M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, le Sénat entame la discussion, si l'on peut dire, de plusieurs projets de loi visant à transposer dans le droit français un certain nombre de dispositions résultant de directives, de règlements ou de décisions juridiques émanant des instances de l'Union européenne.
Une telle situation appelle plusieurs observations.
La première porte sur la consistance même des dispositions concernées. Elles apparaissent de plus en plus comme ayant été définies dans des conditions moyennement satisfaisantes, les gouvernements et les parlements nationaux des États membres étant peu sollicités dans le cadre de cette procédure. Pourtant, leur importance relative, tout à fait inégale dans le présent texte, mériterait débat et implication des élus de la nation pour ce qui concerne notre pays.
Dans ce contexte, une bonne part de la législation transposée apparaît, en fait, comme étant subie par chacun des États membres. Pour l'essentiel, elle ne procède que de la mise en cohérence des grandes orientations de l'Union européenne, définies par des traités dont nous ne pouvons encore que rappeler qu'ils ont été largement rejetés par le suffrage universel dans notre pays.
Pour faire bonne mesure, - ce sera ma seconde remarque - plusieurs articles du projet de loi visent à transposer des textes européens en recourant à la procédure de l'article 38 de la Constitution, c'est-à-dire en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Le problème est qu'on a usé et abusé de cette procédure dans la dernière période, puisque la précédente législature a consacré une véritable inflation d'ordonnances.
En 1997 et 1999, aucune ordonnance n'avait été prise en vertu de l'article 38 !
Entre 2002 et 2006, 196 ordonnances ont été promulguées, dont 85 pour la seule année 2005 !
L'année 2007, quant à elle, n'a pas été avare de nouvelles ordonnances avec 14 nouvelles promulgations, dont nous retrouvons d'ailleurs trace pour partie dans le présent projet de loi.
Venons-en au fond.
Les textes européens dont il est question dans le cadre de ce projet de loi visent, pour l'essentiel, à atteindre l'un des objectifs de l'Union, à savoir l'instauration d'un marché des capitaux - et des services d'investissement en découlant - suffisamment libre, transparent et sécurisé, en tout cas au sens où l'entendent les concepteurs profondément libéraux de ce marché.
Certaines des remarques formulées dans son rapport par M. Marini montrent d'ailleurs les préoccupations tout à fait légitimes qui animent aujourd'hui les acteurs au regard de cette évolution vers une plus forte intégration encore des activités financières à l'échelle de l'Union.
L'actualité récente est sans équivoque. Elle montre, faits à l'appui, les risques et les dérives qui demeurent dans toute démarche de libéralisation et de réglementation pour le moins allégée concernant les activités financières.
Les dispositions que nous examinons aujourd'hui, dans des conditions peu satisfaisantes, nous conduisent naturellement à parler des risques systémiques induits par cette intégration croissante des établissements financiers et des entreprises d'investissement.
C'est évidemment la crise des subprimes provoquée aux États-Unis qui a constitué l'actualité des marchés financiers dans la dernière période. Il semble d'ailleurs, au-delà de la situation de l'établissement britannique Northern Rock, où les clients ont massivement retiré leurs liquidités, qu'un certain nombre d'établissements de crédit de base français sont clairement impliqués dans le système des prêts hypothécaires américains et risquent donc de subir d'importantes pertes. Et ce alors même qu'un article du présent projet de loi porte sur la question de la notation des entreprises d'investissement et des établissements de crédit !
Ce texte, présenté à la va-vite en recourant à la procédure d'urgence, porte sur des matières dont certaines sont particulièrement importantes. Mais rien n'est satisfaisant dans le débat qui nous préoccupe, ce qui nous conduira à rejeter les termes du présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Le code des assurances est modifié ainsi qu'il suit :
I. - Avant le premier alinéa de l'article L. 124-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. » ;
II. - Le premier alinéa de l'article L. 211-1 est ainsi modifié :
1° Les mots : « terrestre à moteur, ainsi que ses remorques ou semi-remorques, » sont supprimés et les mots : « lesdits véhicules » sont remplacés par les mots « celui-ci » ;
2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Pour l'application du présent article, on entend par « véhicule » tout véhicule terrestre à moteur, c'est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée. » ;
III. - L'article L. 211-4 est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette assurance ne peut être résiliée et sa prime ne peut être modifiée au motif d'un séjour du véhicule dans un État membre de la Communauté européenne autre que la France pendant la durée du contrat. » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
IV. - Après l'article L. 211-4, il est inséré un article L. 211-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-4-1. - Le véhicule est réputé avoir son lieu de son stationnement habituel en France :
« 1° Lorsqu'il porte une plaque d'immatriculation qui lui correspond et qui a été délivrée par les autorités françaises ;
« 2° Lorsque, bien que soumis à l'obligation d'immatriculation en France, il est dépourvu de plaque d'immatriculation ou porte une plaque qui ne lui correspond pas ou ne lui correspond plus et que l'accident survient sur le territoire français ;
« 3° Lorsqu'il n'est pas soumis à l'obligation d'immatriculation et que la personne qui en a la garde est domiciliée en France. »
V. - Aux deuxièmes phrases des articles L. 351-6-1 et L. 362-3, les mots : «, qui sont exclusives de toute opération d'assurance pour le compte de l'entreprise qu'il représente au titre de la gestion des sinistres, » sont supprimés ;
VI. - L'article L. 421-1 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 421-1. - I. - Le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages indemnise, dans les conditions prévues aux 1° et 2° suivants, les victimes ou les ayants droit des victimes des dommages nés d'un accident survenu en France dans lequel est impliqué un véhicule au sens de l'article L. 211-1.
« 1° Le fonds de garantie indemnise les dommages résultant d'atteintes à la personne :
« a) Lorsque le responsable des dommages est inconnu ;
« b) Lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, sauf par l'effet d'une dérogation légale à l'obligation d'assurance ;
« c) Lorsque l'assureur du responsable est totalement ou partiellement insolvable, dans les situations non couvertes par les dispositions de la section 6 du présent chapitre ;
« 2° Le fonds de garantie indemnise les dommages aux biens, dans les conditions et limites fixées par un décret en Conseil d'État :
« a) Lorsque le responsable des dommages est inconnu, sous réserve que l'accident ait causé une atteinte à la personne ;
« b) Lorsque le responsable des dommages est identifié mais n'est pas assuré, sauf par l'effet d'une dérogation légale à l'obligation d'assurance ;
« c) Lorsque l'assureur du responsable est totalement ou partiellement insolvable, dans les situations non couvertes par les dispositions de la section 6 du présent chapitre.
« Dans le cas d'un accident impliquant un véhicule expédié d'un État membre de la Communauté européenne vers la France et survenant dans les trente jours suivant l'acceptation de la livraison du véhicule par l'acheteur, le fonds de garantie est tenu d'intervenir au titre du b du 1° et du b du 2° quel que soit l'État membre sur le territoire duquel survient l'accident.
« Lorsqu'il intervient au titre du c du 1° et du c du 2° ci-dessus pour prendre en charge, pour le compte de l'entreprise en liquidation, le règlement des dommages mentionnés à l'article L. 211-1, le fonds de garantie ne peut exercer aucun recours contre les assurés et souscripteurs de contrats pour le recouvrement des indemnités qu'il a versées.
« II. - Le fonds de garantie indemnise également, dans les conditions prévues aux 1° et 2° suivants, les victimes ou les ayants droit des victimes de dommages nés d'un accident de la circulation causé, dans les lieux ouverts à la circulation publique, par une personne circulant sur le sol ou un animal.
« 1° Le fonds de garantie indemnise les dommages résultant d'atteintes à la personne :
« a) Lorsque la personne responsable du dommage est inconnue ou n'est pas assurée ;
« b) Lorsque l'animal responsable du dommage n'a pas de propriétaire ou que son propriétaire est inconnu ou n'est pas assuré ;
« 2° Le fonds indemnise les dommages aux biens, dans les conditions et limites fixées par décret en Conseil d'État :
« a) Lorsque la personne responsable du dommage est identifiée mais n'est pas assurée ;
« b) Lorsque la personne responsable du dommage est inconnue, sous réserve que l'accident ait causé une atteinte à la personne ;
« c) Lorsque le propriétaire de l'animal responsable du dommage n'est pas assuré ;
« d) Lorsque l'animal responsable du dommage est identifié mais n'a pas de propriétaire ;
« e) Lorsque l'animal responsable du dommage n'est pas identifié, sous réserve que l'accident ait causé une atteinte à la personne.
« III. - Lorsque le fonds de garantie intervient au titre du I et II du présent article, les indemnités doivent résulter soit d'une décision juridictionnelle exécutoire, soit d'une transaction ayant reçu l'assentiment du fonds de garantie.
« Lorsque le fonds de garantie intervient au titre du I et II du présent article, il paie les indemnités allouées aux victimes ou à leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l'accident ouvre droit à réparation. Les versements effectués au profit des victimes ou de leurs ayants droit et qui ne peuvent pas donner lieu à une action récursoire contre le responsable des dommages ne sont pas considérés comme une indemnisation à un autre titre.
« IV. - Le fonds de garantie est également chargé de gérer et de financer, à compter de l'exercice 2003, les majorations de rentes prévues à l'article 1er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 relative à la revalorisation de certaines rentes allouées en réparation du préjudice causé par un véhicule terrestre à moteur et à l'article 1er de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères, au titre des états justificatifs certifiés. Les créances relatives aux majorations de rentes visées au présent alinéa se prescrivent dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Le fonds peut contrôler sur pièces et sur place l'exactitude des renseignements fournis par les organismes débirentiers.
« V. - Le fonds de garantie peut financer, selon des modalités et dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, des actions visant à réduire le nombre des accidents de la circulation et à prévenir l'absence d'assurance de responsabilité civile automobile.
« VI. - Le fonds de garantie est l'organisme chargé des missions mentionnées aux articles L. 424-1 à L. 424-7. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Marini au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 211-4-1 du code des assurances, après les mots :
son lieu de
supprimer le mot :
son
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la date de publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et modifiant les directives 73/239/CEE et 92/49/CEE du Conseil ainsi que les directives 98/78/CE et 2002/83/CE et pour moderniser le cadre juridique applicable aux fonds communs de créances et notamment élargir leur objet à la titrisation des risques d'assurance.
Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de cette ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 12 est présenté par Mme Bricq, MM. Massion, Masseret, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Thierry Foucaud. Le contenu de cet article, dont nous proposons la suppression, mériterait sans nul doute autre chose qu'un débat de quelques minutes.
L'article 2 vise à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de transposer dans notre droit la directive européenne relative aux activités de réassurance.
Selon cette directive, toute entreprise de réassurance, quel que soit son pays d'origine, devient, au motif qu'elle respecte les règles prudentielles prévues par sa législation nationale, susceptible de proposer ses services dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.
En outre, le recours à la titrisation d'un certain nombre de titres qui seraient détenus par les mêmes entreprises, s'il est interprété comme une remarquable avancée potentielle pour la place financière de Paris - encore que cela ait une valeur toute relative eu égard aux évolutions récentes -, doit être regardé comme un outil de plus mis à disposition des opérations financières les plus discutables.
Posons la question : en l'état actuel de la « qualité » des mesures prudentielles prises par chacun des pays membres de l'Union européenne, les conditions d'une transposition de la directive ne mettant pas en cause les intérêts des assurés sont-elles réunies ?
Ne risque-t-on pas en adoptant si vite, sans véritable débat, les mesures qui nous sont proposées de créer les conditions du développement ultérieur de quelques mésaventures financières ?
Cela est d'autant plus vrai que nous avons souligné, lors de la discussion générale, l'implication de nombre d'établissements financiers européens sur les marchés hypothécaires nord-américains, avec tout ce que cela implique en termes de pertes à provisionner.
Pour ces motifs, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement de suppression de l'article 2, dont les dispositions méritent bien autre chose que le recours à la procédure de l'article 38 de la Constitution.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 12.
Mme Nicole Bricq. J'ai déjà expliqué au cours de la discussion générale, à la fois sur la forme et sur le fond, les raisons pour lesquelles cet article devait être supprimé.
Tout d'abord, il ne saurait être question d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur un sujet si complexe et si important pour la stabilité financière.
Ensuite, l'expérience malheureuse à laquelle nous assistons tous les dix ans dans le domaine financier, et que nous sommes encore en train de vivre avec les crédits bancaires, nous invite non pas à l'urgence mais à la prudence.
En regard de la volonté exprimée par Mme la ministre et par tous les orateurs de la majorité de transposer rapidement les directives européennes, je tiens à souligner qu'il y a directive et directive. Certaines sont transposées plus vite que d'autres. Concernant l'environnement, par exemple, nous sommes les champions du retard. Mme Keller a d'ailleurs rédigé un rapport sur les contentieux qui guettent la France en la matière.
Mes chers collègues, ne prenez donc pas prétexte de l'urgence et de la nécessité de transposer des directives lorsqu'il s'agit du domaine financier quand pour d'autres il n'y a que des contretemps.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Marini au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :
, en veillant à une information transparente et sincère des investisseurs
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 9 et 12.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je veux d'abord livrer quelques réflexions sur cet article et poser plusieurs questions à Mme la ministre.
La commission est bien entendu favorable à l'article 2, qui tend notamment à moderniser le régime français de la titrisation.
C'est de manière excessive que les acteurs de la titrisation ont été désignés comme responsables de la crise de l'été. La titrisation comporte des aspects positifs, mais cette technique, qui est une réalité globale et qui doit par conséquent se développer sur notre place financière, suppose une évolution des modes de régulation. Cela implique qu'elle puisse s'appuyer, comme l'ensemble des acteurs, sur une information aussi détaillée et sincère que possible.
Nous souhaitons donc - c'est le sens de l'amendement n° 2 - que l'habilitation que vous sollicitez, madame le ministre, soit bien précisée par les termes «, en veillant à une information transparente et sincère des investisseurs ».
Je suis certain que ce point est déjà bien au coeur de vos intentions ; néanmoins, ce texte aurait à mon avis une meilleure visibilité si ce principe, avec cette expression reflétant la volonté du Parlement, figurait de manière non ambiguë.
J'en reviens aux préoccupations d'ordre un peu plus général que je voulais exprimer à cette occasion.
Je souhaite rappeler, madame le ministre, que la fiducie, qui est née de la loi du 19 février 2007, pourrait et devrait constituer un outil potentiellement adapté pour la titrisation. Elle pourrait, dans certains cas de figure, offrir un cadre encore plus sécurisé que le fonds commun de créances, qui sera demain le fonds commun de titrisation.
C'est pourquoi, madame le ministre, je voulais vous interroger sur ce point. Il faudrait s'assurer d'une meilleure articulation des régimes des fonds communs de titrisation et de la fiducie.
Il faudrait également se pencher sur la disposition à mon sens trop limitée qui figure dans la loi du 19 février 2007 et qui concerne la qualité de fiduciaire.
En effet, le champ des fiduciaires est réduit aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux entreprises d'assurance. Sans doute le dispositif offrirait-il plus de cas d'application si les professions juridiques réglementées pouvaient également être considérées comme fiduciaires.
C'est un point de vue partagé par la commission des lois du Sénat, qui a déjà eu l'occasion de s'exprimer à ce sujet et de défendre un amendement à cette fin.
Je souhaitais donc, madame le ministre, vous interroger tout d'abord sur le devenir de la fiducie en tant qu'outil plus adapté que le fonds commun de titrisation dans certains cas, ou aussi adapté que ce dernier.
Mon second souci est d'ordre encore plus général, puisqu'il concerne le renforcement de l'attractivité de la place de Paris. Vous avez installé le 5 octobre dernier le Haut Comité de Place, ce dont je me réjouis.
Je souhaiterais, madame le ministre, que vous puissiez faire quelques commentaires à ce sujet.
Cette initiative me paraît particulièrement utile dans la période actuelle. Dans la situation de concurrence avec Londres qui est la nôtre, peut-être pouvons-nous aujourd'hui marquer quelques points ?
Si nous sommes en mesure de bien utiliser nos avantages comparatifs, en particulier dans l'industrie de la gestion d'actifs, en termes de technicité, en mathématiques financières par exemple, la place de Paris et ses professionnels ont des atouts que l'on peut sans doute faire valoir davantage. Ce sont des facteurs de richesse, d'innovation, qu'il ne faut absolument pas négliger.
Madame le ministre, il s'agit, vous le savez, d'une préoccupation permanente de la commission des finances. Nous comptons, à l'occasion de la discussion du prochain projet de loi de finances, revenir sur ce sujet, notamment du point de vue des cadres financiers de haut niveau, des talents, des compétences, dont nous avons besoin et qu'il faut attirer par des régimes adaptés ; ce faisant, d'ailleurs, nous attirerons de nouvelles recettes fiscales.
Madame le ministre, si vous pouviez nous apporter quelques éléments d'information sur tous ces sujets, le Sénat vous en serait reconnaissant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable aux amendements identiques nos 9 et 12, qui visent à supprimer l'article 2, tout simplement parce qu'ils nous priveraient des moyens de transposer la directive « réassurance » et de réformer le cadre juridique applicable aux opérations de titrisation.
L'amendement n° 2 a pour objet de préciser que l'un des objectifs de la réforme est de veiller « à une information transparente et sincère des investisseurs ».
Le Gouvernement partage pleinement cet objectif de transparence des informations qui concourt, d'abord, à une meilleure sécurité et, ensuite, à une meilleure concurrence. Il émet donc bien entendu un avis favorable sur cet amendement.
Je suis heureuse d'apporter quelques compléments d'information tant sur notre lecture et notre appréciation des turbulences financières de l'été que sur les questions touchant à l'attractivité de la place financière de Paris dans le contexte actuel.
Mme Bricq a considéré que le principe de l'urgence ne prévalait pas.
Au regard de la compétitivité et des avantages comparatifs que nous pouvons tirer de la situation actuelle - il n'est bien sûr nullement question de nous réjouir du malheur qui affecte les autres -, nous disposons d'un élément d'urgence qui devrait nous pousser dans la direction de la bonne régulation d'instruments financiers qui, de toute façon, sont utilisés par les acteurs financiers dans le domaine de la réassurance.
En ce qui concerne les turbulences financières de l'été, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je partage tout à fait votre analyse : elles ne sont pas à attribuer exclusivement au mécanisme du marché hypothécaire à risque américain, autrement appelé le subprime.
Si l'élément déclencheur a, cette fois-ci, été le marché des prêts hypothécaires à risque, il aurait pu être d'une autre nature.
Cette difficulté rencontrée par le marché américain, qui s'est très rapidement diffusée sur les autres places pendant l'été, a d'abord été limitée à cet élément du marché. Puis, elle s'est ensuite étendue par une espèce de capillarité étrange et s'est transformée en crise de liquidités fondée essentiellement sur une crise de confiance.
Cette crise de confiance tenait, premièrement, à la fragmentation des risques liés à la titrisation de ces éléments du marché, c'est-à-dire les crédits à risque, et, deuxièmement, à une sous-évaluation des risques qui y étaient associés, dont sont responsables un certain nombre d'acteurs, mais dont les mécanismes d'évaluation et de notation utilisés par les agences en particulier sont probablement un peu responsables.
C'est d'ailleurs ce qui nous a amenés à proposer à nos partenaires de l'ECOFIN, les autres ministres des finances de l'Union européenne, sous l'impulsion du Président de la République et de Mme Angela Merkel, un certain nombre de mesures de nature à améliorer la gouvernance, la transparence et la régulation.
Nous avons fait notamment dix propositions distinctes, dont certaines sont relatives à la régulation applicable aux agences de notation ou aux codes de bonne pratique. Dans ces domaines, tout simplement parce que la finance est fluide et qu'il ne s'agit pas de produits qui passent des frontières, il est indispensable de s'assurer que les acteurs de place sont participants et s'approprient les mécanismes que nous leur suggérons, tout simplement parce qu'ils y ont intérêt.
Un premier exemple de mesure est donc l'amélioration du fonctionnement des agences de notation à l'égard, notamment, des règles de conflits d'intérêt, des obligations de conservation d'un certain nombre de documents relatifs aux travaux effectués sur des instruments financiers.
Un deuxième exemple consisterait, bien sûr, à leur suggérer de calibrer leur notation en fonction d'un indice de liquidité qui, aujourd'hui, n'est pas particulièrement pris en compte dans l'évaluation qu'ils font des risques.
Nous avons donc présenté toute une série de propositions auxquelles se sont ralliés la plupart de nos partenaires européens la semaine dernière, ce qui nous permettra très probablement de promouvoir d'une voix commune cette initiative franco-allemande lors des assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, au mois d'octobre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous sommes donc véritablement en situation de proposition et d'initiative, tout simplement parce que nous disposons, au sein de l'Union européenne et tout particulièrement en France, compte tenu du rôle des acteurs de place, d'un mécanisme de régulation et de sécurité qui nous a permis d'échapper à un certain nombre de vicissitudes rencontrées par d'autres marchés - je pense au marché américain, au marché allemand à un moindre degré et, sans aucun doute, au marché anglais.
Je veux revenir un instant sur l'étroite concertation nécessaire et sur le lien existant entre la Banque de France et l'organe de régulation des banques, la Commission bancaire : le fait que ces deux organismes s'informent en permanence et connaissent une proximité institutionnelle nous a très probablement, de mon point de vue, épargné des vicissitudes rencontrées par le marché britannique à l'occasion des difficultés de liquidité et de refinancement de la Northern Rock : un certain nombre de petits épargnants qui n'avaient pu se réapprovisionner par Internet sont allés faire la queue aux portes de la Northern Rock !
Voilà divers éléments que je voulais vous indiquer à ce sujet.
Je précise que l'article 2, qui a pour objet d'habiliter le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance, me paraît justifié par l'urgence.
En effet, aujourd'hui, le marché français, compte tenu de sa régulation, des rôles joués par les différents acteurs, bénéficie d'un indice de sécurité et de bonne régulation dont il me paraît absolument indispensable de tirer profit !
J'en viens à l'attractivité de la place de Paris. Ainsi que l'a dit Mme Bricq, l'ensemble des acteurs de place, la Ville de Paris, la région d'Île-de-France et l'ensemble des acteurs économiques et financiers ont oeuvré, sous l'impulsion des pouvoirs publics, pour parvenir début juillet - et, sans vouloir me vanter de quoi que ce soit, je pense avoir un peu poussé à la roue en ce sens - à la labellisation du pôle « Finance Innovation » comme pôle mondial. C'était une première étape.
La deuxième étape que j'avais annoncée à cette occasion était la constitution d'un Haut Comité de Place pour Paris.
Il me paraît en effet indispensable de tirer parti de nos atouts, qu'il s'agisse des atouts classiques de la France - son infrastructure exceptionnelle, sa capacité d'accueil des investisseurs étrangers, son patrimoine somptueux - ou des atouts particuliers de Paris en tant que place financière - un environnement sûr et convenablement régulé, avec des autorités de place compétentes, une capacité de coordination entre la Commission bancaire et la Banque de France, les bonnes relations entre la Banque de France et la Banque centrale européenne. N'oublions pas notre qualité d'acteur : nous disposons à Paris des meilleures formations dans le domaine des mathématiques financières. Nous avons donc tout intérêt - j'espère que nous reviendrons sur ce point à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances - à garder les talents financiers que nous formons, en particulier en faisant preuve d'attractivité. Nous avons d'ailleurs toutes les capacités pour les conserver en France et pour faire de Paris une place capable de rivaliser largement avec Londres.
N'amenons pas nos jeunes talents formés à la finance internationale et aux mathématiques financières à prendre l'Eurostar le lundi matin pour se rendre à Londres et à revenir passer leurs week-ends à Paris simplement parce que Londres est plus attractif que Paris, et ce pour des raisons qui n'ont rien à voir, monsieur le rapporteur général, avec le brouillard londonien (M. le rapporteur général sourit.), et qui tiennent plutôt au traitement fiscal qui leur est réservé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 12.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.