens.
Actuellement, les tarifs sont fixés en fonction du coût d'approvisionnement, mais aussi de celui du transport, du stockage et de la distribution.
À la suite de cette privatisation, il faudra en outre compter avec les dividendes, la rémunération des actionnaires. J'en veux pour preuve que, lors des six derniers mois, le Gouvernement a accepté une augmentation des tarifs en vue de la privatisation de GDF. Telle est bien la réalité !
Il était en effet essentiel que GDF puisse annoncer de tels profits : dans le cas contraire, il aurait été plus compliqué de négocier la fusion avec Suez.
Par là même, et sans aucun lien direct avec le renchérissement du gaz, ce sont les consommateurs qui ont porté les profits de GDF à hauteur de 1,4 milliard d'euros.
Certes, il existe un tarif social. Mais celui-ci ne concerne que les titulaires des minima sociaux. Pour l'immense majorité des consommateurs, et je pense notamment à nos concitoyens dont les ressources sont simplement modestes, les prix de l'énergie ne cessent d'augmenter, et ils augmenteront encore puisque le Gouvernement et la majorité approuvent l'idée selon laquelle le tarif doit se rapprocher du prix de marché, lequel restera malheureusement tendu durant de longues années.
En outre, comment ne pas être extrêmement inquiets quand on entend les chantres du libéralisme économique dire que l'ouverture à la concurrence du marché européen de l'électricité doit conduire à une baisse des prix, alors même que les entreprises doivent faire face à une hausse vertigineuse des tarifs ?
Cette situation catastrophique a incité le Gouvernement à donner la possibilité à certains clients éligibles de se regrouper, afin d'acheter à moindre coût. Mais cette mesure, qui ne concerne pas les PME, s'est avérée totalement inopérante face à une flambée de l'électricité sur le marché libre, qui a dépassé 100 % dans certains cas.
Ne nous y trompons pas : le premier paramètre pris en compte dans le privé, c'est la satisfaction de l'actionnaire, que retrace le cours en bourse. Or la bourse est l'ennemie de la compétitivité économique, surtout en matière d'énergie.
Si l'on suit cette logique, que deviendront nos entreprises et comment sera garanti l'accès à l'énergie des territoires enclavés ?
Si, aujourd'hui, le service public de l'énergie, qui met à disposition une énergie peu coûteuse, est un facteur de croissance, soyons certains que, demain, cette privatisation constituera un frein à notre développement et un facteur de déstabilisation économique et sociale.
Forts de l'expérience des désastreuses privatisations menées dans nombre de pays, mais également des vives inquiétudes qui se font jour concernant l'évolution tarifaire, et conformément à l'esprit des directives 2003/54/CE et 2003/55/CE relatives aux marchés de l'électricité et du gaz naturel, nous demandons qu'une analyse portant sur les conséquences des changements de statut opérés depuis 2004 soit transmise au Parlement, sur le modèle du rapport transmis par la Commission pour l'information du Parlement européen.
M. le président. L'amendement n° 602 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 95 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris de ma réponse. Je crois que nous devrions intégrer un nouveau mot dans notre vocabulaire : la « rapportmania », la manie du rapport. Or vous savez ce que j'en pense !
Cher collègue Roland Courteau, vous évoquez de vrais problèmes, qui méritent d'être étudiés de manière réactive. Or la meilleure façon d'être réactif, ce n'est pas de commander des rapports que l'on enterre ensuite dans des tiroirs.
En tant que membre de la commission des affaires économiques, vous savez combien notre président, Jean-Paul Emorine, est réceptif aux demandes d'auditions qui émanent des commissaires de tout bord politique. Voilà une bonne façon d'obtenir des éléments d'information concernant les sujets de fond que vous avez évoqués, notamment la question des prix de l'énergie.
Mais il existe d'autres manières d'être réactif. On peut organiser un colloque d'une journée en invitant divers spécialistes, ce qui permet, là aussi, de recueillir assez rapidement des informations.
Le rapport n'est pas forcément une bonne formule.
En outre, vous réclamez la transmission rapide d'un rapport sur un sujet dont nous débattons en ce moment même !
Pour ma part, je pense que nous allons plutôt procéder à des auditions en commission, comme nous l'avons fait régulièrement tout au long de l'année. À cet égard, le président de notre commission favorise l'audition de personnalités lorsque les questions dont elles sont spécialistes font l'objet d'un texte qui doit être présenté au Sénat ou ont un lien fort avec l'actualité.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Comme je l'ai déjà rappelé, le Gouvernement est désormais tenu d'établir, aux termes de l'article 103 de la loi du 13 juillet 2005, et pour la première fois cette année, un « jaune » budgétaire relatif à la politique énergétique. Par conséquent, le Parlement est informé en la matière, et de façon assez détaillée.
Par ailleurs, les parlementaires peuvent poser toutes les questions qu'ils souhaitent au Gouvernement.
Je suis donc défavorable à cette demande de transmission d'un rapport supplémentaire.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 96 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 603 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard au 1er janvier 2007, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport détaillé examinant l'évolution des tarifs du service public de l'électricité depuis l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz et le changement de statut des entreprises Électricité de France et Gaz de France en 2004.
La parole est à M. Michel Sergent, pour présenter l'amendement n° 96.
M. Michel Sergent. Je n'insisterai pas outre mesure, car cet amendement relève de la même démarche que le précédent : M. le rapporteur et M. le ministre vont donc nous objecter que nous réclamons un rapport de plus sur l'évolution des prix dans le domaine de l'électricité et du gaz.
Néanmoins, il s'agit pour nous d'une question de transparence, une transparence qui n'a pas toujours existé dans ce domaine.
La loi du 10 février 2000 a prévu la création d'un Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz, l'ONSPEG, placé sous la présidence de M. Dermagne, président du Conseil économique et social, et dont sont membres un certain nombre d'entre nous. Les décrets d'application ont été pris en 2003, donc sous un gouvernement soutenu par l'actuelle majorité. Or jamais cet organisme n'a disposé des moyens de fonctionner, à tel point qu'en 2005 son président a décidé de le mettre en sommeil. Cet observatoire aurait été pourtant bien utile pour suivre l'évolution des prix de l'électricité, du gaz et des différents services.
Sans doute est-il vrai qu'il existe trop de rapports. Mais, en l'occurrence, un observatoire a été créé, ses responsables ont été désignés ; malheureusement, il ne peut pas fonctionner. Vous conviendrez que la transparence n'y trouve guère son compte !
M. le président. L'amendement n° 603 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 96 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Sergent, pour répondre à votre attente, je vais apporter un complément d'information à ce que j'ai évoqué tout à l'heure.
Il se trouve que c'est l'un des membres de votre groupe, M. Pastor, qui a demandé à la commission des affaires économiques d'organiser un débat sur les problèmes que pose l'avenir de l'énergie.
Le président de la commission ayant accédé à cette demande, nous avons retenu l'idée d'une table ronde d'une demi-journée, au cours de laquelle nous inviterons des experts, lesquels peuvent être aussi bien des représentants de la CRE, des représentants d'entreprises nationales ou d'autres. Ce qui n'est pas encore tranché, c'est le point de savoir si nous allons les faire venir successivement ou tous ensemble.
Sachez-le, cher collègue Sergent, cette table ronde, qui doit se tenir avant la fin de l'année, sera ouverte à tous et non pas seulement aux membres de la commission des affaires économiques.
Cette initiative, beaucoup plus vivante et, en tout cas, plus réactive qu'un rapport, répond à votre attente.
La commission est défavorable à l'amendement n° 96.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je voudrais rappeler à M. Sergent qu'il trouvera probablement une réponse intelligible à toutes les questions qu'il se pose dans le rapport de la CRE, disponible sur le site Internet de cette dernière.
Par ailleurs, je suis très heureux que, comme le Gouvernement l'avait demandé au mois de juin à l'Assemblée nationale et au Sénat, des débats soient organisés. Vous aviez participé à ce vaste échange sur toutes les questions, tarifaires et autres, qu'englobe la politique énergétique.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 96.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 97 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 604 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La recherche de l'efficacité du service public de l'énergie ne peut entraîner la mise en oeuvre d'un dispositif contraire aux principes fondamentaux de durabilité, de continuité, d'adaptabilité et d'égalité.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 97.
M. Jean-Marc Pastor. Il s'agit toujours, avec cet amendement, de définir une ligne de conduite, de préciser les contours d'une éthique à laquelle nous tenons fort au moment l'on se prépare à opérer un changement de statut important.
Cet amendement entend réaffirmer les trois principes fondamentaux du service public de l'énergie : la continuité, l'adaptabilité, l'égalité. Nous y avons ajouté la durabilité. En effet, dans ce débat, comment ignorer l'impératif de développement durable ?
À cet égard, il n'est pas question pour nous de nous plier à une sorte de discours obligé, voire à un effet de mode : il s'agit bien à nos yeux d'une nécessité. Car il ne suffit pas de clamer « qu'il y a le feu dans la maison ». Il faut aussi, en toute responsabilité, agir avec détermination, et une majorité de nos concitoyens en sont d'accord.
Face au changement climatique et aux défis qu'il pose, la problématique de l'énergie est en fait au coeur même des enjeux d'aujourd'hui et de demain.
Les nationalisations dans le secteur énergétique et gazier intervenues en France en 1946 visaient à assurer une égalité d'accès à l'énergie, à répondre aux besoins des entreprises et à assurer la sécurité nationale. Ces objectifs, nous en sommes convaincus, sont toujours d'actualité
Au-delà, force est de constater que ces nationalisations ont permis la mobilisation d'investissements massifs. Grâce à ces derniers, notre pays a pu se doter d'infrastructures productrices, qu'il s'agisse de l'hydroélectricité, des centrales au fuel, puis des centrales nucléaires.
Il est clair que seule la puissance publique a été en capacité de relever ces défis sociaux, économiques et de sécurité. Désormais, il lui appartient de relever celui de la durabilité. Pour ce faire, elle peut user de la régulation des normes, des prix ou des quantités globales disponibles.
Si les normes sont indifféremment applicables au secteur privé et au secteur public, il en va autrement des prix ou des quantités disponibles sur le marché.
Or, en la matière, nous savons bien que prévaut la logique du profit, notamment du profit à court terme qui caractérise le capitalisme financier contemporain.
En effet, les structures d'actionnariat existantes, en particulier celles de fonds de pension, ont remanié les échéanciers de retour sur investissement qui, nous l'observons avec effroi, sont de plus en plus courts et portent sur des montants de plus en plus élevés.
Cependant, qui dit durabilité entend adossement à un échéancier qui dépasse largement la périodicité des conseils d'administration des entreprises. Dès lors, il est certain que les fonds privés ne pourront pas suivre réellement des projets qui nécessitent de lourds investissements capitalistiques.
Gageons que, dans le cas où ils y seraient contraints par la réglementation et les normes, les actionnaires n'attendront pas le retour sur investissement, mais « se paieront sur la bête », en l'espèce sur les consommateurs et les entreprises.
Cela semble d'autant plus inéluctable que les contraintes tenant à la prise en compte de l'efficacité dynamique sont très importantes dans un secteur où le changement technique, les fluctuations des prix d'un marché fondé sur le concept de spot gas et les paramètres de temps jouent un rôle déterminant.
La durabilité s'inscrit aussi dans le cadre de l'après- pétrole. Or nous savons tous que cette transition sociétale nécessitera des investissements lourds, notamment dans le secteur de la recherche et du développement, car de nouvelles trajectoires technologiques sont nécessaires pour que soient respectés les engagements environnementaux qui ont été pris.
Seul un fort secteur public de l'énergie aura la faculté de relever ce défi majeur, de porter en 2010 la part de notre production intérieure d'électricité d'origine renouvelable à hauteur de 21 % de la consommation, contre 14 % actuellement, et de développer des énergies renouvelables thermiques pour permettre, d'ici à la même date, une hausse de 50 % de la production de chaleur d'origine renouvelable.
Dans le très récent rapport d'information sur l'effet de serre, cosigné par Mme la députée Kosciusko-Morizet, en charge de l'écologie à l'UMP, nous pouvons lire que, concernant « les nouvelles technologies de l'énergie, les budgets publics de recherche qui leur sont consacrés sont trop faibles et que le Gouvernement a pris l'engagement de les augmenter significativement ». Bravo !
Or, avec ce texte, non seulement vous privatisez Gaz de France et le soumettez au diktat de la rentabilité immédiate, mais vous préparez aussi la privatisation future d'Électricité de France !
La concurrence exacerbée entre ce nouveau groupe et EDF risque de mettre à mal l'ensemble de notre service public de l'énergie.
À toutes fins utiles, je rappelle que le service public a été, dès le traité de Rome, inscrit au coeur des missions de l'Union européenne, dont il constitue une valeur fondatrice.
Face aux générations à venir, dans un monde qui évolue, notre responsabilité est d'encourager l'adaptation du service public au bénéfice des consommateurs et des citoyens, tout en évitant des réformes radicales qui, telle la vôtre, remettent en cause son esprit même.
Ainsi, sur l'autel des exigences de rentabilité immédiate, sera automatiquement sacrifiée la durabilité.
M. Jean Desessard. C'est clair !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 604.
M. Jean Desessard. Il se trouve, comme par hasard, monsieur le président, que cet amendement est rigoureusement le même que celui qui vient d'être présenté par mon collègue Jean-Marc Pastor, sénateur du Tarn.
M. Roger Karoutchi. Et excellemment présenté ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Il se trouve aussi que M. Pastor a parlé de développement durable et d'énergies renouvelables. Je ne peux que me reconnaître dans ces sujets. (Nouveaux sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Jean Desessard. En conséquence, je serai bref : je fais mien l'argumentaire de mon collègue. (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, nous avons déjà longuement parlé de ce type d'amendements, certes fort intéressants, mais totalement dépourvus de toute portée juridique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allons bon !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Pastor, monsieur Desessard, vous demandez, au service public de l'énergie d'être efficace et d'atteindre ses objectifs. Soyez l'un et l'autre rassurés : c'est précisément dans cet esprit qu'ont été conçues les différentes lois concernant le secteur de l'énergie, qu'elles aient été votées par une majorité de gauche, comme celle de 2000, ou par une majorité de droite, comme celles de 2003 ou de 2004.
La commission est défavorable aux amendements nos 97 et 604.
M. Charles Pasqua. Et le Gouvernement aussi !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage en effet l'avis de la commission.
Je rappellerai simplement que l'article 16 de la loi de 2003 comporte une liste plus exhaustive que celle qui figure dans ces amendements. Y sont déclinées des obligations tout à fait concrètes, qui ont été reprises ensuite par les contrats de service public : continuité de la fourniture de gaz, la qualité et du prix des produits et services fournis, etc. Autrement dit, ces amendements sont pratiquement satisfaits.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 97 et 604.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 100 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 607 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un nouvel article ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 1er de la loi 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est inséré un alinéa ainsi rédigé:
« Les projets de contrats sont soumis à l'avis des organisations syndicales d'Électricité de France et de Gaz de France, puis des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes sur les questions énergétiques. »
La parole est à Mme Bariza Khiari pour défendre l'amendement n° 100.
Mme Bariza Khiari. La loi d'août 2004 a supprimé les contrats de plan et de groupe, qui fixaient les relations entre l'État et les deux EPIC, ou établissements publics à caractère industriel et commercial. Ils ont été remplacés par des contrats de service public.
À l'époque, nous avions manifesté notre ferme opposition à cette évolution, qui privait le Parlement de la définition même des missions de service public assignées aux deux nouvelles sociétés anonymes EDF et GDF.
S'en remettre à un simple contrat de service public revient à dessaisir le Parlement d'un pouvoir législatif non négligeable lorsqu'il s'agit d'organiser le service public de l'énergie.
Je continue de penser, comme beaucoup de mes collègues, que la définition de telles missions et obligations devrait relever du domaine législatif. Il revient à la loi, et non à l'État, d'un côté, et à des entreprises dont le capital est ouvert à des actionnaires privés ou à des entreprises en voie de privatisation, de l'autre, de définir de telles obligations.
Ainsi figurent notamment dans ces contrats des obligations ayant trait à la sécurité des personnes et des installations, à la continuité de la fourniture de gaz, à la sécurité d'approvisionnement, à l'efficacité énergétique, au développement équilibré du territoire ou encore au maintien d'une fourniture aux personnes en situation de précarité.
Le contenu de ce contrat de service public a fait l'objet de vives critiques et continue de susciter de nombreuses interrogations.
En matière d'évolution des tarifs, dans le contrat de service public de Gaz de France, il est prévu une convergence entre le tarif régulé et les prix de marché.
Monsieur le ministre, était-ce déjà en prévision de la privatisation de GDF que de telles dispositions ont été inscrites au contrat de service public ?
En sera-t-il de même lorsqu'on décidera de privatiser EDF, pour assurer aux futurs actionnaires, dans cette éventualité, que les dividendes seront bien là ?
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons rétablir le Parlement dans ses prérogatives en permettant de soumettre les projets de contrats aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes sur les questions énergétiques.
Nous souhaitons aussi que de tels projets soient, en premier lieu, soumis à l'avis des organisations syndicales d'EDF et de GDF.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 607.
M. Jean Desessard. Après lecture de l'amendement déposé par Mme Bariza Khiari, je m'aperçois que c'est le même ! (Sourires.)
M. Charles Pasqua. Et elle l'a très bien défendu ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. Absolument ! En conséquence, je ne pourrais que redire la même chose, et je préfère m'associer à son argumentation.
M. le président. Elle appréciera sûrement, et nous aussi ! (Nouveaux sourires.)
Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Lors du débat sur la loi de 2004, le Parlement a adopté sur mon initiative - j'étais déjà rapporteur - un amendement prévoyant que les contrats de service public seraient soumis, préalablement à leur signature, aux conseils d'administration des entreprises, conseils au sein desquels les salariés sont représentés.
Cela répond déjà à la première partie de ce qui est proposé par nos collègues.
S'agissant des commissions parlementaires permanentes, je ne vais pas revenir sur ce que j'ai dit tout à l'heure : elles ont tout loisir d'auditionner le ministre et les présidents des entreprises afin qu'ils s'expliquent devant elles sur tous les sujets, y compris les contrats de service public. Point n'est donc besoin de prévoir un avis préalable de ces commissions.
Notre commission a, par conséquent, émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je m'aperçois que M. le rapporteur a excellemment présenté un avis conforme au mien... (Rires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 et 607.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 99 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 606 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces contrats et leurs conditions de mise en oeuvre font l'objet d'une évaluation annuelle dans le cadre du rapport sur l'État actionnaire prévu à l'article 142 de la loi n°2001-420 du 15 mars 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
« Ce rapport peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement concerne les contrats de service public entre l'État et Gaz de France, qui sont prévus par l'article 1er de la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.
Ces contrats de service public sont importants. Ils doivent porter notamment sur :
« - les exigences de service public en matière de sécurité d'approvisionnement, de régularité et de qualité du service rendu aux consommateurs ;
« - les moyens permettant d'assurer l'accès au service public ;
« - les modalités d'évaluation des coûts entraînés par la mise en oeuvre du contrat et de compensation des charges correspondantes ;
« - l'évolution pluriannuelle des tarifs de vente de l'électricité et du gaz ;
« - la politique de recherche et développement des entreprises ;
« - la politique de protection de l'environnement [...] ;
« - les objectifs pluriannuels en matière d'enfouissement des réseaux publics de distribution d'électricité. »
La stratégie des entreprises publiques et, plus généralement, de l'État actionnaire fait régulièrement l'objet d'interrogations, voire de polémiques. Il en va de même du respect de leurs obligations par l'ensemble des entreprises auxquelles sont confiées des missions de service public essentielles.
L'ouverture du capital d'EDF en 2004 et la privatisation de Gaz de France aujourd'hui soumettent les entreprises à de nouveaux critères de rentabilité et aux exigences d'actionnaires qui ne sont pas forcément soucieux du long terme.
Le respect des objectifs liés à ces missions constitue donc aujourd'hui une question centrale, raison pour laquelle il est proposé ici un mécanisme d'information annuelle du Parlement, permettant une évaluation régulière et transparente.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 606.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, par les hasards de la politique, il se trouve que mon amendement ressemble comme un frère...
M. le président. Comme un frère jumeau !
M. Jean Desessard. ... à celui qui a été déposé par nos collègues socialistes. (Sourires.)
Je ne peux donc que m'associer à l'argumentaire de M. Courteau et je vous demande, mes chers collègues, de voter ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Moi, je demande à MM. Courteau et Desessard de bien vouloir retirer leurs amendements, car il me semble que la publication du rapport annuel sur l'État actionnaire - et nous sommes précisément dans la période où elle doit intervenir - répond déjà à leurs préoccupations.
Bien évidemment, ce rapport traite des entreprises EDF et Gaz de France, et il le fait en abordant systématiquement les aspects qui intéressent nos collègues. Je crois donc sincèrement qu'il n'y a pas lieu de repréciser le champ et la nature du rapport sur l'État actionnaire.
Ce rapport est notamment transmis à la commission des affaires économiques, mais je vous signale, mes chers collègues, qu'il est totalement public et que vous y avez accès par Internet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. J'ajouterai qu'en application de la loi du 9 août 2004 le Gouvernement fournit un rapport triennal sur les contrats visés dans ces amendements.
Le délai de trois ans nous paraît adapté à l'examen de la mise en oeuvre de contrats aussi importants et nous estimons préférable de le conserver. En revanche, si le Parlement le souhaite, des débats sur le thème de l'énergie peuvent être organisés sans qu'il soit pour autant nécessaire de les prévoir dans la loi.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Courteau, l'amendement n° 99 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Compte tenu des informations qui viennent de nous être données, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 606 subit-il le même sort ?
M. Charles Pasqua. Sûrement ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. L'amendement n° 99 a été excellemment retiré ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président, je retire également l'amendement n° 606 !
M. le président. Les amendements nos°99 et 606 sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 98 rectifié est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 605 rectifié est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le huitième alinéa de l'article 1er de la loi 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est ainsi rédigé :
« - l'évolution pluriannuelle des tarifs réglementés de vente de l'électricité et du gaz ; »
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement est un amendement de cohérence, ce qui, je l'espère, devrait enfin amener M. le rapporteur à émettre enfin un avis favorable.
Il vise à prendre en compte la disparition de la catégorie « clients non éligibles » du fait de l'extension de l'éligibilité à tous les consommateurs, y compris les ménages. La distinction entre clients éligibles et clients non éligibles n'a de ce fait plus de sens.
Il s'agit donc de modifier l'article 1er de la loi du 9 août 2004 pour y intégrer la nouvelle notion de « tarifs réglementés de vente de l'électricité et du gaz ».
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 605 rectifié.
M. Jean Desessard. Il se trouve, monsieur le président, que mon amendement ressemble étrangement à l'amendement qui a été très bien défendu (Sourires) ...
M. Roger Karoutchi. Excellemment défendu ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. ... par Mme Khiari, sénateur de Paris, et je vous demande, mes chers collègues, d'adopter ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, Mme Khiari va pouvoir éprouver une double satisfaction puisque je vais donner un avis favorable sur ces amendements, qui apportent en effet une précision opportune. (Rires et exclamations.)
M. Jean Desessard. J'aurais dû faire un discours plus long ! (Nouveaux rires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement a, lui aussi, compris tout l'intérêt de ces deux amendements ; il remercie leurs auteurs et se rallie à l'avis éclairé de M. le rapporteur. (Nouveaux sourires.)
Mme Bariza Khiari. Ça ne mange pas de pain !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je suis tellement étonné qu'un de mes amendements soit accepté dans cette assemblée...
M. Roger Karoutchi. On n'a pas dit qu'on allait voter pour ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. ...que mon groupe devrait peut-être demander une suspension de séance ! Quelle peut bien être la motivation de ces avis favorables ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est louche en effet !
M. Jean Desessard. Me serais-je trompé en déposant cet amendement ? (Nouveaux sourires.)
En tout cas, merci, monsieur le rapporteur, merci, monsieur le ministre !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 98 rectifié et 605 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 101 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 608 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La mise en oeuvre des obligations de service public relève du principe de subsidiarité et laisse une marge d'appréciation à l'État pour imposer le respect d'obligations aux opérateurs intervenant dans les secteurs de l'énergie, de protection des consommateurs vulnérables, de cohésion sociale et territoriale ou encore de sécurité des approvisionnements.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement tend à consacrer le principe de subsidiarité, en précisant que les États conservent leur capacité de fixer des obligations de service public et des tarifs réglementés.
Si l'article 16 du traité établit une responsabilité commune de la Communauté européenne et des États membres pour veiller au bon fonctionnement des services d'intérêt économique général sur la base de principes, tous doivent rester dans les limites de leurs compétences respectives, dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions.
L'appel lancé en septembre par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, pour le respect du principe de subsidiarité apparaît bien tardif, alors que la Cour de justice des Communautés européennes s'en est déjà largement affranchie à l'occasion de nombreux arrêts qui remettent en cause, pêle-mêle, régies, concessions et sociétés d'économie mixte.
Devant le Parlement européen, José Manuel Barroso a réaffirmé quelques grands principes qui sont désormais à considérer comme acquis. En particulier, il a insisté sur le fait que chaque État membre a le droit, au titre de la subsidiarité, d'organiser les services d'intérêt général selon ses traditions, son histoire et la mentalité de sa population.
Cela couvre notamment le degré d'autonomie des entités régionales et locales, qui jouent dans plusieurs pays un rôle essentiel, mais nous estimons qu'il faut davantage de garanties pour assurer le respect de l'autonomie des autorités locales dans l'organisation des services publics, mise à mal par des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, tel l'arrêt Coname.
C'est justement pour préciser la notion de subsidiarité au regard des principes généraux des traités et du droit européen que nous avons besoin d'un cadre juridique transversal, sans préjudice des directives sectorielles sur les services d'intérêt économique général en réseau.
L'adoption d'une directive-cadre consacrée aux services d'intérêt général sécuriserait la subsidiarité et son exercice par les collectivités locales. Les socialistes proposent non pas d'organiser un camp retranché autour de monopoles nationaux, comme veulent caricaturalement le faire accroire certains, mais simplement d'assurer le respect du principe de libre administration des collectivités locales élues.
La Commission européenne a franchi des étapes encourageantes ces derniers mois, notamment dans sa décision du 28 novembre 2005 sur les compensations de service public, laquelle exempte du régime contraignant des aides d'État de très nombreux services publics locaux et régionaux ainsi que l'hôpital public et le logement social, mais ces avancées restent insuffisantes.
Nous souhaitons qu'une directive-cadre indique qu'est laissé aux autorités compétentes des États membres le soin de définir ce qu'ils considèrent comme des services d'intérêt économique général et leur donne un large pouvoir d'appréciation pour les organiser, les réglementer et les financer. Le régime applicable à ces services ne doit toutefois pas affecter les échanges entre États membres et être contraire à l'intérêt communautaire.
Une fois de plus, l'élaboration d'une directive-cadre paraît essentielle.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 608.
M. Jean Desessard. Il se trouve, monsieur le président, que mon amendement est le même que celui qui a été excellemment défendu par mon collègue Roland Courteau, dont je fais mien l'argumentaire. Je vous invite, mes chers collègues, à voter ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, je vous invite, moi, à ne pas voter ces amendements dont je souhaiterais le retrait.
D'une part, les directives européennes laissent place à certaines obligations spécifiques des services publics.
D'autre part, rien n'interdit que la loi française complète les directives sur ce point. C'est ce que font déjà de nombreuses dispositions, qu'il s'agisse du tarif social, de la qualité de la distribution d'électricité ou du développement des réseaux.
S'agissant plus particulièrement d'un point sur lesquels les amendements insistent, à savoir la protection du consommateur, je renvoie à l'article 13 du projet de loi, article que nous allons examiner un peu plus tard et qui contient un dispositif tellement précis en la matière que, pour une fois, c'est non pas le Parlement mais le Gouvernement qui s'est laissé entraîner à légiférer dans un domaine qui, à mes yeux, est quasi réglementaire.
Quoi qu'il en soit, pour ce qui est de la défense du consommateur, de sa protection et de l'information qu'il faut lui fournir, l'article 13 va donc très loin et recouvre au moins un des aspects qu'ont à coeur les auteurs des amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 101 et 608.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 102, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Toute évolution du service public de l'énergie se fait en concertation avec les personnels.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 102.
M. Roland Courteau. Récemment, devant le Conseil économique et social, le Président de la République a prononcé un discours qui, je l'espère, sera suivi d'effet !
Il y déclarait notamment : « Aujourd'hui, il faut franchir une étape décisive : placer les partenaires sociaux au coeur de l'élaboration des normes et des réformes sociales.
« C'est un choix de société. C'est indispensable pour poursuivre la modernisation de notre pacte social. »
Il ajoutait : « Et aucun projet de loi ne sera présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur son contenu. »
Ces déclarations viennent bien tardivement ! C'est dommage, car, si ces préconisations avaient été formulées plus tôt, peut-être le Gouvernement aurait-il pris conscience qu'une très large majorité de nos concitoyens et des personnels concernés est opposée à ce projet de loi dangereux.
Cet amendement vise à réaffirmer le principe qui a fait le succès d'EDF et de GDF, et qui constitue une originalité de la filière énergétique nationale, principe selon lequel les évolutions du service public de l'énergie se font en concertation avec les personnels.
Ce principe a été inscrit dans la loi à la Libération et il ne devrait pas faire débat !
En la matière, il ne s'agit nullement de remettre en cause les prérogatives du Parlement, mais de recueillir le sentiment des personnels préalablement à toute modification du service public de l'énergie.
Cette logique de concertation est au centre de la vie et du développement de toute entreprise, notamment lorsqu'il s'agit des services publics.
Concernant le contrat de travail, cette approche avait en son temps été défendue et promue par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre. Il l'avait fait inscrire dans la loi. Cependant, son successeur, le promoteur du CPE, s'en est très vite affranchi.
Il reste que, dans le cas de Gaz de France, l'apport des personnels à l'évolution technique, stratégique et de développement a toujours constitué une plus-value remarquable.
C'est très certainement la raison pour laquelle, à l'occasion de l'ouverture du capital, une concertation avait été effectuée et que, par la suite, le ministre de l'époque, M. Sarkozy, avait écrit aux responsables salariés que la participation de l'État ne descendrait pas en dessous du seuil de 70 %.
Cet esprit de concertation, les gaziers y sont attachés. J'en veux pour preuve le récent référendum qui a mobilisé 60 % d'entre eux en une seule journée et à l'occasion duquel 95 % des votants avaient émis un avis hostile à la privatisation.
Malheureusement pour ce texte périlleux, aucune concertation n'a eu lieu.
Pour autant, sachez que ce personnel, que l'on a parfois tendance à oublier et à considérer comme une simple variable économique parmi tant d'autres, est inquiet.
Croyez-vous que les salariés actionnaires voient d'un bon oeil Suez faire main basse sur le fruit de leur travail afin de mieux pouvoir partager sa dette de 16 milliards d'euros ?
Quant aux simples salariés, comment pourriez-vous imaginer qu'ils ne sont pas inquiets des répercussions sociales de cette fusion ?
Considérez-vous que les personnels de GDF sont assez irresponsables pour ne pas se poser de questions sur les conditions dans lesquelles se dérouleront les opérations de démantèlement, d'entretien ou de maintenance des centrales nucléaires quand la seule logique qui prévaudra sera celle du moindre coût et de la rentabilité maximale ?
De même, si vous aviez mené cette concertation, vous vous seriez rendu compte que cette fusion dont vous ne cessez de vanter les mérites ne constituait pas une entité industrielle cohérente.
Il n'y a pas eu de réelle concertation, vous le savez bien, puisque les projets de remplacement que proposaient les formations syndicales n'ont été rendus publics à aucun moment. En effet, les auditions à l'Assemblée nationale se sont parfois tenues à huis clos !
Bref, parce que nous avons une autre conception du dialogue social, mais également de la démocratie en entreprise, conception qui ne se satisfait pas de mots, nous entendons que les personnels de services publics soient effectivement consultés à chaque évolution.
M. le président. L'amendement n° 609, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Toute évolution du service public de l'énergie se fait en concertation avec les personnels, les représentants des usagers et les associations de défense de l'environnement.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Comme vous l'avez noté, monsieur le président, il se trouve que l'amendement n° 609 n'est pas identique à l'amendement n° 102, même s'il en est proche, ...
M. Charles Pasqua. Que s'est-il passé ? Une brouille ? (Sourires.)
M. Jean Desessard. ... et je félicite le service de la séance de sa vigilance : il a bien repéré que, parmi une liasse de couples d'amendements identiques, il en était certains qui ne l'étaient pas tout à fait.
En quoi cet amendement introduit-il une petite nuance par rapport à l'amendement n° 102, très bien défendu par mon collègue Roland Courteau ? Cette nuance ne porte pas sur la nécessité de la concertation ni sur le rôle des salariés dans cette dernière ! Évidemment, de ce côté-ci de l'hémicycle, nous sommes d'accord sur ce point, et nous allons voir dans quelques instants si nous sommes d'accord dans tout l'hémicycle !
La nuance porte sur la consultation des représentants des usagers et des associations de défense de l'environnement. En effet, les sénatrices et le sénateur verts considèrent que, aujourd'hui, ces représentants et associations doivent prendre part à la concertation sur l'évolution du service public de l'énergie, qu'ils doivent exprimer également leurs souhaits, tant ce sujet est crucial.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 102 ne précise pas de quels personnels il s'agit.
Cette observation de forme n'est pas un appel à une rectification, car, de toute façon, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allons bon, vous n'êtes pas favorable à la concertation ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cette concertation a eu lieu, je veux le rappeler !
La définition des missions de service public s'opère par la loi. Or, chaque fois qu'un texte relatif au secteur de l'énergie a été soumis au législateur, les rapporteurs, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, et toutes tendances politiques confondues, ont eu à coeur d'auditionner toutes les organisations syndicales.
Bien entendu, je me suis moi-même livré à cet exercice, considérant que c'était mon rôle normal, et je pense avoir tenu compte de leurs avis dans l'élaboration de mon rapport comme dans la rédaction d'un certain nombre d'amendements.
En tout était de cause, je laisse au Gouvernement le soin de préciser l'importance que revêt à nos yeux la concertation tant il est vrai que ce dernier a fait à cet égard beaucoup plus que la commission, car il a entrepris ce travail de concertation bien plus en amont.
M. Jean Desessard. Le personnel, ce n'est pas le directeur de l'entreprise !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 609, il introduit effectivement une petite nuance, qui n'a nullement échappé à la commission.
Monsieur Desessard, lors de ses auditions, la commission a également reçu les associations de consommateurs.
En revanche, mea culpa, nous n'avons reçu aucune association de défense de l'environnement. Mais il est vrai qu'elles ne sont pas vraiment concernées par le texte et que je n'ai reçu de leur part aucune demande !
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Comme l'a dit M. Courteau, le Président de la République a rappelé dernièrement devant le Conseil économique et social qu'il ne fallait pas légiférer en matière sociale sans avoir au préalable instauré le dialogue social indispensable.
Nous avons mis en application ce principe lors de la préparation de ce texte.
Dès l'annonce de l'intérêt de l'État pour la fusion entre Gaz de France et Suez, Thierry Breton et moi-même avons rencontré toutes les organisations syndicales des deux entreprises.
Nous avons réalisé un travail approfondi puisque nous avons d'abord délimité le champ de toutes les questions qui se posaient. Nous sommes arrivés, si mes souvenirs sont exacts, à soixante-dix-sept questions, auxquelles nous avons d'abord apporté des réponses écrites et sur lesquelles nous avons ensuite eu des échanges avec chaque organisation syndicale.
Cet exercice a été particulièrement ample dans sa durée, mais aussi par l'importance des réflexions qu'il a fait naître chez les uns et chez les autres. Le dialogue a été donc été tout à fait riche.
C'est de cette façon-là que nous devons travailler, car nous avons tous à y gagner.
Cela dit, le fait d'inscrire ce principe dans ce texte de loi n'apporte rien, ...
Mme Nicole Bricq. Ne pas l'inscrire enlève tout !
M. François Loos, ministre délégué. ...d'autant que la formulation que vous avez retenue, monsieur Courteau, apparaît comme beaucoup trop vague.
En ce qui concerne l'amendement n° 609, je tiens à dire que les associations de défense de l'environnement et les représentants des usagers, dans la mesure où ils siègent au travers du Conseil supérieur de l'énergie ont, eux aussi, par ce biais, été consultés lors de la préparation de ce texte ; ils y ont réfléchi au mois de juin ou de juillet, c'est-à-dire à un moment où la rédaction du projet de loi allait de pair avec la consultation du Conseil supérieur de l'énergie, laquelle a effectivement permis de préciser un certain nombre d'aspects du projet de loi.
Là encore, effectivement, cette méthode de concertation approfondie, réelle et sincère a été très utile.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 102.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voterons bien entendu en faveur de ces deux amendements.
Je dois dire, monsieur le ministre, que votre réponse nous conforte dans cette position. On voit bien qu'il y a nécessité d'organiser la concertation avec les personnels et, éventuellement, avec les associations de défense de l'environnement et les représentants des usagers.
Dans la mesure où le Président de la République a fait un grand discours en faveur du dialogue social, vous ne pouvez évidemment pas vous prononcer contre le dialogue social !
Pourtant, lorsque vous nous parlez de dialogue social, lorsque vous nous dites que vous avez consulté les organisations syndicales et tutti quanti, nous mesurons le décalage total qui existe entre ce que vous appelez et ce que nous appelons le dialogue social. Pour nous, le dialogue social est un dialogue qui donnerait de réels moyens d'intervention et du pouvoir aux représentants des salariés, des associations, des usagers !
Par ailleurs, je rappelle que 94 % des salariés sont résolument contre votre projet. Or cela ne ressort absolument pas au terme de votre concertation !
Ces amendements sont donc des amendements d'appel à l'organisation d'une authentique concertation, dans des conditions qui seraient précisées par la loi ou par décret, pour chaque changement de statut des entreprises publiques.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 609.
M. Jean Desessard. J'avais cru comprendre que M. le ministre considérait la concertation du mois de juillet comme positive et que, après avoir entendu plusieurs associations de défense de l'environnement, d'associations de défense des usagers, cela avait induit un certain nombre de modifications dans le texte.
Je me demande donc pourquoi M. le ministre refuserait cet apport positif pour l'avenir. Si certaines des missions de service public qu'envisage ce texte peuvent, dans le futur, être améliorées par la concertation, pourquoi s'en priver ?
Si, comme je crois l'avoir compris, M. le ministre s'est félicité de la concertation qui a eu lieu avec les associations de défense de l'environnement et les associations d'usagers au mois de juillet 2006, pourquoi n'en irait-il pas de même en juillet 2007, en août 2008 ou en septembre 2009, etc. ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 103 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud- Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 610 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene- Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er janvier 2007, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les mesures prises pour éviter et faire face aux ruptures de fournitures d'électricité.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour défendre l'amendement n° 103.
M. Daniel Reiner. Cet amendement ne cède en rien au syndrome de la « rapportmania » qu'évoquait notre rapporteur tout à l'heure. En effet, le rapport que nous demandons au Gouvernement de transmettre au Parlement n'est pas annuel : c'est un rapport unique qui devra être rendu avant le 1er janvier 2007 afin que nous puissions connaître les mesures prises pour éviter les ruptures de fourniture d'électricité, ou, à défaut, y faire face.
Cela n'a rien d'anodin puisque la fourniture d'électricité relève du service public et que l'un des principes de celui-ci est la continuité. Dès lors, toute rupture pose des problèmes graves et je voudrais attirer l'attention de nos collègues sur le fait que des cas de rupture quasi historiques se sont produits dans des systèmes qui viennent d'être libéralisés ; je pense à la crise californienne et, d'une manière générale, aux secteurs déréglementés aux États-Unis. D'ailleurs, un certain nombre d'États de ce pays ont refusé de déréglementer compte tenu des résultats assez catastrophiques auxquels a conduit la dérégulation du secteur de l'énergie dans d'autres États.
Nous avons nous-mêmes connu des crises énergétiques graves, ou tout au moins nous avons failli en connaître. C'est ainsi que, au mois d'août 2003, nous avons été à deux doigts de manquer d'électricité et je me souviens qu'à l'époque EDF avait dû aller sur le marché acheter des kilowattheures à un prix qui défiait toute raison. Cela prouve, s'il en était besoin, que le risque existe bel et bien.
L'État a sans doute pris conscience de ce risque, mais ce que nous demandons, c'est que, avant une modification fondamentale du secteur de l'énergie, en particulier par la privatisation de certaines de ses entreprises, un point soit fait sur la question de la sécurité et de la continuité, et cela sur deux plans.
Le premier plan est celui de l'interconnexion des réseaux. Ce serait une occasion opportune de présenter le plan européen en la matière, la sécurité des uns dépendant naturellement de celle des autres.
Le second plan est le plan local. En effet, notre amendement est aussi un amendement de précaution, car il peut arriver qu'il y ait rupture dans la continuité. Or, dans ce cas, personne ne sait exactement ce qui se passe. Sans doute la protection civile dispose-t-elle de certains plans, même si ce n'est pas toujours clair, mais, à l'échelon national, nous n'en avons pas connaissance.
Je prendrai un exemple éclairant pour l'ensemble de mes collègues. En 1999, la Lorraine, dont je suis un élu, a connu une terrible tempête qui a mis à bas un nombre considérable de pylônes électriques. Je puis vous garantir qu'il n'a pas été simple de rétablir l'électricité ! EDF a fait le maximum en la circonstance et, si nous avons tous salué à la fois le dévouement et la performance des employés de l'entreprise, il n'en demeure pas moins que nombre de quartiers ou de villages, sans oublier beaucoup de petites entreprises, sont restés pendant cinq ou six jours sans électricité.
Il ne serait donc pas inutile, me semble-t-il, que dans un texte à portée nationale, soient recensées toutes les initiatives locales - départementales en l'occurrence, puisque cela relève du préfet -, afin de connaître les dispositifs existants en cas de rupture de continuité. Où sont les groupes électrogènes et comment les mobilise-t-on ? Dans quelle mesure peut-on faire appel à l'armée ?
Étant maire à l'époque dont je parle, je n'ai pas eu le sentiment que toutes les précautions avaient été prises et nous avons dû beaucoup improviser. Je croyais que cela avait servi de leçon, mais je ne suis pas sûr qu'il en soit ainsi !
Tel est l'esprit de ce rapport que nous souhaitons et qui pourrait d'ailleurs prendre la forme d'une communication à l'occasion de l'examen du budget de l'énergie dans la loi de finances, rapport dont l'objet serait de nous faire savoir comment on fait en sorte que le service public d'électricité sera continu.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour défendre l'amendement n° 610.
M. Jean Desessard. Cet amendement étant identique à celui que vient de présenter mon collègue Daniel Reiner, j'estime qu'il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Chers collègues Reiner et Dessessard, la demande que vous formulez est parfaitement justifiée.
Cela étant dit, sincèrement, il me semble que nous avons déjà à notre disposition un instrument très précis et très pertinent. Dès lors, je crois vraiment que le rapport que vous souhaitez n'est pas nécessaire.
Cet instrument, qui est un document public, n'est autre que ce que l'on appelle le « bilan prévisionnel de l'équilibre offre/demande », réactualisé chaque année par RTE. Or que fait ce dernier sinon s'occuper, non pas exclusivement mais avant tout, des problèmes que vous avez évoqués, à savoir les pics ou les insuffisances concernant le réseau.
Il ne s'agit donc en aucune manière d'un bilan annuel rédigé en langue de bois, mais bien d'un instrument tout à fait objectif.
Je mentionnerai à cet égard le dernier bilan prévisionnel de l'équilibre offre/demande qui a notamment été transmis au ministre, mais auquel nous avons accès les uns et les autres, puisqu'il est public. Pour ce faire, je vous renvoie à la page 18 de mon rapport écrit. Selon RTE, « des besoins de production supplémentaires seront nécessaires pour un automne 2009, pour un niveau évalué à 800 mégawatts ; à partir de 2010, les besoins indispensables pour maintenir la sécurité de l'approvisionnement seront de 1 000 à 1 200 mégawatts supplémentaires par an. »
Ce bilan, après avoir analysé des zones géographiques qui connaissent des insuffisances et où les pointes de consommation posent de graves problèmes, permet d'alerter les autorités compétentes et de les inciter à consentir les investissements nécessaires là où la situation l'exige.
Par conséquent, nous disposons véritablement d'un instrument qui, certes, est peut-être plus technique que celui qui est souhaité à travers ces deux amendements, mais se révèle fort utile et répond aux préoccupations de leurs auteurs.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, messieurs Reiner et Desessard, de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je tiens à remercier M. le rapporteur d'avoir évoqué le bilan prévisionnel de l'équilibre offre/demande réalisé par RTE.
À partir de ce document, le ministère de l'industrie a pu établir la programmation pluriannuelle des investissements, que j'ai d'ailleurs transmise au Parlement et dont le Sénat a dû recevoir une dizaine d'exemplaires. Par la suite, j'ai pris un arrêté relatif à cette programmation pluriannuelle des investissements, qui a été publié le 7 juillet 2006. Grâce à cet arrêté, j'ai pu déclencher des appels à projets pour les quantités d'énergie électrique de tel ou tel type de production qui se révélerait insuffisant au niveau national ou en tel ou tel point de notre territoire.
C'est donc à partir de là que sont déclenchés les appels à projets pour les biomasses, pour l'éolien en mer, etc., et que l'on peut agir concrètement pour mettre en place les investissements nécessaires afin de faire face à tout risque de rupture existant au vu des différents scénarios analysés.
Aussi, monsieur Reiner, puisque vous souhaitez voir cette information portée à votre connaissance, je vous transmets volontiers l'exemplaire que j'ai sous les yeux, quitte à ce que vous me le prêtiez par la suite si, d'aventure, j'en avais besoin au cours de la soirée. (M. le ministre fait parvenir le document à M. Daniel Reiner.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J'ai eu l'occasion, hier soir, de voir le film d'Al Gore intitulé Une vérité qui dérange. Nombreux étaient les sénateurs socialistes, communistes, UMP, UDF, ainsi que des députés UMP, UDF, radicaux, communistes, socialistes et écologistes, à assister à cette projection, et je tiens à remercier M. le président de l'Assemblée nationale de l'avoir organisée en présence de l'ancien vice-président américain.
Or que nous a dit ce dernier ? Que le réchauffement climatique était inexorable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Grave !
M. Jean Desessard. Cela ne signifie pas que l'on aura plus chaud dans quelques années ; cela veut dire tout simplement que la planète est en danger si l'on ne change pas notre façon de consommer et de produire. J'invite ceux qui n'ont pas vu le film à le voir ; nous pourrons ensuite, j'en suis persuadé, discuter ensemble des problèmes d'énergie d'une autre façon !
Pour en revenir à ce que vient de nous dire M. le rapporteur, je lis le dernier alinéa de la page 18 du rapport de la commission des affaires économiques : « Si les leçons de la panne de 1978 ont été tirées, ainsi qu'en témoigne la résistance du réseau français à la tempête de l'hiver 1999, la France ne peut compter sur son propre parc de production pour franchir les pics de consommation. Même si les centrales nucléaires françaises fournissent de l'électricité en niveau suffisant pour la consommation ?de base?, nos moyens de production en pointe sont, quant à eux, insuffisants pour satisfaire la demande en cas de grand froid ou de canicule. La chute des températures cet hiver a entraîné, le 27 janvier 2006, un nouveau record de consommation, le neuvième depuis la création de RTE en 2001. En effet, une baisse d'un degré provoque une hausse de la consommation de 1 450 mégawattheures, soit l'équivalent de la demande d'une agglomération comme Lyon. »
Autant je suis d'accord avec ce paragraphe, autant les trois premières lignes de la page suivante me posent un problème : « En conséquence, pour écarter tout risque de rupture de l'équilibre du système électrique, comme celui qui a frappé l'Italie le 28 septembre 2003, il est indispensable d'augmenter les capacités d'investissements. »
Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'EPR, mon cher collègue !
M. Jean Desessard. Je dois avoir mal entendu !
Je reconnais, monsieur le rapporteur, que vous vous êtes livré à une analyse tout à fait fine de la situation. Toutefois, compte tenu du réchauffement climatique, nous connaîtrons de plus en plus de problèmes de canicule en été et de grand froid en hiver ; en d'autres termes, nous allons devoir faire face à des turbulences climatiques importantes, et nous serons toujours en décalage par rapport aux besoins, car nous n'arriverons jamais à répondre aux pics de consommation.
Pour parer à ce problème, on nous propose de créer des investissements surdimensionnés pour seulement cinq ou dix jours par an ! Ne ferait-on pas mieux de se poser la question de savoir comment réduire ces pics de consommation pour ne pas avoir à réaliser de gros investissements sur une durée si courte ?
La réponse apportée par le Gouvernement est donc pour le moins inadéquate. En effet, alors que vont se poser de plus en plus de problèmes dus au réchauffement climatique, au lieu de lutter contre ce phénomène, on tente de s'y adapter en mettant en place des équipements de plus en plus lourds, qui ne fonctionneront que dix jours par an ! Il s'agit là, ni plus ni moins, de gaspillage. N'y a-t-il donc pas d'autre façon de raisonner ?
Selon nous, l'intérêt d'un rapport ne consiste pas simplement à souligner que des problèmes se sont posés lors de la canicule tel été ou parce qu'il a fait froid tel hiver, autant de phénomènes qui ont entraîné des pics de consommation. Il nous faut désormais pouvoir disposer de rapports prospectifs sur les dix ou vingt années à venir pour savoir quelles vont être les incidences climatiques du réchauffement de notre planète. Tels sont les rapports dont nous avons aujourd'hui besoin.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 103 et 610.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I - Électricité de France et Gaz de France sont fusionnés au sein d'une holding dénommée « Énergie de France » qui bénéficie du statut d'établissement public industriel et commercial.
L'ensemble des biens, droits et obligations, contrats et autorisations de toute nature de ces entreprises est attribué de plein droit à « Énergie de France ».
II - Ce pôle public de l'énergie concentre l'ensemble des moyens des deux entreprises non transférées aux filiales. Elle est l'employeur de l'ensemble des agents des deux entreprises publiques, ce qui leur garantit le maintien général du statut des industries électriques et gazières (IEG). Elle assure le pilotage stratégique et opérationnel du groupe.
Le pôle public est composé, d'une part, des gestionnaires de réseaux dont le capital est à 100 % public :
- les deux gestionnaires des réseaux de transport électricité (RTE) et gaz : exploitation et maintenance du réseau public, sûreté de fonctionnement, ajustement à la consommation, accès équitable à tous les fournisseurs ;
- les deux gestionnaires des réseaux de distribution électricité et gaz : gestion des actifs en concession, relation avec l'autorité de régulation ;
- le service commun aux deux précédents (EDF GDF Distribution) : exploitation et maintenance des réseaux, construction et entretien des ouvrages, relation quotidienne avec les clients.
D'autre part, le pôle public regroupe les activités de production-commercialisation d'électricité et la filiale d'approvisionnement et de commercialisation du gaz, ainsi que notamment la filiale internationale qui regroupe les moyens nécessaires aux partenariats à l'étranger. La société mère détient 100 % du capital de la première et au moins la majorité du capital de la seconde.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement a pour objet de créer un pôle public de l'énergie, sous la forme d'une holding regroupant les différentes activités de Gaz de France et d'EDF en un seul établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé « Énergie de France ».
En effet, le développement d'un projet industriel cohérent passe nécessairement, selon nous, par le rapprochement de ces deux entreprises au sein d'un EPIC, notamment pour permettre à la France de faire face aux enjeux énergétiques, environnementaux, et de service public de demain.
Pour les pouvoirs publics, il s'agit du seul moyen d'assurer la mise en oeuvre de la politique énergétique définie par le Parlement. Au contraire, le morcellement des activités énergétiques, le démantèlement des services publics, tel qu'il est prévu dans le présent projet de loi, serait contraire à l'intérêt général.
Monsieur le ministre, comme je le soulignais lors de la discussion générale, compte tenu du périmètre que vous proposez pour la nouvelle entité, GDF jouera les « chevaliers blancs » au profit de Suez et le futur groupe sera le cheval de Troie qui fragilisera EDF. Tout ce montage ne sert qu'à faire passer l'intérêt des actionnaires avant celui de la collectivité !
Électricité de France et Gaz de France, regroupés au sein d'un même EPIC, ont donc, plus que jamais, vocation à exercer, dans le respect de l'intérêt général, les missions essentielles du service public de ce secteur, à savoir l'égalité des territoires et des citoyens dans l'accès à l'énergie, la sécurité d'approvisionnement, l'indépendance énergétique, le maintien d'un haut niveau de sûreté, notamment dans le domaine nucléaire, la lutte contre l'effet de serre, la maîtrise des technologies d'avenir et aussi celle de la demande.
Au contraire, votre projet de fusion entre Suez et GDF, n'est pas sous-tendu par un authentique projet industriel. Il ne signifierait pas un vrai changement d'échelle pour GDF, qui constitue déjà l'une des plus importantes compagnies gazières du monde et l'une des mieux intégrées de l'amont vers l'aval.
Dans ce secteur, Suez est trois fois plus petit, et même quatre fois plus petit si l'on fait abstraction du gaz destiné à la production d'électricité. Cette entreprise est un distributeur important en Belgique, mais marginal en France.
La fusion avec Suez n'apportera aucune réponse au problème de GDF, qui n'est pas le manque d'argent, mais le défaut de projets industriels, notamment dans le domaine de l'exploration-production gazière.
Par ailleurs, l'autoproduction ne représente encore que 10 % du gaz vendu par GDF. À cet égard, votre projet ne crée aucune synergie, car Suez n'a jamais investi dans l'amont gazier, en vue d'un accès plus large aux gisements.
Dans votre projet, la logique financière prime sur la logique industrielle. En réalité, la fusion entre Suez et GDF est surtout une opération financière, conçue pour permettre à Suez d'alléger le poids de sa dette en absorbant les marges financières de GDF, qui proviennent de résultats financiers élevés et en forte croissance, ainsi que d'un endettement faible. De là votre proposition de holding.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'ai déjà évoqué cette question maintes fois, notamment au cours de la discussion générale, et je n'ai pas été le seul ! Les ministres aussi se sont exprimés sur ce sujet, de même qu'un grand nombre d'entre vous.
Disons-le franchement, nous ne sommes pas d'accord, c'est tout ! Vous pensez que la fusion de Gaz de France avec EDF est possible ; nous sommes convaincus du contraire ! Je crois que vous commettez une erreur et risqueriez de démanteler nos deux opérateurs historiques car, vous le savez bien, il faudrait abandonner un grand nombre d'actifs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, cela ne tient pas !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'insisterai seulement sur un élément : vous affirmez, chers collègues de l'opposition - j'ai entendu cet argument au moins cinq ou six fois - que le cas d'EDF et de GDF n'a rien à voir avec celui d'Électricité du Portugal et de Gaz du Portugal.
Or c'est tout le contraire ! Ce n'est pas la dimension des entreprises des deux pays qui est en cause ; j'en conviens, sur ce plan, les groupes français et portugais n'ont rien à voir. En revanche, ils sont similaires, et la réponse de Bruxelles sera donc identique, par la situation de monopole qu'ils exercent sur leurs territoires nationaux respectifs.
Vous le savez, mes chers collègues, dès lors qu'il y a accentuation d'une position monopolistique, les contraintes fixées par Bruxelles sont encore plus fortes.
Mme Bariza Khiari. Vous ne l'avez pas demandé à Bruxelles !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cela dit, comme cette proposition fera partie de votre programme lors des échéances électorales à venir, vous vous y tenez, c'est clair, et vous y préparez l'opinion publique.
Nous ne nous entendrons pas sur cette question. Notre désaccord est total, et la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je me suis déjà exprimé plusieurs fois sur ce sujet, et je ne dispose pas de meilleurs arguments que ceux que M. le rapporteur vient d'avancer. Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
Il n'est pas bien, me semble-t-il, de faire croire aux Français qu'une fusion EDF-GDF est possible, car ce n'est pas vrai ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. Tant que nous n'avons pas essayé, nous n'en savons rien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Lors de la discussion générale, j'ai eu l'occasion d'évoquer cette solution de rechange proposée par nos collègues de gauche.
M. le rapporteur et M. le ministre ont parfaitement expliqué que cette opération était impossible.
M. Roland Courteau. Ils n'ont rien expliqué du tout !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je ne reprendrai pas cette démonstration. Je soulignerai pour ma part que cette opération ne serait pas bonne sur le plan industriel.
En effet, le véritable problème auquel nous sommes confrontés pour les vingt prochaines années est l'encerclement des pays européens par l'alliance entre Gazprom, d'une part, qui dispose de vastes réserves de gaz, et Sonatrach, d'autre part, qui exploite l'ensemble des gisements algériens.
Où se trouvent concentrées les autres poches de gaz dans le monde ? En partie en Norvège, dans la Mer du Nord, en Afrique, en Égypte et dans quelques autres régions.
M. Jean Desessard. Vous oubliez le Qatar !
M. Jean-Pierre Fourcade. J'ai entendu notre charmante collègue affirmer que Gaz de France était une entreprise intégrée de l'amont vers l'aval. Or, j'en suis navré, chère madame, il se trouve que, en l'occurrence, il n'existe plus d'amont parce qu'il y a plus de production sur le sol national !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Y en aura-t-il davantage avec Suez ?
M. Jean-Pierre Fourcade. Aucune intégration n'est donc possible. Aujourd'hui, l'important est de retrouver une capacité de production de gaz, ...
M. Roland Courteau. Ce n'est pas avec Suez que vous y parviendrez !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... qui s'ajoutera à la technologie et aux carnets de clientèle de Gaz de France, afin de créer un groupe capable de se défendre face à Gazprom et à Sonatrach.
Or, aujourd'hui, sur le marché, à part M. Pinault, qui formule des propositions et voudrait s'allier avec les Italiens - ce qui constitue une autre combinaison -, et à part Total, qui dispose quelques réserves de gaz dans son portefeuille mais qui, pour l'instant, ne joue que la carte pétrolière et ne souhaite pas se lancer dans la distribution du gaz, il ne reste que Suez, qui, comme Gaz de France, est intéressé par des terminaux de gaz liquide.
Il est totalement faux d'affirmer, comme je l'ai entendu, que la fusion proposée, ou plus exactement la réduction de la part de l'État dans le capital de Gaz de France afin de permettre à cette entreprise de conclure une alliance avec Suez, ne participe que d'une logique financière. En effet, c'est la seule solution industrielle dont dispose Gaz de France pour retrouver des capacités de réserve, ...
Mme Nicole Bricq. Il en existe déjà !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... assurer la sécurité de ses approvisionnements et peser sur le marché du gaz.
Mes chers collègues, il ne faut donc pas faire croire que la fusion avec EDF constitue une solution miraculeuse. En fait, elle n'est intéressante que si l'on adhère à votre conception du service public.
La solution industrielle consiste à associer à Gaz de France, qui ne dispose plus de gisements nationaux, une entreprise qui lui apportera des capacités de production en Europe ou en Afrique et qui, de ce fait, lui permettra de résister sur le marché gazier international. Il me paraît un peu bizarre que certains n'aient pas perçu cette vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous noyez dans vos arguments ! Vous faites de la brasse coulée !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce matin, dans un grand journal qui n'est pas réputé être favorable au Gouvernement, il y avait sur ce sujet un article tout à fait intéressant d'un chercheur, M. Noël. Il est bon qu'à droite et à gauche des gens partagent la même position.
M. Jean Desessard. Libération a été racheté ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Le rapprochement entre EDF et Gaz de France n'a aucun sens sur le plan industriel. En revanche, il n'en va pas de même d'une alliance entre Gaz de France et Suez, ou entre Gaz de France et Total - car cette solution aussi est envisageable. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
C'est pourquoi je voterai contre l'amendement n° 104.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je voudrais avancer un autre argument pour défendre l'amendement n° 104, en montrant que la création du pôle public répond, selon nous, à une véritable logique industrielle, contrairement à ce qu'affirme M. Fourcade.
Depuis 1946, et jusqu'à une date récente, EDF et GDF ont travaillé de façon coordonnée, notamment au sein de leurs services communs de distribution, forts de 58 000 agents, dont l'avenir est d'ailleurs aujourd'hui compromis par ce projet de loi. Durant de nombreuses années, les deux entreprises ont su proposer à leurs clients des offres duales, couplant la fourniture de gaz et d'électricité.
Le pôle public que nous préconisons préserverait l'avenir d'EDF, qui ne dispose pas d'autre perspective pour assurer son indispensable développement dans le secteur du gaz.
À l'inverse, le projet de fusion qu'envisage le Gouvernement et qui suscite l'enthousiasme de M. Fourcade fait totalement l'impasse sur le développement du groupe qui est aujourd'hui numéro 1 sur le marché européen de l'électricité, en le mettant en compétition, sur son marché domestique, avec un nouveau champion européen, constitué par la fusion de Suez et de GDF. Cela étant, en parlant de nouveau champion européen, j'exagère peut-être un peu, compte tenu des sessions d'actifs auxquelles devront se livrer GDF et Suez, et qui ont été annoncées dans la journée.
Le pôle public permettrait de concentrer les ressources financières des deux groupes sur la planification des investissements indispensables à l'accroissement des capacités de production, mais aussi sur les activités de transport, de distribution et de recherche, notamment dans le domaine des énergies renouvelables.
Il pourrait également sécuriser le développement de la filière nucléaire française, dont l'efficacité économique repose sur l'existence d'un opérateur public unique pour l'exploitation du parc de production le plus important du monde, soit 58 centrales et 19 sites.
Voilà un projet industriel digne de ce nom !
J'ajoute, mes chers collègues, que l'acceptation par les citoyens du nucléaire est liée au caractère public de cette filière, qui offre des garanties essentielles, notamment en termes de sécurité.
La fusion de Suez et GDF permettrait à une compagnie privée, qui ne se contente plus de droits de tirage sur des centrales existantes, comme celle du Tricastin, de s'introduire rapidement dans la filière nucléaire en France ; d'ailleurs, la revendication d'une participation à l'EPR témoigne de cette volonté.
Telles sont quelques-unes des raisons pour lesquelles nous proposons de fusionner EDF et GDF en un seul établissement public industriel et commercial dénommé « Énergie de France ».
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ferai quatre remarques pour appuyer l'amendement n° 104.
Premièrement, à partir du moment où le Gouvernement, en la personne du Premier ministre, a présenté le projet de fusion entre Suez et GDF, quels arguments ont été avancés durant plusieurs mois ? Des arguments essentiellement financiers : il s'agissait de s'opposer à la tentative supposée - on ne saura jamais si elle avait quelque réalité - de raid d'Énel sur Suez.
Il n'a jamais été question d'arguments de nature industrielle. C'était le fumeux concept de patriotisme économique qui était invoqué.
Deuxièmement, l'argumentation industrielle que vous avez développée, monsieur Fourcade, soulève des questions importantes, sur lesquelles, me semble-t-il, nous aurons l'occasion de revenir.
Si on l'examine avec attention, on s'aperçoit que la stratégie de Gaz de France depuis plusieurs années - c'était déjà la sienne du temps du gouvernement de Lionel Jospin -, consiste à se rapprocher progressivement des ressources, c'est-à-dire à s'intégrer vers l'amont, ce qui, du reste, réussit à l'entreprise.
Autrement dit, dans cette affaire, c'est GDF, et non par Suez, qui est porteur de la stratégie industrielle. La fusion n'apportera rien de plus en termes industriels, c'est-à-dire essentiellement en termes d'accès à la ressource et de transport, puisque la distribution relève du service.
Troisièmement, je vous signale que M. Gonnot, député de la majorité, a déposé une proposition de loi en 2003 qui vise précisément à créer une holding.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Nicole Bricq. Or, à ma connaissance, monsieur le rapporteur, il ne milite pas en faveur du projet socialiste ! Étayez donc un peu plus vos arguments pour répondre à nos amendements.
Quatrièmement, j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement sur les déclarations faites par Mme Neelie Kroes qui a annoncé, sans être démentie par M. Barroso, un nouveau paquet de directives dans lequel la séparation patrimoniale des entités dans le domaine de l'énergie sera, cette fois, exigée. Cette demande fera imploser ou exploser, comme vous préférez, votre prétendue solution miracle !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Je voudrais d'abord me réjouir que M. Fourcade ait pris la parole sur ce sujet, ...
M. Roland Courteau. Il a été le premier à intervenir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais il n'a pas été très convaincant !
M. Daniel Reiner. ... ce qui prouve que le débat n'est pas seulement limité à une conversation entre le rapporteur, le ministre et l'opposition. Il y a donc dans cette assemblée, sur les travées de la majorité, un certain nombre de collègues qui défendent ce projet ! Vu la manière dont le débat se déroule, je commençais à nourrir quelques doutes. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Permettez-moi d'ajouter deux arguments supplémentaires sur la viabilité du projet de pôle public de l'énergie, projet que nous soumettrons effectivement au peuple français.
Selon nous, ce projet garantira, beaucoup mieux que votre projet de privatisation de GDF, que la puissance publique restera dans la durée propriétaire des infrastructures d'approvisionnement, notamment en gaz.
Vous, vous prétendez que la fusion Suez-GDF garantira la sécurité énergétique de la France, alors que vous commencez par abandonner à un groupe privé l'ensemble des infrastructures lourdes que sont notamment des terminaux méthaniers, lesquels constituent effectivement un des points forts de Suez.
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous le reconnaissez !
M. Daniel Reiner. Oui, mais Gaz de France aussi a des terminaux méthaniers !
M. Jean-Pierre Fourcade. Avec Suez, ça double !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais non !
M. Daniel Reiner. Quoi qu'il en soit, avec votre projet, l'ensemble de ces terminaux deviendra privé.
Les infrastructures lourdes, ce sont également les capacités de stockage - dont la France est légitimement fière, et, là, c'est un point fort de GDF -, et les réseaux de transport et de distribution.
Une fois de plus, vous allez nous opposer le dispositif de l'action spécifique, mais il est bien fragile.
Ainsi, le commissaire européen Mac Greevy estime que l'actuel projet n'est pas de nature à contrevenir aux règles de l'Union européenne, mais il émet néanmoins tellement de réserves que nous ne pouvons qu'avoir des doutes ! Je le cite : « Ma conviction profonde est que les droits spéciaux, que les gouvernements s'attribuent afin de contrôler les entreprises privées, créent des obstacles aux investissements directs visant à influencer la gestion de ces entreprises, et sont contraires... » - le mot est tout de même très fort - « ...au marché unique ».
Neelie Kroes, de son côté, anticipe ce que pourrait être l'avenir et prépare un nouveau paquet de directives. Nous le savons bien, la Commission européenne est fondamentalement libérale.
J'ajoute que, dans la loi du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations, l'État s'est arrogé le droit d'avoir un poids particulier qui dépasse sa part dans le capital. La loi précise que « hormis les cas où l'indépendance nationale est en cause, l'action spécifique peut à tout moment être définitivement transformée en action ordinaire par décret ». On pourrait donc perdre le bénéfice de l'action spécifique très rapidement, sans qu'il soit d'ailleurs nécessaire de repasser devant le Parlement.
Comment, dans ces conditions, ne pas douter de l'efficacité de tels outils.
Dans le cadre du pôle public que nous souhaitons, la position de Gaz de France sera confortée, et il pourra continuer en tant qu'entreprise publique, grâce à sa proximité avec l'État, à négocier avec les pays producteurs des contrats d'approvisionnement de long terme, dans des conditions plus stables et plus avantageuses.
Nous sommes convaincus que la privatisation de GDF, dans le cadre de la fusion avec Suez, conduira à privilégier à terme l'approvisionnement sur le marché spot, en dépit du contrat actuellement signé, mais limité dans le temps. On entrera à un moment ou à un autre - l'exemple américain le prouve - dans un marché spéculatif sur le gaz, ce qui est extrêmement dangereux pour la stabilité des prix.
Je voudrais ajouter un dernier élément, qui reprend un de vos arguments : avec ce pôle public, il ne s'agit pas de constituer une « forteresse » nationale. L'interconnexion du réseau européen est absolument nécessaire : il faut certes créer un pôle européen de l'énergie face aux pays producteurs qui eux-mêmes s'organisent. Gazprom, c'est la Russie ; Sonatrach, c'est l'Algérie... Les États sont derrière ces entreprises.
La vocation de notre pôle public n'est pas de se comporter en prédateur sur d'autres marchés nationaux, mais d'être le vecteur d'une nouvelle politique européenne active de l'énergie, qui ne se limite pas seulement à des directives et qui ne passe pas nécessairement par la concurrence entre les divers opérateurs.
Dans quels domaines le pôle public peut-il jouer un rôle moteur ? Les capacités de production d'électricité, les contrats d'approvisionnement en gaz, les programmes de recherche - ô combien importants -, les actions de diversification des sources d'énergie - cela satisfera notre collègue Desessard - et les efforts de maîtrise de la consommation.
M. Jean Desessard. Je suis d'accord !
M. Daniel Reiner. À la veille du nouveau paquet énergétique, c'est la solution qu'il faut imposer. Un pôle public de l'énergie puissant, contrairement à votre projet de fusion, peut être porteur de cette idée-force. Il ne s'agit pas de se recroqueviller : le pôle public a un rôle évident à jouer en Europe, où il sera écouté très largement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Sur ce texte, des questions de fond nous séparent effectivement, monsieur le rapporteur.
L'actualité de la journée nous a montré que même le ministre délégué ne savait pas ce qui allait se passer aujourd'hui à GDF. Et quand on voit que le conseil d'administration de GDF prend des décisions dans le dos d'un certain nombre de partenaires, et notamment du Parlement, il y a tout de même de quoi s'inquiéter !
Qu'en sera-t-il demain avec une entreprise complètement privatisée ? Le pouvoir ne sera plus à Paris, mais ailleurs. Et nous n'aurons plus l'occasion de débattre de cette question fondamentale qu'est l'énergie.
L'une des nombreuses contradictions de votre projet de fusion réside dans l'abandon de la maîtrise publique de GDF au moment où flambent les prix de l'énergie, notamment du gaz, et alors que ce projet de loi prévoit l'ouverture à la concurrence pour les ménages au ler juillet 2007.
Or rien ne garantit que le maintien des tarifs réglementés pourra être durable, et certainement pas le texte que nous examinons, qui entérine, sans garde-fous, l'ouverture à la concurrence pour les ménages.
Au contraire, ces tarifs restent contestés par la Commission européenne, qui considère, dans sa lettre de griefs, qu'ils constituent un obstacle à la concurrence. Je vous en cite un extrait : « la Commission considère que les prix réglementés en vigueur se caractérisent par un niveau inférieur au prix du marché et qu'ils empêchent de ce fait l'entrée des concurrents sur le marché ». Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie ?
Nous pensons, nous, que la régulation des tarifs est un élément nodal de la politique énergétique, de la politique de régulation du secteur énergétique.
La maîtrise de la variable des prix est en effet déterminante, que ce soit sur le plan industriel, en matière de politique sociale et de péréquation territoriale, ou encore en matière de développement durable et de respect des normes environnementales.
Tous les acteurs du secteur s'accordent à dire que leur maintien ne devra être que transitoire et que les tarifs du gaz et de l'électricité devront être alignés sur les prix du marché, aujourd'hui beaucoup plus élevés. À court ou moyen terme, la nouvelle entité privée Suez-GDF sera libre de fixer ses prix. Le réveil risque fort d'être douloureux pour les usagers.
Au contraire, la constitution du pôle public de l'énergie autour d'EDF et GDF - peut-être même avec d'autres opérateurs comme Total, qui dispose de ressources, contrairement à Suez, dont le besoin de financement pourrait être comblé par le contribuable français en cas de fusion avec GDF - est favorable aux consommateurs, car elle permet de conserver la maîtrise des évolutions tarifaires.
Le pôle public doit aussi servir à établir enfin une plus grande transparence dans la fixation des tarifs de l'électricité et du gaz, au regard de l'évolution des coûts de production ou d'approvisionnement.
Le contrat de service public 2005-2007 signé entre l'État et Gaz de France prévoit déjà une convergence entre tarifs régulés et prix de marché. Alors même que la Commission de régulation de l'énergie demeurait réservée quant à l'opportunité de voir consenties des hausses tarifaires, les demandes récurrentes de la direction de Gaz de France rendaient compte de la volonté de faire rapidement converger les tarifs vers les prix de marché.
Depuis l'ouverture du capital de GDF, l'intérêt des actionnaires prime celui des consommateurs. Les tarifs ont été relevés de 30 %, au-delà de ce que nécessitait l'évolution des coûts d'approvisionnement.
Le document de base, transmis à l'Autorité des marchés financiers en avril 2005, note la nouvelle orientation donnée à la politique de distribution des dividendes : « Gaz de France, qui a augmenté ses dividendes de plus de 30 % entre 2004 et 2005 en les portant à 418 millions d'euros, entend poursuivre une politique de croissance progressive de versement de dividendes. Elle vise une augmentation de l'ordre de 40 % pour le dividende payé en 2006 au titre de l'exercice 2005. Au-delà, à l'horizon 2007/2008, elle entend doubler ses dividendes par rapport à ceux versés en 2005. »
M. le président. Monsieur Pastor, maintenant, il vous faut conclure !
M. Jean-Marc Pastor. Je termine, monsieur le président.
En 2005, les dividendes distribués, soit 670 millions d'euros, ont augmenté de 60 %. Grâce aux dernières hausses tarifaires, le résultat financier de GDF sur le seul marché national vient de s'accroître encore de plus de 50 % au premier semestre.
Mes chers collègues, nous irons jusqu'au bout pour essayer de montrer au citoyen français qu'un pôle public de l'énergie est encore le dernier rempart susceptible de le protéger.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, vous avez un argument massue : vous n'êtes pas d'accord.
Vous êtes soutenu par M. Fourcade, qui est le bienvenu car, jusqu'à présent, vous étiez plutôt seul.
M. Jean-Marc Pastor. Complètement isolé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Malheureusement, M. Fourcade n'est pas plus convaincant que vous ne l'êtes vous-même.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne cherche pas à vous convaincre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous rejetez tout ce que nous proposons en prétextant que vous n'êtes pas d'accord et en vous contentant de marteler : « Nous avons un très bon projet ! »
En vérité, il est navrant et même choquant que vous promettiez ainsi monts et merveilles à nos concitoyens. Vous affirmez que votre projet nous apportera plus de sécurité, plus de moyens, plus de capacités d'approvisionnement, etc. Or c'est totalement virtuel, surréaliste !
Nous apprenons aujourd'hui que la Commission européenne demande aux deux groupes de céder 35 % de leur capacité d'approvisionnement en gaz, notamment en vendant Distrigaz, la filiale gazière de Suez en Belgique, et de se séparer d'une partie du nucléaire belge. Dès lors, comment pouvez-vous affirmer que votre projet, après son passage à la moulinette de Bruxelles, constituera une garantie ? La garantie, c'est ce que nous avons aujourd'hui : une entreprise publique et d'importants pouvoirs d'intervention de l'État.
Mes chers collègues - y compris vous, chers collègues socialistes -, vous voyez bien que petit à petit, de dépeçage en dépeçage, l'Europe actuelle, dans une logique ultralibérale, organise des groupes de taille modeste, qu'ils soient nationaux ou européens, les rendant ainsi opéables et prêts à être dévorés par d'autres groupes beaucoup plus puissants auxquels ne s'appliquent pas les directives européennes.
Ce que vous nous dites ne tient donc absolument pas !
Enfin, vous ne nous donnez aucune explication. Vous répétez simplement qu'une fusion entre EDF et GDF est impossible. Mais avez-vous au moins évalué ce projet ? Nous savons bien que non ! L'avez-vous soumis à Bruxelles ? Non ! Pourquoi ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous ne le voulons pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi ne le voulez-vous pas alors que le projet que vous présentez n'est pas acceptable pour Bruxelles et qu'il faudra le démanteler ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous ne voulons pas le démanteler. Nous ne voulons pas prendre de risques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De plus, vous vous privez de tout moyen public de résister de quelque façon que ce soit. C'est aberrant ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Nos conseils sont désintéressés !
M. le président. La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. J'ajouterai un autre argument, comme si c'était nécessaire au point où nous en sommes.
La constitution du pôle public que nous souhaitons permettra de conforter le service public de l'énergie sur le fondement de principes majeurs qui intéressent tous les membres de la Haute Assemblée : la péréquation tarifaire, l'égalité d'accès sur tout le territoire,...
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Michel Sergent. ...grâce au service de distribution commun à EDF et à GDF, qui est particulièrement performant.
N'oublions pas en effet que la privatisation de Gaz de France et la constitution du groupe GDF-Suez aboutiront à la mise en concurrence des concessions de distribution publique et donc à la disparition du distributeur mixte EDF-GDF,...
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. Daniel Reiner. Bien sûr !
M. Michel Sergent. ...incompatible avec les règles de la concurrence. Ce distributeur mixte, auquel les élus sont particulièrement attachés, était pourtant au coeur du service public de l'énergie de proximité. Il n'a pas failli depuis soixante ans, comme nous l'avons vu à l'occasion de la tempête de décembre 1999 ou voilà encore quinze jours dans le Bordelais.
Mesure-t-on vraiment les gâchis que cette opération va occasionner, sur le plan financier,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas pour tout le monde !
M. Michel Sergent. ...mais aussi en termes d'aménagement du territoire ? Évalue-t-on le coût du démantèlement de ces organisations ? Aujourd'hui, ce sont 50 000 ou 60 000 personnes qui ont l'habitude de travailler ensemble, et sillonnent la France dans leurs voitures bleues ! (Sourires.) Avons-nous mesuré ce que ce démantèlement humain et technique allait représenter ? Non !
La présence de l'État dans le groupe privé Suez-GDF sera résiduelle et défensive. On le sait, cela a déjà été dit.
Certes, vous prévoyez que l'État détiendra une minorité de blocage - avec une participation représentant un tiers du capital - et une action spécifique. Nous y reviendrons longuement. Mes collègues Daniel Reiner et Jean-Marc Pastor ont déjà dit combien ce dispositif était aléatoire.
Telles sont les raisons pour lesquelles la constitution d'un pôle public de l'énergie est particulièrement importante.
M. Jean Desessard. À deux voix près ! Pourtant, avec 34 % des sièges, nous disposons d'une minorité de blocage ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 188, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi fixe un objectif de consommation de 15 % par an de biogaz national à l'horizon 2010.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Depuis l'épuisement des gisements de Lacq, la totalité du gaz naturel que nous consommons est importée, comme l'ont rappelé M. Fourcade tout à l'heure et M. le ministre récemment.
Or, dans toutes les régions de France, de nombreux sites, parfois de dimensions réduites, pourraient produire des gaz de décharge, appelés biogaz, dont la composition chimique est pratiquement identique à celle du gaz de terre que nous importons de la Russie.
D'après le réseau Sortir du nucléaire - excellente référence ! -, le biogaz valorisable pourrait représenter entre 10 % et 20 % de la consommation française de gaz naturel. Or la quantité valorisée n'est actuellement que de 0,5 %. Il serait donc utile, puisque nous en avons le potentiel, de produire dans notre pays, et vous en êtes d'accord, monsieur Deneux, 15 % de biogaz et d'améliorer ainsi la sécurité de nos approvisionnements.
Je vais maintenant faire comme M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui, lorsqu'il considère que nous ne comprenons pas ce qu'il dit, nous donne des leçons de droit des sociétés. Je vais, moi, vous donner quelques leçons d'écologie, mes chers collègues ! (Rires.)
Le biogaz est un gaz combustible, composé essentiellement de méthane - CH4 - et de gaz carbonique - CO2 - provenant de la décomposition de matières organiques, en l'absence d'oxygène. Ce procédé est appelé méthanisation.
Nos sociétés actuelles produisent de telles masses de déchets que la nature ne peut pas recycler seule les énormes quantités de CO2 et de CH4. Or, par divers phénomènes, ces gaz gagnent les hautes couches de l'atmosphère et contribuent à l'augmentation de l'effet de serre.
Le biogaz est produit dans des lieux de stockage des déchets organiques, totalement ou partiellement privés d'aération continue : décharges d'ordures ménagères, stations d'épuration des eaux et digesteurs à fermentation de déchets organiques - déchets ménagers, effluents agricoles, effluents des industries agroalimentaires et des papeteries.
En matière de valorisation, on recense deux modes éprouvés industriellement : la combustion du gaz dans une chaudière ou dans un moteur permettant la production d'électricité - et de chaleur en cas de cogénération.
Deux autres modes sont en voie de développement. Ils concernent le carburant pour les véhicules et l'injection de biogaz dans le réseau de gaz naturel.
Si certains veulent des preuves,...
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Jean Desessard. ...je peux leur en donner ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. On produit du biogaz dans les Yvelines, en Seine-et-Marne, dans le Rhône, dans le Tarn et à Lille, etc. Vous l'avez compris, le biogaz, c'est l'indépendance énergétique !
En effet, nous produisons trop de déchets, qui provoquent des gaz à effet de serre. Or nous pourrions utiliser ces déchets pour produire du biogaz à hauteur de 20 %, au lieu d'importer du gaz. Mes chers collègues, les énergies renouvelables, c'est aussi le biogaz.
Nous n'avons ni pétrole, ni gaz, ni uranium. Nous sommes donc aujourd'hui dépendants à 100 % de l'extérieur. J'attends donc des tenants du patriotisme économique qu'ils votent avec moi cet amendement d'indépendance énergétique, de production de proximité !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, l'amendement que vous venez de présenter, comme à l'accoutumée de manière assez sympathique, avec un véritable talent théâtral (Sourires), est le premier d'une série de six amendements dont vous êtes le seul signataire et qui ne sont donc plus des copies conformes de ceux du groupe socialiste. Il s'agit d'amendements purement Verts. En l'occurrence, c'est vraiment « plus vert que moi, tu meurs » !
L'amendement n° 188, comme les suivants, vise à fixer des objectifs chiffrés s'agissant des différentes énergies renouvelables. Cet amendement concerne le biogaz.
Sur le principe, je ne suis pas hostile à des objectifs, d'autant moins que nous en avons inscrit dans l'article 4 de la loi de programme de 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.
Dans cet article, nous avons énoncé nos priorités et confirmé notre volonté de produire du nucléaire en France, point sur lequel nous divergeons. Surtout, nous y avons affirmé notre volonté de produire 21 % d'électricité d'origine renouvelable.
Nous le savons, nous sommes en retard dans le domaine des énergies renouvelables par rapport à d'autres pays, que ce soit en matière d'énergie éolienne, solaire ou de biogaz. S'agissant du biogaz, par exemple, nous sommes en retard par rapport à l'Allemagne et au Danemark. Vous n'avez pas évoqué l'énergie provenant du bois, dont l'Autriche est la championne d'Europe. Là aussi, nous sommes en retard. Or il ne faut négliger aucune des énergies renouvelables. Nous devons donc essayer de rattraper notre retard.
La loi que nous avons adoptée en 2005 fixe des objectifs ambitieux, mais je ne vous suivrai pas s'agissant des chiffres. Que signifie en effet augmenter de 15 % par an la consommation de biogaz national ?
Aujourd'hui, nous consommons entre 0,05 % et 0,1 % de biogaz. Nous avons donc de la marge, allons-y ! Nous dépasserons certaines années, je l'espère, le taux de 15 %, d'autres années, non, malheureusement, mais il est très difficile de mettre en pratique la mesure que vous proposez. On ne peut pas fixer dans la loi l'objectif d'augmenter la consommation de biogaz de 15 % par an...
M. Jean Desessard. D'ici à 2010 !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Certes, d'ici à 2010, mais de 15 % par an malgré tout ! De tels objectifs ne riment strictement à rien.
Pour cette raison, même si, sur le principe, je suis favorable au développement des énergies renouvelables, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean-Marc Pastor. C'est bien dommage !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. J'adhère tout à fait aux propos de M. le rapporteur. Voici quelques chiffres pour illustrer sa démonstration.
La consommation française de gaz est d'environ 40 millions de tonnes équivalent pétrole. Si 15 % de cette consommation devait être constituée de biogaz - c'est l'objectif fixé dans l'amendement n° 188 -, cela représenterait 6 millions de tonnes équivalent pétrole.
Aujourd'hui, nous consommons 0,2 million de tonnes équivalent pétrole de biogaz. D'après les nombreuses études dont nous disposons, le potentiel réalisable est de l'ordre de 4 millions à 6 millions de tonnes, si nous produisions du biogaz à partir de tout ce qui peut être « biogazé » en France.
Au-delà, il conviendrait de prévoir des cultures spéciales pour produire du biogaz. Donc, pour atteindre l'objectif que vous fixez, il faudrait « biogazer » absolument tout ce qui a propension à faire du gaz sur notre territoire !
En attendant d'arriver à un tel niveau, grâce à l'arrêté du 7 juillet 2006 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, dont j'ai remis une copie à M. Reiner, je lance un appel à projets de 300 mégawatts de biogaz, soit 0,2 million de tonnes équivalent pétrole, qui va doubler la production actuelle !
Franchement, votre objectif de 15 % nous paraît irréaliste, même si, bien évidemment, il concourrait à l'indépendance énergétique et à la sécurité d'approvisionnement de notre pays, ainsi qu'au développement local.
Je souhaite que nous soyons extrêmement actifs dans ce domaine. Pour cela, beaucoup d'initiatives locales sont nécessaires. Si les 300 mégawatts que j'ai évoqués trouvent facilement preneur, nous aurons déjà doublé notre production.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Il s'agit de fixer un objectif de 15 % par an à l'horizon 2010.
Si le biogaz représente aujourd'hui 0,2 million de tonnes équivalent pétrole, cela correspond bien à 0,5 % - et non pas à 0,05 % - de la consommation actuelle, puisque celle-ci est évaluée à 40 millions de tonnes équivalent pétrole.
Vous me dites qu'il est possible de produire 4 millions de tonnes, je suis d'accord ! Je modifie mon amendement : je suis prêt à passer un compromis avec le gouvernement UMP de M. de Villepin pour que l'on s'oriente vers une production de 10 % de biogaz à l'horizon 2010. (Rires.)
Cet objectif est selon vous irréaliste, monsieur le ministre, et demanderait beaucoup d'initiatives, de mobilisation.
M. Jean Desessard. Je reprendrai en substance les propos de M. Borloo lorsque nous avons discuté du projet de loi portant engagement national pour le logement : en situation de crise, il faut faire appel à toutes les énergies, à toutes les mobilisations, à toutes les initiatives. N'est-il pas temps de tous nous mobiliser, citoyens, communes, départements, régions, afin de créer de l'énergie à l'échelle de notre territoire ? En quoi est-ce irréaliste ?
Selon vous, il est plus réaliste de négocier des prix avec la Russie, l'Algérie, de trouver de nouvelles productions au Qatar, au Yémen, et d'assurer la stabilité de nos approvisionnements avec ces pays. Eh bien, je vous donne rendez-vous dans quelques années, mes chers collègues, mais je crains que la situation ne soit alors grave !
Il me paraît beaucoup plus réaliste de mobiliser les énergies des particuliers, des communes, des régions, des départements pour produire 10 % - je vous l'accorde, monsieur le ministre - de biogaz en France, plutôt que de compter sur un approvisionnement extérieur.
Nous avons les moyens de produire du biogaz en France et nous devons en faire une priorité !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 188 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, et ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi fixe un objectif de consommation de 10 % par an de biogaz national à l'horizon 2010.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Le sujet est sérieux, monsieur le ministre, et je voudrais simplement citer un exemple.
Dans le département du Tarn, nous avons mis dix ans à convaincre notre administration que le traitement des déchets pouvait fournir du biogaz. Aujourd'hui, le schéma départemental de traitement des déchets est opérationnel et des réseaux de chaleurs sont installés. Je vous invite à nous rendre visite.
L'objectif de 10 % est-il raisonnable ? Je suis incapable de l'apprécier au niveau national, je le dis très modestement, mais je pense que les énergies renouvelables méritent bien une phrase dans le projet de loi : elles font partie de la vie d'aujourd'hui, et surtout de demain ! (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 189, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi fixe un objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d'énergie finale.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Certes, je peux, grâce au service de la séance et je l'en remercie, soutenir mes amendements spécifiques sans être obligé d'assister à l'intégralité des débats, mais il est épuisant de devoir défendre à la suite des amendements aussi cruciaux pour l'avenir de la planète...
En l'occurrence, je propose de fixer un objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d'énergie finale. Cet objectif correspond à une diminution de 60 % de notre consommation d'énergie finale à l'horizon 2050.
Comme vous le savez, 84 % de l'énergie mondiale provient des combustibles fossiles, le nucléaire en représentant 6 %, l'hydroélectricité et la biomasse 10 %. Or nous allons irrémédiablement vers une pénurie des énergies fossiles. Je n'insiste pas sur ce constat qui fait l'objet d'un consensus dans l'hémicycle. La prise de conscience de la raréfaction des ressources naturelles constitue tout de même une évolution intéressante par rapport à la situation que nous connaissions voilà trente ans.
Il est donc temps de baisser notre consommation, puisque ce sont les pays industrialisés qui, historiquement, ont consommé la majorité des énergies fossiles. À l'heure où les pays émergents essaient de reproduire un mode de développement qui est en train de montrer ses limites - ses limites physiques -, il est de notre devoir envers les pays pauvres et les générations futures de commencer dès maintenant la décroissance de notre empreinte écologique. Comme dirait le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, si vous voulez en savoir plus sur l'empreinte écologique, je suis à votre disposition ! (Sourires.)
Pour parvenir à cet objectif, il faut avoir le courage de modifier la répartition des crédits de recherche selon le schéma suivant : un tiers pour la maîtrise de l'énergie, un tiers pour les énergies renouvelables et un tiers pour la sûreté nucléaire et l'amélioration des hydrocarbures. Or, aujourd'hui, 90 % des crédits sont affectés au nucléaire et moins de 2 % aux énergies renouvelables. Et l'on s'étonne ensuite que ces énergies ne décollent pas !
Toutes les énergies ont eu besoin, au départ, d'un important appui public, que ce soit le charbon ou le nucléaire. Au XXIe siècle, le service public doit anticiper la crise énergétique et la résoudre en tenant compte du réchauffement climatique !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce discours n'est pas nouveau, mais il est utopique.
M. Jean Desessard. Non ! La société de demain ne sera pas celle d'aujourd'hui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Même les socialistes ne sont pas prêts à vous suivre : diminuer de 60 % notre consommation d'énergie finale à l'horizon 2050, c'est n'importe quoi ! Dans quelle société voulez-vous nous faire vivre ? Nous n'allons plus nous déplacer, nous n'allons plus nous chauffer ? C'est utopique !
Je voudrais rester dans le domaine de la réalité, et je pense que l'ambition que nous nous sommes fixée dans la loi du 13 juillet 2005, à l'article 3 - « Le premier axe de la politique énergétique est de maîtriser la demande d'énergie afin de porter le rythme annuel de baisse de l'intensité énergétique finale à 2 % dès 2015 et à 2,5 % d'ici à 2030 » - est raisonnable.
La France n'est pas isolée, nous n'allons pas stopper le développement de notre pays.
M. Jean Desessard. Si !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous êtes certainement sincère,...
M. Jean Desessard. Oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ...mais vous voulez nous faire vivre dans un pays totalement irréaliste. Nous ne vous suivrons pas.
Quoi qu'il en soit, mes chers collègues, nous sommes sensibles à la notion de diminution de l'intensité énergétique. Nous avons la volonté de faire des efforts et nous l'avons inscrit dans un texte, mais nous allons y aller en douceur, pas de manière utopique.
Aussi, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. M. le rapporteur a raison.
Nous sommes confrontés aux problèmes énergétiques depuis 1973. Dans les années soixante-dix, quatre-vingt, la réduction de l'intensité énergétique était de 2 % à 3 %, puis, dans les années quatre-vingt-dix et jusqu'en 2004, d'environ 1,4 %. En 2005, elle a atteint 1,7 %, c'est dire que nous avons de nouveau pris conscience de l'effort plus important qu'il convient de faire. Nous devrions atteindre, cette année ou l'an prochain, une diminution de 2 %, anticipant ainsi l'objectif inscrit pour 2015 dans la loi d'orientation énergétique de l'année dernière : le plus tôt sera le mieux.
Nous sommes donc capables d'améliorer l'intensité énergétique, mais il est beaucoup plus difficile de réduire la consommation finale. En fait, pour réduire celle-ci de 2 %, avec une croissance de 2 %, il convient de baisser l'intensité énergétique de 4 % : cela n'a jamais été fait, y compris dans les années soixante-dix !
Votre proposition n'est pas vraiment réalisable, mais il est bien sûr souhaitable d'aller dans cette direction. Un objectif exprimé en termes d'intensité énergétique me paraît plus juste, comparable à ce que font les autres pays.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que nous avions connu une réduction de 2 % pendant un certain nombre d'années.
M. Jean Desessard. Je ne suis pas sûr de comprendre, monsieur le ministre.
Mme Nicole Bricq. Allons chercher un tableau noir ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. N'en concluez pas que je suis idiot. (Rires.) Je me méfie simplement des chiffres annoncés rapidement et que l'on n'a pas le temps d'analyser.
Moi, je propose de réduire de 2 % par an la consommation d'énergie finale. Si vous, vous proposez une baisse de 1,3 % ou 1,4 %, je suis preneur ! Je trouve que cela ne fait pas une grande différence.
M. Jean Desessard. Dans ces conditions, pourquoi n'avez-vous pas dit que mon amendement était déjà satisfait au lieu d'émettre un avis défavorable ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Parce que ce n'est pas le même pourcentage !
M. Jean Desessard. Comment comptez-vous résoudre le problème du réchauffement climatique ?
On parle tellement du film d'Al Gore, que je suis sûr que vous irez tous le voir. En sortant de la salle, vous serez tellement catastrophés par la fonte des glaces dans l'Antarctique et au Groenland que vous vous écrierez : « C'est dramatique, il faut faire quelque chose ! » Mais combien de temps durera cette bonne résolution ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Deux heures !
M. Jean Desessard. Elle ira peut-être même jusqu'à une nuit pour ceux qui dorment mal, voire deux semaines pour quelques-uns. Mais pour résoudre les problèmes, on est bien obligé de les considérer dans leur globalité.
Si nous ne réduisons pas la consommation énergétique, croyez-vous que les pays émergents, dont la consommation est déjà beaucoup plus faible que la nôtre, s'en préoccuperont ? Ils n'ont pas l'intention de rester pauvre ! C'est à nous, pays riches, de donner l'exemple, sinon nous courrons à notre perte.
Monsieur le rapporteur, selon vous, mon discours est utopique. Est-ce être utopique de constater que la planète est confrontée à de graves problèmes environnementaux ?
Si j'étais utopique, je vous affirmerais que l'on trouve des ressources naturelles en abondance, que l'on peut gaspiller l'énergie - ce discours était peut-être valable voilà cinq siècles, mais il ne tient plus aujourd'hui - ou qu'il existe d'autres planètes où nous pourrons nous procurer toute l'énergie désirée.
Ceux qui pensent que les progrès technologiques permettront de résoudre tous nos problèmes sont des utopistes, car rien n'est encore prouvé. En attendant de découvrir ces nouvelles modalités technologiques, nous devons réduire notre consommation énergétique.
On peut toujours me reprocher de fixer un objectif chiffré. Mais ce serait là le signe qu'on s'engage à mettre les moyens financiers, la volonté politique et à mobiliser nos concitoyens pour y parvenir.
M. le président. L'amendement n° 190, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi fixe un objectif de réduction de 3 % par an en moyenne de la consommation des énergies primaires de combustibles fossiles.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Permettez-moi tout de même d'intervenir sur les problèmes environnementaux.
En l'occurrence, il s'agit de fixer un objectif de réduction de 3 % par an en moyenne de la consommation des énergies primaires de combustibles fossiles. Cet objectif permettrait de réduire la consommation de telles énergies à 38 megatep par an en 2050 au lieu de 150 aujourd'hui.
On ne peut espérer de solution providentielle du côté de l'offre du fait d'une production supérieure de pétrole, de gaz, voire d'électricité. La seule solution raisonnable - et non pas utopique, contrairement à la vôtre, qui consiste à espérer une offre plus importante de gaz russe ou algérien -, c'est une maîtrise de la demande, voire, comme je le propose, une baisse de la consommation de l'ordre de 2 % par an pour l'ensemble de l'énergie et de 3 % pour les énergies fossiles.
Une telle solution est parfaitement cohérente avec les engagements internationaux que la France a pris sur la diminution draconienne des émissions de gaz à effet de serre. On peut choisir de ne pas être sérieux, mais on peut aussi décider de prendre des mesures dès maintenant afin d'atteindre cet objectif en 2050. D'ailleurs, j'aimerais qu'à un moment ou à un autre les grands discours du Président de la République et les engagements que la France a pris à Kyoto trouvent leur traduction dans des textes législatifs et réglementaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, lorsque vous dites qu'il convient de maîtriser notre consommation de pétrole, nous sommes d'accord. Quand vous dites qu'il convient de maîtriser notre consommation de gaz, nous sommes également d'accord.
Là où nous divergeons, c'est lorsque vous fixez des objectifs irréalistes. Il faut engager une action volontaire, mais à un rythme raisonnable. À cet égard, la politique en faveur des biocarburants est exemplaire. Marcel Deneux, qui a toujours été un acteur vigilant et actif en la matière au sein de notre hémicycle, ne me démentira pas.
D'ailleurs, monsieur le ministre, je sais qu'une décision très importante a été prise en faveur des biocarburants. Il y a deux semaines exactement, vous avez entériné le plan d'action opérationnel pour le développement de ce qu'on appelle le flex fuel-éthanol, le fameux E85, à l'horizon de 2010 proposé par le groupe de travail que présidait Alain Prost.
Ce premier carburant de l'après-pétrole est une chance pour la France et pour nos concitoyens. C'est tout récent, puisque M. Bussereau et vous-même avez inauguré il y a quelques jours une pompe verte de démonstration E85. C'est le genre de décision qui va dans le bon sens.
Cher collègue Desessard, je ne voudrais pas que l'on fasse croire aux Français que vous êtes le seul à vous préoccuper de cette question. Pour notre part, nous agissons de manière pragmatique et réaliste. Le Gouvernement franchit ainsi une étape importante, puisque, en très peu de temps, son action permettra de doubler l'offre de biocarburants.
En ce qui concerne votre amendement, la commission a émis un défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voudrais simplement apporter une précision.
Monsieur le rapporteur, n'appelez pas biocarburants les carburants issus de l'agriculture, car ils ne sont pas à énergie positive ; du pétrole est encore consommé. Il vaudrait mieux parler d'« agrocarburants ».
Nous avions soutenu l'utilisation des huiles végétales, mais cette proposition n'avait pas été retenue par le Sénat. Pour le coup, il s'agissait véritablement là de biocarburants.
M. le président. L'amendement n° 191, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi fixe un objectif de réduction de 3 % par an en moyenne des émissions de gaz à effet de serre.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je serai plus bref, car tout le monde a compris le principe que je défendais.
En l'occurrence, il s'agit de fixer un objectif de réduction de 3 % par an en moyenne des émissions de gaz à effet de serre. Cet objectif revient à diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050.
Monsieur le rapporteur, je souhaiterais, non pas que vous me traitiez d'« utopiste »,...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pas cette fois-ci !
M. Jean Desessard. ...car je suis capable d'en juger par moi-même, mais que vous m'expliquiez comment vous comptez réduire les émissions de gaz à effet de serre avec les mesurettes que vous prenez.
Mes chers collègues, visionner le film d'Al Gore est une bonne chose, mais c'est insuffisant. Encore faut-il que des mesures politiques contraignantes pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre suivent. Encore faut-il prendre des engagements forts sur le long terme par delà les alternances politiques. C'est pourquoi je vous propose d'acter l'objectif fixé en son temps par notre collègue Jean-Pierre Raffarin d'atteindre le « facteur 4 ».
En la matière, le projet de loi est à côté de la plaque. Les théories néolibérales qui sous-tendent le mouvement européen de libéralisation ont pris l'eau. On voit bien que ce cycle idéologique, qui a fonctionné pour une surcapacité généralisée des énergies, ne fonctionne plus lorsque la tendance est à la pénurie des ressources.
Sachant cela, il aurait été logique d'auditionner des membres du GIEC, groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, de la mission interministérielle de l'effet de serre ou du Réseau action climat. Tel n'a pas été le cas.
Dès lors, on voit bien que votre objectif n'est pas d'accompagner la mutation écologique de l'habitat et du tertiaire, d'isoler les bâtiments, de transformer les chaudières au fuel en chaudière à bois ou de respecter le facteur 4 - la division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre avant 2050 -, car cela passerait par la fixation de quotas d'émissions et d'objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Or on n'a jamais vu une entreprise privée inciter ses clients à réduire leur consommation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai !
M. Jean Desessard. En bref, mes chers collègues, je vous invite tous à adopter cet amendement, même s'il serait plus cohérent, afin de respecter l'engagement de notre collègue Jean-Pierre Raffarin d'atteindre le facteur 4, de voter également l'amendement de suppression de l'article 10, qui privatise GDF.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, cette disposition est inutile, puisque ce taux figure déjà dans l'article 2 de la loi du 13 juillet 2005 : « La lutte contre le changement climatique est une priorité de la politique énergétique qui vise à diminuer de 3 % par an en moyenne les émissions de gaz à effet de serre de la France. ».
Nous sommes donc tout à fait d'accord sur point. Par conséquent, votre amendement est satisfait. Cela étant, il faudra sans doute un jour établir un bilan pour connaître les effets de ce dispositif.
À la suite de cette loi, le Gouvernement a lancé le plan climat. Les dispositions qu'il contient, que vous qualifiez de mesurettes, ont au moins le mérite de chercher à atteindre l'objectif que vous proposez. Elles concernent le logement - toute nouvelle construction est soumise à des normes assez sévères -, le transport et l'industrie, volet dans lequel toutes les entreprises sont concernées et où les mesures sont également assez sévères. Le plan climat va donc dans le bon sens.
L'objectif que vous préconisez figurant déjà dans la loi, la commission vous invite à retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 191 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 191 est retiré.
L'amendement n° 193 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Parlement propose la tenue d'un référendum en 2009 portant sur l'abandon du recours à l'énergie nucléaire en France. Jusqu'à cette date un moratoire est décidé sur la construction de tout nouveau réacteur.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cette fois-ci, je sens que je vais avoir un peu plus de mal à obtenir un accord général.
M. Jean Desessard. Nous sommes pourtant un certain nombre en France à penser que le nucléaire fait courir un risque inutile. Cela prouve bien qu'il faut instaurer la proportionnelle, car nous sommes sous-représentés au Parlement. Mais je ne vais développer ce point maintenant.
Les Verts sont favorables à la sortie du nucléaire. Ils sont appuyés en cela par une large partie de l'opinion publique : 81 % des Français interrogés lors d'un sondage en juillet dernier considéraient le nucléaire comme une énergie à risque.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça, c'est sûr !
M. Jean Desessard. Ces derniers jours, le Collectif national pour un rassemblement antilibéral a acté dans son programme une proposition de référendum à ce sujet. Il semble donc que le « dogme du tout nucléaire » fasse débat au sein des formations politiques de gauche, comme le soulignait un article du journal Le Monde de ce week-end. C'est une bonne nouvelle pour les Verts, qui souhaitent que la société, en général, et la gauche, en particulier, aient ce débat sur la sortie du nucléaire.
Sur un choix aussi fondamental, il semble tout à fait illégitime de poursuivre une aventure technologique aussi périlleuse pour l'humanité et les générations futures sans le consentement des citoyens. D'après le même sondage, 80 % des personnes interrogées étaient favorables à un référendum sur la question.
L'énergie nucléaire ne constitue pas une solution d'avenir puisque les réserves d'uranium sont estimées à moins d'un siècle et que cette énergie, au lieu de favoriser les indispensables sobriété et efficacité énergétiques, est une source de gaspillage énorme, qu'il s'agisse des tours de refroidissement ou des lignes à haute tension.
Cette technologie pousse à une illusoire fuite en avant de consommation énergétique. Elle est par ailleurs dangereuse compte tenu des risques d'accidents, de la vulnérabilité en cas d'attaques terroristes, des risques de pollutions par rayonnement, de l'augmentation de la température des cours d'eau concernés, des limites d'utilisation en cas de canicule et du problème de la prolifération. Surtout, le problème non résolu du traitement des déchets nucléaires fait peser un lourd fardeau sur les générations futures.
Enfin, les Verts tiennent à souligner le coût exorbitant de la technologie nucléaire - 3 milliards d'euros pour un réacteur nucléaire EPR -, la non prise en compte du coût de démantèlement des centrales - environ 10 milliards d'euros pour chacun des 58 réacteurs existants -, et le fait que cette technologie est beaucoup moins créatrice d'emplois pérennes que les filières de la maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables.
Pour les Verts, l'État doit tourner le dos à cette technologie onéreuse, dangereuse et irresponsable, qui va à l'encontre des principes du développement durable, et s'orienter vers le développement des filières sobriété et efficacité énergétiques et énergies renouvelables.
M. le président. L'amendement n° 194, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
À partir de 2009, la France abandonnera progressivement le recours à l'énergie nucléaire, à moins que, avant cette date, un référendum sur ce sujet exprime la préférence des Français pour l'énergie nucléaire.
Monsieur Desessard, il s'agit du même sujet...
M. Jean Desessard. Je considère que cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 193 rectifié et 194 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Permettez-moi de répondre un peu longuement, compte tenu de l'importance de ces amendements.
Par l'amendement n° 193 rectifié, vous proposez, monsieur Desessard, l'abandon du nucléaire en prévoyant que cette décision sera prise à l'issue d'un référendum qui aura lieu en 2009.
Je vous remercie d'avoir déposé cet amendement puisqu'il va me permettre de clarifier la position de la commission sur la question du nucléaire. Il serait d'ailleurs bon que tout le monde fasse de même sur ce sujet.
M. Roland Courteau. Nous l'avons fait à de nombreuses reprises !
M. Gérard Le Cam. Et nous allons le faire encore !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous vous en souvenez, mes chers collègues, lors de la dernière session parlementaire, nous avons largement discuté de l'opportunité de l'option nucléaire, à deux reprises.
D'une part, nous en avons débattu à l'occasion de l'examen de la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, qui a notamment créé une autorité administrative indépendante chargée du contrôle du secteur et qui a renforcé les fondements juridiques du régime d'autorisation des installations nucléaires.
D'autre part, nous avons examiné cette question lors du débat sur la loi de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, assurant ainsi la pérennité de la filière dans la plus parfaite transparence.
Monsieur Desessard, je connais votre position, qui reflète la sensibilité politique que vous représentez en ce domaine. Laissez-moi tout de même vous rappeler que, en France, le nucléaire est exploité dans d'excellentes conditions de sûreté et de sécurité, comme le démontrent les bilans régulièrement effectués par l'autorité de sûreté nucléaire.
Autre élément important, le nucléaire nous permet d'assurer notre indépendance énergétique en limitant nos besoins en matière d'énergies fossiles, sujet auquel vous êtes sensible. Surtout, il nous fait bénéficier d'une des électricités les moins chères d'Europe et nous permet d'être le pays de l'Union européenne qui émet le moins de CO2 - aspect auquel vous devez être sensible.
Aussi la majorité actuelle soutient-elle sans réserve l'option nucléaire française, qui présente un très grand nombre d'avantages.
Nous avons d'ailleurs réaffirmé très clairement ce soutien lors de la discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie.
À cette occasion, nous avions explicitement soutenu les démarches devant conduire à la construction d'un premier réacteur nucléaire de troisième génération, l'EPR. La construction de cette nouvelle génération de centrales est nécessaire pour prendre le relais progressif du parc de centrales actuel, qui devra être renouvelé à compter de l'année 2020. Au surplus, les réacteurs nucléaires EPR seront encore plus sûrs, plus puissants et plus économes en termes de consommation d'uranium que les réacteurs de deuxième génération.
Notre majorité tient donc, dans son ensemble, un discours très clair sur ce sujet, discours qui repose sur un certain nombre de points concrets et précis. Cela ne nous empêche pas d'être, en parallèle, favorables au développement des énergies renouvelables ou aux actions de maîtrise de la demande d'énergie. Mon souhait est que tout le monde soit aussi clair sur tous les sujets, notamment sur l'EPR.
Tous ces éléments étant rappelés, il n'en reste pas moins que, sur l'amendement n° 193 rectifié, la commission a émis un avis défavorable, à l'unanimité.
M. Jean Desessard. Je n'étais pas là !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Effectivement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. François Loos, ministre délégué. L'importance de ce sujet, qui suscite des convictions fortes que j'ai à coeur de défendre, justifie la réponse détaillée que je souhaite apporter.
Je suis bien sûr défavorable à ces amendements, monsieur Desessard, et je ne peux vous laissez croire, un seul instant, que nous pourrions nous accorder sur la méthode que vous préconisez.
Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut discuter, informer sur le nucléaire mais aussi sur l'ensemble des productions industrielles dangereuses. En 2003, nous avons introduit dans la loi des obligations de concertation pour les usines Seveso. Nous avons mis en place des plans d'urgence, de manière que soient pris en compte l'ensemble des risques et que des réponses puissent également être apportées autour des sites dangereux, et non pas seulement dans la sphère stricte des usines.
Nous avons fait là un très grand travail d'information, de concertation et permis qu'il devienne permanent au niveau de toutes les entreprises.
Cela étant dit, le risque zéro n'existe pas. Il faut tendre en permanence vers plus de sécurité et faire en sorte que ceux qui travaillent dans ce secteur fassent preuve d'une vigilance constante afin de toujours améliorer les dispositifs de sécurité.
Nous souhaitons que les autorités de sûreté soient indépendantes dans ce domaine, ce que permet désormais la loi qui a été votée cette année. Cette indépendance et les contrôles qui seront effectués nous garantissent que l'esprit de tous les acteurs sera en permanence aiguillonné vers l'objectif de sécurité et de sûreté maximales.
Compte tenu de tous ces éléments, nous avons fait le choix du nucléaire. À travers la loi du 13 juillet 2005, le Gouvernement et le Parlement ont réaffirmé clairement leur volonté de poursuivre le développement des centrales, et nous sommes même prêts à mettre en chantier l'EPR, centrale de troisième génération.
Lors de ses voeux, le Président de la République a demandé que nous nous préparions à construire une centrale nucléaire de quatrième génération pour l'horizon 2020. À la suite de la campagne que nous avons menée pour que le projet ITER soit réalisé en France, nous avons obtenu de la communauté internationale qu'il soit implanté à Cadarache.
Assurer une sécurité maximale demeure notre priorité, qu'il s'agisse des centrales existantes, ou des projets à venir. Pour la construction du futur EPR, nous avons demandé que les normes de sécurité soient encore accrues. Nous nous préparons, avec le projet ITER, aux réacteurs de quatrième génération.
Nous sommes donc engagés dans le nucléaire, c'est le choix que nous avons fait et que nous avons formellement réaffirmé dans la loi, l'année dernière. Je ne veux pas qu'aujourd'hui, à partir d'une proposition de référendum, certains laissent croire que nous envisageons de meilleurs choix. Des choix ont été faits et nous souhaitons nous y tenir, dans l'intérêt du pays et de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nous souhaitons, par cette explication de vote, revenir sur la position des communistes concernant l'avenir de l'énergie nucléaire en France, comme nous y invite la rédaction de l'objet même de l'amendement n° 193 rectifié.
Si nous partageons beaucoup de considérants avec nos collègues Verts, nous estimons pour autant que la solution proposée à travers ces amendements n'est pas la bonne.
Sur la première partie, étant particulièrement sensibles à la maîtrise citoyenne de l'énergie, nous sommes donc extrêmement favorables à l'organisation d'un débat national sur les questions énergétiques dans leur ensemble.
À l'inverse, nous ne pouvons imaginer que ces débats se limitent à la question du nucléaire, a fortiori si l'intitulé du référendum est simplement : « Êtes-vous pour ou contre l'abandon du nucléaire ? » La question serait déjà posée négativement.
Par ailleurs, nos collègues Verts ne peuvent affirmer l'existence d' « un dogme du tout-nucléaire au PCF », dogme qui vacillerait aujourd'hui. Les communistes prônent depuis longtemps la complémentarité des énergies mais également le développement des énergies renouvelables.
Pourtant, nous sommes lucides sur le contexte énergétique.
Je rappelle que la France acquitte chaque année une facture énergétique de 23 milliards d'euros et reste dépendante du pétrole à hauteur de 40 %. Elle doit donc trouver les moyens de compenser ses faibles ressources énergétiques fossiles.
De plus, pour contenir le phénomène de réchauffement planétaire, les climatologues estiment que l'humanité doit diminuer ses rejets annuels de carbone de 6 milliards à 3 milliards de tonnes.
En se substituant au charbon, qui constitue la plus importante source d'électricité à l'échelon mondial, les 440 réacteurs nucléaires aujourd'hui en fonctionnement permettent d'éviter chaque année le rejet d'environ 600 millions de tonnes de carbone, soit 20 % du tonnage total à « économiser ».
Le nucléaire apparaît dès lors comme l'un des outils efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique mais également pour répondre à l'explosion des besoins.
Il ne faut pas oublier non plus que le recours à l'énergie nucléaire, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, avait pour objet - ce qui reste d'actualité - de garantir l'indépendance énergétique de la France.
Le nucléaire assure aujourd'hui près de 80 % de la production d'électricité du pays, l'hydraulique complétant cette fourniture à hauteur de 14 %.
Arrêter le nucléaire dès 2009 pose la question de la production de 80 % de notre électricité. Si les recherches doivent se poursuivre, en l'état actuel des connaissances, il ne sera pas possible de remplacer si vite les centrales nucléaires.
Par ailleurs, la poursuite des recherches dans ce secteur est fondamentale pour aller plus loin, notamment sur la question du traitement des déchets.
La décision du Président de la République d'avancer vers le nucléaire de quatrième génération, plus économe, plus sûr, produisant moins de déchets, apte au dessalement de l'eau et à la production d'hydrogène, est dans ce sens un engagement conforme au protocole de Kyoto. Elle nous satisfait donc pleinement, et c'est pourquoi nous ne pouvons approuver la seconde partie de cet amendement qui prévoit un moratoire sur la construction de toute nouvelle tranche et donc de l'EPR.
Pourtant, - et c'est là que nous rejoignons nos collègues Verts - le développement de l'énergie nucléaire a pour corollaire une meilleure prise en compte des problématiques propres à cette énergie.
En conséquence, au regard des enjeux, la politique énergétique suppose une véritable maîtrise publique.
De cette maîtrise publique découle le principe de transparence afin de permettre aux citoyens de maîtriser pleinement les enjeux liés au développement du nucléaire, notamment en ce qui concerne la gestion des déchets, la protection de l'environnement et les incidences sur la santé.
À ce titre, je souhaite souligner l'importance des politiques de libéralisation du secteur énergétique et de l'ouverture du capital d'EDF au regard de la transparence nucléaire.
Le désengagement de l'État dans la définition de la politique énergétique ne permet pas d'assurer la transparence nucléaire dans de bonnes conditions.
En effet, la gestion privée des entreprises énergétiques correspond à un recul démocratique important puisque les citoyens et les salariés n'ont plus leur mot à dire. Ce déficit démocratique est alors potentiellement facteur de manque de transparence et de risque.
Ainsi, la libéralisation du secteur de l'électricité conduit EDF à recourir de plus en plus souvent à la sous-traitance, qui ne permet pas d'assurer la sécurité des personnels, des installations et des populations. La question de la formation et du statut des professionnels du nucléaire est fondamentale.
La perte de maîtrise publique fait également peser de lourdes questions sur le financement du traitement des déchets nucléaires et sur le financement du démantèlement des centrales devenues vétustes. Une entreprise privée n'assumera pas ces missions de service public.
Enfin, comment ne pas reconnaître que le développement de l'énergie nucléaire a permis de fournir à nos concitoyens de l'électricité à moindre coût ? Nous estimons que cette énergie a, en partie, permis de rendre crédible le droit d'accès de tous à l'énergie.
Ce sont ces questions dont il nous faut débattre avec la population. C'est la question de la maîtrise publique des entreprises énergétiques qu'il nous faut soumettre à un référendum, comme l'ont proposé l'ensemble des forces de gauche par la motion référendaire.
C'est pourquoi nous combattons la privatisation de GDF prévue dans ce projet de loi.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons voter en faveur d'un amendement qui limite la consultation nationale à la seule question - réductrice - de l'abandon du nucléaire et qui propose concrètement l'arrêt de l'EPR.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Malgré nos nombreux points de convergence avec M. Desessard, nous ne pourrons pas le suivre sur cet amendement. Il n'en sera d'ailleurs pas surpris, puisqu'il connaît notre position sur le nucléaire.
Permettez-moi de rappeler les propos que nous tenions lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, tant en première lecture, au mois de juin 2004, qu'en deuxième lecture, au mois de mai 2005. « Nous sommes totalement favorables - nous l'avons d'ailleurs rappelé à plusieurs reprises - à un rééquilibrage du bouquet énergétique. En effet, il ne nous paraît pas sain que le nucléaire représente près de 80 % de la production d'électricité d'un pays comme la France. »
Notre position est donc claire. Nous ne sommes pas du tout hostiles au nucléaire et nous ne voterons pas l'amendement de notre collègue Jean Desessard.
Toutefois, nous souhaitons un rééquilibrage du bouquet énergétique, afin de favoriser le développement des énergies renouvelables.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je remercie chaque formation politique d'avoir précisé son point de vue sur le nucléaire.
L'amendement n° 193 rectifié ²vise à insérer un article additionnel ainsi rédigé : « Le Parlement propose la tenue d'un référendum en 2009 portant sur l'abandon du recours à l'énergie nucléaire en France. Jusqu'à cette date, un moratoire est décidé sur la construction de tout nouveau réacteur. »
Quant à l'amendement n° 194, son dispositif est un peu plus ambitieux. Dans ces conditions, si notre assemblée rejetait l'amendement n° 193 rectifié, j'imagine qu'il me serait encore plus difficile de faire adopter l'amendement n° 194. En effet, celui-ci tend à faire en sorte que la France abandonne progressivement l'énergie nucléaire à partir de l'année 2009, à moins que les Français n'aient d'ici là exprimé par référendum leur préférence pour ce type d'énergie.
Je remercie M. Le Cam d'avoir précisé la pensée du groupe CRC et, par là même, du parti communiste. Toutefois, l'expression « Le PCF remet en cause le dogme du tout-nucléaire » n'est pas de moi. En l'occurrence, il s'agit du titre d'un article du journal Le Monde daté du 7 octobre 2006. Je suis désolé de me référer ainsi à un journal bourgeois (Sourires), qui ne traduit sans doute pas la réalité de la pensée communiste.
Dans cet article, il était écrit ceci : « Il s'agit de trois petites phrases au milieu de 119 propositions pour 2007. Le document ?Ce que nous voulons?, programme commun de la gauche radicale, recèle une surprise pour les militants du PCF. Pour la première fois, ses dirigeants acceptent la remise en cause d'un dogme : le tout-nucléaire. Dans le catalogue des mesures que devrait prendre un gouvernement ?vraiment de gauche? » - je souscris totalement à cet objectif - « imaginé par le collectif national pour un rassemblement antilibéral, le chapitre consacré au nucléaire explique que, pour trancher le différend entre sortie du nucléaire et maintien d'un nucléaire sécurisé, » - vous l'avez bien précisé, mon cher collègue - « ?un référendum populaire? sera organisé à l'issue d'un ?débat national sur la politique énergétique?. »
Il est donc bien fait mention d'un « référendum populaire ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, mais sur l'ensemble de la politique énergétique, et pas seulement sur le nucléaire !
M. Jean Desessard. De toute façon, mes chers collègues, vous avez précisé votre pensée, et je vous en donne acte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes mieux placés que Le Monde pour exprimer nos propres positions !
M. Jean Desessard. Certes, mais, en l'occurrence, l'article du Monde précisait simplement le contenu du programme commun de la gauche radicale.
L'article se poursuivait ainsi : « Pendant la durée de ce débat public - pas moins de deux à trois ans, reconnaissent les intéressés -, ?un moratoire sur la construction de tout nouveau réacteur? sera décrété. En clair, le sort du réacteur EPR est suspendu à cette consultation. Mieux encore, la centrale de Fessenheim, dans le Haut-Rhin, la plus ancienne de l'Hexagone, ?sera fermée? car ?elle ne garantit pas la sécurité des conditions de travail et de vie des populations? ».
J'avais cru comprendre que certaines forces politiques de gauche avaient évolué. Quoi qu'il en soit, je prends acte de la position des membres du groupe CRC, ainsi que de celle des sénateurs socialistes.
MM. Roland Courteau et Daniel Reiner. Notre position est constante !
M. Jean Desessard. Par conséquent, je maintiens mon amendement, même si j'ai bien remarqué qu'il avait peu de chance d'être adopté par notre assemblée. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
M. Marcel Deneux. Mes chers collègues, nous arrivons au terme d'une séance qui a été très riche et je sors de ma torpeur. (Sourires.)
Beaucoup de choses ont été dites. Certaines sont peut-être excessives, mais d'autres nous obligent à réfléchir sur des orientations qu'il faudrait approfondir.
Dans les années à venir, nous ne pourrons pas faire l'économie d'une vaste réflexion sur la question énergétique, sur la nécessité de maîtriser notre consommation et sur le développement durable.
Mais je voudrais dire à mon ami Jean Desessard que ce n'est pas avec des positions excessives que nous parviendrons à convaincre l'opinion publique. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voté ses amendements, dont j'approuvais pourtant l'orientation, mais dont les traductions chiffrées me paraissaient excessives, et parfois même erronées.
Il faut le dire à nos compatriotes, notre équipement nucléaire actuel est une chance inouïe pour la France. Sans lui, notre situation au regard des exigences du protocole de Kyoto aurait été fort différente. En effet, lorsque les abus des différents pays signataires ont été calculés, notre pays a bénéficié d'un avantage exceptionnel. Il était utile de le rappeler.
S'agissant du nucléaire, pour être crédibles, vous, les Verts, vous devez faire un effort de cohérence intellectuelle. Il n'est pas possible de chercher à atteindre les objectifs que vous chiffrez tout en réclamant la diminution généralisée de la consommation énergétique et l'abandon du nucléaire.
À cet égard, permettez-moi de mentionner un autre exemple d'incohérence. Le seul argument que vous pouvez sérieusement utiliser à l'encontre du nucléaire concerne les déchets. En effet, notre production de déchets représente chaque année l'équivalent de 4 grammes par Français, soit 270 tonnes pour l'ensemble de notre pays. Il s'agit effectivement d'un véritable problème. Mais votre formation politique a participé au gouvernement qui a décidé la fermeture de Superphénix. Or ce réacteur constituait sans doute un élément de réponse scientifique ; vous avez perdu beaucoup de crédibilité en soutenant son arrêt définitif.
Si nous voulons être compris, il faut se garder de toute position excessive. Pour ma part, je continuerai de militer dans votre sens, mais en défendant des positions modérées, afin que l'opinion publique évolue réellement. Nous devons réaliser un effort énorme, mais cela ne passe pas par des outrances.
C'est la raison pour laquelle je voterai contre ces deux amendements.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 530 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 587 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz est conditionnée à l'adoption préalable d'une directive cadre relative aux services d'intérêt économique général.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 530.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à rappeler la nécessité de l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général avant toute ouverture à la concurrence du marché du gaz.
Au regard du présent projet de loi, il ne me semble pas inutile de rappeler ici l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne, qui consacre la place des services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union européenne.
Il nous paraît aujourd'hui indispensable qu'un outil juridique transversal reconnaisse le rôle spécifique des services publics, alors que, selon les termes de la stratégie de Lisbonne, qui a été définie au mois de mars de l'année 2000, les services d'intérêt économique général « jouent un rôle fondamental pour assurer la compétitivité globale de l'économie européenne, rendue attractive par la qualité de ses infrastructures, le haut degré de formation des travailleurs, le renforcement et le développement des réseaux sur l'ensemble du territoire et pour accompagner les mutations en cours par le maintien de la cohésion sociale et territoriale ».
Par ailleurs, la déclaration sur les services d'intérêt économique général annexée au traité de Nice, qui a été signé au mois de décembre 2000, reconnaît que « la contribution des services d'intérêt économique général à la compétitivité européenne répond à des objectifs propres : protection des intérêts du consommateur, sécurité des usagers, cohésion sociale et aménagement du territoire, développement durable ».
Or l'élaboration d'une telle directive-cadre n'a cessé d'être repoussée par la Commission européenne, bien qu'elle soit promise depuis longtemps.
Ainsi, elle a été mentionnée aux conseils européens de Nice, au mois de décembre 2000 - je l'ai évoqué -, de Laeken, au mois de décembre 2001, et, surtout, de Barcelone, au mois de mars 2002. À cette occasion, et sur l'injonction décisive du Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, le Conseil européen a demandé à la Commission européenne de « poursuivre son examen en vue de consolider et de préciser, dans une proposition de directive-cadre, les principes relatifs aux services d'intérêt économique général, qui sous-tendent l'article 16 du traité ».
Le Parlement européen n'a pas été en reste. Il a ainsi demandé à la Commission européenne de procéder une analyse détaillée des conséquences de la libéralisation des services d'intérêt général avant d'engager de nouvelles étapes de libéralisation. Il a également clairement souhaité que le conseil européen de Laeken soutienne « une proposition de la Commission en vue d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général qui devrait garantir que le public puisse disposer de tels services ». Selon les parlementaires européens, de tels services « doivent être fournis dans des conditions fiables : qualité élevée, disponibilité générale, prix optimal, équilibre social et sécurité d'approvisionnement durable ».
Comme vous pouvez le constater, la Commission européenne est restée sourde aux injonctions tant du Conseil européen que du Parlement européen.
Pour notre part, nous estimons que cela n'est plus acceptable aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 587.
M. Jean Desessard. Lors de l'examen des amendements précédents, quelques divergences ont pu apparaître entre les formations politiques de gauche, en particulier sur le nucléaire.
En revanche, nous sommes tous en accord sur la nécessité de créer des services publics européens.
M. Jean Desessard. De notre point de vue, il est possible de construire l'Europe autrement qu'en pratiquant l'ouverture à la concurrence ou au marché et en bradant nos services publics, qui fonctionnent pourtant bien et qui sont appréciés par les Français et par les habitants d'autres pays européens.
Je partage donc le point de vue de mon collègue Roland Courteau. S'il doit y avoir construction européenne, il doit également y avoir généralisation des services publics nationaux. En effet, ceux-ci sont efficaces, assurent un statut à leurs salariés, offrent un véritable service aux usagers et remplissent bien leur mission. Une telle généralisation est donc nécessaire à la construction de l'Europe, qui doit être réorientée dans un sens plus politique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, je vous rappelle que la notion de service public n'est pas étrangère au droit communautaire. En effet, les directives de 2003 sur les marchés de l'énergie permettent aux États membres d'imposer des obligations de service public aux opérateurs.
Les auteurs de ces deux amendements identiques souhaitent une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général. Pour ma part, je ne s'y suis pas hostile et, lorsque M. François Loos s'est exprimé devant la commission des affaires économiques, il a rappelé que le Gouvernement n'y était pas opposé non plus.
En revanche, il est plus difficile de trouver des partenaires parmi les vingt-cinq États membres pour aller dans cette direction.
En outre, je suis totalement en désaccord avec ces deux amendements identiques, qui visent à faire de l'adoption d'une telle directive un préalable à l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz. En réalité, il s'agit d'une manoeuvre pour retarder l'adoption du projet de loi que nous examinons actuellement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) J'y suis bien sûr tout à fait hostile et la commission a émis un avis défavorable.
M. Jean Desessard. Vous êtes trop pressé, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. M. le rapporteur l'a parfaitement mis en évidence, cet amendement est une ficelle. Vous souhaitez que ce projet de loi ne soit pas adopté et vous invoquez l'absence de directive européenne sur les services d'intérêt général pour refuser de transposer les directives sur l'énergie.
M. Roland Courteau. C'était une condition du sommet de Barcelone !
M. François Loos, ministre délégué. Évidemment, je comprends que vous vouliez que cette directive voie le jour et, comme vous savez qu'elle n'a presque aucune chance de paraître dans un avenir proche, vous êtes tranquilles, l'invocation de ce retard revient à annuler carrément le projet de loi.
M. Roland Courteau. Il fallait l'exiger de la Commission !
M. François Loos, ministre délégué. Quant à moi, parce que je souhaite, au contraire, que le projet de loi soit adopté pour toute une série de bonnes raisons, je souhaite que votre amendement soit rejeté et j'émets donc un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez rien fait !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Nous voudrions croire le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui a reconnu, le 26 septembre 2006, « la nécessité de consolider le cadre réglementaire applicable aux services d'intérêt général » - c'est à noter de sa part -, en rappelant que les services publics sont au coeur même du modèle de société européen et qu'on ne pouvait ignorer que « les services dits de réseau [...] représentent environ 7 % du PIB collectif et 5 % du total de l'emploi dans l'Union européenne ».
Pour le président de la Commission européenne, ce cadre réglementaire doit reposer sur quatre principes.
Premièrement, le principe de subsidiarité, qui laisse les États membres libres d'organiser et de financer leurs services d'intérêt général.
Deuxièmement, le principe de compatibilité entre les services d'intérêt général et le marché intérieur. M. Barroso a d'ailleurs noté que l'article 86 du traité stipule qu'« en cas de conflit insoluble entre les règles du marché intérieur et les missions d'intérêt général », c'est l'intérêt général « qui doit primer ».
Troisièmement, ce cadre général doit être fondé sur les caractéristiques mêmes des services d'intérêt général : rapport qualité-prix, accès universel, respect des consommateurs, cohésion sociale.
Quatrièmement, le principe de « sécurité juridique » doit s'appliquer. Nous souhaitons que cette sécurité juridique soit garantie par un texte unique. Nous estimons, en effet, qu'il n'est pas suffisant que la Commission européenne propose de présenter d'ici à la fin de l'année une communication qui, selon ses dires, permettrait d'approfondir la discussion. Nous n'en sommes plus au stade de la réflexion ; il est temps, désormais, d'agir dans ce domaine.
Les socialistes européens ont élaboré en mai dernier un projet de directive-cadre afin de faire progresser ce dossier et de démontrer qu'il n'était pas si difficile d'élaborer un instrument juridique cohérent.
Nous considérons aujourd'hui que la balle est dans le camp de la Commission européenne, certes, mais aussi dans celui des États membres, et tout particulièrement dans celui du gouvernement français et du Président de la République.
Monsieur le ministre, si vous êtes réellement attaché, comme nous-mêmes, à la préservation mais aussi à la promotion des services publics qui, seuls, peuvent garantir la solidarité et la cohésion sociale et territoriale, vous devez soumettre un tel projet aux vingt-quatre autres États membres.
Quoi qu'il en soit, nous attendons du conseil européen de décembre 2006 une déclaration qui aille au-delà des formules des conseil européens de Nice, Laeken et Barcelone et qui comporte un paragraphe demandant explicitement à la Commission européenne la rédaction, en tant que telle, d'une directive-cadre consacrée aux services d'intérêt général, qu'ils soient économiques ou non.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
M. Philippe Goujon. Il ne faut pas exagérer, quand même !
Plusieurs sénateurs socialistes. Exagérer quoi ? Nous avons la parole et nous la gardons !
Mme Bariza Khiari. Cette explication de vote est destinée à faire un certain nombre de mises au point.
C'est bien Lionel Jospin, alors Premier ministre, qui a exigé, lors du conseil européen de Barcelone, en mars 2002, que l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général soit une condition sine qua non de l'ouverture à la concurrence maîtrisée. C'est ce qu'il a obtenu.
Lors de la conférence de presse qui s'est tenue à l'issue de ce conseil, il n'a pas manqué de préciser que « au sein du Conseil la discussion s'est faite de façon corollaire entre l'article 36 et l'article 41 sur les services d'intérêt général. Le fait d'avoir obtenu le principe de la recherche de l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général est vraiment un motif de satisfaction. [...] Donc, ce lien que nous avons établi entre une ouverture progressive, pour le moment limitée aux professionnels, et le fait d'inscrire dans une directive-cadre des principes d'égalité, a été reconnu et affirmé ».
En tout état de cause, le Conseil européen a demandé à la Commission européenne « de poursuivre son examen en vue de consolider et de préciser, dans une proposition de directive-cadre, les principes relatifs aux services d'intérêt économique général qui sous-tendent l'article 16 du traité [...] »
La prise de position de Lionel Jospin a d'ailleurs été fortement soutenue par le Président de la République Jacques Chirac qui, lors de la même conférence de presse, a considéré que l'obtention de cette condition était une victoire française. Il a ainsi indiqué que les conclusions du Conseil « réaffirment par ailleurs, ce qui était pour nous très important, les principes fondamentaux de notre principe essentiel de service public. Et nous avons obtenu que la Commission propose une directive-cadre sur le sujet des principes des services publics, directive-cadre qui devrait normalement être faite avant la fin de l'année », c'est-à-dire avant la fin du mois de décembre 2002 !
Depuis, le Président de la République n'a pas été très convaincant dans la promotion d'une telle directive qui, il y a quatre ans déjà, était apparue indispensable. Cela explique peut-être aussi le résultat du référendum du 29 mai 2005.
Nous regrettons que l'engagement personnel du Président de la République n'ait pas été suivi d'effet. Depuis mai 2002, c'était bien à lui de rappeler à nos partenaires européens leurs engagements, c'était bien à lui et à ses ministres de défendre sans relâche auprès de la Commission européenne cette exigence.
Nous le lui rappelons aujourd'hui, ainsi qu'à ses ministres. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, l'absence de directive-cadre ne nous arrange pas !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. L'élaboration de la directive-cadre sur les services d'intérêt général était un engagement du Conseil européen, qui n'a pas été tenu. Mais le groupe socialiste du Parlement européen ne se contente pas de réclamer cette directive-cadre : il a choisi de prendre les devants pour relancer le débat.
En l'absence de toute initiative de la part de la Commission européenne, qui a ignoré jusqu'ici les demandes du Conseil européen, et en l'absence de garanties suffisantes pour les services publics dans le projet de directive « Services », les socialistes européens, sur l'initiative des eurodéputés socialistes français, se sont vus dans l'obligation de rédiger une ébauche de directive-cadre sur les services d'intérêt général. Pour que ce projet aboutisse, il faut bien entendu qu'une certaine volonté politique soit à l'oeuvre.
Cette initiative est née du constat que l'Union européenne ne peut se réduire à un marché. À l'heure de la directive « Services », il est urgent de garantir la continuité d'autres types de services qui répondent à des missions d'intérêt général et doivent pouvoir bénéficier d'un cadre spécifique en dehors des règles de concurrence. Il est également urgent de rappeler que la construction européenne reste sous-tendue par des valeurs universelles que les services publics, économiques ou non, sont les mieux à même de promouvoir. Ces valeurs sont la solidarité, l'égalité des chances, la cohésion territoriale et sociale. L'enjeu n'est pas uniquement français.
L'objectif général de cette proposition de directive-cadre vise ainsi à fournir, en particulier, un cadre protecteur pour les services d'intérêt économique général. Nous estimons que les services publics ne doivent pas être seulement encadrés par des directives sectorielles ; le risque est réel que la Commission européenne multiplie les propositions de directives sectorielles, créant autant de degrés de protection.
Nous ne pouvons accepter, par exemple, que le secteur de la santé soit considéré comme un secteur industriel, c'est-à-dire comme un service d'intérêt économique général et non comme un service public ; tout le monde en conviendra avec nous !
Si les services sociaux ont pu être sortis du champ de la directive « Services », ils ne sont protégés aujourd'hui par aucune législation. L'élaboration d'une directive relative aux services et la reconnaissance de la spécificité des services publics ne peuvent se substituer à un cadre juridique transversal.
Nous estimons qu'il est donc temps de stabiliser le droit pour éviter le contentieux qui n'a cessé de se multiplier au cours des dernières années et nous ne pouvons pas accepter - j'englobe dans ce « nous » l'ensemble des parlementaires et le Gouvernement - que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes tienne lieu de législation européenne. Il convient, en particulier, de mieux protéger les services publics locaux, de plus en plus attaqués par cette jurisprudence, et d'éviter que la liberté reconnue aux autorités locales d'organiser et d'assurer ces services soit peu à peu réduite à la portion congrue. Il s'agit aussi de faire respecter le principe essentiel de subsidiarité.
En résumé, l'élaboration d'un principe général nous semble la solution adéquate et cohérente pour définir et mieux protéger les services publics, qu'ils soient ainsi dénommés ou non, au niveau européen.
Voilà la raison pour laquelle nous regrettons que les deux directives que nous transposons aujourd'hui puissent s'appliquer, sans s'être assuré au préalable qu'un instrument juridique pourra garantir l'ensemble de nos services publics, économiques ou non, dans leurs missions ou leur organisation.
L'ensemble des sénateurs pourrait parfaitement partager cette préoccupation.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
Je crois que nous allons commencer ce soir l'examen de l'article 1er. En ce qui me concerne, je peux encore tenir une bonne partie de la nuit !
M. Jean Desessard. Moi aussi ! J'ai une énergie renouvelable !
M. Roland Courteau. L'élaboration de la directive-cadre était la première des deux conditions définies au sommet de Barcelone pour la poursuite du processus de libéralisation. Mes collègues viennent de le rappeler.
Monsieur le ministre, vous nous reprochez de chercher à retarder par cet amendement l'adoption du projet de loi et la transposition des directives...
Convenez que, au lieu de donner sans conditions le feu vert à l'ouverture totale aux ménages, comme l'a fait Nicole Fontaine, si vous aviez fait le siège de la Commission européenne dès 2002 pour qu'elle réagisse et respecte les décisions du Conseil européen, nous ne serions pas aujourd'hui dans l'obligation de déposer un amendement dans le but de nous éviter ce grand saut dans l'inconnu que représente la libéralisation totale de l'électricité et du gaz.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 530 et 587.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 531 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mme Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 588 est présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces amendements sont ainsi rédigés :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public industriel et commercial chargé de services d'intérêt général avant la fin de l'année 2006.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour défendre l'amendement n° 531.
Mme Bariza Khiari. La loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières a abandonné le statut d'établissement public industriel et commercial d'Électricité de France et de Gaz de France, pour les transformer en sociétés anonymes, régies par le droit commun des entreprises.
Soulignons que, par la même occasion, cette loi a permis de diminuer le seuil de participation minimal de l'État au sein du capital de ces deux nouvelles sociétés, en le fixant à 70 %.
Cette transformation a été accompagnée des engagements que l'on sait, pris par le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, sur le maintien du caractère majoritairement public du capital de ces sociétés. Mais Nicolas Sarkozy n'a pas pris cet engagement seul, il l'a fait bien évidemment au nom de l'État.
Aujourd'hui, on nous demande de privatiser GDF, alors que rien ne nous y oblige sur le plan européen !
Faut-il vous rappeler les propos de Mario Monti, alors commissaire européen chargé de la concurrence, lors d'une audition devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion des entreprises publiques, le 10 juin 2003 ?
« Il me paraît tout d'abord important de rappeler que le traité de Rome ne préjuge pas du régime de la propriété des entreprises [...]. S'agissant du principe de neutralité, il est parfois reproché à la Commission européenne de s'attaquer plus souvent aux entreprises publiques qu'aux entreprises privées et d'imposer la privatisation [...].
L'article 295 du traité instituant la Communauté européenne précise clairement que le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les États membres. Il n'appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des États membres.
Je voudrais ajouter qu'au-delà de l'aspect strictement juridique, notre approche est également fondée sur le fait qu'en qualité d'autorité en charge de la concurrence, nous ne voyons aucune raison économique de privilégier ou de discriminer une catégorie d'entreprises. »
Vous prenez donc seuls l'entière responsabilité de privatiser Gaz de France, et ce malgré toutes les incertitudes entourant la fusion GDF-Suez, que nous venons, mes collègues et moi-même, de souligner et qui hypothèquent grandement la réussite du futur groupe.
À défaut de l'alibi européen, vous aviez invoqué les risques d'une OPA émanant d'ENEL. Ces risques se sont dissipés - d'autres sont cependant apparus ce matin -, et nous savons bien que la nouvelle entité ne sera pas à l'abri de la convoitise de grands opérateurs gaziers, tels que Gazprom. De telles convoitises pourraient d'ailleurs se traduire autrement que par des OPA.
Bref, vous faites courir à notre sécurité d'approvisionnement et à notre système régulé de tarification de graves risques ! Nous aurons l'occasion d'y revenir plus longuement lors de l'examen du titre Ier de ce projet de loi.
Cela étant, on se souvient que, en avril 2003, la Commission européenne avait été sur le point d'engager une procédure formelle d'examen sur la garantie illimitée dont bénéficiait EDF du fait de son statut d'EPIC, laquelle rendait inapplicable la législation sur la faillite et l'insolvabilité. La Commission européenne avait donc demandé l'extinction du statut d'EPIC pour EDF et GDF, afin d'éliminer cet élément de distorsion de concurrence.
Or, faut-il rappeler que le statut d'EPIC peut être considéré comme fondamental pour l'organisation de nos services publics et le maintien de la cohésion économique et sociale de notre pays ? C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements tendant à le défendre, que nous présenterons ultérieurement.
Comment envisager, en effet, la faillite de nos services publics de l'électricité ? Ce serait aboutir à la paralysie de notre économie et priver nos concitoyens de l'accès à ce bien vital, de première nécessité, que constitue l'énergie. Qui y songe ? À titre d'exemple, la recapitalisation publique de British Energy, au bord de la faillite, a répondu à la nécessité de sauver ce bien public précieux !
C'est pour répondre à une telle préoccupation que le statut d'EPIC a été inventé. Il nous faut aujourd'hui réfléchir aux moyens, pour la collectivité, de se réapproprier ces biens de première nécessité, indispensables à la vie de nos concitoyens et au développement durable de nos économies.
Ainsi, dans le cadre des travaux européens sur les services d'intérêt général, il serait intéressant d'expertiser la création d'un nouveau modèle de société spécifique, qui aurait pour champ d'intervention la gestion des services d'intérêt général. Son caractère public la mettrait à l'abri de toute pression d'actionnaires privés et lui permettrait d'oeuvrer conformément à l'intérêt général.
M. le président. Il faut conclure, madame Khiari !
Mme Bariza Khiari. La création de cette nouvelle catégorie d'EPIC devrait aussi permettre de concilier la volonté de préserver le statut d'EPIC, et plus particulièrement la garantie illimitée de l'État, avec l'exigence, rappelée par la Commission européenne, d'un alignement des garanties de droit commun.
Tel est le sens de cet amendement, qui vise à engager une réflexion sur les pistes d'avenir permettant de préserver les services d'intérêt général.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 588.
M. Jean Desessard. Mon amendement est identique à celui que vient de présenter Mme Khiari, qui a pris le temps de bien exposer la problématique.
Pour ma part, je souhaiterais aborder deux points.
Tout d'abord, je pressens que M. le rapporteur nous objectera que nous demandons encore une fois la remise d'un rapport.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non, je ne dirai pas cela !
M. Jean Desessard. Toutefois, ce serait en fait le premier, puisque toutes nos autres demandes de cet ordre ont été rejetées jusqu'à présent. Nous pouvons donc espérer de sa part un avis favorable, me semble-t-il !
Ensuite, j'observerai que nous avons déjà évoqué cette question de la création d'une nouvelle catégorie d'EPIC lorsque nous avons débattu de la privatisation d'Aéroports de Paris.
À l'époque, on nous avait dit qu'il fallait privatiser Aéroports de Paris parce qu'un tel établissement public est hors la loi quand il intervient hors des frontières nationales et sort de sa mission de gestion des aéroports parisiens. Nous avions été sensibles à cet argument, nous ne sommes pas obtus ! Il nous avait alors semblé que les compétences de cet établissement en matière, par exemple, de construction de tours de contrôle devraient pouvoir s'exercer à l'étranger.
Avait donc été imaginé un nouveau type d'établissement public à vocation internationale, ayant des comptes à rendre à l'État français mais étant en mesure d'exécuter certaines missions à l'extérieur de nos frontières, puisque l'on sait bien que, aujourd'hui, il est difficile de limiter le champ de son activité au seul territoire national.
Cette démarche relève donc de l'effort de modernisation que nous avons tous à faire, mais toujours, en ce qui nous concerne, à gauche, dans un esprit de solidarité : il faut garder un service public en l'adaptant au XXIe siècle. Comme l'a dit M. Breton, il faut vivre avec son temps et ne pas borner ses références au XIXe siècle ! Or, précisément, nous avions proposé d'instaurer des établissements publics à vocation internationale, adaptés à notre époque.
Dans cette optique, afin de nourrir la réflexion, nous proposons qu'un rapport sur la création d'une nouvelle catégorie d'EPIC chargé de services d'intérêt général soit remis au Parlement avant la fin de cette année.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements identiques ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je suis hostile à ces amendements, non parce qu'ils prévoient la remise d'un rapport au Parlement, monsieur Desessard, mais parce que Bruxelles ne permet plus qu'un EPIC ait la garantie de l'État. Vous voudriez en fait instituer une nouvelle forme d'EPIC n'ayant pas cette garantie ; cela s'appelle, tout simplement, une société anonyme !
Par conséquent, vous demandez l'impossible. Je n'ai pas bien compris, très sincèrement, quelle pouvait être l'utilité de ces amendements, sur lesquels j'émets bien entendu un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. S'agissant de GDF, il est aujourd'hui nécessaire que cette entreprise puisse investir et prendre position sur un amont gazier extrêmement coûteux. Pour cela, GDF a besoin d'une plus grande ouverture de son capital, qui lui permette d'absorber un acteur qui soit à peu près de sa taille et lui donne les moyens d'aller au-devant des propriétaires de très gros gisements, avec lesquels nous souhaitons qu'il puisse conclure des accords de long terme pour garantir l'approvisionnement de notre pays.
Il n'est donc pas souhaitable de lui conférer une structure dans laquelle son capital serait fixé une fois pour toutes.
En ce qui concerne EDF, nous avons transformé cet ancien EPIC en société anonyme et ouvert récemment son capital. L'augmentation de ce dernier a permis à l'entreprise de recevoir, si ma mémoire est bonne, une dizaine de milliards d'euros.
M. Jean Desessard. Il faut être précis, monsieur le ministre !
M. François Loos, ministre délégué. Nous avons souhaité que cette augmentation du capital s'opère sans que l'État vende des participations, notre objectif étant que cette dilution de la part de l'État, laquelle atteint tout de même encore 85 %, donne à EDF les moyens de faire ce qui nous paraît aujourd'hui le plus important, à savoir investir. Nous avons en effet demandé à EDF d'investir 40 milliards d'euros dans les cinq ans à venir.
En tout état de cause, ce n'est pas en créant une nouvelle forme d'EPIC que l'on aidera EDF et GDF à atteindre les objectifs qui leur sont assignés au nom de l'intérêt général.
En conséquence, j'émets un avis défavorable sur les deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 531 et 588.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Robert Bret, Mmes Éliane Assassi, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon-Poinat, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera, Jean-François Voguet et Pierre Biarnès une proposition de loi tendant à la reconnaissance de la répression d'une manifestation à Paris le 17 octobre 1961.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 19, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
10
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à réprimer la contestation de l'existence du génocide arménien.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 20, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
11
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil portant adaptation de certaines directives dans le domaine de la libre circulation des personnes, en raison de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3261 et distribué.
12
Renvoi pour avis
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié (n° 15, 2006-2007), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande et sur décision de la conférence des présidents, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et à la commission des affaires culturelles.
13
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de M. André Lardeux un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants (n° 483, 2005-2006).
Le rapport sera imprimé sous le n° 18 et distribué.
14
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Philippe Adnot, Michel Moreigne et François Marc un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le déplacement effectué du 16 au 23 avril 2006 en Corée et au Japon.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 20 et distribué.
15
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 17 octobre 2006 :
À dix heures :
1. Discussion des conclusions du rapport (n° 12, 2006-2007) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la proposition de loi portant diverses dispositions intéressant la Banque de France (n° 347, 2005 2006), présentée par M. Jean Arthuis.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 octobre 2006, avant dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 octobre 2006, à seize heures.
À seize heures quinze et, éventuellement, le soir :
2. Éloge funèbre de Raymond Courrière.
3. Discussion des conclusions du rapport (n° 11, 2006-2007) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi instituant la fiducie (n° 178, 2004 2005), présentée par M. Philippe Marini.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 octobre 2006, avant dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 octobre 2006, à seize heures.
4. Discussion des conclusions du rapport (n° 18, 2006-2007) de M. André Lardeux, fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants (n° 483, 2005 2006), présentée par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 octobre 2006, avant dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 octobre 2006, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 13 octobre 2006, à zéro heure cinquante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD