sommaire
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
conditions de versement de l'allocation civis
Question de M. Charles Gautier. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Charles Gautier.
crise de l'emploi et projet de restructuration des papeteries schweitzer-mauduit
Question de M. Louis Le Pensec. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Louis Le Pensec.
amplitude de la journée de travail des conducteurs spécialisés second niveau
Question de M. Yves Détraigne. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Jean Boyer, en remplacement de M. Yves Détraigne.
mise en oeuvre des messages sanitaires
Question de Mme Catherine Procaccia. - M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Mme Catherine Procaccia.
convention fiscale franco-ivoirienne : domicile fiscal
Question de M. Christian Cointat. - Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable ; M. Christian Cointat.
Question de M. François Gerbaud. - Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable ; M. François Gerbaud.
apprentissage de la lecture et la méthode globale
Question de M. Claude Domeizel. - Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable ; M. Claude Domeizel.
avenir des associations sociojudiciaires
Question de M. Jean-Pierre Michel. - Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable ; M. Jean-Pierre Michel.
situation des contrats de projets état-région
Question de M. Gérard Bailly. - MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Gérard Bailly.
application de la législation relative aux chambres mortuaires
Question de M. Francis Grignon. - MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Francis Grignon.
contrats de projets 2007-2013 : enveloppe dévolue à la région lorraine
Question de M. Daniel Reiner. - MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Daniel Reiner.
dégradation du service public des transports ferroviaires
Question de M. Gérard Roujas. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Gérard Roujas.
aide financière à l'insonorisation des logements compris dans le plan de gêne sonore de paris-orly
Question de M. Christian Cambon. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Christian Cambon.
Question de M. Jean-Marc Todeschini. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Jean-Marc Todeschini.
législation sur la publicité, les enseignes et pré-enseignes
Question de M. Alain Fouché. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Alain Fouché.
dialogue interreligieux organisé au niveau européen
Question de M. Gérard Delfau. - Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes ; M. Gérard Delfau.
services fournis aux français de l'étranger par les consulats de France
Question de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Mmes Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes ; Monique Cerisier-ben Guiga.
projet d'aménagement de l'école militaire à paris
Question de M. Yves Pozzo di Borgo. - Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes ; M. Yves Pozzo di Borgo.
Suspension et reprise de la séance
présidence de Mme Michèle André
3. Modification de l'ordre du jour
4. Candidature à un organisme extraparlementaire
5. Secteur de l'énergie. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Articles additionnels après l'article 10 (précédemment réservés)
Amendement no 479 de M. Yves Coquelle. - Mme Michelle Demessine, MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; François Loos, ministre délégué à l'industrie. - Rejet.
Amendement no 477 de M. Yves Coquelle. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Roland Courteau. - Rejet.
6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Moldavie
7. Secteur de l'énergie. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
Article additionnel avant l'article 11 (précédemment réservé)
Amendements identiques nos 166 de M. Roland Courteau et 669 de M. Jean Desessard. - MM. Roland Courteau, Jean Desessard, Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; François Loos, ministre délégué à l'industrie. - Rejet des deux amendements.
Article 11 (précédemment réservé)
MM. Yves Coquelle, Michel Billout, Mme Bariza Khiari.
Amendements identiques nos 167 de M. Roland Courteau, 478 de M. Yves Coquelle et 670 de M. Jean Desessard ; amendements nos 480, 481, 483 de M. Yves Coquelle ; amendements identiques nos 169 rectifié de M. Roland Courteau et 672 de M. Jean Desessard ; amendement no 485 de M. Yves Coquelle ; amendements identiques nos 168 de M. Roland Courteau et 671 de M. Jean Desessard ; amendements nos 484 rectifié, 482, 486 et 487 de M. Yves Coquelle. - M. Roland Courteau, Mme Michelle Demessine, MM. Jean Desessard, Yves Coquelle, Mme Annie David, MM. Michel Billout, Daniel Raoul, Daniel Reiner, Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des amendements nos 167, 478, 670, 480, 481, 483, 169 rectifié, 672, 485, 484 rectifié, 482, 486, 487 et, par scrutin public, des amendements nos 168 et 671.
Adoption de l'article.
Article 12 (précédemment réservé)
Mmes Michelle Demessine, Évelyne Didier,
Amendements identiques nos 488 de M. Yves Coquelle, 567 de M. Roland Courteau ; amendement no 489 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, Roland Courteau, Michel Billout, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendement no 449 (précédemment réservé) de M. Yves Coquelle. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
MM. Jean-Marc Pastor, Xavier Pintat, Roland Courteau, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Daniel Reiner, Yves Coquelle, Aymeri de Montesquiou, Nicolas Alfonsi, Pierre Laffitte, Jean Desessard, Paul Raoult, Philippe Nogrix, François Fortassin.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques ; le ministre délégué.
8. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
Mme la présidente.
Suspension et reprise de la séance
9. Modification de l'ordre du jour
10. Dépôt de propositions de loi
11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
13. Dépôt de rapports d'information
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Questions orales
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
conditions de versement de l'allocation civis
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, auteur de la question n° 1118, adressée à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. Charles Gautier. Monsieur le ministre, la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui a créé le contrat insertion dans la vie sociale, le CIVIS, a joint à ce contrat une allocation d'un montant maximum de 900 euros par an.
Fin juin dernier, la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a informé la mission locale de Nantes Métropole que son enveloppe, limitée à 471 733 euros pour 2006, était consommée à près de 65 % et qu'en conséquence les versements devaient être fortement réduits jusqu'à la fin de l'année.
Cette situation, commune à toutes les missions locales de la région, s'est retrouvée dans plusieurs régions, en particulier dans le Nord-Pas-de-Calais, où les élus ont alerté la presse.
Face à cette réaction, une redistribution nationale de l'enveloppe disponible a été effectuée et les missions locales se sont vu attribuer un complément de 94 000 euros. Ce montant permettra de terminer l'année 2006, mais en réduisant de moitié le montant des versements effectués au premier semestre.
Malgré cette légère amélioration, une telle situation reste inacceptable, car non conforme aux engagements signés par l'État dans la convention CIVIS.
La convention prévoit, en son article 3, que l'allocation est constituée d'une enveloppe de 900 euros par contrat CIVIS d'une durée d'un an et, en son article 5, que l'État veillera à ce que le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles - CNASEA - s'engage à procéder à l'ouverture d'une provision de 900 euros par jeune dès l'enregistrement des coordonnées des jeunes ayant conclu un contrat CIVIS.
Or, depuis le 1er janvier 2006, la mission locale de Nantes a signé près de 1 300 nouveaux contrats CIVIS. En application de la convention, c'est donc une somme de plus de 1 million d'euros qui devrait être disponible. On est bien loin des 565 000 euros annoncés comme définitifs pour 2006 !
En incitant les missions locales à utiliser les crédits du fonds d'aide aux jeunes, le FAJ ou, en Loire-Atlantique, ceux du contrat de soutien à l'autonomie des jeunes, le CSAJ, l'État fait supporter au conseil général et aux collectivités locales la charge de la non-application de la convention.
Je vous interroge donc, monsieur le ministre, sur vos intentions de faire appliquer par l'État des règles qu'il a lui-même fixées. Cette situation contribue à rendre plus difficile le travail des missions locales et, surtout, précarise encore plus la situation de jeunes déjà en difficulté.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, le contrat d'insertion dans la vie sociale met en oeuvre le droit à l'accompagnement des jeunes en difficulté et confrontés à un risque d'exclusion professionnelle. Il ouvre la possibilité d'un soutien financier de l'État de 900 euros par an.
Il ne s'agit ni d'un droit ni d'une prestation d'assistance, l'objectif étant de ne surtout pas créer un « RMI jeune », qui reviendrait à proposer, comme seule perspective à une partie de notre jeunesse, la stagnation au seuil de la vie active, ce qui serait intolérable.
Le versement systématique de cette aide à tous les jeunes bénéficiaires d'un CIVIS constituerait donc une interprétation qui dénaturerait cette mesure, réservée aux jeunes les plus démunis.
La délivrance de cette allocation ne peut pas revêtir un caractère systématique. Il appartient au référent de la mission locale d'en apprécier l'opportunité et le montant.
Le premier alinéa de l'article L. 322-17-4 du code du travail est explicite sur ce point : « Les titulaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale [...] peuvent » - et non pas ?doivent? - « bénéficier d'un soutien de l'État sous la forme d'une allocation versée pendant les périodes durant lesquelles les intéressés ne perçoivent ni une rémunération au titre d'un emploi ou d'un stage, ni une autre allocation ».
Sur ce dernier point, il faut savoir que les jeunes en CIVIS peuvent bénéficier de périodes d'emploi ou de formation rémunérée au cours de leurs parcours d'insertion professionnelle. Ainsi, parmi les 241 000 jeunes titulaires d'un CIVIS au 31 août dernier, 60 000 - c'est-à-dire un quart - ont occupé un emploi au cours du mois d'août 2006.
Cependant, la situation de l'emploi des jeunes dans certaines régions appelle, à l'évidence, un effort particulier.
Aussi, un redéploiement de l'enveloppe globale de 60 millions d'euros consacrée à cette mesure en 2006 a été opéré courant août. La dotation des Pays de la Loire a été augmentée de 21,3 %, passant de 2,4 millions d'euros à 3 millions d'euros, cette région étant la seconde bénéficiaire de cet effort après le Nord-Pas-de-Calais.
Il faut ajouter que la mise en oeuvre, d'une part, du parcours d'accès à la vie active, lancé en juin dernier, et dont 3 000 jeunes bénéficient déjà, d'autre part, des actions préparatoires au recrutement annoncées à Troyes par le Premier ministre, le 31 août dernier, permettront de multiplier très rapidement les solutions donnant lieu à un revenu pour les jeunes en CIVIS, d'où un besoin moindre en crédits d'allocations
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le ministre, je ne peux me satisfaire de votre réponse.
Nous sommes dans le cadre de conventions, de contrats, impliquant un engagement de leurs signataires. Ce n'est pas a posteriori que l'on peut déterminer si le soutien de l'État est une possibilité ou une obligation.
C'est bien au moment de la rédaction du contrat que le jeune qui s'apprête à s'engager dans ce processus doit savoir à quoi il peut prétendre.
Monsieur le ministre, si le premier acte de citoyenneté accompli par des jeunes déjà en difficulté se traduit par un contrat avec l'État, bafoué dans les mois suivant sa signature, leur insertion dans la vie sociale démarrera dans de très mauvaises conditions !
crise de l'emploi et projet de restructuration des papeteries Schweitzer-Mauduit
M. le président. La parole est à M. Louis Le Pensec, auteur de la question n° 1129, adressée à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. Louis Le Pensec. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation du bassin d'emploi de Quimperlé, dans le Finistère, qui est confronté à des perspectives de réductions drastiques d'emploi, principalement au sein de trois sociétés.
Tout d'abord, en novembre 2005, Nestlé Purina Petcare France a annoncé son intention de céder ou de fermer le site de production de Quimperlé. Deux cent seize emplois étant en jeu, les salariés ont élaboré, par le biais du comité central d'entreprise, un projet alternatif qui est toujours en cours de discussion avec la direction.
Le comité central d'entreprise doit consacrer une nouvelle réunion à ce dossier à mi-novembre. La direction France, que j'ai rencontrée la semaine dernière, évoque une décision dans quelques semaines.
Ensuite, le 19 septembre dernier, le groupe international Schweitzer-Mauduit a annoncé sa volonté d'engager un plan de restructuration des papeteries de Mauduit, à Quimperlé. La suppression de 210 postes sur 950 est envisagée, au travers de mesures d'âge, de départs volontaires ou de licenciements. Cette entreprise est un élément majeur du tissu économique quimpérois, depuis sa création en 1855.
Ces décisions font suite à la dégradation du marché du tabac en Europe de l'Ouest, à l'émergence d'une concurrence chinoise et à l'absence d'anticipation pour la modernisation du site.
Schweitzer-Mauduit a cependant marqué sa volonté d'ériger Quimperlé en pôle européen du papier à cigarettes, en annonçant un plan d'investissements de 18 millions d'euros pour la modernisation de l'outil de production.
Enfin, le 18 octobre dernier, Volaven, entreprise de transformation de dindes, située également dans le bassin d'emploi de Quimperlé et propriété du groupe coopératif agroalimentaire Cecab, a annoncé au comité d'entreprise qu'elle déposerait son bilan le jour même, le tribunal de commerce de Quimper l'ayant placée en redressement judiciaire. L'entreprise est à la recherche, elle aussi, d'un repreneur. Ces mesures, consécutives à l'épidémie d'influenza aviaire et au déficit de ce site de production, touchent 400 salariés, sans compter les éleveurs de volailles.
Monsieur le ministre, parmi les entreprises que je viens de citer, aucune n'entre dans ces turbulences pour les mêmes raisons : chacune est implantée sur un marché différent et confrontée à une situation économique particulière. Le dossier des deux premières est clairement lié à la mondialisation financière. C'est le tissu économique qui s'effiloche : la précarité s'installe.
J'ai réuni tous les élus du bassin d'emploi autour du préfet. Nous lui avons dit notre détermination à limiter les conséquences sociales de telles décisions.
L'État ne peut rester inerte dans ce domaine face à des stratégies industrielles très douloureuses pour les employés et devant des mutations entraînant des conséquences majeures pour les territoires.
Je souhaite connaître les mesures sociales qui seront mises en oeuvre dans de tels cas, notamment au sein de l'entreprise Schweitzer-Mauduit, dont le dossier est le plus avancé en matière de procédure.
Peut-on, et à quelles conditions, compter sur le soutien de l'État s'agissant des mesures d'âge, en particulier des préretraites, y compris pour les personnels âgés de moins de cinquante-sept ans ? Sera-t-il partie prenante du reclassement externe ? Garantira-t-il le bon fonctionnement de « l'antenne emploi » mise en place par l'employeur ? Interviendra-t-il, avec la région, sur le volet relatif à la formation professionnelle ?
En cas d'acceptation par un salarié d'un emploi, de six mois ou plus, comportant un salaire inférieur à celui qu'il percevait au sein de son entreprise d'origine, le Gouvernement acceptera-t-il la mise en oeuvre par l'État d'une convention d'allocation dégressive, demandée notamment par le groupe Schweitzer-Mauduit ?
Enfin, j'apprécierai de connaître la position du Gouvernement concernant la proposition faite par les élus relative à la mise en place d'un contrat de site liant les pouvoirs publics, les collectivités territoriales, les entreprises pour la réindustrialisation du bassin d'emploi. D'ores et déjà, le président de la région et le président du conseil général du Finistère ont donné une réponse de principe favorable.
Je vous remercie à l'avance, monsieur le ministre, des précisions que vous voudrez bien nous apporter.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, vous appelez l'attention du Gouvernement sur la situation du bassin d'emploi de Quimperlé qui est touché par des décisions de restructuration concernant trois grandes entreprises du bassin : Schweitzer-Mauduit, Nestlé Purina Petcare France et Volaven.
Le Gouvernement partage la préoccupation de l'ensemble des élus du bassin et leur détermination. Il n'a pas l'intention de rester inactif. La situation des trois entreprises est bien sûr très différente et n'appelle pas la même réaction de la part des pouvoirs publics.
Nestlé souhaite se désengager de son usine de Quimperlé. Cependant, la fermeture de ce site n'est pas à l'ordre du jour. Des négociations avec un repreneur solide sont en cours, et un état d'avancement sera présenté au comité central d'entreprise, dans les prochaines semaines.
Les collaborateurs de Gérard Larcher suivent avec beaucoup d'attention les décisions que le groupe Nestlé pourrait être amené à prendre pour son site de Quimperlé, et rencontrent régulièrement la direction de Nestlé France. Celle-ci s'est engagée à gérer la cession de cette usine de façon exemplaire à l'égard non seulement des 216 salariés, mais également du bassin d'emploi.
Vous avez ensuite évoqué, monsieur le sénateur, la société d'abattage et de transformation de dindes Volaven, qui a été placée en redressement judiciaire le 20 octobre dernier, en raison d'importantes pertes financières causées par la baisse de ses ventes, lors de la crise de la grippe aviaire.
Vous le savez, monsieur le sénateur, depuis janvier 2006, le Gouvernement s'est mobilisé pour venir au secours de la filière avicole frappée par la grippe aviaire et a consacré plus de 60 millions d'euros au titre de l'indemnisation. Volaven a bénéficié, et continuera de bénéficier, de ce soutien exceptionnel. L'État facilitera tout projet de reprise permettant de conforter la situation des salariés de cette entreprise.
Enfin, vous avez cité l'entreprise Schweitzer-Mauduit, leader mondial du papier à cigarette, qui vient d'engager un plan de sauvegarde de l'emploi sur le site de Quimperlé, prévoyant la suppression de 210 emplois sur les 950 emplois actuels.
Au-delà des difficultés que rencontre le secteur papetier tout entier, Schweitzer-Mauduit fait face à une surproduction européenne de papier à cigarette de l'ordre de 25 %, liée à la diminution, heureuse, de la consommation de tabac sur notre continent et à l'apparition d'une concurrence asiatique sur les marchés en développement des pays émergents.
Dans un tel contexte, il appartient à l'entreprise, qui prévoit d'ailleurs un investissement de 18 millions d'euros sur le site, de rester compétitive et d'assumer ses responsabilités en matière tant de revitalisation du bassin d'emploi que d'accompagnement social des salariés dont l'emploi est supprimé.
Compte tenu de la taille et de la situation financière de l'entreprise, ainsi que de la politique du Gouvernement visant à accroître le taux d'activité des personnes âgées de cinquante-cinq à soixante-quatre ans, il n'est pas possible d'accorder à l'entreprise un financement public de l'éventuel dispositif de préretraites qu'elle pourrait proposer à ses salariés, dans le cadre de son plan de sauvegarde de l'emploi.
Toutefois, en fonction des efforts consentis par l'entreprise en matière de revitalisation et de reclassement de ses salariés et des garanties apportées par cette dernière sur la pérennité de l'usine de Quimperlé, les collaborateurs de Gérard Larcher ont indiqué à la direction de Schweitzer-Mauduit, qu'ils ont rencontrée la semaine dernière, que cette position pourrait être reconsidérée.
La situation ne nécessite pas a priori l'élaboration d'un dispositif lourd tel que le contrat de site, qui est réservé à des sinistres industriels encore plus importants et survenant dans des territoires marqués par un taux de chômage très élevé.
Toutefois, afin d'anticiper l'impact sur le bassin d'emploi de Quimperlé des suppressions de postes annoncées de Schweitzer-Mauduit et des éventuelles suppressions de postes de Nestlé et Volaven, Gérard Larcher a demandé au préfet du Finistère de réaliser rapidement un diagnostic du bassin d'emploi, en vue de préparer un éventuel plan d'action de revitalisation territoriale avec tous les acteurs locaux ; vous y serez bien entendu étroitement associé, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Louis Le Pensec.
M. Louis Le Pensec. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez apportées et de la réactivité de l'État, au niveau central et, surtout, au niveau déconcentré, puisqu'une étroite concertation a été engagée avec le préfet du Finistère.
Il y aura du grain à moudre dans les semaines qui viennent, car les mesures envisagées par ces trois groupes n'ont pas encore abouti. Nous pourrions donc assister à la finalisation de leurs décisions, mais j'ai bien noté, monsieur le ministre, ce qui est attendu du groupe Schweizer-Mauduit et de la direction de Nestlé.
J'ai pris acte du fait que de l'effort des entreprises dépendra aussi la réponse de l'État, mais je regrette que, au stade actuel des négociations, le dispositif relatif aux préretraites ne soit pas envisagé.
Par ailleurs, je tiens à signaler le comportement exemplaire des organisations syndicales qui, en dépit de toutes ces annonces, n'ont, à ce jour, en rien perturbé le fonctionnement de ces entreprises. Elles restent vigilantes quant aux décisions qui seront prises et comptent sur la capacité de l'État à faire prévaloir, en de telles situations, l'intérêt général.
Enfin, j'ai noté, monsieur le ministre, votre volonté de préparer un plan d'action de revitalisation du site de Quimperlé, répondant en cela aux souhaits des élus ; je vous en remercie.
amplitude de la journée de travail des conducteurs spécialisés second niveau
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, en remplacement de M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 1102, adressée à M. le ministre de la fonction publique.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, je présenterai cette question au nom d'Yves Détraigne, sénateur de la Marne.
L'amplitude maximale de la journée de travail des conducteurs spécialisés second niveau est aujourd'hui au centre de nombreuses préoccupations.
Il apparaît que celle-ci est fixée à douze heures dans la fonction publique et à treize heures dans le droit privé. Ce décalage crée, reconnaissons-le, un problème pour les syndicats scolaires dont les chauffeurs doivent souvent débuter leur journée de travail avant sept heures pour la terminer après dix-neuf heures.
Certes, leur temps de travail effectif journalier est respecté, mais l'amplitude des journées de travail risque d'être dépassée dans de nombreux cas. Si les syndicats scolaires embauchent des chauffeurs sous régime de droit privé pour remédier à ce problème, ils risquent de se retrouver dans l'illégalité et, s'ils proposent à leurs chauffeurs issus de la fonction publique des contrats n'incluant qu'une seule tournée par jour, il leur faudra deux fois plus de chauffeurs.
Ces solutions sont complexes à mettre en oeuvre et lourdes pour les finances des collectivités locales, qui sont déjà, comme nous le savons, fortement mises à contribution. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, les mesures que vous entendez prendre pour remédier à ce problème, qui marque une inégalité de fait entre le salarié du secteur public et celui du secteur privé.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur de la Haute-Loire, la loi du 3 janvier 2001 dispose que la durée et l'organisation du temps de travail des agents territoriaux sont fixées par les collectivités territoriales dans les limites applicables aux agents de l'État, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités.
Une de ces limites est précisément posée par le décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'État.
Ce texte prévoit que l'organisation du travail doit respecter des garanties minimales et notamment que la journée de travail a une amplitude maximale fixée à douze heures, afin non seulement de préserver les droits des agents, mais aussi de garantir la qualité et la sécurité des services rendus aux usagers.
Il existe cependant des possibilités de déroger aux garanties minimales énoncées dans ce décret, lorsque l'objet même du service public en cause l'exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens. Cette dérogation doit être définie par décret en Conseil d'État, et elle est soumise à l'appréciation du juge administratif.
Le domaine considéré, celui du transport scolaire, fait peser sur les employeurs territoriaux une forte responsabilité à l'égard de la sécurité des usagers ; il faut y être attentif.
Afin d'aborder plus dans le détail la question qui a été soulevée, mon collègue Christian Jacob suggère que celle-ci soit inscrite à l'ordre du jour d'une prochaine réunion de la commission de simplification de l'activité des petites collectivités, commission que Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a installée récemment sous la présidence du préfet Michel Lafon. M. Yves Détraigne, au nom duquel vous vous êtes exprimé, monsieur Boyer, fait partie de cette commission.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, je vous remercie de la clarté de votre réponse. Nous connaissons vos compétences et les apprécions.
Ce problème entre le secteur public et le secteur privé est, j'en ai conscience, très complexe et se pose avec acuité notamment dans la Marne. Dans certains départements, en effet, les syndicats n'ont recours qu'aux chauffeurs sous régime de droit privé.
Je vous remercie également, monsieur le ministre, d'avoir prolongé votre propos en évoquant la volonté des partenaires impliqués dans cette question de faire progresser le dossier, et d'associer Yves Détraigne à cette réflexion.
mise en oeuvre des messages sanitaires
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1094, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je voudrais évoquer le « programme national nutrition-santé », après cinq années d'expérimentation, dont personne ne peut, me semble-t-il, nier la réussite.
Ce programme a instauré, avec succès, une nouvelle politique nutritionnelle. Ce n'était pas facile, car toucher à la nutrition, c'est toucher directement à notre identité, à la façon dont nous avons été élevés, à notre culture, aux gestes que nous ont transmis nos parents. Cette question était beaucoup plus personnelle qu'il n'y paraissait, et il fallait faire en sorte que le message de santé publique ne paraisse pas trop moralisateur.
C'est maintenant chose faite puisque ce programme a replacé la question de la nutrition au coeur de la société et de notre vie quotidienne. Ainsi, selon un sondage TNS SOFRES, 57 % des Français considèrent aujourd'hui que la lutte contre l'obésité est la première des priorités des industriels.
Pour ma part, je veux insister sur le fait que la lutte contre l'obésité ou contre l'augmentation des risques cardiovasculaires doit être le fruit d'efforts partagés entre les industriels et les consommateurs, car il n'y a pas, d'un côté, les méchants et, de l'autre, les gentils. Les individus sont les premiers concernés et ils doivent, eux aussi, faire des efforts.
Si ce premier programme national a rempli son objectif de sensibilisation, il faut maintenant mettre en place les outils nécessaires pour assurer une réelle information des consommateurs. Ce n'est que sous cette condition que la politique de prévention pourra avancer.
C'est pourquoi je souhaiterais aborder avec vous, monsieur le ministre, la question de l'application de l'article L. 2133-1 du code de la santé publique.
En vertu de cet article, « les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d'édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire. [...] La même obligation d'information s'impose à toute promotion, destinée au public, par voie d'imprimés et de publications périodiques édités par les producteurs ou distributeurs de ces produits. Les annonceurs et les promoteurs peuvent déroger à cette obligation sous réserve du versement d'une contribution dont le produit est affecté à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Cette contribution est destinée à financer la réalisation et la diffusion d'actions d'information et d'éducation nutritionnelles, notamment dans les médias concernés ainsi qu'au travers d'actions locales ».
Les modalités d'application de cet article devaient être déterminées par décret en Conseil d'État. Or, deux ans après l'adoption de cette loi, aucun décret n'est paru.
J'aimerais donc savoir quand paraîtra ce décret, monsieur le ministre, et quelles mesures vous comptez prendre pour éviter que les industriels ne choisissent de s'exonérer de leurs responsabilités en payant une contribution plutôt qu'en diffusant des messages sanitaires, car cette dérive constitue un vrai risque.
Je n'étais pas parlementaire, monsieur le ministre, lorsque a été votée la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, et j'ignore les raisons qui ont présidé à la mise en place de cette dérogation. J'observe cependant que, chaque fois qu'un tel mécanisme a été mis en oeuvre, c'est la solution de l'amende qui a été préférée à l'application de la réforme. Il n'est besoin que de citer, entre autres, l'obligation de recruter des travailleurs handicapés au sein des entreprises tout comme la parité en politique. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, je ferai observer à propos de l'emploi des handicapés que, si nombre d'entreprises versent en effet une contribution parce qu'elles n'atteignent pas la proportion de 6 % de personnes handicapées dans leur effectif, la loi de 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés qu'avait voulue le Premier ministre de l'époque, M. Jacques Chirac, a permis d'atteindre un taux, certes insuffisant et qui doit continuer d'augmenter, d'un peu plus de 4 %. La loi du 11 février 2005 renforce encore cet effort afin que les entreprises préfèrent effectivement l'emploi de personnes handicapées au versement d'une contribution.
Nous progressons donc, même s'il a fallu du temps, même s'il a fallu renforcer les dispositions de la loi de 1987 dans la loi de 2005, texte que vous avez voté puisque alors vous étiez déjà parlementaire ; et je vous remercie du soutien que vous avez apporté à l'élaboration de cette grande loi de la République.
En ce qui concerne la publicité alimentaire, tout autre sujet, la loi prévoit que les messages publicitaires « doivent contenir un message à caractère sanitaire » ; à défaut, les annonceurs versent une contribution financière de 1,5 % du prix de la publicité. Cet argent, versé à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES, est « destiné à financer la réalisation et la diffusion d'actions d'information et d'éducation nutritionnelles, notamment dans les médias concernés ainsi qu'au travers d'actions locales ».
Avec cette mesure, la France a enfin trouvé une troisième voie novatrice entre l'interdiction pure et simple de toute publicité alimentaire télévisée aux heures d'écoute des enfants, comme cela se pratique au Québec ou dans les pays scandinaves, et un laisser-faire susceptible de pervertir les comportements alimentaires des enfants. Cette innovation française pourrait faire école : l'OMS vient en effet de nous contacter à ce sujet pour pouvoir la diffuser dans d'autres pays.
Comme le prévoit la loi, les messages sanitaires deviendront bel et bien obligatoires sur les publicités alimentaires. Ils commenceront d'être diffusés le 1er février 2007 à la télévision, à la radio, dans la presse, sur les affiches publicitaires, mais aussi dans les brochures de la distribution, et reprendront les recommandations du programme national nutrition-santé, pour lutter contre ce phénomène de plus en plus inquiétant qu'est l'obésité.
Les industriels pourront effectivement, et c'est bien là le problème que vous soulevez, choisir d'apposer ces messages sur les produits ou préférer s'acquitter de la contribution déjà évoquée. Notre objectif est bien entendu qu'ils s'engagent en faveur de l'éducation nutritionnelle en optant pour la présence des messages sanitaires, mais la formule que nous avons retenue, en pénalisant l'absence de ces messages, est certainement la plus efficace que nous puissions mettre en place.
Dans la préparation des textes d'application de cette mesure, le Gouvernement a fait le choix de la concertation et a obtenu l'adhésion de l'immense majorité des acteurs concernés, de la société civile à l'industrie agroalimentaire ou au monde de la publicité.
Ces textes d'application ont été validés au début de l'été et transmis en août à la Commission européenne - c'est une exigence incontournable. Ils seront transmis au Conseil d'État dans les jours qui viennent, une fois reçus les derniers avis formels prévus par la loi. Ils pourront donc être publiés très rapidement.
Cette mesure d'éducation ne saurait être efficace si elle reste isolée. C'est pourquoi nous avons souhaité l'inscrire dans une politique d'ensemble de prévention nutritionnelle, comme vous le recommandez, madame : c'est le deuxième programme national nutrition-santé, que M. Xavier Bertrand a annoncé le 6 septembre dernier. Grâce à ce programme, l'INPES consacrera 10 millions d'euros par an aux campagnes de communication en direction de quatre cibles : enfants, personnes âgées, professionnels de santé, professionnels médico-sociaux. Ainsi se développera une information qui sera de nature à faire reculer le fléau de l'obésité dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je suis heureuse de savoir que le décret va bientôt sortir et que les dispositions en question s'appliqueront à partir du mois de février 2007, soit dans quelques mois. Comme vous, je souhaite que ce programme soit efficace, et je ne doute pas qu'il bénéficiera du financement nécessaire puisqu'une taxe est prévue à cet effet.
convention fiscale franco-ivoirienne : domicile fiscal
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, auteur de la question n° 1113, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Christian Cointat. Madame la ministre, nos compatriotes de Côte d'Ivoire ont subi de nombreuses d'épreuves, en particulier lors des troubles civils de 2003, qui se sont traduits par l'évacuation urgente de la majorité d'entre eux. Ils ont dû tout laisser. Leurs maisons ont été pour la plupart pillées, leurs entreprises aussi. Les écoles ont été saccagées. Ils ont connu l'angoisse de menaces insupportables, des menaces physiques, des menaces de mort. Ils ont subi un traumatisme dont beaucoup ont encore du mal à se remettre.
Le Gouvernement a su prendre alors les mesures urgentes de rapatriement et d'accueil en France qui s'imposaient. Le Comité d'entraide aux Français rapatriés et plusieurs associations caritatives, dont la Croix-Rouge, leur sont venus en aide à l'arrivée à Paris.
Leurs ennuis ne sont malheureusement pas terminés. Un certain nombre de chefs d'entreprise ou de salariés sont retournés en Côte d'Ivoire pour tenter de reconstruire leur entreprise ou leur vie professionnelle. Il est à ce sujet regrettable qu'aucun moratoire de leurs dettes professionnelles envers des organismes de crédit français n'ait alors été envisagé. Plusieurs d'entre eux avaient en effet contracté des emprunts auprès de banques françaises pour la création ou le développement de leurs entreprises en Côte d'Ivoire. Je demande au Gouvernement, madame la ministre, de bien vouloir se pencher sur cette question qui les touche encore aujourd'hui.
Compte tenu de l'évolution toujours incertaine des événements, les intéressés ont généralement préféré laisser en France leur famille, épouse et enfants. S'est alors posée la question de leurs impôts : où devaient-ils les acquitter ?
La France et la Côte d'Ivoire ont conclu le 6 avril 1966 une convention fiscale dont l'article 2 dispose qu'une personne physique est domiciliée au lieu où elle a son « foyer d'habitation permanent ». Cette expression désigne le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel ses relations personnelles sont les plus étroites ; en général, c'est l'endroit où se trouve la famille du contribuable, où il a ses liens affectifs. Si ce critère n'est pas suffisant, il est fait appel au critère du séjour le plus long.
Appliquées aux personnes qui ont dû revenir en raison des événements en Côte d'Ivoire et qui ont laissé en France leur famille, ces dispositions auraient pu aboutir à une domiciliation fiscale en France. Toutefois, eu égard aux circonstances exceptionnelles de leur présence, temporaire et indépendante de leur volonté, sur le territoire français alors même que le centre de leurs intérêts économiques, sociaux et affectifs restait en Côte d'Ivoire, le Gouvernement a admis, à ma demande, que leur séjour en France n'avait pas été suffisamment durable pour leur faire perdre pour la période en cause le statut de résidents fiscaux de Côte d'Ivoire. Il a été en conséquence demandé aux services fiscaux français d'apprécier leur situation de manière bienveillante en 2003.
Dans sa réponse à ma question écrite du 17 mars 2005, le Gouvernement a bien voulu admettre que les contribuables qui ont dû rapatrier leur famille en France en 2003 ou en 2004 en raison des événements survenus en Côte d'Ivoire ne perdaient pas, au titre de ces deux années, leur statut de résident fiscal de Côte d'Ivoire, et je le remercie très chaleureusement des efforts qu'il a faits en cette occasion, car il a su faire preuve de compréhension et d'humanité. Il a également aidé, par ces mesures, à la reconstitution de l'activité professionnelle et des biens de nos compatriotes revenus en Côte d'Ivoire.
Cependant, aujourd'hui, ces mêmes compatriotes se trouvent de nouveau dans une situation précaire. Des troubles sont toujours possibles en raison de l'instabilité du contexte politique. Les élections prévues par la communauté internationale ne pourront avoir lieu à la date fixée en raison de l'impossibilité pour les magistrats ivoiriens d'établir des listes électorales fiables. La communauté internationale vient donc de décider de reporter d'un an le règlement de cette crise ; il serait logique dans ces conditions de proroger d'autant les mesures de bienveillance qui ont été accordées pour les exercices précédents.
Aussi nos compatriotes demandent-ils une ultime prorogation - je dis bien : ultime, madame la ministre -, compte tenu des épreuves qu'ils ont subies et du fait que le centre de leurs intérêts économiques, en réalité, est en Côte d'Ivoire, les épouses des intéressés n'ayant généralement pas retrouvé de travail en France.
Il s'agit donc de tenir compte de la situation exceptionnelle de compatriotes qui continuent de subir les conséquences douloureuses des événements et qui peinent pour subsister alors qu'ils rendent service à la France en étant retournés sur place. Il s'agit aussi de l'intérêt des entreprises françaises en Côte d'Ivoire, qui rencontrent de nombreuses difficultés financières pour se reconstruire et reprendre leurs activités.
Je fais donc appel une nouvelle fois, madame la ministre, à la bienveillance du Gouvernement dans le traitement de ces situations difficiles.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, ainsi que vous l'avez rappelé, à la suite des événements survenus en Côte d'Ivoire depuis 2003, de nombreux Français qui y résidaient jusqu'alors ont rapatrié leurs familles en France. Certains d'entre eux continuent néanmoins d'exercer une activité professionnelle en Côte d'Ivoire.
Dans la mesure où les dispositions de l'article 2 de la convention fiscale franco-ivoirienne de 1966 pouvaient conduire à les domicilier en France, et eu égard aux circonstances exceptionnelles de leur présence temporaire sur le territoire français, il avait été effectivement admis que les intéressés ne perdraient pas, au titre des années 2003 et 2004, leur statut de résident fiscal en Côte d'Ivoire.
Les événements de novembre 2004 ont de nouveau conduit de nombreux compatriotes à quitter massivement et précipitamment la Côte d'Ivoire pour la France, si bien qu'un nombre important de Français exerçant une activité professionnelle en Côte d'Ivoire avant ces événements sont rentrés au cours de l'année 2005.
Il peut donc être admis que les contribuables ayant dû rapatrier leur famille en France en 2003, 2004 ou 2005 en raison des événements survenus en Côte d'Ivoire ne perdent pas, au titre de ces trois années, leur statut de résident fiscal de Côte d'Ivoire.
Bien entendu, pour les revenus de 2006, les intéressés ne conserveront ce statut que si leur foyer d'habitation permanent se trouve à nouveau situé en Côte d'Ivoire.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Je vous remercie très chaleureusement de vos propos, madame la ministre, car ils vont dans le sens souhaité par nos compatriotes : ceux-ci vous en seront très reconnaissants.
Václav Havel a eu cette jolie phrase : « L'espérance n'est pas au bout d'une prévision, elle est au coeur de la volonté. » Vous avez eu la volonté, madame la ministre ; nous avons l'espérance. (Marques d'admiration.)
M. le président. Un philosophe chrétien, Étienne Borne, disait : « La politique est partout, mais la politique n'est pas tout. » De telles réponses forcent l'unanimité.
fonds de promotion des énergies renouvelables financé par la taxe professionnelle générée par l'installation des éoliennes
M. le président. La parole est à M. François Gerbaud, auteur de la question n° 1119, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. François Gerbaud. Madame la ministre, l'avenir des ressources énergétiques nous impose d'explorer l'ensemble des possibilités existantes, en particulier l'éolien. Pour autant, une énergie renouvelable ne doit pas être parée par principe de toutes les vertus écologiques qui justifieraient son développement indistinct et débridé. La question des nuisances environnementales que peuvent engendrer les énergies renouvelables doit pouvoir être posée sans tabou.
Ainsi en est-il, à mon sens, des éoliennes, objet des sollicitudes du marché comme des tentations faciles des collectivités territoriales. La multiplication des « fermes éoliennes » dans notre espace rural, véritable agression visuelle, aboutit à la défiguration du patrimoine paysager et du cadre de vie de toute une population.
Le dispositif élaboré dans la loi d'orientation sur l'énergie ne suffira pas à enrayer la frénésie d'implantation de ces mâts géants de 150 mètres de hauteur dont les alignements balafrent le paysage et causent des nuisances sonores et lumineuses souvent dénoncées par les riverains, sans parler de la durée de vie relativement incertaine des installations ni des garanties insuffisantes quant à leur démantèlement et à son financement.
Nous assistons de ce fait à une sorte de dérive, l'ardent désir des communes et des établissements publics de coopération intercommunale d'accueillir des éoliennes sur leur territoire procédant moins d'un quelconque zèle écologique que de l'attrait financier lié à ces installations. Mais, dès lors que ce souci de rentabilité financière à court terme prend le pas sur la démarche de promotion des énergies nouvelles proprement dite, il constitue à mon sens un dévoiement qu'il est important de corriger.
Aussi, je lance ici l'idée d'instaurer un fonds départemental de soutien et d'assistance au développement des énergies renouvelables, alimenté pour l'essentiel par l'intégralité des recettes de taxe professionnelle issues de l'activité éolienne.
Ce fonds, géré par le conseil général, serait affecté à la promotion de toutes les énergies propres non fossiles, dans un souci réel et désintéressé de contribution à la diversification énergétique.
Un tel mécanisme couperait court, à mon sens, à des motivations financières sans rapport avec le souci du développement durable et introduirait une rationalisation d'autant plus justifiée que le bénéfice réel de l'éolien n'est pas toujours évident, c'est le moins que l'on peut dire.
Je suis pour ce qui me concerne très surpris que, au moment où le prix du kilowattheure est au coeur du débat, le Gouvernement ait cru devoir, contre l'avis de la Commission de contrôle de l'énergie, pérenniser pour une période de quinze ans l'obligation faite à EDF de racheter l'électricité d'origine éolienne à un tarif plusieurs fois supérieur à sa valeur réelle.
La promotion des différents types d'énergies propres doit s'effectuer de façon équilibrée, sans omettre des ressources qui, telles la biomasse ou l'énergie tirée de la filière bois, n'agressent pas le paysage et recèlent, elles aussi, de grandes potentialités, comme l'ont montré dans cette maison même les travaux de plusieurs de nos collègues.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question car l'éolien est au coeur de nombreux débats aujourd'hui.
Je vous rappellerai d'abord que la France s'est engagée, sur le plan européen, à atteindre 21 % d'électricité d'origine renouvelable d'ici à 2010. C'est un objectif que nous nous sommes assigné pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi pour diversifier notre bouquet énergétique et assurer notre indépendance.
Nous sommes encore, hélas ! bien loin de cet objectif avec aujourd'hui seulement 13 % de notre électricité d'origine renouvelable, essentiellement sous forme hydraulique ; et ce n'est pas à vous, monsieur le sénateur, qui êtes spécialiste dans ce domaine que je vais l'apprendre.
L'éolien est aujourd'hui, avec l'hydraulique, la forme d'électricité renouvelable électrique la moins chère, et donc celle que nous devons privilégier pour parvenir à notre objectif de 21 %.
La France avait pris, du fait des gouvernements précédents, du retard en matière d'éolien par rapport à ses voisins européens : avec plus de 900 mégawatts, nous sommes encore bien loin des 14 000 mégawatts de l'Allemagne ou des 7000 mégawatts de l'Espagne, mais nous sommes entrés dans une phase de rattrapage très rapide puisque le parc éolien a quintuplé depuis 2002.
Je suis, quant à moi, favorable à un développement volontaire mais aussi harmonieux de l'éolien en France et, surtout, à condition, bien sûr, d'assurer le respect de nos magnifiques paysages.
Je considère que l'éolien fait partie du bouquet énergétique global et qu'il faut le considérer à ce titre. Mais je suis évidemment soucieuse des autres externalités environnementales, notamment paysagères. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les associations de défense du patrimoine paysager que j'ai rencontrées et j'ai retenu plusieurs de leurs propositions.
La loi d'orientation sur l'énergie de 2005 a apporté, je crois, un progrès dans ce domaine : elle a mis en place un nouveau cadre réglementaire faisant disparaître le plafond de 12 mégawatts, qui entraînait, il est vrai, un mitage de l'éolien sur le territoire.
Elle stipule que les projets éoliens aidés devront être situés sur des zones de développement éolien, qui seront définies sur le plan local sur demande des communes après une large concertation avec toutes les communes avoisinantes.
Ce nouveau cadre réglementaire est positif. Il doit permettre une meilleure acceptation locale et un développement de l'éolien dans notre pays dans des conditions plus sereines. Je rappelle également que tous les projets sont soumis désormais à la commission des sites, ce qui n'était pas le cas au préalable.
J'ai donc signé avec mon collègue François Loos, au mois de juin dernier, une circulaire, qui a été adressée aux préfets, afin de définir les conditions d'acceptation des zones de développement éolien, en demandant aussi une étude paysagère.
Vous avez raison de dire, monsieur le sénateur, qu'il faut tenir compte de toutes les externalités environnementales et qu'il faut également favoriser toutes les formes d'énergies renouvelables, notamment celles qui sont utilisées pour les transports et pour la production de chaleur.
Les nouvelles mesures annoncées par le Premier ministre pour les biocarburants, le nouveau tarif de rachat de l'électricité solaire, mais aussi les 30 millions d'euros par an qui seront désormais consacrés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, au développement de la filière bois-énergie en France, permettent d'encourager ce développement du bouquet des énergies renouvelables dans notre pays. Ces énergies renouvelables sont indispensables à la lutte contre le changement climatique.
Le « Plan climat », dont une actualisation sera approuvée par le Gouvernement lors du prochain comité interministériel du développement durable, a pour objectif de développer de manière volontariste ces nouvelles formes d'énergie.
Je rappelle enfin qu'elles constituent pour notre pays une formidable opportunité en termes de créations d'emplois qualifiés et que nous avons là aussi intérêt à promouvoir les entreprises françaises qui se développent dans ce secteur.
M. le président. La parole est à M. François Gerbaud.
M. François Gerbaud. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions que vous m'avez apportées. Je suis convaincu qu'on ne pourra pas arrêter cette prolifération des éoliennes, et je le regrette infiniment.
Lorsque le débat est venu devant la commission des affaires économiques, j'avais dit un peu méchamment que les éoliennes étaient un aspirateur à illusion et après, à terme, un ventilateur à colère. Je maintiens ce point de vue.
Les préfets - et je vous remercie de leur avoir donné des instructions - doivent être très prudents, car on va assister incontestablement à un saccage des paysages, quelle que soit la précaution que vous prenez, et dont je vous remercie. Il ne faudrait pas que la tentation d'Éole conduise la France à un autre épisode de la France défigurée.
Apprentissage de la lecture et la méthode globale
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 1121, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Claude Domeizel. Madame la ministre, j'aurais souhaité que M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche réponde à ma question, mais j'accepterai volontiers la réponse que vous ferez en son nom, même s'il n'y a pas, en apparence, de lien entre ma question et vos fonctions. Toutefois, comme, selon M. de Robien, il va falloir bientôt jeter tous les livres de lecture et en acheter de nouveaux, j'y vois un lien très lointain.
Tout d'abord, je voudrais connaître la définition qui peut être donnée de la méthode d'apprentissage de la lecture dite « globale ».
Depuis quelques semaines s'est instauré un débat sur la pertinence de cette méthode. Sachant qu'il s'étale depuis le cours préparatoire - déchiffrage - jusqu'au cours moyen - lecture expressive - en passant par le cours élémentaire - lecture courante - l'apprentissage de la lecture ne doit-il pas aborder le plus tôt possible la globalité des mots, puis de la phrase, et ce quelle que soit la méthode ?
Toute lecture expressive nécessite une vision aisée et rapide du mot, de la phrase et du texte.
Ensuite, je souhaiterais savoir s'il existe des statistiques pour les vingt ou trente dernières années sur le nombre et le pourcentage d'enseignants et d'élèves qui ont exclusivement utilisé cette méthode et si des études ont été réalisées pour analyser les causes regrettables des échecs dans ce domaine.
Cependant, madame la ministre, depuis le dépôt de ma question, deux événements se sont produits : une association a lancé un appel à la délation, qui a même été publié dans certains journaux, incitant les parents à signaler au ministre le cas d'enfants apprenant à lire avec la méthode semi-globale ou globale.
Le ministre de l'éducation n'a pas réagi à cet appel à la délation, et c'est regrettable, car c'est contraire au climat de confiance qui doit exister entre les parents et les enseignants, surtout dans l'intérêt des enfants.
Enfin, une sanction disciplinaire a été prise contre un inspecteur de l'éducation nationale qui s'exprimait en tant que syndicaliste.
Avec ces directives autoritaires sur la méthode, je pense que M. le ministre confond les rôles. Son rôle est d'établir la programmation de l'enseignement, de donner des instructions, mais pas de déterminer la méthode.
Pour une classe de vingt élèves, il y a vingt méthodes différentes. Pour une classe de vingt-cinq élèves, il y en a vingt-cinq. Ni le ministre de la santé, ni le ministre de l'éducation nationale, ni vous-même, madame la ministre, ne pourrez tenir le bistouri de tous les chirurgiens ou le stylo de tous les écrivains et de tous les journalistes.
Par conséquent, ces deux événements conduisent à museler, d'une part, la recherche pédagogique avec ces directives autoritaires et, d'autre part, l'expression syndicale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, la méthode globale est fondée essentiellement sur une reconnaissance photographique de la forme des mots. Par cette méthode, on fait mémoriser des mots entiers, tandis que la méthode syllabique met l'accent sur le déchiffrage dès le début du cours préparatoire : par cette méthode, on fait mémoriser des lettres et des syllabes associées à des sons, puis on déchiffre les mots à partir de ces unités. Ainsi, l'élève est en mesure de faire méthodiquement le rapport entre la forme écrite d'une lettre et le son qu'elle donne.
Les progrès de la recherche sur les processus en jeu dans la lecture ont mis en évidence l'efficacité et les avantages de la méthode, qui favorise au tout début des apprentissages le travail systématique sur les sons et les lettres qui les transcrivent.
Ces principes ont été affirmés par la circulaire du 3 janvier 2006 « Apprendre à lire », puis par l'arrêté du 24 mars 2006, dont la disposition centrale est la suivante : « Au début du cours préparatoire, un entraînement systématique à la relation entre graphèmes et phonèmes doit être assuré... ».
En écartant résolument au début du CP une approche globale, qui sature la mémoire des élèves sans leur donner les moyens d'accéder de façon autonome à la lecture, les orientations ministérielles en matière d'apprentissage de la lecture sont maintenant très précises. Toutes les institutrices, tous les instituteurs et tous les professeurs des écoles de France sont invités à conduire, sans attendre, un enseignement structuré du déchiffrement.
Bien entendu, ces instructions ne négligent pas la dimension de la compréhension puisque l'objectif de la lecture est bien évidemment d'accéder au sens précis des mots, puis des phrases, enfin des textes.
Il ne faut donc pas inverser l'ordre des apprentissages : la mécanique automatique de la lecture vient par la suite, lorsqu'on a maîtrisé le déchiffrage systématique des mots.
Un suivi attentif de la mise en oeuvre de ces instructions est réalisé par les recteurs et les corps d'inspection qui sont en charge de la formation des maîtres.
Le ministre de l'éducation nationale est convaincu que cette application contribue et contribuera grandement à l'objectif qui nous est cher : la réussite de tous les élèves.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Madame la ministre, je regrette que vous n'ayez pas répondu à deux questions que j'avais posées.
Tout d'abord, je vous ai demandé s'il existait des statistiques sur le nombre d'enseignants qui ont utilisé la méthode globale et le nombre d'élèves qui ont appris à lire avec celle-ci.
Tout le monde sait qu'il n'y en a pas. Si je vous ai posé la question, c'est pour savoir si vous aviez des statistiques auxquelles nous n'avons pas accès.
Ensuite, je vous ai demandé si des études avaient été réalisées sur les causes des échecs.
Madame la ministre, je ne vais pas vous faire un cours de pédagogie, mais la vision globale est tout de même nécessaire. La première chose que font les enfants lorsqu'ils arrivent à l'école, c'est d'apprendre à reconnaître leur prénom de façon globale et à reconnaître celui de tous leurs petits camarades.
Par ailleurs, madame la ministre, je vous regardais lire tout à l'heure. Or, lorsqu'une personne lit, elle porte son regard sur les mots suivants. La vision globale est donc nécessaire.
Cela ne veut pas dire qu'il faut avoir une lecture globale automatique, la lecture syllabique est aussi indispensable, mais les deux méthodes se complètent. La méthode Boscher des années cinquante à laquelle on fait référence est l'exemple type du manuel de lecture syllabique, mais même cette méthode-là comporte des éléments de lecture globale.
Madame la ministre, pouvez-vous faire part de nos inquiétudes à M. le ministre de l'éducation nationale, en insistant sur le fait qu'il faut rétablir très vite la confiance entre les parents et les enseignants parce que le feu que l'on a allumé inutilement et sans aucune raison est vraiment regrettable ?
M. Charles Pasqua. La raison, c'est que des enfants ne savent ni lire ni écrire quand ils arrivent en sixième.
M. Claude Domeizel. C'est pourquoi je demande si des études ont été réalisées, monsieur Pasqua.
avenir des associations sociojudiciaires
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la question n° 1097, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Pierre Michel. Je souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'avenir des associations sociojudiciaires.
En effet, la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, pénalise fortement l'activité de ces associations en diminuant leurs moyens. Dès lors, la médiation pénale et le contrôle judiciaire ne demeurent plus les solutions alternatives privilégiées à la détention provisoire et aux poursuites. Les professionnels qualifiés voient ainsi leur rôle s'affaiblir au profit de collaborateurs non qualifiés.
Or les associations sociojudiciaires oeuvrent au rapprochement des citoyens et de la justice dans la mesure où elles favorisent l'égalité de traitement devant la loi ; elles permettent ainsi de prévenir la délinquance et la récidive.
Dans une société qui, nous le savons, est marquée par l'accroissement de la délinquance - quelles que soient les politiques mises en oeuvre pour la combattre -, ces structures jouent un rôle essentiel.
En conséquence, je souhaite savoir quelle place M. le garde des sceaux entend attribuer à ces associations dans la politique judiciaire et s'il envisage de répondre à leur demande en réunissant une conférence nationale afin de trouver une solution à cette situation préoccupante.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Michel, le Gouvernement est particulièrement attentif au devenir des associations qui mettent en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites telles que le contrôle judiciaire socioéducatif et la médiation pénale.
Ces associations sont des partenaires incontournables de l'institution judiciaire, tant il est évident que leur action permet de lutter contre la récidive en aidant à la réinsertion de publics particulièrement fragilisés.
Je tiens à rappeler que, si la LOLF a pour objectif une rationalisation des dépenses publiques, elle apporte surtout une meilleure visibilité de l'utilisation des deniers publics.
Contrairement à ce que vous indiquez, monsieur le sénateur, cette nouvelle organisation du budget de l'État n'a pas pour vocation de réduire les crédits, notamment ceux qui sont consacrés aux frais de justice et qui rétribuent les interventions des associations sociojudiciaires.
L'utilisation différenciée par les procureurs de l'éventail des mesures pénales offertes par la loi et de la personne à qui l'exécution de ces mesures est confiée, personne physique ou association, permet d'apporter rapidement une réponse à tous les actes de délinquance dont la justice est saisie, dans le respect des droits des victimes. C'est pourquoi le Gouvernement tient à préserver cette diversité qui est facteur de réussite d'une politique pénale ambitieuse.
Pour autant, afin de répondre aux difficultés auxquelles sont confrontées certaines associations, le garde des sceaux a engagé la concertation avec les fédérations concernées. Il s'agit d'aboutir à la définition des différentes mesures et à leur juste rétribution, et d'élaborer un schéma d'intervention afin de maintenir sur tout le territoire des associations qui offrent un service de qualité, assuré par des professionnels qualifiés.
Le Gouvernement réitère donc sa confiance aux associations de ce secteur et s'engage à ce qu'une évaluation soit réalisée à l'issue des travaux de réflexion et après une première année de mise en oeuvre de la LOLF.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Elle montre que M. le garde des sceaux est attentif aux associations sociojudiciaires et qu'il a engagé une concertation avec les fédérations.
La situation était difficile, comme nous avons pu le constater lors du colloque sur la justice qui s'est tenu au Sénat au printemps dernier. Ce colloque, dont la LOLF constituait le thème principal, s'est déroulé en présence du garde des sceaux et d'un certain nombre de magistrats. Les interrogations que j'ai évoquées dans ma question y ont été abordées et des procureurs de la République de tribunaux de province y ont fait état des difficultés auxquelles ils étaient confrontés.
Deux projets de loi - le projet de loi pour la prévention de la délinquance, examiné par la Sénat en première lecture, et le projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, présenté au dernier conseil des ministres - montrent que le Gouvernement souhaite, à juste titre d'ailleurs, insister sur la prévention de la délinquance. Les associations sociojudiciaires préviennent précisément la réitération des infractions et la récidive.
Le projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale traite de la limitation de la détention provisoire. Or, pour limiter la détention provisoire, il faut pouvoir fournir au juge des solutions alternatives, entre autres le contrôle judiciaire ou le bracelet électronique. Dans tous les cas, il faut bien que des associations, auprès des tribunaux, mettent en oeuvre les mesures qui ont été décidées et suivent les délinquants ou les présumés coupables.
Telles sont les raisons pour lesquelles cette question me paraissait importante.
situation des contrats de projets État-région
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question n° 1122, adressée à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.
M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés qui entourent la concertation, pourtant indispensable, en vue de préparer les discussions entre l'État et les conseils régionaux pour la mise en oeuvre des contrats de projets, les CPER, pour la période 2007 à 2013.
Les présidents de conseils régionaux déplorent, dans de multiples communiqués, la diminution importante des crédits, le désengagement de l'État, lequel privilégie ses politiques au détriment des politiques locales.
En Franche-Comté, cette situation provoque des batailles de chiffres avec le préfet de région, qui confirme, par écrit, une augmentation de crédits correspondant à la participation de l'État sur la période 2000 à 2006, relevant même une affectation supérieure de crédits alors que le président du conseil régional déplore, lui, une baisse de 22 % en euros courants par rapport au dernier CPER.
À cette baisse s'ajoute, comme prévu, la diminution des crédits européens au titre du Fonds européen de développement rural, le FEDER, et du Fonds social européen, le FSE, crédits qui passent de 283,5 à 187,4 millions d'euros, soit une baisse de 33 %. Les collectivités sont donc inquiètes quant aux possibilités de financement de leurs actions pour la période 2007 à 2013.
En qualité de président de conseil général, je suis avec une grande attention le déroulement des discussions sur ces contrats. Le problème que nous vivons en Franche-Comté est comparable à celui que connaissent un grand nombre de régions. Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que vous profitiez de la tribune qui vous est offerte pour éclairer les conseils régionaux sur la poursuite de ces échanges. Il est nécessaire que l'évolution des engagements de l'État par rapport au plan précédent soit confirmée pour l'ensemble du pays, plus particulièrement pour la Franche-Comté, incluant outre les contrats de projets État-région, certains contrats particuliers concernant les massifs, les routes ou l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, etc. Une mise au point s'avère également indispensable s'agissant des crédits européens, qui devraient être plus importants, notamment ceux qui relèvent du deuxième pilier de la politique agricole commune et d'INTERREG.
Au sein des régions, les départements souhaitent certes que leurs projets soient contractualisés et qu'ils puissent être pris en considération, mais ils veulent également savoir quels sont les types de projets susceptibles d'être retenus. Il est donc important de connaître le volume des enveloppes financières qui seront affectées aux différentes régions, car le montant de ces enveloppes donne lieu à une bataille de chiffres.
Monsieur le ministre, à l'heure où les délais deviennent très courts, puisque ces contrats doivent être signés avant la fin de l'année, une clarification s'impose d'urgence sur la procédure et l'état réel du volume des crédits affectés aux CPER, en particulier pour la Franche-Comté.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous remercie de ces questions qui me donnent l'occasion de clarifier la situation.
À propos de la brièveté des délais, je dirai d'abord que chacun savait dès le 1er janvier 2000, date de leur signature, que les contrats de plan s'achèveraient le 31 décembre 2006. Voilà donc sept ans que nous sommes censés préparer les prochains contrats !
Ensuite, même s'il reste peu de temps, la négociation a commencé au début de l'année 2006. Nous sommes donc supposés avoir déjà beaucoup progressé !
La démarche consistait à demander à chaque région et à chaque collectivité qui compte dans les régions - conseils généraux, intercommunalités importantes - de faire connaître aux préfets leurs projets prioritaires. C'est sur la base des projets qui sont remontés au ministère que nous avons donné un mandat de négociation aux préfets. Chaque collectivité est donc censée, depuis le début de l'année, avoir fait remonter au ministère ses projets prioritaires !
Il faut bien comprendre que nous sommes sortis d'une logique de Plan pour entrer dans une culture de projets.
Nous ne l'avons fait ni par dogmatisme ni par idéologie. Mais, la loi sur le plan étant caduque depuis 1986, depuis cette date, on a, en quelque sorte, continué d'élaborer des contrats de plan sans plan !
En février dernier, la Cour des comptes nous a fait observer que, si l'État était décidé à poursuivre une démarche contractuelle avec les collectivités après le 31 décembre 2006, il fallait sortir de la logique prévalant jusque-là, qui, d'ailleurs, tenait beaucoup de l'affichage et du saupoudrage, qui ne répondait à aucune stratégie infrarégionale, nationale ou internationale et qui, en outre, risquait de nous faire perdre le bénéfice des décisions prises à Lisbonne s'agissant des nouveaux fonds structurels européens.
Persévérer dans cette voie, c'était promouvoir une stratégie « perdant-perdant », puisque nous savons que, de 2007 à 2013, les fonds européens liés à l'aménagement du territoire ne nous seront accordés par Bruxelles que dans la mesure où nous inscrirons nos projets dans la stratégie de Lisbonne, qui préconise la compétitivité des territoires, le développement durable, la cohésion sociale et territoriale. Si nous n'avions pas suivi les exigences du calendrier élaboré à Lisbonne, nous aurions privé les territoires français d'un puissant effet de levier.
En fait, comparer les contrats de projets et les contrats de plan n'a aucun sens.
D'abord, les contrats de projets se fondent sur des projets clairement identifiés, inscrivent le développement de nos territoires dans une démarche infrarégionale, nationale, voire internationale et respectent la stratégie de Lisbonne alors que les contrats de plan n'ont rien à voir avec cette démarche. Les logiques qui président à ces deux formes de contrat sont très différentes.
Ensuite, avec la démarche de projets, nous débattons sur la base d'un mandat de négociation qui résulte de la remontée au ministère des projets élaborés par les élus locaux. Ces projets, plus sélectifs, visent à concentrer les moyens sur des opérations dont la réalisation interviendra sur la durée du contrat et qui auront un réel effet de levier sur le développement local.
Enfin, le volet routier, présent dans les contrats de plan, ne figure plus dans les contrats de projets. C'est d'autant plus important que ce volet représentait en moyenne 40 % du montant des contrats de plan.
Monsieur Bailly, en qualité de président de conseil général, vous savez qu'une grande partie des charges inhérentes à l'entretien du réseau routier a été transférée aux conseils généraux. À titre personnel, je considère qu'il s'agit d'une bonne décision. Les conseils généraux, plus proches du terrain, peuvent assurer une gestion des voiries plus efficace que ne peut le faire l'État, de Paris.
J'ajoute que l'État et l'Agence française pour les infrastructures terrestres et ferroviaires financeront intégralement les grands itinéraires qui restaient dans le patrimoine de l'État, sans demander le moindre centime d'euro aux collectivités.
Je considère que le montant total des enveloppes est réaliste par rapport aux projets qui ont été présentés. Il pourra toutefois être augmenté si des projets nouveaux sont proposés au cours des négociations par les partenaires.
Monsieur le sénateur, si, dans un premier temps, un mandat relatif au projet que les élus ont transmis a été donné au préfet et si, par la suite, les élus s'aperçoivent qu'ils ont oublié certains aspects et qu'ils souhaitent proposer d'autres projets, nous sommes prêts à prendre ces projets en compte et à aller plus loin que ce que contient le mandat de négociation du préfet !
Cet élément est important : il y aura discussion entre l'État et l'ensemble des collectivités ; la décision ne sera pas arrêtée fermement et définitivement.
Par ailleurs, c'est bien l'ensemble des collectivités qui est concerné, la Cour des comptes nous ayant fait remarquer que, si la région est un interlocuteur important, voire majeur, les conseils généraux, les communautés urbaines ou les communautés d'agglomération, pour lesquels j'ai beaucoup de respect, ont également un rôle à jouer. Pour un certain nombre de compétences qui peuvent ne pas intéresser la région, une collectivité locale peut signer directement un contrat avec l'État.
Il s'agit donc d'un dispositif souple. Avant, c'était le menu imposé ; maintenant, c'est à la carte !
Bien sûr, nous souhaitons que la région participe à tous ces projets, mais c'est à elle d'en décider. Nous laissons chaque exécutif local libre de pouvoir discuter de son projet, y compris si la région n'est pas intéressée.
À périmètre comparable, c'est-à-dire en excluant tout ce qui était dans le contrat de plan mais qui n'est plus dans le contrat de projet, l'effort consenti sera de 10,56 milliards d'euros sur sept ans, qu'il faut comparer aux 9,23 milliards d'euros réellement mis en place sur la période 2000-2006.
La Franche-Comté bénéficie d'une somme identique à celle qui était attribuée au titre du précédent contrat de plan. La dotation par habitant est de 161 euros, pour une moyenne nationale hors départements d'outre-mer fixée à 152 euros.
Chaque année, ce sont 1,5 milliard d'euros, au lieu de 1,3 milliard d'euros qui seront investis pour l'avenir. Il convient d'y ajouter 500 millions d'euros environ, provenant, notamment, de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Par ailleurs, le contrat de massif du Jura, lequel dépend plus directement de mon ministère, tout comme les contrats de massif des Alpes, du Massif central ou des Pyrénées, bénéficie d'une augmentation par rapport à la période précédente.
Pour ce qui concerne les fonds européens, le Gouvernement a obtenu de l'Union européenne une enveloppe atteignant, en euros constants, 14,3 milliards d'euros, au lieu de 16 milliards d'euros précédemment - c'est une somme très importante eu égard au nombre des nouveaux pays membres -, ainsi que la suppression du dispositif de zonage, ce qui permet plus de souplesse pour l'utilisation locale de ces fonds.
Les préfets et les élus locaux peuvent ainsi cibler au plus près les territoires qui ont véritablement besoin de ces fonds. En 2000, en effet, ceux qui étaient exclus du zonage ne pouvaient plus en bénéficier. Or pourquoi certains territoires, qui n'ont pas été identifiés aujourd'hui, ne pourraient-ils pas être concernés par un tel dispositif, au cours de la période 2007-2013, du fait d'une situation particulière nouvelle ?
Pour la Franche-Comté, la dotation par habitant, supérieure de 28 % à la moyenne nationale, est de 179 euros. S'y ajoute la masse des fonds de coopération du volet transfrontalier franco-suisse, qui passe de 21 millions d'euros sur la période 2000-2006 à 55 millions d'euros pour la période 2007-2013.
Ces dotations financières pourront être mises en place dès le début de l'année 2007, dans la mesure où les contrats de projets auront été signés.
Cette politique de projets, fondée sur la valorisation de la compétence et le volontarisme des territoires, permet de donner à ceux-ci les moyens d'être les véritables acteurs de leur développement.
C'est le sens de la démarche retenue pour la discussion du volet territorial, pour lequel la région est un partenaire privilégié mais pas unique. Les départements, les agglomérations, les pays, les parcs naturels régionaux pourront présenter leurs projets dans ce cadre.
En outre, les élus disposent d'une marge de manoeuvre plus grande, puisqu'ils pourront élaborer des contrats de projets jusqu'au 31 décembre 2007, ce qui ne signifie pas que nous ne pouvons pas signer tout de suite un contrat ! En effet, si certains volets territoriaux sont prêts, ils seront signés à la fin de cette année.
Nous préférons les élus volontaristes aux élus velléitaires ! Or, monsieur le sénateur, vous faites preuve, en tant que président du conseil général du Jura, d'un grand volontarisme. Les projets que vous aurez à proposer susciteront l'intérêt majeur du Gouvernement, ce qui permettra d'y apporter, avec le préfet de région, les réponses que vous méritez.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse, qui a permis d'opérer une distinction entre les contrats de plan et les contrats de projets, dont le principe a été adopté à la suite du sommet de Lisbonne. Je me chargerai de transmettre ces éléments de clarification qui devaient en effet être apportés.
S'agissant des chiffres annoncés, l'exécutif de la région Franche-Comté, lors de ses réunions, a souligné l'insuffisance des crédits accordés pour les contrats de projets. La discussion n'a pas permis d'avancer, alors que nous souhaitons présenter, comme vous venez de le rappeler, de vrais projets qui puissent être pris en considération. Cela dit, nous savons bien que les enveloppes financières de l'État ne sont pas indéfiniment extensibles !
Votre clarification sera donc très utile, non seulement pour mon département, mais aussi pour ma région, et même au-delà.
application de la législation relative aux chambres mortuaires
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 1143, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Francis Grignon. Monsieur le ministre, avant d'aborder ma question, je tiens à vous dire combien j'ai apprécié vos explications relatives aux contrats de projets, s'agissant à la fois de leurs objectifs et de leur mise en oeuvre. J'en profite pour vous dire que la réalisation des liaisons fluviales dans le grand Est, dont je suis un ardent défenseur, répond, au moins sur deux points, aux impératifs de la stratégie de Lisbonne.
J'en viens à ma question, qui est très simple, et pour laquelle une réponse positive de votre part n'entraînerait aucun effort financier supplémentaire.
Il s'agit des difficultés engendrées par la loi du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire et ses mesures d'application, c'est-à-dire le décret du 14 novembre 1997 et la circulaire du 14 janvier 1999.
Ces textes interdisent aux structures hospitalières d'accueillir dans leur chambre mortuaire des personnes décédées en dehors de leur établissement. Ce même problème doit exister dans bien d'autres régions.
Dans la ville-centre de mon canton - l'une comptant 10 000 habitants, l'autre 20 0000 - deux structures hospitalières disposent de chambres funéraires, lesquelles ne sont pas toujours occupées, loin s'en faut ! Or on interdit aux personnes décédées hors de ces structures d'en bénéficier. On oblige ainsi les familles à se rendre à Strasbourg, ce qui leur occasionne des frais importants, soit plus précisément 442 euros pour l'aller et le retour. La population ne comprend pas cette situation.
Monsieur le ministre, avez-vous la volonté d'apporter une réponse à ce problème, afin d'alléger les dépenses des familles dans des moments difficiles ? La solution passe-t-elle par des mesures législatives ou réglementaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Tout d'abord, monsieur le sénateur, puisque vous me donnez l'opportunité de revenir sur ce sujet, je dirai que les contrats de projets, en favorisant l'intermodalité, constituent une formidable opportunité pour relancer un projet auquel vous êtes très attaché, tout comme M. le président et moi-même, à savoir la grande liaison entre la mer du Nord et la Méditerranée. Tous ceux qui, dans cette assemblée, quelle que soit leur appartenance politique, souhaitent que nos routes soient moins asphyxiées, devraient souscrire à cette logique.
Dans votre question, monsieur le sénateur, vous vous faites l'écho des préoccupations des familles qui rencontrent des difficultés en raison de l'interdiction faite aux structures hospitalières d'accueillir dans leur chambre mortuaire des personnes décédées en dehors de leur établissement.
Dès lors qu'aucune chambre funéraire n'est accessible à proximité, ces familles endeuillées sont contraintes d'effectuer de longs et coûteux déplacements. Vous évoquez à cet égard la nécessité, pour les habitants d'Erstein, de se rendre à Strasbourg.
Des informations qui m'ont été communiquées, il ressort que de nombreuses chambres funéraires sont implantées dans le département du Bas-Rhin. Ainsi, celles qui sont situées à Barr et Sélestat sont peut-être d'un accès plus aisé et moins coûteux que celle de Strasbourg. Ce sont les informations qui m'ont été communiquées, mais j'aurais plutôt tendance à vous faire confiance dans ce domaine, monsieur le sénateur !
Par ailleurs, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a autorisé les établissements de santé qui disposent d'une chambre mortuaire à accueillir, à titre onéreux et exceptionnel, le corps des personnes décédées en dehors de leur établissement lorsqu'il n'existe pas de chambre funéraire à proximité. Ce dispositif vise plus particulièrement à régler le cas des zones géographiques dans lesquelles peu de chambres funéraires sont implantées et où les chambres mortuaires sont les seuls équipements aisément accessibles.
Ainsi, la chambre mortuaire de l'hôpital de Sélestat serait susceptible d'accueillir les corps des personnes décédées à Erstein. Le tarif journalier de cette prestation s'élève à 44,70 euros.
Monsieur le sénateur, c'est à juste titre que vous avez souhaité évoquer cette situation. J'espère qu'une juste application de ces dispositions permettra, au quotidien, d'éviter que des soucis matériels et financiers ne viennent s'ajouter à la peine des familles endeuillées.
Si vous deviez constater, sur le terrain, des difficultés dans la mise en oeuvre de ces mesures, je vous invite, au nom de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, à nous en faire part, afin que nous organisions une réunion entre les services du ministère de l'intérieur et ceux du ministère de la santé et des solidarités, dont dépendent les structures dont vous avez parlé.
Les problèmes que vous avez soulevés méritent sans doute une réponse plus complète que celle que je vous fais ce matin. Nous avons la volonté de remédier à cette situation, qui est douloureusement ressentie par les familles.
Dans cet objectif, mettons-nous au travail ! Mes services, ainsi que ceux du ministère de la santé et des solidarités sont à votre disposition pour que, dans les prochains jours, nous puissions aller plus au fond de ce problème.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Sans vouloir entrer dans le détail, je rappellerai que les villes que vous avez évoquées sont toutes aussi éloignées d'Erstein ! Votre réponse n'est donc pas satisfaisante. Par ailleurs, si l'hôpital de Sélestat peut accueillir les personnes décédées pour 44,70 euros, pourquoi l'hôpital d'Erstein ne pourrait-il pas le faire ?
Il faut donc poursuivre la discussion ; à cette fin, je prendrai contact avec vos services.
contrats de projets 2007-2013 : enveloppe dévolue à la région Lorraine
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 1109, adressée à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.
M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, je souhaite, par cette question que j'ai rédigée au début du mois de septembre mais qui ne vient en séance qu'aujourd'hui seulement, attirer votre attention sur le montant de l'enveloppe financière dévolue à la Lorraine pour le contrat de projet 2007-2013 et sur les méthodes employées pour la négociation de ces contrats.
Je ne vous cache pas que, comme la plupart des élus lorrains, je suis véritablement indigné du montant - il a été annoncé en juillet dernier - attribué à la Lorraine pour le futur contrat de projet, qui présente une baisse de 203,5 millions d'euros par rapport au contrat de plan 2000-2006. En effet, 605 millions d'euros étaient prévus pour le contrat de plan précédent alors que seulement 401,5 millions d'euros sont programmés pour le futur contrat de projet.
Après avoir examiné la situation des autres régions, nous nous sommes rendu compte que l'effort de l'État, s'agissant des contrats de projets en faveur de la Lorraine, passait de 6,63 % à 3,82 % de l'enveloppe financière totale pour 2000-20²06, alors même que plus de 80 % des crédits qui lui ont été attribués lors du précédent contrat de plan sont d'ores et déjà utilisés.
La Lorraine passerait donc au neuvième rang en matière de dotation, alors qu'elle était encore au troisième rang, et la contribution par habitant - j'ai bien entendu celle que vous citiez pour le Jura tout à l'heure - ne serait plus que de 172 euros, alors qu'elle était précédemment de 259 euros.
Cette baisse de plus de 30 % ne peut être justifiée par l'exclusion du volet routier des futurs contrats, car il en va de même pour l'ensemble des régions françaises, et la région Lorraine ne bénéficiait pas, dans le plan précédent, d'un volet routier plus important que les autres.
On note également que cette baisse ne touche que la Lorraine et le Nord-Pas-de-Calais, c'est-à-dire toutes les régions industrielles d'hier.
De plus, la préparation de ce contrat a été menée en quelques semaines et les montants ont été annoncés durant l'été. On ne peut guère, dans ces conditions, parler d'un véritable partenariat entre l'État et les collectivités territoriales.
La région Lorraine a subi une crise industrielle et économique exceptionnelle dans les années quatre-vingt. Elle a su, avec la mobilisation de l'État, engager une politique de reconversion qui a commencé à donner des résultats, mais qui nécessite, aujourd'hui encore, un effort renouvelé de solidarité pour renforcer ce qui demeure fragile. Ainsi, on a pu assister, ces dernières semaines, à la fermeture de nombreuses entreprises, soit traditionnelles, comme le textile dans les Vosges, soit plus récentes et créées pendant la période de reconversion.
La Lorraine et les élus lorrains sont prêts à engager un partenariat fort avec l'État sur des projets concrets. Mais qu'en est-il de l'État ? Comment, avec les moyens que vous annoncez, la Lorraine pourrait-elle financer des projets essentiels à son développement, comme le renforcement de l'axe Nancy-Metz, la réalisation de la gare d'interconnexion TGV-TER de Vandière, le développement du site de Belval ?
Enfin - faut-il le rappeler ? -, les régions touchées par l'après-mines justifient, pendant plusieurs années encore, un effort particulier, comme l'a demandé l'ensemble des élus lors de la discussion, le 22 juin 2006, de la question orale avec débat sur la gestion de l'après-mines, débat auquel vous participiez et dans lequel je suis moi-même intervenu.
Par conséquent, je souhaite connaître les raisons de cette diminution exceptionnelle des crédits alloués au contrat de projets lorrain et je demande - je ne suis pas le seul -que l'enveloppe financière attribuée à la Lorraine soit réévaluée.
Des discussions ont été rouvertes depuis le mois d'octobre, mais il est clair qu'une réévaluation significative serait un signe fort de la part de l'État, qui prouverait ainsi que le sort de la Lorraine, laquelle a beaucoup donné à la France, ne peut pas être aujourd'hui banalisé.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur de Meurthe-et-Moselle, tout d'abord, je vous remercie sincèrement du ton et de la qualité de votre question. Vous l'avez posée sous une forme très constructive. Cela démontre que vous souhaitez aboutir à une bonne conclusion.
Ayant moi-même participé, en tant qu'élu local, à nombre de discussions sur les contrats de plan précédents, j'ai coutume de dire que, lors de la signature d'un contrat, on signe pour une durée au cours de laquelle, pour des raisons d'alternance de gouvernements, l'État qui signe n'est pas celui qui exécute et, pour des raisons d'alternance des exécutifs, la région qui signe n'est pas forcément celle qui exécute. Pendant la durée de ce contrat, on essaie toutefois, ensemble, de faire avancer les choses sur un territoire.
Ce n'est donc pas par dogmatisme, comme je l'ai dit dans ma réponse à une question précédente, que nous sommes passés d'une génération de contrats de plan à une génération de contrats de projets.
S'agissant de la Lorraine, au cours d'une première phase, les élus ont fait remonter jusqu'à nous leurs projets, sur la base desquels a été donné au préfet un mandat de négociation qui n'est pas forcément satisfaisant. En effet, certains élus lorrains se sont rendu compte, en cours de route, que des projets qu'ils n'avaient pas identifiés au cours de la première phase méritaient de l'être.
Personnellement, je suis totalement ouvert. Le Premier ministre, lui-même, a fait savoir que nous donnerions une marge de manoeuvre plus grande en fonction de la qualité des projets qui allaient remonter jusqu'à nous.
La baisse globale de l'enveloppe accordée à la Lorraine est utilisée comme argument de base par ceux qui font des calculs un peu techniques, voire technocratiques, sur la répartition des enveloppes par région. Mais il faut admettre que la situation de la Lorraine est différente de celle qui prévalait à la fin des années quatre-vingt-dix, lors de la préparation du précédent contrat de plan entre l'État et la région. Ainsi, malgré les quelques difficultés dont vous m'avez fait part, le taux de création d'entreprises est demeuré important ces dernières années et dépasse même, chaque année depuis quatre ans, le niveau élevé atteint en 1993. La Lorraine se classe maintenant au quatrième rang national pour les créations pures, soit 71 % du total. De même, la contribution du secteur des services à la création d'emplois témoigne de la diversification continue du tissu économique régional.
Les politiques mises en oeuvre par l'État et celles qui seront définies dans un cadre contractuel doivent donc accompagner ces mutations dans une double optique de solidarité et de renforcement de la compétitivité.
Certes, la bonne réponse n'est pas de sanctionner la Lorraine, qui s'est montrée bon élève et dont la situation s'est améliorée, puisqu'elle à connu une augmentation des créations d'entreprises et une diversification de ses activités économiques. C'est en tout cas une façon de faire qui ne me convient pas, surtout si des projets forts se présentent.
Avec l'ossature et l'architecture du contrat de projets, nous aurons la possibilité de prendre en compte ces projets. J'ai d'ailleurs déjà accompagné un certain nombre de projets concernant, notamment, vos deux pôles de compétitivité : le pôle Matériaux innovants et produits intelligents, MIPI, et le pôle Fibres naturelles Grand Est. Il y a aussi les universités - celles de Metz, de Nancy - mais aussi l'intermodalité.
Sur ce dernier point, j'ai un désir pour la Lorraine, qui est située au carrefour entre mer du Nord et mer Méditerranée. Je souhaite que l'architecture du contrat de projets soit l'occasion pour nous tous de rouvrir un dossier qui a été malheureusement clos par l'un de mes prédécesseurs, la ministre en charge de l'aménagement du territoire et de l'environnement en 1997, celui de la liaison entre le Rhin et le Rhône. Vous connaissez parfaitement l'opportunité qui existe entre la Saône et la Moselle : saisissons-la ensemble !
Je pense aussi, dans le domaine des transports, au grand débat sur l'A31 et l'A32. Vos axes routiers étant saturés, il est nécessaire d'apporter une réponse immédiate, mais il ne faudrait pas pour autant qu'à l'occasion de l'arbitrage qui aura lieu entre élus lorrains sur les choix de tracé la réponse qui sera apportée le soit pour solde de tout compte, c'est-à-dire que l'on ne s'occupe plus du reste ensuite, la création de ces « tuyaux » que sont ces axes routiers supplémentaires servant, en quelque sorte, de pompe aspirante !
Le TGV arrivera dans votre région au premier semestre prochain. Je préconise qu'il serve non seulement au transport de passagers, mais aussi, dans les créneaux nocturnes, au transport rapide de marchandises. Saisissons cette opportunité pour intégrer au réseau européen les liaisons entre Perpignan et Bettembourg, au Luxembourg, entre Marseille et Londres, Marseille et la Lorraine, l'Alsace et, demain, l'Allemagne. De même, le fret aérien qui arrive à l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle pourrait irriguer l'est de la France !
Sachons utiliser toutes les opportunités qui nous sont offertes par le contrat de projets pour, au passage, monter des plateformes logistiques, telles que vous les avez évoquées, avec les nouvelles gares, qui deviendraient des noeuds d'échanges entre rail, route et fluvial. Le territoire de la Lorraine s'offre à toutes ces opportunités.
Je n'entrerai pas plus dans les détails. Sachez seulement, monsieur Reiner, que je suis totalement ouvert à tout ce que vous venez d'évoquer à l'occasion de cette question orale. J'ai tenu, voilà quelques jours, une réunion avec le M. Pierre-René Lemas, préfet de la région Lorraine. Il m'a rapporté l'état de vos discussions avec le président du conseil régional de Lorraine, M. Jean-Pierre Masseret, les autres présidents de collectivités territoriales et les parlementaires lorrains de tout bord. Je souhaite que le contrat de projets qui sera signé permette à la Lorraine d'aller plus loin que ce qui était prévu dans le mandat de négociation initial.
Concrètement, nous ferons les efforts nécessaires dès lors que vous aurez vous-même identifié, parmi tous ceux que je viens d'évoquer et d'autres sans doute, des projets forts contribuant à l'essor économique et social de la Lorraine. Je m'engage à ce que, si un accord intervient entre l'État, la région et les collectivités de Lorraine sur des projets clairement identifiés dans les jours qui viennent - puisque, à quelques semaines près, nous sommes entrés dans le calendrier de ces contrats -, à ce que l'État fasse un effort supplémentaire. Dès lors que les collectivités respecteront le cadre et les objectifs des nouveaux contrats, je ferai en sorte que cet effort soit mis à profit dans votre région pour faire valoir des demandes d'ajustements permettant de compléter le périmètre de la négociation et d'envisager la conclusion rapide des discussions.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, j'enregistre votre réponse et je note avec une certaine satisfaction que vous accordez quelques justifications à l'indignation qui a été la nôtre à l'annonce du montant attribué à la région Lorraine. Les élus, qui resteront vigilants, sont en train de déposer des projets complémentaires. La discussion est donc ouverte.
Je me permets d'attirer votre attention sur quelques projets qui intéressent l'ensemble de la Lorraine et qui sont encore l'objet de discussions : la promotion de la coopération métropolitaine entre Metz et Nancy, par la valorisation de l'espace central et, vous l'avez dit très justement, autour des gares d'interconnexion TGV-TER et de l'aéroport - lequel va évidemment perdre une partie de sa signification avec l'arrivée du TGV -, le projet transfrontalier avec le Luxembourg sur le site de Belval, pour lequel les montants financiers annoncés sont un peu courts, alors qu'il est d'une importance déterminante. En effet, 60 000 travailleurs lorrains se rendent tous les matins au Luxembourg. La coopération doit donc être naturellement plus poussée. J'ajouterai à cela la grande zone industrielle du Nord, qui est d'ailleurs mentionnée dans la directive territoriale d'aménagement du territoire.
En tant que Lunévillois, permettez-moi de dire que les crédits culturels ne permettront pas de hâter - ils vont, au contraire, la retarder - la restauration du château de Lunéville. C'est pourtant le plus grand chantier patrimonial d'Europe actuellement. L'enveloppe sera tout à fait insuffisante, surtout si elle est partagée avec d'autres projets !
Enfin, s'agissant du volet territorial, vous avez, d'une certaine manière, salué le dynamisme de la Lorraine en soulignant les nombreuses créations d'entreprises. Cela relève très largement d'un fort mouvement de développement local, qui a besoin de bénéficier de crédits d'ingénierie, ce que le volet territorial ne permet pas actuellement.
La discussion reste ouverte et nous serons naturellement très vigilants, monsieur le ministre.
M. le président. Je vous la donne, monsieur le ministre, mais pour une intervention très rapide, car nous avons encore un certain nombre de questions à l'ordre du jour !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur, s'agissant du volet territorial, vous venez de dire qu'il n'y avait pas de crédits d'ingénierie. Je vous confirme que nous débloquons des crédits de l'État, qui seront complétés par des crédits provenant du Fonds européen de développement régional, le FEDER.
M. Daniel Reiner. Je vous remercie de cette précision, monsieur le ministre.
dégradation du service public des transports ferroviaires
M. le président. La parole est à M. Gérard Roujas, auteur de la question n° 1096, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Gérard Roujas. Monsieur le ministre, la SNCF n'est plus en mesure aujourd'hui d'assurer un service public des transports ferroviaires digne de ce nom.
Les raisons en sont connues : le matériel roulant, tant les locomotives que les voitures, est vieillissant ; insuffisamment, voire non renouvelé, le parc disponible diminue. Ce vieillissement ne touche pas seulement le matériel : il concerne aussi les voies et la signalétique. En conséquence, les incidents se multiplient, aussi bien sur le réseau de grandes lignes que sur les réseaux régionaux.
La SNCF, qui passe avec les régions des conventions d'exploitation des trains express régionaux, les TER, n'est plus en mesure de respecter ses engagements, notamment en ce qui concerne le respect des horaires et la mise à disposition de voitures en nombre suffisant.
La région Midi-Pyrénées, dont les efforts en ce domaine sont reconnus et qui investit fortement dans le renouvellement du matériel, ne peut pas en permanence pallier les déficiences de la SNCF.
Les témoignages des usagers sont de plus en plus nombreux et vont tous dans le même sens : le service public des transports ferroviaires se dégrade.
Comment inciter nos concitoyens à utiliser les transports en commun si, dans le même temps, nous ne sommes pas en mesure d'assurer un service public fiable et efficace ? Et que dire de la sécurité ? Si l'on ajoute au vieillissement du matériel une diminution constante des effectifs, notamment dans les gares, c'est la sécurité des usagers et des agents qui est alors en cause.
J'ai malheureusement en mémoire l'accident qui s'est produit dans mon canton, sur les quais de la gare de Longages, où deux jeunes gens ont perdu la vie en descendant du train. Il faut dire qu'en dépit d'un fort accroissement de sa fréquentation, cette gare ne compte plus qu'un seul agent.
Toute la signalisation, tous les équipements, aussi sophistiqués soient-ils, ne remplaceront jamais la présence humaine. Le Gouvernement ne peut pas, sans réagir, laisser se dégrader le service public des transports ferroviaires.
La première des missions de la SNCF est d'assurer à ses usagers et à ses agents un service régulier avec un maximum de sécurité. C'est un devoir moral pour elle. Or, aujourd'hui, cette mission n'est plus remplie.
Sa deuxième mission est d'assurer un service égal pour tous et de contribuer en même temps, aux côtés des collectivités territoriales, à un aménagement et à un développement durables des territoires.
Les collectivités territoriales font des efforts considérables mais, malheureusement, ne peuvent plus s'appuyer sur la SNCF, incapable de respecter sa signature.
Il est donc urgent de réagir, monsieur le ministre. L'État n'a pas le droit de laisser le service public du transport ferroviaire décliner à ce point.
Je voudrais donc connaître les mesures que vous entendez prendre afin d'enrayer ce déclin.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, le mode de transport ferroviaire est actuellement en plein développement, qu'il s'agisse du TGV, des TER ou des trains Corail. La fréquentation augmente annuellement de plus de 10 % sur de nombreuses liaisons.
Concernant le matériel Corail utilisé sur les lignes Intercités, le conseil d'administration de la SNCF a approuvé au printemps 2006 un programme d'investissement de 130 millions d'euros destiné à la rénovation et à la modernisation du parc.
Cette rénovation portera tant sur le confort intérieur que sur le respect des nouvelles normes d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite.
Cette démarche de modernisation du matériel est l'un des axes majeurs de la revitalisation des lignes Corail. Elle s'accompagne également d'une nouvelle politique commerciale.
En outre, six rames TER de grande capacité ont été livrées en 2005 en région Midi-Pyrénées.
Pour l'entretien et la maintenance des matériels roulants, la SNCF, sur ses fonds propres, a construit en 2005 un nouvel atelier d'entretien opérationnel, pour un coût total de 22 millions d'euros.
Pour la traversée des voies et la sécurité des voyageurs, Réseau ferré de France mène depuis 2002 un programme pluriannuel qui a d'ores et déjà permis d'augmenter la sécurité dans deux cent vingt-cinq gares.
Concernant enfin la sécurité du réseau, Dominique Perben a lancé un plan d'action sur la période 2006-2010. Un programme pluriannuel permettra de supprimer les ralentissements les plus pénalisants et de moderniser les voies, grâce à une dotation de 1,8 milliard d'euros supplémentaires au cours de cette même période 2006-2010.
En région Midi-Pyrénées, en 2006, les voies ont été modernisées sur l'axe Agen-Montauban, pour un coût de 1,4 million d'euros, sur l'axe Saverdun-Pamiers pour un coût de 2 millions d'euros et sur l'axe Toulouse-Boussens pour un coût de 1,5 million d'euros. En outre, des travaux de régénération des voies ont été réalisés sur l'axe Tarascon-sur-Ariège-Luzenac, pour un coût de 5 millions d'euros.
Quant aux interventions sur ouvrages d'art, 7,4 millions d'euros ont été consacrés à l'amélioration du réseau ferré. Le contrat de plan État-région a permis de financer quant à lui 18,5 millions d'euros de travaux complémentaires.
Concernant l'évolution des effectifs - votre préoccupation -, il convient de préciser que la SNCF s'attache à répondre aux exigences et aux besoins de sa clientèle, dans l'objectif de lui offrir un haut niveau de service.
L'activité aux guichets de la SNCF a diminué en 2006 de 5,4% en cumul à la fin du mois d'août, mais, en parallèle, l'achat des billets aux guichets automatiques a progressé de 28,9 %. Les effectifs ont donc été adaptés en conséquence en région parisienne, mais aucun poste n'a été supprimé en province.
Enfin, concernant les agents d'escale, qui ont une mission d'organisation, d'accueil, d'information et d'orientation de la clientèle, la SNCF a pour politique de ne réaliser aucune suppression de poste qui pourrait affecter la qualité de service attendue.
Telles sont, monsieur le sénateur, les réponses que je pouvais vous apporter ce matin, au nom de Dominique Perben. Elles vous montrent bien que l'État ne se désengage pas du tout de l'amélioration des réseaux.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roujas.
M. Gérard Roujas. Le hasard fait que j'ai reçu aujourd'hui une lettre du Groupe coopératif occitan, importante coopérative céréalière.
Son président m'écrit ceci : « La filière céréalière dans son ensemble, constatant déjà un recul du train au profit de la route, a signé en avril 2001 un accord-cadre avec la SNCF, qui se fixait pour objectif un accroissement de 50 % en cinq ans des volumes transportés par fer, grâce à l'amélioration de sa fiabilité, de la qualité de ses prestations et de sa compétitivité. Cinq ans après, force est de constater que la situation ne s'est pas améliorée, bien au contraire. La réorganisation de l'activité fret engagée par la SNCF dans l'objectif d'un retour à l'équilibre financier n'a eu que des effets négatifs pour notre filière. Au manque structurel de moyens de traction se sont ajoutées les hausses brutales de tarifs, une grave dégradation de la qualité de service et une multiplication des dysfonctionnements - notamment des retards dans les livraisons -, qui ont conduit parfois à des annulations de contrats. »
N'oublions pas qu'un train complet de moins sur les voies équivaut à cinquante camions de plus sur les routes.
Monsieur le ministre, je ne sais pas si mes interlocuteurs seront convaincus par votre réponse, que je leur ferai parvenir.
aide financière à l'insonorisation des logements compris dans le plan de gêne sonore de Paris-Orly
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 1110, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, l'aide financière à l'insonorisation des logements riverains d'un aéroport compris dans un plan de gêne sonore, un PGS, connaît aujourd'hui une situation délicate.
En effet, les ressources dégagées par ce dispositif mis en place l'année dernière sont insuffisantes au regard du nombre de bénéficiaires, nombre qui a de surcroît très sensiblement augmenté depuis la révision du PGS en décembre 2004.
Depuis 2005, ce dispositif est financé par le produit de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, la TNSA. Cette taxe, perçue auprès des compagnies aériennes à chaque décollage d'appareil, est affectée à l'exploitant de l'aérodrome de décollage.
Pour l'aéroport de Paris-Orly, plus de 10 millions d'euros ont ainsi été affectés en 2004 à l'aide à l'insonorisation, ce qui a permis de traiter plus d'un millier de dossiers de travaux.
Malheureusement, en 2005, seulement 4 millions d'euros ont pu lui être consacrés, correspondant à moins de 400 logements aidés.
En octobre 2005, en réponse à une question que j'avais posée sur ce déficit, lourd de conséquences pour les riverains concernés, et sur les craintes qu'il suscitait, il m'avait été répondu que le dispositif de la TNSA serait révisé afin d'atteindre les objectifs de protection de l'environnement attendus. Cette révision devait notamment porter sur la modification de la composition des groupes de classification acoustique des aéronefs et sur l'augmentation des coefficients de modulation de jour de la plupart de ces groupes.
Ces nouvelles dispositions, quelque peu techniques, devaient permettre une revalorisation significative du produit de la taxe. Or la direction générale de l'aviation civile a estimé que la recette de la TNSA serait, en 2006, de 7 millions d'euros, dont 75 % seraient versés en 2006, le solde l'étant au cours du premier trimestre de 2007.
Nous ne disposerons donc que de 5,25 millions d'euros en 2006. Or 800 dossiers de travaux sont en attente, pour lesquels au moins 8 millions à 10 millions d'euros seraient nécessaires.
Pour la seule ville de Sucy-en-Brie, très affectée par ces nuisances sonores, notamment son quartier des Bruyères, 100 dossiers de riverains bénéficiaires sont bloqués et reportés à une date indéterminée, faute de financement. Il est inutile de vous dire que les associations nous le rappellent régulièrement.
En conséquence, Aéroports de Paris, gestionnaire de l'aide à l'insonorisation, n'a pu présenter aucun dossier de travaux à la commission consultative de l'aide aux riverains, dont la réunion initialement prévue en mars dernier avait été reportée au mois d'avril. Aéroports de Paris doit même faire face à un déficit pour 2005, hors frais de gestion, de 370 000 euros, somme correspondant à des dépenses déjà engagées.
Il nous avait été promis une montée en puissance du dispositif. À la place, nous assistons, malheureusement, à une diminution des recettes qui ne permettent même pas de résorber le nombre des dossiers en attente.
Ce constat est d'autant plus préoccupant que le nombre de logements éligibles à l'aide a augmenté depuis la récente révision du PGS en décembre 2004. Ce sont désormais près de 44 000 logements au lieu de 33 000 qui sont inclus dans le plan de gêne de l'aéroport de Paris-Orly.
Force est de constater que la révision, à la fin de l'année 2005, du dispositif de financement n'a pas produit les effets attendus.
Monsieur le ministre, les problèmes d'insonorisation à proximité des aéroports sont bien connus et créent une gêne importante que seuls des travaux d'insonorisation peuvent faire disparaître. Face à l'urgence de la situation, face aux pressions que les populations font légitimement peser sur les élus, quelles mesures immédiates comptez-vous prendre afin de résorber le retard pris dans le traitement des dossiers et quelles modifications envisagez-vous d'apporter pour assurer un rendement suffisant du dispositif d'aide à l'insonorisation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage votre préoccupation à l'égard de la politique d'insonorisation des habitations riveraines des aéroports, en particulier celui de Paris-Orly, qui est situé en zone très urbanisée.
Au cours de l'année 2005, il a décidé de revaloriser la taxe sur les nuisances sonores aériennes pour faire face aux besoins exprimés. Cette revalorisation est entrée en vigueur le 1er janvier 2006. Sur la base des versements du premier semestre de 2006, on peut raisonnablement estimer que les recettes de cette taxe feront plus que doubler par rapport à 2005.
Pour Paris-Orly, elles se monteront à environ 8 millions d'euros, contre 3,9 millions d'euros en 2005. Les ressources immédiatement disponibles en 2006, du fait du décalage d'environ trois mois qui existe entre le décollage d'un avion et le versement de la taxe correspondante, devraient être de l'ordre de 7 millions d'euros. Cette augmentation sensible permettra de faire face au retard accumulé dans le traitement des dossiers. Ainsi, 150 d'entre eux ont été présentés à la commission consultative d'aide aux riverains du 26 septembre dernier.
Toutefois, cette hausse pourrait demeurer insuffisante au regard de l'extension du périmètre du plan de gêne sonore de Paris-Orly. Vous avez rappelé à juste titre les chiffres résultant de cette extension : le nombre de logements concernés passe effectivement de 32 930 dans l'ancien plan de gêne sonore à 43 615 dans le nouveau plan.
C'est pourquoi le Gouvernement envisage, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2006, une évolution du mode de calcul de la TNSA de manière à adapter les recettes aux besoins spécifiques des aérodromes, notamment pour ceux qui concentrent beaucoup de logements éligibles à une aide à l'insonorisation, comme Paris-Orly ou Toulouse, en raison de leur implantation dans des zones relativement denses.
Par ailleurs, je rappelle qu'il existe une disposition permettant d'affecter la moitié des ressources de la TNSA au remboursement des annuités d'emprunt contractées par les personnes publiques pour financer des travaux de réduction des nuisances sonores dans les habitations. Cette disposition permet d'amplifier l'effet de la taxe.
Enfin, le Gouvernement envisage également, à l'occasion de la prochaine loi de finances, que les avances financières que pourraient consentir des personnes publiques, par exemple les collectivités locales, pour financer des aides à l'insonorisation puissent être remboursées par le produit de la TNSA.
Telles sont les réponses que je suis en mesure de vous apporter ce matin, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses précises que vous m'avez apportées et je vais m'empresser de les transmettre aux intéressés.
Vous avez expliqué la raison du décalage qui existe entre le fait générateur de la taxe - le décollage d'un aéronef - et sa perception effective.
Par ailleurs, je note l'avancée dont vous venez de parler, à savoir la possibilité donnée aux communes d'intervenir entre le moment où le financement interviendra et celui où les problèmes quotidiens se posent. C'est un point très important.
En vous remerciant à nouveau, je vous prie de bien vouloir nous tenir régulièrement informés de l'état d'avancement de ce dossier, car la population a du mal à comprendre ce genre de mécanismes.
Projet d'autoroute A32
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 1114, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, ma question porte sur un sujet qui, depuis sept ans maintenant, est au centre de la quasi-totalité des débats politiques de mon département et de ma région, tant il suscite, en raison des incohérences techniques existantes, l'insatisfaction de la population et le mépris des élus locaux.
Ce sujet, que M. Estrosi évoquait tout à l'heure, n'est autre que le projet d'autoroute A32 reliant le nord, Richemont, au sud lorrain, Toul, en contournant Metz et Thionville, et dont la mise en service complète est envisagée au mieux en 2020. Une nouvelle autoroute payante devra cohabiter avec l'A31 déjà existante, qui traverse le sillon mosellan et qui est gratuite. Ce projet aurait pour objectif de répondre à la perspective de saturation de l'A31 d'ici à 2015, saturation comparable à celle de l'Al au nord de Roissy ou de l'A7 au sud de Lyon.
Les élus opposés au tracé de cette nouvelle autoroute proposé par l'État ne nient pas une éventuelle saturation de l'A31. Mais, par leur opposition, ils entendent pointer un certain nombre de difficultés et souhaitent que soient apportées, à court terme, des solutions quant à la dangerosité de l'actuelle A31. Avant d'aborder ces points, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rappeler les faits.
En juillet dernier, le préfet de la Moselle, préfet de la région Lorraine, a transmis aux élus une étude de la direction régionale de l'équipement dans le cadre du projet d'autoroute A32. Il rappelait notamment que ce projet était justifié par le débat public de 1999, par la décision du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 18 décembre 2003 et par la perspective de saturation de l'actuelle autoroute.
Du débat public de 1999, il ressortait une réelle hostilité de la population au principe même d'une nouvelle autoroute dans le sillon mosellan. La décision du CIADT était, quant à elle, fondée sur un avis du conseil régional de Lorraine de juillet 2003. Le projet de l'autoroute A32 a ensuite été l'un des sujets phares de la campagne des élections régionales en 2004, avec les résultats que l'on connaît. La nouvelle majorité a d'ailleurs abrogé la délibération de juillet 2003 et a, à plusieurs reprises, réaffirmé son opposition au projet et son refus de participer à son financement.
Ces faits étant rappelés, j'en reviens aux difficultés posées par le tracé qui semble finalement d'ores et déjà choisi par l'État.
Ce tracé ne répond pas à une question de fond, à savoir l'intérêt que peut représenter pour notre région le fait de voir passer par le sillon mosellan un transit international Nord-Sud qui, pour l'essentiel, ne s'y arrête pas.
Une autoroute payante ne saurait cohabiter durablement avec une autoroute gratuite comme l'A31, sous peine d'être peu utilisée. La réalisation de l'A32 à proximité de l'A31 implique donc inévitablement le déclassement de cette dernière, qui deviendrait au mieux une voie rapide, au pire, une liaison interurbaine. Quoi qu'il en soit, nous reviendrions à la case départ, hormis le fait que, au lieu de l'autoroute gratuite actuelle, nous aurions une autoroute payante.
Ce tracé dans des zones fortement urbanisées apportera des nuisances considérables en termes de bruit et de pollution.
Enfin et surtout, le tracé qui nous est présenté ne répond pas aux problématiques des zones frontalières, car il ne prend pas en compte l'impact de la zone d'Esch-Belval au Luxembourg - 5 000 à 10 000 emplois seront créés à moyen terme - sur le trafic futur, et n'apporte pas de réponse à la saturation de l'A31 au nord de Thionville. Cela compliquera encore la vie des Mosellans de ce secteur au moindre accident survenant sur l'axe autoroutier A31.
Monsieur le ministre, nous adhérons au constat que les problèmes de saturation de l'A31 résultent bien de la conjonction de son rôle pour le transit international et de son utilité pour la région. Mais nous pensons également que d'autres solutions sont possibles.
D'une part, il s'agit, de mettre en oeuvre les orientations en faveur d'une autre politique des transports et des infrastructures, que le conseil régional a préconisées à l'automne 2004 dans le schéma régional des transports. Cela passe par le développement du ferroviaire, des voies maritimes, et de la mise à 2x3 voies de l'A31.
D'autre part, nous sommes nombreux à avoir proposé un tracé alternatif pour l'A32 dit « tracé ouest », qui présenterait le double avantage de détourner du sillon mosellan le transit international qui ne s'y arrête pas et de répondre aux objectifs de l'aménagement du territoire.
En résumé, monsieur le ministre, les contraintes humaines, urbanistiques, techniques et environnementales sont colossales dans le projet qui nous est présenté par le préfet de région. La population et les élus y sont, en outre, majoritairement opposés. Ne pensez-vous pas qu'il est temps de prendre en compte les solutions alternatives qui sont proposées et d'engager des études sérieuses à leur sujet ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, vous soulignez, à juste titre, la saturation progressive de l'autoroute A31, liée aux multiples fonctions qu'elle assume aujourd'hui, qu'il s'agisse du trafic international ou des liaisons de proximité. Cette situation constitue un handicap important pour l'économie régionale et nationale.
Comme vous le savez, plusieurs solutions ont été étudiées et ont fait l'objet d'une large concertation. Vous évoquez le tracé ouest. Il faisait partie des projets qui ont été soumis au débat public de 1999. Mais ses inconvénients ont été soulignés au cours de la discussion : il ne permet pas de délester efficacement l'autoroute A31, car il s'éloigne trop du couloir où se situent les activités et donc les échanges. De plus, il traverse le parc naturel régional de Lorraine, et vous savez combien les questions d'environnement sont importantes aujourd'hui. C'est pourquoi cette option d'un tracé ouest a été écartée.
La question de l'élargissement complet de l'A31 a également été examinée. Sur un certain nombre de secteurs, cette solution est extrêmement difficile à mettre en oeuvre pour ne pas dire hors de portée. L'élargissement ne peut donc pas constituer une réponse globale.
C'est pourquoi, dans le cadre des études relatives à l'A32, le ministère des transports souhaite, à ce stade, privilégier l'hypothèse d'une réalisation complète de l'A32 entre Toul et Thionville selon le tracé est proposé dans le rapport de l'ingénieur général Lépingle. Au-delà de la réserve de capacité qu'une telle solution offrirait à l'A31 et le réseau secondaire adjacent, essentiellement au bénéfice du trafic local, cette dernière option a le mérite de contribuer à l'aménagement du territoire, notamment en assurant une desserte optimale de l'aéroport Metz-Nancy-Lorraine et de la gare Lorraine sur la future ligne TGV Est-européenne.
Pour autant, le ministre des transports a conscience des positions qui se sont exprimées en faveur de l'option consistant à élargir l'A31 sur sa section centrale et au niveau de Toul. Aussi, il vous confirme que les études menées dans la perspective de la création de ce nouvel axe autoroutier prennent bien en compte l'hypothèse d'optimisation des infrastructures existantes. C'est le sens du mandat que Dominique Perben a confié au préfet.
Les études opérationnelles font, comme il se doit, une large place à la concertation, notamment au sein du comité de suivi mis en place par le préfet de région. Je vous confirme que les études se poursuivront dans cet esprit.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à la place du ministre des transports. Il s'agit effectivement d'un débat de spécialistes. Comme vous l'avez dit, le débat public a eu lieu en 1999, mais il n'a pas du tout été concluant, et les arguments que vous reprenez dans votre réponse correspondent finalement à ceux que vous avancez depuis très longtemps à propos de la concertation. En fait, celle-ci fonctionne toujours dans le même sens.
Vous évoquez l'aménagement du territoire. Ce n'est pas en construisant une autoroute à 100 mètres de celle qui existe que nous aménagerons le territoire lorrain, qui est très vaste. D'autres possibilités étaient envisageables.
En fait, les élus ont bien compris, sur le terrain, que l'État prendrait à sa charge le contournement ouest de Thionville pour accéder à la demande d'un député UMP du secteur souhaitant l'accélération des études, je dis bien des études, parce qu'il n'y a pas de financement. L'État participera à hauteur de 27 % et les collectivités territoriales ont prévenu qu'elles n'apporteraient rien.
On avance comme si de rien n'était, et l'on va confier à un concessionnaire privé la gestion de la portion de l'A32 qui passe à Richemont et qui ne pose pas de problème. Évidemment, l'aménageur privé n'acceptera que s'il est capable de capter immédiatement le trafic actuel et les clients qui utilisent l'A31.
Sur le terrain, les élus ont bien compris de quoi il retournait et ils ne peuvent pas s'en satisfaire. . Tout se passe comme si la région Lorraine était restée dans la même configuration que celle qu'elle avait avant les élections régionales. Les arguments qui sont avancés sont ceux de l'ancienne équipe.
Il va bien falloir se remettre autour d'une table pour discuter. Mais je crois que tout le monde attend les élections de l'an prochain, qui seront déterminantes.
La semaine dernière, trente-cinq maires, sur les cinquante communes concernées, se sont regroupés en collectif. Ils se réuniront à nouveau le 9 novembre pour essayer d'obtenir satisfaction auprès du tribunal administratif. Cela montre bien qu'il n'y pas de concertation. Pour ma part, monsieur le ministre, je vous invite à reprendre les discussions.
Législation sur la publicité, les enseignes et préenseignes
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 1117, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Alain Fouché. Ma question porte sur la législation en vigueur en matière de publicité, d'enseignes et de préenseignes. En effet, en application de l'article L. 581-3 du code de l'environnement, « constitue une publicité, à l'exclusion des enseignes et préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilés à des publicités. »
Ainsi sont assimilés à de la publicité les panneaux d'information des usagers de la route sur l'intérêt d'une ville, ses éléments patrimoniaux, culturels, touristiques et économiques. Or de nombreux maires souhaitent, à juste titre, pouvoir faire de l'information sur leur ville et ainsi la mettre en valeur, notamment dans le cas où celle-ci est mise à l'écart d'un itinéraire de transit du fait de la construction d'une déviation.
Cependant, ils font aujourd'hui l'objet de poursuites de la part des services de l'État et de plaintes émanant des associations de protection de l'environnement.
Dans ces conditions, il semble qu'une information générale des usagers ne devrait pas être assimilée à de la publicité de type commercial.
Par conséquent, monsieur le ministre, je souhaiterais, d'une part, connaître votre analyse sur cette question, et, d'autre part, savoir si vous envisagez d'engager une évolution de la législation afin de concilier le légitime souci d'information des maires avec les nécessaires mesures de protection de l'environnement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, si, pour des raisons évidentes de protection de l'environnement, mais aussi de sécurité routière, la réglementation interdit toute autre forme d'affichage que la signalisation routière au bord des routes en dehors des agglomérations, elle autorise des dispositifs tels que des préenseignes pour indiquer des activités utiles aux voyageurs comme les hôtels, les restaurants, les garages, les produits du terroir...
Par ailleurs, la signalisation routière dispose d'une gamme de panneaux dits touristiques pouvant être utilisés pour indiquer les richesses culturelles, historiques, géographiques ou économiques des territoires ou communes traversés.
Enfin, conscients des nouveaux besoins qui sont exprimés, les services des ministères concernés - transports, intérieur et environnement - ont travaillé à une évolution de la réglementation de la signalisation routière pour mieux prendre en compte le signalement des équipements et services de proximité, comme vous le réclamiez il y a quelques instants. Ainsi, une modification de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière devrait intervenir d'ici à la fin de l'année 2006, avec la création de la signalisation dite d'information locale, ou SIL.
L'ensemble de ces dispositions sont de nature à répondre aux préoccupations légitimes des élus, et notamment des maires, de valoriser leur collectivité. Je les invite à se rapprocher des directions départementales de l'équipement, qui peuvent les conseiller et les assister pour la mise en application de ces dispositions sur le terrain.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette information importante, qui, dès sa mise en application - je l'espère le plus rapidement possible -, permettra de répondre aux souhaits des élus d'un certain nombre de communes, en particulier des petites communes ou de celles qui sont situées en milieu rural. Pour elles, cette communication événementielle, en dehors de toute publicité commerciale évidemment, est très importante.
M. le président. Il faudra que M. Léon Bertrand nous explique comment cela se passe à Saint-Laurent-du-Maroni : ce n'est peut-être pas tout à fait pareil ! (Sourires.)
Dialogue interreligieux organisé au niveau européen
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 1087, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Gérard Delfau. Je veux attirer l'attention du Gouvernement sur l'étrange initiative du président de la Commission européenne, qui a invité, il y a quelques mois, des dignitaires religieux à une conférence à Bruxelles, pour y nouer un « dialogue interreligieux ».
Sur quel article du traité de Nice s'appuie cet élargissement du champ des compétences de la Commission européenne ? Au nom de quelle conception de la liberté de conscience les courants d'opinion rationalistes sont-ils exclus du débat sur les finalités de la vie en société ?
Je me pose aussi des questions sur une autre dérive survenue pratiquement au même moment : en pleine crise politique causée par la publication des caricatures de Mahomet, le président en exercice de l'Union européenne, le chancelier autrichien, a organisé au mois de janvier dernier un séminaire destiné à célébrer « les valeurs de l'Europe ». Il a ainsi commenté sa décision : « Pour créer un monde meilleur, nous avons besoin de la contribution des partenaires religieux, des forces constructives et modérées. »
Une telle position est-elle compatible avec la doctrine constante de la France, fondée sur la séparation des Églises et de la puissance publique ? Notre Gouvernement a-t-il donné son aval à de tels errements ? Est-il exact enfin que le séminaire de Bruxelles avait pour but d'anticiper sur les objectifs du traité constitutionnel dont la validation a été rejetée par la France et les Pays-Bas ? S'agit-il de faire comme si la référence du préambule du traité constitutionnel à des « héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe » avait été approuvée ?
Si tel devait être le cas, ce serait une violation délibérée de la souveraineté des nations, mais aussi une réduction intolérable de la liberté d'opinion que doit garantir l'Union européenne à l'ensemble de ses citoyens. Ce serait enfin une atteinte grave à notre conception de la liberté de conscience, telle qu'elle est inscrite dans la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905, et dans le préambule de la Constitution de 1946.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, en l'absence de Philippe Douste-Blazy, qui accompagne le Président de la République dans sa visite d'État en Chine, je suis heureuse de répondre à votre question.
Conformément à la déclaration n° 11 annexée au traité d'Amsterdam de 1997, « l'Union européenne respecte et ne préjuge pas le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. L'Union européenne respecte également le statut des organisations philosophiques et non confessionnelles ».
Sur cette base, la Commission européenne, comme l'ensemble des institutions européennes, conduit un dialogue avec les Églises, de même qu'avec les organisations philosophiques et non confessionnelles.
Il s'agit d'une pratique courante de la Commission, dans le cadre des relations régulières qu'elle entretient avec la société civile au sens large. À cette fin, plusieurs organisations, à vocation confessionnelle ou non, bénéficient d'un statut de partenaires dans ce dialogue : la Commission des épiscopats de la Communauté européenne, la Conférence des rabbins européens, le Conseil musulman de coopération en Europe, le Conseil européen des communautés juives, la Fédération des organisations islamiques en Europe, l'Association oecuménique des académies et centres laïcs en Europe, la Fédération humaniste européenne, et d'autres encore.
C'est ainsi que, le 30 mai dernier, s'est tenue une rencontre entre responsables et représentants des principales religions à l'initiative de M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, et de M. Wolfgang Schüssel, chancelier autrichien et président en exercice du Conseil de l'Union européenne. Plusieurs églises chrétiennes, communautés musulmanes et juives y ont participé, de même que le Dalaï-lama. La discussion a porté sur les valeurs universelles partagées par l'ensemble des États membres de l'Union : liberté, démocratie et respect des droits de l'homme.
Ce sont précisément ces valeurs qui fondent le projet européen et que la présidence autrichienne d'alors a entendu mettre en exergue. Tel était en particulier l'objet de la conférence tenue à Salzbourg, les 27 et 28 janvier 2006, à l'invitation du chancelier Schüssel. Cette conférence n'avait pas pour objet d'anticiper sur les objectifs du traité constitutionnel, mais s'inscrivait dans la période de réflexion active et de débat décidée par les Chefs d'État et de gouvernement en juin 2005.
Je note d'ailleurs que, dans ses conclusions, le Conseil européen des 15 et 16 juin dernier a salué les différentes initiatives prises par les États membres dans le cadre des débats nationaux, ainsi que la série d'événements organisés par la présidence autrichienne, en particulier la conférence de Salzbourg du début de l'année.
De la même façon, le même Conseil européen s'est félicité de la réunion du 30 mai 2006 avec les principaux représentants des Églises et des communautés religieuses.
Au-delà de ces rencontres, l'Union européenne appelle à l'intensification du dialogue entre les cultures. Il s'agit d'une exigence tant en son sein que dans ses relations avec les pays tiers.
Cette nécessité a été rappelée par l'Union à plusieurs reprises, par exemple en 2001 après les attentats terroristes de New-York, lorsqu'il s'agissait pour l'Union de rejeter tout amalgame entre les groupes terroristes et le monde arabo-musulman, ou plus récemment dans l'affaire des caricatures.
Dans ses conclusions des 15 et 16 juin dernier, le Conseil européen l'a confirmé : « L'Union européenne continuera de promouvoir activement le dialogue entre les cultures et les civilisations par le biais de tous les mécanismes existants, notamment le processus de Barcelone, la Fondation Anna Lindh et l'Alliance des civilisations. L'accent sera mis en particulier sur le rôle que peuvent jouer à cet égard la société civile et des médias libres et les actions visant à les promouvoir. »
Le ministère des affaires étrangères, pour ce qui le concerne, n'agit pas différemment. Dans le respect du principe constitutionnel de laïcité, il appelle tous les mouvements culturels, religieux et humanistes à apporter leur contribution à la construction d'une Europe de paix et de progrès social.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Je dirai à Mme la ministre et, au-delà, à l'ensemble du Gouvernement que je ne reconnais pas là la politique de la France telle que le Président de la République l'a définie régulièrement et telle qu'il l'a mise en oeuvre en annonçant le dépôt d'un projet de loi sur le port des signes religieux ostensibles à l'école, en 2004, auquel j'ai apporté mon concours par mes propos et mon vote.
En effet, vous n'avez pas infirmé ce que j'avais noté : il y a eu et il y a sans arrêt au niveau européen une sélection des interlocuteurs. Cet aspect unilatéral du dialogue avec les Églises, confessions, et religions exclut, en général, toutes les autres familles de pensée, notamment celles qui se réclament de l'humanisme, de la raison et de la philosophie des Lumières.
Par ailleurs, vous n'avez pas non plus démenti que l'organisation d'une rencontre par deux dirigeants, M. Barroso et le chancelier autrichien, donnait à cet événement une signification politique qui allait bien au-delà de la nécessité du dialogue. Il s'agissait en fait d'une espèce de contre-offensive par rapport à une position jugée « malheureuse » - ce n'est pas moi qui emploie ce mot - du peuple français lors du référendum.
Face à cette dérive constante, je demande solennellement au Gouvernement de veiller à ce que la Commission européenne et l'Union européenne dans son ensemble s'occupent de ce qui est de leur compétence et n'interfèrent pas avec la liberté de conscience des citoyens européens.
services fournis aux Français de l'étranger par les consulats de France
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, auteur de la question n° 1101, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Madame la ministre, j'appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères que vous représentez sur les conditions dans lesquelles sont aujourd'hui assurés les services aux Français dans les consulats de France.
Récemment, la communauté française de Santiago du Chili et ses représentants se sont mobilisés pour demander le maintien de leur assistante sociale en poste au consulat. Il s'agissait de l'un des derniers postes d'assistant socio-éducatif sur le continent américain. Malheureusement, si le poste de Buenos Aires sera finalement maintenu, le ministère des affaires étrangères a considéré que la communauté française de Santiago n'avait pas besoin d'assistant social, la gestion des affaires sociales du consulat étant reprise par les agents titulaires du poste, selon la doctrine en vigueur un peu partout depuis quelques années.
Sur un plan plus général, je tiens à insister sur le fait que les fonctions d'assistant social sont spécifiques et qu'elles doivent être remplies par des personnels formés à cet effet. Comment réaliser les enquêtes sociales nécessaires à la bonne attribution des deniers publics pour les bourses scolaires, l'aide aux personnes en détresse, aux handicapés, sans un agent habilité ? S'il y a des vocations à caractère social et caritatif parmi les agents du ministère auxquelles je rends hommage, il n'en reste pas moins que l'action d'insertion sociale, l'aide à la recherche d'emploi, les actions de formation professionnelle, le suivi de personnes fragilisées supposent la présence et l'action de véritables professionnels dans les consulats.
Les choix du ministère des affaires étrangères sont malheureusement significatifs. De plus en plus, les ressources humaines sont transférées vers les services des visas, surtout dans les pays où la pression migratoire est forte. Les services aux Français tendent à se restreindre aux services régaliens, au détriment d'une véritable action sociale, qui est sacrifiée avec des crédits qui baissent en euros constants.
Je demande que l'État français s'engage, par souci de légalité républicaine, à maintenir l'intégralité de sa mission de service public auprès des communautés françaises à l'étranger.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la sénatrice, le réseau consulaire français s'est enrichi de plusieurs postes d'assistants sociaux ces dernières années, notamment à la suite des conclusions du rapport que vous aviez présenté sur l'exclusion sociale dans les communautés françaises à l'étranger.
En 2001, un poste d'assistant a ainsi été créé dans chacun des consulats suivants : Beyrouth, Djibouti et Tel Aviv. Un poste supplémentaire a même été créé au consulat général de France à Tananarive.
Au total, treize consulats sont actuellement dotés d'un assistant social ou d'une assistante sociale : Alger, Barcelone, Beyrouth, Buenos Aires, Casablanca, Dakar, Djibouti, Libreville, Pondichéry, Rabat, Tananarive, Tel Aviv et Tunis.
Cette situation est le résultat d'un rééquilibrage permanent des effectifs au regard d'un examen approfondi des besoins des communautés françaises.
Ainsi, un poste d'assistant social a été créé à Alger en 2004, et un autre supprimé à Amsterdam en 2005. Si le poste de Santiago ne sera en effet pas pourvu en 2006, en revanche celui de Buenos Aires sera maintenu ; son titulaire prendra ses fonctions dans les prochaines semaines.
Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères n'a pas ménagé ses efforts pour développer la formation à la gestion des communautés françaises, en particulier en matière sociale, afin de doter les autres consulats d'agents ayant une compétence affirmée pour traiter des dossiers sociaux.
Parallèlement, nous menons une politique de simplifications administratives visant notamment à dégager du temps de telle sorte que ce temps dégagé soit consacré à ceux de nos compatriotes qui sont confrontés aux difficultés de l'existence et pour que soit apportée à leur situation toute l'attention qu'elle mérite.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je remarque, madame la ministre, que, pour trouver des créations de postes d'assistant social dans les consulats, il vous faut remonter à 2001 ! Depuis, nous n'avons fait qu'en supprimer. Le chiffre a donc baissé : il n'en reste que treize alors que nous en avions, il y a dix à quinze ans, une vingtaine.
Il est vrai que la formation des agents en matière sociale a été développée. J'ai cependant récemment visité un consulat où Mme le consul avait dû traiter, elle-même, les dossiers de bourses scolaires, l'agent chargé de cette tâche étant parfaitement incapable de le faire !
Qui plus est, depuis que j'ai déposé cette question, c'est-à-dire au mois de juin, la situation sur le terrain s'est dégradée. Non seulement les services sociaux sont touchés, mais les services régaliens également.
Trop de consulats en Afrique mettent des années à délivrer des actes d'état civil - actes de naissance, de mariage. Les consulats ayant été déchargés de la tâche de mettre en état les dossiers de demandes de certificat de nationalité française, le greffe du tribunal d'instance de Paris reçoit des dossiers totalement inexploitables et accumule les retards. Ainsi, plus de trois ans sont désormais nécessaires pour obtenir un certificat de nationalité française, lequel est pourtant exigé par l'administration française. Ainsi, nos compatriotes de l'étranger se trouvent particulièrement gênés dans leur vie de tous les jours par les exigences de l'administration, exigences que l'administration, elle-même, ne leur permet pas de remplir !
Projet d'aménagement de l'École militaire à Paris
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, auteur de la question n° 1106, adressée à Mme la ministre de la défense.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite aujourd'hui attirer votre attention sur le projet d'aménagement de l'École militaire de Paris et de son quartier environnant. Cet ensemble de treize hectares, situé en plein coeur de Paris, a besoin d'être réhabilité, n'étant plus fonctionnel ni utilisé à pleine capacité, ses diverses utilisations étant d'ailleurs fort désordonnées.
Lors de chaque élection présidentielle, le serpent de mer de cet aménagement revient.
En 1981, il avait été envisagé de supprimer le manège, qui est un lieu d'histoire et de création de nombreux concepts de cavalerie.
Sous François Mitterrand, l'installation de la présidence de la République à l'École militaire avait été évoquée.
Aujourd'hui, l'état-major européen s'installant à Paris à la place de l'état-major de l'armée de terre, vous avez pris la décision, au mois de juin dernier, de transférer ce dernier dans l'enceinte de l'École militaire. C'est apparemment une bonne chose, car ce transfert va s'accompagner d'un réaménagement général de l'École et de la construction d'un bâtiment neuf, pour un coût total de 75 millions d'euros. Une réflexion d'ensemble fait toutefois défaut.
Outre le fait qu'il est surprenant qu'un état-major s'installe dans une école en temps de paix, il faut savoir que l'implantation de l'état-major européen en France n'est pas définitive, car cet état-major ira ensuite de pays en pays.
Les quartiers du centre de Paris, notamment le VIIe arrondissement, regroupent de nombreux ministères, installés dans des hôtels particuliers, certes magnifiques, mais inadaptés à la modernisation. Une décongestion et un déplacement des administrations sont donc nécessaires.
Certains grands ministères avaient choisi de s'agrandir dans le centre de Paris. Et il fallut, dans les années soixante-dix, le scandale de la destruction par le ministère de l'agriculture d'un magnifique hôtel particulier situé au coin de la rue de Varenne et de la rue Barbey-de-Jouy pour qu'un plan de sauvegarde du VIIe arrondissement soit arrêté afin d'encadrer les décisions sur ce sujet.
Depuis, de grands ministères ont décentralisé leurs administrations. Le ministère de l'équipement s'est installé à La Défense, le ministère des finances a déménagé à Bercy. Seuls le ministère de la défense et le ministère de l'éducation nationale résistent, feignent de ne pas comprendre et veulent continuer à concentrer leur logistique humaine dans le centre de Paris.
La décision d'installer l'état-major de l'armée de terre dans cette école bloque toute réflexion et toute décision ultérieure concernant l'axe Breteuil-Trocadéro, en passant par la tour Eiffel, le Champs-de-Mars, l'École militaire, pour terminer sur la place de Fontenoy, axe historique qu'il faut transmettre aux générations futures dans un devoir de mémoire et de culture.
Souvenons-nous que, à son époque, André Malraux avait déjà obtenu le départ opérationnel de l'armée de l'hôtel des Invalides afin de le transformer en un lieu de culture et de mémoire militaire.
Madame la ministre - et, à travers vous, madame la ministre déléguée, je m'adresse à Mme Alliot-Marie -, vous êtes attachée à la défense européenne, que vous avez su faire évoluer de façon pragmatique et efficace. À l'heure actuelle, l'école militaire dispense un enseignement supérieur militaire, au sein d'un pôle d'enseignement supérieur et de recherche. Pourquoi ne pas en faire une grande école européenne de défense ? Une telle école manque en Europe ! Redonnez à cette école sa vocation d'origine, qui était de « donner au pays un esprit militaire et de défense à une élite qui a façonné le pays » ! Il y a deux siècles, elle formait les jeunes nobles pauvres. Napoléon en a profité.
Aujourd'hui - et vous vous êtes battue pour qu'il en soit ainsi - le développement de la défense européenne est un élément important de la construction européenne. Accompagnez ce mouvement en développant l'idée d'une éducation européenne des jeunes élites militaires de tous les pays d'Europe et en faisant de cette école militaire une grande école européenne !
Pour répondre à l'évolution de l'urbanisation administrative, pourquoi ne pas réfléchir à un Pentagone à la française, à la périphérie ou à l'extérieur de Paris ? L'armée de terre a des possibilités foncières ; je pense aux réserves de Versailles-Satory, où vingt-deux hectares sont disponibles, ou à celles de Montléry, sans même parler de Vincennes ou de Balard.
Afin de permettre à cette école d'être à la hauteur du rôle historique qu'elle doit continuer de jouer, aurez-vous le courage, madame la ministre, de revenir sur cette décision et de ne pas cautionner les décisions de votre administration qui ne souhaite pas quitter le centre de Paris, peut-être pour des raisons de convenances personnelles ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Mme la ministre de la défense, qui ne pouvait être présente ce matin, m'a chargée de vous apporter la réponse suivante, monsieur le sénateur.
L'École militaire de Paris a vocation à regrouper l'ensemble des capacités d'enseignement supérieur militaire et de réflexion doctrinale des armées.
La constitution d'un centre interarmées de concepts, de doctrines et d'expérimentation comme la création d'un centre de documentation commun aux différentes formations de l'École militaire, décidées par Mme la ministre de la défense, concrétisent cette vocation. Ainsi sera confortée la vocation première de ce site prestigieux, qui permettra la rencontre des milieux académique et militaire.
Le centre de documentation sera également ouvert au grand public. Cette ouverture sera matérialisée par un accès spécifique.
Le pôle d'enseignement de défense regroupant les deux centres sera installé dans les bâtiments se situant le long de l'avenue de Suffren.
Le Collège européen de sécurité et de défense que vous évoquez est un réseau d'institutions des pays membres. À ce jour, il n'a pas vocation à se sédentariser dans un lieu unique.
En cohérence avec ce projet, la réorganisation de l'outil de commandement de niveau stratégique, prévue dans la loi relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008, conduit le ministère de la défense à installer, d'ici à 2009, l'état-major de l'armée de terre dans la partie est de l'École militaire.
Le transfert de l'état-major de l'armée de terre sur le site de l'école militaire, à proximité des instances décisionnelles du ministère de la défense, s'est donc imposé pour des raisons opérationnelles et stratégiques.
Ce réaménagement implique la destruction de locaux vétustes abritant actuellement le manège équestre et un garage automobile, ainsi que la création d'un nouveau manège d'équitation aux normes les plus récentes. Il sera construit dans la cour Westel, permettant ainsi de maintenir l'activité équestre du site.
La construction d'un nouveau bâtiment prenant en compte les contraintes architecturales et historiques du site est prévue à l'emplacement de l'actuel manège. À cette fin, un concours d'architectes a été lancé. Un jury réunissant l'ensemble des autorités compétentes en matière d'architecture et de protection des sites classés a retenu la candidature du maître d'oeuvre de ce projet. L'architecte en chef des Monuments historiques et l'architecte des Bâtiments de France sont étroitement associés aux différentes étapes de ce dossier.
Les travaux de construction débuteront en novembre 2007.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, de la vigilance du ministère de la défense dans la mise en oeuvre de ce projet qui, tout en répondant à un impératif opérationnel et fonctionnel, doit également contribuer au prestige de ce lieu de mémoire et de ce patrimoine historique, dont le ministère est le garant.
Enfin, dans un souci de très large concertation, Mme la ministre de la défense a demandé au général gouverneur militaire de Paris de rencontrer les élus, les représentants de la préfecture de Paris et de la mairie de Paris, ainsi que les associations de riverains, afin d'apporter les réponses nécessaires aux questions et aux préoccupations que peut susciter ce projet.
Dans ce sens, une exposition permanente présentant le projet ainsi qu'une structure de concertation seront mises en place dès cet automne, sous l'autorité du gouverneur militaire de Paris, afin de mieux expliquer ledit projet et de faciliter le dialogue.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, qui n'apporte cependant aucun élément nouveau.
Je maintiens ma position. Je considère que la décision a été prise par l'armée de façon endogène, c'est-à-dire sans tenir compte de l'ensemble des éléments, même si elle organise actuellement, de façon très efficace, la concertation avec les élus et les associations.
Or ce dossier mérite une réflexion beaucoup plus générale sur l'histoire du pays et de Paris ; je regrette donc que la décision ait été prise uniquement par des militaires !
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Modification de l'ordre du jour
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, une lettre par laquelle il nous informe que le Gouvernement propose de ne pas siéger le jeudi 2 novembre et le vendredi 3 novembre pour le début de l'examen du projet de loi relatif à l'actionnariat et à la participation.
En conséquence, nous examinerions ce texte le mercredi 8 novembre, l'après-midi et le soir, ainsi que le jeudi 9 novembre, le matin, l'après-midi et le soir.
En contrepartie de la suppression des deux séances de la semaine prochaine, le Gouvernement nous propose de siéger le vendredi 10 novembre.
Par ailleurs, le Gouvernement nous demande de siéger le matin du mercredi 8 pour examiner, si elles sont déposées, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'énergie.
Ces demandes posent certains problèmes d'organisation, notamment quant au délai limite concernant le projet de loi relatif à l'actionnariat et à la participation, actuellement fixé au mardi 31 octobre, à onze heures, raison pour laquelle M. le président du Sénat croit utile de saisir la conférence des présidents qui se réunira aujourd'hui à dix-huit heures trente pour réfléchir sur nos méthodes de travail.
En conséquence, le Sénat siégera à vingt heures, après la conférence des présidents, pour que lui soient communiqués le programme de travail de la semaine prochaine et de la semaine suivante ainsi que, notamment, la fixation du délai limite précédemment évoqué.
4
CANDIDATURE à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement public de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, en remplacement de M. Philippe Dominati, démissionnaire.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-Pierre Vial pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
5
Secteur de l'énergie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (nos 3, 6, 7).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 10.
Articles additionnels après l'article 10 (précédemment réservés)
Mme la présidente. L'amendement n° 479, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'Autorité de sûreté nucléaire créée par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire est supprimée.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'Autorité de sûreté nucléaire créée par la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
Cette autorité est chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l'information. Le fait que vous appliquiez la même recette à tous les secteurs économiques démontre, s'il en est besoin, le caractère idéologique de ces structures.
De plus, les exemples dont nous disposons dans la mise en oeuvre de ce type de structures nous incitent à être critiques. Traditionnellement, leur rôle est de garantir la concurrence libre et non faussée en organisant le déclin de l'opérateur historique.
Ainsi, en janvier 2005, votre texte de dérégulation du secteur postal prévoyait la création d'une autorité de régulation des communications électroniques et des postes. En septembre 2005, c'est un établissement public de sécurité ferroviaire que vous proposiez d'instituer. Nous connaissons également la marche forcée vers l'ouverture à la concurrence que connaît ce secteur.
Dès lors, quand votre gouvernement propose, au printemps dernier, la création d'une autorité indépendante dans le domaine du nucléaire civil, nous sommes tentés de pressentir cette création comme le prélude à l'ouverture à la concurrence du nucléaire civil.
Mme la ministre de l'écologie et du développement durable a reconnu que cette création ne se justifiait que par l'existence de plusieurs opérateurs.
Souhaitez-vous donc permettre à Suez, déjà exploitant nucléaire en Belgique, de s'installer en France ? Le débat d'hier sur le sous-amendement de nos collègues de l'UC-UDF ne nous a pas véritablement rassurés ! De surcroît, la coïncidence avec la fusion de Suez et de GDF est assez significative et laisse présager le pire.
Nous estimons, nous, que la sécurité nucléaire doit plus que jamais être reconnue comme une compétence régalienne. En effet, dans ce domaine, une externalisation des services par l'État laisse présager une pression accrue des grands groupes industriels sur cette autorité.
Par ailleurs, comme le soulignait le Conseil d'État dans un avis rendu en 1999, la sécurité nucléaire est une prérogative régalienne. Il s'agit d'un domaine qui ne peut faire l'objet d'une externalisation de l'administration centrale.
Le Gouvernement, tout en restant responsable devant les tiers, se trouverait dépouillé de ses capacités propres d'expertise et de contrôle puisque tous les fonctionnaires s'occupant de sûreté nucléaire et de radioprotection seraient affectés à la nouvelle autorité. Au surplus, aucune obligation européenne ou internationale n'impose la création d'une autorité administrative indépendante.
Plus globalement, la création de cette nouvelle autorité se fait avec, en toile de fond, la libéralisation du secteur énergétique et la privatisation des entreprises publiques.
Ainsi, cette création témoigne du passage d'une logique de maîtrise du nucléaire par des entreprises publiques et de forte intervention de l'État à une logique de contrôle, conception anglo-saxonne dans laquelle la puissance publique est dessaisie d'une grande partie de ses pouvoirs et, pour ainsi dire, cantonnée à l'édiction des règles du jeu.
Nous pensons, pour notre part, que c'est justement l'intervention de l'État qui a permis une réelle maîtrise publique, synonyme de sûreté technique, mais aussi de sécurité d'approvisionnement et de fourniture d'énergie à un prix très modéré. Pourquoi faut-il donc remettre en cause un système qui a indiscutablement fait ses preuves ?
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cette autorité administrative indépendante.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Nous avons déjà eu ce débat voilà quelques mois, au moment où nous avons discuté le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. Nos deux collègues qui rapportaient ce texte au nom de notre commission, Henri Revol et Bruno Sido - ce dernier traitant plus particulièrement du volet consacré à l'Autorité de sûreté nucléaire -, seraient d'ailleurs mieux que moi à même de défendre la position qui était alors et qui demeure la nôtre à ce sujet.
En fait, chère collègue, c'est le caractère indépendant et non l'existence même de l'Autorité qui vous chagrine. Vous auriez préféré que les missions qui lui ont été dévolues soient directement assumées par le Gouvernement. Il reste que l'Autorité a le mérite, par rapport au Gouvernement, de ne pas être juge et partie.
Le Gouvernement et la majorité se sont engagés en faveur du nucléaire et de la construction de l'EPR. L'Autorité a un rôle beaucoup plus précis : nous en avons effectivement débattu hier, à l'occasion de l'examen d'un sous-amendement défendu par Michel Mercier.
En tout état de cause, il nous paraît important de maintenir le caractère indépendant de l'Autorité et c'est pourquoi nous sommes défavorables à l'amendement n° 479.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Madame Demessine, tout ce dont vous nous suspectez à travers ce débat me donne à imaginer la suspicion que sont susceptibles d'éprouver nos concitoyens à l'égard de ceux qui s'occupent de la sûreté nucléaire.
Il est donc extrêmement important que la sûreté nucléaire soit garantie, avec une exigence maximale, par une autorité à l'indépendance établie. C'est dans cet esprit que la loi du 13 juin 2006 a été adoptée par le Parlement.
Supprimer une telle instance ne présenterait, dès lors, que des inconvénients. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 477, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'examen du projet de privatisation de GDF est suspendu jusqu'à ce que le Gouvernement ait adressé au Parlement un rapport sur le bilan de l'ouverture à la concurrence dans le secteur énergétique, qui examine l'impact en termes d'emploi, d'aménagement du territoire et de coût de l'énergie de la transposition des directives européennes.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Par cet amendement, les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent appeler l'attention du Gouvernement sur les conséquences des politiques de libéralisation dans le secteur de l'énergie, politiques qui sont en réalité largement inspirées par les directives européennes, dont l'unique objectif consiste dans l'organisation d'un marché unique de l'énergie.
En ce sens, le projet de loi qui nous est soumis devrait également permettre de transposer une partie de ces directives en entérinant l'ouverture à la concurrence au 1er juillet 2007 pour les particuliers.
L'asservissement des secteurs de l'électricité et du gaz au libre échange et à la rentabilité à court terme détourne les pouvoirs publics de la recherche de solutions énergétiques pour la France, l'Europe et la planète.
Malgré ces lacunes évidentes, le gouvernement français applique avec un zèle tout particulier les directives européennes. Il a non seulement entériné l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché, mais également l'ouverture du capital des entreprises publiques EDF et GDF lors du vote de la loi d'août 2004.
Il souhaite aujourd'hui aller plus loin en revenant sur les promesses faites par le gouvernement Raffarin, en particulier par Nicolas Sarkozy, concernant le maintien du capital public à hauteur de 70 %. Ce seuil serait donc abaissé à 34 %. Cela montre que les promesses d'hier s'apparentaient à des manipulations, notamment à l'égard des organisations syndicales.
Selon les dogmes libéraux, l'instauration de la libre concurrence dans ce secteur devait permettre, par l'arrivée de nouveaux entrants, de baisser les prix pour les particuliers et les industriels. La réalité est tout autre, car l'entrée d'investisseurs privés dans le capital des entreprises historiques appelle nécessairement une rentabilité des capitaux investis. Or cette meilleure rentabilité se fait essentiellement par une hausse du tarif de la prestation, afin d'augmenter les marges bénéficiaires.
En Grande-Bretagne, par exemple, où la libéralisation est très développée, les clients industriels ont subi des hausses de tarifs de 24 %.
En France, ces politiques ont abouti à une augmentation notable de la facture des usagers, particuliers ou entreprises. Ainsi, depuis le début de la déréglementation du secteur, les tarifs de GDF ont progressé de 52 %, sans compter qu'une nouvelle hausse de 5,8 % a été autorisée par le Gouvernement.
Les prix pratiqués par EDF vont également augmenter pour les particuliers de 7,5 % en trois ans alors que, depuis dix ans, ils baissaient régulièrement.
Sur le marché déjà ouvert à la concurrence, les tarifs ont augmenté en une année de 48 %, y compris pour les entreprises nationales chargées de mission de service public, comme la SNCF.
Les avantages historiques dont bénéficiaient les industriels grâce aux choix nationaux de politiques énergétiques disparaissent donc au profit d'un nivellement par le haut des prix de l'électricité. La hausse des prix de l'énergie entraîne alors des risques considérables pour l'industrie en France. Dès lors, force est de constater la contradiction flagrante avec l'objectif d'amélioration de la compétitivité des entreprises que doit permettre, selon ses partisans, l'ouverture à la concurrence.
Cette hausse des tarifs, qui se fait sur le dos des particuliers et des industriels, permet de rémunérer le capital privé. En effet, les bénéfices de GDF et d'EDF explosent. Le résultat net de GDF est en augmentation de 13,1 %. Quant aux dividendes versés aux actionnaires, ils progressent, eux, de 60 % !
Cette nouvelle politique d'entreprise est conforme au contrat de service public de GDF pour 2005-2007, qui prévoit un doublement des dividendes sur cette période grâce à l'alignement des tarifs de l'entreprise sur ceux de ses concurrents européens. Au passage, je souligne les bénéfices record de Total, qui atteignent 26 milliards d'euros : autant d'argent qui ne servira ni à développer le projet industriel ni à améliorer les conditions de travail des salariés du secteur.
À cet égard, je rappelle que la Commission européenne a chiffré à 30 % la perte d'emplois dans le secteur énergétique depuis le début de la libéralisation.
Je rappelle également que près de 100 milliards d'euros ont été dépensés ces deux dernières années par les géants européens de l'énergie en opérations dispendieuses de restructuration et d'acquisition, alors que peu d'investissements de production ont été engagés.
Ces politiques libérales sont donc purement idéologiques et ne répondent absolument pas à l'intérêt général. Qu'en sera-t-il quand les tarifs ne seront plus régulés et que l'ensemble du secteur sera ouvert à la concurrence ? D'ailleurs, certains parlementaires de la majorité s'inquiètent également de l'absence de contrôle par l'État des tarifs dans le cadre de cette nouvelle loi.
Vous qui nous exhortez sans cesse au pragmatisme, il serait peut-être temps d'en faire preuve en réalisant un bilan de la déréglementation des services publics. MM. Chirac et Jospin l'avaient demandé lors du sommet de Barcelone : nous l'attendons toujours !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ma chère collègue, je serais tenté de dire qu'il s'agit là du baroud d'honneur de votre groupe sur ce thème du bilan préalable. En effet, après vous être efforcés de conduire le Sénat à suspendre l'examen du projet de loi, vous n'avez cessé de chercher à en retarder l'adoption, que ce soit avant, pendant ou après l'examen de l'article 10.
Mme Michelle Demessine. Je pense que nous avons raison !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Sans doute, mais, pour notre part, nous n'avons pas changé d'avis. Nous considérons que ce texte comprend deux volets importants.
Le premier concerne l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz à tous les Français. Cette disposition ne peut pas attendre. Si nous la reportions jusqu'après le 1er juillet 2007, vous le savez parfaitement, la directive s'imposerait à nous dans des termes choisis par Bruxelles. Nous ne pourrions donc pas mettre en oeuvre deux mesures importantes, à savoir le tarif social et, surtout, le maintien d'un tarif régulé.
Le second volet a trait à l'ouverture du capital de Gaz de France. En y étant hostiles, vous êtes fidèles à votre logique. Quant à nous, nous sommes favorables à cette ouverture et nous ne voulons pas non plus retarder cette étape.
Ce sont les deux raisons majeures pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Hélène Luc. Cette loi sera revue !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Baroud d'honneur, monsieur Courteau ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. Je ne sais si c'est un baroud d'honneur, mais nous sommes favorables à l'amendement de nos collègues du groupe CRC, qui vise à se rapprocher de l'une des conditions fixées au sommet de Barcelone, en mars 2002, lequel avait prévu, outre une directive-cadre, la réalisation d'un bilan de la libéralisation du marché du gaz et de l'électricité avant l'ouverture totale à la concurrence.
Cette volonté du Conseil européen n'a jamais été mise en oeuvre puisque le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, par la voix de Mme Nicole Fontaine, a donné son aval à l'ouverture totale à la concurrence pour les ménages. Nous avions dit à l'époque qu'il s'agissait d'une reddition sans conditions. Nous le répétons une fois encore.
Il est bien dommage de transcrire cette directive sans que les conditions définies au sommet de Barcelone aient été respectées au préalable. C'est même tout à fait regrettable !
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souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de moldavie
Mme la présidente. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation du Parlement de Moldavie, conduite par son président M. Marian Lupu, présente à Paris à l'invitation du Sénat et accompagnée de Mme l'ambassadrice.
J'en profite pour saluer notre collègue Mme Josette Durrieu, active présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Moldavie du Sénat.
Je forme le voeu que ce séjour permette d'approfondir et de renforcer nos relations avec ce pays qui est profondément attaché à la culture européenne comme à la défense de la francophonie et de la diversité culturelle. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
7
Secteur de l'énergie
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
Article additionnel avant l'article 11 (précédemment réservé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 166 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 669 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aucun intérêt privé ne peut, directement ou indirectement, être présent dans le capital des entreprises ou des organismes chargés de la gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 166.
M. Roland Courteau. Lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, le Parlement a établi le principe selon lequel, d'une part, la politique énergétique repose sur un service public de l'énergie garantissant une indépendance stratégique et favorisant la compétitivité économique et industrielle et, d'autre part, la conduite de la politique énergétique nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales.
Dès lors, l'indépendance ne peut que reposer sur des gestionnaires de réseaux totalement publics, ce que n'assure pas le projet de loi puisqu'il prévoit la privatisation de GDF.
Dans la continuité de la réflexion que nous menons depuis le début de ce débat, nous considérons qu'aucun intérêt privé ne peut, directement ou indirectement, être présent dans le capital des sociétés chargées de la gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz. Il s'agit en effet d'assurer, dans un contexte de libéralisation à tous crins, marqué par la privatisation des opérateurs historiques et la remise en cause des monopoles naturels, la pérennisation des missions de service public des gestionnaires de réseaux de transport. Car, au train où vont les choses, rien n'est plus garanti !
Or RTE - Réseau de transport d'électricité -, par exemple, est au coeur de l'organisation de notre système électrique. C'est principalement sur lui que repose l'alimentation en électricité de notre pays. RTE a en effet pour mission de service public d'exploiter, d'entretenir et de développer le réseau de transport. Jouissant d'une situation géographique centrale en Europe, il dispose de l'un des réseaux les plus importants du continent avec 100 000 kilomètres de circuits à haute et très haute tension et quarante-six lignes transfrontalières.
RTE doit être le garant du bon fonctionnement et de la sûreté de notre système électrique.
Aujourd'hui, comme chacun le sait, le statut de RTE lui garantit son indépendance. Cependant, dans le contexte actuel et au vu des missions essentielles qu'il a à remplir, il est nécessaire de réaffirmer qu'il doit demeurer entièrement public. Cela préserverait le réseau de transport d'électricité ou de gaz des convoitises que certains ne manqueraient pas d'éprouver.
Certains propos ont semé le doute sur la question de la propriété des réseaux. Dès lors, il s'agirait d'appliquer un principe de précaution en s'inscrivant délibérément dans une vision à long terme et en cherchant à préserver les intérêts essentiels de la France dans le domaine de la gestion des réseaux de transport d'électricité et de gaz.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 669. (M. Jean Desessard manifeste sa surprise.)
Veuillez m'excuser, monsieur Desessard : c'est bien à vous qu'il revient de présenter cet amendement, et non à Mme Demessine, qui n'en est pas signataire.
M. Jean Desessard. Ce n'est pas grave, madame la présidente, car nos collègues du groupe CRC et moi sommes pratiquement sur les mêmes positions : contre le libéralisme débridé dont fait preuve la majorité et pour des services publics sérieux et de qualité, qui ont d'ailleurs bien fonctionné jusqu'à maintenant. Nous sommes même partisans de les rendre européens !
Cela ne me pose donc aucun problème que vous pensiez qu'il existe des convergences de vue entre nous. (Sourires.)
M. Yves Coquelle. Ça nous fait plaisir ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. Cela étant, cet amendement ayant été excellemment défendu par M. Courteau, j'en resterai là.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cela ne surprendra personne, la commission est défavorable à ces deux amendements.
En vérité, monsieur Courteau, monsieur Desessard, ils s'inscrivent parfaitement dans votre logique d'opposition à la privatisation de Gaz de France. En effet, en interdisant la présence directe ou indirecte d'intérêts privés dans le capital des sociétés gérant les réseaux de transport de gaz ou d'électricité, ils rendraient impossible la privatisation du réseau de transport de gaz. Il conviendrait alors de séparer la propriété de ce réseau au sein de Gaz de France, ce qui affaiblirait l'entreprise.
Leur adoption impliquerait également la renationalisation totale d'EDF ou, pis encore, l'interdiction pour EDF de détenir une part de capital au sein de RTE.
Par ailleurs, cher collègue Roland Courteau, je tiens à vous rappeler que, dans notre pays, les missions de service public s'imposent aux entreprises privées comme aux entreprises publiques. Dès lors qu'un acteur est présent sur le territoire national ou qu'il a l'intention de s'y implanter, la loi lui impose de respecter ces mêmes missions de service public.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
J'ajouterai simplement que, si ces amendements étaient adoptés, l'État devrait, par exemple, racheter à Total le réseau de transport qui lui a été vendu par le gouvernement Jospin. Je n'imagine pas que vous puissiez vraiment vouloir cela !
M. Roland Courteau. Et pourquoi pas ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 166 et 669.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 11 (précédemment réservé)
Le II de l'article 12 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée est ainsi rédigé :
« II. - La société gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel issue de la séparation juridique imposée à Gaz de France par l'article 5 est régie, sauf dispositions législatives contraires, par les lois applicables aux sociétés anonymes. Son capital ne peut être détenu que par Gaz de France, l'État ou des entreprises ou organismes du secteur public. »
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Coquelle, sur l'article.
M. Yves Coquelle. L'article 11 concerne la société gestionnaire du réseau de transport de gaz issue de la séparation d'avec la maison mère Gaz de France.
Jusqu'à présent, le gestionnaire du réseau de transport de gaz était une société anonyme filiale de GDF. Avec la possibilité de privatiser GDF prévue à l'article 10 de ce projet de loi, c'est maintenant également la privatisation du réseau de transport de gaz qui est en jeu.
De fait, la rédaction que vous proposez, qui confie à Gaz de France - entreprise privatisable -, à l'État ou à des entreprises ou organismes du secteur public la propriété du capital, n'apporte plus de garantie réelle quant à la maîtrise publique d'une activité pourtant hautement stratégique.
C'est donc à un vrai dépeçage des activités énergétiques que vous procédez !
Ce dépeçage apporte une preuve supplémentaire du fait que votre gouvernement ne sait pas tenir ses engagements. Lors des débats parlementaires de 2004, M. Nicolas Sarkozy s'était personnellement engagé à maintenir le transport de gaz dans le giron public. L'équipe gouvernementale à laquelle vous appartenez, monsieur le ministre, souffre-t-elle de troubles de la mémoire ou manque-t-elle tout simplement de parole ?
Quel que soit le diagnostic, la situation est grave et discrédite, une fois de plus, la politique menée par ce gouvernement.
Il est bon, pourtant, de rappeler à nos collègues de la majorité et à nos concitoyens les effets potentiels de ce dépeçage et de la privatisation de ce réseau de transport.
J'évoquerai tout d'abord les enjeux de sécurité.
Les installations de gaz naturel liquéfié présentent en effet des risques d'accidents particulièrement graves en raison de la concentration d'énergie et de la température du gaz naturel liquéfié. Nous ne devons absolument pas négliger les risques importants que constituent de telles installations.
Faut-il rappeler l'article du Monde en date du 23 mars 2006, qui revient sur l'accident de Dijon et les nombreux décès qu'il a causés ? Le jeudi 23 mars 2006, GDF a été reconnu coupable d' « homicides et blessures involontaires » par le tribunal correctionnel de Dijon, et condamné à 204 500 euros d'amende.
D'après le jugement, « GDF, qui connaissait le caractère fragile et dangereux des fontes grises dites cassantes, qui en avait décidé le remplacement et qui disposait des moyens financiers pour le faire, a négligé de poursuivre cet objectif, manquant ainsi à son obligation de sécurité imposée par sa mission de concessionnaire de service public, à l'origine du drame ».
Chacun doit également avoir bien conscience que ces installations jouent un rôle essentiel et spécifique dans l'alimentation de notre pays en gaz naturel. Elles contribuent de manière déterminante à la sécurité de nos approvisionnements.
En plein hiver, des défaillances sur le réseau de transport auraient des conséquences dramatiques. Certes, nous ne sommes pas en Ukraine, mais l'épisode de cet hiver en Ukraine ou tout simplement la tempête de 1999 en France, en plein hiver, ont montré les difficultés que pose à la population une rupture de fourniture en énergie et les soucis que cela entraîne. Autant dire que l'entreprise ne peut se permettre de « rogner » sur les dépenses d'entretien et de maintenance !
Le réseau de transport de gaz aura-t-il les moyens d'aller expliquer tout cela à ses actionnaires privés, dont le souci n'est pas vraiment la qualité du réseau de transport ?
Nous l'avons déjà dit, les institutions communautaires, appuyées par les approbations des chefs d'État et de gouvernement, ont procédé de façon similaire dans d'autres secteurs organisés en réseau, par exemple dans le secteur du rail.
La triste expérience britannique - la gestion des infrastructures ferroviaires a été confiée à une entreprise privée - montre qu'exigence de rentabilité immédiate et investissements dans la sécurité ne font pas bon ménage !
Faudra-t-il attendre un accident pour que votre majorité accepte de revenir sur la privatisation du principal réseau de transport de gaz ?
La maîtrise publique de l'énergie n'est pas un slogan en l'air. Elle vise à assurer une maîtrise des risques, à garantir l'existence d'un réseau de qualité, le critère principal de gestion étant non le taux de retour sur investissement, mais la qualité du service rendu.
Vous porteriez une lourde responsabilité vis-à-vis des habitants de ce pays en traitant le réseau de transport de gaz comme n'importe quelle entreprise de bonbons !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. Le transport de gaz constitue un service public, qui doit respecter l'égalité entre les usagers et garantir un niveau maximal de sécurité.
Or les accidents dus au gaz connaissent souvent des issues dramatiques. Pourtant, ils pourraient bien souvent être évités. Ces accidents ne sont pas le fruit de la fatalité, mais ils sont la conséquence des choix en termes de gestion de GDF et de réglementation.
Après les dix morts de Palaiseau en 1986, les quatorze morts de Dijon en 1999, le mort de Toulouse en 2002, les deux enfants tués à Arras en 2003, les dix-sept morts de Mulhouse en 2004, ou encore, le 29 juin 2006, les trois agents gaziers du centre EDF-GDF Distribution de Bagneux grièvement brûlés, il est impératif de ne pas prendre à la légère la question de la sécurité des installations gazières !
Prenons l'exemple des fontes grises, un matériau souvent utilisé dans le passé, mais interdit depuis 1970, car il présente la particularité d'être cassant.
Au moindre déplacement, la canalisation se rompt et le gaz se répand dans la terre, parfois rapidement. Il peut s'accumuler dans les sous-sols, dans les caves, et il suffit d'une étincelle pour que survienne la catastrophe.
Le 21 décembre 2004, devant la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale, M. Jean-François Cirelli, président de Gaz de France, entendait supprimer totalement les fontes grises cassantes d'ici à 2008, ce qui exigeait un effort de 468 millions d'euros sur quatre ans. On est encore loin du compte aujourd'hui !
Si GDF, entreprise publique, n'a pas su régler ce problème, alors que la CGT, notamment, a alerté le Gouvernement à plusieurs reprises, qu'en sera-t-il lorsque l'entreprise sera privatisée ?
Ainsi, la Fédération nationale des mines et de l'énergie CGT considère que les accidents tiers constituent maintenant un des risques essentiels encourus et que la prévention est insuffisante. Elle souligne que les suppressions d'emplois aussi bien à EDF qu'à Gaz de France conduiront à la détérioration de la sécurité industrielle, qu'il s'agisse de la sécurité des usagers ou de celle des personnels.
La rémunération des actionnaires ne doit en aucun cas justifier la dégradation de la sécurité !
Il est intéressant d'observer que, depuis la filialisation du GRTgaz, les exigences de rentabilité priment déjà les missions de service public. La priorité est donnée aux investissements qui rapportent le plus. Et cela ne risque pas de s'arranger avec la privatisation de GDF !
D'ores et déjà, le manque d'effectif régulier, obligeant des jeunes sans expérience à intervenir sur le terrain, ou encore la réorganisation des services d'urgence de gaz et d'électricité ont montré que la sécurité en matière de transport connaissait des insuffisances.
Le gaz et l'électricité ne sont pas des marchandises comme les autres, ainsi que le prouve l'importance de la sécurité de leur transport.
À ce titre, nous demandons de nouveau que le capital de la société gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel reste majoritairement public.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Après le vote de l'article 10, qui privatise Gaz de France, vous nous présentez cet article 11 comme celui de la sauvegarde du service public et comme un garde-fou contre les risques du marché.
Cet article, qui consacre le transfert au secteur privé de la société gestionnaire du réseau de transport du gaz, proclame en effet que le capital de cette entité restera la propriété de GDF ou du secteur public.
Il appelle plusieurs remarques.
Tout d'abord, la privatisation du gestionnaire du réseau est anticonstitutionnelle, et vous le savez bien ! C'est une violation manifeste du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, cela a été rappelé largement hier par Daniel Raoul et par d'autres collègues.
Le réseau de transport de gaz de GDF n'est pas le seul dans notre pays, mais il couvre une large partie de notre territoire et relève donc de la catégorie des services publics nationaux.
Dans sa décision du 5 août 2004, le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs admis que GDF était en charge d'un service public national, par le biais notamment de la gestion de ce réseau de transport. Ce statut n'avait jusqu'alors jamais été remis en cause, et rien de nouveau ne justifie qu'on y toucher aujourd'hui.
Ensuite, cet article, comme beaucoup d'autres dans ce texte, est volontairement en « trompe-l'oeil » : il est destiné à masquer la réalité de votre projet.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
Mme Bariza Khiari. L'article prévoit que le capital de la société gestionnaire de réseau ne pourra être détenu que par Gaz de France, l'État ou des entreprises ou organismes du secteur public. Cette rédaction est trompeuse. Elle tend à faire croire que le gestionnaire de réseau demeurera dans le secteur public. Pourtant, le Parlement vient d'adopter l'article 10, et GDF est donc potentiellement une entreprise privée !
En réalité, le gestionnaire de réseau pourra être contrôlé par la nouvelle entité née de la fusion entre Suez et GDF.
Sous couvert de cet article ambigu, votre volonté est donc bien de démanteler le service public du gaz puisque vous vous préparez à brader un monopole de fait, allant ainsi contre la lettre même de la Constitution.
Si nous voulons préserver les intérêts de notre économie et ceux des consommateurs, nous ne pouvons accepter le risque de voir le réseau de transport du gaz transféré au privé.
C'est pourquoi les socialistes rejetteront cet article 11 et demandent que le capital de la société gestionnaire de réseau soit réellement public.
Mme la présidente. Je suis saisie de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 167 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 478 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 670 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 167.
M. Roland Courteau. Cet article 11 modifie l'article 12 de la loi du 9 août 2004, qui précisait que le capital de la filiale de GDF chargée de la gestion du réseau de transport de gaz naturel ne pouvait être détenu que par Gaz de France, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public.
Cette filiale était, par ailleurs, soumise à la loi relative à la démocratisation du secteur public.
Avec la privatisation de Gaz de France, mes chers collègues, tout ce dispositif vole en éclat !
L'article 11 précise que le capital de la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel ne peut être détenu que par Gaz de France, l'État ou des entreprises ou organismes du secteur public.
Pour autant, avec la privatisation de Gaz de France, la donne change totalement, car le capital de cette filiale peut être détenu par une entreprise devenue privée, à savoir Gaz de France !
Dès lors, la filiale gestionnaire du réseau de transport se retrouve sous la coupe d'actionnaires privés alors qu'elle doit assumer des missions de service public essentielles.
Selon nous, nous ne nous lasserons jamais de le répéter, la solution qui aurait permis de préserver les missions de service public de cette filiale aurait consisté à la transformer en un établissement public à caractère industriel ou commercial, un EPIC.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Roland Courteau. Ce n'est pas le choix que vous avez fait, bien au contraire. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 478.
Mme Michelle Demessine. Nous souhaitons également supprimer cet article 11, qui dispose que la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz est régie par les règles applicables aux sociétés anonymes, tout en précisant que son capital ne peut être détenu que par Gaz de France, l'État ou des entreprises ou organismes du secteur public.
Nous considérons, au regard de l'adoption de l'article 10 qui permet la privatisation de GDF, que la porte est donc ouverte par cet article 11 à la privatisation de la société gestionnaire de réseaux de transport.
Pourtant, le législateur a déjà posé le principe de l'inaliénabilité des actifs indispensables à l'accomplissement du service public, et nous estimons, pour notre part, que les réseaux de transport entrent dans cette catégorie
Le Conseil d'État, dans un arrêt de 1997, a également indiqué que tous les biens indispensables à l'accomplissement du service public sont obligatoirement des biens de retour, c'est-à-dire qu'ils reviennent gratuitement à la puissance publique.
Cela signifie que ces actifs peuvent être exploités par un opérateur privé, mais dans le cadre d'une délégation de service, comme c'est notamment le cas pour la distribution de gaz.
Ces actifs ne peuvent donc appartenir au secteur privé, sous peine qu'il soit gravement porté atteinte à la continuité du service public.
Cela s'explique aisément : si Gaz de France privatisé faisait l'objet d'une OPA par un acteur étranger, de surcroît non européen, et que l'acquéreur décidait de ne plus investir dans le réseau, comment la puissance publique pourrait-elle contraindre Gaz de France, entreprise privée, à maintenir en bon état son réseau et à assurer la continuité du service public ?
Dans un pays dépourvu de ressources gazières, le réseau du transport gazier se place au coeur du service public du gaz, tout comme les stockages souterrains.
Ainsi, le réseau de transport se doit avant tout d'assurer la continuité du service public du gaz. Dans la mesure où le réseau de transport gazier est situé en amont des réseaux de distribution du gaz, auxquels sont attachées des obligations de service, les obligations de service public de distribution ne peuvent être assurées que si de pareilles obligations s'imposent au réseau de transport gazier.
Sauf à le déclasser en le privant de son statut de service public - ce que le Conseil d'État, dans son avis, ne propose pas -, le réseau de transport gazier est donc un actif de service public nécessaire à l'accomplissement du service public du gaz et doit donc rester un bien public inaliénable.
De plus, aujourd'hui, les réseaux de transport gazier constituent un monopole de fait, au sens du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que seul le maintien de Gaz de France dans le secteur public ou le caractère majoritairement public de la filiale de Gaz de France gestionnaire de réseaux de transport gazier sont donc de nature à garantir la continuité du service public par le maintien du caractère public du réseau de transport du gaz.
Nous demandons, par conséquent, la suppression de cet article 11.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 670.
M. Jean Desessard. Cet amendement, identique aux deux amendements précédents, a été très bien défendu par M. Courteau et Mme Demessine. (Sourires.)
Nous considérons, nous aussi, que la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel doit rester une entreprise publique.
Par cet amendement, nous nous opposons donc à la filialisation - que permet l'article 11 - de cette activité, afin d'éviter le démantèlement du service public de proximité.
Mme la présidente. L'amendement n° 480, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Pour répondre aux objectifs mêmes fixés par la loi d'orientation sur l'énergie n° 2005-781 du 13 juillet 2005 et afin de disposer d'un outil répondant aux exigences de service public, les établissements publics à caractère industriel et commercial Électricité de France et Gaz de France sont fusionnés et forment un établissement public à caractère industriel et commercial dénommé « Électricité et Gaz de France ».
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Par cet amendement, nous souhaitons proposer une alternative au projet de fusion entre Suez et GDF.
En effet, nous estimons que, loin de créer un géant énergétique, ce nouvel ensemble n'aurait d'autre vocation que de casser encore un peu plus le service public à la française.
Les griefs de Bruxelles ainsi que les concessions déjà proposées par les entreprises nous amènent en effet à nous interroger. Par sa taille, ce nouveau groupe ne serait en réalité pas plus important que l'actuelle entreprise publique.
Selon les informations les plus récentes, 30 % des contrats de long terme seraient cédés à la concurrence. Ce projet entraînerait également une suppression d'emplois sans précédent chez l'opérateur public.
Par ailleurs, avez-vous la naïveté de penser que les actionnaires de Suez vont supporter longtemps l'existence des tarifs réglementés, dont la suppression leur permettrait d'accroître encore leurs dividendes ?
Ce projet, loin de répondre aux enjeux énergétiques actuels, ne se justifie ni politiquement ni industriellement.
La sécurité d'approvisionnement ne sera pas renforcée ; en revanche, le service public sera laminé. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez pour nos concitoyens, monsieur le ministre ?
À travers ce texte et la fusion annoncée, vous souhaitez dépouiller l'État de tout moyen d'intervention dans la sphère économique ; vous le privez des instruments industriels qui lui permettent d'assurer le respect des droits fondamentaux, dont l'accès à l'énergie fait partie.
Vous laissez aux actionnaires des grands groupes, qu'il s'agisse de Suez, d'Enel ou de Pinault, un pouvoir inédit pour influencer la politique énergétique de la France ; nous ne pouvons l'accepter.
Les sénateurs du groupe CRC proposent pour leur part un projet absolument différent, à notre avis plus conforme au message sorti des urnes le 29 mai 2005, par lequel le peuple vous a demandé de mettre en oeuvre au niveau national et communautaire, non une politique de libéralisation accrue, mais une politique au service des hommes, une politique solidaire, fondée, notamment, sur le développement des services publics.
Bref, ce que nous vous proposons, c'est, plutôt que de vous cacher derrière les injonctions de Bruxelles, de mener une politique énergétique courageuse, à même de répondre aux intérêts et aux besoins des Français.
Nous souhaitons, en effet, à l'instar de la démarche engagée par certains pays européens comme le Portugal, l'Allemagne ou l'Espagne, le rapprochement des deux opérateurs historiques.
Les enjeux énergétiques liés à la raréfaction des ressources fossiles et au respect des engagements de Kyoto créent une responsabilité particulière pour votre gouvernement.
Vous devez utiliser ces formidables outils que sont EDF et GDF non pour que ces deux établissements engagent entre eux une guerre frontale, mais pour développer une politique favorisant l'accès de tous à une énergie propre, durable et sécurisée.
Dans ce sens, il nous faut développer les synergies entre les deux opérateurs historiques, qui ont une longue expérience des services publics et ont largement fait la preuve de leur efficacité.
Par ailleurs, si EDF et GDF ne fusionnent pas, l'abandon du principe de spécialité les mettra directement en concurrence, ce qu'il faut éviter à tout prix si l'on ne veut pas prendre le risque de provoquer un gâchis terrible.
Pour la préservation de notre service public et pour le maintien de la performance de notre outil industriel, une fusion des EPIC est donc essentielle.
Il est de plus en plus souvent admis que la fusion de deux entreprises aussi intimement liées qu'EDF et GDF est un facteur d'optimisation économique, alors que leur séparation, selon un schéma concurrentiel, est un facteur de dysfonctionnement et de casse sociale.
Dès lors, on ne peut balayer d'un revers de main les craintes exprimées par les syndicats, qui redoutent que, dans le schéma actuel, ces entreprises ne puissent pas résister à la déréglementation et qu'elles soient achetées par de grands groupes tels que Suez, ou se retrouvent à leur merci.
Le choix de la fusion a donc plusieurs justifications.
Tout d'abord, il est à peu près certain que la France connaîtra un déficit de production d'électricité avant 2010 et qu'il est trop tard pour engager la construction d'une nouvelle tranche nucléaire opérationnelle à cette échéance. L'augmentation de la production d'électricité à partir du gaz est donc inéluctable d'ici à dix ans.
Ensuite, la création de ce grand groupe de taille mondiale de l'énergie s'inscrirait dans le mouvement de concentration et de création de champions énergétiques capables de proposer une offre multi-énergies, qu'illustre le rapprochement entre E.ON et Ruhrgas, en Allemagne. Un tel groupe serait en mesure d'affronter la concurrence à la suite de l'ouverture totale des marchés, tout en assurant les missions de service public.
Rien ne s'oppose donc à cette solution alternative, et surtout pas un éventuel blocage dicté par la Commission de Bruxelles, car il ne serait pas fondé juridiquement, ainsi que le montrent toutes les études effectuées dans ce domaine.
Cependant, sa réussite exige, effectivement, un projet d'entreprise et une politique industrielle ambitieuse, qui seuls peuvent garantir durablement, dans le cadre de la maîtrise publique de la politique énergétique, un service public de qualité pour les usagers, la sécurité de l'approvisionnement, l'indépendance énergétique de la France, ainsi qu'un niveau élevé de sûreté, indispensable pour le nucléaire.
Tel est l'objet de cet amendement, qui vise à renforcer la maîtrise publique de la politique énergétique de notre pays, ainsi qu'à développer les synergies entre les deux entreprises historiques qui ont fait la preuve de leur efficacité.
Mme la présidente. L'amendement n° 481, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 11 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La société gestionnaire du transport de gaz issue de la séparation juridique imposée à Gaz de France par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 exerce toute activité de construction, d'exploitation et de développement de tout le réseau de transport de gaz, de toutes les installations de gaz naturel liquéfié et de tous les stockages de gaz appartenant à Gaz de France sur le territoire français à la date de promulgation de la présente loi. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement traduit en fait l'une de nos interrogations fondamentales sur le contenu même de la privatisation de Gaz de France, point que mes collègues Yves Coquelle, Michelle Demessine et Michel Billout ont déjà évoqué.
En effet, la sécurité d'approvisionnement ne se résume pas à l'indépendance énergétique. Elle recouvre aussi la continuité dans la fourniture de sources d'énergie en quantité suffisante pour répondre à la demande des consommateurs.
Investi par l'État de la mission d'assurer la sécurité d'approvisionnement en gaz du pays, GDF disposait en conséquence d'un monopole d'importation et a développé une politique de contrats de long terme.
Cette situation l'a conduit à acquérir une compétence de premier ordre dans le transport de gaz.
L'entreprise s'est également dotée de treize sites de stockage, indispensables pour assurer la continuité d'approvisionnement.
Hélas, les directives européennes, auxquelles l'article 11 fait explicitement référence, imposent désormais de mettre ces infrastructures à disposition des concurrents.
Il y a là un risque majeur, auquel l'article 11 n'oppose que des garanties insuffisantes.
Prévoir que la société gestionnaire des réseaux de transport pourra être intégralement propriétaire des installations concernées, c'est donc respecter l'une des missions historiques du secteur public de l'énergie et favoriser une égalité de traitement entre opérateurs de transport et de distribution.
Tel est le sens de cet amendement, qui favorise la cohérence des activités de GDF et, surtout, prévoit le maintien de ces activités au sein d'une même entité.
Mme la présidente. L'amendement n° 483, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour le II de l'article 12 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, supprimer les mots :
issue de la séparation juridique imposée à Gaz de France par l'article 5
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement est à la fois un amendement d'appel et un amendement de fond.
La question de la privatisation de Gaz de France, actée par l'article 10, dont nous avons suffisamment dit en quoi il posait d'incontestables problèmes de mise en oeuvre, rejaillit naturellement sur le devenir de la société de transport du gaz.
Par effet domino, cette société va se retrouver avec un capital majoritairement détenu par des actionnaires privés et anonymes.
Faisons un calcul simple : si l'État continue de disposer de 34 % dans le capital de Gaz de France et qu'il fait jouer la fameuse action privilégiée prévue à l'article 10, il n'en demeure pas moins que le même décalage de détention d'actions se retrouvera dans le capital de la société gestionnaire du réseau de transport.
Nous devons clairement poser la question : oui ou non, le devenir des activités de l'entreprise de transport du gaz entre-t-il dans le champ des conditions de mise en oeuvre de la sécurité et de la continuité d'approvisionnement ?
Une telle remarque vaut évidemment pour la référence à l'article 10 de la loi relative aux modalités des privatisations qui définit la portée de l'action privilégiée
Comme il demeure une équivoque, puisque le réseau de transport n'est pas nécessairement toujours aussi stratégique qu'une installation de stockage, par exemple, il importe de se prémunir et de se donner toutes garanties.
Dans ce contexte, il convient de signifier, en adoptant cet amendement, que la société gestionnaire du transport du gaz n'a plus vraiment, dans son objet, à voir avec une compartimentation des précédents actifs de Gaz de France.
Comme nous souhaitons par ailleurs lui donner un caractère public affirmé, nous ne pouvons que vous inviter à pratiquer dans le texte de l'article la suppression de la mention « issue de la séparation juridique imposée à Gaz de France » qui, dès lors, n'a plus d'objet.
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 169 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 672 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
par l'article 5
rédiger comme suit la fin de la première phrase et le début de la seconde phrase du texte proposé par cet article pour le II de l'article 12 de la loi 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières :
ainsi que les sociétés de terminaux méthaniers, de stockage et de gestionnaire de réseaux de distribution sont régies, sauf dispositions législatives contraires, par les lois applicables aux sociétés anonymes. Leur capital...
La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 169.
M. Daniel Raoul. Madame la présidente, je souhaite tout d'abord rectifier cet amendement de telle manière que, outre la modification déjà proposée, dans la deuxième phrase du texte visé, la mention de Gaz de France soit supprimée. En effet, du fait de l'adoption de l'article 10, Gaz de France ne fait plus partie du secteur public.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 169 rectifié présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés et ainsi libellé :
Après les mots :
par l'article 5
rédiger comme suit la fin du texte proposé par cet article pour le II de l'article 12 de la loi 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières :
ainsi que les sociétés de terminaux méthaniers, de stockage et de gestionnaire de réseaux de distribution sont régies, sauf dispositions législatives contraires, par les lois applicables aux sociétés anonymes. Leur capital ne peut être détenu que par l'État ou des entreprises ou organismes du secteur public.
Veuillez poursuivre, monsieur Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement vise à éviter un démantèlement de Gaz de France.
Il précise qu'au même titre que la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel, issue de la séparation juridique et comptable imposée à Gaz de France, les terminaux gaziers, de stockage et les sociétés gestionnaires de réseaux de distribution ne peuvent être détenus que par l'État ou des entreprises ou organismes du secteur public.
Il s'agit donc d'empêcher le morcellement et le démantèlement du service public du gaz.
D'ailleurs, le dispositif que cet amendement tend à instituer est conforme à un projet de décret qui nous a été présenté en commission, le fameux décret relatif à l'action spécifique. En l'occurrence, il s'agit simplement de mentionner les sociétés de terminaux méthaniers, de stockage et de gestionnaire de réseaux de distribution dans le présent article.
En outre, je voudrais répondre aux propos de M. le ministre, qui s'est livré à un raccourci un peu rapide.
Certes, monsieur le ministre, je comprends que vous puissiez être polémique,...
M. Daniel Raoul. ... mais, en l'occurrence, je crois que vous êtes allé trop loin.
Vous avez évoqué l'absorption d'Elf par Total. Or l'entreprise Elf disposait de son propre réseau de gaz naturel, à partir du gisement de Lacq. Il ne s'agissait donc pas d'une vente, contrairement à ce que vous avez affirmé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 672.
M. Jean Desessard. À présent, mon amendement et celui qui vient d'être présenté par M. Raoul ne sont plus identiques. Cela dit, ils s'inscrivent dans la même logique. Il s'agit en effet d'éviter le morcellement et le démantèlement des services publics du gaz, et je fais mien l'excellent argumentaire qu'a développé M. Raoul, préférant me réserver pour les explications de vote sur l'ensemble du présent projet de loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 485, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du texte proposé par cet article pour le II de l'article 12 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 :
Son capital est constitué à 100 % par des capitaux publics.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise à faire en sorte que la société gestionnaire du réseau de transport de gaz soit détenue en totalité par des personnes morales de droit public, qu'il s'agisse d'entreprises publiques, de l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public.
Nous sommes parfaitement conscients que cette proposition est tout à fait contraire aux objectifs du présent projet de loi.
En effet, dès la mise en oeuvre des dispositions de l'article 10, et compte tenu du poids relativement réduit des capitaux publics dans le capital de Gaz de France, la filiale GRTgaz sera directement placée, par effet domino, dans l'oeil du cyclone d'une privatisation, ce qui est aussi dommageable que toute autre privatisation annoncée par ailleurs.
Dans ce contexte, qu'adviendra-t-il de la fameuse neutralité du transporteur ? Des intérêts privés étrangers pourront se trouver en position de mettre la main sur notre réseau de transport !
Qu'est-ce qui pourrait s'opposer à ce que, pour trouver quelques liquidités nouvelles, le groupe issu de la fusion entre Suez et Gaz de France soit amené à céder une part des actifs constitués à n'importe quel opérateur gazier d'origine étrangère, qui pourrait dès lors prendre d'autant plus facilement pied sur le territoire national qu'il ne s'agirait là que des conséquences mêmes de l'adoption du présent projet de loi ?
Mes chers collègues, je ne pensais pas que l'on s'autoriserait ainsi à créer les conditions juridiques permettant, par exemple, à Gazprom, géant gazier russe, de se porter acquéreur des tuyaux, c'est-à-dire du réseau de transport, avant même de faire main basse sur tout ou partie de la distribution.
Jusqu'à présent, nul n'a imaginé de meilleur garant de la neutralité que l'État républicain, qui est soucieux de l'intérêt public.
Une telle neutralité est nécessaire pour un gestionnaire de réseaux de transport qui souhaite mettre ses services à la disposition de différents partenaires en toute impartialité.
Or la privatisation de Gaz de France limitera au cénacle du futur conseil d'administration le pouvoir de décider des activités de la filiale chargée du transport, et ce au détriment de l'intérêt national, qui s'effacera derrière les exigences des actionnaires.
La privatisation « en domino » du transporteur aura pour effet la disparition du principe de neutralité, que le législateur avait pourtant prétendu vouloir défendre. Est-ce véritablement là ce que vous souhaitez ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 168 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 671 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la dernière phrase du texte proposé par cet article pour le II de l'article 12 de la loi 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, après les mots :
son capital
insérer les mots :
, totalement public,
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 168.
M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous allons pouvoir vérifier la cohérence de votre volonté et de votre pensée.
M. Daniel Raoul. Ça commence mal ! (Sourires.)
M. Daniel Reiner. En effet, cet amendement concerne également le statut de la société gestionnaire du réseau de transport, ainsi que la propriété de son capital.
Je vous le rappelle, en 2004, lorsque nous avions transformé Gaz de France en société anonyme, nous avions également modifié les dispositions applicables à la société gestionnaire du réseau de transport, afin de souligner qu'elle devait conserver le bénéfice de l'application de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
Aujourd'hui, vous êtes évidemment un peu ennuyés parce que le problème se pose en des termes différents. Vous nous proposez donc de procéder à une nouvelle modification du statut de cette société, en nous demandant de préciser que son capital ne peut être détenu que par Gaz de France, l'État ou des entreprises ou organismes de secteur public.
Bien entendu, pour les raisons qui ont été évoquées lors de la discussion sur cet article et lors de la présentation des différents amendements tendant à le modifier, votre démarche suscite notre opposition.
Dans ces conditions, cet amendement, qui pourrait être à tort perçu comme simplement rédactionnel, vise à préciser que le capital de cette société est et doit demeurer totalement public.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 671.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à préciser que le capital de la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel issue de la séparation imposée à Gaz de France doit être entièrement public.
Il s'agit d'un élément déterminant, compte tenu de l'importance du réseau de transport dans le bon fonctionnement du service public du gaz naturel.
Mme la présidente. L'amendement n° 484 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du texte proposé par cet article pour le II de l'article 12 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, après les mots :
détenu que par
supprimer les mots :
Gaz de France,
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L'article 10 du présent projet de loi ouvre la voie à la privatisation de GDF et, par conséquent, à celle de la filiale gestionnaire du réseau de transport.
De notre point de vue, il est très grave que l'État perde ainsi la pleine maîtrise des activités stratégiques de transport de gaz.
En effet, le réseau de transport nécessite des efforts soutenus de maintenance et des dépenses élevées pour en assurer la sécurité. Or ces investissements importants ne sont nullement compatibles avec des pressions en faveur d'une rentabilité maximale.
Cet amendement vise donc à supprimer les mots « à Gaz de France », afin de sauver le gestionnaire de réseau de transport de l'emprise des capitaux privés et de conserver comme propriétaires du réseau l'État ou des entreprises du secteur public.
Une telle maîtrise publique permettrait au réseau de transport de continuer à assurer ses missions de service public.
Les évolutions en cours au sein du GRTgaz sont révélatrices des problèmes que pose la privatisation du réseau de transport.
En effet, le gestionnaire du réseau de transport, qui est filialisé depuis plus d'un an, est devenu un acteur autonome du secteur gazier, avec ses propres décisions, sa propre gestion, ainsi d'ailleurs que ses propres difficultés. Les exigences de rentabilité ont déjà pris le pas, semble-t-il, sur les missions de service public puisque l'objectif de la direction est avant tout de « fluidifier » le marché, c'est-à-dire de favoriser l'arrivée de nouveaux entrants.
Concrètement, le GRTgaz oriente ainsi en priorité ses investissements vers les zones qui permettent d'améliorer le transit des différents opérateurs, les plus utilisées étant bien sûr les zones frontalières. Tant pis pour les canalisations des autres régions !
Les soucis d'équilibrage du réseau ou d'investissement, quelle que soit la rentabilité de la zone, sont oubliés.
Le GRT est entré dans une logique marchande, privilégiant les investissements qui rapportent le plus. Cette logique ne peut qu'être renforcée par les pressions des actionnaires, qui seront d'autant plus fortes que les personnes de droit privé jouiront de la majorité qualifiée des parts sociales.
C'est là tout l'objet de cet amendement, qui vise à maintenir le GRTgaz dans le giron de l'État.
Mme la présidente. L'amendement n° 482, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour le II de l'article 12 de la loi n°2004-803 du 9 août 2004 par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil d'administration ou de surveillance comporte trois représentants de l'État, nommés par décret et trois représentants des salariés, élus, par dérogation à l'alinéa premier, selon les modalités définies par la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 relative à la modernisation du service public et bénéficiant du statut défini par cette même loi. »
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Le II de l'article 12 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, qui concerne la composition du conseil d'administration et de surveillance de l'entreprise gestionnaire du réseau de transport du gaz, est ainsi rédigé :
« Le capital de la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz issue de la séparation juridique imposée à Gaz de France par l'article 5 est détenu en totalité par Gaz de France, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public. Cette société est régie, sauf dispositions législatives contraires, par les lois applicables aux sociétés anonymes.
« La société mentionnée au précédent alinéa et, lorsque la majorité du capital de leurs sociétés mères est détenue directement ou indirectement par l'État, les autres entreprises de transport de gaz issues de la séparation juridique imposée par l'article 5 de la présente loi sont soumises à la loi n° 83-675 du 28 juillet 1983 précitée. Pour l'application de l'article 6 de cette loi, le conseil d'administration ou de surveillance ne peut comporter plus de deux représentants de l'État nommés par décret. »
Une telle situation n'est pas satisfaisante, et ce à plusieurs égards. Je pense notamment à la différence, qui a été introduite par la loi du 9 août 2004, entre la composition des instances dirigeantes de la société gestionnaire du réseau de transport de gaz et celle de la société gestionnaire du réseau de transport d'électricité.
En effet, s'agissant de telles instances, l'article 7 de la loi 9 août 2004 dispose ceci :
« Une société, dont le capital est détenu en totalité par Électricité de France, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public, est le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité défini à l'article 12 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée.
« Cette société est régie, sauf dispositions législatives contraires, par les lois applicables aux sociétés anonymes. Elle est soumise à la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. Pour l'application de l'article 6 de cette loi, le conseil d'administration ou de surveillance comporte un tiers de représentants des salariés et l'État nomme, par décret, des représentants dans la limite d'un tiers de ses membres. »
Ce sont ces dispositions que nous souhaitons voir définies dans le présent projet de loi.
Au demeurant, le fait que la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ait expressément prévu un traitement différencié des situations pour l'électricité et le gaz montre que la perspective d'un devenir législatif différencié était déjà inscrite dans le projet de loi qui a été adopté voilà deux ans.
C'est donc en toute logique que nous vous invitons à adopter cet amendement, qui vise à faire entendre la voix des salariés dans le cadre de la société gestionnaire du réseau de transport de gaz, même si ses effectifs sont bien plus réduits que ceux de Gaz de France Distribution.
Mme la présidente. L'amendement n° 486, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La dernière phrase du dernier alinéa du II de l'article 12 de la loi 2004-803 du 9 août 2004 est ainsi rédigée : « Pour l'application de l'article 6 de la présente loi, le conseil d'administration et de surveillance comporte un tiers de représentants des salariés et un tiers de représentants de l'État. »
II - En conséquence, compléter le texte proposé par cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les représentants de l'État sont nommés par décret.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Le projet de loi dont nous débattons ouvre la voie à une lecture minimaliste de la présence de l'État puisque le nombre de ses représentants dans le conseil d'administration et de surveillance sera limité à deux.
Pourtant, selon nous, l'État doit évidemment être représenté dans le conseil d'administration ou de surveillance d'une entreprise qui est supposée conserver une mission de service public.
Si l'État a droit à un tiers des membres du conseil d'administration ou de surveillance, il faut que ces représentants soient effectivement nommés.
On peut penser que ce projet de loi voit déjà plus loin que la présente étape. Le gestionnaire du réseau de transport de gaz sera passé d'un statut public à un statut privé et le législateur n'aura pas besoin d'y revenir. La représentation nationale sera donc dépossédée de ses prérogatives, de sa capacité à définir ce qui doit relever de l'intérêt général et demeurer sous le contrôle de la puissance publique.
Cette rédaction est dangereuse, parce qu'elle découle de la privatisation de GDF et de ses filiales, avec tout ce que cela implique en termes d'emploi ou de devenir du service public.
Gaz de France, avec toutes ses filiales, doit donc au minimum avoir la garantie de rester dans le périmètre du secteur public pour pouvoir exercer avec efficacité, et sous la vigilance attentive du législateur, sa mission d'intérêt général au service de tous.
Mme la présidente. L'amendement n° 487, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 12 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le personnel de la société gestionnaire du réseau public de transport de gaz bénéficie des mêmes dispositions de gestion du personnel (statut, règles internes à Gaz de France, accords Électricité de France-Gaz de France) que le personnel de Gaz de France. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Notre amendement vise à faire bénéficier les personnels de la société gestionnaire du réseau de transport des mêmes dispositions que le personnel de GDF.
Sur ce point, la direction de GDF s'est d'abord voulue rassurante, puis ses propos sont devenus de plus en plus flous. Elle a rappelé que l'application du statut dépendait de l'activité principale de la société, ce qui peut signifier qu'une holding sortirait du statut. Sans parler du risque de suppression d'emplois lié aux doublons ou à la réorganisation du siège !
À cet égard, le projet ne comporte en l'état aucune garantie, notamment s'agissant des agents de commercialisation.
Nous souhaitons donc que ce point soit précisé et fasse l'objet d'une disposition législative.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'article 11 réserve à Gaz de France, à l'État ou à des entreprises ou organismes du secteur public la possibilité d'être propriétaires du capital de la filiale chargée du réseau de transport de gaz. Il est ainsi cohérent avec la privatisation de GDF.
Supprimer l'article 11, comme le proposent les auteurs des amendements nos 167, 478 et 670, pour que GRTgaz reste une entreprise publique, impliquerait une séparation de propriété qui nuirait au caractère intégré de l'entreprise. Je signale, au passage, que cela aurait un coût qui peut être évalué à plusieurs dizaines de milliards d'euros.
Par ailleurs, pour répondre plus particulièrement à ce qui figure dans l'objet de l'amendement n° 167, qu'a défendu M. Courteau, je confirme que les directives permettaient de surseoir à la séparation juridique jusqu'au 1er juillet 2007. En revanche, il n'était nullement prévu dans ces directives de faire d'un bilan d'étape une condition de la séparation juridique des gestionnaires de réseaux de distribution.
Michelle Demessine, en défendant l'amendement n° 478, a soulevé une question précise, celle de savoir si la porte était ouverte à la privatisation des réseaux de transport. Je lui réponds de manière tout aussi précise : oui, l'objet de l'article 11 est bien de privatiser aussi le gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel.
L'avis de la commission est donc défavorable sur ces trois amendements identiques.
Avec l'amendement n° 480, Yves Coquelle nous a, à son tour, offert un baroud d'honneur, cette fois-ci sur la fusion EDF-Gaz de France. Cet amendement est en effet le dernier d'une longue série où vous souteniez, cher collègue, votre conviction selon laquelle cette fusion est possible.
Nous, nous sommes convaincus non seulement qu'une telle fusion est impossible, mais qu'elle serait une erreur grave ! Ne croyez pas que Bruxelles nous laisserait faire ! Et cette fusion aurait un coût, non pas directement financier, mais en termes d'abandons d'actifs, car ceux-ci seraient exigés par la Commission européenne. Or la cession d'actifs importants reviendrait à un véritable démembrement des deux entreprises : EDF perdrait vraisemblablement plusieurs centrales nucléaires, ainsi que des parts de marché, GDF devrait également renoncer à des parts de marché mais aussi à des structures de stockage ou de transport, celles-là mêmes que vous voulez défendre.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 480.
M. Roland Courteau. Et les cessions exigées pour la fusion avec Suez, on n'en parle pas !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 481 s'inscrit dans la même logique que les huit amendements suivants, logique que je n'hésite pas à qualifier de suicidaire. En effet, mes chers collègues, votre raisonnement est simple : dès lors que nous avons privatisé Gaz de France, avec l'adoption de l'article 10, vous cherchez à affaiblir cette entreprise, en l'amputant de la société gestionnaire des réseaux de transport de gaz naturel !
Dans sa rédaction actuelle, l'article 11 de la loi du 9 août 2004 précise que le gestionnaire de réseaux de transport de gaz peut exercer les activités que vous mentionnez dans votre amendement. Rendre obligatoire, à la date de promulgation de la loi, la gestion par GRTgaz de toutes ces activités et de toutes les installations appartenant aujourd'hui à GDF sur le territoire français reviendrait à geler toute évolution dans l'organisation de l'entreprise. Cette mesure empêcherait en particulier, cela ne vous aura pas échappé, la filialisation des terminaux méthaniers de Montoir-de-Bretagne et de Fos, filialisation qui répond à une demande de la Commission européenne.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Cher collègue Michel Billout, que vous le vouliez ou non, la séparation juridique de GRTgaz d'avec Gaz de France a bien eu lieu, en application de l'article 5 de la loi du 9 août 2004. Supprimer cette mention dans le projet de loi dont nous débattons ne ferait que créer une source de confusion. C'est la raison pour laquelle l'avis de la commission est également défavorable à l'amendement n° 483.
S'agissant de l'amendement n° 169 rectifié, je me permettrai de dire à Daniel Raoul qu'il est pire encore que dans sa rédaction initiale : amputer le capital de Gaz de France du gestionnaire de réseau de transport, en demandant par exemple le rachat de cette filiale par l'État, obligerait celui-ci à débourser, à mon avis, au moins 20 milliards d'euros.
M. Jean Desessard. Pourquoi tant d'argent ?
M. Ladislas Poniatowski. L'avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement ainsi que sur l'amendement n° 672.
L'amendement n° 485 est, lui aussi, contraire à la privatisation de Gaz de France, prévue par l'article 10, et fait donc également l'objet d'un avis défavorable. Son adoption conduirait Gaz de France à se voir imposer, lors de sa privatisation, la séparation d'avec le réseau de transport.
Notre collègue Daniel Reiner a défendu l'amendement n° 168 en me demandant si ma pensée était claire. Je lui réponds affirmativement : ma pensée est très claire ! Nous voulons privatiser Gaz de France et nous voulons également, ce qui est logique, privatiser la société gestionnaire des réseaux de transport du gaz naturel. La commission a donc rendu un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l'amendement identique n° 671, défendu par Jean Desessard.
L'amendement n° 484 rectifié tend à interdire la présence de Gaz de France dans le capital de la filiale chargée du réseau de transport de gaz. Ce que nous ne faisions que soupçonner fortement à la lecture de vos amendements précédents, chers collègues du groupe CRC, apparaît désormais clairement : vous préférez séparer la propriété du réseau de transport de gaz plutôt que de laisser celui-ci au sein de l'entreprise GDF qui serait privatisée.
Une telle stratégie affaiblirait considérablement GDF - mais c'est un peu le but de votre démarche ! - et donc la nouvelle entité que nous voulons créer ou, du moins, dont nous soutenons la création. Cet amendement reçoit donc un avis défavorable.
Les amendements nos 482 et 486, sont très proches dans leur esprit : le premier tend à imposer au sein du conseil d'administration ou de surveillance de GRTgaz, la présence de trois représentants de l'État et de trois représentants des salariés, le second, la présence d'un tiers de représentants des salariés et d'un tiers de représentants de l'État.
Il n'aura échappé à personne que ces amendements sont identiques à certains de ceux qu'a déposés le groupe CRC à l'article 10, concernant le contrôle de l'État sur Gaz de France. L'avis de la commission sera identiquement défavorable : rien ne justifie qu'une société privatisée se voie imposer un régime juridique « bâtard », en tout cas étranger à celui des sociétés anonymes.
S'agissant, enfin, de l'amendement n° 487, j'en demanderai le retrait. Dans les amendements précédents, chers collègues, vous défendiez une logique que je comprends, même si j'y suis hostile. Dans le cas présent, vous voulez que le personnel de GRTgaz bénéficie du même régime de gestion que le personnel de GDF. Je vous réponds précisément : bien entendu, les salariés de GRTgaz bénéficient également de l'application du statut des industries électriques et gazières, et des mêmes règles de gestion du personnel.
Cet amendement est donc satisfait et il n'y a aucune raison de le maintenir.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette série d'amendements ?
M. François Loos, ministre délégué. Les amendements nos 167, 478 et 670 tendent tous trois à supprimer l'article 11, c'est-à-dire, en fait, à supprimer le caractère intégré que nous souhaitons donner à Gaz de France.
Il faut savoir que l'activité de transport est régulée à 100 %. Pour la construction du réseau de transport, les investissements doivent être approuvés par la CRE et, une fois que ce réseau fonctionne, tous ses tarifs sont fixés par la CRE.
L'activité du réseau de transport est donc entièrement encadrée et surveillée. Nous souhaitons qu'elle soit gérée par Gaz de France, dont la compétence est indispensable pour que tous les problèmes techniques puissent être résolus convenablement.
Le Gouvernement émet, par conséquent, un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
L'amendement n° 480 constitue le dernier appel, dans cette discussion, à la fusion des deux établissements publics industriels et commerciaux EDF et Gaz de France.
M. Yves Coquelle. Eh oui !
M. François Loos, ministre délégué. D'abord, nous n'avons plus affaire à des EPIC, et rétablir ce statut coûterait fort cher. Ensuite, vous le savez, les différentes études dont nous avons fait état prouvent que cette fusion n'est pas faisable.
Vous citez l'exemple du rapprochement entre E.ON et Ruhrgas. On peut effectivement s'imaginer que l'exemple allemand est positif alors que l'exemple portugais est négatif. Il se trouve cependant que l'exemple allemand porte sur deux entreprises qui, au total, représentent à peu près 50 % du marché allemand. Leur fusion ne saurait donc avoir le même effet massif que celle d'EDF et de Gaz de France ou une fusion similaire au Portugal. En France, plus de 80 % du marché seraient entre les mains d'une telle société ; c'est pourquoi la fusion est inenvisageable, alors que la fusion d'E.ON et de Ruhrgas laisse beaucoup d'espace à la concurrence.
J'ajoute qu'E.ON et Ruhrgas réalisent plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires en Allemagne : la Commission n'était donc pas compétente pour se prononcer sur leur fusion, contrairement à ce qu'il en serait pour une fusion entre EDF et Gaz de France.
Pour toutes ces raisons et pour toutes celles qui ont été précédemment évoquées, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 480.
Par l'amendement n° 481, il est demandé que le gestionnaire du réseau de transport de gaz exerce « toute activité de construction, d'exploitation, de développement de tout le réseau de transport de gaz, de toutes les installations de gaz naturel liquéfié et de tous les stockages de gaz appartenant à Gaz de France sur le territoire français ».
En fait, cet amendement est à peu près satisfait dans la mesure où c'est Gaz de France, la société mère, qui exerce effectivement toutes ces activités, le transport de gaz étant assuré par une filiale qui s'appelle GRTgaz. La liste de ces activités figure dans la loi du 9 août 2004. Nous ne voyons pas l'intérêt de modifier cette répartition. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
L'amendement n° 483 tend à la suppression de la mention « issue de la séparation juridique imposée à Gaz de France par l'article 5 ». Il tend ainsi à revenir sur une mesure déjà décidée et, dès lors, nie la réalité. Le Gouvernement ne peut qu'y être défavorable.
L'amendement n° 169 rectifié tend à supprimer Gaz de France de la liste des détenteurs du capital de GRTgaz figurant à l'article 11. Son adoption aurait pour effet d'obliger Gaz de France à céder GRTgaz. À quoi bon ? Nous souhaitons, au contraire, qu'il soit intégré dans le groupe Gaz de France de façon que le réseau puisse être géré au mieux.
En outre, nous avons imaginé l'action spécifique pour nous donner des moyens d'action dans ce domaine. Séparer GRTgaz de GDF n'est donc pas nécessaire.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement n° 169 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n° 672, qui, défendu par M. Desessard, s'inscrit dans la même logique.
En ce qui concerne l'amendement n° 485, Mme Demessine a exprimé ses inquiétudes quant à la neutralité du gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel. Cette neutralité est entièrement contrôlée par la CRE, et la loi de 2004 apporte toutes les assurances sur ce point. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Par ailleurs, M. Reiner souhaiterait que le capital de la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel issue de la séparation imposée à GDF soit entièrement public. Cela signifierait le rachat par l'État de cette société gestionnaire, ce qui impliquerait de casser GDF et de séparer des activités qui sont aujourd'hui intégrées.
Par conséquent, nous sommes défavorables aux amendements identiques nos 168 et 671, ainsi qu'à l'amendement n° 484 rectifié.
M. Coquelle, quant à lui, nous a demandé de préciser la représentation de l'État et des salariés au conseil d'administration de la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel, dans le droit fil de l'amendement qu'il a défendu hier soir, relatif à la composition du conseil d'administration de GDF.
Je ferai remarquer que si l'État détient un tiers du capital de GDF, il détiendra un tiers des sièges au sein du conseil d'administration de la maison mère, ce qui lui permettra de contrôler la bonne exécution des missions confiées au gestionnaire des réseaux de transport de gaz naturel. De toute manière, l'article 10 précise qu'un commissaire du Gouvernement assistera aux séances du conseil d'administration ou du conseil de surveillance du gestionnaire filialisé. L'État aura bien sûr la possibilité d'influer sur toutes les décisions de cette société à travers l'action spécifique au sein de Gaz de France, qui vise précisément à nous donner le contrôle de toutes les décisions concernant les réseaux de transport, les stockages et les terminaux.
Vous avez par ailleurs demandé, monsieur Coquelle, que des dispositions concernant la représentation des salariés au sein du conseil d'administration soient prises. Je rappelle que la loi de 1983 prévoit la représentation des salariés au conseil d'administration de GDF. Si par exemple le conseil d'administration compte quinze membres, trois d'entre eux sont des représentants des salariés.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 482.
De la même manière, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 486, qui porte sur la même question.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 487, présenté par Mme Didier, il vise à préciser le statut du personnel de la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel.
Je tiens à vous rassurer sur ce point, madame la sénatrice : quelle que soit la nature du capital de l'entreprise, ce personnel sera soumis de plein droit au statut national des personnels des industries électriques et gazières et bénéficiera de l'ensemble des accords de branche.
Cet amendement est donc inutile, et j'y suis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 167, 478 et 670.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 168 et 671.
M. Daniel Raoul. L'amendement n° 168 a le mérite d'être concis et de résumer parfaitement les positions que Roland Courteau, Daniel Reiner et moi-même avons défendues à propos du capital de la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz naturel.
Je ne parviens pas à comprendre votre logique, monsieur le ministre. Par quelle contorsion intellectuelle pouvez-vous faire une distinction entre la société gestionnaire de réseaux de transport d'électricité et celle qui est chargée de la même mission s'agissant du gaz ? Dans le premier cas, il a été bien spécifié, dans la loi de 2004, que le capital de la société était public. Je suis d'accord avec vous sur ce point, car il s'agit là d'un outil d'une importance stratégique pour la fourniture d'énergie dans notre pays.
Cependant, cela est tout aussi vrai s'agissant du gaz ! Or vous décidez de privatiser, puis vous nous dites qu'il faudrait racheter le réseau de transport de gaz naturel, que vous offrez, en guise de dot ou de cadeau de mariage, à Suez ou à un autre hypothétique intervenant ! Par conséquent, ne déplorez pas le coût de cette opération, quand c'est vous qui avez décidé de faire un cadeau !
Si vous êtes logique et ne pratiquez pas un double langage, monsieur le ministre, vous devez accepter notre amendement, pour lequel nous avons demandé un scrutin public.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je voudrais répondre aux propos qu'a tenus tout à l'heure M. le rapporteur.
Lorsque nous évoquons un projet de fusion entre EDF et GDF ou la détention par l'État du capital des entreprises visées dans ce texte, on nous répond que cela coûterait des milliards d'euros. Les chiffres sont alors relativement précis.
En revanche, lorsque nous posons des questions sur la fusion entre Suez et GDF, lorsque, par exemple, nous souhaitons connaître l'ampleur des cessions exigées par la Commission européenne pour que celle-ci approuve ce projet de fusion, nous n'obtenons pas de réponse.
Quel sera, par exemple, le coût réel de l'échange de titres entre Suez et GDF ? Nous avons posé deux ou trois fois cette question, sans obtenir de réponse. Quel sera le coût de la prise en charge par GDF de l'endettement de Suez ? Pas de réponse. Quel sera le coût de l'économie d'impôt que l'on permettra à Suez et qui est évalué, paraît-il, à 3 milliards d'euros ? Pas de réponse. Quel sera le coût de la prise en charge du démantèlement des tranches de production nucléaire de Suez qui arriveront en fin de vie d'ici à quelques années ? Pas de réponse...
Tout cela est étrange : puisque vous êtes capable, monsieur le ministre, de donner des réponses chiffrées sur un éventuel projet de fusion entre EDF et GDF, donnez-nous des réponses précises sur un sujet d'une actualité brûlante et sur lequel vous travaillez, à savoir la fusion de Suez et de GDF. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Daniel Reiner. Nous voudrions une réponse !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Nous avons déjà répondu aux questions que vous avez posées, monsieur Courteau.
Mme Nicole Bricq. Pas sur la dette fiscale !
M. François Loos, ministre délégué. Eh bien, parlons de la dette fiscale ! De quoi s'agit-il ? Aujourd'hui, en cas de report déficitaire, l'entreprise peut le déduire de ses résultats dans les années qui suivent. Or, à ma connaissance, tel est le cas de Suez. Cela doit figurer dans son rapport annuel d'activité. Que Suez reste dans sa configuration actuelle ou qu'elle fusionne avec une autre entité, cette possibilité de déduction existe, et perdurera au-delà de cette année. Cette situation n'a rien d'extraordinaire. Consultez le rapport annuel d'activité, je le répète, et vous verrez que Suez présente effectivement un report déficitaire.
M. Daniel Reiner. Et elle le gardera ?
M. Daniel Reiner. C'est GDF qui va payer !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. François Loos, ministre délégué. Mais pas du tout ! Le report déficitaire, c'est de l'impôt différé, c'est tout ! Suez n'est pas la seule entreprise en France qui présente un report déficitaire. Voilà ma réponse à l'une de vos questions.
Par ailleurs, vous souhaitez connaître le coût de la fusion.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Roland Courteau. Vous n'avez pas de réponse ?
M. François Loos, ministre délégué. C'est une vraie colle ! (M. le ministre délégué rit.) Je sors mon joker !
M. Jean-Marc Pastor. Il y a beaucoup de colles, dans ce projet de loi !
M. Roland Courteau. Et le coût du démantèlement des tranches nucléaires ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos°168 et 671.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 39 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 484 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Madame Didier, l'amendement n° 487 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12 (précédemment réservé)
Le 1° de l'article 8 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz est ainsi rédigé :
« 1° La production, le transport et la distribution de gaz naturel. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine, sur l'article.
Mme Michelle Demessine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'article 12, c'est la fin au monopole de distribution, confiée depuis la loi de 1946 à des entreprises publiques, qu'il s'agisse de GDF ou des distributeurs non nationalisés, reconnus par cette loi.
Pour le dire plus clairement, ce n'est rien de moins que la privatisation de la distribution qui est en jeu, puisque la modification rédactionnelle que vous introduisez avec cet article extrait la distribution du champ des activités nationalisées.
Vous ouvrez donc la porte aux opérateurs privés dans ce secteur.
De fait, ces derniers disposent d'un créneau, puisque, GDF n'a prévu d'assurer que 1 500 des 5 000 demandes de raccordement au gaz naturel qu'il a reçues des communes.
Cela étant, il n'est pas sûr que les opérateurs privés se jettent sur le marché, compte tenu des sommes en jeu. En effet, la distribution de gaz n'est pas nécessairement une activité à fort taux de retour sur investissement.
Quoi qu'il en soit, les exemples, dans d'autres secteurs stratégiques, d'un service public où la distribution a été prise en charge par des opérateurs privés laissent songeurs quant aux gains que l'on peut tirer d'un tel changement.
Ainsi, la gestion de l'eau montre que les tarifications pour les usagers varient considérablement d'un point à l'autre du territoire. En outre, les contrôles de la qualité de l'eau ne sont pas toujours optimaux.
De façon parsemée, au gré des articles 6, 9 et 12, vous bouclez la boucle de l'ouverture à la concurrence et de la privatisation de la distribution, sans vous soucier des conséquences en termes de sécurité du réseau, d'aménagement du territoire et d'emplois.
Vous vous contentez de saucissonner un peu plus les activités de l'ancien opérateur historique qui prenait la forme d'une entreprise intégrée, pour le découper en centres autonomes de gestion... et de profits.
La gestion par GDF de ses fontes cassantes donne pourtant une idée des conséquences dramatiques que peut engendrer une gestion négligée des investissements dans la sécurité. Le procès de Dijon et son cortège de victimes - cela a été rappelé par mes collègues - ont révélé à l'opinion publique que ce secteur était extrêmement sensible et qu'il ne pouvait être géré avec négligence ni faire l'objet d'économies financières.
Certes, vous direz peut-être que la propriété du capital importe peu dans la gestion du budget d'une entreprise... Cependant, lorsqu'on lance cette dernière dans une gestion capitalistique de ses fonds et qu'on transforme ses objectifs au mépris de ses missions de service public, alors, oui, les dérives sont malheureusement possibles. Nous affirmons donc, pour notre part, que la propriété publique est une condition nécessaire, même si elle est en effet insuffisante, pour la bonne gestion d'une entreprise de service public.
C'est la raison pour laquelle nous voulons développer le droit de regard et de décision des salariés et de leurs représentants dans les entreprises du domaine de l'énergie. Une maîtrise publique de ce secteur suppose l'appropriation publique des capacités de production du secteur. Car les salariés en sont les premiers acteurs, capables d'influer sur les choix de développement et d'investissement des entreprises. D'ailleurs, les tempêtes de l'hiver 1999 ont montré que la culture d'entreprise publique chez EDF et GDF avait des conséquences très positives pour les usagers.
Pour ce secteur stratégique qu'est la distribution du gaz naturel, nous défendons donc une nouvelle maîtrise publique, qui soustrait les activités de distribution à la pression résultant de la recherche constante de rentabilité financière et donne de nouveaux pouvoirs aux salariés sur leur outil de travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme notre collègue vient de l'exposer excellemment, l'article 12 organise la privatisation de la distribution.
En effet, pour bien comprendre le sens de cet article, il faut l'examiner au regard de l'article 6 qui prévoit la filialisation de la distribution, des articles 8 et 9 qui mettent fin à la péréquation sur le territoire national et, surtout, de l'article 10 qui permet la privatisation de GDF.
Si l'entreprise GDF est privatisée, sa filiale de distribution le sera bien entendu aussi.
Si le service de distribution est dorénavant privé, comment justifier le maintien d'un monopole ?
Dans la mesure où aucun monopole ne peut être confié à une entreprise privée, vous préférez revenir sur les fondements mêmes de la politique énergétique française en privatisant la distribution et en faisant exploser le monopole public, ainsi que les principes de péréquation qui lui sont attachés.
Nous ne pouvons approuver une telle démarche. Nous vous l'avons dit et répété : nous estimons que seule la maîtrise publique de la politique énergétique permettrait de répondre aux enjeux en la matière et de garantir l'accès de tous à l'énergie.
La création d'un géant européen privé de l'énergie - d'ailleurs, pas si géant que cela ! - ne constitue pas un progrès pour l'Europe, c'est le strict remplacement d'un monopole public par un oligopole privé.
Les citoyens et leurs représentants seront dépossédés de tout pouvoir de décision sur la politique énergétique au profit du marché et des actionnaires de Suez.
Nous estimons qu'il s'agit non seulement d'une erreur politique, mais également de mesures inconstitutionnelles.
En effet, Gaz de France est un service public national, reconnu par toutes les lois sur l'énergie depuis 1946. Ainsi, même l'article 1er de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique l'affirme : « La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la nation [...]. Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique ».
Selon l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946, dès lors que le caractère de service national est reconnu, l'entreprise doit devenir propriété nation.
C'est donc une première infraction à la Constitution.
Sur les questions de distribution, là encore, la contradiction avec la Constitution est flagrante. En effet, comment l'entreprise Gaz de France, une fois privatisée, pourrait-elle garder son monopole actuel sur les concessions de distribution publique ?
En France, les réseaux publics de distribution de gaz, comme les réseaux publics d'électricité et d'eau, sont la propriété de la puissance publique. Ils ont été construits avec l'argent public.
Ainsi, ces actifs constituent des monopoles de fait au sens de l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946.
La justification en est simple : deux réseaux concurrents dans la même rue, c'est un gâchis économique ! Deux réseaux de distribution de gaz, en termes de sécurité publique, c'est un non-sens !
Pour cette raison, la loi de 1946 a confié le monopole légal de distribution du gaz à GDF sur l'ensemble du territoire national, hors territoire de desserte des DNN, les distributeurs non nationalisés.
Avec la loi du 3 janvier 2003, les communes non inscrites au plan de desserte et non desservies en gaz en 2003 ont le choix de leur opérateur de distribution.
Hormis cette petite exception, GDF n'ayant jamais été mise en concurrence sur ces monopoles de distribution, l'entreprise est bien titulaire d'un monopole légal, et donc de fait, sur les concessions de distribution publique de gaz de son territoire de desserte.
Or l'alinéa 9 de la Constitution de 1946 interdit la création d'un monopole de fait pour une entreprise privée. Par conséquent, la privatisation de Gaz de France est bien inconstitutionnelle.
Si GDF devient une entreprise privée, elle sera, comme tous les opérateurs privés, soumise aux règles de mise en concurrence.
Cette dernière aura pour conséquence directe la disparition du distributeur mixte EDF-GDF Distribution, la coopération entre deux acteurs en concurrence directe sur les concessions de distribution étant incompatible avec les règles de concurrence.
En ce sens, l'article 7 de votre projet de loi est fallacieux puisque, si GDF est privatisée, il faudra y revenir pour diviser ce service commun.
Ces perspectives ne permettent pourtant pas de garantir un service public national de la distribution du gaz dans des conditions de tarifs et de sécurité satisfaisantes.
La fin de la péréquation laisse également craindre l'érosion de la notion même d'aménagement équilibré du territoire national et celle d'égal accès au service public.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que la distribution reste un monopole public et, par voie de conséquence, que GDF demeure une entreprise publique.
Telles sont les remarques que nous souhaitions livrer à ce moment du débat, tout en sachant - nous l'avons bien compris - qu'elles ne sont déjà plus d'actualité puisque le Sénat a, hélas ! adopté l'article 10.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 488 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 567 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 726 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 488.
M. Yves Coquelle. L'article 12 revient à supprimer les dispositions de l'article 8 de la loi de 1946.
Si vous n'abrogez pas formellement ce dernier, vous le privez de sa portée. On peut même dire que vous êtes en train de tuer la loi de 1946.
Il suffit, en effet, de rappeler les dispositions de l'article 8 de la loi de 1946 : « Lorsqu'une entreprise qui n'a pas pour activité principale la production, le transport ou la distribution d'électricité ou de gaz, possède néanmoins des installations affectées à cet effet, et que ces dernières soient nécessaires au fonctionnement du service public, ces installations, ainsi que les droits et obligations y afférents, peuvent être transférés à Electricité de France et Gaz de France par décret pris sur le rapport du ministre de la production industrielle et du ministre de l'économie et des finances.
« Toutefois, ce transfert ne peut porter sur les installations qui ne présentent pour le service public qu'une utilité accessoire. Mais l'électricité ou le gaz produits par ces installations peuvent, en cas de nécessité, être réquisitionnés au profit du service public, pour la partie de la production non consommée dans l'entreprise pour les besoins de son industrie.
« Sont exclus de la nationalisation :
« 1° La production et le transport du gaz naturel jusqu'au compteur d'entrée de l'usine de distribution. »
Les termes choisis dans la rédaction de l'article 12 sont précis : il s'agit de faire en sorte que toutes les installations nouvelles réalisées dans quelque entreprise que ce soit en matière de production, de transport et de distribution de gaz naturel puissent être directement exclues de l'application de la loi de 1946.
On pourra toujours arguer, dans ce cadre, que cela procède de la logique même du texte, puisque, en définitive, GDF ne sera plus qu'un opérateur comme les autres, étant placée sur la liste des entreprises privatisables.
L'article 12, qui fait système avec les articles 6 et 9 du projet de loi, ouvre la possibilité pour des opérateurs privés de prendre position sur le marché de distribution de gaz, mettant ainsi à mal le principe de péréquation entre les coûts de distribution.
Il s'agit, en fait, de permettre aux nouveaux entrants sur le marché du gaz de bénéficier de la possibilité de tenir tous les bouts de la chaîne énergétique, allant jusqu'à produire pour leur propre compte le gaz ou l'électricité qu'ils distribueront ensuite.
Cette optique comporte plus d'un risque, dont le moindre n'est pas de lier développement de la desserte gazière et critères stricts de rentabilité financière.
Les zones peu rentables échoiront à l'opérateur historique, tandis que les opérateurs privés parviendront, par leurs politiques commerciales, à séduire les autorités concédantes sur les zones les plus profitables, comme cela s'est passé dans le secteur des télécommunications.
Ce sont les usagers qui en paieront le prix.
Pour ceux qui résident dans des zones où l'opérateur historique s'est maintenu, le coût moyen de raccordement au gaz augmentera, puisque GDF aura perdu ses dessertes rentables.
D'ailleurs, soit le coût augmentera, soit la stricte application des règles propres à l'économie, au sens libéral du terme, conduira à ignorer les attentes des usagers, notamment celles des collectivités territoriales souhaitant être reliées aux réseaux collectifs.
Or les activités de distribution comptent pour 20 % dans le prix final, selon les éléments que chacun connaît...
Soucieux de l'égalité entre les usagers et du maintien de tarifs abordables, nous souhaitons donc que les dispositions de cet article 12, d'une utilité au demeurant contestable au regard des objectifs que l'on peut fixer à la politique énergétique de notre pays, soient purement et simplement supprimées.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 567.
M. Roland Courteau. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 726 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 489, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour le 1° de l'article 8 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 par un alinéa ainsi rédigé :
« La distribution du gaz est exercée exclusivement par Gaz de France ou sa filiale gestionnaire de distribution issue de la séparation juridique imposée à Gaz de France par l'article 13 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 tel que modifié par l'article 6 de la loi n° ... du ... relative au secteur de l'énergie, sous réserve des exceptions prévues par l'article 23 de la présente loi et par l'article 25-1 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement se place dans la logique de celui que vient de défendre mon collègue M. Coquelle.
En effet, monsieur le ministre, par l'article 12, qui fait système avec les articles 6 et 9, vous ouvrez à des opérateurs privés la possibilité de se positionner sur le marché de la distribution de gaz en « sortant » celle-ci des domaines nationalisés. Ce faisant, vous mettez à mal le principe de péréquation entre les coûts de distribution qui prévalait jusqu'alors au sein de l'opérateur historique en situation de quasi-monopole.
Nous avons déjà décrit le scénario qui risque de se mettre en place : échoiront à l'opérateur historique les seules zones peu rentables, très coûteuses en termes d'investissements, tandis que les opérateurs privés, à grand renfort de stratégies commerciales, auront probablement séduit les autorités concédant la distribution de gaz dans les zones les plus rentables, comme cela s'est passé dans le secteur des télécommunications.
Qui paiera les conséquences de cette décision ? Les usagers ! En effet, voici ce qui se profile : pour ceux qui résident dans des zones où les autorités concédantes auront choisi de rester chez l'opérateur historique, le coût moyen de raccordement au gaz ne pourra qu'augmenter, puisque Gaz de France perdra sans doute ses dessertes les plus rentables, celles sur lesquelles il peut réaliser des marges.
Immanquablement, donc, le coût moyen augmentera, et la péréquation à l'intérieur de chaque zone de desserte ne protégera pas les usagers restés chez l'opérateur historique. Quand on sait, comme l'a rappelé Yves Coquelle, que les activités de distribution comptent pour environ 20 % dans le prix final, là encore, on peut imaginer que la facture sera en forte hausse.
Soucieux de l'égalité entre les usagers et souhaitant le maintien d'un tarif modéré pour l'accès à l'énergie, nous proposons par cet amendement d'ajouter un alinéa visant à réaffirmer le monopole de distribution de Gaz de France sur son territoire. Avec ce système, le gestionnaire ne pourrait être le référent pour la péréquation.
L'adoption de cet amendement permettrait donc de rétablir l'égalité tarifaire pour l'accès à un produit de première nécessité comme le gaz.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Coquelle, à l'article 10, nous avons exprimé notre volonté de privatiser Gaz de France.
M. Roland Courteau. Hélas !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. À l'article 11, nous avons fort logiquement exprimé la volonté de privatiser la société gestionnaire de réseaux de transport de Gaz de France. Dernière conséquence, à l'article 12 : nous sommes favorables à la privatisation des activités de distribution de Gaz de France.
Mme Annie David. Cela paraît logique !
M. Yves Coquelle. Eh bien voilà ! On va jusqu'au bout !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En effet, il ne faudrait pas prendre le risque de privatiser Gaz de France, d'une part, et de le déshabiller, d'autre part, en lui retirant les transports ou la distribution.
MM. Jean-Jacques Hyest et Gérard Longuet. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est la raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable sur les deux amendements identiques nos 488 et 567
L'amendement n° 489 va exactement dans le même sens puisque, ainsi que M. Billout vient de le rappeler, il tend à réaffirmer le monopole de distribution de gaz de Gaz de France, à l'exception des zones couvertes par les DNN ou par une entreprise choisie par délégation de service public. Là encore, et je l'ai déjà indiqué plusieurs fois puisqu'un certain nombre d'amendements avaient un objet similaire, le monopole de Gaz de France dans sa zone de desserte ne sera pas remis en cause, l'article 8 du projet de loi lui imposant une obligation de péréquation des coûts de distribution. Il n'est donc pas besoin de le préciser.
M. Daniel Raoul. C'est contradictoire !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Voilà pourquoi la commission a émis un avis également défavorable sur cet amendement n° 489.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 488 et 567.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Intitulé du titre III (précédemment réservé)
Mme la présidente. L'amendement n° 449, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de ce titre :
DISPOSITIONS RELATIVES AU CAPITAL DES ENTREPRISES ÉNERGÉTIQUES REMPLISSANT UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC ET AU CONTRÔLE DE L'ÉTAT
Je rappelle que cet amendement, qui avait été réservé jusqu'à la fin de l'examen du titre III, a déjà été défendu.
Monsieur Coquelle, l'amendement est-il maintenu ?
M. Yves Coquelle. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement n'a plus aucune raison d'être ! Il ne se justifiait, monsieur Coquelle, que dans l'hypothèse où un certain nombre de vos amendements auraient été adoptés. Aucun ne l'a été dans le titre III,...
M. Roland Courteau. Hélas !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ...dont tous les articles traitent uniquement de Gaz de France. Il n'y a donc pas lieu d'indiquer un autre objet dans l'intitulé de ce titre.
Aussi, la commission, souhaitant le maintien de l'intitulé actuel, a émis un avis défavorable sur cet amendement n° 449.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un petit voyage de trois semaines, et, je tenais à le souligner, c'est toujours le coeur gros que l'on est amené à se séparer. (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Ce n'est qu'un au revoir !
M. Jean-Marc Pastor. Ces trois semaines appellent de ma part deux remarques, l'une sur la forme, l'autre sur le fond.
Sur la forme, je tiens à remercier publiquement le rapporteur, M. Poniatowski, et le président de la commission, M. Jean-Paul Émorine, de leur grande courtoisie ; tous deux ont essayé de répondre autant que possible à nos questions.
Je veux également vous remercier, monsieur Loos, de la manière dont vous avez, depuis le banc du Gouvernement, répondu avec calme à toutes les interrogations. Vous n'avez pas toujours été clair, c'est vrai (Sourires), mais vous avez été d'une gentillesse sans faille. Pour l'opposition, il est important de constater qu'il est possible d'avoir de réels échanges même si nous ne sommes pas d'accord sur le fond.
Comprenez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, disant cela, je n'exprime pour autant aucune satisfaction d'avoir vu l'article 10 adopté ni de savoir qu'un texte de loi va être voté auquel nous ne sommes pas favorables. Je crois cependant important que les acteurs politiques que nous sommes puissent relever, quand c'est possible, quand cela se passe normalement, entre hommes responsables, des attitudes qui sont correctes.
Sur le fond cependant, je l'avoue franchement, je me pose une question. Demain matin, justement, je vais dans un collège de mon département présenter le Sénat. Inévitablement, je serai amené à évoquer avec les jeunes que je rencontrerai nos travaux de ces trois dernières semaines, et c'est cela qui me gêne le plus, voyez-vous.
Que vais-je leur dire demain, après les trois semaines que nous venons de vivre ? Imaginez ! Des enseignants, des encadrants, qui tentent en permanence de faire passer ce merveilleux message de solidarité, de soutien entre êtres humains, à qui je vais devoir expliquer que j'ai vécu trois semaines - minoritaire, certes - témoin d'un gouvernement et d'une majorité qui démantèlent ce qui fonctionne bien, ce qui nous est envié par bien des États et qui est associé à la notion de service, pour le faire basculer dans le marais du capital.
M. Roland Courteau. C'est bien vrai !
M. Jean-Marc Pastor. Quelle gêne pour expliquer aux jeunes générations que, alors que les négociations sur l'énergie se déroulent toujours d'État à État, notre gouvernement vient d'abandonner son seul levier de négociation...
M. Roland Courteau. C'est vrai !
M. Jean-Marc Pastor. ...pour le laisser entre les mains d'un monopole privé fait d'actionnaires, au mépris de notre histoire et de notre République.
Nous avons été trompés après les élections de 2002, car votre gouvernement n'a pas tenu la parole du Président de la République Nous sommes une fois de plus trompés par le président de l'UMP, qui n'a pas tenu parole non plus.
M. Roland Courteau. Effectivement !
Mme Nicole Bricq. C'est bien vrai !
M. Jean-Marc Pastor. Quel crédit peut donner demain notre jeunesse à l'acte politique, face à de telles pratiques ?
M. Roland Courteau. Aucun !
M. Jean-Marc Pastor. Comment vous faire confiance quand, quelques mois en arrière, le ministre du moment - issu des rangs de la majorité ! - précisait lors de la discussion du titre Ier du projet de loi d'orientation sur l'énergie que seules les entreprises publiques nationales de l'énergie étaient garantes de ce service public ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Quelle légèreté affligeante sur une question de fond, essentielle à la vie de l'homme, quand personne ne peut nous préciser les conditions définitives de la réduction d'activité que la Commission européenne imposera à GDF alors que la loi sera déjà votée ! Quelles seront les exigences nouvelles des actionnaires ? La solidarité est pourtant fille de la République...
Comment faire comprendre à ces jeunes que l'État, que le ministre, avec 34 % du capital de la nouvelle entreprise, aura les moyens de maintenir les prix régulés, donc péréqués ? Non, monsieur le ministre, ce n'est effectivement pas possible, et vous le savez.
M. Roland Courteau. On ne peut pas mentir aux jeunes !
M. Jean-Marc Pastor. En outre, rien ne dit que demain cet équilibre en restera là !
Rendez-vous compte ! Comme seul argument rassurant, je pourrai évoquer la potiche que vous proposez d'instaurer, à titre consultatif, au sein du conseil d'administration de GDF nouvelle manière.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
M. Jean-Marc Pastor. Quel flou ! Quel flou sur le nombre d'emplois qui vont disparaître ou sur ce mariage particulier dans lequel le pacsé mettrait dans la corbeille une dette de 3 millions d'euros que chaque contribuable aura demain à régler ! Il aurait été tellement plus pédagogique, tellement plus porteur pour des jeunes d'être confortés par la recherche d'un véritable pôle public de l'énergie, européen de surcroît. Oui, j'aurais tant aimé leur présenter le dessein d'avenir que cette jeunesse, qui a entre douze et treize ans, est en droit d'attendre de ses politiques, du Gouvernement.
Faute de cela, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, c'est triste, triste et sans enthousiasme, que je leur parlerai demain... du triste et difficile avenir que vous leur préparez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons après neuf jours de débats l'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
Les débats furent denses, intenses, et portèrent sur des enjeux non seulement politiques, mais aussi techniques. Ils nous ont permis de procéder à l'analyse précise d'un texte déterminant pour l'avenir du secteur énergétique français.
Je tiens ici, avant tout, à saluer à mon tour la mobilisation, la disponibilité, l'écoute et le travail approfondi de M. Ladislas Poniatowski, rapporteur au fond pour la commission des affaires économiques, qui a réalisé un formidable travail. Je veux également saluer, bien sûr, le président de la commission, M. Jean-Paul Émorine, qui a été lui aussi très présent dans nos débats, ainsi que le travail de M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.
Je veux enfin remercier M. Thierry Breton et, plus encore, le ministre délégué à l'industrie, M. François Loos, de la très grande disponibilité dont ils ont su faire preuve - tout comme à l'Assemblée nationale, il faut le rappeler. Non seulement ils ont su nous écouter attentivement et apporter des réponses détaillées à nos interrogations, mais ils nous ont tenus informés dans les meilleurs délais de l'évolution du dossier du rapprochement entre Suez et Gaz de France.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe l'UMP apportera son soutien au projet de loi qui nous est soumis, pour des raisons que nous avons déjà évoquées, mais qui méritent d'être rappelées.
D'abord, si le secteur de l'énergie dans son ensemble nous a beaucoup préoccupés ces dernières années - la preuve en est le nombre de textes que nous avons votés dans ce domaine -, le gaz revêt une importance toute particulière, car c'est une énergie pour laquelle nous dépendons fortement de l'extérieur. C'est pourquoi nous devons permettre à notre opérateur national, GDF, de devenir un acteur puissant sur un marché mondial en pleine mutation.
En développant GDF sans recourir à l'endettement, nous préservons notre savoir-faire et nos emplois. Nous garantirons ainsi l'intérêt général, à condition de veiller, et j'y insiste, monsieur le ministre, au respect des obligations de service public dévolues à cette grande entreprise nationale. Tel est l'un des objectifs majeurs de ce texte, dans le cadre d'un partenariat industriel cohérent.
Il faut rappeler que l'État conservera néanmoins des moyens de contrôle essentiels dans ce secteur stratégique : il sera de loin le premier actionnaire du nouveau groupe ; il bénéficiera d'une action spécifique lui permettant de s'opposer à toute décision contraire aux intérêts stratégiques du pays ; il continuera par ailleurs de détenir ses prérogatives en matière de définition des missions de service public et de contrôle de leur exécution, d'organisation du marché et de mise en place du cadre réglementaire.
Un autre objectif de ce projet de loi - et non des moindres - consiste à respecter nos engagements européens pris par des gouvernements de toutes tendances politiques et qui assurent la construction progressive et négociée d'un marché européen de l'énergie.
À ce titre, nous achevons, par ce projet de loi, la transposition de plusieurs directives européennes, ce qui nous permet, notamment, d'assurer la bonne information et la protection des consommateurs.
Dans la même perspective, nous maintenons, par ce texte, l'existence des tarifs réglementés - dans le domaine de l'électricité, cela permettra aux Français de tirer bénéfice de la politique électronucléaire qui a été menée depuis de nombreuses années - et nous créons un tarif social du gaz.
Parmi les amendements que nous avons adoptés et qui enrichissent le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale, je tiens à souligner trois points importants.
Le premier concerne la composition et le rôle de la Commission de régulation de l'énergie, selon les propositions de M. le rapporteur. (M. le rapporteur s'entretient avec M. le président de la commission.)
M. Jean Desessard. Il n'écoute pas !
M. Xavier Pintat. Le deuxième a trait à l'amélioration du fonctionnement du « tarif réglementé transitoire d'ajustement », mécanisme permettant aux entreprises ayant opté pour l'éligibilité d'être moins pénalisées par la hausse des prix de l'électricité.
M. Daniel Raoul. Quel aveu !
M. Xavier Pintat. Enfin, troisième point, nous avons adopté plusieurs amendements particulièrement opportuns qui vont dans le sens de la préservation du rôle des collectivités territoriales, qui sont amenées à être en première ligne sur ce dossier, amendements qui ont été défendus par tous les groupes de notre Haute Assemblée, je tenais à les en remercier.
Pour toutes ces raisons, qui ont été détaillées par plusieurs de nos orateurs...
Mme Annie David. Pas beaucoup !
M. Xavier Pintat. ...tout au long de la discussion, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Pierre Laffitte applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. À l'issue de cette troisième semaine de débats, ce ne sera un secret pour personne, le groupe socialiste et les Verts voteront contre le texte qui nous est soumis.
Nous considérons que ce projet de loi, dans le contexte énergétique international actuel, constitue une faute majeure au regard de l'intérêt national.
Quoi que vous nous disiez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ce projet de loi est dangereux, car il ouvre la porte à une remise en cause des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz.
En effet, tout semble avoir été fait pour que ces tarifs s'alignent rapidement sur les prix élevés du marché. La ligne était d'ailleurs déjà tracée par le contrat de service public 2005-2007 entre l'État et Gaz de France, monsieur le ministre.
Après que le gouvernement Raffarin a entériné, le 25 novembre 2002, la libéralisation intégrale des marchés du gaz et de l'électricité, vous avez, de surcroît, abandonné toute idée de conditionner cette ouverture totale à la concurrence à une définition préalable des obligations de service public au niveau européen.
M. Jean-Marc Pastor. Une tromperie !
M. Roland Courteau. Ainsi, les risques que les ménages subissent de fortes hausses des prix sont bien réels, pour ne pas dire avérés.
Ils le sont d'autant plus dans le contexte de privatisation de GDF, car nous savons que la politique menée par les grands groupes privés en matière de rémunération des actionnaires pèsera nécessairement sur les tarifs ou sur les prix, et le budget des ménages en sera d'autant amputé.
De plus, avec la privatisation, notre stratégie d'approvisionnement pourrait être remise en cause avec de probables difficultés pour les contrats à long terme.
Nous ne croyons pas à « l'effet de taille » du nouveau groupe, qui serait - nous dit-on - susceptible de renforcer la capacité de négociation des prix.
De même, les exemples des pays pionniers de la libéralisation auraient dû vous inciter à beaucoup de prudence.
S'agissant du tarif social, nous avons proposé qu'il soit appliqué à toutes les situations de précarité, ce qui nous a été refusé.
Sait-on quelle est la part réservée aux tarifs sociaux dans la CSPE ? Mon ami Daniel Reiner vous l'a dit naguère : 50 milliards d'euros. Connaît-on la part réservée au rachat de l'électricité pour la cogénération ? 800 millions d'euros, soit plus de la moitié des fonds de la CSPE évalués au total à 1,5 milliard d'euros. C'est dire si les marges de manoeuvre existent pour donner à ce tarif social un maximum de poids.
M. Daniel Reiner. Eh oui !
M. Roland Courteau. Mais vous avez également refusé certaines de nos propositions.
Nous voulons, quant à nous, aller plus loin, avec une véritable couverture énergétique universelle permettant à tous de bénéficier, sans coupure, d'un minimum énergétique.
Enfin, comme Daniel Raoul vous l'a dit à de nombreuses reprises, ce projet de loi est inacceptable, car il privatise GDF. C'est le projet de loi du reniement de la parole donnée.
Remarquons une fois encore qu'en privatisant GDF les engagements de M. Sarkozy de maintenir la participation de l'État à au moins 70 % sont rompus. C'est la parole de l'État qui est bafouée et c'est celle du Gouvernement qui s'en trouve gravement décrédibilisée.
Cette privatisation nous prive d'un outil indispensable en termes d'aménagement du territoire, de sûreté, de maintenance de nos infrastructures et d'accès de tous à cette énergie à des prix abordables.
Ce projet de loi est dangereux, car il crée un concurrent à EDF et rompt par là même les synergies qui existaient entre les deux groupes, notamment par le biais de leur service commun, dont l'extinction paraît, de fait, programmée en raison de la non-viabilité d'une telle construction.
Quelles conséquences aura-t-il, à terme, sur les emplois des services communs à GDF et EDF ? Quelles conséquences aura-t-il en termes d'emploi, si la fusion Suez-GDF se réalise ?
Quelles conséquences aura-t-il sur le caractère intégré de GDF ?
Nous sommes en plein brouillard et c'est le saut dans l'inconnu que l'on nous prépare, au nom d'une certaine idéologie.
Au-delà du fait que la privatisation de GDF pose de lourdes questions juridiques - et nous demanderons au Conseil constitutionnel de se prononcer sur certains points -, ce projet de loi est dangereux car il donne un chèque en blanc aux différents acteurs. En cas d'échec de la fusion et une fois le texte adopté, seule demeurera une entreprise privatisée et facilement opéable.
Une fois de plus, répétons-le, l'énergie est un domaine qui est du ressort de la puissance publique ! Notre stratégie énergétique ne peut pas être pilotée par les intérêts des actionnaires. Dans ce cas, nous irions dans le mur.
Rien ne serait pire que ces entreprises se situent dans une logique mondialisée, avec uniquement des stratégies financières où elles ne seraient que des objets de convoitise.
Ce qui se passe dans le monde prouve bien que l'État doit maîtriser totalement la stratégie de l'entreprise.
D'ailleurs, selon nous, l'objectif essentiel de ce projet de fusion a été non pas la construction d'un projet industriel, mais la protection du capital de Suez et celle de son périmètre actuel.
Même vos propres amis le savent. Ils s'expriment ainsi : « Nous saluons la virtuosité du P-DG de Suez dont le groupe se fait absorber par GDF... mais qui devient le numéro un de celui qui l'absorbe. »
M. Roland Courteau. À l'instar de nos collègues du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, nous voterons contre l'accaparement d'un bien national public, par un groupe privé.
Nous voterons contre la privatisation d'une entreprise stratégique pour le pays et garante de la mission de service public que constitue la distribution d'un bien de première nécessité.
Nous voterons contre un projet qui crée un concurrent frontal pour EDF et organise une véritable guerre fratricide.
Nous voterons contre un projet qui va mettre en difficulté les collectivités locales, si demain devait être remis en cause le monopole des concessions de service public de distribution du gaz, qui repose, depuis 1946, sur le caractère public du concessionnaire GDF.
Bref, nous voterons contre ce texte, parce que nous considérons, dans le contexte international énergétique actuel, que priver l'État d'un levier d'action essentiel pour sa politique énergétique est une faute majeure, contraire à l'intérêt national.
Nous persistons, enfin, à penser que d'autres alternatives étaient possibles, comme la constitution d'un pôle public de l'énergie.
Je conclurai comme j'ai commencé lors de la discussion générale, monsieur le ministre. Tout nous sépare. Quand vous voulez démanteler le service public, nous voulons quant à nous le renforcer. Quand vous optez pour la dérégulation, nous préférons quant à nous privilégier le service de l'intérêt général. Mais en fait, monsieur le ministre, ce sont peut-être les électeurs qui trancheront en 2007. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Bravo, monsieur Courteau !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous avons échangé poliment nos points de vue pendant quelque dix jours. Pour ce qui nous concerne, nous avons exprimé ici les inquiétudes des salariés de GDF et de la population de notre pays et, surtout, leur attachement à ces grands services publics.
Monsieur le ministre, vous avez défendu votre projet de loi, mais vous n'avez en rien répondu aux inquiétudes que nous avons exprimées : les nôtres, celles de la population, celles des salariés. Vous avez maintenu votre choix de poursuivre la déréglementation du secteur de l'énergie et d'occulter le bilan terrible de la libéralisation en oeuvre depuis déjà longtemps.
Tout, en effet, montre les ravages de la mondialisation libérale sans foi ni loi et de la financiarisation de l'économie pour les peuples et pour la planète.
Au fond, vous qui déclinez le changement à l'envi, vous illustrez à votre façon la célèbre formule du prince Salina : « Il faut que tout change pour que rien ne change »...
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En effet, pour l'appliquer à la situation d'aujourd'hui et au projet de loi qui nous est soumis, vous dites : pour que les actionnaires trouvent toujours plus de marge, il faut changer ce qui les contraint un tant soit peu, à savoir la maîtrise publique d'un secteur important, stratégique, de notre économie. Voilà ce que vous nous avez décliné pendant durant le débat.
Mes chers collègues, en 1946, la nation française avait fait le choix du statut d'établissement public afin de se doter d'outils industriels pour mettre en oeuvre la politique énergétique de notre pays et préserver de la faillite un secteur aussi vital pour notre économie, pour son indépendance.
Tous les messieurs de la Palice nous ont dit moult fois : Tout a changé depuis 1945. Mais, en 2004, par la voix de l'un de ses ministres jurant la main sur le coeur, l'État prenait l'engagement de ne pas descendre en dessous de 70 % sa participation dans les entreprises publiques du secteur énergétique.
Le ministre de l'économie, M. Thierry Breton, nous le rappelait hier : « les choses ont changé depuis deux ans et c'est l'honneur de la majorité »... de se dédire, ajouterai-je.
Effectivement, les choses ont changé depuis deux ans, mais pas dans le bon sens.
En 1946, mes chers collègues, les forces politiques avaient conscience que l'électricité et le gaz ne pouvaient pas être considérés comme de banales marchandises. Mais c'est toujours le cas.
Ainsi, lors du débat sur les nationalisations, Robert Buron, rapporteur de la commission des finances, ancien ministre du général de Gaulle en 1958, indiquait : « Le risque de nationalisation non effectuée sera plus grave pour l'industrie privée et, en tout cas, pour l'équipement électrique français qu'une nationalisation sainement effectuée. »
Quant aux enjeux, ont-ils vraiment changé ?
En 1946, Robert Lacoste, rapporteur de la commission des affaires économiques à l'Assemblée constituante déclarait : « De l'expérience passée se dégage l'enseignement que seul un établissement public et national pourra réaliser le programme d'équipement envisagé depuis plusieurs années, achever l'électrification des campagnes - c'était le problème à l'époque -, élargir et moderniser notre appareil de distribution. »
Si, d'une certaine façon, les enjeux ne sont plus vraiment les mêmes, chacun en a conscience, d'un autre côté, et c'est là que nous divergeons, ils demeurent : indépendance énergétique, droit d'accès pour tous à l'énergie - l'énergie d'aujourd'hui, pas celle de 1946 -, garantie de la péréquation tarifaire nationale, sécurité des installations gazières.
La maîtrise de notre secteur énergétique est toujours essentielle. Le contexte géopolitique international actuel impose, plus que jamais, de préserver des alliances stables et durables avec les pays fournisseurs de gaz. Vous ne nous avez pas démontré le contraire.
Or, nous l'avons dit à de multiples reprises, les contrats à long terme ne survivront pas à la logique de déréglementation du marché de l'énergie que vous mettez allègrement en oeuvre ! Avec votre projet de loi, c'est la sécurité d'approvisionnement de notre pays qui est mise en danger : vous exposez la population à des ruptures d'approvisionnement en gaz.
Le ministre de l'économie, M. Thierry Breton, affirmait de manière éhontée, avant de s'envoler pour la Chine : « Les missions de service public seront maintenues ; elles n'ont rien à voir avec la détention du capital. »
Qui croyez-vous tromper quand on voit ce qu'est devenu le service public lorsqu'il est assuré par des sociétés privées, notamment dans le domaine de l'eau et de l'assainissement ?
D'ailleurs, dans votre texte, tout est organisé pour anéantir le service public de l'énergie. Vous détruisez un outil efficace pour proposer des remèdes notoirement insuffisants...
M. Jean-Marc Pastor. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...ou à tout le moins aléatoires.
Ainsi, la péréquation tarifaire, véritable expression de la solidarité nationale, est totalement abandonnée et remplacée par une tarification sociale de portée plus que limitée. Qu'est devenu le droit à l'énergie affirmée par la loi de 2000 et confirmé par la loi de 2004 ?
Votre entêtement à renoncer aux tarifs régulés alors même que les clients non domestiques ont fait les frais de l'exercice de leur éligibilité confine au ridicule. Encore une fois, quelle solution proposez-vous ? Faire payer vos erreurs à l'entreprise publique EDF, et donc aux usagers !
En bref, le Gouvernement a adopté une position dogmatique - mais qui sert des intérêts particuliers - et n'a pas cru nécessaire de tenir compte des mises en garde émanant de l'opposition, des syndicats, mais également de certains membres de la majorité si j'en crois les défections qui ont eu lieu hier lors du vote sur un amendement de l'UDF qui, hélas ! n'a pas été adopté.
Ainsi, en dépit de l'incertitude qui subsiste sur le projet de fusion de Suez et de GDF, présenté comme le fin du fin, sur les positions précises qu'adoptera la Commission européenne et bien que la France n'ait pas lutté pour défendre la fusion d'EDF et de GDF, vous persistez.
Pour toutes ces raisons, nous persistons, nous aussi, et nous voterons contre un projet de loi...
Un sénateur UMP. C'est un scoop !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...qui est en rupture avec les grands progrès sociaux et économiques qu'a connus notre pays. Nous voterons contre ce texte parce que la privatisation qu'il commande aura des conséquences désastreuses non seulement pour les usagers, mais aussi pour l'ensemble de l'activité économique de notre pays et pour tous les salariés de l'industrie gazière. Oui, il reste des parlementaires pour défendre l'honneur de notre pays, qui a su se doter de grands services publics que beaucoup nous envient. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Comme M. Jean-Marc Pastor, je me réjouis du climat courtois dans lequel s'est déroulé ce débat et dont M. le rapporteur et M. le ministre furent d'importants acteurs.
Ce débat a porté sur l'ouverture du marché domestique du gaz au 1er juillet 2007 et sur la privatisation de Gaz de France.
Au début de la discussion, nous avions les uns et les autres des opinions bien arrêtées. Nous nous sommes efforcés de nous convaincre mutuellement, mais force est de constater que nous n'y sommes pas parvenus.
Au terme de l'examen de ce texte, que vous allez voter, mesdames, messieurs de la majorité, je m'interroge. En effet, lorsqu'on légifère, c'est pour améliorer une situation, pour la rendre meilleure. Je me suis donc demandé à qui cette loi nouvelle allait profiter.
M. Daniel Raoul. À qui profite le crime !
M. Daniel Reiner. Profitera-t-elle à ceux que nous appelons « usagers », et que vous dénommez souvent « clients » ?
Ils disposaient d'un excellent service. Personne ne s'est plaint du service offert par Gaz de France. En fait, la loi nouvelle va compliquer leur tâche : ils auront désormais plusieurs fournisseurs, les offres qui leur seront présentées seront compliquées, ils auront du mal à s'y retrouver. Auront-ils intérêt à choisir des tarifs réglementés, ou des tarifs non réglementés ? Comment évolueront les prix ? Inéluctablement, nous le savons bien, la preuve en a été faite, les tarifs augmenteront progressivement, et les usagers l'ont bien compris.
Par ailleurs, cela a été dit par nos collègues, le tarif social n'est pas à la hauteur de ce que nous souhaitions. Comme l'a souligné M. Roland Courteau, et M. le rapporteur l'a lui-même reconnu, la contribution au service public de l'électricité laisse des marges de manoeuvre pour améliorer le tarif social. Je ne reviens pas sur les chiffres qui ont été cités. Monsieur le ministre, nous attendons que vous ouvriez des pistes nouvelles dans ce domaine.
Bref, la loi nouvelle ne profitera pas aux usagers.
Profitera-t-elle alors aux élus locaux ? Leur tâche risque d'être plus compliquée. Ils auront des interlocuteurs plus nombreux. En outre, ce ne seront plus ceux qu'ils connaissaient et dont ils étaient proches. On peut donc être inquiet s'agissant de l'aménagement du territoire ou de l'extension des réseaux. Le souci de rentabilité sera encore plus présent dans les discussions. N'avons-nous pas été amenés à approuver un amendement qui prévoit la participation des collectivités locales à l'extension éventuelle des réseaux ?
La loi nouvelle ne profitera pas non plus aux élus.
Profitera-t-elle au personnel de l'entreprise ? Certainement pas ! Inutile de dire, bien que cet aspect ait été selon moi peu évoqué, que, dans l'avenir, nous assisterons à une diminution du nombre des emplois. Je ne reprendrai pas le chiffre, purement arithmétique, qui a été cité, mais il est bien évident que le souci de rentabilité conduira la nouvelle société privée à réduire ses effectifs. Cela ne fait aucun doute. Les dirigeants de Gaz de France et de Suez veulent créer de la valeur. Or, créer de la valeur, c'est créer des marges, lesquelles servent à verser des dividendes encore plus élevés aux actionnaires.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Daniel Reiner. Nous n'avons pas non plus assez parlé de l'avenir d'EDF-GDF services. Cette entité continuera certes d'exister, mais l'horizon des dizaines de milliers de salariés qu'elle emploie, et que nous connaissons d'ailleurs très bien, est vraiment à très court terme. Il faudra bien revenir sur cette question. Ce service commun est condamné d'avance puisque ses personnels se feront une concurrence directe.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Daniel Reiner. La loi nouvelle profitera-t-elle à l'entreprise Gaz de France ? Elle pourra, nous dit-on, parler d'égal à égal avec ses interlocuteurs. Mais le sens de l'expression « d'égal à égal » n'est pas simple. Il est même assez confus. Nous avons passé des week-ends entiers à parler « d'égal à égal ».
On nous affirme qu'après sa fusion avec Suez, l'entreprise sera très puissante. On peut en toute honnêteté s'interroger sur ce point. Après les contreparties qui ont été concédées, la capacité de l'entreprise fusionnée ne dépassera vraisemblablement pas la capacité actuelle de Gaz de France. C'est une vraie question. Gaz de France avait en effet besoin d'accéder à un amont gazier. Or, exception faite des terminaux méthaniers, du gaz naturel liquéfié, dont vous faites l'avenir du gaz, l'entreprise ne possédera toujours pas de champs gaziers et elle demeurera opéable.
La loi nouvelle profitera-t-elle à EDF ? On lui impose un concurrent, et j'ai déjà parlé du devenir d'EDF-GDF services.
La loi nouvelle profitera-t-elle à l'État ? Ce dernier, cela a été rappelé, vient de rompre avec une tradition historique en matière d'énergie. Il a en quelque sorte donné au secteur privé l'outil de sa politique énergétique. Comme nous avons eu l'occasion de le souligner au cours des débats, nous sommes persuadés que ni la minorité de blocage ni l'action spécifique ne lui permettront de peser d'un poids plus grand.
Si la loi nouvelle ne profite ni aux usagers, ni aux élus locaux, ni au personnel, ni à GDF, ni à EDF, ni à l'État, alors, à qui profite-t-elle ? Peut-être à Suez qui, compte tenu de sa situation pécuniaire, avait besoin de trouver rapidement un partenaire qui, lui, avait des moyens financiers.
Mesdames, messieurs de la majorité, d'une manière plus générale, vous n'avez pas fait honneur à la morale politique. Les propos que vous teniez en 2004 ne sont plus vrais aujourd'hui ! Monsieur le rapporteur, vous nous aviez dit que la privatisation de Gaz de France était « un épouvantail à ranger au placard » : deux ans plus tard, l'épouvantail est sorti du placard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Daniel Reiner. Enfin, et c'est peut-être le plus grave, la France, qui avait une position historiquement différente sur le marché de l'énergie, vient au fond de s'inscrire dans le moule européen, c'est-à-dire dans la libéralisation, dans la financiarisation des marchés de l'énergie. La situation que nous avons connue pour le pétrole se dessine en perspective devant nous. La fameuse « rente pétrolière » permet aux majors d'accumuler des profits qui apparaissent scandaleux aux yeux du citoyen moyen. Aujourd'hui, c'est la rente gazière qui s'ouvre, car des marges sont possibles.
Nous avons longuement débattu des prix du gaz. Nous ne croyons pas beaucoup, vous le savez, au prix réel du marché. Nous voulons des prix raisonnables, comme le sont les tarifs réglementés, qui sont fondés sur les coûts de production. Nous ne voulons pas de prix de marché à la marge, établis selon les règles en usage à Rotterdam pour le pétrole et à Zeebrugge pour le gaz.
Au total, hormis quelques exceptions, cette loi nouvelle ne profite à personne. Comme nous l'avons souligné au cours du débat, l'énergie n'est pas un bien ordinaire. La concurrence n'a pas fait la preuve de son efficacité. Vous l'avez reconnu dans les articles de contrition libérale 3 bis et 3 ter, et pourtant, vous nous engagez encore plus avant.
Mes chers collègues, nous vous l'avons répété pendant plus de deux semaines, nous vous le disons encore ce soir de manière définitive : c'est non ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Voici venue l'heure de nous prononcer sur un texte qui libéralise totalement le secteur de l'énergie et qui permet la privatisation de l'entreprise publique Gaz de France.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a mené de front les débats en deux mois à peine sur ce projet de loi déclaré d'urgence. Vous avez pour cela fait le choix de l'unité, même si ce choix conduisait la majorité gouvernementale dans son ensemble à renier les promesses d'un ancien ministre de l'économie, aujourd'hui présidentiable.
Cependant, ne vous réjouissez pas trop vite. Les débats ne seront pas clos par le vote du Parlement. Dans le pays, ils ne font que commencer.
En effet, les enjeux de préservation de l'environnement, de diversification du bouquet énergétique, de réponse aux besoins croissants en énergie ainsi que les outils dont se dote la nation pour y répondre - bref, la question de la maîtrise énergétique - seront au coeur de la campagne présidentielle qui s'annonce.
Si vous pouvez aujourd'hui vous réjouir de l'adoption de ce texte qui traduit votre dessein pour la France, soyez assurés que nombreux sont nos compatriotes qui seront ravis de vous faire part de leur opinion prochainement.
Il s'agira en effet de l'une des bases du vote des citoyens pour les échéances électorales à venir. Les candidates et les candidats qui se réclament des valeurs de la gauche sauront rappeler à nos concitoyens ce qui s'est passé tant dans cet hémicycle qu'à l'Assemblée nationale.
Vous avez méprisé toutes les consultations populaires qui ont eu lieu depuis votre arrivée au Gouvernement. Vous n'avez pas voulu comprendre votre échec aux élections régionales de 2004, vous n'avez pas entendu le message des urnes et de la rue lors du référendum sur le projet de constitution européenne ou à l'occasion de l'action contre le CPE.
Pourtant, par leur vote et leur mobilisation, les Françaises et les Français ont, à chaque fois, clairement exprimé leur refus de soumettre l'ensemble des activités humaines à la loi du marché et aux impératifs de rentabilité financière. Ils ont exprimé leur attachement au service public et aux valeurs fondatrices de notre république sociale.
Loin de ces préoccupations et du mandat donné par ce verdict populaire, vous maintenez contre vents et marées votre cap, en agrémentant le calendrier parlementaire de réformes ultralibérales, en allongeant encore la longue liste des entreprises privatisées et en faisant encore un peu plus de cadeaux au patronat et aux grands actionnaires.
À l'inverse de votre projet de recul social, nous avons proposé, lors de ce débat, de garder la maîtrise publique de l'énergie.
Nous avons également suggéré qu'EDF-GDF, 100 % public et fusionné, pourrait constituer le coeur d'un pôle public permettant de renforcer la maîtrise publique de ce secteur hautement stratégique pour les intérêts économiques, sociaux et environnementaux de notre pays.
Ce pôle public pourrait regrouper tous les acteurs de la filière énergétique, qu'ils relèvent de la recherche, de la production ou de la distribution, afin de renforcer la complémentarité des énergies. Il s'agit donc d'EDF et de GDF, mais aussi d'AREVA, de la COGEMA, du CEA, de l'ADEME et - pourquoi pas ?- de Total.
Ce pôle public aurait, en lien avec la définition d'orientations politiques par le Parlement, la mission de conduire cette politique.
Parce que l'enjeu de démocratisation est fondamental, ce pôle public pourrait être chapeauté par une haute autorité, composée d'élus de la nation et de représentants de l'État ainsi que de représentants des salariés et des usagers. Celle-ci aurait pour mission de veiller au bon respect de la transparence et du caractère démocratique des décisions.
En effet, nous ne pouvons tolérer la prolifération d'autorités dites indépendantes, mais dont le rôle est uniquement d'organiser le déclin des opérateurs historiques et l'arrivée de nouveaux entrants, comme c'est aujourd'hui le cas avec la CRE.
Ces nouvelles autorités entérinent la perte de pouvoir politique sur le monde économique, et nous estimons qu'une telle dérive est très dangereuse pour la démocratie : les citoyens ne doivent pas être dépossédés de leur souveraineté, surtout lorsqu'il s'agit de questions aussi fondamentales que l'énergie, bien commun de l'humanité.
Une telle démarche aboutirait à la création d'un véritable service public, émancipé de ces logiques financières, qui aurait donc la pleine capacité d'investir dans la recherche, la promotion de nouvelles énergies et le développement de nouvelles capacités de production, tout en maintenant un coût d'accès à l'énergie acceptable pour tous les usagers.
Parce que nous sommes résolument pour la construction d'une Europe politique, nous estimons aussi que la question énergétique doit être traitée à ce niveau.
Au regard de la forte dépendance en gaz, une politique européenne de l'énergie permettrait également de renforcer la sécurité d'approvisionnement, en développant une logique de coopération, de solidarité et de partage. (M. Jean Desessard applaudit.)
Ces propositions, nous continuerons de les porter au sein de cet hémicycle, mais surtout avec la population. En effet, comment ne pas reconnaître que l'aspiration à rompre cette spirale infernale de la précarisation et du recul social au profit du seul marché est grande ?
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. Mais nous tenons à vous rappeler, mes chers collègues, que la véritable décision concernant l'avenir énergétique de la France sera prise non pas dans le cadre restreint de notre hémicycle, mais lors du vote des citoyens, au moment des échéances électorales à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre pays est confronté à trois défis majeurs, qui rendent notre vote déterminant pour son avenir et sa place au sein d'une compétition internationale très difficile.
Tout d'abord, la consommation énergétique des pays industrialisés croît désormais plus vite que les capacités mondiales de production. Les causes en sont multiples : épuisement des ressources en hydrocarbures, bien sûr, mais aussi hausse exponentielle de la consommation des pays émergents et investissements insuffisants dans les capacités de production et de transformation.
Ensuite, les impératifs environnementaux, la saturation des autres modes de production, les nouvelles technologies de coproduction de l'électricité, vont mécaniquement augmenter la part du gaz dans la consommation énergétique.
Enfin, et ce n'est pas le moindre des défis, la dépendance gazière de la France frôle les 100 %, avant même la fermeture définitive du site de Lacq. Nos fournisseurs sont donc en position de force pour négocier les contrats avec nos entreprises. Le démarrage du réacteur EPR de Flamanville, en 2012, ne suffira pas à compenser l'accroissement des besoins en électricité fournie par des centrales thermiques alors que les contraintes environnementales seront plus grandes.
C'est dans ce contexte difficile que nous a été soumis ce projet de loi, dont l'objectif majeur est de renforcer notre position dans la négociation des approvisionnements énergétiques de la France, secteur par définition stratégique.
L'économie générale de ce texte s'engage sur la voie des trois objectifs préconisés par le Livre vert sur l'énergie de la Commission européenne : la sécurité des approvisionnements, la compétitivité économique et le développement durable.
Je tiens à souligner un point très important. L'adaptation des deux opérateurs historiques aux nouvelles conditions du droit de la concurrence ne signe pas la disparition du service public de l'énergie, sauf à confondre mission de service public et personne morale en charge de celle-ci.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. En effet, l'État conserve ses prérogatives de puissance publique et veillera à ce qu'EDF et le futur opérateur commun GDF-Suez respectent leurs charges de service public, en matière tant de politique tarifaire que de préservation du service universel. Le projet de loi apporte ici des avancées significatives, qu'il s'agisse de la clarification des critères d'éligibilité au tarif de marché ou de l'instauration d'une tarification de solidarité.
Je salue également le remarquable travail de notre rapporteur, M. Ladislas Poniatowski, grâce auquel ce texte a pu être substantiellement amélioré. Je songe particulièrement aux amendements de la commission portant sur la composition et les missions de la CRE, lesquels renforcent la compétence de régulation de cette autorité.
Pour ce qui concerne le secteur gazier, il serait irresponsable de figer le statut de GDF, alors que le vaste mouvement de concentration des entreprises de ce secteur dans le monde placerait l'opérateur historique dans une position d'acteur secondaire. Depuis l'accord de Barcelone de 2002 et l'ouverture totale du marché professionnel en 2004, la position commerciale de GDF a substantiellement évolué, alors que son statut n'a été modifié qu'à la marge depuis 1946. L'attitude qui consisterait à ne rien faire, le néoconservatisme, serait absurde !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
M. Aymeri de Montesquiou. L'ouverture du capital de GDF et son adossement à Suez ne consacrent pas l'irrémédiable abandon, par l'État, de la définition de la stratégie énergétique de la France. Au contraire, cette fusion met en place un outil de dimension mondiale. La possession de 34 % du capital du groupe est suffisante pour que l'État puisse bloquer toute initiative contraire aux intérêts stratégiques du pays. En votant ce texte, nous mettons en place le quatrième grand groupe énergétique français, aux côtés d'AREVA, de Total et d'EDF. Nous renforçons ainsi notre position dans le grand jeu énergétique mondial.
Le futur groupe sera, demain, le premier opérateur mondial de gaz naturel liquéfié, activité de souveraineté énergétique, à l'image du nucléaire. Nous serons infiniment plus dépendants...
M. Yves Coquelle. Lapsus révélateur !
M. Aymeri de Montesquiou. ...infiniment moins dépendants, veux-je dire, des réseaux de gazoducs, vous en conviendrez, et nous bénéficierons d'une bien plus grande fluidité de l'offre. Nous serons donc un grand acteur de la géopolitique de l'énergie.
La taille du futur groupe lui permettra de diversifier ses approvisionnements par une combinaison de portefeuilles sans équivalent en Europe et de posséder, je le répète, une force de négociation très importante. Sa synergie l'autorisera de surcroît à proposer des activités duales, ce qui faisait précisément défaut à GDF jusqu'à présent. Enfin, la surface industrielle engendrée lui fournira les moyens financiers de conduire une politique de développement de long terme, par l'engagement d'investissements indispensables à l'accroissement de la production et de la transformation.
C'est parce que ce projet de loi donne à la France les moyens de développer et de sécuriser ses approvisionnements énergétiques, d'asseoir sa stratégie industrielle et de fournir aux consommateurs la meilleure offre possible au meilleur prix que la majorité du groupe du RDSE le votera. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aurais préféré ne pas m'exprimer immédiatement après mon collègue et ami Aymeri de Montesquiou. Vous connaissez la difficulté de notre groupe à s'exprimer d'une seule voix et à faire la synthèse, si j'ose dire, de nos sensibilités !
M. Jean-Jacques Hyest. Que voulez-vous, c'est cela, la diversité !
M. Nicolas Alfonsi. Aujourd'hui, le hasard a voulu que j'exprime l'autre sensibilité du groupe.
À cet égard, je souhaite vous livrer quelques arguments qui justifient notre position.
Quatrième projet de loi consacré au secteur de l'énergie durant cette législature, le présent texte porte sur l'un des points les plus sensibles de la définition de la politique énergétique : comment garantir la souveraineté énergétique de la France, alors que notre dépendance, principalement gazière, va croissant ? Chacun sait, en effet, qu'il ne peut y avoir de développement économique sans souveraineté énergétique.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, transpose deux directives européennes relatives au secteur énergétique et consacre la perte de la participation majoritaire de l'État dans le capital de GDF. Il rassemble donc deux enjeux distincts, qui auraient mérité chacun un texte. Certes, la France respecte ses obligations communautaires par cette double transposition. Mais le texte met à mal le modèle construit depuis 1946, en ouvrant des brèches dans l'existence d'un véritable service public de l'énergie et en créant des charges spécifiques imposées aux opérateurs du marché : égalité, universalité, accessibilité et service universel.
Aussi, rien ne garantit l'égalité entre territoires. De même, l'instauration d'une double tarification - réglementée ou de marché - n'assure pas aux consommateurs le maintien de prix accessibles. Pour les professionnels, le prix du marché a déjà augmenté de 30 % depuis 2004. Les lois du marché risquent encore une fois de s'imposer, au détriment du droit élémentaire, pour chaque citoyen, d'accès au service public du gaz.
Au surplus, l'abaissement à 34 % de la part de l'État dans le capital de GDF semble avoir été préparé à la hâte, sans prendre le temps d'étudier d'autres solutions.
Par ailleurs, l'OPA d'Enel contre Suez, qui est à l'origine de ce projet de loi, reste d'actualité. Pourquoi le Parlement n'a-t-il pas été informé des éléments précis des cessions d'actifs qui permettront la constitution du futur groupe ? La constitutionnalité même de l'article 10 du projet de loi est sujette à caution, au regard de l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946.
Le gaz n'est pas une marchandise ordinaire, c'est un bien public, ce qui avait justifié en son temps la nationalisation de son exploitation. Rien ne garantit que le texte qui va être voté soit en mesure de préserver les intérêts des consommateurs, alors même que la participation de l'État dans le futur groupe se fera a minima. Concrètement, que se passera-t-il en cas d'augmentation du capital du futur groupe ? L'État sera-t-il en mesure de s'aligner ? Quels seraient les moyens d'action de l'État en cas d'une action hostile d'envergure d'un géant étranger de type Gazprom ? Le glissement vers des intérêts privés d'un secteur aussi stratégique n'est pas de nature à nous rassurer.
En toute hypothèse, il y a une antinomie entre le patriotisme économique vanté par le Premier ministre et les intérêts des actionnaires du futur groupe, pour lesquels la protection de la souveraineté énergétique de la France ne sera jamais une priorité.
Dans ces conditions, vous l'aurez compris, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, beaucoup d'excellentes choses ont été dites dans ce débat, en particulier par notre collègue Aymeri de Montesquiou et par notre rapporteur, Ladislas Poniatowski.
Dans ce débat franco-français de qualité, animé et courtois, un sujet essentiel a, me semble-t-il, été omis.
M. Pierre Laffitte. Hier matin, avec mon collègue socialiste Claude Saunier, nous étions à Bruxelles, sur l'invitation du Sénat belge, pour présenter à nos collègues sénateurs notre rapport intitulé : Changement climatique et transition énergétique : dépasser la crise, qui a été adopté à l'unanimité des membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
La transition énergétique, qui consiste à diminuer massivement les émissions de gaz à effet de serre, donc l'usage de tous les combustibles fossiles - gaz, pétrole, charbon -, est indispensable.
L'humanité est au pied du mur.
Avec la multiplication, déjà constatée, des catastrophes - cyclones, sécheresses, inondations, montée du niveau des océans -, et les migrations massives de centaines de millions d'êtres humains qui s'ensuivront, nous pouvons craindre dans moins de vingt ans une récession mondiale.
La transition énergétique, indispensable, coûtera, certes, très cher - des milliers de milliards d'euros à l'échelon mondial - mais elle permettra de retarder et même d'éviter les catastrophes, moyennant une action déterminée, sur le modèle de celle qui est prévue dans le plan Climat français. L'objectif est, je vous le rappelle, une division par quatre des émissions de gaz carbonique.
Les sénateurs belges nous ont écoutés avec intérêt et, pour nous remercier, nous ont offert à chacun une cravate et un livre édité par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, et intitulé : Gazprom ; on y décrit la stratégie de ce géant, évoquée en filigrane, en termes choisis, par François Loos hier après-midi.
Cet opérateur, qui dispose de l'essentiel des réserves mondiales de gaz, hors pays du Golfe, se sert de sa suprématie énergétique, en liaison étroite avec le Kremlin et avec une stratégie quasi militaire, pour asservir l'économie de ses voisins importateurs européens avec méthode et détermination.
Dans ce domaine, les relations entre les producteurs et les clients ne sont pas, en effet, de même nature que celles qui lient, par exemple, un petit producteur à une grande surface.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Pierre Laffitte. C'est tout le contraire ! Je vous laisse deviner ce qui se passerait pour GDF face à Gazprom...
Je souhaite, pour ma part, que nos amis socialistes et communistes lisent l'ouvrage en question. Ils constateront que la stratégie de la Russie est claire vis-à-vis de ses voisins européens. Chacun, dès lors qu'il n'est qu'acheteur, devient une proie facile ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Cela rejoint le débat que nous avons eu.
La fusion entre GDF et Suez, si elle ne conduit pas à la création d'un colosse de la taille de Gazprom, car nous n'avons pas les mêmes réserves, donnera tout de même naissance à un nouvel acteur d'importance et permettra le succès du plan Climat, en France, d'abord, en Europe, ensuite, et, je l'espère, dans le reste du monde.
Notre pays comptera donc quatre industriels majeurs dans ce domaine - je pense, comme Aymeri de Montesquiou, à EDF, Areva, Total et à GDF-Suez ou Suez-GDF, comme vous voudrez. Ils ne seront pas de trop pour faire face aux difficiles mutations qui nous attendent et qui concernent l'avenir de l'humanité. Grâce à ces quatre opérateurs et à la mobilisation générale de toute l'économie pour que cette transition énergétique réussisse, nous pourrons éviter les catastrophes. C'est la raison pour laquelle j'approuve des deux mains ce projet de loi ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Que fait Bayrou ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme c'est la coutume - mais c'est mérité ! -, je félicite la présidence et les services de la séance pour la bonne tenue de ce débat. Je remercie également M. le rapporteur et M. le ministre délégué à l'industrie pour leur ouverture au dialogue et leur souci de fournir au Parlement des explications. (M. le rapporteur et M. le ministre délégué marquent leur satisfaction.)
Néanmoins (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste), et au-delà de ces considérations sur la forme de ce débat, plutôt réussi, je vous dis d'emblée que je ne pourrai pas voter un projet de loi qui ne répond en rien aux enjeux stratégiques énergétiques du XXIe siècle.
Au nombre de ces enjeux, et en tout premier rang, je citerai la préservation des ressources naturelles et la lutte contre le réchauffement climatique. L'une et l'autre exigent que priorité soit donnée à la réduction et à la maîtrise de la consommation d'énergie.
Un autre enjeu est la mise en place de nouvelles filières d'énergies renouvelables, en particulier le développement de la filière biogaz, seule possibilité de produire du gaz sur le territoire français.
Les défis du XXIe siècle nécessiteront un développement harmonieux entre les différentes économies du monde. C'est la mise en place de coopérations entre l'Europe et les pays producteurs qu'il faut promouvoir.
Pour garantir aux plus démunis l'accès au gaz, bien de première nécessité, et pour garantir la péréquation, c'est-à-dire l'accès équitable sur tout le territoire, il faut maintenir le service public.
Bref, contrairement aux tenants du dogme du tout-libéral, nous pensons, nous, que la modernité du XXIe siècle réside dans une consommation d'énergie à maîtriser en priorité, dans la lutte contre le réchauffement climatique et aussi dans l'extension des services publics qui ont fait leur preuve sur les territoires nationaux, à l'échelle européenne.
Cette loi ne s'inscrit pas dans cette démarche de service public, de solidarité et de maîtrise des ressources. C'est pourquoi les sénatrices et le sénateur Vert que je suis ne la voteront pas.
Permettez-moi, chers collègues de la majorité, de dire un petit mot sur l'Europe, car j'ai bien senti que vous étiez embarrassés ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Suez s'est d'ailleurs senti obligé d'inviter les parlementaires UMP à la finale de la Coupe du monde de football France-Italie pour les convaincre !
M. Yves Coquelle. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ainsi que Mme Ségolène Royal !
M. Jean Desessard. Si encore Suez les avait conviés à un colloque sur l'intérêt qu'il y aurait à construire un géant européen de l'énergie, nous aurions peut-être compris, mais qu'il n'hésite pas, alors qu'un projet de loi le concernant directement est en débat au Parlement, à emmener en jet privé des parlementaires assister à une finale de Coupe du monde, voilà une méthode qui se situe davantage entre le lobbying et la corruption !
Nous tenterons d'y voir plus clair en portant l'affaire en justice et en demandant au Sénat la création d'une commission d'enquête sur de telles pratiques !
Oui, chers collègues de l'UMP, vous étiez gênés, car vous n'ignorez pas qu'en France les services publics de l'énergie fonctionnent bien. Pour être, malgré tout, au contact des citoyens, vous auriez sans doute préféré voir les camionnettes bleues de GDF continuer de sillonner les routes de France, comme vous souhaitiez conserver les camionnettes jaunes de la poste. Mais comment, me direz-vous, s'adapter à l'Europe libérale tout en conservant la poste, EDF et GDF services publics ?
Parce qu'il y aurait obligation de « s'adapter à l'Europe libérale » ? Pas du tout ! Nous pouvons très bien refuser une Europe libérale, une Europe commerciale, et construire, au contraire, une Europe des services publics. C'est ce à quoi nous devons travailler.
M. le rapporteur l'a bien dit, et je suis d'accord avec lui sur ce point, il faudrait une directive-cadre sur les services d'intérêt général. Mais cela ne se fera pas avant le 1er juillet, et nous sommes obligés de transposer maintenant la directive européenne et donc de libéraliser le marché de l'énergie.
Vous voulez créer un géant du gaz ? Quel bricolage ! Votre géant sera bien fragile, car il nous faudra toujours consommer davantage pour rentabiliser les investissements de ce géant énergétivore. Or, non seulement c'est exactement le contraire de ce que nous devons faire eu égard à notre objectif de maîtrise de l'énergie, mais aussi et surtout nous aurons bien du mal à garantir les contrats. En effet, monsieur Laffitte, il s'agira non plus de la négociation entre un distributeur et un petit producteur, mais bien d'un face-à-face entre un distributeur sans moyen et un gros producteur. Nous sommes donc complètement ligotés !
Sous un angle plus géopolitique maintenant, à quelles concessions la nouvelle entreprise sera-t-elle poussée face aux pays producteurs ? Et la démocratie dans ces pays ?
Nous avons déjà une petite idée de ce qui se passera avec l'expérience que nous avons des rapports entre Google et la Chine, et l'assassinat d'Anna Politkovskaya en Russie ! Le fait d'être ainsi liés aux économies de pays producteurs sans coopération politique à de quoi inquiéter. Nous aurons des rapports marchands, exclusivement marchands, et, pour la liberté de notre pays, c'est vraiment très inquiétant !
Comme je l'avais précisé lors de la discussion générale, ce géant aura une démarche maladroite et lourde, car on va lui demander de continuer à assurer des missions de service public, alors que les autres entreprises sur ce marché concurrentiel n'auront pas la même charge : c'est une mission impossible s'il est le seul groupe à assumer de telles missions ! Et à quel prix le fera-t-il ?
Sur ce point, la démarche de M. Longuet a été plus logique. Selon lui, quitte à libéraliser, il faut le faire jusqu'au bout et ne surtout pas fixer de seuil à 34 %, ce qui obligerait à repasser devant le Parlement au cas où l'on envisagerait une augmentation de capital. Alors, libéralisons, libéralisons et voyons ! Mais libéraliser tout en maintenant des contraintes de service public, c'est une démarche vouée à l'échec !
Permettez-moi, mes chers collègues, d'insister sur un dernier point qui a été évoqué sur les travées de l'opposition : comment maintiendrons-nous les prix et le statut des salariés ?
Souvent, j'entends dire qu'en raison de leur statut les salariés des entreprises publiques telles que la SNCF, Air France, EDF ou GDF, sont des privilégiés. Mais ceux qui tiennent de tels propos gagnent souvent mille fois ce que gagne un smicard !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui !
M. Jean Desessard. Ils feraient bien de regarder leur bulletin de salaire et de le diviser par cent avant de se permettre une telle réflexion ! Mais passons...
En revanche, j'insisterai sur les avantages qu'apporte à un pays le fait que les gens bénéficient d'un emploi stable et d'une rémunération qui leur permet de vivre de leur travail.
D'abord, c'est une garantie sociale, car ceux qui ont un pouvoir d'achat ne sont pas dans la précarité. C'est aussi une garantie économique, car le pouvoir d'achat permet aux commerçants et aux artisans de compter sur des débouchés de proximité. C'est, enfin, une garantie culturelle, car, lorsque des personnes sont animées de l'esprit « service public », c'est tout le corps social qui en profite ! Ce sont précisément la précarité et la course à la concurrence à tout prix qui sont à l'origine des problèmes que connaissent les banlieues et les quartiers.
Les services publics, ce n'est pas seulement une présence, c'est aussi un état d'esprit général qui garantit un système stable. La prévention passe donc aussi par le maintien des services publics et du statut des salariés des entreprises considérées.
Je résume. Les services qui fonctionnaient sont maintenant bradés. S'agissant des enjeux nouveaux de l'énergie, il n'existe aucun plan stratégique à long terme. Vous aviez pourtant affirmé que vous réfléchissiez sur le long terme, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre délégué. Or, si, pour reprendre les propres termes de celui qui est normalement votre chef de file stratégique, la part de capital détenue par l'État devait être de 70 %, elle est aujourd'hui fixée à 34 %, sans que l'on nous ait dit quels changements environnementaux ou politiques avaient eu lieu pour expliquer un tel retournement !
Pour qu'une stratégie soit de long terme, il ne faut pas en changer tous les deux ans !
Tout cela n'est donc que bricolage, monsieur le ministre délégué. Or, s'agissant du gaz, le bricolage peut être cause de panne - en raison d'un approvisionnement insuffisant -, ou de fuite - en l'occurrence, celle de capitaux.
À ce propos, plutôt que d'inviter certains parlementaires à assister à la finale France-Italie de la Coupe du monde de football, Suez, qui est déficitaire, aurait mieux fait de garder son argent et de payer des impôts. Cela aurait été plus utile pour la collectivité nationale.
Le bricolage dans ce domaine du gaz, cela peut aussi conduire à une explosion, donc à une catastrophe.
Dès lors, comme l'ont souligné certains de nos collègues, il vaut mieux laisser les électeurs trancher pour éviter toute panne, toute fuite ou toute explosion !
Ce gouvernement de droite ne propose que le bradage des acquis et le bricolage pour l'avenir. C'est pourquoi la gauche tout entière réunie, socialistes, radicaux de gauche, communistes et Verts, s'oppose fermement à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je ferai quelques réflexions d'ordre général à l'issue de cet important débat.
Nous venons de vivre un énième épisode de la série de privatisations qui ont été successivement engagées au cours des années quatre-vingt, quand le vent de la déréglementation et de la dérégulation de l'ère reaganienne et thatchérienne a atteint les rivages de l'Europe. Autant dire que nous avons tous pris part à ce processus. Et l'on observe aujourd'hui les conséquences néfastes de ces privatisations.
Alors même que l'État, dans les années cinquante et soixante, s'était impliqué dans le redressement de l'économie française, on mesure aujourd'hui a contrario les résultats d'une trop grande confiance dans le marché.
La critique permanente de l'État providence et de « l'État carcan » nous conduit droit dans le mur. Cette idéologie dominante, quoi qu'on en dise, est mal vécue par nos concitoyens. Alors même que le général de Gaulle parlait du plan comme d'une « ardente obligation », on s'en remet aujourd'hui au marché et aux grandes entreprises, avec tous les dangers que cela implique en général et dans le domaine de l'énergie en particulier. Car cette privatisation, mal maîtrisée, hasardeuse et pleine d'inconnues, nous fait prendre des risques insensés pour le ravitaillement énergétique de notre pays.
On nous explique qu'il va être créé de grands groupes. Mais je tiens à rappeler le récent épisode Arcelor. On nous affirmait alors que cette entreprise deviendrait un champion de la sidérurgie. Or, au final, ce grand groupe a été avalé par un concurrent étranger, plus gros que lui !
Donc, cette privatisation, même si elle conduit à la constitution d'un grand groupe, ne garantit en rien l'avenir.
Vous-mêmes, chers collègues de la majorité, avez exprimé quelques doutes sur la pertinence de cette politique.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Paul Raoult. La notion de prix administrés, bannie de cet hémicycle depuis plusieurs années, a fait sa réapparition à l'occasion de ce débat.
M. Paul Raoult. Aujourd'hui, en effet, vous nous proposez de revenir aux prix administrés, tant la spéculation sur le marché de l'énergie a fait augmenter les prix. Cela signifie bien que les mécanismes du marché ne sont pas à même de résoudre les problèmes liés à l'énergie. Au contraire, il nous faut les maîtriser pour garantir à nos entreprises qu'elles bénéficieront de prix sûrs et régulés leur permettant un développement normal et régulier.
En hésitant à privatiser totalement les régies gazières et en les transformant finalement en sociétés d'économie mixte, vous apportez la preuve qu'elles fournissent un service de qualité qu'il faut maintenir.
Je ne reviendrai pas sur l'échec de cette politique énergétique aux États-Unis, avec le scandale ENRON, si ce n'est pour insister sur le climat spéculatif que suscite l'énergie. Sur ce marché, les prix de l'énergie ne sont pas régulés comme le sont les prix des voitures sur le marché automobile, en fonction de l'offre et de la demande. En réalité, les prix s'effondrent en cas de surproduction, même légère, et flambent en cas de pénurie, tout aussi légère soit-elle, atteignant des niveaux inacceptables pour nos entreprises.
Voilà de quoi dépendra, par votre faute, la vie de nos industriels et de nos entreprises !
M. Roland Muzeau. Voilà !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Paul Raoult. Une chute brutale des prix succédera à leur flambée, tout aussi soudaine.
Comprenez donc que parler de marché s'agissant de l'énergie n'a aucun sens, chers collègues !
M. Roland Courteau. On leur a dit cent fois !
M. Paul Raoult. À défaut, vous mettrez l'industrie de notre pays en péril, sans garantir pour autant l'investissement et le réinvestissement.
Dans ce secteur, la modernisation est un impératif et il faut prévoir à très long terme. Ce n'est pas la Bourse qui déterminera quels investissements doivent être réalisés pour les dix ou vingt ans à venir, non, c'est l'État, et l'État lui seul qui le peut.
Jusqu'à présent, il était déjà difficile pour les collectivités locales de faire entendre leur voix. Quelles relations entretiendront-elles demain avec ces groupes privatisés ? Cette question mérite d'être posée, ici, au Sénat.
Je prends à témoin notre collègue Xavier Pintat, président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, qui défend avec force et dynamisme l'ensemble des syndicats intercommunaux, notamment dans les domaines de l'électricité, du gaz et de l'eau : demain, il nous sera plus difficile encore de défendre les intérêts légitimes de nos territoires et de conclure des contrats avec ces grands groupes privés, dont le profit à court terme sera la seule obsession.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Paul Raoult. Que pèseront alors les zones rurales ? Comment pourront-elles faire valoir leurs intérêts ?
Il nous était déjà difficile de faire venir le gaz jusque dans nos petites communes, et la FNCCR devait négocier pied à pied. Comment ferons-nous demain, nous, les élus ruraux, pour raccorder nos territoires au réseau gazier ?
M. Gérard César. On fera comme aujourd'hui !
M. Paul Raoult. Le combat sera plus difficile encore.
En définitive, il nous faut définir un grand service public moderne, et je ne conteste pas qu'il doive tenir compte de l'environnement du marché. Mais, dans le secteur de l'énergie, qui est à la fois spécifique et propre à notre économie, il importe d'assurer la sécurité d'approvisionnement, la qualité et le même prix pour tous sur l'ensemble du territoire, en particulier pour la consommation domestique.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte, formant le voeu que les prochaines échéances électorales nous permettront de réintroduire Gaz de France dans le giron de l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard César. Grâce aux jurys populaires ?
M. Roland Courteau. Paul Raoult n'y est pas favorable !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la complexité des auditions auxquelles la commission a procédé pour l'examen de ce projet de loi atteste la difficulté du choix qui nous incombe. Je ne suis pas certain que, en notre for intérieur, quelle que soit individuellement notre position, nous votions en toute connaissance de cause. Très souvent, nous avons été dépassés par les explications qui nous ont été données et par les arguments qui nous ont été opposés.
Je m'exprime ce soir en mon nom. En effet, le vote du groupe de l'UC-UDF sera un vote bleu-blanc-rouge, car chacun prendra position comme il l'entendra. Pour ma part, je voterai contre ce texte.
À mesure que se déroulaient les débats, j'ai en effet perdu la conviction que la réussite économique dépendait de l'importance et de la dimension des groupes industriels. Au reste, rien ne le démontre de manière absolue et les exemples peuvent plaider dans l'un ou l'autre sens, selon le point de vue que l'on adopte.
En revanche, je suis certain d'une chose : les règles du jeu des marchés mondiaux sont en train de changer. Jusqu'à présent, l'idée prévalait que plus on était gros, plus on était respecté. Or je ne suis plus certain qu'il faille s'en tenir à cette analyse figée. Cette remarque vaut d'autant plus pour un marché d'approvisionnement comme celui dont il est ici question.
Cessons de considérer que la France prend toujours les bonnes décisions, celles qui lui permettront d'être la meilleure du monde ! Cessons de pousser des « cocoricos », cessons de prétendre que nous disposerons du premier groupe mondial et que nous pourrons peser de tout son poids dans la négociation !
Comme vous, mes chers collègues, je sais que nos concitoyens sont inquiets, d'abord parce qu'ils ne comprennent plus le sens des décisions que nous prenons. En l'occurrence, en prenant une décision qu'aucun argument convaincant n'est venu étayer, nous ajoutons à leur inquiétude.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
M. Yves Coquelle. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Enfin, mon vote se justifie avant tout par l'absence, majeure, de l'Europe dans ce débat.
Monsieur le ministre délégué, le Gouvernement et nous-mêmes nous serions honorés, et avec nous la France tout entière, si nous avions profité de ce débat sur l'approvisionnement énergétique de l'Europe pour essayer de relancer la dynamique européenne, ...
M. Roland Courteau. On l'a dit !
M. Philippe Nogrix. ...pour soumettre un projet fédérateur qui aurait sans doute permis à chacun de reprendre confiance dans ce territoire d'entente et de devenir que devrait être l'Europe.
Nous avons voulu jouer seuls et porter seuls notre drapeau. Nous n'avons pas compris que même la dimension européenne ne suffisait sans doute pas pour que nous puissions désormais opposer nos volontés et nos desiderata à Gazprom.
Gazprom a été trop présent dans ce débat. Il n'y a pas que Gazprom ! Il n'y a pas que le gaz ! N'oublions pas l'édifice social qui a été érigé en France : respectons-le, débattons-en, avant de prendre des décisions qui pourraient nous entraîner dans une aventure dont nous ne connaissons pas l'issue.
En dépit de l'exemplarité des débats, en dépit des arguments employés par le rapporteur, en dépit des explications des ministres, j'estime que nous aurions dû faire acte d'humilité et remettre l'ouvrage sur le métier : le chantier, quoiqu'il n'en soit encore qu'à son début, nous mène déjà dans une impasse !
M. Yves Coquelle. Très bien !
M. Philippe Nogrix. La position que nous adoptons aujourd'hui nous empêchera peut-être un jour de discuter d'égal à égal avec nos collègues européens, d'autant plus que l'approvisionnement en gaz dépend plus d'accords politiques que d'accords de marché, contrairement à ce qui a été dit ici. En fonction des accords politiques qui seront conclus, en fonction de la diplomatie qui sera suivie par les États, les robinets se fermeront ou s'ouvriront, nous parviendrons à nos fins ou nous n'y parviendrons pas.
M. Jean-Marc Pastor. Sages propos !
M. Philippe Nogrix. Mes chers collègues, nous avons laissé passer une chance, une véritable chance pour cette Europe en laquelle je crois. (Applaudissements sur certaines travées de l'UC-UDF, sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, Nicolas Alfonsi s'étant exprimé au nom de la sensibilité que je représente, je ne développerai pas davantage les excellents arguments qu'il a versés au débat. Néanmoins, sur la forme, je tiens à faire une observation, en tant que parlementaire mais aussi en tant que citoyen.
Sans doute ce projet de loi sera-t-il adopté ce soir. Mais il est assez extraordinaire de constater que les parlementaires convaincus des vertus de ce texte sont rares, y compris dans cette enceinte.
M. Yves Coquelle. Eh oui !
M. François Fortassin. Cela pose un véritable problème. Alors que ce projet de loi engage l'avenir de notre pays, un certain nombre de nos collègues font preuve de tiédeur. Leur mutisme démontre que leurs raisonnements ne reposent sur aucune certitude.
Sur ce point, je partage le sentiment de mon collègue Philippe Nogrix lorsqu'il affirme que, dans la situation actuelle, avec tous les nuages qui planent sur certaines sociétés et sur leurs pratiques, il eût été judicieux d'attendre, au lieu de se précipiter en se disant que c'est l'affaire du siècle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires économiques, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 40 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 156 |
Pour l'adoption | 173 |
Contre | 137 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. Roland Muzeau. Le Sénat a bradé !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, tout au long de l'examen du projet de loi qui vient d'être mis aux voix, j'ai souhaité oeuvrer pour que le déroulement de nos travaux nous permette d'atteindre deux objectifs.
Le premier était - je le proclame clairement - que la majorité du Sénat puisse exprimer, sous réserve des modifications demandées par la commission, son plein et entier soutien au projet politique d'importance que lui présentait le Gouvernement, à savoir l'adaptation de notre droit de l'énergie aux dernières directives européennes et l'ouverture des marges d'avenir pour cette belle entreprise qu'est Gaz de France.
Le second objectif n'était pas, à mes yeux, moins important. Il visait à ce que nos débats assurent la plus large et la plus complète expression de toutes les sensibilités politiques représentées dans notre assemblée.
Dans mon esprit, il s'agissait de faire en sorte que chacun puisse défendre ses idées et ses analyses, que ce soit avec passion, opiniâtreté, théâtralité quelquefois, ou subtilité, mais d'une manière qui valorise le Parlement.
Je crois en effet profondément que l'excès en droit parlementaire, comme en d'autres matières, peut être source de déconsidération et que le sens de la mesure est une vertu.
Au terme de ces trois semaines de travail, je n'ai pas l'impression que ces objectifs aient été manqués. Mais j'ai aussi la conviction que, s'ils ont pu être atteints, c'est parce qu'ils ont été très largement partagés. Et je tiens, avant toute chose, à en remercier très sincèrement M. le rapporteur, Ladislas Poniatowski (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF), qui avait exactement les mêmes préoccupations et qui a toujours su exposer les positions de la commission de manière rigoureuse et limpide.
Je souhaite également remercier MM. les ministres Thierry Breton et François Loos, dont je salue la qualité des interventions et l'esprit d'ouverture aux propositions de la commission. Je tiens d'ailleurs, à cette occasion, à rendre hommage à leur grande disponibilité et à l'accueil, toujours favorable, qu'ils ont réservé aux demandes que j'ai pu faire, ce qui m'a permis de répondre à certaines attentes exprimées par les présidents et les membres des groupes de l'opposition.
Mes remerciements vont aussi aux présidents de séance qui se sont succédé pendant nos travaux et à qui je veux exprimer ma reconnaissance pour la grande qualité de la conduite de nos débats.
Enfin, je remercie nos collègues de la majorité, ceux de l'opposition, les collaborateurs des ministres, et notre administrateur, qui s'est beaucoup investi sur ce texte.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Avant de terminer, je voudrais soumettre à votre réflexion une observation.
Nombreux sont ceux qui ont affirmé, au cours de nos débats, que le monde changeait, qu'il changeait vite et que nous devions nous adapter. D'autres ont exprimé la conviction qu'il y avait des statuts qu'il ne fallait pas modifier.
Aux uns comme aux autres, je souhaiterais signaler un sondage réalisé par un institut américain travaillant pour l'université du Maryland. Cet organisme a posé la même question dans vingt pays majeurs des cinq continents : « Le système de la libre entreprise et de l'économie de marché est-il le meilleur sur lequel fonder l'avenir ? »
M. Roland Courteau. Et l'énergie ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Nous pouvons y associer l'énergie, mon cher collègue.
Mme Nicole Bricq. Ce n'était de toute manière pas la question posée ici !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Les Chinois, dont le régime reste officiellement communiste, disent oui à 74 %. Les États-Unis, la Corée du Sud, l'Inde, se déclarent favorables à 70 %, l'Indonésie, à 66 %. En Europe, les Allemands, les Anglais, les Espagnols ou les Polonais répondent oui à plus de 60 %.
Il n'y a qu'un seul pays dans le monde développé, un seul, où le oui est minoritaire, et à 36 %. Ce pays, c'est la France.
Ce sondage me conduit à penser que les clivages qui se sont dessinés au cours de nos débats rencontrent sans doute en plusieurs endroits les divisions qui séparent notre pays du reste du monde développé.
M. Jean Desessard. Il y a de bons services publics en France !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Et, madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'en tire une conviction, c'est qu'il nous faut expliquer avec encore plus d'insistance et d'exemples aux Françaises et aux Français que le monde change et qu'il change vite.
M. Roland Muzeau. Les gaullistes changent aussi. Ils ne sont plus ce qu'ils étaient !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je rappellerai cette belle phrase de Jean Monnet : « Dans la vie, l'important n'est pas d'être pessimiste ou optimiste, mais c'est d'être déterminé. »
Monsieur le ministre délégué, à vos côtés, nous sommes déterminés ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Je voudrais à mon tour vous dire toute l'émotion que j'ai à clore aujourd'hui ce débat et adresser un certain nombre de remerciements. Car, pour qu'un tel débat puisse se dérouler et être constructif, il est nécessaire que chacun soit disponible, donne de son temps, de son intelligence et de sa bonne volonté.
Je voudrais tout d'abord remercier M. le rapporteur, Ladislas Poniatowski, qui a travaillé très en amont sur ce projet de loi et qui a mis sa grande compétence au service de cette politique. Je lui sais gré tout particulièrement des nombreuses améliorations qu'il a apportées au texte.
Je voudrais ensuite remercier M. le président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, qui vient de rappeler la situation un peu particulière dans laquelle se trouve la France sur la scène internationale.
M. Daniel Reiner. C'est le fruit de son histoire !
M. Roland Courteau. De bons services publics !
M. François Loos, ministre délégué. J'ai noté que certains sénateurs de l'opposition auraient voulu que nous soyons des libéraux convaincus.
Mme Annie David. C'est ce que vous êtes !
M. François Loos, ministre délégué. Nous avons au contraire été soucieux de transposer une directive à la manière française. D'une certaine façon, il est vrai que cette complexité de la France fait aussi la richesse de nos débats.
Je remercie M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, Philippe Marini, de son opinion éclairée et de sa perspicacité sur un certain nombre de points.
Je voudrais également remercier l'ensemble des sénateurs, tout particulièrement ceux qui ne sont pas beaucoup intervenus au cours des débats, ...
M. Roland Courteau. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. François Loos, ministre délégué. ...mais qui nous ont apporté leurs voix. J'ai été très heureux de leur soutien, qui s'est révélé fondamental pour que nous puissions avancer.
Enfin, ces débats n'auraient pas été possibles sans les fonctionnaires du Sénat et les collaborateurs des groupes parlementaires, qui nous ont permis, grâce à leur investissement personnel, de bien comprendre les enjeux et de partager le diagnostic. Évidemment, nous conservons, les uns et les autres, des divergences de vues sur les solutions.
Le Sénat a amélioré le texte sur plusieurs points très importants, notamment pour ce qui concerne la Commission de régulation de l'énergie. Certains ne voulaient pas de la CRE et souhaitaient que l'État soit en totale responsabilité. D'autres, à l'Assemblée nationale, estimaient que le Parlement devait être très associé à la composition du collège de la CRE.
Des amendements du rapporteur ont permis de rétablir l'équilibre dans la composition du collège de la CRE et de mettre en place les moyens pour les particuliers, les consommateurs, de faire appel à un médiateur. Nous avons obtenu ce dispositif, qui sera extrêmement utile par la suite, grâce aux travaux du Sénat.
Je voudrais aussi remercier tout particulièrement Xavier Pintat et son collègue vice-président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies ; ils ont utilement travaillé de concert pour clarifier, préciser et rendre visible le rôle très important des collectivités locales. Je n'oublie cependant pas que nous ne sommes pas au bout des améliorations possibles. Certaines vont dépendre d'arrêtés ministériels dont il faudra préciser le contenu dans les semaines qui viennent.
Enfin, je voudrais aussi vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir confirmé cette avancée importante qu'est le tarif transitoire de retour. De nombreuses entreprises en France ont en effet besoin d'une telle mesure. L'Assemblée nationale l'a mise en place, le Sénat l'a perfectionnée de manière extrêmement utile. Nous avons maintenant un dispositif solide qui, je l'espère, va répondre aux attentes de nos centres économiques.
En conclusion, je voudrais faire trois remarques.
Tout d'abord, il ne s'agit pas pour moi de me contenter de vous remercier. Lors des débats, M. Courteau a souligné que tout nous séparait. Je ne sais pas si c'est le cas, mais il y a en tout cas des clivages clairs.
J'ai eu parfois le sentiment que vous ne faisiez qu'annoncer des catastrophes (Protestations sur les travées du groupe socialiste), et que nous étions les seuls à chercher et à proposer des solutions. Qu'importe ! Je ne vais pas rouvrir le débat maintenant.
Il est néanmoins très clair, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous sommes désormais dans un environnement mondial qui bouge et qui nous oblige à bouger. C'est le choix que nous avons fait et nous prenons les décisions qui s'imposent.
Nous ne vous avons pas tous convaincus - nous n'en attendions pas autant ! -, mais nous avons au moins pu voir où étaient les clivages entre nous.
Vous l'avez constaté, nos convictions sont fortes ; nous ferons tout pour les concrétiser à la fois pour la satisfaction de nos consommateurs, pour le bien de notre économie et pour la sécurité d'approvisionnement de notre pays.
Ensuite, j'oserai une comparaison d'ordre linguistique. Dans deux langues majeures parlées dans deux pays tout aussi majeurs pour ce qui est de l'énergie, un même mot désigne à la fois l'énergie et le pouvoir : power en anglais et mo?nost' en russe. Cette confusion assez naturelle entre les deux sens n'existe pas dans la langue française, qui distingue bien le pouvoir politique de la puissance installée d'une turbine... (Sourires.)
Par cette anecdote, je veux illustrer l'importance du contexte international. Dans les politiques que nous menons, il faut prendre en compte, certes, les aspects matériels - c'est-à-dire l'origine des approvisionnements et la qualité des tuyaux -, mais aussi la volonté politique exprimée par les détenteurs des gisements.
Enfin, la loi que vous avez votée nous donne des moyens, et même des moyens importants pour que l'État continue d'agir fortement. Nous n'avons pas souhaité vous proposer une privatisation à 100 %, nous avons au contraire préféré conserver une minorité de blocage et introduire une action spécifique, tout comme nous avons fait le choix de garantir des services publics et de prévoir des contrats de service public.
Conscients des enjeux, nous avons apporté une réponse qui nous donne les moyens nécessaires pour construire avec un certain optimisme l'avenir énergétique de l'Union européenne, cette Union dont nous sommes des acteurs passionnés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre participation continue, de votre écoute et de votre vote final.
8
NOMINATION D'un MEMBRE D'UN organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Vial membre du conseil d'administration de l'établissement public de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette en remplacement de M. Philippe Dominati, démissionnaire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt heures cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais vous donner lecture de l'ordre du jour des deux prochaines semaines, modifié à la demande du Gouvernement :
Lundi 30 octobre :
À 15 heures et le soir :
- examen sous forme simplifiée de la convention avec le Conseil fédéral suisse relative au raccordement de l'autoroute A 35 ;
- projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer ;
- projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.
Mardi 31 octobre :
À 10 heures et à 15 heures :
- suite de la discussion des projets de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.
Lundi 6 novembre :
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
- déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les prélèvements obligatoires ;
- projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2006-1048 du 25 août 2006 relative aux sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété.
Mardi 7 novembre :
À 9 heures 30, à 16 heures et le soir :
Ordre du jour réservé
- débat sur les travaux de la mission d'information commune sur les politiques conduites envers les quartiers en difficulté ;
- question orale avec débat de M. Jean-Pierre Bel sur les résultats de la politique de sécurité depuis 2002 ;
- question orale avec débat n° 21 de M. Gérard César sur l'application de la loi d'orientation agricole ;
- débat de contrôle budgétaire sur l'équarrissage ;
- conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi visant à faciliter le transfert des ports maritimes aux groupements de collectivités.
Mercredi 8 novembre :
À 10 heures :
- sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie ;
À quinze heures et le soir :
- projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.
Jeudi 9 novembre :
À 9 heures 30, l'après-midi, après les questions d'actualité au Gouvernement, et le soir :
- suite du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.
Vendredi 10 novembre :
À 9 heures 30, 15 heures et le soir :
- suite du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.
L'ordre du jour des séances du lundi 13 au mercredi 22 novembre 2006 reste inchangé.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
10
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de MM. Jean-Paul Virapoullé, Gérard Bailly, José Balarello, René Beaumont, Daniel Bernardet, Joël Billard, Jean Bizet, Dominique Braye, Louis de Broissia, Christian Cointat, Auguste Cazalet, Jean-Pierre Cantegrit, Serge Dassault, Louis Duvernois, Jean Faure, Alain Fouché, Yann Gaillard, René Garrec, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Charles Ginésy, Mme Adeline Gousseau, MM. Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Michel Guerry, Mme Christiane Hummel, MM. Jacques Legendre, Gérard Longuet, Jean-Louis Masson, Alain Milon, Mme Monique Papon, MM. Philippe Richert, Louis Souvet, Yannick Texier et André Trillard, une proposition de loi visant à créer un observatoire des pratiques du commerce international et de la mondialisation.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 42, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu de M. Jean Louis Masson une proposition de loi tendant à renforcer la parité entre les hommes et les femmes dans la vie politique en reprenant les orientations évoquées par le Président de la République en janvier et septembre 2006.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 44, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
11
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République argentine. Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en oeuvre de l'accord conclu par la CE à l'issue des négociations menées dans le cadre du paragraphe 6 de l'article XXIV du GATT de 1994, et modifiant et complétant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3282 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, par la Commission, de l'accord entre la Communauté européenne de l'énergie atomique et le gouvernement du Japon aux fins de la mise en oeuvre conjointe des activités relevant de l'approche élargie dans le domaine de la recherche sur l'énergie de fusion.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3283 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 577/98 relatif à l'organisation d'une enquête par sondage sur les forces de travail dans la Communauté.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3284 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3285 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil instituant le conseil consultatif européen pour la gouvernance statistique.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3286 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre vert sur le rôle de la société civile dans la politique en matière de drogue dans l'Union européenne.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3287 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'action commune du Conseil modifiant et prorogeant l'action commune 2005/889/PESC établissant une mission de l'Union européenne d'assistance à la frontière au point de passage de Rafah.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3288 et distribué.
12
DÉPÔT DE RAPPORTS
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-François Le Grand un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de MM. Jean-François Le Grand, Jean-Paul Alduy, René Beaumont, Claude Belot, Jacques Blanc, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Christian Cambon, Jean-Claude Carle, Marcel-Pierre Cléach, Christian Cointat, Ambroise Dupont, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Hubert Falco, René Garrec, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Patrice Gélard, Alain Gérard, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Michel Houel, Mmes Christiane Hummel, Christiane Kammermann, MM. Jean-René Lecerf, Philippe Marini, Mme Monique Papon, MM. Charles Pasqua, Rémy Pointereau, Philippe Richert, Yannick Texier et François Trucy, visant à faciliter le transfert des ports maritimes aux groupements de collectivités (n° 482, 2005-2006).
Le rapport sera imprimé sous le n° 39 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Dominique Braye un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2006 1048 du 25 août 2006 relative aux sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété (n° 29, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 40 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de Mme Isabelle Debré un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le développement de la participation et l'actionnariat salarié.
Le rapport sera imprimé sous le n° 46 et distribué.
13
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Marini un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 41 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de MM. Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale par la mission d'information sur les Parlements de pays européens.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 43 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Jean Arthuis un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la réforme de l'État et les audits de modernisation.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 45 et distribué.
14
ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 30 octobre 2006, à quinze heures et le soir :
1. Projet de loi (n° 331, 2005-2006) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif au raccordement de l'autoroute A 35 à la route nationale N2 entre Bâle et Saint-Louis.
Rapport (n° 14, 2006-2007) de M. Bernard Barraux, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Pour ce projet de loi, il a été décidé de recourir à la procédure simplifiée.
2. Discussion :
- du projet de loi organique (n° 359, 2005-2006) portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer ;
- et du projet de loi (n° 360, 2005-2006) portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.
Rapport (n° 25, 2006-2007) de M. Christian Cointat, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune de ces deux textes.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : vendredi 27 octobre 2006 avant dix-sept heures.
Le délai limite pour les dépôts des amendements est expiré.
Il sera procédé à un scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi organique.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD