Article 6
Il est inséré après l'article 132-45 du code pénal, un article 132-45-1 ainsi rédigé :
« Art. 132-45-1. - Sauf décision contraire de la juridiction, la personne condamnée à une peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve pour l'une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru est soumise à une injonction de soins dans les conditions prévues aux articles L. 3711-1 et suivants du code de la santé publique, s'il est établi qu'elle est susceptible de faire l'objet d'un traitement, après une expertise médicale ordonnée conformément aux dispositions du code de procédure pénale.
« En cas d'injonction de soins, le président avertit le condamné qu'aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement, mais que, s'il refuse les soins qui lui seront proposés, l'emprisonnement prononcé pourra être mis à exécution.
« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine privative de liberté qui n'est pas intégralement assortie du sursis avec mise à l'épreuve, le président informe le condamné qu'il aura la possibilité de commencer un traitement pendant l'exécution de cette peine. »
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Dominique Braye. Rendez-nous Badinter !
M. Jacques Mahéas. La droite n'a manifestement pas compris notre philosophie.
M. Dominique Braye. C'est bien vrai !
M. Christian Cointat. Elle est incompréhensible !
M. Jacques Mahéas. Madame Debré, ne nous faites pas l'offense de dire que nous ne pensons pas aux victimes. Ces propos sont fondamentalement injustes ! Au contraire, nous pensons d'abord aux victimes.
M. Dominique Braye. Vous ne parlez jamais des victimes ! Vous ne parlez que des délinquants !
M. Jacques Mahéas. Et le meilleur moyen de les protéger, c'est d'obtenir les moyens de lutter efficacement contre la récidive.
Or ce texte n'est que pur affichage. Robert Badinter eu raison de le dire, avec sa fougue habituelle : nous ne disposons d'aucun chiffrage, d'aucune étude d'impact des lois précédentes.
M. Dominique Braye. Ne répétez pas ce qu'a dit M. Badinter !
M. Jacques Mahéas. Nous sommes, certes, collégialement responsables de ces mauvaises habitudes. Nous devons d'ailleurs nous habituer à prendre nos responsabilités, en fonction de la situation économique de notre pays et de nos différentes convictions. Cela ne devrait pas poser de problème dans un système démocratique.
L'article 6 étend le champ de l'injection de soins au cas de sursis avec mise à l'épreuve.
M. Dominique Braye. L'injonction, pas l'injection ! Cela peut se faire par voie orale ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel humour !
M. le président. Monsieur Braye, vous passez les limites !
M. Dominique Braye. J'essaie de faire profiter M. Mahéas de ma modeste expérience de vétérinaire ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mahéas. Mais, d'une manière générale, monsieur le président, M. Braye ne sait pas ce que sont les limites !
Au passage, il a eu la gentillesse de faire remarquer que je m'étais absenté tout à l'heure : je me suis effectivement rendu à une séance de mon conseil municipal. Mais je vous retourne le compliment, monsieur Braye : vous n'étiez pas présent au début de la séance !
Actuellement, en vertu de l'article 131-6-1 du code pénal, le sursis avec mise à l'épreuve ne peut-être prononcé en même temps qu'un suivi socio-judiciaire. Sursis avec mise à l'épreuve et suivi socio-judiciaire comportent en effet des obligations pour partie identiques et qui, selon qu'elles ont été prononcées dans le cadre de l'un ou l'autre de ces régimes, obéissent à des règles différentes. Rendre ces dispositifs exclusifs l'un de l'autre répond au souci d'éviter toute difficulté d'exécution.
En conséquence, il est interdit de prononcer une injonction de soins dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve puisque cette mesure relève aujourd'hui du seul suivi socio-judiciaire.
Or le projet de loi prévoit non seulement d'étendre l'injonction de soins au sursis avec mise à l'épreuve pour les auteurs d'infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire peut être encouru, mais également de la rendre systématique. Par l'intermédiaire du psychiatre, le juge perdra de son libre arbitre.
Mes arguments sont homothétiques de ceux qu'a avancés précédemment M. Sueur : absence de bilan du fonctionnement actuel de l'injonction de soins, difficultés pour recruter les médecins coordonnateurs, manque de moyens, de médecins et d'experts, confusion entre délinquance et pathologie psychiatrique, dans la lignée de la loi relative à la prévention de la délinquance. Vous aviez d'ailleurs dû reculer sur ce dernier point.
Je souhaite, moi aussi, vous faire part de mon expérience de terrain. La ville dont je suis maire abrite deux grands hôpitaux psychiatriques. Depuis de nombreuses années, je participe à leur conseil d'administration et côtoie les psychiatres qui y exercent. Tous ces médecins disent, unanimement, qu'à partir du moment où il y a injonction de soins, le consentement n'est pas acquis. Or le travail d'un psychiatre est d'amener, dans le cadre d'un long parcours, des personnes à se soigner. Si le malade est opposé au traitement, c'est l'échec assuré !
Cette généralisation de l'injonction de soins n'est donc pas opportune. Essayons plutôt d'établir un bilan et assurons-nous, avant de changer le droit, de l'application effective des textes existants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Je n'ai pas grand-chose à ajouter par rapport à mon intervention sur l'amendement n° 43.
Je me demande, monsieur Mahéas, si vous avez pris la peine de lire le projet de loi !
M. Dominique Braye. Cela ne vaut pas la peine de leur répondre !
M. François Zocchetto, rapporteur. Ce texte dispose que le juge « pourra » prononcer l'injonction de soins. C'est une simple faculté. Comme je l'ai indiqué noir sur blanc dans le rapport, il n'est pas question d'obliger quelqu'un à se soigner contre sa volonté.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. François Zocchetto, rapporteur. Ne suscitez pas la confusion !
M. Jacques Mahéas. Et s'il refuse d'être soigné ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Si la personne concernée refuse de se conformer à l'injonction de soins prononcée par le juge, après avis des médecins, elle devra alors assumer ses responsabilités.
Les conséquences de ce refus sont clairement fixées et encadrées par le projet de loi : soit révocation du sursis, soit annulation des réductions de peines, soit maintien en détention dans les cas de libération conditionnelle.
L'avis de la commission est défavorable à l'amendement.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Le juge reste souverain !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je partage l'avis de M. le rapporteur. L'injonction de soins et l'obligation de soins sont deux régimes différents.
L'obligation de soins est une obligation limitée dans le temps, en l'occurrence limitée à la durée du sursis avec mise à l'épreuve. Le texte ne prévoit pas, dans ce cas, la présence d'un médecin coordonnateur, mais simplement d'un médecin traitant.
Dans le cas de l'injonction de soins, et c'est tout l'intérêt de cette mesure, un médecin coordonnateur, c'est-à-dire un spécialiste, un expert, incite la personne à se soigner et rend compte à l'autorité judiciaire de la réinsertion, de la thérapie et de leurs effets sur la prévention de la récidive.
Vous parliez de « bâton » : je préfère pour ma part qu'il soit pour le délinquant plutôt que pour la victime !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Absolument !
M. Dominique Braye. Ce n'est pas leur avis !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S'agissant des moyens, je rappelle qu'on dénombre actuellement 1 000 mesures de suivi socio-judiciaires et 192 médecins coordonnateurs.
Nous allons en outre lancer un plan de recrutement massif de médecins coordonnateurs, psychologues et psychiatres, d'ici au 1er mars 2008, date d'entrée en vigueur de cette mesure.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
MM. Jacques Mahéas et Jean-Pierre Sueur. Il faut dix ans pour former un psychiatre !
M. Dominique Braye. Vous en avez rêvé, nous le ferons !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je regrette que M. Badinter ait quitté l'hémicycle, car c'est à lui que s'adressent mes premiers mots.
J'étais présent dans cet hémicycle, en 1981, lorsque Robert Badinter, alors garde des sceaux, a défendu l'abolition de la peine de mort et j'avais été fort impressionné par son plaidoyer, même si j'étais déjà convaincu de la nécessité de voter cette loi. C'était un grand moment de l'histoire du Sénat, un grand moment de la vie parlementaire.
J'ai été, je dois le dire, moins impressionné par ses interventions dans ce débat. J'ai entendu un grand avocat, défendant avec talent tantôt les victimes, tantôt les agresseurs, mais je ne retrouve pas la fougue qui l'animait alors.
M. Jacques Mahéas. Ce jugement de valeur n'a rien à voir avec notre débat !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je suis très étonné de la position de nos collègues socialistes, qui connaissent pourtant bien le dossier.
M. Dominique Braye. Sûrement pas !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Trouvez-vous vraiment la situation actuelle satisfaisante ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.). Ce n'est pas mon cas. Il est vrai que je ne suis pas un spécialiste du sujet : je siège à la commission des affaires sociales et non à la commission des lois.
Pour nous, comme pour l'opinion publique, ces dérives - récidive, délinquance sexuelle - sont inadmissibles.
Vous préférez, semble-t-il, en rester à la situation actuelle et arguez d'un manque de moyens financiers.
MM. Jean-Pierre Sueur et Jacques Mahéas. Nous demandons des moyens supplémentaires !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Ce texte va permettre de les accorder !
M. Jacques Mahéas. C'est la septième loi !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Qu'avez-vous fait quand vous étiez au gouvernement ? Le nombre de délinquants a augmenté !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est dans le pathos le plus total !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Pour ma part, je me félicite de ce souffle nouveau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
I. - L'article 723-30 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, les mots : « par les articles 131-36-2 (1°, 2° et 3°) et 131-36-4 » sont remplacés par les mots : « par l'article 131-36-2 (1°, 2° et 3°) » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf décision contraire du juge de l'application des peines, le condamné placé sous surveillance judiciaire est soumis à une injonction de soins, dans les conditions prévues aux articles L. 3711-1 et suivants du code de la santé publique, lorsqu'il est établi, après expertise médicale prévue à l'article 723-31, qu'il est susceptible de faire l'objet d'un traitement. »
II. - À l'article 723-31 du même code, il est ajouté après les mots : « la conclusion fait apparaître la dangerosité du condamné », les mots suivants : « et détermine si le condamné est susceptible de faire l'objet d'un traitement, ».
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article vise à étendre l'obligation de l'injonction de soins à la procédure de surveillance judiciaire instituée par la loi du 12 décembre 2005.
Dès leur libération, les personnes considérées comme dangereuses devront se soumettre à une injonction de soins.
Dans cette distribution généralisée de l'injonction de soins, intervenant autant dans le cadre de la surveillance judiciaire que dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve ou du suivi socio-judiciaire, il est évident que la question des moyens se pose.
Vous justifiez cette généralisation en invoquant la nécessité de lutter efficacement contre la récidive. Avec quels moyens comptez-vous réaliser une telle généralisation ?
Comment convaincrez-vous les médecins coordonnateurs d'oeuvrer pour cette généralisation, alors qu'un suivi complet par individu leur rapporte seulement 426 euros à l'année ?
Vous n'êtes pas sans savoir que les juridictions ont de grandes difficultés à recruter ces médecins chargés de faire l'interface entre le juge d'application des peines et le médecin traitant. Comme l'a dit M. Badinter, il n'existe que 90 médecins coordonnateurs et plus de la moitié des tribunaux de grande instance ne disposent pas d'un tel médecin.
Les effectifs actuels de médecins et de psychiatres ne sont déjà pas suffisants : comment comptez-vous faire face à l'accroissement des injonctions qui vont découler, fatalement, de l'application de cette loi ? Obligerez-vous les médecins à prendre en charge un détenu libéré ?
Si l'objet de ce projet de loi est de permettre un meilleur suivi du délinquant à sa sortie de prison et de lutter contre la récidive, vous devez, madame la ministre, vous donner les moyens de cette politique.
Vous nous dites que vous allez lancer, l'an prochain, un grand plan de recrutement de médecins coordonnateurs, mais vous n'évaluez pas les conséquences pratiques, notamment en termes de coût, des dispositions que vous proposez.
Comment est-il possible d'évaluer toutes les conséquences des dispositions relatives à l'injonction de soins quand celles-ci ont été déposées, à la hâte, le 27 juin au Sénat pour un débat en séance publique le 5 juillet ?
Comment est-il possible d'évaluer la faisabilité d'un tel projet sans avoir, au préalable, rencontré les principaux intervenants - médecins, psychiatres, infirmiers - qui oeuvrent dans ce domaine ?
Comment est-il possible d'élargir à ce point le champ de l'injonction de soins, sans avoir auparavant dressé un bilan pour évaluer l'efficacité et le coût de l'injonction de soins déjà mise en place par la loi du 12 décembre 2005 ?
Comment pouvez-vous valablement étendre l'application d'un système qui fonctionne mal, faute de moyens et de personnel, et vouloir le généraliser ?
Le temps, la concertation, la maturité et des moyens importants auraient pu rendre ce texte applicable et acceptable. Toutefois, en l'état, sa mise en oeuvre est impossible.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à supprimer cet article
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cette discussion se situant dans le prolongement de la précédente, je ne reprendrai pas les différents arguments qui ont été excellemment développés par mes collègues Jean-Pierre Sueur et Robert Badinter.
Je m'en tiendrai à deux remarques.
Premièrement, je comprends la volonté de recruter un certain nombre de médecins psychiatres dans les prochains mois. Mais il est clair qu'il faudra leur offrir plus de 420 euros par an et par patient si on veut inciter des médecins à s'engager dans cette voie. Ce tarif actuellement pratiqué est une des raisons pour lesquelles nombre de psychiatres sont dissuadés de travailler.
Deuxièmement, bien qu'on ait essayé de nous enfermer dans cette case, nous ne sommes évidemment pas opposés aux soins. Des condamnés, voire des libérés de peines longues, doivent bien sûr suivre des soins.
Cela étant dit, il faut envisager que certains de ces condamnés, souvent des pervers, demandent à bénéficier des soins en sachant très bien qu'ils ne pourront pas être pris en charge sur le plan médical. Je vous mets donc en garde contre le risque d'un effet boomerang qui leur permettra de se blanchir eux-mêmes, sans avoir suivi de soins effectifs. Je vous demande de réfléchir à cet aspect de la question.
En tout cas, pour l'ensemble de ces raisons, nous demandons le retrait de l'article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Il me paraît vraiment très difficile de s'opposer à l'article 7, car il traite de la surveillance judiciaire, c'est-à-dire des personnes qui ont été estimées dangereuses et susceptibles de récidiver.
Cette proposition de suppression de l'article me semble pire que les précédentes. Si la problématique est la même, avec le mécanisme de l'expertise médicale et la possibilité pour le juge de prononcer ou non l'injonction de soins, cet article apporte, de surcroît, un complément utile : lorsque le juge de l'application des peines aura décidé de demander une expertise médicale pour évaluer la dangerosité, cette expertise devra en outre déterminer si le condamné est susceptible de faire l'objet d'un traitement.
Il y a donc lieu de se féliciter de l'amélioration apportée par l'article 7. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 45.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 721-1 du code de procédure pénale est remplacée par les dispositions suivantes :
« Aucune réduction supplémentaire de la peine ne peut être accordée à une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru qui refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé. »
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Aux termes de l'article 8, aucune remise de peine ne pourra être accordée à un détenu condamné pour une infraction punie du suivi socio-judiciaire s'il refuse les soins qui lui sont proposés.
Après un chantage aux responsabilités imposé aux juges, c'est littéralement un chantage à la libération que cet article impose aux détenus bénéficiant de réductions de peine.
En dehors de tout avis médical, le juge ne pourra prononcer de remises de peine ou de libération conditionnelle si le détenu refuse les soins proposés. Là encore, le pouvoir du juge d'individualiser l'exécution de la peine est réduit à une coquille vide : sa liberté d'appréciation n'a plus aucune valeur.
Cet article, contraire à l'article 66 de la Constitution, écarte de manière scandaleuse le juge de son rôle de gardien de la liberté individuelle.
Il convient de rétablir la possibilité pour le juge de l'application des peines de disposer, dans tous les cas, d'une marge d'appréciation.
Le juge doit avoir la possibilité d'aménager une peine indépendamment du refus, par le détenu, de se soumettre à un traitement proposé.
Là encore, vous surestimez la valeur des soins sur l'impact de la récidive.
À cet égard, il est évident que n'importe quel détenu acceptera des soins pour se soustraire à l'emprisonnement. Dans tous les cas, le résultat sera le même : des libérations conditionnelles seront prononcées, mais l'effet de ce volet psychiatrique aura pour conséquence de gonfler de manière dramatique la demande de médecins et de personnel psychiatrique.
Ce personnel déserte déjà les prisons et les tribunaux : comment allez-vous le ramener vers une prétendue collaboration constructive dans la lutte contre la récidive ?
Vous misez sur la collaboration d'acteurs dont vous n'avez requis ni les avis ni les doléances : vous leur imposez l'impossible ; vous leur imposez l'inacceptable.
Ne soyez donc pas surpris de les retrouver bientôt dans les rues pour vous réclamer à bon droit les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ce projet !
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de la suppression de cet article.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 61 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour présenter l'amendement 46.
M. Jacques Mahéas. Cet article tend à interdire l'octroi d'une réduction supplémentaire de peine à un condamné qui, ayant commis une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, refuse de suivre le traitement proposé.
Actuellement, les personnes condamnées bénéficient de deux types de réduction de peine. D'abord, un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée, selon une formule mathématique compliquée dont je vous épargne les détails. D'autre part, - et je préfère insister sur ce point - une réduction supplémentaire de peine pour les condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment en suivant une thérapie destinée à limiter les risques de récidive.
Cependant, si une personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru refuse le traitement proposé, elle ne peut être considérée comme manifestant des efforts sérieux de réadaptation sociale, sauf si le juge de l'application des peines en décide autrement après l'avis de la commission de l'application des peines.
Réfléchissons un instant à la réalité de cette thérapie dans nos hôpitaux, nos établissements psychiatriques notamment. Chacun le sait ici, c'est le recours à la camisole chimique. Le détenu l'acceptera si la réduction de sa peine est à ce prix.
Or, la chimie ne règle pas tous les problèmes. Elle peut même exposer à de très grandes surprises sans l'accompagnement d'un travail beaucoup plus approfondi par un psychiatre. Si je ne peux que me féliciter de l'annonce, par Mme le garde des sceaux, de créations de poste, je doute qu'en 2008 on trouve suffisamment de psychiatres. En effet, nos hôpitaux en manquent déjà et il faut une dizaine d'années pour les former. Je crains quelques réveils très brutaux quand les condamnés sous camisole chimique recouvreront la liberté.
Ne disposant pas de statistiques dignes de ce nom, je ne suis pas certain que cette technique nous prémunisse contre la récidive.
De plus, le pouvoir d'appréciation du juge de l'application des peines est restreint et, comme je l'ai démontré, il est difficile de mettre en place l'injonction de soins.
Voilà pourquoi cet article ne nous semble pas opportun.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 61.
Mme Éliane Assassi. Avec l'article 8, le choix qui est fait consiste à réduire un peu plus encore la mise en oeuvre des aménagements de peine.
Pour mémoire, je rappellerai que la loi du 12 décembre 2005 sur la récidive limite déjà les crédits de réductions de peine pour les récidivistes. Aujourd'hui, ce sont les réductions supplémentaires de peine qui sont visées.
Désormais, si la personne, délinquant sexuel récidiviste, refuse le traitement dont elle estime ne pas avoir besoin, il y a peu de chance qu'elle sorte un jour de prison - je vous l'accorde, je force sans doute un peu le trait...
Toujours est-il que les durées des peines d'emprisonnement seront de fait rallongées avec ce texte, ce qui contribuera à détériorer un peu plus les conditions d'incarcération.
Il me semble qu'il faudrait réfléchir en termes d'efficacité. En l'occurrence, le juge de l'application des peines n'aura plus la liberté d'aménager la peine d'un condamné en lui octroyant une réduction de peine supplémentaire. Or, on le sait, cet aménagement, accompagné d'un suivi socio-éducatif, est positif en matière de récidive. On peut donc s'interroger sur la pertinence d'un tel dispositif en matière de lutte contre la récidive.
Par ailleurs, les personnes concernées n'auront pas le choix : si elles veulent bénéficier de réductions de peine, elles seront contraintes d'accepter le traitement, ce qui apparaît en totale contradiction avec les données scientifiques actuelles.
L'injonction de soins est donc présentée comme seul remède à la récidive. Mais alors que le système actuel de l'injonction de soins et du suivi socio-judiciaire souffre d'un manque criant de médecins coordonnateurs, il semble dangereux, voire inefficace, d'instaurer aujourd'hui une injonction de soins obligatoire et, de surcroît, conditionnant un aménagement de peine.
Tel est le sens de notre amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par cet article pour la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 721-1 du code de procédure pénale, ajouter les mots :
Sauf décision contraire du juge de l'application des peines,
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement prévoit que le juge de l'application des peines pourra prendre une décision contraire et décider ainsi de ne pas supprimer le crédit de réduction de peine.
Il semble, en effet, utile de maintenir le pouvoir d'appréciation dont disposent actuellement les juges de l'application des peines. Nous avons une grande confiance en ces magistrats dont les fonctions, relativement nouvelles, se sont révélées au cours des années qui viennent de s'écouler et notamment durant les derniers mois. Les juges de l'application des peines ont un rôle déterminant à jouer dans la lutte contre la récidive. Ils prennent de plus en plus à coeur leurs fonctions. Cet amendement vise à conforter leur rôle.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la fin du texte proposé par cet article pour la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 721-1 du code de procédure pénale par les mots :
par le juge de l'application des peines en application des articles 717-1 et 763-7.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 46 et 61.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 8 est un amendement de précision.
S'agissant des amendements de suppression, je suggère à leurs auteurs de les retirer au profit de l'amendement n° 7, qui, ils en conviendront, modifie sensiblement l'article 8. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Mahéas, l'amendement n° 46 est-il maintenu ?
M. Jacques Mahéas. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Assassi, qu'en est-il de l'amendement n° 61 ?
Mme Éliane Assassi. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression et favorable aux deux amendements de la commission.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 46 et 61.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Hélas ! nos amendements n'ont pas été adoptés...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Grâce aux amendements de la commission, vos arguments tombent !
M. Jacques Mahéas. Non, nos arguments ne sont pas les mêmes, mais je conçois que, en effet, le juge de l'application des peines puisse avoir une opinion différente et « limiter les dégâts ». Il peut tout de même être parfois bon d'encourager un condamné à bien se conduire avec la perspective d'obtenir une réduction de peine.
Nous voterons donc en faveur des amendements présentés par M. Zocchetto.