sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
2. Secteur de l'énergie. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Intitulé du titre III (précédemment réservé)
Amendement no 449 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques ; Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. - La réserve est ordonnée.
Article 10 (précédemment réservé)
M. Yves Coquelle, Mme Annie David, MM. Roland Courteau, Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Bricq, MM. Daniel Raoul, Bernard Piras, Claude Domeizel, Gérard Longuet.
M. le ministre.
M. Jean-Marc Pastor, Mme Bariza Khiari, M. Bernard Vera, Mmes Michelle Demessine, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Pierre Fourcade.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie.
présidence de M. Guy Fischer
Amendements nos 450 à 452, 454, 526 de M. Yves Coquelle ; amendements identiques nos 159 de M. Roland Courteau, 453 de M. Yves Coquelle et 662 de M. Jean Desessard, 455, 466 à 470 de M. Yves Coquelle ; amendement no 67 de M. Gérard Longuet et sous-amendements nos 798 de M. Roland Courteau et 775 de M. Michel Mercier ; amendements ns 457 à 465 de M. Yves Coquelle ; amendements identiques nos 161 de M. Roland Courteau et 664 de M. Jean Desessard ; amendement no 456 de M. Yves Coquelle ; amendements identiques nos 471 de M. Yves Coquelle, 562 de M. Roland Courteau et 721 de M. Jean Desessard ; amendements nos 472 de M. Yves Coquelle, 749 rectifié de M. Philippe Marini, repris par la commission ; amendements identiques nos 162 de M. Roland Courteau et 665 de M. Jean Desessard ; amendements identiques nos 163 de M. Roland Courteau et 666 de M. Jean Desessard ; amendements identiques nos 165 de M. Roland Courteau et 668 de M. Jean Desessard ; amendements identiques nos 164 de M. Roland Courteau et 667 de M. Jean Desessard ; amendements nos 473, 474 de M. Yves Coquelle ; amendements identiques nos 475 de M. Yves Coquelle et 563 de M. Roland Courteau ; Amendement no 476 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, Michel Billout, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Annie David, M. Daniel Reiner, Mme Michelle Demessine, MM. Jean Desessard, Thierry Foucaud, Gérard Longuet, Jean-Marc Pastor, Michel Mercier, Roland Muzeau, Roland Courteau, le rapporteur, Daniel Raoul, Jean-Pierre Bel, Mme Hélène Luc. - Retrait de l'amendement no 562.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Roland du Luart
MM. le rapporteur, le ministre délégué, Roland Courteau, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Hélène Luc, Michelle Demessine, Josiane Mathon-Poinat, M. Michel Mercier, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean Desessard, Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Michel Billout. - Rejet des amendements nos 450 à 452, 526, 466 à 470, 67, 465, 458, 464, 463, 457, 459, 462, 460, 461 et 456 ; rejet, par scrutins publics, des amendements nos 454, 159, 453, 662, 455, 161, 664 et des sous-amendements nos 798 et 775.
Mise au point au sujet d'un vote
MM. Roland Courteau, le président.
Article 10 (précédemment réservé) (suite)
Rejet des amendements nos 471, 721, 162, 665, 163, 666, 165, 668, 164, 667, 473, 474, 475, 563, 476 et, par scrutin public, de l'amendement no 472 ; adoption de l'amendement no 749 rectifié.
Mme Bariza Khiari, MM. Roland Courteau, Guy Fischer, Daniel Raoul, Henri Revol.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
4. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
5. Dépôt de rapports d'information
6. Dépôt d'avis
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Secteur de l'énergie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (nos 3, 6, 7).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen du titre III, précédemment réservé.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AU CAPITAL DE GAZ DE FRANCE ET AU CONTRÔLE DE L'ÉTAT (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 449, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de ce titre :
DISPOSITIONS RELATIVES AU CAPITAL DES ENTREPRISES ÉNERGÉTIQUES REMPLISSANT UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC ET AU CONTRÔLE DE L'ÉTAT
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cet amendement vise à réécrire le titre III de ce projet de loi.
Au regard des amendements que nous avons défendus sur les articles 10, 11 et 12, nous estimons que le champ d'application de ce titre doit être étendu à toutes les entreprises énergétiques qui remplissent une mission de service public, c'est-à-dire actuellement EDF et GDF. En effet, seules des entreprises publiques peuvent répondre aux missions de service public d'aménagement du territoire, d'égal accès, de sécurité et d'innovation.
Les choix du Conseil national de la Résistance restent aujourd'hui d'une grande actualité, malgré toutes vos tentatives pour ringardiser cette posture.
Non, messieurs, la modernité, ce n'est pas le marché qui organise la concurrence entre les entreprises, les territoires et les hommes. La modernité, c'est le développement partagé et la solidarité nationale. La modernité, c'est le progrès pour tous et la garantie des droits fondamentaux.
En ce sens, le Conseil d'État, dans son avis sur ce projet de loi, a clairement confirmé GDF dans son rôle de service public national. Or un tel statut implique nécessairement que cette entreprise reste propriété de l'État. M. Nicolas Sarkozy le reconnaissait lui-même, en citant le Président de la République : « Ces entreprises sont des grands services publics. Elles le resteront, ce qui signifie qu'elles ne seront pas privatisées ».
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment que la politique énergétique dont la mise en oeuvre s'impose doit permettre non seulement de répondre à la demande croissante d'énergie, mais également de garantir effectivement à tous un droit d'accès à l'énergie, principe reconnu par la Constitution. Ce sont là les conditions d'un progrès de société indispensable pour le XXIe siècle.
Ainsi, la seule question qui se pose est de savoir si l'énergie est une marchandise comme les autres ou s'il s'agit d'un bien commun de l'humanité.
De la réponse à cette question découlent non seulement le régime de propriété et d'exploitation de ces services, mais également leur reconnaissance en tant que services publics.
Nous l'avons réaffirmé au cours de la discussion générale, nous continuons de penser qu'il s'agit d'un bien commun dont l'État doit garantir l'accessibilité pour tous.
M. Jean-Marc Pastor. Eh oui !
M. Yves Coquelle. Nous estimons que seule une entreprise publique peut remplir les missions d'égal accès de tous au service public, notamment au moyen de la péréquation tarifaire.
Par ailleurs, la création d'une entreprise intégrée, proposant une offre multiénergie complète et disposant d'une envergure importante permettra de garantir un service public de qualité.
Au regard d'une longue histoire commune ainsi que des synergies existantes, nous pensons que la fusion la plus pertinente serait une fusion entre EDF et GDF, deux entreprises publiques dont la mission de service public passe avant la rétribution des actionnaires.
En effet, le passage de monopoles publics à des oligopoles privés est signe, pour notre pays, non pas d'un progrès, mais plutôt d'un recul, puisqu'il prive encore un peu plus le pouvoir politique de moyens de contrainte sur l'économie.
La nation s'est dotée, en 1946, d'instruments industriels efficaces permettant la mise en oeuvre d'une politique énergétique qui a fait ses preuves puisqu'elle a tout à la fois assuré l'indépendance énergétique de la France et offert à tous un droit à l'énergie à des tarifs figurant parmi les plus bas d'Europe.
Or, aujourd'hui, au nom du dogme libéral, vous remettez tout cela en cause, pour le plus grand bonheur des firmes privées !
Mesdames, messieurs de la majorité, souvenez-vous que vous n'êtes pas les représentants du MEDEF ! Vous êtes les représentants du peuple, et devez être garants de l'intérêt général et non pas de celui de quelques actionnaires !
Vous l'aurez compris, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen restent fermement opposés à la privatisation de GDF et à sa fusion avec Suez, laquelle livrerait, au nom du patriotisme économique, le patrimoine commun des Français aux intérêts du grand capital.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je demande la réserve du vote de cet amendement jusqu'à la fin du titre III.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. La réserve est ordonnée.
Article 10 (précédemment réservé)
I. - L'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est ainsi rédigé :
« Art. 24. - Électricité de France et Gaz de France sont des sociétés anonymes. L'État détient plus de 70 % du capital d'Électricité de France et plus du tiers du capital de Gaz de France. »
II. - Après l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée, sont insérés les articles 24-1 et 24-2 ainsi rédigés :
« Art. 24-1. - En vue de préserver les intérêts nationaux dans le secteur de l'énergie, et notamment la continuité et la sécurité d'approvisionnement en énergie, un décret prononce la transformation d'une action ordinaire de l'État au capital de Gaz de France en une action spécifique régie, notamment en ce qui concerne les droits dont elle est assortie, par les dispositions de l'article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.
« Art. 24-2. - Le ministre chargé de l'énergie désigne auprès de Gaz de France, ou de toute entité venant aux droits et obligations de Gaz de France, et des sociétés issues de la séparation juridique imposée à Gaz de France par les articles 5 et 13 de la présente loi, un commissaire du Gouvernement qui assiste, avec voix consultative, aux séances du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société, et de ses comités, et peut présenter des observations à toute assemblée générale. »
III. - La liste annexée à la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation est complétée par les mots : « Gaz de France SA ».
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, sur l'article.
M. Yves Coquelle. Une fois n'est pas coutume, je commencerai mon intervention en vous posant une devinette, mes chers collègues. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. C'est sympathique !
M. Yves Coquelle. Il s'agit de trouver qui est l'auteur des propos suivants : « En premier lieu, si le Gouvernement entend bien donner à EDF et Gaz de France les moyens juridiques et financiers de devenir deux champions européens et donc soumettre au Parlement un projet de loi faisant évoluer la forme juridique des entreprises d'établissement public en société, je vous confirme que ces sociétés resteront publiques et ne seront en aucun cas privatisées. » (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Nous avons deviné !
M. Yves Coquelle. L'auteur poursuit ainsi : « Compte tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts de la France, en termes de sécurité d'approvisionnement et de sûreté des activités nucléaires, l'État conservera en effet une part majoritaire du capital de ces entreprises et continuera de définir conjointement avec leurs présidents leurs orientations stratégiques. Le niveau du seuil de détention minimum par l'État d'EDF et Gaz de France est aujourd'hui fixé par le projet de loi à plus de 50 %. Je ne verrais pas d'obstacle à ce que ce seuil soit sensiblement relevé lors de la discussion au Parlement. »
Alors, mes chers collègues, avez-vous trouvé qui est l'auteur de cette citation ? (Sourires.)
M. Roland Courteau. Mais oui, nous avons trouvé !
M. Yves Coquelle. La réponse est simple : il s'agit de notre actuel ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, ancien ministre de l'intérieur et ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Nicole Bricq. Oh non !
M. Jean-Marc Pastor. Encore lui !
M. Jean-Pierre Michel. Bravo, nous avions trouvé !
M. Roland Courteau. On a gagné !
M. Yves Coquelle. En août 2004, c'est même sur le fondement de l'engagement solennel qu'il a pris, en vertu duquel l'État détiendrait au minimum 70 % des parts de ces deux entreprises, que les parlementaires de la majorité ont adopté le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.
Votre gouvernement bafoue donc une fois de plus ses propres engagements. Vous faites même exactement le contraire de ce que vous aviez promis !
Comment voulez-vous, dès lors, que les hommes et les femmes de ce pays aient confiance dans nos institutions politiques ?
M. Jean-Pierre Michel. Regardez donc l'émission sur Chirac à la télévision !
M. Yves Coquelle. Une fois de plus, vous jouez gravement avec votre pouvoir et vous alimentez dangereusement la crise de notre démocratie.
Mais revenons à l'énergie. Votre loi de 2004 avait été abusivement dénommée « loi de service public ». Et, déjà à l'époque, le service public était durement mis à mal : la poursuite de l'ouverture à la concurrence était entérinée avec l'extension des clients éligibles, et la privatisation bien amorcée avec les ouvertures de capital des deux opérateurs historiques.
La priorité était donc déjà accordée à la course à la rentabilité, à la bataille pour les parts de marché et à la recherche des hausses des dividendes.
Tout cela a trop peu à voir avec les principes de justice sociale, d'égalité d'accès pour tous, de respect de l'environnement, d'innovation technique, principes qui devraient pourtant guider l'action dans ce secteur !
C'est un désastre pour notre pays, car l'énergie n'est pas un bien avec lequel on peut transiger et que l'on peut livrer aux seuls calculs financiers. C'est une ressource dont nul être humain ne peut se passer, mais qui est pour partie en passe d'être épuisée ; elle requiert d'autant plus des choix collectifs et dégagés de la recherche de rentabilité !
Vous ne nous proposez pourtant dans cet article que la prolongation et l'aggravation de ce qui s'était tramé en 2004, dont on voit déjà les conséquences néfastes en termes de prix, d'emploi et d'aménagement du territoire, et j'en passe.
La privatisation de GDF, à laquelle l'article 10 ouvre la voie, ne pourra malheureusement qu'aggraver les logiques à l'oeuvre. Les pressions des actionnaires ne pourront que s'accroître, puisque la détention de 34 % du capital ne conférera à l'État aucun droit en matière de gestion quotidienne des affaires de l'entreprise. L'État perdra donc son droit de regard également en matière d'investissements ou de décisions stratégiques. C'est pourtant l'intérêt de l'ensemble de la collectivité qui est en jeu avec cette activité hautement stratégique qu'est le gaz. Car le gaz est non seulement une source d'énergie pour 11 millions de foyers, mais aussi une ressource indispensable pour tout un pan de notre économie ! Il contribue en outre à l'aménagement du territoire en assurant dans toutes les régions du pays, quelle que soit la densité de peuplement, une présence humaine et économique.
C'est donc un pas supplémentaire vers l'abandon de la maîtrise publique de l'énergie que l'on nous demande ici de franchir.
Quelles garanties aurons-nous, demain, sous la pression croissante des actionnaires, que GDF, entreprise nationale, pourra continuer à assurer les intérêts industriels, économiques et sociaux de la France ? Les exemples offerts par plusieurs grands groupes français, qui n'hésitent pas à avoir recours à des plans sociaux ou à des délocalisations, n'incitent pas à l'optimisme en la matière. Faut-il rappeler le comportement du groupe EADS, issu de la fusion d'un groupe public - Aérospatiale - et d'un groupe privé - Matra - dans l'affaire de la Sogerma ?
Après les autoroutes, après France Télécom, c'est une spoliation supplémentaire des biens de la communauté nationale que vous préparez, au mépris de l'intérêt général et des défis énergétiques qui sont devant nous. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au moment d'aborder cet article 10, je voudrais vous parler de la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, qui est singulière à plusieurs titres.
Tout d'abord, la CNR est en partie propriété du groupe Suez par l'intermédiaire de sa filiale belge Electrabel, qui détient 49,9 % du capital.
Ensuite, la CNR produit de l'électricité avec dix-neuf centrales hydroélectriques réparties entre la frontière suisse et la Méditerranée : elle est donc déjà sur le marché concurrentiel de l'électricité, si cher à la Commission européenne.
Enfin, la CNR bénéficie d'une protection législative qui lui assure un statut original : société anonyme d'intérêt général, elle est administrée par un directoire dont le président est nommé par décret, accompagné d'un conseil de surveillance dont Jean-Marc Coppola, conseiller régional communiste de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, est membre.
La CNR a vu cette spécificité renforcée par la loi du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier. La loi MURCEF précise en effet que le capital de la CNR doit être détenu majoritairement par des collectivités locales ou des entreprises du secteur public. Sa mission est également clairement définie : « produire et commercialiser de l'électricité par utilisation de la puissance hydraulique, [...] favoriser l'utilisation du Rhône comme voie navigable en poursuivant son aménagement et [...] contribuer à l'irrigation, à l'assainissement et aux autres usages agricoles ».
Aujourd'hui, la puissance publique est majoritaire dans la CNR, puisque 29,43 % du capital sont détenus par la Caisse des dépôts et consignations et 20,62 % par les collectivités locales. Mais la menace d'une privatisation plane ; beaucoup, y compris certains élus, s'imaginent même que la CNR est une société privée. Les tentatives de Suez pour modifier la donne sont un élément supplémentaire à verser aux débats.
Ainsi, en mars 2005, le groupe Electrabel annonçait, au mépris de la loi, son intention d'augmenter sa participation et de devenir majoritaire dans la CNR. Certes, Suez qualifie alors « d'erreur de communication » l'annonce faite par sa filiale belge, mais, quelques mois plus tard, c'est au tour du conseil général des Hauts-de-Seine, présidé par Nicolas Sarkozy, de prétendre vouloir vendre ses parts... au groupe Suez !
Il aura fallu la mobilisation des élus et des salariés pour l'obliger à se tourner vers la Caisse des dépôts et consignations.
L'attirance de Suez pour la CNR s'explique aisément, la vieille dame ayant bien des atouts : toutes les infrastructures réalisées depuis la mise en service de la première centrale hydroélectrique en 1946 sont aujourd'hui payées et aucun emprunt ne court, ce qui permet à l'entreprise de dégager de jolis résultats. Ainsi, en 2005, pour un chiffre d'affaires de 458,6 millions d'euros, en hausse de 7,1 %, la CNR dégageait un résultat net de 81,4 millions d'euros, en hausse de 14,8 % !
Aussi, mes chers collègues, messieurs les ministres, je tiens à vous rappeler l'intérêt de la présence publique dans la CNR, notamment pour la gestion du Rhône.
En effet, si le Gouvernement se prenait à rêver de la privatisation de la CNR, il privatiserait en quelque sorte le Rhône lui-même, un fleuve patrimoine de l'État et, dans ce cas, les riverains auraient du souci à se faire. Rappelons, par exemple, que les digues qui cédèrent en 2003 dans les départements du Vaucluse et du Gard, avec les conséquences dramatiques qui s'ensuivirent, relevaient non pas de la CNR mais du domaine privé. Les riverains et les usagers du fleuve sont donc directement concernés par le statut public de la CNR, entreprise dont le savoir-faire n'est plus à démontrer et qui place l'intérêt général au coeur de ses préoccupations.
Pour terminer, je voudrais donner quelques chiffres : avec une puissance installée de 2 937 mégawatts, les dix-neuf ouvrages construits sur le Rhône entre la Suisse et la Méditerranée produisent le quart de l'hydroélectricité française et 4 % de la production nationale. La CNR est ainsi le deuxième producteur français, derrière EDF. Aujourd'hui, 1 180 agents y travaillent.
Au-delà de son savoir-faire, de son souci de l'intérêt général, la CNR apporte son aide pour gérer les digues qui sont hors de ses concessions. En cas de privatisation, cette mission d'aide qu'assume la CNR risque fort de disparaître.
Pour toutes ces raisons, je vous demande solennellement, comme l'ont fait les élus communistes des régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, de maintenir la CNR comme entreprise publique et de confirmer devant le Parlement le rôle positif du pôle d'actionnaires publics majoritaire au sein de la Compagnie nationale du Rhône.
Le dossier de la CNR est pour nous un argument supplémentaire pour exiger la création d'un pôle public de l'énergie, et ni vos arguments, messieurs les ministres, ni ceux des rapporteurs ne nous ont convaincus de l'impossibilité de créer ce grand pôle public qui intégrerait, bien évidemment, la CNR. Vous le comprendrez donc, nous ne pourrons que voter contre cet article 10. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, après être restés étrangement silencieux, voire indifférents tout au long des débats, allez-vous oui ou non, à l'occasion de l'examen de cet article 10, opérer courageusement un sursaut salvateur et voter contre la privatisation de GDF ? Ou, au contraire, allez-vous préférer emprunter les chemins hasardeux de la privatisation, en lançant cette entreprise dans la jungle du libéralisme ? Allez-vous accepter que notre stratégie énergétique soit pilotée par les intérêts des actionnaires ?
Nous, sénateurs de gauche, allons nous efforcer de croire qu'au nom de la morale, notamment, vous serez d'accord avec nous pour affirmer que, dans une démocratie, la parole de l'État ne doit pas être bafouée.
M. Daniel Reiner. Eh oui !
M. Roland Courteau. Mais dès lors que vous serez d'accord avec nous sur le fait que l'on ne transige pas avec la parole donnée, surtout lorsqu'elle engage un ministre et un gouvernement, nous ne doutons pas que vous agirez en conséquence pour que cette parole ne soit pas reniée et que les engagements de M. Sarkozy ne connaissent pas le brillant destin d'une feuille morte.
D'autant que, outre cette dimension morale du problème, la privatisation de GDF, comme l'a laissé entendre M. Sarkozy, serait contraire aux intérêts vitaux de la France.
Nous ne voulons donc pas croire que vous serez insensibles et à la morale et aux intérêts vitaux de la France.
Comment pourrions-nous en effet assurer la sécurité énergétique de la France en commençant par abandonner à un groupe privé les infrastructures lourdes qui en sont les outils, alors que, partout dans le monde, on assiste à une reprise en main du marché par les gouvernements et les États face à l'évolution préoccupante de ce secteur ?
Et aucune privatisation ne s'est jamais réalisée sans compression d'effectifs, première variable d'ajustement des coûts vers le bas, et ce pour la plus grande satisfaction des actionnaires. Nul doute que cette considération ne laissera personne ici indifférent, du moins pas un de ceux qui auraient des préoccupations par rapport à l'emploi...
Sauf grossière erreur de ma part, il ne m'est donc pas possible d'imaginer qu'une telle situation ait pu échapper à la majorité sénatoriale.
De même, nous voulons croire que les membres de cette majorité auront parfaitement compris que voter l'article 10, qui enclenche la privatisation, aboutirait à remettre en cause les fondements d'un service public qui a largement démontré son efficacité depuis soixante ans et que le monde entier nous envie.
Il faudrait que nous, membres de l'opposition, nous ayons vraiment mauvais esprit pour penser, ne serait-ce qu'un seul instant, que la majorité de droite serait prête à balayer, sans trop y réfléchir, soixante ans d'un service public de qualité et à laisser un groupe privé accaparer, dans l'indifférence, un bien public national...
Qui en effet oserait imaginer une telle irresponsabilité ?
Il serait tout aussi déraisonnable de notre part de penser que cette même majorité sénatoriale ne serait pas consciente du danger que représente la construction d'un groupe privé, concurrent frontal d'EDF, avec, de surcroît, les conséquences néfastes que l'on devine pour le service commun EDF-GDF et ses 58 000 agents.
Qui en effet oserait imaginer pareille inconscience ?
Enfin, même si nous déplorons que, tout au long de ces deux semaines de débat, la majorité sénatoriale soit restée totalement inerte, transformée en simple machine à voter, nous voulons croire qu'elle se fera un devoir de réagir, et avec une extrême vigueur, contre cette façon d'imposer au Parlement qu'il signe un chèque en blanc aux différents opérateurs, alors que nul ne sait la tournure que prendront les événements après la privatisation de GDF.
Une chose est certaine, et une seule : on nous demande de privatiser GDF. Pour le reste, on verra après !
Quelle sera exactement l'ampleur des cessions qu'exigera la Commission sur le projet de fusion ? On verra après, ... après le vote !
Quel sera le coût réel des échanges d'actions ? Cinq milliards d'euros ? Plus ? On verra après, ... après le vote !
Quel sera le coût, pour GDF, de la prise en charge de l'endettement de Suez ? On verra après, ... après le vote !
Et quelle est la réalité de cette optimisation fiscale qui permettrait, dit-on, à Suez d'économiser jusqu'à 3 milliards d'euros d'impôts ?
Bref, tout le monde l'aura compris, dans cette histoire, il y aura des gagnants et des perdants.
Comme l'a dit l'un de vos amis, à l'Assemblée nationale, « il y a Suez qui se fait absorber, mais qui devient le numéro un de celui qui l'absorbe ». Il fallait quand même le faire ! (Exclamations ironiques et marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Dans ces conditions, et pour toutes ces raisons, bien fou serait celui qui pourrait croire que la majorité sénatoriale suivra aveuglément le Gouvernement et commettra cette faute majeure, cette faute historique, au détriment de l'intérêt général !
Nul doute, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, que vous allez réagir. À moins - sait-on jamais ! -, que quelque chose m'ait échappé ?
Quant à nous, nous le réaffirmons plus que jamais, l'alternative passe par la création d'un pôle public de l'énergie. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours des heures qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici au coeur de la discussion du projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
Ce projet de loi a un affichage : la libéralisation totale du marché du gaz et de l'énergie ; il a une réalité : le bradage du patrimoine national afin de sauver une entreprise privée.
Permettez-moi de faire un bref rappel historique.
Au mois de juin 2003, au Parlement européen, les socialistes européens se sont opposés aux directives d'ouverture totale à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité, à la fois pour les entreprises et pour l'ensemble des ménages, restant fidèles en cela aux engagements pris lors du sommet de Barcelone en mars 2002.
Souvenez-vous que c'est au cours de ce même sommet que Jacques Chirac avait déclaré qu'il n'était pas admissible d'aller plus loin que l'ouverture du marché de l'électricité aux entreprises.
Quelques mois à peine après cet engagement, et alors que le sujet n'avait été évoqué à aucun moment au cours de la campagne présidentielle de 2002, la droite faisait volte-face au conseil « Énergie » du 25 novembre 2002 et donnait son feu vert à une libéralisation des marchés de l'énergie, y compris pour les consommateurs.
Mme Nicole Bricq. C'était Mme Fontaine !
M. Jean-Pierre Bel. Le 27 avril 2004, M. Nicolas Sarkozy prenait ici même un engagement solennel, dont je rappelle les termes : « Je l'affirme parce que c'est un engagement du Gouvernement : EDF et GDF ne seront pas privatisées. Le Président de la République l'a rappelé solennellement lors du conseil des ministres au cours duquel fut adopté le projet : il ne peut être question de privatiser EDF et GDF ». La suite, vous la connaissez !
Nous, nous n'avons pas changé d'avis.
La transposition des directives européennes et la libéralisation totale des marchés de l'électricité et du gaz vont définitivement remettre en cause le maintien des mécanismes de péréquation sociale et territoriale qui garantissent l'égal accès de tous les ménages, quels que soient leur situation géographique ou leur niveau de consommation, à une électricité fournie au même prix.
Nous l'avons souligné, la libéralisation réalisée ailleurs, que ce soit dans d'autres États membres de l'Union ou en Californie, par exemple, a débouché sur des échecs et des crises. À terme, nous craignons que le paysage énergétique n'évolue inéluctablement vers un système balkanisé comme pour l'eau et pour l'assainissement. La création d'un marché d'oligopoles et de cartels se fera au détriment des usagers.
Quel est le bilan de l'ouverture du marché de l'énergie ? Nul ne le sait, il n'a pas été transmis au Parlement ! Mais a-t-il seulement été réalisé ? Ce qui est intolérable, c'est l'approche idéologique que vous avez de l'économie, monsieur le ministre, approche que partagent vos amis ultralibéraux de la Commission européenne. Ce qui prime, c'est non pas l'efficacité, mais le dogme économique et l'arrogance.
Alors, non, nous ne voulons pas de cette privatisation, pas plus que les Français. S'ils n'en veulent pas, c'est parce qu'ils sentent que, en réalité, cette opération consiste à brader le patrimoine national afin de sauver Suez, entreprise privée, d'OPA hostiles.
Au cours de nos débats, nombreux sont ceux qui, tel Roland Courteau jeudi dernier, lors des questions d'actualité au Gouvernement, ont dénoncé avec force ce projet de loi tout à la fois irrecevable, dangereux, inacceptable, irresponsable et immoral.
Irrecevable, car la privatisation de GDF soulève de lourdes questions juridiques au regard de la Constitution ; dangereux, car le texte remet en cause notre service public de l'énergie ; inacceptable, car les prix du gaz dépendront surtout des intérêts financiers d'actionnaires privés ; irresponsable, car la sécurité énergétique de la France ne sera plus assurée dès lors que l'on aura abandonné à un groupe privé l'ensemble des infrastructures lourdes qui en sont les outils ; immoral, enfin, car la parole de l'État a été bafouée.
Faut-il voir aujourd'hui dans l'amendement déposé par M. Gérard Longuet l'expression d'un remords du ministre de l'intérieur - dont on dit qu'il est proche -, qui, pour la quatrième fois, le 29 avril 2004, assurait aux salariés de GDF qu'il n'était pas question de privatisation ? (M. Gérard Longuet fait des signes de dénégation.). Est-ce là extrapolation de ma part ? Mais si ce n'est pas un remords, cher collègue, quoi d'autre ?
Cet amendement a pour objet de confirmer l'obligation pour l'État de détenir une participation dans le capital de Gaz de France, mais en supprimant la fixation de cette participation à plus du tiers du capital.
Au final, GDF sera privatisée, sans projet industriel, mais demeurera facilement « opéable ».
Quel comble ! C'est au nom du patriotisme économique que le Gouvernement demande au Parlement de privatiser GDF, et tout cela finalement pour porter secours à une entreprise privée ! C'est au nom de ce même patriotisme que nous pourrions bien nous retrouver en définitive avec une entreprise française susceptible de passer sous le contrôle d'un groupe étranger !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Bel. Vos fameux verrous ne tiendront pas, et vous le savez. Le géant russe Gazprom est à l'affût et rien ne bridera son appétit. Cela aussi, vous le savez.
Mais précisément, quels sont les verrous que vous avez posés ?
L'article 10 est censé comporter un dispositif protecteur du nouvel ensemble énergétique. Avec l'action spécifique, l'État pourrait nommer un administrateur ou un membre du conseil de surveillance sans voix délibérative, contrôler les cessions d'actions dépassant un certain seuil et s'opposer à certaines cessions d'actifs.
Or nous pensons que ce dispositif n'est pas de nature à protéger l'autonomie énergétique de la France. En effet, le Gouvernement sait très bien que son action spécifique n'aura pas les effets escomptés.
En outre, l'action spécifique pose un problème de sécurité juridique. Cela aussi, vous le savez ! La Cour de justice des Communautés européennes a en effet plusieurs fois condamné différents États membres qui avaient tenté, eux aussi, de se protéger contre les aléas de la mise sur le marché d'une entreprise de service public.
M. Daniel Raoul. C'est exact !
M. Jean-Pierre Bel. L'action spécifique n'est donc pas le bon outil pour protéger GDF contre l'entrée d'un autre actionnaire, même minoritaire. En conséquence, c'est bien d'une protection factice qu'il s'agit. Elle ne résistera ni au juge communautaire ni aux opérateurs du marché de l'énergie.
Nous savons en effet désormais, depuis le sommet Europe-Russie de Lahti du 21 octobre dernier, que les appétits russes sont immenses. M. Vladimir Poutine veut faire du gaz une arme politique et diplomatique. La Russie ne veut plus seulement fournir la matière première, elle veut dorénavant être un acteur du secteur énergétique en Europe, notamment dans le domaine de la distribution de gaz. Cela ne rend que plus urgente la constitution d'une Europe de l'énergie.
Nous légiférons donc aujourd'hui dans les plus détestables des conditions, sans savoir si le projet de loi que la majorité du Sénat va adopter est valable au regard du droit communautaire ou pas, tout comme l'Assemblée nationale a voté un schéma de fusion-privatisation bien différent de ce qu'il est aujourd'hui.
Le feu vert donné par la Commission européenne s'accompagne en effet de concessions supplémentaires, notamment sur le marché du gaz belge, concessions qui n'ont jamais été évoquées à l'Assemblée nationale, et pour cause ! Ces larges concessions rendent la fusion beaucoup moins attractive pour GDF. L'opération ressemble donc fort à un marché de dupes !
Quel contraste également entre les coups de théâtre à répétition qui ont émaillé ce dossier et l'atonie des membres de la majorité UMP, qu'a relevée notre collègue Roland Courteau, sur ces travées comme sur les bancs du Palais-Bourbon !
Alors que M. Jean-François Cirelli laisse planer la menace de démissionner, alors que les tensions entre Suez et GDF sont à leur paroxysme, alors que les actionnaires de Suez réclament soit une révision de la parité des actions, soit des dividendes exceptionnels, alors que M. François Pinault s'apprête à reprendre, le cas échéant, les activités eau et propreté de Suez - mais ce serait, dit-on, des ragots -, votre majorité est bien muette sur ce dossier, messieurs les ministres, peut-être pour ne pas étaler ses divisions, qui sont bien réelles.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Bel. Est-elle muette de stupeur face à l'amateurisme de votre montage juridico-financier ou muette d'accablement face à la sidérante naïveté dont vous faites preuve en misant tout sur une digue de papier, monsieur le ministre ?
M. Roland Courteau. Peut-être !
M. Jean-Pierre Bel. La discipline majoritaire va jouer, alors même que l'intérêt national est bradé, que le montage industriel est boiteux, que rien ne protégera le futur opérateur des appétits des acteurs du Monopoly énergétique.
Chacun est aujourd'hui placé devant ses responsabilités. Pour notre part, nous refusons la privatisation de GDF et nous voterons contre l'article 10. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. L'article 10 du projet de loi organise la privatisation de Gaz de France. Nul dans cet hémicycle, quelle que soit son appartenance politique, ne peut ignorer l'objectif du Gouvernement : offrir une entreprise publique performante à un groupe privé en mal de capital.
Depuis que, au mois de février, le Premier ministre s'est engagé aux côtés des présidents de GDF et de Suez, de façon d'ailleurs très médiatique, force est de constater que l'argumentation du Gouvernement a varié au fil des critiques et des oppositions. À chaque fois, il vous aura fallu, monsieur le ministre, trouver une parade, un affichage.
Dans un premier temps, il s'est agi de contrer une OPA contre Suez, groupe privé. Or, compte tenu des liquidités disponibles dans le monde, il n'y a aucune garantie valable, aucune protection réelle, avec ou sans action spécifique. La meilleure manière de protéger Gaz de France, c'est de la conserver dans le secteur public.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. Quant à Suez, que n'a-t-il renforcé son capital au lieu de faire appel à l'État, au travers de Gaz de France, dont les fonds propres, le cash-flow, dégagés au fil des années grâce à une bonne gestion, seront dilués ?
Tout le monde en convient par ailleurs, le futur groupe, loin de devenir d'emblée le géant que l'on nous vante, sera amené à conclure de nouvelles alliances et à augmenter son capital. M. Gérard Longuet, qui connaît bien la vie des entreprises, l'a d'ailleurs compris. C'est la raison pour laquelle il a déposé un amendement visant à abaisser le fameux seuil de participation de l'État, actuellement fixé à 34 %. Notre collègue est dans sa logique, une logique libérale, et il l'assume : il sait que des alliances seront indispensables et qu'il faudra donc procéder à des augmentations de capital. La majorité nous ment sur ce sujet. Le Gouvernement ne dit pas la vérité !
M. Roland Courteau. C'est clair !
Mme Nicole Bricq. Dans tous les cas - augmentation de capital ou alliance -, c'est l'État qui en sortira perdant et affaibli, qu'il détienne ou non une participation minoritaire.
Je vous en conjure : ne mettez pas le doigt dans cet engrenage fatal, au moment même où les États producteurs renforcent leurs pouvoirs et disposent ainsi de moyens de pression économique et politique au travers de l'approvisionnement, nous renvoyant ainsi, nous, Européens, au désordre de l'organisation des marchés de l'énergie.
Dans un deuxième temps, la menace Enel s'éloignant, et en attendant les autres - il y a eu quelques rebondissements ces quinze derniers jours et il y en aura d'autres, car les marchés n'ont pas dit leur dernier mot -, vous avez justifié votre projet par la nécessité d'assurer la sécurité d'approvisionnement de la France. Or, à ce jour, vous n'avez jamais démontré de façon sérieuse que la privatisation-fusion la renforcerait.
Depuis plusieurs années, quelles que soient les majorités politiques, l'entreprise publique Gaz de France a poursuivi une stratégie patiente et efficace consistant à accroître la part de son chiffre d'affaires affectée à l'accès à la production, aux champs gaziers, pour atteindre l'objectif stratégique de 15 %. Petit à petit, elle y arrive. Rien ne garantit que cette priorité sera maintenue à l'avenir. Pourtant, c'est bien là qu'est le véritable projet industriel. Il nécessite, c'est vrai, des moyens financiers à hauteur de sa croissance, en amont, par autofinancement ou par endettement.
Non seulement la part de ressources propres accumulées risque d'être diluée, mais la capacité d'endettement du futur groupe ne sera pas renforcée, bien au contraire. C'est un double risque que vous prenez ici, monsieur le ministre.
Quant à l'argument que vous avez développé à moult reprises s'agissant de l'apport par Suez du terminal de Zeebrugge, il tombe, vous le savez, du fait des contreparties exigées, notamment sur le contrôle capitalistique et opérationnel de Fluxys. Quel paradoxe ! Le gaz est sacrifié dans cette opération, alors que l'objectif affiché était d'accroître les capacités et la sécurité d'approvisionnement en gaz !
S'il s'agit de faire appel aux marchés boursiers pour financer des investissements colossaux, on en revient à l'obstacle que j'évoquais précédemment et que M. Longuet a pressenti. On sait en effet que les grands contrats d'approvisionnement reposent autant sur la diplomatie économique des États que sur la stratégie des entreprises.
En outre, j'y insiste, la montée dans l'énergie que le projet est censé assurer à Suez laisse dans l'ombre le sort réservé à son pôle environnement. Quelles que soient vos dénégations, il y aura démantèlement, ne serait-ce que parce que la montée dans la production nécessite de nouvelles acquisitions et qu'il faudra bien les payer. C'est grave, car nombre de collectivités locales sont liées à Suez via ses filiales dans les domaines de l'eau, des déchets et de la propreté.
Je me souviens que, naguère, quand il s'est agi d'un autre grand groupe - Vivendi, à l'époque - l'émotion a été grande, y compris jusqu'à l'Élysée. Aujourd'hui, c'est « silence radio », alors que le problème est exactement le même ! Je n'entends personne, sur ces travées, défendre les intérêts des collectivités locales...
M. Michel Sergent. C'est vrai !
M. Daniel Raoul. Très bien !
Mme Nicole Bricq. En conclusion, si le Gouvernement et sa majorité sénatoriale considèrent que le Parlement est, je cite, « un obstacle à passer », tout comme l'accord de la Commission, est-ce à dire qu'ils s'en remettent finalement au débat, subalterne pour l'intérêt général, de la parité promise aux actionnaires de Suez une fois que la question du partage du pouvoir au sein du nouveau groupe aura été réglée ? Les exigences des actionnaires seront satisfaites au détriment de GDF et donc de l'État. C'est le triomphe absolu du marché et des ambitions médiocres : on est loin du « patriotisme économique » tant vanté par le Premier ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me placerai uniquement sur le plan de l'irrecevabilité de ce projet de loi, tous les autres arguments, qu'ils soient techniques ou politiques, ayant déjà été évoqués.
Votre projet de loi, en l'occurrence l'article 10, est contraire à la Constitution, car il méconnaît le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
Quelle est donc la portée exacte de cet alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui rend obligatoire l'appropriation ou la propriété publique d'un service public national ?
Pour le constituant de l'époque, le législateur est dans l'obligation de décider la nationalisation des entreprises exerçant une activité dont il considère qu'elle a les caractères d'un service public national. Il a, parallèlement, le devoir de ne pas décider la privatisation d'une entreprise publique chargée d'une activité de service public.
Pour le grand constitutionnaliste Louis Favoreu, qui s'exprimait sur le sujet en 1997, les services publics nationaux non constitutionnels peuvent être gérés par des personnes morales de droit privé, à la condition que l'État reste majoritaire dans le capital.
Or, pour Gaz de France, ni le projet de loi que nous examinons, ni la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières du 9 août 2004 - titre évocateur ! - ne considèrent que GDF n'exerce plus un service public national.
Dans sa décision du 5 août 2004, le Conseil constitutionnel a même relevé que le législateur avait confirmé la qualité de services publics nationaux des deux entreprises dans l'article 1er de la loi précitée du 9 août 2004, dont je rappelle les premiers termes « Les objectifs et les modalités de mise en oeuvre des missions de service public qui sont assignées à Électricité de France et à Gaz de France ».
Dans le même registre, celui de la réaffirmation du caractère de service public national, la loi de programme du 13 juillet 2005 est claire : « La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la nation et favorise sa compétitivité économique. Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique. »
Les auteurs, je n'en doute pas, se reconnaîtront !
Avec ces deux lois votées il y a moins de deux ans, comme l'a rappelé notre collègue Courteau, ont été réaffirmées les notions de missions de service public en 2004 et d'entreprises publiques nationales en 2005. Or, aucune de ces dispositions n'est remise en cause ou abrogée par l'actuel projet de loi.
Le Conseil constitutionnel a considéré que la loi de 2004 était conforme à la Constitution parce qu'elle garantissait, « conformément au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, la participation majoritaire de l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public dans le capital de ces sociétés ».
Autrement dit, en transférant aux sociétés nouvellement créées les missions de service public antérieurement dévolues aux personnes morales de droit public Électricité de France et Gaz de France dans les conditions prévues par les lois du 8 avril 1946, du 10 février 2000 et du 3 janvier 2003, le législateur a confirmé leur qualité de services publics nationaux.
Il devait donc, conformément au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, conserver ces sociétés dans le secteur public. C'est ce qu'il a d'ailleurs fait en imposant que leur capital soit détenu majoritairement par l'État.
L'appartenance d'une société au secteur public résulte en effet de ce que la majorité de son capital et des droits de vote appartiennent à l'État, à d'autres collectivités publiques ou à d'autres sociétés du secteur public.
L'article 24 de la loi de 2004 dispose expressément que l'État détient plus de 70 % du capital social d'EDF et de GDF, comme cela a déjà été rappelé. Or, c'est précisément ce qui est défait dans ce projet de loi. Mais nous sommes dans un domaine où la loi ne peut défaire ce qu'elle a fait, car la Constitution l'interdit au législateur.
Si l'abandon de cette participation majoritaire ne peut résulter que d'une loi, le législateur ne pourrait le décider qu'à une double condition, qui n'est pas réunie ici : premièrement, s'il considère au préalable qu'il n'existe plus de service public de l'énergie ; deuxièmement - condition constitutionnelle posée en 1996 -, s'il n'y a pas de monopole de fait.
Le projet de loi relatif au secteur de l'énergie constitue donc un exemple de découplage entre la propriété publique d'une entreprise et son caractère de service public national.
Certes, la question de l'activité monopolistique de fait peut se poser, que ce soit pour le marché du gaz ou pour le secteur de l'énergie, mais la commission des affaires économiques comme le Gouvernement se situent sur le seul terrain du droit.
Aucune appréciation n'a donc été portée sur le point de savoir si GDF est ou non en situation de monopole de fait à l'égard des consommateurs, l'une des deux conditions posées par le préambule de la Constitution de 1946 pour rendre obligatoire l'appropriation par la nation d'une activité.
Il faut donc apprécier la situation monopolistique non seulement en droit mais également en fait, et raisonner sur le plan non pas d'une simple entreprise, mais de tout un secteur d'activité, celui de la fourniture de gaz au consommateur.
Bref, l'opération envisagée a pour but de conforter GDF dans une démarche sinon monopolistique, du moins oligopolistique sur le marché européen. La fusion avec Suez, si elle a vraiment lieu, ne risque-t-elle pas de donner naissance à un monopole de fait ? Le préambule de la Constitution de 1946 obligerait alors à nationaliser ...Ce serait tout de même un comble pour les membres de la majorité !
Par ailleurs, sur le marché national, le caractère de monopole naturel de fait des réseaux gaziers confiés à GDF, en raison de son caractère de concessionnaire obligé sur son territoire de desserte, n'est pas contestable.
Avec ce projet de loi, le Gouvernement est resté au milieu du gué. S'il avait poursuivi sa logique jusqu'au bout, il aurait proposé, en même temps que la fin du caractère public de GDF, soit la disparition du service public national de l'énergie, soit une révision de la Constitution pour faire disparaître le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Pour au moins trois motifs, nous considérons qu'il y a méconnaissance de la Constitution.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Daniel Raoul. Premièrement, nous considérons que le Gouvernement aurait dû faire disparaître le caractère de service public national de GDF avant la privatisation.
Deuxièmement, nous considérons que l'énergie est un élément de l'indépendance nationale dont le chef de l'État doit être le garant aux termes de l'article 5 de la Constitution.
Troisièmement, nous considérons que l'action spécifique que détiendrait le Gouvernement pour protéger les intérêts nationaux n'est en réalité qu'une digue de papier, comme l'a évoqué le président Jean-Pierre Bel.
Pour ces trois raisons, la constitutionnalité du projet de loi -tout particulièrement celle de l'article 10 - est contestable et sera contestée, je vous l'assure, par nous-mêmes et par les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la répétition étant un élément important de toute pédagogie, ...
M. Josselin de Rohan. Ah, de ce côté-là...
M. Bernard Piras. ...je serai donc répétitif ! (Sourires.)
La privatisation de GDF est-elle propre à garantir l'intérêt général, donc l'intérêt du pays ?
Non ! Les logiques qui la sous-tendent aboutiront, au contraire, à l'effet inverse. L'intérêt d'un actionnaire n'est pas celui d'une nation. Face à cela, le service public de l'énergie a prouvé depuis des décennies sont efficacité en termes de desserte du territoire, de péréquation tarifaire et de prix abordables, de sécurité d'approvisionnement et de choix d'investissements. Il est bien évident que, pour une société privée, ces questions ne constituent pas des priorités !
La privatisation de GDF était-elle imposée par l'Union européenne ? Absolument pas ! Personne ne vous oblige aujourd'hui à privatiser GDF ; c'est un véritable choix politique guidé par un dogme libéral, et non par la raison.
La privatisation de GDF repose-t-elle sur une réelle motivation ? Non ! Sa motivation originelle fut un alibi douteux, à savoir le risque imminent d'une OPA d'Enel sur Suez. Or, il est notoire que la fusion GDF-Suez était déjà évoquée depuis plusieurs mois en coulisse.
Cette privatisation peut-elle être justifiée, comme c'est le cas désormais, par une prétendue « taille critique » de GDF ? Non ! Au regard du faible apport en actifs gaziers auquel conduit la fusion, au regard de l'absence réelle de projet industriel à la clé et des cessions qui sont exigées par l'Union européenne, le nouveau groupe fusionné ne contribuera pas à accroître la force de négociation en matière de prix d'achat du gaz.
Cette privatisation répond-elle à une ligne de conduite cohérente et lisible du Gouvernement ? Non, et c'est le moins que l'on puisse dire ! Nous assistons ici au reniement de la parole d'un ministre d'État, M. Nicolas Sarkozy. Ce dernier, en 2004, lors du débat sur le statut d'EDF-GDF, avait promis de manière solennelle que la participation de l'État ne descendrait jamais en dessous de 70 %. Le résultat est là ! Comment vous croire, aujourd'hui, quand vous vous engagez à maintenir une minorité de blocage à 34 % ?
Un tel comportement marque un grave et profond irrespect envers les parlementaires et, à travers eux, envers le peuple français.
Face au contexte énergétique international et à l'absence de position commune au sein de l'Union européenne dans ce secteur, cette privatisation apparaît-elle opportune ?
Le marché de l'énergie est particulièrement instable, les rapports de force entre les pays producteurs et les pays importateurs n'ayant jamais été aussi tendus. Le défaut d'élaboration d'une stratégie européenne d'approvisionnement ne fait qu'accroître notre vulnérabilité. Le respect des préalables posés lors du sommet de Barcelone, en 2002, à savoir une étude d'impact de l'ouverture des marchés et l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général, n'a jamais été autant justifié.
Dans ce contexte, la privatisation de GDF va affaiblir l'entreprise, qui ne sera plus qu'une société parmi d'autres ne bénéficiant plus du poids de l'État français.
L'urgence dans laquelle s'inscrit cette privatisation est-elle légitime ? Non ! La précipitation dans ce dossier est indéniable : il est demandé aux parlementaires de donner un blanc-seing à une privatisation, prémices d'une fusion, et ce alors que, d'une part, nous ne connaîtrons officiellement qu'en novembre les cessions d'actifs exigées par Bruxelles, et elles risquent d'être massives, et que, d'autre part, les conditions financières de cette fusion ne sont pas encore rendues publiques à ce jour.
Des garanties entourent-elles cette privatisation ? Non ! Celles que vous donnez sont illusoires, car l'action spécifique ne permettra pas à l'État de décider de la stratégie et de l'orientation de l'entreprise dans un sens conforme à l'intérêt général, pas plus qu'elle ne lui permettra de maîtriser les tarifs. En outre, sur un plan juridique, les actions spécifiques apparaissent très incertaines quant à leur validité et donc à leur efficacité.
Avez-vous réussi à convaincre les salariés de la chance que constituera pour eux le fait d'appartenir à un tel groupe ? Non !
Les promesses qui accompagnent cette privatisation sont-elles réalistes ? Non ! Il est impossible de prétendre que le groupe créé pourra nouer des alliances par la suite tout en assurant le maintien d'un taux de blocage de 34 %. Ces deux engagements sont incompatibles.
Et le plus grave, sans doute, est de laisser croire aux Français que les orientations que vous prenez sont non seulement les meilleures pour le pays, mais également les seules envisageables. Telle n'est pas la vérité, et les Français en seront informés !
Malheureusement, si votre défaut de discernement persiste, l'avenir prouvera votre méprise, mais vous ne serez sans doute plus là pour l'assumer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Mes collègues du groupe socialiste qui viennent d'intervenir ont dénoncé les dangers, les incohérences et l'inconséquence du projet de loi, plus particulièrement de l'article 10, qui consacre en une seule phrase courte la privatisation de GDF.
Pour ma part, je veux m'attarder un instant, devant des travées de la majorité passablement clairsemées,...
M. Gérard Longuet. Mais de qualité !
M. Claude Domeizel. ...sur un sujet primordial pour la sécurité d'approvisionnement énergétique de notre pays, celui du stockage.
Peut-être suis-je un peu plus sensibilisé à cette question, car le département dont je suis l'élu abrite une importante réserve de gaz, qui est stockée dans six gigantesques cavités creusées par dissolution dans une couche géologique saline. Quelque 3 millions de mètres cubes sont ainsi disponibles afin d'engranger 500 millions de mètres cubes à pression atmosphérique de gaz liquéfié et de faire face aux aléas possibles d'un marché dont nous sommes dépendants.
Comme d'autres sites en France, celui-ci participe à la régulation des flux de la distribution afin de satisfaire la clientèle aux périodes de forte demande. Il est donc indispensable, fondamental même, que les stockages demeurent sous le contrôle de l'État.
On me rétorquera qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir dans ce domaine, puisque, selon l'exposé des motifs du projet de loi, le paragraphe II de l'article 10 « prévoit la création au bénéfice de l'État d'une action spécifique de Gaz de France afin de préserver les intérêts nationaux dans le secteur de l'énergie et notamment la continuité et la sécurité d'approvisionnement en énergie ». Au passage, je note que M. Ladislas Poniatowski s'interroge également sur ce sujet, mais il se satisfait un peu trop rapidement des mots magiques « golden share ».
Qu'on le veuille ou non, la privatisation de GDF conduit de fait à la perte de la maîtrise publique en ce qui concerne les décisions stratégiques de la nouvelle entité. Dès lors, rien ne garantit que la sécurité d'approvisionnement de la France sera assurée. Pourquoi les intérêts de la nouvelle entité coïncideraient-ils avec ceux de la France ? Il faut dire qu'à tout moment la golden share peut perdre son caractère particulier par un simple décret.
On peut réellement douter de l'efficacité d'une telle procédure. Nous sommes en effet très réservés quant à l'efficacité du dispositif de « l'action de préférence ».
Nous voudrions bien vous croire, messieurs les ministres, mais nous n'oublions pas le précédent du 4 juin 2002 où la Cour de justice des Communautés européennes a condamné l'action spécifique mise en place pour EDF en 1993 afin de faire face aux OPA hostiles.
La nouvelle entité n'est pas à l'abri d'une OPA, qui impliquerait une dilution du capital et qui pourrait faire passer en d'autres mains, à d'autres actionnaires, les capacités de stockage.
La minorité de blocage protège-t-elle la future entité Suez-Gaz de France ? Ce n'est pas si sûr ! Même M. Longuet, qui apporte habituellement un soutien indéfectible au Gouvernement, s'interroge dans un article paru dans la presse : « Le plancher à 33 % est-il une protection pour l'État actionnaire ? »
Mme Nicole Bricq. Non !
M. Claude Domeizel. Il poursuit : « Je ne le pense pas, car tous les projets qui légitiment cette fusion, les acquisitions de gisements, les partenariats en France, en Europe, dans le monde peuvent à tout moment buter sur cette limite. Car tous ces projets peuvent à tout moment impliquer une dilution de la participation de l'État, qui là encore exigera un passage législatif, parfaitement incompatible avec le rythme et le secret des affaires. » Mais je ne voudrais pas intervenir à la place de M. Longuet. (Sourires.)
Nous voudrions bien vous croire, messieurs les ministres, mais la lettre du commissaire McCreevy accentue un peu plus nos interrogations : « mes services ont conclu que, dans son état actuel, le projet de décret ne contient pas d'élément contentieux qui mènerait la Commission à ouvrir une procédure d'infraction à l'encontre de la France.
« Je dois cependant souligner que cet avis est basé sur l'état actuel de la législation et de la jurisprudence. Par conséquent, des modifications de celles-ci pourraient mettre en cause cette conclusion. De même, d'éventuelles modifications au projet de décret ou l'adoption d'autres mesures complémentaires qui pourraient modifier l'impact du décret ne peuvent bien évidemment pas être prises en compte à ce stade dans notre évaluation du projet de décret. »
Ces réserves viennent redoutablement bousculer vos certitudes quant à l'efficacité de l'action de préférence.
Nous voudrions bien vous croire, mais permettez-moi de m'interroger sur la solidité des engagements du gouvernement auquel vous appartenez lorsqu'on se souvient des déclarations de l'un de ses ministres, ...
M. Roland Courteau. Ah oui !
M. Claude Domeizel. ... et pas des moindres, puisqu'il cumule ses fonctions avec celles de chef de l'UMP. Il paraît même qu'il souhaite accéder à la plus haute fonction de notre République. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Il n'y arrivera pas !
M. Claude Domeizel. Ce ministre, donc, a déclaré il y a quelques mois avec aplomb : « Je l'affirme, parce que c'est un engagement du Gouvernement : EDF et GDF ne seront pas privatisés ».
Non, nous ne pouvons pas vous croire !
Oui, avec une majorité de nos concitoyens, les socialistes s'opposent à votre projet de privatisation d'une entreprise stratégique pour le pays, projet néfaste et dangereux dont les Français feront les frais !
Oui, nous voterons contre le démantèlement d'une entreprise qui a fait ses preuves !
Oui, nous voterons contre l'accaparement d'un bien public par des intérêts privés !
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous remercie de m'avoir prêté attention sur la question de la sécurité énergétique, plus particulièrement en ce qui concerne la maîtrise du stockage du gaz. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. En cet instant, j'exprime mes convictions personnelles, fort de mon expérience professionnelle commencée en 1967 sous l'autorité d'André Giraud à la direction des carburants et d'avoir côtoyé tout au long de ma vie le secteur de l'énergie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai !
M. Gérard Longuet. J'ai beaucoup de respect, madame Borvo Cohen-Seat, pour la mémoire de Marcel Paul, comme j'en ai pour Pierre Guillaumat, Paul Delouvrier ou André Giraud, qui a été mon collègue au gouvernement.
Mes chers collègues du groupe CRC et du groupe socialiste, vous nous parlez d'un monde qui n'existe plus. D'ailleurs, vous le savez parfaitement, puisque c'est le gouvernement que vous souteniez, celui de Lionel Jospin, qui représentait la France au Conseil européen de mars 2002 à Barcelone et qui a fixé les principes généraux des directives de dérégulation énergétique en matière de gaz et d'électricité.
Je le concède, vous avez toujours refusé la dérégulation de la consommation pour le grand public ; vous ne l'avez acceptée que pour la consommation industrielle. Quand bien même seriez-vous de bonne foi et cohérents sur ce point très particulier, je vous rappelle que la France est totalement dépendante en ce qui concerne l'énergie fossile. Elle doit donc accepter des règles du jeu qui sont notamment fixées par les pays producteurs et par les autres consommateurs.
Nous ne sommes plus dans la situation d'une économie fermée où Marcel Paul pouvait dire que l'on devait fixer les règles et s'y tenir. L'économie est désormais ouverte, et personne dans cette assemblée ne pense un seul instant pouvoir singulièrement changer cette situation.
Messieurs les ministres, je soutiendrai l'article 10. Si j'ai déposé un amendement, c'est afin de poser la question suivante : quelle est la meilleure façon de défendre l'intérêt de l'État actionnaire ?
Si nouvel ensemble il y a, la nation française, au travers de son gouvernement, en sera le premier actionnaire : 40 % appartiendront à l'État, à la Caisse des dépôts et consignations et, je pense, aux salariés solidaires d'un même projet. Quelle sera la stratégie de ce nouvel actionnaire ?
S'agissant de la défense du service public, les directives transposées laissent à la loi le soin de fixer les missions de service public. Celles-ci sont clairement définies ; elles seront supportées par l'ensemble des opérateurs et, naturellement, répercutées sur tous les consommateurs. L'État actionnaire doit donc se poser la question de savoir ce qu'il fera de sa participation et quel est son objet.
En matière d'investissement, la taille de l'entreprise commande le succès. Dans le même temps, elle suppose des moyens financiers considérables.
Je reconnais donner l'apparence d'apporter de l'eau au moulin des détracteurs du plancher, car je me pose moi-même la question de savoir comment le gérer. L'entreprise aura besoin d'argent pour acheter des parts de marché, réaliser des investissements, financer des gisements. Avec le plancher de 33 %, il n'y a que deux solutions : soit elle s'endette, soit l'État apporte de nouveaux capitaux afin de suivre son montant de participation.
Entre parenthèses, nous connaissons les conséquences de l'endettement sur France Télécom ou sur EDF. Par curiosité, mes chers collègues, comparez les capacités d'intervention d'E.ON et d'EDF. Alors qu'EDF est meilleure sur le plan de la productivité et de la rentabilité, son endettement et ses provisions font que sa capacité d'intervention est de moitié inférieure à son principal concurrent sur le marché européen.
C'est justement pour que l'entreprise dont nous serons collectivement le premier actionnaire ne soit pas demain dans une situation de faiblesse que nous avons besoin, messieurs les ministres, de connaître la stratégie de l'actionnaire : choisira-t-il la rentabilité immédiate, mais en menaçant l'autonomie de l'entreprise à moyen et à long terme, ou bien optera-t-il pour le développement ? Dans ce dernier cas, acceptera-t-il la dilution, qui, dans certaines circonstances, peut être la meilleure protection contre une OPA, comme nous l'avons vu dans des exemples capitalistes ?
Que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, nous sommes dans un système capitaliste. Si l'État est le premier propriétaire, il doit accepter cette règle du marché qui s'impose à lui. Tel est le sens de mon amendement.
Je n'ai pas l'ambition de régler le problème GDF-Suez, mais j'aimerais en savoir un peu plus sur la volonté du gouvernement, premier actionnaire d'un premier ensemble industriel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux répondre dès à présent à M. Longuet ainsi qu'aux orateurs qui sont déjà intervenus, car, partant en Chine avec le Président de la République, je vais être obligé de vous quitter à dix-sept heures trente.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes déçus !
M. Thierry Breton, ministre. Bien entendu, François Loos continuera de représenter le Gouvernement.
Monsieur Longuet, nous avons déjà discuté de la question que vous soulevez en commission des affaires économiques. Mais je vous redis bien volontiers que Gaz de France aura la possibilité de nouer des alliances et d'utiliser son capital, à l'instar de ses concurrents, pour développer son projet industriel.
À l'évidence, il existe bel et bien aujourd'hui un projet industriel. C'est d'ailleurs cette volonté d'aller de l'avant qui a poussé le Gouvernement à saisir le Parlement. Cela étant, il appartient aux entreprises de finaliser ce projet dans l'intérêt de leurs mandants, de leurs clients et de leurs actionnaires, à savoir l'État, actionnaire majoritaire en ce qui concerne Gaz de France.
Je reviendrai devant la commission des affaires économiques, puisque vous m'y avez invité, monsieur le président de la commission, pour lui communiquer les derniers éléments dont je disposerai en cette matière. Toujours est-il que le projet industriel progresse. Mais tel n'est pas l'objet de la question posée par M. Longuet.
Gaz de France remplit des missions de service public. Ce rôle ne dépend pas de la détention majoritaire ou minoritaire du capital. Nombre d'entreprises en France opèrent des délégations de service public. Gaz de France continuera donc, bien évidemment, à exercer ses missions de service public.
Dans ce contexte, les administrateurs qui représentent l'État au conseil d'administration se sont attachés à ce que Gaz de France serve le mieux possible ses clients, tout en négociant dans de bonnes conditions des contrats d'approvisionnement à long terme et en évitant que la répercussion de l'augmentation des coûts ne soit trop brutale pour le consommateur. C'est la raison pour laquelle la Commission de régulation de l'énergie veille à ce que ces transferts se fassent à l'euro l'euro et que Gaz de France ne réalise pas de plus-value, afin que le consommateur ne paie que l'exact prix du gaz.
J'ai également souhaité qu'une commission, actuellement présidée par M. Durieux, continue à surveiller très précisément la situation afin d'être parfaitement informé lorsque je devrai décider les augmentations ou les baisses tarifaires, et que cela s'effectue dans l'intérêt des consommateurs.
Il est évident que la situation va perdurer : la loi sera la même et l'État continuera donc à intervenir de façon identique. Les administrateurs représentant l'État au sein de Gaz de France auront exactement les mêmes instructions que celles qu'ils reçoivent aujourd'hui.
Par ailleurs, à partir du moment où une fusion de cette nature verra le jour, elle décuplera la force de Gaz de France, car la taille de l'entreprise sera beaucoup plus importante. Gaz de France-Suez réalisera, je le rappelle, près de 70 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Il s'agira donc d'une entreprise qui pourra davantage mobiliser son bilan qu'elle ne le fait aujourd'hui, notamment pour procéder à des acquisitions si nécessaire.
Pour autant, la priorité sera évidemment, pendant plusieurs mois, voire sans doute plusieurs semestres, de faire en sorte que cette fusion fonctionne et réussisse.
Gaz de France disposera donc d'un seul coup de possibilités extrêmement élargies pour pouvoir mieux sécuriser ses approvisionnements en énergie, mieux contrôler ses coûts et mieux investir.
Nous demanderons bien entendu à nos administrateurs de veiller durant plusieurs semestres à ce que le succès de la fusion soit leur priorité au sein des organes de gouvernance où ils représenteront l'État, premier actionnaire de cet ensemble.
Je veux également dire un mot au sujet de l'actuelle limitation à 70 % de la participation de l'État au capital de GDF, puisque la question a été soulevée. Compte tenu des évolutions du secteur de l'énergie, la participation minimale de l'Etat ne peut pas rester bloquée à 70 %.
À partir du moment où des investissements seront possibles, le bilan de Gaz de France permettra d'aller nettement de l'avant, sans pour autant procéder à une augmentation de capital. Heureusement, d'autres instruments permettent de réaliser des investissements eux-mêmes productifs, sans qu'il soit besoin de solliciter systématiquement l'actionnaire. Le groupe fusionné pourra y recourir de façon nettement élargie.
Enfin, monsieur Longuet, dès lors que des opportunités créatrices de valeur pour les clients et pour les actionnaires se présenteront, rien n'empêchera les actionnaires de souscrire à une augmentation de capital.
M. Gérard Longuet. Y compris l'État !
Mme Nicole Bricq. Il n'y a plus d'argent, vous avez vidé les caisses !
M. Thierry Breton, ministre. L'État souscrit très fréquemment à des augmentations de capital si celles-ci vont dans le sens de l'intérêt de l'entreprise.
Par conséquent, d'abord, la priorité est donnée à la fusion ; ensuite, le bilan sera mobilisé pour procéder aux investissements, y compris dans le secteur du gaz naturel liquide, des gazoducs ou des champs gaziers ; enfin, en cas d'augmentation de capital dans l'intérêt de l'entreprise, l'État se réservera la possibilité d'y participer.
Je veux également revenir sur la constitutionnalité de l'opération, question qui a été largement développée par certains sénateurs de l'opposition.
Le Conseil d'État a été interrogé sur ce point, et son avis en date du 11 mai 2006 est extrêmement clair.
Premièrement, Gaz de France n'est un monopole ni de fait ni de droit : « Dès lors, Gaz de France ne saurait être regardé comme exploitant un monopole de fait au sens du neuvième alinéa précité du préambule de la Constitution de 1946 ».
Deuxièmement, Gaz de France exerce des missions de service public, mais n'est pas un service public national au sens de la Constitution. Là encore, l'avis du Conseil d'État est très clair. Je tenais donc à vous rassurer sur cette question de la constitutionnalité.
Tout à l'heure, M. Longuet a relevé que l'époque avait changé. Effectivement, la réalité d'aujourd'hui n'est pas celle d'il y a un an, et encore moins d'il y a deux ans ! C'est donc l'honneur de la majorité de se préoccuper de cette question (Rires sur les travées du groupe socialiste.), ...
M. Claude Domeizel. L'honneur de Sarkozy !
M. Thierry Breton, ministre. ... afin d'éviter, finalement, que Gaz de France ne reste isolé dans le jeu des concentrations auquel nous assistons désormais.
Ce n'était peut-être pas prévisible, je vous en donne acte, en 2004 : personne n'imaginait, à l'époque, que le secteur de l'énergie allait subir cette consolidation, avec une telle vitalité et une telle vitesse.
M. Daniel Raoul. Même pas Sarkozy ?
M. Thierry Breton, ministre. Pour faire face à ces changements, deux attitudes étaient possibles : soit on ne faisait rien et on attendait un autre créneau parlementaire dans dix-huit mois ou dans deux ans - mais quel sera le paysage énergétique à ce moment-là ? -, soit on saisissait tout de suite le Parlement. C'est ce qu'a souhaité le Gouvernement, et il remercie les parlementaires d'avoir débattu longuement de ces questions.
Le courage de cette majorité est de s'être saisi du problème. Il est vrai qu'il aurait été sans doute plus facile de laisser les choses suivre leur cours. Mais nous avons estimé que, dans l'intérêt de Gaz de France, dans l'intérêt du secteur énergétique,...
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Roland Courteau. J'ai entendu récemment M. Devedjian, proche conseiller de M. Sarkozy, dire sur la chaîne LCI que si M. Sarkozy avait été aujourd'hui ministre de l'économie et des finances il aurait tenu ses engagements. Pour M. Sarkozy, le monde ne semble pas avoir tellement changé ! Alors, qui faut-il croire, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le sénateur, je ne veux pas entrer dans cette polémique ! Je sais ce que Patrick Devedjian a dit, notamment lors du débat qui s'est tenu au mois de juin dernier sur la question à l'Assemblée nationale : il a invité tout le monde à adopter ce projet de loi, ce qui figure du reste au compte rendu des débats. Ne lui faites donc pas dire autre chose !
M. Roland Courteau. Je l'ai entendu sur LCI !
M. Thierry Breton, ministre. Je vous renvoie au compte rendu analytique des débats de l'Assemblée nationale ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Bel. L'a-t-il dit, oui ou non !
M. Thierry Breton, ministre. Patrick Devedjian a été on ne peut plus clair et je pense qu'il avait raison.
Je rappelle que c'est lui qui était au banc des ministres en 2004 pour présenter la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières en tant que ministre délégué à l'industrie, et il a eu le courage de tenir ces propos au mois de juin.
Pour conclure, j'indique que les missions de service public seront évidemment maintenues. Il ne faut pas dire ou laisser croire le contraire à nos compatriotes. Le fait que Gaz de France exerce des missions de service public n'a rien à voir avec la détention majoritaire ou minoritaire par l'État de son capital. Je tiens donc encore une fois à vous rassurer sur ce point.
J'espère, monsieur Longuet, avoir répondu à vos questions, qui sont tout à fait légitimes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, sur l'article.
M. Jean-Marc Pastor. Au début du débat, M. le ministre nous a annoncé que toutes les analyses sur le rapprochement GDF-Suez seront disponibles au mois de décembre, c'est-à-dire après le vote du texte - ce qui est tout de même assez étonnant - et, à l'instant même, il précise qu'il viendra devant la commission, après le vote du texte, pour nous donner toutes les explications sur l'éventuel futur mariage Suez-GDF. Dans ces conditions, à quoi sert le Parlement ?
Il faut le redire : la privatisation de GDF n'est absolument pas une obligation aux yeux de l'Europe. La Commission européenne a d'ailleurs toujours indiqué que le statut des entreprises de services d'intérêt général était du ressort des États et que les directives ne les régissaient pas.
Dès lors, la privatisation de GDF est bien votre choix, un choix contraire à ce qui avait été affirmé lors des travaux préparatoires à la loi du 9 août 2004. Il est en effet de votre entière responsabilité de vouloir lier les mains de l'État en lui imposant les desiderata d'actionnaires dont le souci sera non pas - soyons-en certains ! - l'indépendance énergétique de notre pays, mais plutôt leur rémunération par les dividendes.
Il est également de votre entière responsabilité de vouloir faire en sorte que l'actuel patrimoine commun de nos concitoyens ne leur appartienne plus demain, sans que cela intervienne dans le cadre d'une véritable politique européenne de l'énergie.
Il est enfin de votre responsabilité de vouloir procéder à une opération d'une telle importance en privant les Français de la possibilité de se prononcer à l'occasion de l'échéance électorale majeure qui aura lieu dans quelques mois.
Reconnaissons-là votre malice, monsieur le ministre, car vous êtes pleinement conscient que l'opposition à cette privatisation est majoritaire dans le pays.
Avec cet article 10, nous sommes au coeur du projet de loi. Dès lors, il est légitime de vérifier si l'objectif visé est bien conforme à l'intérêt général. Or quelle conception de l'intérêt général vous pousse-t-elle à décider de l'abandon d'une entreprise publique florissante aux mains d'un conseil d'administration, irresponsable devant les Français ?
Premièrement, l'argument du patriotisme économique ne tient pas, car le nouveau groupe n'est absolument pas à l'abri d'une OPA de la part de grands groupes qui contrôlent déjà l'amont, c'est-à-dire la phase de production, et qui souhaiteraient intégrer l'ensemble de la filière.
Ces groupes-là ne seront pas arrêtés par l'idée du patriotisme économique que vous mettez en avant, monsieur le ministre, et je pourrais en faire le pari. À qui finira-t-on par payer nos factures de gaz ? Je ne peux me persuader qu'il s'agira de l'entité issue de la fusion GDF-Suez, car aucune garantie ne figure dans ce projet de loi sur le fait que cette entité restera de droit français. Ni l'action spécifique ni l'abaissement de la part de l'Etat à 34 % ne présentent cette garantie, vous le savez bien, monsieur le ministre !
Deuxièmement, à qui ferez-vous croire que les territoires seront traités de la même manière, alors que leur développement demande justement que l'on ne tienne pas compte de la rentabilité immédiate pour desservir des zones à handicaps naturels ? Je doute fortement de l'empressement d'une société privée à réinvestir ses bénéfices dans le renouvellement et l'extension des réseaux dans ces zones.
Cette interrogation en appelle d'ailleurs une autre plus technique : le monopole de fait détenu par GDF n'implique-t-il pas, si le monopole devient privé, une mise à plat des contrats de concession, voire un déclassement ?
Troisièmement, enfin, ce n'est pas non plus l'intérêt immédiat de l'usager que l'on retrouve dans cet article 10, car nous avons déjà vu, en ce qui concerne les prix, que la concurrence ne les fera pas baisser. Au contraire, le prix réglementé augmentera puisqu'il devrait y avoir une convergence entre les tarifs réglementés et les prix du marché, selon le contrat de service public conclu en 2005 entre l'État et GDF.
À cette occasion, j'ouvrirai une parenthèse. Tout à l'heure, l'un de nos collègues qui était ministre il y a une dizaine d'années s'est exprimé. C'est lui-même qui a privatisé, souvenez-vous, tout le secteur de la téléphonie mobile. Faisons le point dix ans après : 42 % du territoire de mon département ne peut être desservi par la téléphonie mobile ! Et l'on demande aujourd'hui au conseil régional, au conseil général et aux communes de financer les relais pour permettre la desserte des usagers.
C'est cela que vous nous proposez aujourd'hui pour GDF ? Nous n'en voulons pas !
La réalité, c'est que vous êtes en train d'assimiler l'intérêt stratégique national à celui d'une entreprise comme Suez.
Pour ma part, je trouve ahurissant que l'on fasse ainsi cadeau d'un marché captif et pérenne à des actionnaires. Nous ne pouvons renoncer à une vision nationale de l'énergie, car, sur ce sujet, notamment, l'Europe n'est pas encore tout à fait prête.
Il n'y a pas de recherche d'une indépendance européenne en matière d'approvisionnement énergétique. L'Europe n'est à cet égard qu'un niveau de coordination, non d'intégration. Elle ne vise que l'objectif de libéralisation du marché. Or notre pays a besoin de préserver EDF comme de rester majoritaire dans GDF. Si nous perdons les leviers de contrôle de ces deux structures, nous abandonnons les moyens d'une indépendance énergétique que la France s'échine à fabriquer depuis plusieurs décennies et que rien ne viendra remplacer.
Voilà, monsieur le ministre, pourquoi mon groupe ne peut pas vous suivre et pourquoi nous ne voterons bien sûr pas cet article, à plus forte raison ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article 10, nous arrivons enfin au coeur de ce projet, la privatisation de GDF. En effet, tous les articles que nous avons examinés jusqu'à présent ne servaient qu'à préparer la cession aux intérêts privés d'une entreprise publique qui fonctionne bien.
Certes, dixit le Conseil d'État, nous devions transposer les directives communautaires sur l'énergie. Mais vous entretenez un amalgame entre « transposition » et « privatisation », comme si la Commission vous avait demandé de privatiser GDF. Or il n'en est rien.
La Commission a d'ores et déjà annoncé que d'importantes cessions d'actifs seraient nécessaires. Elle n'a pas encore explicitement validé le mécanisme de golden share par lequel vous prétendez sécuriser la place de l'État au sein du nouveau groupe. Bref, vous ne pouvez pas imputer la responsabilité de cette privatisation à Bruxelles, qui ne vous avait rien demandé.
Ce projet est bien le vôtre, et vous devez en assumer toute la responsabilité ! Assumer une privatisation inutile et dangereuse pour les intérêts vitaux de notre pays. Assumer d'être revenus sur la parole de l'État qu'avait engagée Nicolas Sarkozy en 2004, lorsqu'il déclarait encore que 70 % du capital de GDF resteraient publics. Assumer votre reniement du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ; Daniel Raoul a développé ce propos.
M. Roland Courteau. Avec talent !
Mme Bariza Khiari. Assumer enfin de brader l'intérêt général au profit du marché et des actionnaires en refusant de consulter les Français par la voie référendaire, que nous vous avions proposée.
Votre choix de privatiser GDF est purement idéologique. Vous démantelez sciemment un service public qui remplit très bien sa mission, en partant du postulat que cette privatisation et cette fusion sont inéluctables. Or il n'en est rien.
Vous traitez dans la précipitation un enjeu pourtant de taille : la survie du service public de l'énergie en France. Vous passez sous silence l'importance réelle des contreparties qui seront exigées par la Commission pour autoriser la fusion. Il y aura bien évidemment l'abandon de la totalité de la filière gazière de Suez, ainsi que des infrastructures de transport de gaz de Suez.
Avec ces cessions d'actions, l'intérêt de la fusion trouve ses limites puisqu'il n'y a pas, de la part de Suez, l'apport gazier attendu pour renforcer Gaz de France.
Et je ne parle pas des 20 000 suppressions d'emplois qui ont été évoquées. Ne nous dites pas le contraire, une fusion sans réduction de personnel, cela n'existe pas ! Cela se fera au nom d'une bonne administration du groupe. On pouvait d'ailleurs lire ce matin dans un quotidien économique - ce n'était donc pas dans L'Hebdo des socialistes - que Jean-François Cirelli a beaucoup fait monter la pression ce week-end, allant jusqu'à menacer de démissionner plutôt que de brader son groupe et d'abandonner le sort de son personnel aux décisions de son partenaire. (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste.)
En tout état de cause, le Parlement ne dispose pas des éléments nécessaires pour apprécier sereinement ce projet. Alors que l'énergie est plus que jamais un enjeu stratégique, c'est un chèque en blanc que vous demandez à la représentation nationale et aux Français de signer. Car ce sont bien les Français qui sont aujourd'hui propriétaires de GDF qui pâtiront de cette fusion, au plus grand bénéfice des actionnaires de Suez.
C'est la raison pour laquelle nous continuerons de nous opposer à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 10 organise les conditions de la cession des parts majoritairement détenues par l'État dans Gaz de France, dans le prolongement du changement statutaire qui est intervenu après la loi de 2004.
D'ailleurs, comment ne pas relever, encore une fois, que celui qui mène aujourd'hui la négociation pour la fusion entre Gaz de France et Suez a beaucoup à voir avec celui qui a porté sur les fonts baptismaux la transformation juridique de nos deux opérateurs énergétiques, ceux-ci ayant abandonné le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial pour celui de société anonyme ?
Pour des raisons qui tiennent sans doute aux caractéristiques propres du secteur gazier, il nous est donc proposé de procéder à cette disjonction du devenir de nos deux opérateurs énergétiques et de regrouper sous la bannière de Suez un ensemble relativement peu cohérent d'entreprises intervenant dans le domaine énergétique.
Tout sépare en effet Gaz de France de Suez, pour des raisons évidentes de cultures d'entreprise tout à fait différentes, mais aussi parce que Suez est un ensemble étrange, issu de deux anciennes compagnies financières, nationalisées en 1981, privatisées en 1986, regroupées ensuite avec la Lyonnaise des Eaux et Dumez, deux entreprises ayant un tout autre champ d'activité, avant de regrouper une bonne partie de leurs forces sur le secteur de l'énergie et des services associés à l'énergie.
Mais ces mouvements boursiers menés sur environ vingt-cinq ans ont souvent trouvé appui sur des évolutions législatives et sur des mouvements affectant le secteur de l'énergie en France comme à l'étranger.
Le positionnement de Suez dans le domaine de l'énergie doit en effet beaucoup à la déshérence du secteur énergétique belge, mais aussi à l'offensive de longue portée menée en France sur les actifs et la production de la Compagnie nationale du Rhône, offensive notamment favorisée depuis l'adoption de la loi Pasqua sur l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne la fameuse « rente du Rhône », c'est-à-dire le fait que l'amortissement des coûts de développement du réseau des barrages et centrales hydroélectriques situés sur le grand fleuve soit arrivé à terme et pèse de moins en moins sur les coûts de production énergétique, c'est Suez et Electrabel qui en tirent aujourd'hui les fruits et qui peuvent, ainsi, s'installer comme second fournisseur d'électricité dans le pays.
Cette évolution historique conditionne évidemment la suite de la bataille boursière qui s'est engagée depuis l'annonce des choix stratégiques du Gouvernement et de la fusion GDF-Suez, notamment. De manière assez symptomatique, le cours des actions tant de GDF que de Suez suit en effet depuis cette annonce un parcours symétrique.
La probabilité de la distribution par Gaz de France d'un dividende plus important encore que celui qui a été versé au titre de l'exercice 2005 aiguise les appétits, même si le capital de l'énergéticien public demeure largement détenu par l'État.
Dans le même temps, la perspective de la fusion, notamment la réalisation de l'offre publique d'échange de titres Suez contre des titres Gaz de France pousse à la hausse la valeur du titre Suez, la parité de valeur entre les actions de l'un et de l'autre groupe étant fondée sur le versement d'une soulte significative aux actionnaires actuels de Suez, qu'il s'agisse des institutionnels comme des stock-options de Gérard Mestrallet et des cadres issus de son groupe.
Peu importe à l'ensemble des spéculateurs de savoir ce que vont devenir les salariés des sociétés du pôle « environnement » de Suez. Le but est de récupérer le maximum de liquidités aux dépens de Gaz de France, c'est-à-dire aux dépens de tous les abonnés de la société énergétique nationale, et de jouer des tensions des marchés financiers pour aboutir au résultat requis en termes de rentabilité.
L'Autorité des marchés financiers a lancé une enquête sur les divers mouvements observés sur les titres des deux sociétés concernées au premier chef par la fusion et sur les initiatives prises par des personnes fort intéressées tant par le pôle « environnement » de Suez, comme MM. Pinault et Proglio que par une partie des actifs énergétiques que le groupe s'apprêterait à céder, notamment en Belgique, pour complaire à Mme Kroes, commissaire européenne.
Ainsi, la fusion Suez-Gaz de France, motivée pour mettre à l'abri Suez d'une OPA hostile de l'italien Enel, risque en définitive de se terminer en partie par le rachat des actifs cédés en Belgique, c'est-à-dire les centrales nucléaires d'Electrabel, par ce même groupe italien, voire par Électricité de France, qui, en se portant candidat au rachat des mêmes actifs, jouirait d'une position sans précédent dans les pays du Benelux.
Dans ces conditions, le Parlement peut-il délibérer pour donner un vernis de légalité à ce qui s'apparente de plus en plus à une guerre boursière entre affairistes, jouant de l'intérêt national et de la politique énergétique de notre pays comme ils joueraient au poker menteur ?
C'est aussi pour ces motifs que nous ne pouvons accepter cet article 10. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la troisième semaine consécutive, nous sommes réunis afin de discuter de ce projet de loi visant la privatisation de Gaz de France et sa possible fusion avec le groupe Suez. Or, à moins de considérer le Parlement comme une chambre d'enregistrement, certains éléments semblent manquer à la tenue d'un débat éclairé.
À de multiples reprises, nous avons attiré l'attention du président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, sur la nécessité de procéder à de nouvelles auditions. À ce titre, il aurait été très instructif de pouvoir entendre ceux entre les mains desquels le Gouvernement entend placer l'avenir de la politique énergétique française : la commissaire européenne à la concurrence Nelly Kroes, Jean-François Cirelli et Gérard Mestrallet.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
Mme Michelle Demessine. Hélas ! l'emploi du temps surchargé ou l'inutilité de la demande nous ont été opposés et bon nombre de questions sont donc restées en suspens.
Pourtant, l'enjeu est de taille : il s'agit tout simplement de savoir si les parlementaires désirent donner titre à l'actionnariat privé pour décider des modalités de la disparition de l'entreprise publique GDF et des conditions de sa fusion avec Suez. En bref, on nous demande d'autoriser une transaction dont on ne connaît ni le prix ni l'objet ! Tout est organisé pour que les remous de l'extérieur ne viennent pas perturber les discussions parlementaires. Il y aurait deux mondes hermétiques : le monde formel de la politique et celui des affaires.
Ainsi, rappelez-vous, monsieur le ministre, à la mi-octobre, vous annonciez que l'Autorité des marchés financiers allait se pencher sur les rumeurs d'OPA de l'homme d'affaires François Pinault, rumeur qui avait fait monter le cours du groupe, alors que Suez négociait sa fusion avec GDF. Vous ajoutiez que le projet d'OPA était un projet qui a eu lieu au mois de juin et est mort en septembre ; il a été exhumé, et l'AMF va regarder pourquoi et dans l'intérêt de qui. Depuis, on attend toujours ces conclusions ; autant dire qu'on ne les attend plus !
Il suffit de regarder le cours de l'action Suez pour comprendre à qui profite le crime ! Les actionnaires de Suez continuent de militer en faveur d'une revalorisation significative des termes de l'échange. Certains d'entre eux, détenant plus de 10 % du capital de Suez, ont proposé de distribuer plus de dividendes, soit de céder le pôle « environnement ». Encore une incertitude qui surgit ici !
Après le prix inconnu, autre brouillard, les contreparties exigées par Bruxelles et les concessions proposées par GDF et Suez ou l'objet inconnu.
Ainsi, nous avons appris, au cours des débats, que la Commission demandait aux groupes de céder 35 % de leur capacité d'approvisionnement en gaz, notamment par la vente de Distrigaz, filiale gazière de Suez en Belgique. L'information est venue d'un membre du conseil d'administration ; c'est dire la transparence des débats !
Ce n'est guère étonnant quand on apprend que ni le conseil d'administration ni les organismes de représentation du personnel n'ont encore été consultés sur la stratégie du futur groupe, son organisation, les prévisions industrielles, les conséquences en termes sociaux.
Il semblerait d'ailleurs, selon des responsables syndicaux, que les présidents de GDF et de Suez veulent à tout prix « cacher le plus longtemps possible la réalité de leur projet et ses conséquences pour le service public et pour le personnel ».
Pourtant, dans d'autres sphères, les informations circulent. Ainsi, les concessions proposées par les deux groupes satisfont désormais, semble-t-il, la Commission européenne. Mais, là encore, nous ne bénéficierons d'une telle information que le 14 novembre prochain, date à laquelle le projet de décision relatif aux services européens de la concurrence devrait être adopté par les commissaires européens.
Comme vous le voyez, s'agissant de la fusion entre Gaz de France et Suez, les ombres au tableau ne manquent pas.
Attachons-nous à l'unique certitude : le géant gazier qui justifiait le projet de privatisation de GDF n'existera pas, mais l'entreprise publique GDF est bel et bien en passe d'être bradée au profit du privé.
L'absence de transparence dans le déroulement des débats est le révélateur, s'il en fallait un, d'une politique gouvernementale dictée par le pouvoir du capital, déconnectée des préoccupations de nos concitoyens et des revendications salariales, et méprisante à l'égard de ce pourquoi elle devrait pourtant lutter : l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est évidemment la discussion de cet article 10 qui cristallise nos différences de convictions et de choix de société. À cet égard, nous regrettons d'avoir si peu entendu, durant les deux dernières semaines, les sénateurs de l'UMP défendre les idées qui sous-tendent le présent projet de loi.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ne craignez rien, ça va venir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il serait intéressant que chaque parlementaire exprime son point de vue, notamment dans le cadre d'un débat d'idées qui suscite une telle opposition et où des arguments sont échangés avec une telle force.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, nous apprenons certaines choses dans la presse, mais ne nous connaissons rien des positions de certains de nos collègues.
En outre, il est très surprenant que nos collègues n'aient pas déposé d'amendements tendant à préciser tel ou tel point des articles que nous examinons.
D'ailleurs, la commission des affaires économiques recommande un vote conforme sur les trois articles concernés. Pour sa part, la commission des finances non seulement préconise également l'adoption de ces dispositions, mais en plus a déposé un amendement visant à les rendre encore plus imprécises, laissant la porte ouverte à une participation de l'État dans des conditions qui demeurent floues.
Je voudrais également répondre à M. Longuet, qui nous a resservi un leitmotiv, d'un ton un peu condescendant : « Chers amis, les choses ne sont plus ce qu'elles étaient ! » Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire à d'autres membres du Gouvernement utilisant la même formule, au demeurant très intéressante, il s'agit là de « propos de comptoir ». Que la situation actuelle ne soit pas la même qu'en 1945, c'est une évidence ! Sauf que, monsieur Longuet, voilà bien longtemps que la France dépend de l'extérieur s'agissant des ressources énergétiques. Et les services publics ont précisément démontré qu'ils étaient totalement capables de faire face à cette situation.
À un tel degré de généralité, je pourrais très bien vous répondre que Jacques Chirac n'est pas le général de Gaulle, etc. Il vaut donc mieux en rester là : comparaison n'est pas raison !
L'orientation générale du présent projet de loi est tout à fait stupéfiante. Elle fait peu de cas du passé, et notamment du rôle joué par Gaz de France depuis soixante ans dans la vie de notre nation en matière, entre autres, de sécurité énergétique, d'aménagement du territoire et de développement économique et social. Faites donc attention à ce genre de propos !
Si notre pays est à la fois moins dépendant vis-à-vis de l'extérieur et moins directement concerné par les problèmes de pollution atmosphérique que d'autres pays voisins, et ce même si nous ne sommes pas exempts de critiques, c'est également parce que, au lendemain de la guerre, dans le droit fil du programme du Conseil national de la Résistance, la France a fait le choix de la maîtrise publique du secteur de l'énergie.
Et cet acquis est tout bonnement balayé d'un revers de main par l'adoption de ces articles, qui consistent d'ailleurs pour l'essentiel à subordonner les choix des parlementaires, c'est-à-dire de la représentation nationale, aux décisions qui seront à l'avenir adoptées par les assemblées générales extraordinaires des actionnaires de Gaz de France ou de Suez. D'ailleurs, en écoutant l'intervention de M. Longuet, nous pouvions nous demander s'il ne s'agissait pas des propos d'un membre du conseil d'administration de telle ou telle entreprise !
Que la commission des affaires économiques considère comme une avancée que nous légiférions pour délivrer un chèque en blanc aux manoeuvres montées dans les coulisses des assemblées d'actionnaires est pour le moins sidérant !
À quoi servent les représentants de la nation que nous sommes lorsque nous nous trouvons ainsi instrumentalisés au profit d'un projet « industriel », dont chaque jour démontre s'il en était besoin la parfaite inanité ?
Certes, M. le ministre est parti en Chine et nous ne saurions bien entendu le lui reprocher. Mais, hier encore, je l'ai entendu affirmer à la télévision, contre toute réalité, que la fusion entre Gaz de France et Suez permettrait de constituer un grand groupe industriel. Or, chaque jour, tout nous montre qu'un tel projet ne tient pas la route.
Il ne tient pas la route, d'abord, quand la Commission européenne exige, par exemple, que Suez se déleste de ses capacités de production électronucléaire en Belgique.
Il ne tient pas la route, ensuite, quand on contraint Gaz de France à filialiser ses terminaux méthaniers et ses centres de stockage, à la grande satisfaction de Total, de Primagaz et encore de Bolloré Énergie, qui attendent au coin du bois la cession de ces actifs pour peser toujours plus sur ce marché.
Il ne tient pas la route, encore, quand Gaz de France serait contraint de céder une partie de ses contrats de long terme, parce que cela pourrait contrevenir au principe de la « concurrence libre et non faussée », si cher à la Commission européenne !
Il ne tient pas la route, enfin, quand il apparaît que les tensions s'exacerbent entre les dirigeants de Suez et ceux de Gaz de France s'agissant de la répartition des compétences et des rôles respectifs dans le futur organigramme.
Décidément, ce mariage arrangé ne présage rien de bon. Comme vous le savez, ici, nous nous méfions des mariages arrangés. Par conséquent, nous pouvons nous demander si les fiançailles ne seront pas rompues avant la noce, au prix, hélas ! du sacrifice de Gaz de France et, plus généralement, du secteur public de l'énergie, sur l'autel de la privatisation, GDF devenant opéable dans n'importe quelles conditions.
D'ailleurs, pourquoi devrions-nous voter l'article 10, alors que bien des éléments laissent apparaître que cela ne conduira pas à faire du nouveau groupe le « géant » que l'on nous a présenté au départ, élément que vous avez utilisé comme argument massue à l'appui de la privatisation de Gaz de France ? Que se passera-t-il si ce contrat n'est pas conclu, ce qui est tout à fait probable ? Gaz de France sera privatisé, dépecé et opéable à merci !
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà ce que vous voulez ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame Borvo Cohen-Seat, vous n'avez sans doute pas entendu mon intervention lors de la discussion générale. À cette occasion, j'ai expliqué les motifs pour lesquels les parlementaires de l'UMP soutenaient ce projet.
M. Roland Courteau. C'était bien la seule intervention de l'UMP en ce sens !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je vous ferai parvenir mon discours, chère madame, et vous verrez que la majorité n'est pas demeurée totalement passive.
D'ailleurs, d'autres orateurs sont intervenus,...
M. Roland Courteau. Il n'y en a pas eu beaucoup !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... mais nous n'aimons pas les répétitions.
Cet après-midi, j'ai entendu tellement de propos apocalyptiques sur ce qui se passerait ou ne se passerait pas si le projet de fusion aboutissait que je tiens à vous indiquer, mes chers collègues, les deux raisons pour lesquelles nous soutenons l'article 10, le présent projet de loi, et le Gouvernement.
La première raison, c'est que nous voulons sortir de l'idéologie dans laquelle vous baignez depuis un certain temps. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. C'est vous qui faites de l'idéologie !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et, en plus, vous tenez des propos dignes du café du commerce.
Mme Nicole Bricq. Nous, nous appliquons simplement le principe de réalité !
M. Jean-Pierre Fourcade. Selon vous, une entreprise qui a un statut public peut être indifférente aux variations du marché mondial et aux décisions qui sont prises par les véritables producteurs de gaz, comme Gazprom ou d'autres.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne nous prenez pas pour des imbéciles !
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame Borvo Cohen-Seat, je ne vous ai pas interrompue lorsque vous êtes intervenue. Je souhaite donc que vous fassiez de même à mon égard. Ainsi, vous ne pourrez plus prétendre que vous n'avez rien entendu de notre part !
M. Roland Courteau. C'est seulement la deuxième fois que nous entendons un sénateur de l'UMP défendre ce projet de loi !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je souhaite que vous sortiez du postulat dans lequel vous vous enfermez, qui tend à faire croire qu'une entreprise publique pourrait protéger les consommateurs français des variations de prix des énergies fossiles sur le marché mondial et de l'ensemble des comportements des producteurs importants, comme Gazprom et la Sonatrach, qui viennent d'ailleurs de passer un accord au mois d'août dernier. Voilà un événement bien plus récent que les propos tenus par M. Sarkozy voilà deux ans ! Un tel rapprochement a une portée considérable et a changé les données du marché mondial du gaz.
Par conséquent, nous voulons d'abord sortir de l'idéologie.
Je voudrais également répondre à votre deuxième postulat, que vous avez défendu avec plus ou moins de fermeté. Alors que l'économie est mondialisée, que nos frontières sont ouvertes, que nous nous battons tous pour essayer de trouver des emplois pour les jeunes, il faut cesser d'opposer les entreprises publiques, qui seraient parfaites et garantiraient l'avenir, et les entreprises privées, qui seraient gérées par des actionnaires assoiffés de bénéfices.
M. Guy Fischer. C'est la vérité !
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est oublier, mes chers collègues, que, parmi les 22 millions de Français exerçant une activité professionnelle, il y a 6 millions de fonctionnaires et d'agents publics, environ 15 millions de salariés du secteur privé et près de 1 million d'entrepreneurs individuels.
Par conséquent, il faut dépasser les manuels et mettre fin à une telle décomposition de l'activité de notre pays : arrêtons d'opposer un secteur public qui serait paré de toutes les vertus à un secteur privé qui présenterait tous les défauts.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà un argument massue !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je voudrais à présent évoquer la seconde raison pour laquelle nous soutenons l'article 10.
Pour notre part, nous ne nous référons pas à des décisions qui ont été prises en 1945, à des événements qui se sont déroulés en 1950 ou en 1960, aux deux chocs pétroliers. À ce propos, madame Borvo Cohen-Seat, si nous avons pu sortir d'une telle situation, c'est parce que les gouvernements de la majorité de l'époque ont eu le courage d'opter pour l'industrie nucléaire,...
M. François Trucy. Merci Messmer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Financée par les investissements publics !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... alors qu'un certain nombre de nos partenaires ne l'ont pas fait.
Dès lors, lorsque j'entends certains dans cet hémicycle dire que le nucléaire serait l'ennemi complet de l'environnement, je m'étonne qu'ils défendent de telles thèses.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n'avons jamais dit cela ! Nous sommes favorables au nucléaire, qui fait partie du secteur public !
Mme Hélène Luc. Et heureusement que sa gestion n'a pas été confiée au privé !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ainsi, l'autre jour, l'un de nos collègues, membre du groupe CRC, nous expliquait que l'on ne pouvait pas tout rejeter, mais pas tout accepter non plus. En fait, vous êtes gênés ! Vous ne pouvez pas dire que nous n'avons pas lutté contre la dépendance énergétique en accomplissant un effort important sur le nucléaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Grâce aux dépenses publiques !
M. Jean-Pierre Fourcade. Aujourd'hui, nous voulons lutter contre la dépendance gazière en essayant de donner à Gaz de France une structure de capital lui permettant de nouer des alliances ou de conclure des accords avec des producteurs autres que Gazprom et la Sonatrach - je pense notamment aux producteurs égyptiens, africains ou norvégiens -, afin de renforcer nos capacités et notre défense.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ça !
M. Jean-Pierre Fourcade. Au lieu de regarder en arrière et de nous référer à des choix qui ont été faits en 1945, pour notre part, nous préférons raisonner pour les vingt prochaines années.
En l'occurrence, de même que nous avons un groupe important en matière nucléaire, Areva, de même que nous avons EDF,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que vous avez privatisée !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... de même que nous avons un groupe pétrolier important, Total, nous devons avoir un groupe important en matière de gaz.
Or la structure qui sera issue de la fusion entre Gaz de France et Suez aura une dimension internationale et pourra faire jeu égal avec les principaux producteurs mondiaux.
Ainsi, nous avons deux raisons de soutenir l'article 10. Nous voulons sortir de l'idéologie (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui êtes un idéologue ! Vous êtes même un champion de l'idéologie !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... et de ce combat ancien entre le public et le privé. Nous voulons également protéger les consommateurs, non pas en regardant dans le rétroviseur,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne regardons pas dans le rétroviseur !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... mais en raisonnant pour les vingt années à venir, dans le cadre d'une économie entièrement mondialisée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Michelle Demessine. Il y avait une autre solution ; vous n'avez même pas voulu l'examiner !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est certainement pas comme cela que vous nous clouerez le bec !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Je voudrais apporter quelques précisions en réponse aux interventions que nous venons d'entendre et compléter les informations communiquées tout à l'heure par Thierry Breton.
Je souhaite d'abord rappeler que le Gouvernement ne pratique aucun amalgame entre la transposition des directives et la privatisation. Il est bien clair, madame Khiari, que ces deux opérations sont différentes, même si elles sont liées.
Le dispositif de la transposition ne prévoit pas seulement la possibilité d'avoir plusieurs fournisseurs pour un distributeur, il sépare les fonctions. Pour chaque fonction interviendra éventuellement la création d'une filiale ou d'une activité, prise en charge par l'un ou l'autre maillon de la chaîne qui va du producteur au consommateur de gaz. Dans cette chaîne, coexistent effectivement des activités fortement régulées et d'autres qui sont concurrentielles, mais c'est ce que la directive a prévu depuis longtemps.
Ce dispositif est déjà appliqué dans le domaine du transport. La transposition aura les mêmes effets sur le secteur de la distribution.
Il en résulte aujourd'hui une clarification du rôle de chaque intervenant, avec la reconnaissance des missions de service public liées à certains types d'activité et la reconnaissance de l'intérêt stratégique pour l'État de telle ou telle activité. Cela nous donne la possibilité de prévoir, en faveur de l'État, une golden share lui permettant de faire valoir ses exigences au nom de l'intérêt stratégique qu'il entend défendre.
La directive permet de clarifier ces dispositions. Il est nécessaire de le rappeler parce que vous avez tendance à la caricaturer, en la résumant à l'ouverture du marché à la faveur de laquelle tous les malheurs risquent de se produire. La directive représente bien plus que cela : elle prend en compte les missions de service public.
Plusieurs d'entre vous ont fait allusion à la CNR. Le groupe Suez est entré dans le capital de la CNR en 2000, donc sous un gouvernement soutenu par une autre majorité. Je suppose qu'à l'époque les évaluations financières nécessaires ont été réalisées et que l'opération s'est déroulée convenablement.
La critique que vous avez émise sur ce point s'adresse par conséquent à un gouvernement que vous souteniez à l'époque.
M. Guy Fischer. Nous n'étions pas d'accord sur ce point !
M. François Loos, ministre délégué. Je souhaite également revenir sur les cessions. Nous avons abordé ce sujet à plusieurs reprises, notamment lors de la réunion de la commission des affaires économiques qui s'est tenue la semaine dernière.
Pour résumer, les contraintes imposées à Suez et à GDF consistent en cessions de gaz, à la fois des cessions de contrats d'achat et de contrats de vente, auxquelles Suez, et non GDF, devra procéder en Belgique. Ces cessions diminuent un peu le volume total d'achat dont le groupe GDF-Suez disposera mais, d'un autre côté, elles interviendront par le biais d'échanges d'actifs. Autrement dit, la réduction d'activité temporaire qui en résultera éventuellement sera peut-être compensée par une augmentation d'activité dans le domaine électrique ou gazier. Il faut attendre la suite du film...
Un sénateur socialiste. Il est flou !
M. François Loos, ministre délégué. ... pour voir comment les entreprises concernées se sortiront de cette situation. Cela ne pose aucun problème, me semble-t-il, d'abord parce que ces cessions sont relativement faibles, ensuite parce que les échanges d'actifs permettront de remplacer certaines activités par d'autres.
S'agissant, enfin, de la belle image du « mariage arrangé » utilisée par Mme Borvo Cohen-Seat, il est certains mariages arrangés qui marchent très bien ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bernard Piras. Des exemples !
M. François Loos, ministre délégué. La loi que vous allez voter va se traduire par un mariage qui sera très prolifique, porteur d'un bel d'avenir.
Je fais confiance à la Haute Assemblée pour soutenir ce projet, plus à mes amis de l'UMP, bien entendu, qu'à l'opposition, qui paraît assez contrariée, mais également à tous ceux qui s'y rallieront à un moment ou à un autre. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je fais confiance à la qualité de ce mariage et à la loi. Ce n'est pas la loi qui est sous contrainte, c'est le mariage qui dépend de la loi. Je vous invite donc à retourner à la loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
(M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. Je suis saisi de quarante-sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 450, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Les articles 10, 11 et 12 du projet de loi autorisent le transfert de Gaz de France au secteur privé, tout en précisant que l'État doit détenir au moins un tiers du capital. Ces articles organisent aussi le transfert au secteur privé de la filiale gestionnaire de réseaux de transport de gaz et modifient la loi du 8 avril 1946, en excluant du champ de la nationalisation « la production, le transport et la distribution du gaz naturel », ôtant ainsi à l'État la pleine maîtrise de ces activités stratégiques. Notons, dès à présent, qu'en privatisant Gaz de France, l'article 10 ne répond à aucune norme communautaire.
Au travers du projet de fusion GDF-Suez, le Gouvernement entend dessaisir l'État de son pouvoir décisionnel en matière énergétique au profit de l'actionnariat privé. D'ailleurs, dans sa logique de concurrence, la Commission européenne s'attaque moins à la fusion elle-même qu'au fonctionnement actuel du service public du gaz. Là est le vrai danger !
La Commission demande des contreparties autant à Gaz de France qu'au Gouvernement. Ainsi, elle entend obtenir, contre l'intérêt manifeste des usagers, le démantèlement de l'un des outils publics les plus performants au monde en matière d'énergie.
Dernièrement, Bruxelles renforçait ses exigences et demandait au futur groupe de céder 35 % de ses capacités d'approvisionnement en gaz. À la suite de cela, Suez a décidé de céder sa filière gazière Distrigaz. Alors que la direction de Gaz de France avait largement communiqué, comme le Gouvernement, sur le fait que le projet de fusion créerait un groupe gazier beaucoup plus gros que GDF, assurant une meilleure sécurité d'approvisionnement et des gains sur les coûts d'achat, cet argument est sérieusement mis à mal.
Ce ne sont pas les propos de M. Jean-François Cirelli, dans La Tribune du 17 octobre, qui vont nous rassurer sur ces questions. En effet, celui-ci déplorait la perte de plus de 12,5 % des capacités gazières de GDF, mais déclarait : « l'important est que nous gardons les quatre millions de clients particuliers belges ! ». Parle-t-on des capacités d'approvisionnement ou de la clientèle ?
On essaie de nous faire oublier la question de la sécurité des approvisionnements en invoquant les clients ! C'est effectivement la logique de la concurrence et de la déréglementation du marché énergétique. Le problème principal est l'accès à la production de gaz ; la fusion de deux distributeurs ne pourra en rien le régler !
La sécurité d'approvisionnement en gaz naturel a été construite en France sur des accords à long terme négociés d'État à État, partageant risques et intérêts économiques. Il est essentiel que l'opérateur historique reste public, car seule une politique fondée sur l'intérêt général permettrait la poursuite de la négociation de contrats à long terme. On pourrait ainsi offrir aux pays producteurs d'énormes volumes d'achat, assortis de capacités d'investissement en infrastructures de transport.
Au contraire, en privatisant GDF et en ouvrant le marché de l'énergie à la concurrence, on prend le risque de remettre en question les contrats à long terme, notamment avec la Russie. Que se passera-t-il si les opérateurs privés vendent le gaz acheté au prix du marché à long terme au prix du marché à court terme ?
D'ailleurs, la Russie ne s'y trompe pas et envisage déjà les risques de la politique énergétique menée au niveau européen. Ainsi, dans un article des Échos, en date du 21 octobre, Sergueï Markov, politologue proche du Kremlin, qualifie la Charte de l'énergie « d'approche coloniale, organisant la concurrence entre fournisseurs et l'ouverture de leur marché dans le seul intérêt des pays importateurs ».
Le ministre russe de l'industrie et de l'énergie déclarait quant à lui qu' « il y a aussi, compte tenu de la coexistence de contrats à long terme de fourniture de gaz, à 230-250 dollars les 1 000 mètres cubes, et du marché spot, où le prix peut monter en hiver à 1 100 dollars, une deuxième pierre d'achoppement, c'est le droit de premier refus. Il signifie que le fournisseur dans un contrat à long terme est confronté au risque d'existence de schémas de transit spot. »
Pour préserver les accords qui garantissent la sécurité de l'approvisionnement en gaz à un prix raisonnable, il est indispensable que l'État garde la maîtrise de l'entreprise Gaz de France. En effet, seul l'État est en mesure de conduire et de centraliser les négociations afin d'assurer aux pays fournisseurs les garanties nécessaires au maintien de ces accords.
La privatisation de Gaz de France doit être abandonnée pour de multiples raisons que nous exposerons au cours des débats, mais la sécurité d'approvisionnement en gaz de notre pays justifie déjà, à elle seule, que l'article 10 de votre projet de loi soit supprimé.
C'est pourquoi nous vous demandons, au nom de l'intérêt général et de la sécurité de notre pays, de voter notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 451, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
...- Avant le 1er juillet 2007, le Gouvernement soumet un rapport contradictoire sur la faisabilité d'une fusion sous forme de société anonyme détenue à 100 % par des capitaux publics des sociétés anonymes Électricité de France et Gaz de France.
Il a pour objectif d'analyser la plus-value que peut constituer, pour répondre aux objectifs mêmes fixés par la loi d'orientation sur l'énergie, et afin de disposer d'un outil répondant aux exigences de service public, la fusion des deux anciens opérateurs historiques sous forme d'une société anonyme cent pour cent publique.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L'une des questions essentielles posées par l'article 10 est bel et bien celle du maintien de la cohérence de notre secteur énergétique national.
Qu'on le veuille ou non, l'article 10, dont la teneur n'a au demeurant rien à voir avec celle des directives « gaz » et « électricité » de 2003, qui ne préjugent nullement de la forme juridique que doivent adopter les intervenants en matière de transport, de distribution et de fourniture d'énergie, organise une asymétrie entre Électricité de France et Gaz de France, qui peut s'avérer particulièrement dommageable à notre propre indépendance énergétique dans les années à venir.
Pour aller au plus simple, on peut même considérer que le choix de la privatisation de Gaz de France constitue une erreur stratégique majeure, quant au long terme, pour ce qui est du développement du secteur gazier dans notre pays.
Erreur stratégique, puisqu'elle passe, en raison notamment des exigences contenues dans la lettre de griefs présentée par la Commission européenne, par l'abandon de capacités de stockage, de production et de distribution particulièrement importantes. Il ne sert à rien, ici, d'essayer de les minorer.
Erreur stratégique, puisqu'elle met très certainement Suez en situation de devoir se séparer d'une part importante de ce qui fait son identité, c'est-à-dire le pôle « environnement », directement placé sous les fourches caudines de la spéculation, au profit des concurrents directs de ce groupe.
Quel gaspillage d'argent et d'emplois devons-nous attendre de la cession à de nouveaux opérateurs d'entreprises comme les filiales d'Elyo-Cofreth, acteurs majeurs de domaines tels que la cogénération ou l'usage des énergies renouvelables, comme les entreprises du groupe SITA, intervenant essentiel dans le domaine de la collecte et du traitement des déchets ménagers, ou encore comme Degrémont, leader mondial de la technologie du traitement des eaux ?
Monsieur le ministre, vous avez parlé de « petites cessions » ! Les salariés de ces entreprises apprécieront car, entre les entreprises concernées et leurs nombreux sous-traitants, ce sont des centaines d'emplois qui sont concernés par les exigences de la commissaire européenne, dont on se demande quels intérêts elle défend réellement !
Cette fusion, comme c'est souvent le cas, va donc entraîner des cessions plus ou moins importantes d'activités et de secteurs, considérés comme non stratégiques, cessions coûteuses en termes d'emplois puisque, nous le savons tous, l'acquéreur commence le plus souvent par procéder lui-même à la « réduction de voilure » lui permettant de réaliser un retour sur investissement plus rapide.
L'actualité des derniers jours, au fil des dépêches et des éléments fournis par les entreprises concernées, est éclairante : chaque heure qui passe rend inopérante sur la durée la fusion entre Gaz de France et Suez, et redonne d'autant plus d'acuité à la proposition de fusionner, a contrario, Électricité de France et Gaz de France.
Que les marchés énergétiques soient ouverts ne préjuge pas de la forme juridique des intervenants sur ces marchés ! Au demeurant, dans les pays ayant réalisé pleinement les orientations fixées par les directives européennes, les opérateurs publics subsistent, ici rattachés à l'État, ailleurs parfois aux collectivités territoriales. C'est ainsi le cas en Suède, ou encore en Belgique, avec le groupe SPE.
Au demeurant, l'existence d'une concurrence dans ces pays a notamment pour conséquence une réduction de la qualité de service, à l'instar de ce que l'on constate dans d'autres champs du service public, comme les transports ferroviaires ou les services postaux.
Placer Gaz de France dans la liste des entreprises privatisables, notamment en le fusionnant avec un partenaire dont le capital est extrêmement flottant et l'endettement de moyen et de long termes d'ores et déjà important, c'est prendre le risque de voir finalement Gaz de France racheté en partie par d'autres acteurs du secteur de l'énergie, aux dépens de l'intérêt national.
Je ne sais pas si vous vous en doutez, mes chers collègues, mais le plus sûr moyen d'éviter que Gaz de France ne finisse dans l'escarcelle de l'un de ses fournisseurs principaux est encore de préserver la nature publique de l'entreprise !
Nous devons donc clairement, plutôt que de retenir une optique désastreuse pour l'emploi et pour la sécurité de l'approvisionnement énergétique du pays dans l'avenir, proposer une autre voie et rejeter le schéma financier infernal qui nous est présenté aujourd'hui, au rebours du plus élémentaire bon sens.
La constitution d'une seule et même entité juridique, regroupant les activités d'Électricité de France et de Gaz de France, constitue la réponse manifestement la plus adaptée aux défis qui nous sont lancés. C'est notamment en constituant une seule et même société anonyme que l'on répondra à ces défis au mieux des intérêts de la collectivité dans son ensemble.
Nous vous invitons donc à adopter cet amendement, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 452, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Avant le 1er juillet 2007, le Gouvernement soumet un rapport contradictoire sur la faisabilité d'une fusion sous forme d'établissement public à caractère industriel et commercial des sociétés anonymes Électricité de France et Gaz de France.
Il a pour objectif d'analyser la plus-value que peut constituer, pour répondre aux objectifs mêmes fixés par la loi d'orientation sur l'énergie, et afin de disposer d'un outil répondant aux exigences de service public, la fusion des deux anciens opérateurs historiques sous forme d'Établissement public industriel et commercial.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Comme nul ne l'ignore, le principal objet de la loi de 2004 était de scinder l'opérateur historique EDF-GDF en deux entités juridiques distinctes et de soumettre celles-ci au droit privé.
Les secteurs électrique et gazier ont donc été séparés, en vue de les placer dans une situation de concurrence, alors même que les deux entreprises ont une culture commune de service public.
Cette politique est d'autant plus regrettable qu'elle prive aujourd'hui les deux opérateurs des moyens de leur développement et les empêche d'atteindre les objectifs de la politique énergétique de la nation, qu'ils sont censés assumer.
Le paradoxe de l'affaire est que, aujourd'hui, parmi les raisons invoquées pour justifier le processus de fusion avec Suez, figurerait la nécessité, pour GDF, de trouver un partenaire électricien. On croit rêver, surtout quand on apprend que Suez s'apprête, eu égard aux griefs énoncés par Mme Nellie Kroes, à céder son parc de production nucléaire en Belgique et son infrastructure gazière ! Ainsi donc, Gaz de France, fusionné avec Suez, serait privé, en raison de l'acceptation des conditions imposées par Bruxelles, des capacités mêmes de développement qu'il était en droit d'attendre de l'opération.
Vous prétendez, monsieur le ministre, que le droit communautaire empêche d'envisager une fusion entre EDF et GDF : compte tenu de la position dominante de la nouvelle entité, des contreparties considérables seraient demandées. Cependant, les contreparties exigées pour la fusion de Suez et de GDF ne sont pas moins importantes et remettent clairement en cause le processus enclenché.
Ce que l'on nous demande est quelque peu surréaliste. On invite le Parlement à légiférer dans la précipitation ; il a même été convoqué en session extraordinaire. Pourtant, nous ne savons pas, pour l'heure, quel sera le périmètre du nouveau groupe, et tout laisse penser que le potentiel de ce dernier n'excédera pas le « portefeuille » actuel de Gaz de France.
En outre, l'opération portant offre publique d'échange de titres entre Suez et Gaz de France n'est pas finalisée, au point d'ailleurs que l'on peut se demander si elle aura jamais lieu, l'évaluation des titres de Suez étant largement supérieure, soit dit en passant, à ce que risque de recouvrir le groupe une fois distingués les actifs cédés en réponse aux griefs européens.
Manifestement, des difficultés émergent s'agissant de la répartition des compétences entre les dirigeants de l'une et l'autre des parties prenantes à la fusion, la plupart des cadres issus de l'entreprise publique semblant devoir être mis sur la touche au gré du jeu de « chaises musicales » qui se déroulera par la suite.
De fait, il faut tout envisager. Un très sérieux cabinet de conseil considère, quant à lui, que les contreparties qui seraient, en cas de rapprochement entre EDF et GDF, exigées par les autorités communautaires ou nationales de la concurrence ne seraient pas si exorbitantes que l'indiquent les études commandées par le Gouvernement à un autre cabinet. En tout état de cause, ces contreparties seraient compatibles avec la viabilité économique de l'entreprise fusionnée.
Il faut donc examiner sérieusement la question, au lieu de jeter aux oubliettes soixante ans de travail en commun et de culture d'entreprise commune, en matière notamment de service public.
Pour contrer cette autre proposition fondée sur un véritable projet industriel et de service public, deux rapports à charge ont été réalisés. Ces deux rapports n'ont fait l'objet d'aucun débat public et n'ont pas été discutés au sein des conseils d'administration des entreprises. Ils n'ont même pas été communiqués aux représentants du personnel.
Quant au fameux rapport Roulet, son auteur brandit la menace de contreparties si exorbitantes qu'elles entraîneraient un démantèlement des deux entreprises publiques. Toutefois, cette version des choses est contestée.
Le débat n'est donc pas tranché. C'est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement, par lequel nous proposons que l'examen du présent projet de loi soit suspendu jusqu'à ce que les conclusions d'un rapport contradictoire sur la faisabilité d'une fusion d'EDF et de GDF soient rendues publiques.
M. le président. L'amendement n° 454, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Toute entreprise énergétique remplissant une mission de service public permettant de garantir l'égal accès au droit à l'énergie doit devenir propriété de l'État.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Au moment même où l'on propose de privatiser GDF, nous souhaiterions revenir sur toutes les promesses qui avaient été formulées lors de l'élaboration de la loi de 2004, tant par l'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Nicolas Sarkozy, que par vous-même, monsieur le rapporteur.
Lors de la séance du 8 juillet 2004 au Sénat, vous nous affirmiez, la main sur le coeur, que 70 % du capital d'EDF et de GDF demeurerait entre les mains de l'État et que ces deux entreprises resteraient nationalisées.
Depuis, deux années ont passé, et vous nous expliquez, là encore la main sur le coeur, que le Gouvernement maintiendra une minorité de blocage et que cette simple mesure lui permettra de garantir la maîtrise publique de l'énergie. Comment pourrions-nous vous croire ?
Je me permettrai, à cette occasion, de citer un courrier de M. Nicolas Sarkozy, ministre chargé de présenter le texte à l'époque et aujourd'hui « présidentiable », adressé le 29 avril 2004 au secrétaire général de la fédération nationale des mines et de l'énergie de la CGT :
« En premier lieu, si le Gouvernement entend bien donner à EDF et Gaz de France les moyens juridiques et financiers de devenir deux champions européens et donc soumettre au Parlement un projet de loi faisant évoluer la forme juridique des entreprises d'établissement public en société, je vous confirme que ces sociétés resteront publiques et ne seront en aucun cas privatisées. »
M. Sarkozy explicitait cet engagement en indiquant que « compte tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts de la France, en termes de sécurité d'approvisionnement et de sûreté des activités nucléaires, l'État conservera en effet une part majoritaire du capital de ces entreprises et continuera de définir conjointement avec leurs présidents leurs orientations stratégiques. Le niveau du seuil de détention minimum par l'État d'EDF et Gaz de France est aujourd'hui fixé par le projet de loi à plus de 50 %. Je ne verrais pas d'obstacle à ce que ce seuil soit sensiblement relevé lors de la discussion au Parlement. »
En août 2004, c'est sur la base d'un engagement solennel de M. Sarkozy, selon lequel l'État détiendrait au minimum 70 % du capital des deux entreprises, que les parlementaires de la majorité votaient la loi.
Prenant le contre-pied de cette démarche de démantèlement du service public et des entreprises publiques, nous proposons, par cet amendement, que toute entreprise énergétique qui remplit une mission de service public permettant de garantir l'égal accès pour tous à l'énergie devienne propriété de l'État.
En effet, nous estimons que l'expérience d'ouverture du capital de ces entreprises est loin d'être concluante en termes de qualité du service public et qu'il nous faut maintenant envisager un système qui permettrait de garantir les intérêts des usagers plutôt que ceux des actionnaires.
Je souhaiterais maintenant revenir sur les fondements de la réflexion qui nous a amenés à présenter cet amendement.
Les services publics se trouvent aujourd'hui dans une situation paradoxale, notamment à l'échelon communautaire. En effet, dans une communication datant de 1996 sur les services d'intérêt général en Europe, la Commission européenne a reconnu que « les mécanismes de marché présentent parfois leurs limites et peuvent risquer d'exclure une partie de la population ».
Pourtant, cette observation intéressante n'a pas conduit la Commission européenne à modifier sa position, puisqu'elle a réaffirmé aussitôt son credo libéral, en indiquant que « les services d'intérêt général de caractère économique sont en principe soumis aux règles dont la Communauté s'est dotée pour établir un grand marché », autrement dit à la libre concurrence.
Malgré ces contradictions évidentes, c'est cette logique qui est retenue dans le présent projet de loi, qui tend à privatiser l'opérateur public GDF et à permettre une ouverture encore un peu plus importante du marché.
Comment ne pas reconnaître que c'est le statut public d'EDF et de GDF qui a permis la mise en oeuvre d'une politique énergétique appelant le développement économique du pays au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ? C'est à cette époque qu'EDF et GDF ont mis en place les moyens permettant l'accès de tous à l'énergie, grâce à une politique d'équipement des territoires ruraux et à la péréquation tarifaire.
Si, aujourd'hui, la France pratique les tarifs les plus bas en Europe, c'est grâce à la maîtrise publique de la politique énergétique, grâce aux établissements publics EDF et GDF. Ceux-ci ont en effet consenti des investissements dont la rentabilité n'a pu être qu'un objectif à long terme ; je veux parler de la politique de production nucléaire d'électricité. C'est grâce au statut public d'EDF qu'a pu être engagée la construction des centrales nucléaires, qui nous permettent aujourd'hui de bénéficier d'une véritable indépendance énergétique. C'est grâce au statut public d'EDF et de GDF que nous faisons partie des « bons élèves » au regard de l'application des accords de Kyoto.
En effet, parce qu'ils ne sont pas soumis à l'exigence de rentabilité à court terme que doivent respecter les entreprises privées, les établissements publics ont pu s'engager dans cette politique, répondant ainsi aux besoins du pays, dans des conditions acceptables pour tous. Seules des entreprises publiques pouvaient accomplir cela.
Tel est le sens de cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin public.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 526, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L'article 24 de la loi n° 2004-809 du 9 août 2004 est abrogé.
II. - L'impôt sur les sociétés est augmenté à due concurrence.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L'article 24 de la loi du 9 août 2004 a transformé les établissements publics Électricité de France et Gaz de France en sociétés dont l'État devait détenir plus de 70 % du capital et les a soumis aux lois applicables aux sociétés anonymes. Par cet article, et nous l'avions dénoncé à l'époque, on préparait la privatisation des deux opérateurs historiques. Que l'on ne vienne pas nous dire que les choses ont considérablement changé en deux ans !
En 2004, parmi les arguments avancés pour justifier l'ouverture du capital des deux entreprises, figurait leur situation financière. Nous avions relevé que ce raisonnement ne pouvait pas s'appliquer à GDF, dont les résultats étaient florissants en France, grâce aux marges réalisées sur le prix du gaz.
Pourtant, à cette époque déjà, certains sénateurs de la majorité parlementaire, dont le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Philippe Marini, souhaitaient aller au-delà du seuil de 30 % d'ouverture du capital, sur lequel le Gouvernement s'était engagé pour Gaz de France. M. Marini était sans doute un visionnaire !
On connaît aujourd'hui la valeur de cet engagement. Cela donne la mesure de la crédibilité de la parole du Gouvernement, alors que nous sommes toujours dans la même législature !
Il est temps d'arrêter le processus de privatisation de nos entreprises publiques EDF et GDF. La nation française avait fait le choix du statut d'établissement public, qui permettait de se doter d'outils industriels pour mettre en oeuvre la politique énergétique française et de préserver ainsi un secteur vital pour l'économie.
Il est essentiel de revenir à cette solution pour garantir l'indépendance énergétique de notre pays. En effet, seules des entreprises publiques seront en mesure, au nom de la primauté de l'intérêt général, d'effectuer les investissements nécessaires sur le long terme pour assurer le développement du service public de l'énergie en France.
Ainsi, à partir de 2015, se posera la question d'engager la construction de nouvelles tranches de production nucléaire en vue de remplacer le parc actuel. L'argument selon lequel il fallait ouvrir le capital d'EDF pour reconstruire les tranches existantes ne tient pas.
J'indiquerai à M. Fourcade que c'est précisément parce qu'EDF était une entreprise publique que le choix du nucléaire a pu être fait en France, dans les années soixante-dix.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Michel Billout. EDF a été l'instrument à la fois de la politique publique de la France en matière énergétique et de sa politique industrielle dans toute la filière électrique française, qui comprend notamment Alstom, Framatome, Cogema, Schneider. Aucune entreprise à statut privé n'aurait accepté de jouer ce rôle ! Pourquoi en irait-il différemment aujourd'hui ? Le retour sur investissement est trop long, chacun le sait. Est-ce à dire que ce sont d'autres investissements, en matière de maintenance par exemple, qui empêcheraient de conserver l'organisation actuelle ? Les tarifs, donc les usagers, couvriront-ils ces coûts ?
À l'échelon européen, devant la lourdeur des investissements à réaliser d'ici à 2020, les marchés financiers seront totalement incapables de fournir les capitaux nécessaires. Que ce soit la sécurité de l'approvisionnement, la péréquation tarifaire ou l'accès à l'énergie pour tous, aucun de ces impératifs n'est compatible avec les intérêts privés.
²
C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent de redonner la totalité de la propriété d'EDF et GDF à la collectivité publique en les renationalisant.
Á ce titre, nous vous avons déjà fait un certain nombre de propositions, dont la création d'un pôle énergétique public.
Nous estimons que le groupe formé par la fusion d'EDF et de GDF pourrait constituer le coeur de ce pôle, permettant de renforcer la maîtrise publique de ce secteur hautement stratégique pour les intérêts économiques, sociaux et environnementaux de notre pays.
Ce pôle public, comme nous l'avons déjà dit, pourrait regrouper tous les acteurs de la filière énergétique, qu'ils relèvent de la recherche, de la production ou de la distribution, afin de renforcer la complémentarité des énergies. Il aurait, en liaison avec la définition d'orientations politiques par le Parlement, la mission de conduire cette politique.
Á ce titre, rappelons, pour la forme, que le droit communautaire ne préjuge pas du régime de propriété des entreprises chargées d'un service public.
Puisque, du côté juridique, rien ne s'oppose à revenir sur l'ouverture du capital de nos entreprises publiques, nous vous demandons, dans l'intérêt de nos concitoyens, de mettre de côté vos positions dogmatiques sur la question et de voter notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 159 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 453 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 662 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 159.
M. Daniel Reiner. Avec cet amendement, purement rédactionnel, (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), il s'agit tout simplement de revenir à l'article 24 de la loi de 2004. Nous voulons vous éviter de porter la lourde responsabilité que vous vous apprêtez à prendre, celle de privatiser cette entreprise dans le contexte actuel.
La chose est d'autant plus grave que les dispositions de cet article, qu'elles se rapportent à la minorité de blocage ou à l'action de préférence, ne paraissent guère permettre un réel verrouillage du capital de Gaz de France. Pour avoir bien écouté Gérard Longuet tout à l'heure, je sais que nous ne sommes pas les seuls à le dire.
Lourde responsabilité, car il s'agit de faire basculer cette entreprise dans la seule logique des actionnaires, laquelle n'est, avouez-le, guère compatible avec les exigences de service public, de programmation d'investissements sur le long terme et de tarification raisonnable ! Il y a là un danger que la gauche n'est pas la seule à dénoncer.
Permettez-moi de vous citer un extrait de l'ouvrage récent d'un économiste connu : « Il est urgent de réformer en profondeur la gestion de l'épargne, d'établir de nouvelles règles de gouvernance. Celles-ci doivent imposer aux acteurs de revenir à des exigences de rentabilité compatibles avec la raison économique, de différencier leurs objectifs de rentabilité en fonction de leur horizon d'investissement. Elles doivent permettre aux entreprises de refaire des investissements normaux et de renouer avec des projets de développement à long terme. »
Ces propos, dans la ligne de ceux du prix Nobel d'économie incitant à réviser les dogmes de l'ultralibéralisme, devraient, en la circonstance, vous conduire à une extrême prudence avant de livrer GDF aux logiques des actionnaires intéressés uniquement par les rendements de court terme !
Refusant de tenir compte des expériences malheureuses des pays pionniers de la libéralisation en matière d'énergie - auriez-vous oublié ce qui s'est passé en Grande-Bretagne ? Ne suivez-vous pas le procès Enron ? - vous faites basculer Gaz de France sous la coupe d'actionnaires privés.
M. Daniel Reiner. Quelles sont vos motivations, monsieur le ministre ? Sont-elles uniquement idéologiques ? Je m'interroge d'autant plus que le projet de fusion entre Gaz de France et Suez n'emporte guère la conviction en matière de synergie industrielle.
Ce projet n'est pas bon pour l'entreprise, dont l'apport gazier sera finalement très faible, après les contreparties exigées. De plus, son endettement va être aggravé, alors qu'à présent sa dette est plutôt légère. Enfin, elle ne sera pas protégée des OPA.
Ce projet n'est pas bon non plus pour les citoyens, qui seront inévitablement confrontés à la hausse des prix. Il ne l'est pas davantage pour le pays, puisque l'on confie les clés de son indépendance énergétique à une entreprise privée. Il ne l'est pas plus pour l'économie de l'énergie, puisque vous nous engagez dans la voie de la financiarisation des marchés.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons ce bref amendement rédactionnel.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 453.
Mme Michelle Demessine. Le présent amendement vise à supprimer le paragraphe I du présent article et défend la nécessité impérative d'avoir un opérateur public national dans le secteur gazier.
Le rapport de la commission ne nous donne pas de garanties sérieuses quand il se fait l'écho de M. Jean-Claude Lenoir au sujet du « pôle de stabilité » constitué par l'État dans l'entreprise qui pourrait résulter de la fusion entre GDF et Suez.
En effet, l'argument est simpliste, qui se fonde sur l'absentéisme habituel d'« un grand nombre d'actionnaires » lors des assemblées générales.
De plus, le rapport souligne qu' « un pôle de stabilité de cette ampleur constitue une protection évidente contre toute offre publique d'achat hostile ». Cette affirmation nous paraît pour le moins irresponsable face à la myopie et à la volatilité des marchés dans le cadre de la guerre économique que vous nous imposez.
Il serait temps de tirer le bilan concret de la décennie écoulée, pendant laquelle a prévalu la mise en oeuvre de critères de gestion exclusivement axés sur la recherche de la rentabilité financière.
Après avoir usé du miroir aux alouettes des tarifs à la baisse grâce à la concurrence, vous choisissez, pour les mêmes raisons, la concentration du secteur et la constitution d'un groupe oligopole. Cette volte-face renvoie d'ailleurs à l'engagement solennel du chef de l'État lors de son intervention télévisée du 14 juillet 2004.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de voter le présent amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 662.
M. Jean Desessard. Avec cet amendement, déposé par les sénatrices et le sénateur Verts, mais identique aux deux précédents, au demeurant très bien défendus par M. Reiner et Mme Demessine, respectivement pour le groupe socialiste et pour le groupe CRC, nous nous opposons à une baisse de participation de l'État de 70 % à un tiers dans le capital de GDF.
M. le président. L'amendement n° 455, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I de cet article :
I - L'article 3 de la loi n° 46-628 du 8 août 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'établissement public à caractère public industriel et commercial Gaz de France est la propriété de la nation, inaliénable et indivise.
« Conformément au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution qui dispose que la souveraineté nationale appartient au peuple, un changement de statut de Gaz de France ne peut être décidé que par la voie du référendum. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. C'est précisément parce que le secteur de l'énergie est vital pour les individus comme pour l'économie qu'aucun État européen ne peut supporter la mise en faillite des entreprises d'électricité et de gaz. On n'oubliera pas, de ce point de vue, la recapitalisation, au Royaume-Uni, de British Energy.
Pour cette raison, la nation française a fait le choix du statut d'établissement public, qui permet simultanément de se doter d'outils industriels pour mettre en oeuvre la politique énergétique française et pour préserver ainsi un secteur aussi vital pour l'économie.
Quels sont donc les arguments que l'on invoque pour justifier l'ouverture du capital de ces entreprises ?
En 2004, vous vous fondiez sur la situation financière d'EDF, l'objectif étant de la faire bénéficier des fonds nécessaires à son développement.
Curieusement, un tel raisonnement ne peut s'appliquer à GDF, dont les résultats sont florissants en France grâce aux marges réalisées sur le prix du gaz, marges historiques au regard des bénéfices semestriels annoncés.
En effet, je le rappelle à l'intention de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, les dividendes reversés aux actionnaires sont en augmentation de plus de 60 %. Autant d'argent qui ne va pas au financement de l'entreprise !
Cette hausse exceptionnelle s'explique tout simplement par la promesse de M. Sirelli de doubler les dividendes d'ici à 2007, promesse contenue dans la lettre qu'il a adressée aux futurs actionnaires lors de l'ouverture du capital de GDF.
On le voit, l'augmentation du prix du baril sert également à masquer ces hausses de profits spectaculaires.
Pourtant, à l'échelon européen, les investissements à réaliser d'ici à 2020 sont chiffrés à 350 milliards d'euros dans le secteur du gaz. Les marchés financiers sont inefficaces pour fournir de tels niveaux de capitaux, dont la rentabilité ne peut s'évaluer que sur des dizaines d'années. C'est « ringard » de penser comme vous pensez, monsieur Fourcade, alors que nos propositions, elles, sont modernes !
Pour toutes ces raisons, nous estimons que la maîtrise du gaz doit rester publique et que, par conséquent, l'entreprise GDF doit retrouver le statut qui était le sien avant la loi de 2004, celui d'un EPIC, un établissement public à caractère industriel et commercial.
Du reste, celui qui était alors ministre de l'économie et des finances en 2004, déclarait qu'EDF et GDF étaient de grands services publics et qu'ils ne seraient pas privatisés. Peut-être avait-il pris à l'époque la mesure de la force que représente une entreprise publique. Pourtant, voyez à quelle bagarre doivent aujourd'hui se livrer les membres du groupe CRC aux côtés de leurs collègues socialistes !
Voilà quelques mois, le Conseil d'État a réaffirmé que GDF était un grand service public national. Pourquoi revenir sur ce constat aujourd'hui ?
De plus, aux termes de l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert des caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
En toute logique, GDF doit donc rester propriété de l'État, toute loi proposant sa privatisation étant, de fait, inconstitutionnelle. Ces arguments ont été rappelés lors de l'exposé de la motion référendaire et de celle tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Il faut donc, pour le Gouvernement, assumer clairement son objectif : faire adopter une loi inconstitutionnelle de privatisation de GDF.
Nous estimons, pour notre part, qu'il est nécessaire de soumettre ce texte au peuple et d'y consacrer les débats nécessaires. En effet, ni les parlementaires ni le Gouvernement n'ont la légitimité pour faire entériner à toute vitesse une loi, avant même que les termes du débat ne soient fixés. Pour cette raison, nous pensons que toute loi de privatisation de l'entreprise GDF doit faire l'objet d'un référendum populaire.
J'ajouterai que cette course de vitesse pour brader les fleurons de notre industrie - d'abord, France Télécom, puis Air France, et maintenant GDF - va mal se terminer. Ces privatisations se sont toujours faites au détriment des usagers, qui ont vu exploser la tarification pour l'accès à ces services.
Vous ne pouvez pas demander systématiquement au Parlement de vous faire confiance sur des projets plus que hasardeux. Je ne reviendrai pas, par exemple, sur la situation actuelle de France Télécom.
Votre projet de privatisation est plus que périlleux. Les contreparties demandées par Bruxelles reviendraient à donner au nouveau groupe une importance aussi grande que celle dont dispose déjà GDF. Votre justification pour privatiser l'entreprise publique est alors fallacieuse et ne peut permettre l'adoption de ce texte.
Nous ne pouvons débattre dans ces conditions. Les parlementaires et les citoyens doivent disposer de l'ensemble des informations avant d'émettre leur avis en connaissance de cause.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons que la privatisation de GDF ne peut se faire à la hussarde, que les enjeux liés à la politique énergétique sont stratégiques et revêtent une importance telle que la décision doit revenir directement aux citoyens. En effet, ces entreprises appartiennent à la nation et, donc, aux citoyens eux-mêmes. La décision de les brader aux intérêts privés ne saurait être prise sans leur accord.
Pour toutes ces raisons, nous réclamons la mise en oeuvre d'un référendum concernant la privatisation de GDF. Et nous demanderons un scrutin public sur cet amendement.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 470, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer le taux :
70 %
par le taux :
95 %
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de sa détention du capital d'Électricité de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Cet amendement, qui prévoit de fixer la part de l'État dans le capital d'EDF et de GDF à 95 %, est nécessairement de repli, puisque tout amendement prévoyant un pourcentage inférieur à 100 % est, pour nous, un amendement de repli.
Cependant, faire passer la part de l'État dans le capital de GDF de 70 % à 95 % aurait tout de même l'avantage de renforcer la maîtrise publique et sociale d'EDF et de GDF.
Cela est d'autant plus nécessaire alors que les ressources fossiles se raréfient, mais que la consommation énergétique ne cesse de croître, car les risques de pénurie ne sont plus des risques lointains.
J'indique, monsieur le président, que mon argumentaire vaut également pour les amendements nos 469, 468, 467 et 466, que l'on peut donc considérer comme défendus.
M. le président. L'amendement n° 469, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer le taux :
70 %
par le taux :
90 %
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de sa détention du capital d'Électricité de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
L'amendement n° 468, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer le taux :
70 %
par le taux :
85 %
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de sa détention du capital d'Électricité de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
L'amendement n° 467, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer le taux :
70 %
par le taux :
80 %
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de sa détention du capital d'Électricité de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
L'amendement n° 466, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer le taux :
70 %
par le taux :
75 %
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de sa détention du capital d'Électricité de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
Ces quatre amendements ont donc été défendus.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 67 est présenté par M. Longuet.
L'amendement n° 756 est présenté par M. Darniche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
plus du tiers du
par les mots :
doit conserver une participation dans le
La parole est à M. Gérard Longuet, pour défendre l'amendement n° 67.
M. Gérard Longuet. Ayant déjà eu la possibilité de m'expliquer longuement, je ne voudrais pas abuser de l'attention de notre Haute Assemblée, déjà fortement sollicitée par d'innombrables amendements répétitifs, en succombant moi-même à la tentation de la répétition,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant !
M. Gérard Longuet. ...même si cette dernière est la vertu première de la pédagogie.
M. Daniel Raoul. Très bien ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Longuet. Je rappellerai donc simplement que M. Breton a éclairé dans sa réponse le problème que nous avons soulevé, puisqu'il envisage la possibilité de suivre les augmentations de capital.
Cette orientation n'est, certes, pas complètement suffisante, ce qui me permet de maintenir mon amendement tout en ayant la certitude qu'il y a déjà été répondu.
M. le président. L'amendement n° 756 n'est pas défendu.
Le sous-amendement n° 798, présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 67, après les mots :
doit conserver une participation
insérer les mots :
de plus de 70 %
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Depuis maintenant quinze jours que le débat dure, chacun est conscient qu'il « tourne » autour de la question soulevée par ce fameux article 10 : le maintien de GDF dans le secteur public, dont nous restons pour notre part convaincus qu'il constitue un levier puissant dans les mains de tout gouvernement, quel qu'il soit, pour défendre l'intérêt de chaque citoyen français.
Ce sous-amendement vise donc à maintenir le statu quo en fixant la participation de l'État dans la structure GDF à au moins 70 %.
M. le président. Le sous-amendement n° 775, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 67, après les mots :
doit conserver une participation
insérer les mots :
d'au moins 51 %
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je remercie M. Longuet d'avoir maintenu son amendement, ce qui nous donne la possibilité de défendre ce sous-amendement.
Les raisons pour lesquelles nous tenons à ce que la participation de l'État soit fixée à au moins 51 % sont claires, et ceux qui ont écouté sa réponse auront constaté que M. le ministre a lui-même répondu par l'affirmative à la question que je pose.
Il s'agit, en effet, de « faire » non pas du service public de jadis ou de naguère, mais du service public d'aujourd'hui. Or nous savons tous depuis longtemps que ce n'est pas le statut public ou privé d'une entreprise qui conditionne le caractère de service public. Personne parmi nous ne nie que l'eau et l'assainissement constituent deux services publics. Or ces deux services publics sont souvent gérés, dans le cadre de contrats de droit public, par des sociétés de droit privé. Mon propos n'est donc en aucun cas d'affirmer que service public égale société publique.
Il s'agit ici de l'énergie, sujet tout à fait particulier, et je remercie M. Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de nous avoir enfin dit - avec un peu de peine, mais il l'a dit ! - qu'il était bien question de la fusion de Gaz de France et de Suez.
Il est bon qu'il l'ait dit, car - pourquoi le nier ? - la réunion de Suez et de Gaz de France a, sur le plan énergétique, des avantages indiscutables. Il est évident que ce projet est séduisant : le nouveau groupe prendrait le premier rang européen pour la vente de gaz et deviendrait le plus gros acheteur de gaz du continent ; la répartition des approvisionnements à partir de 2007 se ferait sur la base d'un « portefeuille » de fournisseurs plus diversifié ; en outre, le nouvel ensemble disposerait d'une position dominante dans le secteur du gaz naturel liquéfié.
Cependant, ce qui fait peut-être le véritable intérêt du rapprochement entre Suez et Gaz de France est que ce groupe proposera une offre duale gaz-électricité. Dès lors, je regrette que le Gouvernement ne soit pas allé plus loin dans la réponse qu'il a faite à M. Longuet. La question est simple : pourquoi l'État reste-t-il dans cette société et que fera-t-il des parts qu'il va garder ?
Monsieur le ministre, il est vrai que l'aspect « gaz » est bien traité dans le groupe, mais on ne peut pas ignorer que se pose la question « électricité ». Or, très naturellement, poser la question « électricité », c'est poser la question du nucléaire.
Le nouveau groupe, Suez-Gaz de France ou Gaz de France-Suez, interviendra, et intervient d'ailleurs déjà, dans le nucléaire. Electrabel possède ainsi des centrales nucléaires en Belgique,...
M. Gérard Longuet. Et en France !
M. Michel Mercier. ...ainsi, en effet, qu'en France.
Demain, un deuxième réacteur EPR sera nécessaire. Ce deuxième réacteur sera-t-il construit par EDF ou le nouveau groupe pourra-t-il se proposer pour construire une centrale d'un nouveau type ? En effet, un groupe moderne ne va tout de même pas construire des réacteurs d'un type ancien !
Vous nous avez expliqué que l'État gardait 70 % du capital d'EDF, mais seulement 34 % du capital du nouveau groupe. Mais, monsieur le ministre, la seule façon pour l'État de convaincre nos concitoyens de la nécessité de recourir aux réacteurs nucléaires les plus modernes qui soient - je ne suis pas ingénieur, mais chacun comprendra cette formule banale - est qu'il reste largement présent, c'est-à-dire, de notre point de vue, au moins à hauteur de 51 %, dans le groupe qui construira la future centrale nucléaire.
Il ne s'agit pas seulement aujourd'hui de voter un texte pour résoudre un problème du moment : Enel peut-il ou non acheter Suez ? Il s'agit de construire pour demain une vraie politique énergétique, et nous sommes profondément convaincus que, pour recourir à l'énergie nucléaire avec tout ce qu'elle comporte sur le plan du progrès technologique mais aussi sur celui des risques, l'État doit être présent.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez donc pas affirmer que l'État doit conserver 70 % du capital d'EDF, mais qu'une participation de 34 % dans le nouveau groupe suffirait : 70 %, ce n'est peut-être pas nécessaire, mais, 34 %, ce n'est certainement pas assez.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. Michel Mercier. C'est pour préparer l'avenir et pour déterminer ce que l'État fera en tant qu'actionnaire et non pas simplement en tant qu'État que nous proposons que ce dernier conserve au moins 51 % du capital du nouveau groupe comme gage de la capacité d'investissement de ce groupe, notamment dans l'énergie électrique d'origine nucléaire. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. L'amendement n° 465, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
du tiers
par les mots :
de 95 %
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. La présentation de cet amendement vaudra également pour les amendements nos 458, 464, 463, 457, 459, 462, 460 et 461, étant entendu que ces amendements, qui déclinent une même proposition, ont pour objet pédagogique de démontrer la nécessité pour l'État de se préserver une large majorité dans le capital de GDF et de ne pas laisser cette entreprise partir dans le privé, en faisant apparaître jusqu'où il ne faut pas aller. L'intervention à l'instant de notre collègue de l'UC-UDF montre, d'ailleurs, que cette conviction est parfois partagée au-delà des travées de l'opposition...
Avec l'article 10, nous sommes au coeur d'un sujet qui a suscité les passions lors des débats à l'Assemblée nationale et qui les suscite également chez nous. C'est en effet le coeur de votre projet de loi, monsieur le ministre, celui autour duquel tout tourne, celui dont tout dépend, celui qui motive votre précipitation et votre hâte d'en finir avec l'idée même d'entreprise publique.
Après les dangereuses et néfastes adaptations de notre appareil juridique national, exigées par les directives européennes d'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence, auxquelles nous nous sommes opposés dans les articles précédents, nous sommes maintenant entrés dans le vif du sujet avec cet article consacré au capital de GDF et au contrôle de l'État.
Avec ce texte, le Gouvernement aurait, selon ses dires, décidé de donner à GDF les moyens de poursuivre son développement au niveau européen et mondial, et de doter l'entreprise des armes nécessaires pour rester compétitive. Louables intentions si elles correspondaient à la réalité, mais celle-ci est tout autre !
En effet, après les péripéties et les révélations de la semaine dernière sur les « grenouillages » financiers menés par M Pinault, et malgré les démentis embarrassés de M le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de M le ministre délégué à l'industrie, les masques sont tombés : il s'agit bel et bien de privatiser d'abord GDF, par pure idéologie, hors de toute considération d'intérêt national et d'efficacité économique, pour pouvoir ensuite livrer l'entreprise et ses 14 millions de clients aux projets, financiers plus qu'industriels, de groupes privés.
M. Breton a d'ailleurs reconnu ce calendrier à deux reprises la semaine dernière, la première fois, en comité restreint, devant la commission des affaires économiques, la seconde fois, mercredi dernier, en séance publique : « Une fois que le Sénat aura pris le temps de délibérer et aura, je l'espère, voté ce texte, nous entrerons dans la troisième phase, celle des projets industriels. Suez et GDF travaillent ensemble depuis plusieurs mois, ce n'est un secret pour personne. Le projet industriel élaboré par les entreprises sera proposé aux conseils d'administration. L'État, qui est majoritaire au conseil d'administration de GDF, jouera alors tout son rôle. »
Mais quel rôle l'État pourra-t-il encore jouer, mes chers collègues ? Quels moyens d'action aura-t-il face à la toute-puissance des intérêts coalisés ou concurrents de Suez, mais aussi d'Enel, de Pinault, voire d'E.ON ou de Gazprom ?
Je crains fort que l'État n'ait plus qu'à s'incliner devant le projet industriel - difficile, s'il y en a vraiment un, à cerner, comme nous l'avons fait apparaître au cours de la présentation de nos précédents amendements - qui sera proposé aux conseils d'administration des entreprises, et cela quel que soit le cas de figure.
En effet, mes chers collègues, si vous approuviez l'article 10, l'État ne serait tout simplement plus majoritaire, puisqu'il ne détiendrait pas plus d'un tiers du capital, contrairement à ce qu'affirmait, il y a encore peu, M Breton.
Cela équivaudrait à signer un chèque en blanc pour de hasardeuses opérations, et ce n'est pas « l'action spécifique » devant prétendument protéger certains actifs stratégiques de l'entreprise, actifs que la Commission de Bruxelles exige de réduire considérablement, qui pourrait jouer efficacement ce rôle.
Face à cette perspective inquiétante et dangereuse pour l'intérêt national et pour les usagers, il n'y a pas d'autre alternative que d'en revenir à une réelle maîtrise publique du secteur de l'énergie.
Et que dire des derniers développements, parus aujourd'hui dans la presse, de la bataille rangée qui oppose les PDG de Suez et de Gaz de France ? Chacune de ces entreprises convoite les dépouilles de l'autre - surtout celles de GDF, d'ailleurs - et cherche à s'emparer des pouvoirs de décision dans la future entité.
Tout cela ne fait pas vraiment penser à un projet industriel ! Pour l'opinion publique, il devient clair que ce projet de loi, et plus particulièrement son article 10, que nous examinons aujourd'hui, aura de graves conséquences.
Mes chers collègues, qu'on le veuille ou non, tout dépend du taux de la participation de l'État dans le capital de GDF, que nous vous proposons donc de relever significativement.
Tel est l'objet de l'amendement n° 465, mais aussi des amendements nos 458, 464, 463, 457, 459, 462 et 460, qui tendent à faire passer la part détenue par l'État du tiers à des montants s'échelonnant, selon les modifications proposées, entre 70 % et 95 % du capital de Gaz de France.
M. le président. L'amendement n° 458, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
du tiers
par les mots :
des neuf dixièmes
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de la détention du capital de Gaz de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 464, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
du tiers
par les mots :
de 90 %
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 463, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
du tiers
par les mots :
de 85 %
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 457, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
du tiers
par les mots :
des huit dixièmes
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de la détention du capital de Gaz de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 459, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
du tiers
par les mots :
des quatre cinquièmes
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de la détention du capital de Gaz de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 462, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
du tiers
par les mots :
de 80 %
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de la détention du capital de Gaz de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 460, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
du tiers
par les mots :
des trois quarts
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de la détention du capital de Gaz de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 461, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
du tiers
par les mots :
de 75 %
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de la détention du capital de Gaz de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
Cet amendement a déjà été défendu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 161 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 664 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
plus du tiers
par les mots :
plus de 70 %
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 161.
M. Roland Courteau. L'article 10 du projet de loi, dont nous demanderons d'ailleurs qu'il soit mis aux voix par scrutin public, prévoit d'abaisser le seuil légal de la participation de l'État de 70 % à un tiers du capital de Gaz de France. Il est l'illustration du peu de poids des engagements de la majorité en matière de préservation du secteur public de l'énergie !
Nous avons déjà cité les propos tenus par M. Nicolas Sarkozy en 2004. Celui qui était alors ministre de l'économie se prononçait contre la privatisation de Gaz de France et d'EDF, en soulignant qu'il était nécessaire de conserver le caractère intégré des deux entreprises.
Monsieur Poniatowski, à l'époque, vous étiez rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques, de ce projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz.
Dans votre rapport, on pouvait lire, dans un paragraphe intitulé Un modèle original à préserver : l'entreprise intégrée, ceci : « EDF et GDF ne sont pas des entreprises comme les autres : ayant placé le service public au premier rang de leurs préoccupations, elles ont mis au point des moyens spécifiques pour le prendre en charge grâce à leurs services communs et au développement d'activités complémentaires. »
Dans un autre paragraphe, intitulé Un épouvantail à laisser au placard : le spectre de la privatisation, on pouvait lire : « La transformation des deux établissements publics EDF et GDF en société n'emporte nullement leur "privatisation". Il s'agit simplement d'une "sociétisation" pour reprendre l'expression utilisée habituellement par votre commission pour désigner un tel processus. »
Et vous ajoutiez : « EDF et GDF sont appelés à devenir des sociétés nationalisées à capitaux publics dans lesquelles l'État ne pourra détenir moins de 70 % du capital, alors même que la limite en deçà de laquelle il est nécessaire d'obtenir l'autorisation du Parlement pour privatiser une société est fixée à 50 % de son capital. De ce fait, le vote d'une nouvelle disposition législative reste un préalable incontournable à toute privatisation, contre laquelle le Gouvernement a déclaré son hostilité ».
Vous écriviez également : « EDF et GDF sont appelés à rester des sociétés nationales opérant des activités de service public à côté de leurs métiers concurrentiels. Leur caractère public est même réaffirmé avec force par ce projet de loi. »
Or, monsieur le rapporteur, deux ans plus tard, vous défendez la privatisation de Gaz de France !
De la même façon, dans cet hémicycle, le 8 juillet 2004, M. Patrick Devedjian, alors ministre délégué à l'industrie, s'exprimait sur un amendement, déposé par M. Marini, qui tendait, notamment, à ramener la participation de l'État au capital de Gaz de France de plus de 70 % à plus de 50 %.
Tels étaient les propos de M. Devedjian : « Monsieur Marin, il fallait conduire cette réforme et la réussir. Nous avons dû faire des concessions, comme il se doit dans des négociations. En conséquence, nous tiendrons les engagements que nous avons pris, et je vous demande, madame la sénatrice, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir aider le Gouvernement à tenir sa parole pour que nous puissions conduire cette réforme jusqu'à son terme. » Ces quelques rappels étaient utiles.
Or monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues de la majorité, vous ne nous proposez rien de moins aujourd'hui que la privatisation de Gaz de France ! L'engagement solennel, pris au nom du Gouvernement et du Président de la République, se trouve remis en cause.
Un tel reniement de la parole publique est inacceptable, d'autant qu'il entraînera de lourdes conséquences pour les usagers des services publics concernés. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui vise à maintenir la participation de l'État dans le capital de Gaz de France à plus de 70 %.
En outre, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la gouvernance de la future entreprise et sur les dissensions apparues entre MM. Sirelli et Mestrallet.
En interne, il se dirait que M. Sirelli a perdu la bataille, et que le management de la future entité comprendrait trois dirigeants issus de Suez pour un de GDF. Si cette information était avérée, il s'agirait d'une prise de contrôle ou même d'une absorption de GDF par Suez.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner toutes les précisions utiles sur les rumeurs qui circulent à ce sujet ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 664.
M. Jean Desessard. Les sénatrices et le sénateur Verts s'opposent à la privatisation de Gaz de France, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, M. le ministre et plusieurs membres de la majorité nous affirment qu'il faut changer d'époque - et donc privatiser GDF ! Ainsi, nous gagnerions en dynamisme et créerions un géant du gaz.
Toutefois, ce « géant » me paraît bien fragile ! Ce qui assurerait la stabilité des approvisionnements et des contrats, c'est non pas le pouvoir de marché d'un tel « géant », mais plutôt une coopération internationale, une entente entre l'Europe et les pays producteurs de gaz.
Ensuite, on nous garantit que les prix seront maintenus, malgré les difficultés d'approvisionnement, tout comme le statut des salariés, mais il s'agit d'une illusion, d'autant que d'autres entreprises pourront venir concurrencer la nouvelle structure.
On nous garantit également la péréquation des prix. Mais croyons-nous vraiment que le secteur privé pourra exercer cette mission de service public ? Nous confions au nouveau groupe des tâches qu'il ne pourra accomplir parce qu'il subira la concurrence d'autres entreprises.
Enfin, aujourd'hui, pour garantir l'approvisionnement en énergie, il faut réduire la consommation. Au contraire, ce « géant » sera poussé à investir, donc à vendre davantage et à encourager la consommation. Il faudrait faire l'inverse, et pour cela il n'y a rien de tel que le service public.
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous nous opposons à la privatisation de Gaz de France.
M. le président. L'amendement n° 456, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
du tiers
par les mots :
des sept dixièmes
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de la détention du capital de Gaz de France sont compensées à due concurrence par une majoration de l'impôt sur les sociétés.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Dans son intervention, M. le ministre de l'économie a cru devoir nous faire un cours de droit des affaires, en précisant même que certains sénateurs n'avaient que peu de notions en ce domaine ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Outre le mépris dont il a fait preuve, ce petit cours était pour le moins succinct, et surtout mensonger.
En effet, en évoquant les droits de la minorité de blocage, M. le ministre affirmait qu'avec 34 % des parts l'actionnaire peut bloquer toute fusion avec laquelle il ne serait pas d'accord.
Or il oubliait de préciser que, dans le cas d'une OPA hostile, cette minorité de blocage ne sert à rien ! Dans une telle situation, seul l'actionnaire principal, s'il détient plus de la majorité des parts, peut réellement s'opposer à l'OPA. C'est pourquoi notre amendement prévoit de maintenir, dans la propriété de la Nation, les sept dixièmes du capital de GDF.
Monsieur le ministre, nous vous avons écouté attentivement depuis plusieurs mois. Selon vous, un texte de loi est nécessaire pour créer les conditions d'une éventuelle fusion entre GDF et une autre entreprise, et le législateur n'a pas à s'occuper de savoir avec qui Gaz de France s'unira par la suite. Vous nous demandez donc de laisser les seuls actionnaires décider de l'avenir de ce qui fut une entreprise nationale de premier ordre, ce qui n'est pas acceptable !
Finalement, vous nous priez de régulariser une évolution qui est déjà engagée, puisque, depuis plusieurs mois, GDF et Suez travaillent à un projet de fusion, négociant jusqu'au choix d'un siège social commun. Le législateur, auquel il revient pourtant d'anticiper, se trouve ainsi mis en position d'adapter la loi aux desiderata de deux groupes industriels, dont l'un est public et l'autre privé.
Est-ce conforme à l'idée que nous nous faisons de la République ? Faut-il que ce soit un communiste qui, dans cet hémicycle, rappelle le mot fameux du Général de Gaulle, pour qui la politique économique de la France ne se faisait pas à la corbeille de la bourse ?
En nous faisant délibérer sous la pression des lobbies, des intérêts financiers privés et des actionnaires, on nous considère comme de la piétaille ! Or, le propre d'un sénateur est se prononcer sur une maîtrise publique de l'énergie, en conscience, en fonction de l'intérêt national et non des dividendes qu'escomptent les uns ou les autres !
Monsieur le ministre, comme vous nous l'avez clairement expliqué, les textes en vigueur ne permettant pas la fusion en cours, il est nécessaire de voter une loi, vite fait, mal fait. Nous ne l'acceptons pas !
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 471 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 562 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 721 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 471.
Mme Michelle Demessine. Le II de l'article 10 du projet de loi tend à introduire deux nouvelles dispositions dans la loi de 2000.
Tout d'abord, un article 24-1, qui prévoit la transformation des actions détenues par l'État dans le capital de GDF en actions spécifiques.
Monsieur le ministre, vous proposez ainsi l'instauration d'une golden share qui doit assurer, selon vous, la continuité et la sécurité des approvisionnements du secteur énergétique.
Or nous ne pensons pas que cette proposition soit suffisante pour garantir la maîtrise publique de la politique énergétique, car elle permet non pas de décider des investissements de l'entreprise ni d'orienter sa politique, mais seulement de s'opposer à des décisions de cessions d'actifs ou d'activités stratégiques.
En effet, golden share ou pas, l'État sera désormais un actionnaire minoritaire, incapable par conséquent d'influer directement sur la politique de l'entreprise ainsi privatisée.
Si la golden share accorde un droit de veto sur certaines actions, comme le changement d'objet social, les OPA ou d'autres opérations de fusion-acquisition, elle ne s'accompagne pas de pouvoirs particuliers, s'agissant, notamment, de la fixation des tarifs.
Cette disposition ne change rien à la pression majoritaire qu'exerceront les actionnaires privés afin de rentabiliser au maximum leurs investissements, ce qui conduira à des hausses des tarifs sans précédent et à une rationalisation extrême des coûts, au détriment de la sécurité des installations, des réseaux, des personnels et des populations.
Par ailleurs, nous ne pouvons ignorer que ces golden shares sont actuellement mises en cause par la Commission européenne.
Ainsi, dans son arrêt Total de 2002, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré qu'un État ne saurait conserver un droit de regard « injustifié » dans une entreprise privatisée ; en effet, en 1993, au moment de l'ouverture du capital d'Elf-Aquitaine, le gouvernement français s'était vu attribuer une golden share lui permettant de bloquer tout processus d'OPA hostile. Plusieurs autres golden share ont été jugées illégales, notamment celles qui étaient détenues par le gouvernement espagnol dans les entreprises Telefonica, Repsol YPF, Endesa, Argentaria et Tabacalera.
La commission des affaires économiques prétend aujourd'hui que cette disposition ne sera pas remise en cause, mais permettez-nous d'en douter, monsieur le rapporteur ! D'ailleurs, compte tenu de votre soumission aux directives de la Commission européenne, il ne fait aucun doute que si celle-ci n'acceptait pas cette clause, elle disparaîtrait, y compris après l'adoption du projet de loi.
Enfin, une question fondamentale reste posée : le nouveau groupe sera-t-il « OPéAble » ? Bien évidement, la réponse est positive !
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression du II de cet article, qui instaure une golden share au profit de l'État et prévoit la nomination d'un représentant du Gouvernement au conseil d'administration de la nouvelle société.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 562.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, nous retirons cet amendement, même si nous considérons que les dispositions qui figurent dans le II de l'article 10 du projet de loi sont illusoires.
D'ailleurs, nous aurons l'occasion de nous expliquer sur ce point en défendant nos différents amendements.
M. le président. L'amendement n° 562 est retiré.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 761.
M. Jean Desessard. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 472, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II de cet article :
II - L'article 2 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 est ainsi complété :
« Au regard des impératifs concernant la sécurité nucléaire, EDF dispose d'un monopole d'exploitation des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer qu'EDF doit disposer d'un monopole d'exploitation sur les centrales de production d'électricité d'origine nucléaire.
En effet, au regard des risques particuliers liés à l'exploitation de cette énergie, nous estimons que seule la maîtrise publique permettra de garantir la sécurité des personnels, des installations et, in fine, celle de la population et de l'environnement.
Lors de la discussion du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, nous nous étions élevés contre la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante chargée du contrôle et de la réglementation en matière de nucléaire civil, estimant qu'elle privait le gouvernement de ses compétences régaliennes en matière de sécurité nucléaire.
Aujourd'hui, le projet de fusion entre GDF et Suez nous rend circonspects. La création de cette nouvelle autorité avait-elle pour but de rendre possible l'ouverture du « marché » de l'exploitation du nucléaire civil avec, à la clé, l'opportunité offerte à Suez de devenir exploitant nucléaire en France ?
Nous ne pouvons accepter cela, pour la simple raison que l'adhésion au nucléaire repose sur le fait que l'État possède la maîtrise de cette énergie, et suppose une transparence absolue en la matière. Il est donc utile de réaffirmer que le monopole d'exploitation des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire est confié à EDF.
De plus, les besoins de financements particuliers du secteur nucléaire, notamment ceux qui sont inhérents au démantèlement des centrales et au traitement des déchets, nous font considérer que seule EDF est suffisamment solide pour assumer l'engagement d'y faire face, cette obligation étant notamment liée à la mission de service public qui lui est confiée.
En effet, seule EDF a les moyens d'assurer les investissements nécessaires par autofinancement. Ses capacités en la matière sont d'environ 6 milliards d'euros par an : ce sont les plus importantes de tous les opérateurs européens électriciens et gaziers.
Or les investissements de modernisation des ouvrages existants - réseaux et centrales de production - nécessitent environ 2 milliards à 3 milliards d'euros par an. Par comparaison, le coût de construction d'une tranche nucléaire du réacteur européen à eau pressurisée, l'EPR, s'élève à 3 milliards d'euros, étalé sur huit ans. Cela revient à dégager quelques centaines de millions d'euros par an avec un maximum d'environ 500 millions d'euros sur trois années.
La marge est donc suffisante pour lancer d'autres moyens de production d'ici à 2010 et assurer ainsi la sécurité d'approvisionnement en France et en Europe. EDF pourrait, par exemple, décider la construction d'une centrale au charbon ou au gaz, pour assurer l'équilibre entre la production et la consommation d'ici à 2010 ; elle a la capacité de la financer.
A partir de 2015 se posera également la question du lancement de nouvelles tranches nucléaires pour remplacer le parc actuel. Aucune entreprise à statut privé n'acceptera de supporter ces coûts, dont le retour sur investissement est soit très long soit inexistant. Et je ne parle pas du coût du traitement des déchets nucléaires !
Nous souhaitons donc, au regard des risques particuliers liés à l'énergie nucléaire, mais également au regard des besoins énormes de financement et de recherche, que soit confirmé le monopole d'exploitation pour EDF.
Tel est le sens de cet amendement, sur lequel nous demanderons un scrutin public.
M. le président. L'amendement n° 749, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article 24-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, remplacer les mots :
intérêts nationaux
par les mots :
intérêts essentiels de la France
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je le reprends, au nom de la commission, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 749 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement rédactionnel tend à garantir la conformité de l'action spécifique prévue par le présent article au droit européen, alors que la Cour de justice des Communautés européennes vient de déclarer illégales les actions spécifiques détenues par l'État néerlandais dans les sociétés KPN et TPG.
M. Daniel Raoul. Oui, on vous l'avait dit !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. À cette fin, cet amendement vise à prendre en compte les remarques de la Commission européenne adressées par M. Charlie McCreevy, commissaire européen en charge du marché intérieur et des services, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie dans une lettre du 6 septembre 2006.
Ses services ont conclu que, dans son état actuel, le projet de décret français ne contenait pas d'éléments contentieux qui conduiraient la Commission à ouvrir une procédure d'infractions à l'encontre de la France. Et le commissaire d'ajouter : « Je vous suggère cependant les modifications suivantes qui renforceraient la compatibilité du décret avec le Marché unique : préciser plus en détail les actifs qui seraient concernés par le décret ; préciser que le décret vise à protéger les intérêts essentiels de la France, plutôt que simplement les intérêts nationaux. »
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 162 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 665 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour insérer un article 24-1 dans la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, après les mots :
la continuité et la sécurité d'approvisionnement en énergie
insérer les mots :
ainsi que pour assurer le respect des objectifs de politique industrielle de l'Etat
La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 162.
M. Daniel Raoul. Cet amendement va à peu près dans le même sens que celui que vient de défendre M. le rapporteur ; une fois n'est pas coutume ! Il a pour objectif d'accroître l'efficacité de l'« action de préférence », notamment dans le domaine de la politique industrielle.
Le 6 septembre dernier, le commissaire européen Charlie McCreevy a fait part de son hostilité à l'égard des actions spécifiques : « Ma conviction profonde est que les droit spéciaux que les gouvernements s'attribuent afin de contrôler des entreprises privées créent des obstacles aux investissements directs visant à influencer la gestion de ces entreprises, et sont donc contraires au Marché unique. » Voilà qui ne présage rien de bon quant à la durée de vie de cette action spécifique !
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous soutenez que l'action spécifique vise à assurer la continuité et la sécurité de nos approvisionnements. Or je m'interroge sur son efficacité, au regard des cessions d'actifs qui ont été exigées par Bruxelles et qui risquent de remettre en cause notre sécurité d'approvisionnement en gaz !
Sur ce sujet, comme sur le tableau relatif à l'impact des remèdes qui nous a été transmis par la commission, je reste très perplexe. En effet, vous privilégiez une approche en termes de clients, alors que les évolutions doivent être analysées du point de vue de la sécurité de nos approvisionnements, c'est-à-dire sous l'angle du contrôle des sociétés. Cela implique la capacité de maîtriser à la fois la stratégie, les orientations du groupe et la politique industrielle de l'entité, tout en développant une vision sur le long terme.
Dans ce tableau, monsieur le ministre, vous ne prenez en compte que les sociétés que vous vendez en totalité. Pour reprendre l'exemple qu'a évoqué notre collègue Nicole Bricq, je rappelle que la perte de la majorité dans Fluxys entraîne une perte de contrôle sur cette société. En d'autres termes, Fluxys sort du groupe, ce qui n'est pas sans conséquences sur la dynamique d'ensemble.
Je prendrai un autre exemple. Il est soutenu que la nouvelle entité gardera la totalité de ses clients résidentiels en Belgique. Pourtant, en cédant Distrigaz, le nouveau groupe issu de la fusion perd ses contrats à long terme : il est donc dépouillé ce qui lui conférait son indépendance énergétique. Dès lors, se pose la question de savoir comment se feront, à terme, les approvisionnements des clients.
Du point de vue de la sécurité d'approvisionnement, les chiffres traduisent une perte, et non un renforcement, dans le cadre de la fusion GDF-Suez et des remèdes proposés le 13 octobre dernier. Sur les 650 térawattheures dont la France et la Belgique disposent, la perte engendrée par la fin des contrats à long terme s'élève à 170 térawattheures, ce qui représente une source complète d'approvisionnement, par exemple l'approvisionnement de la France auprès de la Norvège pendant vingt ans. Les remèdes proposés ramènent cette marge de sécurité à 480 térawattheures, soit l'équivalent actuel de Gaz de France.
M. Daniel Raoul. Il faudra bien compenser cette perte et retrouver de nouveaux contrats à long terme pour approvisionner les clients.
A quel prix ? Le contexte géopolitique ne semble guère favorable : il est même des plus instables. C'est un véritable dialogue de sourd qui s'est installé entre l'Union européenne et la Russie. Sans donner au dîner qui a réuni en Finlande les Vingt-cinq et M. Poutine le titre d'un film célèbre, je me contenterai de signaler que cette réunion a plutôt tourné à une partie de Risk ! Ce qui fait défaut, c'est bien la capacité de négociation à l'échelle européenne.
Tels sont les éléments que nous souhaitions apporter dans ce débat.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 665.
M. Jean Desessard. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 163 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 666 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article, pour insérer un article 24-1 dans la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, après les mots :
la continuité et la sécurité d'approvisionnement en énergie
insérer les mots :
ainsi que pour assurer le respect des principes fondamentaux du service public, à savoir les principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 163.
M. Roland Courteau. J'ai déjà exprimé nos doutes sur la capacité réelle de l'action spécifique à protéger notre sécurité d'approvisionnement. Pourtant, je crois nécessaire d'y revenir une fois encore.
L'exemple des terminaux méthaniers nous donne de bonnes raisons de nous interroger sur les logiques industrielles qui prévalent. Nous savons tous que, dans ce secteur, les coûts d'investissement sont énormes.
Dès lors, mettre en concurrence des entreprises comme EDF et Gaz de France représente un non-sens économique. En effet, cela menacerait le caractère intégré de l'opérateur historique, qui permettait de faire jouer les synergies, tout au long de la chaîne, pour répondre aux fluctuations de la demande.
Je rappelle que Nicolas Sarkozy s'est exprimé en son temps sur la nécessité de maintenir le caractère intégré de Gaz de France, comme celui d'EDF, en ces termes : « Je tiens à souligner la détermination du Gouvernement à maintenir le caractère intégré de chacune des entreprises EDF et Gaz de France, car leur présence sur l'ensemble des métiers de l'énergie, de la production à la fourniture, constitue pour elles un atout stratégique. »
Or, dans les faits, la mise en concurrence prend déjà corps. Récemment, EDF a annoncé son intention de construire un terminal à Dunkerque. Pour les industries, cela représente des coûts d'investissement très élevés et ne correspond pas à une situation optimale, s'agissant de l'allocation des ressources.
Nous avons proposé de créer un pôle public de l'énergie autour d'EDF et de Gaz de France, pour profiter des complémentarités entre le gaz et l'électricité, non pour installer une concurrence qui risque de déboucher sur des gaspillages importants !
Par ailleurs, Gaz de France a annoncé qu'il doublera la capacité du terminal de Montoir-de-Bretagne au profit de la concurrence, pour répondre aux exigences de Bruxelles. La capacité de ce terminal devrait ainsi passer de 8 milliards à 16 milliards de mètres cubes. Une telle cession, dont le coût d'investissement est particulièrement élevé, contribue également à la désintégration de GDF.
Finalement, je continue à m'interroger sur l'intérêt d'une telle fusion. Depuis le début de ce débat, je n'ai guère été convaincu par les propos que j'ai entendus, et j'ai trouvé mes collègues de la majorité bien silencieux. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Dans le contexte actuel, vous prenez une lourde responsabilité, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité : vous mettez en danger notre service public de l'énergie.
Pour cette raison même, il nous semble nécessaire de préciser que la mise en oeuvre de l'action spécifique doit, au minimum, permettre à l'État d'assurer le respect des principes de service public dans le domaine de l'énergie. (Très bien ! sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 666.
M. Jean Desessard. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 165 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 668 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le texte proposé par le II de cet article, pour l'article 24-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée, après les mots :
en énergie
insérer les mots :
en particulier dès lors que les terminaux méthaniers, les stockages et les réseaux de transport et de distribution sont impactés
La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 165.
M. Jean-Marc Pastor. Cet amendement s'inscrit dans le droit-fil du précédent. Les arguments se ressemblent, mais notre collègue Daniel Raoul a souligné la valeur pédagogique de la répétition.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. Yves Coquelle. Enfoncez le clou !
Mme Hélène Luc. Surtout que nous avons affaire à des élèves difficiles !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. B.a.-ba !
M. Jean-Marc Pastor. Il s'agit d'éviter que puissent être cédés demain des terminaux méthaniers, des stockages et des réseaux.
Monsieur le ministre, vous ne nous avez pas convaincus sur l'efficacité de cette action spécifique, qui est des plus fragiles. Elle soulève l'hostilité de la Commission européenne, qui y voit là une atteinte à la concurrence et au bon fonctionnement du marché.
Le 28 septembre dernier, la Cour de justice des Communautés européennes a d'ailleurs cassé une « action de préférence » mise en place aux Pays-Bas.
La Cour a ainsi arrêté : « En maintenant dans les statuts de Koninklijke KPN NV et de TPG NV certaines dispositions prévoyant que le capital de ces sociétés comporte une action spécifique détenue par l'État néerlandais, qui confère à ce dernier des droits spéciaux d'approbation de certaines décisions de gestion des organes desdites sociétés, qui ne sont pas limités » - n'est-ce pas, monsieur le rapporteur ? - « aux cas où l'intervention de cet État est nécessaire pour des raisons impérieuses d'intérêt général reconnues par la Cour et, dans le cas de TPG NV notamment pour assurer le maintien du service postal universel, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 56, paragraphe 1, CE », article que chacun connaît dans cet hémicycle ! (Sourires.)
Pourquoi ferait-on aujourd'hui exception à la règle, monsieur le ministre ?
Comme l'a lui-même souligné le commissaire européen, la législation européenne est en pleine évolution.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout bouge !
M. Jean-Marc Pastor. Nous allons essayer de stabiliser la situation.
Qui nous dit que demain ces actifs estimés d'intérêt national, considérés comme stratégiques, le seront encore ?
Qui peut nous affirmer aujourd'hui que la Commission européenne ne donnera pas, à terme, un avis défavorable sur le maintien de cette fameuse action spécifique ou en exclura quelques actifs, comme les stockages qui sont très convoités car rares sur le plan européen ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est en pleine incertitude !
M. Jean-Marc Pastor. Effectivement, les incertitudes sont nombreuses.
N'y a-t-il pas eu, d'ailleurs, par le passé, quelques projets européens relatifs à ces stockages ?
Plusieurs sénateurs socialistes. Si, si !
M. Jean-Marc Pastor. On me confirme qu'il en fut ainsi.
Ce qui importe, et nous l'avons souligné, c'est le contrôle majoritaire qui permet de piloter le groupe - cette charge vous incombe, monsieur le président ! -, de définir les orientations stratégiques sur le long terme.
Or, c'est précisément ce que nous perdons, monsieur le ministre, avec cette fusion, et ce que nous ne pouvons pas cautionner, bien entendu. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 668.
M. Jean Desessard. L'amendement précédent, auquel celui que j'ai déposé est identique, a été remarquablement défendu, monsieur le président.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 164 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 667 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter in fine le texte proposé par le II de cet article pour l'article 24-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières par une phrase ainsi rédigée :
Ce décret précise que cette action spécifique donne pouvoir de s'opposer aux décisions de cessions des actifs relatifs notamment aux réseaux de transport et de distribution de gaz naturel, aux terminaux méthaniers et aux stockages souterrains de gaz.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour présenter l'amendement n° 164.
M. Jean-Pierre Bel. Nous souhaitons, par cet amendement, que le décret prévu par l'article 10 précise que cette action spécifique donne pouvoir de s'opposer aux décisions de cessions des actifs, relatifs notamment aux réseaux de transport et de distribution de gaz naturel, aux terminaux méthaniers et aux stockages souterrains de gaz.
Monsieur le ministre, je connais par avance votre réponse ; vous allez me dire que cet amendement est satisfait.
M. Jean-Pierre Bel. Il s'agit donc, en quelque sorte, d'un amendement de confirmation. En effet, je souhaite revenir sur un certain nombre d'observations.
Alors que l'OPA d'Enel s'est éloignée, rien ne nous permet de dire aujourd'hui que la nouvelle entité issue de la fusion ne sera pas « opéable ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, au contraire !
M. Jean-Pierre Bel. La minorité de blocage ne constitue pas une réelle protection, nous le savons tous, et les observations de notre collègue Gérard Longuet sont tout à fait justifiées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Complètement !
M. Jean-Pierre Bel. Je veux, en cet instant, rappeler rapidement ses propos tels qu'ils sont relatés dans Le Figaro : « Le plancher à 33 % est-il une protection pour l'État actionnaire ? Je ne le pense pas car tous les projets qui légitiment cette fusion, les acquisitions de gisements, les partenariats en France, en Europe, dans le monde, peuvent à tout moment buter sur cette limite. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas une garantie !
M. Jean-Pierre Bel. « Car tous ces projets peuvent à tout moment impliquer une dilution de la participation de l'État, qui là encore exigera un passage législatif parfaitement incompatible avec le rythme et le secret des affaires. » Mes chers collègues, je vous demande d'être attentifs à ce dernier point.
En effet, nous savons comment fonctionne la majorité actuelle.
MM. Roland Courteau et Jean-Marc Pastor. Eh oui !
M. Jean-Pierre Bel. Il suffit de proposer un nouveau projet de loi pour remettre en cause la parole de l'État, ...
M. Daniel Reiner. Air France !
M. Jean-Pierre Bel. Notamment, mon cher collègue !
Un nouveau texte revient aussi à diminuer de nouveau le seuil minimum fixé par un projet de loi pourtant voté en 2004.
Qui nous dit, dans ces conditions, que l'État utilisera cette action spécifique pour défendre les intérêts stratégiques et essentiels ? Vous comprendrez que nous puissions avoir des doutes. Certes, nous avons entendu la parole d'État ces derniers temps, mais nous avons surtout assisté à des reniements, comme c'est le cas, en l'occurrence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Pastor. C'est exact !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 667.
M. Jean Desessard. L'amendement n° 164, identique, a été excellemment défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 473, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par le II de cet article pour l'article 24-2 de la loi n° 2000-803 du 9 août 2004, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Le conseil d'administration ou de surveillance de Gaz de France, ou de toute entité venant aux droits et obligations de Gaz de France, comporte trois représentants de l'État, nommés par décret. ».
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. L'article 10 organise, en son paragraphe II, les modalités du contrôle de l'État dans le contexte de la privatisation de GDF.
Au regard des dangers qui menacent GDF, ce contrôle de l'État nous paraît tout à fait insuffisant et inefficace, puisqu'il se limite à la désignation d'un commissaire du Gouvernement, avec voix consultative, auprès de GDF et de ses filiales.
En effet, en préparant la privatisation de GDF, l'État renonce purement et simplement, et pour longtemps, à conserver les moyens de défendre sérieusement et efficacement les intérêts stratégiques de notre pays dans le domaine de l'énergie.
Ce Gouvernement prétend pourtant, mes chers collègues, que la France préserverait sa capacité d'action grâce à la minorité de blocage, à l'action spécifique et à la présence d'un commissaire du Gouvernement au conseil d'administration du futur groupe. C'est totalement abusif !
Nous avons précédemment démontré, au cours de la discussion, que la minorité de blocage ne servirait pas à grand-chose pour éviter une éventuelle OPA. Elle ne pourrait pas non plus empêcher la mise en oeuvre de stock-options qui dilueraient la part de capital de l'État.
Quant à l'action spécifique, son contour demanderait encore à être précisé et nous savons tous, dans cette enceinte, à quel point la Commission européenne est réservée sur cette forme déguisée du contrôle des États qui, selon elle, fausserait la concurrence.
En ce qui concerne le commissaire du Gouvernement, je rappelle qu'il n'aura qu'une voix consultative. Le conseil d'administration ne sera donc aucunement dans l'obligation de suivre son avis. En outre, il aura seulement la possibilité, et non l'obligation, de formuler des remarques qui, dans ces conditions, n'auront pratiquement aucune raison d'être prises en compte.
Organiser de la sorte le contrôle de l'État sur le futur groupe gazier revient à se moquer du monde et à vouloir nous faire avaliser l'impossibilité de défendre une stratégie nationale dans ce secteur.
À défaut de voir l'État demeurer majoritaire au sein du capital de GDF, nous proposons donc, par cet amendement, de renforcer la possibilité de contrôle de l'État sur le futur groupe gazier en portant à trois le nombre de ses représentants au sein des différentes instances dirigeantes de Gaz de France.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est indispensable !
M. le président. L'amendement n° 474, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par le II de cet article pour l'article 24-2 de la loi n° 2000-803 du 9 août 2004, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Le conseil d'administration ou de surveillance de Gaz de France, ou de toute entité venant aux droits et obligations de Gaz de France, comporte 3 représentants de l'État, nommés par décret, et 3 représentants des salariés, élus selon les modalités définies par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public et bénéficiant du statut défini au chapitre III de cette même loi. Pour les administrateurs représentant les salariés, ce dispositif se substitue à celui prévu par l'article 8-1 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités de privatisations ».
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Le paragraphe II de l'article 10 donne la possibilité au ministre chargé de l'énergie de désigner, auprès de GDF ou de toute entité ayant un rapport avec l'entreprise et les sociétés chargées du transport et de la distribution, un commissaire du Gouvernement assistant, avec voix consultative, aux séances du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société et de ses comités, et pouvant présenter des observations à toute assemblée générale.
Cette disposition me paraît totalement insuffisante pour que l'État puisse exercer un contrôle direct et efficace sur GDF.
Il en va de même pour les salariés qui, si nous acceptions cette disposition, seraient tenus à l'écart de la marche de l'entreprise et de la prise de décision.
Pourtant, l'État et les salariés sont deux contrepoids nécessaires si l'on veut éviter qu'à l'avenir GDF ne soit entièrement piloté au profit d'intérêts privés.
Lors des nombreuses réunions que M. Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a organisées cet été pour présenter et pour « vendre » le projet de loi, il avait beaucoup insisté sur l'engagement de l'État, qui devait être significativement assuré par une action spécifique garantissant une minorité de blocage.
Nous avons démontré précédemment que cette action spécifique ne pourrait en aucun cas nous prémunir efficacement contre les dangers qui menacent l'entreprise, et, en tout cas, ne permettrait aucun contrôle réel sur les orientations stratégiques et industrielles de cette dernière.
Nous estimons, au contraire, que ceux qui sont au coeur du processus de production, et qui connaissent leur métier, ont légitimement vocation à être parties prenantes aux décisions de l'entreprise. Il en va de leur intérêt, comme de celui de l'entreprise, car l'expérience montre que les fusions et les restructurations ont toujours des conséquences dramatiques pour l'emploi.
Les exemples récents de fusion dans les filiales de GDF et de Suez, comme Elyo ou la Cofrathec, sont là pour le démontrer, comme le prouvent aussi les fusions et acquisitions qui ont été opérées ces dix dernières années en Europe et qui ont abouti à la suppression de 200 000 emplois. Bien que vous sachiez cela, monsieur le ministre, vous continuez à agir de la même façon.
Il en va de même en ce qui concerne les représentants de l'État, qui défendent avant tout l'intérêt national et qui doivent pouvoir continuer à exercer un poids réel dans la prise de décision au sein des instances dirigeantes de GDF. En réduisant leur nombre, comme vous le faites, vous cédez à la mainmise d'intérêts particuliers sur des biens collectifs essentiels à l'intérêt général.
Je le répète, l'énergie est une ressource vitale, un bien commun à toute l'humanité dont aucun individu, aucune collectivité, aucun État ne peut se passer. C'est cela qui fonde et qui légitime une maîtrise de la collectivité assurée par la puissance publique.
Avec le paragraphe II de l'article 10, vous organisez la disparition des prérogatives de l'État sur une partie de la politique énergétique du pays.
L'amendement n° 474 a pour objet de maintenir une présence équilibrée de représentants de l'État et des salariés, alors même que la loi du 26 juillet 1983, relative à la démocratisation du secteur public, ne s'appliquerait plus.
Enfin, pour les salariés, cette présence serait garantie indépendamment du taux de participation de l'État au capital de GDF, afin de prendre en compte certaines dispositions de la loi du 6 août 1986, relative aux privatisations, qui sont caduques lorsque l'État détient moins de 20 % du capital.
Mais, qu'on le veuille ou non, cette présence dépend étroitement du taux de participation de l'État au capital de GDF. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, par cet amendement, de relever très significativement la part de l'État dans le capital de GDF en la portant du tiers à 95 %.
Monsieur le président, si j'en avais la possibilité, je ferais part, en cet instant, d'une explication de vote d'un député du groupe UMP, mais, persuadée que vous me couperiez la parole, j'y renonce. J'aurai peut-être l'occasion, ultérieurement, de vous l'exposer !
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 475 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 563 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 722 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 475.
Mme Michelle Demessine. Nous demandons, par cet amendement, la suppression du troisième paragraphe de l'article 10 de ce projet de loi, qui vise à tirer les conséquences de la privatisation de GDF autorisée par cet article. En effet, il permet l'annexion à la liste des entreprises privatisées aux termes de la loi du 19 juillet 1993.
Nous estimons que les enjeux énergétiques mondiaux nécessitent, au contraire, un accroissement de la maîtrise publique afin que soient garanties la continuité et la sécurité d'approvisionnement ainsi que l'accès de tous à l'énergie.
Par ailleurs, ces questions se posent avec, en filigrane, la réduction des gaz à effet de serre qu'impose le respect du protocole de Kyoto. Les enjeux sont donc fondamentaux et ne peuvent être laissés au seul marché.
S'agissant, à présent, du calendrier, nous soulignons qu'il aurait simplement suffit qu'Enel, l'homologue italien d'EDF, menace Suez d'une OPA pour que le rapprochement entre Suez et Gaz de France se concrétise. Il était, en réalité, attendu depuis la cotation en bourse de l'entreprise publique l'été dernier.
Cette volonté de privatiser l'entreprise publique s'explique aussi par les profits du secteur : sur les neuf premiers mois de l'année 2005, les résultats de l'entreprise nationale ont bondi de 13 % ; quant à ceux de Suez, ils ont progressé de 13 % sur les six premiers mois de l'année.
Alléchante pour les actionnaires, une telle performance a été dopée par le relèvement des tarifs de l'électricité et du gaz à l'échelle de l'Europe.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons l'adoption de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 563.
M. Roland Courteau. Cet amendement étant identique au précédent, vous pouvez considérer qu'il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 722 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 476, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le III de cet article :
III - Le Gouvernement saisit la Cour de Justice des Communautés Européennes dans le but de déterminer si la garantie de l'État impliquée par le statut d'établissement public contrevient à une norme européenne. L'examen du présent projet de loi est suspendu jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Beaucoup de choses contradictoires ont été dites sur la question de la garantie illimitée de l'État liée au statut d'EPIC d'EDF et de GDF, notamment lors de leur changement de statut en sociétés anonymes.
Les commissaires européens chargés, d'une part, du droit de la concurrence et, d'autre part, du secteur énergétique, se sont eux-mêmes contredits.
Nous proposons donc au Gouvernement de saisir la Cour de justice des Communautés européennes afin qu'elle détermine si l'interprétation du droit communautaire par la Commission est effectivement fondée.
Le traité sur l'Union européenne ne préjuge pas du régime de la propriété des entreprises dans les États membres. Il est ainsi tout à fait défendable, même si la direction d'EDF le conteste, que les deux tiers du chiffre d'affaires de l'entreprise soient réalisés sur notre territoire national, en conformité donc avec les exigences européennes concernant les abus de position dominante.
Ce que pourrait contester la Commission, c'est la garantie illimitée de l'État que lui conférerait son statut d'EPIC, mais l'État pourrait prendre des engagements solennels en la matière.
Surtout, l'État pourrait contester cette interprétation auprès des institutions européennes, d'autant que la Commission, qui, théoriquement, n'accepte pas la garantie de l'État, la reconnaît bien souvent dans les faits quand celui-ci vient au secours de grands groupes qu'il n'est évidemment pas question de laisser sans soutien.
Tel est le cas d'Alstom, entreprise pour laquelle le Gouvernement n'a pas accepté d'emblée - et à juste titre - les demandes de la Commission. Celle-ci n'a pas non plus contesté l'intervention de l'État en Grande-Bretagne quand il s'est agi de sauver British Energy ou les chemins de fer.
Si la Commission accepte que l'État français intervienne financièrement dans le cas d'Alstom, ce qui - je le répète - nous apparaît pleinement justifié, elle manquerait singulièrement de cohérence en remettant en cause aujourd'hui le statut d'EDF.
De plus, elle contreviendrait aux dispositions qu'elle a elle-même adoptées et qui ne contraignent pas le régime de la propriété dans les États membres.
Si tel était le cas, le Gouvernement ferait preuve de volonté politique en s'engageant à s'opposer à cette analyse de la Commission et à agir énergiquement, comme il a prétendu le faire s'agissant d'Alstom.
La saisine de la Cour de justice des Communautés européennes nous paraît donc tout à fait justifiée.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 10, à l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements et sous-amendements.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur le président, je commencerai donc par l'amendement n° 450 de suppression de l'article, qui a été défendu par M. Coquelle. Mon argumentation vaudra également pour l'amendement n° 161, présenté par M. Courteau, car ces amendements ont en fait la même finalité.
Chers collègues de l'opposition, l'article 10 est, bien sûr, l'un des articles essentiels de ce projet de loi, puisqu'il prévoit la privatisation de Gaz de France. Indiscutablement, nous ne sommes pas du tout d'accord avec vous sur cette évolution ; nous avons ainsi, les uns et les autres, abondamment défendu nos points de vue respectifs. Même si je ne me lancerai pas à nouveau dans une longue explication, je souhaite tout de même m'appesantir quelque peu sur ce sujet, ce qui m'évitera d'y revenir pour les amendements suivants.
À cet égard, c'est vrai, nous avons changé de position en deux ans.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Ah !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais il est vrai aussi que la situation a beaucoup évolué durant cette période.
M. Bernard Piras. C'est un peu facile comme argument !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Plus précisément, c'est le paysage énergétique mondial qui a changé.
Mme Michelle Demessine. Cela va encore bouger !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Peut-être, ma chère collègue.
En tout état de cause, nous avons tous bien vu ce qui s'est passé en Grande-Bretagne avec Centrica, en Espagne avec Endesa, en Italie avec Edison et en Grande-Bretagne avec London Energy. Il y aussi Gazprom, et je ne fais pas simplement allusion à l'accord entre cette société russe et Sonatrach, que M. Fourcade a évoqué tout à l'heure. En effet, la gourmandise de Gazprom s'illustre partout, sous la forme, notamment, de prises de participations dans E.ON, en Allemagne, ainsi que dans l'électricien russe possédant 70 % du marché russe.
M. Bernard Piras. Bientôt chez nous !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La situation bouge aussi en France : heureusement pour nous, les opérateurs français, notamment EDF, sont suffisamment dynamiques !
Pour résumer, la situation change beaucoup, et très vite.
Un autre élément important a été rappelé par nombre d'entre vous, et ce sur toutes les travées. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Vos amis n'ont rien dit !
M. Guy Fischer. On ne les a pas entendus !
M. Bernard Piras. Il n'y a que vous, monsieur le rapporteur, qui avez parlé !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, je parle de la discussion générale, au cours de laquelle je vous ai tous écoutés avec attention. Nous savons très bien que, en matière de production d'électricité, l'été et l'hiver constituent des pics dangereux, notre capacité de production étant alors insuffisante. Il s'agit d'ailleurs d'un problème non seulement français, mais aussi européen.
En outre, nous sommes confrontés au niveau mondial à un autre phénomène, à savoir la hausse des prix du pétrole, qui a une répercussion directe sur l'ensemble des prix, et donc sur celui du gaz.
Du reste, madame Borvo Cohen-Seat, vous avez utilisé au début de la discussion un argument qui m'a personnellement attristé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe, aïe, aïe !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Selon vos affirmations, « on » m'aurait préconisé de ne pas sortir du cadre de l'article 10. Mais non, on ne m'a rien préconisé du tout ! Si j'ai accepté d'être le rapporteur de ce projet de loi, c'est parce que j'ai de vraies convictions. Certes, elles ne sont pas les mêmes que les vôtres.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mais cela ne m'empêche pas d'en avoir ! À mes yeux, si nous voulons garantir le développement de l'entreprise Gaz de France dans la conjoncture internationale que je viens d'évoquer, il faut lui en donner les moyens.
Mme Nicole Bricq. Pas comme cela !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'une des solutions est justement de lui trouver un partenaire.
Mme Nicole Bricq et M. Bernard Piras. Pas celui-là !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Une opportunité s'offre à nous : c'est le partenariat avec Suez. Je suis pour ma part convaincu qu'il s'agit d'un beau projet industriel. Peut-être ne sera-t-il pas finalisé, je n'en sais rien.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Allons bon !
M. Bernard Piras. Parce que maintenant vous en doutez !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous nous apprêtons seulement à voter la première étape, c'est-à-dire l'ouverture du capital de Gaz de France.
M. Guy Fischer. Vous avez de drôles de convictions !
M. Michel Mercier. Je n'y comprends plus rien !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour autant, j'ai la conviction que nous avons l'occasion d'assister à un beau mariage et à un beau projet industriel. Je le répète, si je n'en étais pas persuadé, je n'aurais pas accepté d'être rapporteur.
Après ce long détour, j'en reviens à l'amendement de suppression n° 450. Puisque nous sommes convaincus que cette ouverture du capital de Gaz de France est nécessaire, nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. Billout a ensuite défendu l'amendement n° 451, qui est quasiment identique à l'amendement n° 209 du groupe CRC portant article additionnel avant l'article 1er, que nous avions alors rejeté.
Chers collègues de l'opposition, tout au long de ce débat, nous avons longuement discuté de la faisabilité d'une fusion EDF-Gaz de France. Désormais, je connais bien vos arguments et vous connaissez tout aussi bien les miens : nous n'arriverons donc pas à nous convaincre mutuellement !
En l'espèce, le fait de contraindre ces deux entreprises à abandonner près de 15 % de leurs actifs serait pour nous une vraie erreur stratégique. Même les personnels de ces entreprises ne le souhaitent pas. La commission est donc défavorable à cet amendement.
En ce qui concerne l'amendement n° 452, que vous avez défendu, madame Mathon-Poinat, chacun sait que le statut d'EPIC conféré à EDF et à Gaz de France ayant été contesté par la Commission européenne, la France a dû transformer ces deux entreprises en sociétés anonymes. Il n'est donc pas utile de rouvrir ce débat maintenant. Au demeurant, ma chère collègue, ce qui était vrai pour EDF et Gaz de France séparées le serait encore plus pour EDF et Gaz de France fusionnées : la Commission européenne accepterait d'autant moins une entité fusionnée qui prendrait la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial, comme vous le suggérez dans cet amendement. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
Madame David, en présentant l'amendement n° 454, vous êtes allée au-delà de ce qui est inscrit à l'alinéa 9 du préambule de la constitution de 1946, lequel n'impose la nationalisation qu'en cas de monopoles de fait et de services publics nationaux. Gaz de France n'entrant dans aucune de ces deux catégories, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'adoption de l'amendement n° 526, soutenu par M. Billout, aurait un triple effet : « renationaliser » totalement EDF et Gaz de France, ce qui implique, donc, de racheter toutes les actions acquises par nos concitoyens au moment de l'ouverture du capital de ces sociétés ; annuler, par voie de conséquence, la privatisation ; enfin, redonner à ces entreprises le statut d'EPIC. Ce sont trois bonnes raisons qui ont incité la commission à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Par les amendements identiques nos 159, 453 et 662, défendus respectivement par M. Reiner, Mme Demessine et M. Desessard, nos collègues s'opposent tout simplement à la privatisation de Gaz de France. Ils l'ont d'ailleurs clairement expliqué eux-mêmes. Encore une fois, mes chers collègues, j'ai bien compris que vous n'étiez pas d'accord avec l'évolution que nous défendons. C'est la raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable sur ces trois amendements. Au passage, monsieur Reiner, je tiens à vous le dire, votre amendement n'était pas vraiment rédactionnel ! (M. Daniel Reiner sourit.)
L'amendement n° 455, défendu par M. Foucaud, appelle deux observations. Tout d'abord, il vise Gaz de France en tant qu'EPIC, alors que cette entreprise est devenue une société anonyme voilà deux ans. Ensuite, il tend à imposer le recours au référendum pour décider du changement de statut de Gaz de France. Nous en avons déjà largement débattu lors de la discussion sur la motion référendaire, que le groupe CRC avait présentée et qui avait été rejetée. Puisque nous sommes, là encore, en total désaccord, l'avis de la commission est une nouvelle fois défavorable.
Monsieur Coquelle, vous avez présenté l'amendement no 470, ainsi que les amendements de repli nos 469, 468, 467 et 466. Aujourd'hui, le capital d'EDF se compose de plus de 1,8 milliard d'actions : l'État en détient 87,3 % ; le public - particuliers et investisseurs institutionnels - en possède 10,8 %, et les salariés d'EDF, 1,9 %. Or vous nous proposez dans ces amendements de porter la part publique du capital d'EDF respectivement à 95 %, à 90 %, à 85 %, à 80 % ou à 75 %, alors que la loi n'impose qu'un seuil de 70 %.
D'une part, l'adoption d'un de ces amendements serait coûteuse pour les finances de l'État, qui serait contraint de racheter les actions détenues actuellement par le public ou par les salariés. Or, il y a tout de même aujourd'hui d'autres priorités budgétaires et d'autres besoins à satisfaire, notamment en matière d'investissement !
D'autre part, même si l'État n'envisage pas de nouvelles souscriptions publiques d'actions d'EDF à court terme, il ne me paraît pas opportun de rigidifier la composition du capital de cette entreprise, qui pourrait trouver un intérêt à ouvrir un peu plus son capital, dans la limite de ce que la loi lui permet de faire aujourd'hui. L'essentiel est que l'État conserve une participation supérieure à 70 %. Puisque ce principe n'est pas modifié par le présent projet de loi, la commission émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Si M. Longuet m'a bien confirmé qu'il retirerait l'amendement n° 67, il s'est abstenu de le faire tout de suite, afin de permettre aux auteurs des sous-amendements de les présenter. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit, notre collègue ayant obtenu, me semble-t-il, toutes les explications qu'il souhaitait avoir de la part de M. le ministre, après s'être notamment interrogé sur le comportement qu'adopterait l'État actionnaire de la future entité que constituerait éventuellement Gaz de France-Suez, si jamais cette société sollicitait une augmentation de capital.
M. Michel Mercier. Il vendra EDF !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le sous-amendement n° 798, comme M. Pastor l'a dit lui-même lors de sa présentation, a pour objet d'empêcher la privatisation de Gaz de France. La commission, favorable à cette dernière, émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Quant au sous-amendement n° 775 que vous avez défendu, monsieur Mercier, il tend à prévoir que l'État doit détenir au moins 51 % du capital de Gaz de France. Cette disposition est clairement contraire à la position du Gouvernement,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sûr...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... et à celle de la commission.
Cela étant, au-delà de l'objet même de cet amendement, vous avez soulevé, lors de la présentation de ce dernier, un vrai problème, auquel M. le ministre et moi-même avons été attentifs. En effet, vous vous êtes interrogé sur les besoins d'investissement en matière d'électricité dans notre pays, point que j'avais moi-même évoqué tout à l'heure.
En la matière, si je suis convaincu du bien-fondé de la création de cette grande entité GDF-Suez, je ne sais pas ce qu'il en sera pour elle, je ne sais même pas si elle sera amenée un jour à investir dans le domaine nucléaire. Mais tout ce que j'espère, c'est qu'elle augmentera ses capacités d'investissement actuelles. Nous savons que, dans notre pays, ces capacités sont surtout concentrées dans le domaine hydraulique. Vous l'avez rappelé les uns et les autres, cette entité disposera, en Belgique, de capacités supplémentaires dans d'autres types d'énergie, qu'il s'agisse du fioul, du gaz ou du nucléaire.
De mon point de vue, la réponse à votre interrogation réside dans la volonté et les capacités de ce nouveau grand groupe, mais aussi des autres, à engager, demain, les investissements nécessaires pour augmenter la capacité de production et répondre ainsi aux attentes et aux besoins de notre pays.
Mon cher collègue, j'espère que mes arguments vous auront convaincu et que vous accepterez de retirer ce sous-amendement n° 775. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 465, défendu par M. Muzeau, tend à porter la part de l'État dans le capital de Gaz de France à 95 % et s'inscrit dans une série de neuf amendements dont la logique est la même, seul variant le pourcentage correspondant à la part de l'État : 90 %, 85 %, 80 %, etc.
Aujourd'hui, le capital de Gaz de France est détenu à 80,2 % par l'État.
Dès la discussion de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, quelques-uns d'entre nous, et non des moindres, notamment Philippe Marini et certains membres du groupe de l'Union Centriste-UDF, avaient souligné, bien avant les autres et avec clairvoyance, que le seuil de 70 % correspondant à la participation de l'État était vraisemblablement trop élevé. Ils avaient d'ailleurs déposé des amendements en ce sens.
La commission n'est évidemment pas favorable à la démarche inverse dans la mesure, d'une part, où cette dernière entraînerait le rachat des actions Gaz de France détenues par le public ou les salariés, et, d'autre part - et surtout -, où nous souhaitons la privatisation de Gaz de France et son alliance avec un partenaire industriel.
L'avis de la commission est donc défavorable sur les amendements nos 465,458, 464, 463, 457, 459, 462, 460 et 461.
Les amendements identiques nos 161 et 664, qui tendent à indiquer que la part de l'État dans le capital de Gaz de France doit être supérieure à 70 %, s'inscrivent dans la même logique que les précédents, notamment l'amendement n° 450. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 456 est en quelque sorte le « petit frère » des précédents, puisqu'il tend à fixer la part de l'État dans le capital de Gaz de France à sept dixièmes...
M. Yves Coquelle. Je pensais que ce serait plus clair ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous n'espériez pas nous tromper, tout de même ? (Nouveaux sourires.)
Mme Hélène Luc. Vous auriez pu changer d'avis !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Et préférer sept dixièmes à 70 % ?
Toujours est-il que la commission émet, là encore, un avis défavorable.
En défendant l'amendement n° 471, Mme Demessine entendait s'opposer à la privatisation de Gaz de France. Cette position est tout à fait respectable et je peux la comprendre.
Pour notre part, nous ne partageons pas cette conviction. Nous souhaitons au contraire voir diminuer la part de l'État dans le capital de Gaz de France en vue de la privatisation de cette entreprise, ce qui est une opinion tout aussi respectable.
Cependant, madame Demessine, je ne comprends pas pourquoi vous voulez supprimer les dispositions du II de l'article 10, qui fixent les modalités du contrôle public sur l'entreprise privatisée Gaz de France.
J'ai bien compris que votre groupe était hostile à l'action spécifique de l'État au capital de Gaz de France. Mais vous devriez en revanche être favorables à la disposition prévue dans la deuxième partie du II de l'article 10, selon laquelle l'État est obligé de nommer un commissaire du Gouvernement qui assiste aux séances du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de Gaz de France.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 471, ainsi que sur l'amendement n° 721, identique.
L'amendement n° 472 tend à remplacer le II de l'article 10 par une disposition précisant qu'Électricité de France dispose d'un monopole d'exploitation des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire.
Nous avons déjà eu ce débat à propos d'un amendement n° 82 du groupe socialiste tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er.
Électricité de France est à l'heure actuelle, sur le territoire français, le seul exploitant de centrales nucléaires, et ce principe n'a pas vocation à être remis en cause aujourd'hui.
M. Guy Fischer. Et demain ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'adoption de cet amendement aurait pour conséquence de supprimer l'action spécifique de l'État au capital de Gaz de France et l'obligation de nommer des commissaires du Gouvernement au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de GDF. La commission émet par conséquent un avis défavorable.
Je rappelle que l'amendement n° 749 rectifié est désormais un amendement de la commission des affaires économiques.
Je suis donc défavorable aux amendements identiques nos 162 et 665, qui sont contraires à l'esprit de l'amendement n° 749 rectifié.
Compte tenu de nos débats sur la nécessité d'encadrer méticuleusement les conditions dans lesquelles l'État peut se doter d'une action spécifique au regard du droit communautaire, ces amendements me semblent contre-productifs. Ceux-ci sont en effet libellés dans des termes extrêmement généraux. L'État pourrait ainsi s'opposer à peu près à n'importe quelle décision émanant des entreprises, et cette action spécifique risquerait d'être annulée par les juridictions communautaires à l'occasion du premier contentieux venu. Mais peut-être était-ce l'objectif de votre amendement ...
La commission, souhaitant au contraire la mise en application de l'action spécifique, émet un avis défavorable sur ces amendements.
Les amendements identiques nos 163 et 666 m'inspirent la même réflexion que les précédents. Rédigés de façon très générale, ils visent en effet les grands principes du service public. N'importe quelle décision des entreprises pourrait ainsi être remise en cause et nous serions confrontés, au niveau communautaire, aux mêmes risques d'annulation de l'action spécifique.
J'en viens aux amendements identiques nos 165 et 668.
Je tiens à féliciter Jean-Marc Pastor pour le grand talent d'acteur avec lequel il a défendu l'amendement n° 165. Je l'ai d'ailleurs applaudi.
Néanmoins, sur le fond, le Gouvernement, à la demande de Jean-Pierre Bel, vous a transmis le projet de décret instituant une action spécifique de l'État au capital de Gaz de France SA. Vous avez donc pu découvrir que figurait, en annexe de ce projet de décret, une liste très précise des actifs de Gaz de France situés sur le territoire national qui seront protégés par l'action spécifique. Il est ainsi fait mention des canalisations de transport, des actifs liés à la distribution, des stockages souterrains de gaz naturel et des installations de gaz naturel liquéfié.
Ce projet de décret donne donc entièrement satisfaction aux auteurs de ces amendements, qui réclamaient la mention explicite de ces éléments. Mais vous conviendrez avec moi que de telles précisions ne relèvent pas du domaine de la loi.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir retirer les amendements nos 165 et 668. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Le projet de décret que je viens d'évoquer devrait également donner pleinement satisfaction aux auteurs des amendements identiques nos 164 et 667. Il est en effet précisé ceci, dans son article 2 : « Le ministre chargé de l'économie peut s'opposer par arrêté à toute décision de Gaz de France ou de toute société venant aux droits et obligations de Gaz de France et de ses filiales de droit français ayant pour objet, directement ou indirectement, de céder sous quelque forme que ce soit, de transférer l'exploitation, d'affecter à titre de sûreté ou de garantie, ou de changer la destination des actifs mentionnés en annexe du présent décret ».
La commission souhaite donc le retrait des amendements nos 164 et 667. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 473.
Avec la privatisation de Gaz de France, l'État sera représenté au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance à due proportion de la part de capital qu'il détient. Il n'y a donc pas lieu de prévoir spécifiquement la présence de trois représentants de l'État nommés par décret. Il n'y a en effet aucune raison qu'une société privatisée soit soumise à la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
Au demeurant, aux termes de l'article 10, l'État sera contraint de nommer un commissaire du Gouvernement auprès de Gaz de France, ce qui devrait, je l'espère, rassurer les auteurs de cet amendement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement n° 473.
Il en va d'ailleurs de même s'agissant de l'amendement n° 474, qui s'inscrit dans la même logique.
Dans le libellé de cet amendement n° 474, Mme Luc renvoie en effet de façon tout à fait opportune à l'article 8-1 de la loi du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations décidées par la loi, qui dispose que, dans les sociétés transférées au secteur privé, « le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, selon le cas, comprend : deux membres représentant les salariés et un membre représentant les salariés actionnaires, s'il compte moins de quinze membres ; trois membres représentant les salariés et un membre représentant les salariés actionnaires, s'il compte quinze membres ou plus ».
Il n'y a pas de raison que Gaz de France déroge à ces principes ainsi qu'aux modalités de nomination de ses administrateurs, telles qu'elles sont définies par le code de commerce.
Les amendements identiques nos 475 et 563 traduisent une opposition à la privatisation de Gaz de France. Or ma détermination, en tant que rapporteur de ce projet de loi, n'a pas changé, malgré la longueur et l'intensité de nos débats.
Mme Hélène Luc. L'intensité des échanges n'est pas si grande de l'autre côté de l'hémicycle !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Restant fidèle, comme les auteurs de ces amendements, à mes convictions, j'émets donc un avis défavorable.
L'amendement n° 476 tend à remplacer le III de l'article 10.
Tout d'abord, nous avons déjà longuement débattu de ce sujet à propos de l'amendement n° 531 tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er, déposé par le groupe socialiste.
Ensuite, cet amendement constitue une injonction au Gouvernement, ce qui est contraire à la Constitution.
Enfin, sur le fond, nous ne pouvons accepter une telle proposition car, hormis le fait que Bruxelles conteste le statut d'établissement public pour Électricité de France et pour Gaz de France, nous estimons que le statut de société anonyme est plus adapté à ces deux sociétés.
N'ayant pas l'intention de revenir sur cette disposition, la commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 476.
M. Robert Del Picchia. Bravo !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Je voudrais tout d'abord rappeler la raison d'être de l'article 10.
Dans le secteur du gaz, nous devons absolument prendre en compte la situation internationale.
Aujourd'hui, 50 % à 60 % des réserves mondiales de gaz - celles qui servent à approvisionner à la fois le Japon, la Chine, les États-Unis et l'Amérique du sud -, se trouvent dans trois pays : la Russie, l'Iran et le Qatar.
La Grande-Bretagne assiste ainsi actuellement à l'extinction de ses réserves propres. Quant aux ressources des autres pays, elles ne représentent qu'un faible pourcentage des réserves mondiales.
En outre, la Russie vient de passer avec l'Algérie un accord qui renforce encore ses marges de manoeuvre.
Face à cette situation, l'intérêt des possesseurs de ces gisements, selon leur stratégie déclarée, se situe clairement en aval. Rien n'est plus facile pour eux que de chercher à valoriser leur production sur l'ensemble de la chaîne. Ils détiennent la rente minière et les canalisations de transport. Ils souhaitent prendre pied sur les marchés et ne pas être dépendants d'intermédiaires qui doivent négocier avec eux.
Cette situation ne va que s'accentuer puisque les trois principaux producteurs vont détenir une part de plus en plus importante des réserves du monde. Pour défendre la sécurité d'approvisionnement de notre pays dans de bonnes conditions en termes de prix et de quantités et assurer la continuité de fourniture, nous avons l'obligation de travailler sur l'amont, de maîtriser l'ensemble de la filière, et de nous approvisionner largement, afin que nos capacités soient supérieures à nos besoins stricts.
Au moment où nous en arrivons à l'article 10, il faut en tirer la conséquence sur la dimension de l'entreprise pouvant faire face à cette situation.
Vous croyez qu'il suffit d'être le gestionnaire français des tuyaux français pour faire le poids dans les négociations internationales. Vous pensez qu'il suffit que l'État demande pour qu'il soit exaucé. Si c'était le cas, vous imaginez bien que l'Ukraine n'aurait eu aucun problème avec la Russie l'année dernière ! Si c'était le cas, vous imaginez bien que l'Italie ne se serait pas préoccupée de se précipiter à Moscou dès le mois de janvier pour s'approvisionner ! Si c'était le cas, pensez-vous que les grands pétroliers s'intéresseraient à ce domaine ?
Nous devons aujourd'hui constater que la taille et la compétence de nos entreprises sont les éléments clés qui permettent d'agir sur l'amont. Notre opérateur, même s'il a beaucoup de qualités, doit pouvoir changer de dimension. Si, à cette fin, on ne lui proposait que de procéder à des acquisitions dans son domaine, il pourrait certes s'agrandir, mais il s'endetterait très rapidement et n'aurait pas de marges de manoeuvre suffisantes. La solution est donc de lui permettre d'ouvrir son capital et de s'agrandir par échange d'actions.
Nous ne souhaitons pas que cette opération se traduise par un abandon des intérêts essentiels que nous essayons de servir. Nous voulons assurer la sécurité d'approvisionnement, nous voulons être certains de pouvoir mener notre action afin de garantir la continuité de fourniture, en contrôlant ce qui se fait dans ce domaine et en ayant le choix de nos partenaires. Ce choix des partenaires, c'est ce que nous permet la minorité de blocage.
En nous octroyant par ce projet de loi la golden-share, cette action spécifique que même la Commission européenne considère comme utilisable dans le cas présent,...
M. Roland Courteau. Dans le cas présent !
M. François Loos, ministre délégué. ... puisqu'il s'agit des intérêts essentiels de la France, nous nous assurons la capacité de traiter des questions essentielles et stratégiques.
Je vous ai ainsi expliqué la position du Gouvernement. Je vais maintenant aborder les différents amendements.
Je ne suis évidemment pas favorable à l'amendement n° 450, qui propose de supprimer l'article, puisque je viens d'expliquer pourquoi il me paraît indispensable.
L'amendement n° 451 propose de réaliser un rapport sur la faisabilité d'une fusion entre EDF et GDF. Nous avons déjà plusieurs fois traité ce sujet, et il y a plusieurs façons d'y répondre.
M. Roland Courteau. Vous n'avez jamais posé la question à Bruxelles !
M. Yves Coquelle. De toute façon, vous ne voulez pas de cette fusion !
M. François Loos, ministre délégué. Je vais vous répondre qu'il suffit de regarder le cas portugais ! Avec les conditions de concurrence exigées au niveau européen, vous voyez bien que ce n'est pas réaliste. C'est du moins ce que nous estimons, mais vous avez bien sûr le droit de penser le contraire.
Un certain nombre de rapports vont dans notre sens. Nous ne souhaitons pas démanteler EDF. Pour cette raison, l'avis du Gouvernement est défavorable.
M. Yves Coquelle. C'est un peu court !
M. François Loos, ministre délégué. Mme Josiane Mathon-Poinat a défendu l'amendement n° 452 visant à ce que GDF retrouve le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial. Ce statut ne permet pas d'offrir ce que nous souhaitons à notre opérateur gazier. De plus, le coût serait de l'ordre de 50 milliards d'euros, sans aucun investissement gazier ou électrique. Il s'agirait seulement de racheter des actions. J'y suis donc défavorable.
L'amendement n° 454 prévoit que toute entreprise qui remplit une mission de service public devienne propriété de l'État. C'est une surinterprétation des textes de la Constitution !
M. Yves Coquelle. Jusqu'à maintenant, cela a pourtant bien fonctionné !
M. François Loos, ministre délégué. Il faut au contraire donner à GDF la possibilité de s'ouvrir, certes dans le respect de toutes les conditions que nous avons imposées. L'avis est donc défavorable.
Il en va de même pour l'amendement n°526, qui porte sur la renationalisation d'EDF et de GDF. Cette opération, dont le coût serait de 20 milliards d'euros, ne serait pas de l'investissement utile.
S'agissant des amendements identiques nos 159, 453, et 662, c'est le même constat, qui appelle la même réponse : le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement n° 455 prévoit qu'un changement de statut de GDF ne se fasse que par voie de référendum. Mais nous ne sommes pas en train d'opérer un changement de statut puisque GDF est une société anonyme. Nous changeons simplement le taux de participation de l'État. La question ne se pose donc pas. Nous avons tout de même consulté le Conseil d'État sur cette question : il a estimé qu'il ne serait pas nécessaire de passer par la voie référendaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si le Conseil d'État l'a dit... Pourtant, vous vous asseyez parfois sur ses avis !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et sur les 35 heures ? Votre argument est spécieux !
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Coquelle a défendu les amendements nos 466 à 470, concernant le seuil minimum de détention du capital d'EDF par l'État. Nous n'avons pas souhaité traiter cette question dans ce projet de loi, qui ne porte pas sur EDF. Le seuil actuel nous paraît équilibré par rapport à nos objectifs. Tous les taux proposés par ces amendements nous paraissent moins intéressants. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 67, qui vise à supprimer le seuil minimum afin éventuellement de privatiser totalement GDF, le Gouvernement émet un avis défavorable, car il souhaite pouvoir choisir le partenaire avec lequel GDF travaillera et s'agrandira. Pour cela, la minorité de blocage est l'instrument idéal. D'un autre côté, si cette minorité de blocage pouvait constituer un obstacle pour un agrandissement ultérieur ou un autre partenariat que celui qui est envisagé avec Suez, l'État pourrait suivre pour conserver la part exigée par la loi.
Mme Nicole Bricq. Il n'y a plus d'argent dans les caisses : vous les avez vidées ! Arrêtez de raconter des histoires !
M. François Loos, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Il en va de même pour le sous-amendement n° 798 de M. Pastor, qui exige un seuil minimum de détention du capital de GDF par l'État de plus de 70 %. Cela revient d'ailleurs à demander la suppression de l'article 10, puisque nous sommes ramenés à la case départ !
Le sous-amendement n° 775 de M. Mercier prévoit que le seuil minimum de détention du capital de GDF doit être de 51 %. Notre objectif est de donner à GDF la capacité d'être le plus grand possible tout en conservant pour l'État la possibilité de choisir les partenaires avec lesquels il veut travailler. La minorité de blocage répond à cette demande.
La majorité est moins efficace puisqu'elle ne permet pas de grandir autant, alors qu'elle donne peu de pouvoirs supplémentaires. Elle ne permet pas à un partenaire d'être aussi motivé dans la mesure où son pouvoir serait également réduit à l'occasion de l'opération de rapprochement.
M. Michel Mercier. Et l'actionnaire Suez ?
M. François Loos, ministre délégué. Le bon équilibre, c'est la minorité de blocage. Je suis donc contre un taux à 0 %, contre un taux à 70 % et contre un taux à 51 %. Toutes ces réflexions sont cependant bien utiles pour comprendre pourquoi nous avons proposé la minorité de blocage.
Les amendements nos 465, 458, 464, 463, 457, 459, 462, 460 et 461, présentés par le groupe communiste républicain et citoyen, portent sur les seuils minimums de détention du capital de GDF. J'ai démontré qu'il était pour nous nécessaire de permettre à GDF de s'agrandir autrement que par endettement, et ce pour être présent comme partenaire puissant sur ces marchés internationaux.
Le Gouvernement ne pense pas qu'un supplément de marge de manoeuvre soit donné à GDF en augmentant la part de l'État, mais bien plutôt en la réduisant. Il est donc défavorable à tous ces seuils qui changent l'esprit même dans lequel il a décidé de proposer la minorité de blocage.
Les amendements identiques nos 471 et 762, qui tendent à supprimer le II de l'article 10, portent sur l'action spécifique et le commissaire du Gouvernement. L'action spécifique nous est indispensable pour défendre les intérêts essentiels de la France. Nous y tenons : s'en priver, c'est se refuser des moyens d'action politique en matière de sécurité d'approvisionnement. Quant au commissaire du Gouvernement, il nous est aussi nécessaire pour cet objectif ; le supprimer ne nous paraît pas une bonne solution. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
L'amendement n° 472 vise à donner à EDF un monopole d'exploitation des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire en France. En pratique, EDF est effectivement l'exploitant de toutes les centrales de production d'électricité d'origine nucléaire. Il n'y a cependant pas de raison d'empêcher quelqu'un de soumissionner à cette lourde procédure. J'ai entière confiance en l'Autorité de sûreté nucléaire, autorité indépendante créée par la loi du 13 juin 2006, pour analyser les projets qui nous seraient soumis. Actuellement, il n'y en a pas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne saurait tarder !
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Il émet en revanche un avis favorable sur l'amendement n° 749 rectifié, qui vise, dans le texte proposé par le II de l'article 10 pour l'article 24?1 de la loi n° 2004?803 du 9 août 2004, à remplacer les mots : « intérêts nationaux » par les mots : « intérêts essentiels de la France ». Ces derniers mots conviennent mieux à nos amis européens et correspondent bien aux intérêts que nous voulons défendre.
Les amendements identiques nos 162 et 665 visent à préciser les applications de l'action spécifique. Ils relèvent de la même logique que les amendements nos 163, 666, 165 - l'amendement n° 165 a d'ailleurs été excellemment défendu par M. Pastor - et 668. Ces amendements ressortissent au domaine réglementaire et traitent d'un sujet qui sera réglé par décret. Le Gouvernement prie donc leurs auteurs de bien vouloir les retirer. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Les amendements nos 164 et 667 visent à préciser l'étendue des pouvoirs que donne l'action spécifique. Ils sont inutiles, puisque le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, définit les conditions dans lesquelles l'action spécifique sera utilisée. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Les amendements suivants portent sur la participation des représentants de l'État et des salariés au conseil d'administration.
Je traiterai tout d'abord de l'amendement n° 473. Pour l'heure, Gaz de France relève de la loi relative à la démocratisation du secteur public. Si l'État devenait minoritaire dans le capital de Gaz de France, il continuerait d'être représenté au conseil d'administration de la société en vertu du décret-loi de 1935,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les choses ont changé depuis 1935 !
M. François Loos, ministre délégué. ... qui prévoit que l'État peut nommer un nombre d'administrateurs proportionnel à sa part au capital, soit un tiers. Si le présent projet de loi est voté et si la fusion est réalisée, la part des représentants de l'État au conseil d'administration demeurera donc inchangée. Cela vous impressionne, n'est-ce pas ?
M. Roland Courteau. Nous sommes éblouis !
M. François Loos, ministre délégué. L'amendement n° 474 vise à préciser la représentation de l'État, ainsi que celle des salariés. S'agissant des représentants de l'État, je me suis déjà exprimé.
En ce qui concerne les représentants des salariés, c'est la loi de 86...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. 1886 ou 1986 ?
M. François Loos, ministre délégué. ...qui s'applique. Elle prévoit deux membres représentant les salariés et un membre représentant les salariés actionnaires si le conseil d'administration compte moins de quinze membres, ou trois membres représentant les salariés et un membre représentant les salariés actionnaires si le conseil d'administration compte quinze membres ou plus. La disposition proposée est donc inutile, et le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.
Les amendements nos 475, 563 et 722 visent à supprimer la liste des sociétés qui doivent appliquer la loi de 1986 et compter dans leur conseil d'administration des administrateurs salariés, comme je viens de l'indiquer. Il ne me semble donc pas opportun de supprimer le III de l'article 10, qui prévoit la représentation des salariés au conseil d'administration. Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur ces amendements.
Enfin, l'amendement n° 476 ne concerne en rien le projet de loi. J'y suis donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l'amendement n° 451.
M. Roland Courteau. Mon explication de vote vaudra également pour l'amendement n° 452.
On a l'impression d'assister à un dialogue de sourds ! Si l'entreprise GDF a besoin d'alliances pour son développement, comme M. le rapporteur et M. le ministre ne cessent de le répéter, alors gardons là propriété publique et cherchons donc les voies d'une alliance !
Nous ne cessons de le répéter, la privatisation n'est pas la seule solution. De plus, compte tenu des dégâts que provoque le libéralisme dans le monde, notamment dans le secteur de l'énergie, comprenez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que nous ayons le souci de trouver d'autres solutions. Le groupe socialiste et les Verts sont favorables à un pôle public. Le Gouvernement en repousse l'idée, arguant d'un refus éventuel de la Commission. Mais a-t-il seulement soumis un projet aux instances européennes afin que les autorités de la concurrence l'étudient sérieusement ? (Non ! sur les travées du groupe CRC.) À notre connaissance, non !
Bref, les enjeux sont tels qu'il nous faut prendre le temps d'étudier d'autres solutions, notamment un rapprochement entre GDF et EDF et, partant, s'assurer avec Bruxelles de l'euro-compatibilité d'un tel projet.
Affrontez donc la Commission sur ce dossier, monsieur le ministre ! Ne vous contentez pas de dire et de répéter, faute d'autres arguments d'ailleurs, qu'une telle solution a déjà été refusée pour le Portugal, ou que Bruxelles pourrait s'y opposer ! Proposez à la Commission un projet bien précis, puis nous en reparlerons !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons cet amendement, ainsi que l'amendement n° 452.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! Vous avez raison !
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote sur l'amendement n° 452.
M. Yves Coquelle. Cet amendement vise à revenir à la situation antérieure à la loi de 2004. Il tend à rendre à Électricité de France comme à Gaz de France leur statut d'établissement public à caractère industriel et commercial. On peut y voir un retour en arrière, mais aussi un grand bond en avant. Il s'agit de permettre à nos deux opérateurs énergéticiens de répondre aux exigences de service public fixées par la loi.
En 2004, le changement de statut, l'ouverture du capital et l'alignement sur le droit des sociétés anonymes ont été justifiés, notamment, par des besoins nouveaux de financement. Il est en effet beaucoup question des investissements industriels nécessaires au développement du service public en France.
Cette année, la même soupe nous est resservie, quelque peu réchauffée, pour justifier la fusion entre Gaz de France et Suez. Il s'agirait, à en croire les tenants de la privatisation de Gaz de France, de permettre à cette entreprise de faire face aux enjeux énergétiques du futur, en lui donnant l'assise financière nécessaire pour mener toute politique de long terme. Tel est votre discours.
Or la réalité des faits contredit quelque peu cette présentation de la situation. D'une part, le silence le plus complet est fait sur les conditions de la fusion, notamment sur le coût pour Gaz de France de l'offre publique d'échange de titres entre GDF et Suez, qui va atteindre un niveau inégalé.
En effet, s'il faut placer les titres GDF au niveau de ceux de Suez, ce sont au moins 3 milliards d'euros qu'il faudra mettre sur la table, d'entrée, pour favoriser la valorisation des stock-options levées par Gérard Mestrallet et son équipe, ainsi que des actions détenues par les actionnaires de Suez, c'est-à-dire plus que le résultat opérationnel du groupe Gaz de France en 2005 et 180 % du résultat net part du groupe. Comme moyen de financer le développement de notre opérateur énergétique, on pourrait trouver mieux !
Une fois parvenu à ce résultat, on permettra à l'État - faut-il le rappeler ? - d'affecter le produit de la cession des titres au compte des privatisations. Compte tenu du nombre de titres que l'État sera amené à vendre, ce sont plus de 13,6 milliards d'euros qui seront ainsi versés au compte d'affectation. Comme par hasard - mais est-ce un hasard ? -, ce montant ne correspond absolument pas à celui des produits attendus en 2007 pour ce compte.
De deux choses l'une, monsieur le ministre : ou bien le Gouvernement a renoncé, a priori, à la réalisation de la cession des titres de Gaz de France et n'a donc pas voulu procéder à l'inscription budgétaire de l'opération, ou bien il se garde pour plus tard, notamment si la croissance n'est pas au rendez-vous, une jolie poire pour la soif, d'un montant de 13,6 milliards si l'on prend en compte la valeur actuelle du titre Gaz de France, de 15 milliards d'euros, une fois prise en compte la revalorisation du titre après l'OPE avec Suez !
La confidentialité invoquée dans les documents préparatoires du projet de loi de finances pour 2007 n'est qu'un rideau de fumée destiné à dissimuler la manipulation financière de grande envergure qui se prépare !
Les fonds de pension américains qui se sont porté acquéreurs d'une part importante du capital de Suez, et qui se nourrissent également des titres de la dette publique indexés sur l'inflation, apprécieront sans doute l'affaire beaucoup plus que nos concitoyens !
Le retour au statut d'établissement public à caractère industriel et commercial est le meilleur moyen de mettre un terme à ces processus infernaux, qui, en bout de course, finiront par représenter pour la collectivité un coût significatif, bien plus élevé que celui qui est inhérent au rachat, dans des conditions similaires à celles de la loi de 1946, des titres aujourd'hui détenus par d'autres personnes morales ou privées que l'État !
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote sur l'amendement n° 454.
M. Yves Coquelle. Réintégrer l'entreprise Gaz de France dans le patrimoine de la nation est la seule réponse à la question énergétique. Cette solution traduirait une éthique politique digne de ce nom.
De plus, la mission de service public dévolue à cette entreprise exige, sans ambiguïté aucune, que l'État en soit le financier, le gestionnaire et le maître d'oeuvre, l'énergie étant vitale pour notre pays et sa population.
Le service public est assurément l'un des domaines les plus visibles de l'action des politiques publiques.
Si la notion de service public paraît si incontournable en France, c'est qu'elle recouvre un périmètre d'actions très vaste, qui constitue, depuis 1945 et la reconstruction du pays, une solution consensuelle et efficace.
Sous l'effet conjugué de ruptures politiques, économiques et technologiques à l'échelle mondiale, la politique nationale épouse des revirements sidérants, à l'heure où se pose de façon tragique pour l'humanité la question de sa survie.
L'intérêt général, essentiel et stratégique dans ce cas précis, n'est pas compatible avec le fonctionnement du marché, même si l'on fait abstraction des problèmes éthiques que posent la privatisation et la sous-traitance.
L'ouverture des monopoles publics, sous la pression de l'Union européenne, est le fruit d'une position dogmatique de vos idéologues, qui paraissent ignorer la notion européenne de service d'intérêt général, ou SIG.
Il n'existe pas de réglementation des SIG dans leur ensemble à l'échelon européen. Le terme ne désigne d'ailleurs parfois que les seuls SIG non marchands. Les SIG restent donc de la compétence des États membres ou des collectivités locales.
La Commission a toutefois reconnu, dans une communication du 26 septembre 1996, que les services d'intérêt général sont « au coeur du modèle européen de société ».
Un monopole d'État est l'expression d'une politique forte en direction de la population, de la collectivité. Il doit être avantageux pour l'usager. Le but de la structure d'État est d'être rentable dans la mesure de l'amortissement et de la nécessaire modernisation de ses infrastructures, mais pas au sens du profit actionnarial.
L'avantage du monopole public est qu'il permet de supprimer les coûts de concurrence. Les ressources sont consacrées à l'amélioration du service par la recherche et l'investissement, du fait d'un compromis sur le prix du service.
Comme vous le constatez, les arguments ne manquent pas en faveur de la préservation de GDF, et le démantèlement des services publics effectué dans le cadre de l'accord général sur le commerce des services, l'AGCS, n'est pas irréversible, contrairement à ce que vous déclarez.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 454.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 31 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 526.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 159, 453 et 662.
Mme Annie David. Nous avons apprécié que M. le rapporteur et M. le ministre prennent la peine de donner un avis argumenté sur chacun de nos amendements ; toutefois, l'amendement n° 453 appelle de notre part quelques remarques supplémentaires.
En effet, la religion du marché aveugle le Gouvernement : ce dernier en oublie que le moteur du marché qu'il prône n'est pas la satisfaction des gens, mais la prédation des « cibles humaines » que sont les consommateurs.
Dans cette logique, le profit maximal net des financiers est le seul critère opérant ; c'est tellement vrai que des entreprises sont sacrifiées sur l'autel d'un actionnariat vorace. À ce sujet, mes chers collègues, je vous renvoie à mon intervention concernant les industries papetières, à l'article 1er.
Dans le cas qui nous occupe, le paradoxe est désarmant : GDF est l'une des plus importantes compagnies gazières du monde et déjà un leader de son secteur. Elle représente une structure intégrée de l'amont à l'aval, avec une dizaine de plates-formes offshore et terrestres de production de gaz, deux terminaux méthaniers, quatre navires méthaniers, plus de 150 000 kilomètres de canalisations de transport et de distribution de gaz, treize sites de stockage souterrain totalisant plus de 10 milliards de mètres cubes de gaz en réserve, quarante-cinq stations de compression de gaz et l'un des plus importants sites de recherche et développement d'Europe sur les techniques gazières...
Suez est, par comparaison, trois fois plus petit, mais il pèse trois fois plus lourd que GDF en capitalisation boursière. En fait, il n'apporterait rien au potentiel gazier de GDF, sinon une stratégie commerciale élaborée à partir de quelques terminaux américains.
Et puis, coup de théâtre, M. François Pinault s'est allié depuis l'été dernier au groupe italien Enel, dans l'idée de lancer une OPA hostile sur le groupe Suez. Même si l'on nous dit que cette tentative d'OPA est aujourd'hui derrière nous, nous restons inquiets.
Guerres économiques et leurs dégâts collatéraux, OPA hostiles, concurrences meurtrières, liquidations, délocalisations : l'illustration de ce que valent votre projet et la société inhumaine que vous bâtissez s'étalait dans les médias, le 12 octobre dernier.
Aux nouvelles exigences de Bruxelles face à votre projet de fusion s'ajoute la versatilité des milieux d'affaires qui, tour à tour, vous conditionnent puis vous abandonnent à votre absence de principes politiques et d'éthique.
Par cet amendement, nous rejetons le paragraphe I de cet article par lequel vous réduisez à un tiers la participation de l'État dans Gaz de France.
Nous refusons cette privatisation, nous refusons cet article comme nous avons refusé l'ensemble des articles et, de ce fait, votre projet de loi dans sa globalité !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Nous en avons déjà parlé, mais je veux, à ce moment du débat, démontrer que la privatisation de Gaz de France est un danger pour les usagers.
Le danger se situe à plusieurs niveaux : celui des tarifs, celui de la sécurité des installations, celui de l'égalité de traitement dans tout le pays.
La baisse des investissements, qui a commencé depuis 1995, a entraîné des problèmes en ce qui concerne le renouvellement des réseaux et les travaux de maintenance effectués chaque jour.
Par exemple, le centre de Villejuif, qui dessert quarante communes du Val-de-Marne et de l'Essonne, a dénombré quelque 2 500 robinets de conduites d'immeuble non manoeuvrables, ce qui peut être la cause d'accidents graves pour les habitants et leurs biens. On sait que la conduite d'immeuble est le branchement collectif qui pénètre dans l'immeuble et se scinde en branchements individuels ; le robinet permet, en cas d'incident lié à une fuite, de couper le gaz sans avoir à pénétrer dans l'immeuble. On en mesure les conséquences !
De plus, le renouvellement des réseaux vieillissants ne sera pas la même priorité pour une entreprise privée que pour une entreprise publique : l'entreprise privée attendra la dernière minute avant de réaliser des investissements. Il suffit, pour s'en convaincre, d'observer la pratique de Suez dans la distribution d'eau, que certaines communes connaissent bien.
Il est maintenant de notoriété publique que les services d'intérêt général demandent de lourds investissements, ce qui limite la concurrence et ne profite pas, en fin de compte, au client.
L'ouverture du capital de Gaz de France, contrairement au souhait des consommateurs, n'a pas entraîné de baisse des tarifs, loin de là, puisque, depuis août 2004, le prix du kilowattheure de gaz a augmenté de 33 %, en sachant que le Gouvernement a imposé une limitation à la demande initiale de la direction de l'entreprise, qui était bien supérieure.
La priorité des entreprises n'est plus non plus le service de proximité qui existait précédemment : le centre de distribution de Villejuif a vu ses points d'accueil passer de neuf à quatre sur le territoire du centre ; les centres d'Alfortville, de Villeneuve-Saint-Georges, d'Arcueil, d'Ivry et de Choisy-le-Roi ont été fermés, et l'ouverture de ceux qui restent est irrégulière, liée à l'effectif disponible, la priorité de l'entreprise étant désormais les centres d'appels téléphoniques.
Cette politique entraîne des difficultés pour les personnes les plus démunies, qui ont du mal à contacter l'entreprise pour exposer leurs problèmes. L'entreprise cherche à se décharger de l'aide octroyée aux personnes en difficulté, arguant du fait qu'elle prévoit un forfait annuel pour cette opération et que le surplus doit être pris en charge - une fois de plus - par les services sociaux des collectivités territoriales.
Il faut le dire clairement : Gaz de France ne jouera plus le rôle de service public.
En outre, le centre de Villejuif, qui couvre quarante communes, a vu son effectif passer de 1 023 agents en septembre 1999 à environ 650 aujourd'hui. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Oh là là !
M. Jean Desessard. Quels chiffres !
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Pour conclure, monsieur le président, je dirai quelques mots de la sous-traitance. Celle-ci existait déjà, mais elle a augmenté, jusqu'à 40 % dans certains cas, pour le renouvellement des réseaux, les branchements de gaz et le relèvement des compteurs.
Le renouvellement des réseaux de fonte grise en polyéthylène, qui devait être terminé fin 2006, ne sera peut-être pas achevé en 2007. Encore aura-t-il fallu le terrible incendie d'un bâtiment dû à une fuite de gaz pour que de nouvelles mesures soient prises !
M. le président. Votre temps de parole est épuisé, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Je ne résiste pas à l'envie de vous citer les propos que j'ai relevés sur le site d'un député UMP...
M. le président. Chère madame, la durée d'une explication de vote est de cinq minutes : vous avez parlé sept minutes, et vous n'avez donc plus la parole ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Je le dirai tout à l'heure !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 159, 453 et 662.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 32 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 455.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 33 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote sur l'amendement n° 470.
Mme Michelle Demessine. Nous n'avons pas été convaincus par les explications de la commission et du Gouvernement. C'est pourquoi nous souhaitons exprimer avec cet amendement de repli l'exigence que la part de l'État dans les entreprises EDF et GDF reste à son niveau le plus haut possible. Il s'agit de fixer un seuil infranchissable en dessous duquel l'État ne pourrait pas descendre, lui garantissant ainsi une véritable marge de manoeuvre.
Cette privatisation est définitivement une grave erreur. Un tel démantèlement serait lourd de conséquences pour les générations à venir.
Monsieur le ministre, votre majorité assumera-t-elle ses responsabilités face à ce désastre ? On est en droit d'en douter. Elle se cache en effet derrière des arguments qui la rendent le plus souvent irresponsable à l'égard de ce qu'elle est en train de faire : il s'agirait d'un contexte international contre lequel on ne pourrait rien ; il s'agirait d'une pression industrielle et financière que l'on ne pourrait que subir ; il s'agirait d'instances européennes à ce point omnipotentes que le Gouvernement ne pourrait plus agir.
Face à ces arguments, je rappelle que les directives européennes depuis 2002 n'ont jamais prévu que l'État ne devait pas détenir à 100 % des entreprises énergétiques. En réalité, l'État ne doit pas apporter de garanties financières illimitées au regard des emprunts contractés par ces entreprises afin d'éviter les distorsions de concurrence. C'est loin d'être la même chose !
En faisant peser la responsabilité de cette privatisation sur l'Europe et en abaissant la part de l'État dans EDF et GDF, vous envoyez un mauvais signal à l'ensemble de nos concitoyens.
Je le répète une fois encore, rien ne justifie de privatiser GDF. Tout porte à croire le contraire. C'est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement de repli.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le gaz et l'électricité ne sont pas des produits ordinaires. La maîtrise publique que nous exigeons implique donc la mise en oeuvre d'une logique d'intérêt général sur le long terme afin de minimiser les coûts et de rejeter le critère simpliste du profit immédiat.
Mes chers collègues, vous le savez - et aucune démagogie ne saura vous couvrir -, lorsque les dividendes sont en jeu, les fonds de pension et les grands acteurs boursiers ne s'intéressent pas aux intérêts nationaux ni au devenir de l'humain. Par conséquent, vous mettez en route une machine qui n'a pour vocation que la marche au profit.
Vous êtes clairs sur la privatisation de Gaz de France et prêts à aller toujours plus loin que les exigences de Bruxelles en faisant de cette privatisation une question de dogme. Mais que devons-nous penser de Suez ?
Suez agit uniquement en tant qu'actionnaire financier - dans l'intérêt de son actionnaire principal, M. Frère - et envisage de démanteler GDF par filialisation des secteurs de l'ensemble industriel.
Expliquez-nous l'intérêt que présente pour GDF et pour la France cette fusion à laquelle vous teniez tant jusqu'au 12 octobre dernier, avant l'annonce faîte par M. Pinault ? C'est justement parce qu'il n'existe pas de réponse de bon sens que nous vous proposons de voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. L'article 24 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières avait amorcé le mouvement de désengagement de l'État des entreprises électriques et gazières. Nous l'avons rappelé tout au long de ce débat. Ainsi, bien que les directives communautaires en matière énergétique ne nous en fassent pourtant pas explicitement obligation, le gouvernement de M. Raffarin avait jugé utile de réduire de 30 % la part de l'État dans le capital d'EDF.
Après le dépeçage progressif de l'entreprise publique entamé les années précédentes sous la pression de Bruxelles, avec la séparation et la filialisation des activités pour faire place à la concurrence et à la liberté des prix, il s'agissait alors, à travers la détention du capital d'EDF, de s'en prendre directement à la maîtrise publique et nationale de l'énergie électrique.
Aujourd'hui, vous voulez aller encore plus loin avec GDF. Comme nous ne souhaitons pas vous laisser faire, nous proposons par précaution de renforcer la maîtrise publique sur EDF afin de lui donner plus de moyens, donc plus de poids, pour faire face à la concurrence du futur groupe privé issu d'une hypothétique fusion entre GDF et Suez.
Notre volonté de renforcer cette maîtrise de la puissance publique sur EDF est aussi motivée par d'autres considérations. Nous craignons en effet que, après la privatisation de GDF, si d'aventure vous y parveniez, mes chers collègues, celle d'EDF ne suive.
La privatisation d'EDF serait la suite logique de ce que vous voulez faire avec le gaz. J'ajouterai même que l'entreprise publique EDF ne serait pas protégée par un engagement de l'État visant à ne pas la privatiser, comme cela a pu être le cas auparavant pour GDF, avec l'efficacité que l'on sait ...
Mais j'en reviens aux raisons fondamentales qui nous incitent à renforcer la maîtrise de la puissance publique sur EDF.
Nous l'avons maintes fois répété - nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls -, l'énergie, que ce soit le gaz ou l'électricité, n'est pas un produit ou une marchandise comme les autres.
En ces temps difficiles où les émissions de gaz à effet de serre produisent des conséquences de plus en plus dramatiques, où les énergies fossiles se font plus rares et sont l'objet de tant de spéculations financières entraînant d'insupportables augmentations des prix, soustraire l'ensemble du secteur énergétique à la loi aveugle et sourde du marché est d'autant plus nécessaire et urgent.
Or, pour soustraire l'énergie à la loi du marché, il n'y a pas d'autre solution que de renforcer la maîtrise publique. En effet, cette dernière procède d'une logique toute différente : pour défendre l'intérêt général, l'entreprise qui la met en oeuvre est notamment plus soucieuse des coûts payés par les consommateurs. En revanche, c'est tout le contraire quand prime la logique des fonds de pension et des actionnaires pour lesquels seule compte l'augmentation des dividendes au détriment de tout le reste : les investissements, la sécurité, la qualité du service rendu, les tarifs pratiqués, etc.
En augmentant le taux de participation de l'État dans EDF, nous voulons clairement signifier notre refus de faire payer la progression des dividendes des actionnaires par les utilisateurs de l'énergie électrique.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Les prix du pétrole et du gaz ont presque doublé dans l'Union européenne au cours des deux dernières années, ...
Mme Hélène Luc. ...entraînant avec eux le prix de l'électricité.
Compte tenu de la demande mondiale de combustible fossile, de la longueur des chaînes d'approvisionnement, de la dépendance croissante à l'égard des importations, les prix du pétrole et du gaz vont se maintenir à des niveaux élevés. Tout le monde le sait !
Tous les chefs d'entreprise nous rappellent que la politique énergétique commande la politique industrielle d'un pays et que, pour renforcer et pour développer leur entreprise, ils ont besoin d'être assurés de la stabilité de la gestion de l'énergie.
Les raisons de maintenir une forte participation publique au capital de l'entreprise sont aussi valables aujourd'hui qu'en 1946, pour que des champions industriels puissent s'affirmer comme à l'époque et pour que notre indépendance soit assurée.
Ce modèle a permis la sécurité des approvisionnements, l'accès à l'énergie pour tous, l'indépendance de notre approvisionnement pour le programme nucléaire - où en serions-nous aujourd'hui si nous ne l'avions pas fait ? -, l'accès à l'énergie à des prix permettant aux industriels de développer les outils de la production nationale.
Hier soir, j'ai vu un reportage intéressant à la télévision sur ... (Chirac ! sur les travées du groupe socialiste.) ...la manière dont une société privée développe les conduites de gaz.
Le journaliste a demandé au directeur de cette société, qui a travaillé vingt ans pour GDF, pourquoi les conduites de gaz n'allaient pas plus loin. Le directeur lui a répondu que cela coûterait trop cher, que le département voisin était agricole, qu'il y avait du bois,...
M. Éric Doligé. Des carottes...
Mme Hélène Luc. ...que l'on pouvait également utiliser du butane, etc.
Nous voyons bien qu'un service privé ne rendra absolument pas les mêmes services que ceux qui sont rendus aujourd'hui par le service public.
Monsieur le ministre, répondez à la question posée et répétée dans les débats : comment une stratégie à très long terme, visant à garantir des investissements très lourds en termes d'innovation, sera-t-elle possible dans le cadre du financement et de la déstructuration proposée de cette entreprise ?
La réponse ne venant pas, j'ai emprunté une conclusion à un député UMP (Exclamations sur les travées de l'UMP.) :...
M. Éric Doligé. Formidable !
Mme Hélène Luc. ...« Est-il acceptable et opportun à quelques mois seulement des échéances cruciales de 2007 de renier ainsi notre parole ? Au moment où la crédibilité des hommes politiques est profondément entamée, ce virage à 180 degrés tant du Gouvernement que du président de l'UMP est préjudiciable à la majorité tout entière ! Il oblige les députés soit à trahir un engagement solennellement donné aux Français, soit à s'écarter de la discipline majoritaire.
« Comment, de surcroît, accepter un projet qui concrétise une politique européenne interdisant à moyen terme le principe même des tarifs réglementés au nom de la concurrence et, au même moment, s'indigner de la hausse des prix d'EDF-GDF et réclamer le maintien durable des tarifs régulés ? »
Ce parlementaire, vous l'aurez reconnu, c'est...
M. Éric Doligé. Maxime Gremetz !
Mme Hélène Luc. ... Nicolas Dupont-Aignan !
M. Jean Bizet. Ce n'est pas une référence !
Mme Hélène Luc. Je suis d'accord avec lui : il faut rejeter ce projet de privatisation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 798.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 34 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 775.
M. Michel Mercier. M. Breton est parti vers la Chine compliquée, sans nous laisser ici avec des idées claires ! (Sourires.)
Que veut faire le Gouvernement ? C'est la question qu'a posée M. Longuet au travers de l'amendement n° 67 et tout au long de ses deux interventions. C'est la question que j'ai également soulevée au travers de ce sous-amendement.
La question est simple : le Gouvernement souhaite-t-il simplement avec le titre III - je mets de côté tout ce qui concerne la transposition en droit interne des directives européennes - faire « bouger » Gaz de France, pour reprendre une expression qui a été largement utilisée durant tous ces débats, ou souhaite-t-il, à partir de Gaz de France, développer une véritable politique de l'énergie et se donner les moyens de l'investissement ?
Il faut distinguer le gaz de l'énergie électrique, car les conditions ne sont pas les mêmes.
Monsieur le ministre, vous nous avez répondu tout à l'heure que le Gouvernement souhaitait une participation de 34 % de l'État dans le capital de GDF, car cela lui permettait de choisir le partenaire.
Pendant tout le temps où il a été présent, M. Breton nous a dit qu'il ne savait pas qui serait le partenaire, mais que ce qui était important était de pouvoir en avoir un.
Vous avez eu l'honnêteté de reconnaître que vous aviez un partenaire et que le Gouvernement souhaitait que l'État garde 34 % dans ce capital de Gaz de France pour pouvoir choisir Suez. C'est à la fois bien et un peu court : une fois que vous aurez choisi Suez, il faudra bien faire quelque chose !
Vous avez répondu à M. Longuet qu'il pourrait peut-être être question d'augmenter le capital - on se demande bien avec quel argent, mais c'est une autre affaire !
Le « mariage » entre Gaz de France et Suez répondra parfaitement au problème du gaz, notamment en ce qui concerne la diversification des approvisionnements et le gaz naturel liquéfié. De ce point de vue, ce nouveau groupe bénéficiera d'une position tout à fait intéressante.
S'agissant cette fois de l'énergie nucléaire, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous soyez un peu plus clair ou un peu moins embrouillé que vous ne l'avez été jusqu'à maintenant.
Bien entendu, le nouveau groupe Gaz de France-Suez vendra à la fois du gaz et de l'énergie nucléaire - il dispose d'énergie hydraulique en France, et d'énergie thermique et nucléaire, en Belgique.
La question est de savoir comment sera fabriquée en France, demain, l'énergie d'origine nucléaire. Il existe un projet d'EPR mené par EDF et que nous approuvons. Mais vous savez comme nous tous, monsieur le ministre, qu'un EPR n'est pas suffisant, et qu'il en faudra au moins deux.
Le nouveau groupe né de la fusion entre Gaz de France et Suez aura-t-il le droit, lui aussi, de participer à la fabrication de l'énergie nucléaire ?
Une réponse positive justifierait tout à fait mon sous-amendement, qui tend à fixer le seuil de participation de l'État dans le capital de GDF à 51 %.
On considère aujourd'hui, même s'il existe une loi relative à la sécurité nucléaire qui est très bien, que l'État doit conserver 70 % de participation dans le capital d'EDF. Si cette loi était suffisante, il n'y aurait pas besoin de conserver un tel seuil de participation !
Dès lors que l'État veut garder 70 % dans le capital d'EDF, il doit détenir une participation d'au moins 51 % dans le nouveau groupe né de la fusion entre GDF et Suez afin de lui assurer l'accès à une production moderne d'énergie nucléaire, selon un procédé moderne.
Aujourd'hui, Suez dispose de centrales nucléaires en Belgique. On ne va pas dire à ce groupe qu'il a le droit de ne faire du nucléaire qu'en Belgique, de l'autre côté de la rivière !
En ce cas, il faudrait interdire également le vent d'Est, afin que les fumées de Belgique n'arrivent pas sur le nord de la France !
Il y a donc de ce point de vue une carence dans la discussion. Je comprends, monsieur le ministre, que vous ne soyez pas en mesure de me répondre. Dans le cas contraire, vous l'auriez fait depuis longtemps !
Quoi qu'il en soit, puisque vous ne me répondez pas, je maintiens mon sous-amendement afin que GDF-Suez puisse avoir lui aussi accès à la fabrication de toutes les formes d'énergie, notamment la fabrication de l'énergie électrique nucléaire !
M. Jean Desessard. Sous-amendement excellemment défendu !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même si je ne partage bien évidemment pas les attendus de M. Mercier, je voudrais indiquer pourquoi nous allons voter en faveur de ce sous-amendement. Ce n'est bien sûr pas pour permettre à Suez de faire du nucléaire.
Tout à l'heure M. le rapporteur s'est dit attristé par certains de mes propos. Pour ma part, je suis affligée par les arguments présentés par la commission et par le Gouvernement.
Alors que nous sommes « embarqués » dans l'énorme machine qu'est ce projet de loi privatisant GDF en vue d'un grand projet industriel, M. Poniatowski nous dit aujourd'hui qu'il n'est pas du tout sûr que cela se fasse !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'ai indiqué que je le souhaitais !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous le souhaitez et vous êtes convaincu de son intérêt, cela, nous l'avons bien compris, mais vous n'êtes pas sûr, avez-vous dit, que ce projet se réalise.
M. Longuet nous a expliqué qu'une participation de 34 % de l'État dans le capital n'empêchait absolument pas une OPA hostile. Donc, là aussi, vos arguments sur le seuil de 34 % étaient très convaincants... On a bien compris que tout cela ne correspondait pas tout à fait à ce que vous nous disiez.
On ne sait pas s'il y aura un grand groupe industriel Suez-GDF ; ce dont on est parfaitement sûr, c'est que vous entendez privatiser GDF.
Le sous-amendement de M. Mercier traduit évidemment, au-delà de ses attendus, une préoccupation que nous partageons, qui est de garder la possibilité d'une maîtrise publique sur le secteur de l'énergie.
Comme le montre, entre autres, le rapport Marini, la majorité du capital de l'ensemble Suez-Gaz de France sera flottante, ce qui, par conséquent, induit le risque d'une OPA hostile - c'est ce qu'a dit M. Longuet - qui pourrait, par exemple, être menée par un autre opérateur gazier européen. Dans la mesure où l'on ne sait pas si le projet va voir le jour, GDF peut, par la suite, se retrouver privatisé.
Cet opérateur pourrait être la Shell, par exemple, dont les intérêts ont été largement défendus par la commissaire européenne Nellie Kroes. S'il y a des questions qu'on ne pose pas à la Commission européenne - par exemple, sur une fusion EDF-GDF -, en revanche, on lui en pose d'autres, et elle répond qu'elle défend les intérêts de la Shell.
Pourquoi pas Enel, qui risque fort de se porter acquéreur des actifs cédés au terme de l'affaire ? Pourquoi pas Gazprom, fournisseur en devenir de l'Europe de l'Ouest et qui vient de signer un important contrat avec la République d'Ukraine, sous des conditions qui laissent transparaître la possibilité d'un accroissement sensible de la trésorerie disponible pour mener des raids boursiers à l'étranger ?
Dans ces conditions, chers collègues de la majorité, maintenir à 51 % la part du capital de Gaz de France détenue par l'État est sans doute une garantie minimale pour éviter que ce texte ne conduise, en définitive, à nous priver de l'outil indispensable de maîtrise de notre politique énergétique.
Nous en avons des exemples.
Depuis que MM. Chirac et Balladur - l'exemple date un peu, mais il reste valable - ont privatisé Pechiney, que s'est-il passé ? Pechiney s'est retrouvé absorbé au bout du compte par son principal concurrent, Alcan Toyo.
Que s'est-il passé à la suite de la privatisation du secteur aéronautique, notamment après la constitution d'EADS ? Je ne reviens pas sur le résultat actuel qui conduit le gouvernement fédéral allemand à venir au secours du groupe Daimler, à la suite des mésaventures d'Airbus.
Que s'est-il passé après la privatisation du secteur de la sidérurgie ? Je passe sur les pathétiques gesticulations qu'il vous a fallu faire, monsieur le ministre, pour intervenir dans l'affaire de l'offre publique d'achat de Mittal Steel sur Arcelor, mouvement qui ne s'est manifestement pas interrompu, malgré l'adoption de votre projet de loi sur les OPA... On pourrait en parler parce que, en l'espèce, on sait quel a été le résultat de ces gesticulations phénoménales : l'OPA de Mittal !
M. Guy Fischer. Ah oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela constitue donc des raisons de voter ce sous-amendement de moindre mal qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Nous aurions souhaité aller au-delà de ce que propose M. Mercier dans son sous-amendement. C'était d'ailleurs, je le rappelle, l'objet de nos amendements et sous-amendements visant à porter la part de l'État dans le capital de GDF à plus de 70 %, en attendant d'aller plus loin et de mettre en oeuvre un pôle public de l'énergie. Mais le Sénat ne nous a pas suivis, et c'est fort regrettable.
Dès lors, nous sommes tentés de voter ce sous-amendement, qui est pour nous, en quelque sorte, un texte de repli. Une participation de 51 %, pour l'instant du moins, permettrait à l'État de rester majoritaire. Nous souhaitons, en effet, que l'État conserve la maîtrise de la politique énergétique de la France. C'est un bon moyen d'y parvenir.
C'est la raison pour laquelle nous voterons ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J'ai attendu le dernier moment pour intervenir parce que j'espérais une réponse du ministre.
M. Mercier lui a demandé quelles étaient ses intentions, lui laissant même la possibilité de ne pas répondre s'il n'était pas en mesure de le faire. Je souhaite, pour ma part, insister sur les questions qui se posent.
Monsieur le ministre, avez-vous l'intention de laisser Suez et GDF faire du nucléaire en France ?
Y aura-t-il concurrence sur le nucléaire ? Cela signifie qu'une société à capitaux majoritairement privés pourra faire du nucléaire, vendre ensuite à d'autres pays, ce qui contribuera à la prolifération nucléaire.
M. Mercier a bien posé cette question et souligné qu'il souhaitait que 51 % du capital restent publics afin précisément d'éviter cela.
Or, à cette question très précise qui a été posée au ministre, je m'aperçois, à l'instant de voter le sous-amendement n° 775, qu'aucune réponse n'a été apportée.
Monsieur le ministre, n'avez-vous pas encore réfléchi à la question ? Alors que nous débattons depuis trois semaines, qu'il nous est demandé de voir loin, sur quinze, vingt ou trente ans, aucune réponse ne nous est donnée sur l'avenir de l'énergie, en particulier sur le développement et la sûreté du nucléaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis évidemment à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. Je trouve très intéressant que vous vous interrogiez sur la possibilité de construire des EPR en France, et même que ce soit un sujet de préoccupation pour M. Desessard.
M. Jean Desessard. C'en est un !
M. François Loos, ministre délégué. Plutôt que de reformuler la réponse que j'ai déjà faite, je préfère ajouter qu'il existe une programmation pluriannuelle des investissements, dont nous avons plusieurs fois parlé, que j'ai communiquée à l'Assemblée nationale et au Sénat, notamment à M. Reiner, qui en possède un exemplaire. M. Mercier était absent ce soir-là, mais je suis sûr qu'il sera très intéressé par la lecture de ce document.
Cette programmation pluriannuelle des investissements, qui trace différents scénarios de consommation pour les années à venir, prend en compte des économies d'énergie. Monsieur Desessard, donnez-nous en acte ! Grâce à notre action, des économies d'énergie, notamment d'électricité, seront réalisées !
Ainsi, en 2012, Eurodif cessera de consommer beaucoup d'électricité, à la suite du remplacement de l'usine Georges Besse par l'usine Georges Besse II. Cela signifie que la consommation d'électricité n'est pas en croissance importante, que son rythme de croissance tend plutôt à se réduire et qu'un des facteurs les plus importants de consommation d'électricité, voire le plus important, disparaîtra en 2012.
Nous avons besoin, d'ici à 2015, d'une tranche nucléaire supplémentaire. C'est la raison d'être du projet d'EPR mené, vous le savez, par EDF à Flamanville.
Vous m'avez demandé si, dans cet intervalle, d'autres projets doivent être lancés et, dans d'affirmative, si un autre opérateur qu'EDF pourrait être autorisé à le faire.
M. Guy Fischer. Suez !
M. François Loos, ministre délégué. Aujourd'hui, la possibilité de faire du nucléaire n'appartient à personne. Il revient à l'autorité de sûreté nucléaire, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'instruire les projets.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout le monde peut faire du nucléaire à part nous !
M. François Loos, ministre délégué. Premièrement, il n'y a pas de besoins ; mais, deuxièmement, s'il y en avait, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On fera de l'énergie nucléaire pour la vendre !
M. François Loos, ministre délégué. ... l'autorité de sûreté nucléaire, dont vous avez voté l'indépendance au mois de juin dernier, est chargée de mettre les projets en perspective et d'étudier leur faisabilité au regard de la sûreté.
À un horizon un peu plus lointain, c'est-à-dire lorsque le parc nucléaire français aura une quarantaine d'années d'ancienneté, des besoins peuvent se manifester. D'après l'autorité de sûreté nucléaire, dont je ne fais que répéter les dires, les centrales actuellement en service pourraient avoir une durée de vie d'environ quarante ans et peuvent donc continuer à fonctionner jusqu'en 2017.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est demain !
M. François Loos, ministre délégué. En 2017, la plus ancienne centrale française aura en effet quarante ans.
Si, à ce moment-là, des besoins de renouvellement se font sentir, ce sera dans la prévision des investissements. L'autorité de sûreté nucléaire dira alors si tel opérateur est fiable, s'il peut, en toute sécurité pour notre pays, mettre en place les constructions nécessaires. Je pense, là, être assez clair.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Cela n'est pas lié à la détention du capital !
M. François Loos, ministre délégué. En effet, monsieur Marini, cela n'a aucun lien avec la majorité dans le capital.
M. Michel Mercier. Pourquoi 70% à EDF, dès lors ?
M. François Loos, ministre délégué. Nous avons opté pour la solution de la minorité de blocage parce qu'elle permet de décider si l'on accepte ou non les augmentations de capital. Cela signifie que l'État a la possibilité d'accepter ou non d'être dilué dans un groupe plus large qui inclurait Gaz de France et un autre partenaire. L'État n'arrange pas le mariage, madame Borvo Cohen-Seat, mais il a un droit de veto sur le partenaire du fait même de la minorité de blocage qu'il conserve.
Ce n'est pas un choix. À partir de la proposition formulée par des opérateurs industriels de fusionner, l'État accepte d'être dilué à la hauteur de la minorité de blocage.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Assortie de l'action spécifique !
M. François Loos, ministre délégué. En effet, et cela lui donne le droit d'accepter ou non le projet qui lui est présenté par l'une et l'autre entreprises.
M. Roland Courteau. Cela ne veut pas dire grand-chose !
M. François Loos, ministre délégué. C'est donc en ce sens qu'il faut entendre l'idée de « choix ». La combinaison de l'action spécifique et de la minorité de blocage et les moyens qui en découlent nous permettent de mener une politique de développement de l'entreprise Gaz de France et d'accepter une dilution plus importante. L'entreprise pourra ainsi grandir, en tout cas plus que si la participation demeurait à 51 % ou à 70 %.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est un argument spécieux ! Attendons Bruxelles sur l'action spécifique !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Le capital de l'éventuelle entité fusionnée comportera, auprès de l'État, des investisseurs publics, AREVA et la Caisse des dépôts et consignations en particulier.
Même s'il s'agit de participations considérées comme financières, il n'en reste pas moins que, s'il y avait une justification pour cela, une concertation interviendrait entre l'État et ces investisseurs publics, qui sont à ses côtés.
M. Jean-Marc Pastor. Vous êtes Mme Soleil ?
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. En réalité, nous serions ainsi dans une situation où les intérêts publics seraient non pas limités à 34 %, mais bien proches de 40 %.(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Pastor. Vous vivez dans une bulle !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Je tenais à effectuer cette précision pour répondre à un argument que j'ai entendu tout à l'heure quant à une éventuelle situation de marché. Il faut être bien conscient, me semble-t-il, de ce que je viens d'évoquer. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Et puisque Mme Borvo Cohen-Seat a eu la gentillesse de mentionner mon rapport, sachez que cet argument y figure noir sur blanc. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 775.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires économiques et, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 35 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 157 |
Contre | 170 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Hélène Luc. C'est dommage !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur l'amendement n° 465.
M. Michel Billout. Nous ne nous faisons pas tellement d'illusions quant au sort qui sera réservé à l'amendement n° 465 et aux amendements suivants, mais nous souhaitons tout de même insister sur le sujet. Ces différents amendements visent à maintenir la part de l'État dans Gaz de France à 70 % au minimum.
Personne ne pourra prétendre le contraire, si l'État ne détient pas la majorité du capital, c'est bien la rémunération de l'actionnaire qui prévaudra. En effet, l'entrée d'investisseurs privés dans le capital des entreprises historiques appelle nécessairement une rentabilité des capitaux investis, à plus forte raison si ces investisseurs sont majoritaires.
Or la recherche de la création de valeur pour les actionnaires est totalement inconciliable avec les missions d'intérêt général qui sont inhérentes au service public de l'énergie. Seul un tel service est à même d'assurer l'indépendance énergétique, la sécurité d'approvisionnement, le droit à l'électricité pour tous et le développement équilibré du territoire dans le respect de l'environnement.
Malgré nos multiples demandes concernant la réalisation d'un bilan des conséquences de la libéralisation des marchés de l'énergie, force est de constater qu'un tel exercice ne sera pas effectué. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce bilan serait désastreux et condamnerait votre politique énergétique !
Nous l'avons déjà dit, mais je tiens à le répéter ici, la libéralisation des marchés de l'énergie en Europe a abouti à la suppression ou à la précarisation de 250 000 emplois, à la hausse des tarifs qui étrangle déjà les entreprises et bientôt les particuliers, et aux ruptures d'approvisionnements. Vous n'ignorez pas ces effets dévastateurs.
Pourtant, le présent projet de loi met tout en oeuvre pour accélérer ce processus destructeur pour notre service public, nos emplois et nos industries.
Si le capital n'est pas détenu par des fonds publics, c'est la perspective longue qui se trouve négligée. Pourquoi ? Tout simplement parce que les capitaux privés ne mettent pas, comme peut le faire l'État, l'activité en perspective dans l'intérêt général. Ce qui les intéresse, ce sont des cycles courts avec un retour sur investissements plus rapide.
À cet égard, à défaut d'investissements, ne risquons-nous pas de nous retrouver dans quelques années face à une pénurie d'énergie ?
Quant à la nécessité de réinvestir, qui vaut pour les réseaux gaziers comme pour les réseaux électriques, compte tenu du fait que notre réseau de distribution du gaz n'est pas encore entièrement renouvelé, comment peut-on être assuré que demain, après la privatisation, une société privée aura pour priorité le réinvestissement de ses bénéfices dans le renouvellement et l'extension des réseaux ?
Aujourd'hui encore, de larges pans de notre territoire ne sont pas desservis. Ce qui nous rassure, c'est que Gaz de France soit toujours la propriété de l'État. Mais qu'en sera-t-il demain ? Une solidarité territoriale doit donc se manifester.
C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement n° 465, ainsi que les amendements suivants.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 161 et 664.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 36 :
Nombre de votants | 232 |
Nombre de suffrages exprimés | 232 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 117 |
Pour l'adoption | 31 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, à la suite d'une fausse manoeuvre, nous n'avons pas voté ! Peut-être aurait-on pu nous prévenir, car il était évident que nous souhaitions voter en faveur de notre amendement n° 161 !
M. le président. Monsieur le sénateur, j'ai demandé si plus personne ne demandait à voter. Dès lors que plus personne ne souhaitait prendre part au scrutin, j'en ai naturellement prononcé la clôture. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Annie David. C'eut été l'UMP...
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 471 et 721.
M. Yves Coquelle. Tout comme les amendements précédents, les amendements nos 471 et 721 tendent à supprimer une partie de l'article 10, en l'occurrence le paragraphe II.
Toutefois, je profite de l'occasion qui m'est ici offerte pour revenir sur ce qui constitue de notre point de vue un véritable drame et une hypothèque sur notre avenir national.
Aucun des arguments avancés par la majorité ne nous paraît recevable pour justifier la privatisation de GDF.
Monsieur le ministre, le premier argument que vous avancez est la baisse des prix. Or, au regard du contexte actuel sur le marché énergétique, nous sommes assurés que les prix augmenteraient nécessairement en cas de privatisation de GDF. En effet, dès lors que la gestion de l'entreprise sera uniquement guidée par la volonté d'augmenter les profits, je ne vois pas très bien comment les prix pourraient baisser.
Face à ce fragile argument de votre part, les questions et les inquiétudes sont en revanche particulièrement nombreuses.
Que restera-t-il de l'indépendance énergétique de la France dans de telles conditions ? En mettant ainsi en péril l'indépendance énergétique de la France, et ce dans un contexte international de tensions et d'incertitudes, la majorité prend une immense responsabilité.
De quelles garanties disposons-nous face à une éventuelle OPA sur Suez ? Qu'est-ce qui met cette dernière entreprise à l'abri du démantèlement ? Sur tous ces sujets, il y a beaucoup de manipulations, d'idéologie et de mensonge !
Vous présentez cette privatisation comme la seule solution envisageable pour GDF. Mais ce n'est pas vrai !
Juridiquement, rien n'interdit un rapprochement entre EDF et GDF, et vous le savez fort bien. En effet, les deux entreprises ne produisent pas le même type d'énergie. Vous vous abritez derrière l'Europe, mais la construction d'un pôle public de l'énergie n'exigerait pas plus de compromis auprès des institutions communautaires que ceux que vous êtes actuellement en train de négocier.
En matière énergétique, la France dispose de grands atouts. Mais, au lieu de les valoriser par une politique française ou européenne volontariste, vous les bradez au secteur privé en les cédant pièce par pièce. C'est exactement l'inverse de ce que nous apprennent les expériences de nos voisins.
Face à un tel danger pour notre avenir, je vous demande une nouvelle fois, mes chers collègues, de revenir sur cette disposition, en supprimant le paragraphe II de l'article 10.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Roland Courteau. Monsieur le président, je voudrais signaler que, lors du scrutin public sur les amendements identiques nos 161 et 664, nous avons cru que l'un de nos collègues avait effectué l'opération de vote. Or, à la suite d'une fausse manoeuvre, tel n'a pas été le cas.
Au nom de mon groupe, je demande donc au service de la séance de bien vouloir considérer que, sur ces amendements, dont l'un émanait de notre groupe, notre vote était bien sûr positif.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 471 et 721.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 472.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 37 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 128 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 749 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 162 et 665.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 163 et 666.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 165 et 668.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 164 et 667.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 475 et 563.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article 10.
Mme Bariza Khiari. Dans leurs interventions sur l'article, mes collègues ont dit tout le mal qu'ils pensaient de la méthode utilisée pour faire aboutir ce projet. En cet instant, je voudrais redire pourquoi la privatisation de GDF est parfaitement inacceptable sur le fond.
Ce projet est mauvais et funeste : mauvais pour les Français, en termes de service public et de tarifs ; funeste pour la France, car il remet en cause la capacité de notre pays à défendre sa place sur le marché énergétique et à assurer sa sécurité d'approvisionnement.
Au niveau industriel, ce projet va à l'opposé de ce dont la France a aujourd'hui besoin. Un peu partout dans le monde, les États et les gouvernements ont la volonté de reprendre en main le secteur de l'énergie. Ce secteur est en effet stratégique et vital pour l'économie, et la puissance publique est le mieux à même de sécuriser les approvisionnements et de garantir des tarifs raisonnables.
De plus, les contrats d'approvisionnement sont plus que jamais le fruit de négociations entre États dans lesquelles le secteur privé ne joue qu'un rôle très réduit. Dans ces conditions, pourquoi la France serait-elle le seul pays à brader un outil énergétique puissant en le transférant au secteur privé ? Cela n'a aucun sens !
Nous constatons que trois logiques s'affrontent dans cet hémicycle.
La première est celle de M. Longuet, que caractérise une réelle honnêteté intellectuelle et qui montre qu'une dilution du capital de GDF est inévitable avec une participation de l'État qui serait réduite à 33 %, ce qui amène notre collègue à ne pas fixer de niveau à cette participation.
La deuxième correspond à la proposition défendue par M. Mercier ; elle est tout aussi honnête intellectuellement et place le curseur de la participation de l'État à 51 %. Elle vise à donner à GDF les moyens de forger les alliances nécessaires pour poursuivre son développement et lui permettre de devenir un acteur gazier incontournable à l'échelle européenne et internationale.
La troisième logique répond à notre conviction, qui nous conduit à maintenir le niveau de participation de l'État à 70 %, parce que nous pensons que la France a besoin d'un véritable projet industriel en matière d'énergie, projet qui doit passer par la création d'un grand pôle public de l'énergie.
Finalement, votre projet de loi, monsieur le ministre, ne donne satisfaction à personne, puisque vous maintenez un niveau de participation au tiers du capital, avec toutes les incertitudes qui s'ensuivent.
Pourtant, la France dispose de puissants atouts en matière énergétique : elle a EDF, premier électricien du monde, le CEA, AREVA, une grande compagnie pétrolière privée, Total, et Gaz de France. Bref, nous avons les outils industriels adaptés pour mener une grande politique française et européenne de l'énergie. Par pur dogmatisme et pour servir des intérêts à court terme, vous préférez affaiblir cet ensemble en privatisant Gaz de France, en réduisant nos performances et notre indépendance énergétique. Quoi que vous en pensiez, c'est la France que vous affaiblissez !
Nous ne pouvons que nous opposer fermement à cette politique en rejetant cet article 10.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Cet article est l'article du reniement de l'engagement pris par M. Sarkozy de ne pas privatiser GDF.
C'est l'article de la remise en cause de l'un des fondements de notre service public de l'énergie et de la loi du 8 avril 1946.
C'est l'article de la faute majeure, puisque l'État renonce, par cette privatisation, à la maîtrise de la politique énergétique de la France.
C'est l'article de la perte de pouvoir de l'État dans un domaine aussi essentiel, pour le présent et l'avenir, que celui de l'énergie.
C'est l'article de la dénationalisation, mais aussi de l'illusion, puisque ni la golden share, ni la minorité de blocage, ni même la présence d'un commissaire du Gouvernement ne rétablissent l'État dans sa capacité d'agir et ne préservent l'entreprise d'une OPA. Nous persistons à le dire, dans un domaine comme celui de l'énergie, seul un État majoritaire dans le capital de l'entreprise peut garantir sa capacité d'action !
Monsieur le ministre, vous vous inscrivez en rupture avec soixante ans d'histoire et avec l'avenir, car il faudrait que dans le domaine de l'énergie, bien de première nécessité, l'État puisse peser au maximum. C'est aussi le rapport entre notre pays et l'Europe qui est en train de se jouer ; le vote sur l'article 10 en sera d'autant plus important.
Voilà quelques-unes des raisons qui conduisent le groupe socialiste et les Verts à voter contre l'article 10.
M. Jean-Marc Pastor. Notre « non » sera inscrit dans l'Histoire !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. L'article 10 réduit la part de l'État dans le capital de Gaz de France et autorise la privatisation de l'entreprise.
Nous pensons que cette politique est irresponsable car l'asservissement des secteurs de l'électricité et du gaz au libre-échange, et donc à la rentabilité à court terme, place de fait les pouvoirs publics dans l'incapacité de répondre aux enjeux énergétiques.
En effet, comment penser que les entreprises privées et la loi du marché peuvent prendre en compte ces impératifs, puisque leur principal objectif est l'augmentation des marges pour les actionnaires ? Ce qui prime pour les actionnaires, ce sont les dividendes : ils veulent du cash ! Quand ils investissent dans une entreprise, ils veulent que cela leur rapporte à la fin de l'année, sinon ils reprennent leurs fonds pour les placer ailleurs !
Quand des millions d'euros menacent d'être retirés par un fonds d'investissement, un fonds de pension ou une banque importante, il est clair que la direction de l'entreprise est à l'écoute, non pas des intérêts du pays où elle est installée, mais des exigences de l'actionnaire !
Par le biais de nos amendements, nous souhaitions renforcer la maîtrise publique et sociale de GDF.
Il est courant d'entendre, tant dans des bouches savantes que dans des conversations informelles, que le débat autour du régime de propriété des biens est dépassé. Dans notre hémicycle, cette idée est particulièrement en vogue depuis plusieurs jours.
Savoir qui possède les entreprises et les capitaux répondrait à une préoccupation de nos ancêtres des xixe et xxe siècles - on nous a même traités de « ringards » - mais, en ce siècle nouveau, nous nous serions rendus à l'évidence du marché, nous concentrant maintenant sur les « vraies » questions, celles de l'organisation et de l'adaptation à ce marché !
Nous nous serions adaptés à la réalité et aurions cessé de nous perdre dans des utopies irréalisables. Ainsi, les problématiques de fond du débat politique actuel auraient trait à la transparence et à l'édifice de règles élaborées pour réglementer, voire réguler les différents marchés. L'ouverture du capital des entreprises publiques ne serait plus une question taboue.
Cette conception n'est pas la nôtre. Nous affirmons, au contraire, que le régime de la propriété est toujours une question de fond - nous en rediscuterons dans les mois ou les années à venir -, d'autant que le marché capitaliste tend à s'attaquer aux secteurs les plus vitaux et les plus rentables de notre économie : l'énergie, mais aussi la santé, comme en témoigne l'offensive des compagnies d'assurance contre le « monopole » de la sécurité sociale, ou encore l'éducation.
La propriété reste un pouvoir sur les choses et sur les autres êtres humains. Être détenteur, c'est aussi être décideur et, plus on possède, plus on pèse dans les décisions.
La transformation de Gaz de France en entreprise privée implique qu'une poignée d'actionnaires et de dirigeants d'entreprises négocieront désormais les prix du kilowattheure ou du mètre cube de gaz, prendront les décisions d'investissement, orienteront la politique de recherche et de sécurité dans le secteur crucial qu'est le gaz. Ils seront responsables de la qualité du service rendu aux usagers. Or nous ne croyons pas à l'altruisme des actionnaires, de M. Albert Frère, à leur souci de défendre l'intérêt général.
Au contraire, le désengagement de l'État dans ce domaine, c'est la perte de la maîtrise publique des prix, le recul des investissements de sécurité et de la recherche. La question du régime de propriété n'a donc pas perdu son importance.
Les forces libérales l'ont d'ailleurs bien compris, puisqu'elles continuent de faire la chasse aux entreprises publiques et à la propriété publique. En défendant une maîtrise publique de l'énergie, nous posons la question suivante : qui doit décider de l'avenir du secteur énergétique en France et gérer les outils que sont EDF et GDF ?
Bien entendu, nous voterons contre l'article 10. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Comme je l'ai déjà indiqué, nous considérons que cet article est inconstitutionnel au regard de l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946.
En tout état de cause, nous saisirons le Conseil constitutionnel, en nous fondant notamment sur sa décision concernant la loi de 2004.
Par conséquent, je ne surprendrai personne en annonçant que nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Henri Revol, pour explication de vote.
M. Henri Revol. L'examen de cet article a été riche d'échanges. C'est donc en connaissance de cause, après ce long débat où tous les arguments ont été présentés dans la sérénité, que nous nous apprêtons à voter.
L'adoption de ces dispositions permettra à notre grande société nationale de devenir vraiment européenne et de jouer un rôle primordial au sein d'un grand marché libéralisé. (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Ah oui !
M. Henri Revol. GDF pourra se renforcer et s'ouvrir, grâce à son alliance avec Suez, de vastes perspectives de développement.
Vous savez bien, mes chers collègues, que l'État continuera à être le principal actionnaire- et de loin ! - et à garder ainsi une capacité de contrôle que nous avons largement évoquée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon !
M. Roland Courteau. Ce n'est pas possible !
M. Henri Revol. Le groupe de l'UMP votera bien entendu cet article. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Piras. On n'y croit pas !
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 38 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l'adoption | 173 |
Contre | 145 |
Le Sénat a adopté.
M. Roland Courteau. C'est tout juste !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas brillant !
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 37, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
4
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil concernant l'importation de certains produits sidérurgiques originaires d'Ukraine.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3281 et distribué.
5
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Serge Vinçon un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le rôle de la dissuasion nucléaire française aujourd'hui.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 36 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Nachbar un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles par la mission d'information chargée d'étudier l'entretien et la sauvegarde du patrimoine architectural.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 3 et distribué.
6
DÉPÔT D'avis
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Alain Dufaut un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur :
- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié (n° 15, 2006-2007),
- et la proposition de loi modifiant l'article 11 de la loi n° 84 610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives présentée par M. Michel Mercier (n° 417, 2003-2004).
L'avis sera imprimé sous le n° 34 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Serge Dassault un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié (n° 15, 2006-2007).
L'avis sera imprimé sous le n° 35 et distribué.
7
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 25 octobre 2006 :
À dix heures :
1. Dix-huit questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
À quinze heures et le soir :
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 3, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie ;
Rapport (n° 6, 2006-2007) de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission des affaires économiques ;
Avis (n° 7, 2006-2007) présenté par M. Philippe Marini au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer (n° 359, 2005-2006) ;
Projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer (n° 360, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : vendredi 27 octobre 2006, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié (n° 15, 2006-2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 31 octobre 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 31 octobre 2006, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 25 octobre 2006, à zéro heure trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD