compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Secteur de l'énergie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (n° 3, 2005-2006, n°s 6, 7).
Rappel au règlement
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention est relative à l'organisation des débats et au travail de la commission des affaires économiques.
Jeudi dernier, deux révélations importantes ont été faites au cours de nos débats et en ont légitimement perturbé le bon déroulement.
Premièrement, la presse a annoncé la volonté de M. Pinault d'acquérir la branche « environnement » du groupe Suez. Cette opération, très importante si elle se déroulait, mettrait à mal, de toute évidence, le projet de fusion entre GDF et Suez, projet qui légitime, aux yeux du Gouvernement, la privatisation.
J'ai noté que M. Poniatowski, rapporteur, avait alors parlé de « ragots » en évoquant ces articles de presse. Mais nous n'en sommes plus là puisque M. Breton a annoncé hier, à l'Assemblée nationale, l'ouverture d'une enquête de l'Autorité des marchés financiers pour vérifier qu'il « n'y avait pas de problème » sur le cours en bourse de Suez.
M. Guy Fischer. Ah !
M. Yves Coquelle. De toute évidence, notre débat se déroule avec en toile de fond une bataille financière particulièrement opaque, dont personne ne peut dire qui en sortira vainqueur.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Yves Coquelle. Dans ces conditions, le Sénat peut-il continuer de débattre d'un projet de loi qui conduit GDF vers l'inconnu et le pousse au démantèlement ?
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Bien sûr que non !
M. Yves Coquelle. Peut-on décider de cette privatisation alors que chaque semaine amène son lot de révélations ?
Monsieur le ministre, alors que vous jurez la main sur le coeur respecter la transparence...
M. Yves Coquelle. ...n'est-il pas étonnant que vous ayez déclaré sans sourciller hier, à l'Assemblée nationale, en réponse à une question au Gouvernement relative à l'intervention de François Pinault : « Le projet auquel vous avez fait allusion, élaboré en juin, est tombé en septembre. Pourquoi a-t-il été exhumé et dans l'intérêt de qui ? Voilà ce que l'AMF va examiner ! »
Cela signifie-t-il que le Gouvernement a mené les débats à l'Assemblée nationale sans informer les députés du plan financier qui s'ourdissait ? (Eh oui ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Toujours des mensonges !
M. Yves Coquelle. Cela veut-il dire que vous entendez poursuivre les débats sans savoir qui trame quoi, sans savoir à qui le bien public va être bradé ? Il s'agit non pas d'une simple spoliation, mais d'une dilapidation de la propriété publique !
Avant de reprendre notre discussion, nous devons être éclairés sur les tractations qui sont menées autour de l'action Suez. Monsieur le ministre, le Parlement a non seulement son mot à dire quand les requins tournent autour de leur proie, mais il a également le devoir, je dirai même le devoir constitutionnel, de protéger le bien de la nation. Vous devez donc nous répondre sur ce point.
Deuxièmement, nous ne pouvons reprendre les débats sans connaître précisément les conséquences des nouvelles exigences de la Commission européenne sur les actifs de GDF et de Suez. Une dépêche d'agence - encore une, me direz-vous ! - ...
M. Roland Muzeau. Il faut interdire la presse !
M. Yves Coquelle. ... a annoncé une augmentation significative des cessions, confirmant là aussi le démantèlement. Quel intérêt de fusionner si le futur groupe équivaut en puissance à GDF aujourd'hui ? Monsieur le ministre, qu'en est-il du nouveau calendrier de l'éventuelle fusion ?
Au nom du groupe CRC, je demande que vous apportiez ici même et maintenant une réponse à toutes ces questions, et je maintiens ma demande de suspension des débats. En effet, est-il envisageable de poursuivre nos travaux, alors que l'Autorité des marchés financiers enquête sur le contexte de la privatisation de Gaz de France ?
En tout état de cause, je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance pour permettre à chacun de réfléchir sur ce contexte nouveau et pour que la commission et le Gouvernement nous apportent des réponses circonstanciées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Coquelle.
La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Coquelle, je vais vous redire bien volontiers - car il n'y a rien à cacher - ce que j'ai déjà eu l'occasion de préciser hier, lors de la réunion de la commission des affaires économiques, au cours de laquelle vous m'avez posé plusieurs questions.
Tout d'abord, je le rappelle - et, avec François Loos, nous le rappellerons tous les jours pendant cette discussion - il s'agit ici de procéder à la transposition des directives « Énergie », dans le cadre de la loi énergie, transposition en faveur de laquelle vous allez bientôt, je l'espère, voter, puisque nous allons entrer dans le vif du sujet avec l'examen de l'article 1er relatif à l'éligibilité de tous les consommateurs d'électricité. Ensuite, il s'agit de donner à Gaz de France les moyens d'aller de l'avant et de nouer les alliances qui lui permettront de répondre aux défis de ce que j'ai appelé « la guerre énergétique », dans laquelle nous sommes désormais entrés. Ni plus ni moins !
J'imagine que, tout au long de ce débat, vous allez nous interroger sur le temps d'après, sur les projets, sur la fusion Suez-Gaz de France, comme vos collègues de l'Assemblée nationale l'ont fait, jour et nuit, pendant quatre semaines. Pardonnez-moi de vous le dire, mais telle n'est pas la question sur laquelle vous allez légiférer.
Toutefois, compte tenu de la bonne volonté du Gouvernement à l'égard du Parlement, et notamment de la Haute Assemblée - ce qui est, du reste, la moindre des choses -, je répondrai à vos interrogations, qui ne concernent pas, je le répète, le texte sur lequel vous allez vous prononcer,...
M. Yves Coquelle. C'est l'article 10 !
M. Thierry Breton, ministre. ... ni même l'article 10 !
Vous m'avez interrogé sur des allégations de presse qui, la semaine dernière, ont laissé penser que plusieurs groupes énergétiques ont eu, il y a un certain temps, des velléités de mouvements stratégiques, notamment s'agissant du groupe Suez. Mais celles-ci étaient antérieures à la convocation, par le Président de la République, du Parlement en session extraordinaire pour lui demander précisément si, oui ou non, il était prêt à donner à Gaz de France la possibilité d'aller de l'avant, et dans quelles conditions. Du reste, outre le groupe Suez, ce fut aussi le cas d'Endesa, entreprise sur laquelle E.ON a réussi une OPA, et du groupe britannique Centrica, entre autres.
Tout cela est exact, et je tiens à dire que, au cours des semaines et des mois qui viennent, tous les acteurs de l'énergie, qu'ils soient européens ou mondiaux, auront ces velléités de contrôle, car nous sommes entrés dans le jeu des concentrations.
Dans le cadre des réflexions en cours, la presse a rapporté qu'un groupe avait l'intention de procéder à une alliance. Nous avons déjà vécu de telles situations ! C'est à mes yeux un « psychodrame furtif » : cela passe !
En tout état de cause, la presse a révélé que cette éventualité avait été examinée au mois de juin et qu'avait été prévue, comme toujours dans de tels cas, une échéance au-delà de laquelle le projet n'était plus valable. Tout comme vous, monsieur le sénateur, je lis la presse, et il semblerait que le projet ait été invalidé le 30 septembre dernier, ce que les groupes italien et français concernés ont d'ailleurs confirmé. Si vous me permettez cette expression au sein de la Haute Assemblée, ce temple républicain, la messe est dite !
Telle est la réponse très claire que je puis vous apporter et qui a été elle-même apportée par les deux entreprises concernées.
Une fois que le Sénat aura pris le temps de délibérer, notamment sur le fameux article 10, et aura décidé d'adopter ce texte à l'issue de la réunion de la commission mixte paritaire, ce que souhaite le Gouvernement, nous entrerons, comme je l'ai déjà indiqué, dans la troisième phase du projet, c'est-à-dire celle des projets industriels.
On sait, car ce n'est un secret pour personne - et c'est bien la moindre des choses que le Parlement soit informé en temps réel -, que les deux entreprises concernées, Gaz de France et Suez, ont engagé des discussions depuis un certain nombre de mois et ont l'intention de bâtir un projet commun. Toutefois, ce troisième temps ne sera possible qu'après l'adoption du présent texte par le Parlement, et en l'occurrence le Sénat.
Durant ce troisième temps, ce sont les entreprises qui définiront les modalités de leur projet industriel et qui le proposeront à leur conseil d'administration. Je précise que, pour ce qui concerne Gaz de France, l'État y est majoritairement représenté et il jouera tout son rôle, choisissant de soutenir ou non ce projet en fonction des intérêts dont il est le garant.
Dès lors que les entreprises auront mis au point leur projet et que toutes les informations auront été communiquées par le biais du conseil d'administration, j'informerai la commission des affaires économiques des modalités finales de ce projet. Je ne doute pas, à titre personnel, que celui-ci parvienne à son terme, car c'est, me semble-t-il, un bon projet. Après discussion, je donnerai les instructions nécessaires aux administrateurs de Gaz de France pour qu'ils soutiennent ou non ce projet, et ce dans l'intérêt, je le répète, de l'État.
M. Yves Coquelle. Il sera trop tard !
Mme Hélène Luc. Mais si !
M. Thierry Breton, ministre. ...dans la mesure où nous aurons respecté les temps utiles et où il s'agit d'un bon projet ; ce sont les entreprises elles-mêmes qui le qualifient comme tel, et nous n'avons aucune raison d'en douter, car ce projet protège tant les intérêts des consommateurs que les intérêts stratégiques auxquels nous sommes attachés et il assure la sécurité énergétique de la France.
J'en viens à l'Autorité des marchés financiers, qui sera amenée à se prononcer puisqu'il s'agit de deux entreprises cotées. À partir du moment où des velléités de fusion ont été annoncées, il est de coutume, je n'ai cessé de le répéter, que l'AMF surveille plus étroitement ce qui se passe sur les titres des sociétés concernées. C'est le cas ici puisque GDF et Suez ont annoncé leur volonté de travailler ensemble pour bâtir un projet industriel.
Il est parfaitement normal que l'AMF accroisse sa surveillance à l'approche de la phase opérationnelle de la fusion afin de veiller à l'absence d'irrégularités sur les cours. Les événements de la semaine dernière vont évidemment être pris en compte dans le cadre de ce contrôle.
Voilà la réponse très précise à votre première question, Monsieur Coquelle.
Votre seconde question concerne la position des deux entreprises vis-à-vis de la Commission européenne. Plusieurs d'entre vous, sur les travées du groupe socialiste et peut-être plus encore sur celles du groupe CRC, se sont interrogés sur le fait de savoir si c'est la France, c'est-à-dire la DGCCRF, ou la Commission européenne qui est compétente. Il s'agissait en particulier d'étudier si un autre projet alternatif - car de tels projets n'existent pas uniquement dans la presse ! - aurait pu fonctionner. La réponse est claire : c'est la Commission qui est compétente, (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame.), car GDF réalise plus d'un tiers de son chiffre d'affaires en dehors des frontières nationales.
En vertu de cette compétence, la Commission européenne a donc légitimement envoyé une lettre de griefs, dont vous avez eu connaissance. Le 20 septembre dernier, les entreprises ont proposé plusieurs remèdes qui ramenaient le périmètre global de GDF et Suez - bien que ce ne soit pas le sujet, je réponds à votre question, monsieur Coquelle - à 1009 térawattheures les achats de gaz potentiel. L'ensemble GDF-Suez devient, et de très loin, le premier acheteur et opérateur européen de gaz et le premier opérateur mondial de gaz naturel liquéfié.
Avec les derniers remèdes proposés le 13 octobre par les deux entreprises, ce chiffre est ramené de 1009 à 974 térawattheures, soit une baisse d'un peu moins de 3 %. Le même périmètre est donc maintenu et GDF-Suez reste toujours, de très loin, comme nous le voulions, le premier acteur européen, le premier acheteur européen, et le premier opérateur mondial de gaz naturel liquéfié.
Les dernières propositions ont évolué de façon marginale. Toutefois, conformément à l'engagement que j'avais pris et en raison des sollicitations d'un certain nombre de présidents de groupe de la Haute Assemblée, transmises au président de la commission des affaires économiques, lorsque nous avons eu ces nouvelles informations, c'est-à-dire vendredi soir, nous les avons communiquées au rapporteur dès le samedi matin. Le mardi suivant, sans attendre, François Loos et moi-même étions invités par le président de la commission à dialoguer avec tous ceux qui voulaient avoir des réponses plus précises.
Et le Gouvernement continuera à agir ainsi, car il souhaite donner à la Haute Assemblée toute information lui permettant d'être parfaitement éclairée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir rappelé aujourd'hui les explications fort précises que vous avez très longuement développées hier devant les sénateurs membres de la commission des finances et de la commission des affaires économiques.
Monsieur Coquelle, nous avons débattu de ces sujets mardi après-midi et mardi dans la nuit, mercredi après-midi et mercredi dans la nuit, jeudi matin, jeudi après-midi et jeudi dans la nuit. Or nous n'avons toujours pas commencé l'examen de l'article 1er ! Je souhaite que nous ne prenions pas trop de retard dans la discussion de cet article. Comme vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, le titre 1er du projet de loi est important.
M. le président. Je ne vais donc pas suspendre la séance, monsieur Coquelle. Du reste, je suis saisi de six demandes de parole sur l'article 1er, lesquelles devraient éclairer notre assemblée.
M. Yves Coquelle. Je voudrais ajouter quelques mots...
M. le président. Vous n'avez plus la parole, monsieur Coquelle ! Vous interviendrez tout à l'heure sur l'article.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 1er.
Article 1er
I A. - Dans le dernier alinéa du II de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, après les mots : « Électricité de France », sont insérés les mots : « pour les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, la société gestionnaire issue de la séparation juridique imposée à Électricité de France par l'article 13 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières », les mots : « aux cahiers des charges » sont remplacés par les mots : « celles des cahiers des charges », et les mots : « aux règlements de service » sont remplacés par les mots : « des règlements de service ».
I B. - Dans le dernier alinéa du III de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, après les mots : « qu'ils accomplissent », sont insérés les mots : «, pour les clients raccordés aux réseaux de distribution, ».
I. - Le début du 1° du III de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est ainsi rédigé :
« La fourniture d'électricité aux clients qui n'exercent pas les droits mentionnés à l'article 22, en concourant à la cohésion sociale au moyen de la péréquation géographique nationale des tarifs, de la mise en oeuvre de la tarification spéciale «produit de première nécessité» mentionnée à l'article 4, du maintien de la fourniture d'électricité en application de l'article L. 115-3 du code... (le reste sans changement). »
I bis. - Dans le 2° du III de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, la référence : « V de l'article 15 » est remplacée par la référence : « IV bis de l'article 22 ».
I ter. - Le 3° du III de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est abrogé.
I quater. - Le V de l'article 15 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est ainsi rédigé :
« V. - Chaque producteur d'électricité raccordé aux réseaux publics de transport ou de distribution et chaque consommateur d'électricité, pour les sites pour lesquels il a exercé les droits accordés au III de l'article 22, est responsable des écarts entre les injections et les soutirages d'électricité auxquels il procède. Il peut soit définir les modalités selon lesquelles lui sont financièrement imputés ces écarts par contrat avec le gestionnaire du réseau public de transport, soit contracter à cette fin avec un responsable d'équilibre qui prend en charge les écarts ou demander à l'un de ses fournisseurs de le faire.
« Lorsque les écarts d'un responsable d'équilibre compromettent l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau, le gestionnaire du réseau public de transport peut le mettre en demeure de réduire ces écarts dans les huit jours.
« Au terme du délai mentionné ci-dessus, si la mise en demeure est restée infructueuse, le gestionnaire du réseau public de transport peut dénoncer le contrat le liant au responsable d'équilibre.
« Il revient alors au fournisseur correspondant ayant conclu avec ce responsable d'équilibre un contrat relatif à l'imputation financière des écarts de désigner un nouveau responsable d'équilibre pour chaque site en cause. À défaut, les consommateurs visés par lesdits sites bénéficient d'une fourniture de secours dans les conditions visées à l'article 22. »
I quinquies. - Le VI de l'article 15 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est abrogé.
I sexies. - La dernière phrase du deuxième alinéa du IV de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est supprimée.
I septies. - Après le IV de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV bis. - Afin de prendre en compte le bon fonctionnement, la sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité, et de contribuer à la protection des consommateurs contre les défaillances des fournisseurs ainsi qu'à la continuité de leur approvisionnement, le ministre chargé de l'énergie peut interdire sans délai l'exercice de l'activité d'achat pour revente d'un fournisseur lorsque ce dernier ne s'acquitte plus des écarts générés par son activité, lorsqu'il ne satisfait pas aux obligations découlant du quatrième alinéa du V de l'article 15, lorsqu'il ne peut plus assurer les paiements des sommes dues au titre des tarifs d'utilisation des réseaux résultant des contrats qu'il a conclus avec des gestionnaires de réseaux en application du septième alinéa de l'article 23 ou lorsqu'il tombe sous le coup d'une procédure collective de liquidation judiciaire.
« Dans le cas où le ministre chargé de l'énergie interdit à un fournisseur d'exercer l'activité d'achat pour revente, les contrats conclus par ce fournisseur avec des consommateurs, avec des responsables d'équilibre et avec des gestionnaires de réseaux sont résiliés de plein droit à la date d'effet de l'interdiction.
« Le ou les fournisseurs de secours sont désignés par le ministre de l'industrie à l'issue d'un ou plusieurs appels d'offres. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions et modalités d'application du présent article.
« Ce décret fixe également les conditions selon lesquelles le fournisseur de secours se substitue au fournisseur défaillant dans ses relations contractuelles avec les utilisateurs et les gestionnaires de réseaux. »
I octies. - Le III de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les autorités organisatrices de la distribution publique mentionnées au dernier alinéa du II du présent article sont les autorités organisatrices du service public de la fourniture d'électricité aux clients raccordés à un réseau de distribution qui n'exercent pas les droits mentionnés à l'article 22. »
I nonies. - Dans l'avant-dernier alinéa du II de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, après les mots : « la part des coûts d'extension », sont insérés les mots : « et de branchement ».
I decies. - Dans les quatrième, sixième, septième et huitième alinéas de l'article 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, les mots : « la contribution » sont remplacés par les mots : « la part relative à l'extension de la contribution ».
I undecies. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, les mots : « cette contribution » sont remplacés par les mots : « la part relative à l'extension de cette contribution ».
II. - Le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est ainsi rédigé :
« Tout consommateur final d'électricité peut, pour chacun de ses sites de consommation, librement choisir son fournisseur d'électricité. Tout consommateur domestique a le droit à la tarification spéciale «produit de première nécessité» mentionnée à l'article 4 de la présente loi s'il réunit les conditions fixées pour le droit à cette tarification. Un décret en Conseil d'État précise, le cas échéant, les conditions d'application du présent alinéa. »
III. - Dans les premier et troisième alinéas du I et le dernier alinéa du II de l'article 4, les 1° et 2° du I et le 1° du II de l'article 5, et les premier et troisième alinéas de l'article 46-4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, les mots : « tarifs de vente de l'électricité aux clients non éligibles » ou « tarifs de vente aux clients non éligibles » sont remplacés par les mots : « tarifs réglementés de vente d'électricité ».
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme on peut le lire tant dans l'exposé des motifs que dans les dispositions, cet article 1er vise, concrètement, à ouvrir à la concurrence entre opérateurs la fourniture d'électricité, y compris domestique.
À la vérité, chacun le sait, cette orientation nous est proposée par la législation européenne, même si la question est loin d'être tranchée.
Il s'agit d'aboutir, dans des délais brefs - en l'occurrence au 1er juillet 2007 au plus tard - à l'ouverture intégrale du marché de l'électricité, selon les principes mêmes de la législation européenne tels qu'ils ont été fixés par le traité de l'Union.
Au demeurant, dans quelle situation sommes-nous ?
Première observation, qui n'est pas mineure, le traité de l'Union, s'il trouve aujourd'hui à s'appliquer, se situe aussi dans le cadre d'une construction institutionnelle en attente de redéfinition.
Jusqu'à plus ample informé, au printemps 2005, les peuples de deux des États fondateurs de l'Union ont refusé le processus constituant qui leur était présenté, et dont les fondements inspirent - c'est une lapalissade - la plus grande part des directives européennes.
Mais au-delà, sur la question précise qui nous occupe, nous ne pouvons décemment faire comme si de rien n'était. L'ouverture à la concurrence de segments potentiels de marché toujours plus larges est-elle l'indépassable horizon de la construction européenne ?
Les consommateurs ont-ils nécessairement à gagner à voir émerger, dans le domaine de l'électricité, une concurrence entre opérateurs dont il est à craindre que l'un des premiers résultats sera d'engloutir des sommes toujours plus importantes dans des budgets promotionnels en lieu et place de tout effort sur les objectifs fondamentaux de l'alimentation énergétique du pays, qu'il s'agisse de la qualité des infrastructures ou de la prestation fournie ?
Posons la question autrement : les consommateurs domestiques français ont-ils réellement intérêt à choisir d'autres opérateurs que l'opérateur historique EDF, ne serait-ce qu'au travers de l'expérience de l'ouverture à la concurrence d'autres secteurs d'activité et d'autres champs de la vie quotidienne ?
Ainsi, par exemple, nous risquons de parvenir, dans un certain nombre de cas, à l'émergence d'une concurrence stérile et coûteuse entre Électricité de France et Gaz de France sur des segments de clientèle concernés par l'un ou l'autre des coeurs de métier de chacun des deux opérateurs publics.
De la même manière, il conviendrait sans doute, au vu de l'expérience qui a pu se mener en Europe, de s'interroger sur la complète pertinence d'une ouverture des marchés énergétiques qui semble assez loin de répondre aux objectifs en apparence généreux dont elle a été parée par la Commission européenne.
Un examen critique, concret, s'appuyant sur les réalités vécues par les pays ayant mis en oeuvre les actuelles directives, doit être réalisé au plus tôt, et la France peut d'ailleurs être à l'initiative de cette démarche critique nécessaire.
En lieu et place du courage politique, cet article 1er consacre en fait le plus pur suivisme, l'abandon programmé de nombre des principes qui fondent le socle du pacte républicain.
La constitution d'un marché concurrentiel de l'énergie et son ouverture ne sont donc pas qu'une question de simple transposition de mesures s'appuyant sur un traité de l'Union, d'ailleurs remis en cause par le peuple français lui-même.
Cette conception profonde de l'activité économique en ces domaines traduit tout bonnement un abandon de principes bien plus déterminant encore que toute cession partielle de capital d'une entreprise publique.
C'est en effet la nation elle-même que, d'une certaine manière, vous offrez sur un plateau d'argent à la concurrence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le titre 1er du projet de loi modifie le cadre juridique du client éligible en permettant à ce dernier de choisir librement son fournisseur à compter du 1er juillet 2007.
Cette présentation qui met en avant le libre choix est attractive pour les usagers consommateurs, mais ceux-ci ont appris à se méfier des têtes de gondole mirifiques. En l'occurrence, la plupart de nos concitoyens savent très bien à quoi s'en tenir quant à la liberté de choix compte tenu de la concentration du secteur de l'énergie. En voyant les concentrations à l'oeuvre, ils savent que l'on s'oriente vers une clientèle a priori captive de quelques oligopoles.
En tout état de cause, l'article 1er donne la possibilité pour chaque ménage français de choisir un fournisseur. Je rappelle que, parmi les objectifs fixés par le Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002, figurait le libre choix du fournisseur pour tous les consommateurs européens autres que les ménages.
Le Premier ministre de l'époque s'était engagé personnellement à ce qu'il n'y ait pas d'ouverture du marché de l'électricité et du gaz aux clients résidentiels. Lors de la conférence de presse donnée à l'issue du Conseil européen le 16 mars 2002, il avait, à juste titre, souligné que « les expériences de libéralisation qui ont été conduites dans certains pays ne nous conduisent pas à penser qu'une ouverture à la concurrence sur le marché en direction des consommateurs entraîne automatiquement une baisse des prix, ce qui est quand même l'argument essentiel ».
D'ailleurs, Jacques Chirac lui-même, Président de la République, s'y était opposé clairement lors de la même conférence de presse.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Jean-Marc Pastor. Il est gênant de reprendre les propos du président actuel, mais je vais quand même les citer : « Alors, nous avons, naturellement, accepté d'ouvrir le marché de l'électricité aux entreprises, parce qu'il est normal que les entreprises puissent faire jouer la concurrence. Mais il n'était pas de notre point de vue admissible, acceptable d'aller plus loin et, donc, c'est bien la solution que nous souhaitions qui a été reconnue dans les conclusions ».
Or ce verrou a sauté le 25 novembre 2002, sous l'impulsion de Mme Fontaine, alors ministre déléguée à l'industrie du gouvernement de notre collègue Jean-Pierre Raffarin. En effet, à compter de cette date, la libéralisation des marchés de l'énergie a été déclarée directement applicable aux consommateurs.
Aussi, aujourd'hui, l'absence d'évaluation ne permet pas d'examiner sans un certain malaise ce projet de loi. Si un rapport relatif à l'état de la libéralisation de ces marchés a été publié par la Commission européenne en novembre 2005, l'évaluation souhaitée par le Conseil européen de Barcelone, c'est-à-dire l'examen des conséquences de telles libéralisations, n'est prévue qu'à la fin de l'année 2006, soit après l'examen par le Parlement français du présent texte.
Pourtant, même Nicole Fontaine, en novembre 2002, avait précisé qu'une telle ouverture totale devrait être précédée d'une évaluation. Cette évaluation aura bien lieu avant la date butoir de juillet 2007, mais après l'ouverture totale pour les secteurs de l'énergie français. Comprenne qui pourra !
Quant à la contrepartie exigée à Barcelone par le gouvernement de M. Jospin et promue alors par Jacques Chirac, à savoir l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général, elle semble avoir fait long feu, abandonnée par le Président de la République à la première occasion et par la droite accédant au pouvoir qui n'y a plus pensé. Rien n'a donc été fait depuis !
Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous nous présentez l'ouverture du marché à la concurrence, y compris pour les ménages, comme l'alpha et l'oméga en matière d'énergie, alors que ces ménages paient actuellement nettement moins cher - environ 30 % de moins - que le prix moyen du marché.
Nous continuons donc d'être farouchement opposés aux dispositions permettant l'ouverture à la concurrence pour les ménages.
D'ailleurs, si le prix réglementé augmente - comme on peut d'ores et déjà le prévoir, puisqu'il devrait y avoir convergence entre les tarifs réglementés et les prix du marché, selon le contrat de service public conclu en 2005 entre l'État et GDF -, ce seront évidemment les ménages qui supporteront les hausses, voire les réductions consenties aux entreprises.
M. Roland Courteau. Il fallait le rappeler !
M. Jean-Marc Pastor. Au reste, les prix du marché ne sont pas fixés en fonction des coûts, alors que la tarification publique d'EDF-GDF était assise sur les coûts de production et de transport de l'électricité. Les prix du marché sont tirés vers le haut par les cours du pétrole, du charbon ou du gaz, et sont largement influencés par les phénomènes spéculatifs, notamment en période de pénurie.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Pastor !
M. Jean-Marc Pastor. Précisons, même si cela va de soi, que la question du tarif réglementé relève non pas du législateur européen, mais du législateur national. Alors, monsieur le ministre, malgré le maintien des tarifs réglementés et le droit au retour, vous ne pourrez convaincre l'opinion publique, qui a pleinement conscience de l'effet des règles européennes en matière de concurrence, que vous voulez privatiser GDF pour mieux maintenir lesdits tarifs, car ce n'est pas vrai.
Par ailleurs, je rappelle que la privatisation de GDF n'a aucun lien direct avec la transposition de la directive européenne, mais nous y reviendrons lorsque nous examinerons l'article 10 du projet de loi.
M. Jean-Pierre Bel. Et longuement !
M. Jean-Marc Pastor. De toute manière, quelle sera la position de la Commission européenne ? Ne va-t-elle pas considérer les prix réglementés comme constituant des barrières à l'entrée de nouveaux concurrents dans la mesure où ils sont inférieurs aux prix du marché ? Lorsque l'ouverture de ce dernier sera totale, on ne voit pas bien, malgré les trésors d'imagination déployés par M. le rapporteur, comment vous pourrez maintenir des prix administrés, la distinction entre clients éligibles et non éligibles étant appelée à disparaître.
Dans ces conditions, le cadre interventionniste, dont vous vous servez comme d'un pare-feu, sera insuffisant. Les Français le savent ou le ressentent. Ne les entraînez pas dans le gouffre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la durée de chaque intervention sur un article ne peut excéder cinq minutes. Vous avez parlé sept minutes, monsieur Pastor. Je ne tolérerai pas d'autres dérapages. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, autant le dire d'emblée, nous nous interrogeons sur l'efficacité réelle de cette libéralisation en termes de baisse des prix. Ce doute avait déjà été exprimé avant même l'adoption de ces deux directives.
Permettez-moi de vous rappeler les propos de Lionel Jospin lors de la conférence de presse donnée à l'issue du Conseil européen de Barcelone, le 16 mars 2002 :
« D'abord, les expériences de libéralisation qui ont été conduites dans certains pays ne nous conduisent pas à penser qu'une ouverture à la concurrence sur le marché en direction des consommateurs entraîne automatiquement une baisse des prix, ce qui est quand même, l'argument essentiel. On a deux exemples, on a l'exemple de la Grande-Bretagne et on a l'exemple aussi de la Suède. [...] Ce dont parlait la presse suédoise, et ce que l'ambassadeur m'a décrit comme le problème majeur faisant l'actualité, c'était la hausse des tarifs qu'avaient entraînée pour les consommateurs suédois la privatisation et la libéralisation de l'électricité. Donc, soyons pratiques, cette démonstration n'a pas été établie.
« D'autre part, nous sommes un grand pays avec un vaste territoire et une population extrêmement dispersée, le tarif de l'électricité pour les consommateurs est plutôt inférieur en France à ce qu'il est dans les autres pays. Nous pourrions craindre, si cette ouverture des marchés à la fourniture aux consommateurs se faisait sans que des règles de service public aient été rappelées, que l'égalité d'accès, la péréquation sur le territoire n'entraîne, au moins pour notre pays, des hausses de prix plutôt que des baisses de prix. [...] Un certain nombre d'expériences malheureuses d'ailleurs aux États-Unis montrent que ces questions doivent être abordées avec beaucoup de prudence. Je dois ajouter que j'ai été d'ailleurs favorablement surpris de l'attitude de nos partenaires aujourd'hui. Certes, ils ont cette espèce d'allant de libéralisation, plus que nous, nous pour qui le service public est vraiment lié à notre identité, à notre culture, à notre modèle social, mais ils ont été assez ouverts à nos préoccupations, peut-être parce qu'ils ont fait ces expériences. »
Voilà qui est clair !
Je précise que nos amis suisses ont choisi, eux, de ne pas libéraliser leurs entreprises et leurs services publics. Il en résulte que des baisses importantes des prix du gaz et de l'électricité sont prévues cet automne.
Je me dois également de rappeler que, dans son avis du 8 mars 2002, le gouvernement de Lionel Jospin s'était clairement opposé au calendrier de libéralisation proposé par la Commission européenne.
M. Jean-Marc Pastor. C'était clair !
M. Roland Courteau. Lors du Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002, c'est bien grâce à la France, en particulier grâce à l'insistance de Lionel Jospin, que ce calendrier a pu être modifié et les échéances reculées.
Lionel Jospin a précisé, lors cette même conférence de presse, que « sur la libéralisation de l'énergie, nous avons obtenu que la date de 2004 soit retenue à la fois dans le domaine du gaz et de l'électricité pour l'ouverture aux professionnels. »
M. Jean-Marc Pastor. Eh oui !
M. Roland Courteau. « Nous avons donc accepté d'entrer dans le processus d'une libéralisation maîtrisée et progressive, mais nous ne l'avons fait qu'à partir du moment où ce qui était dit sur les services d'intérêt général, ce que nous appelons en France le service public, nous convenait. »
C'est encore plus clair !
C'est donc bien le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a accepté, le 25 novembre 2002, lors du Conseil « Énergie », par la voix de Mme Nicole Fontaine, qu'une date finale soit fixée pour la libéralisation totale de l'électricité et du gaz.
Quant aux deux directives qui ont suivi, elles n'ont pas été votées, je le rappelle une fois de plus, par les députés européens socialistes !
M. Jean-Marc Pastor. C'est clair !
M. Roland Courteau. Force est donc de constater que l'adoption de ces deux directives constitue une reddition sans conditions de la France s'agissant de sa conception du service public de l'énergie. L'introduction de la concurrence sans le mécanisme de sauvegarde de la péréquation tarifaire débouchera sur un paysage énergétique à deux vitesses, avec des risques de très fortes inégalités territoriales.
Chacun ici doit être prévenu, chacun ici devra assumer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour aller plus loin dans la discussion de cet article, permettez-moi de vous citer quelques extraits de la directive européenne sur l'énergie que l'article 1er du projet de loi transpose en partie.
Ainsi, l'alinéa 3 de l'article 3 de la directive dispose : « Les États membres veillent à ce que au moins tous les clients résidentiels et, lorsqu'ils le jugent approprié, les petites entreprises (à savoir les petites entreprises sont définies comme des entreprises employant moins de 50 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 10 millions d'euros) aient le droit de bénéficier du service universel, c'est-à-dire du droit d'être approvisionnés, sur leur territoire, en électricité d'une qualité bien définie, et ce à des prix raisonnables, aisément et clairement comparables et transparents. Pour assurer la fourniture d'un service universel. À cet effet, les États membres peuvent désigner un fournisseur du dernier recours. Les États membres imposent aux entreprises de distribution l'obligation de raccorder les clients à leur réseau aux conditions et tarifs fixés conformément à la procédure définie à l'article 23, paragraphe 2. Rien dans la présente directive n'empêche les États membres de renforcer la position sur le marché des consommateurs ménagers ainsi que des petits et moyens consommateurs en promouvant les possibilités de regroupement volontaire en vue de la représentation de cette catégorie de consommateurs.
« Le premier alinéa doit être mis en oeuvre d'une manière transparente et non discriminatoire et ne doit pas empêcher l'ouverture du marché prévue à l'article 21. »
Deux observations s'imposent.
La première, et non la moindre, c'est que chaque État membre de l'Union est habilité à prendre toute disposition pour protéger les consommateurs résidentiels et éviter qu'ils ne soient victimes de prix inadaptés à leurs possibilités financières.
Cette possibilité, ouverte par la directive - ce qui témoigne de quelques-unes de ses contradictions internes -, nous vous inviterons à l'appliquer au travers de la discussion et, nous l'espérons, de l'adoption des amendements que nous avons déposés sur cet article 1er.
La seconde observation, c'est que le simple fait que le législateur européen ait prévu cette possibilité montre qu'il n'est pas lui-même convaincu du bien-fondé absolu de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité. Il en est d'ailleurs si peu convaincu qu'il prévoit expressément qu'il puisse y avoir à la fois un service universel, même si c'est un service public au petit pied, et que des dispositions puissent être prises pour ceux qui, à la vérité, n'auront pas vraiment le choix.
In fine, ces dispositions démontrent presque le caractère extrêmement discutable de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité. Par ailleurs, elles révèlent que la mise en concurrence des opérateurs sur ce marché ne se traduira pas nécessairement par la réduction du tarif clientèle, de même qu'elle n'assurera pas la sécurité d'approvisionnement.
Quelques éléments viennent corroborer notre sentiment profond sur les dispositions de cet article.
Ainsi, la majorité des députés européens français n'ont pas soutenu en 2003 le projet de directive sur le gaz ni celui sur l'électricité, les textes des deux directives étant d'ailleurs particulièrement proches. En effet, ni les députés socialistes français, ni les députés de la Gauche unitaire européenne, ni les députés non inscrits, régionalistes, écologistes ou divers droite siégeant alors au Parlement européen n'ont apporté leur soutien à ces directives.
C'est d'ailleurs tout à l'honneur de ces parlementaires d'avoir fait ce choix, et ce alors même que ce sont un député social-démocrate allemand et un député écologiste belge qui ont soutenu le texte modifié de ces directives.
Au-delà, le simple fait de laisser entendre que pourrait subsister un tarif réglementé pour le gaz comme pour l'électricité signifie tout simplement que la hausse programmée et continue du prix de l'énergie est inscrite en creux dans l'article 1er. Derrière l'illusion de l'égalité des parties contractantes - le consommateur d'un côté, le fournisseur d'énergie de l'autre -, se profilent la flambée des prix, l'assujettissement permanent à la spéculation.
Telles sont les réalités qui doivent être au coeur de la discussion de l'article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il a été question à maintes reprises, au cours de ce débat, de « guerre énergétique », mais personne, pas même M. le ministre, n'a évoqué les dégâts. Or, comme dans toute guerre, de multiples dégâts collatéraux se font jour.
Il en est un des plus graves : la survie des industries papetières confrontées à l'augmentation du coût de l'énergie, en l'occurrence l'électricité, dont il est question dans cet article. Nous insistons, car cette situation est dénoncée non seulement par le groupe CRC, mais par l'ensemble des acteurs de cette industrie.
J'en veux pour preuve les différentes assises régionales sur l'avenir de cette filière, organisées par un syndicat de cette branche, la Filpac-CGT, la Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication, auxquelles participent des représentants de la COPACEL, la Confédération française de l'industrie des papiers, cartons et celluloses, le MEDEF des papetiers.
Ainsi, le 28 septembre dernier, à Grenoble, lors des assises régionales de l'industrie papetière et de l'emploi en Rhône-Alpes, auxquelles je participais, M. Leriche, représentant de la COPACEL, s'est montré alarmiste ; il a déclaré : « Nous sommes en apnée. Pour certains établissements, la survie est une question de semaines. »
L'accusé principal est le coût de l'énergie, énergie dont les papetiers sont gourmands. L'organisation patronale veut croire en l'efficacité du consortium qu'elle a mis sur pied. C'est une façon de revenir à EDF, après un approvisionnement sur le marché concurrentiel où elle a subi les aléas de la Bourse ! Ce groupement doit permettre d'acheter de l'électricité à moindre prix. Mais il ne réglera pas le problème des petites usines, qui n'y auront pas accès, le droit d'entrée dépassant de beaucoup leurs moyens.
Le Gouvernement restera-t-il sourd aux demandes des papetiers ? Apparemment oui, d'autant qu'en France ils ne représentent que 1 % de l'emploi salarié, contre 60 % dans les pays scandinaves, par exemple. Il n'est donc guère possible, avec un tel taux, de faire du lobbying, notamment à l'échelon européen.
Pour autant, la seule région Rhône-Alpes compte plus de la moitié des effectifs nationaux, soit 11 200 femmes et hommes, salariés dans 249 établissements, répartis comme suit : dans l'Ain, 20 établissements et 780 salariés ; en Ardèche, 14 établissements et 1 182 salariés ; dans la Drôme, 31 établissements et 1 611 salariés ; dans la Loire, 35 établissements et 1 095 salariés ; dans le Rhône, 70 établissements et 1 528 salariés ; en Savoie, 8 établissements et 659 salariés ; en Haute-Savoie, 8 établissements et 581 salariés. Enfin, le seul département de l'Isère, où j'ai l'honneur d'être élue, compte 63 établissements et 3 764 salariés !
Les principales entreprises sont ArjoWiggings, Cascades, Emin Leydier, qui a d'ailleurs racheté l'ensemble des actions de cette entreprise pour se mettre à l'abri d'un coup boursier, Matussière & Forest, Papeteries du Léman, SCA Hygiène Products, Papeterie de Voiron, Papeteries de Cran, Papeterie du Pont-de-Claix, Papeterie de Mancey...
Cette longue liste doit rappeler à chacun d'entre vous des dossiers, car ces entreprises sont installées en Rhône-Alpes, mais pas seulement : je pense notamment à Matussière & Forest, que le président du Sénat, M. Poncelet, connaît particulièrement !
Selon une étude produite par un cabinet d'expertise à l'occasion de ces assises, « cette industrie a déjà connu des phases d'ajustement, notamment à l'époque des chocs pétroliers ou lors des dévaluations compétitives des monnaies nordiques. Mais les creux faisaient partie des habitudes et étaient gérés par anticipation, la croissance restant tendanciellement au rendez-vous. »
Or ce n'est plus le cas ! « L'industrie papetière bénéficiait d'un atout important dans la compétition internationale à travers le prix de l'énergie, tout particulièrement celui de l'électricité. L'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques a conduit à la perte de cet avantage au cours des dernières années, alors même que l'avance prise par la France dans le domaine de l'énergie nucléaire aurait dû permettre aux entreprises françaises de disposer d'une énergie toujours plus compétitive. » C'est l'une des causes invoquées par Jean-Marie Nusse, président de la COPACEL, pour expliquer que l'industrie papetière française a connu en 2005 une année particulièrement difficile, marquée par une conjoncture économique défavorable et par de fortes augmentations de ses coûts.
Ainsi, dans l'industrie papetière comme ailleurs, les restructurations sont passées par là, laissant la place à la loi des grands groupes. Ces grands groupes pourront peut-être faire face à l'augmentation drastique du coût de l'énergie grâce au consortium qu'ils souhaitent mettre en place, mais ils laisseront sur le bord du chemin tout un tas de petites unités, dans lesquelles sont salariés des milliers de femmes et d'hommes, dont le savoir-faire est ignoré et qui sont transformés en variable d'ajustement.
Aussi, nous continuerons à combattre votre texte, monsieur le ministre, du premier au dernier article, et particulièrement l'article 10 qui légitime votre volonté de privatisation de GDF au détriment de l'intérêt du plus grand nombre. Nous continuerons d'exiger un grand pôle public de l'énergie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cet article 1er consacre l'ouverture complète à la concurrence des marchés français de l'électricité au 1er juillet 2007. Il pose le principe de l'éligibilité de tous les consommateurs, y compris les ménages. Vous semblez vous féliciter de ce nouveau démantèlement imposé au service public de l'énergie en vous retranchant derrière les décisions européennes, arguant que cet article n'est que la transposition d'une directive.
M. Josselin de Rohan. Eh oui !
Mme Bariza Khiari. Se retrancher ainsi derrière Bruxelles est pourtant trop facile. Ce serait oublier les moyens que vous offraient les conclusions du Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002 si vous aviez réellement souhaité résister aux pressions communautaires ; cela a déjà été rappelé.
Par pur dogmatisme, vous n'avez donc attendu la réalisation d'aucune de ces deux conditions : la directive-cadre sur l'énergie, ainsi que l'étude d'impact. Avant de vous lancer dans ce projet de privatisation incertain, vous auriez dû faire preuve de la volonté politique nécessaire pour exiger de la Commission qu'elle fournisse ces éléments essentiels.
La transposition que vous nous proposez aujourd'hui masque mal les problèmes réels qui restent en suspens. L'ouverture totale du marché de l'énergie pour les ménages entraînera inéluctablement - vous le savez bien, puisque cela a été le cas pour les entreprises - une hausse des tarifs.
Vous nous présentez cette dérégulation comme un droit nouveau pour les consommateurs. Vous savez pertinemment qu'il n'en sera rien, étant donné la concentration qui existe dans le secteur de l'énergie et le fait que les ménages comme les entreprises seront les clients captifs de quelques oligopoles privés.
M. Jean-Marc Pastor. Eh oui !
Mme Bariza Khiari. Bien au contraire, ce seront les consommateurs qui feront les frais de cette déréglementation.
Bien sûr, nos engagements communautaires nous obligent à transposer cette directive, comme l'a rappelé le Conseil d'État. Mais nous ne devons pas pour autant nous interdire de débattre des effets néfastes de cette dérégulation pour les ménages et pour notre économie.
La transposition que vous nous proposez préserve certes l'existence des tarifs régulés, mais dans quelles conditions ? Pour combien de temps ? Surtout, cette transposition opportune ne fera pas oublier la portée réelle de votre projet de loi, c'est-à-dire la privatisation de GDF pour satisfaire à des intérêts privés.
Privatisation, messieurs les ministres, réalisée dans un environnement qui bouge d'heure en heure. Nous avons assisté à une situation ubuesque, illustrée par ce qui est caractérisé par la loi des séries. Nous avons eu des rumeurs sur un tour de table Pinault-Enel, un conseil d'administration extraordinaire de GDF. Nous avons eu l'annonce de cession d'actifs qui, pour nous, est inacceptable. Nous avons eu également la réponse retardée du commissaire européen, sans motivation, ce qui est rarissime.
Évidemment, messieurs les ministres, vous connaissez l'importance du poste énergie dans le budget des ménages. Si la politique ne se fait pas à la corbeille, c'est la corbeille qui déterminera dorénavant le pouvoir d'achat de nos concitoyens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons décidé d'examiner séparément l'amendement n° 216 de suppression de l'article 1er déposé par notre collègue Yves Coquelle et les membres du groupe CRC, afin d'éviter la mise en discussion commune automatique des quatre-vingt-deux amendements déposés sur cet article.
L'amendement n° 216, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L'article 1er, en ouvrant l'éligibilité à tous les consommateurs finals, pose indirectement la question des tarifs, puisqu'il généralise à l'ensemble des foyers de consommation les risques d'augmentation du prix de l'énergie déjà subis jusqu'alors par les professionnels.
Or les conséquences tarifaires de l'ouverture complète du marché de l'énergie n'intéressent-elles pas au premier chef nos entreprises et nos concitoyens ? Nous pouvons dès lors avoir un aperçu de ces conséquences tarifaires en observant les chiffres de la hausse des prix à laquelle ont été soumis les professionnels, qui nous ont été fournis par le cabinet d'étude NUS Consulting.
On précisera en effet, avant de citer ces chiffres, que le gouvernement en place veut franchir un cap décisif avec cette loi sans avoir, au préalable, réalisé le moindre bilan complet des conséquences de la libéralisation des services menée tambour battant depuis dix ans.
Ainsi, on peut constater une augmentation de plus de 75 % des factures énergétiques des professionnels sur les cinq dernières années, et une augmentation de 48 % rien que sur la dernière année 2005-2006. De plus, l'écart entre les tarifs régulés et les tarifs libres de l'électricité atteint 66 % depuis l'année 2002.
Ces chiffres montrent l'impérieuse nécessité de stopper l'ouverture du marché de l'énergie selon de telles modalités. L'urgence est à l'obtention d'un moratoire et d'une renégociation pour sauver nos entreprises, et non, comme vous tentez de nous le faire croire, à la généralisation de ces contraintes tarifaires insupportables, qui sont une course en avant.
On retrouve également cette évolution chez nos voisins européens : plus 91,5 % au Danemark et plus 80,7 % en Grande-Bretagne.
À ce titre, permettez-moi de rappeler à l'ensemble du Gouvernement que la France a montré sa détermination à lutter contre la construction d'une Europe ultralibérale, et ce au travers de son vote majoritaire du 29 mai 2005 en faveur du « non » au traité constitutionnel. Et aujourd'hui, après ce refus populaire historique du libéralisme, vous souhaiteriez ouvrir totalement le marché de l'énergie en France et en Europe !
Vous arrive-t-il d'écouter ce que nous disent nos concitoyens ? Apparemment pas, puisque c'est sans les consulter que vous leur imposez ce projet touchant pourtant l'une des plus importantes réussites nationales depuis 1945.
En outre, si les tarifs énergétiques étaient autrefois formés à partir d'un parc national composé essentiellement d'hydraulique et de nucléaire, depuis 2000, ils sont soumis aux mécanismes de l'offre et de la demande, sur la base d'un parc européen composé essentiellement de thermique classique et d'énergies renouvelables, moyens de production beaucoup plus chers.
Si nous essayons maintenant de nous projeter dans l'avenir en observant d'autres entreprises énergétiques libéralisées comme Total, que constatons-nous ?
On constate d'abord qu'en dépit de la demande croissante qui pose la question permanente de l'épuisement des ressources fossiles les grandes compagnies pétrolières ont fait le choix d'utiliser leurs profits pour racheter les actions de leur propre entreprise, afin de doper les cours et de rafler la mise, et ce plutôt que d'investir ces mêmes profits dans le renouvellement des équipements de forage et de raffinage.
Pour résumer, nous sommes passés en six ans d'une situation de quasi-suréquipement à une situation de quasi-pénurie. Créer la pénurie pour faire augmenter les tarifs : le capitalisme connaît très bien ce mécanisme ! La tension engendrée par ces comportements alimente la tendance à la hausse des tarifs et désavantage le consommateur final.
La rémunération des actionnaires pèse donc extrêmement lourd dans les questions énergétiques, comme le montre la comparaison entre la France et la Finlande, pays dans lequel la rémunération du capital est de 2 % et le coût du mégawattheure de 29 euros, alors que notre pays accuse une rémunération de 11 % et un coût du mégawattheure de 43 euros.
L'exemple d'EDF est également très probant, puisque les dividendes versés aux actionnaires en 2005 auraient suffi, à eux seuls, pour créer 40 000 emplois statutaires ou bien pour augmenter le salaire de l'ensemble du personnel de 25 %, cotisations patronales incluses. Ce n'est pas négligeable dans le contexte actuel de l'emploi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous entamons la discussion de toute une série d'amendements de suppression, d'abord de l'article 1er dans son ensemble, avec cet amendement n° 216, puis paragraphe par paragraphe.
Vous voulez supprimer, cher collègue, un article clé du projet de loi.
M. Robert Bret. Sinon, nous ne demanderions pas sa suppression !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet article, je le rappelle, transpose dans notre droit interne les dispositions de la directive relatives à l'ouverture à la concurrence pour les particuliers ; il prévoit précisément que « tout consommateur final d'électricité peut, pour chacun de ses sites de consommation, librement choisir son fournisseur d'électricité » à compter du 1er juillet 2007.
Votre amendement de suppression me surprend dans la mesure où l'article 1er conforte le rôle d'EDF et des collectivités concédantes, les DNN, ou distributeurs non nationalisés, dans l'exercice de leur mission de service public local de fourniture d'électricité ; il s'agit du fameux tarif réglementé. Il est impératif, et je m'en félicite, que la loi française dispose clairement que le tarif réglementé sera maintenu ; c'est l'un des piliers de ce texte.
Je vous rappelle ensuite que l'article 1er introduit explicitement la mise en oeuvre du tarif social en électricité dans les missions de service public du fournisseur.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont ajouté une quinzaine de précisions ; en tant que rapporteur, je vous proposerai de les conserver toutes, et je vous citerai cinq d'entre elles qui me semblent importantes. Des précisions ont été apportées concernant la filiale d'EDF compétente pour la gestion des réseaux de distribution, la mission de fourniture d'électricité au niveau du tarif réglementé, la mission des fournisseurs de secours, la fourniture d'électricité de dernier recours et, enfin, la gestion des écarts.
Tous ces éléments sont très utiles. Je pense que ce serait une grave erreur de les faire disparaître. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à la démonstration de M. le rapporteur.
Toutefois, en écoutant les orateurs qui viennent d'intervenir sur l'article, j'ai cru comprendre qu'ils souhaitaient que les prix de l'électricité et du gaz soient les plus bas possibles, et garantis le plus longtemps possible. C'est précisément l'article 1er qui le permet.
Vous avez appelé de vos voeux un bilan. C'est justement à cette occasion que nous avons reçu du Conseil supérieur de l'énergie des propositions de rédaction de cet article.
C'est pourquoi je ne comprends pas très bien la raison pour laquelle vous voulez supprimer l'article 1er, qui répond à la plupart des demandes que vous venez d'exprimer. S'il est un article que vous aviez une chance de voter, c'est bien celui-là ! (M. Yves Coquelle rit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Les avis de M. le rapporteur et de M. le ministre ne m'ont pas convaincu car, à l'évidence, ce projet de loi a été élaboré dans le mépris de la consultation populaire, qu'il s'agisse de l'avis des organisations de salariés, des associations de consommateurs ou même de secteurs industriels Ma collègue Annie David a évoqué la situation de l'industrie papetière ; on pourrait également citer l'industrie verrière. Tous ces avis ont été ignorés !
Or, l'article 1er ouvre le projet de loi sur la question tarifaire au titre de laquelle les premiers concernés sont les consommateurs finaux, c'est-à-dire l'ensemble de nos concitoyens.
Comment prétendre qu'il pourrait être sage et opportun de procéder à l'ouverture complète des marchés de l'énergie alors que leur ouverture partielle depuis 2000 a eu tant d'effets néfastes sur l'industrie et sur l'emploi, comme le dénoncent ceux-là mêmes qui en sont victimes ?
De plus, l'ensemble du projet de loi, bien que vous vous en défendiez, signe la fin de la maîtrise des prix de l'énergie par l'État et le renoncement au principe de péréquation permettant une tarification unique sur l'ensemble du territoire à un coût relativement limité.
Votre article 1er, qui se veut rassurant dans ce domaine en garantissant en principe le maintien des tarifs régulés - mais pas le niveau de cette régulation ! - et une tarification sociale, expose en réalité l'ensemble des consommateurs finaux à une débâcle tarifaire sans que vous nous apportiez la moindre preuve d'un quelconque bienfait de l'ouverture à la concurrence pour les ménages et pour la société. Car, je le rappelle, aucun bilan étayé sur l'application des directives européennes n'a encore vu le jour !
En revanche, nous avons pu mesurer les conséquences de la libéralisation des tarifs de l'électricité pour les entreprises qui en avaient fait le choix. L'exemple californien, qui est un parmi tant d'autres, a de quoi nous inquiéter quant à l'avenir de telles mesures, puisque l'on constate, dans cet État, des augmentations allant jusqu'à 500 %.
Malgré les hausses déjà enregistrées et le danger de les voir s'étendre à l'ensemble de la population, vous prenez de surcroît le risque de voir ces augmentations se poursuivre et s'accroître en proposant l'absorption de GDF par un groupe dont le capital est dominé par des fonds spéculatifs, ce qui ne pourrait qu'attiser l'inflation en cours.
Or le gaz n'est pas une marchandise comme une autre : c'est un produit de première nécessité pour des millions de familles, et il est indispensable au fonctionnement de milliers d'entreprises et de collectivités. Sa gestion est donc incompatible avec une politique financière à courte vue, qui plus est dans le contexte actuel de tensions internationales relatives à l'accès aux hydrocarbures.
Je voterai en faveur de cet amendement visant à supprimer l'article 1er, car le seul avantage de ce dernier est de montrer d'entrée de jeu la duplicité à laquelle a été soumis l'ensemble du projet : d'un côté, il prétend garantir les intérêts de nos concitoyens, tandis que, de l'autre, il entérine et élargit une situation qui a déjà prouvé son caractère alarmant, notamment en ce qui concerne la compétitivité des entreprises françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Le projet de fusion que le Gouvernement nous présente aujourd'hui comme indispensable à la modernisation de l'économie européenne était jugé, il y a peu, comme inutile par ce même gouvernement. Pourquoi GDF aurait-il tout à coup besoin de Suez ?
Une telle précipitation ne peut s'expliquer que par des logiques financières, qui plus est douteuses, mais en aucun cas par l'intérêt général du pays et des consommateurs, car la situation n'a pas évolué en quelques mois au point de justifier la fusion d'une entreprise nationale prospère avec un groupe trois fois plus important.
La situation mondiale difficile qui caractérise aujourd'hui le domaine de l'énergie ne justifie pas non plus une telle mesure visant à placer à la tête des entreprises énergétiques des intérêts privés alors même que le dialogue entre chefs d'État devient indispensable à la résolution des problèmes communs.
Les lois de la concurrence ne peuvent que compliquer le jeu de la diplomatie en ajoutant la guerre économique aux conflits déjà existants autour de la question des réserves fossiles d'hydrocarbures. Voilà un premier point qui justifie à lui seul l'abandon de la privatisation de ce secteur.
Dans ce texte, vous jouez la prudence en instaurant, dès l'article 1er, de prétendues garanties tarifaires. Une telle manoeuvre constitue la preuve évidente du danger que représente l'ouverture du marché énergétique. En effet, si votre projet était bénéfique pour l'ensemble de nos concitoyens, vous ne vous seriez pas sentis tenus de les rassurer dès les premières lignes.
Penchons-nous plutôt sur les garanties que vous proposez. En fait, elles ne font que colmater des brèches dont vous auriez pu empêcher la formation en appelant au gel des directives à la suite d'un bilan de l'ouverture partielle entamée en 2000.
Si vous affichez votre volonté de maintenir les tarifs réglementés, laissant le choix au consommateur de continuer à en bénéficier ou de souscrire aux nouvelles offres qui lui sont proposées, vous confirmez en revanche le principe d'irréversibilité grâce auquel de nombreuses entreprises se sont retrouvées étranglées à la suite de la hausse vertigineuse des tarifs sur le marché libre. Tel fut le cas de notre principal fournisseur national d'ammoniac, le groupe Yara. À la suite de l'augmentation du prix du gaz en-dehors du marché régulé, il a dû supprimer 130 emploi, ce qui, compte tenu de la baisse d'activité, oblige désormais notre pays à importer de l'ammoniac.
Aujourd'hui, l'écart entre les prix de l'énergie et les tarifs réglementés par l'État atteint 66 %. Même vos amis du MEDEF s'en inquiètent, constatant que l'ouverture actuelle du marché européen de l'électricité « conduit tout le monde dans le mur », car elle est faite à court terme et souffre d'une absence de coordination sur le plan européen.
Voilà pourquoi nous ne pouvons cautionner un article, qui, non content de n'apporter que des colmatages de fortune à une situation dégradée, annonce de surcroît un danger grandissant pour nos entreprises et pour l'ensemble des consommateurs. Je voterai donc sa suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 217, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Dans le domaine énergétique, les missions de service public sont assurées grâce à l'approvisionnement équilibré en électricité et en gaz, au développement et à l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité et de gaz, ainsi qu'à la fourniture d'électricité et de gaz dans le respect des conditions suivantes :
- la sécurité et la continuité d'approvisionnement présents et futurs ;
- l'égalité de traitement entre les usagers sur le territoire national grâce notamment à la péréquation tarifaire nationale ;
- les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix y compris des services associés et d'efficacité économique, sociale et énergétique ;
- les dispositions sociales en faveur des familles modestes et des personnes en situation de précarité.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les pseudo-garanties de l'article 1er ne tiennent pas, car elles sont en totale contradiction avec la logique portée par le projet de loi. Nous sommes dans la même situation qu'en 2004, lorsque la garantie nous a été donnée que GDF et EDF ne seraient pas privatisés !
Lorsqu'il y a des logiques contradictoires, on sait très bien que celle des actionnaires l'emporte sur tout le reste. C'est la raison pour laquelle nous défendons des amendements de suppression ou visant à apporter des garanties. Tel est l'objet de l'amendement n° 217.
EDF avait mis en place un système original et particulièrement performant de gestion des flux de la demande d'électricité, capable de conserver des réserves de puissance disponibles très rapidement. L'ouverture à la concurrence remet en cause ce système ingénieux, fondé sur l'existence d'une surcapacité de production électrique.
On oublie également trop souvent que nous avons réussi à développer une industrie gazière de réputation internationale et à assurer l'alimentation en gaz naturel - convoitée par Suez - de onze millions de foyers.
Ce sont précisément ces exigences en matière de service public qui ont notamment permis d'assurer l'indépendance énergétique de notre pays. Il est donc primordial d'inscrire dans la loi des exigences de cet ordre afin de préserver notre service public et de le moderniser.
Si nous souhaitons réaffirmer quelques missions fondamentales du service public énergétique, c'est parce que les restructurations auxquelles votre texte de loi ouvre les portes les compromettent dangereusement. La fusion projetée a été présentée comme la panacée pour renforcer la sécurité d'approvisionnement, mais qu'en est-il réellement ?
La sécurité énergétique, c'est d'abord la continuité d'approvisionnement. Pour le gaz, elle dépend avant tout de nos relations avec les pays producteurs. Or la fusion signifie la privatisation de GDF, et je ne crois pas au patriotisme économique des actionnaires privés. Voilà pourquoi il convient de laisser entre les mains de l'État les négociations des contrats à long terme avec les pays fournisseurs, d'autant que nombre d'entre eux appartiennent à des zones géopolitiquement instables.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que ces contrats sont négociés non par l'État, mais par les entreprises. Mais entre des entreprises publiques et des entreprises privées, il existe une grande différence en la matière !
En outre, la continuité d'approvisionnement n'est possible que dans le cadre d'une gestion à long terme de la ressource gazière. Or l'intérêt des entreprises privées est de faire une place plus grande au marché « spot », duquel elles peuvent retirer de juteux bénéfices. Ce marché repose sur une gestion à court terme de l'offre et de la demande. Ainsi, les prix peuvent varier fortement et rendre plus incertain l'accès à la ressource énergétique.
Enfin, la sécurité énergétique, c'est aussi la sécurité des installations de transport et de stockage de gaz, qui suppose des investissements élevés. L'exigence de rentabilité des actionnaires du nouveau groupe sera-t-elle compatible avec cette gestion des infrastructures ? J'en doute ; démontrez-moi que j'ai tort !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons faire des rappels fondamentaux dans le texte de loi.
En cet instant, je n'ai développé que l'exemple de la continuité et de la sécurité d'approvisionnement, mais je pourrais parler également de l'égalité de traitement, des conditions de sécurité, de qualité, ... En outre, chacun comprend la nécessité de l'existence de dispositions sociales en faveur des familles modestes et des personnes en situation de précarité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Madame Borvo Cohen-Seat, ne m'en veuillez pas de répondre plus particulièrement aux dispositions figurant dans l'amendement n° 217, puisque ce sont celles que j'ai examinées, plutôt qu'à l'ensemble de votre intervention.
Tous les éléments cités dans cet amendement sont très largement satisfaits par le droit en vigueur, plus particulièrement par les lois du 10 février 2000 et du 13 juillet 2005.
À titre d'exemple - je me permets d'y insister, car je sais que c'est un sujet qui vous tient à coeur et sur lequel votre groupe est très vigilant - la péréquation tarifaire et le tarif social sont définis de manière concrète dans l'article 4 de la loi de 2000.
La commission ayant estimé qu'il n'était pas utile d'insérer à nouveau de telles dispositions dans d'autres textes, elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Cet amendement reprend en effet, avec des termes légèrement différents, des dispositions qui figurent déjà dans la loi de 2000. Le Gouvernement en comprend l'intérêt, mais il ne souhaite pas son adoption.
S'agissant des autres questions que vous avez abordées, madame Borvo Cohen-Seat, je rappellerai simplement que les contrats à long terme sont négociés non par les États, mais par les entreprises.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les entreprises publiques !
M. François Loos, ministre délégué. Quant à la sécurité d'approvisionnement électrique, elle est déjà envisagée par la loi de 2000.
D'autres dispositions de textes ultérieurs nous offrent des moyens d'action très importants. Ainsi, il existe également une réglementation pour ce qui concerne la sécurité des réseaux.
Autrement dit, les soucis dont vous nous faites part sont pris en compte par ailleurs.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Nous l'avons dit, cet amendement vise à inscrire dans le texte de loi les principes et missions du service public de l'énergie. Même si certains éléments figurent déjà dans la loi de 2000, on ne peut pas imaginer qu'un texte comme celui-ci ignore des points comme ceux que nous venons d'indiquer. Nous ne pouvons en effet nous satisfaire de la seule contractualisation.
En décidant de la fusion entre Suez et Gaz de France, ainsi qu'en déposant l'actuel projet de loi, le Gouvernement renie un engagement pris en 2004 et poursuit sa politique de privatisation visant à privilégier les profits des grands groupes au détriment de l'intérêt général.
La réforme qui nous est proposée va se traduire par une perte de contrôle public sur un service essentiel pour la population alors même que s'ouvre une période d'incertitude en matière d'approvisionnement et d'indépendance énergétique. Elle signifie également que va s'exacerber une concurrence absurde et destructrice entre GDF et EDF alors que le bon sens voudrait que l'on oeuvre à leur rapprochement.
L'expérience des privatisations passées le montre : pour doper leurs dividendes, les actionnaires du nouvel ensemble issu de la fusion imposeront demain des exigences accrues de rentabilité financière incompatibles avec les missions et les principes du service public.
Comment ne pas penser qu'usagers et territoires ne seront plus traités sur un pied d'égalité ? Comment ne pas s'inquiéter pour les impératifs de sécurité, pour le gaz comme pour le nucléaire, qui risqueront de s'effacer devant la dictature de la marge ? Enfin, comment ne pas s'inquiéter pour l'emploi ?
Pour tous ces motifs, il serait utile de réaffirmer dans ce texte de loi quelques grands principes qui fondent notre service public. C'est pourquoi nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je donne acte à M. le ministre de reconnaître que la loi de 2000 contenait de bonnes dispositions. Vous n'avez pas coutume d'admettre les apports du gouvernement Jospin !
Quoi qu'il en soit, je ne rêve pas en couleur au sujet des événements qui feront suite à cette discussion.
Néanmoins, sur la forme, les propos de M. le rapporteur me semblent tout à fait justes : une telle précision me paraît inutile dans la mesure où elle figure déjà dans la loi. Ce point méritait sans doute une prise de parole, mais il ne justifiait pas le dépôt d'un amendement.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'abstiendra.
M. le président. L'amendement n° 520, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le second alinéa de l'article premier de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il vise notamment à financer la programmation des investissements et la production d'énergie à partir d'énergies renouvelables ».
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis les années soixante-dix et la première vague d'intérêt pour les énergies propres, des progrès technologiques importants ont permis de développer les énergies renouvelables que sont l'éolien, le solaire, la biomasse et la géothermie.
Non polluantes et inépuisables, ces sources présentent l'énorme avantage d'offrir une énergie produite et utilisable localement, au coeur d'un centre-ville comme en pleine campagne.
Au demeurant, ce questionnement trouve aujourd'hui tout son intérêt dans un contexte marqué par la tension sur le prix des énergies fossiles et la perspective de plus en plus manifeste de l'extinction progressive des réserves et gisements à exploiter.
Ainsi, selon les spécialistes de l'énergie, le secteur photovoltaïque connaîtra partout dans le monde un fort développement.
En effet, comme le note l'Association européenne de l'industrie photovoltaïque, depuis vingt ans le prix du kilowattheure baisse chaque année de 5 %, diminution comparable à celle qui a eu lieu dans le domaine de l'informatique et qui a permis la démocratisation de l'usage des ordinateurs.
Au Japon et en Californie, le prix du kilowattheure solaire est aujourd'hui le même que celui de l'électricité classique.
Si le recours à l'énergie solaire ne fait pas davantage partie de la politique énergétique des États-Unis, c'est probablement pour partie en raison des attaches que le président Bush entretient avec le groupe de pression des compagnies pétrolières américaines. C'est sans doute pour des raisons similaires qu'il a de la peine à ratifier le protocole de Kyoto !
Certains pays européens investissent massivement dans les technologies renouvelables.
La France semble avoir rattrapé en cette matière une partie de son retard, sans atteindre tout à fait le niveau de l'Allemagne, pays qui a installé 1,5 million de mètres carrés de capteurs solaires thermiques contre 0,1 million pour la France.
Qu'attend-on, monsieur le ministre, pour relancer ce secteur de manière plus importante, d'autant que nous avions pris en ce domaine une certaine avance avec le four solaire d'Odeillo ?
Il est vrai que l'Allemagne a besoin de renforcer son indépendance énergétique, attendu qu'elle a mis en panne son programme nucléaire et qu'elle tente de se conformer, autant que faire se peut, aux impératifs de la lutte internationale contre l'effet de serre.
D'autres pays, comme l'Autriche, le Danemark ou encore l'Espagne, ont également une volonté politique marquée en matière d'énergies décentralisées.
Nous avons eu l'occasion de souligner, lors de l'examen du projet de loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, l'importance de ces enjeux, notamment en matière de développement des parcs éoliens. Les gestionnaires de ces parcs savent que, pour pallier l'intermittence des productions, il faut avoir divers sites et travailler avec les autres sources propres.
Notons, cependant, à ce stade de la réflexion et de la pratique, que la question de l'efficacité économique des énergies dites « renouvelables » se pose également dans un contexte où nous ne pouvons, pour le moment, nous passer des modes habituels de production d'énergie. Cependant, il nous faut programmer le développement d'énergies nouvelles, et donc le développement du renouvelable.
En fait, c'est bel et bien la réflexion sur le gaspillage énergétique qui est souvent absente de la discussion.
De 1974 à 2000, la consommation électrique de l'Hexagone a été multipliée par quatre. Cela fait plus de vingt ans que des campagnes de publicité vantent les mérites de l'énergie : abondante, pas chère et non polluante. Nous continuons à développer une politique de l'offre toujours croissante alors qu'il faudrait apporter des éléments de réponse plus précis dans le domaine de la maîtrise des consommations.
Au cours de l'examen du projet de loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, nous avions souligné que le travail mené par nos chercheurs, en particulier par ceux du CNRS, devrait nous permettre d'intervenir sur la réduction de certaines consommations d'énergies.
S'il est question de rénovation dans le domaine de l'habitat, il faudrait prendre en compte l'ensemble des éléments intervenant dans tous les aspects de la vie domestique. C'est ce que nous constatons, par exemple, dans le cadre des expériences pilotes menées à partir de logements équipés de systèmes de piles à combustible ou de cogénération.
Dans un autre ordre d'idée, le simple remplacement dans chaque logement des ampoules les plus utilisées par des modèles à basse consommation reviendrait à économiser, nous est-il dit - et nous avons toutes les raisons de le croire -, la production annuelle d'un réacteur nucléaire et demi. Il faut, selon moi, être plus précis dans ce domaine.
Étudier et reconsidérer nos besoins, y adjoindre l'usage des énergies renouvelables, sont une façon de nous prémunir efficacement contre d'éventuelles crises énergétiques, même si cela n'est pas suffisant.
C'est donc tout à fait naturellement - c'est le cas de le dire ! - que nous devons déterminer les moyens de financer la recherche en matière énergétique, notamment dans le cadre de la définition des missions de service public et dans la perspective du développement des énergies dites « renouvelables ».
Les incitations fiscales ne suffisent pas, chers collègues, et il est à craindre que les sommes gaspillées ou « gaspillables » en publicité agressive et en concurrence tarifaire entre les opérateurs énergétiques ne soient celles qui manqueront demain pour mener cet effort essentiel.
Nous vous invitons donc à adopter notre amendement, qui vise, justement, à financer la programmation des investissements et la production d'énergie à partir d'énergies renouvelables ainsi qu'à préciser les missions de service public de l'énergie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, même si je sais que je ne serai pas entendu, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
En tout était de cause, je vous renvoie à deux articles de la loi de 2000.
L'article 6 concerne la programmation pluriannuelle des investissements de production, que vous venez d'évoquer. Il est, je vous le promets, très complet et beaucoup plus précis que votre amendement.
L'article 10 vise les obligations d'achat, et est également très complet.
Pourquoi chercher à insérer de nouveau ces dispositions dans ce projet de loi alors que la loi de 2000, au travers des deux articles que j'ai mentionnés, est beaucoup plus précise et qu'elle répond non à 100 % mais à 200 % à ce que vous demandez ?
Si vous ne voulez pas retirer votre amendement, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Comme précédemment, je me rallie aux arguments de M. le rapporteur.
Néanmoins, pour compléter la réponse qu'il vient d'apporter, je rappellerai que, depuis la loi du 13 juillet 2005, nous avons mis en place un certain nombre de mesures extrêmement importantes pour la promotion à la fois de l'éolien et du photovoltaïque.
En ce qui concerne les tarifs, j'ai pris personnellement un arrêté, il y a quelques mois, qui permet aujourd'hui de racheter l'électricité photovoltaïque, éolienne, géothermique ou produite pas la biomasse à des prix extrêmement avantageux, soit - pour être bref - au même tarif que l'Allemagne.
Il existe donc des dispositions qui sont de nature à changer la proportion d'énergie renouvelable dans notre mixte énergétique. Cela a d'ailleurs été inscrit au titre de la programmation pluriannuelle des investissements.
Nous avons la mécanique, les objectifs, les moyens. De plus, les articles existants, même s'ils datent d'une loi de 2000, sont bien meilleurs que cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Nous sommes très favorables au développement des énergies renouvelables.
Nous souhaitons également rééquilibrer le bouquet énergétique tout en favorisant les économies d'énergie. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes battus, lors de l'examen du projet de loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, voilà un peu plus d'un an, aux côtés de M. le rapporteur et de bon nombre de nos collègues, contre un amendement « éolicide » qui nous venait de l'Assemblée nationale !
Nous sommes conscients qu'il reste encore des progrès à réaliser en ce qui concerne le développement de l'éolien, notamment face au blocage de certaines administrations. Nous savons également qu'il y a beaucoup à faire dans le domaine du photovoltaïque et de l'ensemble des énergies renouvelables.
Cependant, il est vrai que la loi de 2000 est particulièrement précise à cet égard. Nous préférons donc nous abstenir.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 225 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... Le premier alinéa du II de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par les mots :
« dans les meilleures conditions de disponibilité, de fiabilité, de sécurité, de qualité, de sûreté du système et de préservation du patrimoine : »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Lors de la défense de l'amendement précédent, nous avons mis l'accent sur la nécessité de modifier la loi du 10 février 2000 pour nous assurer de la qualité des prestations déléguées dans le cadre des missions de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution de l'électricité. Nous souhaitions préciser la garantie de sûreté de ces réseaux.
Avec l'amendement n° 225 rectifié, notre souci de précision est cette fois plus large.
Actuellement, le premier alinéa du II de l'article 2 de la loi du 10 février 2000 est ainsi rédigé : « La mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité consiste à assurer :»
Suivent deux alinéas qui précisent, pour le premier, la nécessaire desserte rationnelle du territoire, dans le respect de l'environnement, ainsi que la nécessaire connexion avec les réseaux des pays voisins et, pour le second, le raccordement et l'accès non discriminatoire à ces réseaux.
Nous pensons que les termes de cet article sont trop vagues et manquent de précision. C'est pourquoi nous vous proposons de spécifier les missions dès le premier alinéa du II en complétant ce dernier par les mots : « dans les meilleures conditions de disponibilité, de fiabilité, de sécurité, de qualité, de sûreté du système et de préservation du patrimoine : »
En définissant ainsi plus précisément dans ce domaine les missions de service public, nous sommes assurés que les contrats de délégation de service public prendront en compte ces exigences.
Ce faisant, nous ne changeons pas d'avis sur le nécessaire déploiement d'un service public géré par une entreprise 100 % publique. En effet, si un tel pôle voyait le jour, il devrait, bien entendu, tenir compte de cette condition.
Il ne nous semble pas exagéré de considérer que de tels objectifs doivent s'imposer à tous. Autant nous sommes assurés qu'ils pourront être pleinement intégrés à l'activité d'une entreprise publique, autant nous sommes inquiets si ces missions de service public sont dorénavant gérées par des entreprises privées, dont la logique essentielle est la recherche d'un taux de profit maximal pour satisfaire l'exigence des actionnaires.
Nous vous proposons donc d'adopter cet amendement, qui vise à nous assurer de la qualité du service attendu et rendu dans ce domaine du développement et de l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution de l'électricité.
M. le président. L'amendement n° 219 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa du II de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par les mots :
« dans les meilleures conditions de préservation du patrimoine »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Quel peut être le rapport entre la préservation du patrimoine - entendue au sens large de l'environnement, des sites, du respect de la qualité urbanistique et architecturale de nos villes et de nos villages - et l'exploitation du réseau public de transport et de distribution de l'énergie électrique ou gazière ? C'est pourtant le rapprochement qu'opère cet amendement, qui s'inscrit dans la logique des amendements précédents.
Nous pensons, en effet, qu'il est primordial, pour garantir la préservation de notre patrimoine, de rappeler qu'une entreprise publique du secteur énergétique doit respecter un certain nombre de critères inscrits dans la loi ; la préservation du patrimoine est de ceux-là.
Elle entretient un rapport direct avec la défense de l'intérêt général. Or l'on sait d'expérience que, dans une entreprise privée, à l'image de celle que vous voulez créer en fusionnant Gaz de France et le groupe Suez, la compétition entre l'intérêt public et celui des actionnaires est permanente, et que l'intérêt de l'actionnaire l'emporte souvent sur toute autre considération ! Il se mesure d'ailleurs tous les jours à la bourse alors que l'intérêt public est une notion qui se mesure sur le long terme.
C'est d'autant plus vrai quand il est question de préserver notre patrimoine. En effet, les investissements dans ce secteur sont souvent peu rentables sur le court terme. Or un investisseur privé privilégiera toujours ce qui est susceptible de lui procurer une rentabilité immédiate.
Nous voulons simplement apporter la démonstration que, sur l'ensemble des points évoqués à l'occasion de la défense des amendements précédents, qu'il s'agisse de la qualité du service rendu, de la sûreté des installations et maintenant de la préservation du patrimoine, il existe évidemment deux logiques et deux gestions qui ne sont pas à apprécier sur le plan des valeurs et qui obéissent à des règles tout à fait différentes.
À partir du moment où des secteurs d'activité sont privatisés, nous savons que si l'essentiel des règles sont respectées, ce ne sera malgré tout pas avec la même rigueur ni avec la même détermination.
Il est donc indispensable de conserver un organisme de contrôle public, qui garantisse que les intérêts des actionnaires ne l'emporteront pas sur tout le reste, et que l'arbitrage, souvent difficile à opérer dans la gestion entre le court terme et le moyen terme, ne se fera pas au profit d'une amélioration de la rentabilité à court terme et au détriment du respect d'un certain nombre de règles.
Avec cet amendement, nous vous invitons, une fois de plus, à un vrai débat de fond sur les logiques qui nous opposent : la logique des intérêts particuliers, sous-tendue par la privatisation, et celle de l'intérêt général, que nous défendons.
M. le président. L'amendement n° 220 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa du II de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par les mots :
« dans les meilleures conditions de sûreté du système »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Avec cette série d'amendements, nous voulons réaffirmer, dans ce projet de loi, plusieurs des missions fondamentales du service public de l'énergie.
Après les exigences de qualité du service rendu, nous voulons maintenant mettre l'accent sur le droit qui doit être celui de tout usager du service public de l'énergie d'avoir accès à un niveau optimal de sûreté et de fiabilité technique du service.
Si nous le faisons avec tant d'insistance, c'est parce que nous avons de nombreuses craintes sur l'abandon programmé de ces missions, et que les restructurations auxquelles votre texte ouvre la voie les compromettraient dangereusement.
Dans le secteur gazier, les exigences de sûreté des installations sont peut-être encore plus importantes que dans d'autres, quand on sait combien cette énergie peut être dangereuse si elle est mal maîtrisée.
Par exemple, la sûreté des installations de transport et de stockage du gaz suppose évidemment d'utiliser des matériels fiables et de haute technologie. Tout cela nécessite, bien sûr, de procéder à des investissements très lourds.
L'exigence de rentabilité élevée posée par les actionnaires du nouveau groupe sera-t-elle compatible avec cette gestion des infrastructures et avec la nécessité de procéder à de lourds investissements afin de préparer l'avenir ?
Pour nous, la fiabilité technique du service, qui fonde la sûreté du système, doit aussi s'appuyer sur la recherche. Cette condition est indispensable pour permettre à l'innovation technologique d'être au rendez-vous de l'amélioration du service rendu.
Quand on voit ce que votre gouvernement a fait de la recherche publique, quand on voit que la recherche sur le court terme, la recherche-développement à des fins de rentabilisation très rapide, plutôt que la recherche en amont, est l'unique obsession des entreprises privées, on mesure, avec la privatisation, combien est important le risque que ces crédits ne deviennent l'une des variables d'ajustement du nouveau groupe.
De fait, ce serait la fiabilité technique, c'est-à-dire, in fine, la sûreté des installations, qui s'en ressentirait.
Mais la fiabilité technique du service implique aussi une formation constante des personnels et nécessite que l'amélioration des compétences soit l'un des premiers objectifs de l'entreprise.
Malheureusement, l'expérience d'autres entreprises montre que, lorsque l'objectif est de faire très vite de l'argent pour distribuer des dividendes significatifs aux actionnaires, les crédits de la formation sont tout naturellement rognés. Cela ne se voit pas sur le moment, mais se ressent très concrètement plus tard dans la façon dont sont gérés les équipements.
Pour respecter tous ces critères, qui sont indispensables à la sûreté des installations gazières, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement n° 220 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 221 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa du II de l'article 2 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par les mots :
« dans les meilleures conditions de qualité »
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. L'article 2 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité rappelle et énonce un certain nombre de principes et de conditions qui définissent les obligations du service public en matière d'énergie.
Pourtant, ces principes et ces conditions mériteraient d'être complétés et enrichis par quelques notions qui ne sont pas mentionnées dans cet article.
Ainsi, il manque la mention de la qualité du service qui doit être rendu à l'usager, ou au client, puisque telle est aujourd'hui, significativement, la dénomination en vigueur.
Notre amendement a donc pour objet d'inscrire dans la loi l'obligation faite aux entreprises électriques et gazières de fournir un service de qualité. Nous voulons ainsi rappeler que la notion de qualité est, depuis plus de soixante ans, l'essence même du service public de l'énergie.
Est-il besoin de souligner que nos entreprises publiques EDF et GDF ont toujours été à la pointe de la modernité, ont toujours mis en oeuvre les dernières technologies dans ce domaine ? Cela a permis, jusqu'ici, de garantir des prestations de qualité pour les usagers.
Ce niveau de qualité en matière d'énergie a pu être obtenu grâce à la grande qualification et à la haute technicité des personnels. Mais ce savoir-faire et cette qualification n'ont pu s'exercer que dans le cadre de grandes entreprises publiques entièrement intégrées, de la production à la distribution, en passant par la recherche et le stockage, en ce qui concerne le gaz.
Or l'ouverture des marchés à la concurrence qu'impose la transposition des directives 2003/54 et 2003/55 aura, et a déjà, comme conséquence de fragiliser nos deux entreprises en les démantelant.
Vous nous proposez pourtant, aujourd'hui, d'aller encore plus loin en permettant la privatisation de Gaz de France. De toute évidence, la privatisation, c'est-à-dire l'introduction massive de capitaux privés dans la gestion de l'entreprise, entraînera inéluctablement une baisse du niveau de la qualité du service rendu.
En effet, quand la recherche de la rentabilité financière devient le principal critère de gestion, autrement dit si l'on veille en priorité à l'augmentation des dividendes des actionnaires, il faut bien prendre l'argent quelque part. Cela se fait toujours - de nombreux exemples étrangers, de la Grande-Bretagne à la Californie, sont là pour le prouver - au détriment de la qualité du service rendu.
Aussi souhaitons-nous l'adoption de cet amendement qui tend à garantir la qualité des prestations fournies dans le cadre du service public de l'énergie.
M. le président. L'amendement n° 222 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa du II de l'article 2 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par les mots :
« dans les meilleures conditions de sécurité »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Par cet amendement, il s'agit clairement pour nous de renforcer les conditions générales de mise en oeuvre de la mission essentielle de service public qui est définie au II de l'article 2 de la loi du 10 février 2000.
Au demeurant, le maintien de la qualité de cette mission de service public impose un certain nombre de procédures tout à fait essentielles.
Ainsi, la sécurité d'un réseau de transport et de distribution passe, notamment, par la préservation de l'état de fonctionnement de ce réseau. Cette préservation nécessite, entre autres, de consacrer les moyens requis à l'entretien régulier de celui-ci et au remplacement des dispositifs défectueux.
Cette sécurité est totalement intégrée dans la démarche des entreprises publiques du secteur énergétique.
Nous ne pouvons donc que vous inviter à adopter cet amendement, qui a le mérite, au-delà de son caractère en apparence rédactionnel, de poser les règles propres aux obligations de service public à leur juste niveau.
M. le président. L'amendement n° 223 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa du II de l'article 2 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par les mots :
« dans les meilleures conditions de fiabilité »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à renforcer la loi de 2000 en son article 2. Il s'agit ici de préciser la mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, en y introduisant la notion de « fiabilité ».
La fiabilité des réseaux de distribution et de transport est largement conditionnée, selon nous, par la programmation d'un important travail d'entretien et par la mise en oeuvre de moyens matériels et humains à hauteur des enjeux.
Au demeurant, cette démarche constitue le coeur d'une partie des engagements de service public de l'électricien public. Ces engagements sont d'ailleurs clairement contenus dans le contrat de service public d'EDF, aux termes duquel EDF doit en particulier assurer la poursuite de la distribution d'énergie dans les situations de difficulté climatique ou encore répondre au plus vite aux ruptures d'alimentation dont souffrent temporairement les abonnés.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 224 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... Le premier alinéa du II de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par les mots :
« dans les meilleures conditions de disponibilité »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. À travers cet amendement, nous souhaitons réaffirmer les missions de service public et rappeler les conditions nécessaires à leur accomplissement.
La libéralisation, les privatisations, la dérégulation et la soumission de pans entiers de notre économie aux lois du marché risquent, à terme, de remettre en cause notre service public de l'énergie, facteur important d'aménagement du territoire et de cohésion sociale.
Nous savons, en effet, combien les services publics sont importants pour l'aménagement du territoire. Ils profitent à l'ensemble du territoire national et concernent toute la population.
À ce propos, lors du forum « éducation et territoires » auquel j'ai participé ce matin, nous en sommes arrivés à dire, en conclusion, que, si l'école a pour mission principale la transmission des savoirs, la bonne qualité de ces savoirs et la réussite des élèves, elle est également, comme tous les services publics, un facteur d'aménagement harmonieux de nos territoires. Il est donc important, là aussi, de nous battre pour le maintien des écoles dans nos territoires ruraux.
Nos entreprises nationales EDF et GDF ont assuré l'indépendance énergétique de notre pays.
EDF a mis en place un système de gestion des flux de la demande d'électricité original et performant, permettant de conserver des réserves de puissance disponibles très rapidement.
L'une des règles fondamentales de notre service public de l'électricité, suivie par EDF jusque dans les années quatre-vingt-dix, imposait la permanence de l'équilibre entre l'offre et la demande électriques au coût le plus bas possible sur l'ensemble du réseau, quelle que soit la conjoncture.
L'ouverture à la concurrence remet en question ce système ingénieux, fondé sur l'existence d'une surcapacité de production électrique. Nous risquons donc de sacrifier ce bel outil de régulation de la demande d'électricité que tous nos partenaires européens nous envient.
On oublie aussi trop souvent que nous avons réussi à développer une industrie gazière de réputation internationale et à assurer l'alimentation en gaz naturel de plus de 10 millions de familles.
Ce sont précisément ces hautes exigences en matière de service public qui ont, notamment, permis d'assurer l'indépendance énergétique de la France. Il est donc primordial d'inscrire dans la loi des exigences de cet ordre afin de préserver notre service public et de le moderniser.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous demande d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je donnerai un avis global sur ces sept amendements, qui ont le même objet.
L'amendement n° 225 rectifié vise, en effet, à préciser que la mission de développement et d'exploitation des réseaux publics d'électricité doit être réalisée « dans les meilleures conditions de disponibilité, de fiabilité, de sécurité, de qualité, de sûreté du système et de préservation du patrimoine ». Chacun des six autres amendements - cela n'aura échappé à personne - décline l'une de ces conditions.
Je vais encore renvoyer nos collègues du groupe CRC à la loi de 2000, plus particulièrement au chapitre III intitulé Sécurité et sûreté des réseaux et qualité de l'électricité. L'article 21 qui figure sous ce chapitre vous apporte totalement satisfaction, mes chers collègues. Il est même beaucoup plus précis que votre proposition, puisque, outre les six éléments qui y figurent, il mentionne également la continuité du service public et la reconstruction des ouvrages publics en cas de destruction ; on pense aux fameuses tempêtes de 1999.
L'article 21 de la loi de 2000 me paraissant donc, dans tous les cas, de nature à vous apporter satisfaction, je vous demande de bien vouloir retirer ces sept amendements. Sinon, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 225 rectifié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne retirerons pas ces amendements, car, même si vous n'abolissez pas la loi de 2000, sans doute pour des raisons politiques, une partie des dispositions de cette loi est, de fait, rendue inapplicable par le projet qui nous est soumis.
Ainsi, s'agissant de la péréquation tarifaire, il est clair que les dispositions figurant dans la loi de 2000 deviennent inapplicables puisque, aux termes de votre projet, cette péréquation disparaît pour laisser place à la liberté des prix et aux tarifs réglementés.
Il me paraît donc indispensable, dans ce projet de loi qui, contrairement à la loi de 2000, ne s'inscrit plus dans le cadre du service public, de réaffirmer un certain nombre de principes de service public.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Ce n'est pas un hasard si nous souhaitons que soient assurées les conditions les meilleures pour le transport et la distribution de l'électricité.
Les expériences vécues ici et ailleurs nous imposent la plus grande vigilance. Et sans doute faut-il également s'interroger sur le niveau d'application de la loi de 2000.
Est-il exagéré d'exiger les meilleures conditions de disponibilité lorsque l'on sait que, parfois, certains habitants éprouvent d'ores et déjà des difficultés pour être raccordés au réseau ? De même, il n'est pas abusif de solliciter des assurances quant à la fiabilité du système lorsque l'on sait que certains pays ont subi de longues coupures de courant -certaines ont duré plusieurs jours -, qui ont touché des territoires considérables.
En France, des questions se posent également sur ce sujet. En effet, après avoir frôlé la défaillance pendant l'été 2003, EDF a rencontré de nouvelles difficultés au cours de l'hiver 2005-2006. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelle stratégie de gestion a été déployée pour que nous risquions de manquer d'électricité à certains moments ?
Afin de comprendre les conséquences de l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique et les logiques de gestion qui se mettent en place chez EDF, et qui sont décuplées dans les entreprises totalement privées, il convient de faire un retour en arrière.
Auparavant, pour faire face aux imprévus, l'entreprise électrique assurait un surplus de 10 % de sa production. En outre, le système des interconnexions entre les différents pays européens permettait de créer une entente pour optimiser les ressources de ces derniers.
Aujourd'hui, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du marché, les logiques d'action d'EDF ont changé. L'entreprise a tendance à rogner sur de tels surplus, qui sont considérés comme des dépenses inutiles. Ainsi, pour faire face aux pics de consommation, elle achète des mégawatts à l'étranger, par le biais de sa filiale trading basée à Londres.
Mais ces transactions sont effectuées au prix fort. Ainsi, le mégawatt coûte entre 100 euros et 160 euros, alors que le mégawattheure d'origine nucléaire revient à 30 euros ! Qui paie cette gestion coûteuse des imprévus, sinon les usagers ?
Enfin, vous en conviendrez, le moins que nous puissions faire est bien de nous montrer exigeants en matière de sécurité et de sûreté des systèmes.
C'est pourquoi nous voterons cet amendement. En effet, à la veille de l'adoption d'un projet de loi tendant à permettre à des entreprises privées de gérer de tels réseaux, il nous semble important de renforcer le dispositif institué par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.
M. Robert Bret. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 226, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I A de cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Le paragraphe I A, qui a été inséré dans le projet de loi à la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, vise à tirer les conséquences de l'obligation de séparation juridique qui a été imposée à EDF pour son réseau de distribution par la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.
Aux termes de ce paragraphe I A, c'est la « société gestionnaire issue de la séparation juridique » imposée à EDF qui sera chargée des missions fixées au II de l'article 2 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. Je le rappelle, l'article 2 de cette loi a pour objet de définir les missions de service public qui sont confiées à EDF dans le domaine de l'électricité. En l'occurrence, il s'agit d'assurer « la desserte rationnelle du territoire national par les réseaux publics de transport et de distribution » d'électricité, « l'interconnexion avec les pays voisins » et « le raccordement et l'accès, dans des conditions non discriminatoires, » à ces réseaux.
Désormais, de telles missions d'intérêt général seraient confiées non plus à l'entreprise intégrée, mais à la filiale chargée de la distribution. Nous ne pouvons pas l'accepter. En effet, nous estimons que cette filialisation entraîne le démantèlement de l'entreprise publique. Pourtant, la constitution d'EDF en entreprise intégrée avait permis de réaliser de véritables économies d'échelle.
Par ailleurs, une telle filialisation laisse craindre la privatisation de la distribution, comme le permet l'article 12 du présent projet de loi, qui tend à exclure la distribution de gaz naturel des secteurs nationalisés.
Cela aura pour effet la remise en cause du principe d'égalité de traitement et de la péréquation tarifaire au niveau national, faisant ainsi voler en éclat les fondements de l'organisation du système énergétique national.
Les conséquences financières pour les collectivités locales seront très lourdes et s'ajouteront à l'importante hausse des tarifs à laquelle ces dernières ont déjà dû faire face depuis la libéralisation du secteur.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons la suppression du paragraphe I A de l'article 1er du présent projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans le I A de cet article, remplacer les mots :
, les mots : « aux cahiers des charges » sont remplacés par les mots : « celles des cahiers des charges », et les mots : « aux règlements de service » sont remplacés par les mots : « des règlements de service »
par les mots :
et les mots : « aux cahiers des charges des concessions ou aux règlements de service » sont remplacés par les mots : « à celles des cahiers des charges des concessions ou des règlements de service »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 226.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 1 est un amendement rédactionnel.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 226. En effet, ainsi que je l'ai déjà expliqué, le paragraphe I A de l'article 1er vise à conforter l'exercice de la mission de fourniture d'électricité tant d'EDF que des distributeurs non nationalisés, les DNN. Je ne reviendrai donc pas sur ce point, mais supprimer ce paragraphe serait, me semble-t-il, une erreur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 226 et un avis favorable sur l'amendement n° 1.
M. le président. L'amendement n° 218, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le I A de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Le II de l'article 2 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3°. - La garantie de sûreté de fonctionnement des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Chacun le sait, l'objectif non avoué, mais évident, de la privatisation annoncée de GDF, qui s'effectuera au profit exclusif des actionnaires de Suez, est tout simplement de créer un concurrent face à EDF sur le marché de l'électricité.
En l'occurrence, il s'agit non pas de renforcer GDF, mais de permettre à Suez d'acquérir une nouvelle dimension pour venir concurrencer frontalement EDF.
Au cours de ce débat, vous arguerez sans doute - vous l'avez déjà fait à l'occasion des discussions relatives à l'ouverture à la concurrence d'autres secteurs d'activité - qu'un service public peut être géré par un autre acteur qu'une entreprise publique. J'entends déjà certains nous expliquer que c'est le cas pour l'eau.
Je n'entrerai pas ici dans cette polémique. Toutefois, je sais que bon nombre de nos concitoyens s'interrogent fortement sur la véritable nature du service public de l'eau lorsqu'ils voient les prix prohibitifs et les différences tarifaires d'une commune à l'autre. Et, alors que tout le monde se pose des questions sur l'utilisation et la sauvegarde de cette ressource, les dividendes augmentent et tombent dans l'escarcelle des actionnaires des sociétés, notamment Suez ou Veolia, et ce pour leur plus grand profit.
Je connais également les difficultés que beaucoup d'entre nous rencontrons en tant qu'élus locaux avec les entreprises gérant ce service public. Mais la question n'est pas là.
Mes chers collègues, nous avons déjà soulevé le problème qui motive cet amendement.
En effet, lors de l'examen d'un précédent amendement, nous avons rappelé que l'article 1er de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières dispose que l'État peut également conclure « avec les autres entreprises du secteur de l'électricité et du gaz assumant des missions de service public, des contrats précisant ces missions ». Le problème, mes chers collègues, est que ces missions ne sont pas précisées !
Nous devons donc revenir à la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, en particulier à son article 2, qui précise que le service public de l'électricité assure « le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, le développement et l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, ainsi que la fourniture d'électricité ». Le I de cet article fixe la « mission de développement équilibré de l'approvisionnement en électricité » et le II définit la « mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ». Le 1 du II mentionne la « desserte rationnelle du territoire national par les réseaux publics de transport et de distribution, dans le respect de l'environnement, et l'interconnexion avec les pays voisins » et le 2 dispose que le « raccordement et l'accès » aux réseaux électriques doivent s'effectuer de manière « non discriminatoire ».
Pour autant, le législateur, qui est habitué à la qualité des infrastructures et de la gestion d'EDF, n'a pas à l'époque jugé utile de préciser que le service public impliquait également de garantir la sécurité dans le fonctionnement des réseaux. Nous le voyons, la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité n'est peut-être pas aussi complète que certains le disent.
Or, à la veille de l'attribution de missions de service public d'électricité à des entreprises privées, il nous semble nécessaire de rappeler dans la loi l'obligation de garantir la sûreté des réseaux. À mon sens, c'est le moins que nous puissions faire.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Bret, la mission de service public que vous venez d'évoquer est déjà prévue par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.
Précisément, l'entreprise Réseau de transport d'électricité, ou RTE, et les gestionnaires de réseaux de distribution ont pour mission de garantir la sûreté des installations dont ils ont la charge - c'est ce que vous souhaitez -, ainsi que l'équilibre entre l'offre et la demande. Dans ces conditions, les dispositifs législatifs actuels permettent de satisfaire les objectifs que vous avez mentionnés.
Or vous proposez d'alourdir l'article 2 de la loi du 10 février 2000. Pour ma part, la rédaction actuelle de cet article me convient parfaitement. En effet, elle est très claire et l'ajout que votre amendement tend à apporter me semble inutile.
Permettez-moi de vous renvoyer, s'agissant de la compensation des pertes, à l'article 15 de loi du 10 février 2000 et, s'agissant de la validation des programmes d'investissements, à son article 14. Ces deux articles, qui sont relativement longs et complets, sont également beaucoup plus détaillés. En revanche, il me paraît inutile d'encombrer l'article 2 de cette loi, ainsi que vous le suggérez.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Pour les raisons qui viennent d'être évoquées par M. le rapporteur, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Permettez-moi simplement d'ajouter que l'article 21 de la loi du 10 février 2000 donne au ministre chargé de l'énergie la possibilité d'intervenir en cas « d'atteinte grave et immédiate à la sécurité et à la sûreté des réseaux », par exemple dans l'hypothèse où le gestionnaire de réseaux ne remplirait pas sa mission.
Par conséquent, les dispositions législatives actuelles non seulement garantissent la sûreté du fonctionnement des réseaux, mais prévoient également des solutions pour les cas où les garanties qui sont instituées ne seraient pas respectées.
M. Robert Bret. Cela nous rassure beaucoup ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Même si je vous ai bien entendus, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je voudrais tout de même ajouter quelques explications sur le sens de cet amendement.
De nombreux membres de la Haute Assemblée sont des élus locaux. Ils ont donc l'expérience des délégations de service public et savent bien que le meilleur moyen d'obtenir le service souhaité est de définir précisément les missions du prestataire dans le contrat. En effet, en cas de conflit, seul le contenu du contrat fait foi. Dans ces conditions, la loi est très importante pour garantir que les contrats de délégation de service public prévoient bien l'ensemble des prestations attendues.
De surcroît, et les élus locaux le savent bien également, il n'est pas toujours facile d'obtenir les prestations prévues. En de nombreuses occasions, l'application de la totalité des termes des contrats n'est pas chose aisée. Les divergences d'appréciation sur telle ou telle clause ne sont pas rares, notamment lorsque le délégataire doit dépenser de l'argent.
La lecture des termes du contrat par les entreprises délégataires de service public se fait toujours a minima. Nous devons donc nous assurer qu'aucune obligation ne sera oubliée. Dans le cas contraire, le délégataire s'engouffrerait dans cette absence pour refuser d'effectuer la prestation qui n'était pas prévue.
Compte tenu des enjeux de sécurité du transport de l'électricité, nous devons nous assurer que les règles seront bien définies et appliquées.
C'est pourquoi je voterai en faveur de cet amendement, qui tend à inscrire dans la loi que garantir la sûreté du fonctionnement des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité fait bien partie des missions de service public et s'impose à toute entreprise gérant de tels services.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 227, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I B de cet article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Le paragraphe I B de l'article 1er du projet de loi s'inscrit dans une longue série de dispositions techniques qui tendent, de fait, à mettre en application la dérégulation.
Ce paragraphe précise que la mission de fourniture d'électricité au niveau du tarif réglementé, exercée conformément aux dispositions fixées dans les cahiers des charges des concessions, ne concerne que les clients raccordés au réseau de distribution qui ont décidé de ne pas exercer leur éligibilité.
M. Jean Proriol, le député UMP qui présenta cet amendement à l'Assemblée nationale, expliquait d'ailleurs que les clients qui ont choisi l'éligibilité ne relèvent pas du contrat de concession. « Ils obéissent » - précisait-il - « aux règles commerciales avec le fournisseur qu'ils ont choisi ».
Cette disposition est intéressante car, comme l'indiquait le ministre délégué à l'industrie, elle est censée rassurer les collectivités locales, inquiétées par la dérégulation libérale, notamment quant au devenir des réseaux locaux de distribution.
Vous avez précisé, monsieur le ministre, qu'« il s'agit simplement de rappeler que les réseaux de distribution restent la propriété des communes et qu'il n'y a pas de modification de la situation. C'est une confirmation de l'existant. »
Il me semble que vos propos méritent d'être nuancés au regard des amendements déposés par votre ami M. Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances et « docteur ès privatisations », qui entend justement privatiser les réseaux de distribution locaux. Vous savez comme moi que ce sera la prochaine étape,... du moins si vous restez aux affaires ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, je propose donc de supprimer cette disposition qui s'inscrit dans un cadre général de privatisation et de déréglementation que nous combattons.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Compléter le I B de cet article par les mots :
et les mots : « aux règlements de service » sont remplacés par les mots : « des règlements de service »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 227.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 2 est un amendement purement rédactionnel.
Quant à l'amendement n° 227, il tend à la suppression du paragraphe I B de l'article 1er. Les dispositions de ce paragraphe, qui n'ont rien de bien méchant, correspondent à une précision voulue par nos collègues députés concernant la fourniture d'électricité au niveau du tarif réglementé.
Je considère que cette précision est utile et ne mérite pas d'être supprimée. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je suis défavorable à l'amendement n° 227. Je ne vois pas en quoi les amendements futurs de M. Marini entreraient en ligne de compte à cette étape de la discussion, bien que je sois prêt à les examiner le moment venu.
En revanche, je suis évidemment favorable à l'amendement n° 2 de la commission.
M. le président. L'amendement n° 228, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Le présent amendement vise à supprimer le paragraphe I de l'article 1er de ce projet de loi qui tend à permettre l'ouverture du marché, en matière de fourniture d'électricité, aux particuliers.
Selon nous, ni l'ouverture du marché ni la privatisation ne sont des préalables indispensables pour garantir le service public de l'énergie. Malgré cela, le Gouvernement s'entête à poursuivre sa politique de libéralisation des services publics, qui ignore sciemment les aspirations et la réalité des besoins de nos concitoyens.
Oserai-je vous rappeler que, voilà un peu plus d'un an, de très nombreux élus de la Creuse démissionnaient pour attirer l'attention sur la désertification des territoires, mais également sur le démantèlement des services publics et leur privatisation ? La mobilisation de ces élus soulignait le rôle décisif joué par la question des services publics dans la fracture intervenue entre votre majorité et la population, entre votre majorité et les élus de terrain.
Mais plutôt que de vous mettre à l'écoute de nos concitoyens, vous préférez suivre vos dogmes libéraux. Vous n'avez de cesse de nous expliquer que les Français attendent de vous la politique que vous mettez en oeuvre. Pourtant, ces mêmes Français n'ont-ils pas, à plusieurs reprises, désavoué votre politique dans les urnes ?
Vous présentez les directives européennes comme relevant d'un ordre supérieur indiscutable. Mais les Français n'ont-ils pas rejeté le projet de constitution européenne ? Le 29 mai 2005 n'est tout de même pas si éloigné, pas plus que ne le sont, d'ailleurs, les promesses faites en 2004 par le ministre de l'économie et des finances d'alors, aujourd'hui candidat aux plus hautes fonctions de l'État !
S'agissant, par ailleurs, de la possibilité pour les entreprises d'accéder au marché dérégulé de l'électricité, il est utile de rappeler ici que celles qui l'ont fait l'ont regretté amèrement. Cela ne vous empêche pas de continuer à foncer tête baissée, effectuant un grand saut dans le vide, sans jamais tenir le moindre compte des réalités concrètes.
Nous regrettons, pour l'ensemble de nos concitoyens, cette absence de lucidité dont témoigne la décision gravissime d'ouvrir complètement à la concurrence le marché de l'électricité, en dépit de signaux alarmants.
En effet, selon vous, si nous n'adoptions pas ce projet de loi, la directive s'imposerait néanmoins. C'est à se demander pourquoi nous discutons dans cette enceinte, si les décisions que nous allons prendre n'ont aucune portée concrète parce que la volonté de Bruxelles finira par s'imposer ! Que nous reste-t-il alors à décider ?
À la lumière de ces observations et parce que nous restons profondément opposés à l'ouverture du marché de l'énergie ainsi qu'à l'ouverture à la concurrence des services publics, nous proposons de supprimer le paragraphe I de l'article 1er.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne puis qu'exprimer une certaine stupéfaction ! (M. Jean-Jacques Hyest approuve.)
Nous avons tous bien compris votre hostilité au projet de loi. Nous avons également bien compris votre stratégie qui consiste à refuser, un par un, tous les articles, tous les chapitres, tous les paragraphes. Mais, dans le cas présent, c'est totalement absurde !
Ce paragraphe I, que vous souhaitez supprimer, maintient, je vous le signale, EDF et les distributeurs non nationalisés, les DNN, dans l'exercice de leurs missions de service public. Autrement dit, il maintient le monopole d'EDF et des DNN. Sa suppression signifierait donc que vous êtes contre !
Ce paragraphe maintient aussi le tarif régulé en matière d'électricité au-delà du 1er juillet 2007. Y seriez-vous également opposés ?
Ce paragraphe complète enfin les missions de service public d'EDF et des DNN, en précisant qu'ils doivent appliquer le tarif social dans l'électricité. Seriez-vous aussi contre ce tarif social ? Je ne vous comprends pas !
Je conçois bien votre logique, mais je pense que vous auriez pu être plus prudents dans la suppression d'un certain nombre de chapitres, d'articles ou de paragraphes. Celui-ci mérite vraiment d'être maintenu.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, parce que, si l'on apprenait que votre formation est hostile aux trois principes que je viens de rappeler, certains auraient lieu d'être surpris !
Quoi qu'il en soit, la commission a émis un avis défavorable.
Mme Annie David. C'est la totalité de ce texte que nous rejetons !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Il est vrai, monsieur le rapporteur, que nous ne nous inscrivons pas dans la même logique...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je suis d'accord !
M. Gérard Le Cam. Nos échanges ressemblent parfois à un dialogue de sourds.
Il est évident que nous ne sommes pas opposés au tarif social, puisque nous avons contribué, au moins en partie, à le mettre en place, alors que, à l'époque, à l'Assemblée nationale, vos amis y étaient plutôt hostiles ! Il faut le rappeler ! (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous ne cessez d'affirmer que la France a besoin d'un « champion » industriel dans le domaine du gaz. Mais, à aucun moment cependant, vous ne nous avez expliqué en quoi un rapprochement entre GDF et Suez répondrait à cet objectif ; du moins n'avons-nous pas été convaincus par les éléments de réponse que vous nous avez apportés.
Je suppose que vous pourriez également affirmer que la France et les Français ont besoin de l'ouverture complète du marché de l'électricité. Je crains cependant que vous n'ayez quelques difficultés à convaincre sur ce point, car tous les analystes, à l'exception de quelques experts sans doute accrédités et souvent proches des dirigeants des entreprises énergétiques, s'accordent sur la future augmentation des prix de l'électricité et du gaz.
La fin du secteur public de l'énergie est synonyme de danger pour les consommateurs, particuliers ou industriels. Qu'importe, direz-vous, puisque les tarifs sont administrés sous la double vigilance du Gouvernement et de la CRE.
Certes, mais il se trouve que les tarifs administrés ont été maintenus assez bas - si l'on peut dire, malgré une hausse de 30 % en dix-huit mois - pour des raisons électorales.
Or, autant l'État actionnaire peut se désintéresser de la rentabilité financière de ses entreprises pour mettre en oeuvre sa politique énergétique, autant une entreprise qui sera détenue à 66 % par des investisseurs financiers saura exiger des tarifs en cohérence avec l'évolution des prix mondiaux du gaz, soumise elle-même de plus en plus à la logique spéculative.
L'expérience vécue dans le secteur des autoroutes comme dans celui de l'eau a prouvé que la puissance publique était beaucoup moins forte face à un opérateur privé que face à un opérateur public : l'opérateur privé aura d'autant plus d'arguments à faire valoir pour obtenir une hausse des tarifs qu'il pourra être poursuivi pour dumping par l'un de ses concurrents s'il maintient une clientèle captive grâce à des tarifs trop bas.
Je vous renvoie à ce qu'a écrit la Commission européenne s'agissant des obstacles à la concurrence : elle considère que le maintien de bas tarifs énergétiques dans notre pays est une barrière à l'entrée de nouveaux producteurs sur le marché !
Aussi, une fois les élections passées, il y a fort à parier que le Gouvernement ne pourra plus ignorer l'évolution des prix des marchés mondiaux. Je ne vous apprends rien : en décidant d'ouvrir complètement à la concurrence le marché de l'électricité, vous ouvrez sciemment la boîte de Pandore. Il est donc parfaitement scandaleux de prétendre, pour des raisons électoralistes, que vous entendez protéger les consommateurs contre les effets pervers de la dérégulation.
Monsieur le ministre de l'industrie, vous justifiez l'augmentation des prix de l'énergie par l'augmentation du prix de la tonne de dioxyde de carbone.
Le raccourci politique est facile : les 48 % d'augmentation des prix de l'électricité en un an ne seraient pas liés à la concurrence, mais seraient dus à l'inflation du prix de la tonne de dioxyde de carbone sur le marché des émissions. Or, de 2002 à 2004, la hausse des prix de gros de l'électricité a été très importante, après la baisse des années 2000 à 2002, alors qu'à cette époque ce marché n'existait pas.
Par ailleurs, il est scandaleux, pour ne pas dire plus, que les opérateurs aient répercuté par anticipation la hausse du prix de la tonne de dioxyde de carbone sur les prix de vente de l'électricité alors qu'il n'y a pas eu de surcoût, les achats de quotas ayant été nuls.
Si cette tendance à la hausse n'est pas uniquement liée aux quotas de dioxyde de carbone, à quoi pouvons-nous l'attribuer ? Nous estimons qu'elle est surtout liée au processus d'ouverture à la concurrence et de privatisation du secteur. Nous devons bien sûr le démontrer ; mais nombreux sont ceux qui ont compris que la concurrence ne faisait pas baisser les prix. Dans ce domaine, nous devons mettre en évidence le caractère atypique d'un secteur en réseau, distribuant un produit vital, non stockable et non substituable.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je souhaite simplement apporter une précision.
Certes, le tarif social a été créé par la loi du 10 février 2000, mais vous ne l'avez jamais mis en application ! C'est notre Gouvernement, soutenu par sa majorité, qui, en avril 2004, a enfin publié le décret d'application relatif à ce tarif social ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 229, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I bis de cet article.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Vous aurez noté la complexité nouvelle de cet article 1er, qui comprenait trois paragraphes dans la rédaction initiale du projet de loi et qui en compte désormais quinze !
Comment ne pas s'associer à celles et ceux qui critiquent, avec raison, les excès de l'inflation législative et les dérives d'une rédaction technique, incompréhensible pour le commun des mortels, et donc pour nous-mêmes ? Il faut, en effet, mener une étude approfondie pour décrypter des dispositions telles que ce paragraphe I bis.
Ce n'est certainement pas la lecture de votre rapport, monsieur Poniatowski, qui nous éclairera sur ce point particulier. Je vous cite : « Le paragraphe I bis actualise une référence juridique dans l'article 2 de la loi du 10 février 2000 du fait des modifications apportées par le paragraphe I septies. » Quelle clarté, monsieur le rapporteur !
Pour comprendre la portée du paragraphe I bis, il faut donc poursuivre la lecture du rapport jusqu'au I septies : ce dernier paragraphe concerne en fait l'organisation de mesures de secours en cas de défaillances d'un fournisseur.
Il est d'ailleurs intéressant de parcourir le compte rendu intégral des débats de l'Assemblée nationale relatif aux amendements introduisant les dispositions que je vous suggère de supprimer en l'instant. Visiblement, peu de députés s'y retrouvaient !
Rassurez-vous, je vous demande la suppression de ce paragraphe non pas en raison de mon incompréhension, mais tout simplement parce qu'il démontre bien les risques importants que la déréglementation et la multiplication de fournisseurs pas toujours fiables font courir aux usagers, ainsi qu'aux collectivités locales, aux entreprises ou aux particuliers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous avez bien lu, mon cher collègue, mais mal compris !
Effectivement, le paragraphe I septies de l'article 1er du projet de loi est consacré à la fourniture de secours prévue à l'article 22 de la loi du 10 février 2000. Le paragraphe I bis dont vous demandez la suppression est tout simplement un paragraphe de coordination, lié à ce paragraphe I septies.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Il semble que la rédaction présentée soit trop complexe ; je promets qu'elle sera simplifiée dès le stade de la codification. Néanmoins, maintenir le dispositif est nécessaire, car le système actuel de fourniture de secours ne fonctionne pas de façon satisfaisante et doit être clarifié.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 230, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I ter de cet article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 234.
M. le président. Je suis en effet saisi d'un amendement n° 234, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, et ainsi libellé :
Supprimer le I quinquies de cet article.
Veuillez poursuivre, monsieur Coquelle.
M. Yves Coquelle. L'insertion des paragraphes I bis à I septies résulte de l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par M. Jean Proriol.
Ces paragraphes ont pour objet, aux termes du rapport de la commission des affaires économiques, de « simplifier les conditions d'exercice de la mission de fournisseur de secours instaurée par la loi de 2000 en application de la directive 2003/54 sur l'électricité ».
En fait de simplification, il s'agit simplement, par les paragraphes I ter et I quinquies, de supprimer le dispositif de fourniture d'électricité de dernier recours aux clients éligibles.
Nous ne pouvons l'accepter. En effet, ce dispositif, instauré par la loi de 2000, visait à créer l'obligation, incombant à EDF, de conclure des contrats de fourniture avec les clients éligibles ne trouvant pas de fournisseur « dans des conditions économiques ou techniques raisonnables ».
Dans cette hypothèse, EDF offrait alors non plus un secours, mais un recours, et, de ce fait, l'obligation qui lui incombait était plus souple, puisque l'opérateur historique pouvait refuser de fournir si ses capacités ne le lui permettaient pas. Dans ce cas, le refus devait être motivé et notifié au demandeur.
Aujourd'hui, il nous est proposé de supprimer cette disposition au motif qu'elle n'aurait jamais été appliquée. Cependant, nous estimons, au regard de la situation sociale particulièrement dégradée que connaît notre pays, que ce type de dispositif garde tout son intérêt et que, au lieu de le supprimer, il serait plutôt temps de le mettre en oeuvre.
De plus, dans le cadre de la déréglementation, garantir l'accès à l'énergie dans des conditions économiques ou techniques raisonnables semble être tout à fait indiqué. En effet, la hausse vertigineuse des tarifs et la filialisation des réseaux peuvent avoir pour conséquence d'écarter les consommateurs les plus démunis de l'accès à ce service public.
Garantir l'accès à une fourniture de dernier recours semble donc essentiel. C'est pourquoi nous demandons la suppression des paragraphes I ter et I quinquies.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il est assez logique que ces deux amendements aient été défendus en même temps.
J'ai bien compris, monsieur Coquelle, que vous êtes hostile à l'institution d'un dispositif de fourniture de secours, qui est exigée par la directive européenne. Nous sommes en désaccord avec vous sur ce point.
En effet, nous souhaitons le maintien des paragraphes de coordination dont vous proposez la suppression au travers de vos deux amendements, auxquels nous sommes donc défavorables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 231, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le I ter de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa du 2° de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 11 février 2000 précitée, la mention : « 12 mégawatts » est remplacée par la mention : « 8 mégawatts ».
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Une fois n'est pas coutume, je proposerai non pas de supprimer un paragraphe, mais d'en insérer un nouveau !
La loi, comme cela fut confirmé dans le passé, notamment par la loi de février 2000, a fixé un plafond de puissance au-delà duquel EDF n'est plus tenue de conclure un contrat d'achat avec des producteurs d'électricité utilisant certaines techniques d'exploitation fondées sur le recours aux énergies renouvelables, aux déchets ou à la cogénération. En pratique, les deniers publics servent à subventionner, via EDF, un certain nombre de petits producteurs privés.
Le seuil actuellement en vigueur est de 12 mégawatts. On nous l'a bien souvent présenté comme un outil de diversification des sources d'énergie et, plus particulièrement, d'aide au développement de l'utilisation des énergies renouvelables.
À l'origine, ce seuil était fixé à 8 mégawatts, ce qui correspondait en fait à la puissance minimale déclenchant, aux termes de la loi de 1946, la nationalisation des installations concernées.
Aujourd'hui, chacun le sait, certains cogénérateurs développent une puissance électrique pouvant atteindre 50 mégawatts et plus. En l'état actuel des décrets en vigueur, le prix de rachat imposé à EDF est particulièrement élevé, supérieur au prix de sa propre production. Le rachat d'électricité coûte près de 1 milliard d'euros à l'entreprise publique.
L'expérience permet de constater qu'il est aujourd'hui aisé, pour un grand groupe privé, de multiplier les installations d'une puissance de 12 mégawatts au plus pour bénéficier de l'obligation d'achat et, ainsi, amortir plus rapidement ses investissements. EDF devient ainsi en quelque sorte, au fil du temps, la « mère nourricière » de ses propres concurrents, qui seront d'autant plus redoutables, dans les années à venir, pour le secteur public que les marchés énergétiques seront largement ouverts.
Comment, à ce stade du débat, ne pas relever le fait que, lors de la deuxième lecture du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, la pression du groupe des hydrauliciens s'est encore fait sentir, au travers de l'adoption, entre autres mesures, de dispositions tendant à alléger les conditions administratives d'autorisation à exploiter les installations de production d'électricité par le biais des microcentrales ?
Comment ne pas remarquer également qu'une autre pression se fait jour, en faveur de la mise en oeuvre de centrales de production électrique par le gaz, qui, comme par un pur hasard, constitue l'un des choix stratégiques essentiels de Suez, dès lors qu'il aura pu fusionner avec Gaz de France ?
Nous constatons tous, en outre, comment un groupe de construction d'éoliennes profite des dispositions législatives pour installer de petites unités, mais en vient peu à peu à gérer un parc dont la production est telle que cette opération constitue un détournement de la loi.
C'est non pas la diversification des sources énergétiques qui est ainsi recherchée, mais bien le profit financier. Cela ne permet pas de mettre en place une vraie politique de diversité de production énergétique ; c'est pourquoi nous proposons d'en revenir à un seuil de 8 mégawatts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'ajout que vous proposez, monsieur Billout, n'est pas innocent, car l'adoption de cet amendement aurait pour conséquence directe de réduire le nombre d'installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat par EDF. Cela se traduirait par la diminution de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables.
Je vous rappelle la position de la majorité de la Haute Assemblée, exprimée en juin dernier et lors de l'élaboration de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique : nous sommes très clairement favorables à l'énergie nucléaire dans notre pays, nous voulons prolonger tous les efforts qui ont été faits en sa faveur en termes d'investissements, car nous avons le souci de l'indépendance énergétique de la France, mais nous sommes aussi très favorables, comme nous l'avons exprimé de différentes manières, aux énergies renouvelables ; nous avons ainsi adopté à diverses reprises des mesures visant à favoriser leur développement.
Quoi qu'il en soit, j'ai bien compris que vous entendez réserver le bénéfice de l'obligation d'achat aux plus petits producteurs d'électricité, mais je pense que ce serait une erreur. On défend ou on ne défend pas les énergies renouvelables. Avoir fixé le seuil à 12 mégawatts n'était pas mauvais, et j'estime qu'il ne faut surtout pas y toucher. Ce serait porter atteinte au développement de l'utilisation des énergies renouvelables.
En tout cas, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Je ne puis que me rallier aux arguments présentés par M. le rapporteur.
Cela étant, je m'étonne de cette proposition. J'ai du mal à comprendre quelle logique a pu amener les membres du groupe CRC à la formuler.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Que mes collègues du groupe CRC ne m'en veuillent pas de m'exprimer ainsi, mais j'ai le sentiment qu'ils font fausse route.
On a invoqué tout à l'heure une volonté de développer les énergies renouvelables ; or l'adoption de cet amendement conduirait au résultat inverse. Au cours de l'élaboration de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, nous nous sommes battus pour sauver l'éolien, nous n'allons donc pas aujourd'hui le tuer ! Par conséquent, nous voterons contre cet amendement. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Il est clair que cet amendement n'est pas une machine de guerre contre le développement des énergies renouvelables. Nous considérons simplement que ce n'est pas à l'opérateur public de subventionner ses concurrents directs. Il y a sans doute d'autres solutions pour soutenir le développement des énergies renouvelables.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 12 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 29 |
Contre | 298 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur le président, à ce stade de la discussion, je souhaite faire une brève mise au point, afin que les sénateurs aient tous une vision précise du mécanisme d'obligation d'achat.
Pour assurer la promotion des énergies renouvelables, il existe un dispositif, le contrat d'obligation d'achat, grâce auquel EDF achète l'électricité produite par certaines sources renouvelables. Cette obligation d'achat se fait sur la base d'un tarif fixé par arrêté ministériel, qui est plus élevé que le prix du marché en général et que celui du marché régulé : 120 euros le mégawattheure, contre 30 euros le mégawattheure lorsqu'il est d'origine nucléaire.
Si EDF doit acheter cette électricité, ce n'est pas elle qui la paie ! Je le souligne, car on peut quelquefois s'imaginer que c'est EDF qui, en tant qu'entreprise publique, finance cette acquisition avec ses moyens. Non, EDF perçoit une taxe, la contribution au service public de l'électricité, qui représente environ 2 % du montant des factures d'électricité actuelles, et qui compense le surcoût, c'est-à-dire la différence entre le prix de l'électricité fabriquée par des éoliennes et le tarif régulé.
EDF est donc bien tenue de passer un contrat d'obligation d'achat, mais - j'insiste - cela ne lui coûte rien !
M. Jean-Marc Pastor. Cela s'appelle la mutualisation. C'est cela, le service public ! Merci de le rappeler, monsieur le ministre !
M. le président. L'amendement n° 232, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le I ter de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Dans le onzième alinéa de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 11 février 2000, la mention : « 10% » est remplacée par la mention : « 15% »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Avec ce texte, le Gouvernement a choisi de procéder, pour l'essentiel, à la transposition des deux dernières directives « gaz » et « électricité » de 2003, adoptées par le Parlement européen, après un long débat suscité par des désaccords d'appréciation avec la Commission européenne, sur des rapports rédigés sur l'initiative de deux députés, l'un membre du groupe des Verts/Alliance libre pour l'Europe, l'autre issu du groupe socialiste européen.
Pour autant - et c'est le point fondamental de la discussion de ces deux directives -, les députés européens français de 2003 ont, dans leur majorité, rejeté les termes de ces deux textes, dont l'effet de symétrie est assez saisissant à la lecture. Vous conviendrez donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous puissions nous interroger sur la pertinence, compte tenu du vote des représentants français au Parlement européen, du choix que vous faites de transposer sans trop de modifications le texte des directives !
De surcroît, dans un certain nombre de domaines - c'est, d'ailleurs, toujours le cas avec les textes d'origine communautaire -, chaque pays est habilité à faire valoir une interprétation du texte qui n'en modifie pas l'économie générale, mais en permet la meilleure adéquation avec le droit national existant.
Il nous a donc semblé que nous pouvions, sur certains aspects du projet de loi que nous discutons actuellement, faire en sorte de tirer parti des marges de manoeuvre proposées par la directive elle-même quant à sa mise en oeuvre, et des facultés ainsi laissées au législateur national.
L'article 4 de la directive « électricité » précise : « Les États membres assurent la surveillance de la sécurité de l'approvisionnement. Lorsqu'ils le jugent opportun, ils peuvent confier cette tâche aux autorités de régulation visées à l'article 23, paragraphe 1. La surveillance couvre notamment l'équilibre entre l'offre et la demande sur le marché national, le niveau de la demande prévue, les capacités supplémentaires envisagées en projet ou en construction, ainsi que la qualité et le niveau d'entretien des réseaux, ainsi que les mesures requises pour couvrir les crêtes de demande et faire face aux déficits d'approvisionnement d'un ou plusieurs fournisseurs. Les autorités compétentes publient tous les deux ans, au plus tard le 31 juillet, un rapport dans lequel elles présentent les résultats de leurs travaux sur ces questions, ainsi que toute mesure prise ou envisagée à ce sujet et communiquent immédiatement ce rapport à la Commission. »
Ce débat est d'ailleurs fort important et entre dans le champ de nos interrogations sur la politique énergétique de notre pays, au moment où les cours actuels du gaz comme ceux de l'électricité nous conduisent à nous tourner vers des solutions de remplacement à la production électrique. Ce débat a déjà eu lieu lors de la discussion de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ; il présente aujourd'hui un nouvel intérêt, au moment où l'on s'apprête à ouvrir à l'exploitation un gisement de charbon situé dans le Nivernais. Nous avons déjà évoqué la pertinence de cette exploitation, qui se ferait à découvert, comme ce fut le cas pour les dernières unités de production charbonnière de notre pays.
Lors du débat de 2000, le président d'EDF avait d'ailleurs reconnu que la filière charbonnière ne devait pas être abandonnée, pour la simple raison qu'EDF exploitait des entreprises minières étrangères. De fait, une politique énergétique française audacieuse se doit de développer les techniques nouvelles permettant de valoriser la production de charbon nationale dans le cadre d'une coopération entre EDF et Charbonnages de France.
Ainsi, nous savons combien il peut être utile d'approfondir les techniques dites du « lit fluidisé circulant », ou LFC, qui présentent l'avantage de ne provoquer qu'un dégagement limité de soufre et de poussières.
La centrale de Provence en est un exemple éclatant : utilisée hier pour valoriser la production du bassin minier de Gardanne-Fuveau, elle est désormais centrée sur l'utilisation de charbon importé. Avec ses 250 mégawatts, sa chaudière, qui utilise depuis 1996 le LFC, se révèle la plus puissante du monde : elle élimine 95 % des rejets de dioxyde de soufre et 60 % des émissions de dioxyde d'azote.
S'il veut s'en donner les moyens, notre pays peut offrir un nouveau souffle à la production et à l'exploitation charbonnières : cela permettrait de rééquilibrer notre balance commerciale dans ce secteur, qui est largement déficitaire aujourd'hui.
A la lumière de ces arguments, j'invite le Sénat à adopter cet amendement, qui permettra à EDF de ne pas se désengager d'une activité essentielle à sa réussite sur les marchés extérieurs dans les décennies à venir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je partage tout à fait votre position, monsieur Billout : il ne faut pas négliger la filière charbonnière. Vous avez d'ailleurs eu raison de souligner l'existence de la centrale de Gardanne : c'est nous qui avons développé cette technologie fluidisée, qui permet d'utiliser du charbon de mauvaise qualité tout en émettant peu de CO2. Je regrette d'ailleurs que nous ne parvenions pas à exporter davantage cette technologie, notamment dans les pays qui ont du charbon de médiocre qualité.
Pour autant, monsieur Billout, l'objet de votre amendement n'a que peu de rapport avec votre présentation ! Il s'agit d'augmenter de 10 % à 15 % la proportion dans laquelle le ministre de l'énergie peut ordonner que les installations de production utilisant du charbon indigène comme énergie primaire soient appelées en priorité par le service gestionnaire du réseau de transport.
Cette disposition n'aurait que peu de portée pratique, puisque les installations utilisant du charbon vendent de facto leur production à EDF, qui fait appel à cette puissance dans les périodes de pointe. Ces capacités de production sont alors utilisées pour assurer la sécurité du réseau. Il n'y a donc pas lieu de modifier cette disposition dérogatoire, qui - vous nous le confirmerez, monsieur le ministre - est très peu appliquée.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Cette disposition n'est effectivement jamais mobilisée, puisqu'elle prévoit que c'est du charbon indigène qui doit être mis à contribution. Or, aujourd'hui, nous utilisons 0 % de charbon indigène et seulement 1 % de l'électricité produite est d'origine charbonnière ; encore s'agit-il de charbon importé.
Il n'est donc pas nécessaire de porter la proportion de 10 % à 15 % : celle que prévoit l'article paraît largement suffisante. Il faudrait même se poser la question de savoir si l'alinéa que cet amendement tend à modifier a encore lieu d'être, au regard de la production actuelle de charbon indigène, qui est nulle.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 233, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I quater de cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L'amendement n° 233 appartient à la série des amendements de suppression. En effet, il vise à supprimer le paragraphe I quater de l'article 1er, qui symbolise la déréglementation et l'inflation technocratique qui en découle. Il participe donc de la même logique de refus de ce texte
Monsieur le rapporteur, vos tentatives pour nous déstabiliser en prétendant que nous serions contre les services publics ne prennent pas ! Bien évidemment, nous ne sommes pas contre le tarif social, nous ne sommes pas contre les DNN, nous ne sommes pas contre le tarif régulé, et nous sommes pour des services publics de qualité. En revanche - j'ai déjà eu l'occasion de le dire -, nous sommes contre votre texte, pas seulement contre l'article 10, mais contre tous ses articles, du premier au dernier !
Nous ne retirerons donc pas nos amendements et vous nous trouverez sur votre chemin chaque fois que vous voudrez casser nos services publics.
À l'Assemblée nationale, lors de la discussion de l'amendement tendant à insérer le paragraphe I quater à l'article 1er, monsieur le ministre, vous aviez vous-même émis des réserves sur le dispositif proposé et suggéré au député qui en était à l'origine de retirer son amendement, affirmant: « que l'on attende la discussion au Sénat pour trancher ». Le Gouvernement a-t-il obtenu des explications sur cet amendement, qui est devenu le I quater de cet article ? Dans ce cas-là, pouvez-vous nous en faire part ?
M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de l'Assemblée nationale, avait lui aussi proposé d'attendre la discussion au Sénat. Pourrions-nous obtenir des éclaircissements sur les motivations des uns et des autres ?
Monsieur le ministre, vous étiez contre ce dispositif à l'Assemblée nationale ; vous semblez être pour maintenant. Ce texte donne tout de même lieu à des revirements très rapides !
D'aucuns ont évoqué des problèmes contractuels entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les producteurs d'électricité, en particulier en Alsace, en Moselle et en Savoie. Il est clair que l'ouverture à la concurrence risque de susciter des vocations chez des personnes aux appétits financiers aigus et peu sensibles à l'intérêt général, qui n'auront pas forcément les qualités requises. Par exemple, des moyens pour contrôler la qualité des fournisseurs existeront-ils ?
Vous l'aurez compris, par cet amendement, nous visons une suppression de principe, car ce qui pourrait apparaître comme une amélioration très marginale participe en fait à la dérégulation de nos services, dont ce texte est imprégné, de son premier à son dernier article !
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I quater de cet article pour le V de l'article 15 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, remplacer les mots :
accordés au III de
par les mots :
mentionnés à
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. Il convient, en effet, d'harmoniser les terminologies utilisées dans le projet de loi pour les renvois effectués aux dispositions relatives à l'éligibilité des consommateurs finaux d'électricité dans la loi du 10 février 2000.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Au début du troisième alinéa du texte proposé par le I quater de cet article pour le V de l'article 15 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, remplacer les mots :
du délai mentionné ci-dessus
par les mots :
de ce délai
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 233.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Madame David, je ne m'attends pas à ce que vous retiriez vos amendements !
Le paragraphe I quater modifie le système de calcul des écarts. Il prévoit un dispositif reposant sur les producteurs, les consommateurs et les fournisseurs, qui permet de garantir que l'équilibre entre l'offre et la demande est atteint à tout instant, par la désignation de responsables d'équilibre.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale à ce système me donc paraissent, contrairement à vous, tout à fait opportunes, et je souhaite leur maintien. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 3 et 4.
J'en viens à l'amendement n° 233. La discussion qui a eu lieu à l'Assemblée nationale sur le sujet qu'il évoque a pris des allures de débat politique. L'adoption de l'amendement présenté n'étant pas allée de soi, le Gouvernement a pensé qu'il faudrait entrer dans le détail lors de l'examen du projet de loi par le Sénat. Point n'est besoin de rechercher un revirement de sa part.
Le texte qui résulte des travaux de l'Assemblée nationale me semble répondre au problème posé. Pour ce qui concerne les fournisseurs de secours, nous avons besoin d'un mode d'emploi permettant de désigner un responsable et de savoir à quel moment et sous quelles conditions on fait appel à lui.
Le dispositif actuel, que le Gouvernement souhaite voir maintenir, est perfectible. Les mesures qui nous sont proposées tendent justement à l'améliorer. Elles définissent bien les responsabilités. Par conséquent, madame David, je vous demande bien vouloir retirer l'amendement n° 233, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame David, l'amendement n° 233 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 235, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I sexies de cet article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, je vous indique que je défends en même temps les amendements nos 235, 236, 237, 238 et 239, qui relèvent de la même logique de fond.
Les dispositions qui nous sont présentées tendent à aménager la dérégulation libérale. Leur technicité extrême est en elle-même antidémocratique. C'est pourquoi nous proposons de supprimer les paragraphes I sexies, I octies, I nonies, I decies et I undecies de l'article 1er du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 235, car si la disposition du paragraphe I sixies de l'article 1er est, certes, de simple coordination, elle lui semble cependant indispensable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 236, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I octies de cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 44 rectifié bis, présenté par MM. Pintat, Fournier, Amoudry, J. Blanc, Pierre, Merceron et Braye, est ainsi libellé :
À la fin du texte proposé par le I octies pour compléter le III de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, remplacer les mots :
qui n'exercent pas les droits mentionnés à l'article 22
par les mots :
qui bénéficient des tarifs réglementés de vente mentionnés au I de l'article 4
La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, le périmètre du service public local de fourniture d'électricité aux tarifs réglementés concerne les consommateurs qui n'exercent pas les droits relatifs à l'éligibilité.
Cette rédaction est ambiguë dans la mesure où certains consommateurs domestiques ayant exercé leurs droits à l'éligibilité sur un site pourront néanmoins, après avoir déménagé, souscrire de nouveau un contrat aux tarifs réglementés.
Afin de lever cette ambiguïté, le présent amendement tend à inscrire clairement dans la loi que le périmètre du service public local de fourniture d'électricité est identique au champ de mise en oeuvre des tarifs réglementés.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le I octies de cet article pour compléter le III de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
distribution publique
insérer les mots :
d'électricité
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 236 et 44 rectifié bis.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Sur le fond, le paragraphe I octies est le corollaire indispensable des dispositions relatives au service public local de la fourniture d'électricité. La commission n'en souhaite pas la suppression. Par conséquent, elle émet un avis défavorable sur l'amendement n° 236.
Par ailleurs, la précision juridique proposée par notre collègue M. Pintat est tout à fait utile. En effet, elle permet aux clients ayant exercé leur éligibilité et qui, à l'occasion d'un changement de site de consommation, retrouveraient le bénéfice des tarifs réglementés, d'être pleinement inclus dans le service public local de la fourniture d'électricité. La commission est donc favorable à l'amendement n° 44 rectifié bis.
Quant à l'amendement n° 5, il s'agit d'un amendement de précision tendant à indiquer clairement que c'est la distribution publique d'électricité qui est visée dans ce paragraphe consacré au rôle des autorités organisatrices.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. La proposition de M. Pintat permet de préciser que l'autorité organisatrice a vocation à intervenir vis-à-vis de la catégorie de consommateurs concernée. Je rappelle toutefois que ladite autorité est compétente à l'égard de toutes les catégories de consommateurs. Quoi qu'il en soit, cette précision utile permet de répondre à un problème, si, d'aventure, il s'était posé. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
Il est également favorable à l'amendement n° 5.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 236.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 237, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I nonies de cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 6, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le I nonies de cet article :
I nonies. - La seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du II de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Par ailleurs, la part des coûts de branchement et d'extension de ces réseaux non couverts par les tarifs d'utilisation des réseaux publics peut faire l'objet d'une contribution. Celle-ci est versée au maître d'ouvrage de ces travaux, qu'il s'agisse d'un gestionnaire de réseau, d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La loi du 10 février 2000 prévoit que les tarifs d'utilisation des réseaux électriques couvrent, en partie, les coûts de raccordement à ces réseaux. La part non couverte par ces tarifs peut toutefois être financée par une contribution versée au maître d'ouvrage.
Par ailleurs, la loi du 13 juillet 2005 a précisé que le raccordement au réseau comprenait à la fois des ouvrages d'extension et des ouvrages de branchement. Or, le lien avec cette disposition n'a pas été réalisé au sein de la loi du 10 février 2000. Il en résulte que cette contribution ne peut actuellement couvrir les coûts résultant des ouvrages de branchement.
L'amendement n° 6 vise donc à remédier à cette situation et à intégrer également dans l'article 1er du projet de loi des dispositions que les députés ont adoptées, en insérant un article 9 quater afin de définir la liste des maîtres d'ouvrage pouvant recevoir cette contribution.
M. le président. Le sous-amendement n° 62 rectifié ter, présenté par MM. Pintat, J. Blanc, Amoudry, César, Pierre, Valade, Merceron et Fournier, est ainsi libellé :
À la fin du texte proposé par l'amendement n° 6, remplacer les mots :
ou d'un établissement public de coopération intercommunale
par les mots :
, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte
La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Dans l'amendement que vient de nous présenter M. le rapporteur, sont mentionnés différents maîtres d'ouvrage des travaux de branchement et d'extension des réseaux de distribution d'électricité. Ce sont notamment les autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité, c'est-à-dire soit des collectivités territoriales, soit des établissements publics de coopération intercommunale, soit des syndicats mixtes.
Cette dernière catégorie n'étant pas mentionnée dans l'amendement n° 6, je propose simplement de l'ajouter à la fin de ce texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le sous-amendement n° 62 rectifié ter tend à apporter une précision très utile, qui corrige une omission commise par la commission. Je constate que M. Pintat est très vigilant au nom des syndicats mixtes et je l'en remercie.
La commission émet donc un avis favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 237, elle considère que le paragraphe I nonies est lui aussi important, puisqu'il permet d'inclure les ouvrages de branchement dans le champ de la contribution tendant à financer les extensions de réseaux.
Elle souhaite le maintenir et émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le paragraphe I nonies a été introduit, par amendement, à l'Assemblée nationale, qui a précisé que les investissements réalisés en matière de branchement devaient également être pris en compte.
J'ai émis un avis favorable sur cet amendement. Toutefois, je reconnais que la rédaction de la commission des affaires économiques du Sénat est meilleure parce qu'elle clarifie les choses. Je reconnais également que le sous-amendement défendu par M. Pintat apporte une amélioration supplémentaire, puisqu'il complète la liste des bénéficiaires potentiels.
Le Gouvernement est donc très favorable à l'amendement n° 6, comme au sous-amendement n° 62 rectifié ter. En revanche, il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 237.
M. le président. La parole est à M. Michel Sergent, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 62 rectifié ter.
M. Michel Sergent. La précision apportée par ce sous-amendement est tout à fait utile. Les établissements publics de coopération intercommunale la réclamaient. C'est pourquoi, nous y sommes tout à fait favorables.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 62 rectifié ter.
(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. L'amendement n° 238, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I decies de cet article.
L'amendement n° 239, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I undecies de cet article.
Ces deux amendements ont déjà été défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 238 tend à supprimer une précision portant sur la contribution finançant les extensions de réseaux, qui paraît utile à la commission. C'est pourquoi elle émet un avis défavorable.
Elle est, pour les mêmes raisons, également défavorable à l'amendement n° 239.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quarante et un amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 240 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 611 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 240.
M. Robert Bret. Cet amendement vise, comme les autres du reste, à mettre un terme à l'ouverture à la concurrence du marché de fourniture d'électricité.
Chacun sait que les prix sur le marché « spot » sont caractérisés par une très grande volatilité ; ils sont passés de 80 euros à plusieurs centaines d'euros.
Les chiffres sont édifiants : l'entreprise EDF achète l'électricité sur le marché spot londonien à un prix au moins deux fois plus élevé que cela ne lui coûte lorsqu'elle la produit dans son propre réseau, à savoir de 50 à 60 euros au minimum le mégawattheure sur le marché spot contre une trentaine d'euros pour son mégawattheure d'origine nucléaire.
Pendant la canicule de l'été 2003, le prix est même monté, durant quelques heures, à plus de 1 000 euros le mégawattheure sur le marché spot.
Mes chers collègues, peut-on accepter que les prix de l'énergie dépendent des mécanismes du marché, alors qu'une gestion à plus long terme, reposant sur une anticipation des capacités de production, sur une large coopération entre États, sur un bon système d'interconnexion et sur une autosuffisance énergétique, objectif que les différents pays de la Communauté européenne doivent d'ailleurs atteindre et non pas simplement viser, permettrait sans doute de mieux faire face aux imprévus ?
Peut-on accepter que les clients d'EDF, c'est-à-dire, pour le moment, les grandes entreprises qui ont choisi de quitter le secteur régulé, courent le risque de devoir payer « plein pot », car l'entreprise qui leur fournit de l'électricité aura dû s'approvisionner sur le marché spot ?
Peut-on accepter que les entreprises clientes d'EDF courent le risque de faire faillite ? Or c'est là, monsieur le ministre, une menace qui plane actuellement sur une centaine d'entre elles.
Enfin, peut-on accepter que des ménages modestes ne puissent faire face aux hausses des prix de l'électricité, comme cela risque d'arriver après le 1er juillet ? Ces ménages modestes ne constituent-ils pas, en effet, pour les démarcheurs de GDF ou d'EDF, une clientèle privilégiée ?
Or, on sait ce que cela a donné dans le secteur de la téléphonie.
Pourtant, de l'aveu même du président d'EDF, la santé de l'entreprise est bonne, avec une progression sensible de l'ensemble des indicateurs financiers du groupe. Le chiffre d'affaires s'élève à plus de 51 milliards d'euros et, surtout, enregistre une hausse de 10 % par rapport à l'année précédente. Quant au résultat net, il double, pour s'établir à 3,2 milliards d'euros. De son côté, la dette financière baisse. La rentabilité est donc là !
EDF n'est d'ailleurs pas toujours perdante à aller sur le marché spot. Elle y réalise elle-même de juteuses opérations puisqu'elle exporte aussi de l'électricité sur ce marché.
On le voit, les mécanismes de formation des prix de l'électricité sont loin d'être transparents.
Nous souhaitons donc non seulement le maintien du tarif réglementé, mais aussi le retour à un secteur énergétique régulé par la puissance publique, pour une formation transparente des prix proposés au consommateur.
Lors de la discussion générale, nous avons abordé à plusieurs reprises cette question de la transparence.
Ainsi, les représentants des salariés au conseil d'administration d'EDF se voient, en dépit de leurs demandes réitérées, interdire l'accès à ces informations, alors que ce serait tout simplement normal dans une entreprise qui est toujours publique.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui tend à supprimer le paragraphe II de l'article 1er.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 611.
M. Jean Desessard. Mon amendement est identique à celui que vient de défendre M. Bret : il vise à supprimer le paragraphe II de cet article.
La transposition de la directive 2003/54 du 26 juin 2003 telle qu'elle est proposée dans ce projet de loi n'est pas conforme aux conditions obtenues lors du Conseil européen de Barcelone de mars 2002 par le gouvernement de M. Lionel Jospin.
M. le président. L'amendement n° 105 rectifié est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000?108 du 10 février 2000.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement a pour objet de réaffirmer notre opposition à une ouverture totale des marchés de l'énergie, en particulier leur ouverture aux ménages, de rappeler que la décision prise le 25 novembre 2002 au sein du Conseil énergie d'ouvrir la concurrence aux usagers était contraire au souhait du Conseil européen de Barcelone, affirmé quelques mois auparavant, de faire taire définitivement les bruits selon lesquels le gouvernement socialiste aurait accepté la libéralisation des marchés de l'énergie.
Nous nous sommes toujours opposés à une ouverture totale des marchés de l'énergie, en particulier en direction des usagers.
C'est ce à quoi le Premier ministre socialiste de l'époque, M. Lionel Jospin, s'était engagé, lors du Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002.
Il convient de rappeler que le Président de la République en personne s'était opposé clairement à une telle ouverture aux consommateurs lors de la conférence de presse donnée à l'issue de ce Conseil européen. J'en veux pour preuve indéniable ces propos qu'il avait alors tenus : « Alors, nous avons, naturellement, accepté d'ouvrir le marché de l'électricité aux entreprises, parce qu'il est normal que les entreprises puissent faire jouer la concurrence, mais il n'était pas de notre point de vue admissible, acceptable d'aller plus loin et, donc, c'est bien la solution que nous souhaitions qui a été reconnue dans les conclusions ».
Cette volonté avait été entendue par le Conseil européen : aucune allusion à une ouverture des marchés en direction des consommateurs n'avait en effet été mentionnée dans ses conclusions.
C'était donc bien sur l'insistance de la gauche française que les conclusions du Conseil européen ne mentionnèrent plus d'échéance pour l'ouverture du marché aux particuliers, que la Commission européenne avait à l'époque fixée à 2005.
Or, les prises de positions du Président de la République n'ont pas empêché le revirement français, avec l'accession de la droite au pouvoir, lors de l'examen des directives par le Conseil énergie du 25 novembre 2002, soit seulement huit mois après, Conseil au cours duquel la nouvelle ministre chargée de l'industrie, Mme Nicole Fontaine, a donné son feu vert à une libéralisation des marchés de l'énergie applicable aux consommateurs.
Ces conditions ont été ignorées lors de l'approbation par la ministre Mme Nicole Fontaine de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz le 25 novembre 2002. Du fait de l'acceptation de la libéralisation intégrale des marchés du gaz et de l'électricité pour les ménages à compter du 1er juillet 2007, le verrou posé par le gouvernement Jospin à l'ouverture aux particuliers lors du sommet de Barcelone en mars 2002 a définitivement sauté.
Ces garanties sont pour nous une condition : puisqu'elles ne sont pas réunies à l'heure actuelle, nous nous opposons à une libéralisation du marché étendue aux usagers.
M. le président. L'amendement n° 241, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-18 du 10 février 2000, après les mots :
, tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements publics à caractère sportif
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, je présenterai également les amendements nos 242 à 262 rectifié.
M. le président. J'appelle donc également en discussion ces amendements.
L'amendement n° 242, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements publics assurant la sécurité civile,
L'amendement n° 243, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements de secours d'urgence,
L'amendement n° 244, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements publics de premiers secours,
L'amendement n° 245, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des hôtels de police,
L'amendement n° 246, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des haltes garderies,
L'amendement n° 247, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des crèches,
L'amendement n° 248, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements scolaires,
L'amendement n° 249, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des centres de protection maternelle et infantile,
L'amendement n° 250, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements publics accueillant des jeunes enfants,
L'amendement n° 251, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements pénitentiaires,
L'amendement n° 252, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des maisons de retraite,
L'amendement n° 253, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements publics accueillant des personnes dépendantes,
L'amendement n° 254, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements publics accueillant des personnes âgées,
L'amendement n° 255, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements publics accueillant des personnes âgées dépendantes,
L'amendement n° 256, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des centres de santé,
L'amendement n° 257, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements de santé,
L'amendement n° 258, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements publics hospitaliers,
L'amendement n° 259, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements d'activités culturelles,
L'amendement n° 260, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements accueillant du public,
L'amendement n° 261, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, à l'exception des établissements publics,
L'amendement n° 262 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, après les mots :
tout consommateur final d'électricité
insérer les mots :
, ou s'il est bénéficiaire de la couverture maladie universelle
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Gérard Le Cam. Cette série d'amendements traite de la question de la facture énergétique des services concernés dans le cadre de ce projet de loi, services que je vais énumérer : les établissements publics à caractère sportif, les établissements publics assurant la sécurité civile, les établissements de secours d'urgence, les établissements publics de premiers secours, les hôtels de police, les haltes-garderies, les crèches, les établissements scolaires, les centres de protection maternelle et infantile, les établissements publics accueillant de jeunes enfants, les établissements pénitentiaires, les maisons de retraite, les établissements publics accueillant des personnes âgées dépendantes, les centres et établissements de santé, les établissements publics hospitaliers, les établissements d'activités culturelles, les établissements accueillant du public d'une manière générale et les bénéficiaires de la CMU.
Nous proposons donc d'exclure du champ de la déréglementation et de l'ouverture du marché en matière d'électricité l'ensemble des établissements et structures précités, et ce dans le souci de l'intérêt de leurs utilisateurs, de l'intérêt des collectivités locales concernées et de l'intérêt général de la France, clause de subsidiarité oblige.
Je prendrai deux exemples.
Le premier est celui des personnes âgées dépendantes.
Les termes du défi du vieillissement sont parfaitement connus depuis longtemps. D'ici à 2020, le nombre de personnes âgées de plus de soixante ans va augmenter de 40 %, pour atteindre 17 millions, soit un Français sur trois, alors que celui des personnes âgées de plus de quatre-vingts ans progressera de 80 %, pour atteindre 4 millions, avec, pour corollaire, le décuplement du nombre de personnes dépendantes nécessitant une prise en charge sanitaire et sociale adéquate, à domicile ou en établissement, qui est aujourd'hui de 800 000.
La France a accumulé dans ce domaine un retard énorme.
Selon les gestionnaires de maisons de retraite, pour simplement se hisser au niveau de l'Allemagne, s'agissant du taux d'encadrement des résidents de ces établissements, il faudrait créer 205 000 emplois. Pour répondre à la demande, il faudrait ouvrir 40 000 places d'hébergement permanent et, pour permettre aux personnes qui le souhaitent d'accéder à un hébergement coûtant de 1 200 euros à 2 500 euros par mois, quand la pension moyenne plafonne à 1 000 euros, il faudrait relever le niveau des retraites.
Inclure les établissements publics accueillant des personnes dépendantes reviendrait à aggraver les difficultés de ces structures, notamment des collectivités qui sont amenées à les gérer.
Le second exemple est celui des bénéficiaires de la CMU, sujet sur lequel nous aurons l'occasion de revenir au cours de l'examen de ce texte.
Il semble en effet essentiel de spécifier de façon explicite dans la loi que les titulaires d'un des minima sociaux peuvent bénéficier de la tarification spéciale pour leur consommation de gaz.
Quelques faits sont, d'après moi, assez édifiants quant à la situation dramatique que vivent ces populations.
Avant tout, je rappelle qu'au total, au 31 décembre 2003, le nombre d'allocataires de minima sociaux était de 3,3 millions de personnes, mais qu'environ 6 millions de personnes étaient couvertes par ces mêmes minima sociaux, qu'il s'agisse des conjoints, enfants ou personnes à charge. Cela fait presque une personne sur dix qui connaît aujourd'hui en France des conditions de vie dramatiques.
N'oublions pas qu'aucune de ces neuf allocations n'a aujourd'hui un montant supérieur à 600 euros, sauf l'allocation équivalent retraite, aide temporaire versée justement dans l'attente de la retraite : il s'agit donc d'une exception, qui ne concerne que 25 000 personnes actuellement.
Il ne faut pas oublier que les titulaires de ces minima sociaux se retrouvent ainsi avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, qui avoisine les 650 euros mensuels.
Cette situation est déjà en elle-même inacceptable. Elle ne rend que plus légitime encore le fait que ces personnes doivent pouvoir prétendre automatiquement aux tarifs spéciaux.
C'est pourquoi j'insiste à nouveau sur la nécessité d'adopter cette série de vingt-deux amendements. Les représentants des collectivités locales que nous sommes ici sont tous concernés par ces mesures.
M. le président. Monsieur Le Cam, je tiens à vous remercier de ne pas avoir utilisé tout le temps de parole auquel vous auriez pu prétendre pour défendre ces vingt-deux amendements. Vous avez ainsi contribué au bon avancement de ce débat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le dynamisme du débat !
M. Robert Bret. C'est pour laisser à l'UMP le temps d'intervenir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais nous demanderons un scrutin public !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 106 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 612 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000, insérer une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, les consommateurs qui n'exercent pas ce droit continuent de bénéficier des tarifs réglementés de vente mentionnés à l'article 4 de la présente loi.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 106.
M. Roland Courteau. La question des prix et de leur formation est tout à fait fondamentale, quand il s'agit d'un bien public, d'un bien particulier de première nécessité, indispensable à la vie comme l'est l'énergie.
Pouvoir s'éclairer, se chauffer, par exemple, est en effet indispensable à la vie de tout un chacun.
Pouvoir le faire à des prix abordables et péréqués, sur l'ensemble du territoire, sans discrimination aucune, n'est-il pas la première des missions de service public ?
Or, c'est précisément ce système de prix régulés qui risque à terme de voler en éclats.
Cela concerne au premier chef les petits consommateurs, les ménages, qui verront grimper leur facture d'électricité et de gaz.
Monsieur le ministre, l'on observe de plus en plus, aujourd'hui, un hiatus dans l'évolution des prix, entre l'inflation mesurée par les indicateurs de l'INSEE et le ressenti des populations quant à leur pouvoir d'achat.
Lorsque l'on constate que des dépenses importantes et aussi incompressibles que celles qui concernent le logement, l'énergie et les transports ne cessent d'augmenter, l'on comprend aisément pourquoi les ménages voient leur pouvoir d'achat diminuer : la part de ces postes dans leur budget ne cesse de progresser.
La facture annuelle d'un pavillon chauffé au gaz, qui était de 630 euros en 1999, atteignait 811 euros au printemps 2005, 972 euros en novembre 2005 et 1 047 euros en avril 2006.
Dans le même temps, Gaz de France réalise des bénéfices record, en hausse régulière d'année en année. Ainsi, le bénéfice réalisé au premier semestre de 2006 est de 1,7 milliard d'euros, ce qui représente une hausse de 44 % par an.
Pendant la même période, les dividendes versés aux actionnaires augmentent également : en 2005, le dividende versé était de 670 millions d'euros, en augmentation de 60 % par rapport à 2004.
Augmentation de la facture de gaz, d'un côté, augmentation des dividendes et de la marge de l'entreprise, de l'autre : c'est là un transfert pas très équitable, monsieur le ministre !
Cette situation risque pourtant de perdurer, et ce au détriment de nos concitoyens.
En effet, ce que vous programmez, monsieur le ministre, c'est l'alignement progressif des tarifs régulés sur les prix de marchés. Jean-Marc Pastor le rappelait tout à l'heure, tout cela est inscrit dans le contrat de service public entre l'État et Gaz de France, que vous avez vous-même signé, monsieur le ministre !
M. Jean-Marc Pastor. Eh oui !
M. Roland Courteau. Alors que vous ne vous y êtes pas opposé, vous nous expliquez aujourd'hui que ce projet de loi prévoit le maintien des tarifs réglementés ! Il y a là une contradiction à élucider.
Dans ce même contrat, il est écrit ceci : « L'État et Gaz de France conviennent de rechercher à l'occasion de chaque mouvement tarifaire la convergence entre les tarifs réglementés et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de clients.
« Les tarifs sont révisés trimestriellement au 1er mars, 1er juin, 1er septembre et 1er décembre de chaque année. »
Avec une telle révision trimestrielle, le niveau des tarifs régulés rejoindra assez rapidement celui des prix de marché, et ce d'autant plus vite que les hausses de prix réclamées de manière récurrente par la direction de Gaz de France sont importantes.
L'augmentation tarifaire cumulée de 2004 à 2006 atteint ainsi plus de 30 % ; elle est largement supérieure à celle des coûts d'approvisionnement. Il en résulte une hausse sensible de la marge de Gaz de France, ses revenus ayant augmenté de 6 % en 2005 et de 13 % sur le premier semestre 2006.
Cette évolution n'est pas bonne pour le pouvoir d'achat des Français et met en lumière la remise en cause de facto des tarifs régulés.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 612.
M. Jean Desessard. L'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des affaires économiques, a supprimé une précision pourtant essentielle au maintien des tarifs réglementés de vente d'électricité pour tous les consommateurs n'ayant pas choisi de quitter le tarif régulé.
Il importe donc de rétablir cette disposition dans le projet de loi, pour éviter une extinction progressive des tarifs régulés. Ainsi, tout consommateur qui n'a pas souhaité exercer son éligibilité continuera de facto de bénéficier des tarifs réglementés de vente d'électricité.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 107 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 613 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour rédiger le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, insérer deux phrases ainsi rédigées :
Toutefois, les consommateurs domestiques qui n'exercent pas ce droit, continuent de bénéficier des tarifs réglementés de vente mentionnés à l'article 4 de la présente loi. Pour les consommateurs non domestiques qui n'usent pas de cette même faculté, ils continuent de bénéficier des tarifs réglementés de vente susmentionnés sur les sites pour lesquels aucune éligibilité n'a jusqu'à maintenant été exercée.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 107.
M. Jean-Marc Pastor. Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer dans la loi le principe du maintien des tarifs régulés.
Nous avons déjà eu l'occasion de souligner les hausses vertigineuses de prix qu'ont subies ceux des consommateurs qui avaient choisi d'exercer leur éligibilité, ainsi que les demandes récurrentes des directions de Gaz de France et d'EDF pour obtenir des augmentations des tarifs régulés.
Les tensions actuelles sur tous les marchés énergétiques, le manque de transparence en matière de formation des prix, la multiplication des rapports sur les prix demandés par le Gouvernement, certains avis de la CRE défavorables à l'augmentation trop forte demandée par Gaz de France sont autant d'éléments qui sèment le trouble quant à la réelle volonté et capacité de ce gouvernement de maintenir les tarifs réglementés.
Or, je le rappelle, pour ce qui concerne les ménages, la variation du ratio entre le prix et le coût énergétique est importante en ce qu'elle peut grever leur pouvoir d'achat dans un contexte de croissance molle comme celui que nous connaissons. Une telle variation est tout aussi essentielle sur le plan économique : nous devons en effet nous préoccuper aujourd'hui au premier chef de la question de la régulation du secteur énergétique, avec, à la clé, celle de la maîtrise de la formation des prix.
Mes chers collègues, notre indépendance énergétique, acquise - disons-le - grâce au nucléaire, n'a véritablement de sens que si nous sommes capables de maîtriser la formation de nos prix, sans être dépendants de fluctuations instables, déconnectées des coûts de production, fixés sur les marchés mondiaux. Cela vaut aussi à l'échelle européenne. Les entreprises électrointensives - faut-il le rappeler ? - ont par ailleurs elles aussi besoin d'une certaine stabilité des coûts.
En décembre 2004, devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Pierre Gadonneix, président d'EDF, déclarait qu'il comptait notamment, pour financer le développement de son entreprise, « sur une évolution des tarifs au rythme de l'inflation et des prix. Les tarifs et les prix se rapprocheront ainsi, les prix du marché pouvant se stabiliser aux environs de 35 euros par mégawattheure. »
Qu'en est-il aujourd'hui, un peu plus d'un an après cette déclaration ? Les prix du marché ont atteint, en moyenne, 60 euros par mégawattheure, sans qu'une telle augmentation soit proportionnée à la hausse des coûts. Autrement dit, l'envolée des prix n'a rien à voir avec les fondamentaux de notre économie. Les hausses de prix subies par les entreprises ont été comprises entre 48 % et 60 % : monsieur le ministre, une telle envolée se justifie-t-elle, et à qui profite-t-elle ?
À cet égard, les résultats financiers d'EDF pour 2005 marquent une nette progression : le chiffre d'affaires a atteint 51 milliards d'euros, en hausse de 10 % ; l'excédent brut d'exploitation a progressé également, à hauteur de 3,6 % ; le résultat net a doublé, pour s'élever à environ 3,2 milliards d'euros.
Notons, au passage, qu'EDF versera, au titre de l'année 2005, 1,4 milliard d'euros de dividendes à ses actionnaires. Cette hausse est en tout cas préjudiciable à l'ensemble de nos entreprises, notamment celles qui sont fortement consommatrices d'électricité, qu'il s'agisse de grandes entreprises ou de PMI. Celles-ci sont de plus en plus pénalisées par des factures exorbitantes.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Marc Pastor. Les gros clients éligibles, qui ont choisi d'abandonner le système des tarifs régulés, subissent aujourd'hui des prix de marché largement supérieurs aux tarifs dont ils bénéficiaient avant d'exercer leur éligibilité.
D'après une étude récente de NUS Consulting, l'observatoire international des coûts énergétiques, l'écart de prix entre l'électricité fournie sur le marché régulé et sur le marché concurrentiel atteint aujourd'hui 66 %.
Non seulement les prix ont augmenté dans des proportions importantes, mais leur formation est désormais entourée d'opacité. L'abandon de la tarification au coût marginal se traduit par une perte de transparence et un brouillage au niveau de la formation des prix. Or, nos entreprises ont besoin d'une visibilité à long terme, ne serait-ce que pour programmer leurs propres investissements.
La variable « coût énergétique » ne peut durablement être entachée d'opacité et subir des fluctuations telles qu'elles compromettent les anticipations sur les moyen et long termes et créent des risques de délocalisation hors d'Europe de nos secteurs électrointensifs comme la papeterie, la sidérurgie ou encore l'aluminium. Aujourd'hui, Exeltium, le consortium d'achat pour les gros clients éligibles, ne semble guère bien fonctionner.
Monsieur le ministre, tout cela finira par peser sur la croissance et par nuire encore plus à l'emploi. Cette situation ne sera point le fruit de trop d'État et de trop d'impôt, mais résultera, au contraire, de votre politique de libéralisation et, plus particulièrement, de privatisation de nos entreprises du secteur public.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 613.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet d'assurer le maintien des tarifs régulés.
M. le président. L'amendement n° 278, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 insérer une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, les consommateurs qui n'exercent pas ce droit ou demandent un contrat à tarif réglementé après l'avoir exercé bénéficient des tarifs réglementés de vente mentionnés à l'article 4 de la présente loi.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L'article 1er du projet de loi étend le champ de l'éligibilité à l'ensemble des consommateurs d'électricité. Ainsi, monsieur le ministre, selon la présentation « angélique » que vous faites de cette disposition, les consommateurs finals choisiront librement leur fournisseur d'électricité. Ils pourront soit conserver leurs contrats au tarif régulé, soit faire jouer la concurrence en souscrivant des offres au prix du marché.
Hélas ! cette liberté que vous offrez à nos concitoyens se trouve sévèrement compromise quand on lit attentivement le texte, car il n'y est pas fait clairement état de la clause d'irréversibilité : ce passage sous silence renforce le manque de lisibilité du projet de loi et fausse d'ailleurs le choix des consommateurs.
Sur le fond, le principe est le suivant : les consommateurs qui quitteront les tarifs régulés renonceront définitivement à en bénéficier, sauf à déménager. Il est très étonnant que vous fassiez si peu de cas de la liberté contractuelle dont vous vous prévalez pourtant sans cesse.
Une telle clause est inacceptable. Elle ne manquera pas de se retourner contre les consommateurs domestiques, comme en témoigne l'expérience malheureuse de nombreuses entreprises. Je prendrai l'exemple, déjà cité à l'Assemblée nationale, tant il est remarquable, de M. Jean-Louis Beffa, président de Saint-Gobain, lequel n'a pas attendu six mois pour réclamer le retour au tarif régulé alors qu'il avait appelé de ses voeux l'ouverture du marché de l'électricité.
Tout est prévu dans ce projet de loi pour faire de nos concitoyens des clients captifs d'oligopoles qui ne tarderont pas à augmenter leurs tarifs, comme cela a été constaté au Danemark et en Grande-Bretagne, où les hausses ont atteint respectivement 91 % et 80 %.
C'est pourquoi, mes chers collègues, soucieux de la protection des consommateurs qui seront tentés de quitter le système de tarifs régulés devant des offres qui se révéleront aussi alléchantes qu'éphémères, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous demandent de prendre ce risque sérieusement en compte.
Il est de notre devoir d'être vigilants sur ce point, notamment pour les ménages les plus modestes qui, pris au piège par ce système, risquent de ne plus avoir les moyens d'acquitter leur facture d'électricité.
Ainsi, l'amendement que nous vous proposons d'adopter a pour objet de garantir aux consommateurs une réelle liberté de choix, en leur donnant la possibilité de revenir à tout moment aux tarifs réglementés. Cela permettra en outre de freiner les hausses abusives des tarifs du marché et de favoriser l'existence des tarifs corrélés aux coûts de production et d'approvisionnement de long terme.
Voter cet amendement serait pour vous l'occasion de démontrer votre attachement à la modération des prix et d'accorder enfin vos actes avec vos paroles.
M. le président. L'amendement n° 263 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-18 du 10 février 2000 par les mots :
ou s'il est titulaire de l'aide personnalisée au logement
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Notre amendement vise à ce que les personnes percevant une aide personnalisée au logement puissent aussi prétendre à la tarification spéciale « produit de première nécessité ». Le logement est une question qui nous tient particulièrement à coeur. Or, les dépenses dans ce domaine pèsent de plus en plus lourd dans le budget des ménages, et plus encore dans celui des ménages pauvres.
Selon le rapport 2003-2004 de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, « entre 1988 et 2002, les loyers des ménages pauvres ont augmenté de près de 80 %, leurs revenus de 30 % ». En 2002, le coût du loyer a représenté 40 % de leurs ressources et jusqu'à 51 % dans le parc privé.
Bien évidemment, les aides personnalisées au logement limitent quelque peu le poids exorbitant des loyers : elles représentent aujourd'hui 13,3 milliards d'euros, versées à 6,2 millions de ménages. Pour autant, leur impact positif sur les comptes des ménages s'est dégradé ces dernières années.
Toujours selon ce même rapport, « si la grande majorité des ménages pauvres locataires bénéficient d'une aide au logement, le montant moyen de l'aide reçue a progressé moins vite que leurs ressources et a fortiori que leurs loyers. »
C'est avec un tel constat chiffré que nous pouvons mesurer à quel point la pauvreté est un phénomène non pas localisé sur une petite frange de la population, mais, malheureusement, bel et bien étendu à des catégories sociales autrefois protégées.
C'est pourquoi, si le Gouvernement souhaite, comme il l'énonce, que ce projet de loi garantisse l'accès à l'énergie pour tous, il semble logique d'étendre la tarification spéciale « produit de première nécessité », aussi imparfaite soit-elle, aux personnes ayant droit à l'allocation personnalisée de logement.
Mes chers collègues, tel est l'objet de cet amendement que je vous demande de voter. Monsieur le président, je considère avoir défendu en même temps l'amendement n° 264, qui a un objet similaire s'agissant des personnes titulaires d'une pension d'invalidité.
M. le président. L'amendement n° 264, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 par les mots :
ou s'il est titulaire d'une pension d'invalidité
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 265, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 par les mots :
ou s'il est titulaire d'une indemnisation servie par l'assurance chômage
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement vise à préciser, sans attendre le décret d'application, que les personnes titulaires d'une indemnisation servie par l'assurance chômage ont droit à la tarification spéciale « produit de première nécessité ».
Nous le savons, ces personnes sont effectivement en situation particulièrement précaire. Si leur nombre a baissé, c'est en raison de la diminution d'environ 2,3 points en un an du taux de couverture de l'indemnisation du chômage pour les régimes d'assurance et de solidarité, qui est ainsi passé de 60,8 % à la fin de 2004 à 58,4 % à la fin de 2005, et certainement pas en raison d'une prétendue amélioration de la situation de l'emploi, bien au contraire.
Dans tous les cas, les personnes qui peuvent encore bénéficier des allocations chômage sont loin d'être des nantis, les conditions d'indemnisation étant de plus en plus strictes, tout comme celles qui concernent le montant et la durée de prise en charge.
Sous la pression du MEDEF, la dernière négociation de l'UNEDIC a abouti à un nouveau durcissement de ces critères, au détriment des chômeurs les plus en difficulté.
Malheureusement, la précarité de ces demandeurs d'emploi ne s'arrête pas là : non seulement le niveau du régime d'indemnisation régresse mais, de plus, la pression et les contrôles pèsent sur eux de façon démesurée.
Le gouvernement auquel vous appartenez et votre majorité, monsieur le ministre, mènent en effet depuis cinq ans une politique d'acharnement vis-à-vis des chômeurs et, plus généralement, des personnes en difficulté.
Les employés des ASSEDIC sont devenus, bien malgré eux, de véritables « débusqueurs » de chômeurs fraudeurs et de profiteurs du système, à tel point que, le nombre de contrôles et d'entretiens se multipliant, les chômeurs voient le maintien de leurs allocations remis en cause à chaque visite.
Une telle situation de précarité, mais aussi d'instabilité économique et sociale, justifie clairement, selon nous, l'ouverture du droit à cette tarification spéciale. Or le texte, dans sa formulation actuelle, ne rend pas celle-ci possible puisque ces personnes en difficulté ne bénéficient pas toutes nécessairement de la CMU.
Nous vous proposons donc d'adopter, au travers de cet amendement, une rédaction plus précise que celle du paragraphe II de l'article 1er.
M. le président. L'amendement n° 266, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 par les mots :
ou s'il est titulaire d'un contrat de travail spécifique aux plus de 57 ans
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à permettre aux personnes titulaires d'un contrat de travail spécifique aux plus de 57 ans, le CDD senior, d'accéder elles aussi à la tarification spéciale « produit de première nécessité ».
En effet, depuis le décret du 28 août 2006, le Gouvernement a créé un nouveau contrat de travail, dérogatoire au droit du travail dans la mesure où il introduit une discrimination en fonction de l'âge.
L'argument avancé par la majorité repose sur la lutte contre le sous-emploi des seniors. Malheureusement, il s'agit plutôt de faire basculer dans la précarité des populations qui, jusqu'à présent, pouvaient en être préservées grâce au système assuranciel. Je rappelle en effet que ce CDD senior est réservé aux personnes âgées de plus de 57 ans, inscrites depuis plus de trois mois comme demandeurs d'emplois, et ne peut être conclu, même s'il est renouvelable une fois, pour une durée supérieure à dix-huit mois.
Pour notre part, nous souhaitons que les personnes « victimes » d'un tel contrat puissent bénéficier, elles aussi, de ce tarif préférentiel.
M. le président. L'amendement n° 267, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 par les mots :
ou s'il est titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement tend à permettre aux personnes titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée de bénéficier de la tarification spéciale « produit de première nécessité ».
Le paragraphe II de l'article 1er, dans sa formulation actuelle, ouvre droit à ce tarif uniquement aux personnes dont le revenu annuel est inférieur à 5 520 euros. Cette disposition, qui se justifie bien sûr par la faiblesse de tels revenus, demeure à notre avis insuffisante.
Nous considérons que les personnes en contrat à durée déterminée, qui sont souvent en situation de précarité, voire de pauvreté - je pense en particulier aux travailleurs pauvres identifiés au travers de différentes enquêtes -, devraient eux aussi bénéficier de ce tarif préférentiel.
M. le président. L'amendement n° 268, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 par les mots :
ou s'il est titulaire d'un contrat de travail déterminé à l'article L. 322-4-10 du code du travail
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à permettre aux personnes titulaires d'un contrat d'avenir de bénéficier de la tarification spéciale « produit de première nécessité ». Celles-ci sont en effet exclues de ce droit, alors qu'elles sont pourtant en situation de grande précarité.
Les bénéficiaires du contrat d'avenir, qui est une invention de cette majorité, sont donc perdants sur toute la ligne : non seulement ils ne sont titulaires que d'un contrat à durée déterminée, nécessairement incertain pour l'avenir, mais ils ne peuvent être embauchés que pour une durée de 26 heures hebdomadaires.
Ces personnes sont d'anciens bénéficiaires de l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique, du RMI, le revenu minimum d'insertion, ou de l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés. Mais si leurs droits à allocation restent ouverts, ceux-ci ne se cumulent pas pour autant avec leur rémunération salariale.
Leur allocation est en effet versée à la collectivité publique qui les emploie. Et même s'ils ne sont pas imposables au cours des douze premiers mois, au terme des dispositifs d'intéressement, ils peuvent, en travaillant 26 heures payées au SMIC, percevoir une rémunération atteignant à peine 5 520 euros qui les prive pourtant de la possibilité de bénéficier de ce tarif spécifique.
Or les salariés embauchés en contrat d'avenir sont loin d'être des privilégiés : leur situation est d'une extrême fragilité et leurs revenus plus que modestes, ce qui justifie tout à fait l'application de ce tarif dans leur cas.
M. le président. L'amendement n° 269, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 par les mots :
ou s'il est titulaire d'un contrat de travail déterminé à l'article L. 322-4-8 du code du travail
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement est dans la même logique que le précédent, puisqu'il tend à permettre aux personnes embauchées en CIE, contrat initiative-emploi, de prétendre à la tarification spéciale « produit de première nécessité ».
Les publics visés par ces contrats de travail sont assez proches de ceux qui sont susceptibles de bénéficier d'un contrat d'accompagnement vers l'emploi : il s'agit de personnes qui rencontrent d'importantes difficultés pour s'intégrer sur le marché du travail.
Une telle multiplication des types de contrats de travail est en elle-même contestable car, dans tous les cas, on constate que ces nouveaux contrats permettent surtout de renforcer les situations de précarité et de sous-emploi des travailleurs. Il n'est pas déplacé de noter que cette multiplication sert en revanche les intérêts des entreprises, qui bénéficient ainsi de toute une palette d'aides et d'exonération de charges.
Quoi qu'il en soit, les personnes embauchées en contrat initiative-emploi le sont souvent à temps partiel, avec une durée hebdomadaire de travail de 20 heures, et ne bénéficient que d'un contrat à durée déterminée. Par ailleurs, les emplois proposés, du fait de la nature même de ces contrats, sont presque toujours peu ou pas qualifiés, et rémunérés au SMIC.
Une fois encore, ces personnes grossissent les rangs des travailleurs pauvres, et leurs revenus ne leur permettent pas de subvenir correctement à leurs besoins quotidiens. Dans un souci d'intégration véritable de ces personnes, et au-delà des discours, il semblerait donc logique de les faire bénéficier de ce tarif spécial.
M. le président. L'amendement n° 270, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 par les mots :
ou s'il est titulaire d'un contrat de travail déterminé à l'article L. 322-4-7 du code du travail
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement vise à élargir le champ des personnes bénéficiaires de la tarification spéciale « produit de première nécessité » aux titulaires d'un contrat d'accompagnement vers l'emploi, car leur situation particulièrement précaire se cumule souvent avec une grande pauvreté.
Ces contrats, censés favoriser le retour vers l'emploi ainsi que l'intégration sociale et professionnelle, s'avèrent être, dans la réalité, de simples ajouts allongeant la liste des emplois atypiques. Il s'agit de contrats à durée déterminée, qui peuvent être à temps partiel, puisque la durée minimale de travail est fixée en l'occurrence à 20 heures hebdomadaires. Ils ne sont évidemment pas cumulables avec une autre aide à l'emploi.
Les personnes embauchées pour une durée inférieure à la durée hebdomadaire légale, par exemple pour une période de six mois, comme le texte le permet, se retrouvent donc nécessairement dans une situation économique dramatique.
Nous savons tous ici que le fait de retrouver un emploi ne garantit pas une sortie de la pauvreté, comme le prouve d'ailleurs le développement sans précédent des situations de travailleurs pauvres.
Si la majorité a vraiment la volonté de favoriser l'intégration sociale et professionnelle des personnes en difficulté, elle se doit d'accorder aux personnes titulaires d'un contrat d'accompagnement vers l'emploi le droit d'accéder à ce tarif spécial.
En effet, chacun s'accorde ici à reconnaître les difficultés que rencontrent les ménages, en termes de pouvoir d'achat, face au prix de l'énergie. Au regard de la part que peut représenter une facture de chauffage dans le budget d'une personne employée pour une durée hebdomadaire de travail à peine égale à 20 heures payées au SMIC, il n'apparaît donc pas déraisonnable de permettre cette ouverture.
M. le président. L'amendement n° 271, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 par les mots :
ou s'il est titulaire d'un contrat de travail défini par l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement vise à permettre aux personnes titulaires d'un contrat nouvelles embauches, ou CNE, de bénéficier de la tarification spéciale « produit de première nécessité ».
Le dispositif actuel, qui tend à permettre aux personnes disposant d'un revenu annuel inférieur à 5 520 euros de bénéficier de ce tarif, ne recouvre pas toutes les réalités de la pauvreté dans notre pays.
L'un des canaux les plus efficaces de la pauvreté demeure, malheureusement, la précarité des emplois. Or nous assistons, sous les coups répétés de cette majorité, à la diversification des contrats précaires et à la normalisation des formes atypiques d'emploi.
L'an passé, une étape décisive dans la mise en pièces du droit du travail a été franchie avec l'instauration du contrat nouvelles embauches, qui permet à un employeur d'embaucher un salarié en lui imposant une période d'essai de deux ans, durant laquelle le salarié peut être licencié sans que l'employeur ait à justifier le motif du licenciement.
Ce contrat a fait de la France le pays européen où le marché du travail est le plus déréglementé et le moins protecteur pour les salariés. Ce dispositif, comme nous ne cessons de le répéter en demandant sa suppression, constitue une profonde rupture dans notre tradition en matière d'emploi. Mais, tant qu'il existe et que des entreprises y ont malheureusement recours, il nous faut tenir compte des conditions de vie désastreuses induites par ce système.
Un salarié qui peut se faire licencier à tout moment, pendant une période de deux ans, se trouve constamment au bord de la précarité et de l'exclusion.
Si ce gouvernement souhaite afficher la volonté de mettre en place un tarif « social » - terme dont nous connaissons les limites, venant de la majorité -, il doit alors pousser la logique jusqu'au bout et permettre aux personnes « victimes » d'un CNE de bénéficier de cette tarification spéciale « produit de première nécessité ».
M. le président. L'amendement n° 527, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 par les mots :
ou si sa rémunération est égale ou inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je crois que vous avez compris notre logique.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vais cependant la pousser encore un peu plus loin, car nous sommes très inquiets et méfiants quant à l'évolution des tarifs de l'énergie.
Chacun, semble-t-il, se préoccupe aujourd'hui activement des personnes en grande difficulté, notamment de celles qui ont des problèmes de logement. D'aucuns s'intéresseraient même à la question de l'opposabilité du droit au logement ! La fibre sociale est donc devenue largement majoritaire au sein de nos assemblées parlementaires !
Pour clore cette discussion sur les bénéficiaires potentiels de la tarification spéciale, je ferai le constat suivant.
Compte tenu de la situation de notre pays à l'heure actuelle, notamment du coût du logement, qui ne cesse d'augmenter, et surtout de la pénurie de logements sociaux, qui oblige des personnes à supporter un loyer qu'elles sont bien incapables de payer, il semble tout à fait évident que les salariés dont la rémunération est inférieure ou égale au SMIC doivent pouvoir prétendre à la tarification spéciale « produit de première nécessité ».
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du texte proposé par le II de cet article pour le premier alinéa du I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les différents amendements présentés précédemment.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Avec l'amendement n° 7, nous vous proposons de faire oeuvre de simplification. En effet, il ne nous a pas semblé utile, sur le plan juridique, de prévoir qu'un décret en Conseil d'État précisera, le cas échéant, les conditions d'application du II de l'article 1er. En effet, le pouvoir réglementaire peut, à tout moment, prendre des mesures d'application de la loi.
En outre, monsieur le ministre, j'ai cru comprendre, à l'issue de nos réunions de travail avec vos services, que vous n'aviez pas l'intention de prendre de décret d'application sur le fondement de cet article.
J'en viens à l'avis de la commission sur les autres amendements.
Les amendements de suppression nos 240 et 611 sont tout à fait dans la logique suivie par nos collègues du groupe CRC.
Je considère pour ma part que le paragraphe II constitue le coeur de l'article 1er, qui vise à transposer la directive 2003/54 relative à l'ouverture du marché de l'électricité à partir du 1er juillet 2007. L'article 1er va d'ailleurs au-delà du texte de la directive puisqu'elle prévoit que « tout consommateur final d'électricité peut, pour chacun de ses sites de consommation, librement choisir son fournisseur d'électricité ». Il traite également du tarif régulé.
La commission, favorable à la transposition de cette directive, émet un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
L'amendement n° 105 rectifié tend, quant à lui, à supprimer les dispositions du projet de loi permettant aux ménages de faire le choix de la concurrence.
Comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, une telle proposition est contraire aux propositions de la directive 2003/54, qui prévoit l'ouverture du marché de l'énergie pour tous au plus tard au 1er juillet 2007. La commission émet donc un avis défavorable.
Quant aux amendements nos 241 à 261, ils suivent tous la même logique et tendent à exclure de l'éligibilité un certain nombre de catégories de personnes morales. Or, aucune de ces propositions de dérogation n'est justifiée, d'autant plus que tous ces sites de consommation sont éligibles depuis 2004.
Le groupe CRC souhaite remettre en cause l'éligibilité prévue dans la directive. La commission a donc émis un avis défavorable.
Que les auteurs des amendements nos 106, 612, 107 et 613 se rassurent : si les députés ont supprimé une disposition à l'article 1er, c'était pour la rétablir à l'article 4 ! Le rapporteur de l'Assemblée nationale a en effet voulu regrouper dans ce dernier article l'ensemble des dispositions concernant les tarifs réglementés. Les amendements nos 106 et 612 s'y retrouvent à peu près intégralement. Pour les amendements nos 107 et 613, la forme varie certes un peu, mais le fond y est. Quoi qu'il en soit, je vous propose de revenir sur ce point lors de la discussion des amendements déposés à l'article 4.
Pour l'heure, la commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Avec l'amendement n° 278, notre collègue Michel Billout entend permettre la réversibilité totale pour le retour au tarif. Or la réversibilité totale serait contraire aux directives, car elle refermerait totalement le marché. Le projet de loi retient l'équilibre permettant une réversibilité pour le consommateur particulier en cas de changement de site et le bénéfice du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché pour les consommateurs professionnels.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à l'amendement n° 278.
S'agissant des amendements nos 262 rectifié, 263 rectifié à 271 et 527, la commission a émis un avis défavorable, considérant que ces dispositions relèvent du domaine réglementaire.
Je voudrais toutefois, monsieur le ministre, relayer le débat qui s'est instauré en commission s'agissant des bénéficiaires du tarif social, débat auquel ont participé des sénateurs de toutes les sensibilités.
Aujourd'hui, sont éligibles au tarif social les ménages percevant moins de 5 520 euros de revenus annuels. Et, pour en bénéficier, encore faut-il en faire la demande. Alors qu'en théorie environ 1 400 000 personnes pourraient y avoir droit, ce sont à peine 450 000 ménages français qui profitent de ce tarif social.
Deux raisons principales expliquent cet écart.
D'abord, certains ne veulent pas être des « assistés ». C'est leur droit, un choix qu'il faut respecter, sans importuner ces personnes en allant les chercher.
Ensuite, d'autres Français ne demandent pas à bénéficier de ce tarif en raison de la procédure quelque peu complexe pour obtenir ce dernier. En pratique, le distributeur propose ce tarif au client, lequel doit fournir toute une série de renseignements.
Après la Journée mondiale pour l'élimination de la pauvreté, je pense, monsieur le ministre, qu'il y aurait un travail à réaliser avec les fournisseurs pour simplifier la démarche du client potentiel.
L'amendement n° 262 rectifié vise à accorder le bénéfice de la tarification spéciale « produit de première nécessité » aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Ce n'est pas innocent, puisque ces derniers sont un peu plus de 3 millions en France. Bien entendu, cela a un coût, et même un coût énorme !
La CMU correspond à un revenu annuel d'environ 7 000 euros. C'est dire que le niveau de ressources retenu en 2004 pour bénéficier du tarif social est inférieur à celui qui ouvre droit à la CMU.
Certes, aujourd'hui, on ne peut pas brutalement faire bénéficier de ce tarif social 3 millions de personnes. Mais, en ma qualité de rapporteur, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir voir comment le décret pourrait permettre une progression plus rapide que l'inflation du revenu de base retenu pour l'éligibilité au tarif social, afin que le nombre des bénéficiaires du tarif social augmente.
Je le sais, toutes les simulations seront très difficiles. En effet, avec un revenu plafonné à 5 520 euros, seulement 450 000 Français bénéficient du tarif social, alors qu'ils pourraient être 1 400 000 à y prétendre. Il est évident que les mêmes comportements se répéteront si les plafonds sont relevés. Il n'est donc pas facile, je le répète, de faire des simulations, même s'il est envisageable que cette mesure soit prise en charge par la CSPE.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements, qui relèvent, de son point de vue, du domaine réglementaire et non législatif. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Gérard Le Cam. On a bien fait d'en parler !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Sur la plupart des amendements, je rejoins l'avis de M. le rapporteur. Ainsi, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 240 et 611, puisqu'il souhaite, bien évidemment, l'adoption du paragraphe II de l'article 1er.
Il est défavorable à l'amendement n° 105 rectifié.
S'agissant des amendements nos 241 à 261, il partage l'avis défavorable de la commission.
Le Gouvernement est d'accord, sur le fond, avec les amendements nos 106, 612, 107 et 613. Mais, comme M. le rapporteur l'a indiqué, nous y reviendrons à l'occasion de l'article 4.
S'agissant de l'amendement n° 278 concernant la réversibilité prix-tarif, le Gouvernement rejoint encore l'avis de la commission. Nous ne pouvons pas supprimer totalement les prix. S'il n'y avait que des tarifs, il n'y aurait plus de marché, et, surtout, d'opérateurs alternatifs. Nous ne souhaitons pas que toute concurrence cesse. Ce que nous voulons, c'est que cette concurrence soit vertueuse. Actuellement, les prix sont malheureusement plus élevés que les tarifs, mais, quoi qu'on en dise, ils n'ont pas vocation à le rester éternellement.
Les amendements nos 262 rectifié, 263 rectifié à 271 et 527 sont relatifs au tarif de première nécessité.
À cet égard, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je prends bonne note des attentes que vous exprimez. Comment relever le plafond de ressources ? Comment informer les bénéficiaires sur leurs droits et les inciter à les mettre en oeuvre ? Comment simplifier le dispositif, afin que les bénéficiaires potentiels ne reculent pas devant les différents papiers à remplir ? Le futur décret doit prendre en compte toutes ces attentes.
Le Gouvernement est bien évidemment désireux d'apporter des réponses simples et concrètes aux questions des bénéficiaires.
Il a également l'intention d'améliorer les taux. Le tarif de première nécessité, c'est le tarif moins 30 à 50 %, suivant la composition de la famille. Le chiffre que vous avez cité, monsieur le rapporteur, correspond à une personne seule. Les chiffres sont plus élevés pour un foyer.
L'idée, c'est de passer d'un rabais de 30 à 50 % à un rabais de 50 à 70 %, au-delà de ce que vous avez demandé, donc. Je vous propose de faire en sorte d'améliorer la tarification pour tous les bénéficiaires.
Il existe un autre dispositif, bien connu de tous les élus locaux : c'est le Fonds de solidarité logement, vers lequel les assistantes sociales dirigent les personnes en cas d'impayés. C'est aussi une façon de faire connaître à ces dernières le tarif de première nécessité auquel elles peuvent parfois prétendre. On les amène ainsi à utiliser le dispositif existant, dispositif que le décret devrait permettre de simplifier, de faire connaître et d'améliorer quant aux montants.
Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces différents amendements.
Enfin, le Gouvernement est favorable à l?amendement n° 7. Dans la mesure où ce décret existe, la précision ne s'impose pas dans le texte du projet.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 240 et 611.
M. Gérard Le Cam. Après avoir annoncé que les consommateurs seraient les grands bénéficiaires de l'ouverture du marché et de sa déconcentration, les libéraux jouent aujourd'hui la carte inverse, indiquant que la concentration du secteur et la constitution de grands groupes en situation oligopolistique seraient seules en mesure de permettre une modération des prix.
L'argument consiste à expliquer que ces grands groupes seraient davantage en capacité de peser sur les fournisseurs, et donc sur les prix.
J'observe simplement que ces mêmes libéraux sont tout de même favorables au principe d'irréversibilité. On n'est jamais trop prudent ! Pourquoi cette prudence, qui semble, au demeurant, contraire au dogme de l'Europe de la concurrence libre et non faussée, en figeant un choix donné à un moment donné ?
Si l'ouverture des marchés est synonyme de modération des prix, pourquoi défendre l'idée que les clients ayant exercé l'éligibilité ne pourraient pas revenir au tarif réglementé ? Je ne vois pas de meilleure preuve de ce piège, tendu à nos concitoyens après l'avoir été aux clients industriels, qui risque fort d'emporter des conséquences graves sur notre économie et sur le pouvoir d'achat des ménages.
Je constate que votre objectif est de satisfaire, comme toujours - nous vous voyons régulièrement agir en ce sens, notamment au travers des réformes de l'impôt -, les intérêts d'une minorité.
Vous ne pouvez arguer que vous poursuivez ici la défense de l'intérêt général : l'ouverture du marché de l'électricité comme du gaz ne présente aucun intérêt économique, industriel ou stratégique.
Vous tentez de convaincre, mais les Français ne sont pas dupes : le principe d'irréversibilité que vous défendez porte témoignage contre vous.
Voilà pourquoi je vous demande de supprimer le paragraphe II de l'article 1er.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 240 et 611.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements nos 241 à 261.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Ries, les amendements nos 106 et 107 sont-ils maintenus ?
M. Roland Ries. Nous avons pris bonne note des explications de M. le rapporteur concernant le transfert à l'article 4 du présent projet de loi des dispositions relatives aux garanties pour les consommateurs n'ayant pas choisi de renoncer au tarif réglementé.
Je rappelle cependant que la maîtrise de la politique tarifaire constitue pour nous un élément essentiel de la régulation du secteur énergétique. Elle est en quelque sorte le pendant de l'indépendance énergétique. Autrement dit, la perte de la maîtrise des prix est révélatrice d'une perte d'indépendance énergétique. L'existence des tarifs régulés participe donc de la problématique de la fourniture, sur l'ensemble du territoire, d'une énergie à des prix abordables.
En conséquence, nous sommes prêts à retirer les amendements nos 106 et 107, mais nous reviendrons à la charge lors de l'examen de l'article 4 pour assurer ces garanties aux consommateurs, notamment aux plus démunis d'entre eux.
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. le président. Les amendements nos 106 et 107 sont retirés.
Monsieur Desessard, les amendements nos 612 et 613 sont-ils maintenus ?
M. Jean Desessard. Dans la même logique, je les retire également.
M. le président. Les amendements nos 612 et 613 sont retirés.
La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote sur l'amendement n° 278.
M. Yves Coquelle. Du fait de l'importance des enjeux propres au secteur énergétique pour nos concitoyens, le législateur doit plus que jamais être à l'écoute de ceux-ci. La majorité d'entre eux, et nous y reviendrons, se sont prononcés le 9 mai dernier contre un projet européen ultralibéral, destructeur des services publics ; certains d'entre eux, réunis en association de consommateurs, nous ont envoyé un message très clair sur le projet de loi que nous examinons.
Ainsi, l'UFC- Que choisir considère, après analyse des dispositions du texte, que « le projet de fusion GDF-Suez constitue un ?piège? tendu aux consommateurs ».
À ce titre, M. Alain Bazot, le président de l'association, relève les problèmes soulevés par la clause d'irréversibilité : « Une fois que le consommateur aura choisi d'aller sur le marché libre, sur les tarifs qui sont ceux du marché, après avoir répondu à des sollicitations commerciales qui vont fleurir, [...] ce choix sera irréversible. »
« Or, les tarifs dérégulés vont probablement connaître une forte hausse », estime l'association. Cette dernière en veut pour preuve l'expérience « cauchemardesque » de certaines entreprises qui ont choisi de s'engager auprès d'un opérateur sur le marché non régulé et ont subi une hausse de 73 % de leurs factures électriques en moins de deux ans, sans possibilité de recours.
« Ce dérapage des prix risque à moyen terme de toucher également les particuliers. [...] Les deux opérateurs historiques conserveront une position dominante sur le marché français et disposeront d'une grande liberté pour augmenter leurs tarifs.
L'UFC-Que choisir dit qu'elle alertera les consommateurs qui pourraient, parfois sans le savoir, souscrire à une offre sur le marché non régulé sans en mesurer toutes les conséquences.
« Les opérateurs vont faire des offres groupées. Cela va être compliqué pour les consommateurs d'y comprendre quelque chose », souligne M. Alain Bazot.
« À l'UFC-Que choisir nous n'allons pas appeler les consommateurs à jouer le jeu de la libéralisation. S'il n'y a pas de réversibilité, notre discours sera de dire ?ne prenez pas ce pari perdu d'avance d'aller sur un tarif dérégulé sans aucune garantie de concurrence effective?», a-t-il ajouté.
Pour éviter de telles situations et pour prendre en compte les craintes justifiées des consommateurs, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement.
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote, sur les amendements nos 263 rectifié, 264 à 271 et 527.
M. Roland Courteau. Nous comprenons le souci des auteurs de ces amendements. Il s'agit en effet d'un sujet essentiel, et il importe que soit précisée la volonté du législateur.
Chacun ici le sait, le budget « énergie » pèse d'autant plus sur les familles que leurs revenus sont modestes. Le poids de la facture de chauffage peut représenter 20 % des revenus, et parfois davantage ; mais, à ce poids, s'ajoute celui de ce que l'on pourrait appeler l'« injustice territoriale ». S'il est en effet des régions où l'on se chauffe trois mois par an - l'Aude, par exemple, a un climat que l'on peut qualifier de modéré (Sourires) -, il en est d'autres où l'on se chauffe six mois ou plus. C'est un élément qui doit être pris en compte.
Que l'on aide les ménages au prorata des revenus par le biais de la tarification spéciale est une bonne chose, mais il faudrait aussi pondérer le calcul en intégrant le territoire concerné. Je comprends que la chose ne soit pas aisée, mais ce n'en est pas moins un vrai problème.
Cela étant dit, la mise en oeuvre de cette tarification spéciale prouve que le Gouvernement appréhende les conséquences de l'ouverture totale à la concurrence, notamment sa possible incidence sur les prix. Les prix de l'énergie appliqués aux entreprises se sont envolés ; les prix appliqués demain aux ménages suivront le même chemin, et l'on peut craindre que le poids de l'énergie dans le budget des ménages soit non plus de 20 %, comme c'est le cas avec les tarifs réglementés, mais plutôt de 30 % à 35 %.
C'est la raison pour laquelle nous partageons les préoccupations de nos collègues du groupe CRC et estimons nécessaire d'intégrer la donnée territoriale.
Par ailleurs, la déclaration de M. Mestrallet selon laquelle les prix du gaz ne doivent pas pénaliser les actionnaires nous inquiète. En l'occurrence, c'est non plus l'ouverture à la concurrence mais bien la privatisation de Gaz de France qui nous préoccupe.
Enfin, monsieur le ministre, quand connaîtra-t-on la teneur du décret ? Peut-être l'avez-vous précisée tout à l'heure et n'ai-je pas été suffisamment attentif, mais, pour nous, c'est une vraie question.
Notamment, comment sera établie la liste des bénéficiaires ? Il y a des personnes totalement démunies ou presque, mais il y a aussi - leur nombre est estimé à environ un million - des travailleurs pauvres. Que reste-t-il à des salariés rémunérés au SMIC quand ils ont payé leur loyer et leurs dépenses courantes ?
Bref, il conviendra que le bénéfice de la tarification spéciale soit élargi, et nous aurions préféré que la loi plutôt qu'un décret précise ces points.
Il faudra en outre, comme l'ont d'ailleurs souligné le rapporteur et nos collègues du groupe CRC, aller plus vite en ce qui concerne le relèvement du fameux plafond.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera en faveur de l'ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Le groupe CRC a tenté d'élargir le bénéfice de la tarification spéciale « produit de première nécessité » à une diversité de consommateurs en fonction de leurs situations et des contrats, d'où le nombre élevé d'amendements. Comme nous l'avions en son temps signalé à M. Borloo, nous ne comprenons d'ailleurs pas ce qui justifie la multiplicité des statuts. Mieux vaudrait un bon statut unique !
Quoi qu'il en soit, comme M. Courteau, les sénatrices et sénateurs Verts vont voter ces amendements, auxquels M. le rapporteur a dit qu'il était très sensible - nous aurions préféré que sa sensibilité se traduise par un avis positif - et à propos desquels il a interpellé M. le ministre. Force est d'ailleurs de constater que ce dernier a été très bref, alors que nous nous attendions de sa part à une longue explication sur ces amendements sociaux.
Bien que j'aie écouté M. le ministre avec attention, je n'ai pas compris dans quelle mesure il entendait donner une suite positive, conforme à leur esprit et à leur logique, à ces amendements. Certes, M. Loos est embarrassé, car, en cette période où la pauvreté s'étend et au lendemain de la Journée mondiale pour l'élimination de la pauvreté, il ne veut pas apparaître comme ne se préoccupant pas des personnes les plus démunies ; mais je ne l'ai pas entendu citer de mesures concrètes ou de calendrier précis s'agissant de l'augmentation du plafond.
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements nos 263 rectifié à 271.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. - Dans le cinquième alinéa du I de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, les mots : « relatifs à la fourniture d'énergie de dernier recours, mentionnée à l'article 15 de la loi nº 2000-108 du 10 février 2000 précitée et » sont remplacés par les mots : « relatifs à la fourniture d'électricité de secours mentionnée aux articles 15 et 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée ou à la fourniture de gaz de dernier recours mentionnée ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'article 1er du projet de loi a supprimé la notion de fourniture de dernier recours afin que seul subsiste, dans notre droit, un système de fourniture de secours.
À ce titre, le ministre serait chargé de désigner, par appel d'offres, un ou plusieurs fournisseurs de secours devant assurer la continuité de l'approvisionnement des consommateurs en cas de défaillance de leur fournisseur.
Par ailleurs, le code général des collectivités territoriales donne aux autorités organisatrices de la distribution la possibilité d'exercer des missions de conciliation en vue du règlement de différends relatifs à la fourniture d'électricité de dernier recours.
Dans la mesure où cette notion a été remplacée par celle de fourniture de secours, il convient de procéder à une harmonisation de la terminologie dans ce code.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je remercie la commission d'avoir songé à cette nécessaire harmonisation et émet un avis favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
L'amendement n° 57, présenté par M. Amoudry et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après la première phrase du V de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Ces tarifs sont applicables de plein droit aux achats pour la compensation des pertes d'électricité des réseaux exploités par les distributeurs non nationalisés visés au présent alinéa, y compris ceux qui auraient fait usage de la faculté prévue au I de l'article 22. »
La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Cet amendement a pour objet les tarifs applicables aux distributeurs non nationalisés, les DNN.
En effet, ces entreprises doivent acheter de l'électricité afin de compenser les pertes des réseaux dont elles sont les gestionnaires. Or le décret du 27 janvier 2005 relatif aux tarifs de cession de l'électricité aux distributeurs non nationalisés prévoit qu'un DNN qui a exercé ses droits à l'éligibilité ne peut bénéficier des tarifs de cession que pour l'alimentation de ses clients non éligibles et de ses clients éligibles n'ayant pas exercé leur éligibilité.
Les DNN doivent donc acheter de l'électricité afin de compenser les pertes des réseaux qu'ils exploitent, et ce au prix du marché, à la suite d'une procédure de mise en concurrence des différents fournisseurs, ce qui leur cause un important préjudice financier, les tarifs de l'électricité ayant récemment beaucoup augmenté, et suscite des complications gênantes, compte tenu de la taille de ces entreprises.
Eu égard à la complexité des achats d'électricité pour un volume de pertes, somme toute, relativement faible, la différence de traitement entre les distributeurs ne paraît pas justifiée, car les activités de gestion du réseau, dont les pertes font partie, relèvent du service public, à l'instar de la fourniture d'électricité aux clients bénéficiant de tarifs réglementés.
Les achats relatifs à ces deux activités doivent donc être réalisés au tarif de cession déjà mentionné, qui se trouve lui aussi réglementé.
Tel est le sens de cet amendement, qui tend à compléter le V de l'article 4 de la loi du 10 février 2000, afin de préciser que tous les distributeurs non nationalisés, y compris ceux qui ont fait usage de leur éligibilité dans le passé, pourront bénéficier d'un tarif de cession pour l'achat de leurs pertes.
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 22 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les fournisseurs qui concluent des contrats pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par les installations mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article 10 de la présente loi sont compensés du surcoût né de l'exécution de ces contrats dans les mêmes conditions qu'Électricité de France. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Si l'amendement n° 57, défendu par M. Deneux, était adopté, l'amendement n° 192 n'aurait alors plus d'objet.
Le marché de détail de l'électricité a considérablement évolué depuis l'adoption de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.
J'aurais souhaité que l'électricité demeure un service public, mais tel n'est pas le cas ! Or un certain nombre de sociétés coopératives ouvrières de production se trouvent présentes sur ce marché et souhaiteraient bénéficier des mêmes avantages qu'EDF.
Afin de favoriser les énergies renouvelables, nous demandons donc que tous les fournisseurs d'électricité reçoivent une compensation, dans les mêmes conditions qu'EDF, par le biais de la CSPE, la contribution au service public de l'électricité. Cette exigence n'est pas très éloignée de celle que l'amendement n° 57 tend à formuler.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En réalité, ces deux amendements n'ont rien à voir entre eux !
L'amendement n° 57, tout d'abord, tend à aborder la question des pertes électriques que subissent les gestionnaires de réseau de distribution.
En effet, l'acheminement de l'électricité sur de longues distances provoque mécaniquement des pertes de puissance, qui sont liées à la surchauffe subie par les lignes électriques et qui s'élèvent, sur l'ensemble du réseau français de distribution, à un peu plus de 19 térawattheures par an, dont plus de 93 % sont supportés par EDF Distribution.
Avant le 1er juillet 2004, l'achat pour couvrir ces pertes se faisait de manière automatique, sous la forme d'une facturation interne aux distributeurs. Toutefois, en vertu de l'article 14 de la directive 2003/54, les GRD, les gestionnaires de réseau de distribution, se procurent désormais l'énergie dont ils ont besoin pour couvrir les pertes d'énergie selon des procédures transparentes, non discriminatoires et qui reposent sur des règles de marché.
Les GRD font donc jouer la concurrence pour se procurer l'électricité destinée à couvrir ces pertes, ce qui contribue de façon significative à augmenter la profondeur du marché de l'électricité et offre de nouvelles possibilités à d'autres fournisseurs qu'EDF.
Par ailleurs, il convient de rappeler que, en vertu du droit actuellement en vigueur, les pertes supportées par les GRD sont, d'une manière ou d'une autre, totalement prises en compte dans le tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.
En l'état de la réglementation, les DNN qui ont exercé leur droit à l'éligibilité achètent sur le marché libre de quoi compenser leurs pertes, pour un total de 50 gigawattheures, qui se trouve couvert par le tarif de transport. Les pertes des autres DNN - ceux qui n'ont pas fait jouer leur éligibilité -, estimées à 700 gigawattheures, sont, elles, couvertes par le tarif de cession.
Dans la mesure où les pertes des DNN ayant exercé leur droit à l'éligibilité sont couvertes par le TURP, c'est-à-dire le tarif d'utilisation des réseaux publics, il n'est pas nécessaire de prévoir l'instauration d'un tarif de cession à leur profit.
C'est pourquoi la commission a estimé qu'il n'y avait pas lieu de modifier la législation actuelle. En outre, une telle disposition susciterait vraisemblablement des difficultés avec Bruxelles, car elle serait contraire à la directive 2003/54.
La commission demande donc le retrait de l'amendement n° 57, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
En ce qui concerne à présent l'amendement n° 192, il s'agit d'une tout autre question !
Monsieur Desessard, je vous suggère de rectifier cet amendement, car notre débat serait plus cohérent si nous l'examinions en même temps que l'amendement n° 24 de la commission, après l'article 5 bis du projet de loi.
Dans le cas contraire, je serais contraint d'émettre un avis défavorable, mais ce serait à regret, car je ne suis pas hostile sur le principe à cet amendement, dont je souhaite seulement qu'il soit rectifié.
M. le président. Monsieur Deneux, l'amendement n° 57 est-il maintenu ?
M. Marcel Deneux. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 57 est retiré.
Monsieur Desessard, acceptez-vous la solution qui vous a été suggérée par M. le rapporteur ?
M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 192 sera donc rectifié pour être examiné après l'article 5 bis du projet de loi.
L'amendement n° 272, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er juillet 2008.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. À travers cet amendement, nous souhaitons nous donner le temps de renégocier les directives européennes qui imposent l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique.
En premier lieu, nous estimons que l'énergie - un secteur stratégique s'il en est - ne saurait être livrée à l'appétit d'intérêts privés qui sont, pour l'essentiel, des fonds de pensions britanniques et américains. Face à de telles puissances, monsieur le ministre, il est fort à craindre que la minorité de blocage de 34 % que vous nous présentez comme une garantie ne constitue en fait qu'un rempart dérisoire !
En second lieu, les vertus et les bénéfices attendus de l'ouverture à la concurrence n'ont pas été au rendez-vous.
Que ne nous avait-on pas promis en matière de baisse des prix et d'amélioration de la qualité des services ! Or les résultats ne sont pas là, et les exemples dont nous disposons ne convainquent guère.
Pour les entreprises, l'écart entre le prix réglementé de l'électricité et le prix libre est d'environ 66 %, ce qui est naturellement loin de satisfaire leurs dirigeants.
Quant aux prix du gaz, tout le monde a pu constater qu'ils ont augmenté de 30 % depuis le changement de statut de l'entreprise.
Combien de fois avons-nous dénoncé, y compris dans cet hémicycle, l'idéologie qui sous-tend la déréglementation des marchés et qui applique exactement les mêmes recettes, quel que soit le secteur économique concerné ?
Partout, que ce soit pour le rail, le transport aérien, la poste ou l'énergie, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Partout, le procédé mis en oeuvre est le même : on accuse d'abord les entreprises publiques d'être mal gérées, alors qu'on ne leur accorde pas les moyens dont elles ont besoin, pour mieux justifier ensuite leur privatisation. Bien que le scénario ne soit pas tout à fait identique pour Gaz de France, la démarche est de même nature.
Il faut donc renégocier avec Bruxelles, sur la base de l'absence des résultats escomptés. En effet, ces directives transposées s'appliquent aveuglément, sans aucun souci de l'impact social, économique ou écologique !
Monsieur le ministre, je le répète, alors que le Gouvernement avait fait miroiter aux entreprises des baisses du tarif de l'électricité considérables, on a assisté tout simplement à des hausses sans précédent, que vous avez un peu trop tendance à imputer à la seule augmentation du prix du pétrole !
En nous demandant de privatiser GDF, comme vous le faites aujourd'hui, vous contredisez complètement la lettre, et même l'esprit, des textes que vous avez fait voter voilà à peine deux ans, à savoir la loi du 9 août 2004 et la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique du pays.
Et je n'évoque même pas, car nombreux sont nos collègues qui l'ont déjà justement dénoncé, le manquement à l'engagement de l'État dont s'est rendu coupable M. Sarkozy.
Eh bien, non ! Lorsqu'une directive européenne suscite des effets aussi négatifs, lorsqu'elle menace aussi dangereusement notre industrie et affecte la survie de certaines de nos entreprises, il n'est pas possible de baisser les bras et de céder au fatalisme !
Tant le bon sens que la responsabilité politique commandent d'exiger de Bruxelles un moratoire et de convier les autres États membres de l'Union à dresser le bilan de l'ouverture partielle du marché de l'électricité et à envisager une renégociation. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement tend à repousser du 1er juillet 2007 au 1er juillet 2008 l'application des dispositions relatives à l'éligibilité de tous les consommateurs d'électricité, ce qui serait tout simplement contraire à la directive que nous nous efforçons de transposer. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 273, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Tout fournisseur d'électricité sur le territoire français doit assumer des obligations de service public, en particulier l'égalité de traitement, la sécurité d'approvisionnement, au travers notamment de la programmation pluriannuelle des approvisionnements, de la continuité de fourniture, la régularité, la qualité et le prix, la protection de l'environnement et le développement équilibré du territoire.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Puisque le Gouvernement cache derrière la transposition des directives européennes sa volonté de casser le service public français de l'énergie, rappelons qu'aux termes de la directive 2003/54 CE « les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l'électricité, dans l'intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d'approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection de l'environnement, y compris l'efficacité énergétique et la protection du climat. ».
Comme nous ne cessons et ne cesserons de le répéter, en matière d'électricité, la notion de service public est pour le moins étendue. Il convient de garder à l'esprit toute sa richesse au moment où tout semble fait pour modifier les règles du jeu. Toutefois, monsieur le ministre, vous avez déjà quelque peu vidé de leur « substantifique moelle » les missions du service public des entreprises énergétiques, puisque, par la loi du 9 août 2004, vous avez procédé à leur contractualisation.
D'ailleurs, le Gouvernement nous renvoie déjà à ces contrats lorsque nous demandons que le contenu des missions du service public soit fixé dans la loi et que ceux à qui elles incombent y soient précisément désignés.
Monsieur le ministre, nous réclamons que les objectifs du service public de l'énergie et les obligations qui reviennent aux entreprises du secteur soient inscrits en toutes lettres dans votre projet de loi.
Et, s'il vous plaît, ne nous opposez pas les autres lois qui en font déjà état ! Aujourd'hui, la situation a grandement changé, avec la privatisation en cours de GDF et l'ouverture totale des marchés de l'électricité et du gaz.
Dans la mesure où les fournisseurs d'électricité se multiplieront à côté d'EDF, nous demandons que ceux-ci soient clairement contraints d'assurer les obligations de service public inhérentes à leur activité.
L'amendement n° 273 est bien sûr pour nous un amendement de repli. Nous ne pensons pas que le cadre concurrentiel soit vraiment à même d'assurer les missions du service public.
Le service public national de l'énergie intéresse la collectivité nationale tout entière, et suppose donc nécessairement la propriété publique, tant les exigences du secteur privé sont difficilement conciliables avec les siennes.
Toutefois, face à l'entêtement du Gouvernement à libéraliser les secteurs stratégiques, nous souhaitons mettre en place certains garde-fous. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cher collègue, compte tenu de l'organisation actuelle de notre secteur électrique, où seuls EDF et les DNN sont chargés de remplir l'ensemble des missions de ce service public et bénéficient à ce titre d'un monopole, il n'y a pas lieu de prévoir une application plus large des obligations qui leur incombent.
Monsieur le ministre, il y a cependant un point sur lequel il serait important que nous réfléchissions pour l'avenir : il s'agit des investissements nécessaires à prévoir pour répondre à nos besoins en électricité.
Nous permettons à toute une série de nouveaux acteurs de rentrer sur le marché. Or, pour le moment, il n'y a pratiquement qu'EDF pour garantir la sécurité d'approvisionnement.
Souvenez-vous de la discussion que nous avons eue en juin dernier, et de la préoccupation qui s'était fait entendre sur toutes les travées. Je me rappelle les échanges que nous avons eus lors de la discussion générale : la tension sur les tarifs provient de l'insuffisante capacité à fournir de l'électricité, ce qui est un réel problème.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est également défavorable. Cependant, je reconnais, monsieur le rapporteur, que le sujet est effectivement important.
Nous avons besoin que des investissements soient réalisés, soit en pointe, soit en semi-base, soit en base, en France d'abord et dans l'ensemble de l'Union européenne. La programmation pluriannuelle des investissements en matière d'électricité prend en compte les opérateurs qui souhaitent apporter des réponses. Pour autant, ces derniers n'ont pas le même statut qu'EDF, qui est prioritaire en raison de ses obligations légales.
J'en ai tout à fait conscience, cette réflexion sur l'acquis de la loi de 2000 est nécessaire. Ce sera l'un des prochains chantiers ; mais il ne me paraît pas nécessaire de l'ouvrir à l'occasion de la discussion de cet amendement !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 274, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le deuxième alinéa du III de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, les mots : « sur avis de la commission de régulation de l'énergie » sont remplacés par les dispositions : « sur avis de l'observatoire national du service public de l'électricité et du gaz créé par l'article 3 de la loi n° 2000-108. L'observatoire national du service public de l'électricité et du gaz formule ses propositions et avis, qui doivent être motivés, après avoir procédé à toute consultation qu'il juge utile et, notamment, après avoir pris connaissance des coûts de production réels que les fournisseurs d'électricité devront lui fournir. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. L'article 3 de la loi du 10 février 2000 prévoit la création d'un Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz auprès du Conseil économique et social.
Cet Observatoire a pour mission d'examiner les conditions de mise en oeuvre du service public. Il peut émettre des avis sur toute question de sa compétence et formuler des propositions motivées qui sont rendues publiques. Il remet chaque année au Parlement et au Gouvernement un rapport sur l'évolution des tarifs de vente du gaz et de l'électricité pour chaque type de client.
Par ailleurs, le contenu du service public de l'électricité est précisé par l'article 2 de la même loi. C'est « le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, le développement et l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ainsi que la fourniture d'électricité » ; mais ce service public veille également à assurer « la desserte rationnelle du territoire national par les réseaux publics de transport et de distribution, dans le respect de l'environnement, et l'interconnexion avec les pays voisins », ainsi que « le raccordement et l'accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution ».
L'Observatoire est donc tout à fait habilité, compte tenu de l'importance et de la consistance de ce service public, à donner son avis sur l'ensemble des questions posées par la fixation des tarifs publics de l'énergie et à se munir de tous les éléments permettant de les apprécier au travers du processus de formation des prix.
Les tarifs réglementés du gaz relèvent du service public et non de la logique de marché. L'avis doit donc émaner d'un organisme dont la mission est le service public et non le marché.
Cet amendement vise à modifier en conséquence la loi n° 2000-108 du 7 mars 2000 et à préciser, par ailleurs, que l'Observatoire donnera un avis sur la base d'informations, dont, notamment, une information transparente sur les coûts de production. Cela permettrait une transparence - elle n'existe pas actuellement - sur cet élément déterminant des tarifs réglementés.
M. le président. L'amendement n° 276, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le deuxième alinéa du III de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, les mots : « sur avis de la commission de régulation de l'énergie » sont supprimés.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Dans sa rédaction actuelle, l'article 3 du 10 février 2000 prévoit notamment qu'« un Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz est créé auprès du Conseil économique et social en vue d'examiner les conditions de mise en oeuvre du service public. Ce dernier peut émettre des avis sur toute question de sa compétence et formuler des propositions motivées qui sont rendues publiques. Il remet chaque année au Parlement et au Gouvernement un rapport sur l'évolution des tarifs de vente du gaz et de l'électricité pour chaque type de client. »
L'article 1er du décret 2003-415 du 30 avril 2003 relatif à la composition et au fonctionnement de cet Observatoire apporte des garanties de pluralité et précise les conditions de composition de ce dernier. Toutes les parties prenantes en sont membres. Compte tenu de son spectre d'intervention, l'Observatoire est parfaitement habilité à intervenir sur la question des tarifs réglementés, ce qui sous-tend le présent amendement.
Il présente, de par sa composition, plus de garanties de transparence et de démocratie que la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, dont l'indépendance est discutable.
Une fois encore, on étend le champ des compétences de la CRE au détriment de tout autre solution. Nous préférons que ce soit l'Observatoire qui s'intéresse aux tarifs régulés. C'est pourquoi nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 277, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le deuxième alinéa du III de l'article 4 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 précitée, les mots : « sur avis de la commission de régulation de l'énergie » sont remplacés par les mots : « sur avis de l'observatoire national du service public de l'énergie ».
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Nous préférons que ce soit l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz, et non pas la CRE, qui fixe les prix. Ce sont les amendements que vous avez qualifiés en commission d'« anti-CRE », monsieur le rapporteur !
Nous pensons que cette solution serait beaucoup plus démocratique. Les tarifs publics de l'énergie ne devraient pas évoluer plus vite que le pouvoir d'achat. Si le Gouvernement nous donnait cette garantie, nous serions à moitié rassurés. Sans doute, M. le ministre nous rétorquera-t-il qu'il ne peut pas le faire car l'Europe lui interdit de baisser les taxes sur les produits énergétiques ou la TVA...
Nous devons nous affranchir de ces contraintes, sinon nous ne déciderons plus pour nous-mêmes : les Français ne le comprendraient pas.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ces trois amendements ont un même objectif : ils visent à retirer des compétences à la CRE.
Mes chers collègues, vous êtes d'ailleurs assez logiques puisque c'est un point que vous réclamez régulièrement !
M. Robert Bret. Nous sommes cohérents !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Oui, cohérents avec vous-mêmes, et c'est pourquoi j'appelais vos amendements des amendements « anti-CRE » !
Il ne me paraît pas complètement illogique que notre régulateur puisse se prononcer sur les évolutions du tarif intégré dès lors que, en définitive, le Gouvernement reste seul compétent pour en fixer le niveau.
Pour ce qui est de la CRE, c'est l'inverse : à l'occasion de la discussion sur l'article 2 bis, nous allons parler du renforcement des compétences de la CRE. Pour ma part, je souhaite qu'elle ait plus de compétences, y compris en prenant en compte un objectif de défense du consommateur. C'est contraire à vos propositions, et la commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
(M. Philippe Richert remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)