Sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
2. Candidatures à une commission mixte paritaire
3. Candidature à un organisme extraparlementaire
4. Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. Michel Teston.
Amendements identiques nos 33 de M. Yves Krattinger et 72 de M. Michel Billout ; amendement n° 11 rectifié de la commission et sous-amendements nos 35 de M. Yves Krattinger, 86 de M. Nicolas About et 20 rectifié bis à 23 rectifié bis de M. Hugues Portelli ; amendements nos 34, 36, 37 de M. Yves Krattinger, 21 rectifié bis et 23 rectifié bis de M. Hugues Portelli. - MM. Jean-Pierre Godefroy, Michel Billout, Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale ; MM. Michel Teston, Philippe Nogrix, Mme Gisèle Printz, MM. Laurent Béteille, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. - Retrait des sous-amendements nos 86 et 20 rectifié bis ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 33 et 72 ; rejet du sous-amendement no 35 ; adoption de l'amendement no 11 rectifié rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
MM. Alain Gournac, le président, le ministre, Michel Billout, Mmes Bariza Khiari, Bernadette Dupont, MM. Jean Desessard, Charles Revet, président de la commission spéciale.
Amendement n° 12 de la commission et sous-amendement no 50 rectifié de M. René Beaumont. - Mme le rapporteur, MM. René Beaumont, le ministre, le président de la commission spéciale, Michel Houel. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Articles additionnels avant l'article 8
Amendements nos 47 rectifié quater, 48 rectifié ter et 49 rectifié ter de M. Hubert Haenel. - M. François Gerbaud, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Alain Gournac. - Retrait des amendements nos 48 rectifié ter et 49 rectifié ter ; adoption de l'amendement no 47 rectifié quater insérant un article additionnel.
M. Michel Billout.
Amendements nos 42 de M. Yves Krattinger, 13 de la commission et sous-amendements nos 87 de M. Pierre Hérisson et 54 rectifié de M. Charles Revet ; amendement n° 25 de M. Philippe Nogrix. - M. Michel Teston, Mme le rapporteur, MM. Charles Revet, Philippe Nogrix, le ministre. - Retrait de l'amendement no 25 ; rejet de l'amendement no 42 ; adoption des sous-amendements nos 87, 54 rectifié et de l'amendement no 13 modifié rédigeant l'article.
M. le président de la commission spéciale.
Suspension et reprise de la séance
MM. Jean-Pierre Godefroy, le président de la commission spéciale, Jean Desessard, le président, Michel Teston, Mme Annie David.
MM. Jean-Pierre Godefroy, le président.
Amendements identiques nos 38 de M. Yves Krattinger et 73 de M. Michel Billout ; amendement no 14 rectifié de la commission et sous-amendement no 26 rectifié de M. Philippe Nogrix ; amendement no 57 de M. Jean Desessard. - Mmes Gisèle Printz, Annie David, le rapporteur, MM. Philippe Nogrix, Jean Desessard, le ministre, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cointat, Michel Billout, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet, par scrutin public, des amendements nos 38 et 73 ; rejet du sous-amendement no 26 rectifié ; adoption, par scrutin public, de l'amendement no 14 rectifié rédigeant l'article, l'amendement no 57 devenant sans objet.
Suspension et reprise de la séance
5. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
6. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
7. Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
Articles additionnels après l'article 9
Amendement n° 15 rectifié bis de la commission et sous-amendement no 78 de M. Michel Billout. - Mmes Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale ; Annie David, MM. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ; Charles Revet, président de la commission spéciale ; Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laffitte, Alain Gournac. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 58 de M. Jean Desessard. - M. Jean Desessard. - Retrait.
Amendement n° 59 de M. Jean Desessard. - M. Jean Desessard. - Retrait.
Amendement n° 60 de M. Jean Desessard. - M. Jean Desessard. - Retrait.
Amendement n° 61 de M. Jean Desessard. - M. Jean Desessard. - Retrait.
Division et articles additionnels après l'article 9
Amendements nos 79 à 82 de M. Michel Billout. - M. Michel Billout, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Rejet des amendements nos 80 à 82 ; adoption de l'amendement no 79 insérant un article additionnel.
Amendements nos 67 de M. Michel Billout et 24 de M. Philippe Nogrix. - Mme Annie David, M. Philippe Nogrix, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Rejet des deux amendements.
MM. Alain Gournac, Pierre Laffitte, Michel Billout, Jean-Pierre Godefroy, Jean Desessard, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Nogrix, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président de la commission spéciale.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
M. le ministre.
8. Transmission d'un projet de loi
11. Dépôt de rapports d'information
12. Dépôt d'un avis
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
La commission des lois m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.
La liste de ces candidats a été affichée conformément à l'article 12 du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.
3
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein du Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.
La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Yves Fréville pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
4
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (urgence déclarée) (nos 363, 385).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 6.
Article 6
Au-delà de huit jours de grève, une consultation peut être organisée par l'employeur, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative. Elle est ouverte aux salariés qui sont concernés par les motifs mentionnés dans le préavis et porte sur la poursuite de la grève. Les conditions du vote sont définies, par l'entreprise, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d'organiser la consultation. L'entreprise en informe l'inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 6 permet l'organisation d'une consultation concernant la poursuite, ou non, de la grève quand celle-ci dure depuis déjà huit jours.
Cette disposition suscite de notre part un certain nombre de remarques et d'interrogations.
Tout d'abord, alors que le droit de grève est un droit individuel, son exercice serait en quelque sorte soumis à une décision collective. Certes, il en est déjà ainsi en pratique, et ce n'est pas choquant, surtout si cela permet de sortir d'un conflit. Pour autant, est-ce vraiment à la loi d'officialiser cette pratique ?
Par ailleurs, considérant que, dans les périodes de grève, les consultations se font la plupart du temps à main levée, un certain nombre d'observateurs en tirent la conclusion que la pression exercée sur les salariés ne leur permet pas de se prononcer en toute liberté ; d'où la possibilité offerte par le projet de loi d'une consultation à bulletin secret. Or, j'appelle votre attention sur ce point, mes chers collègues : cette disposition ne garantit pas davantage que tout salarié sera vraiment maître de sa décision, une consultation à bulletin secret n'empêchant pas forcément que des pressions puissent s'exercer ; au contraire, elle peut aussi créer un climat difficile et, en définitive, peu propice au développement du dialogue social dans les entreprises.
Enfin, s'il est précisé que la « consultation peut être organisée par l'employeur, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative », les modalités pratiques de sa mise en oeuvre restent très imprécises puisque chaque entreprise est laissée libre de définir les conditions du vote.
J'en viens brièvement à la proposition de Mme le rapporteur de désigner un médiateur dès le début de la grève.
Cette proposition ne nous paraît pas logique. En effet, si les salariés se sont mis en grève, c'est dans la majorité des cas parce que les négociations n'ont pas abouti ; il est donc très peu probable qu'ils acceptent immédiatement la désignation d'un médiateur ! En revanche, et c'est l'objet de nos propositions d'amendements, la désignation d'un médiateur prend tout son sens si le mouvement dure depuis déjà huit jours.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 33 est présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mmes Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 72 est présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 33.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 6 pose à nouveau l'intéressante question du recours au suffrage universel direct et au référendum dans l'entreprise.
Le recours au suffrage universel est considéré comme indiscutable en matière politique, même si l'histoire nous apprend que l'auteur de la question, la teneur de celle-ci, la manière dont les choses sont présentées à l'opinion, peuvent aboutir à des effets inattendus.
En ce qui concerne la démocratie dans l'entreprise, il faut distinguer deux moments pour le recours au référendum - appelons ainsi, par commodité, la consultation.
S'il s'agit de demander au personnel de se prononcer à froid sur le contenu d'un accord, on peut considérer que les conditions sont réunies pour que la démocratie directe s'exerce dans des conditions sereines. Même en l'absence de consensus des organisations syndicales sur les termes de l'accord, le débat peut avoir lieu et les explications sur les différents points de vue peuvent être discutées. On est, toutes proportions gardées, dans le même cheminement que dans la démocratie politique : chacun fait valoir son opinion et, à l'issue de ces exposés, les citoyens, ici les salariés, se déterminent dans le secret de l'isoloir.
En revanche, si ce que prévoit l'article 6 est apparemment la même chose, c'est en réalité strictement l'inverse. En effet, la consultation sera organisée, dans des conditions sur lesquelles nous aurons à revenir, au plus fort de la crise interne à l'entreprise.
Si, après tous les obstacles que pose le projet de loi à l'exercice du droit de grève, les salariés, ou un nombre non négligeable d'entre eux, décident de se mettre en grève, il leur aura fallu une réelle détermination ! Il aura fallu aussi que l'état des relations sociales dans l'entreprise soit à ce point dégradé que la procédure de négociation préalable ne permette pas d'aboutir à un accord, fût-ce a minima, conduisant à éviter la grève. Et c'est dans ces circonstances difficiles, monsieur le ministre, que vous prétendez qu'une consultation soit organisée !
Bien entendu, il ne s'agit que d'une faculté, d'un pari en quelque sorte. Dans un climat particulièrement lourd, le remède peut s'avérer pire que le mal : le résultat de la consultation pourrait être à ce point négatif pour l'employeur qu'il obérerait toute tentative de dialogue. De votre point de vue, il convient donc de laisser une certaine latitude à l'employeur, qui risque sinon d'être placé dans une situation à peu près intenable.
En revanche, si un accord a été trouvé, et même s'il ne satisfait que partiellement les revendications des salariés, grévistes ou non, une consultation est tout à fait superflue. La grève prend fin parce qu'une majorité se dessine très vite en assemblée générale pour choisir la reprise du travail. De plus, vous le savez, les syndicats ont toute capacité pour expliquer ce qu'ils ont pu obtenir et ne pas conduire les salariés dans des impasses.
Mais là n'est pas l'essentiel. Il est évident que l'article 6 parie sur les difficultés financières qui peuvent apparaître dans certaines familles au bout de huit jours de grève. Il est vrai que le niveau des salaires dans les services de transport publics permet d'espérer cette réaction ! Cet article, dans la plus pure tradition réactionnaire, vise donc à exploiter les difficultés des grévistes pour les conduire à accepter eux-mêmes de reprendre le travail, même s'ils n'ont rien obtenu.
L'objet de la consultation n'est pas seulement de parvenir à un résultat immédiat : il s'agit de diviser durablement les salariés, entre les plus déterminés et ceux qui sont le plus en difficulté. Il s'agit de casser toute dynamique revendicative dans l'entreprise en pariant sur le découragement des uns et la soumission des autres, il s'agit aussi de permettre à l'employeur de tenter de jouer sur d'éventuelles divisions syndicales. Sinon, pourquoi préciser qu'une seule organisation syndicale peut demander l'organisation d'une telle consultation ?
Au demeurant, une question se pose : quelle sera la portée juridique du résultat du vote, quel qu'il soit ?
La grève est un droit individuel. Il ne peut donc être soumis à une décision collective. La rédaction du projet de loi précise, avec prudence, que le résultat de la consultation « n'affecte pas l'exercice du droit de grève ». C'est une évidence !
La Cour de cassation, dans ses deux arrêts de 1985 et 1987, a bien précisé sur ce point que, « malgré un vote en faveur de la reprise du travail, une fraction minoritaire peut poursuivre la grève. Le droit de grève constitue un droit personnel que chacun peut exercer sans être lié par la loi de la majorité. Lorsque les revendications ont été considérées comme satisfaites par la majorité du personnel, la grève ne saurait être poursuivie par une minorité sans revendications nouvelles. » C'est dire que, si une majorité du personnel se prononce pour la reprise du travail, rien n'empêchera une minorité de poursuivre la grève au motif de revendications non satisfaites !
Nous voyons dans cette affaire deux conséquences fâcheuses, monsieur le ministre. D'une part, vous conduisez les entreprises dans une impasse juridique puisque le résultat du vote n'aura pas, et ne peut constitutionnellement pas avoir de portée contraignante. C'est une excellente chose sur le plan des libertés ; sur le plan de la logique de votre texte et de vos objectifs, toutefois, c'est une démonstration flagrante d'inutilité. D'autre part, sur le plan pratique, c'est un piège : des réactions jusqu'au-boutistes, émanant y compris de salariés ou de membres de syndicats représentatifs dans l'entreprise, sont possibles.
Les effets pervers de cette mesure sont donc nombreux, au détriment tant des salariés que de l'employeur, de l'entreprise dans son ensemble et, par conséquent, des usagers.
Ce que votre volonté de réduire le droit de grève met le plus en lumière, c'est que, dans une entreprise gérée de manière responsable, le dialogue social doit être permanent. Le respect et l'écoute des salariés sont un moyen beaucoup plus responsable et efficace de prévenir les conflits que ces mesures de contrainte qui interviennent forcément trop tard, dans un climat social dégradé. Pour les employeurs comme pour les syndicats et les salariés, elles ne feront que rendre les choses plus difficiles dans l'avenir.
L'intitulé du projet de loi apparaît comme une antiphrase : le texte constitue un obstacle au développement du dialogue social et peut donc déboucher sur une sévère interruption du service public.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 6 et demandons un scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 72.
M. Michel Billout. L'article 6 institue donc la possibilité pour la direction de l'entreprise d'organiser une consultation à bulletin secret au bout de huit jours de grève, sur son initiative ou sur celle de toute organisation syndicale représentative. Seuls les salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis sont amenés à y participer.
De l'avis des syndicats, cette nouvelle disposition n'a d'autre objet que de faire pression, d'intimider et de diviser les salariés entre eux, puisque, selon le texte, son résultat ne sera pas contraignant et que son application est facultative. À quoi servira donc une telle mesure si ce n'est à stigmatiser un peu plus les grévistes ?
De plus, s'il appartient à la direction de l'entreprise d'organiser cette consultation et d'en définir les modalités, il y a fort à parier qu'elle mettra l'accent sur l'aspect symbolique du vote des salariés et cherchera à faire pression sur chaque agent au moment du scrutin, et ce malgré son caractère secret ou la désignation d'un médiateur.
Il est également douteux que l'entreprise puisse disposer d'une telle compétence concernant l'exercice du droit de grève. En effet, cet article confère à l'entreprise le soin de définir une modalité du droit de grève tenant aux modalités particulières de sa continuation.
Par ailleurs, l'objet même de cette consultation ne nous paraît pas satisfaisant. En effet, celle-ci se fait sur l'opportunité ou non de continuer le mouvement de grève et non sur les revendications portées par les grévistes et les syndicats. La différence est de taille. Le résultat sera donc tronqué.
De plus, au-delà de son inutilité, cette mesure entraînera une détérioration du climat social dans les entreprises et générera un climat de suspicion généralisée.
Pour finir, je vous rappellerai que les syndicats eux-mêmes organisent régulièrement lors de mouvements de grève, un vote pour sa reconduction ou non ; il s'agit donc d'une mesure relativement redondante.
Pourtant, cette consultation organisée par les syndicats est d'une certaine manière plus légitime, car il appartient aux grévistes et aux organisations syndicales qui soutiennent la grève de décider de sa reconduction.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 6.
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Dès le début de la grève, les parties au conflit peuvent décider de désigner un médiateur, choisi d'un commun accord, aux fins de favoriser le règlement amiable de leurs différends. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l'article L. 524-2 du code du travail. Il veille à la loyauté et à la sincérité de la consultation éventuellement organisée en application du II du présent article.
II. - Au-delà de huit jours de grève, l'employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur éventuellement désigné par les parties peut décider l'organisation par l'entreprise d'une consultation sur la poursuite de la grève, ouverte aux salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis. Les conditions du vote sont définies, par l'entreprise, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d'organiser la consultation. L'entreprise en informe l'inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. L'amendement n° 11 rectifié est, à mon sens, l'un des plus importants de ce projet de loi, puisqu'il vise à favoriser la médiation en cas de conflit. Or ce principe n'existait pas dans le texte initial du Gouvernement.
La médiation en tant que telle, qui est une pratique déjà répandue dans le monde du travail, est introduite dans cet article, mais avec des modalités plus souples que celles qui existent déjà dans le code du travail. Ce sont les parties elles-mêmes qui vont désigner le médiateur. Les syndicats nous avaient demandé éventuellement un garant, mais ils ont trouvé que l'idée du médiateur était plutôt intéressante.
Par ailleurs, cet amendement vise à mettre à égalité les syndicats et les employeurs. C'était bien l'intention du Gouvernement, mais la formulation n'était pas aussi précise. Nous avons donc modifié le dispositif de telle sorte que l'employeur, les syndicats représentatifs ou le médiateur puissent demander cette consultation. Bien entendu, nous ne reviendrons pas sur le vote à bulletin secret.
Si la grève a été décidée, c'est parce que toute la procédure préalable n'a pas abouti. Un médiateur sera là pour apaiser le conflit et trouver très rapidement un terrain d'entente.
M. le président. Le sous-amendement n° 35, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
I. Au début du I de l'amendement n° 11 rectifié, remplacer les mots :
Dès le début de la grève
Par les mots :
Au-delà de huit jours de grève
II. Dans le II du même amendement, remplacer les mots :
une organisation syndicale représentative ou le médiateur
par les mots :
les organisations syndicales représentatives et le médiateur
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Ce sous-amendement vise à reporter au-delà du huitième jour de grève la désignation d'un médiateur. Il n'est pas logique de prévoir que des salariés, qui ont eu la détermination de se mettre en grève malgré le dispositif restrictif auquel ils ont déjà dû faire face, vont accepter de désigner un médiateur, dès le premier jour de grève. En revanche, cette disposition a toute sa place au bout d'une semaine, si la situation est bloquée au point de ne plus permettre un dialogue direct entre l'employeur et les salariés.
Par ailleurs, pour permettre que l'éventuelle consultation directe des salariés se déroule dans la clarté et un climat apaisé, il est souhaitable que l'ensemble des parties au conflit décident, conjointement, de son organisation.
L'employeur, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et non pas une seule et, le cas échéant, le médiateur, seraient donc collectivement organisateurs d'une éventuelle consultation. Cela permettrait d'éviter tout soupçon de la part des salariés quant aux modalités du vote. Quel que soit le résultat de celui-ci, la consultation n'ajouterait pas un sujet de conflit de plus.
Les salariés ne seraient pas seulement consultés sur la reprise du travail ou la poursuite de la grève, ce qui est en soi une formule vide, ils le seraient sur un texte ou un projet d'accord, c'est-à-dire sur un contenu que les parties leur présenteraient.
Ne pas terminer une grève avec un sentiment de défaite, de la rancoeur et de l'amertume, mais au contraire savoir gérer les conflits dans un esprit où chacun obtient quelque chose est fondamental pour les salariés mais aussi pour la vie de l'entreprise. Les auteurs de ce projet de loi ignorent manifestement ou veulent ignorer ces aspects que je considère pourtant comme essentiels.
M. le président. Le sous-amendement n° 86, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste - UDF est ainsi libellé :
Compléter le I de l'amendement n° 11 rectifié par une phrase ainsi rédigée :
Il facilite la mise en oeuvre du plan de transport adapté en incitant les parties à maintenir le plus haut niveau de service compatible avec l'exercice du droit de grève.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Après l'amendement n° 6, l'amendement n° 11 rectifié, comme l'a dit Mme le rapporteur, est un des piliers du texte. Il vise à ajouter une prérogative qui serait donnée au médiateur pour encourager les salariés grévistes à reprendre le travail tout en restant solidaires du mouvement. Dans une entreprise où il y a un conflit, le médiateur peut jouer ce rôle de facilitateur et de pacificateur pour permettre aux parties de retrouver un dialogue de sorte que le conflit cesse le plus rapidement possible.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Au-delà de huit jours de grève, l'inspection du travail peut décider d'enclencher une procédure de médiation aux fins de favoriser le règlement amiable du conflit. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l'article L. 524-2 du code du travail.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Notre amendement vise à revenir aux procédures prévues par le code du travail en matière de règlement des conflits collectifs.
Le code du travail prévoit une procédure de médiation dont on peut se demander pourquoi le projet de loi n'y fait pas référence. En réalité, c'est une question à laquelle nous avons, je crois, clairement répondu. L'objectif de ce texte est non pas de mettre fin dans de bonnes conditions à un conflit et à une grève, mais de contourner les partenaires sociaux, de les diviser et de diviser les salariés. Peu importe qu'un conflit se termine dans des conditions désastreuses, avec des conséquences durablement négatives pour l'entreprise !
Nous proposons au contraire d'utiliser la médiation. En présence d'un conflit qui dure, qui s'enlise, qui peut déraper, l'intervention d'un médiateur permet de revenir aux revendications centrales et de remettre les parties en négociation.
À l'inverse de la consultation, qui ne résout rien et qui comporte de nombreux effets pervers, la médiation ramène de la sérénité, une approche et une écoute nouvelles.
Notre amendement prend en compte, comme d'ailleurs l'amendement de la commission, le fait que la procédure de médiation telle qu'elle est prévue par le code du travail est trop lourde. Elle n'est donc pas assez réactive en présence d'un conflit d'entreprise.
Nous divergeons cependant sur un point : le fait de permettre directement aux parties de désigner un médiateur, peut créer une éventuelle nouvelle difficulté.
C'est d'ailleurs pourquoi, aujourd'hui, le code du travail prévoit une procédure trop lourde et complexe de l'avis général.
Il faut donc trouver une solution efficace. Nous proposons que le médiateur soit désigné par l'inspection du travail. Cela permet de préserver une approche neutre, locale, par quelqu'un connaissant déjà l'entreprise et les protagonistes au conflit. En même temps, la désignation se fait sous la garantie que le médiateur sera choisi sur la liste prévue à cet effet.
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau et Souvet, Mme Sittler, MM. Grillot, Biwer, Huré, Milon, Seillier et Cléach, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont est ainsi libellé :
Dans la première phrase de cet article, remplacer le mot :
peut
par le mot :
doit
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Cette consultation, qui est très utile, permettra aussi bien aux employeurs des services publics de transport qu'aux organisations salariales d'avoir une information capitale pour la poursuite du mouvement. Par conséquent, nous souhaitons la rendre obligatoire et non pas facultative.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :
par l'employeur, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative
par les mots :
conjointement par l'employeur et les organisations syndicales représentatives
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Il est défendu !
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase de cet article, remplacer les mots :
sont concernés par les motifs mentionnés dans le préavis
par les mots :
ont été consultés sur leur intention de participer à la grève
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, cet amendement n° 37 fait suite à une question que je vous avais posée en commission et à laquelle vous n'avez pas répondu. Il s'agit d'un amendement technique qui doit permettre un échange. C'est un amendement d'équilibre et de précision. Il s'agit de faire en sorte que les salariés consultés sur la poursuite de la grève soient ceux à qui l'on aura précédemment demandé s'ils avaient l'intention de participer à la grève.
La rédaction actuelle, qui fait référence aux motifs du préavis, peut permettre une consultation large, bien au-delà des grévistes et des personnels consultés quarante-huit heures à l'avance.
II en résulte que des salariés qui n'auraient pas été concernés directement par le conflit et n'auraient donc pas été consultés au moment de se mettre en grève, pourraient être interrogés sur la reprise du travail des salariés concernés par la grève.
II y a là une imprécision qui pourrait sans doute être corrigée par une légère modification du texte, monsieur le ministre.
Par ailleurs, je souhaiterais revenir sur deux questions qui vous ont été posées, l'une par moi en commission et l'autre par M. Desessard hier soir en séance et qui sont restées sans réponse...
M'écoutez-vous, monsieur le ministre ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Mais oui, je vous écoute, j'essaie de convaincre M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Godefroy. Les salariés doivent se prononcer quarante-huit heures à l'avance. S'agira-t-il d'une déclaration verbale ou d'un document écrit qui sera opposable ?
On risque de mettre l'entreprise dans un processus difficile. Car, s'il y a un document écrit, la responsabilité de la personne sera engagée. Si c'est par oral, on peut toujours dire que l'on s'est mal compris.
M. Philippe Nogrix. On en a déjà parlé hier soir !
M. Jean-Pierre Godefroy. Hier soir, nous n'avons pas eu de réponse, mon cher collègue, et il devrait être possible de passer cinq minutes sur un problème aussi important !
M. Jean-Pierre Godefroy. S'agira-t-il d'une déclaration verbale ou d'un document écrit ? N'oublions pas qu'une sanction disciplinaire peut être encourue.
Pour l'entreprise, le projet de loi précise que l'article 226-13 du code pénal s'applique. C'est donc clair. Mais qu'en est-il des salariés ? Chaque entreprise décidera-t-elle de la sanction disciplinaire. La sanction pourra aller du simple au quintuple. Il me semble que, dans ce cas, la sanction devrait être prévue par la loi.
Tout cela doit être bien précisé dans la mesure où malheureusement votre texte sera adopté.
M. Jean Desessard. Ce n'est pas sûr !
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau et Souvet, Mme Sittler et Papon, MM. Grillot, Biwer, Huré, Milon, Seillier et Cléach, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase de cet article, après le mot :
exercice
insérer le mot :
individuel
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Il s'agit de rappeler que l'exercice du droit de grève est individuel.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau et Souvet, Mme Sittler, MM. Grillot, Biwer, Huré, Milon, Seillier et Cléach, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Si une majorité de travailleurs concernés a voté la reprise du travail, le fait d'empêcher celle-ci tombe sous le coup de l'article 431-1 alinéas 1 et 2 du code pénal.
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Cet amendement vise à rappeler que l'entrave à la reprise du travail tombe sous le coup du code pénal.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. S'agissant des amendements nos 33 et 72, la commission estime que l'article 6 du projet de loi est un engagement fort, approuvé par les Français, par les salariés. Cette consultation a une portée indicative et n'est pas obligatoire. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi elle suscite l'ire de nos collègues. La commission émet donc un avis défavorable sur les deux amendements de suppression de l'article.
Le sous-amendement n° 35 est incompatible avec l'amendement de la commission dans la mesure où il prévoit l'intervention du médiateur au-delà de huit jours de grève. De plus, l'organisation de la consultation sur la poursuite de la grève devrait être décidée conjointement par les organisations syndicales représentatives et le médiateur. Mais, dans une période de conflit entre l'entreprise et les syndicats, pourquoi vouloir ajouter une condition supplémentaire alors que l'accord sera déjà difficile à obtenir ?
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Quant au sous-amendement n° 86, la commission ne l'a pas examiné. Elle s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
S'agissant de l'amendement n° 34, la procédure prévue, qui existe déjà dans le code du travail, est beaucoup plus complexe que celle que nous proposons dans la mesure où elle est laissée à l'appréciation du directeur de l'entreprise ou du ministre. Pourquoi laisser ce conflit s'enliser, alors que l'on pourrait choisir beaucoup plus rapidement un médiateur au niveau local ?
En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 20 rectifié est incompatible avec l'amendement n° 11 rectifié, sauf à le présenter sous la forme d'un sous-amendement, comme je l'avais d'ailleurs indiqué à M. Portelli en commission.
M. Laurent Béteille. C'est encore possible, madame le rapporteur !
M. le président. Monsieur Béteille, accédez-vous au souhait de Mme le rapporteur ?
M. Laurent Béteille. Tout à fait, monsieur le président. Ainsi, je pourrais entendre l'argumentation de la commission !
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 20 rectifié bis.
Veuillez poursuivre, madame le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Monsieur Béteille, ce sous-amendement vise à rendre obligatoire la consultation sur la poursuite de la grève. Or, à nos yeux, il convient d'être souple en la matière et de prévoir qu'une consultation est possible si l'un des intervenants le décide. La rendre obligatoire au-delà de huit jours de grève revient à demander aux intervenants de régler le conflit dans ce laps de temps, alors qu'ils peuvent avoir besoin d'une ou de deux journées supplémentaires pour le faire. Cette disposition me paraît donc dénaturer la souplesse que nous avons introduite.
M. Jean-Pierre Godefroy. Autant la rendre obligatoire dès le premier jour !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. En conséquence, la commission est défavorable à ce sous-amendement.
L'amendement n° 36 prévoit que la consultation peut être organisée conjointement par l'employeur et les organisations syndicales représentatives. Il est également contraire à la logique sous-tendue par l'amendement n° 11 rectifié. La commission y est donc défavorable.
L'amendement n° 37 ne nous semble pas indispensable, d'autant qu'il restreint le champ d'application de l'article. Mais peut-être s'agit-il là d'améliorer le texte proposé ? Aussi demanderai-je l'avis du Gouvernement.
Quant à l'amendement n° 21 rectifié, il est, lui aussi, incompatible avec l'amendement de la commission. La grève est un droit individuel, mais qui est exercé dans un cadre collectif. Cette proposition ne me semble pas indispensable. En conséquence, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Enfin, la rédaction de l'amendement n° 23 rectifié nous paraît dangereuse. Si l'on procède à un raisonnement a contrario, cela signifie que la liberté du travail ne peut être protégée que si une majorité de travailleurs se prononce contre la grève. Dans le cas où la majorité des salariés souhaite faire grève, le droit des salariés minoritaires à la reprise du travail n'est pas garanti.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression nos 33 et 72. Au-delà de huit jours de grève, il importe au Gouvernement de connaître l'état d'esprit des salariés, et ce dans la transparence et, surtout, dans la sérénité. Voilà pourquoi il est prévu d'organiser une consultation dans ces conditions.
S'agissant de l'amendement n° 11 rectifié, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
En effet, la première partie de l'amendement ne pose aucune difficulté, mais la seconde me laisse un sentiment mitigé dans la mesure où elle vise à instaurer une compétence liée sur l'organisation de la consultation. Or, en la matière, la rédaction initiale de l'article 6 me semble préférable. Toutefois, compte tenu de l'intérêt que présente en soi la médiation, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Quant au sous-amendement n° 35, le Gouvernement souscrit totalement à l'argumentation qui a été développée par Mme le rapporteur et émet un avis défavorable.
S'agissant du sous-amendement n° 86, le médiateur a une fonction sociale et non pas organisationnelle, monsieur Nogrix, et telle n'est d'ailleurs pas la répartition des rôles souhaitée par la commission. De plus, il importe de ne pas exonérer l'entreprise de sa responsabilité. Pardonnez-moi l'expression, mais c'est à elle de faire le boulot ! Il lui revient de mettre en oeuvre le plan de transport adapté.
Monsieur Nogrix, vous demandez au médiateur de sortir de sa fonction. Or il ne s'agit pas là d'un partage des rôles, d'un équilibre à trouver entre la direction de l'entreprise et les organisations syndicales. Il y va tout simplement de la responsabilité de l'entreprise elle-même, et je ne veux pas qu'elle puisse s'en exonérer.
Tout en comprenant bien votre objectif, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 20 rectifié bis, ainsi qu'aux amendements nos 34 et 36.
Concernant l'amendement n° 37, sur lequel Mme le rapporteur a demandé l'avis du Gouvernement, il s'agit bien, en l'espèce, de l'ensemble des personnels concernés par le préavis de grève. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur Béteille, s'agissant des amendements nos 21 rectifié et 23 rectifié, le fait de rappeler le caractère individuel de la grève peut entraîner des difficultés juridiques par rapport à l'exercice du droit de grève dans un cadre collectif. D'un point de vue juridique, des interprétations de cette disposition pourraient être gênantes.
Quant à l'amendement n° 23 rectifié, le Gouvernement souscrit totalement aux propos de Mme le rapporteur. L'entrave à la liberté du travail est régulièrement sanctionnée par les tribunaux devant lesquels toute affaire peut être portée. La jurisprudence en la matière est à la fois abondante et claire.
Voilà pourquoi le Gouvernement vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 et 72.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 116 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 123 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 35.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Nogrix, le sous-amendement n° 86 est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 86 est retiré.
Monsieur Béteille, le sous-amendement n° 20 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Laurent Béteille. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 20 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé, et les amendements nos 34, 36, 37, 21 rectifié et 23 rectifié n'ont plus d'objet.
Article 7
Tout usager du service public de transport a le droit de disposer, en cas de perturbation du trafic, d'une information précise et fiable sur le service assuré, dans les conditions prévues par le plan d'information des usagers prévu à l'article 4. Lorsque la perturbation présente un caractère prévisible ou résulte d'une grève, cette information doit être assurée au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation ou de la grève.
Il appartient à l'entreprise de transport de garantir, par tout moyen d'information, l'effectivité de ce droit.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, sur l'article.
M. Alain Gournac. Tout d?abord, monsieur le président, je tiens à dire que le Sénat travaille dans des conditions difficiles.
Alors que, depuis neuf heures trente, la commission des affaires sociales est réunie pour examiner des dossiers très importants, je dois intervenir en séance publique sur l'article 7.
Mes chers collègues, nous devons réfléchir sérieusement sur nos conditions de travail.
En commission, alors qu'Alain Vasselle a réalisé un travail formidable sur le dossier que nous sommes en train d'examiner, que nous avions des discussions fortes, ...
Mme Annie David. Tout à fait !
M. Alain Gournac. ...compte tenu du déroulement de nos travaux en séance, j'ai dû quitter la réunion.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. C'est indispensable et urgent !
M. Alain Gournac. Monsieur le président, je vous demande de relayer cette protestation, qui me semble partagée par plusieurs de mes collègues (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), lors de la réunion de la conférence des présidents : il n'est pas possible d'être en même temps en commission et en séance publique !
M. le président. Mon cher collègue, la conférence des présidents a évoqué cette question hier soir. Ce n'est évidemment pas la première fois que se tiennent concomitamment des réunions en séance publique et en commission.
Toutefois, j'ai bien compris votre souci de voir le Sénat réfléchir à une réforme de son mode de fonctionnement. Et le moment me semble bien choisi pour relayer votre réflexion ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Veuillez poursuivre, monsieur Gournac.
M. Alain Gournac. Je souhaitais m'exprimer sur l'article 7 afin de revenir sur une question que j'ai évoquée à la fin de mon intervention dans la discussion générale, en présence de M. le secrétaire d'État chargé des transports.
J'avais alors protesté contre les incidents survenus dans le trafic ferroviaire. Je n'ai en aucun cas mis la SNCF en cause. Le client paie son voyage et, à ce titre, il doit être respecté, ce qui suppose la mise en oeuvre d'un droit à l'information. Or, à l'heure actuelle, cette information fait défaut. Le chef de gare se cache dans sa gare lorsque le train s'arrête, car il ne sait que dire.
M. Jean Desessard. C'est vrai !
M. Alain Gournac. Comme je l'ai indiqué hier, entre la Bretagne et Paris, la foudre a endommagé des caténaires. Il n'y avait plus d'électricité, donc plus d'éclairage et, reconnaissons-le, les contrôleurs ne pouvaient plus utiliser un micro pour prévenir les voyageurs.
Lorsqu'ils sont confrontés à de telles situations, ils ont la tête basse. Il convient donc de leur offrir une formation. Ils doivent passer de wagon en wagon afin de transmettre les informations dont ils disposent.
Lorsque, en séance publique, un parlementaire fait état d'un incident, il demande très souvent au ministre présent d'intervenir. Dans la mesure où l'on proteste lorsque l'on est mécontent, il faut aussi savoir exprimer sa satisfaction.
Je tiens donc à remercier le Gouvernement qui, en la personne de M. Dominique Bussereau, a pris en compte ma protestation, et celles d'autres intervenants. Dès le lendemain, il a demandé à Mme la présidente de la SNCF de diligenter une enquête sur cet incident.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Gournac, je prends la parole non pour vous faire part de ma satisfaction, bien réelle, après votre intervention, mais pour insister sur un des points que vous avez mis en exergue.
À aucun moment, ni dans les travaux préparatoires ni pendant le début de l'examen du texte par le Sénat, il n'a été question d'opposer les uns aux autres.
S'agissant du service minimum, nous pouvons rassembler les différents acteurs autour de la seule question qui mérite d'être posée : celle du service public dans les transports.
Je me suis déjà exprimé sur ce sujet du haut de la tribune, mais je souhaite aller plus loin.
Le déficit de communication existe, certes, mais à qui la faute ? En fait, je suis persuadé qu'il résulte de notre culture. Pourquoi en vouloir à un contrôleur qui n'a pas été formé à ce mode de communication ?
Il faut apprendre à communiquer différemment. La première réaction d'un client qui est dans un train victime d'un incident peut être d'en vouloir à celui qu'il rencontre, c'est-à-dire au contrôleur. Or, ce dernier n'y peut rien.
Il convient donc d'agir dans deux domaines.
En premier lieu, il faut adresser un message à l'opinion et aux clients afin de montrer que la prise en compte des difficultés liées à la qualité des transports constitue une priorité. De ce point de vue, M. Dominique Bussereau et moi-même ne pouvons que nous réjouir des actions que va engager la SNCF pour la qualité, le confort et la régularité dans les transports publics.
En second lieu, il faut améliorer la formation des agents qui sont en contact avec la clientèle, car, dans ce domaine, les marges de progression sont réelles.
En tout état de cause, il ne s'agit pas de jeter la pierre à qui que ce soit. Si nous rapprochons les différentes parties, nous constaterons que la communication peut fonctionner dans les deux sens. Pour autant, la situation n'est pas simple pour les voyageurs qui, lors d'un incident, ne reçoivent aucune information, ignorent ce qui va se passer alors qu'ils doivent parfois aussi par exemple rassurer des enfants.
Les remèdes que l'on peut apporter à de telles situations ne relèvent pas de l'ordre de l'irréel ou du virtuel. Il faut que les directions des sociétés de transport consentent des efforts plus significatifs, et les agents sont d'ailleurs demandeurs, afin de renforcer l'information des usagers.
Avec ce texte, et certains d'entre vous l'ont souligné en commission, le Gouvernement a voulu faire émerger un véritable droit à l'information des clients. Cette action, engagée dans ce texte, devra se poursuivre.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. L'article 7 fait obligation à l'entreprise de transport de délivrer des informations précises et fiables aux usagers en cas de perturbation prévisible sur le service assuré.
Cependant, pourquoi avoir restreint ce devoir d'information aux seules perturbations présentant un caractère prévisible ou résultant d'une grève...
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Michel Billout. ... alors que bien souvent, en termes de sécurité, c'est l'information sur des événements imprévisibles qu'il est absolument nécessaire de renforcer ? Il s'agit, me semble-t-il, d'une priorité.
Aujourd'hui, les usagers vous diront qu'ils ne sont jamais aussi bien informés qu'en cas de grève.
Comme je l'ai indiqué dans mon intervention sur l'article 4, qui vous a tellement mis en colère, les multiples pannes matérielles ou les suppressions de trains sont monnaie courante sur les lignes autres que le TGV, lequel ne connaît souvent que des incidents plus mineurs. Et la plupart du temps, les usagers n'ont aucune information. Or, je n'ai pas entendu M. Bussereau demander à Mme Idrac des explications sur ces difficultés qui sont pourtant quotidiennes.
M. Jean Desessard. Certes !
M. Michel Billout. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement dans les conditions actuelles du service rendu, avec toujours moins d'agents dans les gares et dans les trains ? Comment, faute d'informations officielles, « les salariés qui se lèvent tôt » peuvent-ils justifier auprès de leur employeur leurs retards répétés sans risquer, au bout du compte, de perdre leur emploi ? Je peux vous fournir la liste d'un certain nombre de salariés de mon secteur qui ont perdu leur travail pour cette seule raison.
Permettez-moi de revenir sur la ligne Paris-Provins, car c'est, en Île-de-France, la ligne qui fonctionne le plus mal, selon les statistiques de la SNCF. Et ce n'est pas le député-maire de Provins qui me contredira. Même lorsqu'il était ministre, il n'a pas vraiment réussi à faire avancer le dossier.
Un usager de cette ligne me faisait observer récemment, et à juste titre, que, du fait des suppressions de trains « imprévisibles » et récurrentes, mais non annoncées à l'avance par la SNCF, il faisait des heures supplémentaires sur le quai de la gare sans pour autant gagner plus.
L'obligation d'information ainsi restreinte a pour seul objet d'obliger les grévistes à se faire connaître à la direction quarante-huit heures avant le début du conflit afin de retirer à un acte revendicatif son caractère spontané. Elle n'est sans aucun doute pas de nature à calmer la colère quotidienne et légitime des usagers.
Il y a donc là une occasion manquée de contraindre les entreprises de transports à apporter une information permanente aux usagers et de permettre les investissements techniques et humains nécessaires à la qualité du service. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, en feignant de laisser la place à la concertation, à la négociation, à la médiation - article 6 -, voire au renforcement de l'information - article 7 -, vous ne changez rien à vos objectifs : en fait, vous voulez aller plus loin que l'équilibre actuel et remettre en cause le droit de grève.
Comme cela a été dit, d'importants progrès ont été accomplis, avec le soutien des organisations syndicales, en termes d'anticipation des conflits, de prévisibilité du trafic et d'information des usagers.
La sagesse aurait dû vous amener à poursuivre dans cette direction. Comme vient de le souligner M. Billout, l'information n'est jamais aussi bien assurée qu'en période de grève. Ce que nous souhaitons, nous, c'est qu'elle le soit toute l'année.
Monsieur le ministre, dans les faits, le nombre de situations conflictuelles diminue considérablement et les grands mouvements de grève ne concernent qu'exceptionnellement des questions internes aux entreprises publiques. Il s'agit généralement de contestation des décisions gouvernementales, d'où la volonté de priver les salariés de leur droit de grève.
En termes de calendrier, la démarche est assez habile : vous assurez un service minimum dans les transports avant de toucher aux droits acquis des salariés, notamment aux systèmes spéciaux de retraite !
Il s'agit, selon nous, d'un mauvais calcul, monsieur le ministre, car, vous le savez, la liberté est toujours plus forte que tous les barrages qui s'y opposent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.
Mme Bernadette Dupont. Monsieur le président, permettez-moi de porter à la connaissance du Sénat une information de dernière minute qui vient à l'appui de l'intervention de M. Alain Gournac : tous les clients du TGV de huit heures à destination de Toulon ont été prévenus, dès le départ, qu'en raison d'incidents sur les voies, ils arriveraient en retard.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Bravo ! C'est grâce au Sénat !
Mme Bernadette Dupont. L'observation a porté : la SNCF a donné ces informations.
M. le président. Il faudrait que les incidents soient annoncés à l'avance !...
La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, vous avez déclaré en substance qu'il était inacceptable que les voyageurs n'aient pas un droit à l'information. Mais pourquoi n'avez-vous pas déposé un projet de loi allant dans ce sens ?
M. Jean Desessard. Les grèves ne représentent que 3 % des dysfonctionnements du trafic voyageurs. J'ajoute que l'on ne pourra guère empêcher les grèves émotionnelles.
Vous en parlez, monsieur le ministre,...
M. Jean Desessard. ... parce que vous êtes intelligent et habile. Mais vous savez qu'il y a des problèmes à la SNCF. Des voyageurs sont restés toute une nuit sur un quai sans recevoir la visite de personnels de la SNCF. Et que change-t-on ? On dit que ce n'est pas normal ! Mais lorsqu'il s'agit de remédier à ces situations, les seules réponses que vous apportez résident non pas dans une amélioration du fonctionnement, mais dans une remise en cause du droit de grève.
Nous aurions pu examiner un texte de portée générale relatif à l'amélioration des services publics, avec un petit paragraphe consacré à la manière d'assurer un meilleur fonctionnement en cas de grève. Les grèves sont responsables de 3 % des dysfonctionnements, elles auraient donc dû représenter 3 % d'un tel projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Monsieur Desessard, j'ai le sentiment que vous n'avez pas bien lu le présent projet de loi bien que vous ayez participé aux travaux de la commission spéciale. Si ce projet de loi est adopté - avec votre soutien, je l'espère - vous aurez entière satisfaction.
M. Jean Desessard. Je vous remercie de vos bonnes intentions.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
En cas de perturbation du trafic, tout usager a le droit de disposer d'une information précise et fiable sur le service assuré. Le plan d'information des usagers visé à l'article 4 doit permettre le plein exercice de ce droit.
En cas de perturbation prévisible, l'information aux usagers doit être délivrée au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation.
L'entreprise informe immédiatement l'autorité organisatrice de toute perturbation ou risque de perturbation.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'article 7 est au coeur du projet de loi. Il vise à améliorer l'information des voyageurs en cas de perturbation du trafic, et pas simplement en cas de grève.
Pendant des années, j'ai été responsable de la communication interne au sein d'une entreprise. Si des systèmes d'informations obligatoires sont mis en place en cas de perturbation, de grève, pourquoi les responsables de l'entreprise et les salariés n'y recourraient-ils pas en cas de perturbation imprévisible ?
Par ailleurs, les autorités organisatrices de transport peuvent toujours, dans le plan d'information, présenter des demandes ou formuler des exigences.
Par ailleurs, comme l'avaient demandé les autorités organisatrices de transport, l'amendement n° 12 vise à prévoir l'information de l'AOT en cas de perturbation, à l'instar de ce qui est prévu pour les usagers, afin qu'elle puisse répercuter ce qui est porté à sa connaissance.
Par conséquent, l'adoption de cet amendement permettra d'améliorer grandement l'information.
M. le président. Le sous-amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Beaumont, Courtois, Houel, Pierre et Portelli et Mme Gousseau est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 12 pour cet article, par une phrase ainsi rédigée :
Au cas des transports scolaires, cette information est délivrée au plus tard une heure avant l'horaire de passage.
La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. Mes chers collègues, nous avons déjà abordé hier soir le problème de l'information des usagers, en amont ou en aval des perturbations.
En adoptant l'excellent sous-amendement déposé par M. Charles Revet, ...
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Merci !
M. René Beaumont. ... nous avons choisi de privilégier l'information des usagers en amont.
J'avais dit que je reviendrais à la charge pour l'information en aval, au moment de l'examen de l'article 7 du projet de loi.
À travers ce texte, M. le ministre revendique un droit à l'information des usagers. Or il existe aussi un droit à l'information des familles sur le fonctionnement ou le non-fonctionnement des transports scolaires. Il concerne beaucoup plus le milieu rural que le milieu urbain et n'est pas lié à l'exercice du droit de grève, puisque peu de grèves affectent le transport scolaire, qui est pris en charge par de petites entreprises locales.
M. Jean Desessard. Ah ! Enfin !
M. René Beaumont. Je suis heureux de vous satisfaire, mon cher collègue !
Ce droit à l'information des familles me semble essentiel, car il est lié à la sécurité des enfants.
En effet, tous mes collègues vivant en milieu rural le savent, lorsque les transports scolaires ne fonctionnent pas, des enfants se retrouvent au bord de la route alors que les parents, qui n'ont pas été prévenus, sont déjà partis au travail. Une telle situation peut se révéler extrêmement dangereuse pour ces enfants.
Cependant, j'en suis conscient, la rédaction du sous-amendement n° 50 rectifié pose de nombreux problèmes, puisque son adoption créerait des charges nouvelles pour les collectivités locales. Il faudrait lui appliquer une sorte d'article 40, afin de protéger les finances de ces dernières ! Mais le Parlement doit-il se désintéresser du sort de ces enfants, qui sont ainsi laissés au bord de la route durant une journée entière ? J'ai en tête quelques exemples, particulièrement dramatiques, des dangers qu'ils courent.
Il s'agit donc là, monsieur le ministre, d'un sous-amendement d'appel, destiné à souligner la nécessité d'agir dans ce domaine.
Par ailleurs, plus du tiers des départements français ont d'ores et déjà mis en place des dispositifs d'alerte, qui permettent, dès six heures du matin, en cas de risque de neige, de verglas, d'inondation ou, le cas échéant, de grève, de prévenir les familles que le car de ramassage scolaire ne passera pas. Ce système d'information, certes, coûte relativement cher, mais il est très performant. Je peux en témoigner, puisque je l'ai expérimenté dans mon département. Je souhaiterais donc qu'un tel dispositif soit rendu obligatoire, ce qui permettrait d'éviter la perte de vies humaines, d'autant qu'il s'agit d'enfants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. M. Beaumont nous a déjà fait part de ses préoccupations, que la commission partage, comme en témoigne sa position concernant le bon fonctionnement des transports scolaires, en particulier les jours d'examens nationaux.
Vous l'avez dit vous-même, monsieur Beaumont, il s'agit d'un sous-amendement d'appel. Pour ma part, le fait de mettre en place un tel système d'information me paraît tout à fait judicieux, mais cette décision relève de la collectivité territoriale et de l'AOT. Je ne pense pas, en effet, qu'une loi puisse imposer à chacune des AOT d'adopter ce système. En revanche, vous le défendez si bien que vous devriez présenter ce dispositif, qui me semble indispensable, devant les conseils généraux et régionaux !
Malgré tout l'intérêt que présente votre proposition, je suis malheureusement contrainte d'émettre un avis défavorable sur votre sous-amendement n° 50 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 12 de la commission spéciale.
S'agissant du sous-amendement n° 50 rectifié, je souhaite revenir sur la discussion que nous avons eue en commission. Je l'ai bien compris, monsieur Beaumont, exerçant une fonction d'élu, vous n'en restez pas moins homme. Car, vous l'avez dit, c'est un événement tragique - je l'ai encore en mémoire - qui vous a inspiré ce texte.
Vous avez parlé d'un « sous-amendement d'appel », mais il s'agit de bien plus à mes yeux, car votre proposition répond à un besoin de sécurisation.
Toutefois, la rédaction proposée aurait pour effet de réduire le délai pendant lequel les parents pourront bénéficier de l'information. En effet, le projet de loi vise à assurer, quel que soit le mode de transport, qu'il s'agisse d'un train de grande ligne, d'un train de banlieue ou d'un car de ramassage scolaire, une information « au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation ». Or le sous-amendement n° 50 rectifié tend à prévoir que « cette information est délivrée au plus tard une heure avant l'horaire de passage ». Dans ces conditions, les parents ne seraient pas avertis la veille que le ramassage scolaire ne sera pas effectué - ma fille aura-t-elle ou non un car pour l'amener au collège et la ramener à son domicile ? -, ce qui me gêne particulièrement.
La discussion au sein de la commission mixte paritaire permettra-t-elle de prendre en compte votre proposition ? Bien sûr, je comprends votre besoin de sécuriser les enfants, mais l'adoption de ce sous-amendement aurait pour effet de réduire les garanties apportées aux usagers concernant l'information.
Je ne vous le cache pas, monsieur le sénateur, je me sens un peu démuni face à ce sous-amendement, qui ferait passer le délai d'information de vingt-quatre heures à une heure. C'est la raison pour laquelle, à mon grand regret, je suis contraint d'émettre un avis défavorable. Mais croyez bien que je vous ai parlé à coeur ouvert !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Notre collègue René Beaumont a posé un vrai problème, nous en sommes tous d'accord.
Lundi, je me suis rendu en TGV dans le sud de la France, avec plusieurs collègues maires de petites communes. Tout était parfait, les horaires étaient respectés. Dans le train, leur téléphone portable a sonné, le préfet les informant qu'une grave perturbation climatique était annoncée. Ils ont ainsi pu prendre certaines dispositions.
Cette anecdote me fournit une piste de réflexion.
L'entreprise de transport doit-elle organiser l'information des maires des communes concernées en mettant en place un dispositif similaire, afin que les enfants ne soient pas livrés à eux-mêmes, alors même que leurs parents, qui sont déjà partis au travail, les croient en sécurité ?
Je propose donc à notre collègue René Beaumont de laisser la commission mixte paritaire réfléchir à une meilleure formulation, qui permette de prendre en compte ses préoccupations.
M. Jean Desessard. Vous voulez dire qu'il faut payer des portables à tous les enfants scolarisés ?
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Presque tous les enfants en ont un !
Mme Gisèle Printz. Pas tous !
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Je ne crois pas qu'il faille aller jusqu'à informer l'enfant, ce qui, au demeurant, ne servirait pas à grand-chose ! Je ne pensais même pas aux parents ; je songeais simplement aux maires des communes concernées.
En effet, les parents, qui sont déjà au travail ne peuvent pas apporter une solution immédiate au problème, alors que le personnel de la mairie, qui se trouve sur place, peut dire aux enfants de rentrer chez eux, afin d'assurer une sécurité minimale.
M. le président. La parole est à M. Michel Houel, pour explication de vote.
M. Michel Houel. Je m'associe pleinement aux propos qui viennent d'être tenus.
À cet égard, je souhaite vous faire partager mon expérience dans le département de la Seine-et-Marne. Auparavant, le préfet envoyait des courriels aux mairies en cas de perturbation, en particulier s'agissant du ramassage scolaire par car. J'ai réussi à le convaincre de joindre les maires sur leur portable. Ce dispositif, qui fonctionne très bien depuis deux ans, a permis d'éviter des accidents. (M. Jean Desessard s'exclame.)
Eh oui, la Seine-et-Marne est à la pointe dans ce domaine !
M. le président. La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. J'ai écouté attentivement les propos de M. le ministre et de M. le président de la commission spéciale. Au demeurant, je savais que ce sous-amendement était difficilement acceptable en l'état. L'injonction adressée aux collectivités territoriales me gênait particulièrement, car je n'ai pas oublié mes anciennes fonctions de président de conseil général, que j'ai exercées durant de longues années.
Cela dit, le problème est entier. Or des solutions existent. Si nous ne pouvons en adopter une d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire, nous devrons cependant agir vite. En effet, nous risquons d'être de nouveau confrontés à de nouveaux incidents graves. Pour les familles vivant en milieu rural, il s'agit, je vous l'assure, d'une sécurité essentielle : ils veulent savoir désormais que leur enfant n'est pas livré à lui-même, et qu'il a bien été pris en charge.
Dans ce contexte, je retire le sous-amendement n° 50 rectifié.
M. le président. Le sous-amendement n° 50 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé.
Articles additionnels avant l'article 8
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Haenel, Beaumont, P. Blanc et Gerbaud, Mme Gousseau, M. Grignon, Mme Henneron et Keller, MM. Lardeux, Portelli et Richert et Mme Sittler et Troendle est ainsi libellé :
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'issue de chaque période de grève ou de perturbation prévisible du trafic, l'entreprise de transport établit et communique à l'autorité organisatrice un bilan détaillé de l'exécution du plan de transport adapté, permettant d'apprécier sa conformité avec les moyens en personnels non grévistes ou disponibles.
L'amendement n° 48 rectifié ter, présenté par MM. Haenel, P. Blanc et Gerbaud, Mme Gousseau, M. Grignon, Mme Henneron et Keller, MM. Lardeux, Portelli et Richert et Mme Sittler et Troendle est ainsi libellé :
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La convention d'exploitation conclue entre l'entreprise de transport et l'autorité organisatrice définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice est indemnisée en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté ou du plan d'information des usagers.
L'amendement n° 49 rectifié ter, présenté par MM. Haenel, P. Blanc et Gerbaud, Mme Gousseau, M. Grignon, Mme Henneron et Keller, MM. Lardeux, Portelli et Richert et Mme Sittler et Troendle est ainsi libellé :
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La convention d'exploitation conclue entre l'entreprise de transport et l'autorité organisatrice définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice est exonérée du paiement du coût du service non effectué.
La parole est à M. François Gerbaud, pour présenter ces trois amendements.
M. François Gerbaud. L'amendement n° 47 rectifié bis tend à responsabiliser l'entreprise de transport, en rendant incontournable un bilan transparent, destiné à l'autorité organisatrice de transport, de l'exécution du plan de transport adapté.
L'amendement n° 48 rectifié ter vise à inciter l'entreprise à respecter les engagements rendus publics.
Quant à l'amendement n° 49 rectifié ter, son objet est très simple. En cas de grève, il paraît légitime que l'autorité organisatrice de transport, qui finance une partie substantielle du coût du transport, ne supporte pas le coût d'un service non rendu. Il s'agit par ailleurs, au travers de ce dispositif, d'inciter l'entreprise à éviter les conflits ou, tout au moins, à en réduire la durée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. S'agissant tout d'abord de l'amendement n° 47 rectifié bis, même si l'on peut imaginer que les AOT exigeront des entreprises un retour sur l'exécution du plan de transport adapté, il nous a paru qu'il était possible de le prévoir de façon explicite.
Je suggère même que l'on aille au-delà de l'idée qui nous est présentée. À cet effet, je souhaite que l'amendement n° 47 rectifié bis soit à nouveau modifié, afin d'ajouter au plan de transport adapté le plan d'information des usagers. Ainsi ce nouvel article serait complet.
M. le président. Monsieur Gerbaud, acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens ?
M. François Gerbaud. Tout à fait.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 47 rectifié ter.
Veuillez poursuivre, madame le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je demande le retrait des amendements nos 48 rectifié ter et 49 rectifié ter.
D'abord, le type de compensation demandé est déjà prévu dans un certain nombre de plans existants. Par exemple, en Ile-de-France, le règlement des pénalités financières est prévu dans le cadre du contrat entre le STIF et la RATP.
De plus, le projet de loi est essentiellement centré sur les usagers. Il nous paraît donc important de donner la priorité à ces derniers et non aux AOT.
C'est pourquoi nous sommes défavorables à l'instauration de mécanisme au bénéfice des AOT, tel celui qui est proposé dans l'amendement n° 49 rectifié ter et qui porte sur l'exonération du paiement du coût du service non effectué.
M. le président. Monsieur Gerbaud, les amendements nos°48 rectifié ter et 49 rectifié ter sont-ils maintenus ?
M. François Gerbaud. Madame le rapporteur, nous acceptons volontiers les arguments que vous avez avancés. Certes, il y a redondance, mais nous avions un souci de précision.
Dans ces conditions, monsieur le président, j'accepte de retirer, au nom de M. Haenel, ces deux amendements.
M. le président. Les amendements nos°48 rectifié ter et 49 rectifié ter sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 47 rectifié ter ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le travail de Mme le rapporteur et de M. Gerbaud me facilite la tâche ! Je n'aurai donc pas à argumenter sur vos deux derniers amendements, monsieur le sénateur. Je prends acte de votre décision, que je salue.
Je rappelle, car c'est important, que le Groupement des autorités responsables de transport, GART, a approuvé le texte.
S'agissant de l'amendement n° 47 rectifié ter, sans vouloir complexifier le débat, permettez-moi de proposer une rectification complémentaire.
Je souhaite que soient supprimés les mots : « À l'issue de chaque période de grève ou de perturbation prévisible du trafic, » et qu'il soit fait mention d'un bilan détaillé « annuel » de l'exécution du plan de transport adapté. Cela permettrait une vraie lisibilité.
M. le président. Monsieur Gerbaud, acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens ?
M. François Gerbaud. Il s'agit d'une très utile précision, à laquelle bien évidemment je souscris.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je tiens à vous remercier, monsieur Gerbaud, et j'émets un avis favorable sur votre amendement ainsi rectifié.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 47 rectifié quater, présenté par MM. Haenel, Beaumont, P. Blanc et Gerbaud, Mme Gousseau, M. Grignon, Mmes Henneron et Keller, MM. Lardeux, Portelli et Richert, Mmes Sittler et Troendle, et ainsi rédigé :
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'entreprise de transport établit et communique à l'autorité organisatrice un bilan détaillé annuel de l'exécution du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers, permettant d'apprécier sa conformité avec les moyens en personnel non grévistes ou disponibles.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Mon collègue ayant accepté de rectifier son amendement, je ne peux qu'émettre un avis favorable. Il me semble toutefois qu'un bilan immédiat permettrait d'intervenir plus rapidement, afin qu'une semblable perturbation ne se reproduise pas dans l'année.
Un bilan sur ce qui a ou non fonctionné ne nécessite pas forcément une intervention lourde. Il peut s'agir d'un simple e-mail, par exemple. Je souhaite que l'on y réfléchisse en commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Je soutiens tout à fait l'argumentation de Mme le rapporteur. Attendre un an permet sans doute de faire le bilan complet des incidents, mais cela n'exclut pas pour autant la nécessité d'une analyse immédiate, afin qu'un même dysfonctionnement ne se reproduise pas dans l'année.
Monsieur le ministre, je soutiens ce projet de loi, vous le savez, mais, sur ce point, j'approuve totalement Mme le rapporteur. Il conviendrait de réfléchir à cette question en commission mixte paritaire. J'insiste beaucoup sur la nécessité d'un bilan immédiat. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille mettre en place un processus lourd, mais cela permettrait d'acter l'incident, de l'analyser et de prendre les mesures appropriées afin qu'il ne se reproduise plus.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président, je souhaite prolonger quelques instant cet échange.
Monsieur Gournac, l'amendement fait état d'un bilan détaillé avec une transmission officielle à l'autorité organisatrice.
Si j'appartenais à une telle autorité, il est évident que, immédiatement après une grève,...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Une perturbation, pas une grève !
M. Xavier Bertrand, ministre. ... je voudrais savoir comment les choses se sont passées. L'évaluation doit être permanente - rien d'ailleurs ne s'y oppose -, et je fais entièrement confiance aux élus locaux sur ce point. Mais il en va différemment pour un bilan détaillé officiel, logique dans laquelle nous nous situons.
Je vous rejoins donc tout à fait, monsieur Gournac.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 8.
Article 8
Un décret en Conseil d'État définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice de transport peut imposer à l'entreprise de transport ou mettre à sa charge un remboursement total ou partiel des titres de transport aux usagers en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers prévus à l'article 4.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 8 prévoit le remboursement du titre de transport en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport appliqué en cas de grève ou d'incidents prévisibles.
Mais, là encore, pourquoi une telle limitation ? Une interruption majeure de service suite à une grève sur une courte période est-elle en effet de nature à causer un préjudice plus important que des dysfonctionnements répétés entraînant des retards extrêmement préjudiciables tout au long de l'année aux salariés comme aux étudiants ?
Dans mon département, sur la ligne Paris-Provins - je précise aimablement à mon collègue René Beaumont qu'il s'agit du secteur rural de la région d'Ile-de-France -, l'analyse que fait la SNCF du trafic montre qu'un tiers des trains - un train sur trois ! - sont arrivés en retard, ou ont été simplement supprimés, en novembre et en décembre dernier.
Pour autant, aucun remboursement, même partiel, réclamé par les usagers à cette époque n'a été accepté par la SNCF. La situation ne s'est pas améliorée depuis. Bien que ces retards soient « prévisibles » du fait de la vétusté du matériel -les motrices ont quarante-cinq ans d'âge et les belles voitures sont en inox ! - ils n'entrent pas dans cette catégorie au titre de ce projet de loi, dont les effets resteront ainsi limités à de l'affichage politique en plus de la véritable remise en cause du droit de grève des salariés de ces entreprises.
Ce texte n'améliorera aucunement les conditions de transports quotidiennes des voyageurs, ce qui n'était pas, je vous le concède, le souci du Gouvernement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 42, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet amendement a pour objet de supprimer cet article, lequel vise à s'immiscer - rien de moins ! - dans la politique commerciale des exploitants.
Est-il normal de réserver au décret le soin de définir les termes de ce qui fait l'objet d'une négociation et d'un accord contractuel ? Non !
II faut restituer leur pleine valeur aux rapports contractuels qui existent entre l'autorité organisatrice des transports et les entreprises. Les modalités d'un éventuel « droit à remboursement » ne peuvent être envisagées que dans le cadre de la convention d'exploitation qui lie l'autorité organisatrice à son exploitant.
En effet, la diversité des contrats et des politiques commerciales ne permet pas de définir de manière uniforme les modalités de remboursement des usagers. N'oublions pas non plus que, dans certains cas, il incombe directement à la collectivité locale de prendre ces sommes en charge ! À y regarder de près, il faut aussi s'interroger sur les critères qui devront présider aux remboursements.
S'il est relativement simple d'évaluer le droit à remboursement d'un abonné qui a subi trois jours d'arrêt de travail, il est beaucoup plus difficile de rembourser le voyageur occasionnel ou celui qui invoque un dommage dû à un retard à un rendez-vous ou à un examen. Qui prendra la responsabilité d'évaluer ce type de préjudice a priori ? Personne !
Est-il normal aussi que soient indemnisés les jours où les perturbations relèvent de cas de force majeure ? Non ! Car cela serait faire peser sur les entreprises, et indirectement sur la collectivité, les conséquences d'aléas sur lesquels elles n'ont aucune prise. À ma connaissance, tant la doctrine que la jurisprudence considèrent que l'aléa exclut la lésion.
L'adoption de cet article nous mettrait sur la voie d'une judiciarisation à l'américaine, c'est-à-dire que tout serait sujet à conflit et presque tout donnerait lieu à dédommagement !
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
En cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté ou du plan d'information des usagers prévus à l'article 4, l'autorité organisatrice de transport impose à l'entreprise de transport, sauf cas de force majeure, un remboursement total des titres de transport aux usagers en fonction de la durée d'inexécution de ces plans.
L'autorité organisatrice de transport détermine, par convention avec l'entreprise de transport, les modalités pratiques de ce remboursement selon les catégories d'usagers.
Lorsque des pénalités pour non-réalisation du plan de transport adapté sont par ailleurs prévues, l'autorité organisatrice de transport peut décider de les affecter au financement du remboursement des usagers.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Dans la rédaction originale, l'indemnisation des usagers était prévue par décret. Or je partage totalement la position du Gouvernement, qui met l'usager au centre de ses préoccupations. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, c'est effectivement ce souci qui, dans ce texte, est à l'origine d'un certain nombre de dispositions et d'organisations.
Réécrivant cette disposition pour supprimer le renvoi à un décret en Conseil d'État, la commission vous propose un amendement comportant plusieurs points.
En premier lieu, il conditionne le remboursement à l'usager de ses titres de transport au défaut d'exécution d'un seul des plans mentionnés à l'article 4 et non pas à l'inexécution des deux cumulativement, comme cela est prévu.
En deuxième lieu, il rend obligatoire, et non pas facultatif, le remboursement des usagers, afin d'éviter les disparités d'une région ou d'un département à l'autre.
En troisième lieu, il donne la possibilité à l'entreprise de s'exonérer du remboursement des usagers en cas de force majeure. Cela faisait partie des préoccupations qui ont été exprimées.
En quatrième lieu, il permet de résoudre les difficultés pratiques touchant aux modalités concrètes du remboursement et à l'identification des usagers éligibles, puisque ces deux éléments seront déterminés contractuellement par l'autorité organisatrice et l'entreprise de transport.
Enfin, en cinquième lieu, il prévoit une participation non obligatoire des autorités organisatrices de transport au financement du remboursement des usagers grâce, effectivement, à l'affectation à cet effet des pénalités éventuellement versées par l'entreprise en cas de non-réalisation du plan de transport adapté. Ces pénalités sont, souvent, déjà prévues dans les conventions ou le seront à l'occasion de la renégociation de ces dernières.
M. le président. Le sous-amendement n° 87, présenté par MM. Hérisson, Gournac et Esneu, Mme Gousseau, MM. Fournier, Duvernois, Cornu, del Picchia et Pierre, Mme Henneron, MM. Trucy, Cambon et Béteille et Mme Debré est ainsi libellé :
Au deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 13 pour cet article, remplacer les mots :
sauf cas de force majeure
par les mots :
quand celle-ci est directement responsable du défaut d'exécution
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 54 rectifié, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa de cet amendement, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
L'usager qui n'a pas pu utiliser le moyen de transport pour lequel il a contracté un abonnement ou acheté un billet a droit à la prolongation de validité de cet abonnement d'une durée équivalente à la période d'utilisation dont il a été privé, ou à l'échange ou au remboursement du billet non utilisé.
Le remboursement est effectué par l'autorité ou l'entreprise qui lui a délivré l'abonnement ou le billet dont il est le possesseur.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Ce sous-amendement précise les modalités de remboursement aux usagers de leurs titres de transport.
Il oblige l'entreprise à la prolongation, à l'échange ou au remboursement du titre de transport non utilisé par l'usager correspondant strictement à la période d'utilisation dont il a été privé.
Je pense, par exemple, à la suppression d'un TGV. Quelle que soit la cause de la suppression, l'usager, qui est au centre de nos préoccupations, s'il a payé un titre de transport qu'il ne peut utiliser, doit être remboursé, mais seulement du montant qu'il aura versé, bien sûr.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Nogrix, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le même décret définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice de transport peut imposer à l'entreprise de transport un dédommagement des prestataires de service ayant subi un préjudice en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers prévus à l'article 4.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Cet amendement vise à faire prendre conscience aux entreprises de transport que, dès lors qu'elles n'ont pas pu empêcher le déclenchement d'une grève en raison d'un manque de négociation ou d'une mésentente, elles pourront être tenues de rembourser les prestataires de services pour le préjudice qu'ils auront subi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'amendement n° 42 touche à la philosophie même du texte. Le principe de l'indemnisation des usagers est au coeur de ce texte, et l'autorité organisatrice de transport sera en droit de l'imposer. C'est, d'ailleurs, ce que j'ai souligné en présentant voilà quelques instants l'amendement n° 13 de la commission.
En outre, un certain nombre d'entreprises de transport n'ont absolument aucun pouvoir en matière tarifaire. En Île-de-France, par exemple, ce n'est pas la RATP qui fixe les tarifs. Cette situation se retrouve dans bien des départements, qui passent des conventions. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
En revanche, à titre personnel puisque la commission ne l'a pas examiné, j'émets un avis favorable sur le sous-amendement n° 87.
Le sous-amendement n° 54 rectifié apporte quant à lui des précisions importantes et intéressantes à la fois pour l'autorité organisatrice de transport et pour l'entreprise de transport. L'avis de la commission est donc favorable.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 25 de M. Nogrix, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement. En commission a été évoqué le cas des transports scolaires. Pour ma part, j'ai été durant dix ans adjointe au maire chargée de l'enseignement scolaire. Je puis témoigner que les jours de grève ou de perturbation dans les transports, il était commandé moins de repas. Quant aux surveillants des cantines, ils sont maintenant presque tous mensualisés. Outre que je ne vois pas bien comment il pourrait être rendu opérationnel, le dispositif que votre amendement vise à mettre en place, mon cher collègue, serait très lourd. Cela dit, j'ai conscience que la pratique qui était la mienne dans le cadre de mes responsabilités n'a pas nécessairement cours dans l'ensemble de la France.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 38, présenté par le groupe socialiste.
Lors de l'examen du projet de loi en commission, j'avais cru comprendre que nous étions d'accord les uns et les autres pour consacrer l'émergence du droit à l'information de l'usager et ce qui en est la conséquence, à savoir le droit à son indemnisation. Or la suppression de l'article 8 irait à l'encontre de ce principe.
En revanche, le Gouvernement émet un avis très favorable sur l'amendement n° 13 de la commission et sur les deux sous-amendements n°s 87 et 54 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 25 de M. Nogrix, la version proposée par le Gouvernement, qui a d'ailleurs été examinée en commission, va plus loin et est plus favorable à l'usager. D'une part, l'article 8 fait mention d'un remboursement et non d'un dédommagement ; d'autre part, c'est le client plutôt que le prestataire de services qui est concerné.
Aussi, monsieur Nogrix, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable, bien que votre objectif soit identique à celui du Gouvernement, ainsi que je crois le comprendre.
M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Non, je le retire, monsieur le président. J'aurais d'ailleurs fait de même en l'absence d'explications de la part du ministre. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 25 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 42.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 54 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance afin de permettre à la commission spéciale d'examiner un nouvel amendement, présenté par Mme le rapporteur.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le président de la commission spéciale.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures vingt.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je souhaite intervenir pour un rappel au règlement, car nous venons de vivre un épisode tout à fait inacceptable.
Mme le rapporteur vient de proposer en commission un amendement rectifié, qui se substitue à un autre. Nous vous dirons tout à l'heure ce que nous en pensons sur le fond. Mais les conditions dans lesquelles la commission a été amenée à se prononcer nous semblent...
M. Jean Desessard. Spéciales ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est le terme qui convient !
En effet, nous avons constaté que cet amendement n'aurait pas eu l'agrément de la commission si l'on avait pris en compte uniquement le vote des présents. Or nous avons découvert que certains de nos collègues, ignorant cette suspension de séance et cette réunion, avaient pourtant, par anticipation, donné leur pouvoir nominativement à des membres présents. Cette procédure est entachée, nous semble-t-il, d'un vice de forme : comment des personnes, dont on nous a dit qu'elles s'étaient rendues à un mariage, pouvaient-elles être au courant de la suspension de ce matin et avoir donné leur pouvoir à des membres de la commission alors qu'elles ignoraient s'ils seraient ou non présents ?
Mme Gisèle Printz. Elles avaient un préavis !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les membres de la commission ont donc été réunis pour aggraver un texte. L'amendement qu'a présenté Mme le rapporteur n'aurait pas été adopté, je le répète, si seuls les présents avaient voté.
Monsieur le président, je souhaiterais que le bureau du Sénat examine la légalité de cette procédure. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Je comprends que M. Godefroy puisse réagir de cette façon, mais la commission spéciale s'est réunie tout à fait normalement. Certains de nos collègues, qui ne pouvaient être présents ce matin, s'étaient enquis de savoir qui le serait, et avaient donné pouvoir. C'est là une pratique courante. (M. Jean-Pierre Godefroy s'exclame.)
En réalité, monsieur Godefroy, vous me reprochez juste de ne pas avoir demandé qui était contre l'amendement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Eh oui !
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Mais il a bien été enregistré - Mme le rapporteur le dira tout à l'heure - que le groupe socialiste et le groupe CRC ont voté contre et que les membres de la majorité sénatoriale ont voté pour, à l'exception de M. Nogrix, qui s'est abstenu. Seules quatre personnes ont donné pouvoir à ceux de leurs collègues qui leur avaient dit qu'ils seraient présents toute la matinée. À partir du moment où ils sont dans l'hémicycle, il est normal qu'ils soient présents à la commission spéciale si on les y invite.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ces quatre collègues étaient informés qu'il y aurait une suspension de séance alors que nous ne l'étions pas !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Visiblement, certains ont bénéficié d'un préavis et ont été informés avant les autres ! On peut parler d'une sorte de délit d'initié. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le président, pouvez-vous nous rappeler les règles qui président aux délégations de pouvoir au sein de la commission ? Les mandats doivent-ils être donnés le jour même ? La procédure n'exige-t-elle pas un passage devant le bureau ? Devons-nous être prévenus seulement cinq minutes avant la réunion que nous avons la possibilité de recevoir des pouvoirs ?
M. le président. En premier lieu, j'ai été saisi à midi d'une demande de réunion de la commission. Il n'y a pas lieu de s'en émouvoir ; il arrive assez régulièrement, reconnaissons-le, qu'une commission se réunisse pour examiner un amendement, qu'il soit issu de ses rangs, du Gouvernement ou des groupes composant le Sénat. La commission s'est donc réunie de façon tout à fait régulière, comme cela se produit fréquemment.
Je répondrai, en second lieu, à la question ayant trait aux pouvoirs. Le président de séance n'a pas à vérifier, vous le comprenez bien, la façon dont sont déposés, enregistrés et vérifiés les pouvoirs, et notamment leur validité.
Cependant, il me semble, selon les informations dont je dispose, que ces pouvoirs ont été déposés de façon régulière. Ils sont donc valables dans la forme qui a été retenue par la commission. Je ne peux, en cet instant, vous dire sous quelle forme précise ils ont été déposés ; je peux simplement vous indiquer que c'est une forme habituelle. Il n'y a là rien d'exceptionnel.
M. Jean Desessard. C'est la première fois que cela arrive en trois ans !
M. le président. Le fait, mes chers collègues, que certains sénateurs aient donné des pouvoirs à des membres de la commission présents ce matin est également habituel. Nous ne pouvons évidemment pas savoir à l'avance quels seront les membres de la commission qui seront présents en séance et ceux qui seront absents, sauf à considérer ceux qui ont donné des pouvoirs et dont, a priori, on peut supposer qu'ils ne seront pas présents. À partir du moment où ils ont donné un mandat,...
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Ils se sont assurés que leurs collègues seraient présents.
M. le président. ...la régularité de ces pouvoirs ne me semble pas pouvoir être remise en cause.
Tels sont les éléments d'information que je peux aujourd'hui vous apporter. Le reste relève du fonctionnement de la commission, s'agissant notamment de la façon dont celle-ci avertit au préalable ses membres des réunions qu'elle peut tenir. Mais il est vrai aussi que, en la matière - et vous en êtes autant juge que moi-même -, il n'y a rien d'exceptionnel, puisqu'il arrive très fréquemment qu'une commission réunisse ses membres pour examiner un amendement.
La parole est à M. Michel Teston, pour un rappel au règlement.
M. Michel Teston. Monsieur le président, ce que nous contestons, c'est la manière qu'a retenue la commission spéciale pour informer ses membres. L'égalité de traitement entre les sénateurs n'a pas été respectée. Ceux qui savaient qu'ils ne pourraient pas être présents en fin de matinée ont été avertis qu'ils pouvaient donner un pouvoir à d'autres membres.
Nous constatons simplement que cette possibilité - je ne la qualifierai pas autrement - a été offerte seulement aux membres de la commission spéciale qui appartiennent à la majorité sénatoriale ; en aucun cas, les sénateurs de l'opposition n'ont pu en profiter. Nous avons découvert, en arrivant en commission, que nous pouvions donner des pouvoirs à celles et ceux qui seraient présents.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Cette possibilité a toujours existé !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.
Mme Annie David. Monsieur le président, à notre tour, nous contestons la méthode employée. En effet, vous l'avez dit, s'il n'y a pas lieu de s'émouvoir de la tenue d'une réunion de la commission spéciale durant les travaux de la Haute Assemblée, elle témoigne tout de même, me semble-t-il, d'une certaine fébrilité, due sans aucun doute à la précipitation dans laquelle nous sommes obligés de travailler.
Alors que la commission spéciale s'était réunie voilà quelques jours pour valider ses amendements, puis qu'elle avait tenu une nouvelle réunion pour examiner les amendements déposés par l'ensemble des groupes, le fait de la réunir à nouveau aujourd'hui pour lui soumettre la rectification d'un amendement contribue à intensifier ce sentiment de fébrilité et de précipitation.
Partageant l'avis de mes collègues, je conteste également le caractère partiel et partial de la communication au sein de la Haute Assemblée. En effet, si nous n'avons pas été informés du dépôt de ce nouvel amendement de la commission, cela n'a pas été apparemment le cas de tous les groupes. Cela nous paraît fortement regrettable quant à l'évolution des travaux du Parlement.
Par ailleurs, nous avons appris par la presse qu'une surprise nous serait éventuellement réservée sur l'article 9, sans plus de détail. Il s'agit apparemment de cet amendement de la commission spéciale.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Il n'y a pas de surprise !
Mme Annie David. Il est tout de même dommage que les médias soient informés avant les parlementaires ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Madame David, je vous donne acte de votre déclaration.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je suis vraiment étonné du débat que nous avons en cet instant ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Comme vous l'avez rappelé, il est d'usage de demander une réunion de la commission pour examiner un amendement modifié par le rapporteur, et c'est tout à l'honneur de Mme le rapporteur d'avoir souhaité soumettre son amendement rectifié à la commission spéciale.
En outre, n'importe quel membre d'une commission, a fortiori d'une commission spéciale, sachant qu'il ne pourra être présent, donne délégation à un collègue, après s'être assuré de la présence de ce dernier.
Les choses se sont donc passées de cette façon, tout à fait normalement.
Je le répète, c'est tout à l'honneur de Mme le rapporteur d'avoir souhaité réunir la commission spéciale quelques instants pour examiner cet amendement, avant que le Sénat en délibère en séance publique.
Monsieur le président, ne voulant pas prolonger ce débat, je propose que nous poursuivions nos travaux.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mme le rapporteur savait qu'elle allait déposer l'amendement rectifié ce matin et qu'elle demanderait une réunion de la commission ! La majorité en a été informée, par nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Article 9
La rémunération d'un salarié participant à une grève est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, je commencerai par dire que nous sommes un certain nombre de parlementaires à respecter scrupuleusement les règles du Parlement et que nous aimerions bien être traités de la même façon ! (Voilà ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Ce n'est pas acceptable, monsieur Godefroy !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n'est peut-être pas acceptable, mais je le dis tout de même ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous reviendrons d'ailleurs, au cours de la discussion des amendements déposés à l'article 9, à celui de Mme le rapporteur et vous constaterez combien le débat qu'il a suscité était nécessaire.
Pourtant relégué en fin de texte, cet article 9 ne peut passer inaperçu, tant il est inutile et provocateur.
En effet, sur le plan juridique, il est totalement superfétatoire, puisque le non-paiement des jours de grève est un principe déjà fixé par l'article 3 de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982 et par l'article L. 521-6 du code du travail.
Sur le plan de la morale, cet article est scandaleux, dans la mesure où il tend à faire croire aux usagers que les salariés qui font grève sont payés normalement. D'ailleurs, l'amendement de Mme le rapporteur va dans ce sens.
Les directions de la RATP et de la SNCF ont bien été obligées de le démentir, rappelant que le contrat de travail est suspendu pendant la grève et que, par conséquent, les salariés grévistes ne peuvent prétendre au paiement de leur salaire pour les périodes de grève. Il en a, d'ailleurs, été ainsi lors des grands mouvements sociaux de 1995 et de 2003.
Je ne nie pas que, dans le cadre de certains accords de fin de conflit, il peut arriver que les jours de grève soient partiellement pris en charge par l'entreprise : par exemple, en décembre 1995, à la SNCF, un certain nombre de jours de grève furent convertis en jours de congé, le reste faisant l'objet de retenues sur salaire étalées dans le temps. Le cas échéant, ce point relève de la négociation entre les partenaires sociaux.
À cet égard, il paraît bien étonnant qu'un projet de loi destiné à encourager la négociation au sein des entreprises de transport veuille l'empêcher, au même titre que l'amendement de Mme le rapporteur, qui va beaucoup plus loin dans ce sens.
Comme je ne crois pas que le Président de la République et le ministre du travail méconnaissent les règles en vigueur, j'en déduis qu'il s'agit là d'une posture provocatrice, visant à dresser les usagers contre les salariés, et que je qualifierai, de ce fait, de démagogique.
En réalité, le seul objectif visé par cet article consiste à stigmatiser et à jeter le discrédit sur les personnels des entreprises de transport. C'est pourquoi cette provocation est perçue comme une insulte et un mépris du droit de grève de tous les salariés qui se voient prélever des retenues sur leur salaire pour fait de grève, alors qu'ils se pénalisent parfois lourdement eux-mêmes pour faire valoir leurs revendications légitimes.
Une fois de plus, on voit bien derrière cette disposition l'état d'esprit qui a inspiré sa rédaction. Finalement, la recette est simple, toujours la même : on focalise sur les rancoeurs de l'opinion publique « prise en otage » dans les transports ; on laisse sous-entendre très ouvertement que la grève ne coûte rien aux grévistes, puisqu'ils sont payés ; on dresse les uns - les usagers - contre les autres - les salariés -, alors que, bien souvent, ils se confondent et appartiennent à une même famille.
Où est la modernisation du dialogue social, monsieur le ministre ? Nous avons plutôt le sentiment d'en revenir à des temps que l'on croyait révolus grâce au combat mené par les organisations syndicales.
Ne pouvant cautionner une telle provocation, l'ensemble des organisations syndicales de salariés, tout comme le MEDEF d'ailleurs, demandent le retrait de l'article 9.
Monsieur le ministre, c'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Godefroy, pour clore le chapitre concernant la réunion de la commission spéciale, permettez-moi de vous redire que la procédure qui a été suivie est strictement identique à celle qui a cours habituellement dans ce cas et qu'il n'y a donc pas lieu de s'en émouvoir davantage.
En outre, comme l'a rappelé M. le président de la commission spéciale, les membres prévoyant d'être absents avaient la possibilité de déléguer leur pouvoir à des collègues, comme pour toute réunion de commission convoquée pendant nos travaux.
Je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir en prendre acte.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 38 est présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 73 est présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour défendre l'amendement n° 38.
Mme Gisèle Printz. J'interviens à la fois contre l'article 9 et contre l'amendement n° 14 rectifié, ce dernier présentant l'intérêt de dire clairement les intentions cachées du texte initial.
L'article 9 ne fait que rappeler une évidence juridique et pratique : le droit fixant des obligations réciproques, l'employeur est dispensé de payer le salaire, ainsi que ses compléments et accessoires, aux salariés ayant cessé le travail. L'employeur ne peut toutefois réduire ou supprimer les primes. L'intéressement et la participation, selon un arrêt du 5 février 2003 de la Cour de cassation, restent dus sans abattement.
Cet article n'avait donc jusqu'à présent qu'une fonction perverse et démagogique, qui visait à faire croire à nos concitoyens que le Gouvernement allait mettre fin à une pratique scandaleuse : les salariés des entreprises de transports publics, notamment sans doute ceux de la SNCF et de la RATP, auraient été payés les jours de grève ! À cela près que cette allégation est totalement fausse et mensongère. L'exploitation qui en est faite lui confère même un aspect diffamatoire.
Sur le plan juridique, l'article 9 était donc sans aucun intérêt et pouvait être retiré d'un commun accord. Mais il ne s'agissait, en réalité, que d'une accroche pour permettre à notre rapporteur de parvenir à l'objectif réellement visé.
En effet, la récupération des heures de travail perdues, l'échelonnement des retenues sur salaire et le paiement partiel des jours de grève peuvent être mentionnés dans un accord de fin de grève. C'est souvent le cas dans les grandes entreprises, et ces éléments figurent en annexe de la négociation. Ainsi après la grève de 1995 à la SNCF, au sujet des retraites, les retenues sur salaires ont été échelonnées sur plusieurs mois.
L'amendement n° 14 rectifié de notre rapporteur a pour objet de limiter les termes de la négociation en interdisant dorénavant le paiement total ou partiel des jours non travaillés.
C'est une ingérence manifeste dans l'autonomie des partenaires sociaux, qui décident eux-mêmes de l'objet de la négociation, tant qu'il n'est pas contraire à l'ordre public.
Encore une fois, il s'agit d'un retour sur la jurisprudence de la Cour de cassation, qui autorise la négociation sur ce point.
C'est aussi, en fin de texte, la cerise sur le gâteau. Après les pressions, les chantages, la division entre grévistes et non-grévistes, ceux qui auront fait preuve de suffisamment de courage, de persévérance et de détermination seront assurés de la sanction financière pleine et entière.
L'amendement n° 14 rectifié démontre une nouvelle fois que ce texte mérite décidemment fort mal son nom, puisque, à de nombreuses reprises, il obère le dialogue social et entrave l'autonomie des partenaires sociaux.
Il s'agit, en fait, d'un texte de contrainte, visant par toutes les manipulations possibles à empêcher l'exercice du droit de grève, sans jamais prononcer les mots d'interdiction ou de réquisition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 73.
Mme Annie David. L'article 9, qui sera aggravé dans un instant par l'amendement de la commission, est en lui-même particulièrement pernicieux et démagogique en posant le principe du non-paiement des jours de grève. J'ajouterai même qu'il est particulièrement provocateur à l'égard des salariés.
Il se nourrit de l'idée, malheureusement largement répandue et sciemment entretenue, selon laquelle les fonctionnaires et agents des services publics ne perdent pas un centime quand ils font grève.
À cet égard, je rappellerai les propos du Président de la République, cités par le journal Les Échos les 22 et 23 juin dernier, selon lesquels il reconnaissait respecter le droit de grève, mais précisait que si les jours de grève étaient payés, cela signifiait que l'on ne respectait pas celui qui travaille.
Si l'on peut excuser cette méconnaissance du plus grand nombre, elle reste difficilement compréhensible et acceptable de la part du Président de la République et de son gouvernement !
En effet, le principe de non-paiement des jours de grève existe, et vous le savez très bien. Il est même codifié au sein du code du travail, à l'article L. 521-6., qui, je vous le rappelle, est issu de la loi du 19 octobre 1982, présentée alors par M. Anicet Le Pors, ministre communiste de la fonction publique, et qui avait permis de codifier l'exercice du droit de grève pour les agents du service public. Comme quoi, monsieur le ministre, les communistes ne sont pas opposés par principe à un encadrement du droit de grève pour permettre la continuité du service public !
De plus, cet article est appliqué systématiquement, et les agents grévistes des transports en ont témoigné, tant auprès de vous que de nous-mêmes.
Cet article procède donc d'une mauvaise foi évidente. Laisser sous-entendre que les agents grévistes n'ont rien à perdre lorsqu'ils décident d'user de leur droit constitutionnel est une atteinte à leur honneur et à leur probité.
Ainsi, les pertes financières sont souvent lourdes et ont des conséquences importantes, surtout lorsque les salaires sont peu élevés.
Pourtant, si les agents décident d'exercer ce droit constitutionnel, c'est souvent non pas pour sauvegarder leur intérêt personnel, mais pour défendre le service public - que vous prétendez également soutenir par ce texte -, qui ne peut être mis en oeuvre de manière satisfaisante si de bonnes conditions de travail des personnels ne sont pas garanties.
J'ajoute que les revendications satisfaites lors de mouvements sociaux ne profitent pas aux seuls grévistes, car elles entraînent des progrès de société pour tous.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article, qui nous paraît redondant avec la législation actuelle et dont les relents populistes nous sont particulièrement désagréables. Bien évidemment, nous ne voterons pas l'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 521-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
"Les versements effectués par les entreprises aux salariés, visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement ou du salaire prévue au premier alinéa, sont réputés sans cause."
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je ne m'étendrai pas longuement sur cet amendement, puisque la commission vient d'en discuter. J'aurais pu le rectifier en séance, comme je l'ai fait pour un amendement précédent, mais j'ai pris soin de dire que je souhaitais réunir la commission pour le lui communiquer et lui expliquer les raisons pour lesquelles je le modifiais, dans la forme uniquement, puisqu'il demeure identique quant au fond.
Je continue à estimer qu'il s'agit d'un amendement de communication.
Vous criez partout haut et fort que les jours de grève ne sont jamais payés. Nous, nous le précisons clairement.
En outre, si je vous comprends bien, il faudrait forcément un accord financier pour sortir d'une grève.
Mme Annie David et M. Jean-Pierre Godefroy. Personne n'a dit ça !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je suis désolée, mais il y a aussi des grèves qui portent sur les conditions de travail ou sur bien d'autres revendications ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Nogrix, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cependant, la retenue appliquée à la rémunération en question doit être étalée dans le temps selon des modalités déterminées par accord ou convention collective.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Il serait vraiment dommage que notre débat finisse ainsi.
Mme Gisèle Printz. À qui la faute !
M. Philippe Nogrix. En fait, les gens ne comprennent pas que des conflits qui ont entraîné des perturbations se terminent par le paiement des jours de grève.
Mme Annie David. Ce n'est pas ce que nous avons demandé !
M. Philippe Nogrix. Il suffit de s'adresser aux usagers, aux clients, aux salariés. Tous seront d'accord pour estimer qu'il ne faut pas le faire ; au reste, le code du travail est très clair sur ce point.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous voyez bien !
M. Philippe Nogrix. Pourtant, il faut bien constater que, dans une majorité de cas, le paiement des jours de grève fait partie de la sortie du conflit. Ce n'est pas acceptable, car ce n'est pas correct. Mme le rapporteur a donc souhaité que l'esprit de l'article L. 521-6 ne soit pas détourné.
Mon amendement vise simplement à ce que la retenue ne soit pas brutale et qu'elle soit étalée dans le temps. Peut-être n'ai-je pas assez poussé mes recherches, mais je n'ai pas trouvé de règle imposant cet étalement. C'est pourquoi cette mesure me paraît nécessaire.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous dire qu'il n'est pas possible, sur une simple question de forme, sur une nouvelle rédaction d'un amendement de la commission, qui, paraît-il, est mieux adaptée à ce qui peut être appliqué, s'enflammer tout à coup et déclarer que la loi est mauvaise.
Cela dit, je regrette que la commission des lois n'ait pas été saisie. Nous aurions dû prendre le temps de la consulter, car son avis aurait pu nous éclairer. Néanmoins, ayant annoncé au cours de mon intervention dans la discussion générale que mon groupe était satisfait de l'urgence, je ne vais pas maintenant retarder l'application du texte.
Monsieur le ministre, j'aimerais simplement que, dans votre action de communication, vous précisiez les raisons pour lesquelles l'article 9 a été modifié. Après les discussions passionnées et bien légitimes que nous avons eues, il serait dommage que l'opposition se serve de la nouvelle rédaction de l'article 9, qui n'est pas l'article le plus important du projet de loi (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) - l'article 6, assorti des amendements déposés par la commission, est bien plus important - pour dévaloriser le travail que nous avons accompli très sérieusement, tant en commission qu'en séance publique.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il ne s'agit pas de se servir de cette rédaction, mais de la contester !
M. Philippe Nogrix. Dans un premier temps, j'avais pensé retirer mon amendement. Finalement, j'ai trouvé que cette décision serait néfaste au regard des avancées que nous avons effectuées et qu'il nous fallait plutôt saisir l'occasion de faire comprendre au public, aux clients, aux salariés, aux responsables des entreprises que nous avons travaillé sérieusement et que nous sommes allés au bout de nos discussions.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La rémunération des cadres dirigeants d'une entreprise de transport est réduite en fonction du nombre de jours de grève dans cette entreprise. Les modalités d'application de cette disposition seront précisées par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement devrait plaire à M. le ministre, qui nous a souvent parlé de la culture du résultat. Il vise en effet à prévoir le non-paiement des jours de grève aux dirigeants de l'entreprise. (Mme le rapporteur s'exclame.)
M. Jean Desessard. Je vais vous expliquer, puisque je vois que cette question vous intéresse.
Les cadres dirigeants de l'entreprise doivent être rémunérés, pour partie, au résultat. Or le déclenchement d'une grève est le signe d'un échec de la négociation, dont les dirigeants de l'entreprise sont coresponsables. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. C'est une bonne plaisanterie !
M. Jean Desessard. Le recours à la grève n'est pas un caprice de syndicaliste - tout le monde l'a dit ici ! -, mais c'est souvent le dernier recours pour les salariés en cas de carence du dialogue social.
M. Josselin de Rohan. Nous savions que vous étiez un bon vivant, mais alors là !
M. Jean Desessard. Attendez ! Je cite le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy : « Une grève du service public, c'est comme dans le privé, un conflit entre employeurs et salariés. Mais ce ne sont ni les salariés ni l'employeur qui paient le plus, ce sont les usagers ».
En effet, c'est injuste, car si les usagers paient, en ayant des difficultés dans les transports, si les grévistes paient, en perdant des journées de salaires, en revanche, les employeurs, eux, ne perdent rien. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Gisèle Printz. Ce ne serait que justice !
M. Jean Desessard. Il est donc temps de rétablir cette justice et de combattre cette inégalité, et je remercie le Président de la République de m'avoir inspiré cet amendement de bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC - Protestations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Sur les amendements nos 38 et 73 visant à supprimer l'article, la commission a émis un avis défavorable. J'en ai expliqué les raisons tout à l'heure en présentant l'amendement n° 14 rectifié.
La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 26. Vous avez soulevé cette question en commission, monsieur Nogrix. Il nous avait semblé que les choses allaient sans dire, mais elles iront sans doute mieux en le disant. Je vous remercie donc d'avoir présenté cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 57, la commission a émis un avis défavorable. Monsieur Desessard, en cas de grève interprofessionnelle ou nationale, les dirigeants devront-ils être sanctionnés pour des grèves dans une entreprise qui n'est pas la leur ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Juppé a payé en 1995 ! Villepin aussi d'ailleurs !
M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 14 rectifié visant à réécrire l'article 9, il conviendrait de modifier l'amendement n° 26 afin de rendre les deux rédactions compatibles. Vous pourriez peut-être transformer votre amendement en sous-amendement.
Avant que vous ne vous prononciez, je vais demander l'avis du Gouvernement.
M. Jean Desessard. Prévenez-nous si vous avez besoin de procurations en cas de suspension de séance !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Les amendements nos 38 et 73 visent à supprimer l'article 9. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous souhaitez clarifier la situation et mettre fin aux rumeurs et aux fantasmes, vous devez adopter cet article. Comme je l'ai déjà dit dans la discussion générale, les jours de grève ne sont pas travaillés et les jours non travaillés ne sont pas rémunérés. C'est aussi simple que cela ! Puisque vous nous dites que c'est déjà la pratique, vous ne pouvez y voir de difficulté.
L'amendement n° 14 rectifié ne vise pas seulement à réaffirmer un principe, il ajoute au droit. Voilà pourquoi la nouvelle rédaction proposée par Catherine Procaccia est très pertinente. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 57, même en ayant été attentif à sa présentation, je n'ai pas compris s'il s'agissait de permettre aux dirigeants de faire grève, ce qui est bien sûr un droit constitutionnel qui leur est ouvert, ou d'étendre le non-paiement des jours de grève aux dirigeants qui ne feraient pas grève. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour cette raison, entre autres, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Monsieur Nogrix, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 26. La question s'est déjà posée de la distinction entre « peut » et « doit ». Le principe est le non-paiement des jours de grève. Le fait d'écrire « doit être étalée » affaiblit la force de la réaffirmation du principe.
En l'occurrence, même s'il s'agit d'une loi-cadre, nous ne sommes pas dans le domaine de la loi, mais dans celui d'un accord d'entreprise. Pour en finir avec les rumeurs qui courent depuis trop longtemps, nous devons nous en tenir à des principes clairs.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 et 73.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 123 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean Desessard. Nous avons gagné une voix depuis hier !
M. le président. M. Nogrix ayant décidé de transformer son amendement en sous-amendement n° 26 rectifié, je donne lecture de ce dernier :
Compléter l'amendement n° 14 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
"La retenue appliquée à la rémunération peut être étalée dans le temps selon des modalités déterminées par accord ou convention collective."
Je rappelle que la commission est favorable à ce sous-amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?....
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le désaccord entre la commission et le Gouvernement prouve bien que nous allons trop vite. Nous aurions dû avoir ce débat en commission tout à l'heure.
Pour une fois, M. le ministre a raison,...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. À la place du ministre, je m'inquiéterais !
Mme Nicole Bricq.... l'amendement n° 14 rectifié de la commission est en contradiction totale avec le sous-amendement n° 26 rectifié, à savoir l'ex-amendement n° 26 de M. Nogrix.
L'argumentation de M. le ministre est imparable : le sous-amendement fait référence à une convention collective alors que l'amendement vise à modifier le droit. C'est du reste pour cette raison que nous voterons contre l'amendement n° 14 rectifié.
De fait, il s'agit non pas d'une modification de forme, mais d'une modification de fond qui aggrave encore les effets qu'aura l'article 9 sur les salariés, voire sur les chefs d'entreprise qui pourront faire l'objet de poursuites.
Je ne comprends pas que l'on maintienne un tel oxymore juridique en nous faisant voter ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Le principe de non-paiement des jours de grève est réaffirmé dans le projet de loi, et il est important de le faire. Si l'on y inscrit également, comme vous le proposez, monsieur Nogrix, que les modalités d'étalement sont déterminées par un accord d'entreprise, on se trouve face à un problème juridique. Il faut le reconnaître !
Il y a en effet une réelle difficulté juridique, je suis désolé de vous le dire, monsieur le sénateur, à mettre sur le même plan l'affirmation du principe de non-paiement des jours de grève et la question de l'étalement de la retenue appliquée à la rémunération. Qu'un accord d'entreprise puisse permettre un tel étalement est une chose, mais ériger cet étalement en principe juridique ayant valeur législative en est une autre !
Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable, même si je comprends votre préoccupation.
En tout état de cause, cet article 9 constitue une avancée importante et l'adoption de ce sous-amendement en affaiblirait la portée.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Ce qui me rassure, c'est qu'il s'agit du premier examen du texte.
Plusieurs sénateurs. L'urgence est déclarée !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Oui, mais il y aura une commission mixte paritaire !
M. Philippe Nogrix. Et nos collègues députés prendront connaissance de nos débats. On peut donc leur faire confiance !
Étant donné que persiste tout de même un certain trouble entre les travaux de la commission spéciale et les arguments avancés par M. le ministre, je maintiens mon sous-amendement.
Si véritablement il y a une incompatibilité, l'Assemblée nationale le dira et nous en discuterons lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je comprends fort bien la position de M. Nogrix.
En effet, s'il est clair que les jours de grève ne doivent pas être rémunérés, rien n'empêche que l'on puisse, dans l'application de cette disposition, prévoir un étalement de la retenue dans le temps. Une telle disposition incite au dialogue, à la concertation. Il s'agit donc d'un élément favorable au dialogue social.
Si un principe fort est affirmé, à savoir que l'on ne rémunère pas les journées de grève, on peut tout de même très bien s'organiser pour que les choses se passent dans les meilleures conditions possibles.
Je voterai donc en faveur du sous-amendement n° 26 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur Nogrix, tout à l'heure, en commission, vous vous êtes abstenu sur l'amendement n° 14 rectifié.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Et alors ?
Mme Nicole Bricq. Si vous maintenez votre sous-amendement, vous donnez droit à cet amendement n° 14 rectifié, dont la nouvelle version va à l'encontre de la convention et de l'accord d'entreprise. Cette version ne modifie pas la loi à la marge, elle l'aggrave, notamment à l'égard des salariés, mais aussi des chefs d'entreprise qui seraient concernés.
Mon objectif n'est pas de vous faire changer d'avis ; en ai-je seulement le pouvoir ? Je tiens simplement à souligner qu'il ne s'agit pas seulement d'un point de droit, mais véritablement du fond de l'article 9.
La proposition de Mme le rapporteur est extrêmement grave. Du reste, c'est pour cette raison que M. le ministre l'approuve ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 26 rectifié.
M. Alain Gournac. Je m'abstiens !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Nous aussi !
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 14 rectifié.
Mme Nicole Bricq. Je souhaite faire quelques remarques sur la version initiale de l'amendement déposé par Mme Procaccia et sur sa version rectifiée.
Nous étions contre la version initiale, et Mme Procaccia nous a bien expliqué, même si ce fut un peu rapidement, que la nouvelle rédaction restait dans l'esprit de l'amendement initial et de l'article 9. Nous n'en doutons pas une seconde et, comme nous l'avons déjà dit, il s'agit d'une véritable provocation à l'encontre des salariés des entreprises de transport terrestre.
J'admets tout à fait qu'au cours des débats - je suis une parlementaire aguerrie, siégeant déjà depuis un certain nombre d'années dans cette assemblée ou à l'Assemblée nationale - j'admets, disais-je, qu'entre le rapporteur, la majorité et le Gouvernement s'instaurent des discussions, discussions auxquelles l'opposition peut également prendre part, et j'admets tout à fait qu'en cas de différend la commission compétente soit réunie. Mais, en l'occurrence, ce n'est pas du tout ce qui a eu lieu.
Entre minuit et demi et midi, il s'est passé quelque chose et le Gouvernement n'y est sûrement pas pour rien. Cette version rectifiée de l'amendement ressemble fort à ce que l'on appelle habituellement un « amendement puisé à bonne source » !
En effet, la nouvelle rédaction, non seulement borde juridiquement l'amendement initial de Mme le rapporteur, mais, de surcroît, aggrave très substantiellement le sort qui sera fait aux salariés si d'aventure des versements interviennent.
Relisons les termes de l'amendement qui nous est désormais proposé : « Les versements effectués [...] visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement [...] » - je souhaite d'ailleurs que M. le ministre m'explique ce que signifie « indirectement » - « sont réputés sans cause ». Cette disposition entraînerait non seulement la nullité de tels accords s'ils avaient lieu, mais la poursuite de ceux qui les auraient conclus. N'importe quel requérant pourrait demander non seulement la nullité, mais également des condamnations. La modification qui nous est proposée, mes chers collègues, est donc substantielle.
Comme Mme Procaccia a dû profiter du repos de cette nuit et qu'elle n'a sûrement pas trouvé dans son sommeil l'inspiration de cette version rectifiée de l'amendement, je pense que celle-ci est plutôt d'inspiration gouvernementale. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David. C'est évident !
Mme Nicole Bricq. On a bien compris quel était votre positionnement sur ce texte, monsieur le ministre : c'est un os à ronger pour la majorité, qui a quelques difficultés à avaler tout ce que lui impose le Président de la République !
M. Alain Gournac. Pas du tout !
Mme Nicole Bricq. À cette fin, le Gouvernement a fait preuve d'une certaine complaisance à l'égard des amendements déposés par la majorité. Il vous fallait un texte emblématique, un texte d'affichage ; vous affichez donc votre volonté de répression à l'encontre du salariat ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Mais oui, allez-y, selon vous, nous serions toujours contre les ouvriers !
Mme Nicole Bricq. Non seulement vous sacrifiez aux promesses présidentielles, mais vous déclarez la guerre !
M. Alain Gournac. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, vous faites la guerre au dialogue social !
Mme Nicole Bricq. Libre à vous ! Pour ma part, je souhaite obtenir des éclaircissements sur le sens de « directement ou indirectement » et de « sans cause », puisque nous n'avons pas reçu ces explications en commission ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Madame Bricq, je ne sais pas si vous étiez là quand j'ai présenté mon rapport en commission.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr que j'étais là !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. À cette occasion, j'ai dit clairement que cet amendement ne m'avait jamais été demandé par le Gouvernement. C'est un amendement de clarification que j'ai proposé en commission, et j'ai bien dit en le présentant qu'il visait à mettre un terme à la fois aux accords de fin de conflit et à toutes ces primes qui reviennent à des paiements différés dont j'ai personnellement découvert l'existence au cours d'auditions.
Quant à ce que j'ai fait cette nuit, Mme Bricq, cela relève de ma vie privée ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Permettez-moi tout d'abord d'établir quelques parallèles entre l'incident que nous avons connu lors de la réunion de la commission spéciale et certains des éléments contenus dans ce projet de loi.
Nous avons été confrontés tout à l'heure à ce que l'on peut appeler un incident prévisible, dans la mesure où Mme Procaccia n'a sûrement pas décidé de rectifier son amendement dans la demi-heure qui précédait midi. Dans ces circonstances, tous les sénateurs auraient dû être informés.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Michel Billout. Or il n'en a rien été, une partie d'entre nous seulement ayant été informés, les autres non. Il y a là matière à réflexion sur la façon dont le droit d'information s'exerce ici, mais aussi, en extrapolant, en direction de tous les usagers.
Un second parallèle peut être fait à propos de la consultation. Nous nous sommes montrés un peu sceptiques sur la forme d'organisation de la consultation des salariés par la seule direction de l'entreprise. Or, lorsqu'il s'est agi d'organiser une consultation des parlementaires et que cette organisation a été confiée à la seule majorité, nous avons pu noter que des manipulations étaient possibles. Le même phénomène pourra se produire lorsqu'il s'agira de la consultation des salariés. Le fait que les organisations syndicales soient privées de la possibilité d'organiser cette consultation entraînera les mêmes dérives.
J'en reviens à l'amendement n° 14 rectifié.
Il prévoit d'exclure expressément la pratique consistant à permettre que la résolution du conflit puisse donner lieu au paiement de tout ou partie des jours de grève.
Cette proposition porte atteinte, selon nous, à la liberté conventionnelle et de négociation des parties concernées, c'est-à-dire la direction d'entreprise et ses salariés. Il est vrai que le législateur a pu légalement définir les éléments susceptibles de faire l'objet d'un contrat. Cependant, qu'est-ce qui justifie une telle ingérence dans le cas précis ? Peut-être s'agit-il tout simplement de faire une nouvelle fois pression sur les salariés qui souhaiteraient faire grève. C'est bien, de toute façon, l'objet même de ce texte.
En tout état de cause, en enlevant aux parties un élément important de la négociation, élément qui, de fait, permet parfois une sortie du conflit, l'amendement de la commission vise à durcir un peu plus les relations sociales et met un peu plus en danger le bon déroulement du dialogue social.
Enfin, notons que, dans certains cas, il était admis par la jurisprudence que les salariés aient droit au paiement de leurs jours de grève.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Et voilà, le problème est là !
M. Michel Billout. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 18 mai 2005 que, la grève ayant pour effet de suspendre l'exécution du contrat de travail, l'employeur n'est pas tenu de payer le salaire pendant la période de cessation du travail, sauf si la grève est la conséquence d'un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Michel Billout. Eh bien, même cela, vous le leur retirez.
Nous avions bien noté que Mme Procaccia proposait des amendements qui lui étaient demandés par des directions d'entreprise,...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Absolument pas !
Mme Annie David. Mais si !
M. Michel Billout.... mais, là, c'est aller très loin dans le recul du dialogue social.
M. Alain Gournac. Non !
M. Michel Billout. En supprimant la dérogation par voie conventionnelle au principe légal de non-paiement des jours de grève, l'amendement de la commission vient inutilement compliquer l'état du droit. C'est porter gravement atteinte à l'exercice du dialogue social.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l'amendement n°14 rectifié. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Mme le rapporteur a dit qu'elle avait durci son amendement après les auditions, un certain nombre de dirigeants d'entreprise ayant déclaré que les jours de grève n'étaient pas payés mais qu'il y avait parfois des compensations. Dans le texte de l'amendement, c'est l'adverbe « indirectement » qui empêcherait ces compensations.
Je ferai tout d'abord une remarque d'ordre technique.
Les dirigeants d'entreprises de transport eux-mêmes admettent qu'il faut des compensations. En effet, après une grève longue, les salariés grévistes ont des difficultés pour assurer leur fin de mois, voire les deux ou trois mois suivants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ont des difficultés systématiques ; l'entreprise, elle, reçoit des primes !
M. Jean Desessard. Or, avoir des salariés qui ne peuvent plus payer leurs déplacements ni assumer leur loyer n'est pas souhaitable, ainsi que le soulignent eux-mêmes les dirigeants d'entreprise. Donc, il est parfois utile, en termes humains mais également pour la bonne marche de l'entreprise, qu'il y ait des compensations financières.
Alors même qu'est mise en avant la volonté d'avoir un bon service public, on s'aperçoit que la non-compensation financière des jours de grève, de l'avis même des dirigeants d'entreprise de transport, risque d'entraîner une diminution de la qualité du service.
Je ferai ensuite une remarque d'ordre politique.
Il faut arrêter de toujours présenter les grèves sous un aspect négatif. La grève est un rapport de force entre des salariés et un patronat, qui peut parfois être impitoyable et ne penser qu'à son seul profit. Comment va-t-on résoudre, dans certains pays, les problèmes d'exploitation, le fait que certains travaillent soixante heures, qu'ils sont sous-payés, et le travail des enfants ? Cela peut se faire par le vote, l'élection mais aussi par le mouvement social et, dans ces cas-là, la grève est justifiée, comme elle l'a été en France et dans d'autres pays européens.
La grève ne doit pas toujours être présentée comme un fait négatif qu'il faut obligatoirement punir.
M. Alain Gournac. Non, il ne faut pas punir !
M. Jean Desessard. Elle peut parfois être juste...
M. Alain Gournac. La grève, c'est l'ultime recours !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment pouvez-vous le savoir, vous n'avez jamais fait grève !
M. Alain Gournac. On ne démarre pas un mouvement par une grève !
M. Jean Desessard.... et l'on peut estimer que des personnes qui ont fait grève l'ont fait pour un bon motif et qu'il n'y a aucune raison qu'elles en soient punies.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mes collègues ont dit l'essentiel sur l'amendement n°14 rectifié, mais je tiens tout de même à y revenir parce qu'il aggrave considérablement la situation.
Monsieur le ministre, nous étions déjà en désaccord sur l'article 9 parce que nous le considérions comme une provocation. Toutefois, nous ne pensions pas que vous iriez jusqu'où nous entraîne l'amendement de la commission.
La continuité du service public de transport ne justifie pas cela ! En fait, vous avez la volonté de vous attaquer au droit de grève, car l'amendement que vous soutenez signifie qu'après un conflit avec les salariés il n'y aura aucune négociation possible sur les compensations...
M. Jean-Pierre Godefroy.... ou sur l'étalement des pertes.
Monsieur le ministre, des sorties de grève, j'en ai connu quelques-unes. Peut-être, selon vous, n'étais-je pas du bon côté !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne vous permets pas de tenir de tels propos ! Faites preuve envers moi du respect que j'ai pour vous !
M. Jean-Pierre Godefroy. Par respect, je veux bien retirer ce propos, mais sachez, monsieur le ministre, que j'étais du côté des travailleurs. Je ne vous demande pas où vous étiez alors ! Bref, l'incident est clos.
Il s'agit d'un sujet extrêmement grave. Dans les conflits durs, il y a négociation, et l'entreprise a parfois intérêt à négocier la sortie de grève quand un protocole d'accord est intervenu. En outre, la sortie de grève peut être négociée de différentes façons : il ne s'agit pas forcément du paiement des jours de grève ; il peut y avoir paiement partiel, récupération de jours travaillés... Jusqu'à présent, tout cela était possible. Désormais, l'adverbe « indirectement » contenu dans l'amendement de Mme Procaccia empêchera toute négociation de cette nature.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. C'est faux !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous verrons ce qu'en dira le Conseil constitutionnel, que nous saisirons, sachez-le !
C'est véritablement un retour...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au XIXe siècle !
M. Michel Billout. Au Moyen-Âge !
M. Jean-Pierre Godefroy.... au temps des maîtres de forge.
Non seulement on n'aura plus le droit de faire grève mais, par ailleurs, si les patrons veulent négocier avec les syndicats, la sortie de grève leur sera interdite, car, en vertu du texte qui va être voté aujourd'hui, n'importe qui pourra saisir les tribunaux et déposer une plainte pour obtenir des dédommagements.
Je ne pensais pas que, à l'occasion de ce texte, il serait porté atteinte, avec une telle gravité, au droit de grève et même à la conception du dialogue social et des rapports entre entreprises et salariés. Je crois qu'on ne mesure pas la gravité des conséquences qu'entraînerait l'adoption de cet amendement. Il est important que tous les salariés et les responsables patronaux soient informés de votre décision de leur interdire toute procédure contractuelle, décision qui est contraire d'ailleurs à ce que souhaitait M. Nogrix. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Le texte dont nous discutons est dans la droite ligne d'une loi de 1982 sur les retenues pour fait de grève, veuillez m'excuser de le rappeler. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. La gauche était alors au pouvoir !
Mme Annie David. Vous ne m'avez pas écoutée, monsieur le ministre, j'ai cité cette loi tout à l'heure !
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Nous avons beaucoup travaillé au sein de la commission spéciale et nous étions tombés d'accord sur l'amendement n° 14, proposé par notre rapporteur, dont la rédaction était simple et claire. Les gens qui l'auraient lu auraient compris ce que l'on souhaitait. Il est remplacé par un amendement n° 14 rectifié auquel les gens ne comprendront rien du tout.
Mme Nicole Bricq. On ne le comprend que trop bien !
M. Philippe Nogrix. Je ne parle pas des gens avertis. Je parle de ceux qui vont discuter au café du Commerce.
Mme Bariza Khiari. Mais nous aussi !
M. Philippe Nogrix. Ce n'est pas à vous que je m'adresse pour l'instant.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'a pas encore été question du contrat du travail, alors que c'est lui qui règle, dès le départ, les rapports entre le salarié, qui met à disposition ses compétences, son énergie, son savoir-faire, et l'employeur, qui doit assurer un service, qui doit dégager un chiffre d'affaires. Or, pour les entreprises qui assurent un service public, dans le contrat de travail, il est fait mention du service public.
Parallèlement, il y a le droit du travail, qui autorise la grève. Pour ma part, je n'ai vu dans ce texte aucune atteinte au droit de grève.
M. Alain Gournac. Aucune !
M. Philippe Nogrix. Il s'agit seulement de faire comprendre que la grève est l'aboutissement d'un échec. Les négociations ont échoué, donc on fait la grève. Mais on la fait en toute responsabilité, en sachant les conséquences qu'elle entraîne, c'est-à-dire, comme cela est inscrit dans le code du travail, qu'il n'y a rémunération que s'il y a travail. Sans travail, pas de rémunération ! C'est clair, net, précis et il n'est pas besoin d'en discuter longtemps. C'est ce que nous voulions affirmer par l'amendement n° 14.
En commission, je me suis abstenu sur l'amendement n° 14 rectifié. Après avoir écouté les différents intervenants - bien que breton, il m'arrive de revenir sur ma position lorsque j'ai véritablement compris les choses - et avoir mieux saisi la différence entre l'amendement n° 14 et sa version rectifiée, je me rends compte qu'il sera peut-être plus facile de faire passer l'amendement n° 14 rectifié à l'Assemblée nationale, et je compte sur vous, monsieur le ministre, pour bien expliquer les raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés là.
C'est pourquoi, après réflexion, je voterai l'amendement n° 14 rectifié. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cette terrible aggravation du contenu du projet de loi nous conduit à nous y opposer avec beaucoup de force.
Qu'après une victoire électorale qui est pour nous une défaite cruelle, vous preniez des mesures qui confortent l'idée que vous vous faites des relations sociales, et qui n'est pas une idée bien nouvelle, celle d'un pur rapport de force où les puissants sont toujours plus puissants, passe encore ! Il y a un débat, et nous échangeons des arguments. Mais ce qui, à cette heure, rend peut-être plus pénible cette discussion et, par certains aspects, la rend odieuse, c'est que vous cherchez à en cacher la signification.
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous avez le droit de lutter contre la grève, mais ne dites pas, comme je l'ai entendu, qu'à aucun moment vous ne touchez au droit de grève !
M. Alain Gournac. À aucun moment !
M. Jean-Luc Mélenchon. Au regard de la réalité humaine des relations au sein l'entreprise, c'est le droit de grève qui, en l'espèce, est remis en cause.
M. Alain Gournac. Mais non !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je m'explique.
La grève n'intervient qu'après l'échec de la négociation. On est donc bien dans la situation ultime. La négociation a échoué. À cet instant, nous pouvons feindre d'ignorer à qui incombe la responsabilité de cet échec. Mais la loi préjuge que c'est la faute de l'ouvrier, et il lui est dit : « Si tu fais grève, tu ne seras pas payé ! » Cela signifie que son action ne participera pas du rapport de force ni de la négociation, qu'il ne peut pas espérer que son bon droit, ce qu'il se représente comme son bon droit, qui a été engagé dans la discussion, la négociation, à la fin, sera reconnu. Il ne pourra pas corriger la situation qui lui est faite par son action, cette action extrême qu'est la grève.
Par conséquent, un tel durcissement préjuge de qui sera tenu en toutes circonstances pour responsable d'une situation de conflit : ce sera l'ouvrier ! Voilà ce que vous venez de faire ! Assumez-le donc ! Et ne poussez pas l'hypocrisie jusqu'à prétendre qu'un tel dispositif résulte d'une loi adoptée en 1982 !
M. Jean-Luc Mélenchon. Non, monsieur le ministre ! Non, mesdames, messieurs les sénateurs de droite ! La gauche n'a jamais travaillé contre l'ouvrier ni contre ses droits. Jamais ! (M. le président de la commission spéciale manifeste son scepticisme.) Ces droits, nous vous les avons toujours arrachés par la lutte et par la loi.
Monsieur le ministre, si vous voulez revenir à l'esprit de 1982, proposez-nous à nouveau des lois Auroux ! Proposez-nous des nationalisations ! Proposez-nous l'extension des droits syndicaux ! Proposez-nous le retour à la loi de modernisation sociale ! Peut-être pourrons-nous alors accepter de vous entendre. En 1982, nous avons simplement rappelé une évidence : celui qui fait grève n'est pas payé, sauf si des décisions contraires sont prises pendant la négociation. La gauche n'a pas dit que l'ouvrier gréviste ne serait pas payé ; elle a simplement prévu que la grève n'était pas rémunérée et qu'il y aurait une négociation à la fin. C'est exactement le contraire de ce que vous venez d'affirmer.
Le présent projet de loi s'adresse - cela a été souligné - aux ouvriers, mais c'est également un texte de maintien de l'ordre pour votre classe !
Mme Annie David. Ça, c'est sûr !
M. Christian Cointat. De tels propos ne sont vraiment pas acceptables !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous annoncez à tous ceux qui seraient tentés de négocier qu'ils seront punis ! Alors, je le maintiens : c'est bien votre classe que vous défendez !
M. Alain Gournac. Oh là là ! Arrêtez, monsieur Mélenchon !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous défendez ceux dont vous êtes les représentants de classe, que ce soit dans cet hémicycle ou dans la vie politique en général ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le Comité des forges !
M. Alain Gournac. Les ouvriers ont voté pour nous !
M. Christian Cointat. Quel archaïsme !
M. Jean-Luc Mélenchon. En effet, dans notre pays, il subsiste bien un archaïsme extraordinaire !
Il y a 6 millions d'ouvriers et 7 millions d'employés. Ils représentent 54 % de la population active de ce pays et la part de richesses qu'ils produisent leur est toujours davantage disputée ! Voilà l'archaïsme ! Il y a misère chez 7 millions de personnes, dont 2 millions de travailleurs ! Voilà l'archaïsme !
Et tant que cet archaïsme-là durera, nous serons sur nos travées pour défendre le droit à la lutte, sur lequel est fondée la liberté dans ce pays, liberté à laquelle vous attentez à cet instant, nonobstant les mines de chattemite que vous prenez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mes chers collègues, permettez-moi d'évoquer la philosophie du présent projet de loi.
Selon le Gouvernement, qui en est le promoteur, une telle loi-cadre était censée déterminer les conditions dans lesquelles le dialogue social allait s'instaurer avec les organisations syndicales.
Pour notre part, nous considérons, et nous n'avons de cesse de le dénoncer, que ce texte législatif constitue en réalité une atteinte au droit de grève. À présent, je constate qu'il est même destiné à nier complètement le dialogue social.
Certes, la négociation fait partie du dialogue social. Mais ce projet de loi, dont nous avons d'ailleurs appris hier qu'il avait vocation à s'appliquer à tous les services publics et à toutes les délégations de service public - au demeurant, je vous fais observer que les grèves y sont rares -, ne fera qu'aggraver la situation dans les grandes entreprises publiques.
En effet, comme le soulignent à juste titre les salariés, la persistance des grèves, que vous déplorez, est avant tout liée à l'absence de dialogue social dans ces entreprises.
C'est la raison pour laquelle les salariés ont commencé à oeuvrer pour instaurer un dialogue social. Encore faut-il que tous les termes de la négociation demeurent possibles avec les directions d'entreprise, ce qu'interdit précisément le projet de loi.
Par conséquent, même si vous vous offusquez lorsque l'on évoque la lutte des classes, vous en revenez toujours à votre conception traditionnelle, celle du XIXe siècle, où, quand une grève prenait fin, c'était parce que les ouvriers étaient obligés de reprendre le travail pour nourrir leur famille affamée ! Votre conception, c'est celle du Comité des forges ; vous en êtes toujours les porteurs aujourd'hui ! (M. Godefroy applaudit.)
C'est très grave ! Par un tour de prestidigitation, vous donnez l'illusion qu'il y aura désormais du dialogue social dans les grandes entreprises, ainsi que le réclament les salariés ! Chapeau, l'illusionniste !
La réalité, c'est que vous voulez interdire les négociations permettant aux salariés de déterminer les conditions dans lesquelles une grève prend fin.
M. Alain Gournac. Mais non ! C'est exactement le contraire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est absolument inadmissible !
Vous vous attaquez fondamentalement au droit de grève. Bien entendu, les entreprises de transport public ne sont pas les seules visées.
Mme Annie David. Évidemment !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La situation est d'autant plus grave que vous avez choisi le service public pour engager une telle politique.
Pourtant, le service public est, de longue date, un haut lieu de conquêtes sociales, salariales, ouvrières et démocratiques, conquêtes qui pourraient d'ailleurs servir d'exemple pour le patronat.
Aujourd'hui, le patron qui liquide son entreprise et qui met à la rue des centaines de salariés touche des grosses primes. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) En revanche, les salariés qui oeuvrent pour le dialogue social ne peuvent même pas négocier pour avoir de quoi manger à la fin du mois. C'est proprement scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 118 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 198 |
Contre | 123 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 9 est ainsi rédigé et l'amendement n° 57 n'a plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Yves Fréville membre suppléant du Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.
6
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, François Zocchetto, Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Hugues Portelli, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Suppléants : MM. Nicolas Alfonsi, Christian Cointat, Yves Détraigne, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. Richard Yung.
7
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 9.
Articles additionnels après l'article 9
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er octobre 2008, un rapport d'évaluation sur l'application de la présente loi est adressé par le Gouvernement au Parlement.
Ce rapport présente notamment le bilan :
- des accords-cadres et accords de branche signés avant le 1er janvier 2008 ;
- des procédures de dialogue social mises en oeuvre et de leur impact au regard de l'objectif de prévention des conflits ;
- des actions de substitution du représentant de l'État éventuellement intervenues en application de l'article 4 de la présente loi ;
- des plans de transport adapté et des plans d'information des usagers élaborés par les entreprises de transport ;
- des accords collectifs de prévisibilité mis en place par ces entreprises ;
- du remboursement des titres de transport aux usagers, tel que prévu à l'article 8 de la présente loi.
Au vu de ce bilan, le rapport examine l'opportunité d'étendre le dispositif de la présente loi aux autres modes de transport et, le cas échéant, de le transposer à d'autres services publics.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale. Cet amendement prévoit un bilan de l'application de cette loi un peu nouvelle, qui va développer le dialogue social et l'information des usagers, établir des plans de transport adapté et des accords de prévisibilité pour les entreprises et, enfin, permettre le remboursement des titres de transport aux usagers.
Nous souhaitons donc qu'un bilan soit établi à l'issue d'une année d'application, afin qu'il puisse être décidé, au vu de ce bilan, si le dispositif instauré par la présente loi peut être étendu aux autres moyens de transport. En l'occurrence, les transports maritimes réguliers ainsi que le transport aérien ont été souvent évoqués au cours des débats.
Ce bilan pourra être établi dans un premier temps pour tous les modes de transports collectifs réguliers à l'usage des voyageurs, afin que l'on sache si le dialogue social instauré est susceptible d'apporter des améliorations. L'extension de ce dispositif à d'autres services publics pourra éventuellement être envisagée dans un second temps.
M. le président. Le sous-amendement n° 78, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de l'amendement n° 15 :
Au vu de ce bilan, si l'opportunité d'un tel dispositif n'est pas avérée, le rapport proposera dans ses conclusions l'abrogation de la présente loi.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La commission propose que soit établi un rapport d'évaluation de l'application du dispositif instauré par le projet de loi. Nous ne sommes pas opposés à l'idée d'un bilan puisqu'il apparaît en effet nécessaire de savoir rapidement si la législation remplit l'objectif de prévention des conflits sociaux qui lui est assigné et si elle n'est pas la cause de nouveaux problèmes préjudiciables à la continuité des services publics.
Cela est d'autant plus nécessaire que cette réglementation, aggravée au cours de nos débats, comme nous avons pu le constater en fin de matinée, porte une telle atteinte au droit de grève des salariés qu'elle ne saurait se justifier ni perdurer si son inutilité était avérée.
L'idée de dresser un bilan nous paraît donc très importante. En effet, les travaux préparatoires à un tel document permettent souvent de faire mûrir la réflexion, au sein de l'opposition comme de la majorité gouvernementale, sur des législations élaborées dans l'urgence.
Le rapport établi dans le cadre de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, sur l'initiative des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, a montré combien les positions pouvaient changer lorsqu'on donne aux parlementaires le temps de travailler. En effet, même les sénateurs UMP se sont inquiétés des fortes dérives provoquées par la libéralisation du secteur de l'énergie et réclament davantage de maîtrise publique.
Cela étant, par son amendement, la commission pervertit la neutralité d'un tel exercice puisqu'elle propose déjà que soit examinée l'opportunité d'étendre le dispositif de la loi à d'autres services publics. Elle prend ainsi le contre-pied de l'objectif affiché du texte, dévoilant du même coup le véritable projet de la majorité gouvernementale : porter atteinte au droit de grève et, plus généralement, à l'ensemble des libertés collectives dans tous les secteurs publics.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposent fermement à ce projet de loi, qui constitue un véritable acte de régression sociale dans le secteur des transports. Fidèles à cette logique, ils ne souhaitent pas que son champ d'application soit plus vaste.
C'est pourquoi nous vous demandons de voter ce sous-amendement qui vise à établir un bilan de l'application de la loi au regard des objectifs d'amélioration du dialogue social et de garantie de la continuité du service public, bilan qui se limite à juger de l'opportunité du maintien d'une telle réglementation dans ce secteur précis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je note que le groupe CRC est d'accord avec la commission sur la nécessité de ce bilan.
Dans sa formulation, le sous-amendement précise bien que, si l'opportunité d'un tel dispositif n'est pas avérée au vu de ce bilan, le rapport conclura à l'abrogation de la présente loi.
Je trouverai dommage que, à l'occasion de la discussion d'un texte dont l'intitulé mentionne explicitement le dialogue social, on envisage la suppression de ce dialogue social, même si je conçois votre approche, madame David.
Si la commission veut ce bilan, c'est dans l'idée d'évaluer le fonctionnement du dispositif mis en place. S'il a bien fonctionné, il pourra être étendu et, dans l'hypothèse inverse, il ne le sera pas. Mais il serait dommage d'abroger le dialogue social et les conventions qui auront été signées.
M. Michel Billout. On peut quand même vérifier s'il y a un véritable progrès du dialogue social !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 78 ainsi que sur l'amendement n° 15 rectifié ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Pour les mêmes raisons que celles exprimées par Mme le rapporteur, l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 78 est défavorable.
Je voudrais en revanche insister sur l'amendement n° 15 rectifié présenté par Mme Procaccia. Le Gouvernement pourrait émettre un avis favorable sur cet amendement si le rapporteur acceptait d'en supprimer la dernière phrase.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean-Luc Mélenchon. Tiens donc !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je veux m'en expliquer en détail.
Tout d'abord, il est effectivement important que l'application de la présente loi fasse l'objet d'une évaluation et qu'un bilan soit adressé par le Gouvernement au Parlement, et un bilan en effet détaillé, madame le rapporteur.
Je crois profondément aux vertus de l'évaluation des textes et vous savez qu'un secrétariat d'État placé auprès du Premier ministre est chargé de ces questions. Il me semble donc essentiel de savoir exactement si les dispositifs votés ont porté leurs fruits, avec toutes les conséquences qui doivent ensuite être assumées.
Deux raisons m'amènent cependant à vous demander de rectifier votre amendement, en l'occurrence son dernier alinéa.
Ma première objection est d'ordre juridique. Dans un texte portant sur les transports publics terrestres, vous ne pouvez pas introduire, même de façon assez elliptique, une disposition qui viserait d'autres modes de transport et d'autres services publics sans créer un problème de base juridique.
La deuxième objection porte sur le fond du débat, qui nous a déjà beaucoup occupés hier. Le service minimum au-delà des seuls transports publics terrestres n'est pas une idée taboue, nous l'avons vu. Parce que c'est un sujet de préoccupation légitime dans de nombreux secteurs, il n'est pas question de le passer sous silence. Je m'étais d'ailleurs engagé auprès du président de Rohan, hier, à saisir Dominique Bussereau de la question des transports maritimes ; je vous ai transmis aujourd'hui, monsieur le président, ainsi qu'aux sénateurs Bruno Retailleau, Philippe Nogrix et Nicolas Alfonsi, le courrier que j'ai adressé à mon collègue sur cette question.
Avec ce projet de loi, nous avons fait la preuve que ce service minimum dont on parle depuis vingt ans pourra devenir une réalité dans un peu plus de cinq mois. Mais on ne peut pas faire abstraction du besoin de dialogue et de concertation entre les acteurs concernés.
Si la question n'est donc pas taboue, il n'appartient certainement pas à un rapport d'apprécier « l'opportunité d'étendre le dispositif ». Non, mesdames, messieurs les sénateurs, cela incombe aux parlementaires, au titre de leur droit d'initiative, ou au Gouvernement, qui devra assumer ses responsabilités, mais pas au rapport.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour ces raisons juridiques, mais aussi de fond, je vous demanderai de bien vouloir rectifier votre amendement, madame le rapporteur, auquel cas le Gouvernement émettra un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean Desessard. Réunion de la commission spéciale ?
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Je suis, bien entendu, en plein accord avec Mme le rapporteur, car nous avons beaucoup étudié cet amendement en commission.
Je comprends bien qu'étendre ce dispositif à l'ensemble des services publics pourrait susciter des interrogations. Cependant, lors des débats qui se sont déroulés hier, j'ai entendu un certain nombre de nos collègues, sur presque toutes les travées, expliquer que le transport public ne se limitait pas aux trains ou aux autocars : il existe ainsi des problèmes de desserte journalière entre les îles ou entre les îles et le continent. Pensons à la Corse, par exemple.
Aussi, je me demande, madame le rapporteur, si nous ne pourrions pas rectifier le dernier alinéa de notre amendement pour qu'il se lise comme suit : « Au vu de ce bilan, le rapport examine l'opportunité d'étendre le dispositif aux autres modes de transport public. » Pourrions-nous obtenir votre accord sur cette rectification, monsieur le ministre ?
Nous sentons bien la volonté de nos collègues d'assurer la continuité du transport public terrestre dans une perspective un peu plus élargie afin d'apporter une réponse positive aux usagers. Nous pourrions peut-être trouver un consensus sur cette rédaction.
M. Jean Desessard. Vous n'avez qu'à écrire : « dans tous les secteurs où les syndicats nous embêtent » ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je propose, monsieur le président, que, pour la rédaction du dernier alinéa, nous nous en tenions aux « autres modes de transport public de voyageurs », le reste de la phrase étant supprimé.
En effet, l'extension aux autres services publics serait peut-être excessive. Je ne pense d'ailleurs pas que ce texte puisse s'appliquer à d'autres services publics, en particulier s'agissant des négociations que nous avons prévues avec les autorités organisatrices de transport, par exemple. En revanche, la problématique des transports et le principe que nous propose le Gouvernement sont tout à fait transposables à d'autres modes de transport public de voyageurs.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 15 rectifié bis, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er octobre 2008, un rapport d'évaluation sur l'application de la présente loi est adressé par le Gouvernement au Parlement.
Ce rapport présente notamment le bilan :
- des accords-cadres et accords de branche signés avant le 1er janvier 2008 ;
- des procédures de dialogue social mises en oeuvre et de leur impact au regard de l'objectif de prévention des conflits ;
- des actions de substitution du représentant de l'État éventuellement intervenues en application de l'article 4 de la présente loi ;
- des plans de transport adapté et des plans d'information des usagers élaborés par les entreprises de transport ;
- des accords collectifs de prévisibilité mis en place par ces entreprises ;
- du remboursement des titres de transport aux usagers, tel que prévu à l'article 8 de la présente loi.
Au vu de ce bilan, le rapport examine l'opportunité d'étendre le dispositif de la présente loi aux autres modes de transport public de voyageurs.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je me croirais presque revenu vingt-quatre heures en arrière ! Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat a déjà eu lieu hier et, sauf erreur de ma part - mais je ne vais pas consulter le compte rendu des débats du Sénat - j'avais le sentiment que le rapporteur et le président de la commission spéciale avaient apporté leur soutien à la position du Gouvernement sur cette question.
Que cherchons-nous ? Ce rapport a-t-il pour but d'évaluer vraiment le dispositif ou de réfléchir, de surcroît, à l'opportunité de l'étendre à d'autres secteurs ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Nous avons toujours dit qu'il recouvrait ces deux aspects !
M. Xavier Bertrand, ministre. Justement ! Je pense qu'un problème de cohérence se pose sur ce point, le Gouvernement le dit depuis le début de la discussion et je devrai le dire visiblement jusqu'à la fin !
Vous êtes attachés à la concertation, dites-vous. Mais précisément, cette proposition a-t-elle fait l'objet d'une concertation avec les représentants des autres transports publics ?
M. Jean Desessard. Pour quoi faire ?
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Rien n'interdit de le faire !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je le sais, mais vous êtes attachés, tout comme moi, au dialogue et à la concertation. C'est d'ailleurs dans cet esprit que, avec Mme le rapporteur, vous avez en permanence mené les travaux de la commission spéciale. Comment alors conciliez-vous cet attachement au dialogue et la rectification proposée ?
Encore une fois, sur tous ces sujets se pose une question de cohérence juridique et de cohérence sur le fond du dossier. Voilà simplement ce que je voulais indiquer sur ce point, qui n'est pas anecdotique.
Autant je suis d'accord pour que l'on procède à une évaluation de l'application de la loi, autant j'estime que nous ne devons pas, les uns et les autres, chercher à esquiver, le moment venu, nos responsabilités politiques. Je ne suis pas du genre à me cacher derrière mon petit doigt quand il s'agit d'assumer les miennes : le Gouvernement prendra position sur d'autres dossiers qui ont été évoqués en d'autres moments et en d'autres lieux, mais ce sont les transports publics terrestres de voyageurs qui nous occupent aujourd'hui. Une fois encore, c'est avant tout une question de cohérence et de responsabilité politique.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je rappelle simplement que le rapport prévu sera remis avant le 1er octobre 2008, ce qui nous laisse du temps, et se bornera à envisager l'opportunité d'étendre les dispositions du présent texte à d'autres modes de transport. Cela ne signifie pas que le Parlement votera un texte à cette fin.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 78.
M. Jean-Luc Mélenchon. Avec votre permission, et afin d'être synthétique, monsieur le président, je m'exprimerai à la fois sur le sous-amendement et sur l'amendement.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue !
M. Jean-Luc Mélenchon. J'espère que ceux qui suivent cette séance ne se laissent pas abuser par l'atmosphère modérée et courtoise qui est celle du Sénat, ce qui les priverait de tout le sel de l'échange, ô combien piquant ! qui vient de se dérouler.
Résumons la situation.
On nous présente un texte concernant le service public dans le secteur des transports terrestres de voyageurs. Nous expliquons, nous, l'opposition de gauche, que c'est un projet de loi contre le droit de grève et que vous avez l'intention, monsieur le ministre, de remettre en cause l'exercice de ce droit dans les services publics en général.
Prudent et modéré, vous nous répondez, monsieur le ministre, qu'il n'en est pas du tout ainsi, que nous exagérons et que le texte vise bien exclusivement les transports publics terrestres, c'est-à-dire le train, le métro et la situation insupportable qui, selon vous, est créée par les incidents de fonctionnement liés aux grèves, lesquels ne représentent pourtant que 3 % de l'ensemble des perturbations.
Puis, ayant allumé nos téléviseurs à l'heure du repas, nous entendons le Premier ministre annoncer que, si la mise en oeuvre de la loi se révèle satisfaisante, on appliquera ses dispositions à d'autres domaines, en particulier à l'éducation nationale.
De retour dans cet hémicycle, nous interpellons le ministre, qui nous répond que cette position n'est nullement celle du Gouvernement et que tel n'est pas le sujet. Le ministre ne dit donc pas tout à fait la même chose que le Premier ministre, mais ce n'est pas grave : c'est sa parole qui compte, puisque c'est lui qui est présent dans l'hémicycle, et nous nous en tenons à ce qu'il nous dit. D'ailleurs, nos collègues de la majorité sénatoriale répètent sur tous les tons qu'il n'est ici question de rien d'autre que du service public dans le secteur des transports terrestres.
Là-dessus, arrive un amendement de la commission, prévoyant qu'à la faveur d'un rapport sur l'application de la loi on procédera à une évaluation pour une extension éventuelle du dispositif non seulement à d'autres modes de transport, mais aussi, le cas échéant, aux autres services publics, c'est-à-dire à tous les services publics.
Mme Isabelle Debré. Cela a été retiré !
M. Alain Gournac. L'amendement a été rectifié !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je l'ai bien compris, mes chers collègues, mais permettez-moi de poursuivre.
C'est bien la confirmation de la thèse que soutient l'opposition de gauche depuis le début de ces travaux, à savoir que ce texte, selon qu'il passera ou cassera, pourrait être le prélude à un réexamen plus général de l'exercice du droit de grève.
En effet, ne nous leurrons pas. À l'heure où nous parlons, en plein mois de juillet, nos concitoyens sont, naturellement et fort heureusement, occupés à tout autre chose qu'à suivre au jour le jour la vie politique. Quand ils seront revenus de vacances, on verra bien comment ils réagiront, surtout quand vous vous attellerez à la réforme des régimes spéciaux de retraite, en particulier celui, précisément, des cheminots.
En tout état de cause, on observe cette situation absolument incroyable où la commission présente un amendement dont elle a sans doute débattu,...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... mais qu'elle modifie en cours de route, de sa propre initiative,...
M. Alain Gournac. Et alors ?
M. Jean-Luc Mélenchon. ... afin de supprimer ce qui faisait la moitié du sel de son dernier alinéa, à savoir que le dispositif pourrait être étendu, le cas échéant, à l'ensemble des services publics.
Mme Isabelle Debré. Oui, et c'est bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne sais si mes collègues de la majorité ou de la commission elle-même ont eu l'occasion de débattre de ce point.
Le sommet du paradoxe, c'est quand le ministre explique que, contrairement à la commission, il entend s'en tenir au seul service public dans les transports terrestres.
M. Alain Gournac. Et alors ?
M. Josselin de Rohan. Votez le texte du Gouvernement, dans ces conditions ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce malheureux ministre se trouve donc en contradiction avec le Premier ministre, avec la commission et avec la majorité sénatoriale qui est censée le soutenir ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Ne vous inquiétez pas, monsieur Mélenchon, tout va bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas que je le plaigne, mes chers collègues, mais je veux seulement acter ce moment. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) J'ai d'ailleurs d'autant moins de raison de le plaindre que, ce matin, il m'a fait une mauvaise manière ! (Nouvelles exclamations amusées sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Il est pourtant très sympathique !
M. Christian Demuynck. Oui, c'est étonnant !
M. Philippe Nogrix. C'est pourtant un fin stratège !
M. Jean-Luc Mélenchon. Dominez votre émotion, monsieur Nogrix, vous allez bientôt être informé...
Ce matin, je mettais en exergue le caractère brutal et injuste de la décision d'exclure a priori du champ de la négociation, à la fin du conflit, le paiement des heures de grève. Je soulignais qu'en agissant de cette manière vous préjugiez des responsabilités dans le déclenchement de la grève puisque, en toute hypothèse, celle-ci n'aura lieu qu'après que les multiples procédures de concertation préalable auront été mises en jeu, celles qui existaient déjà auparavant et celles que prévoit d'instaurer ce texte. Inscrire dans la loi que l'on ne négociera pas le paiement des heures de grève, cela revient à dire que ceux qui ont tort, de toute façon, ce sont les ouvriers !
M. Jean-Pierre Godefroy. Voilà !
M. Alain Gournac. De toute manière, vous êtes contre tout !
M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai rappelé en outre qu'il en coûte et qu'il en cuit de faire grève, contrairement à l'illusion que vous répandez sur ce sujet, chers collègues.
Quoi qu'il en soit, comme il n'était pas question de répondre à mon argumentation sur le fond, en dépit des innombrables clameurs qui ont accompagné mon intervention, le ministre a cru opportun d'affirmer que c'était la loi du 19 octobre 1982 qui avait institué l'obligation de ne pas payer les jours de grève. Et quelques-uns des membres de cette assemblée, dont notre respecté collègue Philippe Nogrix, d'en conclure que c'est la gauche qui avait diminué les droits des travailleurs !
J'ai répondu ce matin qu'il n'en était rien et que, si vous vouliez vous inscrire dans l'esprit de la loi de 1982, vous deviez offrir, en compensation des brutalités dont est « agrémenté » votre texte aujourd'hui, des dispositions aussi favorables aux travailleurs que celles des lois Auroux.
Vous avez balayé cet argument d'un revers de main et accrédité la thèse selon laquelle le ministre communiste chargé du travail à cette époque et le gouvernement de gauche des socialistes et des communistes auquel il appartenait, ainsi que les majorités des deux assemblées, auraient approuvé un dispositif visant à pénaliser les travailleurs.
Je veux donc, à cet instant, rétablir la vérité telle qu'elle est. La disposition que vous avez évoquée a été introduite par la loi du 19 octobre 1982 à l'article L. 521-6 du code du travail. Elle prévoit que le gréviste n'est pas payé exclusivement pour les seules heures de grève. Mais encore faut-il savoir que cet article représentait un progrès par rapport aux dispositions préexistantes, qui ne permettaient pas de déterminer si seules les heures de grève n'étaient pas rémunérées ou si la retenue portait sur la journée entière dès lors qu'elle avait été affectée par un mouvement fusse d'un quart d'heure.
De plus, cet article constituait un second progrès en ce qu'il excluait du champ des retenues de salaire les suppléments pour charges de famille entrant dans la rémunération des ouvriers. Cela signifie que, jusqu'alors, quand on faisait la grève, on ne pouvait être pénalisé au travers de ses enfants et de sa famille.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous !
M. Jean-Luc Mélenchon. Par conséquent, l'article précité représente un dispositif progressiste, qui a renforcé et non réduit les droits des travailleurs, au contraire de ce que vous êtes en train de faire actuellement. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est la raison pour laquelle j'ai dû rétablir la vérité à la suite des propos de M. le ministre sur la loi du 19 octobre 1982, qui constituaient bien une mauvaise manière à mon égard. Cependant, ce n'est rien à côté de celle que nos collègues de la majorité sénatoriale s'apprêtent à lui faire en votant l'amendement de la commission !
Nous leur demandons non pas de se rallier à nos arguments, mais seulement d'avouer quelles sont leurs intentions véritables et d'assumer la responsabilité politique de leur démarche.
M. Alain Gournac. Nous savons ce que nous avons à faire !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes en train, mes chers collègues, de transformer une victoire politique et électorale en une revanche sociale ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Outre que vous frappez, de façon très traditionnelle, sur les travailleurs, vous vous figurez, parce que vous êtes ici dans le confort d'une enceinte où l'on n'entend pas les clameurs de la rue (Rires sur les mêmes travées), ...
M. Alain Gournac. Oh là là !
M. Jean-Luc Mélenchon. ...que vous allez pouvoir, au détour d'un amendement, étendre l'application de vos dispositions anti-grève à l'ensemble de la classe ouvrière, à l'ensemble des transports publics et à l'ensemble des services publics, y compris l'éducation nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. On se croirait à un congrès socialiste !
M. Josselin de Rohan. C'est Jaurès qui parle !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote sur l'amendement n° 15 rectifié bis.
M. Pierre Laffitte. Je voudrais rappeler ici l'existence de la notion de continuité territoriale. À cette aune, il me semble que l'on peut légitimement espérer que les Corses ne soient pas plus mal traités que les Franciliens au regard du droit à un service minimum de transports publics.
En effet, ce service minimum, monsieur Mélenchon, concerne tout de même des millions de travailleurs, qui sont beaucoup plus nombreux que les personnels assurant le service public de transport, lesquels ne sont nullement privés du droit de grève mais privent du droit de travailler ceux qu'ils gênent par leurs mouvements de grève.
Une majorité de Français souhaitent que la liberté de travailler soit garantie. C'est de cela qu'il s'agit ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. Michel Houel. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. J'ai cru voilà un instant que nous assistions à une répétition du prochain congrès du parti socialiste. Ici, nous sommes au Sénat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je peux, moi aussi, faire de grands gestes, mes chers collègues ! Cela fera plaisir à tout le monde, et l'on n'entendra pas davantage ce qui se passe dans la rue, monsieur Mélenchon !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le congrès de l'UMP ici !
M. Alain Gournac. Je dis ce que je veux ! Ce n'est pas à vous de nous expliquer comment nous allons voter ! Nous faisons ce que nous voulons, c'est cela la démocratie ! (Rires sur les travées socialistes et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est joli, c'est remarquable !
M. Alain Gournac. Respectez la démocratie ! Mais, si vous y tenez, je peux moi aussi vous faire un numéro ! (M. Alain Gournac joint le geste à la parole, déclenchant l'hilarité sur les travées de l'UMP.)
Plus sérieusement, et s'agissant de la proposition de Mme le rapporteur, nous en avons bien entendu beaucoup parlé au sein de la commission.
Nous avons effectivement besoin d'un bilan, d'une évaluation de l'application du texte, afin de déterminer ce qui marche bien ou moins bien, de manière à pouvoir rectifier le dispositif, le cas échéant, dès le mois d'octobre 2008.
L'amendement prévoit en outre l'examen de l'opportunité d'étendre les dispositifs du présent texte aux autres modes de transport. Nous sommes favorables à cette proposition, et nous remercions Mme le rapporteur d'avoir retiré le dernier membre de phrase de son texte, qui visait manifestement un autre sujet. Nous en avons également parlé en commission : cela relève d'autres négociations et d'autres concertations.
Nous sommes donc favorables à la nouvelle rédaction de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour éclairer complètement la Haute Assemblée, en particulier MM. Alfonsi, Nogrix, Retailleau et de Rohan, je vais vous donner lecture d'une lettre que j'ai adressée hier à M. Bussereau, conformément aux engagements que j'avais pris devant vous, madame le rapporteur :
« Au cours du débat parlementaire au Sénat sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, la question de l'extension du dispositif aux transports maritimes pour la desserte des îles proches du littoral a été longuement évoquée.
« La Haute Assemblée a rejeté, suivant en cela l'avis du Gouvernement et de la commission spéciale, »- telle était bien hier votre position, madame le rapporteur - « les amendements correspondants.
« Toutefois, il apparaît que, dans un certain nombre de cas, les dessertes en cause constituent des missions de service public et des réponses à des besoins quotidiens, voire essentiels, de certains de nos concitoyens.
« Il me semble donc souhaitable d'engager rapidement des concertations sous votre égide avec les autorités organisatrices et les entreprises et les partenaires sociaux concernés, afin que ceux-ci, sur une base volontaire, puissent transposer au cas par cas et pour ces situations précises les principes posés par le projet de loi. »
Telle est la teneur du courrier que j'ai adressé hier à M. Bussereau, conformément à mes engagements.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. C'est très bien !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. C'est conforme à nos échanges !
M. Xavier Bertrand, ministre. Alors, conformons-nous à ce que vous aviez vous-même recommandé hier, madame le rapporteur, à savoir que le texte porte sur les seuls transports terrestres de voyageurs, respectant un principe auquel nous adhérons vous comme moi, celui de la concertation préalable.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Comme je l'ai indiqué, la question soulevée par la commission n'est certainement pas taboue. L'opposition du Gouvernement est avant tout due à un problème de méthode.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. Jean Desessard. Le Gouvernement est soutenu par la gauche !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, nous avons fait ce que nous avons pu ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui est d'accord avec qui ? C'est le congrès de l'UMP !
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3261-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3261-2. - L'employeur situé à l'intérieur de la zone de compétence de l'autorité organisatrice des transports dans la région d'Île de France prend en charge au moins 75 % du prix des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements accomplis au moyen de transports publics de personnes, entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Avec cet amendement, il s'agissait d'améliorer l'organisation des transports en commun.
J'aurais pu évoquer le sous-investissement dans les transports, le combat pour obtenir un matériel fiable, la sous-traitance des activités de maintenance, le recours croissant à l'intérim et les suppressions de postes. Avec cet amendement, notre ambition était d'apporter des solutions à ces problèmes.
J'aurais pu aussi décrire l'abandon des petites gares. Dans tout le département de l'Ardèche, il n'y a plus de desserte ferroviaire pour les voyageurs !
J'aurais pu enfin parler des transports trop chers, trop peu nombreux, trop focalisés sur les centres-villes ; du contrat de plan entre l'État et la région d'Île-de-France, qui est insuffisant ; de l'étalement urbain et de l'allongement des déplacements entre le domicile et le lieu de travail.
Mais cette argumentation destinée à améliorer les services publics ne correspond pas à l'esprit du projet de loi. Si je suis d'accord pour déposer des « cavaliers », il ne faudrait tout de même pas qu'ils aillent dans le sens contraire de la troupe !
Je retire donc l'amendement n° 58, car je ne vois pas l'intérêt d'amender une loi qui veut restreindre le droit de grève.
M. le président. L'amendement n° 58 est retiré.
L'amendement n° 59, présenté par M. Desessard et Mme Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 2531-2. - Dans la région d'Île-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique, à but non lucratif, dont l'activité est de caractère social, sont assujetties à un versement de transport. »
II. L'article L. 2333-64 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2333-64. - En dehors de la région d'Île-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité est de caractère social, peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun :
« 1º Dans une commune ou une communauté urbaine dont la population est supérieure à 10 000 habitants ;
« 2º Ou dans le ressort d'un établissement public de coopération intercommunale compétent pour l'organisation des transports urbains, lorsque la population de l'ensemble des communes membres de l'établissement atteint le seuil indiqué. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Là encore, c'était un amendement intelligent ! (Rires.)
Il avait pour but d'améliorer le service public de transport collectif, mais, comme j'estime que nous allons dans la mauvaise direction, c'est-à-dire vers une restriction du droit de grève, je me vois contraint de le retirer.
M. le président. L'amendement n° 59 est retiré.
L'amendement n° 60, présenté par M. Desessard et Mme Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les articles L. 3261-4 et L. 3261-5 du code du travail, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit ».
Monsieur Desessard, qu'en est-il de cet amendement ?
M. Jean Desessard. Monsieur le président, vous avez bien compris le sens de mes interventions ! Je vais donc retirer mon amendement, mais je souhaiterais revenir sur le débat qui nous opposait en fin de matinée et répondre à Mme Procaccia, ce que je n'ai pas pu faire puisque l'amendement n° 57, que je défendais, est tombé.
Cet amendement partait du principe, normal à mes yeux, qu'un un dirigeant d'entreprise devait être rémunéré en fonction de ses résultats et que, si un climat anti-social s'installait dans l'entreprise et que les jours de grève s'accumulaient, le dirigeant devait lui aussi en subir les conséquences.
M. Josselin de Rohan. C'est clownesque !
M. Jean Desessard. Mme Procaccia s'est demandé qui allait payer en cas de grève générale.
M. Jean Desessard. Je vais donc lui répondre : pour la grève générale de 1995, c'est Juppé qui a payé ! Et les députés de la majorité aussi, dans la mesure où un certain nombre d'entre eux n'ont pas été réélus à la suite de la dissolution !
Il y a donc bien eu paiement, madame le rapporteur.
M. Alain Gournac. C'est la démocratie !
M. Jean Desessard. Ensuite, alors que Dominique de Villepin était au plus haut dans les sondages, il y a eu l'épisode du CPE, et il est tombé au plus bas. Lui aussi a payé !
M. Alain Gournac. Et Jospin ? Battu !
M. Josselin de Rohan. Et Royal ? Battue, elle aussi !
M. Jean Desessard. Qu'y a-t-il d'anormal à ce que les dirigeants d'entreprise payent lorsqu'ils se montrent butés, bornés et anti-sociaux ? (Rires sur les travées du groupe CRC. -Protestations sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre, en homme habile et, à l'instar de notre Président de la République, en communicant chevronné, vous feignez de ne pas comprendre et vous me demandez s'il s'agit dans notre esprit de permettre aux dirigeants de faire grève. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
Vous le savez bien, monsieur le ministre, quand un dirigeant est fatigué, il va faire un golf, et aux frais de l'entreprise ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et exclamations sur les travées de l'UMP.) La situation n'est pas comparable, monsieur le ministre !
M. Josselin de Rohan. Les chansonniers, c'est aux Deux Ânes !
M. Jean Desessard. Et quand aujourd'hui un dirigeant échoue, vous le savez aussi, il part avec des indemnités qui correspondent à plusieurs années de travail d'un cadre. Je ne vois pas pourquoi un dirigeant ferait grève alors qu'il a de telles sources de satisfaction actuellement !
Si vous croyez comme moi à la persistance des rapports de force dans l'entreprise et à l'opposition entre capital et travail, vous êtes dans votre logique quand vous voulez récompenser un patron anti-social qui est dur avec ses ouvriers : au moins, il défend les intérêts du capital. Mais ici, vous nous expliquez que nous sommes en plein dialogue social, que tout va bien dans les entreprises, que les patrons sont gentils, et que seuls les ouvriers sont parfois méchants, assez méchants même pour faire grève. (Mme Gisèle Printz s'esclaffe.)
Pourquoi les ouvriers seraient-ils obligatoirement les responsables ? La faute peut aussi en incomber aux dirigeants !
M. Alain Gournac. Et c'est reparti !
M. Jean Desessard. Je ne vois pas pourquoi les primes d'un dirigeant ne seraient pas réduites si son entreprise connaît un nombre important de jours de grève. Ce raisonnement entre bien dans votre logique, et je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi mon amendement n'a pas été repris par la commission spéciale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Cela étant, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.
L'amendement n° 61, présenté par M. Desessard et Mme Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
En cas de perturbation du trafic causé par une grève, la préfecture est en droit de réquisitionner les services de mise à disposition de vélo en libre service.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement est relatif à la réquisition, en cas de grève, des services de mise à disposition de vélos. Je le retire bien évidemment : nous n'arriverons quand même pas à ce point de mobilisation générale ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 81, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre...
Organisation du service public des transports
par les autorités organisatrices des transports
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, si vous le permettez, je souhaiterais défendre en même temps les amendements nos 79, 80 et 82, qui procèdent de la même logique.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Michel Billout. Depuis de nombreuses années, l'État se dessaisit de façon croissante de la question des transports publics. Les autorités organisatrices des transports sont aujourd'hui les collectivités territoriales, et non plus le pouvoir central. Elles ont pour mission l'organisation au quotidien du service public des transports. Mais nous ne pouvons que constater que les dotations étatiques versées pour remplir cette mission n'ont pas été la hauteur, malgré l'importance du service concerné.
Les régions ont pourtant fait le choix d'investir massivement dans ce secteur, comme cela a été le cas en Île-de-France. L'arrivée de la région au Syndicat des transports d'Île-de-France a ainsi permis des investissements conséquents, notamment en termes de matériels, et une politique d'accès ambitieuse avec la réforme du zonage et le principe de gratuité pour les plus démunis.
Ces mesures constituent des avancées importantes pour améliorer la qualité du service public et à mieux garantir sa continuité.
Cependant, la question des nouveaux financements pour les transports publics continue de se poser ; il s'agit là d'une question qui relève de la compétence du législateur.
Aujourd'hui, il faudrait notamment que le versement transport des entreprises augmente, que l'État se réengage massivement, que le Fonds d'aménagement de la région Île-de-France revienne au conseil régional, mais également que les plus-values immobilières soient taxées et que les secteurs du transport routier et aérien soient mis à contribution.
Dans cet esprit, et parce que ce projet de loi pointe clairement le rôle des autorités organisatrices en temps de grève ou autre perturbations prévisibles, nous avons souhaité élargir le champ de ce texte en créant un nouveau titre. Il s'agit de définir des règles destinées à améliorer, notamment au niveau régional, l'organisation du service public des transports, et donc à garantir une meilleure continuité de ce service.
Un premier amendement a pour objet d'insérer un article additionnel dont la finalité est de contraindre les autorités organisatrices à inclure des critères de qualité de services, sociaux et environnementaux, afin d'élever la fiabilité et la prévisibilité des services. Le règlement européen sur les obligations de service public permet en effet l'intégration de tels critères en faveur du maintien et de l'élévation de normes de qualité.
L'intérêt de ces nouveaux critères pour la qualité du service est évident. En effet, lorsque les conditions de travail sont satisfaisantes, la qualité s'en ressent et la conflictualité baisse significativement, ce qui limite le recours à la grève.
Par ailleurs, l'impératif de développement durable impose l'existence de critères environnementaux dans les contrats de délégation de service public des transports. Je crois que personne ici ne le contestera.
Nous estimons donc qu'un tel article se justifie par la volonté de combattre toute tentation des autorités organisatrices de transport de favoriser les moins-disants sociaux ou environnementaux.
Ensuite, avec l'amendement n° 80, nous vous proposons également d'introduire un autre article additionnel dont l'objet est de créer un lieu de concertation et de dialogue direct entre les autorités organisatrices et les organisations syndicales représentatives.
Il apparaît en effet opportun qu'une discussion directe soit possible entre l'autorité qui organise le service public des transports et les personnels qui mettent en oeuvre au quotidien ce service.
D'une part, ce dialogue - car il ne s'agit bien que de cela - permettrait d'associer pleinement les personnels aux objectifs visés par la région en termes de politique des transports.
D'autre part, nous estimons qu'un tel lieu serait de nature à prévenir la conflictualité au sein des entreprises de transport.
Pour finir, avec l'amendement n° 82, qui est un amendement d'appel, nous souhaitons soulever la question de la sous-traitance. En effet, le développement de cette pratique nuit considérablement à la qualité du service, et peut parfois être une cause de discontinuité et de conflictualité. Il s'agit donc de responsabiliser les groupes sur les conséquences des opérations de sous-traitance.
Nous estimons également que les représentants du personnel doivent avoir connaissance des clauses de sous-traitance, ce qui permettrait d'anticiper toute cause de conflits.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir adopter ces amendements.
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les autorités organisatrices des transports doivent incorporer dans les contrats qu'elles passent avec les opérateurs des critères de qualité de services (sociaux et environnementaux), afin d'élever la fiabilité et la prévisibilité des services et par conséquent permettre une meilleure continuité du service public.
Cet amendement a été défendu.
L'amendement n° 80, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Un espace de concertation est créé entre les autorités organisatrices de transports, les entreprises de transport public et les organisations syndicales des salariés. Il a pour obligation d'être réuni avant toute conclusion ou révision des conventions d'exploitation.
Il a pour objectif d'examiner la faisabilité des dispositions de la dite convention avec les conditions de travail, le niveau d'emploi et les conditions sociales des salariés. Les représentants des salariés sont dégagés par l'entreprise pour conduire leur mandat sur les questions se rapportant à cet espace de dialogue social.
Cet amendement a été défendu.
L'amendement n° 82, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les groupes de transport public ne peuvent sous-traiter l'exercice des missions de service public qu'ils se voient confier sans avoir procédé auparavant à une négociation de nature à faire appliquer les conditions sociales les plus favorables. Les clauses de sous-traitance sont portées à la connaissance du comité d'entreprise de la maison mère du groupe et du comité de groupe et font l'objet d'une consultation de ces instances.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 81, 79, 80 et 82 ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Sur l'amendement n° 81, l'avis est défavorable : la commission ne voit vraiment pas l'utilité d'insérer dans le texte une division additionnelle.
L'amendement n° 79 est relatif aux critères environnementaux et sociaux. Or, il est déjà possible pour les collectivités de les intégrer dans leurs cahiers des charges. Un tel amendement ne perturberait-il pas le cadre déjà existant ? Je sollicite l'avis du Gouvernement sur ce point.
Il en va de même pour l'amendement n° 80, car je me demande si les dispositions proposées sont bien conformes au principe de l'appel d'offres.
Enfin, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 82 qui est, comme vous l'avez vous-même souligné, mon cher collègue, un amendement d'appel sur le problème des conditions de travail dans les entreprises sous-traitantes par rapport à celles qui prévalent dans les grands groupes.
Il s'agit d'une véritable question, et de surcroît complexe. Je pense qu'elle dépasse le champ des seuls transports publics. À mon sens, ce type d'amendement doit être envisagé plutôt dans le cadre des discussions sur les conditions de travail dans les PME et dans les grandes entreprises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements, sauf sur l'amendement n° 79, sur lequel je partage les interrogations de Mme Catherine Procaccia. Je m'en remettrai donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 79 ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Sagesse !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.
Je mets aux voix l'amendement n° 80.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Intitulé du projet de loi
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :
Projet de loi relatif à l'instauration d'un service minimum dans les transports publics et portant atteinte au droit de grève
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Au terme de ce débat, force est de constater que les objectifs d'amélioration du dialogue social et de continuité du service public des transports affichés dans l'intitulé du projet de loi sont restés lettre morte dans le corps du texte.
Ce projet de loi est inutile et inefficace : il ne permettra pas de répondre aux attentes légitimes des usagers en termes de qualité du service public au quotidien.
On attendait d'un tel texte qu'il pose la question des financements à mettre en oeuvre pour développer et améliorer le service public des transports et qu'il garantisse l'application des textes en vigueur, telle l'obligation de négocier pendant la durée du préavis de grève. Or, tout au contraire, les dispositions proposées mettent en danger le bon déroulement du dialogue social et constituent une atteinte inadmissible au droit de grève.
La multiplication des contraintes dans l'exercice de ce droit ainsi que les sanctions dont sont menacés les salariés, visent à affaiblir ce droit constitutionnellement reconnu. L'obligation de déclarer son intention d'être gréviste quarante-huit heures avant le début du mouvement altère l'exigence de libre consentement du salarié dans l'exercice collectif du droit de grève. Cette disposition est symptomatique de l'esprit du texte.
Ces mesures risquent de détériorer le climat social au sein de l'entreprise. Or seuls le dialogue social et la négociation libre des différents acteurs permettent de développer des relations de confiance entre l'entreprise et ses salariés. Sans cette confiance, l'objectif de prévisibilité ne pourra être atteint, et cela ne manquera pas d'avoir des conséquences la situation des usagers.
Outre le fait qu'il est incompatible avec la Constitution, le projet de loi est en contradiction flagrante avec les engagements internationaux de la France et la jurisprudence internationale de l'Organisation internationale du travail, qui rappelle que le droit de grève « est un des moyens essentiels dont disposent les salariés et les syndicats pour défendre leurs intérêts et le service minimum ne peut être imposé, sauf aux besoins essentiels au sens strict, c'est-à-dire ceux qui mettraient en danger la vie ou la santé des personnes ».
Les explications du Gouvernement pour justifier les nécessaires atteintes au droit de grève sont très éloignées de ces exigences, vous en conviendrez.
En conséquence, vous comprendrez que la cohérence et la transparence commandent de modifier l'intitulé du projet de loi afin qu'il reflète exactement ce à quoi il procède. Nous vous proposons donc d'intituler ce texte : « Projet de loi relatif à l'instauration d'un service minimum dans les transports publics et portant atteinte au droit de grève ». (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par M. P. Dominati est ainsi libellé :
Dans l'intitulé du projet de loi, après les mots :
transports terrestres
insérer les mots :
et aériens
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 24, présenté par M. Nogrix est ainsi libellé :
Compléter l'intitulé du projet de loi par les mots :
avant extension aux autres moyens de transport
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous vous en souvenez, mon collègue de Corse et mon collègue de la Vendée ont déposé des amendements sur l'article 1er - j'étais moi-même intervenu pour la Bretagne - visant à étendre aux transports maritimes les dispositions proposées pour les transports terrestres, car les usagers en ont besoin pour aller travailler, se rendre à l'hôpital, au collège, pour ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aller faire leurs courses, partir en vacances !
M. Philippe Nogrix. ... se rendre dans divers endroits sur le continent ou, inversement, pour se rendre du continent sur l'île. Et toute perturbation dans ces transports maritimes est source de désagréments importants.
Il me paraît donc intéressant de modifier l'intitulé du projet de loi, monsieur le ministre, afin de m'assurer que les dispositions qui nous sont soumises seront bien étendues aux autres moyens de transport. Cela me semblerait juste pour tous les citoyens.
Lorsqu'une disposition est inscrite dès l'intitulé d'une loi, elle a plus de chances d'être suivie d'effet. Je vous propose donc, mes chers collègues, de montrer que vous êtes tous avec les Bretons, qui dépendent de la mer. N'oubliez pas que la France est un pays maritime.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De moins en moins !
M. Philippe Nogrix. Nous devons défendre sa façade maritime, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On n'a plus de bateaux français !
M. Philippe Nogrix. ... de façon à permettre à ceux qui vivent sous ces climats difficiles - vous savez les uns et les autres ce que c'est de vivre sur une île - d'être reliés au continent. Cela me semble être une démarche républicaine.
Je compte donc sur vous, mes chers collègues, pour appuyer ma demande !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 67.
Sur l'amendement n° 24 de M. Nogrix, je m'en remets à la sagesse de mes collègues. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. J'ai l'impression qu'il s'agit du même débat qu'à l'instant !
Je suis défavorable à l'amendement n° 67.
S'agissant de l'amendement n° 24, excusez-moi, madame le rapporteur, mais vous ne pouvez pas modifier l'intitulé du texte dans ces conditions, ce n'est pas possible. Tout à l'heure, ce n'était qu'un rapport, une évaluation, mais maintenant, c'est l'intitulé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le rapporteur est dans sa logique, monsieur le ministre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Son amendement a été voté par l'UMP !
M. Philippe Nogrix. Merci, chers collègues ! Vous êtes tous invités en Bretagne : vous pourrez toujours gagner les îles à la nage ! (Sourires.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de nos travaux sur ce projet de loi relatif au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Nos débats nous ont permis d'aborder franchement tous les sujets, dans un esprit de dialogue dont nous vous savons gré, monsieur le ministre.
Permettez-moi également de souligner la qualité du travail mené par la commission spéciale, les nombreuses auditions auxquelles elle a procédé, sous la présidence de notre collègue Charles Revet, et ce dans un temps relativement court et dans un excellent climat.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. C'est vrai !
M. Alain Gournac. En conséquence, les amendements proposés par notre excellente collègue rapporteur, Mme Catherine Procaccia, ont permis d'améliorer le projet de loi qui nous était soumis.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur le contenu du texte d'origine : c'était l'objet de la discussion générale, à laquelle les sénateurs du groupe UMP ont largement participé, et de façon constructive, témoignant de la diversité des situations.
En revanche, je souhaite rappeler les principaux amendements que nous avons adoptés, sur l'initiative de Mme Procaccia, et qui ont enrichi le texte.
Je citerai l'incitation pour les partenaires sociaux à conclure un accord de branche ; la définition dans le projet de loi de ce que sont les perturbations prévisibles ; l'institution, en cas de grève, d'un médiateur ; la définition de niveaux de service en cas de perturbations afin d'accorder le mieux possible les moyens disponibles aux besoins des usagers ; la clarification de l'information des usagers ; l'effectivité de l'indemnisation et, enfin, l'instauration d'un bilan d'évaluation détaillé.
Au total, mes chers collègues, nous allons adopter une loi-cadre qui encourage le dialogue social avant la grève, sans pour autant limiter le droit la grève, et qui permettra de mieux assurer les déplacements de nos concitoyens en cas de perturbations.
Ainsi, parce qu'il est convaincu que ce texte renforcera le dialogue social, qu'il rendra effectif un service certes réduit, mais organisé en cas de perturbations, qu'il ne porte aucunement atteinte au droit de grève et qu'il répond aux attentes de nos concitoyens au plus près des nécessités locales, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque jour, plus de 15 millions de personnes utilisent les transports publics. Ce sont pour la plupart des travailleurs, et parmi les plus défavorisés. Je pense en effet que les travailleurs les plus aisés peuvent trouver d'autres moyens de transport, que ce soit un taxi ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un chauffeur !
M. Pierre Laffitte. ...ou une voiture avec chauffeur ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une calèche, une chaise à porteurs, un pousse-pousse !
M. Pierre Laffitte. Les usagers des services publics supportent de plus en plus mal les grèves à répétition, qui les empêchent de remplir leurs obligations professionnelles. On ne peut pas nier que la majorité des Français réclament avec force la mise en place d'un service minimum, mais dans le respect du droit de grève. Notre assemblée a, je pense, cherché, à la demande de Mme le rapporteur, de la commission et de M. le ministre, ce délicat équilibre entre deux nécessités, celle de garantir à chacun le droit d'aller travailler - la liberté d'aller et venir, tout simplement - et celle de ne pas porter atteinte au droit de grève.
Monsieur le ministre, vous proposez à la fois de favoriser le dialogue social et de mettre en oeuvre un service garanti en cas d'échec de la négociation. Notre assemblée a donné suite à vos propositions et a même amélioré votre texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle l'a plutôt aggravé !
M. Pierre Laffitte. Nous sommes évidemment favorables à ces mesures.
L'obligation de négocier permet en effet d'inverser la tendance qui consiste à considérer la grève comme un préalable au dialogue et non comme la solution ultime en cas d'échec de la négociation. Cette disposition évitera, je l'espère, bon nombre de grèves.
S'agissant de la mesure qui garantit un service minimum, c'est-à-dire un service réduit, mais connu par avance, je ne peux que m'en féliciter, car elle respecte le droit des usagers et la liberté d'aller travailler.
J'émets le voeu que ce texte, après de multiples tentatives infructueuses tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, apporte enfin une solution aux nombreux conflits qui paralysent la France chaque année.
L'attente de nos concitoyens en matière de continuité du service public nous engage à adopter ce projet de loi.
Certains regrettent que ce texte exclue les transports maritimes, notamment. Et ces transports vont se développer, en particulier sur la façade méditerranéenne, où l'on envisage des services de plus en plus nombreux afin d'éviter les encombrements sur les routes. Plusieurs de mes collègues se sont d'ailleurs exprimés à ce sujet. Néanmoins, la majorité des sénateurs du RDSE voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici maintenant appelés à voter ce projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Vous ne serez pas surpris que, en cohérence avec l'ensemble de nos interventions, nous rejetions un tel texte, car, loin de répondre aux exigences des usagers, qui réclament la mise en oeuvre d'un service public fiable et performant, il entérine une atteinte sans précédent au droit de grève.
En effet, de continuité, il n'est pas question dans ce texte. Celle-ci suppose principalement la mise en oeuvre d'un plan de financement ambitieux en faveur des infrastructures, du renouvellement du matériel et d'une présence humaine renforcée. Sans moyens, le nombre de perturbations ne peut qu'augmenter, et ce alors même que le nombre de jours de grève décroît sensiblement. Les grèves ne représentent en effet que 2 % des perturbations à la SNCF.
Il n'est pas non plus question de dialogue social dans ce texte. La loi, acte unilatéral, impose non seulement le principe de la négociation et son périmètre, mais également le délai durant lequel celle-ci doit se dérouler. Comble du ridicule, ce projet de loi rend caducs les accords de prévisibilité qui avaient vu le jour à la SNCF et à la RATP.
Ce texte, nous l'avons dit, est inutile, voire dangereux. Il ne constitue plus alors qu'une attaque en règle du droit de grève, droit pourtant constitutionnellement reconnu et garanti.
Certains sénateurs de la majorité ont même été tentés de renforcer ces atteintes condamnables, et condamnées par tous les ordres de juridiction. Notre assemblée n'a heureusement pas voté ce qui était proposé en ce sens. Cela étant dit, tel qu'il a été amendé par la commission, ce texte reste une atteinte caractérisée au droit de grève.
En effet, les mesures phare de ce texte demeurent : la déclaration préalable de grève quarante-huit heures avant le début du mouvement, ainsi que la consultation des salariés sur la poursuite de la grève huit jours après son commencement, organisée par la seule entreprise.
Toutes ces dispositions n'ont qu'une seule finalité, isoler les grévistes pour rendre plus difficile l'exercice collectif du droit de grève.
Par ailleurs, le mécanisme de notification et de négociation préalable imposé à l'article 2 ne sert qu'à allonger la durée du préavis et se comprend en liaison avec l'article 3 qui interdit les préavis glissants. Il s'agit donc de rendre difficile l'exercice du droit de grève en l'interdisant même durant certaines périodes.
Pour finir, les notions de services essentiels et de dessertes prioritaires sont d'une telle subjectivité qu'elles laissent la porte ouverte à toutes les interprétations. En confiant aux régions la responsabilité de définir le service minimum et, par conséquent, les modalités d'exercice du droit de grève, il s'agit d'éclater la définition du droit de grève au niveau régional pour l'affaiblir. Il s'agit encore une fois pour le Gouvernement de se décharger de sa responsabilité sur les régions.
Le gouvernement auquel vous appartenez est donc décidé, sous couvert de service minimum, à revenir sur le droit de grève pour lui retirer toute consistance.
Dans ce sens, à peine les débats avaient-ils commencé que le Premier ministre prônait déjà l'élargissement du champ d'application de ces mesures, notamment à l'éducation nationale.
La volonté du Gouvernement est donc limpide. Il s'agit de revenir sur l'ensemble des acquis sociaux et, si possible, en passant par de nouvelles lois.
Quelle contradiction pour des libéraux qui prônent pourtant sans cesse les vertus de la liberté contractuelle ! Ces contradictions flagrantes devraient pousser les membres du Gouvernement à un peu de pragmatisme. Celui-ci vous conduirait naturellement à accéder à l'idée d'un bilan sur l'ensemble des lois de déréglementation et de libéralisation.
Sur la forme, nous regrettons le caractère polémique et démagogique dont ont fait preuve le président de la République et le Gouvernement dans la présentation de ce texte.
L'article 9 sur le non-paiement des jours de grève, aggravé dans des conditions plus que regrettables que nous avons fortement dénoncées au cours des débats, est scandaleux ; quel populisme ! Laisser entendre que les salariés des transports sont payés lorsqu'ils décident d'user de leur droit constitutionnel est inacceptable !
L'interdiction absolue de négocier les accords de fin de conflit est une véritable déclaration de guerre du Gouvernement et de sa majorité aux salariés.
Nous l'avons dit et répété, la grève est un choix lourd, y compris financièrement, auquel les salariés sont trop souvent contraints par la politique menée par le Gouvernement, directement inspirée par le MEDEF et toujours mise en oeuvre par les directions d'entreprise.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen mettent alors un point d'honneur à défendre cet acquis du mouvement social et républicain dont la valeur prend tout son sens quand les hommes politiques au pouvoir n'ont qu'un seul souhait, celui de faire de la loi de marché la règle absolue de vie au sein de la cité et de priver les citoyens de toutes leurs libertés.
Quand l'intérêt général pèse si peu face aux intérêts des multinationales, alors le droit de grève est un droit utile, et même indispensable, pour que chaque individu salarié puisse exercer sa citoyenneté en tout lieu, et notamment au sein de l'entreprise.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Depuis déjà trois ans, les différents gouvernements de droite utilisent les mots « dialogue social » en toutes circonstances, comme le frontispice de leur action en matière de législation du travail.
Cette formule a déjà servi à bien des manoeuvres, comme, par exemple, la suppression de la hiérarchie des normes en droit du travail, qui induit une fragmentation des accords et place l'employeur en position favorable dans la négociation d'accords d'entreprises disparates.
Comme les autres, ce projet de loi met en avant le dialogue social. Mais il suffit de lire le texte du projet de loi pour voir qu'en fait tous les obstacles sont judicieusement posés pour que le dialogue n'aboutisse pas. Le délai, tout d'abord, ridiculement court, que vous prétendez imposer, non pas pour engager des négociations, mais pour aboutir à un accord-cadre de prévention des conflits. Vous savez fort bien pourtant qu'il a fallu dix-huit mois à la RATP et à la SNCF pour aboutir à un tel accord.
Dans le cas de l'accord-cadre comme du plan de transport et de l'accord de prévisibilité, les conditions que vous mettez sont telles que vos véritables intentions sont évidentes : qu'un décret en Conseil d'État fixe les règles de la négociation, que le représentant de l'État fixe le plan de transport adapté, que l'employeur seul définisse le plan de prévisibilité.
Le dialogue social n'est pour vous qu'une formule creuse destinée à masquer aux yeux du public l'autoritarisme de votre démarche.
Depuis plusieurs semaines, nul en France ne peut plus ignorer que le Sénat examine un texte sur le service minimum. Vous avez mis en place un intense battage médiatique. D'un certain point de vue, nous ne nous en plaignons pas : le Sénat est sous les feux de la rampe. Mais demandons-nous plutôt pour faire quoi ? J'espère d'ailleurs que nos débats d'aujourd'hui seront repris !
L'opinion publique croit sincèrement que nous sommes en train de mettre en place un service minimum. Mais comment le pourrions-nous, et qu'entend-on par service minimum ?
En réalité, vous proposez seulement un service restreint, contractuel dans l'entreprise et avec les collectivités territoriales, et surtout un service hypothétique.
La référence à des plans de transport à plusieurs niveaux en est l'illustration. Si, dans une entreprise, le conflit est tellement dur qu'il y a 90 % de grévistes, il n'y aura plus de service du tout. Mais cela, vous vous gardez bien de l'exposer à la presse. Nous sommes devant un non-sens digne du meilleur humour anglais.
Pour les collectivités territoriales et les entreprises, l'usine à gaz que vous mettez en place va constituer un nouveau nid de contraintes et être la source de contentieux. En fonction de quels critères les autorités organisatrices vont-elles fixer les priorités de desserte ? Comment définira-t-on l'atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir ? Imagine-t-on le remboursement des titres de transport à des centaines de milliers de personnes ? Comment mettre en place ce dispositif ? À quel coût ?
Il manque une étude d'impact sur les coûts induits pour les collectivités territoriales et les entreprises par votre texte.
En fait - mais il faut attendre la fin du projet de loi pour que les choses soient enfin dites clairement -, votre texte n'est qu'une attaque frontale contre le droit de grève dans les services publics.
Pression sur les salariés qui ont l'intention de se mettre en grève, consultation pour diviser les salariés, menace d'extension du dispositif aux autres services publics, et vous avez soutenu l'adoption d'un amendement controversé de Mme Procaccia tout à l'heure : c'est dire l'état d'esprit de votre majorité ! Tout est fait pour multiplier les entraves à l'exercice du droit de grève, et ce au nom des usagers qui ne savent même pas ce qui se fait en leur nom.
Il est regrettable que le Gouvernement n'accorde pas autant d'attention aux usagers quand il s'agit de démanteler les services publics indispensables comme la distribution d'énergie, la poste, l'hôpital, etc.
En réalité, ce projet de loi n'est qu'un élément de plus de la mise en place d'une société dont les bases sont l'inégalité et l'autoritarisme. Il est ultralibéral dans ses ressorts économiques, et antisocial.
L'intérêt de l'usager est l'alibi d'une attaque frontale contre le droit de grève, d'abord dans les transports, après une vraie campagne médiatique, ensuite plus subrepticement dans tout ce qui touche les services publics, comme nous l'avons vu précédemment.
L'amendement n° 14 rectifié de Mme Procaccia, sur lequel vous avez émis un avis favorable, monsieur le ministre, est certainement l'attaque frontale la plus dure menée contre le droit de grève depuis bien longtemps. C'est une véritable déclaration de guerre aux organisations syndicales et aux salariés.
Il est par ailleurs paradoxal et significatif que le secrétaire d'État chargé des transports n'ait pas été auditionné et se soit si peu passionné pour ce texte. (M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement proteste.) Cela démontre que l'objectif visé par le Gouvernement est de retreindre les libertés syndicales - votre mission - ainsi que le droit de grève, mais pas de régler 90 % du problème et le fonctionnement quotidien des transports publics.
Pour conclure, je voudrais rappeler les propos tenus par M. Pierre Mazeaud, alors président du Conseil constitutionnel, lors de la cérémonie d'échange des voeux avec le Président de la République, en janvier 2006.
Je n'ai pas l'habitude de citer M. Mazeaud, mais il avait alors centré son discours sur le thème de l'intérêt général, et ses propos me semblent s'appliquer parfaitement à la situation actuelle. Il disait ceci : « La griserie de l'annonce l'emporte bien souvent sur les contraintes austères de l'arbitrage et de la prévision. La protestation d'intention supplante bien souvent l'étude de l'impact réel, la pesée des inconvénients et des avantages, l'anticipation des conséquences indirectes ou des effets pervers. D'où ces lois d'affichage dont on mesure après coup les conséquences décevantes ou inopportunes » - on pourrait dire aujourd'hui « catastrophiques » !
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, je veux d'abord remercier la présidence de la bonne tenue des débats, même si je regrette la suspension de séance un peu longue hier après-midi , pour des raisons d'organisation.
Je voudrais aussi remercier M. le président et Mme le rapporteur de la commission spéciale pour la bonne ambiance qui a régné au sein de cette dernière.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Merci !
M. Jean Desessard. Toutefois, je ne peux que regretter l'affaire des quatre procurations qui sont arrivées ce matin au dernier moment et l'information partiale, partielle.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Allons donc !
M. Jean Desessard. C'est dommage, car j'aurais vraiment aimé dire que tout allait bien dans la tenue des travaux de la commission spéciale !
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. C'est dommage que vous ajoutiez cela, monsieur Desessard !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la vérité !
M. Jean Desessard. Je remercie M. le ministre d'avoir pris le temps de répondre. J'ai pu admirer son habileté, son sens de la communication. Voilà pour la forme !
Sur le fond, il n'est pas facile pour un écologiste social (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.) ...
M. Josselin de Rohan. Cela existe ?
M. Jean Desessard. Eh oui ! Il n'est pas facile, disais-je, pour un écologiste social d'examiner un texte sur la continuité du service public puisque nous sommes attachés à la fois aux droits sociaux et au bon fonctionnement des services publics de transport que nous encourageons les gens à utiliser.
Je dois dire que je ne penchais pas en faveur du texte, que j'avais qualifié, dans mon intervention lors de la discussion générale, de démagogique, d'inefficace et de vaniteux.
Il est démagogique, parce que l'on fait croire qu'il instaure un service minimum alors que l'on sait qu'il n'en est rien, faute de réquisition.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. C'est extraordinaire !
M. Jean Desessard. On fait croire que les salariés sont payés les jours de grève alors qu'il s'agit de quelques rares exceptions pour permettre la sortie de conflit.
Vous faites donc valoir ce texte auprès de la population sans apporter de véritable réponse.
Ce texte est inefficace, parce que, au lieu de partir des deux acquis que sont les contrats conclus à la RATP et à la SNCF, vous voulez maintenant les modifier et aller plus loin.
En ne tenant pas compte du nombre de grévistes, de non-grévistes et du matériel, vous imaginez un plan virtuel en dehors de toute réalité. Non seulement vous imaginez un plan B, mais vous prévoyez un plan C avec 30 % de grévistes, un plan D avec 45 %, un plan F avec 70 % ... Vous n'allez jamais vous en sortir ! Heureusement, nous serons là pour vous aider, et même pour vous remplacer dans quelques années ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Enfin, ce texte est vaniteux, parce qu'il prétend résoudre tous les problèmes, qu'il s'agisse du climat ou des grèves. Or vous savez très bien que son incidence sera très faible, notamment sur les grèves émotionnelles dues à des agressions d'usagers ou de personnels, qui ne pourront pas être déclarées.
On peut considérer que la majorité s'est amusée à faire un château de sable dont elle est fière, à l'image des Français qui sont aujourd'hui sur les plages, et que ce n'est pas grave puisqu'il ne durera que le temps d'une marée.
En réalité, et les débats l'ont révélé, ce texte va beaucoup plus loin. Il est certes démagogique, inefficace et vaniteux, mais il est également sournois,...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Quel vocabulaire développé !
M. Jean Desessard. ...parce qu'il attaque en réalité le droit de grève. Bien sûr, peu de lignes du projet de loi y sont consacrées, mais c'est pourtant l'essentiel. Vous avez beau dire le contraire, c'est une réalité !
Ce texte est encore hypocrite,...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Ah !
M. Jean Desessard. ...puisque vous envisagez d'étendre ses dispositions à d'autres domaines. M. Fillon a évoqué l'enseignement ; les transports maritime et aérien, les services postaux et d'autres services publics ont également été cités.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Malheureusement, il y en a de moins en moins !
M. Jean Desessard. Pourquoi ? Parce que M. Sarkozy a, comme on dit, décomplexé la droite, et que la majorité décomplexée du Sénat veut tout de suite aller plus loin. Le ministre a eu le plus grand mal à calmer tout le monde, mais vous verrez la semaine prochaine que le débordement aura lieu !
En effet, le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat est de nature idéologique. Il traduit la volonté d'une droite décomplexée qui, pour être à armes égales avec les autres pays dans la compétition mondiale, considère que les syndicats sont gênants, qu'ils freinent le changement, de même que le code du travail,...
M. Philippe Nogrix. Allons !
M. Jean Desessard. ...et qu'il faut laisser faire les entrepreneurs ! En politique, et il n'y a aucun mal à le constater, il existe une logique libérale et une logique qui tient à conserver les acquis sociaux. Vous êtes dans une logique libérale...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ultralibérale !
M. Jean Desessard. ...et, comme dirait M. Mélenchon, il suffit que vous le disiez ! (Mme Isabelle Debré s'exclame.)
Chers collègues de la majorité sénatoriale, que chacun d'entre-vous se regarde dans un miroir et dise : je suis un vrai libéral, je suis pour que le code du travail soit cassé, pour que les syndicats soient cassés, parce que je veux que les riches s'enrichissent et que la main-d'oeuvre soit docile !
La vraie réponse, justement, est de ne pas se précipiter dans la compétition, dans la concurrence mondiale, mais d'essayer de créer une harmonie mondiale des rapports de collaboration. En d'autres termes, alors que la tendance est à ne plus supporter le moindre grain de sable, à ne plus supporter dix minutes de retard, à ne plus supporter de manquer une journée de travail, il faut revenir à une autre façon de faire, à une autre mentalité, à un autre projet de société.
Mes chers collègues de droite, réfléchissez bien à un point. Vous avez introduit dans ce projet de loi le préavis individuel de grève. Cela signifie que vous accentuez le côté déjà très individualiste de notre société. Vous apportez là une mauvaise réponse à tous les problèmes que rencontrent les services publics. Encore aujourd'hui, ce qui fait la force des services publics - et pas seulement des agents de la SNCF, mais aussi des corps de métier comme les policiers, comme les pompiers et bien d'autres -, c'est la solidarité entre les salariés, qui leur permet d'affronter les crises de notre société. C'est justement grâce à ces corps constitués que nous pouvons combattre les incivilités. Or, en individualisant les gens, c'est-à-dire en en faisant des citoyens isolés et non plus des travailleurs solidaires, vous risquez de renforcer l'individualisme de notre société, de démobiliser des corps constitués qui sont encore les seuls à pouvoir maintenir une cohésion et, précisément, à lutter contre les incivilités de cette société. Je pense que vous prenez là une grave responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se place dans la droite ligne de celle de M. Jean-Pierre Godefroy, notre chef de file en ce débat, avec son accord.
J'ai eu l'occasion d'exposer l'idée selon laquelle nous participons en cet instant à un classique des alternances, qui vaut d'ailleurs, il faut bien le dire, non pas seulement en France mais dans le monde entier : lorsque la droite gagne, elle doit chercher à prendre une revanche sociale, et elle le fait généralement en s'en prenant aux organisations syndicales.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Pas du tout !
M. Jean-Luc Mélenchon. Pour une raison que je ne m'explique pas, vous cherchez à adoucir les bords d'une politique anguleuse de manière à obtenir ce que l'on nomme ailleurs la « mithridatisation » : à force d'absorber de petites doses de poison, on finit par y devenir insensible.
La droite a voulu faire croire que nous ne discutions que d'une seule et unique chose, le transport terrestre public, et encore sans même l'étendre aux communications avec les îles ; ce point est d'ailleurs, à ses yeux, la démonstration de sa « bénévolence » absolue en la matière.
Pourquoi n'assumez-vous pas, mes chers collègues, ce que votre loi signifie politiquement ? Ce sera l'énigme de ce débat au Sénat !
Pourtant, le Premier ministre a indiqué que, si tout se passait bien, ce serait également appliqué à d'autres secteurs ; on nous objecte que ce n'est que le Premier ministre.
La commission spéciale du Sénat a donc proposé d'anticiper à cet égard. Mais il lui a été répondu qu'il n'en était pas question, que le ministre était d'un autre avis.
Qu'en est-il vraiment ? Commençons par le président de la République, dont les intentions sont parfaitement claires : il ne s'en est pas caché, et je rends hommage à sa clarté politique. M. Nicolas Sarkozy a déclaré à Agen, le 22 juin 2006 : « À celui qui est contre la grève obligatoire imposée par une minorité, je propose la démocratie par l'organisation obligatoire d'un vote à bulletin secret dans les huit jours qui suivront tout déclenchement d'un mouvement social. » (Murmures d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C'est ce que nous avons prévu !
M. Christian Cointat. C'est très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Retenez-vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le président de la République ne connaît rien à l'entreprise !
M. Jean-Luc Mélenchon. Dans ce texte, il n'est question à aucun moment des transports terrestres ou du service public : il est question d'un « mouvement social » en général.
D'ailleurs, M. Xavier Bertrand, alors porte-parole du candidat de l'UMP, a également été très clair en janvier dernier, expliquant ceci à propos de la déclaration de M. Sarkozy : « Ces nouvelles règles s'appliqueront d'abord dans les entreprises en charge d'un service public, dans les universités et dans les administrations. » Avec ce projet de loi, nous avons le « d'abord », mais il manque les universités et les administrations.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mes sources ? Un entretien que vous avez accordé à La Tribune, publié le 29 janvier 2007.
Mme Rachida Dati, qui était également porte-parole du candidat, s'est par ailleurs exprimée ainsi : « Le vote à bulletin secret commencerait par le service public »...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... « et pourrait être élargi au privé d'une manière générale. »
Peut-être allons-nous apprendre grâce à vous, monsieur le ministre, que tout cela n'était qu'emportements de campagne électorale, que Nicolas Sarkozy voulait viser non pas toutes les activités de mouvement social, mais exclusivement celles qui s'adressent au transport terrestre public, que c'est par erreur que vous-même avez fait état d'une application incluant à ce moment les universités et les administrations... Retirez-vous tout à fait cette idée ? Dites-vous que vous ne la proposerez pas à nouveau au Sénat, pas plus que Mme Dati ? Ou bien, au contraire, que c'est seulement partie remise ?
Si seulement vous étiez nouveau dans cet exercice, si ce que vous proposez surgissait dans l'actualité politique française comme une originalité ! Mais pas du tout ! Il en va ainsi dans tous les pays développés que dirigent les libéraux ! L'idée de faire voter le personnel d'une entreprise en grève pour savoir si la grève continue ou non ne vient même pas de vous ! Elle est issue du Trade Union Act de 1984 et des Employment Acts de 1988, 1990 et 1993 par lesquels les gouvernements de Mme Thatcher puis de M. John Major ont commencé leur travail en Grande-Bretagne,...
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Tony Blair les aurait-il supprimés ?
M. Jean-Luc Mélenchon. ... - ceux qui ont la mémoire des luttes sociales s'en souviennent -, en affrontant les mineurs, les trade unions, jusqu'à les faire céder.
Mais après tout, comme plusieurs l'ont souligné : pourquoi pas ? Vous êtes la droite, vous avez toujours tenu cette ligne politique, vous la maintenez, vous venez de gagner les élections, et vous avez prévenu tout le monde ! Soit ! Pour autant, notre devoir est de vous dire que nous ne sommes pas d'accord. Nous sommes l'opposition.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. C'est normal !
M. Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, sur ce sujet, vous touchez à une matière plus ample, celle des libertés constitutionnelles dont vous pensez vous être débarrassés un peu rapidement. Vous opposez un droit que vous proclamez collectif, le droit de grève, à un droit individuel, celui de circuler, d'aller et venir, de travailler ou pas... Sauf que le droit de grève est lui aussi un droit individuel !
En quoi ce droit individuel est-il contesté ? Il l'est non pas seulement par la pratique du rapport de force total qu'implique votre disposition sur le paiement des jours de grève, mais aussi par la lettre de la loi. En effet, s'il est décidé par un vote majoritaire que la grève n'a plus lieu d'être, cela signifie que celui qui appartiendrait à la minorité et voudrait la poursuivre ne pourrait plus le faire. En d'autres termes, son droit individuel est contesté et remis en cause non par le souverain, c'est-à-dire par la loi, expression de la volonté générale, mais par les autres salariés qui travaillent dans la même entreprise que lui et qui ne sont pas de son avis.
Or, empêcher l'action d'un individu au motif que les autres membres de sa corporation ne sont pas de son avis, ce n'est plus la loi, ce n'est plus la République une et indivisible, c'est autre chose : c'est le droit fragmenté, ce sont les droits individuels en petits morceaux. Il est tout à fait évident dans ces conditions que vous allez radicaliser les relations sociales. (M. Alain Gournac s'exclame.)
Vous avez mis, ici, un couvercle que l'Assemblée nationale, j'espère, fera sauter.
Allant jusqu'à essayer de faire d'abord croire que cela résultait de la loi de 1982, vous avez posé que le paiement des jours de grève, qui, de toute façon, n'est jamais automatique, ne pourrait même pas faire l'objet d'une négociation, ni pour totalité, ni pour partie, ni même par compensation. Ce faisant, vous avez mis en place une bombe à retardement, car n'importe quel conflit ne peut aller, monsieur le président, mes chers collègues, que jusqu'au moment où l'une des deux parties cède. Laquelle cédera ? Celle qui est prise à la gorge, naturellement, c'est-à-dire ceux qui, n'ayant pas leur salaire, ne peuvent faire autrement que de céder !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Luc Mélenchon. La continuité du service public est d'abord mise en cause par la méconnaissance des lois, des obligations de péréquation, de continuité territoriale, d'égalité d'accès,... toutes entorses qui résultent de la mise en oeuvre des logiques libérales dans le service public.
Pour notre part, nous, élus de gauche, réaffirmons aux travailleurs organisés notre confiance. Nous leur disons que nous n'avons jamais cru et que nous ne croyons pas, ce jour-ci pas plus que d'autres, qu'ils fassent grève par convenance. Nous reconnaissons le rôle progressiste et libérateur des grèves menées par les travailleurs de ce pays, grèves qui ont permis d'améliorer notre démocratie et notre manière de vivre.
M. Alain Gournac. Oh là là !
M. Jean-Luc Mélenchon. Et nous rappelons que nous savons avec eux qu'il n'y a pas d'autre limite à l'exploitation que la résistance à l'exploitation.
Pour terminer, je citerai à nouveau Jaurès : « La République ne sera pas achevée si le Français, qui est roi dans la cité, demeure sujet dans l'entreprise. »
M. Alain Gournac. C'est beau...
M. Jean-Luc Mélenchon. Or, elle le maintient serf dans l'entreprise. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
Nous voulions le libérer, vous resserrez ses chaînes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame le rapporteur, cette loi était attendue.
Cette loi est responsabilisante.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Aller jusqu'à la grève, c'est un acte majeur, c'est un constat d'échec.
M. Philippe Nogrix. La présente loi est une loi de solidarité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Mettre en balance ses volontés, ses attentes, ses désirs personnels avec les inconvénients imposés aux autres, c'est de la solidarité.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vraiment ?
Mme Nicole Bricq. C'est un peu excessif !
M. Philippe Nogrix. Pour l'excessif, il est vrai qu'on peut vous faire confiance !
Cette loi est une loi de bon sens.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Les jours non travaillés ne doivent pas être payés,...
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Nogrix. ...chaque citoyen en est absolument persuadé.
Cette loi est respectueuse des droits de chacun (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.), et d'abord du droit de grève. Car le droit de grève est un droit essentiel dans notre pays ; nous y sommes tous attachés, et il faut le respecter.
Cette loi est respectueuse des droits : le droit de se déplacer, le droit d'aller travailler, le droit d'aller se soigner, le droit de se rendre à un rendez-vous pour chercher un emploi, pour passer un examen,...
M. Jean Desessard. Un examen juste le jour où il y a grève !
M. Philippe Nogrix. ...et cela, on ne peut le faire un jour de grève, quand on n'a pas les moyens de se déplacer autrement qu'avec les transports publics.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Mais cette loi, vous le savez, monsieur le ministre, est un peu trop restrictive.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui ! Plus fort, plus loin, plus vite !
M. Philippe Nogrix. ... et, vraiment, je ne comprends pas que vous vous soyez tant attaché à la rendre telle.
Vous avez eu beau argumenter, vous avez eu beau m'expliquer, je ne vois vraiment pas ce qui vous empêche d'aller dans mon sens, je ne vois vraiment pas pourquoi vous tenez à cette discrimination à l'encontre de ceux qui habitent non pas sur le continent, mais sur une île. Les transports non terrestres constituent un service public comme un autre, et, que nous soyons îliens ou continentaux, nous sommes tous des Français.
Par conséquent, vivement l'extension de la loi à tous les transports, vivement l'extension de la loi à tous les services publics nationaux, vivement qu'il fasse bon vivre dans notre pays et que chacun s'y sente libre !
Enfin, qu'il me soit permis de m'étonner de voir notre opposition continuer d'opposer la droite et la gauche, alors que ce qui nous intéresse tous, ce sont les Français, lesquels ne sont ni de droite ni de gauche : ils sont citoyens de notre pays, et ils aiment y vivre dans de bonnes conditions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Je voudrais, pour conclure, formuler des remerciements, et d'abord à l'intention de M. le ministre. Nous avons un ministre qui est clair, un ministre qui sait trouver ses arguments, un ministre qui a su nous expliquer les choses.
M. Josselin de Rohan. Un très bon ministre !
M. Roger Romani. Un excellent ministre !
Mme Isabelle Debré. Un grand ministre !
M. Philippe Nogrix. Je peux simplement lui reprocher son manque d'ouverture : quand il a pris une décision, il s'y tient, et il est très difficile de le faire changer d'avis. Je ne serais pas étonné qu'il ait un aïeul breton ! (Rires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. On caricature les Bretons ?
M. Philippe Nogrix. Monsieur Mélenchon, si vous voulez que je vous apprenne ce que c'est qu'un Breton, je vous en ferai la démonstration tout à l'heure.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais, il me menace ! (Sourires.)
M. Philippe Nogrix. Merci aussi à la commission spéciale. Chacun ici sait que j'étais en total désaccord avec sa création, car je craignais qu'elle ne débouche véritablement sur une mascarade. Finalement, elle a été un moment extraordinaire de réflexion, de travail, d'explication. Et cela, je pense que nous le devons à son président qui, à chaque fois, a su arbitrer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Bravo, monsieur le président !
M. Roger Romani. Quel excellent président !
M. Philippe Nogrix. Nous le devons aussi à Mme le rapporteur, qui a toujours su argumenter, qui a toujours essayé de chercher l'équilibre entre ce qu'il fallait imposer et ce qu'il fallait respecter. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Monsieur le président, permettez-moi encore de tirer mon chapeau au Sénat. Le débat que nous avons mené, sur un sujet aussi difficile, aurait pu voir quelques vieilles lunes ressurgir pour nous opposer ; nous avons su nous respecter les uns et les autres, et c'est très bien.
Enfin, en manière de prospective, je remercierai par avance nos collègues députés, qui vont pouvoir combler les manques de cette loi et insister auprès du ministre sur ces lacunes dont il ne veut absolument pas tenir compte, persuadé qu'il est d'avoir raison. Je suis convaincu, monsieur le ministre, que les députés de votre parti, parce qu'ils sont plus nombreux encore que les sénateurs, sauront vous démontrer le bien-fondé pour tous les Français de certaines dispositions que vous n'avez pas voulu soutenir ici.
Bien entendu, le groupe de l'UC-UDF votera le projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Nogrix, vous êtes le meilleur élève de la droite sénatoriale, celui qui fait le compliment à la fin de l'année scolaire. C'est formidable ! (Sourires. - Mmes Bariza Khiari et Gisèle Printz, MM. Jean-Pierre Godefroy et Jean-Luc Mélenchon applaudissent.)
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. On en espère autant de vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme vos collègues, vous avez une conception toute patronale de la grève : le syndicat appuie sur un bouton, et les salariés se mettent en grève,...
M. Philippe Nogrix. Vous avez souvent été en entreprise ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...la majorité se met en grève sur l'ordre de la minorité. Tous, vous êtes favorables au droit de grève à condition qu'il ne puisse être exercé. Telle est votre conception du droit de grève, comme vous avez aussi une certaine conception des droits en général : droit au logement mais sans les moyens de le satisfaire, etc. Nous le savons et nous en avons pris acte. Vous permettrez donc à l'opposition de dire que telle n'est pas sa conception.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l'UMP et du groupe de l'Union centriste, vous avez tous manifesté votre autosatisfaction d'avoir fait voter le projet présidentiel en l'aggravant dans le sens de la restriction du droit de grève. Ce faisant, vous avez réussi, au cours de ce débat au Sénat, à enlever toute crédibilité au discours sur le dialogue social tenu par le président de la République lors de la campagne électorale. Ce discours est d'ailleurs absolument identique au propos exprimé par Mme Parisot dans la préface du petit livre du MEDEF intitulé Besoin d'air : « L'organisation des relations dans l'entreprise relève des partenaires sociaux ».
Votre conception du dialogue social, c'est le dialogue social entre des partenaires sociaux qui sont d'accord ! Si les organisations syndicales sont d'accord avec le patronat, vous dites « oui » au dialogue social, si elles ne sont pas d'accord, vous dites « non » ! Voilà ce qu'il en est de votre conception du dialogue social.
Ce ballon d'essai estival nous laisse préjuger ce qui va se passer plus tard, c'est-à-dire à la rentrée. Après le « paquet fiscal », il y aura le « paquet social » concernant justement l'organisation des relations sociales et le droit du travail. Vous aurez à coeur de généraliser les dispositions concernant le droit de grève à l'ensemble des services publics - vous avez vendu la mèche, si je puis dire - et, plus largement, à l'ensemble des entreprises.
S'agissant des services publics, vous avez été un peu plus loin puisque l'un de vos collègues a affirmé ceci : « Ce qu'il faut avec les services publics, c'est les privatiser ; ainsi nous aurons la garantie qu'il y aura un service maximum. »
Je vous invite donc à aller revoir The navigators, le magnifique film de Ken Loach, qui présente les conséquences de la privatisation des transports périurbains britanniques : retards, accidents, dangers, bref, cela ne fonctionne pas bien du tout.
Nous attendons par conséquent la suite, et il est de notre devoir d'opposition non consensuelle - nous ne sommes pas l'opposition de Sa Majesté - de dire aux organisations syndicales, aux salariés, aux citoyens qui sont des usagers, qu'ils vont avoir affaire à la rentrée à une énorme remise en cause de leurs droits sociaux, du code du travail, du droit de grève et, bien sûr, à une absence totale de véritable dialogue social dans les entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame le rapporteur, mes chers collègues, sans revenir sur le fond, je tiens à exprimer ma satisfaction face au déroulement de ce débat. Il s'agissait là pour moi d'une première. J'avouerai d'ailleurs que, lorsqu'il m'a été proposé de présider cette commission spéciale sur un sujet somme toute sensible - on l'a vu tout au long de nos travaux -, je me suis demandé comment les choses allaient se passer ! J'éprouve donc aujourd'hui, je le répète, une grande satisfaction.
Je ferai tout d'abord remarquer qu'un grand nombre de nos collègues, tous groupes confondus, ont suivi ces débats. Voilà qui prouve bien qu'il s'agissait là, pour nous tous, d'un sujet important et que les dispositifs pouvant être mis en place étaient attendus de nos concitoyens. C'est donc une réponse forte que nous apportons à leurs préoccupations.
C'est bien sûr vers mes collègues de la commission spéciale que je me tournerai en premier lieu. Nombre d'entre eux ont été assidus aux auditions des partenaires sociaux qui souhaitaient intervenir ou qu'il nous paraissait important d'entendre. Nous avons beaucoup appris - Mme le rapporteur peut le confirmer -, et le travail que nous avons réalisé a eu manifestement, comme c'est normal, une incidence sur les amendements adoptés.
Vous comprendrez que j'aie un mot particulier pour Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Elle mérite vos applaudissements, parce qu'elle a beaucoup travaillé !
M. Éric Doligé. Elle n'a pas fait grève !
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. D'ailleurs - M. Desessard l'a souligné tout à l'heure, et je l'en remercie -, même si nous n'avons pas toujours été d'accord, un travail important a été accompli. Chacun connaît ici la volonté, la ténacité de Mme le rapporteur, volonté et ténacité que nous avons aussi retrouvées dans l'examen des différents volets de ce texte.
Je tiens à remercier les collaborateurs de la commission spéciale qui ont été à nos côtés tout au long de nos travaux.
Je vous remercie également, monsieur le ministre, ainsi que vos collaborateurs. Nous avons eu de nombreux échanges. Certes, nous n'avons pas toujours été d'accord, comme nous l'avons vu tout à l'heure ; mais le rôle du Parlement est bien d'exprimer ce qu'il ressent et ce qu'il souhaite faire pour permettre la prise en compte des préoccupations de nos concitoyens.
Enfin, je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les différents présidents de séance qui se sont succédé tout au long des débats.
Nous allons voter dans quelques instants. Le texte qui résulte de nos travaux sera ensuite transmis à l'Assemblée nationale ; puis, la commission mixte paritaire se réunira le 2 août.
Monsieur le ministre, l'objectif de ce texte important voulu par M. le président de la République et par M. le Premier ministre est de privilégier le dialogue social. (M. Roland Ries fait un signe dubitatif.) Je sais bien que cela a été mis en cause, monsieur Ries, mais nous mettons tout de même en place le dispositif qui privilégiera le dialogue social.
L'objectif de ce texte est de faire en sorte - vous l'avez beaucoup souligné, monsieur le ministre - que nous ayons comme première préoccupation l'usager qui empreinte les transports en commun : il ne faut pas, par exemple, que, par manque d'information, des personnes attendent sur le quai un train qui ne circule pas, ou que, au contraire, elles ne sachent pas que certains trains roulent. Les dispositions qui ont été votées répondent à mon avis à cette situation.
J'aurai une pensée particulière pour les jeunes. Tout à l'heure, M. Desessard parlait de journée de travail perdue. Mais, quand un jeune ne peut se rendre à un entretien d'embauche en raison d'une absence de transport en commun, c'est extrêmement pénalisant pour lui.
C'est vrai aussi pour toutes les personnes qui utilisent un transport public et qui lui font confiance.
La continuité du service, tel est l'objectif de ce projet de loi, et je pense, monsieur le ministre, que nous y parviendrons.
Nous avons fait quelque peu évoluer ce texte. Nous aurons à en reparler dès que le rapport souhaité par Mme le rapporteur nous sera remis.
Contrairement à ce qui a été dit, nous n'avons pas touché au droit de grève. Le droit de grève est individuel, et il demeure. Mais nous faisons confiance au dialogue social pour qu'une réponse soit apportée et que le droit de circuler et de travailler, qui est un droit fondamental pour nos concitoyens, puisse être respecté.
Je suis tout à fait convaincu que le travail réalisé par le Sénat aujourd'hui nous permet de répondre à toutes ces préoccupations. Merci à toutes celles et à tous ceux qui nous ont permis d'aboutir à ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 119 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 199 |
Contre | 123 |
Le Sénat a adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous en avons toutes et tous conscience, le Sénat vient d'adopter un texte important.
Dans le débat politique français, nous parlons de ce sujet depuis vingt ans et, aujourd'hui, ce projet de loi en cours d'élaboration va devenir réalité. Nous n'en avons bien sûr pas terminé puisqu'il viendra en discussion à l'Assemblée nationale dans une dizaine de jours, pour être certainement ensuite examiné en commission mixte paritaire.
Je le sais parfaitement, il nous faudra veiller à sa pleine application au 1er janvier 2008, avant même le rapport d'évaluation dont il a été question tout à l'heure, madame le rapporteur, et sur lequel je ne reviendrai pas.
Je tiens à remercier l'ensemble des sénateurs pour le travail qui a été réalisé, car cela fait à peine quarante-huit heures que nous avons commencé l'examen de ce projet de loi, d'autant que, nous le savons tous, la journée de mercredi n'y a pas été entièrement consacrée. (M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement acquiesce.)
S'agissant d'un texte aussi important, nous avons donc montré que nous pouvions aller rapidement au fond des choses, chacun ayant pu exprimer en détail ses positions. J'aurais aimé pouvoir dire : « ses positions et ses propositions » ! En effet, au moment où tout change dans la vie politique française, l'occasion était donnée à chacun d'adopter une attitude quelque peu différente sur un texte qui, je le répète, n'est pas partisan. Quand on sait que de 71 % à 80 % des Français sont favorables au service minimum, on voit bien que ce sujet dépasse les lignes partisanes, les clivages traditionnels. Mais il en est ainsi !
Je tiens aussi à dire avec beaucoup de respect que ce débat m'a parfois donné l'impression de sentir un tout petit peu la naphtaline !
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi aussi, j'avais la même impression !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au XIXe siècle !
M. Alain Gournac. Dépassés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au XIXe siècle !
M. Xavier Bertrand, ministre. ... qui ne correspondent absolument pas aux lignes de partage de la société française d'aujourd'hui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes bien d'accord !
M. Xavier Bertrand, ministre. C'est ainsi ! Chacun est libre de ses expressions ! Chacun est aussi fort et riche de ses convictions !
J'en reviens au texte. Ce dernier est certes ambitieux, mais nous avons en permanence cherché à le rendre équilibré. Et, sans remettre en cause cet équilibre, j'ai voulu que nous fassions preuve d'une très grande ouverture.
Le Gouvernement n'a pas voulu déposer d'amendements sur ce texte. Il a émis un avis favorable sur de nombreux amendements, y compris sur ceux qui ont été défendus par l'opposition.
M. Jean Desessard. Un seul !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je sens une pointe de regret dans votre voix, monsieur Desessard ! Mais libre aussi à vous de faire des propositions !
Ce texte est donc équilibré, et il permet avant tout d'améliorer notablement la prévention des conflits, ce qui est important. J'ai même eu le sentiment, au départ, que nous étions tous d'accord sur ce point.
Il permet aussi de mieux organiser le service public dans les transports terrestres en cas de grève, si le conflit n'a pas pu être évité. Ce point est essentiel, et il nous reste maintenant à garantir l'effectivité de ces nouvelles règles partout et dans toutes les entreprises concernées. Ces règles ne concernent pas seulement le territoire métropolitain, elles s'appliquent aussi en Corse ainsi que dans les départements et territoires d'outre-mer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez votre réponse, monsieur Nogrix !
M. Xavier Bertrand, ministre. La question qui n'a pas été tranchée, c'est celle des liaisons maritimes, car le projet de loi ne concerne que les transports terrestres. Mais, je le répète, ce dispositif s'applique partout sur le territoire de la République française.
Je veux également revenir sur le droit de l'usager à l'information, qui est enfin reconnu. Ce droit change tout parce qu'il place vraiment le client au coeur de la démarche qui est la nôtre.
M. Mélenchon a cité tout à l'heure Jaurès. Moi aussi, je reprendrai l'un de ses propos, en disant qu'une grève finit toujours là où elle aurait dû commencer : autour d'une table de négociation.
En l'espèce, s'agissant des accords de fin de conflit, j'ai été très surpris par la tonalité du débat, car j'ai entendu des propos pour le moins étonnants.
Tout au long du débat, tant lors de la discussion générale qu'au cours de l'examen des amendements, tout le monde s'accordait à dire qu'il ne fallait pas payer les jours de grève. Puis, sur certaines travées, d'aucuns ont soutenu l'idée selon laquelle il fallait peut-être, en fin de compte, être souple.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, non !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ces propos justifient donc pleinement le bien-fondé de l'article 9 du projet de loi.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ils prouvent que nous devions non seulement réaffirmer un principe, mais également réécrire les choses.
Je le redis très clairement, comme je l'ai déjà indiqué lors de la discussion d'un amendement, des accords d'entreprise peuvent prévoir un étalement des retenues, mais c'est bien différent. Et les propos que j'ai entendus à la fin de ce débat me confortent dans l'idée qu'il fallait faire taire la rumeur. Dans un texte équilibré, il fallait, en tout état de cause, réaffirmer le principe du non-paiement des jours de grève. Nous devions faire en sorte que se dégage vraiment un sentiment d'équité en indiquant que les jours de grève ne sont tout simplement plus payés.
Les propos de Jaurès que j'ai cités sonnent mieux à mes oreilles que ceux qui ont été repris par M. Mélenchon. En effet, je le répète, j'ai le sentiment que la négociation et le dialogue social sont des idées non pas anciennes, mais profondément modernes.
Aujourd'hui, beaucoup de choses ont changé dans la vie politique française. Mais, si la situation des usagers des services publics dans les transports terrestres de voyageurs est singulièrement améliorée en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève, c'est aux sénateurs que les usagers le doivent, et je tiens à les en remercier.
Je tiens également à souligner le travail réalisé par la commission spéciale, notamment par son président et son rapporteur. Comme je l'ai souligné au début de la discussion, je n'ai pas à porter de jugement sur le choix du Sénat d'avoir créé une commission spéciale pour examiner ce texte, mais je note que celle-ci a pu recueillir différentes positions.
Enfin, je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir été particulièrement nombreux à siéger dans cet hémicycle tout au long de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
8
Transmission d'un projet de loi
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 401, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
9
Renvoi pour avis
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (n° 390, 2006-2007) dont la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation est saisie au fond, est renvoyé pour avis à sa demande, à la commission des affaires sociales.
10
Dépôt d'un rapport
M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (n° 390, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 404 et distribué.
11
Dépôt de rapports d'information
M. le président. J'ai reçu de MM. Jacques Valade, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Jean-Marc Todeschini, Louis de Broissia, Mme Annie David, M. Jean-François Humbert et Mme Monique Papon un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles à la suite d'une mission effectuée en Corée et au Japon du 25 mars au 1er avril 2007.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 402 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Vasselle un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'état des comptes de la sécurité sociale en vue de la tenue du débat sur les orientations des finances sociales.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 403 et distribué.
J'ai reçu de MM. Jean François-Poncet, Jean-Guy Branger et André Rouvière un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur l'évolution de l'OTAN.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 405 et distribué.
12
Dépôt d'un avis
M. le président. J'ai reçu de M. Alain Vasselle un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (n° 390, 2006 2007).
L'avis sera imprimé sous le n° 406 et distribué.
13
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 23 juillet 2007 à quinze heures et le soir :
- Discussion du projet de loi (n° 389, 2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de règlement du budget de l'année 2006.
Rapport (n° 393, 2006-2007) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
Avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale et de la commission des affaires culturelles.
- Débats de contrôle de l'exécution des crédits de la mission « Sécurité » et de la mission « Culture ».
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
- Discussion du projet de loi (n° 389, 2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de règlement du budget de l'année 2006 ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 23 juillet 2007, à onze heures.
- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 23 juillet 2007, à dix-sept heures.
- Discussion du projet de loi (n° 390, 2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (urgence déclarée) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 24 juillet 2007, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 24 juillet 2007, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures quarante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD