Mme Bariza Khiari. Ouvrez le débat !
M. Brice Hortefeux, ministre. Quoi qu'il en soit, une certitude demeure : ce n'est pas à l'occasion d'un amendement, voire d'un sous-amendement, que nous discuterons de cela ce soir. Le Président de la République a lancé un débat institutionnel, des cénacles ont été créés à cet effet : je propose que nous nous y donnions rendez-vous.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 126, présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mmes Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° À la fin du 2°, les mots : « vivant dans la même région géographique » sont remplacés par les mots : « vivant en France » ;
2° Le 3° est abrogé.
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. La loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a considérablement durci les conditions du regroupement familial.
Ainsi, elle a allongé le délai au terme duquel un étranger peut solliciter, pour les membres de sa famille, le bénéfice du regroupement familial, délai qui passe de un an à dix-huit mois. Il faut rappeler que celui-ci a varié plusieurs fois puisque la loi Pasqua du 24 août 1993 l'avait fixé à deux ans tandis que la loi Chevènement du 11 mai 1998 l'avait ramené à douze mois, l'autorité administrative devant alors statuer dans un délai de six mois à compter du dépôt complet du dossier.
Elle a par ailleurs rendu impossible le regroupement familial du conjoint mineur, afin qu'il soit tenu compte du relèvement de quinze à dix-huit ans de l'âge nubile de l'épouse.
Elle a aussi modifié les conditions de ressources, excluant explicitement du calcul les prestations familiales, le RMI, l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'allocation temporaire d'attente et l'allocation de solidarité spécifique, ainsi que l'allocation équivalent retraite.
Elle a également modifié les conditions de logement : jusqu'à son entrée en vigueur, le regroupement pouvait être refusé s'il apparaissait que le demandeur ne disposait pas ou ne disposerait pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. La loi de 2006 a précisé la nécessité de « disposer d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ».
Enfin, elle a ajouté une nouvelle condition : le demandeur doit se conformer aux principes qui régissent la République. Les débats parlementaires permettent de cerner les contours de cette obligation : il s'agirait du principe d'égalité entre hommes et femmes, de la laïcité, du refus de toute discrimination fondée sur l'origine, mais non d'une maîtrise de la langue française. Il s'agit donc d'une condition purement subjective laissant la place à l'arbitraire. De plus, la loi avait inscrit à l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le pouvoir donné au maire d'émettre un avis sur les conditions de logement et de ressources et sur le respect des principes qui régissent la République.
Or le droit de mener une vie familiale normale a été reconnu comme un droit fondamental dont l'étranger doit pouvoir jouir à pleine égalité avec le ressortissant national.
Ce droit a été consacré par le Conseil d'État dans son arrêt du 8 décembre 1978 en l'élevant au rang de pouvoir général du droit et par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 avril 1997. Ce dernier a rappelé que « les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale » et que « les méconnaissances graves du droit au respect de leur vie privée sont pour les étrangers comme pour les nationaux de nature à porter atteinte à leur liberté individuelle ».
Toutes les dispositions introduites par la loi de 2006 constituent des entraves à l'exercice de ce droit, nous proposons donc de revenir au droit antérieur à cette loi : les conditions exigées avant cette loi étaient largement suffisantes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Vous souhaitez revenir sur les dispositions de la loi de 2006, qui a clairement établi que figuraient parmi les conditions du regroupement familial les conditions de logement. Nous avions estimé, à l'époque, que le fait de pouvoir adapter les conditions de logement à la réalité du marché régional - le marché parisien n'est pas le même que le marché lyonnais, bordelais ou corrézien - nous paraissait plutôt favorable à la personne qui faisait la demande de regroupement.
Par ailleurs, la loi du 24 juillet 2006 a ajouté aux conditions du regroupement familial le respect des principes fondamentaux de la République. Le Conseil constitutionnel a parfaitement interprété cette notion en considérant qu'il s'agissait des principes essentiels régissant la vie familiale en France. Cette mesure, qui n'a pas de caractère subjectif, renvoie à des grands principes bien établis et bien connus.
Telles sont les deux raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.
En fait, madame André, vous proposez concrètement d'abroger la réforme de 2006, qui a ouvert l'espoir d'assurer des conditions décentes de logement aux familles étrangères.
Il est nécessaire, me semble-t-il, de tenir compte, comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, des conditions de logement qui diffèrent d'une région à l'autre ; nous savons tous deux ce qu'il en est concernant notre région.
Les étrangers doivent vivre dans des logements comparables à ceux des Français qui vivent dans la même région. Je pense qu'il n'y a rien d'anormal à cela, au contraire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quels Français ?
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Avec cette question du logement, on a un bel exemple de la mécanique qui est montée de toutes pièces pour faire croire qu'il y a des problèmes.
J'ai eu la curiosité de regarder sur le site de l'INSEE les éléments de confort des logements des ménages immigrés et non immigrés.
On s'aperçoit que 90,8 % des ménages immigrés occupent des logements présentant le niveau de confort maximal, c'est-à-dire des logements avec WC intérieurs, baignoire et chauffage central. Quant aux ménages mixtes, 93 % d'entre eux occupent de tels logements. En revanche, les ménages non immigrés se situent un peu en dessous, avec une proportion de 90,5 %. Si l'on ajoute les logements qui ont des WC intérieurs et une baignoire, mais sont dépourvus de chauffage central, les proportions sont de 97,6 % pour les ménages non immigrés, de 99,1 % pour les ménages mixtes et de 96,4 % pour les ménages immigrés.
Ainsi, il apparaît que cette idée selon laquelle il faut prendre en compte les conditions de logement n'a rigoureusement aucun intérêt et ne correspond à aucune réalité, sauf à ériger des cas marginaux en norme.
C'est un très bel exemple de cette mécanique qui est mise au point pour faire croire qu'il y a des problèmes là où il n'y en a pas ou, en tout cas, pas le type de problèmes que l'on prétend viser.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.
(L'amendement n'est pas adopté.)
CHAPITRE IER
Dispositions relatives à l'immigration pour des motifs de vie privée et familiale et à l'intégration
Article 1er
Après l'article L. 411-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 411-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 411-8. - Pour lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française, le ressortissant étranger âgé de plus de seize ans et de moins de soixante-cinq ans pour lequel le regroupement familial est sollicité bénéficie, dans son pays de résidence, d'une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, l'autorité administrative organise à l'intention de l'étranger, dans son pays de résidence, une formation dont la durée ne peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. Le bénéfice du regroupement familial est subordonné à la production d'une attestation de suivi de cette formation qui doit être délivrée dans le mois suivant la fin de ladite formation, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ce décret précise notamment le délai maximum dans lequel les résultats de l'évaluation doivent être communiqués, le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées, le nombre d'heures minimum que cette dernière doit compter, les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut en être dispensé ainsi que les modalités selon lesquelles une commission désignée par le ministre chargé de l'immigration conçoit le contenu de l'évaluation portant sur la connaissance des valeurs de la République. »
La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Il est bien loin le temps où Stendhal aurait voulu écrire comme le code civil parce que, aujourd'hui, les codes sont quelque peu tarabiscotés.
Cet article 1er a un côté maniaque et, quand on le lit en détail, on se dit que l'on ne verra jamais le bout du tunnel !
Prenez un garçon de dix-sept ans ou un homme de soixante ans. Il est convoqué par le consulat du pays dans lequel il habite. On évalue sa connaissance du français, on l'interroge sur les valeurs de la République. On va évidemment lui demander ce qu'il pense du droit de vivre en famille et on va aussi lui parler du devoir d'hospitalité, j'en suis sûr.
Ensuite, on va décider qu'il faut peut-être lui faire subir un stage de formation et l'on va évaluer les résultats de ce stage. Pour des raisons constitutionnelles, il échappera à la délivrance d'un certificat et il lui faudra une attestation de suivi de la formation.
Pour franchir tous ces obstacles, il faudra se lever tôt !
D'ailleurs, que ferez-vous pour un jeune homme ou même un adulte qui habitera très loin des services du consulat, par exemple, un habitant du Burkina Faso qui vivra au fond de la brousse ? C'est beaucoup plus difficile que d'aller de Vienne à Lyon. N'est-ce pas, monsieur Mercier ?
M. Michel Mercier. J'écoute ce que vous dites, mon cher collègue !
M. Louis Mermaz. Je n'en doute pas ! Nous nous connaissons si bien ! Il nous arrive même parfois de nous apprécier ! Nous ne sommes pas d'accord politiquement sur tout, mais quand il s'agit de faire un grand musée gallo-romain, nous nous entendons très bien ! (Sourires.)
Mais revenons au texte.
Monsieur le ministre, il serait intéressant que vous nous disiez ce qu'il y aura dans le décret en Conseil d'État. Vous m'objecterez qu'il faudra que le Conseil d'État se soit prononcé. Mais c'est essentiel, car toutes les modalités de ce parcours kafkaïen dépendront de ce qui sera décidé en Conseil d'État. Nous aimerions donc avoir déjà au moins une idée du contenu de ce décret, car je pense que vous êtes en relation avec le Conseil d'État.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L'objectif que le Gouvernement et sa majorité assignent à l'article 1er est d'apparence aimable puisqu'il s'agit pour le candidat au regroupement familial d'acquérir les rudiments du français avant de pouvoir séjourner sur notre territoire, au côté de son conjoint ou de ses parents. Objectif louable, pensent les bonnes âmes !
Mais un examen attentif et impartial révèle que ces dispositions sont inefficaces, impraticables, discriminatoires, onéreuses et grotesques.
Inefficaces, car l'apprentissage du français serait bien plus probant s'il avait lieu en France. Or, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, il doit avoir lieu en France.
Impraticables, car, en l'état actuel de notre réseau consulaire, on n'imagine pas comment, à moyens constants, voire à moyens réduits - on constate une diminution de 4 % des moyens de certains consulats d'Afrique -, nous pouvons demander à nos consulats de pratiquer un test linguistique ou encore à nos centres culturels de dispenser des formations.
Discriminatoires, car les formations seront bien plus difficiles à suivre pour celles et ceux qui vivent éloignés des centres de formation ; discriminatoires aussi pour les femmes des pays en développement, qui souffrent massivement d'analphabétisme.
Onéreux, car le coût sera supporté par tous les candidats à l'immigration, via l'augmentation des taxes sur les attestations d'accueil et les frais de dossiers pour les visas de long séjour.
Grotesques, enfin, car vous envisagez sérieusement de créer une nouvelle commission, composée notamment de philosophes et de sociologues, chargés de définir un corpus des valeurs républicaines réductibles à un questionnaire à choix multiples. Cette idée est saugrenue quand on suppose qu'ici, à propos de ce projet de loi, vous allez nous affirmer que les statistiques ethno-raciales sont tout à fait conformes à nos valeurs. Pourtant, nous sommes nombreux à récuser l'établissement de telles statistiques. Et j'imagine sans peine les difficultés qu'aura cette commission pour parvenir à un accord !
Loin de favoriser l'accueil des candidats au regroupement familial, les dispositions de l'article 1er consistent à éliminer les plus pauvres, à dissuader les moins riches de venir rejoindre leur conjoint pour vivre une vie familiale normale.
Je ne voudrais pas terminer cet argumentaire sans évoquer des situations personnelles.
Mon père, comme le grand-père d'Arnaud Montebourg, député socialiste, ne parlait que l'arabe en arrivant en France. Si ces dispositions avaient été en vigueur à l'époque, ils n'auraient pu être accueillis en France. J'ai la modestie de penser qu'Arnaud Montebourg manquerait à l'Assemblée nationale et que je manquerais au Sénat.
Avec cette mesure, monsieur le ministre, pensez aux talents que nous allons ignorer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Mes chers collègues, comme l'ont déjà dit d'autres intervenants, cet article est l'expression même de la volonté du Gouvernement de ruiner le droit à une vie familiale normale.
Supposé permettre d'offrir aux étrangers une meilleure intégration, il est en réalité un frein procédural et formel volontairement rédhibitoire.
Imaginez que, pour obtenir un visa, un étranger devra désormais attendre deux mois de plus que le délai déjà anormalement long qui lui était imposé.
Il devra suivre une formation payante, peut-être dans une autre ville que la sienne. II devra débourser de l'argent pour la formation, pour l'hôtel, pour se nourrir, pendant ces deux mois. Il devra, en clair, disposer de ressources pour suivre ce stage.
Monsieur le ministre, qui peut se permettre de telles dépenses ? Les étrangers riches ou ceux qui parlent déjà le français, à savoir les nantis formés dans les écoles françaises, les enfants de diplomates ou d'industriels, qui seront dispensés de suivre cette formation.
Les autres, qui n'ont pas eu cette chance à la naissance, ne jouiront pas du droit de mener une vie familiale normale.
Pardonnez-moi de vous le dire, mais je trouve cette méthode tout à fait scandaleuse. En effet, le Gouvernement cherche à filtrer l'immigration familiale en choisissant les bénéficiaires sur des critères financiers et en excluant les plus pauvres.
Non, monsieur le ministre, le regroupement familial n'est pas un outil de développement économique de la France : c'est un outil de protection des droits des Français comme des étrangers à mener une vie familiale normale en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Avec cet article 1er, nous abordons le premier obstacle imaginé par le Gouvernement pour restreindre l'accès au regroupement familial.
Il est question, en l'espèce, d'imposer aux candidats au regroupement familial une évaluation de leur degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République.
Quoique vous en disiez, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les parlementaires de la majorité, il s'agit vraiment là d'un obstacle à la venue en France de la famille d'un étranger déjà présent sur notre sol et en situation régulière.
L'évaluation, la formation, puis la seconde évaluation ne vont qu'alourdir un peu plus encore la procédure, retarder l'arrivée en France de la famille concernée, voire l'hypothéquer.
Que va-t-il se passer en cas d'impossibilité de suivre une formation dans le pays d'origine du fait de son coût ou encore de la distance à parcourir pour se rendre à l'endroit où cette formation sera dispensée ? La délivrance du visa sera refusée. Et ensuite ? Croyez-vous que le mari, la femme, les enfants accepteront de rester séparés les uns des autres ? Ils tenteront malgré tout - et, de mon point de vue, c'est humain ! - de venir en France, mais sans passer par la procédure de regroupement familial.
Par conséquent, cette disposition ne fera que produire de nouveaux cas de sans-papiers, exclus des dispositifs d'insertion et à la merci d'employeurs peu scrupuleux, de marchands de sommeil et autres trafiquants vivant de la détresse humaine.
Car vous le savez bien, plus on durcit les lois, plus les personnes qui ont à en subir les effets ont tendance à les contourner et plus, finalement, les personnes mal intentionnées en tirent profit.
Je le répète encore une fois ici, les femmes seront les plus touchées puisque, dans la grande majorité des cas, c'est le mari qui se trouve en situation régulière sur notre territoire et c'est la femme qui vient le rejoindre.
En réalité, vous allez arriver à l'inverse de ce que vous êtes censés rechercher.
Loin de favoriser l'intégration des familles, l'apprentissage du français dans le pays d'origine aura pour effet d'exclure un nombre important de migrants, des femmes pour la plupart.
Les « femmes rejoignantes » risquent donc d'être exclues de tout dispositif d'insertion en raison du durcissement prévu par votre texte, alors même que ce sont elles qui en ont souvent le plus besoin. Car ces femmes, parce qu'elles n'ont pas accès à l'école dans leur pays d'origine, sont bien souvent analphabètes ou maîtrisent mal le français.
J'estime que l'alphabétisation et l'apprentissage du français pour ces femmes qui vont rejoindre leur conjoint en France peuvent être des vecteurs importants de socialisation, d'autonomisation et d'émancipation.
Il est donc primordial de ne pas les en priver. Mais encore faut-il instaurer un vrai droit à la formation à la langue du pays d'accueil dans le pays d'accueil. Il faut que ce soit un droit et non une contrainte, voire un obstacle supplémentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L'article 1er ajoute une condition supplémentaire au regroupement familial : la connaissance de la langue française et des valeurs de la République, préalablement au départ de la famille du migrant.
Certes, les 1,4 million de Français établis à l'étranger reconnaissent qu'il est plus facile de s'installer dans un pays quand on en connaît la langue et les usages. C'est une question de bon sens ! Mais, en pratique, la plupart d'entre eux sont arrivés sans parler un mot de la langue du pays. Ils l'ont apprise sur place en prenant des cours ou en faisant des « petits boulots ». Je pense notamment aux communautés françaises d'Europe du Nord : le danois, le finnois, le néerlandais, le suédois ne sont guère parlés hors des pays qui sont le berceau de ces langues. Voilà des hommes et des femmes qui, pour la plupart d'entre eux, se trouvaient exactement dans la même situation que celle que connaît l'étranger qui arrive en France sans avoir appris auparavant le français.
Dès lors, pourquoi imposer, monsieur le ministre, cette condition supplémentaire, qui fait double emploi avec le contrat d'accueil et d'intégration, le CAI ? Après toute la guimauve qui enrobe le début de la page 33 du rapport de M. Mariani, on trouve la vraie raison, dont je vais vous donner lecture, mes chers collègues :
« Par ailleurs, dans le cadre de la formation linguistique préalable à l'étranger, l'autorité administrative disposera d'un outil très efficace pour s'assurer du suivi effectif des cours de français puisque, en l'absence de présentation du justificatif d'assiduité, le visa long séjour nécessaire à l'entrée en France ne sera pas délivré. Il n'existe pas de dispositif aussi efficace permettant de s'assurer du suivi des formations dispensées, en France, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration. »
Il s'agit non pas de faire en sorte que les arrivants soient mieux préparés, mais bel et bien de prévoir une mesure de coercition pour leur faire apprendre le français de force.
Nous qui connaissons les lenteurs de l'ANAEM, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, des consulats, de la sous-direction de la circulation des étrangers à Nantes, nous savons fort bien que l'objectif est de retarder encore un peu plus la venue des membres de la famille du migrant.
Au final, ces femmes et ces enfants arriveront sur notre sol trois au quatre ans plus tard. Ainsi, les enfants n'auront pu aller à l'école maternelle ou n'auront pu suivre les premières années de classe primaire ; ils rencontreront donc plus de problèmes d'adaptation.
Plus on s'établit jeune dans un pays, plus on a de chances, non pas de s'y intégrer - il ne faut pas raconter d'histoires ! -, mais de s'adapter à sa langue, à ses moeurs, à ses us et coutumes. C'est bien plus facile que lorsque la personne a déjà pu affirmer sa personnalité.
J'irai même plus loin. Que dirait le Gouvernement français si la Chine, le Japon, par exemple, imposaient aux épouses des cadres expatriés d'apprendre le mandarin ou le japonais pour rejoindre leurs époux ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On pousserait des hurlements ! On dirait que c'est scandaleux !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et pourquoi, monsieur le ministre ? Parce que nous sommes dans un rapport de forces entre le Nord et le Sud et que nous, pays dominant, pouvons imposer nos conditions aux pays dominés !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous sommes en plein dans le schéma post-colonial, qui est à la base des migrations entre le Maghreb, l'Afrique subsaharienne et la France !
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le pays dominé doit fournir sa seule force de travail, formée, de préférence, à ses frais, et les familles ne doivent pas venir encombrer le territoire du pays dominant. Finalement, l'idéal français reste celui qui a prévalu au cours des trois premiers quarts du XXe siècle, c'est l'immigration algérienne que décrit Abdelmalek Sayad : une immigration d'hommes jeunes, destinés à fournir leur force de travail et à vivre dans l'exil, la solitude, le manque, jusqu'à la grande vieillesse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, je suis saisi, sur l'article 1er, d'une série d'amendements en discussion commune. Il nous faudrait plus d'une heure pour les examiner et les mettre aux voix.
En accord avec le Gouvernement et avec la commission, nous avons estimé qu'il serait plus raisonnable de reporter l'examen de ces amendements à la prochaine séance.
Demande de priorité
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, pour le bon déroulement de nos travaux et pour permettre à chacun de s'organiser, la commission indique d'ores et déjà qu'elle souhaite que nous abordions par priorité, après l'examen de l'article 1er, l'article 4, ainsi que l'amendement n° 94, tendant à insérer un article additionnel après l'article 4.
Ces deux textes concernent en effet la préparation à l'intégration, l'un dans le cadre du regroupement familial, l'autre, pour ce qui concerne les conjoints de Français.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.
9
Dépôt d'un rapport d'information
M. le président. J'ai reçu de MM. François Marc et Michel Moreigne un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur des commissions placées auprès du Premier ministre (la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) et la Commission d'équivalence pour le classement des ressortissants européens dans la fonction publique).
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 2 et distribué.
10
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 3 octobre 2007 à quinze heures et le soir :
1. Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes du Sénat.
2. Nomination de deux membres de la Délégation aux droits des femmes, en remplacement de Jacques Pelletier et de Mme Hélène Luc.
3. Suite de la discussion du projet de loi (n° 461, 2006-2007).adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.
Rapport (n° 470 rectifié., 2006-2007) de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 3 octobre 2007, à zéro heure vingt.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD