sommaire
présidence DE M. Christian Poncelet
2. Organismes extraparlementaires
3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
4. Secteur de l'énergie. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie.
5. Motion référendaire sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie. - Discussion des conclusions négatives du rapport d'une commission
Discussion générale : MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. René Beaumont.
6. Accident ferroviaire en Moselle
M. le président.
7. Motion référendaire sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie. - Suite de la discussion et adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission
Discussion générale (suite) : MM. Jean-Luc Mélenchon, Michel Dreyfus-Schmidt, Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Clôture de la discussion générale.
MM. Jean-Marc Pastor, Gérard Le Cam, François Fortassin.
Adoption, par scrutin public, des conclusions négatives du rapport de la commission entraînant le rejet de la motion.
8. Candidature à une mission commune d'information
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Roland du Luart
10. Nomination d'un membre à une mission commune d'information
11. Secteur de l'énergie. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Motion no 79 de M. Roland Ries. - MM. Roland Ries, Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Mme Éliane Assassi, M. Daniel Raoul. - Rejet par scrutin public.
Motion no 61 de M. Yves Coquelle. - MM. Michel Billout, Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques ; le rapporteur, le ministre délégué, Bernard Piras, Yves Coquelle. - Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 80 rectifié de M. Daniel Reiner. - MM. Daniel Reiner, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Transmission d'un projet de loi
14. Dépôt d'une proposition de loi
15. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
17. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
ORGANISMES extraPARLEMENTAIRES
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de trois sénateurs appelés à siéger respectivement au sein du conseil d'administration de la société Radio France, du conseil d'administration de la société France Télévisions et du conseil d'administration de la société Radio France Internationale.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires culturelles à présenter une candidature pour chacun de ces organismes extraparlementaires.
Les nominations auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l'application de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, conformément à l'article 22 de cette même loi.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires culturelles et sera disponible au bureau de la distribution.
4
Secteur de l'énergie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (no 3, 2005-2006 ; nos 6, 7).
La discussion générale a été close.
Nous allons maintenant entendre la réponse du ministre aux orateurs.
La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Je tiens d'abord à remercier toutes celles et tous ceux qui sont intervenus hier au cours de la discussion générale pour défendre leurs arguments.
Au fond, même si beaucoup d'entre eux ont des divergences de vues sur les réponses à apporter, je constate que le diagnostic est commun, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.
Nous sommes en effet tous conscients des tensions structurelles sur le marché des hydrocarbures et du gaz, de la concentration des approvisionnements sur quelques pays et de la nécessité de mener de grandes politiques en faveur des économies d'énergie et des énergies renouvelables.
On a beau chercher, ce n'est pas en France que l'on trouvera le gaz nécessaire pour notre consommation. La France est donc forcément particulièrement dépendante dans le domaine des hydrocarbures.
Par ailleurs, vous avez tous rappelé le rôle joué actuellement par les collectivités locales et l'importance des responsabilités que nous leur avons confiées. Nous n'avons absolument pas l'intention de les remettre en question.
Notre débat a été particulièrement riche et, au-delà des divergences de vues que je viens d'évoquer, tout le monde a largement constaté que le contexte dans lequel nous vivons nous oblige à évoluer.
Je voudrais remercier tout particulièrement M. le rapporteur, qui a su, en un temps limité, pleinement saisir tous les enjeux et faire des propositions très importantes visant notamment à améliorer la Commission de régulation de l'énergie et la tarification, mais nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.
S'agissant du domaine énergétique, je suis convaincu que ce projet de loi répond aux questions que se posent aujourd'hui Gaz de France et nos concitoyens. Certes, je le sais, notre texte est perfectible. Les pistes que vous avez esquissées, monsieur le rapporteur, sont évidemment très intéressantes, et je peux d'ores et déjà vous indiquer que nous les soutiendrons.
Je remercie également le rapporteur pour avis de son exposé très brillant. Il a souligné l'intérêt de ce projet de loi non seulement pour l'État actionnaire - un point qui devait être explicité, car le Gouvernement ne l'avait pas fait dans son exposé liminaire -, mais également pour l'État régulateur, avec l'action spécifique, point sur lequel il propose d'apporter des améliorations. M. Marini a parlé des enjeux de la Commission de régulation de l'énergie et du tarif de retour. Je ne partage pas toutes ses conclusions en la matière, mais je suis persuadé que nous aurons à ce sujet un débat de très grande qualité.
Monsieur Emorine, en tant que président de la commission des affaires économiques, vous avez partagé, depuis plusieurs mois en réalité, nos efforts et nos réflexions, et vous avez montré dans votre exposé quelles étaient les limites des solutions préconisées par les socialistes : il est plus facile de s'opposer que d'agir ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ça commence bien !
M. François Loos, ministre délégué. Nous avons choisi de présenter ce projet de loi, et je vous remercie, monsieur Emorine, d'avoir souligné cette grande différence entre l'opposition et le Gouvernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement !
M. François Loos, ministre délégué. M. Retailleau a été particulièrement brillant dans sa démonstration et dans la synthèse de tous les enjeux de l'énergie qu'il a présentée. Comme lui, je suis convaincu que, face à la situation internationale, les réponses sont notamment dans le nucléaire et le gaz naturel liquéfié. Qui plus est, à la base, se fait sentir un grand besoin d'investissements dans tous les domaines.
J'ai aussi noté son attachement au service public. Nous avons la volonté de faire respecter tous les engagements de service public de Gaz de France.
Monsieur Coquelle, je ne suis pas sur la même longueur d'onde que vous !
M. Robert Bret. Vous nous rassurez ! (Sourires.)
Mme Hélène Luc. Ça nous paraît normal !
M. François Loos, ministre délégué. J'ai évidemment pris bonne note de vos interrogations, mais je suis persuadé que nous aurons l'occasion de les approfondir au cours de la discussion des amendements.
Je veux maintenant revenir sur quelques sujets que vous avez vous-même examinés.
Vous avez tout d'abord déploré une remise en question du service public. Il faut dire que les directives européennes ont déjà fait l'objet d'une transposition dans notre droit interne, notamment dans les lois de 2000, 2003 et 2004, qui précisent très exactement les obligations de service public auxquelles sont soumis les opérateurs, tant EDF que GDF. Par conséquent, ce texte est exactement le contraire d'une remise en cause ; c'est plutôt un approfondissement de leurs obligations de service public, que nous avons déjà fait avec la loi de 2004 et que nous continuons de faire avec ce texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ? Un approfondissement du service public par la privatisation !
M. François Loos, ministre délégué. Vous pensez que nous voulons la fin des tarifs réglementés. Mais où allez-vous chercher cela ? L'article 4 du projet de loi vise justement à permettre la poursuite des tarifs réglementés. Si nous ne transposons pas ces directives européennes, celles-ci s'appliqueront de facto, et elles prévoient ce que l'on appelle « l'éligibilité des consommateurs ». Dans notre droit interne, comme clients éligibles, nous n'avons jusqu'à présent retenu que les consommateurs professionnels. Mais si, aujourd'hui, nous ne faisons rien, les tarifs réglementés disparaîtront le 1er juillet 2007.
C'est pourquoi nous voulons, avec ce projet de loi, maintenir les tarifs réglementés,...
Mme Hélène Luc. Bien sûr...
M. François Loos, ministre délégué. ...tout en proposant l'éligibilité, c'est-à-dire permettre à ceux qui le souhaitent de faire appel à un autre distributeur. Nous faisons donc en sorte que tout le monde puisse continuer de bénéficier des tarifs réglementés. C'est tout le contraire de ce que vous nous reprochez de faire.
Vous indiquez que nous aurions dû au préalable faire un bilan de la situation. Je suis d'accord avec vous.
Mme Hélène Luc. Alors, faites-le !
M. François Loos, ministre délégué. Mais la Commission européenne, à ce jour, ne l'a toujours pas fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Raison de plus !
M. François Loos, ministre délégué. Nous avons demandé au Conseil supérieur de l'énergie de faire un bilan en France.
M. Bernard Piras. Sarkozy nous avait assuré 70 % !
M. François Loos, ministre délégué. Présidé par Jean-Claude Lenoir, rapporteur sur ce texte de l'Assemblée nationale, et dont le vice-président est votre collègue Henri Revol, ce conseil a réalisé un travail très approfondi pour la préparation de ce texte.
Par ailleurs, vous souhaitez, monsieur le sénateur, défendre les entreprises. Mais, nous aussi, puisque nous mettons en place un tarif transitoire de retour, qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Nous aurons l'occasion d'y revenir longuement ultérieurement, car M. le rapporteur a déjà annoncé un excellent amendement sur ce sujet, visant à faire en sorte que nos entreprises puissent bénéficier des meilleurs tarifs possible. Le texte tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale a d'ores et déjà prévu d'inscrire un impératif en la matière, mais je suis persuadé que nous allons encore améliorer sa rédaction.
Enfin, vous nous reprochez de tenter de supprimer la péréquation des tarifs de distribution du gaz. Là encore, je suis surpris, car la péréquation est précisément l'objet de l'article 8 du projet de loi. Par conséquent, je vous invite, monsieur le sénateur, à mieux lire le projet de loi que nous vous avons soumis. Il est vrai que la lecture est compliquée par de fréquentes références à d'autres textes,...
M. Guy Fischer. Vous parliez de 70 % dans un texte précédent !
M. Robert Bret. Façade !
Mme Hélène Luc. Pour une fois que les Français avaient cru M. Sarkozy...
M. François Loos, ministre délégué. ...mais l'examen des amendements nous donnera sûrement l'occasion d'approfondir cet article.
Monsieur Courteau, bien sûr, je ne suis pas non plus sur la même longueur d'onde que vous ; je le regrette, et je crois très important d'apporter des réponses précises à vos interrogations, et d'abord à vos interrogations sur la « précipitation » et la « remise en cause des engagements de l'État ».
Le marché des hydrocarbures est aujourd'hui marqué par une multiplication des prix de 2,5 depuis 2004 et par une tension structurelle entre l'offre et la demande, situation qui frappe tout particulièrement le marché du gaz puisque environ 60 % des réserves mondiales de gaz dans le monde sont détenues par trois pays seulement, la Russie, l'Iran et le Qatar.
Dans cette situation, la nécessité d'assurer la sécurité d'approvisionnement de notre pays, en quantités suffisantes et avec une continuité de fourniture, pour tous les consommateurs et notamment pour notre industrie, nous impose de remplir un certain nombre de conditions.
Or, une de ces conditions est notre capacité à accéder à l'amont gazier et à signer de grands contrats à long terme, raison pour laquelle nous devons donner à GDF, dont la taille n'est pas appropriée actuellement, les moyens de s'agrandir, et les moyens de le faire non pas en recourant à des emprunts pour acquérir des sociétés, comme jadis France Télécom avec Orange - et je remercie M. Hérisson d'avoir relaté cet épisode -, mais plutôt par le biais d'augmentations de capital et d'échanges d'actions,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D'abord la rentabilité pour les actionnaires !
M. François Loos, ministre délégué. ...c'est-à-dire sans peser sur ses capacités d'investissement dans les gisements et dans les contrats à long terme.
C'est ce qui a amené le Gouvernement à proposer ce projet de loi au Parlement.
Vous vous êtes inquiété du risque pour EDF d'être, de ce fait, confronté à un nouveau concurrent plus dangereux que les concurrents actuels, mais, monsieur Courteau, EDF a déjà dans Suez un concurrent actif et, d'un autre côté, il est lui-même actif dans le secteur du gaz. La concurrence entre EDF, GDF et Suez est donc déjà une réalité.
Vous supposez par ailleurs que le mariage entre Gaz de France et Suez donnera à ce dernier accès à des informations sur EDF, mais apprendre que l'électricité de pratiquement tous les foyers français leur est livrée par EDF n'aura vraiment rien d'une information extraordinaire pour Suez ! Ce n'est donc pas un changement.
Je le répète, nous attendons de Gaz de France-Suez qu'il porte ses efforts sur la sécurité d'approvisionnement en gaz de notre pays, c'est-à-dire sur l'accès à l'amont gazier, et se montre donc particulièrement performant sur les contrats de long terme de gaz.
Vous craignez par ailleurs que la privatisation de Gaz de France n'entraîne un risque tarifaire : selon vous, si des actionnaires privés détiennent le capital de Gaz de France, l'État ne pourra plus imposer une régulation des tarifs comme il le fait aujourd'hui. D'abord, il y a déjà des actionnaires privés dans Gaz de France. Ensuite, le mécanisme de fixation des prix que vous connaissez continuera à jouer, d'autant que vous allez probablement voter un accroissement des compétences et des responsabilités de la Commission de régulation de l'énergie, qui joue un rôle déterminant dans le dispositif...
M. Roland Courteau. Cela ne suffira pas !
M. François Loos, ministre délégué. ...et qui interviendra de manière indépendante dans l'établissement de la politique tarifaire, laquelle sera au contraire renforcée.
Enfin, comme vous, je suis un ardent défenseur de la politique européenne de l'énergie, mais encore faut-il s'entendre sur ce que signifie une politique européenne de l'énergie et sur ce que l'on en attend, sujet sur lequel la discussion des amendements devrait d'ailleurs souvent nous donner l'occasion de revenir.
Mme Nicole Bricq. On a fait le marché avant la politique !
M. François Loos, ministre délégué. Première remarque, la politique européenne de l'énergie, aujourd'hui, c'est l'application des directives, et ce projet de loi vous permet de constater que nous veillons à appliquer ces dernières « à la française » : si nous nous contentions de les appliquer, cela ne vous satisferait pas du tout.
M. Robert Bret. Les Français ont donc eu raison de voter « non » !
M. François Loos, ministre délégué. Deuxième remarque, nous avons déposé à la Commission et au Conseil un mémorandum sur l'Europe de l'énergie. Ce mémorandum a bien des points communs avec le livre vert de la Commission sur l'énergie, et nous sommes encore en train de franchir de nouvelles étapes dans ce domaine.
À la base, sont nécessaires des politiques communes et des objectifs communs sur les économies d'énergie et les énergies renouvelables ainsi qu'un diagnostic commun sur le « mix énergétique », sur les différentes énergies et leurs vertus, et sont indispensables des investissements.
Par exemple, si la Pologne, qui reçoit presque entièrement son gaz de la Russie, veut être plus indépendante ou plus sûre de son approvisionnement, son intérêt est d'avoir des tuyaux qui lui amènent du gaz d'ailleurs. C'est donc bien un problème d'investissements à réaliser, investissements qui pourront se traduire un jour par un terminal méthanier sur un port polonais ou par des canalisations, des pipes venant d'ailleurs que de la Russie.
Pour l'heure, on peut dresser la liste de ce type de décisions mais il appartiendra à chaque pays ou à chaque entreprise dans ces pays de les mettre en oeuvre.
En matière de politique européenne de l'énergie, il reste beaucoup à faire,...
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. François Loos, ministre délégué. ...mais soyez certain que la France se montre particulièrement dynamique puisque c'est elle qui présente les propositions à la Commission dans ce domaine.
Monsieur Deneux, vous avez rappelé que la crise de l'énergie que nous connaissons constituait à la fois un problème économique et un problème géopolitique. Le présent projet de loi tente de répondre aux deux enjeux que sont la transposition et la nécessité de donner à Gaz de France la capacité de se battre dans ce contexte.
Vous avez également insisté sur l'attachement européen de l'UDF. Je viens d'évoquer la façon dont la France s'attache à faire avancer la politique européenne de l'énergie. J'ajoute que la transposition des directives n'est pas en elle-même l'alpha et l'oméga de la politique européenne : nous devons les transposer à notre manière, en les respectant mais en faisant en sorte que leur transcription soit conforme à nos intérêts.
Vous avez également proposé, et je vous remercie d'avoir abordé la question, que des discussions soient menées avec nos partenaires sur les prix de l'électricité en tenant compte de l'incorporation, depuis l'année dernière, du coût des quotas de CO2, aucun producteur d'électricité en France n'ayant en fait eu à le supporter. C'est une autre raison de la nécessité du tarif transitoire de retour, qui permet un ajustement par rapport au supplément indûment payé sur le compte des quotas de CO2.
Vous avez parlé de l'ouverture des marchés et de la nécessité d'investir massivement pour les rééquilibrer. Il est vrai que les quotas de CO2 ont leur part dans l'augmentation des prix, mais cette dernière s'explique aussi par les besoins en capacité de production à l'échelon européen, lesquels sont très élevés.
Nous en avons clairement conscience en France. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a soutenu à la fin de l'année dernière la volonté de EDF d'investir 40 milliards d'euros sur cinq ans dans de nouvelles capacités de production et de transport afin de se donner la meilleure position et d'assurer la plus grande sécurité à nos consommateurs dans le domaine de l'électricité.
Je remercie M. Revol de son analyse exhaustive et pertinente du projet de loi, qui prépare en effet avant tout une ouverture maîtrisée des marchés, ce qui est une autre manière de dire que les directives doivent être transposées « à la française ».
M. Revol a insisté sur les avancées essentielles que sont le tarif de retour et le tarif social du gaz pour mieux protéger nos compatriotes démunis.
Il a également souligné la volonté du Gouvernement de préserver le statut de branche du personnel des IEG, les industries électriques et gazières, sur lequel nous avions déjà donné au printemps des assurances aux partenaires sociaux que nous avions rencontrés avant le dépôt du projet de loi. Je veux réaffirmer ici que nos intentions ne sont absolument pas de modifier ce statut.
M. de Montesquiou a rappelé le contexte énergétique mondial et a avancé des raisons supplémentaires de mener une politique indispensable, tout particulièrement pour permettre à Gaz de France d'augmenter la part de l'amont gazier dans son portefeuille d'activités.
Madame Beaufils, vous vous êtes interrogée sur la constitutionnalité du texte, question que les débats nous amèneront souvent à aborder, mais je puis vous dire d'emblée que nous avons, évidemment, pris des précautions au préalable. Nous avons interrogé le Conseil d'État et sa réponse est sans équivoque : la privatisation de Gaz de France est possible.
Bien entendu, nous ne remettons pas en cause les missions de service public ...
M. François Loos, ministre délégué. Vous avez également craint des hausses de tarifs. J'ai déjà parlé du tarif social du gaz. Je rappelle par ailleurs qu'au début de l'année, alors que Gaz de France demandait à augmenter ses tarifs de 8 % pour tenir compte de la très importante hausse sur le marché à l'achat du gaz, après avoir fait faire une analyse par la CRE et par des experts indépendants, nous avons finalement décidé une augmentation de 5,8 %, soit moins que ce que nous demandait l'entreprise et même moins que ce que préconisait la CRE, cela afin d'être plus proches du consommateur et de tenir compte de l'ensemble des éléments de la situation de Gaz de France.
Vous avez noté les uns et les autres que Gaz de France avait de bons résultats. Ils sont largement liés à son activité internationale et non pas à une hausse excessive des tarifs.
Mme Hélène Luc. Cela ne garantit pas qu'il n'y aura pas d'augmentation !
M. François Loos, ministre délégué. Madame Luc, le prix international du gaz entre pour à peu près 50 % dans le prix français du gaz. Nous sommes obligés d'en tenir compte !
Mme Hélène Luc. On verra si la France continuera à être le pays où le gaz est le moins cher !
M. François Loos, ministre délégué. Madame Beaufils, si, comme vous l'avez rappelé, l'action spécifique n'a pas été acceptée pour certains pays par la Commission européenne, nous avons au contraire un accord du commissaire McCreevy.
Mme Nicole Bricq. Pas du tout ! C'est une simple lettre !
M. François Loos, ministre délégué. D'ailleurs, il y a d'autres actions spécifiques, par exemple celle de la Belgique pour Fluxys et Distrigaz.
Vous verrez cette lettre si vous le souhaitez, mais vous l'avez sans doute déjà lue puisque nous l'avions mise à la disposition des groupes du Sénat.
M. Daniel Raoul se préoccupe de la défense du service public. C'est pourtant le contrat de service public que nous avons mis en avant au travers des lois de 2004 et de 2005.
Dans tous les domaines que vous avez mentionnés, monsieur le sénateur, ce projet de loi apporte des avancées importantes.
Vous avez mentionné le critère de l'équilibre social : nous mettons l'accent sur le tarif social du gaz et nous améliorons le tarif social de l'électricité.
Vous avez mentionné le critère de la qualité : nous faisons figurer dans les obligations de service public de très nombreux critères de qualité qui sont nécessaires pour tous les fournisseurs.
Bref, vous le constatez, nous sommes extrêmement attentifs à tous ces points.
M. Fourcade nous a rappelé les constats dont il fallait partir : transposition des directives européennes, hausse importante des prix, concentration des producteurs entre Gazprom et la Sonatrach.
Il est vrai que l'enjeu porte sur l'accès stratégique aux ressources. C'est pourquoi ce projet de loi permet l'émergence, au sein de la compétition internationale qui fait actuellement rage, d'un groupe qui ne soit pas simplement le distributeur français, mais qui puisse disposer de son propre amont gazier et d'une partie de son approvisionnement.
Tel est l'objectif et pour l'atteindre il faut changer de direction.
Vous avez rappelé que la baisse des prix de l'énergie fossile est une illusion. Il est vrai qu'aujourd'hui nous connaissons les prévisions d'investissement et les prévisions de consommation. Or nous savons que l'écart entre ces deux paramètres fait que les tensions dureront forcément et que le coût d'investissement concernant les nouveaux gisements est tel que le prix de revient sera forcément du même ordre que celui que nous connaissons actuellement.
Contrairement à ce que nous avons connu dans les années soixante-dix, lors de la première crise du pétrole, où un oligopole s'était formé, nous nous trouvons aujourd'hui dans une crise structurelle. Il nous faut donc en tenir compte et tirer toutes les conclusions le plus vite possible.
Monsieur Le Cam, vous nous avez rappelé qu'à la Libération la France avait mis en place une politique de l'énergie. Nos choix pour le nucléaire s'inscrivent dans la continuité de cette politique avec le lancement de l'EPR, l'European pressurised reactor, décidé dans la loi de 2005 et dont l'implantation a été décidée à Flamanville.
Concernant le bouquet énergétique, vous me demandez, monsieur le sénateur, si nous avons bien accordé les moyens nécessaires en faveur des économies d'énergie et du développement des énergies renouvelables.
Effectivement, depuis quelques mois, des arrêtés permettent de garantir le rachat de l'électricité produite par les éoliennes et par les cellules photovoltaïques à un prix qui rentabilise ces éoliennes et ces cellules photovoltaïques. Ces mesures encouragent donc nos concitoyens à installer ce type de matériel.
Nous avons donc affaire à un dispositif très large, qui nous permettra sans doute de changer notre bouquet énergétique. Vous retrouverez tous ces points développés dans la programmation pluriannuelle des investissements que j'ai transmise au Parlement et dans laquelle se trouvent affichés effectivement à la fois des ambitions extrêmement fortes pour le développement de ces énergies renouvelables qui viennent en substitution au pétrole et les moyens correspondants.
Je veux répondre à la question qui a été posée à plusieurs reprises au sujet du projet EDF-GDF. Certes, Thierry Breton ou d'autres avant moi ont déjà parlé longuement de l'expérience du Portugal et des différentes analyses qui ont été faites, et nous aurons sans doute l'occasion d'aborder de nouveau ce sujet lors de l'examen de l'article 10.
Il ne faut pas se bercer d'illusions : imaginer que cette solution est possible est une erreur aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle le texte que je vous présente prévoit de faire grandir GDF en lui offrant la possibilité de se marier avec une entreprise comme Suez.
M. Jean-Michel Baylet a repris beaucoup de ces éléments, et il a notamment insisté sur la nécessité de veiller sur l'emploi. Je profite de cette occasion pour répondre à une interrogation qui s'est fait jour dans la presse pendant les débats à l'Assemblée nationale au sujet de la suppression de 20 000 postes chez EDF-GDF Services.
M. Guy Fischer. Ah oui !
M. François Loos, ministre délégué. Tout ça parce qu'un cabinet d'études, Secafi Alpha, a cité une étude d'une banque et que cette étude montre qu'une baisse des effectifs de 10 % augmenterait la rentabilité de l'entreprise ! On en a donc ainsi déduit qu'une baisse de 20 000 effectifs augmenterait la rentabilité et que 20 000 emplois seraient par conséquent supprimés !
Mais il n'y a aucune raison d'imaginer (Vives protestations sur les travées du groupe CRC)...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne vous croit pas !
M. François Loos, ministre délégué. EDF-GDF Services est aujourd'hui une entreprise chargée de l'entretien des réseaux. Or ces réseaux d'EDF et de GDF n'ont aucune raison de diminuer, ni en nombre de kilomètres ni en coût d'entretien !
M. Guy Fischer. L'expérience a montré que ce sont toujours les salariés qui trinquent !
M. Charles Gautier. Ils sont la variable d'ajustement !
M. François Loos, ministre délégué. Il est question d'EDF-GDF Services. Je réponds donc à la question que plusieurs sénateurs m'ont posée, notamment Jean-Michel Baylet.
La tâche d'EDF-GDF services consiste à entretenir les réseaux. La dimension des réseaux n'a aucune raison de diminuer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a qu'à voir l'amendement Marini !
M. François Loos, ministre délégué. Par conséquent la quantité de travail nécessaire restera probablement la même dans ce domaine.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n'avons pas confiance dans les engagements du Gouvernement !
M. François Loos, ministre délégué. M. Sergent m'a interrogé sur les conséquences qu'aurait ce texte au niveau des réseaux de distribution.
Je veux le rassurer complètement. J'aurai l'occasion de le faire plus précisément lorsque nous examinerons les amendements, mais je peux d'ores et déjà le tranquilliser sur le maintien de l'existant : la propriété des réseaux par les collectivités est réaffirmée dans le projet de loi, le monopole des concessions à GDF est maintenu et GDF aura encore plus de moyens pour entretenir les réseaux, un service commun entre EDF et GDF chargé de la maintenance des réseaux est maintenu - c'est l'article 7 du projet de loi -, le contrat de service public entre l'État et GDF est maintenu, fixant en particulier les objectifs de proximité et de garantie de suivi du service des usagers, la péréquation est maintenue.
Tout cela figure dans le texte du projet de loi.
M. Daniel Reiner. Et 70 %, c'était aussi dans le texte !
M. François Loos, ministre délégué. Il s'agit donc d'inquiétudes injustifiées.
M. Xavier Pintat a fait part de son soutien à ce texte, et je l'en remercie. Il nous a rappelé l'importance de l'échelon de proximité, qui est l'échelon nécessaire pour une organisation efficace. Il propose dans un certain nombre de domaines d'aller plus loin et il a déposé des amendements en ce sens. Grosso modo, je serai favorable à presque tous ces amendements.
M. Jacques Valade. Très bien !
M. François Loos, ministre délégué. L'intervention de M. Jean-Marc Pastor appelle plusieurs mises au point.
On ne peut pas dire, même si cela vous arrange, monsieur Pastor, qu'un rapprochement entre Suez et GDF n'apporte rien sur la maîtrise de l'amont gazier : on crée quand même un des leaders mondiaux du gaz naturel liquéfié !
De plus, il est faux d'affirmer que, ce faisant, on crée un concurrent à EDF, car cette concurrence existe déjà.
L'action spécifique offre une réelle protection, notamment pour toutes les infrastructures essentielles. En tout état de cause, cette action spécifique, dont le principe a été validé par le commissaire McCreevy, donne à l'État le pouvoir de s'opposer aux décisions sur toutes les infrastructures de transport, les infrastructures portuaires et les infrastructures de stockage.
En conséquence, nous avons, d'un côté, une minorité de blocage, qui donne beaucoup de garanties, et, de l'autre, une action spécifique, qui en donne d'autres.
Vous voyez donc que l'État s'est doté d'un certain nombre d'outils extrêmement puissants pour continuer à pouvoir intervenir sur tout ce qui concerne la sécurité de notre approvisionnement.
M. Fouché nous invite à agir avec pragmatisme en ce qui concerne le tarif de retour. La meilleure solution est d'envisager effectivement de mettre en place un tarif transitoire. L'Assemblée nationale a voté un dispositif. Si vous l'améliorez, tant mieux !
Il est indispensable, en effet, que nous soyons à l'écoute de nos consommateurs entreprises : leur facture d'électricité ne doit évidemment pas leur créer de problèmes supplémentaires, car elles en ont déjà assez avec le marché en général.
Madame Khiari, vous opposez le projet industriel de Gaz de France et l'intérêt général. Pensez-vous que seule une entreprise qui est publique peut servir l'intérêt général ?
Pour ma part, je constate très souvent que l'intérêt général peut être servi par des entreprises qui ne sont pas publiques !
M. Henri de Raincourt. Évidemment !
M. François Loos, ministre délégué. C'est même une particularité française que l'on appelle le « partenariat privé-public ».
J'ai énoncé tout à l'heure toutes les obligations de service public que doit assurer GDF, j'ai évoqué la minorité de blocage, j'ai parlé du rôle des actions spécifiques : comment ne pas voir à quel point nous faisons peser sur un Gaz de France fusionné des obligations qui servent une politique de sécurité d'approvisionnement, c'est-à-dire une politique de l'intérêt général ?
Est-ce du patriotisme, du nationalisme ? La solution doit-elle être européenne ? Quoi qu'il en soit, nous sommes guidés par le pragmatisme.
Le projet de loi prévoit la possibilité pour Gaz de France de laisser la part de l'État au niveau de la minorité de blocage. Ainsi, Gaz de France pourra s'allier avec un partenaire sans s'endetter ni obérer sa capacité d'investissement, mais au contraire en ayant une capacité d'investissement beaucoup plus grande.
Cette méthode, qui est pour nous sur le plan économique la plus directe, est néanmoins mise en oeuvre avec tous les outils publics que nous conservons.
Ce projet de loi aidera GDF à se développer et à se constituer en géant gazier, premier fournisseur européen et premier fournisseur mondial de gaz naturel liquéfié, le GNL.
Oui, nous maintiendrons les tarifs réglementés ! Oui, toutes les missions de service public seront maintenues !
M. Robert Bret. Ce sont les mêmes garanties que pour les 70 % de la part du capital public !
M. François Loos, ministre délégué. Je réponds point par point à toutes les craintes que vous avez exprimées, mais je suis persuadé que l'examen des amendements me donnera l'occasion de revenir sur ces sujets dans le détail.
M. Robert Bret. Nous savons ce que vaut la parole du Gouvernement !
M. François Loos, ministre délégué. M. Beaumont a dressé un panorama très complet de la situation énergétique française et internationale.
Je partage évidemment son sentiment sur la place essentielle du nucléaire dans le bouquet énergétique français.
Le nucléaire contribue très largement aujourd'hui au respect des engagements en matière de changements climatiques. Grâce au nucléaire, un Français consomme par an 2 tonnes de CO2 quand un Allemand en consomme 3 tonnes.
L'acquis du nucléaire est très important pour le respect des engagements pris lors du protocole de Kyoto.
Concernant le transport d'énergie par canalisations qui tient particulièrement à coeur à M Beaumont, je souligne le renforcement de la réglementation en matière de sécurité opéré par le Gouvernement. Cela va dans le sens des préoccupations de M. le sénateur, et je suis particulièrement vigilant sur ce point.
Cela dit, nous avons réglé une question de sécurité. Or M. Beaumont pensait également à une question de fiscalité. Cependant, j'ai noté qu'il avait l'intention d'évoquer plus particulièrement ce point lors de l'examen du projet de loi de finances. Je ne m'étendrai donc pas plus sur ce sujet.
M. Desessard nous a interrogés sur les autres solutions que nous pourrions mettre en oeuvre pour faire face à la hausse des prix de l'énergie.
Je lui rappelle que la loi de programme du 13 juillet 2005 fixe les orientations et les moyens pour le développement des économies d'énergie et des énergies renouvelables.
Il y a le tarif de rachat de l'électricité, des crédits d'impôt, des « certificats blancs » : un très grand dispositif se met en place, qui a fait faire des bonds en avant à ces équipements. Les chaudières à condensation, les éoliennes sont en train de prendre une tout autre dimension depuis cette loi de programme du 13 juillet 2005.
M. Desessard a également évoqué la nécessité de soutenir les investissements et d'en réaliser de nombreux. Nous avons soutenu EDF dans sa volonté d'engager 40 milliards d'investissements et une programmation pluriannuelle des investissements détaille les priorités d'ici à 2015. Vous le constatez, monsieur Desessard, nous sommes extrêmement actifs dans le domaine de l'investissement.
M. Pierre Hérisson nous a rappelé l'histoire de France Télécom, et je lui ai déjà rendu hommage tout à l'heure pour cette utile comparaison, qui permet de comprendre l'intérêt d'une diminution de la part de l'État dans le capital de Gaz de France.
En effet, l'objectif de l'État ici est non pas de vendre des actions, mais de permettre à d'autres partenaires d'entrer dans le capital de Gaz de France, afin de donner naissance à un groupe qui serait environ deux fois plus gros que l'entreprise actuelle.
M. Michel Teston a dressé un constat qui concorde pour l'essentiel avec le diagnostic que j'avais établi au début de la discussion générale, et avec lequel nous pouvons être d'accord, me semble-t-il, quelle que soit notre appartenance politique.
Oui, la France est dépendante pour son approvisionnement en gaz ! Oui, les actifs stratégiques de ce secteur doivent être protégés ! Oui, nous devons favoriser l'émergence d'acteurs énergétiques plus puissants ! Oui, une politique européenne est nécessaire dans ce secteur !
Certes, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, nous divergerons probablement sur le détail de la politique à mener, mais nous pouvons nous accorder sur ce constat.
M. Longuet a souligné qu'il fallait donner à Gaz de France une grande liberté, afin que le groupe puisse trouver les partenaires nécessaires. Aujourd'hui, la minorité de blocage est prévue en fonction d'une répartition du capital qui correspond à l'hypothèse de la fusion avec Suez. Toutefois, il est exact que d'autres scénarios pourraient se produire. Ainsi, lorsque nous avons ouvert le capital d'Air France, cette entreprise a finalement choisi de s'associer avec KLM, plutôt qu'avec Lufthansa. La préoccupation exprimée par M. Longuet est donc fondée.
Néanmoins, nous avons souhaité conserver une minorité de blocage dans Gaz de France, afin de disposer des moyens de mener la politique énergétique que nous croyons nécessaire.
En effet, s'il n'est pas indispensable, selon nous, de détenir la majorité dans l'entreprise, il nous semble utile de disposer d'une minorité de blocage et d'une action spécifique, car ces outils nous permettront de faire adopter les décisions utiles en matière d'infrastructures énergétiques.
Le tarif de retour fera probablement l'objet de longs débats. Il faut, en effet, réfléchir aux finalités du prix de l'électricité. Celui-ci sert à payer la production annuelle « de base » et « de pointe », mais il permet aussi de financer le démantèlement des installations (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) et les investissements nécessaires pour accroître la production. Le tarif de l'électricité, qui est aujourd'hui analysé par la CRE doit tenir compte de toutes ces finalités.
À quoi servira le tarif de retour ? Comment devra-il être calculé ? Au cours des travaux de l'Assemblée nationale, un plafonnement à une valeur supérieure de 30 % aux tarifs réglementés de vente a été retenu. Nous aurons sans doute l'occasion d'entrer dans le détail de ce mécanisme au cours de nos débats.
Enfin, vous avez évoqué la situation des DNN, les distributeurs non nationalisés, gaziers et électriques. Une fois encore, je serai tenté de renvoyer cette question à l'examen des articles du texte.
D'ores et déjà, il est clair que les DNN gaziers font débat. Certains sénateurs ont déposé des amendements qui tendent à réduire la part des collectivités locales dans leur capital. Nous verrons dans le détail si une telle évolution est envisageable et si elle ne risque pas de susciter des difficultés
Il faut être très attentif, me semble-t-il, aux aspects juridiques du projet de loi, aux souhaits des collectivités locales et au rôle que nous voulons faire jouer à ces dernières dans ce domaine. Il est entendu d'ailleurs, comme nous l'avons inscrit explicitement dans ce texte, qu'il n'est pas question pour nous de toucher à la détention par les collectivités locales des réseaux de distribution.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà les quelques réponses que je souhaitais apporter aux nombreuses questions que vous avez posées hier soir. Je mesure que je n'ai pu satisfaire toutes les interrogations, mais je suis persuadé que, compte tenu du temps consacré à la discussion de ce projet de loi par l'ordre du jour du Sénat, nous aurons l'occasion d'entrer dans les détails. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre, merci d'avoir répondu à tous les orateurs. Je crois qu'ils y ont été sensibles.
5
Motion référendaire sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie
Discussion des conclusions négatives du rapport d'une commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des affaires économiques sur la motion (n° 8, 2006-2007) de M. Jean-Pierre Bel, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Marie-Christine Blandin et plusieurs de nos collègues tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de sa réunion de ce matin, la commission des affaires économiques a rejeté, comme je le lui avais proposé, la motion n° 8, présentée par plusieurs membres du groupe socialiste et apparentés et du groupe CRC, tendant à soumettre au référendum le projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
En effet, la majorité de la commission a estimé que le Parlement en général et le Sénat en particulier bénéficiaient de toute la légitimité et l'expertise nécessaires pour débattre de ce texte, et notamment de la privatisation de Gaz de France.
Ainsi que je l'ai souligné hier, les assemblées parlementaires ont, au cours de la présente législature, discuté à quatre reprises de projets de loi ayant trait à l'organisation du secteur énergétique.
Certes, l'objectif principal visé par les défenseurs de cette motion est de soumettre à l'appréciation populaire la question de la privatisation.
Toutefois, mes chers collègues - j'attire votre attention sur ce point -, la motion, si elle était adoptée, aurait pour effet de renvoyer au référendum l'ensemble des dispositions du projet de loi. Or celles-ci sont pour la plupart extrêmement techniques et complexes (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame), et nécessitent, de ce fait, une analyse approfondie.
M. Robert Bret. Vous prenez les Français pour des idiots !
M. Roland Courteau. Les Français peuvent comprendre les enjeux du projet de loi !
M. Robert Bret. Ils ont été capables de comprendre le traité constitutionnel sur l'Union européenne !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Comme M. le ministre vient de nous le rappeler, ces dispositions impliquent aussi une décision rapide, compte tenu de l'échéance de l'ouverture du marché énergétique au 1er juillet 2007.
La démarche de la commission des affaires économiques s'inscrit pleinement dans ce cadre, puisque celle-ci a entendu ces derniers mois un grand nombre de personnalités afin d'éclairer ses travaux. Je crois que nous pouvons en remercier M. Emorine.
En tant que rapporteur de ce projet de loi, ma démarche a été similaire : voilà bientôt plus de trois mois que je travaille sur ce texte, pour lequel j'ai entendu plus de 90 personnes issues des différents secteurs concernés.
Mes chers collègues, j'insiste sur les aspects techniques de ce projet de loi. Ils sont multiples, car se trouvent abordées successivement les problématiques relatives à l'ouverture des marchés énergétiques et au caractère éligible des consommateurs, la pérennisation et la sécurité juridique du système tarifaire, l'obligation de séparer en droit les gestionnaires de réseaux de distribution, ou encore, depuis que le texte a été discuté à l'Assemblée nationale, la réforme de la Commission de régulation de l'énergie et la création d'un tarif de retour.
Autant d'aspects qui, vous en conviendrez avec moi, mes chers collègues, ne se prêtent pas aisément à la procédure référendaire ! Celle-ci, par définition, simplifie à l'extrême toute discussion, puisqu'il est uniquement demandé à nos concitoyens de répondre à une question par oui ou par non.
Mes chers collègues de l'opposition, je m'interroge sincèrement sur votre démarche.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Elle est pourtant simple !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pourquoi n'avez-vous jamais interrogé les Français par voie référendaire sur des sujets importants, sur lesquels ils avaient un avis,...
M. Josselin de Rohan. Les trente-cinq heures !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ...et pour lesquels ils auraient aimé qu'on les consulte ! Je pense, par exemple, aux trente-cinq heures. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Les Français ont été consultés dans les entreprises ! Et ils ont approuvé à 80 % ! Votre exemple est mal choisi !
M. Henri de Raincourt. Laissez M. le rapporteur poursuivre son raisonnement !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je pense également au PACS ou à la peine de mort. Toutefois, mes chers collègues, vous vous êtes bien gardé d'interroger les Français sur ces questions, et je ne me lancerai pas dans un débat sur les raisons qui vous ont conduits à un tel choix. Or que proposez-vous aujourd'hui ? De demander aux Français leur avis sur un sujet éminemment technique,... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas un sujet technique mais politique !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ...sur lequel, sincèrement, on ne peut répondre par oui ou par non !
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je demande la parole.
M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous que M. Dreyfus-Schmidt vous interrompe quelques instants ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non, monsieur le président ! Il aura la parole ensuite.
M. Charles Gautier. En somme, c'est « j'y suis, j'y reste ! »
M. Robert Bret. La parole au peuple !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous aurez le temps de me répondre plus tard ! En tant que rapporteur, depuis le début de ce débat, je respecte la parole de l'opposition et ne l'interromps jamais. À présent, c'est moi qui prends la parole. Que chacun s'exprime à tour de rôle me semble une bonne règle du jeu !
M. Henri de Raincourt. Voilà !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. À l'extrême limite, la privatisation de Gaz de France aurait pu faire l'objet d'une procédure de référendum, puisqu'elle se prête à ce genre de question binaire - et encore ! on peut en discuter compte tenu des nombreux aspects techniques de l'opération. Je pense, notamment, à la minorité de blocage ou à l'action spécifique, qui constituent des modalités de la privatisation dont les paramètres pouvaient varier.
Toutefois, pour toutes les autres dispositions du projet de loi, la procédure référendaire est évidemment impossible.
La preuve en est, mes chers collègues de l'opposition, que vous-mêmes - tout comme nous - nourrissez certaines interrogations à propos de ce texte. Cela vous a conduits à déposer plus de 600 amendements - ce qui d'ailleurs me semble normal dans le cadre du bon fonctionnement démocratique de nos travaux.
M. Roland Courteau. Tout de même ! Vous le reconnaissez !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En tout cas, je m'explique mal que vous suggériez indirectement de faire adopter par les Français, en l'état et sans modification, le texte qui vous est proposé et qui vous inspire, à juste titre peut-être, certaines réserves.
M. Jean-Luc Mélenchon. Le texte sera peut-être repoussé ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Plus profondément, une telle proposition reviendrait, en quelque sorte, à nier le principe même de la démocratie représentative...
M. Jean-Luc Mélenchon. Oh non !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ...dont le fondement est le mandat que nos concitoyens nous accordent, pour une période donnée, d'examiner des propositions politiques et techniques et d'en débattre.
Or du point de vue de la commission des affaires économiques et de la commission des finances, notre assemblée dispose de toute la légitimité nécessaire pour discuter de ce projet de loi.
Mes chers collègues de l'opposition, je note au passage que le référendum est un instrument sur lequel vous aviez émis certaines réserves dans le passé. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vrai !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je me réjouis que ceux qui étaient réservés hier aient envie, aujourd'hui, d'utiliser plus fréquemment le référendum.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce sont les plébiscites que nous avons critiqués, pas les référendums !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Au-delà de ces considérations générales, si je me réfère au texte même de la motion, je puis affirmer, sans trop m'avancer, que nous aurons largement l'occasion de revenir sur toutes les questions que vous évoquez, et pas plus tard que cet après-midi, lors de l'examen des autres motions, si d'aventure nous n'adoptions pas celle-là. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mes chers collègues de l'opposition, vous contestez la constitutionnalité du projet de loi. Nous reviendrons sur cette question quand nous discuterons de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, et je vous démontrerai, je l'espère, que ce texte respecte tout à fait la Constitution.
M. Daniel Raoul. Ce n'est pas gagné !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En outre, vous affirmez que ce projet de loi démantèle, pour des raisons idéologiques, les fondements du service public de l'énergie. Là encore, il s'agit d'une contrevérité, comme M. le ministre vient de le démontrer brillamment.
Enfin, vous affirmez que l'État se dessaisit de ses responsabilités dans le domaine de l'énergie, ce qui est totalement inexact au regard du volumineux corpus juridique national encadrant ce secteur.
En définitive, après en avoir délibéré ce matin, votre commission a rejeté la motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui. Elle invite donc la Haute assemblée à faire de même. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes à quelques mois d'une échéance démocratique majeure dans la vie politique de notre pays.
C'est à l'occasion de l'élection présidentielle, en effet, que s'ouvre un grand débat, le grand débat qui permet de déterminer les grands choix qui conditionneront la politique de la France pour les cinq ans à venir.
C'est ainsi : ce sont les Français, qui, prenant à témoin ceux qui concourent à leurs suffrages, tranchent en dernier ressort avec un moyen simple, le bulletin de vote. Cela s'appelle - depuis les origines de la République et même bien avant elle - la démocratie.
À cinq mois de ce moment fort, à quelques semaines de l'entrée en campagne des différents candidats, seul importe de connaître les grands sujets sur lesquels l'élection à venir apportera des éclaircissements. Certes, si tous les points de vue sont légitimes, rien ne serait pire que de cacher la réalité aux Français, en occultant les problèmes ou en essayant de les régler à la sauvette, en catimini.
Alors, répondons à une question simple. L'avenir du secteur énergétique fait-il partie de ces grands sujets, et l'énergie constitue-t-elle réellement un enjeu stratégique majeur pour notre indépendance nationale ? Il nous semble, à nous, membres du groupe socialiste et Verts, comme au groupe CRC, que la question contient déjà la réponse, laquelle, bien entendu, est affirmative.
S'il manquait un seul argument à la longue liste qui plaide en ce sens, j'ajouterais qu'il y va aussi de l'honnêteté et du respect que tout homme public, a fortiori un ministre d'État, doit au pays et au peuple français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Bel. Pour tous ceux qui sont attachés à la revalorisation de l'action publique, à la crédibilité des représentants de la nation, la nécessité de mettre sa parole en adéquation avec ses actes est impérieuse. S'il doit y avoir rupture avec ce qui a été annoncé ou promis, seul le recours au référendum peut valider un changement de cap.
M. Roland Courteau. Bon argument !
M. Jean-Pierre Bel. Pourtant, monsieur le ministre, ce n'est pas la voie que le Gouvernement semble prendre.
C'est pourquoi, mes chers collègues, en tant que parlementaires, nous avons, nous, l'obligation de faire usage de ce qui est notre loi commune, la Constitution. Celle-ci prévoit depuis 1995, dans son article 11, que peuvent être soumises à référendum les « réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ».
J'aurais également pu me référer au neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris dans celui de la Constitution de 1958, qui précise : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Guy Fischer. C'est le cas !
M. Jean-Pierre Bel. Nous affirmons donc solennellement que les Français auraient dû être saisis d'une telle décision à l'occasion de l'élection présidentielle.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Robert Bret. Il est encore temps !
M. Jean-Pierre Bel. Cet enjeu devrait être au coeur des grands choix politiques de 2007. Chacun en connaît les données : le réchauffement de la planète, qui pose la question de notre propre modèle de développement ; la fin des énergies fossiles, qui nous oblige à préparer - dès aujourd'hui - une société sans pétrole ; la sécurité des approvisionnements dans un monde marqué par les désordres et les conflits ; l'égal accès de tous à l'énergie dans un contexte de hausse continue des prix des matières premières.
Au lieu de prendre la mesure de ces défis, le projet de loi a pour seul objet de démanteler, pour des raisons idéologiques, les fondements du service public de l'énergie.
Il n'est pas possible, à la veille d'une échéance décisive, de changer les fondements de notre politique énergétique, de modifier la nature des opérateurs, et de décider des regroupements d'entreprises qui vont engager la France pour longtemps.
Le Parlement ne peut délibérer en fin de législature d'un choix aussi lourd pour notre pays. La majorité élue en 2002 n'a pas reçu de mandat des Français pour cela et le Président de la République n'avait fait aucune référence dans son programme à la privatisation de GDF, contrairement à la gauche, monsieur le ministre, qui, en 1997, s'était engagée à entreprendre la réforme sur les 35 heures et sur la réduction du temps de travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Mme Hélène Luc applaudit également.)
De surcroît, en 2004, lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, Nicolas Sarkozy, alors ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, s'était solennellement engagé à préserver un seuil minimal de titres pour l'État de 70 % dans le capital de GDF.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Jean-Pierre Bel. En conséquence, l'examen du présent projet de loi, sous la pression d'opérateurs privés et d'intérêts financiers non identifiés à ce jour, constitue un mépris de l'opinion publique, hostile dans sa très grande majorité à la privatisation de notre secteur énergétique.
Pourquoi proposer de soumettre ce projet de loi à référendum ? Cinq raisons simples le justifient. Les Français sont certainement plus futés que vous ne l'imaginez, monsieur le rapporteur : ils sont capables de comprendre les questions, si elles leur sont posées clairement. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. André Dulait. Comme pour l'Europe !
M. Jean-Pierre Bel. Premièrement, les Français doivent dire s'ils acceptent le reniement de la parole donnée.
Deuxièmement, les Français doivent dire si le secteur énergétique français a un caractère stratégique.
Troisièmement, les Français doivent dire s'ils acceptent la mise en péril de GDF, et même d'EDF, entraînée par cette privatisation.
Quatrièmement, les Français doivent dire s'ils acceptent que le prix du gaz dépende des intérêts financiers d'actionnaires privés.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Guy Fischer. C'est une vraie question !
M. Jean-Pierre Bel. Cinquièmement, les Français doivent dire s'ils considèrent que GDF doit demeurer dans le patrimoine national.
M. Charles Gautier. C'est vrai !
MM. André Lardeux et René Beaumont. Cela fait cinq référendums !
M. Jean-Pierre Bel. Premièrement, les Français doivent dire s'ils acceptent le reniement de la parole donnée.
Par trois fois, en effet, monsieur le ministre, votre majorité s'est engagée à ne pas privatiser GDF.
M. Jean-Pierre Michel. C'est une trahison !
M. Roland Courteau. On voit ce que vaut leur parole !
M. Jean-Pierre Michel. Reniement !
M. Jean-Pierre Bel. La loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières relève, dans son article 1er, « les objectifs et les modalités de mise en oeuvre des missions de service public qui sont assignées à Électricité de France et à Gaz de France ».
La loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005 réaffirme, dans son article 1er, le nécessaire « développement d'entreprises publiques nationales et locales » pour l'avenir énergétique français.
Le ministre d'État, ministre de l'économie et des finances et de l'industrie, de l'époque a donné la parole de l'État...
M. Roland Courteau. Quelle parole ! On voit ce que cela vaut !
M. Jean-Pierre Bel. ...en ces termes : « Je l'affirme parce que c'est un engagement de l'État : EDF et GDF ne seront pas privatisées. Le Président de la République l'a rappelé solennellement lors du conseil des ministres au cours duquel fut adopté le projet : il ne peut être question de privatiser EDF et GDF. » Il avait même précisé : « Qu'est-ce qui nous garantit que la loi ne permettra pas de privatiser plus tard ? Eh bien, la parole de l'État : il n'y aura pas de privatisation, parce que EDF et GDF sont un service public. »
Le 29 avril 2004, le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie persiste : il écrit aux syndicats pour confirmer que « ces sociétés resteront publiques et ne seront en aucun cas privatisées compte tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts de la France et pour la sécurité de nos approvisionnements. Leur capital restera majoritairement public ».
M. Charles Gautier. Paroles, paroles !
M. Jean-Pierre Bel. Le moment venu, les Français jugeront de la valeur de la parole de l'État, et de la capacité de celui qui aspire aux plus hautes responsabilités à les exercer !
M. Roland Courteau. Il faut qu'il vienne s'expliquer !
M. Jean-Pierre Bel. Deuxièmement, les Français doivent dire si le secteur énergétique français a un caractère stratégique.
Nous pensons que l'intérêt stratégique du secteur énergétique pour la nation, son économie et le niveau de vie des citoyens est incompatible avec un transfert au secteur privé. En effet, cela entraîne une perte de souveraineté nationale et une privatisation à la fois des actifs industriels - réseaux et stockages - et de leur opérateur exploitant.
Qu'il s'agisse de la minorité de blocage - 34 % -, dont vous avez parlé, monsieur le rapporteur, et qui n'est pas encore acquise, ou d'une action spécifique, dont l'efficacité reste à démontrer, la puissance publique ne sera plus en mesure d'exercer, au sein de Suez-Gaz de France, un véritable pouvoir de contrôle.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Jean-Pierre Bel. Tout actionnaire qui achèterait 55 % des actions de Suez-Gaz de France disponibles en bourse détiendrait de fait les rênes du nouvel ensemble.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Bel. Ces 55 % du capital, qui représentent 35 milliards à 40 milliards d'euros, seront à la portée de concurrents comme Enel, E.ON ou Gazprom.
Une fois l'entreprise Gaz de France sortie du secteur public, aucune disposition législative ne pourra figer la part de l'État, qui sera de fait soumise aux aléas du marché. L'État pourrait ainsi à tout moment être dilué, car il serait incapable, sur le plan financier, de suivre d'ultérieures augmentations de capital. Plus rien alors ne lui permettra de conserver le contrôle opérationnel du groupe.
Troisièmement, les Français doivent dire s'ils acceptent la mise en péril de GDF, et même d'EDF, entraînée par cette privatisation.
Nous pensons que la privatisation de Gaz de France, qui impose le déclassement du service public national Gaz de France, remet de fait en cause la pérennité de la propriété de Gaz de France du réseau de transport, ainsi que le monopole des concessions dont bénéficie Gaz de France sur son territoire de desserte. La privatisation entraînera donc pour l'entreprise Gaz de France un risque majeur de désintégration : sortie et maintien sous contrôle public du réseau de transport, mise en concurrence des concessions de distribution.
La fin du service public national du gaz issu de la loi de 1946 et la sortie de Gaz de France du secteur public conduiront à la mise en concurrence des concessions et à sa fragilisation évidente. Elles présentent des risques sérieux pour l'avenir d'EDF, opérateur historique, qui sera soumis à la concurrence de ce nouvel ensemble. Certes, aujourd'hui EDF a des concurrents, mais elle sera demain dans une nouvelle configuration, et ce sera l'État qui en aura été responsable. Elles conduiront aussi à la déstabilisation d'EDF par la fin du service public mixte de distribution, auquel les clients et les élus sont attachés - ils l'ont montré à plusieurs occasions, lors des tempêtes de 1999, par exemple -, et qui n'a jamais failli depuis soixante ans.
Quatrièmement, les Français doivent dire - ils pourraient le faire par référendum - s'ils acceptent que le prix du gaz dépende des intérêts financiers d'actionnaires privés.
Cotée en bourse, Suez-Gaz de France répondra avant tout aux attentes de ses actionnaires.
M. François Marc. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Bel. Ceux-ci, qui seront majoritairement privés et répondront à une logique propre aux marchés financiers, risquent de privilégier la distribution de dividendes et la valorisation boursière au détriment de l'intérêt général.
Or le secteur des énergies de réseaux - électricité et gaz - tient plus du monopole naturel que d'un marché pleinement concurrentiel. La privatisation des entreprises dans le secteur de l'énergie oppose alors la défense de l'intérêt général et de l'intérêt des clients, notamment des particuliers, à celui de l'intérêt financier de ses actionnaires. On voit bien où peut conduire la satisfaction d'intérêts financiers en situation de monopole privé : elle ne peut qu'être défavorable à l'intérêt des clients.
Cinquièmement, les Français doivent dire s'ils considèrent que GDF doit demeurer dans le patrimoine national.
Pour vous, monsieur le ministre, pour le Gouvernement comme pour votre majorité, et d'après le rapport de la commission des affaires économiques, « le caractère public ou privé n'a, en définitive, pas d'impact sur les obligations de service public qui s'imposent en tout état de cause à tous les opérateurs. De ce point de vue, il n'est donc pas possible d'affirmer que la privatisation de GDF se traduira par l'affaiblissement des missions de service public, qui restent déterminées par la loi ».
Pour notre part, nous pensons le contraire : le caractère public de l'entreprise chargée du service public de l'électricité ou du gaz constitue une garantie indispensable à la préservation de l'indépendance nationale.
D'après le préambule de la Constitution de 1946, il s'agit d'une seconde restriction, après celle du monopole de fait, qui empêche le législateur de considérer qu'une activité n'est plus un service public national.
Le respect de l'indépendance nationale exige, en effet, que des précautions soient prises pour empêcher la mainmise d'intérêts extérieurs sur des entreprises dont dépendent non seulement le développement de l'économie du pays mais également son libre choix stratégique.
C'est incontestablement le cas de l'énergie.
Ce fut la position de François Mitterrand lorsqu'il refusa de signer l'ordonnance de privatisation en 1986, parce qu'il estimait que les précautions prises pour sauvegarder les intérêts nationaux étaient insuffisantes.
Il considérait ainsi, le 14 juillet 1986, qu'il n'était pas acceptable que « des biens qui appartiennent à la nation soient vendus de telle sorte que demain, on puisse retrouver des biens nécessaires à l'indépendance nationale dans les mains d'étrangers ».
M. Roland Courteau. Il avait raison !
M. Jean-Pierre Bel. L'action spécifique que détiendrait le Gouvernement pour protéger ces intérêts nationaux n'est en réalité qu'une digue de papier, malgré ce que vous venez de nous dire, monsieur le ministre.
M. Charles Gautier. Exactement !
M. Jean-Pierre Bel. Sur ce plan également, la constitutionnalité du projet de loi, et tout particulièrement de son article 10, au regard du préambule de 1946, est plus que douteuse.
En résumé, nous pensons que ce projet de fusion-privatisation, très politique et financier, mérite une vraie confrontation, un large débat et doit s'inscrire dans le respect des valeurs d'intérêt général qui ont présidé à la création de Gaz de France en 1946.
Le montage actuel, qui consiste à transférer des actifs publics - le transport -, des monopoles publics - les concessions - dans le secteur privé, est illusoire. Aucune entreprise européenne privée, y compris Suez, ne dispose de monopole. Elles sont toutes, comme l'exige le droit privé, soumises aux règles de la concurrence.
Pour notre part, nous refusons cette évolution dangereuse.
L'avenir de Gaz de France doit être envisagé avec le sérieux et la transparence qui s'imposent et qui, jusqu'à présent, ont permis sa réussite depuis 1946. Aucune préoccupation électorale ne saurait occulter le nécessaire débat politique et public qu'il convient d'avoir sur l'avenir des entreprises du secteur énergétique français et sur le rôle de la puissance publique.
L'énergie est à la fois un bien vital pour l'économie et pour les citoyens, mais aussi un secteur dont les récentes crises, telles la crise du gaz russe ou les tensions en Iran, ont démontré le caractère géostratégique.
Nous pensons que l'on ne peut priver les Français d'une véritable clarification sur les évolutions projetées des entreprises du secteur énergétique français, sur l'avenir de Gaz de France, sur le rôle et les modes d'intervention de la puissance publique dans le secteur énergétique, sur la nécessaire construction politique de l'Europe de l'énergie.
Monsieur le ministre, vous avez tous les pouvoirs depuis près de cinq ans, vous êtes aux responsabilités depuis cinquante-deux mois, si je ne me trompe, et à six mois de l'élection d'un nouveau président de la République, vous prétendez imposer à la France, à la hussarde, aux forceps, un projet qui reconfigure totalement le secteur de l'énergie.
Il y a là un déni de démocratie. C'est pourquoi j'invite le Sénat à demander l'organisation d'un référendum sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme Jean-Pierre Bel, c'est avec gravité que je prends la parole pour soutenir cette motion référendaire visant à soumettre au peuple français ce projet de loi relatif au secteur de l'énergie, qu'il faut appeler par son nom : « projet de loi de privatisation de GDF, entraînant le démantèlement du secteur public de l'énergie ». C'est en effet l'ensemble de ces dispositions qu'il faut soumettre à nos concitoyens !
Cette motion n'est pas un artifice de procédure. Les puissances d'argent, avec un gouvernement qui leur est acquis et soumis, s'attaquent aujourd'hui à un bien collectif inestimable : l'énergie.
Notre peuple doit être consulté. Monsieur le ministre, vous me rétorquerez probablement qu'il sera consulté en 2007. Je vous réponds donc, par avance : retirez votre projet !
M. Yves Coquelle. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Conseil national de la Résistance avait perçu le caractère essentiel du contrôle public de ce secteur, pour l'indépendance nationale et pour la justice sociale. C'est pour cette raison qu'il l'avait inscrit prioritairement dans son programme.
Dès le 12 septembre 1944, le général de Gaulle annonçait « le retour à la nation des principales sources d'énergie ».
C'est donc en toute logique que les constituants incluaient dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 l'alinéa suivant : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » A fortiori, cette propriété ne peut pas lui être retirée sans que le peuple se prononce.
Monsieur le ministre, c'est en effet le bien public que vous vous apprêtez à piller, au seul profit d'actionnaires qui, tel M. Albert Frère, premier actionnaire de Suez, guettent la bonne affaire.
Il est inacceptable, du point de vue démocratique, qu'une majorité contestée dans les urnes, poussée au recul par la rue, persévère dans sa fuite en avant libérale, à quelques mois d'échéances électorales majeures, en décidant de brader, de manière parfaitement anticonstitutionnelle, un service public national, protégé par les textes fondateurs de la République.
Puisque ni la majorité de droite de l'Assemblée nationale, ni la majorité de droite du Sénat n'ont l'intention de faire respecter la Constitution, puisqu'elles s'apprêtent l'une et l'autre à la violer, il faut donner la possibilité au peuple de rappeler à l'ordre les apprentis sorciers du libéralisme.
L'opposition sénatoriale n'est pas la seule à souligner cette mise en cause flagrante du préambule de la Constitution de 1946 qui, je le rappelle, fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité, au même titre que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la Constitution de 1958.
Comme vous le savez, mes chers collègues, un titre du journal Les Echos fut : « De sérieux problèmes de conformité avec la Constitution ». L'auteur de l'article en question livrait cette analyse : « En clair, dès lors qu'une entreprise est en charge d'un service public, elle doit appartenir à l'État. C'est donc dans l'esprit de la Constitution, le service de l'intérêt général qui impose la participation majoritaire de l'État et non la participation de l'État qui créerait de fait un service public. La question est au coeur de tous les débats de privatisation. Bizarrement, cette fois, les parlementaires concentrés sur l'article 10 du projet qui abaisse la participation de l'État dans le capital du gazier sont passés à côté. »
L'autre quotidien économique, La Tribune, s'interrogeait également dans son édition du 9 octobre dernier : « Peut-on privatiser un service public national ? »
Monsieur Poniatowski, vous indiquiez alors dans ce journal que GDF n'est pas un service public national. Cette opinion, que vous venez de rappeler, n'est pas surprenante. Mais, dans le même article, M. Gérard Quiot, juriste, vous répondait en ces termes : « Il est certain que le préambule de la Constitution de 1946 qui est toujours partie intégrante de notre Constitution ne permet pas de privatiser une activité que les autorités publiques considèrent comme étant d'intérêt général, ce qui est le cas de Gaz de France. En droit, un service public national est une activité soumise à des obligations visant à garantir l'égalité des citoyens devant le service rendu, sa continuité et la capacité de l'opérateur à fournir la meilleure prestation en toutes circonstances. De surcroît, son intérêt est commun à l'ensemble de la collectivité. Dans le cas précis du gaz, la péréquation tarifaire, comme le maintien de l'obligation faite à GDF de fournir du gaz aux Français à un prix fixé par les autorités publiques, qualifie bel et bien l'entreprise comme étant un service public national. Que les opérateurs privés soient soumis à la péréquation tarifaire ne change rien. »
Je poursuis cette citation : « Le Gouvernement ne peut, d'un côté, conserver à GDF ses missions de service public en réaffirmant son attachement au maintien de ses missions et, de l'autre, sortir l'entreprise du secteur public, sans être en contradiction avec notre Constitution. Si le législateur considère qu'aujourd'hui les exigences du secteur privé sont conciliables avec celles du secteur public - ce que les auteurs du préambule de la Constitution de 1946 jugeaient comme étant parfaitement incompatibles -, il doit être cohérent et modifier la Constitution. »
Monsieur le ministre, qui pourrait, aujourd'hui, nier de bonne foi que l'exploitation de notre secteur énergétique relève d'un service public national, ne serait-ce que parce qu'il doit garantir notre indépendance énergétique ? Le fait que l'avenir du marché du gaz soit au centre des dernières conversations entre MM. Chirac, Poutine et Mme Merkel montre bien, n'en déplaise à M. Poniatowski, qu'il s'agit d'un enjeu national européen, et même planétaire.
C'est afin de respecter le préambule de notre Constitution que la forme juridique d'établissement public à caractère industriel et commercial avait été retenue par la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, introduisant dans notre droit un type de propriété des entreprises publiques sans capital social, ni actions ; l'État ne dispose pas de la propriété du capital de l'établissement public à caractère industriel et commercial, l'EPIC, qui est inaliénable et indivisible. La loi de 2004 a changé le statut des deux entreprises, mais n'a pas modifié leur rapport à la nation.
L'article 16 de la loi du 8 avril 1946 établissait, sans ambiguïté, que « ce capital appartient à la nation. Il est inaliénable ». Dès 2004 et plus encore aujourd'hui, une modification de la Constitution aurait dû précéder l'élaboration de ces projets de loi.
En l'absence d'une telle modification, ces textes sont manifestement anticonstitutionnels. Notre appel au peuple se fonde donc sur une atteinte grave à la Constitution. La conséquence de cette agression, c'est la mise en cause de l'indépendance énergétique de notre pays, c'est la certitude d'une augmentation forte des tarifs, source d'injustice sociale et d'inégalités.
Machiavel conseillait au prince de devenir « grand simulateur et dissimulateur », d'apprendre à manoeuvrer « par ruse [...] la cervelle des gens ». Et il rappelait souvent que « qui trompe, trouvera toujours qui se laisse tromper ».
Notre peuple a fréquemment montré pourtant qu'il ne se laissait pas tromper, pour peu qu'il soit informé.
Monsieur le ministre, vous, vous reniez la parole donnée. Nous vous l'avons dit hier, mon collègue vient de le rappeler, et nous le répétons parce que vos réponses nous donnent raison.
Vous aviez toutes les cartes en main en 2004. Or c'est le 15 juin 2004 que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, déclarait, la main sur le coeur : « Je l'affirme parce que c'est un engagement du Gouvernement, EDF et Gaz de France ne seront pas privatisés. » Il citait alors le Président de la République. Et il poursuivait ainsi : « Mieux, le Gouvernement acceptera l'amendement du rapporteur général prévoyant de porter de 50 % à 70 % le taux minimum de détention du capital d'EDF et de Gaz de France. »
Monsieur Poniatowski, vous n'étiez pas en reste ! Que déclariez-vous avec un certain agacement, il y a deux ans ? « La sociétisation est-elle une étape vers la privatisation ? C'est décourageant de le rappeler. J'ai rencontré les représentants des différents syndicats, j'ai participé à des débats télévisés et radiophoniques, je l'ai écrit dans des journaux et je ne sais plus à quel temps il faut le conjuguer : il est évident que l'ouverture du capital ne signifie en aucun cas la privatisation. »
Tout aurait changé depuis ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La mondialisation ? L'Europe ? Les directives européennes ? Tout était sur la table en 2004 !
Toujours en 2004, M. Revol, exprimant la position du groupe UMP du Sénat, disait : « On a quelque peine à comprendre le discours revendicatif tenu par certains hommes politiques qui ont brandi le spectre de la privatisation. »
Et si vous m'y autorisez, monsieur Poniatowski, je reprendrai à mon compte une formulation que vous utilisez avec bonheur dans votre rapport, à savoir, qu'il s'agit « d'un fantôme à laisser au placard. Je le répète, nous n'envisageons aucune privatisation. » Mon cher collègue, le fantôme est sorti du placard ! (Sourires.)
M. Lenoir, votre homologue à l'Assemblée nationale, était encore plus convaincant pour défendre le service public. Il affirmait ainsi : « Il est en revanche hors de question que cette évolution - le changement de forme juridique - entraîne la perte de contrôle de l'État sur ces entreprises, compte tenu du caractère éminemment stratégique de leurs activités. »
Le retournement de M. Lenoir est surprenant, puisque le caractère stratégique des activités s'est renforcé du fait de la crise pétrolière actuelle. Qu'est-ce qui a changé ? Ces activités ne seraient plus stratégiques ? Si, elles ont d'autant plus ce caractère !
Enfin, je citerai M. Devedjian : « S'il apparaissait que les engagements pris avec les formations syndicales ont été empreints d'une certaine duplicité ou si nous nous révélions incapables de les tenir, c'est toute la politique de réforme que nous voulons conduire qui pourrait être mise en cause. Il faut que les partenaires sociaux sachent que le Gouvernement fait tout pour respecter sa parole et qu'il demande à sa majorité de l'y aider. »
M. Devedjian répondait à l'impatience de M. Marini, qui proposait alors d'abaisser le capital de GDF à 51 %.
Effectivement, M. Marini peut se vanter d'être immuable dans ses convictions. Il est peut-être d'ailleurs le seul parmi vous ! Prié de retirer son amendement, il avait conclu, sachant qu'il faut être patient : « À chaque jour suffit sa peine. »
M. Louis de Broissia. C'était bien vu !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aujourd'hui, il veut privatiser les établissements locaux de distribution de l'énergie. L'Assemblée nationale a rejeté une proposition similaire. M. Marini sait qu'il pourra compter voir la sienne adoptée prochainement, puisque même si, cette fois-ci, on va évidemment lui répondre « Non, pas encore ! », il sait par expérience qu'une réponse positive lui sera finalement faite.
Vous trompez le Parlement. Vous trompez le peuple. Celui-ci vous donne pourtant beaucoup de signes de son mécontentement : votre échec électoral en 2004, votre échec au référendum du 29 mai 2005, votre échec spectaculaire avec le CPE...
Vous poursuivez cependant droit dans vos bottes votre mission : installer l'ordre libéral dans notre pays, détruire notre modèle social. Vous serez sanctionné, mais nous voulons éviter que vous ne cassiez tout avant. (Mme Bariza Khiari et M. Jean-Luc Mélenchon applaudissent.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà ! Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le 25 février dernier, M. de Villepin a légitimé la privatisation au nom du patriotisme économique. C'est le monde à l'envers !
De quel patriotisme économique parlez-vous ? La menace d'OPA d'ENEL n'a jamais existé, tout le montre aujourd'hui. Ce qui apparaît, en revanche, - et vous le dites ! - c'est que GDF et Suez négociaient leur fusion depuis de nombreux mois, voire de nombreuses années, avant 2004, nous a-t-on dit. L'argument de patriotisme économique visait uniquement à valider une opération minutieusement préparée. C'était une manoeuvre grossière.
De quel patriotisme économique parle-t-on, alors que le patrimoine industriel, le bien public est livré aux appétits financiers français et européens, voire - qui pourrait en douter ? - russes un jour, Gazprom étant à l'affût ?
La fusion GDF-Suez rend le futur groupe opéable. Seule la maîtrise publique peut empêcher les requins de la finance d'agir. C'est donc l'antithèse du patriotisme économique que vous défendez.
De quel patriotisme parle-t-on, alors que c'est la Commission européenne, plus précisément l'ultralibérale commissaire européenne Mme Nelly Kroes, qui est aux commandes pour décider des conditions de la fusion future ?
Le 28 septembre dernier, cette nouvelle « dame de fer » s'est déclarée prête à ouvrir le secteur de l'énergie « de force ».
Cette dame, l'UMP et le Gouvernement ont-ils oublié le 29 mai 2005 ? Ce jour-là, une forte majorité a, malgré une pression médiatique intense, rejeté les bases libérales de l'Europe et condamné le déficit démocratique qui caractérise le fonctionnement de l'Union européenne. Voilà ce qui a changé depuis 2004, monsieur le rapporteur !
Au lendemain du référendum, - je ne vais pas reprendre mon carnet de citations, je vous en fais grâce ! - tout un chacun soulignait la nécessité de restaurer le lien démocratique entre l'Europe et les peuples.
Ces belles paroles, comme d'autres, sont déjà oubliées. Le Gouvernement livre la maison GDF, et, bientôt, EDF, à ces agents des intérêts financiers européens que sont les commissaires de Bruxelles.
En effet, de quel patriotisme économique nous parle-t-on, alors que les députés communistes et socialistes ont dû batailler afin de pouvoir parcourir, dans des conditions difficiles, la lettre de griefs adressée par la Commission à GDF et à Suez ? Et encore, dans le texte mis à disposition, dans une salle où même les téléphones portables étaient interdits, des passages entiers avaient été noircis !
Je regrette une nouvelle fois que la commission des affaires économiques, en particulier le président Emorine, n'ait pas daigné insister pour auditionner Mme Kroes. L'avenir de GDF ne justifiait-il pas une telle insistance et un changement d'agenda ?
La question européenne est une nouvelle fois au centre des débats, que vous le vouliez ou non, messieurs les ministres, mesdames, messieurs de la majorité.
En 2004, M. Poniatowski insistait sur le caractère irréversible du processus de libéralisation de l'énergie. Mais au nom de quel principe politique ou philosophique des décisions seraient-elles irréversibles ? C'est qui, c'est quoi, l'Europe, si ce n'est des gouvernements ?
Le traité constitutionnel était une évidence incontournable. Le repousser menait l'Europe au cataclysme, à l'effondrement. L'irréversibilité du processus était là aussi invoquée.
J'estime, pour ma part, que la démocratie exige la réversibilité. Rien n'est gravé dans le marbre. Les directives européennes en matière de libéralisation de l'énergie doivent pouvoir être renégociées.
Ce sera un objectif important d'une gauche à nouveau au pouvoir. En tout cas, c'est ce que je souhaite.
Il s'agit d'une question de volonté politique. Ce sera difficile, mais c'est possible, en s'appuyant sur notre peuple, sur les peuples qui subissent cette Europe non démocratique et dont les objectifs sont essentiellement financiers.
Écouter le 29 mai 2005 sans le diaboliser, c'est entendre cette aspiration au débat à la vraie politique, fondée sur le bilan et sur la poursuite de l'intérêt commun.
Écouter le 29 mai 2005, c'est en tirer les leçons en se rendant à Bruxelles avec un mandat : plus de démocratie, plus de justice sociale et la remise en cause des directives d'inspiration strictement libérale, au premier rang desquelles celles qui sont relatives aux services publics, auxquels notre peuple est attaché, comme, d'ailleurs, beaucoup d'autres peuples européens.
Le 29 mai 2005 a, en effet, été également un moment de l'expression d'un fort attachement au service public. N'oubliez pas, messieurs les ministres, qu'au-delà des 94 % du personnel de Gaz de France qui ont repoussé le démantèlement de leur entreprise, c'est le peuple qui refuse la privatisation de ses biens.
Votre mandat, après le 29 mai 2005, était non pas d'enfoncer le clou libéral, mais de prendre à contre-pied les politiques européennes de l'énergie mises en oeuvre jusqu'à présent.
Décidément, parler de patriotisme économique dans ces conditions relève de la provocation, alors que nous assistons à une liquidation en règle du bien public de deux piliers de notre société démocratique.
Tout justifie le recours au référendum. Le peuple doit pouvoir se prononcer pour le respect du droit à l'énergie dans notre pays.
Avec ce texte, messieurs les ministres, vous foulez aux pieds ce droit élémentaire à se chauffer, à être éclairé, à se déplacer. Le droit à l'énergie est indissociable de l'idée même de justice sociale, d'égalité.
Vous avez tenté de masquer la déréglementation massive, la casse de l'outil public par de bien modestes mesures en matière de tarifications sociales, qui seront rapidement réduites à néant par le pilonnage du marché et les exigences de rentabilités des actionnaires.
L'augmentation des tarifs est inéluctable. Chacun le sait, mais seule l'opposition le dit. Vous refusez de livrer un bilan détaillé, honnête, des premiers effets de la libéralisation.
Or, de très nombreuses PME cherchent à rejoindre le secteur réglementé de l'énergie, écrasées par les augmentations de tarifs dans le secteur libéralisé.
L'appétit des actionnaires n'est pas la seule cause de l'augmentation future des tarifs. Les exigences de la Commission européenne en matière de réduction, voire de mise en cause des contrats d'approvisionnement à long terme, alimenteront la tension sur les prix. L'augmentation des tarifs sera sans nul doute l'une des premières conséquences de la privatisation.
Cependant, comme je l'ai évoqué voilà un instant, EDF est directement menacée par ce projet de loi. En effet, séparée de son partenaire gazier, elle sera face à un nouveau concurrent à l'offre plus importante. Du fait de cette fusion, Suez va en effet disposer du listing des onze millions de clients de GDF à qui le nouveau groupe pourra proposer une offre intégrée incluant gaz et électricité. Il s'en frottait d'ailleurs les mains dès le départ.
La concurrence à outrance entre ces deux groupes, EDF d'un côté, GDF-Suez de l'autre, se fera au détriment de l'investissement à long terme en matière de recherche pour diversifier les sources d'énergie, et en matière de sécurité pour la gestion du parc nucléaire.
N'est-il pas inquiétant, d'ailleurs, d'observer la manière dont Suez, sur les sommations de la Commission européenne, cherche à se débarrasser de ses centrales nucléaires belges ?
Sur ce point, j'ouvre une brève parenthèse : n'est-il pas effrayant de constater la course entamée par EDF pour s'implanter sur le marché du gaz et par le futur groupe GDF-Suez pour s'implanter sur le marché électrique ?
Toute personne, qu'elle soit ou non spécialiste des questions économiques, pourra constater une situation « abracadabrantesque » : alors que la France disposait de deux entreprises publiques de renommée mondiale, d'une puissance reconnue, à l'abri des appétits financiers, agissant en cohérence et pour le bien commun, outils d'une lutte décisive pour l'environnement et la recherche pour les énergies du futur, les libéraux, ce gouvernement, détruisent d'un coup de pied le fruit de décennies de labeur. Vous jouez, messieurs les ministres, contre votre camp, vous jouez contre le progrès, pour la seule satisfaction, immédiate et sans lendemain, du capital.
Vous allez réussir à mettre en concurrence et, je le crains, à lancer dans une guerre fratricide deux entités industrielles remarquables.
Bien entendu, tout cela est une question de point de vue. Je vous parle d'incohérence, car je me situe sur le plan de l'intérêt général.
Du point de vue des futurs actionnaires, la cohérence est évidente : ils n'ont que faire de la satisfaction de la plus grande masse tant que leur porte-monnaie se remplit.
Notre appel au peuple se fonde également sur cette urgence, la défense de l'intérêt général, la lutte contre ces intérêts particuliers d'une élite financière qui sape notre modèle social et peut-être notre démocratie.
Cependant, les atermoiements de ces derniers mois, des dernières semaines, des derniers jours sont surprenants, inquiétants.
Pouvez-vous aujourd'hui, messieurs les ministres, dresser pour la représentation nationale un tableau de l'état des négociations entre Suez et GDF d'une part, entre le futur groupe et la Commission européenne d'autre part ? Pouvez-vous nous donner votre opinion sur l'avenir d'EDF dans ce cadre ? Jusqu'à présent, vous ne l'avez pas fait.
Je connais votre opinion, que vous avez maintes fois répétée : les parlementaires sont là pour discuter de l'ouverture du marché à la concurrence, de son principe, et certainement pas pour s'occuper des affaires des actionnaires. « Circulez, il n'y a rien à voir ! », en quelque sorte.
Cette conception du Parlement ne me semble pas conforme à une vision républicaine de nos institutions : tout ce qui concerne l'intérêt général, l'intérêt national, doit être débattu au Parlement, quels que soient les intérêts privés mis en oeuvre. Si des secrets doivent être préservés, des procédures existent, comme la réunion du Sénat en comité secret.
Il me semble que les parlementaires doivent être pleinement informés des tractations en cours. Nous constatons que la réponse de GDF à la lettre de griefs a été communiquée aujourd'hui seulement. Quelles recommandations la Commission européenne s'apprête-t-elle à formuler ? Quelles seront les conséquences sur l'emploi ? Comment répondez-vous, messieurs les ministres, à cet audit indépendant qui estime que 20 000 emplois seront supprimés dans les années à venir à GDF ? Vous prétendez que ce n'est pas vrai. Piètre réponse !
Les informations de ces derniers jours sur le devenir des centrales nucléaires belges détenues par Suez sont inquiétantes : on joue manifestement avec la sécurité, ces centrales changent de main chaque jour, tout cela pour permettre de parvenir coûte que coûte à cette fusion dont vous n'avez pas prouvé l'utilité publique.
Est-il vrai, messieurs les ministres, que EDF pourrait racheter certaines de ces centrales ? Ce serait un comble ! Les fonds publics, une nouvelle fois, permettraient à une opération de privatisation de se réaliser. C'est EDF qui financerait partiellement le démantèlement de son entente historique avec GDF. On croit rêver !
Vous ne voulez pas parler de la fusion entre Suez et GDF car, selon vous, ce ne sont pas les affaires du Parlement.
Or, M. Lenoir lui-même, rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, n'avait-il pas envisagé un plan B qui maintenait la maîtrise publique sur des activités essentielles de GDF ? Il a même présenté sa proposition devant ladite commission le 26 juillet dernier. M. Poniatowski avait d'ailleurs alors déclaré que cette proposition méritait d'être étudiée. M. Devedjian lui-même n'a-t-il pas présenté un plan C ?
Enfin, comment ne pas rappeler la proposition de loi présentée par M. Daubresse et des parlementaires de l'UMP, qui prônaient la fusion entre EDF et GDF dans un cadre public ? Votre réponse est consternante : « Trop tard ! », « Bruxelles n'en voudrait pas ! »
Je me permets de formuler trois objections. D'abord, la Commission, pour donner son avis, devrait déjà être saisie. Ensuite, aujourd'hui, les directives sont contestées par l'Allemagne, le Portugal et l'Espagne, qui s'engagent dans des projets de fusion entre leurs opérateurs nationaux ; si la France s'engageait dans cette voie, cela aurait du poids. Enfin, avant de dire que Bruxelles n'en veut pas, battez-vous pour y arriver !
La fusion entre EDF et GDF est naturelle. La constitution d'un pôle public de l'énergie s'impose. La France serait bien le seul pays où l'État se désengage en matière énergétique. Il faut en débattre en levant le préalable un peu facile des oppositions de la Commission européenne.
Examinons d'abord ce qui est bon pour notre peuple, pour les peuples européens, et nous parlerons avec Mme Kroes ensuite !
Un grand débat national doit donc s'engager, messieurs les ministres, sur l'avenir du secteur de l'énergie. Tous les arguments doivent être présentés et les différentes stratégies confrontées dans la clarté. La dissimulation que j'évoquais ne doit plus être de mise. Ce grand débat national doit avoir pour conclusion la consultation populaire, c'est-à-dire le référendum.
Pour ceux qui l'auraient oublié, je rappelle à mon tour que c'est en 1995 que le champ du référendum a été élargi au service public. M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, avait justifié cette modification de la Constitution devant le Sénat, le 24 juillet 1995. À ses yeux, il importait effectivement que le référendum puisse englober les instruments de mise en oeuvre de la politique économique et sociale que constituent les services publics.
Si cela n'est pas considéré comme un sujet de référendum, je ne sais vraiment pas ce qui pourrait l'être !
M. Toubon avait également indiqué : « Les priorités que le Président de la République a assignées au Gouvernement pour les années à venir sont économiques et sociales. L'extension du champ du référendum à ces matières doit permettre de conduire des politiques audacieuses et consensuelles. »
Aïe, aïe, aïe, messieurs les ministres ! À l'évidence, les politiques de privatisation entrent dans un tel cadre, et la demande de référendum que nous formulons aujourd'hui est donc pleinement fondée constitutionnellement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avant 1995, un référendum sur les questions économiques et sociales n'était pas possible. C'est désormais envisageable. Le Président de la République, qui a voulu la réforme, devrait se saisir de cette opportunité.
En plus d'être pleinement fondée, notre proposition met en lumière une promesse non tenue de M. Chirac - une de plus ! -, celle de consulter régulièrement le peuple sur les questions économiques et sociales. Aujourd'hui, nous demandons simplement que le Sénat mette en application une révision constitutionnelle votée il y a onze ans, sur la demande de M. Chirac, sans avoir jamais été appliquée depuis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je le répète, si elle n'est pas appliquée pour l'énergie, elle ne le sera jamais !
Les signataires de cette motion référendaire et moi-même souhaitons placer ce débat fondamental entre les mains de nos concitoyens, entre les mains du peuple. Celle-ci prévoit la mise en oeuvre par le Parlement, sur son initiative, de l'article 11 de la Constitution, qui organise le référendum et dont je viens de mentionner la modification en 1995.
Pour mémoire, selon cet article, le recours au référendum est décidé par le chef de l'État, sur proposition conjointe des deux assemblées, publiée au Journal officiel. La motion, si le Sénat venait à l'adopter, devrait donc être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.
La majorité sénatoriale a, par le passé, voté par trois fois une motion de ce type : le 5 juillet 1984, sur le projet de loi relatif à l'enseignement privé ; le 19 juin 1985, sur le projet de loi instituant la proportionnelle pour les élections législatives, et le 18 décembre 1997, sur le projet de loi relatif à la nationalité. Le 5 mars 2003, sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, la motion référendaire a été rejetée.
M. Gélard, pour défendre la motion de 1997, déclarait avec insistance : « Notre extrême timidité à l'égard du référendum législatif, contrairement à certains de nos voisins [...] semble démontrer une méfiance [...] à l'égard de la capacité de légiférer du peuple français. » Messieurs les ministres, mes chers collègues, quelle indignation sincère ! Serez-vous aussi timides aujourd'hui, alors qu'il s'agit de l'avenir de notre secteur énergétique, de notre indépendance et de notre sécurité ?
Le Sénat doit prendre cet après-midi une décision importante. Il en a les moyens. Certes, beaucoup dépendra de l'attitude des membres du groupe de l'Union centriste-UDF. Je fais donc appel à vous, chers collègues, puisque M. Bayrou s'est opposé à ce projet de loi et que le groupe Union pour la démocratie française a voté contre à l'Assemblée nationale.
M. Jean Desessard. Ah !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sachez que nous serons attentifs à votre choix !
Le vote de cette motion référendaire permettra de mettre un terme à la précipitation actuelle et à la confusion ambiante. N'oublions pas que nous légiférons sans même connaître la réponse de la Commission européenne sur l'offre de fusion entre Suez et GDF.
Soumettre ce projet de loi au référendum doit permettre au peuple de décider de l'avenir énergétique du pays, en se substituant à un gouvernement et à une majorité qui ont pratiqué la dissimulation dans un seul but : satisfaire des intérêts privés, au détriment de l'intérêt général.
L'avis de la commission des affaires économiques du Sénat sur la motion référendaire est consternant. Selon elle, le texte est trop complexe et trop technique pour être soumis au référendum ! Oserez-vous défendre publiquement que le QI moyen du peuple français est inférieur à celui des parlementaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - Mme Bariza Khiari applaudit également.) Permettez-moi de vous démentir sur ce point !
Vous aviez dit la même chose sur le traité constitutionnel européen. Le Président de la République a fait le choix d'un référendum. Et c'est bien parce que le peuple a bien perçu le contenu de ce texte qu'il l'a refusé !
Un sénateur UMP, dont je tairai le nom, a alors eu cette explication : « Les Français répondent toujours à côté de la plaque quand on leur propose un référendum ! » Je n'ose penser que la majorité des sénateurs puisse déclarer publiquement qu'ils sont pour l'abolition du suffrage universel ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Chirac, Président de la République, déclarait le 19 mai 2004, en conseil des ministres : « EDF et GDF sont des grands services publics. Elles le resteront, ce qui signifie qu'elles ne seront pas privatisées. » Que je sache, M. Chirac est toujours Président de la République !
Laissons le peuple confirmer de telles paroles, laissons le peuple défendre son bien contre les « affairistes », laissons le peuple sauver EDF et GDF ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Bravo !
M. le président. La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ferai miens les arguments exposés par Ladislas Poniatowski au début de la discussion générale sur cette motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif au secteur de l'énergie. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. C'est étonnant !
M. René Beaumont. Cela m'évitera beaucoup de redites. Nous sommes de ceux qui, de ce point de vue, sont dans la concision et dans la précision, et non dans la longueur et la répétition.
M. Daniel Raoul. Cela commence mal !
M. René Beaumont. Mon cher collègue, cela commence comme vous et vos amis avez commencé ! Cela continuera sans doute un peu de même, mais beaucoup plus rapidement, je vous le promets !
Le règlement de nos deux assemblées parlementaires donne à l'opposition de nombreux moyens pour manifester solennellement sa réprobation à l'égard d'une position de la majorité.
M. Jean Desessard. Vous en avez profité aussi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez fait pire !
M. René Beaumont. Il s'agit de l'exception d'irrecevabilité, de la question préalable et de la motion tendant au renvoi à la commission.
Aujourd'hui, nous vivons un moment solennel, mais vous ne vous en êtes peut-être pas aperçus !
En effet, c'est la première fois qu'une telle disposition est utilisée au Parlement français, bien qu'elle ait été introduite il y a déjà bien longtemps. Si elle n'a pas été appliquée jusqu'à présent, c'est parce que, à mon sens, tous ceux qui ont peut-être été tentés de le faire se sont aperçus qu'elle était particulièrement délicate à manoeuvrer.
M. Michel Billout. Ah !
M. Jean Desessard. On peut vous l'expliquer !
M. René Beaumont. Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, qui vient de me précéder à cette tribune, a affirmé que cette motion référendaire était fondée. Pour ma part, je vais essayer, très respectueusement et très poliment, de lui démontrer que c'est tout le contraire et qu'elle pose en réalité une vraie difficulté technique.
Certes, je le reconnais moi-même bien volontiers, cette initiative est évidemment tout à fait compatible avec l'article 11 de notre règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De la Constitution !
M. René Beaumont. Effectivement, mon cher collègue. Je vous remercie de cette rectification, comme quoi les grands juristes sont toujours utiles dans cette assemblée, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent !
Aux termes de l'article 11 de la Constitution, le Président de la République, sur proposition conjointe - j'insiste sur ce terme - des deux assemblées, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent. Notre collègue Jean-Pierre Bel l'avait déjà souligné, mais je tenais à faire de même, pour que tout soit bien clair aux yeux de chacun.
Cela étant dit, cette motion nous place devant une impossibilité technique tout à fait évidente. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Mes chers collègues, je ne fais pas de politique,...
M. Michel Billout. Mais bien sûr...
M. René Beaumont. ...je relève tout simplement une impossibilité technique.
Ainsi, il faudrait bien sûr que l'Assemblée nationale adopte la motion dans les mêmes termes. Or, elle s'est déjà prononcée sur ce texte il y a quelques jours. Il serait donc surprenant qu'elle tranche différemment.
En définitive, si vous aviez vraiment voulu utiliser une telle disposition en toute légitimité, vous auriez dû déposer cette motion à l'Assemblée nationale juste au début de la discussion du texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si vous l'avez oublié, nous sommes des sénateurs !
M. René Beaumont. D'ailleurs, si la motion était adoptée, quel texte serait soumis au référendum ? Le projet de loi initial ? La petite loi issue des travaux de l'Assemblée nationale ? Celle que le Sénat va adopter ? Ou bien le texte adopté définitivement résultant des travaux de la commission mixte paritaire ?
Voilà, à l'évidence, une première impossibilité technique évidente. (Mais non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Visiblement, c'est un point sur lequel vous n'aviez pas tout à fait réfléchi. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Bel. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Beaumont ?
M. René Beaumont. Mon cher collègue, après avoir écouté les explications de Ladislas Poniatowski tout à l'heure, je serais tenté de faire comme lui, car chacun a le temps de s'exprimer. Mais, exceptionnellement, je veux bien accepter de vous laisser, très brièvement, la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Pierre Bel. Cher collègue Beaumont, vous tirez des conclusions hâtives par rapport à notre attitude dans cet hémicycle. Vous soulevez un prétendu problème, en affirmant que nous n'y avons pas réfléchi. Dans ces conditions, vous devez nous laisser la possibilité de vous présenter nos propres arguments.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Beaumont.
M. René Beaumont. Monsieur Bel, j'ai simplement dit que, jusqu'à présent, je n'avais pas entendu de précisions de votre part sur ce point. Vous pourrez me répondre après, si du moins vous en avez l'autorisation. Pour l'instant c'est moi qui ai la parole, et moi seul. C'est tout ; c'est ainsi que cela se passe. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Daniel Raoul. « Il se la pète ! »
M. René Beaumont. Après l'impossibilité technique, je souhaite soulever une autre contradiction, tout aussi intéressante : c'est l'incohérence de votre position, et de la nôtre, d'ailleurs, face à ce texte.
M. René Beaumont. De ce point de vue, nous sommes à égalité.
Chers collègues de l'opposition, ce qui serait soumis au référendum, c'est bien la totalité du texte. J'ai bien compris que vous étiez notamment tout à fait opposés à l'article 10, c'est-à-dire à la diminution du capital de l'État dans Gaz de France - et, à mes yeux, il ne s'agit pas d'une privatisation.
M. René Beaumont. C'est sur ce fondement que, en cas de référendum, vous voteriez « non ». Comme vous n'auriez droit qu'à une réponse, par voie de conséquence, vous diriez donc également « non » aux protections prévues dans ce texte en faveur des consommateurs, qu'il s'agisse des particuliers ou des industriels. Pire, vous diriez encore « non » à la création du tarif social pour la distribution du gaz.
Nous ne manquerons pas, de notre côté, d'utiliser politiquement vos contradictions, car votre attitude paraîtra alors pour le moins bizarre : même si vous n'avez pas le monopole du coeur, vous vous prétendez plus volontiers que d'autres porteurs de l'action sociale. Comment vous justifierez-vous d'avoir voté contre des dispositions qui sont, à l'évidence, très sociales ?
M. Jean-Marc Pastor. Revenez-en à la motion !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous prenez le peuple pour un idiot !
M. René Beaumont. Au 1er juillet de l'année prochaine, lorsque les contribuables constateront que vous avez voté contre le tarif social du gaz, quand les plus défavorisés d'entre eux s'apercevront qu'ils devront payer plein tarif, vous aurez beaucoup de difficultés à assumer vos choix !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel niveau ! Quand le peuple refuse, il faut proposer autre chose !
M. Paul Blanc. Laissez parler l'orateur !
M. René Beaumont. Votre incohérence est tout à fait évidente. Nous le savons bien, pour qu'une motion référendaire soit recevable, il faut que les questions soulevées soient particulièrement simples et précises.
Monsieur Bel, je vous ai écouté avec attention tout à l'heure : vous avez affirmé qu'il y avait cinq raisons essentielles justifiant de soumettre ce texte au référendum et au choix du peuple français. En définitive, cela rejoint la démonstration que je suis en train de faire. Je n'ai pas voulu vous interrompre, bien sûr, mais avec un collègue, nous vous avons dit, à voix basse car nous ne voulions pas vous interrompre, que cela représenterait cinq référendums, car vous ne pouvez pas poser à la fois cinq questions au peuple. En effet, très peu de personnes sont susceptibles de donner une seule réponse à cinq questions.
C'est toute l'incohérence du référendum tel qu'il est proposé !
Mme Éliane Assassi. Le texte sur la Constitution européenne avait combien de pages ?
M. René Beaumont. Enfin, mes chers collègues, je ne résiste pas au plaisir de vous demander, comme Ladislas Poniatowski, mais en citant d'autres exemples, pourquoi vous n'avez pas organisé de référendum, alors que cette procédure existe depuis onze ans déjà, à l'occasion de l'ouverture du capital de France Télécom, en 1997, et de Thomson Multimédia, en 1998, à l'occasion de la privatisation du CIC, en 1998, de celle du groupe GAN, de la CNP, de la Société Marseillaise de Crédit, de RMC.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et cætera !
M. René Beaumont. Je citerai également, en 1999, la privatisation du Crédit Lyonnais, d'Aérospatiale Matra, l'ouverture du capital d'Air France et la poursuite de celle de France Télécom.
Pourquoi de même ne pas avoir organisé de référendum en 2000, pour la poursuite de l'ouverture du capital de Thomson Multimédia et l'ouverture de celui d'EADS, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous prenez les choses à la légère ! Nous parlons de nucléaire !
M. René Beaumont. ... en 2001, pour la privatisation de la Banque Hervet ou, en 2002, pour celle des Autoroutes du Sud de la France et du réseau de transport de Gaz du Sud-Ouest ?
Mme Nicole Bricq. Rien à voir !
M. René Beaumont. Vous aviez alors oublié d'organiser des référendums ! Si vous l'aviez fait, nous vous comprendrions sans doute mieux aujourd'hui.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai, on aurait dû le faire !
Mme Annie David. Pourquoi ne nous l'avez-vous pas demandé ?
M. René Beaumont. Mes chers collègues, et je m'adresse à l'ensemble des sénateurs ici présents, cette motion représente à mon sens un acte de défiance à l'encontre de l'assemblée sénatoriale. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Pierre Bel s'exclament.)
Comment nous, sénateurs, pouvons-nous tolérer une telle motion, alors que l'Assemblée nationale a eu tout le temps de délibérer, tranquillement, longuement, en examinant de très nombreux amendements, ...
M. René Beaumont. ... peut-être même trop nombreux ?
M. René Beaumont. Aujourd'hui, à cause de cette motion, il faudrait d'un seul coup tout arrêter et priver le Sénat d'un vrai débat, débat auquel il a droit, car la Constitution a prévu qu'il puisse y participer. Il s'agit d'un acte de défiance, tout à fait déplacé, à l'encontre du Sénat lui-même.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter les conclusions de la commission tendant au rejet de cette motion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
6
accident ferroviaire en MOselle
M. le président. Mes chers collègues, je voudrais vous faire part de mon émotion à l'annonce de la collision qui est intervenue en fin de matinée entre un train de voyageurs luxembourgeois et un train de marchandises de la SNCF à Zoufftgen, dans le département de la Moselle.
Selon les informations qui viennent de m'être communiquées, cette collision aurait fait une dizaine de victimes. Outre des passagers du train, les deux conducteurs et un agent travaillant sur les voies auraient été tués.
Je pense que le Sénat tout entier souhaitera exprimer en la circonstance sa sympathie aux familles des victimes. (Assentiment.)
7
Motion référendaire sur leprojet de loi relatif au secteur de l'énergie
Suite de la discussion et adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission
M. le président. Nous poursuivons la discussion des conclusions négatives du rapport de la commission des affaires économiques sur la motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. J'emprunterai à ces douloureuses circonstances des raisons supplémentaires de souhaiter le bien de nos compatriotes en leur garantissant les meilleures conditions de fonctionnement des services publics.
Monsieur le président, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, je veux dire combien nous sommes honorés, sans méconnaître l'importance de la contribution de M. le ministre délégué à l'industrie, que M. Breton soit parmi nous en cet instant.
Vous le voyez, monsieur Beaumont, pour qu'il y ait répétition, il faut que les mêmes personnes soient concernées, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence puisque M. Breton n'a pas pu entendre l'intervention du président de notre groupe. Nous le regrettons, car nous aurions aimé que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie réponde à M. Jean-Pierre Bel.
Monsieur Beaumont, les choses sont particulièrement simples et vous semblez torturé par des problèmes qui n'en sont pas.
Vous vous demandez quel texte serait soumis à référendum si cette motion était adoptée. La réponse est simple : ce serait évidemment le texte du Gouvernement ! Que je sache, il ne s'agit pas d'un texte d'initiative parlementaire !
Vous vous êtes demandé ce qu'il adviendrait si nous devions adopter la motion référendaire, dans la mesure où ce projet de loi a été déclaré d'urgence.
Il ne faut pas faire injure à MM. Breton et de Villepin. Il va de soi que, si le Sénat votait cette motion, ils en tireraient toutes les conclusions politiques nécessaires. Il n'y a donc pas de difficulté à cet égard.
Notre président de groupe a invoqué les cinq raisons qui justifient en l'occurrence le recours au référendum. Vous en déduisez qu'il faudrait organiser cinq référendums. Mais alors, si l'on doit vous suivre dans cette logique, il aurait fallu 448 consultations pour que le peuple français statue en connaissance de cause sur les 448 articles du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe ! Non, vraiment, les Français sont parfaitement capables de comprendre qu'un seul document contienne plusieurs éléments.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils les prennent pour des idiots !
M. Jean-Luc Mélenchon. À eux, ensuite, de trancher en se prononçant en faveur ou non du texte qui leur est soumis. Cela n'a rien d'extraordinaire.
Vous avez ensuite fait des comparaisons qui n'ont pas lieu d'être.
Entre l'ouverture du capital de certaines entreprises et la cession pure et simple d'une entreprise stratégique, il y a tout de même une énorme différence !
En outre, nous convenons tous ici que nous connaissons actuellement une situation nouvelle, bien différente de celle qui existait voilà dix ans. À cette époque, excepté quelques-uns qui étaient en avance dans la compréhension de ces problèmes de sécurité d'approvisionnement énergétique, la majorité d'entre nous ne voyaient pas les problèmes de cette façon et ne les auraient pas posés ainsi.
La situation et le contexte sont donc différents, mais également la nature de l'entreprise concernée.
Monsieur Beaumont, vous vous êtes donné du mal pour trouver des arguments et vous les avez exposés avec talent, mais c'est en vain, car ils ne sont pas du tout convaincants.
M. Poniatowski lui-même, qui est allé sans doute un peu trop loin, doit être bien embarrassé, dans le secret de sa conscience, d'avoir tenu des propos aussi extravagants que ceux que nous avons entendus, quand il a affirmé que le sujet était trop compliqué pour que les Français puissent se prononcer par référendum.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Non ! Trop compliqué pour recevoir une réponse binaire !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis certain que vous regrettez ces propos, monsieur le rapporteur.
Dans l'histoire récente, je ne vois que le pape Pie X pour s'être opposé au suffrage universel, dans l'encyclique Vehementer Nos, en 1906. Ce cas mis à part, chacun s'accorde à penser depuis longtemps que le peuple est capable de trancher sur les problèmes compliqués.
De la même manière, quand vous nous reprochez de ne pas avoir soumis à référendum le projet de loi sur les 35 heures, je pense que vous vous gaussez ! Car les 35 heures constituaient le coeur du programme de la gauche quand elle était candidate au pouvoir. Par conséquent, personne n'a été pris en traître. Réfléchissez-y, monsieur Poniatowski !
À quel moment avez-vous dit - vous, les membres de votre parti, le Président de la République, ou bien les rédacteurs du programme de l'UMP - que vous alliez privatiser Gaz de France au cours de cette législature ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ont dit le contraire !
M. Jean-Luc Mélenchon. Dites-nous où cela est écrit, afin que nous puissions apprécier si vous avez fait preuve de la même transparence politique que nous.
Nous, nous avions prévenu les Français, pas vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Sur un tout autre sujet, je pense que vous n'avez pas plus de raison d'être contents de vous : solliciteriez-vous réellement, aujourd'hui, un référendum sur la peine de mort ? Vous ne le feriez pas. Il n'y a d'ailleurs que M. Le Pen qui le réclame en France. Et tous les Républicains savent pourquoi ils ne le feront pas, ni aujourd'hui, ni demain, ni jamais.
Mais prenons plutôt le débat à sa racine. Pourquoi le secteur de l'énergie faisait-il l'objet d'un monopole et était-il nationalisé ?
Ce n'est pas parce que notre génération n'a connu que la paix et ses bienfaits que nous devons dédaigner les débats de nos aînés.
Pourquoi ceux-ci avaient-ils nationalisé ?
Il ne s'agissait pas d'une nationalisation de circonstance. Tout à l'heure, quelqu'un a évoqué le cas de Renault. Mais si l'on a nationalisé Renault, c'est pour la punir de sa collaboration avec l'occupant nazi. On aurait d'ailleurs pu en nationaliser beaucoup d'autres car, dans ces milieux, pour ce qui était de la collaboration, ça y allait !
M. Jean-Luc Mélenchon. Le cas est tout différent pour ce qui concerne l'énergie : ce n'était pas une nationalisation de circonstance, et ce n'était pas non plus une nationalisation idéologique, au sens où la droite et la gauche se seraient opposées sur le fond du dossier car, à cette époque, nous étions tous unis pour vouloir cette mesure. Pourquoi ? Parce que nous pensions tous alors que l'intérêt général était en cause. Quel intérêt général ? Celui dont la défense s'imposait face aux trafics constatés avant-guerre, menés par de grands fournisseurs qui mettaient ainsi en cause la sécurité de l'approvisionnement du pays et son indépendance.
Précisément, que signifie l'indépendance nationale ? Ce n'est pas une marque de nationalisme, mais ce que l'on se doit entre citoyens vivant au sein d'une même communauté légale : la protection mutuelle, donc aussi les moyens de l'assurer.
L'indépendance, que l'on va qualifier de nationale, est donc en réalité la souveraineté civique : les Français décident de se garantir un certain nombre d'avantages et s'en donnent les moyens.
M. Bel et d'autres ont rappelé les dispositions de la Constitution de 1946 concernant les entreprises dont l'exploitation a ou acquiert un caractère de monopole.
Ces dispositions ne constituent pas le seul fondement de la nationalisation. Il en existe un autre. Dans une société civilisée, et au fur et à meure qu'elle se civilise, un certain nombre de droits de base sont garantis par la collectivité.
Si cela ne va pas de soi dans les sociétés qui n'en ont pas les moyens, en revanche, dans un grand pays riche comme le nôtre, c'est possible, notamment en ce qui concerne l'approvisionnement en énergie.
Et pourquoi s'agissant singulièrement du secteur de l'énergie ? Tout simplement parce que, dans ce domaine, il n'y a pas d'alternative possible.
En effet, dans de nombreuses activités qui relèvent de la production privée, il existe une alternative, car on peut se passer du service fourni. Mais comment se passer du service de l'approvisionnement en énergie ? C'est impossible ! Il n'y a pas d'alternative, car personne ne peut se passer d'énergie.
Par conséquent, la garantie apportée par la collectivité est très importante et doit être assurée par l'État, la volonté nationale et dans le respect de la primauté de l'intérêt général.
Voilà pourquoi il a été décidé en 1946 non seulement de garantir au pays son indépendance et la maîtrise de son approvisionnement, mais aussi de les garantir à chaque citoyen.
Or qu'est-ce que la souveraineté si celle-ci est entachée du risque qui menace désormais le secteur dont nous parlons ?
En effet, si ardents partisans que vous soyez de la privatisation, vous ne pouvez pas nier que, dorénavant, un double risque existe et pour les particuliers et pour le pays : pour les particuliers, le risque de ne plus pouvoir accéder au service ; pour le pays, le risque de voir ses approvisionnements remis en cause. Double risque, oui, tout au moins si on laisse la libéralisation produire dans notre pays tous les effets qu'elle a pu produire partout où on lui a laissé libre cours, à savoir notamment des ruptures d'approvisionnement et des interruptions de fourniture.
Mes chers collègues, lors de la canicule qui a frappé l'Europe en 2003, et sans qu'il soit besoin de remonter plus loin, la France a été le seul pays où de telles ruptures n'ont pas été constatées. Il y avait bien une raison à cela !
La raison, c'est que nous étions équipés correctement. Et chaque fois que nous avons été menacés de ne plus l'être, c'est précisément parce que l'on a fait valoir un autre principe que l'intérêt général. Alors ?
Entre public et privé, si l'opposition n'existe pas toujours, elle survient quelquefois, voire souvent. Et tout dépend dans quel domaine elle frappe. En l'occurrence, le domaine particulièrement sensible.
Si vous confiez une activité à une entreprise privée, il est normal que ses actionnaires cherchent à faire fructifier leur investissement. On ne leur demande pas de prendre en charge l'intérêt général.
Je prends un exemple : les États-Unis d'Amérique ne possèdent pas plus de gaz que nous. Pouvez-vous nous garantir que, lorsque les tarifs augmenteront, les méthaniers français n'iront pas servir d'abord le marché américain, car les tarifs y seront plus intéressants qu'en France ? Vous ne pouvez pas le garantir s'agissant d'une entreprise privée chargée de l'exploitation et de la fourniture de gaz !
Mme Bariza Khiari. Bien sûr !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais, moi, je peux vous garantir le contraire !
Quand les propres dirigeants de cette entreprise annoncent - c'est d'ailleurs tout ce qu'ils ont promis pour l'instant - que leur objectif sera non pas d'assurer une production de meilleure qualité ou un meilleur service, mais d'augmenter de plus de moitié le rapport des dividendes, nous sommes prévenus, nous savons à l'avance quelles seront leurs règles d'action. Et nous ne pouvons pas leur en vouloir.
Les naïfs, ce sont ceux qui croient autre chose ou qui disposent si facilement d'une entreprise qui a tant coûté au pays, comme l'a dit ma collègue communiste, aussi bien en argent, en intelligence humaine qu'en dévouement, pour qu'elle parvienne à un tel niveau de performance.
S'agissant du réseau national de distribution, je ne m'adresserai pas seulement à mes amis de gauche, dont on connaît la conception de l'organisation de la société, mais aussi à tous ceux qui ont à coeur l'intérêt national.
On ne peut pas imaginer, dans un secteur aussi stratégique, de disjoindre la question de la production de celle des réseaux de transport et de distribution. Or vous allez aussi privatiser la filiale qui gère les réseaux, et vous n'avez aucune garantie qu'elle ne sera pas vendue séparément !
M. René Beaumont. Les Allemands ont tous du gaz, et les réseaux n'appartiennent pas à l'État !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes d'accord pour que cela se passe ainsi ? Quelle garantie en attendez-vous ?
Supposons que, par extraordinaire, les dirigeants soient uniquement animés par la volonté d'assurer des approvisionnements corrects. Pouvez-vous garantir ici que les investissements seront réalisés à temps ? Avez-vous un exemple à nous communiquer qui prouve que l'expérience a été faite et que cela s'est bien déjà passé ainsi ? Non, c'est même l'inverse : dans tous les pays qui ont connu la privatisation, celle-ci s'est faite au détriment de l'investissement.
Dans notre propre pays, pour ouvrir au secteur privé le capital d'Électricité de France, on a prolongé la durée d'amortissement des centrales nucléaires de dix ans afin que le rapport financier soit plus intéressant.
Tels sont les débuts auxquels nous avons assisté. Et vous croyez que la suite sera meilleure ? Non, ce n'est pas possible !
Mon intention n'est pas de faire je ne sais quel procès à l'entreprise privée. Je constate simplement que celle-ci agit selon sa propre logique. Et si nous ne voulons pas être assez naïfs pour en attendre autre chose, nous devons regarder cette réalité en face, car notre seul rôle ici est de garantir l'intérêt général.
Telles sont les raisons qui justifient, par leur importance même, une consultation des Français.
Croyez-vous vraiment que nos compatriotes soient incapables de comprendre les défis qui sont les nôtres ? Avez-vous une telle confiance dans les solutions que vous préconisez que vous vous sentiez dispensés de consulter les Français ? Pourtant, nous parviennent de nombreux témoignages du trouble et du doute qui s'emparent de nombre d'entre vous, et pour des raisons qui ne sont pas forcément les mêmes que les nôtres, sur le plan politique.
Mme Nicole Bricq. Ils ne veulent pas les écouter !
M. Jean-Luc Mélenchon. Non, messieurs les ministres, chers collègues, vous nous demandez d'entrer les yeux fermés dans une logique dont vous ne connaissez même pas l'aboutissement.
Quelles conditions la Commission posera-t-elle ? Vous n'en savez rien ! Que demandera Suez au moment de la fusion avec GDF ? Vous n'en savez rien ! À moins que vous n'en sachiez plus, mais que vous ne nous l'ayez pas dit, à nous qui représentons pourtant le peuple et qui avons tous les droits à cet instant !
À toutes ces questions, nous ignorons donc les réponses.
Lequel d'entre vous, dans la gestion de ses affaires privées, celles de sa commune ou de la collectivité qu'il préside, accepterait de prendre une décision sans en connaître les paramètres les plus importants, ceux qui vont conditionner sa mise en oeuvre ? C'est pourtant ce que l'on nous demande à cette heure !
M. Roland Courteau. Un chèque en blanc !
M. Jean-Luc Mélenchon. L'intérêt général n'est pas garanti. Or nous sommes chargés de l'intérêt général s'agissant de l'approvisionnement.
Il ne l'est pas davantage pour le pacte social qui, je l'ai dit tout à l'heure, était au coeur de la décision de nationalisation prise en 1946.
L'entreprise privée va devoir arbitrer entre deux exigences, entre les tarifs et les bénéfices.
M. Gérard Longuet. L'entreprise publique aussi, sinon, c'est le contribuable qui paie !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous devriez vous soucier...
M. Gérard Longuet. Vous voulez faire payer indéfiniment le contribuable ! Et pourquoi n'avez-vous pas organisé un référendum sur le nucléaire ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur Longuet, ayez la patience de m'écouter !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous souhaitez m'interrompre, monsieur le ministre ? (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Non, bien sûr, ce serait trop dangereux !
Restons-en à l'arbitrage entre tarifs et pouvoir d'achat, question qui, vous en conviendrez, monsieur Longuet, a quelque importance pour l'équilibre général du mode de gouvernement de ce pays.
Vous autorisez que le tarif prenne en compte, outre l'investissement et le prix de revient, les bénéfices, dont la proportion - la question est aussi vieille que le commerce lui-même - se fixe sans contrainte dans un marché où le client, captif, n'a pas le choix. Comment va s'exercer la concurrence ? Partout à la hausse, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Les bénéfices permettent d'optimiser l'allocation des ressources !
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur Longuet, nous parlons d'expérience,...
M. Gérard Longuet. Nous aussi, hélas !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... sans exprimer un a priori idéologique. Partout, les tarifs ont augmenté sans discontinuer et sans rapport avec les coûts. J'en veux pour preuve l'exemple de GDF même qui, aujourd'hui, sert plus d'argent à ses actionnaires qu'à ses salariés, réussissant à se faire épingler par la Commission de régulation, laquelle a démontré que GDF avait fixé des tarifs excédant, et de très loin, l'augmentation des coûts d'approvisionnement. Croyez-vous que cela va s'arrêter ? Et pour quelles raisons, d'ailleurs, ce mouvement s'arrêterait-t-il ?
L'entreprise, qui doit nécessairement faire appel à ses actionnaires, s'emploie à rendre attractif cet apport de capital. Elle ne fait qu'obéir à sa logique. Par conséquent, entre tarifs et pouvoir d'achat, elle arbitrera toujours dans le même sens.
Alors, vous pourrez bien réunir une table ronde sur l'augmentation du pouvoir d'achat des travailleurs, il suffira qu'une entité que vous ne connaîtrez même pas décide, peut-être depuis l'autre bout de la planète, d'augmenter le tarif d'une fourniture de base pour que, en quelques instants, tout soit renversé, pour que tout ce que vous avez imaginé pour votre patrie et pour vos concitoyens soit ruiné, pour que tous les efforts que vous aurez accomplis au titre du dialogue social soient anéantis. Voilà ! Ce sont les faits que l'on voit partout !
Sans oublier, monsieur Longuet, puisque vous m'avez cherché sur ce plan, qu'il reviendra aux ménages, et à personne d'autre, de mettre la main à la poche pour équilibrer le retour au tarif d'origine ! Cela aussi, c'est une réalité !
M. Gérard Longuet. Ils paient toujours, comme contribuables ou comme consommateurs !
M. Jean-Luc Mélenchon. Messieurs les ministres, chers collègues, j'ai tenté de vous présenter des arguments autres que les simples raisons pour lesquelles un socialiste, un communiste, voire un écologiste, peuvent être contre la privatisation du service de l'énergie.
Mes arguments, je les ai tous ramenés à l'intérêt général. Quoi que l'on pense par ailleurs du nucléaire, croyez-vous que les décisions prises en la matière, conformes à l'idée que les gouvernements d'alors se faisaient de l'intérêt général et qu'ils étaient légitimement en droit d'imposer s'agissant d'un grand pays comme le nôtre, croyez-vous que ces décisions-là auraient pu être prises par des entreprises privées ? Et, demain, pour répondre à la crise écologique, à qui donnerez-vous des ordres ? Aux actionnaires privés ? Bien sûr que non !
Vous ne pouvez le faire qu'avec un outil public, seul capable de gérer le long terme, d'accumuler, de prévoir, de vouloir avec assez de constance et de durée.
Si nous n'avions pas agi de la sorte, nous n'aurions pas préservé notre indépendance énergétique. Et, pour prendre des sujets peut-être moins délicats, mais qui sont d'actualité, nous n'aurions pas eu la fusée Ariane, qui est une pure décision politique dont on mesure maintenant l'ampleur de l'impact technologique.
L'intérêt général n'est pas garanti pour l'approvisionnement. Il ne l'est pas pour le pacte social. Il ne l'est pas davantage pour la souveraineté civique.
Vous savez comme moi que les grands contrats dans le domaine de l'énergie sont négociés par les États, seuls en mesure de créer des rapports de force intéressants. (M. Roland Courteau fait un signe d'approbation.) Et, demain, nous irions négocier avec tel ou tel pays en demandant au passage, outre les fournitures, la part qui reviendrait aux actionnaires privés, bénéficiaires de ces négociations ? Voilà qui ne serait pas bien nouveau et qui rappellerait des images du passé !
En outre, quoi qu'on nous ait dit tout à l'heure, vous ne pouvez pas nier qu'à l'instar de ce qui s'est passé dans le monde entier sur de tels sujets, la privatisation amènera des restrictions de personnels. Et ces restrictions se feront selon des normes qui vous échapperont, à vous, comme à nous.
Or l'intelligence humaine et le savoir-faire sont cruciaux en ces domaines. Vous savez comme moi que le service qui garantit conjointement, pour l'électricité et le gaz, la maintenance des réseaux est menacé...
Mme Bariza Khiari. EADS !
M. Jean-Luc Mélenchon. ...et pas seulement par un rapport d'une société travaillant pour une autre société et qui se répand dans la presse, comme nous l'a dit M. le ministre délégué à l'industrie. C'est ainsi partout dans le monde.
Tout le reste a déjà été excellemment dit. Nous vous en régalerons bientôt de nouveau, article par article, amendement par amendement.
Pour conclure, je vous demande pourquoi vous ne voulez pas de ce référendum. Supposez que vous soyez assurés d'une réponse positive : mesdames, messieurs, mes chers collègues, tous debout et d'un seul mouvement, vous adopteriez cette motion, car rien ne vous ferait plus chaud au coeur qu'un petit « oui » avant le vote de 2007 ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il n'y a aucune impossibilité physique à l'organiser. En vérité, si vous n'en voulez pas, c'est parce que vous connaissez la réponse.
M. Roland Courteau. Oui ! Ils la connaissent !
M. Jean-Luc Mélenchon. Les Français répondraient non. Eux, qu'on ne croit pas très malins, comprendraient en deux temps, trois mouvements, ce que je viens de vous expliquer. Il leur suffirait de se pencher sur leur contrat, de lire un journal ou de se tenir vaguement au courant de ce qui se passe dans le monde. Ils verraient bien que tous les autres pays sont en train de reprendre la main sur leurs services de l'énergie. Et nous, les Français, qui cumulons les bizarreries depuis quelques années, ...
M. Paul Blanc. Oui, les 35 heures !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... disons depuis cinq ans, nous sommes les seuls à décider tout à coup que mieux vaut confier nos intérêts à un Belge qu'à un Français ! Voilà ce que nous décidons en ce moment !
Si vous ne voulez pas de ce référendum, c'est parce que vous savez que la réponse serait non. Et si vous le savez, alors, vous êtes déjà en train de violer et l'intérêt général et la souveraineté populaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je serai très bref. Tout à l'heure, j'ai demandé à interrompre M. le rapporteur avec la courtoisie habituelle dans cette assemblée, celle qui a toujours présidé à nos relations. Or, j'ai eu le vif regret de me l'entendre refuser.
Mais il n'y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas. Et je me suis inscrit dans cette discussion générale pour pouvoir vous répondre ce que je voulais vous répondre, monsieur le rapporteur.
J'entendais le faire avec amabilité et courtoisie. Le ton risque maintenant d'être un peu plus sévère.
M. le président. Pas trop ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous l'avez en effet mérité en refusant de me laisser vous interrompre.
Vous avez expliqué que nous aurions dû et que nous aurions pu demander nous-mêmes ces référendums plus tôt. C'est vrai que nous pouvions le faire. Mais c'est vrai aussi que M le Président de la République, qui nous a fait nous déplacer au mois d'août à Versailles pour modifier la Constitution en vue d'étendre le champ du référendum à des questions de société, en particulier en matière économique et sociale, ne l'a jamais fait. Et vous le savez parfaitement.
Lui qui, j'en suis sûr, écoute nos débats avec beaucoup d'intérêt (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), est en train de se dire qu'après tout c'est pour lui la dernière occasion d'interroger les Français. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Mon ami Jean-Luc Mélenchon vient d'avancer que, si vous ne voulez de cette consultation, c'est parce que vous savez que vous la perdriez. Ce n'est pas cela qui devrait arrêter le Président de la République ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, j'apprécie la courtoisie dont vous faites preuve. Pour moi, le débat consiste à parler les uns après les autres. C'est la seule raison pour laquelle je me suis permis tout à l'heure de vous refuser de m'interrompre.
Je ne crois pas avoir la réputation d'être mal élevé. Je suis, au contraire, assez respectueux du bon fonctionnement de la démocratie et des droits de l'opposition.
M'avez-vous entendu une seule fois hier, l'après-midi ou le soir, interrompre d'une manière ou d'une autre l'un des orateurs, de la majorité ou de l'opposition ? C'est la raison pour laquelle j'ai refusé, certes un peu vivement, que vous m'interrompiez. En revanche, je trouve très bien que nous puissions débattre en exposant nos arguments respectifs l'un après l'autre.
Bien sûr, l'exemple que j'ai pris ne vous a pas plu. J'ai simplement voulu faire une comparaison en expliquant qu'il y avait d'autres sujets qui aurait pu être soumis à référendum. Cela ne veut d'ailleurs pas dire que j'y aurais été favorable.
Je pense, tout à fait comme M. Mélenchon, que, sur certains sujets, il est bon que la représentation nationale assume sa responsabilité en prenant des décisions, tout en sachant pertinemment que l'opinion publique se prononcerait dans le sens contraire, comme ce fut le cas pour l'abolition de la peine de mort. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quel aveu !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne souscrit évidemment pas à la proposition qui est faite. La raison en est assez simple : voici que le Parlement, représentant du peuple, se trouve au centre des discussions. Et voici que les parlementaires sont appelés à prendre leurs responsabilités. Laissons donc se poursuivre le débat.
Une chose m'a beaucoup étonné dans ce que je viens d'entendre. Le Parlement s'est exprimé dans la première chambre saisie, l'Assemblée nationale, où se sont tenus de longs débats au cours desquels chacun a pu prendre la parole et poser ses questions. Aux interrogations des uns et des autres, le Gouvernement a répondu en permanence, et je tiens ici à rendre hommage à François Loos.
Ce débat, qui, conformément à la vocation du Parlement, a permis d'enrichir le texte, se poursuit désormais devant la Haute Assemblée.
De quoi avez-vous peur, pour ne pas vouloir débattre ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas nous qui avons peur !
Mme Michelle Demessine. C'est vous qui craignez le référendum !
M. Thierry Breton, ministre. Le débat a lieu pour que vous puissiez vous faire entendre et dire éventuellement non si vous n'êtes pas d'accord. Après quoi, cette assemblée votera, et chacun se prononcera en son âme et conscience.
Or les arguments que j'ai entendus me semblent très éloignés de la réalité.
M. Jean-Pierre Bel. Les arguments, vous ne les avez pas entendus, vous n'étiez pas là !
M. Thierry Breton, ministre. En effet, aujourd'hui, entre quinze heures et seize heures, je n'étais pas parmi vous, car j'assistais à la séance de questions d'actualité de l'Assemblée nationale, comme il est de ma responsabilité en tant que membre du Gouvernement. Pendant ce temps, M. Loos était évidemment présent dans cette enceinte, attentif à vos arguments, pour que nous préparions ensemble la réponse du Gouvernement.
Certains considèrent que Gaz de France exerce un monopole de fait. C'est inexact. Les activités de production et de transport sont ouvertes à tout opérateur, privé le cas échéant. Total en est un exemple.
Il en va de même pour les activités de stockage et pour le secteur du gaz naturel liquéfié. Ainsi, un opérateur privé, Poweo, va entreprendre la construction d'un terminal de GNL à Antifer.
Gaz de France ne dispose pas non plus d'un monopole national sur la distribution. N'oublions pas en effet que les distributeurs non nationalisés peuvent soumissionner les appels d'offres. Ils peuvent, autant que Gaz de France, bénéficier de délégations de service public, lesquelles font aujourd'hui référence.
Enfin, le monopole de GDF sur la fourniture de gaz aux clients domestiques sera supprimé à compter du 1er juillet 2007, lors de l'ouverture totale du marché.
Vous oubliez que votre refus de tout débat aurait pour conséquence immédiate d'empêcher que la directive « Énergie » ne soit transposée. Peut-être est-ce ce que vous souhaitez. Votre attitude est certes respectable et vous avez parfaitement le droit de vous en tenir à cette position. Mais vous seriez responsables devant les consommateurs français, qui en sortiraient perdants, de votre refus de fait de transposer la directive « Énergie ».
M. Thierry Breton, ministre. Nous estimons pour notre part qu'il est indispensable de poursuivre sereinement ce débat. Soyez assurés que le Gouvernement jouera pleinement son rôle et veillera à la qualité de nos travaux.
Monsieur le président, le Gouvernement est disposé à ce que ce débat suive le rythme que lui imprimera la Haute Assemblée, bien que certains des arguments - des arguties - que j'ai entendus soient d'un autre âge. Je dis cela sans esprit de polémique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La démocratie est d'un autre âge ?
M. Thierry Breton, ministre. Ces arguments ignorent les évolutions du monde tel qu'il est et ne prennent pas en considération les intérêts des Françaises et des Français. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Autant je respecte toutes les opinions qui se sont exprimées sur ces travées, autant j'estime qu'il est de l'intérêt des consommateurs et de nos compatriotes que cette directive soit transposée, afin de nous permettre de préserver les tarifs réglementés et de proposer un tarif social pour le gaz. Il ne s'agit pas de privatiser Gaz de France pour le plaisir de privatiser - encore des considérations d'un autre âge -, il s'agit bien plutôt de lui donner la possibilité d'aller de l'avant (M. Jean-Luc Mélenchon s'exclame.)
Monsieur Mélenchon, vous étiez absent hier. Aussi n'avez-vous peut-être pas saisi qu'à partir du 1er juillet 2007, à la suite de la décision prise en 2002 à l'unanimité des gouvernements réunis à Barcelone d'ouvrir les marchés de l'énergie - indépendamment des directives ultérieures, que je ne méconnais pas -, n'importe quel fournisseur pourra utiliser les tuyaux de Gaz de France pour vendre directement son gaz aux consommateurs français.
M. Roland Courteau. Pas aux ménages !
M. Thierry Breton, ministre. Voilà ce à quoi il faut se préparer ! (M. Jean-Luc Mélenchon proteste.)
Vous ne réalisez pas que,'à partir du 1er juillet 2007, Gaz de France aura l'obligation de mettre ses propres tuyaux à la disposition de ses concurrents afin de leur permettre de vendre directement leur gaz aux consommateurs français.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ?
M. Thierry Breton, ministre. Nous voulons donner à Gaz de France la possibilité de se battre à armes égales.
Vous ne voulez pas voir l'évolution qui, désormais, appartient à notre héritage commun. Vous remontez à 1945. Moi, je remonte à 2002.
Enfin, si lyriques soient certaines de vos envolées sur l'énergie et sur la protection de notre approvisionnement, je constate que, dans l'histoire, vous avez toujours dit non, même si je reconnais que cela n'a pas toujours été le cas dans cette assemblée. Je vise les sénateurs du groupe socialiste, plutôt que ceux du groupe communiste. Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste, vous avez toujours refusé toute évolution dans le domaine de l'énergie, en particulier s'agissant du nucléaire.
M. Louis de Broissia. Très bien !
M. Daniel Reiner. C'est faux !
M. Roland Courteau. Vous ne savez pas de quoi vous parlez !
M. Thierry Breton, ministre. Vous refusez toute avancée. Nous sommes habitués à vos discours.
Ainsi, vous vous êtes opposés à la décision prise par Pierre Messmer, alors Premier ministre, poursuivant l'oeuvre du général de Gaulle, de lancer la construction de seize centrales nucléaires.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Thierry Breton, ministre. Vous avez toujours dit non. Nous avons de la mémoire, les Français aussi !
Monsieur Mélenchon, nous sommes habitués à vos envolées. Nous savons votre sentiment sur ces questions, et nous le respectons. Mais, avec vous, c'est toujours non ! Laissons donc s'exprimer ceux qui veulent dire oui pour les Français. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Daniel Reiner. Ce sont des contrevérités !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est un peu court, comme réponse !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Explications de vote
M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques tendant au rejet de la motion de renvoi au référendum, je donne la parole à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon propos est non pas de classer les parlementaires selon leurs vertus démocratiques, mais à attirer l'attention sur un changement profond, sur un tournant historique. La France démocratique et républicaine amorce un virage qui, à la veille d'une échéance politique fondamentale, n'est pas dénué de sens.
Cette spécificité d'une république vieillissante pour certains, mais identifiée par son histoire, ses racines, son pacte social et mutualiste, disparaît sous le modernisme et la banalisation de l'organisation de la société en raison du choix d'un capitalisme rayonnant dans le monde.
S'agissant de modernisation, j'aurais préféré que l'on se préoccupât davantage du rôle des représentants du peuple, des parlementaires sous la Ve République, afin de rendre la politique plus proche du citoyen.
Ce n'est pas le choix qu'a fait la majorité. J'en veux pour preuve la manière dont a été traité ici même ce sujet de fond- à la hussarde. Faute de permettre au Parlement d'effectuer ce travail de fond auquel nous étions habitués, oui, l'avis du peuple de France doit être sollicité pour combler cette carence.
Une seule nuit entre l'adoption du texte par l'Assemblée nationale et le début des réflexions au Sénat : ce ne sont pas des conditions normales.
Cessez de bafouer la République comme vous le faites ! À tant scier la branche sur laquelle nous sommes assis, elle pourrait bien tomber.
Cessez de prendre de haut le citoyen sous prétexte qu'il serait incompétent pour apprécier ce problème technique ! Là commencent les dérapages politiques.
Cessez de nous tromper ! En effet, en demandant au Parlement d'autoriser une privatisation avant même de connaître l'importance des activités dont Bruxelles réclame la cession - nous n'en serons informés qu'au mois de novembre, c'est-à-dire après le vote -, vous lui faites signer un chèque en blanc.
Les Français méritent mieux ; ils méritent d'être consultés.
Comment pouvez-vous admettre la privatisation de GDF sans qu'on connaisse bien son avenir ? Que pensent les actionnaires de Suez de tout cela ? Cessez enfin de nous tromper !
Monsieur le ministre, l'accord de Barcelone, auquel vous faisiez allusion, conclu avant l'élection présidentielle de 2002, prévoyait l'ouverture du marché de l'énergie aux entreprises, non pas aux ménages.
M. Michel Teston. Tout à fait !
M. Jean-Marc Pastor. Surtout, deux conditions étaient posées : d'une part, la réalisation d'une étude d'impact sur le marché ; d'autre part, l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique généraux. Faute de quoi, l'ouverture ne pouvait avoir lieu.
Or, dès novembre 2002, soit quelques semaines plus tard, vous avez accepté l'ouverture pour tous les ménages, sans directive-cadre, sans véritable préparation.
Oui, le citoyen français doit être impliqué dans ces choix stratégiques afin qu'on n'abuse plus de lui.
GDF n'appartient pas qu'aux seuls actionnaires. Le considérer, ce serait remettre en cause le principe même du service public. Ce concept vieux de soixante ans serait ainsi balayé.
J'ai du mal à concevoir qu'une poignée d'individus puissent ainsi démanteler ce patrimoine national, propriété de tous, qui a fait l'honneur de la France. Oui, cet ensemble est bien la propriété intellectuelle de tous les Français.
Alors, ayons le courage de leur poser la question. L'énergie, c'est la vie. La vie est un bien individuel. L'énergie doit rester un bien collectif, pour l'intérêt de chacun. Il revient maintenant aux Français de se prononcer sur ce bien indivis, propriété de tous. En paraphrasant notre illustre prédécesseur, Victor Hugo, je dirai que la France gouvernée par le privé seulement serait l'océan gouverné par un ouragan.
Voilà pourquoi nous demandons que le Sénat rejette les conclusions négatives de la commission et adopte cette motion afin de permettre au peuple de se prononcer sur cet ouragan ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit, ou presque.
Injustement, vous nous reprochez de refuser le débat, alors même que nous voulons le porter dans l'ensemble du pays.
Arguments et arguties, dites-vous. Quel mépris à l'égard du Sénat, des sénatrices et des sénateurs ! Être élu, monsieur le ministre, c'est respecter le peuple.
Considérations d'un autre âge, dites-vous encore. Ce qui est d'un autre âge, monsieur le ministre, c'est la mondialisation, qui oppose les peuples, ce sont les règles européennes de la concurrence, qui fabriquent des nains économiques, telle la règle des deux tiers, face à une mondialisation qui laisse se former à côté de nous des géants économiques mondiaux. Ce qui est d'un autre âge, ce sont les directives, qui livrent l'ensemble des grands services publics aux appétits financiers des actionnaires et des fonds de pension.
Monsieur le ministre, l'énergie française a une longue histoire, depuis la lampe à huile en passant par les réverbères à gaz, qui devaient faire de Paris la Ville lumière. En 1946, dans un pays ruiné et exsangue, des hommes ont su jeter pour des décennies les bases d'une société plus juste, plus égalitaire.
La mondialisation n'est pas la fin de l'histoire. L'Europe ultralibérale ne l'est pas davantage. L'histoire s'écrit ici, aujourd'hui. Le Sénat vous donne l'occasion unique de sortir par le haut de ce mauvais pas dans lequel vous vous enferrez.
Vous persistez dans cette voie, vous disant qu'il en restera toujours quelque chose. Vous avez tort, du moins je l'espère. Donner la parole au peuple de France sur un sujet somme toute beaucoup plus simple que ne l'était celui de la Constitution européenne me semble aujourd'hui être un impératif démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, personnellement, je suis assez dubitatif sur cette affaire. Je comprends parfaitement les raisons qui justifient le dépôt de cette motion, mais je ne suis pas totalement convaincu qu'un référendum soit la meilleure réponse. Après tout, il incombe au Parlement de prendre ces décisions.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. François Fortassin. Cependant, au-delà des différentes sensibilités politiques, j'estime que le Parlement serait bien inspiré de refuser ces privatisations.
Monsieur le ministre, je ne mets en doute ni votre volonté ni vos convictions lorsque vous affirmez que c'est aller de l'avant que de s'engager dans la voie de la privatisation. (Mme Michelle Demessine s'exclame.) Mais, en la matière, vous me paraissez un prince de l'utopie : l'exemple très récent de la privatisation des autoroutes en est l'illustration.
Jusqu'à il y a peu encore, ces autoroutes étaient particulièrement bien entretenues, et les bas-côtés, régulièrement fauchés. Aujourd'hui, sur toutes les autoroutes de France, on voit des herbes folles pousser au milieu des voies. Il en va de même pour les plantations, hier superbes. Il n'est que de citer les dix millions d'arbres plantés au bord des autoroutes du sud de la France : ils sont devenus, hormis les abords des échangeurs, de véritables ronciers ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Au-delà de l'aspect esthétique - les visiteurs n'auront sans doute pas une très bonne image de notre pays -, il faut évoquer la sécurité : cette végétation sauvage, qui ôte une grande partie de la visibilité, présente un danger pour les automobilistes.
Messieurs les ministres, je me demande quelle sera demain la portée du contrôle et des sanctions des commissions que vous mettez en place. Vous savez très bien que, dans un capitalisme sauvage, débridé, ces mesures resteront lettre morte.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'état des réseaux dans dix ans. Certes, le problème ne se posera pas lorsque les canalisations auront une certaine taille. Mais l'approvisionnement des quelques villages de 200 ou 300 habitants au coeur des Pyrénées ou du Massif central risque, lui, de poser problème. Ces réseaux seront complètement abandonnés et vous savez très bien que, à ce moment-là, la puissance publique ne pourra rien contre les puissances de l'argent ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je rappelle que, en application de l'article 68 du règlement, l'adoption par le Sénat d'une motion concluant au référendum suspend, si elle est commencée, la discussion du projet de loi.
Je mets aux voix les conclusions négatives de la commission des affaires économiques.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 5 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 124 |
Les conclusions négatives de la commission des affaires économiques sont adoptées.
En conséquence, la motion de renvoi au référendum est rejetée et le Sénat va poursuivre la discussion du projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
8
Candidature à une mission commune d'information
M. le président. J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la mission commune d'information sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'attachent, dans ce domaine, à l'attractivité du territoire national, en remplacement de Pierre-Yvon Trémel, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
Mes chers collègues, pour permettre à ceux - ils sont nombreux - qui doivent être présents à la conférence des présidents d'y assister, nous allons interrompre nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Jeudi 12 octobre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (n° 3, 2006-2007) ;
Mardi 17 octobre 2006 :
À 10 heures :
Ordre du jour réservé :
1° Conclusions de la commission des finances (n° 12, 2006-2007) sur la proposition de loi portant diverses dispositions intéressant la Banque de France, présentée par M. Jean Arthuis (n° 347, 2005-2006) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 octobre 2006, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 16 octobre 2006) ;
À 16 heures 15 et, éventuellement, le soir :
2° Éloge funèbre de Raymond Courrière ;
Ordre du jour réservé
3° Conclusions de la commission des lois (n° 11, 2006-2007) sur la proposition de loi instituant la fiducie, présentée de M. Philippe Marini (n° 178, 2004-2005) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 octobre 2006, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 16 octobre 2006 ;
4° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants, présentée par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 483, 2005-2006) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 octobre 2006, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 16 octobre 2006).
Mercredi 18 octobre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Jeudi 19 octobre 2006 :
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie ;
À 15 heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Vendredi 20 octobre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Lundi 23 octobre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Mardi 24 octobre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 10 heures, 16 heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Mercredi 25 octobre 2006 :
À 10 heures :
1° Dix-huit questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1087 de M. Gérard Delfau à M. le ministre des affaires étrangères ;
(Dialogue interreligieux organisé au niveau européen) ;
- n° 1094 de Mme Catherine Procaccia à M. le ministre de la santé et des solidarités ;
(Mise en oeuvre des messages sanitaires) ;
- n° 1096 de M. Gérard Roujas à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;
(Dégradation du service public des transports ferroviaires) ;
- n° 1097 de M. Jean-Pierre Michel à M. le garde des sceaux, ministre de la justice ;
(Avenir des associations socio-judiciaires) ;
- n° 1101 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga à M. le ministre des affaires étrangères ;
(Services fournis aux Français de l'étranger par les consulats de France) ;
- n° 1102 de M. Yves Détraigne à M. le ministre de la fonction publique ;
(Amplitude de la journée de travail des conducteurs spécialisés second niveau) ;
- n° 1106 de M. Yves Pozzo di Borgo à Mme la ministre de la défense ;
(Projet d'aménagement de l'École Militaire à Paris) ;
- n° 1109 de M. Daniel Reiner à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire ;
(Contrats de projets 2007-2013 : enveloppe dévolue à la région Lorraine) ;
- n° 1110 de M. Christian Cambon à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;
(Aide financière à l'insonorisation des logements compris dans le plan de gêne sonore de Paris-Orly) ;
- n° 1113 de M. Christian Cointat à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
(Convention fiscale franco-ivoirienne : domicile fiscal) ;
- n° 1114 de M. Jean-Marc Todeschini à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;
(Projet d'autoroute A 32) ;
- n° 1117 de M. Alain Fouché à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;
(Législation sur la publicité, les enseignes et pré-enseignes) ;
- n° 1118 de M. Charles Gautier à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes ;
(Conditions de versement de l'allocation CIVIS) ;
- n° 1119 de M. François Gerbaud à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable ;
(Fonds de promotion des énergies renouvelables financé par la taxe professionnelle générée par l'installation des éoliennes) ;
- n° 1121 de M. Claude Domeizel à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
(Apprentissage de la lecture et la méthode globale) ;
- n° 1122 de M. Gérard Bailly à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire ;
(Situation des contrats de projets État-région) ;
- n° 1129 de M. Louis Le Pensec à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes ;
(Crise de l'emploi et projet de restructuration des papeteries Schweitzer-Mauduit) ;
- n° 1143 de M. Francis Grignon à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;
(Application de la législation relative aux chambres mortuaires) ;
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
2° Suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 26 octobre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite de l'ordre du jour de la veille.
Vendredi 27 octobre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite de l'ordre du jour de la veille.
Lundi 30 octobre 2006
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures et le soir :
1° Projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer (n° 359, 2005-2006) ;
2° Projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer (n° 360, 2005-2006) ;
(La conférence des présidents :
- a fixé au lundi 23 octobre 2006, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes ;
- a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune ;
- a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 27 octobre 2006).
Mardi 31 octobre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 10 heures et à 16 heures :
- Suite des projets de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.
Jeudi 2 novembre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 10 heures, à 15 heures et le soir :
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié (n° 15, 2006-2007) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 31 octobre 2006, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 31 octobre 2006).
Éventuellement, vendredi 3 novembre 2006 :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.
Lundi 6 novembre 2006 :
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les prélèvements obligatoires ;
(À la suite du Gouvernement, interviendront successivement :
- le rapporteur général de la commission des finances (15 minutes) ;
- le rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale (15 minutes) ;
- le président de la commission des finances (15 minutes) ;
- le président de la commission des affaires sociales (15 minutes) ;
- les orateurs des groupes ;
La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 3 novembre 2006) ;
2° Sous réserve de son dépôt sur le Bureau du Sénat, projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2006-1048 du 25 août 2006 relative aux sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 novembre 2006, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 3 novembre 2006).
Mardi 7 novembre 2006 :
Ordre du jour réservé
À 9 heures 30, à 16 heures et le soir :
1° Débat sur les travaux de la mission d'information commune sur les politiques conduites envers les quartiers en difficulté ;
(La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 6 novembre 2006) ;
2° Question orale avec débat de M. Jean-Pierre Bel sur les résultats de la politique de sécurité depuis 2002 ;
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 6 novembre 2006) ;
3° Question orale avec débat n° 21 de M. Gérard César sur l'application de la loi d'orientation agricole ;
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 6 novembre 2006) ;
4° Débat de contrôle budgétaire sur l'équarrissage ;
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d'intervention de dix minutes à M. Joël Bourdin et à Mme Nicole Bricq, rapporteurs ;
- fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 6 novembre 2006) ;
5° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi visant à faciliter le transfert des ports maritimes aux groupements de collectivités, présentée par M. Jean-François Le Grand et plusieurs de ses collègues (n° 482, 2005-2006) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 novembre 2006, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 11 heures, le lundi 6 novembre 2006).
Mercredi 8 novembre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.
Jeudi 9 novembre 2006 :
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié ;
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 13 novembre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 13 novembre à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 10 novembre 2006).
Mardi 14 novembre 2006 :
À 10 heures :
1° Questions orales ;
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Mercredi 15 novembre 2006 :
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Jeudi 16 novembre 2006 :
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;
À 15 heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Éventuellement, vendredi 17 novembre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Lundi 20 novembre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
- Projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (n° 467, 2005-2006) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au vendredi 17 novembre 2006, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 17 novembre 2006).
Mardi 21 novembre 2006 :
À 10 heures :
1° Questions orales ;
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
Mercredi 22 novembre 2006 :
Ordre du jour prioritaire
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
J'informe le Sénat que, sous réserve de sa transmission, le projet de loi de finances pour 2007 (AN, n° 3341) sera examiné du jeudi 23 novembre au mardi 12 décembre 2006.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, a communiqué à la conférence des présidents le programme prévisionnel de l'ordre du jour prioritaire du Sénat jusqu'au mois de février 2007.
Le président du Sénat adressera personnellement ce programme prévisionnel à chaque sénateur.
10
NOMINATION D'un MEMBRE à une mission commune d'information
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la mission commune d'information sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'attachent, dans ce domaine, à l'attractivité du territoire national.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Daniel Raoul membre de la mission commune d'information sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'attachent, dans ce domaine, à l'attractivité du territoire national, en remplacement de Pierre-Yvon Trémel, décédé.
11
Secteur de l'énergie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (nos 3 [2005-2006], 6, 7).
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par MM. Ries, Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 79, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (n° 3, 2006-2007).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Roland Ries, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le projet de loi relatif au secteur de l'énergie, qui est aujourd'hui soumis à la Haute Assemblée, mettra un terme, s'il est adopté, à l'une des plus belles réussites sociales et économiques au service de nos concitoyens depuis maintenant près de soixante ans.
La première étape de la fusion Suez-Gaz de France, annoncée par le Premier ministre le 25 février 2006, passe en effet par la privatisation de l'un des fleurons de notre industrie, Gaz de France, puisque la part détenue par l'État devrait passer d'environ 80 % à environ 34 %.
Au-delà des questions politiques que pose cette opération sur le rôle de la puissance publique dans un secteur aussi sensible que celui de l'énergie - en ces temps de crise énergétique mondiale -, mais aussi sur la construction politique de l'Europe de l'énergie, la privatisation de Gaz de France est en contradiction avec les principes fondamentaux de la Constitution française, ainsi qu'avec le droit public national qu'il m'appartient, au nom du groupe socialiste, de rappeler ici.
Première question : Gaz de France peut-elle perdre son statut de service public national afin d'être privatisée ? Au regard des législations antérieures, mais aussi et surtout, au regard du préambule de la Constitution de 1946, la réponse est très clairement : non.
La loi du 8 avril 1946 a, en effet, clairement établi la qualité de service public national conférée au secteur énergétique du gaz et de l'électricité en France, donc aux deux établissements publics à caractère industriel ou commercial EDF et GDF.
On le sait, GDF n'est pas un service public comme les autres : c'est un service public national. Il l'a été, il le reste aujourd'hui mais, bien entendu, avec votre projet de loi, il ne le sera plus demain.
Les lois du 10 février 2000, du 3 janvier 2003 et du 9 août 2004 ont pourtant confirmé ce statut de service public national de l'entreprise publique Gaz de France.
Je rappelle que deux des lois précitées sont le fait de votre majorité, monsieur le ministre délégué, et que, l'année dernière encore, la loi de programme du 13 juillet 2005, fixant les orientations de la politique énergétique, l'a réaffirmé dans son article 1er, dont je rappelle les termes : « La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. »
M. Roland Courteau. C'est clair !
M. Roland Ries. « Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique ».
M. Roland Courteau. C'est on ne peut plus clair !
M. Roland Ries. La congruence de ces dispositions législatives s'explique, me semble-t-il, par le principe constitutionnel inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, tout particulièrement dans son neuvième alinéa, très souvent cité, mais dont je rappelle également les termes : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
M. Guy Fischer. C'est plus que jamais d'actualité !
M. Roland Ries. Si la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, dite loi SPEGEEG, a permis la transformation de l'EPIC GDF en société anonyme et ouvert la voie à l'ouverture de son capital, elle n'a nullement remis en cause le statut de service public national de Gaz de France, étant donné qu'elle a confirmé le contrôle de la puissance publique française, via une participation de l'État majoritaire à hauteur de 70 % au minimum.
Le ministre de l'économie et des finances de l'époque l'avait d'ailleurs très clairement rappelé ici même, au Sénat, à l'occasion du débat sur le texte, ainsi que cela a été dit à plusieurs reprises au cours de notre discussion.
Par ailleurs, dans sa décision du 5 août 2004, le Conseil constitutionnel a validé cette disposition en précisant que le législateur avait pu légalement transférer à la société Gaz de France SA les missions de service public national du gaz antérieurement dévolues à l'EPIC Gaz de France, confirmant ainsi la qualité de service public national de Gaz de France.
La privatisation de Gaz de France SA, par le biais de la fusion avec Suez, conduirait de facto au déclassement de son statut de service public national. Elle apparaît donc en évidente contradiction avec les principes fondamentaux de la Constitution de la Ve République que je citais précédemment.
J'imagine, monsieur le ministre délégué, que vous ne manquerez pas de rappeler l'avis que le Conseil d'État a rendu le 11 mai 2006, ne répondant ainsi qu'aux deux questions qui lui étaient posées, d'une part, sur le point de savoir si GDF constitue un monopole de fait, d'autre part, sur l'application du statut de service public national à Gaz de France.
Cependant, les questions que votre gouvernement a soumises au Conseil d'État n'ont pas porté, me semble-t-il, sur des éléments essentiels, à savoir la compatibilité entre la privatisation de Gaz de France et le monopole de fait dans la distribution dont le groupe dispose en qualité de concessionnaire obligé sur son territoire de desserte ; la compatibilité entre la privatisation de Gaz de France et le maintien de sa propriété sur le réseau de transport gazier ; enfin, la possibilité de déclasser Gaz de France de son rang de service public national, et ce avant le 1er juillet 2007.
Il apparaît que ce projet de loi présente un autre risque d'inconstitutionnalité, toujours en référence au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, s'agissant cette fois de la propriété des réseaux de distribution.
En France, comme vous le savez, les réseaux de distribution publique de gaz, comme d'ailleurs ceux d'eau et d'électricité, sont la propriété de la puissance publique, des collectivités locales en l'occurrence, car ces actifs constituent des monopoles naturels et de fait : on imagine mal deux réseaux de distribution de gaz concurrents dans une même rue ! C'est donc par le biais d'un contrat de délégation de service public que les collectivités locales concédantes confient à Gaz de France la gestion du service public de distribution du gaz sur leur territoire, laquelle consiste à assurer des missions de service public liées à l'exploitation d'actifs de réseaux propriété publique.
Je suis désolé, mes chers collègues, d'être aussi technique, mais l'analyse juridique de ce projet de loi l'exige.
M. Robert Bret. Cela nous change du discours de la droite !
M. Roland Ries. La loi du 8 avril 1946 a confié le monopole légal de la distribution publique de gaz à Gaz de France, service public national, sur l'ensemble du territoire national, hors territoire de desserte des distributeurs non nationalisés, les fameux DNN, sur lesquels j'imagine que nous aurons l'occasion de revenir au cours de notre discussion.
La loi du 3 janvier 2003 a certes fait évoluer ce monopole national, mais seules les communes non inscrites au plan de desserte et non desservies en gaz en 2003 ont aujourd'hui le choix de leur opérateur de distribution. Ainsi, les communes desservies par Gaz de France n'ont jamais eu et n'ont toujours pas d'autre choix que de signer leur contrat de concession avec Gaz de France. N'ayant jamais été mise en concurrence sur ces concessions de distribution publique de gaz, Gaz de France est bien titulaire d'un monopole de fait sur son territoire de desserte, lequel ne couvre pas moins de 93 % du territoire national hors DNN.
Toujours en vertu du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui interdit expressément tout monopole de fait à une entreprise privée, la privatisation de Gaz de France est donc une seconde fois contraire à la Constitution. Seuls le maintien de Gaz de France dans le secteur public ou au moins une participation majoritaire de la puissance publique dans la filiale de distribution de Gaz de France sont donc de nature à préserver le service public de distribution du gaz.
Enfin, Gaz de France privatisée peut-elle garder la propriété des actifs de transport ? Sur ce point, rappelons que le législateur a posé le principe de l'inaliénabilité des actifs indispensables à l'accomplissement du service public, principe d'ailleurs considérablement renforcé en 1997 par un arrêt du Conseil d'État dans lequel celui-ci a indiqué que tous les biens indispensables à l'accomplissement du service public reviennent gratuitement à la puissance publique, qu'il s'agisse des collectivités territoriales ou de l'État. Ce qui est vrai pour un « simple » service public - une piscine, un musée - l'est plus encore pour un service public national.
En d'autres termes, les actifs de service public, dont l'exploitation relève de missions de service public, ne peuvent pas être détenus par une entreprise privée, sous peine de spoliation de la puissance publique et d'impossibilité de garantir la continuité de ce service public.
Or la privatisation de Gaz de France conduirait à celle d'actifs de services et de biens inaliénables, si d'aventure Gaz de France privatisée gardait la propriété du réseau de transport gazier. Certes, la loi de finances pour 2001 avait attribué à Gaz de France la propriété de ce réseau ; mais personne n'a oublié que, à l'époque, le statut de Gaz de France était celui d'un établissement public à caractère industriel et commercial : rien ne s'y opposait donc en l'état. La chose serait tout à fait différente une fois Gaz de France privatisée.
Dès lors, monsieur le ministre délégué, comme pour la distribution, seuls le maintien de Gaz de France dans le secteur public ou le caractère majoritairement public de la filiale de Gaz de France gestionnaire du réseau de transport gazier sont de nature à défendre le maintien d'une propriété du gestionnaire du réseau gazier sur le réseau de transport et, ainsi, à respecter le caractère public du réseau de transport de Gaz de France.
Peut-on croire, en effet, que la continuité du service public du gaz sera assurée si les réseaux de distribution restent propriété publique et que les réseaux de transport, situés en amont de ces réseaux de distribution, deviennent éventuellement propriété privée ? Dans un pays dépourvu de ressources gazières, le réseau de transport gazier de même que les stockages souterrains se placent, on le comprend bien, au coeur du service public du gaz, et leur privatisation serait extrêmement dangereuse.
En clair, monsieur le ministre délégué, le projet de fusion Suez-GDF, qui aboutit à privatiser Gaz de France, ne peut être conduit comme un projet de fusion entre deux entreprises relevant toutes deux du secteur privé, puisque Gaz de France est depuis 1946 un service public national constamment réaffirmé par toutes les lois et dont l'appartenance au secteur public, par les monopoles de fait que je viens d'évoquer, est clairement énoncée dans le préambule de la Constitution de 1946.
Il est donc impératif, si nous voulons rester dans le cadre constitutionnel qui régit notre vie publique, que Gaz de France soit maintenue dans le secteur public, ce qui signifie que la puissance publique doit en rester l'actionnaire majoritaire.
En conséquence, monsieur le ministre délégué, et pour les raisons que je viens d'énoncer, mes amis du groupe socialiste et moi-même considérons que votre projet de loi est contraire aux principes de la Constitution.
Je réclame donc, au nom de mon groupe, que soit reconnue l'irrecevabilité de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Robert Bret. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Les auteurs de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, défendue à l'instant par notre collègue Roland Ries, considèrent que les activités de Gaz de France visées dans le présent projet de loi constituent un monopole de fait et un service public national au sens de la Constitution.
M. Jean-Marc Pastor. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ils en déduisent que la privatisation de Gaz de France serait contraire à la Constitution.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Daniel Raoul. Vous avez tout compris !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, j'ai bien compris l'analyse constitutionnelle que vient de nous livrer Roland Ries de la privatisation de Gaz de France. Vous vous doutez bien que, de mon côté, j'ai également travaillé sur cette question.
À mon sens, Gaz de France peut être privatisée sans que cela contrevienne à la Constitution. En effet, avec l'ouverture du marché, les activités de l'entreprise ne correspondent plus ni aux critères du monopole de fait ni à ceux du service public national au sens du préambule de la Constitution de 1946.
S'agissant du monopole de fait, il y a bien longtemps que Gaz de France est en concurrence avec un autre grand gazier national pour les activités de transport et de stockage. Quant à la distribution, à laquelle vous avez longuement fait allusion, monsieur Ries, et à la fourniture de gaz, Gaz de France ne dispose pas non plus d'un monopole de fait puisque d'autres opérateurs ont des activités similaires, qu'il s'agisse des distributeurs non nationalisés, les DNN, ou des nouveaux opérateurs dans le secteur gazier.
M. Bernard Piras. C'est marginal !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. S'agissant du service public national, le fait que Gaz de France soit tenue de fournir du gaz à un prix réglementé n'est pas suffisant pour le qualifier de service public national.
M. Bernard Piras. Ça se discute !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ça se discute, c'est exact, mais il n'en reste pas moins que d'autres opérateurs, parmi lesquels certaines entreprises locales, sont également soumis à cette obligation, et tous les Français, je le rappelle, auront la liberté de changer de fournisseur dès le 1er juillet 2007.
Par ailleurs, je rappelle qu'il n'existe pas, comme pour l'électricité, de droit au gaz naturel pour tous, puisque tout le territoire français n'est pas desservi. C'est au demeurant logique : une desserte généralisée du pays n'aurait pas de rationalité économique. Qui plus est, les nouveaux développements du réseau sont désormais réalisés par la voie de délégations de service public effectuées par appel d'offres, ce qui démontre bien, là encore, qu'il n'y a plus de monopole.
Enfin, et surtout, la péréquation des coûts de distribution du gaz à l'intérieur des zones de desserte n'est pas l'exclusivité de Gaz de France, comme le précise l'article 8 du projet de loi. Au demeurant, ainsi que l'a rappelé le Conseil d'État dans son avis, la distribution de gaz naturel est un service public local, et non national.
Si le Conseil constitutionnel était saisi du texte de loi qui sera voté, ce qui est vraisemblable, il devrait, je le crois, dissiper ces interrogations et confirmer les évolutions juridiques qui découlent du changement de contexte économique.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Mesdames, messieurs les sénateurs, M. le rapporteur vient de faire une démonstration tout à fait claire et pertinente en exposant les raisons pour lesquelles cette motion ne saurait emporter votre adhésion. Je vais cependant compléter son propos par la lecture du dernier paragraphe de l'avis du Conseil d'État que Roland Ries a cité lui-même en introduction à son exposé, car il est particulièrement éclairant :
« Dès lors, si le Gouvernement entend mettre fin au caractère majoritaire de la participation de l'État dans le capital de Gaz de France, il lui appartient de tirer les conséquences de la situation qui vient d'être décrite en saisissant le Parlement d'un projet de loi ayant pour objet, d'une part, de transposer la directive du 26 juin 2003 afin, comme elle le prévoit, d'ouvrir à la concurrence l'activité de fourniture de gaz aux clients non éligibles au plus tard le 1er juillet 2007 » - c'est l'objet de la première partie du projet de loi - « et, d'autre part, de préciser les obligations de service public s'imposant à tous les opérateurs gaziers au titre de la péréquation des coûts de distribution. Ces dispositions devraient être examinées par le Parlement en même temps qu'un éventuel projet de loi supprimant l'obligation pour l'État de détenir une participation majoritaire dans le capital de Gaz de France. »
On ne saurait être plus clair !
Si l'on réduisait le projet de loi à son seul article 10, on serait effectivement bien en peine pour justifier sa constitutionnalité. C'est parce que nous avons choisi de suivre la méthode que le Conseil d'État nous a clairement indiquée et que nous vous proposons de transposer dans le même temps la directive que nous pouvons, en effet, répondre à toutes ces questions et présenter un texte conforme à la Constitution. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre délégué, en préambule, je dirai que, depuis hier, nous sommes réunis pour débattre d'un texte qui se révèle être un élément du choix de société de la droite ultralibérale. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Je note avec regret que cette droite, représentée dans notre hémicycle, n'a pas le courage d'assumer ses choix. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Robert Bret. Ils sont au cinéma !
M. Paul Blanc. Nous sommes là !
Mme Éliane Assassi. J'ai parlé de « droite ultralibérale » et vous réagissez comme si vous vous sentiez concernés. Dans ce cas, cela clarifierait un peu les choses. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
À l'instar d'autres textes tout aussi fondamentaux pour l'avenir des habitants de notre pays, on sent bien que l'avenir de nos concitoyens n'intéresse pas nos collègues UMP et que le débat démocratique est, encore une fois, bradé sur l'autel de leur alignement partisan. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Rémy Pointereau. Et qu'a fait Jospin ?
Mme Éliane Assassi. Comme les propos de M. le ministre et de M. le rapporteur ne m'ont pas convaincue, je souhaite, en soutien à cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, revenir sur la notion de service public national.
Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, une chose doit être clairement établie ce soir. Malgré vos contorsions, GDF est bien un service public national et donc, à ce titre, protégée par la Constitution, dont je le rappelle une nouvelle fois, le préambule de la Constitution de 1946 fait partie.
Le neuvième alinéa du Préambule s'applique donc à l'opérateur public : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou -j'insiste sur le « ou » - d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
Ce texte est fondamental. Il est l'un des socles constitutionnels de notre modèle social. C'est pour cela que vous tentez de faire tomber ces dispositions en désuétude.
Mais, monsieur le ministre délégué, messieurs les sénateurs UMP, il faudrait une révision constitutionnelle pour le faire en toute légalité. Or vous n'avez pas procédé à cette révision et vous ne le ferez pas, car vous connaissez l'attachement de notre peuple aux biens de la nation.
Vous agissez donc dans l'illégalité et dans l'inconstitutionnalité, vous êtes hors la Constitution, pour ne pas dire hors la loi ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Argumentez, nous en débattrons.
M. Paul Blanc. Le rapporteur vient de le faire !
M. Robert Bret. Ils n'ont pas d'arguments !
Mme Éliane Assassi. Si vous étiez un peu plus nombreux dans l'hémicycle, nous pourrions peut-être avoir ce débat démocratique dont je parlais tout à l'heure. (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Ils nous coupent la parole !
M. Robert Bret. Ils veulent faire durer les débats !
M. le président. Mes chers collègues, pour la bonne tenue des débats, je vous demande de faire preuve de sagesse !
Veuillez poursuivre, madame Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je continue donc, monsieur le président.
J'insistais il y a un instant sur le « ou ». En effet, vous confondez souvent, et volontairement, la notion de service public national et celle de monopole de fait pour réfuter notre argumentation.
M. Gélard, notamment, nous a déjà répondu par le passé que telle entreprise n'est pas un service public national car elle n'est plus un monopole de fait, en raison de l'ouverture à la concurrence déjà appliquée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat vous a lu cet après-midi sur ce sujet une citation très intéressante d'un professeur de droit, M. Gérard Quiot.
Comme cela n'a pas suscité de réaction de la part du Gouvernement et de la commission, je me permets de vous en rappeler le contenu.
M. Paul Blanc. Bis repetita non placent !
M. Robert Bret. La répétition est une bonne méthode pédagogique !
Mme Éliane Assassi. Comme certains sont affectés de surdité dans cet hémicycle, je reprendrai les propos de Mme Borvo Cohen-Seat. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
« Il est certain que le préambule de la Constitution de 1946, qui est toujours partie intégrante de notre Constitution, ne permet pas de privatiser une activité que les autorités publiques considèrent comme étant d'intérêt général, ce qui est le cas de gaz de France. En droit, un service public national est une activité soumise à des obligations visant à garantir l'égalité des citoyens devant le service rendu, sa continuité et la capacité de l'opérateur à fournir la meilleure prestation en toutes circonstances. Dans le cas précis du gaz, la péréquation tarifaire, comme le maintien de l'obligation fait à GDF de fournir du gaz aux Français à un prix fixé par les autorités publiques, qualifie bel et bien l'entreprise comme étant un service public national. »
Il faut, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, répondre précisément à cette argumentation, qui m'apparaît difficilement contestable.
Privatiser un service public national est un acte grave sur le plan démocratique.
Sans employer le mot « forfaiture », livrer aux marchés financiers le bien public, combattre l'intérêt général, s'apparente à une spoliation de la nation.
Cet acte est grave : si vous poursuivez dans cette folie libérale, vous aurez un jour à en rendre compte devant notre peuple, devant l'Histoire.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront sans hésiter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je vais essayer de respecter le temps de parole de cinq minutes qui est prévu pour les explications de vote, mais, la répétition étant la base de la pédagogie, au cas où certains n'auraient pas compris, je vais expliquer de nouveau la situation. (Sourires.)
Aux termes du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
L'article 34 de la Constitution confère au législateur la compétence pour fixer « les règles concernant (...) les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé ».
La compétence du législateur est donc encadrée.
Quelle est donc la portée exacte du Préambule de 1946, qui rend obligatoire l'appropriation ou la propriété publique d'un « service public national » ?
Dans l'esprit du constituant de 1946, il y a obligation pour le législateur de décider la nationalisation des entreprises exerçant une activité dont il considère qu'elle a les caractères d'un service public national. Il a, parallèlement, le devoir de ne pas décider la privatisation d'une entreprise publique chargée d'une activité de service public.
Pour le grand constitutionnaliste Louis Favoreu, qui s'exprimait en 1997 sur la privatisation de France Télécom, les services publics nationaux non constitutionnels peuvent être gérés par des personnes morales de droit privé, à la condition que l'État reste majoritaire dans le capital, ce qui explique d'ailleurs une certaine position d'un ministre d'État sur un autre dossier.
Le Conseil constitutionnel avait ainsi précisé, dans sa décision n° 96-380 du 23 juillet 1996, que la privatisation de France Télécom ne serait à l'avenir possible qu'à la double condition cumulative que l'entreprise n'exerce pas alors un monopole de fait et que le législateur ait fait en sorte que l'entreprise « ne puisse plus être qualifiée au regard de cette prescription de service public national ». Et c'est parce que France Télécom n'exerçait plus un monopole de fait, en raison de la libéralisation complète des échanges dans le domaine des télécommunications, que sa qualité de service public a pu tomber.
Pour Gaz de France, rien de tel aujourd'hui. Ni les auteurs du projet de loi que nous examinons ni ceux de la précédente loi relative au service public de l'électricité et du gaz, de 2004, dont le titre est évocateur, ne considèrent que Gaz de France n'est plus un service public national.
Dans sa décision du 5 août 2004, le Conseil constitutionnel a même relevé que le législateur avait confirmé leur qualité de services publics nationaux avec l'article 1er de la loi du 9 août 2004, en faisant état des objectifs et des modalités de mise en oeuvre « des missions de service public qui sont assignées à Electricité de France et à Gaz de France ».
Dans le même registre de la réaffirmation du caractère de service public national, on retrouve l'article 1er de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique du 14 juillet 2005 - c'était hier - qui dispose que « La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique ».
Avec ces deux lois, votées il y a moins de deux ans par l'actuelle majorité, ont été réaffirmées les notions de « missions de service public », en 2004, et « d'entreprises publiques nationales », en 2005.
Or aucune de ces dispositions n'est remise en cause ou abrogée par l'actuel projet de loi.
Qu'a dit en effet le Conseil constitutionnel en 2004, lorsqu'il a été saisi de la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ?
Il a jugé que la loi de 2004 était conforme à la Constitution parce que le législateur avait, à l'époque, « garanti, conformément au neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la participation majoritaire de l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public dans le capital de ces sociétés ».
Autrement dit, en transférant aux sociétés nouvellement créées les missions de service public antérieurement dévolues aux personnes morales de droit public Électricité de France et Gaz de France dans les conditions prévues par les lois de 1946, de 2000 et de 2003, le législateur a confirmé leur qualité de services publics nationaux.
Il devait donc, conformément au neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, conserver ces sociétés dans le secteur public. C'est ce qu'il a fait en imposant que leur capital soit détenu majoritairement par l'État.
L'appartenance d'une société au secteur public résulte en effet de ce que la majorité de son capital et des droits de vote appartiennent à l'État, à d'autres collectivités publiques ou à d'autres sociétés du secteur public.
Or l'article 24 de la loi déférée dispose expressément que l'État détient plus de 70 % du capital social de EDF et de GDF.
Nous considérons qu'une loi ultérieure ne peut décider de revenir sur cette participation majoritaire, pour les raisons que je viens d'évoquer. C'est cependant précisément ce qui est fait dans ce projet de loi. Mais nous sommes dans un domaine où la loi ne peut défaire ce qu'elle a fait, car la Constitution l'interdit au législateur.
M. le président. Monsieur Raoul, je vous prie de conclure.
M. Daniel Raoul. Pour au moins trois motifs, nous considérons qu'il y a méconnaissance de la Constitution.
Premièrement, nous considérons que le Gouvernement aurait dû faire disparaître le caractère de service public national de Gaz de France avant de la privatiser.
Deuxièmement, nous considérons également que l'énergie est un élément de l'indépendance nationale dont le chef de l'État doit être le garant aux termes de l'article 5 de la Constitution. Or cette privatisation remet en cause cette indépendance nationale.
Troisièmement, enfin, nous considérons - nous l'avons déjà évoqué à maintes reprises et je crains que nous n'ayons raison, malgré l'avis de M. le rapporteur - que l'action spécifique que détiendrait le Gouvernement pour protéger ces intérêts nationaux n'est en réalité qu'une digue de papier, comme l'a fort bien dit M. Jean-Pierre Bel cet après-midi.
Pour ces trois raisons, nous considérons que la constitutionnalité du projet de loi est plus que douteuse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 79, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 6 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 124 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 61, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (n° 3, 2006-2007).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Michel Billout, auteur de la motion.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je commencerai cette intervention par quelles observations pouvant paraître formelles, mais qui sont très symptomatiques de la dérive de nos pratiques démocratiques et du manque de respect pour le travail parlementaire dont fait preuve le Gouvernement.
Tout d'abord, ce texte est une nouvelle fois marqué du sceau de l'urgence : urgence, puisqu'il ne sera débattu qu'une seule fois au sein de nos assemblées et urgence, puisqu'il vient en discussion au Sénat une semaine seulement après le vote des députés.
Cette semaine de battement s'est trouvée à l'évidence bien trop courte pour permettre à la commission des affaires économiques de procéder à toutes les auditions nécessaires afin que les sénateurs maîtrisent les enjeux de ce texte.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Michel Billout. Bien que leur nombre ait été limité, le bulletin des commissions n'a pas pu rendre compte de toutes les auditions. Et c'est sans doute un hasard, ou une difficulté technique, qui a fait que l'audition de M. Jean-Christophe Le Digou, secrétaire national de la CGT, ne sera publiée que la semaine prochaine, alors qu'elle a eu lieu avant celle des ministres.
Nous avons pourtant insisté auprès du président de la commission des affaires économiques sur l'importance de procéder à certaines auditions, notamment à celle de Mme Nelly Kroes, commissaire européenne chargée de la concurrence, et celle de M. Nicolas Sarkozy, ancien ministre des finances et de l'industrie qui avait, au nom du gouvernement, lors du vote de la loi de 2004, fait la promesse que EDF et GDF ne seraient pas privatisées.
Il nous a été répondu que chaque groupe était en mesure de procéder aux auditions qu'il souhaitait, que Nicolas Sarkozy n'était plus ministre chargé du dossier et que l'agenda de Mme la commissaire européenne ne lui permettait pas de se présenter devant les parlementaires. Cette réponse nous ferait sourire si elle ne témoignait d'un certain mépris pour les parlementaires de l'opposition.
Pourtant, nous continuons de penser que M. Sarkozy, aujourd'hui chef de parti et présidentiable, doit s'expliquer devant les parlementaires sur les raisons qui l'ont conduit à se renier en oubliant une promesse qui a fondé le vote de la loi de 2004, mais qui était en réalité, nous l'avons dit, un mensonge d'État.
M. Roland Courteau. Vous avez raison !
M. Michel Billout. Ensuite, nous jugeons toujours nécessaire que la commissaire européenne chargée de la concurrence prenne le temps de venir exposer devant la commission des affaires économiques les griefs de la Commission européenne sur le projet de fusion de Gaz de France et de Suez, a fortiori lorsqu'elle s'exprime en faveur d'un passage en force afin d'entériner la libéralisation du secteur.
Sur le fond, préparer en une semaine la discussion d'un texte qui a largement été amendé par l'Assemblée nationale sur des questions aussi fondamentales que l'instauration de tarifs de retour provisoires ou l'étendue des compétences de la Commission de régulation de l'énergie n'est pas raisonnable et ne correspond nullement à la hauteur des enjeux.
Pour ces premières raisons, et dans l'éventualité où la question préalable ne serait pas adoptée, le groupe CRC soutiendra la motion tendant au renvoi en commission, présentée par le groupe socialiste.
En effet, eu égard au traitement qui lui est réservé, on pourrait croire qu'il s'agit d'un texte mineur, alors même que ce qui est en cause, c'est l'avenir énergétique de la nation avec la remise en question des instruments qui avaient fait la démonstration de leur pertinence depuis 1946. Et ce n'est pas la mobilisation des sénateurs ce soir qui m'incitera à penser le contraire !
Ces considérations sont pourtant essentielles au regard des enjeux environnementaux et de l'augmentation constante des besoins en énergie. Elles se posent également dans le contexte particulier de l'épuisement des ressources fossiles, qui laisse craindre une grave crise énergétique.
La question qui nous est posée est alors très simple : l'énergie est-elle une marchandise comme les autres ou est-elle un bien commun de l'humanité ?
M. Robert Bret. La réponse est non !
M. Michel Billout. La réponse de ce gouvernement et de la Commission européenne est sans équivoque : elle tend à considérer cette ressource comme une simple marchandise dans le cadre de la réalisation du Marché unique.
Nous continuons pour notre part de penser que cette politique est irresponsable, car l'asservissement des secteurs de l'électricité et du gaz au libre-échange, donc à la rentabilité à court terme, place de fait les pouvoirs publics en dehors de toute réponse aux enjeux énergétiques que nous venons d'évoquer.
En effet, comment penser que les entreprises privées et la loi du marché peuvent prendre en compte ces impératifs, puisque leur principal objectif est l'augmentation des marges pour les actionnaires ? Le versement de dividendes ne peut se faire, vous le savez bien, qu'au détriment de l'investissement, de la recherche, de l'emploi et, le plus souvent, par l'augmentation des tarifs.
Comment, dans ce cas, confier au privé l'accomplissement des obligations de ce service public si important pour la cohésion nationale ?
Les exemples de libéralisation dans les autres pays européens devraient pourtant nous inciter à la plus grande prudence.
Mais malgré ces considérations, malgré les engagements inscrits dans les directives mêmes et en dépit de nos demandes répétées, aucun bilan n'a jamais été tiré de ces politiques d'ouverture à la concurrence.
Parce que votre projet de loi vise à aller plus loin encore dans la libéralisation, nos collègues de gauche à l'Assemblée nationale ont fait le choix de l'obstruction afin de pouvoir consacrer le temps nécessaires aux débats de fond. Ils ont alors été qualifiés d'antidémocrates : hommage, sans doute, du vice à la vertu !
Car c'est bien ce gouvernement qui utilise toutes les manoeuvres pour contourner l'opinion publique, notamment par l'organisation de sessions extraordinaires et de votes en urgence, comme cela a été le cas depuis 2002 pour la plupart des lois concernant le secteur de l'énergie.
Et qui détourne les règles démocratiques ? Les parlementaires qui usent de toutes les procédures pour que le débat ait lieu ou ce gouvernement qui fait depuis plusieurs années la sourde oreille au message des urnes et de la rue ?
En effet, après la victoire du « non » au référendum sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, votre gouvernement n'a plus la légitimité nécessaire pour mener cette politique de libéralisation des services publics et de privatisation des entreprises publiques.
Le peuple a exprimé majoritairement son refus de la soumission de l'ensemble des activités humaines à la loi du marché. Vous devez maintenant entendre ce message sorti des urnes et arrêter la destruction du modèle social français.
Je rappelle également que, lors d'une consultation qui a été organisée par les syndicats, 94 % du personnel de Gaz de France se sont prononcés contre cette privatisation. Selon un sondage paru dans Les Échos, seuls 12 % de la population seraient favorables à cette opération.
J'ajoute que, tout au long de cette législature, jamais un texte n'a été adopté avec si peu de voix à l'Assemblée nationale. Cette situation n'est pas étrangère à votre refus de voir la population consultée par voie de referendum.
À l'inverse, je le répète, nous estimons qu'un vaste débat citoyen sur l'avenir énergétique de la France devrait être engagé et qu'un référendum devrait être organisé avant que l'on autorise la privatisation de Gaz de France.
La maîtrise énergétique doit rester publique. Non seulement l'État doit être le garant du droit d'accès à l'énergie et du bon accomplissement du service public, mais aussi le peuple doit également pouvoir s'exprimer et définir les orientations de la France en la matière.
L'analyse de la chronologie de l'organisation du débat est intéressante : vous demandez au Parlement de se prononcer sur ce texte, alors même que la décision de Bruxelles sur le projet de fusion de Gaz de France et de Suez n'est attendue que le 17 novembre prochain.
En effet, après l'annonce du projet de fusion, la Commission européenne a lancé une enquête approfondie afin de déterminer si ce rapprochement était compatible avec le droit communautaire relatif aux concentrations. Votre gouvernement soumet donc son projet de loi au vote des parlementaires avant que les conclusions de la Commission européenne ne soient connues !
La privatisation de Gaz de France serait donc décidée en toute hâte et avant même que l'on sache si l'entreprise nationale pourra, ou non, fusionner avec l'entreprise privée Suez.
La présentation du traité de fusion au comité central d'entreprise de Gaz de France, qui était prévue le 17 octobre, a, selon La Tribune, été reportée. En revanche, un conseil d'administration extraordinaire serait convoqué en urgence demain. Cet imbroglio s'expliquerait par les concessions qu'aurait faites le groupe Suez devant le gouvernement belge qui, selon certains analystes, pourraient remettre en question les parités de fusion.
Dès lors, comment ne pas reconnaître que nous allons nous prononcer alors même que les termes du débat évolueront après le vote de la loi ?
Nous considérons également scandaleux que les parlementaires n'aient pas accès à l'intégralité de la lettre de griefs notifiée par la Commission européenne, le 18 août dernier.
Nous n'avons eu connaissance de la réponse de Gaz de France, datée du 1er septembre, que ce matin, en commission des affaires économiques. Ce document de 183 pages, confidentiel, frappé du sceau du secret des affaires, n'est consultable qu'en salle, alors que nous devons travailler dans cet hémicycle.
Nous savons également que les négociations entre Gaz de France, Suez et la Commission européenne sont soumises à une clause de confidentialité : la notion de secret des affaires prévaudrait-elle alors sur celle de service public ? Les intérêts des actionnaires primeraient-ils l'intérêt général ?
Il a également fallu que les syndicats estent en justice pour obtenir qu'un conseil d'administration se tienne et que les représentants des salariés soient informés de la nature des griefs communautaires.
Et nous avons appris par la presse qu'un audit avait été réalisé sur les coûts des fonctions centrales de Gaz de France. En d'autres termes, cet audit est destiné à préparer les restructurations avant même que le vote du Parlement ait eu lieu !
Tous ces procédés, qui reviennent à priver les citoyens et leurs représentants élus d'un droit de regard sur la gestion d'un grand service public, sont inacceptables dans une démocratie.
Mais venons-en au fond, c'est-à-dire au contenu des contreparties que pourrait exiger la Commission européenne en échange de l'autorisation de fusion de Gaz de France et de Suez et à la réponse faite par ces entreprises, selon les informations que nous pouvons trouver, là encore, et faute de mieux, dans les médias.
Selon leur communiqué de presse, Gaz de France et Suez proposent de constituer un « nouveau concurrent ». Cette société se verra transférer le portefeuille actuel de clients industriels en France et en Belgique détenu par Distrigaz, actuellement filiale de Suez, « ainsi que des contrats de vente de gaz conclus par Distrigaz et Gaz de France avec SPE, l'autre électricien belge ».
Pour pouvoir alimenter ses clients, ce « nouveau concurrent » disposera des contrats d'approvisionnement actuellement détenus par Gaz de France ou Suez.
Ces cessions de volumes de gaz excéderaient les 50 terawattheure par an concédés par Gaz de France. Selon nos informations, ce sont bien 21 % des capacités de Gaz de France, comme l'affirment les organisations syndicales, qui seraient ainsi transférés à la concurrence.
Les deux groupes proposent également d'abandonner en partie le contrôle des infrastructures gazières. En Belgique, Gaz de France et Suez veulent découper en trois entités la société propriétaire et exploitante du réseau de transport de gaz Fluxys, détenue à 57 % par Suez. Cette opération vise à séparer la propriété du réseau de son exploitation, Gaz de France-Suez ne restant majoritaire que dans la société propriétaire. En France, dans un premier temps, le nouveau groupe issu de la fusion restera détenteur à 100 % des infrastructures, mais, à terme, il n'en conserverait plus que 50 %.
En effet, l'extension des capacités gazières - les terminaux méthaniers - serait accompagnée d'une « filialisation » de l'activité afin de mettre à disposition des concurrents des capacités de déchargement, dans la perspective de l'ouverture totale du marché en 2007.
Le terminal de Montoir, dont le Gouvernement a annoncé, monsieur le ministre délégué, la filialisation à 100 %, verra sa capacité portée de 8 à 16 milliards de mètres cubes, mais Gaz de France-Suez n'en disposera que pour moitié
Ainsi, les griefs de Bruxelles et les réponses que propose d'y apporter la direction de Gaz de France montrent que la nouvelle entité perdra la maîtrise des infrastructures d'importation, de transport et de distribution de gaz.
Au final, la nouvelle entité issue de la fusion ne représentera que 114 % des capacités gazières actuelles de GDF, et non 135 %, comme cela aurait été le cas si les potentiels des deux groupes avaient été additionnés.
On est donc loin, très loin, du « géant gazier » promis par les partisans de la fusion.
Pourtant, rien n'indique aujourd'hui que la Commission se satisfasse des propositions formulées par les deux groupes, pourtant déjà lourdes de menaces pour la sécurité d'approvisionnement de notre pays.
En effet, dans la lettre de griefs, les tarifs réglementés étaient largement contestés, au motif qu'ils entravaient la concurrence libre et non faussée. Une action devant la Cour de justice des communautés européennes à l'encontre de la France a même été engagée.
Il faut également savoir que le président de la Commission de régulation de l'énergie prône aussi leur suppression, ainsi que la séparation des activités de réseau. Ainsi, il défend clairement l'indépendance patrimoniale des gestionnaires de réseaux de transport !
Il est vrai que les activités de transport de gaz constituent un bastion plutôt lucratif, qui intéressera sans aucun doute des capitaux privés. En effet, la plupart des investissements ont déjà été réalisés.
Faut-il une fois de plus rappeler le triste épisode du rail anglais ou les dangereuses évolutions en cours dans la gestion du trafic aéroportuaire, pour clarifier auprès de nos collègues la lourde responsabilité qu'ils encourent en ouvrant la porte à une gestion partiellement privatisée des infrastructures du gaz, ressource particulièrement stratégique et dangereuse ?
De plus, comment ne pas analyser ce rapprochement comme le prélude à la privatisation d'EDF ? En effet, en organisant une concurrence frontale entre EDF et GDF, ce texte crée les conditions de la privatisation d'EDF, donc de la privatisation, à terme, du nucléaire civil.
Est-ce alors étonnant d'entendre M. Mestrallet affirmer que la compétitivité de ce nouveau groupe ne pourra être atteinte sans le nucléaire ? Ces questions sont pourtant lourdes de conséquences, notamment en termes de sécurité.
À ce titre, je rappellerai que ce que l'on appelle la « rente du nucléaire », qui est aujourd'hui remise en cause, est justement le mécanisme qui a permis l'existence de ces tarifs, qui sont parmi les plus bas d'Europe. Aujourd'hui, certains amendements visent à en faire bénéficier non pas les consommateurs, mais les actionnaires. On voit bien, par ces propositions, le sort qui est réservé au service public dans le cadre d'une libéralisation du secteur de l'énergie.
Par ailleurs, il faut se souvenir que, dans un premier temps, cette fusion était justifiée par la menace d'une OPA de Enel sur Suez.
Puis, lorsque cette menace s'est prétendument éloignée, le rapprochement a été justifié par la nécessité de faire naître un géant de l'énergie, dans un contexte de concentration croissante des entreprises du secteur. Mais cet argument est une nouvelle escroquerie. Vous aviez en effet justifié la séparation de GDF et d'EDF par la volonté, justement, de se prémunir de toute concentration censée nuire à la libre concurrence.
De plus, ce n'est pas en privatisant l'entreprise publique que la sécurité d'approvisionnement sera renforcée. Car la continuité de fourniture se fait principalement dans le cadre de contrats à long terme - ces derniers sont également contestés par la Commission -, donc dans le cadre de discussions d'État à État, et non d'entreprise à entreprise.
Nous sommes cependant d'accord avec vous sur un point, monsieur le ministre : seule une entreprise intégrée, proposant une offre complète et disposant d'une envergure importante permettra de garantir la mise en oeuvre d'un service public de qualité et la reconnaissance du droit d'accès pour tous à l'énergie.
Dans ce cadre, il est regrettable qu'aucune action sérieuse n'ait été conduite auprès de Bruxelles pour examiner la faisabilité d'un rapprochement entre EDF et GDF, qui nous semble pourtant particulièrement pertinent.
Pour ne pas engager cette action, le Gouvernement invoque les contreparties que demanderait l'Union européenne et qui seraient trop importantes, alors même que, de l'avis des organisations syndicales, elles auraient été à peu près du même ordre que celles qui sont exigées aujourd'hui pour développer ce nouvel oligopole privé.
Nous estimons que seule la création d'un pôle public de l'énergie serait en mesure d'organiser les synergies nécessaires par la reconnaissance de la complémentarité des énergies. Ce pôle devrait regrouper notamment EDF et GDF fusionnés, ainsi que des entreprises comme AREVA et, pourquoi pas, Total.
En fait, nous pensons que le passage de monopoles publics à des oligopoles privés est le signe, pour notre pays, non pas d'un progrès, mais plutôt d'un recul, qui prive encore un peu plus le pouvoir politique de moyens de contrainte sur l'économie.
Dans ce sens, le procédé employé, qui revient à confier la décision finale de privatisation aux actionnaires de Suez, ne nous semble pas approprié aux questions posées par la privatisation de l'entreprise nationale, propriété de la nation et des citoyens depuis 1946.
Par ailleurs, nous constatons bien souvent que seule la maîtrise publique permet de faire les investissements nécessaires. Il n'est pas rare non plus que le secteur public vole au secours du secteur privé lorsque les conditions de marché ne permettent plus de garantir le maintien des services publics. Nous disposons de quelques exemples de renationalisation de ce secteur, après qu'un État a fait le constat de l'impossibilité pour le secteur privé de garantir les droits fondamentaux des citoyens. Par exemple, seule une subvention de l'État britannique a permis d'éviter la faillite de l'opérateur national.
Par ailleurs, l'Espagne, ainsi que le Portugal et l'Allemagne sont dans une démarche inverse, en cherchant à faire fusionner leurs opérateurs électriciens et gaziers nationaux.
Il est donc très intéressant d'observer que, si le nombre de pays renonçant à la libéralisation du secteur de l'énergie continuait de se développer, Bruxelles serait contraint de faire le constat de l'échec de la libéralisation et d'engager la renégociation de ces directives.
Cette situation confère donc une responsabilité particulièrement importante à la France. C'est pourquoi le Gouvernement ne peut justifier son refus de travailler au rapprochement d'EDF et de GDF au seul prétexte des injonctions libérales de Bruxelles.
Il devrait au contraire jouer un rôle moteur dans ces institutions et, par sa politique nationale, dans la construction européenne. Les Français, monsieur le ministre, vous en ont donné mandat, en refusant, le 29 mai 2005, le projet de constitution européenne, qui se proposait de livrer l'ensemble des activités humaines à la loi de marché.
À l'opposé, selon les principes idéologiques du Gouvernement, quand un secteur devient particulièrement rentable, il faut nécessairement le céder au privé, comme ce fut le cas récemment encore concernant les concessions d'autoroutes. Ce n'est pas ce que nous appelons le patriotisme économique !
Vous comprendrez donc que, tant par son contenu que par les pratiques employées pour aboutir à son adoption, ce projet de loi est dangereux pour l'avenir énergétique de la France et celui de l'Europe. Il remet en cause les fondements mêmes de notre République.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je souhaite simplement apporter à la Haute Assemblée quelques précisions concernant les auditions.
La commission des affaires économiques a auditionné les trois grandes organisations syndicales, les deux chefs d'entreprise concernés, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que le ministre délégué à l'industrie.
Monsieur Billout, la lettre de griefs était confidentielle.
Mme Éliane Assassi. Pourquoi ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission. Mais à partir du moment où M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous a demandé, en commission, de la communiquer, chaque groupe politique a pu la mettre à la disposition de ses membres.
Le même jour, nous avons également mis à votre disposition, mes chers collègues, la lettre de M. le commissaire européen McCreevy et, aujourd'hui, nous vous avons transmis la réponse de Gaz de France à la lettre de griefs. L'ensemble de ce dossier est à la disposition des groupes politiques à la commission des affaires économiques.
M. Guy Fischer. Il était temps !
M. Bernard Piras. C'est bien de le savoir !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je l'ai dit ce matin en commission, mon cher collègue !
Nous avons effectué des démarches pour procéder à l'audition de Mme la commissaire européenne Neelie Kroes. Mais son emploi du temps ne lui a pas permis de venir devant la commission des affaires économiques. En aucun cas nous ne pouvons imposer à un commissaire européen de venir devant notre commission.
M. Robert Bret. Nous, on peut tout nous imposer !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. M. le rapporteur pourra vous rappeler le nombre d'auditions auxquelles la commission a procédé sur ce projet de loi.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter, de sorte que personne n'ait le sentiment que la commission des affaires économiques n'a pas procédé à des auditions intéressantes concernant ce texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Cazeau. C'est le minimum !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne répondrai pas au premier volet des arguments de notre collègue Michel Billout, puisqu'il concerne le renvoi à la commission du projet de loi ; j'évoquerai ce point dans quelques minutes, après la présentation de la dernière motion que nous allons examiner. Je souhaite, en revanche, répondre rapidement, point par point, aux autres arguments présentés par les auteurs de la motion.
Selon l'objet de la présente motion, le projet de loi menace le service public, accroît la concurrence entre EDF et Gaz de France, confie la maîtrise énergétique à des intérêts privés...
M. Guy Fischer. Oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... et dépossède le pouvoir politique des moyens de conduire une politique énergétique.
M. Guy Fischer. Oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il y est également affirmé que les dispositions de ce projet de loi comportent de graves dangers pour l'avenir énergétique de la France, ...
M. Guy Fischer. Oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... notamment parce que la privatisation de Gaz de France porte un coup fatal à la mise en oeuvre du service public de l'énergie.
Je tiens à rappeler tout d'abord que, bien au contraire, ce texte assure une sécurité juridique au système tarifaire français, garantissant ainsi sa pérennité au-delà du 1er juillet 2007. C'est un point fondamental, puisque les tarifs constituent un élément central du service public du gaz.
Je tiens à rappeler ensuite que la notion de service public n'est pas incompatible avec l'existence d'entreprises privées, puisque les obligations qui en résultent s'appliquent indistinctement à tous les opérateurs, qu'ils soient publics ou privés.
Vous faites également valoir, monsieur Billout, que cette privatisation place EDF et GDF en concurrence, ce qui appellerait, à terme, la privatisation d'EDF. On ne peut pas nier votre premier point, puisque l'objet de la directive européenne est précisément d'ouvrir totalement à la concurrence les marchés énergétiques à compter du 1er juillet 2007.
Toutefois, laissez-moi vous faire part d'une conviction profonde. Je suis persuadé que le big-bang tant annoncé pour 2007 ne produira que peu de changements pour les particuliers, ces derniers restant en définitive attachés à leurs fournisseurs historiques.
M. Bernard Piras. Pourquoi le faire, alors ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous transposons une directive !
M. Robert Bret. C'est la faute à Bruxelles !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Et s'ils restent attachés à leurs fournisseurs historiques, c'est tout simplement parce qu'ils auront pu observer ce qui s'est passé ces dernières années, incontestablement, après l'ouverture du marché aux professionnels et aux entreprises. En fait, ils resteront attachés non pas à leurs fournisseurs historiques, mais tout simplement aux tarifs régulés. Je suis persuadé que nous le constaterons d'ici à quelques mois.
En revanche, je suis beaucoup moins d'accord avec la seconde partie de votre affirmation, monsieur Billout, puisqu'il s'agit là d'un procès d'intention qui ne repose sur aucun fondement.
En effet, EDF n'est pas privatisable, pour une multitude de raisons, la première d'entre elle étant que l'entreprise est un exploitant nucléaire, ce qui justifie sa propriété publique.
Enfin, vous dites que la privatisation dépossède le pouvoir politique de sa souveraineté, ce qui est entièrement faux, nous l'avons indiqué de nombreuses fois. Dois-je de nouveau rappeler que l'État conservera une minorité de blocage dans le capital de la nouvelle entité que constituerait la fusion de Gaz de France et de Suez ? Il aura ainsi pleinement les moyens de s'opposer aux cessions d'actifs stratégiques.
M. Bernard Piras. Nicolas Sarkozy avait fait des promesses !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission a émis un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je me contenterai d'apporter quelques précisions à la démonstration de M. le rapporteur.
Monsieur le sénateur, vous vous posez un certain nombre de questions, qui sont justifiées dans la mesure où elles révèlent des craintes et des inquiétudes que tout un chacun peut avoir. Vous vous posez notamment la question de savoir si, dans l'hypothèse où le projet de loi serait voté et où la fusion aurait lieu avec Suez, le groupe fusionné aurait, finalement, une vraie capacité d'achat de gaz et de développement des investissements et une réelle capacité d'assurer l'approvisionnement de notre pays.
Je souhaite vous rassurer sur ce point. Dans les propositions qui ont été faites aujourd'hui par Gaz de France et Suez au niveau européen, le périmètre des activités de Gaz de France, hormis l'une de ses filiales, Cofathec, dont une très petite part des activités en France serait cédée, est préservé.
S'agissant des activités strictement gazières, c'est-à-dire des achats de gaz, par rapport aux 1 000 térawattheures que représente aujourd'hui la somme des achats de Gaz de France et de Suez, soit 700 térawattheures, d'une part, et 300 térawattheures, d'autre part, seulement 5 %, soit 50 térawattheures, de la totalité du gaz acheté par les deux entreprises seraient cédés.
Par ailleurs, Gaz de France et Suez vont privilégier les échanges d'actifs. Autrement dit, même s'ils doivent, à un moment donné, vendre l'activité « vente » aux clients industriels de Distrigaz, ils chercheront un client avec qui la vente se fera non pour de l'argent, mais pour l'échange d'activités.
Ainsi, ils pourront regagner des capacités d'achat, pas forcément en Belgique ou en France, mais équivalentes en termes de quantité.
Par conséquent, au travers de ce cas d'école, qui a le soutien du Gouvernement, l'objectif que nous nous sommes fixé est de faire en sorte qu'il y ait une plus grande capacité d'achat en commun de gaz.
L'une de vos propositions revient sans cesse, c'est celle de la fusion EDF-GDF. Le rapporteur, Thierry Breton et moi-même en avons déjà parlé. Il s'agit d'une hypothèse intéressante qui aurait peut-être été réalisable voilà dix ans. Mais, en vertu du droit européen de la concurrence, lors du rapprochement de deux entreprises ayant une base européenne, c'est la Commission européenne qui porte un jugement sur la concurrence une fois les deux entreprises fusionnées.
Il est clair que Gaz de France et EDF étant, en France, des entreprises importantes, le rapprochement poserait un énorme problème de concurrence. Compte tenu des standards d'analyse de ces questions, on sait d'ores et déjà que, dans ce cas-là, il serait demandé à EDF de partager son activité électrique avec une autre entreprise électrique. En pratique, cela reviendrait à démanteler le parc nucléaire français, ce à quoi, par principe, nous nous refusons absolument.
Des études ont été réalisées, à commencer par celles qui sont rattachées à la commission Roulet. De plus, nous connaissons l'expérience de nos collègues portugais, qui ont tenté une opération similaire.
M. Roland Courteau. Ce n'est pas comparable !
M. François Loos, ministre délégué. Si, c'est parfaitement comparable, d'autant que le Portugal s'est opposé à la Commission, qui a traîné ce pays devant la Cour de justice des communautés européennes, laquelle a statué sur la question. Le rapport de la Cour de justice des communautés européennes sur le cas portugais est à votre disposition, si vous le souhaitez.
M. Roland Courteau. Et le cas français ?
M. François Loos, ministre délégué. Le droit a l'avantage d'être un raisonnement. Par conséquent, le même raisonnement appliqué au cas du rapprochement d'EDF et de GDF, qui est très proche, aboutirait au démantèlement du parc nucléaire français, ce que nous ne voulons absolument pas, et je suis sûr qu'il en est de même pour vous.
Un tel rapprochement est donc impossible et ce n'est pas la peine de faire croire que cela résulte d'un manque de combativité du Gouvernement face à une Commission qui aurait tous les pouvoirs.
M. Roland Courteau. C'est vous qui le faites croire !
M. Robert Bret. Vous vous servez de Bruxelles pour mettre en place une politique libérale !
M. François Loos, ministre délégué. C'est tout simplement le stock des directives existantes, dans le cadre desquelles nous devons agir aujourd'hui, et agir vite, qui nous amènent à penser...
M. Roland Courteau. C'est un dialogue de sourds !
M. François Loos, ministre délégué. ... que les arguments que vous avancez, s'ils permettent d'avoir un débat, ne résistent pas à ceux que nous vous opposons. Cette question préalable n'a donc vraiment pas lieu d'être.
M. Thierry Repentin. C'est de l'autosatisfaction !
M. François Loos, ministre délégué. Vous pouvez par conséquent poursuivre l'examen de ce projet de loi, c'est en tout cas ce que je souhaite. (M. Francis Grignon applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote.
M. Bernard Piras. Pourquoi remettre systématiquement en cause le service public de l'énergie, qui a prouvé son efficacité en termes de desserte du territoire, de péréquation tarifaire et de prix abordable, de sécurité d'approvisionnement, de choix d'investissements ? Les premiers résultats faisant suite à la libéralisation sont en comparaison éloquents. Celle-ci est loin d'avoir apporté tout ce que ses promoteurs avaient promis. C'est pourquoi j'ai interpellé le rapporteur.
Rappelons que l'argument massue était la chute des prix, conséquence assurée de l'ouverture des marchés. Cela n'a pas été le cas, loin s'en faut ! En témoigne l'envolée des prix de l'électricité. Faut-il rappeler que le sommet de Barcelone avait exclu les ménages du processus d'ouverture à la concurrence, en le conditionnant à l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Piras. Sage précaution que vous avez abandonnée et qui aura pour conséquence la hausse de la facture énergétique des ménages, et ce d'autant plus que vous privatisez GDF, alors que rien, aujourd'hui, ne vous y oblige.
Les raisons de l'abandon d'un tel projet de privatisation sont si nombreuses qu'elles rendent la poursuite d'un tel débat déplacé. Je vais brièvement en évoquer les principales.
La motivation originelle de cette privatisation, à savoir l'OPA d'Enel sur Suez, n'était qu'un prétexte. Il est notoire que cette fusion était déjà évoquée en coulisse depuis plusieurs mois. Le recours à cet alibi est plus que douteux.
Une motivation avancée par la suite, à savoir la taille critique de GDF, laisse perplexe, étant donné le faible apport en actifs gaziers auquel conduit la fusion, l'absence de réel projet industriel à la clé et les cessions exigées par l'Union européenne. Le nouveau groupe fusionné ne contribuera pas à accroître la force de négociation en matière de prix d'achat du gaz.
Enfin, faut-il à nouveau souligner la remise en cause de la parole d'un ministre d'État - donc de l'État -, à savoir celle de Nicolas Sarkozy ? En 2004, lors du débat sur le statut d'EDF-GDF, ce dernier avait promis de manière solennelle que l'État ne descendrait jamais en dessous de 70 % de participation. Comment croire, aujourd'hui, à votre engagement du maintien d'une minorité de blocage à 34 % ?
Par ailleurs, la précipitation dans ce dossier est indéniable. Il est demandé aux parlementaires de donner un blanc-seing à une privatisation, prémices d'une fusion, alors que, d'une part, nous ne connaîtrons réellement qu'en novembre les cessions d'actifs exigées par Bruxelles, lesquelles risquent d'être massives, et que, d'autre part, les conditions financières de cette fusion ne sont pas encore publiques à ce jour. Le passé ne peut que nous inciter à ne pas vous faire confiance !
En outre, les garanties données sont illusoires. L'action spécifique ne permettra pas à l'État de décider de la stratégie et de l'orientation de l'entreprise dans un sens conforme à l'intérêt général, ni de maîtriser les tarifs. Sur un plan juridique, les actions spécifiques apparaissent très incertaines quant à leur validité, donc à leur efficacité.
Loin de renforcer GDF, ce projet va, en revanche, affaiblir EDF, en lui imposant un concurrent.
Conscients qu'ils vont faire les frais de cette fusion - les actionnaires ne manquant pas d'exiger une recherche permanente de synergie et d'optimisation financière -, l'ensemble des syndicats et la quasi-totalité des salariés sont, bien entendu, opposés à cette fusion.
Il est impossible de prétendre que le groupe créé pourra nouer des alliances par la suite, tout en assurant maintenir un taux de blocage de 34 %. Ces deux engagements sont incompatibles.
De même, ce projet de fusion, par la disparition du capital public majoritaire, renforce les risques d'une future OPA inamicale.
Ce projet de privatisation pose également des questions juridiques lourdes de conséquences, auxquelles il aurait été préférable d'apporter une réponse avant de s'engager.
GDF peut-il perdre son statut de service public national afin d'être privatisé ?
GDF privatisé peut-il garder son monopole actuel sur les concessions de distributions publiques de gaz ?
GDF privatisé peut-il garder la propriété des actifs de transport ?
J'arrête là cette énumération qui souligne la mauvaise foi, le défaut de clairvoyance et de scrupule, le manque de parole et l'aveuglement de ce Gouvernement. Sur tous ces points et sur tous ceux que je n'ai pas le temps d'aborder ici, ce dernier n'a pas apporté de réponse ou d'argument contradictoire sérieux. Je doute sincèrement que le débat qui va se dérouler au Sénat nous rassure sur ces légitimes et préoccupantes interrogations.
Pour toutes ces raisons, il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des arguments développés dans cette motion présentée par le groupe communiste républicain et citoyen. Je me permettrai simplement d'insister sur l'élément qui me semble fondamental : il faut le dire et le redire, l'examen de ce texte par notre Haute Assemblée avant même que les termes du débat soient fixés, c'est-à-dire avant même que nous sachions si la fusion entre GDF et Suez est possible, est une grave atteinte aux fondements de la démocratie.
En effet, comme l'a rappelé mon collègue Michel Billout, la Commission européenne ne rendra son verdict que le 17 novembre prochain sur la faisabilité de cette fusion et sur les concessions que devront faire les entreprises pour respecter la libre concurrence et le droit européen des concentrations.
De plus, si ce texte est adopté, la décision de privatisation de l'entreprise publique GDF reviendra, en dernier ressort, aux actionnaires de Suez lors de leur assemblée générale.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yves Coquelle. Ainsi, par le vote de cette loi, nous ferions le choix de dire : « L'avenir énergétique de notre pays ? Allez demander aux actionnaires de Suez ce qu'ils ont décidé ! ». Nous abandonnerions donc, de fait, toute ambition du pouvoir législatif d'intervenir dans la sphère économique, laissant ce rôle à la main invisible du marché.
En tant que parlementaires, représentants du peuple, nous ne pouvons accepter ce dessaisissement du pouvoir politique, et, en conséquence, ce dessaisissement des citoyens, sur les questions de l'énergie.
Les enjeux en cause, notamment le réchauffement climatique, mais aussi la disparition des énergies fossiles, le formidable effort de recherche à accomplir et l'accroissement des besoins nécessitent, au contraire, que ce secteur ne soit pas laissé dans les mains des actionnaires des entreprises privées, qui pensent plus à leurs profits immédiats qu'au bon accomplissement des missions de service public.
De plus, les questions de sécurité nous amènent également à affirmer que seule la maîtrise publique peut garantir la transparence nécessaire dans ce domaine.
Nous pensons qu'un vaste débat doit être engagé dans notre pays sur ces questions fondamentales et, je le répète pour la énième fois, que seul un référendum peut autoriser la privatisation des entreprises publiques créées à la Libération, propriété de la nation et financées depuis soixante années par les usagers. Ceux-ci doivent aujourd'hui être consultés !
Nous pensons également, au regard de l'ambition des sénateurs communistes pour notre pays, que l'accès de tous à l'énergie est un enjeu de civilisation, un axe majeur pour garantir le progrès partagé.
Pour toutes ces raisons, nous ne pensons pas que la modernité, c'est le marché. Nous estimons que la modernité, c'est la démocratisation des secteurs publics et la mise en oeuvre d'une offre intégrée d'énergie permettant de tenir compte de leur complémentarité et de la diversification du bouquet énergétique.
Nous pensons également que la modernité, c'est la construction d'une Europe politique, d'une Europe des peuples, d'une Europe qui organise la coopération des services publics nationaux et la mise en commun des moyens pour répondre aux droits fondamentaux des peuples.
Bref, la modernité, c'est mettre le progrès de la science au service des hommes et non abandonner les instruments de la puissance publique au profit des marchés.
Pourtant, à l'inverse de ces considérations, ce texte permet d'aller plus loin encore dans la libéralisation du secteur de l'énergie, laquelle a déjà fait la démonstration de son échec. En effet, l'explosion des tarifs sur le marché déjà ouvert à la concurrence a prouvé, s'il le fallait, que ce système était contre-performant.
La concurrence libre et non faussée, censée répondre à l'intérêt des consommateurs et favoriser la compétitivité de notre économie, a abouti, dans les faits, à des fermetures massives d'entreprises, notamment dans le secteur électrointensif.
Nous voterons donc cette motion de procédure, parce que nous estimons que ce texte ne permet pas de garantir le service public de l'énergie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 61, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du président de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°7 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 124 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Reiner, Courteau, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 80 rectifié, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires économiques le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (n° 3, 2006-2007).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la motion.
M. Daniel Reiner. Je ne doute pas un instant que cette motion aura plus de succès que les précédentes. (Sourires.)
M. Charles Revet. On ne sait jamais !
M. Daniel Reiner. Nous le savons tous, l'électricité et le gaz ne sont pas des marchandises comme les autres. Nous l'avons affirmé et réaffirmé depuis hier après-midi comme au cours des différents débats sur l'énergie - quatre, me semble-t-il, au cours de cette législature - que nous avons eus ces dernières années.
Nous l'avons dit et redit, mais nous n'y croyons pas tous, et je note qu'à cette heure ceux qui y croient sont plus nombreux dans cet hémicycle que ceux qui n'y croient pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Thierry Repentin. Absolument !
MM. Jean-Pierre Bel et Robert Bret. Où sont-ils ?
M. Roland Courteau. Le débat ne les intéresse pas !
M. Jean-Pierre Bel. Ils manquent de conviction !
M. Daniel Reiner. J'en veux pour preuve que le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, s'inscrit, certes, dans la continuité de la pensée libérale qui anime votre gouvernement, mais aussi dans l'étape suivante annoncée, claironnée même, celle de la rupture.
Dans la continuité, votre gouvernement continue au fond à considérer l'énergie comme un bien banal, et le présent projet de loi constitue une étape de plus dans votre volonté de confier aux intérêts privés l'approvisionnement, le transport et la distribution de ces biens essentiels à la vie de nos concitoyens et à l'activité économique que sont l'électricité et le gaz, lequel fait plus particulièrement l'objet de nos débats aujourd'hui.
Lorsque vous avez décidé, en 2004, d'ouvrir le capital d'EDF et de GDF à hauteur de 30%, la voie était ouverte, ce que nous avions dénoncé à cette même tribune ; permettez-moi de me citer : « Ne nous voilons pas la face, en dépit de toutes les déclarations ministérielles plus ou moins rassurantes ou opportunistes, ce texte n'a pas d'autre but que de rendre possible, à terme, une privatisation d'EDF et de GDF ».
Je vous ai entendu dire tout à l'heure : pour EDF, pas question ! Mais vous disiez la même chose pour GDF.
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Daniel Reiner. Or, pour GDF, nous y sommes !
Le Gouvernement se place dans la continuité, mais aussi dans la rupture, car vous vous étiez engagés devant la représentation nationale, clairement et solennellement, à ce que EDF et GDF restent des sociétés nationales. Je dois encore rappeler l'engagement du ministre de l'économie et des finances...
M. Robert Bret. Lequel ?...
M. Daniel Reiner. ...de l'époque de ne pas abaisser en deçà de 70 % la participation de l'État dans ces sociétés.
Je veux aussi rappeler à notre rapporteur, éminent comme il se doit, ce qu'il écrivait à cette occasion dans un chapitre du rapport intitulé Un épouvantail à laisser au placard : le spectre de la privatisation : « La transformation des deux établissements publics EDF et GDF en société n'emporte nullement leur ?privatisation? », ce qui était vrai. « EDF et GDF sont appelés à devenir des sociétés nationalisées à capitaux publics dans lesquelles l'État ne pourra détenir moins de 70 % du capital. »
Au contraire, disiez-vous - et vous avez réutilisé cette expression tout à l'heure, monsieur le rapporteur - leur caractère public est même réaffirmé avec force avec ce projet de loi.
« Au demeurant, précisiez-vous, le Parlement lui-même a souligné son attachement au maintien dans le secteur public d'EDF et de GDF, considérant que la conduite de la politique énergétique nécessite ?le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales?. » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. C'est clair !
M. Daniel Reiner. Et vous ajoutiez, parce que vous êtes législateur : « conformément aux termes de l'article 1er B du projet de loi d'orientation sur l'énergie adopté en première lecture par le Sénat le 10 juin 2004 », soit quelques jours auparavant. Voilà ce que vous disiez il y a à peine deux ans...
M. Guy Fischer. Il est curieux de changer d'avis en si peu de temps sur un sujet aussi important !
M. Robert Bret. En politique, cela s'appelle des girouettes !
M. Daniel Reiner. ...et voici le texte que vous nous présentez aujourd'hui, et que vous soutenez !
M. Jean-Pierre Bel. Expliquez-vous !
M. Daniel Reiner. Quelle rupture ! Avouez que cela mérite réflexion, et c'est la raison pour laquelle mes collègues et moi-même nous vous proposons, sagement, de renvoyer le projet de loi qui nous est soumis devant la commission des affaires économiques.
M. Roland Courteau. Ce serait en effet plus sage !
M. Daniel Reiner. Il y a à cela cinq raisons qui nous paraissent évidentes et essentielles. L'une concerne la forme, mais n'en est pas moins majeure et, même s'il s'agit d'une redite, la répétition est utile en la circonstance ; les quatre autres tiennent aux incertitudes qui pèsent sur notre discussion.
En dépit des apparences, ce texte n'a pas encore fait l'objet d'un débat suffisant. Nous n'avons toujours pas obtenu les réponses et les assurances nécessaires concernant de multiples questions sur ce sujet essentiel à la vie quotidienne de nos concitoyens et de nos entreprises qu'est l'énergie. Il est impossible de traiter ce projet de loi à la va-vite. Une fois de plus, la déclaration d'urgence limite volontairement le temps du débat.
En outre, que dire des délais imposés à notre assemblée ? Ils sont scandaleusement insuffisants : ce texte, voté mardi soir dernier à l'Assemblée nationale, nous a été transmis dans la nuit ; dès le lendemain, nous avons reçu en audition les ministres des finances et de l'industrie et, dans les minutes qui suivaient, nous avons hâtivement pris connaissance du rapport de la commission des affaires économiques, accompagné d'une quarantaine d'amendements que nous avons dû refuser de voter faute d'avoir eu le temps de les étudier.
M. Jean-Pierre Bel. Ce n'est pas sérieux !
M. Daniel Reiner. Je salue d'ailleurs, après d'autres, la remarquable célérité de notre rapporteur.
Le projet de loi arrive en séance aujourd'hui, soit sept jours après. Peut-on parler d'un délai raisonnable s'agissant d'un sujet aussi important ?
M. Roland Courteau. Sûrement pas !
M. Daniel Reiner. D'autant que ce texte a été modifié et complété de façon substantielle par l'Assemblée nationale. Le vote à l'Assemblée nationale doit-il être considéré comme mettant un terme à un débat déjà tronqué, la lecture du projet de loi au Sénat n'étant plus qu'une formalité ? Ce serait, et je parle là au nom de nous tous, faire peu de cas de notre assemblée !
M. Jean-Marc Pastor. Eh oui !
M. Daniel Reiner. Les seize jours de débat à l'Assemblée nationale n'ont non seulement pas apporté les réponses aux multiples questions soulevées par ce texte, mais ils en ont au contraire posé de nouvelles, qu'il s'agisse de la garantie de prix raisonnables, du maintien des tarifs régulés, de l'avenir des personnels de ces entreprises, en particulier de celui d'EDF-GDF Services, de l'avenir du monopole des concessions de services publics, du maintien des péréquations sur le territoire, de l'extension du réseau, de la taille de l'entreprise fusionnée ou encore du rôle de l'État ; bref, et c'est le premier point, le débat n'a pas apporté de réponse sur l'avenir de la politique énergétique de la France.
Deuxième point, le contexte réglementaire européen dans lequel vous nous faites légiférer est marqué, et j'emploie le mot à dessein, par l'incertitude.
Ce texte de transposition de la directive relative à l'ouverture du marché au 1er juillet 2007 et de quelques autres mesures destinées à le faire paraître plus convenable est avant tout celui de la privatisation de GDF. Derrière l'article 10, coeur du projet de loi, se profile, naturellement, la fusion de GDF avec Suez. L'exposé des motifs est d'ailleurs explicite à cet égard.
Vous nous demandez un blanc-seing, monsieur le ministre, car que d'incertitudes encore et que de doutes ! Est-ce bien le moment d'avancer à marche forcée ?
Faut-il redire, une fois de plus, qu'au sommet de Barcelone l'ouverture du marché aux usagers domestiques était conditionnée par l'élaboration d'une directive-cadre sur les services économiques d'intérêt général et d'un bilan sur l'ouverture du marché aux entreprises ? Nous n'avons toujours ni l'un ni l'autre.
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Daniel Reiner. Où en est cette directive ? Qu'a fait votre gouvernement pour la promouvoir ?
M. Jean-Marc Pastor. Rien !
M. Daniel Reiner. M. le ministre des finances a lui-même promit, au début de cette année, une « étude bilan » sur les coûts de l'énergie en France pour la fin de l'année.
M. Jean-Pierre Bel. Quel ministre des finances ?
M. Thierry Repentin. Ils changent tous les six mois !
M. Daniel Reiner. M. Breton, qui était parmi nous hier et cet après-midi.
M. Jean-Marc Pastor. En pointillé !
M. Daniel Reiner. À ma connaissance, cette étude n'est pas parue.
La Commission européenne n'a pas rendu son avis définitif sur la fusion GDF-Suez et ne le fera, si le calendrier est respecté, qu'au plus tard le 17 novembre prochain. Mais, dès maintenant, la lettre de griefs, que vous nous avez communiquée, ne laisse pas d'inquiéter à bien des égards : sur les contreparties exigées des entreprises en termes de cessions d'actifs, et chacun a bien mesuré l'importance de ce point, ou, plus généralement, sur l'avenir des tarifs réglementés, voire sur la pérennité des contrats d'approvisionnement de long terme, dont on sait qu'ils représentent la part prépondérante de l'approvisionnement de Gaz de France et donc la garantie de la sécurité et des prix. Ne serait-il pas sage d'attendre cet avis déterminant ?
M. Daniel Raoul. Bien sûr !
M. Robert Bret. C'est le bon sens !
M. Daniel Reiner. Dois-je enfin rappeler que la Commission européenne prévoit de publier, à la mi-décembre, un nouveau « paquet énergétique » et, à la fin du mois de décembre, le rapport annuel sur le fonctionnement du marché intérieur de l'énergie ? De nouvelles mesures pourraient alors être proposées. Y a-t-il lieu, en conséquence, de précipiter une décision, alors même que rien ne nous y contraint ?
M. Jean-Marc Pastor. Rien !
M. Daniel Reiner. Troisième point et deuxième incertitude, quelles seront les conséquences économiques et sociales de la privatisation et de la fusion, en particulier sur les tarifs ?
Énergie de base pour l'ensemble des Français, le gaz reste, en dépit des dernières hausses, une énergie au prix abordable et, avec 180 milliards de tonnes d'équivalent pétrole, selon l'Institut français du pétrole, soixante ans de réserves gazières sont assurés, ce qui s'oppose à l'endoctrinement sur la raréfaction de la ressource à court terme que l'on nous fait subir. Nous ne sommes donc pas à quelques jours près !
Les partisans de la privatisation soutiennent que la concurrence va faire baisser les prix. Que vaut cette affirmation ?
En quoi les consommateurs seront-ils protégés de nouvelles hausses de prix alors que, naturellement, des dividendes plus élevés versés aux actionnaires privés viendront alourdir les coûts ?
Actuellement, les tarifs du gaz et de l'électricité en France sont toujours inférieurs à ceux du marché. Les contrats à long terme d'approvisionnement en gaz et la dominante nucléaire dans le parc de production électrique expliquent cette particularité nationale.
Ouvrons les yeux : l'expérience que l'on a de l'ouverture à la concurrence et de l'introduction d'acteurs privés dans le secteur énergétique est parlante.
À l'étranger, on constate que, là où la privatisation a eu lieu, la baisse des tarifs de l'énergie n'a pas été au rendez-vous, loin s'en faut ! Ainsi, au Royaume-Uni, la facture des particuliers a doublé en trois ans. En Allemagne, huit ans après la privatisation du marché de l'énergie, les clients n'ont toujours pas bénéficié d'une concurrence restée théorique. Le marché y reste dominé par des géants énergétiques qui jouissent d'une situation d'oligopole. Résultat : les prix de l'électricité et du gaz en Allemagne sont parmi les plus hauts de l'Union européenne.
En France même, l'ouverture dès 2000 aux entreprises grosses consommatrices d'énergie, puis par la suite aux PME et aux professionnels, a démontré que la concurrence ne conduisait pas, loin de là, à la baisse des tarifs. Même si cela doit heurter vos convictions libérales, vous êtes bien obligés d'en convenir !
La création d'un tarif d'ajustement transitoire, renouvelable ou non, par un amendement - le fameux article 3 ter - dans ce projet de loi en est la preuve évidente.
Quel étrange paradoxe et, par certains côtés, quel retour en arrière s'agissant de vos certitudes ! Quel aveu d'échec !
Cet article 3 ter est l'article de la contrition libérale. Pourtant, en dépit de cette leçon, vous êtes prêts à faire subir le même sort aux usagers domestiques.
M. Guy Fischer. Rien ne les arrête !
M. Daniel Reiner. Dans votre esprit, il s'agit d'aligner progressivement les tarifs réglementés sur les prix du marché.
M. Roland Courteau. Mais oui !
M. Daniel Reiner. Le contrat de service public entre l'État et GDF est également très explicite à cet égard.
Que sont aujourd'hui les prix du marché ? Ce sont ceux qui correspondent à une part très minoritaire du marché mondial et qui sont plus liés à la spéculation financière qu'aux coûts réels de production, d'acheminement et de distribution.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Daniel Reiner. Comment pouvez-vous continuer à affirmer que la privatisation protégera les consommateurs ?
Je viens d'évoquer les tarifs pour les usagers domestiques mais, bien sûr, cela vaut aussi pour les entreprises. Êtes-vous sûrs que la France conservera son attractivité économique, encore mise en avant très récemment dans une étude qui place notre pays en excellente position compte tenu des tarifs de ses énergies, si les prix du gaz s' « enflamment » ? (Sourires.)
Le quatrième point et la troisième incertitude portent sur ce que serait ce nouveau groupe issu de la fusion, si elle se réalise, car vous n'en êtes pas maîtres : ce sont les actionnaires qui auront le dernier mot ! Ignorants que nous sommes des cessions réelles d'actifs que devront consentir GDF et Suez, avouez qu'il n'est guère simple de s'en faire une idée.
En première approche, il semblerait que le groupe fusionné apporte tout au plus 10 % à 15 % de capacité en matière gazière supplémentaire par rapport à Gaz de France. Est-ce un niveau suffisant pour dépasser ce que le ministre appelait la « taille moyenne » évoquée dans l'exposé des motifs du projet de loi ?
Or les partisans de la fusion affirment que l'addition de GDF et de Suez conduira à une baisse des tarifs du gaz, car la taille du nouveau groupe permettra de négocier avec les pays producteurs des conditions encore plus favorables que celles qui sont offertes aujourd'hui par les contrats à long terme. Qui peut y croire ?
M. Roland Courteau. Personne !
M. Daniel Reiner. En revanche, on peut craindre que l'État, qui détiendra désormais une part minoritaire dans le capital, aura plus de mal à contenir l'appétit des actionnaires.
De plus, la privatisation pourrait conduire à un changement de stratégie. Pour accroître ses profits, GDF-Suez sera tenté de spéculer sur le gaz acheté dans le cadre des contrats à long terme et pourra être tenté de mettre en concurrence, pour l'achat du gaz, la France, l'Europe et les Etats-Unis ; il le vendra au plus offrant. C'est tellement simple avec des méthaniers qui se déplacent et qui voguent d'une rive à l'autre de l'Atlantique !
Si cette spéculation permettrait à GDF-Suez de réaliser de substantielles plus-values, elle mettrait en péril la sécurité d'approvisionnement et contribuerait à tirer vers le haut les prix du marché.
Pis encore, en dévoyant les contrats à long terme de cette manière, GDF-Suez risque d'accélérer ou de provoquer leur disparition, ce que paraît souhaiter la Commission européenne.
Quant à l'électricité, il n'y a pas de doutes : il est clair que vous installez un concurrent direct à EDF. Est-ce là le moyen de conforter cette entreprise à laquelle les Français sont très attachés ?
Le cinquième point et la quatrième incertitude concernent le rôle de l'État dans le nouveau groupe.
Pour notre part, nous continuons de penser que, tant qu'une véritable politique européenne de l'énergie n'est pas définie, au-delà de la rédaction de directives, et mise en oeuvre - nous le souhaitons vivement - les États devront conserver un rôle déterminant dans les questions énergétiques.
Vous, en privatisant GDF, vous privez l'État de ce rôle, vous réduisez son contrôle sur l'ensemble des infrastructures lourdes de transport, de stockage et de distribution. Vous nous opposez l'action spécifique que détiendra l'État ; nous en avons parlé suffisamment aujourd'hui. La lettre du commissaire McCreevy à laquelle vous faites référence nous inquiète plutôt : ses termes sibyllins laissent planer plus que des doutes sur la réelle efficacité, à moyen terme, de cette action spécifique.
D'autres solutions étaient possibles. Aucune d'entre elles n'a été sérieusement étudiée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'énergie est un bien vital. Source de lumière, de chaleur, de froid, elle permet tout à la fois de se déplacer, de travailler, de se nourrir, de s'éclairer, de se chauffer.
De l'accès à l'énergie dépendent bien souvent la santé, l'hygiène, l'éducation. L'énergie contribue à la vitalité économique de notre pays, elle est créatrice d'emplois et de richesses.
L'énergie a pleinement vocation à demeurer un service public, au service de toutes et de tous, répondant aux besoins de la population et contribuant au développement économique des territoires.
Livrer à la concurrence et aux intérêts financiers privés cette ressource collective, c'est faire fi de l'intérêt général et obérer l'avenir du pays.
Il n'est pas pensable de régler cette question de manière aussi précipitée, dans un texte de circonstance et sous des prétextes qui ont d'ailleurs varié au fil des mois. Il est au contraire urgent d'y retravailler dans la sérénité et en ayant toutes les informations nécessaires.
Nous avons devant nous un gouffre inquiétant, menaçant d'incertitudes. Pour reprendre la formule de M. le ministre des finances, il nous est proposé, face au gouffre, d'aller de l'avant ! Pour notre part, nous suggérons à la majorité d'y réfléchir à deux fois avant de sauter.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de renvoyer ce texte devant la commission des affaires économiques. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Reiner, je vous rappelle que votre temps de parole était de quinze minutes. Or vous avez parlé vingt minutes et quatre secondes !
M. Robert Bret. Mais c'était très intéressant !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n'avez pas vu le temps passer !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'ai bien écouté notre collègue Daniel Reiner. Je ne répondrai pas à tous les sujets qu'il a évoqués puisque nous débattrons, demain et les jours suivants, d'un grand nombre d'entre eux.
Je répondrai aux arguments qu'il a utilisés pour demander le renvoi de ce texte à la commission, ainsi qu'à ceux qui ont été employés tout à l'heure par Michel Billout pour opposer la question préalable. Je m'exprimerai plus précisément sur ce qui figure dans l'objet de la motion n° 80 rectifié.
Je note au passage, monsieur Reiner, qu'en 2004 j'étais un rapporteur éminent et qu'en 2006 je suis simplement un rapporteur émérite ...
M. Guy Fischer. Idéologique !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... pour la célérité avec laquelle j'ai présenté mon rapport et mes amendements !
M. Jean-Pierre Bel. Expliquez-nous pourquoi vous avez changé d'avis !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Plus sérieusement, je suis bien obligé de convenir avec vous que nous avons eu connaissance de ce projet de loi dans des délais extrêmement serrés. Là où je suis moins d'accord, c'est quand vous dites que nous n'avons pas pu travailler sérieusement sur ce texte. Voilà plus de trois mois que, en tant que rapporteur, j'auditionne, je consulte et j'étudie les différentes propositions. J'ai auditionné près d'une centaine de personnes et j'ai revu certaines d'entre elles plusieurs fois.
Comme vous, j'ai suivi le débat qui a eu lieu depuis le 28 juin dernier, date à laquelle ce projet de loi a été présenté en conseil des ministres, au travers des médias et des travaux de l'Assemblée nationale. J'imagine que tous ceux qui sont intéressés par ce sujet ont également suivi ce débat.
M. Jean-Pierre Bel. Ils ne sont pas nombreux ce soir sur les travées de droite !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous avons été attentifs, pendant plus d'un mois et demi, à tous les propos qui ont été tenus sur le texte avant l'article 10. Nous étions donc en mesure de travailler sur l'ensemble du volet « directives », tout en continuant à nous intéresser à ce qui se disait plus particulièrement sur cet article 10 ; nous avons même été noyés sous les informations des médias !
Je tiens à remercier Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Les auditions à la fois des représentants des trois grands syndicats concernés par le sujet, des deux chefs d'entreprise et des ministres ont constitué une étape importante.
Je me suis également efforcé, dans mon rapport, d'éclairer du mieux possible les grands enjeux, comme les tenants et les aboutissants des différentes dispositions du projet de loi. Si, d'aventure, des points devaient être approfondis ou éclaircis, je m'efforcerai de répondre à vos différentes interrogations au fur et à mesure de l'examen des amendements.
Ensuite, dans l'objet de votre motion, monsieur le sénateur, vous indiquez que vous n'avez pas eu connaissance de la teneur du décret relatif à l'action spécifique de l'État dans le capital de GDF. C'est désormais chose faite, puisque le ministre a transmis aux groupes le projet de décret.
M. Daniel Reiner. On l'a eu hier !
M. Robert Bret. C'est un peu léger !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il vous a effectivement été remis hier après-midi.
Enfin, vous dîtes que nous devons donner un blanc-seing au Gouvernement dans la mesure où nous nous prononçons sans connaître la nature des négociations entre les entreprises et les autorités communautaires de la concurrence. Il y a du vrai, bien sûr, dans ce que vous dites. Mais, là encore, vous avez eu la possibilité de consulter les propositions communiquées par GDF.
Sur le fond, je rappelle qu'il ne peut en être autrement et que nous devons en discuter avant la décision des autorités de la concurrence. En effet, nous sommes appelés à statuer non pas sur la fusion de GDF et Suez, mais sur la privatisation de GDF. Il est dans tous les cas de figure indispensable d'adosser GDF à un partenaire industriel. Il se trouve que nous connaissons le nom de l'éventuel futur « marié ». Toutefois, le contrôle des concentrations de Bruxelles est une étape postérieure au cours de laquelle le Parlement ne peut rien, et cette étape aurait eu lieu de toute façon.
Enfin, il est évident que nous devons nous prononcer avant l'assemblée générale des actionnaires de l'entreprise qui va fusionner. Comment pourrait-il en être autrement ? Les actionnaires doivent avoir connaissance de l'étape parlementaire. Nous ne pouvons statuer en lieu et place d'une telle instance.
Si l'assemblée générale des actionnaires refusait le projet, il reviendrait au Gouvernement et à l'entreprise d'envisager un autre partenariat. A priori, je ne crois pas à un tel scénario, car le projet qui devrait suivre l'étape parlementaire est un beau projet industriel.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cette motion tendant au renvoi en commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Reiner, vous avez affirmé que ce projet de loi risquait d'entraîner d'importants changements. Je voudrais vous rassurer : nous avons fait en sorte que ce texte n'affecte pas les prérogatives de l'État.
Ainsi, nous pourrons continuer à gérer de la même façon les tarifs, qui resteront réglementés. Si nous avons décidé de transposer dans la loi les dispositions européennes, c'est justement pour pouvoir maintenir les tarifs réglementés de l'électricité et du gaz.
Nous avons inscrit les modalités de cette réglementation dans les lois de 2000, 2003 et 2005, et nous les réaffirmons dans la loi de 2006. Nous avons également fait figurer le principe d'une évolution limitée à l'inflation des tarifs de l'électricité dans le contrat de service public signé entre l'État et EDF. Il n'y a donc aucune raison de s'inquiéter.
Monsieur Reiner, vous vous préoccupez également des futures évolutions règlementaires ou des nouvelles directives qui pourraient être adoptées par l'Union européenne dans ce domaine. Dès lors que tout le monde souhaite la mise en place d'une politique européenne de l'énergie, quelle sera la prochaine étape ?
À ce jour, les propositions de la Commission ne sont pas publiques, mais nous les connaissons en partie, car nous participons à leur élaboration. Or il n'est nullement question d'une évolution réglementaire qui remettrait en cause les directives en vigueur.
Nous travaillons dans un cadre européen que nous connaissons bien. Il sera perfectionné, afin, par exemple, de développer une analyse commune des 25 États membres de l'Union ; je pense aux avantages et inconvénients de chaque énergie, à la liste des investissements stratégiques nécessaires à l'échelle européenne, à la fixation d'objectifs communs en matière d'énergies renouvelables ou de réduction des émissions de CO2, ou encore à l'évolution des normes pour l'incorporation de biocarburants.
De nombreuses réformes utiles sont donc mises en chantier au niveau européen. Toutefois, aucun des projets étudiés ne porte spécifiquement sur les tarifs de l'énergie ni sur leurs effets sur l'économie.
Monsieur Reiner, vous avez évoqué les prix de l'électricité. Ceux-ci ont effectivement beaucoup augmenté. Certains veulent déduire de cette hausse que la libéralisation du marché a été un échec. La réalité est évidemment beaucoup plus complexe.
L'ouverture du marché aux professionnels a été une bonne affaire pour eux au départ. C'est lorsque les capacités nécessaires « en pointe » ou « en base » se sont trouvées insuffisantes pour assurer, en toute circonstance, une distribution d'électricité convenable que les prix ont eu tendance à croître, pour se rapprocher progressivement du niveau nécessaire à l'amortissement d'un investissement nouveau dans un pays comme l'Allemagne.
En outre, tous les producteurs d'électricité européens se sont vu attribuer des quotas de CO2, dont ils ont répercuté le coût, comme s'ils l'avaient supporté, dans les prix qu'ils facturaient au marché.
Deux effets indépendants des mécanismes de la concurrence ont donc joué.
Certes, ce constat, ne change rien à réalité de la hausse des prix. Il inspire le dispositif du tarif de retour. Tant que le coût des tonnes de CO2 émises sera inclus dans le prix du kilowattheure - ce qui constitue une anomalie -, il est légitime d'essayer de neutraliser cet effet au travers d'un tarif transitoire de retour. Ainsi, nous apporterons une solution pratique, à court terme, à un problème qui, naturellement, préoccupe beaucoup les entreprises.
L'année dernière, nous avons mis en place un dispositif destiné aux industriels les plus intensifs en électricité, dits « électro-intensifs ». Il n'est pas encore opérationnel, mais un consortium a été créé.
Nous avons toujours été particulièrement attentifs à la résolution concrète des problèmes liés à l'augmentation du prix du marché de l'électricité. Les réponses que nous apportons, en maintenant le tarif réglementé ou en permettant le retour à un tarif transitoire, sont celles que nous pouvons mettre en oeuvre dans le cadre des directives européennes.
Monsieur Reiner, vous voyez qu'avec ce texte l'État conserve toutes ses prérogatives, et même renforce et clarifie les obligations de service public. Celles-ci figurent non seulement dans la loi, mais aussi dans les contrats de service public, qui engagent les entreprises sur une longue durée.
Par ailleurs, vous vous inquiétez des implications sociales et économiques de cette réforme. S'agissant du volet social, le présent projet de loi ne prévoit aucun changement de situation pour les personnels, et le Gouvernement a engagé une démarche pour préciser le champ d'application du statut en traitant le cas des commercialisateurs.
En outre, vous le savez, ce texte fixe un tarif social du gaz.
M. Thierry Repentin. Il faudrait élargir son champ d'application !
M. Guy Fischer. On espère qu'il sera vraiment social !
M. François Loos, ministre délégué. À l'instar du tarif social de l'électricité, il permettra de résoudre de nombreuses difficultés concrètes.
M. Guy Fischer. Il faudra en débattre !
M. François Loos, ministre délégué. C'est le gouvernement actuel qui a pris les décrets d'application nécessaires à la mise en oeuvre du tarif social de l'électricité, auquel le tarif social du gaz viendra ajouter ses avantages.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 80, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 8 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 124 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
12
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI »
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2006-905 du 20 juillet 2006 relative à diverses mesures d'amélioration des régimes d'assurances contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés et des non salariés agricoles.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 16, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
13
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 15, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
14
DÉPÔT D'unE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi tendant à encadrer les indemnités de déplacement des conseillers généraux et des conseillers régionaux, notamment lorsqu'ils sont domiciliés à l'étranger.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 13, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
15
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre vert sur les technologies de détection dans le travail des services répressifs, des douanes et d'autres services de sécurité.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3259 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant un programme communautaire d'étiquetage relatif à l'efficacité énergétique des équipements de bureau (Refonte).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3260 et distribué.
16
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de M. Henri de Richemont un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de M. Philippe Marini instituant la fiducie (n° 178, 2004-2005).
Le rapport sera imprimé sous le n° 11 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la proposition de loi de M. Jean Arthuis portant diverses dispositions intéressant la Banque de France (n° 347, 2005-2006).
Le rapport sera imprimé sous le n° 12 et distribué.
J'ai reçu de M. Bernard Barraux un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif au raccordement de l'autoroute A 35 à la route nationale N 2 entre Bâle et Saint-Louis (n° 331, 2005-2006).
Le rapport sera imprimé sous le n° 14 et distribué.
17
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 12 octobre 2006, à neuf heures trente, quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 3, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie ;
Rapport (n° 6, 2006-2007) de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission des affaires économiques ;
Avis (n° 7, 2006-2007) présenté par M. Philippe Marini au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Conclusions de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation (n° 12, 2006-2007) sur la proposition de loi portant diverses dispositions intéressant la Banque de France, présentée par M. Jean Arthuis (n° 347, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 octobre 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 octobre 2006, à seize heures.
Conclusions de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (n° 11, 2006-2007) sur la proposition de loi instituant la fiducie, présentée par M. Philippe Marini (n° 178, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 octobre 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 octobre 2006, à seize heures.
Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants (n° 483, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 octobre 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 octobre 2006, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD