Sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
2. Loi de finances pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Immigration, asile et intégration
MM. André Ferrand, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Mme Catherine Tasca, M. Christian Cambon, Mme Éliane Assassi, MM. Georges Othily, Philippe Dominati.
MM. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Amendement n° II-16 rectifié de la commission. - MM le rapporteur spécial, le président de la commission, le ministre. - Adoption.
Amendements nos II-17 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
M. le président de la commission.
Adoption, par scrutin public, des crédits modifiés.
Mme Éliane Assassi.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 45
Amendement n° II-18 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
MM. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances ; Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; M. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.
MM. le président, Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance
M. Claude Lise, Mmes Lucette Michaux-Chevry, Gélita Hoarau, MM. Daniel Marsin, Adrien Giraud, Serge Larcher, Jean-Paul Virapoullé, Georges Othily, Jacques Gillot, Denis Detcheverry, Simon Loueckhote, Robert Laufoaulu, Soibahadine Ibrahim Ramadani.
M. le secrétaire d'État.
M. le président.
Mme Gélita Hoarau.
Adoption des crédits.
Article additionnel après l'article 45 bis
Amendement n° II-94 de Mme Anne-Marie Payet. - Mme Anne-Marie Payet, MM. François Trucy, en remplacement de M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat, Philippe Nogrix, Jean-Paul Virapoullé. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
3. Candidatures à des commissions
4. loi de finances pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Préparation et emploi des forces) ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Philippe Nogrix, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Préparation et emploi des forces) ; Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Équipements des forces) ; Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Environnement et soutien de la politique de défense).
Suspension et reprise de la séance
5. Nomination de membres de commissions
6. loi de finances pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi
M. Michel Guerry, Mmes Michelle Demessine, Nathalie Goulet, MM. Yves Pozzo di Borgo, Didier Boulaud, Georges Othily, Mme Josette Durrieu, M. Pierre Laffitte, Mme Dominique Voynet, M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Hervé Morin, ministre de la défense.
Amendement no II-108 de M. Yves Pozzo di Borgo. - MM. Yves Pozzo di Borgo, Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre. - Retrait.
Amendement no II-29 de la commission. - MM. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre. - Adoption.
Adoption, par scrutin public, des crédits modifiés.
Articles additionnels après l'article 41 quater
Amendement no II-30 rectifié de la commission. - MM. Yves Fréville, rapporteur spécial ; le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no II-31 rectifié de la commission. - MM. Yves Fréville, rapporteur spécial ; le ministre. - Retrait.
Amendement no II-62 rectifié de Mme Janine Rozier. - Mme Janine Rozier, François Trucy, rapporteur spécial ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
7. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Loi de finances pour 2008
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).
Immigration, asile et intégration
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (et article 35).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Ferrand, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin une toute nouvelle mission, qui est née avec le projet de loi de finances pour 2008 et qui constitue la traduction budgétaire de la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Permettez-moi de vous faire part, monsieur le ministre, des attentes de la commission des finances du Sénat quant à ce nouveau ministère et des souhaits qu'elle forme en ce qui concerne la gestion de ses crédits.
Premièrement, vous êtes en charge du nouveau ministère de l'immigration, qui doit être le symbole de la réforme administrative. La mise en cohérence des administrations chargées de l'immigration et de l'intégration est une nécessité, comme l'avait d'ailleurs indiqué, dès le mois de novembre 2004, la Cour des comptes dans un rapport sur ce sujet. Je la cite : « Dans un domaine sensible, l'absence de pilotage n'a pas été étrangère à l'incapacité à définir une politique claire de l'immigration, et elle a favorisé le cloisonnement des politiques ministérielles et l'autonomisation des divers établissements et institutions chargés des différents dossiers, sans que les moyens de leur cohérence soient toujours réunis. »
Le rôle, et la difficulté, de votre ministère, monsieur le ministre, sera d'agréger, de faire travailler ensemble, des administrations aux cultures de travail éparses et aux traditions parfois antagonistes. Il s'agit, selon moi, de décloisonner les administrations, les systèmes informatiques et les méthodes.
Deuxièmement, vous êtes le ministre de la modernisation. De ce point de vue, je pense qu'il vous sera nécessaire de renforcer la tutelle financière sur les opérateurs de la mission « Immigration, asile et intégration » et d'en améliorer la gestion. S'agissant des deux opérateurs essentiels, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSé, trois questions devront être tranchées.
La première question est celle des objectifs de chacune des agences, qui se caractérisent par l'empilement au fil des ans de compétences parfois très hétérogènes et éclatées, sans revue générale des politiques.
La deuxième question est celle de la répartition des tâches entre l'ANAEM et l'ACSé s'agissant de la formation linguistique. En théorie, la répartition des tâches est claire : à l'ANAEM, le contrat d'accueil et d'intégration, et donc l'accueil et les formations aux primo-arrivants ; à l'ACSé, l'intégration, c'est-à-dire la formation linguistique des personnes présentes sur le sol français depuis plus d'un an. En pratique, cette distinction est peu opérante puisque les personnes concernées sont au final les mêmes et que les opérateurs, qui gagneraient d'ailleurs à être professionnalisés, sont en large partie identiques.
La troisième question est celle de la performance de la gestion, conformément aux prescriptions de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. J'ai été surpris de constater que l'ANAEM ne disposait pas de comptabilité d'engagement. Cette anomalie doit être corrigée au plus vite, car elle empêche de savoir avec certitude si les ressources budgétaires de l'ANAEM sont conformes à ses besoins. Je vous proposerai, monsieur le ministre, mes chers collègues, un amendement visant à réduire sur les crédits de cet organisme un fonds de roulement qui m'apparaît très important : 62 millions d'euros, à comparer avec le montant du budget de l'ANAEM pour 2007, qui s'établit à 134 millions d'euros.
Par ailleurs, vous avez devant vous en 2008 l'indispensable réforme de l'ancienne Commission des recours des réfugiés, la CRR, devenue la Cour nationale du droit d'asile, dont les délais d'examen des recours sont trop longs. Une réduction du nombre de formations de jugement - il y en a 130 aujourd'hui ! - et une professionnalisation progressive des présidents de ces formations apparaissent incontournables.
Troisièmement, monsieur le ministre, vous êtes autant le ministre de la maîtrise de l'immigration que celui de l'attractivité de notre pays auprès des étudiants et des personnes les plus qualifiées. Vous êtes le ministre de l'immigration économique : rappelons-nous l'objectif de 50 % d'immigration économique fixé par la lettre de mission du Président de la République. Cela suppose de construire une administration de l'immigration économique performante et accueillante.
Les populations qualifiées - travailleurs, chercheurs, spécialistes et étudiants -, viendront d'autant plus volontiers dans notre pays que notre service public d'accueil des étrangers sera de qualité et qu'il sera en mesure de souffrir la comparaison avec celui d'autres pays développés.
J'espère que, dans le projet de loi de finances pour 2009, des objectifs et des indicateurs de performance pourront être présentés au Parlement pour mesurer les résultats de votre ministère dans ce domaine. Au-delà du taux de migrants économiques, je vous propose de mettre en place des indicateurs de simplification administrative et des éléments plus qualitatifs, sur le fondement d'enquêtes relatives à l'accueil dans les services des visas et des préfectures.
Enfin, quatrièmement, monsieur le ministre, vous êtes le ministre de l'intégration, autre pilier essentiel de la politique de l'immigration. Sur ce point, la quasi-totalité des actions est déléguée à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, pour un peu plus de 100 millions d'euros. Ce sont plus de 4 800 associations qui sont financées par ce biais. Or le Parlement ne dispose d'aucun objectif ou indicateur de performance pour juger des actions entreprises.
Il y a aujourd'hui un besoin d'évaluation. L'ACSé en est consciente puisqu'elle a lancé des audits sur les principales associations qu'elle finance. En 2006, ces audits ont montré, selon le rapport d'activité de l'agence, l'essoufflement de la vie associative de certaines grandes associations. Il a également été relevé que plusieurs opérateurs éprouvent de la difficulté à concentrer leurs actions sur leur coeur de métier : la lutte contre les discriminations. Il nous faudra trouver au cours des prochains mois les moyens d'une activation de la dépense de l'ACSé, afin de la rendre globalement plus efficace.
Sous le bénéfice de ces remarques et des trois amendements que je vous présenterai tout à l'heure, je vous demande d'adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela vient d'être dit, la nouvelle mission budgétaire regroupant les domaines de l'immigration, de l'asile et de l'intégration, créée en 2007, est composée de deux programmes : le premier porte sur l'immigration et l'asile, le second sur l'intégration et l'accès à la nationalité française.
Notre commission ne s'est saisie pour avis que du premier programme, qui contient une action « Garantie de l'exercice du droit d'asile », auparavant exercée par la Direction des Français à l'étranger et des étrangers en France du ministère des affaires étrangères.
Elle a pour mission dans ce nouvel avis de continuer à examiner les conditions de fonctionnement de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, et de la Commission des recours des réfugiés, devenue cour nationale du droit d'asile, même si ces deux organes sont désormais rattachés au nouveau ministère.
Il faut rappeler que l'OFPRA, dont le fonctionnement s'est considérablement amélioré ces dernières années, grâce à un renforcement notable de ses moyens en personnels, a toujours fonctionné comme un service à part au sein du ministère des affaires étrangères, car ses personnels sont plus des spécialistes des pays d'origine des réfugiés dont ils doivent examiner les demandes d'asile que des diplomates.
Pour ceux d'entre eux qui sont membres des corps du ministère des affaires étrangères, cette tutelle sera maintenue ; seuls les actes de gestion courante seront assurés par les services du ministère de l'immigration. Une convention de délégation de gestion permettra leur rémunération par ce dernier ministère.
La récente loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, promulguée le 20 novembre dernier, ne modifie pas le délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile, qui reste fixé à un mois pour faire appel d'une décision négative de l'OFPRA.
Je vous rappelle que le fonctionnement de l'OFPRA a été profondément remanié par la loi de 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. Depuis cette date, la subvention attribuée à cet établissement public par le ministère des affaires étrangères a doublé. Elle s'est élevée à 45 millions d'euros en 2007. Le projet de loi de finances pour 2008 lui accorde 43 millions d'euros. Sur les 370 équivalents temps plein travaillé qui lui sont affectés, 137 sont transférés de la Direction des Français à l'étranger et des étrangers en France.
L'augmentation des moyens, conjuguée à une baisse des demandes d'asile formulées en France, qui ont régressé, pour les personnes majeures, de 57 700 en 2004 à 26 300 en 2006, a permis de réduire la durée d'instruction des dossiers d'une vingtaine de jours en moyenne. Ainsi cette moyenne est-elle passée à 110 jours en 2007, après avoir avoisiné 130 jours en 2004.
Le stock des dossiers en instance a ainsi été significativement réduit de 28 %, ce qui est important, pour s'établir, en 2006, à environ deux mois d'activité, soit 8 400 dossiers.
En parallèle, le nombre des demandes de réexamen par l'ancienne Commission des recours des réfugiés a également diminué de 31 % de 2003 à 2006, passant de 44 000 recours à 30 500.
Cependant, on peut légitimement s'interroger sur le caractère durable de cette amélioration. Le début de l'année 2007 a été marqué par une nette augmentation des demandes émanant, par exemple, de ressortissants bangladais, chinois ou serbes.
L'évolution géopolitique mondiale, y compris en Europe, compte tenu de la pression exercée par les populations des pays de l'Est non membres de l'Union européenne et par celles des pays les plus troublés des Balkans, conduit à un optimisme mesuré sur les capacités de l'OFPRA à poursuivre ses progrès en matière d'instruction des dossiers qui lui sont soumis.
Je vous précise ainsi que, selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, en 2005, quelque 668 400 personnes ont demandé l'asile dans le monde, dont plus de la moitié en Europe.
Si le flux semble aujourd'hui stabilisé en France autour de 26 000 demandes annuelles déposées auprès de l'OFPRA, le nombre de recours formulés dans le délai d'un mois contre une décision de refus ne cesse, en revanche, de s'accroître. Cette évolution traduit le rôle positif joué par les associations d'aide aux demandeurs d'asile, qui les informent pleinement de leurs droits.
Cependant, d'un point de vue fonctionnel, une telle tendance alourdit la charge de la Cour nationale du droit d'asile et allonge d'autant la durée de séjour sur le territoire français de personnes dont le sort reste incertain, ce qui n'est satisfaisant ni pour les intéressés ni pour notre pays.
Il est donc souhaitable que le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement veille au bon fonctionnement de l'OFPRA, ainsi que de la Cour nationale du droit d'asile et en renforce les moyens, si cela est nécessaire.
Sous ces réserves, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose d'adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2003, notre pays se dote progressivement d'une politique migratoire structurée, après avoir longtemps balancé entre le mythe de l'« immigration zéro » et une certaine résignation à subir les bouleversements du monde.
Du chemin reste à parcourir pour passer effectivement d'une politique de maîtrise à une politique de pilotage des flux dans un espace européen désormais ouvert.
Mais la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement marque une étape extrêmement importante, en réunissant enfin l'ensemble des administrations concernées, qui étaient autrefois éclatées entre les différents ministères.
La création de la mission « Immigration, asile et intégration » est la traduction budgétaire logique de cette réforme fondamentale de structure. En outre, elle est cohérente avec l'approche globale développée par l'Union européenne.
Monsieur le ministre, l'organisation que vous allez mettre en place, structurer et animer est d'une grande importance.
D'une part, nous souhaitons, comme la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine l'avait demandé, disposer d'éléments statistiques sérieux, afin d'évaluer la situation avec précision.
D'autre part, nous insistons sur la nécessité de continuer à promouvoir l'immigration professionnelle que nous appelons de nos voeux.
À cet égard, j'aimerais savoir comment s'organisera à l'étranger l'information sur nos besoins en termes de main-d'oeuvre. Sur le terrain, ce travail sera-t-il confié à nos consulats, à nos missions économiques ou encore à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM ? En outre, disposez-vous d'un premier bilan des besoins de main-d'oeuvre ayant pu être satisfaits grâce à l'ouverture de certains métiers aux ressortissants des nouveaux États-membres de l'Union européenne ?
La mission « Immigration, asile et intégration » est à la fois équilibrée et cohérente. Toutefois, elle ne couvre pas l'ensemble de vos compétences. Les services déconcentrés, comme les services des visas, les services des étrangers dans les préfectures et la police aux frontières ne figurent pas au sein de la mission, bien que vous ayez une autorité conjointe sur certains d'entre eux.
Or je suis intimement convaincu qu'un des grands chantiers sera la modernisation de notre service public de l'immigration, autrefois trop largement cantonné à des tâches de maîtrise des flux et de gestion des demandes. La réhabilitation d'une vision positive de l'immigration passe nécessairement par une réorganisation de nos administrations. Cela exigera sans doute du temps et du doigté, mais je ne doute nullement de votre détermination.
Je souhaiterais insister particulièrement sur les crédits relatifs au droit d'asile, qui sont très importants, car ils représentent les trois quarts de la dotation affectée au programme « Immigration et asile », qui regroupe les deux tiers du budget de l'ensemble de la mission.
Les crédits alloués à l'OFPRA devraient baisser de 5 %, afin de tenir compte de la très forte baisse des premières demandes d'asile depuis trois ans. Cette baisse modérée ne devrait pas gêner le travail de cet organisme ou de la Cour nationale du droit d'asile.
Toutefois, je souhaiterais rappeler qu'une baisse trop brutale des moyens de l'OFPRA en vue de les ajuster sur les variations de la demande d'asile en année n-1 ne serait pas une bonne méthode. Des moyens suffisants doivent être maintenus pour faire face en temps réel aux inévitables fluctuations imprévisibles de la demande.
À défaut, nous risquons de nous retrouver, comme en 2002, avec des stocks énormes d'affaires en cours. Le résultat serait un allongement de la durée des procédures et donc des frais d'hébergement et de prise en charge des demandeurs d'asile. Ainsi, ce qui serait gagné d'un côté pourrait être perdu de l'autre.
En matière d'asile, une réforme est également attendue. Je fais référence à l'autonomie de la Cour nationale du droit d'asile, anciennement dénommée Commission des recours des réfugiés. Vous avez pris l'engagement de consacrer son autonomie financière dès le projet de loi de finances pour 2009, en distinguant son budget de celui de l'OFPRA.
Monsieur le ministre, peut-être sera-t-il intéressant d'accompagner une telle réforme, qui est importante sur le plan budgétaire, d'une réflexion plus globale sur le fonctionnement de la Cour nationale du droit d'asile, dont le rôle, notamment juridictionnel, est essentiel.
Je souhaiterais également saluer le succès du contrat d'accueil et d'intégration, désormais obligatoire depuis le 1er janvier 2007. Ayant assisté à une journée d'accueil de primo-arrivants sur la plate-forme de l'ANAEM à Paris, j'ai pu constater que les signataires appréciaient le déroulement de cette journée permettant de poser les jalons de leur intégration.
Ce succès, il faut le conforter. Certains prestataires, notamment s'agissant des cours de langue, ne seraient pas toujours aussi efficaces et performants qu'ils le devraient. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser la démarche d'évaluation des prestataires mise en oeuvre par l'ANAEM et nous dire si des mesures ont déjà été prises pour en changer s'il en était besoin ?
Je voudrais également poser une question sur l'Europe. L'année 2008 sera une année européenne, en particulier pour votre ministère, le Président de la République ayant annoncé que l'immigration faisait partie des priorités de la France en la matière.
L'organisation d'une nouvelle conférence euro-africaine sera également un moment important. La France pourra mettre en avant l'expérience de ses accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires.
Quant à l'ouverture de telles rencontres, il est important que nous puissions, le moment venu, être tenus informés des évolutions et des projets de la France.
Enfin, je souhaiterais évoquer brièvement la situation des mineurs étrangers isolés en France, sujet sur lequel nous avons porté un regard particulier. Cette année, j'ai souhaité faire un point particulier sur ce problème dans mon rapport.
Si des progrès sont toujours possibles, il faut reconnaître que des améliorations sensibles ont été apportées depuis quelques années, notamment s'agissant des conditions matérielles et juridiques de leur arrivée à Roissy Charles-de-Gaulle.
La prise en charge des mineurs se trouvant sur le territoire français reste inégale, ce qui s'explique en partie par la diversité des profils. Selon les évaluations actuelles, environ 5 000 mineurs étrangers isolés seraient présents sur notre territoire.
Je tiens toutefois à saluer le travail effectué par le lieu d'accueil et d'orientation de Taverny, qui est un centre spécialisé pour les mineurs étrangers isolés géré par la Croix-Rouge. La plupart des mineurs qui y passent parviennent à être régularisés à leur majorité, en raison de leur bonne insertion professionnelle.
Quant aux jeunes qui ne pourraient pas être régularisés à leur majorité, une des pistes à explorer réside dans le développement de partenariats avec des entreprises françaises, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, intervenant dans le pays d'origine de ces mineurs. Les entreprises soutiendraient alors la formation de ces jeunes en vue de leur embauche dans le pays d'origine. Leur retour à leur majorité serait ainsi contractualisé et s'inscrirait dans un projet de réinsertion.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces quelques observations, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits inscrits au titre de la mission « Immigration, asile et intégration » dans le projet de loi de finances pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Enfin, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, l'architecture des différentes missions composant le budget de l'État a subi un certain nombre d'ajustements, jamais encore la création d'une mission nouvelle relevant d'un tout nouveau ministère n'était intervenue.
Tel est pourtant aujourd'hui le cas avec la création de la mission « Immigration, asile et intégration », qui est placée sous l'autorité du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
À l'exception des fonds affectés au codéveloppement, qui sont inscrits au titre de la mission « Aide publique au développement », la nouvelle mission regroupe l'ensemble des crédits concourant à ces différentes politiques, qui relevaient jusqu'alors des missions « Solidarité et intégration », « Sécurité » ou « Action extérieure de l'État » et dépendaient de trois ministères, le ministère en charge du travail, des relations sociales et de la solidarité, le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et le ministère de la défense.
Certes, le nouveau ministère disposera d'un budget propre, mais l'examen de ses crédits n'est pas aisé, puisqu'il n'existe pas de nomenclature de référence dans les lois de finances initiales antérieures.
La mission comporte deux programmes, le programme 303 « Immigration et asile » et le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité ».
Le droit d'asile est gravement négligé.
Pour le programme « Immigration et asile », on doit tout d'abord regretter que l'asile soit une composante quelconque des crédits relatifs à l'immigration. Alors que l'asile relève du droit international et qu'il est protégé par la Convention de Genève de 1951, il n'apparaît dans votre budget que comme un instrument de régulation des flux migratoires.
L'action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » voit ainsi ses crédits 2008 diminuer de 4,1 % pour les autorisations d'engagement et de 3,7 % pour les crédits de paiement par rapport à la loi du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.
Monsieur le ministre, vous expliquez cette diminution par la résorption des stocks de demandes d'asile en souffrance et par la baisse attendue des demandes d'asile.
Certes, et nous nous en réjouissons, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Commission des recours des réfugiés ont réussi à résorber en grande partie les stocks des dossiers pendants, mais elles n'ont pas réussi à tenir les objectifs fixés par la loi du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 s'agissant de la durée moyenne de traitement des dossiers, celle-ci étant plus proche des 100 jours que de la cible des 60 jours.
Par ailleurs, le projet de budget pour 2008 a été fixé en tenant compte de la baisse des demandes d'asile constatée les années précédentes et en prévoyant une diminution supplémentaire de 10 % de ces demandes.
Une réduction de crédits nous paraît très imprudente compte tenu du constat précédemment évoqué et de la forte fluctuation des conflits internationaux. La situation en République démocratique du Congo, au Liban, en Tchétchénie ou en Irak - et je ne mentionne que ces pays-là - pourrait conduire à un afflux soudain et massif de demandeurs d'asile auquel l'OFPRA serait tout à fait incapable de faire face avec les moyens dont elle dispose.
La France, au titre de ses obligations liées à la convention de Genève du 28 juillet 1951 et au protocole de New York du 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés, doit assurer la prise en charge sociale des personnes qui demandent à accéder à ce statut, et ce tout au long de l'instruction de leur dossier par l'OFPRA et la CNDR.
Une telle prise en charge intervient sous la forme d'un hébergement accompagné en centre d'accueil pour demandeurs d'asile ou, à défaut de places disponibles dans ces centres, sous la forme du versement d'une allocation temporaire d'attente.
Alors que le projet initial pour 2007 prévoyait la création de 1 000 places, aucune création de place nouvelle n'est prévue pour 2008. Cette absence de création nouvelle est tout à fait regrettable quand on sait qu'un demandeur d'asile hébergé en centre d'accueil de demandeurs d'asile, ou CADA, a quatre fois plus de chances qu'un demandeur d'asile hébergé par ses propres moyens d'obtenir le statut de réfugié.
À ce sujet, je voudrais souligner que la création d'un CADA n'est toujours pas prévue à Paris, alors que c'est précisément dans la capitale qu'il y a le plus de réfugiés !
Le deuxième manque flagrant de votre budget réside dans l'absence d'efforts réels en faveur de l'intégration.
Le Président de la République, au cours de son allocution télévisée de jeudi dernier, s'exprimait ainsi à propos des violences récentes à Villiers-le-Bel : « Il y a le malaise social, il y a une immigration qui pendant des années n'a pas été maîtrisée, des ghettos qui ont été créés, des personnes qui ne se sont pas intégrées. »
La cohésion nationale dépend bien plus, vous le savez, des efforts d'intégration et de la capacité à vivre ensemble que d'une identité nationale à prouver. Qu'en est-il de l'intégration dans votre budget, monsieur le ministre ?
La mission d'accueil des étrangers et d'intégration échoit pour l'essentiel à l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM. Pour 2008, l'agence bénéficiera d'une subvention de 44,6 millions d'euros, soit une baisse de 10,08 %.
Ce budget devrait en principe permettre à l'ANAEM d'assurer la poursuite de l'accueil des étrangers et des formations prévues dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration actuel, la mise en place, dans le pays d'origine, de l'évaluation du niveau de connaissance de la langue française et des valeurs de la République et, enfin, la formation gratuite, d'une durée de 140 heures, des étrangers ne connaissant pas suffisamment le français ni les principes de la République, ainsi que la formation aux droits et devoirs parentaux induite par l'entrée en vigueur du contrat d'accueil et d'intégration familial.
Vous devez savoir, monsieur le ministre, qu'un étranger en séjour régulier en France, mais ne possédant pas notre langue doit actuellement attendre des semaines, voire des mois pour trouver une place auprès des associations qui assument ce travail d'initiation à la langue française. L'ANAEM est donc, à l'évidence, insuffisamment dotée.
Certes, la taxe sur les attestations d'accueil, payée par les étrangers concernés, passe de 30 euros à 45 euros, soit une augmentation de 50 %. Toutefois, on peut craindre que cette augmentation ne soit pas suffisante pour compenser la baisse des crédits accordés à l'ANAEM et, corrélativement, l'augmentation très importante de sa mission liée à la mise en oeuvre de votre dernière loi sur l'immigration.
Doit-on comprendre que ces baisses de moyens traduisent une approche purement économique et comptable de l'immigration que votre gouvernement, ainsi que la Commission européenne veulent désormais privilégier en instaurant des quotas de travailleurs selon le métier et la nationalité ?
Pour notre part, nous ne saurions accepter cette politique de l'immigration sélective, et j'insiste sur l'urgence de reconsidérer la politique de l'immigration en prenant réellement en compte les besoins d'intégration, d'emploi et de cohésion sociale. J'espère que la charte européenne de l'immigration que vous proposez de créer lors de la présidence française de l'Union européenne ira dans ce sens.
En revanche, les crédits accordés à la police des étrangers sont importants, mais je crains qu'ils ne soient consacrés plus à la traque des étrangers et aux reconduites à la frontière qu'à l'amélioration des conditions d'accueil dans les centres de rétention administrative, les CRA.
Je dois, comme le Comité intermouvement d'aide aux déportés et évacués, le CIMADE, vous faire part de mon indignation devant les effets dévastateurs de la multiplication du nombre de personnes mises en rétention. La logique du chiffre que vous mettez en oeuvre confine parfois à l'absurde et génère, chaque jour, des drames humains.
Je regrette, enfin, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », que les contrats de partenariat avec les pays d'origine visent essentiellement à freiner les flux d'immigration et non à éradiquer réellement la misère qui frappe de nombreux pays en voie de développement. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des informations complémentaires sur le contenu des accords récemment conclus, en particulier avec le Bénin.
Objectifs chiffrés arbitraires de reconduite à la frontière, insuffisance de la politique de coopération avec les pays d'origine, rupture avec la politique du droit d'asile de la France, restriction des crédits et, surtout, absence de politique réelle de l'intégration : c'est toute la politique de l'immigration du Gouvernement qui est à revoir.
C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe socialiste du Sénat, nous voterons contre votre projet de budget.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce ministère de plein exercice, inédit dans l'histoire de la Ve République, constitue une innovation et illustre une ambition. Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était ministre d'État, l'avait appelé de ses voeux. Comme Président de la République, il l'a rendu possible, et son intitulé révèle à la fois l'enjeu, mais surtout la cohérence d'une politique dont vous avez désormais la charge.
Nous le savons tous, la question de l'immigration constitue l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens depuis plus de vingt-cinq ans. Elle a même acquis une dimension européenne et internationale. La mission qui vous a été confiée, monsieur le ministre, est de construire une nouvelle politique d'immigration en France, c'est-à-dire une politique cohérente et équilibrée : une politique qui illustre le juste équilibre voulu par les Français entre la fermeté à l'égard des immigrés qui ne respectent pas les lois de la République et la protection de ceux qui partagent nos règles et nos valeurs.
En effet, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, il est désormais inconcevable de traiter de l'immigration sans y associer les questions d'intégration, d'identité nationale et de codéveloppement.
Mais, pour remplir cette mission, encore fallait-il des ressources financières et des ressources en moyens humains. Il était temps que la France, à l'image de nombreuses démocraties occidentales, se dote d'une structure de coordination permettant une plus grande cohérence et une plus forte rationalisation de la politique d'immigration.
C'est dans cette logique que nous examinons aujourd'hui une mission budgétaire nouvelle, qui traduit l'existence même et la consistance de ce ministère, car nous savons bien que, sans moyens, toute action est vaine. Monsieur le ministre, vous avez obtenu les moyens de conduire une politique d'immigration nouvelle et courageuse. Le groupe UMP tient à vous en féliciter.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Merci !
M. Christian Cambon. Après l'adoption récente de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, nous allons aujourd'hui nous prononcer sur un autre aspect déterminant de notre politique en la matière : les moyens budgétaires qui y seront consacrés en 2008.
On ne peut donc que se réjouir de ce que ce ministère se dote pour 2008 d'un budget propre, ainsi que d'une véritable administration centrale pour atteindre les trois objectifs suivants : maîtriser et rééquilibrer les flux migratoires de telle sorte qu'en 2012 50 % des flux soient d'origine économique, intégrer les immigrés légaux et, enfin, imposer le codéveloppement comme une nouvelle forme d'aide publique au développement.
Le premier exercice lié à la mission « Immigration, asile et intégration » aboutit à un document budgétaire de qualité et à un résultat cohérent en termes de présentation des crédits, même si, comme l'a souligné notre rapporteur spécial, André Ferrand, leur étendue reste limitée.
Je ne m'attarderai pas sur les chiffres, mais j'observe que les quelque 618,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement et les 609,6 millions d'euros de crédits de paiement inscrits à la mission « Immigration, asile et intégration » sont à la hauteur des enjeux. Ils permettront de conduire une nouvelle et nécessaire politique de maîtrise des flux migratoires.
Nous nous réjouissons aussi, monsieur le ministre, de constater que vous n'êtes pas tombé dans la solution de facilité consistant à exiger toujours plus de la nation et des contribuables. Au contraire, vous avez élaboré un projet de budget résolument ambitieux, en misant sur des gains de productivité là où ils étaient possibles, et en mettant les moyens là où ils apparaissaient absolument nécessaires.
Les dispositions du projet de loi de finances pour 2008 relatives à cette mission sont très satisfaisantes. Elles concrétisent une vision politique au service de la régulation des flux migratoires et de l'harmonieuse coexistence entre nos concitoyens et les populations étrangères vivant sur le sol français. Par ailleurs, elles s'inscrivent pleinement dans l'esprit de la LOLF et démontrent que la modernisation budgétaire engagée par le Parlement a véritablement pris corps au sein de l'exécutif.
Je ne reviendrai pas sur la répartition des crédits, déjà fort bien rapportée par mes collègues André Ferrand, rapporteur spécial de la commission des finances, Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je souhaiterais, en revanche, évoquer plus précisément la politique de codéveloppement, seule solution qui permettra de maîtriser, à long terme, les flux migratoires.
Vous êtes aussi, monsieur Hortefeux, le ministre du codéveloppement. Je me félicite, à ce titre, de la création du programme « Codéveloppement » qui marque, comme la mission « Immigration, asile et intégration », un tournant dans le budget général. Ce programme, doté de 60 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 29 millions d'euros en crédits de programme, prévoit un certain nombre d'actions fortes en direction des pays sources d'émigration. Parmi ces actions figurent surtout, vous l'avez évoqué, la signature d'accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement, qui doivent contribuer à servir nos intérêts autant que ceux des pays d'origine, par l'appui aux projets portés notamment par les diasporas.
La pression de la migration clandestine qui s'exerce sur le Nord se nourrit bien évidemment des déséquilibres du Sud. Aujourd'hui, plus d'un tiers des 900 millions d'Africains vit avec moins d'un euro par jour. La moitié de la population de ce continent a moins de vingt ans. Le continent africain représente 65 % des flux migratoires réguliers vers la France à des fins de séjour permanent.
L'un des grands enjeux des années à venir est donc de redonner à la jeunesse d'Afrique confiance en elle-même et de lui faire comprendre qu'il existe un avenir en dehors de l'émigration. L'objectif de notre politique est de permettre aux ressortissants des pays d'émigration de mieux vivre chez eux, plutôt que de survivre ailleurs.
La lutte contre l'immigration clandestine est, pour le Gouvernement et notre majorité, un préalable à toute action. Nous nous en réjouissons. L'immigration clandestine est devenue inacceptable pour la dignité et le respect de la personne humaine. Il est ainsi inadmissible de voir des étrangers dans des situations de dénuement et de précarité extrêmes, exploités par des esclavagistes des temps modernes. L'immigration clandestine est tout aussi inacceptable pour le respect de notre cohésion sociale, car elle diffuse dans notre pays un sentiment de rejet global de l'étranger, source insupportable de xénophobie et de racisme.
Les questions d'immigration sont également au coeur des préoccupations des États membres de l'Union européenne et de la présidence portugaise, car tous sont affectés par les flux migratoires internationaux. Aussi, pour la première fois au Parlement européen, les députés se sont prononcés pour l'harmonisation des procédures communes européennes en matière de gestion du retour des réfugiés illégaux. À l'occasion de la conférence de haut niveau sur l'immigration légale, qui s'est déroulée à Lisbonne les 13 et 14 septembre derniers, le premier ministre portugais a expliqué que l'Union se trouvait face à « l'immense défi d'une politique visant à faire de l'immigration un processus gagnant pour tous : pour les pays d'accueil, mais aussi pour les pays d'origine et, naturellement, pour les immigrants eux-mêmes ».
Vous nous avez indiqué en commission, monsieur le ministre, qu'à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, à partir du second semestre de l'année 2008, la France organiserait trois grandes manifestations : la conférence dite « Rabat II », une conférence sur l'intégration et une conférence relative à l'élaboration d'un régime européen d'asile.
Parmi vos priorités, vous avez souhaité renforcer les moyens de l'agence européenne FRONTEX, à laquelle de nombreux partenaires reprochent la faiblesse des actions concrètes, ébaucher un régime européen d'asile et la conclusion d'un pacte européen sur l'immigration, qui pourrait notamment affirmer le refus des régularisations massives, approuver des accords de réadmission, ébaucher ce régime européen d'asile et mettre en avant le codéveloppement.
De ce point de vue, nous vous félicitons de l'annonce faite par le Président de la République à Rabat de la tenue, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, d'une conférence euro-africaine tendant à définir une gestion concertée des flux migratoires entre les deux rives de la Méditerranée.
Il faut que nos amis étrangers puissent vivre dans leur pays et s'y épanouir, notamment par l'éducation et le travail. C'est pourquoi l'augmentation importante - de 224 % pour les autorisations d'engagement et de 100 % pour les crédits de paiement - du montant des enveloppes destinées à la poursuite de ces actions est particulièrement appréciable.
J'en viens maintenant aux accords de gestion concertée des flux migratoires. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, combien d'accords de ce type ont été signés depuis 2007 ? Combien avez-vous l'intention d'en signer en 2008 ? En quoi consistent-ils et sur quels critères choisissez-vous les pays concernés ? Qu'en est-il du volet réadmission et codéveloppement ? Je pense en particulier aux accords que vous venez de signer avec le Congo, et tout récemment encore avec le Bénin. Enfin, monsieur le ministre, quelles seront les sanctions en cas de non-respect d'un accord de gestion concertée des flux migratoires ?
Monsieur le ministre, le Président de la République, alors candidat à l'élection présidentielle, avait eu le courage, lors de la campagne électorale, d'affronter le difficile problème de l'immigration. Il avait fait des propositions concrètes et fortes, dont la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Que n'avait-on entendu alors de la part des bonnes consciences de tout poil qui poussèrent des cris d'orfraie, eux qui n'avaient rien fait lorsqu'ils étaient eux-mêmes en charge de ces problèmes ?
La majorité de ce pays, elle, était en phase avec les propositions fermes, mais équilibrées, de Nicolas Sarkozy dans ce domaine. Vous avez accepté, monsieur le ministre, avec courage, je dirais même avec panache, d'assumer ce ministère difficile. Soyez-en remercié !
M. Christian Cambon. De surcroît, vous venez présenter un bon budget. Le groupe de l'UMP le votera bien évidemment avec beaucoup de détermination et de plaisir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Contrairement à M. Cambon et à vous, monsieur le ministre, je n'arrive pas à me réjouir qu'un ministère qui porte l'intitulé « immigration, intégration, identité nationale et codéveloppement » - inédit dans l'histoire de la Ve République - soit doté d'un budget propre pour 2008, ainsi que d'une véritable administration centrale. J'y vois là la traduction budgétaire d'une politique d'immigration axée essentiellement sur la traque aux étrangers que les mots « codéveloppement, intégration, accès à la nationalité française » ne sauraient faire oublier.
Le programme « Immigration et asile » vient parachever sur le plan budgétaire le rattachement de l'asile au ministère de l'immigration alors qu'il relevait auparavant du ministère des affaires étrangères. C'est très inquiétant, mais cela confirme bien la tendance à gérer l'asile - qui est la protection offerte par un pays à des personnes persécutées pour des motifs liés à la race, à la religion, à la nationalité, à l'appartenance à un certain groupe social ou encore en raison de leur opinion politique - comme on gère les flux migratoires.
Dans cette optique gestionnaire, vous n'hésitez pas à tabler sur une diminution de 10 % des demandes d'asile afin de réaliser de substantielles économies en abaissant de 3,7 % l'ensemble des crédits.
Le budget de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, va ainsi passer de 45,5 millions d'euros en 2007 à 43 millions d'euros en 2008. Les sommes dédiées à l'allocation temporaire d'attente passeront de 38 millions d'euros à 28 millions d'euros et la durée moyenne de la procédure d'asile, qui était de treize mois en 2007, passerait à dix mois en 2008. C'est une évaluation très optimiste, puisque déjà, au cours des premiers mois de l'année 2007, le rythme de diminution de la demande d'asile a fortement fléchi par rapport à 2006.
Monsieur le ministre, comment justifiez-vous une telle diminution du nombre de demandeurs d'asile ? Disposeriez-vous d'informations que nous n'aurions pas sur la situation dans le monde ? Y aura-t-il, en 2008, moins de famine, moins de guerre, moins de pauvreté ? Y aura-t-il, par conséquent, moins de réfugiés ? Je ne le pense pas !
En réalité, si le nombre de demandes d'asile est en baisse, c'est en raison de vos réformes successives, qui tendent toutes à restreindre l'accès au droit d'asile avec l'introduction de notions telles que celles d'acteurs de protection, d'asile interne, de liste nationale des pays d'origine sûrs, de protection subsidiaire, de procédure prioritaire, de multiplication des rejets au motif que la demande est manifestement infondée, etc. Vous faites des économies sur le dos des gens les plus pauvres du monde, les plus vulnérables aussi !
Que se passera-t-il si jamais l'hypothèse de cette diminution ne se confirmait pas comme le craignent à juste titre les différents rapporteurs de l'Assemblée nationale ?
À cet égard, il faut noter les priorités inquiétantes envisagées lors de la présidence française de l'Union européenne au second semestre de 2008, notamment avec l'instauration d'un régime européen de l'asile, dont l'objectif sera certainement - sous couvert d'harmonisation, bien évidemment - de restreindre les délais de recours, les délais de décisions, et d'un pacte européen sur l'immigration afin d'affirmer le refus des régularisations massives, l'approbation des accords de réadmission ...
Votre budget, c'est aussi les reconduites à la frontière via les centres de rétention administrative, qui sont de véritables machines à expulser du territoire.
En la matière, vous évoquez sans cesse les objectifs chiffrés à atteindre : 25 000 reconduites pour la fin de 2007, 26 000 prévues pour la fin de 2008, 28 000 ciblées en 2010. On peut donc s'interroger sur l'origine de ces chiffres. D'où viennent-ils ? Comment, sur quel critère et sur quel article de loi sont-ils fondés ?
Il faut savoir que ces objectifs - inhumains ! - sont impossibles à atteindre et ne servent qu'à manipuler l'opinion publique afin de leur laisser croire que le Gouvernement agit. J'en veux pour preuve le fait que les objectifs ont d'ores et déjà été revus à la baisse. L'an dernier, il était question de parvenir à 28 000 reconduites dès la fin de 2008 ; aujourd'hui, on parle de la fin de 2010. N'est-ce pas là l'aveu d'un effet d'affichage afin d'entretenir encore et toujours un certain électorat.
En revanche, il y a un chiffre qui est beaucoup moins mis en avant, y compris dans les médias, c'est celui du taux de mise en oeuvre effective des mesures d'éloignement par rapport aux procédures engagées. Ce taux ne dépasse quasiment jamais 30 %, l'année 2006 ayant été une année record avec 29,5 %, contre 27 % en 2005. Au premier semestre de 2007, ce taux était inférieur à 20 %.
En réalité, pour expulser effectivement 25 000 personnes, il faut en interpeller trois à cinq fois plus. Il ne suffit pas d'interpeller des personnes pour les faire entrer dans les statistiques, encore faut-il suivre et respecter la procédure jusqu'au bout. Plus de 70 % des mesures d'éloignement ne sont pas mises en oeuvre en raison de l'annulation de la procédure d'éloignement par le juge judiciaire ou administratif, de la non-délivrance de laissez-passer consulaire ou encore de l'impossibilité de placer une personne en CRA faute de places, d'où d'ailleurs l'objectif des 2 400 places en CRA pour l'été 2008.
Cette politique est une aberration. Elle conduit à faire du chiffre à tout prix. Pour traquer les étrangers, vous multipliez donc les contrôles au faciès et vous recherchez des auxiliaires de police partout : agents de l'URSSAF, des CAF, de l'UNEDIC, de l'ANPE, de l'inspection du travail, etc.
Cette politique est à l'origine de situations aussi dramatiques qu'ubuesques : multiplication du nombre de défenestrations, parfois mortelles, consécutives à des contrôles de police ; placement en rétention administrative ou en zone d'attente de personnes qui n'ont rien à y faire, et je pense ici à ce couple et à son bébé de trois semaines qui ont failli être expulsés avant même d'obtenir la réponse à leur demande d'asile ou encore à cette jeune femme qui, malgré son passeport français, a été placée en zone d'attente pendant onze heures à Orly ; multiplication des arrestations pour délit de solidarité ou entrave à la circulation d'un aéronef.
Il s'agit, selon moi, d'une criminalisation de l'action militante et citoyenne. Il convient de la différencier de celle des passeurs, des employeurs de main-d'oeuvre étrangère, des marchands de sommeil, qui, eux, tirent profit des gens en situation irrégulière et savent pour ce faire contourner les lois de plus en plus restrictives en matière d'immigration.
Quant au coût moyen d'une reconduite à la frontière, celui-ci est estimé dans cette mission à 1 800 euros. C'est déjà beaucoup, mais cela reste très en deçà de la réalité, car d'autres ministères sont impliqués dans la prise en charge des expulsions. Vous avez d'ailleurs vous-même évoqué, au cours d'une émission télévisée, le coût moyen de 13 000 euros par expulsion.
Mme Éliane Assassi. Vos propos n'étaient pas très clairs. En réécoutant l'émission, j'ai bien entendu 13 000 euros par expulsion.
Mme Éliane Assassi. Par conséquent, il serait temps que les parlementaires connaissent enfin le coût moyen complet d'une reconduite à la frontière.
Auparavant, pour atteindre vos impératifs chiffrés, vous vous en preniez aux Roumains et aux Bulgares. Le problème, c'est que vous ne pouvez plus les expulser, car ils font partie de l'Europe depuis le 1er janvier 2007. On voit bien là les limites de votre politique d'immigration.
Par ailleurs, vous avez annoncé une réforme de la Constitution afin de fixer chaque année des plafonds d'immigration selon les différents motifs d'installation en France et selon les régions d'origine, d'une part, et pour unifier le contentieux au profit d'un seul ordre juridictionnel, d'autre part. N'avez-vous pas l'impression de revenir à une politique qui aurait des « relents colonialistes » ?
Mme Éliane Assassi. Compte tenu du fait que le nombre de recours ne pourra qu'exploser sous l'effet des lois successives contre l'immigration que vous avez fait voter, vous projetez d'uniformiser le contentieux de l'entrée, du séjour et de l'éloignement des étrangers au profit d'un seul ordre juridictionnel. Vous souhaitez également que l'État soit systématiquement représenté lors des audiences devant le juge des libertés et de la détention. En réalité, il s'agit d'éviter que les décisions prises par les juges des libertés et de la détention, qui annulent plus du tiers des procédures d'éloignement, ne viennent perturber les expulsions.
Il existe un décalage total entre les effets d'annonce et la réalité de ce projet de budget pour l'année 2008, lequel est avant tout un budget politique, idéologique, porté par la présente mission dans le cadre d'un nouveau ministère directement créé à la suite de l'élection de M. Sarkozy. L'argent public est utilisé à des fins purement répressives pour mettre en oeuvre une politique aux résultats aussi contestables qu'inefficaces.
Compte tenu de ces observations, les sénateurs du groupe CRC voteront contre ce projet de budget. (Mme Catherine Tasca applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une mutation de nos politiques d'accueil et d'immigration est en cours ; l'immigration zéro n'existe pas. Et je loue les trois axes désormais promus : développement d'une immigration choisie et concertée, politique d'intégration, amélioration des conditions du droit d'asile.
Le groupe du RDSE, soucieux de défendre les valeurs de la personne humaine, entend soutenir ce programme d'action dès lors qu'il s'agit bien d'une politique combinée et non exclusive. La mission budgétaire que nous examinons aujourd'hui offre les conditions économiques de cette mise en oeuvre.
Nos concitoyens surestiment généralement dans les études d'opinion le poids supposé des immigrés sur notre territoire, qu'ils évaluent à un taux de 30 % de la population, alors même qu'ils n'en représentent que moins de 10 %, selon les derniers chiffres fournis par l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques.
Comme le notent les démographes de l'INED, l'Institut national d'études démographiques, la vision d'une « intrusion massive » d'immigrés sur l'ensemble du territoire français depuis une vingtaine d'années ne correspond pas à la réalité, qui s'apparente bien plutôt à un modèle d'« infusion durable ». Pour autant, gardons-nous bien de tout angélisme : les mêmes études démographiques rappellent que ce « modèle de l'infusion » traduit bien néanmoins un apport générationnel, continu, qui a largement conduit à modifier la composition de la société française et à poser d'innombrables problèmes, réels et non fantasmés, liés aux difficultés d'insertion économique et sociale et aux tensions dues à la concentration géographique.
Nous sommes bien à un tournant de notre politique migratoire, déjà entamé avec les lois de novembre 2003 et de juillet 2006, et poursuivi avec la récente promulgation de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, intervenue sous cette nouvelle législature.
Le véritable défi porte bien sur les conditions de gestion, notamment territoriale, des flux migratoires, et non sur leur étendue. Le dernier rapport de l'OCDE pour 2007 indique très clairement que la population d'âge actif dans les démocraties consolidées a déjà entamé son déclin du fait du départ à la retraite des populations baby-boomers nées après la Seconde Guerre mondiale.
La nouveauté réside non dans le phénomène en lui-même, mais dans le fait qu'il va désormais se produire dans un contexte de demande de biens et de services persistant en raison, notamment, d'un nombre croissant de retraités consommateurs.
Cette demande ne pourra être satisfaite qu'en partie par les augmentations de productivité ou par la remise au travail de nombre de nos concitoyens qui se maintiennent volontairement en marge du marché du travail - nous les entretenons malheureusement dans un environnement économique et juridique pervers - ou encore par la pratique, moins louable, de délocalisation de production. Elle exigera immanquablement le recrutement de travailleurs dans certains secteurs et certaines professions.
Les expériences étrangères des modèles de politiques migratoires sélectives établies en faveur de travailleurs qualifiés, tels que celui du « système à point » canadien fondé sur des critères individuels sélectifs autonomes du marché du travail ou celui d'une adéquation entre l'offre et la demande par besoins locaux et sectoriels du marché de l'emploi, comme en Suisse ou dans l'Europe du sud, en Italie ou en Espagne, montrent toutes que l'action publique sur la logique du marché est contrainte par la logique des droits fondée notamment sur le regroupement familial. Dès lors, la sélectivité qualitative ne peut pallier totalement les flux quantitatifs.
Ayant cela à l'esprit, la nouvelle politique de gestion concertée est bénéfique et même incontournable afin d'accompagner les mutations de notre marché interne de l'emploi et de faire face à la concurrence des échanges professionnels internationaux dominés par l'attrait anglo-saxon.
Mais, dans tous les cas, la pression des migrations des personnes les moins qualifiées ne s'arrêtera pas pour autant.
Une fois cette réalité avancée, faut-il prendre la mesure des impacts différenciés de cette tendance lourde et immuable ?
La République est une et indivisible. La France se compose tout autant de zones géographiques de métropole et d'outre-mer, qui connaissent des spécificités territoriales, démographiques et socio-économiques irréductibles les unes aux autres.
Ainsi, en métropole, ce sont bien plutôt les effets différés des conditions du brassage de populations issues d'une immigration successive qui se révèlent, dans un contexte économique difficile, sources de tensions.
Certaines collectivités territoriales ultramarines doivent, quant à elles, subir les effets directs d'une immigration cette fois-ci totalement dérogatoire au modèle global d'infusion durable.
La Guyane, entre autres, est ainsi devenue en quelques années un Eldorado pour des dizaines de milliers de désoeuvrés, principalement en provenance du voisin brésilien et du Surinam, travailleurs exploités attirés pour une part par les sites aurifères clandestins, mais aussi étrangers soucieux de bénéficier des règles d'acquisition de la nationalité française et d'un accès garanti au service public de l'éducation pour leurs enfants.
Le territoire guyanais est ainsi le département d'outre-mer où l'immigration est la plus forte, comme l'attestent les récentes données statistiques de l'INSEE. On y dénombrerait environ 20 000 émigrés clandestins, et plus de 30 % de la population serait de nationalité étrangère.
Le droit français de la nationalité est fondé sur un modèle mixte, a contrario du modèle américain, mais il privilégie le droit du sol sur la dimension de la filiation.
En septembre 2005, le ministre de l'outre-mer de l'époque, M. François Baroin, se référant à la situation de Mayotte, osait poser publiquement la nécessité d'une dérogation au droit commun de la nationalité pour faire face à cette pression migratoire.
Monsieur le ministre, aujourd'hui, je repose les termes du débat.
L'article 73 de la Constitution, modifié par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, a offert l'expérimentation législative aux départements d'outre-mer, mais l'a inscrite dans un carcan qui exclut la prise en compte de ces spécificités dans la modification du droit de la nationalité.
Dans le cadre du vote de la mission « Immigration, asile et intégration » par le groupe RDSE, je souhaite connaître les possibilités permettant de peser sur l'appel migratoire induit par les garanties sociales et économiques offertes par l'accès à la nationalité française sur certains territoires, dès lors sous tensions.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention et celle de nos collègues sur l'esclavage moderne dont souffrent les Haïtiens en République dominicaine.
Cette situation découle, dans une large mesure, de la désertification économique et de l'instabilité politique d'Haïti, en dépit des efforts des secteurs démocratiques et de la communauté internationale.
Cette instabilité alimente une immigration massive et des drames dont sont victimes des boat people qui, au péril de leur vie, traversent l'Atlantique pour rejoindre les rives des États-Unis ou se risquent sur la mer des Caraïbes pour des destinations clandestines.
Le constat n'est pas nouveau. C'est celui d'un échec des tentatives effectuées jusqu'à présent.
Notre démarche se situe dans un contexte nouveau : celui du devenir de cette population lorsque la mécanisation des plantations de canne à sucre sera mise en oeuvre en République dominicaine et que se produira l'inévitable augmentation des flux migratoires haïtiens dans les autres zones de la Caraïbe.
Nous tenons à vous alerter sur les conséquences éventuelles de cette nouvelle donne pour la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique ainsi que sur les risques de réactions xénophobes à l'instar de celles qu'ont connues certains départements français d'Amérique.
Monsieur le ministre, votre tâche dans un domaine où il faut de l'intelligence, de l'humanisme et de la fermeté n'est pas simple. Beaucoup de voix s'élèveront pour combattre l'action que vous souhaitez mener.
Cependant, vous aurez également à vos côtés des femmes et des hommes, de France et d'outre-mer - ils sont d'ailleurs beaucoup plus nombreux qu'on ne le pense -, pour vous aider dans cette tâche difficile, car il s'agit de préserver ce qu'il y a de plus noble : l'homme ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites au cours de la matinée, notamment par Christian Cambon, qui s'est exprimé au nom du groupe UMP.
J'apporterai simplement quelques précisions. Dans ce débat où parfois l'aridité des chiffres cache la réalité de la situation, il est important d'éclairer certains points particuliers.
Si l'immigration est un sujet qui passionne tous les Français, parfois avec excès, personne n'est insensible à ce problème.
La création de votre ministère et, à partir du 1er janvier 2008, la création d'une nouvelle administration centrale est une étape supplémentaire sur la voie de la politique mise en place à partir de 2005, qui s'est traduite par la loi de 2006 et qui a été mise en oeuvre par le comité interministériel de contrôle de l'immigration, le CICI, dont le secrétaire général a fait un travail remarquable.
Monsieur le ministre, au-delà de l'aridité des chiffres, cette politique, compte tenu de votre sensibilité personnelle, devrait parvenir à un équilibre et à inscrire l'intégration dans la politique de l'immigration.
La politique de l'intégration est la clef de voute de l'édifice et le gage du succès de la politique qui sera menée. De ce point de vue, je ne partage pas du tout les propos un peu excessifs qui ont été tenus sur la réussite d'une telle entreprise.
En réalité, pendant des années, rien n'a été réellement fait. Monsieur le ministre, vous avez défini une ligne claire, fondée sur le logement, sur l'emploi et sur l'acquisition de la langue française.
Cette politique de l'intégration, à partir du moment où elle est clairement définie, a toutes les raisons d'être le point d'équilibre d'une politique de l'immigration véritablement réussie pour la durée de la mandature.
J'insisterai sur un point particulier.
L'article 2 de la loi du 24 juillet 2006 prévoyait la création d'une carte de séjour « compétences et talents ».
Un décret en date du mois de mars de cette année devait normalement mettre en place les conditions d'attribution de cette carte. Il me semble que vous avez même choisi, monsieur le ministre, les personnalités qui définiront, dans la mesure du possible, les conditions d'attribution de cette carte.
Il s'agit d'une innovation importante, car elle définit avec une très bonne sensibilité les relations que nous devons avoir à l'égard d'une certaine sorte d'immigration.
J'aimerais donc avoir des précisions, d'une part, sur la mise en place et le travail de cette commission, et, d'autre part, sur la date d'attribution des premières cartes de séjour « compétences et talents ».
En tout état de cause, monsieur le ministre, je vous renouvelle le soutien d'une large majorité de mes collègues pour la politique de rupture qui a été engagée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de constater à quel point le tout premier budget de ce ministère reçoit un assentiment assez large.
Aujourd'hui, ce ministère est doté d'un budget propre organisé autour de trois programmes : le programme 301 « Codéveloppement », qui a été approuvé jeudi dernier, le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », doté de quelque 195 millions d'euros, et le programme 303 « Immigration et asile », doté de quelque 414 millions d'euros.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur ces deux derniers programmes - le premier programme a déjà été adopté - ni sur le contenu des excellents rapports des différentes commissions du Sénat.
Je ferai simplement quelques remarques sur les observations de chacun des orateurs.
Tout d'abord, M. André Ferrand m'a invité à mobiliser mes services pour assurer - c'est un sujet qui lui tient particulièrement à coeur - la promotion de l'immigration professionnelle.
Vous avez insisté, monsieur le rapporteur spécial, sur la nécessité à la fois de simplifier les procédures, ce en quoi je vous rejoins totalement, et de mettre en place dans le projet de loi de finances pour 2009 des indicateurs de résultat.
Je partage très concrètement ces préoccupations. L'année 2007 n'est pas encore achevée, mais nous savons déjà qu'elle sera marquée par une forte progression de l'immigration professionnelle.
Je signerai avant la fin de l'année, avec Mme Christine Lagarde, les arrêtés ouvrant notre marché du travail aux ressortissants des nouveaux États membres de l'Union européenne - 150 métiers sont concernés - et à ceux des pays tiers - 30 métiers sont visés.
Mme Tasca a évoqué la convergence entre le gouvernement français et la Commission européenne. Je vous confirme, madame la sénatrice, qu'il y a effectivement une convergence, mais elle me semble aller dans le bon sens.
On a entendu pendant des années les mêmes critiques, qui n'étaient d'ailleurs pas totalement infondées, sur le fait que la Commission européenne était composée exclusivement de technocrates totalement déconnectés des réalités, vivant sur une autre planète...
La situation a complètement changé. Les responsables de la Commissions européenne sont aujourd'hui, pour la plupart d'entre eux, des membres ayant exercé des responsabilités importantes, démocratiques, électives dans leurs pays d'origine. Cela change la nature de la crédibilité des positions de la Commission.
Vous avez donc raison, madame Tasca, même s'il ne s'agissait certainement pas de votre part d'un compliment : il existe une convergence, et elle constitue pour moi un atout !
Cette concordance de vues entre le Gouvernement et la Commission européenne, que vous avez eu raison de souligner, madame, est particulièrement vraie en ce qui concerne le vice-président de la Commission européenne, Franco Frattini, chargé des questions de justice et d'immigration, élu et ex-ministre des affaires étrangères en Italie, qui n'a d'ailleurs pas renoncé à exercer de nouvelles responsabilités dans son pays d'origine !
Pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République, monsieur le rapporteur spécial, il nous faut effectivement aller plus loin.
Au sein de la nouvelle administration centrale qui sera créée le 1er janvier prochain, j'ai d'ailleurs décidé d'instituer une mission de promotion de l'immigration professionnelle entièrement dédiée à cette tâche. Je souligne que, jusqu'à ce jour, quels que soient les gouvernements, aucune administration n'était chargée de ces préoccupations.
Quant à ceux qui s'interrogent sur l'utilité de ce ministère, je dirai qu'il y a déjà au moins un point important : nous adressons ainsi un signal fort.
La seconde étape sera la mise en place de quotas par métiers et par pays d'origine.
Si elle ne pose pas de problèmes majeurs en matière d'immigration professionnelle, la définition de quotas en matière d'immigration familiale soulève des difficultés juridiques dont j'ai décidé - je l'avais annoncé devant le Sénat - de confier l'étude à un groupe de travail que j'installerai en début d'année prochaine et qui devra me rendre ses conclusions en avril.
Je ferai dès à présent quelques remarques sur les amendements déposés par M. Ferrand, au nom de la commission des finances.
Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée s'agissant de la réduction de 500 000 euros de la subvention pour charges de service public versée à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre. En revanche, il demandera le retrait de l'amendement relatif à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSÉ.
Le sujet n'est pas très simple, car l'ACSÉ est chargée de la politique de la ville, et la disposition proposée par la commission des finances nécessiterait des discussions avec la ministre responsable de ce secteur.
Le Gouvernement approuve aussi l'amendement qui vise à créer un « document de politique transversale » donnant une vision globale de la politique dont j'ai la responsabilité ; c'est une très bonne idée.
Je remercie le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, M. Branger, pour l'avis favorable qu'il a bien voulu rendre sur les crédits de cette mission. Je voudrais simplement insister sur la question de l'OFPRA et sur la réforme de la Cour nationale du droit d'asile, nouvellement créée, qui a remplacé la Commission des recours des réfugiés.
Comme vous le savez, monsieur Branger, l'OFPRA est désormais placé sous la responsabilité de mon ministère. Nous allons procéder à des réformes qui sont d'ailleurs attendues. J'engagerai, comme je l'ai déjà dit devant la Haute Assemblée, une grande réforme du statut de la nouvelle Cour nationale du droit d'asile en 2009. Cette réforme, j'y insiste, portera sur son autonomie budgétaire, sur la professionnalisation des magistrats et sur la réduction du nombre de formation de jugement.
Cette démarche d'ensemble devrait aboutir à réduire significativement - c'est l'intérêt de tous - les délais de procédure, qui sont actuellement de treize mois et demi, pour atteindre progressivement neuf mois. Sur ce point aussi, j'attends les résultats de la mission RGPP, la révision générale des politiques publiques, et des travaux qui devraient être conduits dans les prochaines semaines par le Conseil d'État. Une mission a été confiée sur ce sujet à M. Jacky Richard, avec l'appui de l'Inspection générale de l'administration.
Je serai très attentif au maintien de moyens suffisants permettant à l'Office de poursuivre la réduction du stock de demandes, et donc des délais. Il est vrai que les crédits de l'OFPRA - je réponds ainsi à Mmes Tasca et Assassi - sont en diminution de 5 % ; mais je constate que la demande d'asile était, à la fin d'octobre 2007, encore en diminution de 14,8 % par rapport à la même période de 2006. Il y a donc là une corrélation, même si ce n'est pas au centime près, naturellement : il n'est pas anormal que la baisse des demandes se traduise par une légère baisse des crédits.
Le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. François Buffet, a également émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Vous partagez, monsieur Buffet, les préoccupations de M. Branger concernant l'immigration économique. J'ai présidé, le 7 novembre dernier, le comité interministériel de contrôle de l'immigration, qui est animé par Patrick Stéfanini. Nous avons défini trois catégories.
La première catégorie concerne les ressortissants européens des nouveaux États membres. En l'occurrence, c'est un processus européen sur l'aboutissement duquel nous n'avons pas à émettre d'opinion. En revanche, nous avons une maîtrise du calendrier, et j'ai souhaité que l'accès au marché du travail français soit progressif pour cette catégorie.
La deuxième catégorie concerne les étrangers venant de pays extérieurs à l'Union européenne, ce que l'on appelle les pays tiers.
La troisième catégorie concerne les pays hors Union européenne avec lesquels nous entretenons des relations privilégiées : j'ai souhaité l'inclure, parce que l'on ne peut naturellement pas faire comme si elle n'existait pas.
Sur ce sujet, je cite souvent le cas de l'Australie - le Premier ministre sortant, qui avait pris cette décision, a été battu, me direz-vous -, qui a pris une mesure unilatérale envers le continent africain en décidant de ne plus accorder aucun titre de séjour à ses ressortissants jusqu'au 30 juin 2008. La différence, c'est que l'Australie n'a absolument pas la même histoire, les mêmes responsabilités, les mêmes liens que ceux que nous avons avec l'Afrique. Nous devons donc prendre en compte les éléments historiques, ainsi que les devoirs d'ailleurs, madame Assassi, qui nous lient à un certain nombre de ces pays.
C'est la raison pour laquelle j'ai insisté pour qu'il y ait ces trois catégories : nouveaux États membres, pays tiers et pays extérieurs à l'Union avec lesquels nous avons des liens assez forts.
Depuis le 1er mai 2006, les ressortissants des nouveaux États membres ont déjà eu accès à soixante et un métiers, qui représentent 25 % du marché du travail. Nous avons proposé d'ajouter quatre-vingt-neuf métiers, ce qui fait un total de cent cinquante métiers, soit près de 40 % du marché du travail.
Sur la demande d'asile, que vous avez également évoquée, monsieur Buffet, j'ai déjà répondu assez largement à M. Branger.
En ce qui concerne la question du pilotage et de la formation linguistique par l'ANAEM dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, 2007 est une année de transition, et nous aurons l'occasion de faire le point ultérieurement.
Monsieur Buffet, vous avez aussi posé la question de l'organisation des « réseaux » d'administrations chargées, à l'étranger, de promouvoir l'immigration de travail. Je souhaite très clairement que, dans le cadre de la RGPP, l'audit consacré à l'action extérieure de l'État nous donne des éléments pour mieux gérer les différents réseaux.
Ces réseaux sont constitués des consulats, mais aussi des missions économiques. Le réseau des missions économiques lié à Bercy doit être mobilisé pour être au contact des personnes qui souhaitent porter en France un projet de développement économique.
Vous m'avez également interrogé sur la place de la politique de l'immigration en Europe. C'est une question très importante qui sera au coeur de l'agenda européen au second semestre 2008, puisque des clauses de rendez-vous sont d'ores et déjà prévues. Trois manifestations seront portées par mon ministère lors de la présidence française de l'Union européenne en 2008 : la deuxième conférence ministérielle sur l'immigration et le développement, ce que l'on appelle le suivi de la conférence de Rabat, prévue les 20 et 21 octobre, la conférence sur l'intégration prévue les 17 et 18 novembre et la conférence sur le régime européen d'asile prévue les 13 et 14 octobre.
La mise en place d'un « pacte européen de l'immigration » - Mme Tasca y a fait allusion -, qui est ma première priorité, sera un signal très utile au sein de l'Union européenne et extrêmement positif à l'égard des pays tiers sources d'émigration qui souhaitent comprendre la politique que nous entendons mener. Nous devons aboutir à un socle de règles communes en matière de gestion des flux migratoires.
Ma deuxième priorité pendant cette présidence portera sur l'obtention de résultats concrets dans le partenariat avec les États tiers qui sont sources et pays de transit de l'immigration.
Madame Tasca, je ne peux pas laisser dire que l'asile est sacrifié. Cela ne correspond à aucune réalité dans la nouvelle administration centrale que je mettrai en place au 1er janvier 2008. À cette date, pour la première fois dans notre pays, sera créé un service de l'asile. Sans vouloir polémiquer, il faut reconnaître que cela ne s'était jamais fait. Au-delà des obstacles partisans, je pense que, sur le fond, c'est une bonne nouvelle qu'existe pour la première fois un service de l'asile regroupant toutes les administrations compétentes.
Madame Tasca, je précise, afin de vous rassurer - mais je ne sais pas dans quelle langue ou quel patois je dois le dire pour que vous m'entendiez ! -, que ce service de l'asile sera distinct de la direction de l'immigration. Ce sont deux choses différentes. Vous avez répété un nombre incalculable de fois que ce service était le bras armé de la politique de l'immigration Je suis donc obligé de dire pour la cinquantième fois que ce sont deux politiques distinctes ! Il n'y a pas d'ambiguïté sur ce sujet !
Je vous propose un rendez-vous pour l'année prochaine, que ce soit avec moi ou avec mon successeur, puisque je n'ai pas, contrairement à vous, la garantie d'occuper les mêmes fonctions l'an prochain : vous verrez alors qu'il n'y a aucun lien entre ces deux politiques. Je ne confonds pas asile et immigration, et je m'efforce vraiment de le démontrer par des actes.
Ce budget n'est pas imprudent - et je réponds également à Mme Assassi qui a évoqué ce sujet -, s'agissant de l'asile.
Si nous ne créons pas de nouvelles places de CADA, c'est précisément parce que la demande d'asile a beaucoup diminué. Je vous rappelle qu'elle a baissé de 10 % en 2005, de 35 % en 2006 et de 13 % à 14 % en 2007. Dois-je vous rappeler également que c'est précisément entre 2002 et 2007 que nous avons, nous, multiplié par quatre le nombre de places en CADA, qui est passé de 5 000 à 20 000 ?
Pour 2008, nous avons retenu l'hypothèse d'une poursuite de la demande d'asile de 10 %, taux qui paraît aujourd'hui raisonnable.
S'agissant du codéveloppement, je souligne que ce n'est pas une fiction ; c'est une réalité très forte et un véritable espoir.
Ainsi, le dernier accord signé avec le Bénin consacre de nombreuses stipulations au codéveloppement. J'ai évoqué, jeudi après-midi, le parcours exemplaire et très symbolique de ce point de vue du ministre de la santé béninois, et j'invite les sénateurs qui étaient présents à ce moment à en parler autour d'eux. Cet accord prévoit pour le Bénin une enveloppe de 5 millions d'euros par an sur trois ans, dont 3 millions d'euros pour le seul codéveloppement en matière de santé.
Ce pays de 10 millions d'habitants répartis sur 116 000 kilomètres carrés compte un seul scanner. Imaginez ce que serait la situation dans notre pays, où, sur chacun de nos territoires, les demandes de scanner sont incessantes ! Les besoins sont donc pressants au Bénin. Nous avons donc signé avec le ministre de la santé béninois un accord prévoyant un concours de 3 millions d'euros par an.
Je souligne que cet accord n'est pas limité à la capitale. Il concerne aussi des hôpitaux situés dans le centre du pays de manière à mettre en place un véritable équilibre. Ledit ministre de la santé et le président du Bénin, le docteur Boni Yayi, ont souligné devant la presse le caractère historique de cet accord. C'est en effet une avancée formidable qui est faite en matière de solidarité, et nous souhaitons que ce type d'accord soit développé le plus largement possible.
Je remercie M. Cambon de ses propos amicaux, encourageants, presque affectueux à l'égard de mon ministère et de la politique qui est engagée.
Les accords de gestion concertée des flux migratoires reposent sur un trépied, et je vous invite à bien l'expliquer autour de vous.
Le premier point concerne l'organisation de la migration légale. Lors de la signature de ces accords, il faut se mettre d'accord en toute transparence sur ce que l'on souhaite faire. Cela peut impliquer de faciliter la délivrance des visas pour un certain nombre de catégories, telles que les étudiants ou certaines professions. Avec le Congo et le Bénin, nous avons signé un accord quantitatif concernant la formation professionnelle. Ce sont donc des accords qui spécifient l'organisation de la migration légale.
Le deuxième point a trait à l'organisation de la lutte contre l'immigration illégale, en prévoyant des accords de réadmission, notamment. Les pays acceptent l'organisation de la migration légale et prennent conscience de la nécessité de lutter ensemble contre les formes d'immigration illégale. Chaque accord prévoit donc un certain nombre de clauses de réadmission des ressortissants en situation irrégulière. Je n'entre pas dans le détail, mais cela implique des coopérations en matière policière.
Le troisième point est le codéveloppement. Comme je viens de l'indiquer, ce sont des concours précis, ciblés, concrets, qui ont pour objet de répondre directement aux besoins, sans se perdre dans les sables.
Les accords de réadmission imposent, bien évidemment, des contreparties, les pays concernés s'engageant à recevoir ceux que nous n'acceptons pas sur le territoire national.
J'en ai parlé avec le Président de la République du Bénin et avec le Président de la République du Mali. Le Mali est un grand pays de 1 250 000 kilomètres carrés qui compte de 14 millions à 15 millions d'habitants, dont 45 000 à 50 000 vivent légalement en France, les immigrés clandestins assez nombreux. Pour ces pays, les contreparties des accords de réadmission sont la délivrance de visas de circulation, mais aussi la dispense de visa pour les titulaires de passeports diplomatiques ou de services.
Ce sujet, loin d'être anecdotique, est extrêmement sensible. Je n'étais pas, contrairement à certains d'entre vous, un spécialiste des relations avec ces pays, terres d'émigration. Depuis six mois, à chacune de mes visites, j'ai compris que c'était un sujet très symbolique pour ces pays, qui le voient comme une forme du respect, de la reconnaissance qu'ils attendaient et qui, en tout cas à mon sens, leur était due.
La contrepartie, c'est aussi l'ouverture de notre marché du travail dans des conditions qui soient plus favorables que ce que prévoit le droit commun.
C'est, enfin, un effort de codéveloppememt.
Nous avons en vue la signature d'un certain nombre d'accords. En 2007, quatre accords sont intervenus, et nous avons l'espoir d'en signer six en 2008. Cela ne veut pas dire que nous nous concentrons exclusivement sur les pays traditionnels d'Afrique subsaharienne, même s'ils sont évidemment au coeur des préoccupations.
À cet égard, je partage tout à fait l'avis de Georges Othily sur la nécessité de signer un accord avec Haïti, et je serai heureux qu'il m'accompagne lors de mon déplacement dans ce pays. Il faudra signer un accord avec le Brésil, qui a une frontière commune avec le département de la Guyane, et sans doute aussi avec Madagascar. Il importe également de ne pas oublier certains pays avec lesquels les relations ne sont pas suffisamment fortes, notamment les pays asiatiques, afin de définir ensemble les politiques à mettre en oeuvre.
J'ai représenté la France aux cérémonies du 50e anniversaire de la création de l'État malaisien, ce qui m'a donné l'occasion de discuter avec les responsables de pays voisins - en 1957, seuls dix-huit pays avaient reconnu cet État, dont la France, qui a ainsi joué un rôle particulier. La signature d'accords tendant à organiser les flux migratoires avec ces pays devrait être possible, même si certains d'entre eux n'ont évidemment pas besoin d'accord de codéveloppement.
Madame Assassi, ne croyez pas que le fait que le groupe CRC ne vote pas les crédits de cette mission me bouleverse. Je m'y étais psychologiquement et physiquement préparé ! (Sourires.) Je regrette cependant de ne pas pouvoir vous convaincre.
Je souhaite attirer votre attention sur un paradoxe, mais prenez cette remarque comme l'expression de ma volonté d'avancer. Vous suspectez le Gouvernement des pires intentions dans le domaine de l'accueil des réfugiés politiques. Or, pour la première fois depuis cinquante ans, un gouvernement s'engage à donner la pleine autonomie à la juridiction chargée de contrôler les décisions de l'OFPRA. J'y vois une contradiction : soit notre politique est vraiment épouvantable et nous verrouillons tout, soit elle ne l'est pas, précisément parce que nous donnons de l'autonomie et de la liberté ! Nous accordons effectivement plus d'autonomie et de liberté, et la première partie de votre raisonnement s'en trouve donc affaiblie. En créant cette Cour nationale du droit d'asile et en préparant dès maintenant son autonomie budgétaire, nous montrons, je le répète, que l'asile n'est pas - et ne sera pas - la variable d'ajustement de la politique migratoire !
Quant à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, vous me donnez l'occasion de confirmer mon désaccord très clair avec les solutions que vous préconisez. Le Gouvernement et la majorité qui le soutient ont adopté une ligne de conduite simple, claire, nette, juste, transparente : un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine, sauf cas particulier ou situation exceptionnelle. Nous sommes naturellement attentifs aux situations individuelles, mais le principe est clair : une personne en situation illégale, qui ne respecte donc pas nos lois et les règles que tous les autres pays appliquent par ailleurs, a vocation à être reconduite à la frontière, de manière volontaire - dans la majorité des cas, je l'espère -, ou sous la contrainte dans le cas contraire. Nous nous donnons les moyens de cette politique, et telle est la différence qui nous sépare !
J'ouvre une parenthèse qui va peut-être vous agacer, madame Assassi. Lors du dernier conseil européen des ministres, qui s'est tenu au Portugal, puisque nous sommes sous présidence portugaise, un ministre italien a demandé à me rencontrer. Le gouvernement italien se situe plutôt au centre, voire au centre-gauche - il comprend plutôt des amis de Mme Tasca... Mais le ministre des affaires sociales qui a demandé à me voir est un ancien communiste.
Je ne vous comprends donc pas : le Gouvernement peut engager un dialogue constructif avec un communiste italien mais, dès qu'il a affaire au parti communiste français, il se voit reprocher le caractère inacceptable de sa politique ! Permettez-moi de relever cette petite contradiction !
Mme Éliane Assassi. Vous ne pouvez pas comparer !
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. Les communistes français sont des conservateurs !
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Othily, je voudrais remercier le groupe RDSE d'avoir, par votre intermédiaire, apporté son soutien à la politique que je conduis. Les accords que nous envisageons de signer avec Haïti et le Brésil, qui correspondent à votre préoccupation territoriale, devraient comporter, à mon sens, des dispositions spécifiques afin de tenir compte de la particularité des flux migratoires dans les Caraïbes et en Amérique latine. J'y veillerai.
Vous savez que je me suis rendu récemment en Guyane : la réalité des chiffres de l'immigration clandestine y est extrêmement préoccupante. La totalité des élus, quelle que soit leur sensibilité, y compris la nouvelle députée, nous rejoignent pour constater la nécessité de ne pas laisser la situation se dégrader davantage. Nous aurons l'occasion d'y réfléchir.
Vous m'avez enfin interrogé sur le droit de la nationalité et son incidence sur les flux migratoires outre-mer. Cette question extrêmement complexe et délicate appelle naturellement une analyse juridique très pointue et un débat de principe. D'ailleurs, François Baroin, lorsqu'il était ministre de l'outre-mer, avait évoqué certains de ces sujets. Je ne peux pas développer aujourd'hui ma position, au détour de ce débat budgétaire. Cependant, j'ai pris note de votre préoccupation ; je ne compte pas laisser cette question sans réponse, mais souhaite l'aborder dans le calme et la sérénité.
Monsieur Dominati, je vous remercie tout d'abord de vos encouragements. Vous m'avez interrogé sur la politique d'intégration du ministère : pas plus que tous mes prédécesseurs et - j'imagine - mes successeurs, je n'ai ou je n'aurai de solution miracle en poche ! Nous devons cependant progresser avec pragmatisme dans la réalisation de trois chantiers concrets.
Le premier consiste à en finir avec les ghettos urbains qui, comme vous le savez, concentrent un million d'immigrés, sans compter leurs familles. Je propose donc aux bailleurs et aux institutions - l'Association des maires de France, l'AMF, le 1 % logement, sujet que vous connaissez bien, et l'Union sociale pour l'habitat - qui gèrent des contingents de logements sociaux, de mieux les réguler. Ils pourront me présenter des propositions dans ce domaine, ce qui n'est pas toujours simple. Une discussion devra être engagée avec les élus locaux, car rien ne doit être imposé d'en haut, mais il nous faut agir si nous voulons combattre l'émergence des communautarismes. J'imagine que cette préoccupation est partagée.
Le deuxième chantier consistera à aider les étrangers qui arrivent en France et ceux qui y vivent à donner un sens à leur démarche et à trouver des repères. C'était l'objet de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, validée le 15 novembre par le Conseil constitutionnel.
Le troisième chantier doit permettre aux immigrés et aux Français issus de l'immigration de travailler. J'ai proposé la réalisation de bilans de compétences, car la situation actuelle ne peut pas perdurer : le taux de chômage de la population française tourne autour de 8 % et celui de la population d'origine immigrée, autour de 22 %. Tous les ingrédients sont réunis pour que nous connaissions de graves difficultés à l'avenir, si nous ne réagissons pas à temps !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les réponses que je souhaitais apporter aux préoccupations que vous avez exprimées. Je suis sûr qu'avec ce budget et son identification nous ferons progresser les causes de l'immigration et de l'intégration. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je voudrais saluer votre engagement dans la constitution de ce nouveau ministère. La mission dont les crédits vont être votés tout à l'heure permet d'en apprécier l'envergure.
Je voudrais toutefois exprimer ce qui s'apparente à un regret. Pour réussir dans votre action, vous avez besoin de mobiliser, au sein de cette mission, l'ensemble des moyens nécessaires. Or, il nous est apparu, sur la base des travaux du rapporteur spécial André Ferrand, que les crédits informatiques du « réseau mondial visa » auraient eu leur place au sein de la mission « Immigration, asile et intégration » dont vous avez la charge.
Il nous semble, à cet égard, que la réforme de l'État n'est pas un long fleuve tranquille et que le Quai d'Orsay n'a pas vraiment joué le jeu. Notre collègue Adrien Gouteyron, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État », avait déposé un amendement tendant à transférer ces crédits vers votre mission. Malheureusement, nous avons compris que nous ne parviendrions pas à faire voter cet amendement, et je le regrette.
J'observe que le ministère de l'intérieur, s'agissant des cartes de séjour, a totalement joué le jeu de cette synergie. Je déplore donc que le Quai d'Orsay soit resté à l'écart de cette dynamique. Peut-être partagez-vous ce regret, monsieur le ministre ?
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » figurant à l'état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Immigration, asile et intégration |
611 388 329 |
602 688 329 |
Immigration et asile |
418 170 159 |
409 470 159 |
Dont titre 2 |
18 363 514 |
18 363 514 |
Intégration et accès à la nationalité française |
193 218 170 |
193 218 170 |
Dont titre 2 |
13 159 686 |
13 159 686 |
M. le président. L'amendement n° II-16 rectifié, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asileDont Titre 2 |
||||
Intégration et accès à la nationalité françaiseDont Titre 2 |
- 500 000 |
- 500 000 |
||
TOTAL |
500 000 |
500 000 |
||
SOLDE |
- 500 000 |
- 500 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. M. le ministre a bien voulu nous éclairer sur l'accueil qu'il comptait réserver aux trois amendements que j'ai déposés, au nom de la commission des finances. J'apprécie son sens de l'efficacité et son souci de nous faire gagner du temps !
L'amendement n° II-16 rectifié vise à permettre à la tutelle sur l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, de faire prévaloir les modalités de la nouvelle gestion publique introduites par la LOLF, qu'il s'agisse de comptabilité d'engagement, de comptabilité analytique et de définition du fonds de roulement au niveau strictement nécessaire à l'exercice des missions.
Il tend à diminuer la subvention pour charges de service public à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations à hauteur de 500 000 euros. Nous nous inquiétons en effet de l'important fonds de roulement de l'ANAEM, qui s'élève à 62,3 millions d'euros pour un budget de 134 millions d'euros en 2007. Cette situation pose la question de la qualité de la gestion et de la justification au premier euro. Le Parlement est sollicité pour voter une subvention importante à l'ANAEM, de 44,6 millions d'euros, sans savoir précisément si celle-ci correspond aux besoins réels de l'organisme, d'autant que l'article 45 du projet de loi de finances relève significativement le montant de la taxe perçue par l'Agence pour validation de l'attestation d'accueil.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Comme je l'avais annoncé, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je mets à profit la discussion de cet amendement pour interroger M. le ministre sur le rôle de l'ANAEM.
Il semble que cette agence ait développé une mission d'encouragement à l'expatriation. Cette activité correspond-elle bien à la vocation de l'ANAEM ? Nous entendons parler d'un « espace emploi international » qui mobilise trente-cinq emplois en équivalent temps plein travaillé afin de permettre à des Français d'aller travailler dans un certain nombre de pays, comme le Québec.
À l'heure où nous voulons accroître le pouvoir d'achat des Français, nous devons nous demander comment il est possible de travailler plus en France. Je comprends que certains de nos compatriotes souhaitent s'expatrier, mais faut-il pour autant les y encourager et cette mission relève-t-elle de la compétence de l'ANAEM ?
Peut-être pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, si cette ligne d'action et les moyens qu'elle mobilise correspondent bien à la vocation de votre ministère.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, nous n'allons pas engager un débat trop long à cet instant sur le rôle et l'activité de l'ANAEM.
Je souhaiterais tout d'abord vous communiquer une information formelle. Le poste de président de cet organisme étant vacant, j'ai proposé au Président de la République et au Premier ministre le nom d'une personnalité que vous connaissez bien, puisqu'elle s'est exprimée pendant deux ans devant les parlementaires : il s'agit de M. Philippe Bas, l'ancien ministre de la santé, qui s'intéresse à ces sujets.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre. Concernant les missions de l'ANAEM, il est vrai que cette agence a eu tendance, ces derniers temps, à développer son activité en faveur de la situation des expatriés. Vous avez raison, monsieur le président de la commission des finances, une réflexion devra être menée sur ce sujet.
Une mission importante de l'ANAEM, qui a été adoptée lors de la discussion du récent projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, consistera à assurer une partie de la formation linguistique des candidats à l'entrée en France en amont de leur venue sur le territoire national.
Nous souhaitons que l'ANAEM soit présente dans un plus grand nombre de pays. Je vous indique d'ailleurs que nous allons travailler en commun avec certains de nos voisins européens. Par exemple, nous allons mettre en place, conjointement avec le ministre de l'intérieur et le ministre chargé de l'intégration allemands, un système d'accueil et de formation linguistique commun, puisque le dispositif allemand est à peu près identique au nôtre. Ainsi, nous utiliserons à cette fin les locaux de l'ANAEM à Tunis, parce que nous sommes plus présents et mieux organisés que les Allemands en Tunisie, alors que nous sommes en revanche sans doute moins bien placés qu'eux en Turquie. Nous allons donc mettre en oeuvre un partenariat.
Il n'en demeure pas moins que je suis attentif à la démarche que vous avez évoquée, monsieur le président de la commission des finances. Pour essayer de vous répondre le plus précisément possible, j'indiquerai que l'analyse que vous avez développée peut être intégrée, à mon avis, dans la revue générale des politiques publiques. Cela permettrait sans doute d'y voir un peu plus clair.
M. le président. L'amendement n° II-17 rectifié, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asileDont Titre 2 |
+500.000 |
+ 500.000 |
||
Intégration et accès à la nationalité françaiseDont Titre 2 |
|
- 500.000 |
|
- 500.000 |
TOTAL |
500.000 |
500.000 |
500.000 |
500.000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. Nous connaissons la réticence de M. le ministre devant notre proposition, réticence fondée avant tout sur les problèmes que l'adoption de cet amendement pourrait éventuellement poser au ministre chargé de la ville. Les circonstances sont telles que nous comprenons votre préoccupation, monsieur le ministre.
Cela étant, je vais tout de même défendre cet amendement, qui vise à permettre à la tutelle sur l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances de faire prévaloir les modalités de la nouvelle gestion publique introduites par la LOLF, afin de définir un plafond d'emplois au niveau strictement nécessaire à l'exercice des missions.
L'amendement tend à diminuer la subvention pour charges de service public versée à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances de 500 000 euros au titre de l'action n° 12 « Intégration et lutte contre les discriminations » du programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française », ce qui représente le coût moyen de dix emplois en équivalent temps plein travaillé, selon le projet annuel de performances. Il s'agit de répercuter dans la définition du plafond d'emplois de l'Agence une partie des conséquences de la diminution d'activité liée au transfert de la gestion du contrat d'accueil et d'intégration à l'ANAEM, qui correspondrait à trente-sept équivalents temps plein travaillé.
L'amendement vise enfin à augmenter les crédits de l'action n° 4 « Soutien au programme ?Immigration et asile ? », afin de conforter le développement de l'application informatique TRINAT/PRENAT, à hauteur de 500 000 euros.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement est-il maintenu ?
M. André Ferrand, rapporteur spécial. Étant donné ce que je viens de dire, on aura compris que la commission des finances est disposée à tenir compte de l'actualité.
Cependant, la commission insiste sur le fait que le message qu'elle entendait faire passer doit demeurer, nonobstant le retrait de l'amendement.
Il s'agit d'encourager l'ACSÉ à encore mieux suivre, évaluer, contrôler et animer les nombreux opérateurs.
Cela étant précisé, la commission retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-17 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À l'appui de ce que vient de dire excellemment M. Ferrand, j'ajouterai que nous avons pu disposer des résultats d'une enquête de la Cour des comptes sur la politique de la ville qui avait été demandée par notre ancien collègue Roger Karoutchi et par Philippe Dallier.
Cette enquête a mis en évidence le rôle de l'ACSÉ et certaines lacunes dans son action, notamment l'absence d'évaluation des actions conduites par les quelque 4 800 associations qui reçoivent des fonds de l'Agence.
La commission a donc retiré l'amendement pour ne pas compliquer la tâche du Gouvernement ni brouiller le message, mais qu'il soit clair que nous attendons une action vigoureuse tendant à obtenir une évaluation effective de l'exercice des missions confiées par cet opérateur de l'État à des associations.
Nous attendons aussi de la performance : comme l'a rappelé M. Ferrand, le transfert d'une partie de l'activité à l'ANAEM libère des équivalents temps plein travaillé, ce qui doit correspondre à un surcroît d'efficacité.
Au bénéfice du souhait que vous avez exprimé, monsieur le ministre, nous retirons donc l'amendement, mais nous serons particulièrement vigilants quant à l'action conduite par l'ACSÉ.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » figurant à l'état B.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 48 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 126 |
Le Sénat a adopté.
J'appelle en discussion l'article 45, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Article 45
Dans l'article L. 211-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le montant : « 30 € » est remplacé par le montant : « 45 € ».
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Il me paraît important de préciser pourquoi nous voterons contre cet article.
Tout d'abord, l'article 45 vise à augmenter de 50 % le montant de la taxe perçue au profit de l'ANAEM au titre des validations des attestations d'accueil. De 30 euros, cette taxe, mise à la charge des hébergeants qui veulent faire venir leur famille en France, passera donc à 45 euros, ce qui me semble inadmissible.
Cette augmentation va servir à financer la mise en place du contrat d'accueil et d'intégration familiale et l'évaluation de la connaissance de la langue française et des valeurs de la République, mesures introduites par la récente loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile promue par M. Hortefeux.
Ainsi, on fait financer une politique restrictive en matière de droit de séjour par les personnes directement soumises à ces nouvelles obligations, qui deviennent de véritables obstacles.
Cette démarche nous semble démontrer qu'aucun financement n'était prévu. C'est un peu la même façon de procéder que pour le financement du développement : le compte épargne développement a été créé afin d'inciter les étrangers résidant en France à financer le développement de leur pays d'origine.
Voilà pourquoi nous voterons contre cet article.
M. le président. J'appelle en discussion l'amendement n° II-18, tendant à insérer un article additionnel après l'article 45, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Article additionnel après l'article 45
M. le président. L'amendement n° II-18, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 11° du I de l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
12° Politique française de l'immigration et de l'intégration
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. Le présent amendement vise à donner au Parlement une vision complète et exhaustive des crédits alloués à la politique de l'immigration et de l'intégration, par le biais d'un document de politique transversale qui constitue une version modernisée des « jaunes » budgétaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 45.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Outre-mer
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite que la discussion des crédits de la mission « Outre-mer » soit pour nous l'occasion, comme chaque année, d'avoir un débat constructif sur la politique de l'État en direction des collectivités territoriales ultramarines.
Les crédits de la mission « Outre-mer » que je vais vous présenter aujourd'hui ne représentent toutefois qu'une partie de l'effort budgétaire total de l'État en faveur de l'outre-mer.
En effet, les crédits de la mission proprement dite sont de 1,73 milliard d'euros pour 2008, montant à comparer aux 15,3 milliards d'euros consacrés à la politique transversale de l'État pour l'outre-mer.
Mes remarques sur la mission « Outre-mer » s'articuleront autour de deux points.
Le premier point, qui est essentiel, a trait à l'avenir du secrétariat d'État à l'outre-mer, à la suite notamment des modifications de structure mises en oeuvre cette année.
Le second problème tient à la sous-budgétisation récurrente de différents dispositifs concernant l'outre-mer.
En propos liminaire, je souhaiterais revenir très brièvement sur la faible qualité des informations qui ont été fournies au Parlement. Outre le mauvais taux de réponse aux questionnaires budgétaires - il n'est que de 37 % -, le problème essentiel en ce domaine est le manque total d'évaluation des dispositifs de la mission.
Ainsi, par exemple, le projet de loi de finances prévoit que les exonérations de charges patronales coûteront 867 millions d'euros en 2008. Ce chiffre est, en réalité, sous-évalué. La mission d'audit qui a évalué le dispositif d'exonérations a conclu qu'elle n'était « pas en mesure d'apporter un jugement global, précis et probant, sur les effets d'un tel mécanisme outre-mer ».
Par ailleurs, le montant des dépenses fiscales dépasse largement celui des crédits de la mission, puisqu'il s'élève à 2,86 milliards d'euros. Or, nous n'avons pas de dispositifs fiables permettant d'analyser l'efficacité de ces dépenses.
Si je voulais être négatif, monsieur le secrétaire d'État, j'affirmerai que cette somme, rapportée au nombre d'emplois créés, représente 800 000 euros par emploi. Je sais que tout cela est discutable, mais le résultat est extrêmement faible.
Nous devons être très attentifs dans la prochaine discussion de la loi de programme à tout ce qui concerne la défiscalisation. Des abus sont commis en ce domaine. Il y a énormément de « perte en ligne ». Je suis sûr que nos concitoyens sont choqués lorsqu'ils voient des publicités, notamment à la télévision, qui promettent un gain en capital important sans aucun risque - en prenant simplement, quelquefois, une assurance contre le changement éventuel de législation -, alors que nous traversons des périodes difficiles : sincèrement, cela n'est pas très clair !
Il faudra s'en préoccuper de manière très ferme au moment de l'examen de la loi de programme, d'autant que la défiscalisation a aussi des effets pervers. Elle a provoqué la hausse des prix de l'immobilier dans les territoires où elle s'est exercée. Nous devons donc examiner cela de très près, et nous souhaitons la plus grande clarté sur cette question.
Cette situation est d'autant plus regrettable que la part du budget de l'État consacrée à l'outre-mer est de 5,5 %, alors que la population ultramarine ne représente que 4,2 % de la population française.
L'ensemble de ces dépenses, qui sont importantes, mériteraient donc d'être mieux justifiées. C'est ce que nous demandons. Or, comme nous l'avons vu, le manque d'évaluation de l'efficacité de nombreux dispositifs destinés à l'outre-mer ne le permet pas.
Venons-en au premier point - il est essentiel - de ma présentation : la question de l'avenir du secrétariat d'État à l'outre-mer.
Au printemps 2007, le ministère de l'outre-mer a été transformé en secrétariat d'État sous la responsabilité du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Ce changement s'est accompagné du transfert au ministère de l'intérieur des fonctions de soutien à la politique de l'outre-mer, auparavant inscrites au sein de la mission « Outre-mer » proprement dite.
On ne peut que se féliciter de ce changement qui peut préfigurer une meilleure coordination entre le secrétariat d'État à l'outre-mer et le ministère de l'intérieur, ainsi qu'une meilleure gestion globale du secrétariat d'État.
Par ailleurs, le secrétariat d'État s'est vu dépossédé de dispositifs d'aide à l'emploi et à la création d'entreprise. Ceux-ci ont été affectés à la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et ne figurent donc plus dans le périmètre de la mission « Outre-mer ».
Je me réjouis aussi de cette modification, le ministère en charge du travail disposant d'une meilleure expertise pour gérer l'ensemble des crédits relatifs à l'emploi.
Toutefois, il en résulte que le programme « Emploi outre-mer » est dorénavant composé dans sa majeure partie - à 86 % - du seul dispositif d'exonération de charges sociales. Ni les actions ni les objectifs de performances du programme « Emploi outre-mer » ne permettent donc d'avoir une vision claire et globale de la situation de l'emploi en outre-mer et des résultats des efforts réalisés pour améliorer cet emploi.
Ces éléments plaident selon moi pour une réorientation du secrétariat d'État vers des fonctions non plus de gestion du dispositif, mais de coordination des mécanismes gérés par les autres administrations pour les adapter à l'environnement spécial, que nous ne contestons nullement, des collectivités territoriales d'outre-mer.
En effet, le secrétariat d'État à l'outre-mer peut apporter une réelle plus-value du fait de sa connaissance des territoires ultramarins. Ceux-ci ont des spécificités propres par rapport à la métropole - notamment le taux de chômage des jeunes et le problème du logement - qui doivent être prises en compte pour une meilleure gestion des crédits.
Mon second point est quelque peu inquiétant, puisqu'il porte sur les sous-budgétisations récurrentes de la mission.
À la suite des conclusions de mon rapport d'information sur le logement outre-mer présenté l'année dernière, je note que des efforts ont été réalisés cette année.
Je constate aussi que le Gouvernement a tenu les engagements pris pour 2007, les crédits ayant en effet été augmentés. Par ailleurs, l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement a été réduit en 2008 par rapport à 2007, ce dont je me félicite. Cet écart reste toutefois important : de l'ordre de 35 millions d'euros, ce qui paraît beaucoup au regard du montant cumulé des engagements non encore couverts par des crédits de paiement qui s'élèverait à environ 800 millions d'euros. Tout cela est trop important et nécessite une attention toute particulière.
Une autre sous-budgétisation inquiétante concerne les crédits affectés au financement des contrats de plan État-région. Bien que le montant de ces crédits soit déterminé à l'avance, la dotation, vous le savez très bien, est sous-évaluée de 80 millions d'euros en 2008, ce qui représente une somme importante comparée aux 110 millions d'euros qui y sont consacrés. Une rallonge de 38 à 40 millions d'euros pourrait, semble-t-il, être accordée au moment de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Nous aimerions tous que vous puissiez nous apporter des précisions sur ce point et, éventuellement, nous confirmer cette possibilité.
Enfin, la troisième sous-budgétisation, tout aussi préoccupante, concerne les montants affectés aux organismes de sécurité sociale, dont j'ai déjà parlé, pour la compensation des exonérations de charges sociales. Ces montants sont connus à l'avance ; ils sont pourtant sous-dotés en 2007 comme en 2008, avec un manque estimé à 300 millions d'euros, ce qui représente un montant très important. La dette de l'État, qui avait finalement été honorée fin 2006, risque donc à nouveau de s'accumuler auprès des organismes de sécurité sociale outre-mer.
Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais formuler. Rassurez-vous, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je vais tout de même proposer l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».
Mais avant de terminer, je voudrais rappeler que, samedi dernier, lors de l'examen de la mission « Régimes sociaux et de retraite », le président de la commission des finances a défendu un amendement reprenant une proposition de loi présentée notamment par nos collègues Dominique Leclerc et Catherine Procaccia concernant les suppléments de retraite outre-mer. J'avais espéré qu'une solution favorable pourrait intervenir. M. Arthuis m'a indiqué que M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique s'était montré tout à fait ouvert à une réforme de ce système qui est, je dois le dire, choquant, injuste et anachronique.
Madame la ministre, j'aimerais que vous puissiez nous confirmer que le Gouvernement veut aller, totalement et sans réserves, dans le sens de ce qui nous a été annoncé par M. le ministre du budget. Cette question est extrêmement importante. À une époque où nous sommes mobilisés pour faire passer de grandes réformes telles que les régimes spéciaux, nous ne pouvons tolérer la survivance de tels systèmes qui sont, je le répète, injustes, coûteux et choquants.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous confirme que la commission des finances m'a chargé de recommander au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Claude Lise, rapporteur pour avis.
M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est un budget pour l'outre-mer un peu particulier dont nous sommes appelés à débattre cette année, dans la mesure où la mission « Outre-mer » correspond non plus à un ministère de plein exercice, mais à un secrétariat d'État.
J'espère que ce changement n'aura pas pour conséquence une moindre prise en compte des spécificités des collectivités situées outre-mer, qui comptent certes de réels atouts mais aussi des handicaps structurels constituant une contre-indication évidente à tout désengagement financier.
Je voudrais débuter mon analyse en rappelant que le budget de l'outre-mer ne représentera cette année encore que 0,6 % du budget général de l'État.
En ce qui concerne l'examen proprement dit des crédits, je constate une baisse de 220 millions d'euros par rapport à 2007 qui s'explique en fait, comme cela a déjà été souligné, par la disparition du programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » et le transfert vers la mission « Travail et emploi » de 158 millions d'euros consacrés aux aides directes a l'embauche.
Ces transferts me paraissent comporter un certain risque de voir le département ministériel chargé de l'outre-mer se vider peu à peu de sa substance. Or, je souhaite que l'examen de ce budget soit l'occasion de rappeler toute l'importance des défis spécifiques que l'outre-mer doit encore relever.
Aussi, j'évoquerai tout d'abord les crédits consacrés à l'emploi.
Vous le savez, mes chers collègues, les économies ultramarines sont confrontées à des fragilités particulières du fait des contraintes d'éloignement, du dynamisme démographique, des pressions migratoires, et surtout du différentiel de coût du travail avec les pays avoisinants.
Le décalage de développement avec la France se mesure à l'aune du taux de chômage. Ce dernier est plus de deux fois supérieur à celui de l'hexagone. Le rapport est même de un à trois lorsque l'on se concentre sur les départements d'outre-mer où le taux de chômage s'élève en moyenne à 28 %.
Face à cette situation, le dispositif d'exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, qui a été lancé dès 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer et parachevé par la loi de programme pour l'outre-mer de 2003, me paraît essentiel pour restaurer la compétitivité du travail.
Je m'inquiète en revanche de la réduction de plus de 25 millions d'euros du financement des contrats aidés, lesquels jouent, dans un contexte économique et social particulièrement difficile, un rôle indispensable.
Quant aux dépenses fiscales, elles me paraissent fondamentales pour la compensation de nos handicaps de compétitivité. Au dispositif actuel de défiscalisation, viendra prochainement s'ajouter celui des zones franches globales d'activité. Il faudra toutefois, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que la définition sectorielle et le découpage de ces zones soient envisagés dans le cadre d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs économiques locaux. À cet égard, une attention particulière devra être réservée aux très petites entreprises, qui représentent, en moyenne, 95 % des entreprises du secteur marchand dans les départements d'outre-mer.
Après l'emploi, j'en viens aux crédits consacrés aux conditions de vie outre-mer.
La priorité est toujours accordée au logement. Dans ce domaine, les collectivités situées outre-mer sont, comme vous le savez, confrontées à des difficultés spécifiques : une insuffisance de l'offre, en particulier dans le secteur du logement social ; un habitat insalubre encore trop important et une prolifération de l'habitat spontané ; des risques sismiques et climatiques ; la rareté et la cherté du foncier.
Face à cette réalité, les moyens sont, cette année encore, largement insuffisants, d'autant que persiste l'épineux problème de la dette de l'État envers les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics oeuvrant dans le domaine de l'amélioration de l'habitat et de la construction très sociale. L'augmentation de seulement 25 millions d'euros des crédits de la mission ne suffira même pas à résorber cette dette.
Sur les autres actions du programme « Conditions de vie outre-mer », je mentionnerai tout d'abord l'action « Continuité territoriale » pour souligner l'insuffisance notoire des moyens qui lui sont alloués.
Enfin, s'agissant de l'action « Insertion économique et coopération régionales », je regrette que les collectivités d'outre-mer n'aient pas été pleinement associées aux négociations sur les futurs accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Je m'inquiète surtout de l'impact réel de ces accords sur la situation économique et sociale des outre-mers.
Je voudrais enfin, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, évoquer deux dossiers majeurs qui sont au coeur de l'actualité.
Le premier dossier concerne l'indemnisation des victimes de l'ouragan Dean. Je m'inquiète du décalage entre les évaluations des dégâts effectuées sur place et les sommes prévues pour compenser les préjudices. À cet égard, serait-il possible de disposer d'un chiffre fiable sur le montant prévu pour indemniser les sinistres ? Je voudrais souligner que les collectivités territoriales de Martinique et de Guadeloupe ont déjà fait beaucoup en matière d'indemnisation et qu'elles ne pourront pas supporter des charges financières supplémentaires.
Le second dossier, celui des pesticides, a récemment fait beaucoup de bruit et quelque peu terni l'image des Antilles. S'il faut condamner les excès médiatiques auxquels on a pu assister, il convient néanmoins de mesurer la gravité de la situation créée par l'utilisation intensive de produits phytosanitaires toxiques jusqu'en 1993 - et, pour certains, jusqu'en juillet dernier -, alors qu'ils auraient dû être interdits depuis longtemps. Des moyens importants doivent être accordés à la recherche, notamment pour évaluer les risques encourus par les populations.
Enfin, je souhaiterais pouvoir formuler, au nom de la commission des affaires économiques, deux recommandations à l'attention du Gouvernement.
La première tend à faire figurer dans le « bleu budgétaire » annuel de la mission tous les crédits affectés à l'outre-mer par les autres ministères, ainsi que les crédits relevant des divers fonds d'intervention européens.
La seconde recommandation vise, dans un souci de transparence, à établir chaque année un document retraçant la ventilation des crédits entre les différentes collectivités territoriales d'outre-mer.
C'est sur ces deux propositions que je me permettrai de conclure, mes chers collègues, en soulignant que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'outre mer pour 2008, votre rapporteur pour avis ayant, pour sa part, exprimé un avis contraire. (Applaudissements au banc des commissions. -M. François Trucy applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à périmètre constant, les crédits de la mission « Outre-mer » augmentent de 3 %.Cette augmentation très appréciable confirme l'engagement du Gouvernement aux côtés des populations et des collectivités de l'outre-mer.
Par ailleurs, les crédits de l'État destinés à l'outre-mer sur l'ensemble des missions budgétaires progressent de 3,5 % en 2008. Le constat est identique, le commentaire aussi !
Cela dit, d'importants changements de périmètres complexifient l'interprétation du projet de budget pour 2008.
La mission « Outre-mer », qui comportait jusqu'à présent trois programmes, se trouve désormais réduite à deux programmes.
Une partie du programme supprimé est transférée sur le programme « Conditions de vie outre-mer » de la mission, une autre partie, l'action « Soutien et état-major », étant, pour sa part, transférée sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Il s'agit ainsi de mutualiser les moyens de gestion dans la logique du rattachement de l'ancien ministère de l'outre-mer au ministère de l'intérieur, et nous ne pouvons qu'approuver cet effort de rationalisation.
Une autre évolution significative tient au transfert d'une partie des crédits du programme « Emploi outre-mer » vers la mission « Travail et emploi », répartie entre le ministère des finances et le ministère du travail. En conséquence, c'est le ministère chargé de l'emploi qui devra gérer la plupart des contrats aidés outre-mer, ceux du secteur marchand comme ceux du secteur non marchand.
L'objectif est de réorienter le secrétariat d'État vers son rôle naturel de coordination interministérielle. Dans la mesure où il l'exercera avec toute l'autorité nécessaire, nous ne pouvons que nous féliciter de ce recentrage.
Il n'en est pas moins important de disposer d'une bonne visibilité de l'ensemble de la politique de l'emploi outre-mer. Or l'éclatement des crédits entre plusieurs missions ministérielles ne facilite pas une telle visibilité.
Il faudra donc trouver un moyen de concilier l'indispensable évolution du secrétariat d'État vers la fonction de coordination avec une présentation budgétaire susceptible d'offrir au Parlement un panorama satisfaisant des aides spécifiques à l'outre-mer.
En ce qui concerne les crédits de l'emploi, il faut retenir l'augmentation de 5,3 % de la compensation des exonérations de charges sociales, retracée par l'action « Abaissement du coût du travail ». C'est beaucoup, mais est-ce suffisant ? Les 867 millions d'euros prévus en 2008 n'atteignent guère le montant prévisionnel des remboursements d'exonérations pour 2008, soit 1,13 milliard d'euros. À cet égard, la commission des affaires sociales tient à exprimer fortement le souhait que la dette de l'État à l'égard des organismes de sécurité sociale n'augmente pas à nouveau en 2008.
Dans le domaine du logement, j'insiste, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, sur la nécessité d'obtenir rapidement une programmation pluriannuelle des crédits du logement social et la défiscalisation des acquisitions foncières des collectivités locales. En effet, aucune réussite ne sera possible dans ce domaine sans une prévisibilité des crédits et sans la capacité de mobiliser le foncier.
De la même façon, je tiens à souligner la double nécessité, d'une part, de réaliser les objectifs de construction fixés à l'article 23 de la loi instituant le droit au logement opposable - 12 500 logements sociaux en 2008 - et, d'autre part, de remettre à niveau le forfait « charges » et d'étendre l'allocation logement en secteur foyer dans les départements d'outre-mer.
Sur ces points, êtes-vous en mesure de nous donner de solides assurances ?
Je tiens également à évoquer la résorption de l'habitat insalubre, dotée de 21,3 millions d'euros, contre 34,5 millions d'euros en 2007. Quelle est la raison de cette diminution ? Et comment envisagez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, la suite de la politique à mener ?
La continuité territoriale est dotée de 54,2 millions d'euros contre 54 millions en 2007. Ces crédits financent le passeport mobilité, doté de 15,8 millions d'euros, quand son coût effectif s'est élevé à 19,8 millions en autorisations d'engagement en 2006.
Le passeport coûte, il est vrai, de plus en plus cher, mais des économies sensibles pourraient, selon moi, être faites du côté des compagnies aériennes, en fixant, par exemple, des prix plafond. Êtes-vous décidés à suivre cette piste ?
Pour résumer ma présentation, je dirai que nous sommes en présence d'un bon budget - même si des interrogations de détail persistent -, qui contient d'excellentes perspectives d'évolution.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales s'est prononcée en faveur de l'adoption des crédits 2008 de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le rapporteur spécial pour la mission « Outre-mer », notre excellent collègue Henri Torre, vous ayant présenté les grandes lignes de ce budget et les réactions qu'il suscitait de la part de la commission des finances, je ne reviendrai pas sur les aspects financiers parfaitement explicités.
Je me limiterai à quelques remarques de portée générale et à plusieurs observations concernant les différents territoires concernés par ces crédits.
Trois modifications importantes sont à noter par rapport à 2007.
D'abord, deux nouvelles collectivités ont été créées, à savoir Saint-Martin et Saint-Barthélemy ; ensuite, les trois programmes de la mission « Outre-mer » ont été réduits à deux ; enfin, le secrétariat d'État a été incorporé au sein du ministère de l'intérieur.
Quant à l'effort global de la nation à l'égard de l'outre-mer, il est renouvelé et représente toujours environ 15 milliards d'euros, ce dont on peut se réjouir.
Toutefois, la mission « Outre-mer » n'en représente qu'une petite partie, encore réduite cette année, puisqu'elle n'atteint même pas 14 % du total.
Cette situation conduit à deux constats.
D'une part, la disproportion flagrante entre la mission « Outre-mer » et l'effort global de l'État en faveur des collectivités ultramarines ne fait que s'accentuer. D'autre part, les modifications successives du périmètre budgétaire de la mission telles que l'éparpillement des crédits entre les divers ministères concernés ne favorisent pas la transparence en dépit, il faut le souligner, de l'effort réel que constitue le document de politique transversale.
On peut donc légitimement se demander s'il ne serait pas plus judicieux de recourir à une mission interministérielle pour couvrir les besoins budgétaires de l'outre-mer, ainsi que le permet la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Cela apporterait davantage de lisibilité et de cohérence, tout en soulignant avec plus de force la politique volontariste qui est poursuivie.
Je vous invite maintenant à m'accompagner, sans pour autant quitter votre fauteuil, dans un tour du monde rapide, le temps de parole qui m'est imparti étant mesuré.
La Guadeloupe connaît toujours une forte pression migratoire et une situation de l'emploi préoccupante, avec un taux de chômage de 27,3 %. Malgré la crise de la banane, la croissance a légèrement augmenté grâce aux secteurs du tourisme, du bâtiment et des travaux publics, le BTP, et il convient de noter que le président de la région a reçu, en janvier 2007, pouvoir de négocier, au nom de la France, un accord avec la Dominique. La coopération régionale trouve donc là un début de réalisation.
En Martinique, le secteur du bâtiment et des travaux publics s'est également révélé dynamique, même si le taux de chômage y est aussi très élevé, dépassant 25 % de la population active. En revanche, on peut noter avec satisfaction une baisse du taux de la délinquance. Quant à l'importance de la dette du département, elle doit cette année encore, malheureusement, être soulignée.
La Réunion, pour sa part, a enregistré une croissance soutenue de l'ordre de 5 % en dépit d'une baisse spectaculaire du tourisme - moins 30 % -, notamment à cause de l'épidémie de Chikungunya et des tempêtes qui ont sévi dans ce département. Ce dernier a, en outre, connu une réduction tant du taux de chômage que de celui de la délinquance.
En Guyane, l'élément marquant reste la forte pression migratoire, avec une augmentation de la délinquance et une forte progression du chômage de plus de 29 %. Malgré la stagnation du tourisme, on peut noter un léger redressement de l'économie grâce au commerce et aux services.
À Mayotte, la commission de révision de l'état civil poursuit ses travaux à un rythme soutenu, car, ainsi que vous le savez, mes chers collègues, en 2008, le conseil général pourra demander l'ouverture du processus de départementalisation. L'informatisation appropriée des mairies devrait être terminée avant la fin de 2008, mais il reste que la pression migratoire est toujours très forte.
Nous avons beaucoup parlé de la Polynésie française ces derniers temps au sein de cet hémicycle. C'est la raison pour laquelle je me limiterai à dire qu'une remise en route de l'économie est plus que jamais nécessaire et que le statut rénové ne pourra porter tous ses fruits qu'avec l'adoption du projet de loi organique, annoncé, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Nous attendons ce texte avec intérêt.
En Nouvelle-Calédonie les deux nouvelles usines de nickel sont en bonne voie. L'usine de Goro au sud va être prochainement opérationnelle et celle du Koniambo au nord est, enfin, en cours de réalisation.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. Quant à la société Le Nickel, ou SLN, société qui exploite le nickel en Nouvelle-Calédonie, elle développe également de son côté de nouveaux projets. Nous pouvons donc être optimistes quant au développement économique de la Nouvelle-Calédonie, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
La collectivité d'outre-mer de Wallis-et-Futuna est la seule à ne pas avoir de statut mis en conformité avec les nouvelles dispositions constitutionnelles. Le deuil qui fit suite au décès du Lavelua à Wallis, roi du royaume d'Ouvéa, vient de se terminer, et un nouveau Lavelua sera prochainement désigné.
Des réflexions visant à moderniser le statut de cette collectivité d'outre-mer devraient pouvoir alors être engagées afin d'aligner Wallis-et-Futuna sur les autres collectivités d'outre-mer et la mettre en conformité avec les nouvelles dispositions constitutionnelles.
À Saint-Pierre-et-Miquelon, le nouveau statut s'est mis en place à la suite de la loi organique de février 2007. La situation financière y est difficile, même si des perspectives sont ouvertes par la coopération régionale avec le Canada ; à cet égard, nous ne pouvons que nous référer aux recommandations faites dans son rapport par notre excellent collègue Denis Detcheverry, rapport qui ouvre la voie à des solutions efficaces.
Les deux nouvelles collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy viennent de se mettre en place avec leurs institutions et une organisation administrative appropriée sous l'autorité du préfet de Guadeloupe, également nommé représentant de l'État dans chacune de ces collectivités.
Le 1er août 2007, un accord avec la partie néerlandaise de Saint-Martin est entré en vigueur pour un contrôle conjoint des aéroports, compte tenu de la très forte pression migratoire que connaît l'île.
Quant à Saint Barthélemy, je tiens, mes chers collègues, à attirer votre attention sur le fait que son produit intérieur brut par habitant est quasiment équivalent à celui de la métropole ; il est en tout cas le plus élevé de toutes les collectivités territoriales d'outre-mer.
En conclusion, je voudrais souligner que les Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF, ont mis en place le cinquième district résultant du rattachement des îles éparses de par la loi organique de février 2007. Ce territoire, qui dispose d'un potentiel écologique élevé, constitue un pôle important de recherche sur le passé et le devenir de notre planète et représente une mission de première importance pour la préservation de la biodiversité.
Ayant perdu les ressources du pavillon maritime des Kerguelen, il est essentiel, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, que les TAAF puissent bénéficier, en remplacement, de nouvelles sources financières.
Ce rapide tour d'horizon montre à quel point la solidarité nationale est fondamentale vis-à-vis de nos compatriotes ultramarins qui savent porter avec fierté les couleurs de notre pays tout autour de la terre.
Il est donc naturel que nous les accompagnions avec conviction et fraternité dans leur développement. C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des lois vous invite à adopter ce budget en votant les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, il m'appartient de vous présenter aujourd'hui les principales caractéristiques du projet de budget pour 2008 en faveur de l'outre-mer. Christian Estrosi détaillera devant vous les mesures qui les concrétisent et répondra à l'ensemble des questions qui viennent d'être posées par les rapporteurs, ainsi qu'à celles que ne manqueront pas de soulever les différents intervenants.
Aujourd'hui, c'est une vision de l'outre-mer à la fois ambitieuse, moderne et dynamique qui transparaît dans ce budget.
L'outre-mer est, en effet, une chance pour la France et pour l'Europe, et, à cet égard, le budget doit servir notre ambition que cette chance perdure.
À l'heure de la mondialisation, l'outre-mer donne à notre pays un avantage géostratégique exceptionnel, concernant non seulement notre influence propre, mais aussi celle de l'Europe.
Le développement économique est, de ce point de vue, un enjeu essentiel, et les entreprises ultramarines demeurent au premier rang. Notre objectif est donc de mobiliser les compétences et les moyens, notamment budgétaires, pour valoriser les atouts de chacun des départements et des territoires. C'est pourquoi notre politique de développement doit être fondée sur l'excellence économique et la compétitivité.
Le projet de loi de programme pour l'outre-mer que je prépare avec Christian Estrosi vise à encourager un développement économique durable, spécifique à chaque département d'outre-mer, ce qui est conforme aux engagements du Président de la République.
Avec la création de zones franches globales d'activité, notre action se veut résolument novatrice et partagée.
J'ai voulu que ce texte fasse l'objet de la plus large concertation possible, dans chaque département d'outre-mer. C'est ainsi, monsieur Lise, que les secteurs qui bénéficieront des mesures renforcées seront bien ceux qu'auront proposés les partenaires locaux. C'est dans cette perspective que ce texte a été élaboré.
Ce projet de loi de programme pour l'outre-mer, nécessaire et ambitieux, exige aussi le soutien de l'Union européenne. En effet, nous le savons, les départements d'outre-mer restent fragiles : ils souffrent de handicaps structurels et sont soumis à un certain nombre de risques. Nous en avons eu l'illustration récemment en Martinique et en Guadeloupe, et je tiens à assurer l'ensemble des populations, dont l'émotion a été vive, de tout notre soutien.
Le problème, c'est que très peu de pays européens connaissent les spécificités de l'outre-mer. C'est pourquoi, dès mon arrivée place Beauvau, je me suis efforcée de convaincre de l'importance que revêtait l'outre-mer pour l'Europe. J'ai ainsi pu obtenir de Neelie Kroes, commissaire chargée de la concurrence, un régime fiscal très largement dérogatoire pour les départements d'outre-mer, afin de favoriser la compétitivité des entreprises.
En outre, à diverses reprises, je me suis entretenue avec Peter Mandelson, commissaire au commerce extérieur, de la négociation des accords de partenariat économique avec les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Nos conversations étaient certes courtoises, mais assez musclées !
Dans les domaines fragiles, notamment ceux de la banane, de la filière canne-sucre et des filières de diversification, j'ai pu déjà obtenir un certain nombre de résultats satisfaisants ; mais il nous faut demeurer extrêmement attentifs. Soyez assuré, monsieur Lise, que je suis et resterai vigilante aux intérêts des départements d'outre-mer.
En 2008, la France assumera la présidence de l'Union européenne. J'entends mettre à profit ce semestre pour permettre de mieux faire connaître les départements d'outre-mer, et l'outre-mer en général, à l'ensemble des États membres.
Ce budget doit servir l'ambition que nous avons pour l'outre-mer.
Monsieur le rapporteur spécial, vous l'avez souligné, la mission « Outre-mer », dont les crédits vous sont aujourd'hui soumis, ne représente qu'une fraction des crédits que l'État consacre à l'outre-mer. Le tour du monde outre-mer dans lequel vous nous avez entraînés, monsieur Cointat, prouve que la solidarité nationale y est fondamentale.
Le budget de la mission « Outre-mer » a un sens politique fort. J'ai donc voulu en faire un acte de solidarité et de vérité.
D'abord, la solidarité se manifeste dans le domaine du logement, qui, outre-mer, demeure encore très largement indigne de la République française. Les crédits consacrés au logement reviennent au sein de cette mission, contrairement à l'orientation qui était retenue antérieurement. Ils connaissent cette année une augmentation sensible, de l'ordre de 14 % par rapport à 2007. Néanmoins, je le reconnais bien volontiers, c'est encore insuffisant.
À défaut de pouvoir redresser la situation en un an, madame le rapporteur pour avis, j'entends faire du logement, et particulièrement du logement social, une priorité du projet de loi de programme pour l'outre-mer qui vous sera prochainement présenté. Ce texte corrigera également un certain nombre de choix, notamment fiscaux, qui n'ont pas atteint les objectifs fixés.
La solidarité s'exprime aussi au travers des régimes de retraite.
Monsieur Lise, je tiens à vous assurer que le Gouvernement n'est pas hostile à une réforme des régimes de retraite ; mais celle-ci doit porter en priorité sur les nouveaux retraités. S'agissant des titulaires de pensions, l'objectif n'est pas de supprimer ces dernières ! En revanche, je suis favorable à un examen minutieux des situations les plus caricaturales, qui peuvent parfois correspondre à des situations d'aubaine, sans lien véritable avec la situation de l'outre-mer. En tout état de cause, il est certain que les réformes devront permettre un recyclage intégral des économies au profit de l'engagement de l'État dans les outre-mers.
Cette mission traduira en outre une politique de vérité.
Cela concerne au premier chef l'évaluation. Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial, de nombreux dispositifs, qui, auparavant, étaient gérés par le ministère de l'outre-mer, étaient insuffisamment évalués, comme par exemple les mesures de défiscalisation.
J'entends développer l'évaluation et le pilotage des politiques publiques. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que, dès maintenant, un responsable des services de la rue Oudinot soit chargé du suivi systématique des politiques mises en oeuvre pour l'outre-mer.
Je considère que la continuité territoriale est une priorité pour pallier, au moins en partie, les effets de l'éloignement. Mais je veux aussi tirer les conséquences d'un certain nombre de dysfonctionnements de la dotation de continuité territoriale ou du passeport mobilité.
Une réforme conjointe de ces deux dispositifs complémentaires trouvera sa place dans le projet de loi de programme pour l'outre-mer. Je veux que cette réforme permette de mieux répondre aux besoins, afin de bénéficier à un plus grand nombre de jeunes et de promouvoir des projets mieux assurés.
L'objectif de vérité doit encore se traduire dans l'adéquation des crédits aux politiques. Ce point a été souligné. L'augmentation des crédits du logement ou d'aménagement du territoire, pour sensible qu'elle soit, ne doit pas nous satisfaire.
Il est vrai, madame, messieurs les rapporteurs, que l'enveloppe budgétaire de cette mission n'est pas toujours à la hauteur des besoins et que ce n'est qu'en fin d'année que cela apparaît. Le projet de budget pour 2008 doit être considéré comme un premier pas dans le processus de redressement, dans un sens de responsabilisation réelle.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous en donne l'assurance, le collectif budgétaire permettra de répondre à vos préoccupations.
La nouvelle organisation ministérielle fait du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales le responsable gouvernemental de tous les territoires français, qu'ils soient métropolitains ou non. Vous avez eu raison de rappeler que, pour l'outre-mer, cette nouvelle organisation est un gage d'efficacité accrue. Elle bénéficiera d'une mutualisation de nombreuses fonctions avec les services équivalents de la place Beauvau, sans que cela remette en cause l'exceptionnelle connaissance que les services de la rue Oudinot peuvent avoir de la spécificité de nos collectivités d'outre-mer.
En accord avec Christian Estrosi, j'ai chargé la secrétaire générale du ministère de l'intérieur, Mme Bernadette Malgorn, de me proposer une organisation administrative de la rue Oudinot conforme au nouveau périmètre gouvernemental. Ces propositions nous seront présentées dès le début de l'année prochaine. Je m'appuierai également sur les conclusions de la mission confiée à Patrick Karam, délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer, qui vient de me présenter son bilan après trois mois d'activité et dont nous connaissons tous la grande capacité d'écoute et l'énergie.
Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez constaté, nos ambitions pour l'outre-mer sont grandes.
Dans la bataille pour la croissance et l'emploi, le développement durable et l'égalité des chances, l'outre-mer doit prendre toute sa place. C'est bien le sens de la politique que j'entends mener à la tête du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. En effet, une politique ambitieuse pour l'outre-mer, c'est une politique ambitieuse pour la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, après Mme le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, c'est bien évidemment pour moi un bonheur de vous présenter, pour la première fois à l'occasion de cette législature, ce budget de l'outre-mer. Je tiens à saluer le travail qui a été accompli par les rapporteurs et à rendre hommage aux sénateurs représentant nos territoires d'outre-mer comme à ceux de métropole qui sont venus leur témoigner toute leur solidarité.
Je veux avant tout préciser à M. le rapporteur spécial, qui nous reproche de ne pas avoir transmis tous les documents dans les délais nécessaires, que toutes les questions avaient reçu une réponse plusieurs semaines avant la présentation de ce budget au Parlement. J'y étais personnellement très attaché.
Le taux de non-réponse de 37 % auquel vous avez fait référence, monsieur Torre, correspond au pourcentage atteint le 10 octobre dernier, qui était la date fixée par le Parlement. C'était voilà bientôt deux mois, bien avant ce débat. Je puis donc affirmer que, depuis, toutes les réponses ont été transmises et que tous les éléments et documents budgétaires ont été mis à votre disposition. Quant à la qualité de ces réponses, je constate que vos collègues rapporteurs ne les ont pas remises en cause, ce dont je les remercie.
Ce projet de loi de finances témoigne de l'effort significatif qui est fait cette année en faveur de l'outre-mer. Malgré un contexte difficile et marqué par de fortes contraintes qui pèsent sur le budget de l'État, 15,3 milliards d'euros sont globalement consacrés à l'outre-mer, ce qui témoigne d'un effort de solidarité important.
Les crédits gérés directement par mon secrétariat d'État s'élèvent à 1,764 milliard d'euros en autorisations d'engagement et à 1,739 milliard d'euros en crédits de paiement. Vous n'avez pas manqué de relever, madame, messieurs les rapporteurs, les changements de périmètre de la mission « Outre-mer ». En réalité, et vous l'avez indiqué dans vos rapports, à périmètre constant, ces crédits sont en augmentation de 2 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement.
Il est important de comparer les actions relevant directement de la mission « Outre-mer ». En ce qui concerne la gestion des crédits liés à l'emploi, qui était auparavant assurée par le secrétariat d'État à l'outre-mer et qui est désormais transférée au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, chacun sait ici que cette situation est l'une des conséquences de la LOLF. Pour autant, le montant des crédits est resté identique. Mme la ministre et moi-même avons un droit de regard direct sur l'administration de ces crédits, afin que la politique de l'emploi du Gouvernement en faveur de l'outre-mer ne soit en rien remise en cause.
En effet, monsieur le rapporteur spécial, ces changements ne compromettent ni les actions conduites par l'État dans les domaines concernés ni ma vigilance sur la mise en oeuvre de ces actions. Nous voulons simplement que les enjeux et les spécificités de chacune des géographies soient mieux pris en compte.
Dans le cadre de ce nouveau format, le pilotage de toutes les politiques publiques revient bien au secrétariat d'État à l'outre-mer. Je suis très attaché à cette fonction d'évaluation et de coordination de l'action de l'État outre-mer. Je considère que c'est l'une des vocations premières de mon administration, et j'entends bien évidemment encore la développer, avec le soutien de Mme la ministre.
Au-delà des chiffres et des questions relevant de l'économie générale de ce budget, que vous avez très clairement exposés, madame, messieurs les rapporteurs, dans vos travaux dont je tiens de nouveau à saluer la qualité et le pragmatisme, je veux maintenant mettre l'accent sur les trois priorités que j'entends fixer pour donner à l'outre-mer toute sa place au sein de la République et dans la mondialisation, dans la droite ligne du projet du Président de la République : le développement économique et social, l'accompagnement de l'exercice des responsabilités locales, et la sécurité.
Je veux rappeler en cet instant que l'État s'est pleinement mobilisé tant aux côtés de nos concitoyens d'outre-mer lors du séisme qui vient de frapper des populations de la Martinique - la cellule de crise qui a été mise en place sous l'autorité de Michèle Alliot-Marie au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales nous a permis d'apporter des réponses immédiates et de limiter les conséquences de cette catastrophe - qu'en faveur des sinistrés des cyclones Gamed et Dean qui ont bénéficié du Fonds de secours de l'outre-mer à hauteur, respectivement, de 17 millions d'euros et de 50 millions d'euros, sans oublier les autres dispositifs d'aide à l'agriculture et au tourisme tels que le FISAC.
Nous allons également travailler rapidement à la remise aux normes antisismiques des bâtiments, notamment aux Antilles. Le dernier séisme ayant atteint une amplitude de près de sept degrés sur l'échelle de Richter, les conséquences auraient pu être encore plus dramatiques. Sans doute le travail en amont réalisé ces dernières années a-t-il permis de limiter les dégâts. Nous avons la ferme volonté de l'amplifier en faveur de nos compatriotes des Antilles.
Cet engagement démontre que la solidarité nationale joue pleinement envers l'outre-mer et que notre volonté politique est toujours sans faille quand il s'agit d'intervenir rapidement dans les moments de détresse. Elle l'est également en ce qui concerne la mise en oeuvre de toutes nos priorités.
Monsieur Lise, vous avez évoqué le cyclone Dean. Afin d'y faire face, des crédits d'État ont été débloqués, à savoir 60 millions d'euros de fonds de secours provenant du secrétariat d'État à l'outre-mer, auxquels il importe d'ajouter 5 millions d'euros du FISAC et 4,5 millions d'euros du ministère de l'agriculture. Doivent également être citées les indemnités versées par les assurances, qui sont majorées. En effet, jamais, dans l'histoire de la République, n'a été prise aussi rapidement - moins de deux mois après la survenue du cyclone - la décision de classement en état de catastrophe naturelle. Qui plus est, c'est l'ensemble du périmètre des départements de la Martinique et de la Guadeloupe qui a été pris en compte, chacune des communes situées sur ces territoires bénéficiant de ce classement en état de catastrophe naturelle. C'est une première. Monsieur Lise, il serait donc raisonnable de préciser que les aides majorées des assurances s'ajoutent à l'effort sans précédent que l'État a pu consentir à la suite d'un tel sinistre.
Pour ce qui concerne le développement économique et social, l'axe essentiel des priorités en la matière vise le développement économique durable fondé sur la mise en valeur des atouts de chacun des territoires concernés. Un tel développement préserve l'environnement, crée de la richesse, réduit les inégalités sociales et donne à chacun sa chance.
Je n'accepte pas la vision trop souvent pessimiste que l'on a de l'outre-mer. Je connais les difficultés de ces territoires, mais j'ai pu également en admirer les performances, les réussites, les talents et les énergies déployés pour porter des projets ambitieux. Faut-il rappeler l'ampleur du projet minier en Nouvelle-Calédonie ? Faut-il rappeler que le produit intérieur brut connaît, dans l'ensemble de ces collectivités, une croissance trois fois plus importante qu'en métropole ? Je connais les ressources et le potentiel humain de tous ces territoires. Je ne veux pas qu'ils soient sous-estimés. Je veux mener une vraie logique de développement pour aider les économies ultramarines à lever les contraintes qui résultent de leur handicap structurel et pour avancer sur la voie de l'excellence, de la compétitivité et de la valorisation de leurs atouts.
Dans cette logique, des pôles de compétitivité ont déjà été mis en place en Guyane, en Guadeloupe et à la Réunion, afin de redonner confiance aux acteurs économiques tout en valorisant le potentiel, si fort en outre-mer, en matière de recherche. De ce fait, de nouveaux métiers, donc de nouveaux emplois, de nouvelles entreprises, vont être créés. De nouvelles filières de formation vont aussi être proposées aux jeunes.
C'est également dans cette logique que nous allons créer de nouveaux pôles, notamment dans le Pacifique, axés sur la mise en valeur de l'ensemble des ressources et du potentiel humain de chacune des géographies ultramarines.
C'est toujours dans la même logique que je suis en train de finaliser, avec Michèle Alliot-Marie, le projet de zones franches globales qui va voir le jour dans les quatre départements d'outre-mer, après l'adoption du prochain projet de loi de programme. Les zones franches créées vont couvrir l'ensemble des départements concernés et agir sur plusieurs leviers, dont celui de la fiscalité des entreprises, afin de favoriser l'émergence d'économies compétitives. Des aides majorées seront prévues pour quelques secteurs porteurs dans chaque département. Lever au maximum les contraintes qui pèsent sur la création de richesses et structurer les filières porteuses, telles sont les deux directions dans lesquelles je veux concentrer les efforts pour permettre à chaque économie de trouver sa voie dans son environnement régional.
Monsieur Lise, l'association des élus à l'élaboration du périmètre des zones franches était pour moi, vous le savez, un impératif. Il s'agissait, tout d'abord, d'un impératif géographique, parce que c'est l'ensemble du territoire des départements qui est concerné. Pour les secteurs les plus aidés - nous avons eu ensemble une discussion sur ce sujet -, la négociation est organisée à un deuxième échelon. La concertation locale a eu lieu sous l'égide des préfets, après une réunion que vous avez vous-même présidée. Je souhaite que soient aussi concernés - je vous l'annonce aujourd'hui - les secteurs du petit commerce et des services à la personne, et pas uniquement les grandes entreprises. Je suis attaché à ce que, dans les zones franches globales, une action en faveur des plus faibles soit entreprise et que soit mené un accompagnement social. Cela démontrera que le projet de zones franches globales est équilibré, bénéficie aux grandes entreprises comme aux plus démunis par le biais de l'ensemble des prestations qui pourront être créatives d'emplois. Selon moi, c'est un principe d'égalité des chances.
Pour ce qui concerne les contrats aidés, monsieur Lise, la baisse des crédits est une réalité mais, parallèlement, je vous rappelle que les exonérations des cotisations sociales ont augmenté. Par conséquent, l'outre-mer a enregistré une baisse sensible du chômage.
Toutes ces actions essentielles visent à répondre au problème de l'emploi outre-mer et feront l'objet d'un volet important dans le prochain projet de loi de programme qui nous permettra de compléter ces dispositions.
En outre, cette politique est indissociable de notre engagement pour la protection de l'environnement, question vitale pour l'outre-mer, d'une part, en termes d'éthique, car elle détermine non seulement la qualité de vie de nos compatriotes mais aussi la préservation d'un patrimoine naturel exceptionnel, et, d'autre part, en termes de développement, car cette protection est l'un des secteurs les plus prometteurs pour les économies d'outre-mer. J'ai pu en faire la démonstration en conclusion des travaux du Grenelle de l'environnement. L'urgence à agir en la matière comme le défi de faire de ces régions des vecteurs essentiels du new deal écologique voulu par le Président de la République ont été unanimement reconnus. Il faut le souligner, car c'est déjà une victoire.
Actuellement, le Bangladesh se trouve dans une situation dramatique et une grande partie de son territoire, du fait de la montée des eaux, pourrait disparaître de la carte. N'oublions pas que, si nous ne prenons pas aujourd'hui, avec toute l'énergie nécessaire, la mesure du problème auquel est confrontée la planète, les habitants de nos territoires d'outre-mer situés notamment dans le Pacifique Sud risqueraient d'être, demain, les premiers orphelins de la planète. La France se doit de mener ce combat. Le Président de la République a d'ailleurs mis en oeuvre cette exigence.
À ce titre, le développement des énergies renouvelables constitue un défi majeur pour ces territoires, tout comme la gestion et la maîtrise des déchets. Je suis profondément attaché à la concrétisation de tous ces projets. Cependant, je sais aussi qu'il ne peut y avoir de développement économique sans une politique de solidarité sans faille de la part de l'État.
En matière sociale, monsieur Lise, chacun connaît les enjeux en outre-mer et l'ampleur des besoins à satisfaire. S'agissant notamment du problème crucial du logement, pour 2008, les crédits affectés au logement social sont en hausse de 14 %, passant de 175 millions d'euros à 200 millions d'euros. Après l'effort exceptionnel accompli en 2007 pour solder les dettes importantes accumulées sur la ligne budgétaire unique, ce nouvel effort est révélateur de l'attention portée à ce sujet essentiel en termes d'égalité des chances.
Le projet de loi de programme en préparation comportera aussi un certain nombre de dispositions destinées à mobiliser davantage le foncier, à répondre plus précisément à la demande de logement et à sécuriser les outils financiers du logement social en complément des dotations budgétaires.
Le logement, selon moi, n'est pas un sujet comme un autre. Disposer d'un logement, outre le fait de procurer un toit, est une condition indispensable à l'épanouissement personnel, affectif. C'est l'une des clés de la réussite. Je veillerai donc avec une attention particulière à la gestion de notre politique de solidarité dans ce domaine.
Monsieur Torre, vous avez parlé de sous-budgétisation. Mais ne mélangeons pas tout. Dans le domaine du logement, les dettes enregistrées au 31 décembre 2006 ont été réglées en totalité grâce à un effort exceptionnel fourni en 2007. À la fin de cette année, nous apprécierons l'état des factures en instance. Comme chaque année, elles devraient être de 10 à 25 millions d'euros. Des engagements contractuels ont, de surcroît, été pris. Pour toutes ces raisons, le projet de loi de finances rectificative prévoit, pour honorer les dettes, 38 millions d'euros. Cela démontre bien que le projet de budget que nous vous présentons cette année, mesdames, messieurs les sénateurs, est en augmentation par rapport à celui de l'année dernière, les dettes ayant été réglées. Il est en faveur de la politique du logement que nous entendons mener en outre-mer.
Le devoir de solidarité que j'évoque doit également agir sur d'autres leviers prioritaires pour améliorer les conditions de vie de nos compatriotes d'outre-mer. C'est le problème de la continuité territoriale en ce qui concerne la santé et l'éducation. Madame Payet, je sais que, pour vous comme pour nous, la continuité territoriale est un gage de cohésion sociale. Les exigences sont croissantes en la matière, en termes tant de transport que d'accès aux réseaux de communication. Les crédits alloués en faveur de cette politique serviront à financer notamment le passeport mobilité dont nous allons étudier les dysfonctionnements afin de réviser efficacement le dispositif.
De nombreux projets en faveur de la réduction de la fracture numérique devraient également voir le jour. Je ne peux évoquer tous les projets qui doivent être menés à bien, afin de ne pas être trop long. Je citerai cependant l'accès à la santé garanti au profit de tous, l'accès à l'éducation et à la formation, sujets qui me préoccupent extrêmement, car l'égalité des chances ne doit pas être un vain mot en outre-mer.
Je veux maintenant profiter de l'occasion qui m'est donnée de m'adresser aux représentants des collectivités territoriales de la République pour aborder la question de l'accompagnement de l'exercice des responsabilités locales outre-mer. C'est tout le sens de l'effort de l'État. Le financement des engagements contractuels de l'État est en augmentation de 10 % dans le budget pour 2008, ce qui va lui permettre d'honorer ses promesses dans les meilleures conditions. Les dotations gérées directement par le secrétariat d'État à l'outre-mer connaîtront, elles aussi, une légère progression l'année prochaine et atteindront 316 millions d'euros en crédits de paiement.
C'est aussi tout le sens des projets de loi portant diverses dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer déjà votés ou en cours de préparation. Les projets de loi organique et ordinaire tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, que vous venez d'adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, devraient donner un nouveau souffle à cette démocratie locale, tout comme l'extension aux communes polynésiennes du bénéfice de l'ensemble des lois de décentralisation et des lois relatives à l'intercommunalité.
En Nouvelle-Calédonie, nous poursuivrons aussi l'actualisation du droit communal dont l'ensemble des dispositions législatives a été étendu par une ordonnance du 25 juillet dernier. La mise en oeuvre des accords de Nouméa se poursuit, tant pour ce qui relève du domaine économique, social et culturel que pour ce qui ressortit aux transferts de compétences de l'État à la collectivité. J'ai d'ailleurs proposé au Premier ministre de réunir le comité des signataires afin de faire le point sur l'application de cet accord. Comme vous le savez, sur sa proposition, ce comité se tiendra le 20 décembre prochain à Matignon. Je m'implique au quotidien dans sa préparation avec l'ensemble des acteurs de Nouvelle-Calédonie.
Pour ce qui concerne Saint-Barthélemy et Saint-Martin, les textes d'application des deux lois organique et ordinaire du 21 février dernier ont commencé à être publiés.
S'agissant de la départementalisation de Mayotte, je veillerai à ce que les engagements du Président de la République, réaffirmés le 13 juillet dernier rue Oudinot, soient tenus. La Constitution prévoit expressément que tout changement de statut ne peut se faire sans consultation de la population. Les Mahorais seront dont consultés sur cette question, si le conseil général issu du prochain renouvellement le demande ; si cette évolution est approuvée, le Parlement sera ensuite amené à l'entériner dans le cadre d'un projet de loi organique.
Je veux terminer mon propos en abordant les questions de sécurité.
La sécurité, c'est la première des libertés. C'est un axe fort de l'engagement du Président de la République. C'est une condition de l'amélioration des conditions de vie de nos compatriotes et une condition majeure du développement économique. Au cours des visites que j'ai effectuées, j'ai toujours réaffirmé le rôle et la place de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes.
Michèle Alliot-Marie et moi-même travaillons à la mise en place de groupements d'intervention régionaux dans chaque département et à Mayotte en vue de lutter plus efficacement contre les réseaux. En la matière, nous avons déjà enregistré de bons résultats depuis 2002, et ceux de cette année s'annoncent encourageants. La baisse de l'insécurité se poursuit. La hausse statistique enregistrée depuis 2007 est due, en réalité, à une forte activité des services en matière d'immigration - plus 13 % - et de lutte contre les stupéfiants - plus 21 %. La délinquance de voie publique régresse de 5,8 %, et le taux global d'élucidation est en progrès, puisqu'il passe de 52 % à 55 %.
En fait, chaque collectivité est confrontée à des problèmes spécifiques. C'est pourquoi j'ai entrepris, en coopération avec les ministères concernés, des actions de nature à améliorer les résultats pour répondre aux attentes de chacun des territoires.
Les rapporteurs ont été unanimes : les efforts à accomplir outre-mer doivent s'inscrire dans une vision globale.
Comme l'a rappelé Mme la ministre, une réflexion est en cours, sous l'égide notamment de la secrétaire générale du ministère de l'intérieur, Mme Malgorn, réflexion que nous suivons de très près et qui porte sur la réorganisation du secrétariat d'État à l'outre-mer. Nous veillerons, comme cela nous a été demandé, à ce qu'il y ait dans ce domaine une révision générale des politiques publiques - c'est là une saine orientation - en nous appuyant sur le document de politique transversale, dans lequel l'effort global de l'État est recensé par thème et par territoire.
Monsieur Cointat, selon vous, le secrétariat d'État chargé de l'outre-mer devrait être allégé de ses fonctions de gestion pour se recentrer sur ses missions et ses fonctions d'administration, d'impulsion, voire de pilotage interministériel. Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et moi-même approuvons totalement cette suggestion : nous nous engageons dans cette voie d'avenir et nous l'explorerons à l'occasion, notamment, de la révision générale des politiques publiques. Comptez sur moi pour privilégier cette solution et assumer les conséquences administratives qu'elle implique.
Je terminerai mon propos en évoquant quelques chiffres, car chacun des rapporteurs a présenté les siens.
M. le rapporteur spécial a dit que la globalité du budget de l'outre-mer représentait 5,5 % du budget de l'État. C'est la vérité.
Ensuite, M. Lise a dit qu'il s'agissait de 0,6 % du budget de l'État. C'est la vérité aussi.
Mme Payet a salué un budget appréciable, en augmentation de 3 %, ce qui est vrai également.
Ils sont tous dans le vrai. (Sourires.)
La LOLF étant ce qu'elle est, ce qui compte, c'est le périmètre constant. Le périmètre constant, c'est 3 % de plus, comme l'a dit Mme Payet.
Permettez-moi, monsieur Torre, de vous faire une observation, avec tout le respect que je vous porte. J'y tiens, monsieur le président, car il y a des choses que je ne peux garder pour moi. C'est ainsi ! Vous dites que la mission « Outre-mer » représente 5,5 % du budget de l'État pour 4,2 % de la population.
M. Henri Torre, rapporteur spécial. C'est un constat !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. C'est un constat, certes, mais, en tant que représentant des collectivités territoriales et donc d'hommes, de femmes et de territoires, vous ne pouvez vous contenter de constats ; vous devez tenir compte de la condition de chacun en fonction de son éloignement et des services qui lui sont proposés.
Vous savez que je suis contre les politiques égalitaristes et pour les politiques d'équité et de justice. J'ai été ministre délégué à l'aménagement du territoire, monsieur Torre. Vous-même avez prouvé, dans l'exercice d'autres responsabilités locales, que vous étiez aussi un aménageur de territoire. Vous savez très bien qu'en métropole, on donne plus, par habitant, à l'Ardèche, à l'Ariège, aux Vosges...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À la Corse !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.... ou à la Corse, notamment, qu'au septième arrondissement ou au quinzième arrondissement de Paris : le principe de justice et d'équité veut en effet que l'on donne plus à ceux qui ont moins.
À Wallis-et-Futuna, à 26 000 kilomètres au milieu du Pacifique, les petits écoliers - vous le confirmerez, monsieur Laufoaulu, vous qui m'avez accueilli là-bas - n'ont pas à leur disposition autant d'ordinateurs que les enfants de Paris, chaque infirmière n'a pas droit à sa blouse blanche, comme ses collègues de la Pitié-Salpêtrière et si, en pleine nuit, quelqu'un doit être opéré d'urgence, en cas de péritonite, par exemple, le fait qu'une radio soit défectueuse ou qu'aucun avion ne soit disponible pour le transporter à l'hôpital de Wallis, à celui de Futuna ou en Nouvelle-Calédonie peut avoir des conséquences dramatiques et irréversibles.
Vouloir établir une comparaison entre le taux de 5,5 % du budget de l'État et celui de 4,2 % de la population n'est donc ni juste ni équitable.
La métropole devrait se montrer plus solidaire envers les territoires les plus éloignés, envers ceux de nos compatriotes qui sont les plus isolés et qui ont moins que d'autres, lesquels résident sur des territoires favorisés. L'outre-mer le mérite. (Applaudissements.)
C'est cette vision d'équité et de justice que je soutiendrai, fort de la mission que m'a confiée le Président de la République et du soutien qu'il apporte à l'action que je mène au sein du secrétariat d'État à l'outre-mer ; c'est cette même vision que, dans la lettre qu'il a adressée à chacun de nos compatriotes d'outre-mer, il a défendue.
L'outre-mer, c'est beaucoup pour la France, comme la France est beaucoup pour l'outre-mer ; mais l'outre-mer, c'est également beaucoup pour l'Europe. En contrepartie, nous avons des devoirs, des exigences : je m'efforcerai de m'en acquitter dans un esprit de solidarité, d'équité et de justice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, il était prévu que le Gouvernement dispose d'un temps de parole de trente-cinq minutes au total, pour répondre à la fois aux rapporteurs et à l'ensemble des orateurs. Je tiens à signaler à M. le secrétaire d'État que ce temps de parole est déjà épuisé, alors que seuls les rapporteurs se sont exprimés et que treize intervenants sont inscrits. Je rappelle que, dans l'esprit de la LOLF, le Gouvernement devait répondre aux orateurs.
M. Simon Loueckhote. Il y a tellement à dire sur l'outre-mer !
M. le président. Il faudrait faire en sorte que nous restions dans l'épure qui a été initialement tracée et que chacun s'en tienne au temps de parole qui lui a été imparti.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous sommes ici dans un débat budgétaire et non pas dans un débat de politique générale. Je souhaite donc que nous centrions nos propos sur des réflexions d'ordre budgétaire.
Je ne suis pas là pour venir au secours de M. Torre : il est suffisamment armé pour se défendre lui-même. Je tiens simplement à dire, monsieur le secrétaire d'État, qu'il ne suffit pas de dépenser plus pour être efficace.
Si l'on considère tous les efforts faits par la République en faveur de l'outre-mer et si l'on observe la situation du logement, le pouvoir d'achat ou encore le prix de la vie dans nombre de territoires ultramarins, force est de constater que tous les moyens qui leur sont alloués n'ont pas toujours l'efficacité attendue, voire n'atteignent pas leur cible.
Ce n'est pas une question d'ampleur de crédits, c'est une question d'efficacité de la dépense publique. Il m'arrive de penser que plus on octroie d'argent public, plus les prix augmentent et qu'en définitive les fonds ne vont pas là où ils devraient aller. C'est une question essentielle. Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'État, que vous mobilisiez des moyens pour observer d'un peu plus près les systèmes de distribution outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer », je vais maintenant donner la parole aux différents orateurs inscrits.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je rappelle également qu'en application des discussions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, un constat s'impose : le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer pour 2008 est en stagnation, dans la mesure où il n'augmente, à périmètre constant, que de 1,85 %, alors même qu'il fait suite à une série de baisses relativement importantes, de 7 % en 2005 et 2006 et de 12 % en 2007, si l'on raisonne toujours à périmètre constant.
C'est donc un budget qui, loin de s'inscrire dans une dynamique de changement - je ne parle même pas de rupture ! - s'installe dans une très réelle et décevante continuité, laquelle tranche d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, avec l'intérêt réel que vous portez à l'outre-mer et que je salue.
Ce budget affiche, bien sûr, les priorités habituelles, mais, il faut bien le reconnaître, une fois de plus, elles sont réduites à de simples mesures d'affichage !
La première est, comme il se doit, l'emploi.
Comment ne pas s'en féliciter quand on est l'élu d'un département d'outre-mer dont le taux de chômage dépasse 25 %, avec une proportion de 45,8 % de chômeurs de longue durée ? Mais, après examen des crédits, comment ne pas être déçu ?
Le seul réel changement réside dans le transfert au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi de la gestion de 158 millions d'euros de crédits d'aides à l'emploi.
Pour le reste, on ne note aucun effort budgétaire supplémentaire. Le dispositif d'exonérations de charges patronales de sécurité sociale, mis en place par la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer et par la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, est manifestement sous-doté : seuls 867 millions d'euros de crédits de paiements sont inscrits, quand le montant prévu des compensations à verser aux organismes de sécurité sociale s'élève à 1,1 milliard d'euros.
Surtout, le financement des contrats aidés connaît une nouvelle et très sensible diminution.
Cela traduit la persistance d'une vision péjorative des contrats aidés, notamment ceux qui sont destinés au secteur non marchand. C'est une politique contre laquelle je n'ai cessé de mettre en garde les acteurs concernés, compte tenu des risques qu'elle comporte pour la cohésion sociale dans un département comme le mien ; un département qui, en dehors d'un chômage trois fois plus élevé que dans l'Hexagone, compte 8 % de RMIstes, près de 13 % de personnes vivant de minima sociaux et près de 16 % de travailleurs percevant un revenu qui les place au-dessous du seuil de pauvreté.
Il importe, bien sûr, de promouvoir le plus possible la création d'emplois engendrés par l'activité des entreprises. À cet égard, le dynamisme dont on fait preuve aux Antilles est bien connu : on y obtient des taux de création d'entreprises et d'emplois supérieurs à ceux de bien des départements de l'Hexagone. Néanmoins, il serait irréaliste d'imaginer pouvoir se passer, à court et même à moyen terme, d'un important volet d'emplois aidés, tout particulièrement dans le secteur non marchand.
Bien entendu, je n'ignore pas les espoirs que vous fondez, monsieur le secrétaire d'État, sur la future loi de programme pour l'outre-mer. Mais celle-ci ne peut, surtout dans le domaine de l'emploi, avoir des effets à court terme.
Par ailleurs, la question se pose de savoir si, précisément dans ce domaine, nous avons l'assurance d'en attendre des résultats remarquables.
Pour ma part, je constate que cette loi de programme demeure essentiellement axée sur l'utilisation de l'outil fiscal. On en connaît les avantages, mais il a déjà aussi largement montré ses limites, sans compter ses effets pervers.
De ce point de vue, l'élément nouveau prévu dans ce cadre est le dispositif de zones franches globales d'activités.
Il suscite chez beaucoup d'élus, mais aussi chez nombre d'acteurs économiques, un certain nombre d'interrogations, à la fois sur sa compatibilité avec les règlements européens, sur le risque de suppression d'autres mesures à titre de compensation, sur les pertes qui seront supportées par les collectivités territoriales, mais, surtout, sur le découpage sectoriel qui sera retenu.
Sur ce point, si l'on veut réellement promouvoir l'emploi, il faudra marquer un intérêt particulier pour le secteur des services. J'ai noté avec plaisir, monsieur le secrétaire d'État, que vous insistiez sur les services à la personne. Nous sommes parfaitement en accord sur cet objectif. En outre, il importe de réserver une attention particulière aux TPE, qui représentent 95 % des entreprises du secteur marchand dans les DOM.
Pour tout vous dire, monsieur le secrétaire d'État, je regrette que le dispositif de zones franches globales ait été promu, d'emblée, depuis la campagne présidentielle, au rang de véritable panacée.
Cela a certainement faussé tout le processus d'élaboration de la future loi de programme. Je ne dis pas, et je n'ai pas dit, qu'il n'y a pas eu concertation, mais cette dernière, jusqu'ici en tout cas, n'a pas su réserver le temps nécessaire pour faire remonter les attentes des forces vives locales et pour prendre en compte les projets de développement élaborés localement. Je pense notamment, s'agissant de la Martinique, au Schéma martiniquais de développement économique et à l'Agenda 21, élaborés respectivement par le conseil régional et le conseil général. À cet égard, l'Agenda 21 est une parfaite illustration de ce qu'est trop souvent la concertation outre-mer : alors qu'il est lancé depuis deux ans et demi, on n'en a même pas tenu compte dans le cadre du « Grenelle de l'environnement » ! C'est ce genre de pratiques que je dénonce régulièrement et que j'aurais pu développer si j'avais disposé de plus de temps.
Par conséquent, la portée de la prochaine loi de programme, qui sera votée dans quelques mois, ne peut, selon moi, qu'en être affectée.
La deuxième priorité affichée par ce projet de budget, c'est le logement.
Là encore, l'effort budgétaire ne suit pas. Les 25 millions d'euros de crédits supplémentaires ne suffiront même pas à résorber la dette de l'État envers les entreprises du BTP oeuvrant dans le domaine de l'amélioration de l'habitat ou de la construction très sociale.
À la Martinique, la situation est catastrophique. Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples.
D'une part, le nombre de logements locatifs sociaux financés est passé de 1 306 en 2001 à 325 en 2006, pour tomber à 32 cette année !
D'autre part, le nombre des logements bénéficiant de l'aide à l'amélioration de l'habitat est passé de 882 l'année dernière à 444, cette année.
Voilà la réalité, monsieur le secrétaire d'État !
M. Claude Lise. Le passage de l'ouragan Dean, au mois d'août dernier, n'a fait qu'aggraver les choses : des centaines de sinistrés vivent toujours dans des conditions particulièrement difficiles ; certains d'entre eux ont d'ailleurs été touchés encore davantage par le récent séisme.
Pour leur venir en aide, le conseil général et le conseil régional ont voté des sommes importantes, s'élevant respectivement à 10 millions d'euros et à 13 millions d'euros. Monsieur le secrétaire d'État, il importe véritablement, me semble-t-il, que l'État envisage une intervention d'envergure dans ce domaine.
Je veux, par ailleurs, attirer votre attention sur les conséquences de la décision d'orienter la défiscalisation vers le logement social, qui provoque de nombreuses réactions. Les montages financiers à prévoir tendront certainement à impliquer les collectivités territoriales - déjà très sollicitées et confrontées à énormément de difficultés -, et ce pour garantir aux investisseurs une bonne sortie du dispositif. À mon sens, en effet, ces derniers n'interviendront pas dans le domaine du logement social s'ils n'obtiennent pas de sérieuses garanties soit de l'État, soit des collectivités.
Je veux maintenant relever brièvement quelques autres domaines pour lesquels le budget me paraît insuffisamment doté.
Il s'agit, d'abord, des actions sanitaires. Pour une raison d'ailleurs assez peu compréhensible, celles-ci ne comprennent pas les crédits permettant de financer certaines études spécifiques, notamment celle qui vise à évaluer l'impact sanitaire des pesticides.
Il s'agit, ensuite, de la continuité territoriale. L'insuffisance des crédits y est criante, en comparaison de ceux qui sont accordés à la Corse. Je préfère d'ailleurs taire les chiffres !
Il s'agit, de même, des dotations aux collectivités territoriales, dont on ne semble décidément pas prendre la mesure des difficultés spécifiques.
Il s'agit, encore, de la coopération régionale, alors que s'ouvrent des perspectives de plus en plus intéressantes en la matière.
Il s'agit, enfin, de la ligne budgétaire regroupant les crédits consacrés à un fonds de secours aux victimes de sinistres : la faible dotation prévue - 1,6 million d'euros seulement -, n'aura pour effet que de retarder la réponse à apporter en cas d'événement important, tel que l'ouragan Dean.
Bref, nous sommes en présence d'un budget réellement sous-doté, même dans les domaines ou il affiche, très justement, une priorité.
Cela tombe mal dans une période où, aux difficultés économiques et sociales habituelles, viennent s'ajouter, pour ne s'en tenir qu'aux Antilles, les conséquences de plusieurs séries d'événements : celles d'un cyclone, qui, en plus d'un grand nombre de sinistrés et d'importants dégâts en termes d'infrastructures, a gravement touché des secteurs comme l'agriculture, la pêche ou le tourisme ; celles d'une grave crise sanitaire et environnementale ; enfin, celles d'un séisme de grande amplitude, dont on n'a pas encore fini d'évaluer les dégâts.
Cela étant, au-delà des problèmes de manque de crédits, se pose la question récurrente, mais à mon sens plus fondamentale, du positionnement de l'instance gouvernementale chargée de l'outre-mer - ministère, secrétariat d'État, mission interministérielle ? - et, partant, celle de son champ de compétences.
Répondre à cette question, c'est, en réalité, exprimer la vision que l'on a de l'outre-mer. Pour l'heure, cette vision me paraît encore incertaine. Il reste à convaincre ceux qui nous gouvernent de la nécessité d'appréhender les « outre-mers » dans toutes leurs diversités, en tenant réellement compte de leurs spécificités et de leurs atouts. Il importe également de les convaincre qu'ils pourront tirer des engagements financiers outre-mer de réels retours sur investissement.
À cet égard, trois conditions s'imposent : les projets de développement doivent essentiellement être pensés par les acteurs locaux ; la logique d'adaptation aux réalités locales doit l'emporter définitivement sur la logique jacobine, encore beaucoup trop prégnante ; surtout, une écoute suffisante doit être accordée aux aspirations des différents peuples d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. le rapporteur spécial et Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le secrétaire d'État, j'avais l'intention de présenter mes observations sur ce projet de budget de façon traditionnelle. Mais les explications qui ont été fournies ce matin, notamment les vôtres, ainsi que celles du rapporteur spécial et des rapporteurs pour avis, me donnent l'occasion inespérée de dire ce que je pense en toute vérité.
Certes, ce projet est élaboré dans un contexte budgétaire globalement difficile. Malgré tout, il traduit incontestablement le manque de volonté du Gouvernement pour faire avancer l'outre-mer dans une nouvelle direction. En politique, il faut faire preuve de courage. C'est toujours payant.
Ce projet de budget, dont l'architecture est tout à fait nouvelle, suit des axes bien définis, élaborés à partir de deux programmes de fond.
Je n'entrerai pas dans le détail des chiffres. Vous avez magistralement démontré, monsieur le secrétaire d'État, qu'on fait dire aux chiffres ce que l'on veut.
Comme M. le rapporteur spécial l'a dit, les Français considèrent à juste titre que l'outre-mer coûte très cher à la France. Il faut avoir le courage de le dire !
Je souhaite, par ailleurs, rendre hommage à M. le président de la commission des finances, qui a fait remarquer avec raison qu'on ne fait pas évoluer un peuple avec des subventions. Il faut mener une autre politique en outre-mer, monsieur le secrétaire d'État, et vous avez aujourd'hui l'occasion de faire.
Lorsque le candidat Nicolas Sarkozy est venu en outre-mer pendant la campagne présidentielle et qu'il a prononcé des mots forts, prônant la fin de l'assistanat, des conflits sociaux et plaidant pour l'instauration du dialogue, la jeunesse qui était présente s'est levée et l'a applaudi. Sans doute cela ne vous a-t-il pas marqué, mais moi si ! Même les syndicats l'ont approuvé !
Mais il faut aussi préserver les valeurs liées au travail, au mérite et renforcer la place de la famille, qui est le ciment de la société antillaise.
De ce projet de budget, je dégage plusieurs éléments positifs. J'en évoquerai deux.
Le premier élément concerne l'idée de zone franche.
Vous avez affirmé ce matin, monsieur le secrétaire d'État, qu'il fallait soutenir le développement économique et l'emploi. La loi de programme pour l'outre-mer que vous allez présenter a pour corollaire fort la zone franche, qui est une idée géniale du Président de la République. Cela fait longtemps - j'ai retrouvé des écrits qui remontent à 1972 ! - que nous parlons de la nécessité de mettre en place, non pas une intégration, mais une complémentarité économique entre la Caraïbe française et le reste de l'archipel.
L'idée de zone franche est, certes, géniale, mais je suis tout de même triste de constater que certains Français ont la conviction profonde qu'ils peuvent penser pour nous.
J'évoquerai, à ce propos, un événement qui m'a beaucoup peinée.
Voilà près de trente années que je suis parlementaire. Cela fait un bail ! Depuis tout ce temps, personne, ici, n'a pu me reprocher d'avoir trahi mon parti. Or, après avoir transmis des rapports sur la coopération à tous les ministres de la République, après avoir écrit au Président de la République pour le mettre en garde contre l'accord de Cotonou et les accords APE, j'ai eu la tristesse de devoir m'opposer à mon groupe, après l'avoir supplié, en précisant mes motivations, de ne pas ratifier les accords APE.
Le 29 novembre dernier, les pays ACP, eux, ont refusé de signer les accords APE. J'en suis satisfaite, mais également un peu triste, car l'image de la France en a été quelque peu ternie dans les Caraïbes. Le Premier ministre de l'île de la Dominique et les responsables politiques des autres territoires de la région se sont demandé comment le Parlement français, c'est-à-dire le Sénat et l'Assemblée nationale, avait pu ratifier les accords APE alors que, dans le même temps, les pays ACP, directement concernés, avaient refusé de les signer, à cause des zones d'ombre que ces accords contiennent.
Ces zones d'ombre sont tellement nombreuses que vous êtes monté au créneau, monsieur le secrétaire d'État, pour défendre, in limine litis, l'octroi de mer. Vous y êtes d'ailleurs parvenu, mais ce n'est pas satisfaisant. En effet, les pays ACP conservent leur negative list pour douze années encore.
Quel type d'échanges la Caraïbe française peut-elle entretenir avec les pays ACP lorsque ces derniers ont la possibilité de nous matraquer commercialement grâce à leur négative list ? Or si nous n'avions pas ratifié ces accords, nous serions actuellement en position de force !
Certes, vous avez également eu satisfaction dans le dossier du sucre, monsieur le secrétaire d'État, en obtenant une clause régionale de protection pour deux fois dix ans. C'est bien. Mais nous aurions pu aller plus loin et faire profiter de notre barrière commerciale la Caraïbe, qui le demande, notamment l'île de la Dominique et Sainte-Lucie.
De la même manière que les Américains ont su mettre en place une politique d'aide à la banane dans la zone dollar, nous aurions pu impulser une politique de soutien à la Caraïbe qui entre dans le cadre des échanges avec les pays ACP.
Je suis très satisfaite que les Réunionnais siègent au sein de la commission de l'océan Indien. Ils ont ainsi obtenu que le conseil des ministres de la zone fasse admettre à Bruxelles la nécessité de prendre en compte les spécificités réunionnaises.
Mais moi, à quel moment puis-je défendre, avec mes collègues de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane, les spécificités des Antilles-Guyane, alors que la France ne siège pas au Cariforum, instance qui regroupe tous les pays de la Caraïbe, et dont nous sommes par conséquent exclus ? Nous sommes donc obligés de donner un mandat naturel obligatoire à l'Union européenne pour négocier dans la zone Caraïbe.
Nous sommes présents dans cette zone, mais nous n'y avons pas le droit à la parole ! Je réclame depuis des années que la France réintègre le groupe de la Caraïbe, où son influence était considérable. Depuis qu'elle en est sortie, en 2000, nous ne pouvons plus nous exprimer.
Cette idée de zone franche, qui est bonne, que j'approuve, va nous placer également en position de faiblesse. En effet, quel type de zone franche appliquer dans la Caraïbe, alors que tous les pays de l'archipel sont déjà en zone franche ?
Comment pouvez-vous admettre, monsieur le secrétaire d'État, qu'à Trinidad ou à La Barbade, les produits qui représentent l'excellence de la production française soient vendus meilleur marché qu'en Guadeloupe et en Martinique ?
Lorsque nous aurons réglé ce problème et fait de la Guadeloupe un port franc et lorsque l'ensemble de la production française sera disponible à la vente chez nous, ce qui permettra d'attirer les touristes, alors nous serons forts !
Ne mésestimons pas la puissance de la France dans la zone ! De Porto Rico à la Guyane, la présence française est un facteur très important d'équilibre et de respect des institutions.
C'est la raison pour laquelle je n'ai pas approuvé entièrement le projet de zone franche et de loi de programme pour l'outre-mer, projet issu d'une plate-forme de l'excellence réunissant socioprofessionnels et parlementaires.
Nous aurions là une belle occasion de redonner de l'espoir. Comme M. Arthuis l'a très bien dit, dans une zone franche, on doit mettre en valeur le capital humain. Mais peut-on parler de zone franche tout en continuant à mener une politique qui favorise les socioprofessionnels, qui leur accorde toujours plus d'avantages par le biais de leurs organisations professionnelles ?
Lorsqu'un client achète des produits dans un supermarché, il paie tout de suite, ce qui représente du cash pour les socioprofessionnels. Ces derniers, quant à eux, remboursent à trois mois ou quatre-vingt-dix jours. Et ils réclament toujours une amélioration des fonds de roulement, des exonérations par-ci, des exonérations par-là...
J'ai vécu la loi Pons, j'ai vécu les lois Perben et Girardin, j'ai vécu la loi d'orientation pour l'outre-mer, la LOOM. J'ai vu des socioprofessionnels guadeloupéens oser envoyer des mémoires pour demander à bénéficier de tous les avantages possibles en contrepartie de l'engagement qu'ils prenaient de réduire le chômage de 27 % à 20 % dans un délai de dix ans...
Est-ce là la réponse que nous voulons donner à la jeunesse que nous avons formée ? Ce n'est pas possible ! Ce serait méconnaître la réalité locale. Je considère pour ma part, comme notre collègue de la Martinique, Claude Lise, qu'il faut travailler encore le dossier de la zone franche, car la jeunesse attend une autre réponse.
Le deuxième élément sur lequel je souhaite insister est le problème du logement social.
M. le président. Veuillez conclure, madame Michaux-Chevry !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je termine, monsieur le président.
Le logement social, c'est très bien. Mais il n'y aura jamais assez d'argent pour le financer. De plus, il est traité sans qu'il soit tenu le moindre compte ni de la ressource en eau ni de l'assainissement.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai adressé deux questions écrites pour vous demander que l'administration ne change pas de casquette à chaque déplacement de préfet.
J'ai entendu, en effet, la presse reprocher à la classe politique de la Guadeloupe de ne pas avoir traité le problème des déchets. C'est faux : ce problème avait été réglé ! Mais j'ai le regret de vous apprendre qu'un préfet a annulé, en violation de toutes les règles du code des marchés, une décision prise en la matière par le conseil général de la Guadeloupe. En conséquence, à la suite d'un arrêt de la cour administrative de Bordeaux, les contribuables guadeloupéens sont obligés de rembourser à une société de travaux publics le coût d'un ouvrage qui n'a pas été construit.
Monsieur le secrétaire d'État, je voterai ce projet de budget, car vous avez lancé une idée nouvelle pour la Caraïbe. Vous avez entrebâillé les portes, ce qui permettra à l'outre-mer de sortir de l'exotisme traditionnel dans lequel il est cantonné.
Vous avez entrebâillé les portes de la responsabilité. Vous devez désormais aller plus loin et vous pouvez le faire. C'est la volonté du Président de la République : essayons de la respecter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen du premier budget pour l'outre-mer de la nouvelle législature reste un exercice paradoxal. De toute la République, les régions et collectivités d'outre-mer sont les seules pour lesquelles le Parlement discute des dépenses engagées, pour elles, par l'État. Mais il le fait à travers le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer, qui ne représente qu'une partie de ces dépenses.
Par ailleurs, d'année en année, les périmètres de ce budget sont modifiés et des crédits sont transférés à d'autres ministères. Il est donc difficile de vérifier si les évolutions constatées répondent à la progression démographique, aux exigences sociales ou à l'évolution du coût de la vie.
Ce budget comporte deux principaux programmes : l'emploi et les conditions de vie.
Dans le premier programme, les dépenses liées aux exonérations de charges sociales, soit 867 millions d'euros, restent les plus importantes. Pourtant, les résultats de ce dispositif ne sont pas entièrement prouvés. Des réserves ont été émises dans le rapport d'étape de la commission d'évaluation de la loi programme pour l'outre-mer, dans l'avis du Conseil économique et social, ainsi que dans le rapport d'audit sur les exonérations de charges. Il est indiqué, dans l'un de ces documents, qu'il s'agit d'un « dispositif indifférencié de transfert de la métropole vers les DOM » plutôt qu'un « dispositif ciblé sur la création d'emplois ». Son amélioration appelle donc débat.
Je suis inquiète quant à la baisse des crédits destinés aux contrats aidés. Nous avons, certes, de bonnes performances économiques, mais notre progression démographique gomme en partie ces résultats en termes de création d'emplois. Notre taux de chômage reste le plus élevé de la République. La zone franche globale que vous proposez ne permettra pas de donner une activité ou du travail à tous. Elle ne répond pas à tous les besoins d'une société en mutation. Nous devons donc bâtir, en plus, une véritable économie de la solidarité.
La Réunion va expérimenter le contrat unique d'insertion. D'autres initiatives sont possibles, car des textes nous permettent, à titre expérimental, de déroger aux lois et aux règlements en vigueur. Innovons donc : cherchons les moyens les plus efficaces pour conduire le contrat aidé vers un emploi pérenne ; allons vers une professionnalisation des employés ; passons d'une logique de guichet à celle d'un choix partagé ; trouvons de nouveaux partenaires et d'autres sources de financement, comme l'épargne populaire.
Cela suppose que, de son côté, l'État fasse jouer davantage la solidarité nationale, en augmentant les crédits du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM.
Je milite pour la transformation des emplois aidés en emplois durables dans deux secteurs, gros utilisateurs de main-d'oeuvre : les services de l'environnement et les services à la personne.
Selon vous, dans le programme « Conditions de vie outre-mer », les crédits du logement social augmentent. Cette évolution est contestée. Vous envisagez, dans le projet de loi de programme, la mise en place d'un dispositif de défiscalisation plus profitable au logement social. Mais le problème est si complexe que des moyens fiscaux supplémentaires et une ligne budgétaire plus ou moins bien dotée ne peuvent, à eux seuls, les résoudre.
Sur ce sujet, nous cultivons une particularité : à la Réunion, l'ensemble des partenaires partagent la même analyse et font les mêmes préconisations. Ils ont signé, en 2004, le Livre blanc sur le logement social. Au rang des signataires partenaires, il y a les collectivités territoriales, l'association des maires, les bailleurs sociaux et le représentant de l'État.
Une telle unanimité impose que l'on étudie les propositions faites et que l'on examine les voies et moyens pour les mettre en oeuvre. Depuis 2004, les gouvernements successifs ont refusé de le faire. Au nom de la rupture dont vous vous réclamez, allez-vous prendre en compte, monsieur le secrétaire d'État, cette contribution en élaborant, par exemple, une loi sur le logement spécifique aux DOM ?
Le Gouvernement veut une mise à plat des dispositifs de la continuité territoriale : passeport mobilité, dotation de continuité territoriale, congé bonifié, etc. Cette réforme va-t-elle marquer un retrait de l'État ? Nous le craignons. L'avion est le moyen qui nous permet d'exercer la liberté de circulation des hommes. La solidarité nationale doit nous aider.
Nous souhaitons être desservis par des Airbus A 380, car ils auraient l'avantage de faire baisser substantiellement les prix des billets d'avion. Allez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous soutenir dans cette démarche ?
Par ailleurs, je vous rappelle ici une question que j'ai posée en commission des affaires sociales : quand les chantiers que le chef de l'État propose pour l'outre-mer, chantiers qui vont de l'école au codéveloppement en passant par le dialogue social et l'amélioration des conditions carcérales, seront-ils donc ouverts ?
Je vous ai aussi interpellé par courrier sur le phénomène de la hausse des prix à la Réunion. Nous cumulons plusieurs handicaps. Nos prix sont plus élevés que ceux de la métropole, et ils le sont dans d'inquiétantes proportions. S'ajoutent à cela la hausse généralisée des prix des matières premières industrielles ou agricoles et leur raréfaction. Très dépendants de l'extérieur pour nos besoins essentiels, nous subissons en plus une hausse du coût du fret maritime, avec une augmentation de 40 % en un an, qui résulte de la hausse du prix des carburants mais surtout d'un manque de cargos, lesquels desservent de moins en moins notre zone.
Ce phénomène de hausse a et aura de nombreuses conséquences, notamment sur la politique que vous comptez mener. Il faut des solutions pour répondre à trois problèmes : la baisse du pouvoir d'achat, la pénurie de matières premières et la desserte maritime de l'île. Je compte sur une action forte du Gouvernement pour nous aider à y faire face.
Monsieur le secrétaire d'État, au-delà de votre budget, d'autres sujets nous préoccupent.
Dans le cadre des négociations sur les APE, la Commission de Bruxelles a signé un accord intermédiaire avec les pays du groupe ESA, ou Eastern and Southern Africa. Un accord définitif interviendrait fin 2008. Nous espérons que nos intérêts seront défendus.
La future départementalisation de Mayotte est désormais inscrite dans les faits. Cette évolution aura de nombreuses conséquences. Dans le seul domaine institutionnel par exemple, ira-t-on vers une région française de l'océan Indien comprenant les deux entités, c'est-à-dire la Réunion et Mayotte ?
La réforme de l'OCM sucre arrivera à échéance en 2014. Notre régime spécifique de l'octroi de mer sous sa forme actuelle prendra fin à la même époque.
Ce sont autant de rendez-vous à court et moyen termes qu'il faut préparer, et nous espérons que la discussion sur votre projet de loi de programme nous donnera l'occasion et le temps de le faire, ce qui n'est pas possible aujourd'hui.
Dans un de ses discours lors de la campagne présidentielle, M. Nicolas Sarkozy saluait les apports significatifs de l'outre-mer à la France et à l'Union européenne.
En effet, nous rejoignant dans l'analyse, le futur chef de l'État notait que l'outre-mer permettait à la France d'être de « plein pied » dans le monde, d'être la quatrième puissance maritime avec une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés et de bénéficier d'une vaste diversité culturelle. L'outre-mer, c'est aussi, reconnaissait M. Sarkozy, ces hommes et ces femmes qui se sont battus pour la France. C'est aujourd'hui Kourou. C'est une importante biodiversité. C'est une modernité sociale et c'est aussi la coexistence de grandes religions du monde.
« Il est temps de porter une autre image de l'outre-mer », déclarait M Sarkozy. Cela signifie sans doute que, pour mieux reconnaître notre rôle de « frontières actives » de la France et de l'Europe aux confins des continents, nous soyons considérés comme des partenaires. Cela signifie que la nation apprécie ce que nous lui apportons et qu'elle ne lésinera pas sur sa solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun d'entre nous sait que l'outre-mer souffre de ses différences et de son éloignement. Mais l'outre-mer souhaite transformer ses spécificités ainsi que ses ressources naturelles, culturelles et humaines en une force pour son développement et en un atout pour la France, à travers son rayonnement sur les cinq continents.
Dès votre prise de fonction, monsieur le secrétaire d'État, vous avez compris, me semble-t-il, l'ampleur de la tâche que vous avait confiée le Président de la République, à savoir promouvoir un vrai développement économique et créer les conditions d'une réelle égalité des chances en outre-mer.
Pour appréhender au mieux et au plus vite les spécificités de chacun de ces territoires ultramarins, vous faites preuve, il faut vous l'accorder, d'une forte présence sur le terrain.
Ce volontarisme, monsieur le secrétaire d'État, est de nature à rassurer a priori nos compatriotes, qui, malgré la permanence des problèmes et la dureté de la vie, continuent à croire que les choses peuvent changer favorablement. Encore faut-il effacer rapidement les effets des trois dernières catastrophes qui viennent de frapper nos deux départements antillais.
D'abord, le cyclone Dean a ravagé nos îles en août dernier. L'état de catastrophe naturelle vient d'être déclaré : 1,965 million d'euros ont déjà été débloqués sur les 73,125 millions d'euros prévus, mais cela reste très maigre vu l'ampleur des dégâts, évalués à près de 500 millions d'euros, et l'urgence des besoins de la population défavorisée comme des acteurs économiques les plus fragiles. Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'État, pour que d'ici à la fin de l'année l'aide soit plus substantielle ?
Dans le même registre, pouvez-vous nous assurer que la solidarité nationale joue à plein et que, contrairement à ce que suspecte un de nos collègues de l'Assemblée nationale, les fonds mobilisés pour la circonstance ne sont pas prélevés sur des lignes budgétaires dédiées à d'autres actions autrement importantes pour nos sociétés ultramarines ?
Il y a eu ensuite la pollution de nos sols par les pesticides, le chlordécone en particulier. Même si le rapport du Pr. Belpomme fait l'objet d'une réception controversée et qu'il a pu donner lieu à des interprétations sans doute excessives, il a eu au moins le mérite de pointer un dossier majeur, depuis longtemps connu de tous, et de mettre l'accent sur la nécessité d'accélérer les investigations scientifiques et techniques pour conjurer les effets de la pollution sur le plan économique et sanitaire. Pouvez-vous nous dire, après l'audition à laquelle nous avons procédée dans le cadre de la commission des affaires sociales mais aussi de la commission des affaires économiques, où nous en sommes aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État ?
Enfin, pour couronner le tout, un séisme d'une rare intensité - il a atteint une magnitude de 6,8 à 7,3 sur l'échelle de Richter - a frappé les Antilles jeudi dernier.
Nous l'avons échappé belle, monsieur le secrétaire d'État, puisque, grâce à la profondeur de l'épicentre, les dégâts ont été limités, mais j'ai eu très peur, car je connais l'extrême fragilité de ces grandes barres d'habitat collectif hors normes qui jonchent le sud de ma bonne vieille ville des Abymes. Et j'ai encore très peur, car un prochain séisme pourrait être beaucoup moins profond et donc beaucoup plus dangereux !
Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi je désespère... Allons, je continue à espérer : vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi j'espère voir valider l'important programme de renouvellement urbain pour les quartiers dégradés de ma ville, dont l'aboutissement à l'ANRU, l'agence nationale de la rénovation urbaine, dépend des engagements que vous voudrez bien prendre quant à la participation de l'État à son financement.
Cela étant dit, monsieur le secrétaire d'État, il s'agit de votre premier budget et, comme tout premier budget, il connaît des faiblesses.
À première vue, les crédits de la mission pour 2008 dénotent une sensible baisse par rapport à 2007 : 1,73 milliard d'euros en crédits de paiement pour 2008 contre 1,86 milliard d'euros pour 2007 et 1,76 milliard d'euros en autorisations d'engagement pour 2008 contre 1,91 milliard d'euros pour 2007.
Mais, bien sûr, il convient d'aller plus en profondeur et de relever deux éléments sur le « bleu budgétaire ».
Il faut ainsi d'abord constater un changement de périmètre : la disparition du programme 160 « Intégration et valorisation de l'outre-mer » entraîne des transferts nécessaires pour améliorer la gestion comptable et administrative des crédits, mais j'aurais aimé que ces transferts soient davantage lisibles.
Ensuite, il y a un retraitement des données 2007, afin, semble-il, de permettre une comparaison plus efficace des crédits avec ceux qui sont prévus pour 2008.
À cet égard, on ne peut que regretter que la différence de périmètre utilisé entre les données 2007 et les données 2008 fasse apparaître un budget en recul alors qu'en réalité, selon les observations de trois de nos commissions, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, le budget serait en augmentation de plus de 3 % en crédits de paiement et de 2 % en autorisations d'engagement.
Sur ce point, le document reste très obscur et cela ne nous aide ni vous ni nous, monsieur le secrétaire d'État. Aussi, une fois de plus, j'exprime le souhait que nous ne soyons plus confrontés à ces difficultés récurrentes d'analyse pour les budgets à venir.
En détaillant les programmes de la mission, il apparaît tout d'abord que le programme°123 « Conditions de vie outre-mer » connaît une hausse de 2,21 % par rapport à 2007 pour les crédits de paiement.
L'action relative au logement enregistre en apparence une forte augmentation, tant en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement, mais les crédits alloués au logement vont-ils servir à payer des dettes ou à financer de nouveaux logements ?
Je souhaite d'autant plus vous entendre à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, que, lors de la conférence nationale du logement outre-mer, tant M. Jean-Louis Borloo que votre prédécesseur M. François Baroin avaient reconnu que, pour assurer la relance du logement social outre-mer, il était nécessaire non seulement d'éponger les dettes, mais aussi d'augmenter les dotations. À supposer que la dette de 2006 ait été soldée, qu'en est-il pour 2007, monsieur le secrétaire d'État ?
Il est indispensable que les crédits servent véritablement à financer de nouveaux programmes nouveaux, car, comme l'a confirmé le Président de la République au secrétariat d'État de l'outre-mer le 13 juillet 2007, le logement est « l'élément de base du cadre de vie, il fait partie de la dignité de la personne ».
Aujourd'hui, il est plus que temps, comme le prévoit le volet « logement » du plan de cohésion sociale de M. Borloo, complété par la loi portant engagement national pour le logement, de fixer les objectifs et de nous doter, dans un cadre pluriannuel, des moyens adaptés, et je ne vois pas, monsieur le secrétaire d'État, comment nous pourrions atteindre ces objectifs sans un doublement des crédits !
L'action 3 relative à la continuité territoriale voit pour sa part l'ensemble de ses crédits stagner.
Je regrette, monsieur le secrétaire d'État, que les fonds alloués au passeport mobilité régressent, alors que ce dispositif connaît un vrai succès parmi les jeunes.
Sur un plan plus général, Nicolas Sarkozy a affirmé en tant que candidat, puis en tant que Président de la République que la continuité territoriale était un « gage de cohésion nationale ». Dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'État, comment les dossiers ont-ils avancé ?
Comme les acteurs socioprofessionnels, je m'inquiète que, pour pallier les difficultés rencontrées par l'État pour assurer ses missions régaliennes en matière de sûreté et de sécurité aéroportuaires, il ait fallu instaurer une taxe supplémentaire de 0,88 euro par passager sur le prix des billets d'avion.
J'en viens au programme°138 « Emploi outre-mer ».
M. le président. Il faut songer à conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Marsin. Bien sûr, monsieur le président.
Un transfert de crédits vers la mission « Travail et emploi » a été opéré. Or, monsieur le secrétaire d'État, la question est importante : nous devons pouvoir cerner la réalité de l'effort de l'État dans ce domaine et mesurer qu'il n'y a pas concurrence entre les fonds utilisés outre-mer et ceux qui sont utilisés pour les besoins qui s'expriment en métropole.
Au total, monsieur le secrétaire d'État, nous savons que les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent qu'une petite partie des crédits alloués à l'outre-mer, mais nous aurions souhaité disposer d'un document clair, limpide, lisible, compréhensible par tous, qui nous permette de savoir exactement quel est l'effort réalisé en faveur de l'outre-mer, qui a besoin d'un engagement politique fort de l'État.
En tout état de cause, faire de l'outre-mer un pôle d'excellence et de croissance économique, comme le veut le Président de la République et comme vous le voulez vous-même, est un projet ambitieux qui demande des moyens tout aussi ambitieux. C'est pourquoi j'espère que vous nous apporterez dans la nouvelle loi de programme pour l'outre-mer des réponses à la hauteur des ambitions ainsi affichées et que, faisant écho au Président de la République, vous donnerez un vrai coup de fouet à l'économie, à l'emploi, au logement et au pouvoir d'achat outre-mer.
Votre budget, monsieur le secrétaire d'État, est donc à mes yeux un budget de transition. Je ne suis pas totalement satisfait, mais je veux vous encourager à aller plus loin et plus fort.
C'est la raison pour laquelle, prenant mon courage à deux mains, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud.
M. Adrien Giraud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les Mahorais considèrent, à juste titre, que l'année 2008 représente une échéance essentielle pour leur avenir.
Elle devrait tout d'abord marquer le terme d'une attente longue d'un demi-siècle dans notre difficile cheminement vers la départementalisation de Mayotte, dont l'objectif avait été fixé et proclamé, dès 1958, au Congrès de Tsoundzou, par l'écrasante majorité de la population mahoraise.
Par ailleurs, la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a prévu et décrit dans son article LO 6111-2, le dispositif qui permettra l'accession de Mayotte, « au régime de département et région d'outre-mer, défini à l'article 73 de la Constitution ».
C'est le conseil général de Mayotte qui est habilité à mettre en oeuvre ce dispositif en saisissant le Premier ministre, le président de l'Assemblée Nationale et le président du Sénat par voie de résolution votée à la majorité absolue de ses membres et au scrutin public.
Les Mahorais se souviennent aussi que le Président de la République leur a adressé, pendant la campagne présidentielle, une lettre datée du 14 mars 2007 dans laquelle il s'est engagé, si le conseil général le lui demande « comme la loi l'y autorise, à partir de 2008 », à les consulter sur la départementalisation.
Le Président de la République a promis d'être fidèle à ses engagements ; nous sommes sûrs qu'il en sera ainsi pour Mayotte.
Enfin, dans la proposition de loi que j'ai déposée et qui a été enregistrée au Sénat sous le numéro 43, je propose de compléter le dispositif précité de l'article 6111-2, en prévoyant expressément la consultation de la population mahoraise sur l'accession au régime départemental. Il est important à nos yeux d'accentuer le caractère profondément démocratique du dispositif.
Une telle convergence des orientations et des dispositions vient opportunément renforcer notre espoir de voir cette collectivité départementale accéder enfin à un statut définitif au sein de la République française.
Sur cette base juridique sûre, dans ce cadre institutionnel stable, Mayotte trouvera les voies et les moyens d'une véritable politique de développement économique et social.
C'est à la lumière de ces différentes considérations, qu'apparaît toute l'importance de ce projet de loi de finances pour 2008, aujourd'hui soumis à l'examen et au vote de la Haute Assemblée.
Certes, le budget du secrétariat d'État chargé de l'outre-mer ne représente qu'une fraction, de l'ordre de 10 % à 11 %, du total des crédits publics destinés à l'outre-mer français.
Mais ce débat budgétaire au Parlement demeure l'occasion, encore trop rare, d'une réflexion d'ensemble sur la situation de nos collectivités et sur leurs projets.
C'est dans cet esprit que je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur nos priorités comme sur leur pertinence.
Ainsi, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les graves conséquences de l'immigration clandestine, d'origine comorienne pour l'essentiel, sur les équilibres de l'économie et de la société mahoraise. Cela est vrai du marché de l'emploi, de la modernisation de l'habitat, de l'aménagement du territoire ; mais les effets négatifs sont également sensibles dans les domaines de la sécurité et de la tranquillité des Mahorais. En effet, de plus en plus, les établissements d'enseignement ou de soins, ainsi que le système pénitentiaire sont soumis à d'intolérables pressions.
Les forces de la gendarmerie et de la police nationales sont actives, comme en témoignent les reconduites aux frontières, mais devant l'afflux des migrations irrégulières, il faut encore adapter les moyens humains et matériels aux responsabilités exercées. Il n'est pas douteux, à cet égard, que l'implantation d'un nouveau radar et le renforcement de la brigade nautique éviteraient les tragiques naufrages provoqués par des mouvements incontrôlés de populations.
La multiplication des contrôles d'identité dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 2006 commence à démontrer sur le terrain l'efficacité de ces nouvelles dispositions.
Plus fondamentalement, je demeure convaincu que c'est la relance de notre politique d'aide et de coopération avec les pays de l'environnement qui permettra d'endiguer l'afflux de cette émigration de la misère. Mayotte n'est nullement hostile à l'établissement de relations apaisées avec le voisinage dès lors que notre attachement à la souveraineté française sera respecté par tous. Cependant, nous ne sacrifierons pas cette intention notre volonté affirmée de rattraper nos retards de développement : c'est notre devoir vis-à-vis de la jeunesse mahoraise.
Monsieur le secrétaire d'État, c'est donc avec raison que le projet de loi de finances retient parmi ses objectifs le soutien de l'économie et de l'emploi outre-mer, car tel est l'objectif majeur de toute politique de développement.
Nous partageons également votre analyse sur les priorités de l'économie productive par rapport aux politiques d'assistance généralisée mis à part, bien entendu, l'organisation de solidarités actives au bénéfice des personnes âgées, des familles en difficulté et des enfants.
Cela dit, je souhaite, une fois encore, souligner l'ampleur des handicaps qui entravent nos progrès et qui appellent par conséquent de vigoureuses actions de rattrapage.
Or je constate avec regret que d'inquiétantes restrictions affectent, toutes missions confondues, le montant global des crédits de paiement qui sont destinés à Mayotte. Ils atteignaient effectivement 402 millions d'euros en 2007 alors qu'ils ne seront que de 397 millions en 2008.
Dans le même sens, les concours de l'Union européenne connaissent de lourdes disparités, toujours au détriment de Mayotte. Ainsi, la Guyane, dont le poids démographique est comparable au nôtre, a bénéficié de 388 millions d'euros de subventions entre 2000 et 2006, alors que Mayotte n'a reçu que 15 millions d'euros, soit 25 fois moins, entre 2004 et 2008.
Il est vrai que Mayotte est classée parmi les pays ACP, pays indépendants qui relèvent du Fonds européen de développement, et ne sont pas éligibles, comme le département d'outre-mer de Guyane, aux fonds structurels européens.
L'explication de cette sensible différence de traitement est simple, mais elle ne nous semble pas équitable pour autant. Ainsi, les deux collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, qui ne sont plus des départements d'outre-mer, ont néanmoins conservé leur statut de régions ultrapériphériques qui leur donne accès aux fonds structurels de l'Union européenne.
Comme nous, monsieur le secrétaire d'État, vous constaterez que le critère juridique n'est plus déterminant mais Mayotte persiste, néanmoins, dans sa demande d'accession au statut de département français d'outre-mer.
Nous continuerons d'invoquer la nécessité de résorber nos handicaps structurels pour obtenir l'inscription de Mayotte sur la liste des régions ultrapériphériques d'Europe.
Il est urgent de faire cesser ce fâcheux paradoxe qui conduit l'Europe communautaire à aider moins ceux qui en ont le plus besoin. Mayotte illustre cette situation paradoxale.
Permettez-moi enfin, monsieur le secrétaire d'État, de signaler une dernière anomalie qui pèse lourdement sur les finances de notre collectivité. L'application des dernières conventions liant Mayotte à l'État, notamment le contrat de plan et la convention de développement, a fait apparaître de lourdes dettes de l'État vis-à-vis de Mayotte au titre de la gestion des personnels : 64 millions d'euros au 30 juin et 70 millions d'euros au 31 octobre 2007.
Le conseil général de Mayotte est ainsi contraint à des avances de trésorerie, afin de couvrir les défaillances de l'État débiteur. Cette situation doit être rapidement redressée.
J'en viens, pour terminer, à une considération plus positive. Votre quatrième priorité, monsieur le secrétaire d'État, concerne l'égalité des chances pour les citoyens d'outre-mer.
Les Mahorais ont depuis longtemps compris les intérêts qui s'attachent à l'éducation de leurs enfants comme à la formation des jeunes.
Le Gouvernement a su répondre à ces appels en accentuant les efforts de création, de développement ou de modernisation des établissements et des équipements d'enseignement.
Il semble que, dans ces domaines, les retards se résorbent régulièrement et que les jeunes Mahorais démontrent, par leur application dans l'effort et par leurs résultats très encourageants, une volonté de progresser qui est de très bon augure pour l'avenir de Mayotte.
Enfin, je veux émettre deux souhaits.
Le premier concerne le budget de l'outre-mer, qui doit jouer un rôle d'entraînement et de coordination des dépenses inscrites dans les budgets des autres ministères et affectées aux collectivités d'outre-mer.
Je crains que ces fonctions ne soient rendues difficiles par la pratique fréquente des transferts de crédits du budget du ministère de l'outre-mer vers d'autres ministères, notamment ceux de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la santé. On affaiblit ainsi les moyens et l'autorité de l'outre-mer, alors que ce ministère doit être renforcé dans son rôle de coordination et - disons-le - de rappel au service de l'outre-mer français.
Mon second souhait porte sur la loi de programme sur l'outre-mer, qui devrait être présentée l'an prochain au Parlement.
J'approuve tout à fait le principe qui consiste à multiplier ou à étendre les engagements contractuels de l'État vis-à-vis des collectivités territoriales, afin de soutenir le développement local, notamment dans le domaine des investissements lourds ou des équipements dits « structurants ». Encore faudrait-il que ces engagements soient tenus et que la parole donnée soit respectée.
Sur ce chapitre, Mayotte éprouve encore quelques vieilles méfiances. Monsieur le secrétaire d'État, je demande instamment au Gouvernement de les dissiper.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Giraud.
M. Adrien Giraud. J'ai terminé, monsieur le président.
En dépit de ces réserves et en signe de confiance, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui, comme chaque année à cette époque, pour débattre de la mission « Outre Mer » dans le projet de loi de Finances pour 2008.
Ce temps fort de la vie parlementaire est aussi un moment de vérité pour un gouvernement qui se dit attentif aux difficultés rencontrées par les populations d'outre-mer. Nous allons voir, monsieur le secrétaire d'État, si le discours volontariste que vous tenez depuis votre arrivée rue Oudinot trouve une traduction concrète dans le projet de budget que vous nous soumettez.
En d'autres termes, il s'agit de vérifier si la rupture hautement proclamée là-bas, en Martinique, s'exprime ici, dans l'hexagone, en chiffres clairs - du moins s'il est vrai qu'un budget est, avant tout, l'expression d'une volonté politique.
Les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent qu'une très faible part - 13,5 % exactement - de l'action de l'État en faveur de l'outre-mer, qui s'élève cette année à près de 16 milliards d'euros, soit 5,4 % du budget de l'État. Pour certains, c'est encore trop ! Toutefois, compte tenu des retards que l'histoire nous a légués, j'estime, pour ma part, qu'il reste de la marge.
Par ailleurs, on nous a longuement expliqué que l'apparente diminution de 11,3 % des crédits de la mission « Outre-mer » résultait de transferts vers le ministère de l'intérieur et le ministère de l'économie des finances et de l'emploi.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de considérer que ces variations de périmètre, qui s'accompagnent de surcroît de redéploiements de crédits entre les actions, rendent opaques et difficilement lisibles les chiffres qui nous sont présentés. De plus, je crains qu'à cause de la fongibilité de ces crédits l'outre-mer ne soit traité comme une variable d'ajustement budgétaire, que l'on peut utiliser en toute discrétion.
Enfin, l'absence de source d'informations synthétiques ne nous permet pas de disposer d'une vision claire des transferts intervenus.
Certes, quelques éléments vont dans la bonne direction. Ainsi de l'effort qui a été accompli dans le cadre de l'enveloppe prévue pour les contrats de projet État-régions et les conventions de développement : en hausse de 10 %, elle s'élève à 110 millions d'euros. Par ailleurs, l'emploi demeure la première priorité de votre budget, puisque 60 % des crédits sont consacrés à ce programme.
Toutefois, un long chemin reste à parcourir, car il existe toujours un décalage inacceptable entre nos régions et celles de l'hexagone. Même si l'on assiste, ces derniers temps, à une légère décrue du taux de chômage outre-mer, celui-ci représente encore plus du double de la moyenne nationale - 21,1 % contre 8,6 %, en janvier 2007 - et nos RMIstes sont quatre fois plus nombreux, en proportion, que dans l'hexagone.
Si la finalité de ce programme est de faciliter la création d'emplois et l'accès au marché du travail des Ultramarins, il me semble difficile, voire impossible, de juger de la pertinence des mesures mises en oeuvre. En effet, monsieur le secrétaire d'État, sur les cinq objectifs définis par vos services pour apprécier l'efficacité de ces politiques, un seul se trouve instruit, celui du RMA, le revenu minimal d'activité. Ses chiffres sont bons, d'ailleurs, puisque le taux d'insertion des volontaires en fin de contrat s'élève à 76,5 % en 2006 et devrait s'établir à 75 % en 2007.
En ce qui concerne les exonérations de cotisations sociales outre-mer, leur montant prévisionnel s'élève à 1 130 millions d'euros, alors que 867 millions d'euros seulement sont prévus dans le projet de loi de finances. Ainsi, la dette envers les organismes de sécurité sociale augmenterait de 263 millions d'euros cette année, auxquels il faudrait ajouter les 993 millions d'euros accumulés en 2007, ce qui fragilise à court terme le dispositif d'exonération et fait peser un risque réel sur l'équilibre des régimes de sécurité sociale.
Monsieur le secrétaire d'État, j'espère qu'en cours d'année des ajustements seront réalisés afin de mettre un terme à ces dérives.
Dans ce contexte économique particulièrement difficile pour l'outre-mer, il me semble nécessaire, sinon indispensable, d'instituer des politiques d'accompagnement ambitieuses.
Or la réduction de 25 millions d'euros des crédits destinés aux contrats aidés et la disparition pure et simple du congé-solidarité priveront de toute perspective des milliers de nos jeunes concitoyens. Je souhaite que la loi de programme qui devrait être votée au premier semestre de l'an prochain leur ouvre de nouveaux horizons.
Le logement social constitue la deuxième priorité annoncée du Gouvernement, ce qui est une bonne nouvelle. Ses crédits passent à 200 millions d'euros, en hausse par conséquent de près de 14 %. Toutefois, l'effort demeure insuffisant eu égard aux besoins, comme Mme la ministre de l'intérieur le reconnaissait ce matin. Vraisemblablement, les 25 millions d'euros d'augmentation qui ont été consentis ne serviront qu'à éponger la dette qui, malgré tout, devrait subsister.
Les prévisions pour 2008 ne me semblent pas non plus traduire un engagement fort de l'État en faveur de la relance du logement social outre-mer. En effet, avec 236 millions d'euros en autorisations d'engagement, il sera extrêmement difficile de répondre à la fois aux exigences de la mise en application du droit au logement opposable et à l'accroissement de la demande exprimée, notamment à la Martinique, après le passage du cyclone Dean.
Monsieur le secrétaire d'État, les arbitrages budgétaires ne vous ont pas permis d'augmenter significativement la LBU, la ligne budgétaire unique. Pour contribuer à la relance du logement social, vous proposez donc de redéployer la défiscalisation dont bénéficie ce dernier. Permettez-moi de vous dire que cette solution est inopérante et qu'elle aboutirait, de l'avis de l'ensemble des spécialistes consultés, à multiplier par deux, voire par quatre, le prix de sortie des logements sociaux !
Le financement de la politique du logement social outre-mer a besoin de sécurité et de visibilité. C'est pourquoi, à mon humble avis, il convient d'oeuvrer dans deux directions.
Tout d'abord, il est nécessaire d'assurer la sanctuarisation de la LBU, afin d'éviter les gels et annulations de crédits en cours d'année. M. Borloo, alors ministre du logement, s'y était engagé. Nous attendons toujours la mise en place de cette mesure.
Ensuite, pour assurer plus de visibilité au dispositif, il faudrait ouvrir une autorisation d'engagement d'une durée de cinq ans, par exemple, et la ventiler en crédits de paiement pendant toute cette période. Il s'agirait d'un moyen efficient pour constituer une programmation pluriannuelle minimale de la LBU ; cela prouverait votre volonté de garantir une politique cohérente du logement dans les départements d'outre-mer, monsieur le secrétaire d'État.
II existe plusieurs autres freins au développement de ce secteur, il faut le reconnaître. Les trois principaux d'entre eux peuvent être identifiés.
Premièrement, le foncier est rare et coûteux ; c'est l'un des effets pervers de la défiscalisation. La solution réside avant tout dans la création, comme à la Réunion, d'un établissement public foncier bénéficiant du droit de préemption sur les terrains à construire. Cela aurait pour conséquence évidente de réduire la spéculation, donc le coût du foncier, et d'assurer le portage de terrains aux bailleurs sociaux et aux collectivités locales.
Deuxièmement, l'indivision des terrains pose problème. On pourrait prévoir la création, comme en Corse, d'un GIP regroupant, pour une période de dix ans, l'État, les professionnels et les élus, avec pour mission de réduire le nombre des terrains en indivision. Cette mesure libérerait du foncier pour la construction.
Troisièmement, le financement de la viabilisation des terrains pour la construction est insuffisant. Les communes sont rarement capables d'assumer le coût de l'assainissement des terrains et de leur équipement en VRD, ou voierie réseaux divers. II est donc nécessaire d'abonder le FRAFU, le fonds régional d'aménagement foncier urbain, et de relancer la réforme de cet organisme, afin d'en concentrer les missions sur l'aménagement du foncier.
En ce qui concerne la continuité territoriale, à laquelle nos populations sont très attachées, les crédits sont nettement insuffisants au regard des besoins.
Dans notre république égalitaire, je comprends mal, monsieur le secrétaire d'État, le traitement différencié appliqué aux DOM et à la Corse. Par exemple, 172 millions d'euros de crédit sont consacrés à la Corse au titre de la continuité territoriale et seulement 5 millions d'euros à la Martinique, soit trente-cinq fois moins. Monsieur le secrétaire d'État, il existe certainement une explication à cet état de fait, que vous vous ferez un plaisir de me donner et que j'attends avec impatience !
J'en viens à la situation des communes de l'outre-mer, notamment en Martinique, car je n'oublie pas que je suis président de l'assemblée des maires de cette région. Ces communes connaissent une situation financière très tendue, et c'est un euphémisme ! Pour les raisons que vous connaissez, monsieur le secrétaire d'État, les charges de personnels ont fortement affecté leurs capacités d'autofinancement, qui se sont littéralement effondrées.
Ces communes éprouvent aujourd'hui de grandes difficultés à financer leurs dépenses d'équipement sur la base de leurs propres ressources. C'est pourquoi des financements externes doivent être mobilisés afin de leur permettre d'investir, notamment dans les écoles primaires et maternelles, qui relèvent de leur compétence.
Aujourd'hui, le parc immobilier des établissements scolaires, souvent très vétuste, ne répond pas aux normes parasismiques qu'exige la réglementation en vigueur dans une île soumise aux aléas sismiques. Il s'agit d'un sujet d'une brûlante actualité : d'après les expertises réalisées immédiatement à la suite du tremblement de terre qui a frappé récemment la Martinique, les écoles ont particulièrement souffert, et certaines d'entre elles se trouvent aujourd'hui fermées.
Si les régions et les départements reçoivent des fonds de concours européens pour bâtir leurs complexes scolaires, les communes, elles, ne peuvent compter sur aucune aide spécifique, que celle-ci vienne de l'Europe, de l'État ou des grandes collectivités, pour réhabiliter et reconstruire leurs écoles.
Il était déjà urgent d'agir en ce domaine. Après les derniers événements, il devient impératif de mettre en place un plan pluriannuel de reconstruction et de mise aux normes de ces établissements scolaires. J'en appelle à la responsabilité du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'État, j'entends répéter partout, à tout moment, le leitmotiv de la rupture - avec les pratiques antérieures, je suppose. Je m'attendais donc à un budget portant un changement radical. Or, et j'ai été très déçu de le constater, quels que soient le programme étudié et les actions analysées, il y a continuité et parfois même aggravation.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne peux que vous enjoindre de mettre cette rupture en oeuvre. Surprenez-nous donc, sinon je crains de ne pouvoir voter ce budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » constitue, en quelque sorte, la levée de rideau de la grande loi de programme que le Président de la République et le Gouvernement nous proposeront au printemps prochain. C'est pour moi l'occasion de pointer les carences de l'économie des départements d'outre-mer et de présenter notre vision de l'avenir.
Ce budget est bon, parce qu'il marque une volonté politique, celle du Gouvernement et du Président de la République, qui ont souhaité maintenir le cap de la solidarité à l'égard de l'outre-mer, ce qui, par ces temps difficiles, n'allait pas de soi.
Si cette exigence de solidarité doit être maintenue, il faut, en revanche, définir une nouvelle orientation en matière économique.
Mes chers collègues, les départements français d'outre-mer jouissent de ce statut depuis 1946. Soixante et un ans plus tard, nous disposons d'une belle carrosserie départementale, mais nous fonctionnons avec un vieux moteur colonial, dont l'entretien coûte très cher à l'État et qui produit de nombreuses rentes de situation, pour une efficacité économique réduite et une performance sociale limitée.
Le Président de la République a été élu par 53 % des Français, soit plus de vingt millions de voix, dans une perspective de changement.
Je ne veux pas qu'on pense que j'interviens aujourd'hui pour faire le procès des entreprises ! Comme l'a rappelé tout à l'heure ma collègue Lucette Michaux-Chevry, pas une voix de l'outre-mer n'a manqué pour adopter la loi sur la défiscalisation des heures supplémentaires, la loi Perben sur la sauvegarde des entreprises, la loi de programme pour l'outre-mer ou la LOOM, la loi d'orientation pour l'outre-mer. Nous avons toujours été aux côtés du monde du travail.
Toutefois, lorsque nous constatons que le moteur colonial se caractérise par des situations de monopole de plus en plus abusives, par des ententes illicites sur les tarifs de plus en plus flagrantes et par une opacité de la formation et du niveau des prix de plus en plus insupportable, nous ne pouvons pas être complices de cette situation.
Monsieur le secrétaire d'État, je développerai un exemple qui vous éclairera. Savez-vous à combien s'élève le prix de l'air liquide à la Réunion ou en Martinique par rapport à la métropole ?
À ce propos, je tiens à remercier M. le rapporteur général du budget de m'avoir aidé à faire baisser le prix des médicaments outre-mer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie !
M. Jean-Paul Virapoullé. D'ailleurs, avec le courage qui le caractérise, le Gouvernement est en train, sous l'impulsion du Président de la République, de prendre les mesures qui s'imposent.
Toutefois, en ce qui concerne l'air liquide, certaines usines en Martinique et à la Réunion bénéficient de la défiscalisation de leurs investissements et de la TVA dite « NPR », c'est-à-dire « non perçue récupérable », en fonctionnement comme en investissement, ce qui signifie qu'elles perçoivent une TVA qu'elles n'ont pas payée.
Savez-vous quelle est la différence entre le prix de l'air liquide à la Réunion et celui qui est pratiqué en métropole ? Elle n'est pas de 200 %, 300 % ou 400 %. Non, elle est de 600 % ! Et, comme l'air de la Martinique est plus pur que celui de la Réunion - tout le monde le sait - (Sourires.), l'air liquide coûte 1 200 fois plus cher en Martinique qu'en métropole !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Incroyable !
M. Jean-Paul Virapoullé. Il ne s'agit là que d'un exemple des conséquences des situations de monopole. Et le monopole ne frappe pas qu'une seule fois. Il frappe une seconde fois, puisque l'État paie une autre fois.
L'hôpital de Bellepierre, dont je suis le président, achète entre 1 million et 5 millions de produits liquides par an. S'il payait au prix métropolitain, il économiserait 4 millions d'euros et serait excédentaire au bout de deux ans. Le paiement de tels surcoûts coloniaux conduit les hôpitaux au déficit.
Monsieur le secrétaire d'État, au moment où nous travaillons main dans la main à l'élaboration d'une grande loi de programme, je réclame du haut de cette tribune la décolonisation économique et la justice sociale outre-mer. L'argent doit être bien utilisé, au profit du plus grand nombre et au service de l'efficacité économique. Voilà ce que demande l'outre-mer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J'aborderai maintenant un autre problème. Un observatoire des prix et des revenus a été mis en place à la Réunion. Aujourd'hui, nous sommes face à une hausse des prix des carburants. Or, nous avons constaté que le carburant est 40 % plus cher FOB Singapour. Quand nous demandons à la Société réunionnaise de produits pétroliers, la SRPP, pour quelles raisons le prix est 40 % plus élevé à Singapour qu'à Rotterdam, elle nous répond qu'elle ne peut pas nous le dire !
Je ne donnerai pas d'autres exemples. Je ferai simplement une proposition au Gouvernement pour améliorer le pouvoir d'achat et baisser le coût de la vie.
Les services de l'État - il en a d'excellents - chargés de la concurrence et des prix pourraient très bien, monsieur le secrétaire d'État, faire un rapport sur la formation des prix des produits de première nécessité dans les quatre départements d'outre-mer.
Ensuite, la future loi de programme pourrait prévoir la définition, par voie réglementaire, d'un mécanisme de nature à tempérer, comme le permet le code de commerce, les abus pratiqués outre-mer, lorsque les surcoûts dépassent un niveau jugé intolérable.
Monsieur le secrétaire d'État, il faut baisser le coût de la vie, améliorer le pouvoir d'achat et mettre un terme aux situations de rente et de monopole.
Par ailleurs - ce sera ma deuxième proposition -, je suggère au Gouvernement de supprimer la TVA NPR, qui n'a aucun effet, et de financer le doublement de la ligne budgétaire unique sur cinq ans, soit la durée de la loi de programme, ce qui permettra de construire des logements.
Que nous siégions à droite ou à gauche de cet hémicycle, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes tous d'accord pour dire que l'accès au logement participe du droit à la dignité, qu'il n'est pas possible de refuser à nos populations.
Nous construisons des logements nombreux et de qualité à la Réunion. Nous sommes donc en droit de réclamer ce doublement de la LBU !
Je demande également pour réparer une injustice envers les travailleurs pauvres, c'est-à-dire ceux qui gagnent entre une fois et une fois et demie le SMIC et ne peuvent accéder à la propriété, que soit majorée la dotation de la LBU à leur intention.
Toujours dans le même domaine, je souhaite que soit favorisée la vente des logements sociaux à leurs locataires et que soit mise en oeuvre une politique d'aide aux collectivités et aux sociétés d'économie mixte afin qu'elles puissent viabiliser les terrains destinés à accueillir des logements.
Il me reste deux minutes et demie pour vous parler, mes chers collègues, des zones franches globales d'activité. En demandant aux élus de tous les départements d'outre-mer de vous indiquer quels secteurs d'activité ils veulent cibler, vous avez choisi la bonne méthode, monsieur le secrétaire d'État, mais cela ne suffit pas. Il faut également que nous puissions déterminer quelles seront les zones d'activité prioritaires et que nous puissions mettre en oeuvre les facteurs humains et législatifs qui permettront d'atteindre les objectifs économiques recherchés.
Je prends un exemple : si les universités de la Réunion, de la Martinique et de la Guyane ne forment pas, au moins pour partie, des cadres et des agents de maîtrise pour aller travailler dans ces zones franches globales d'activité, nous finirons par importer de la main-d'oeuvre faute de personnels qualifiés sur place. Les universités, quant à elles, continueront de former des gens dans des filières sans issue.
Nous soutenons l'innovation que constituent les zones franches globales d'activité, mais nous demandons que cette démarche économique soit accompagnée de mesures éducatives et que soient levés, dans le même temps, tous les obstacles des modèles économiques du passé.
Enfin, je terminerai en évoquant la justice sociale. Le développement économique n'est pas, monsieur le secrétaire d'État, et vous nous l'avez dit lorsque vous nous avez reçus rue Oudinot, exclusif de la justice sociale. Nous sommes des élus pour qui l'humain compte. Or nous sommes conscients qu'avec un taux de chômage de 27 % ou 30 % outre-mer il n'est pas possible, même si le développement économique est en bonne voie, de trouver du travail pour tout le monde. C'est la raison pour laquelle il faut mettre en place une économie solidaire fondée sur des emplois aidés de nouvelle génération.
Un emploi aidé de nouvelle génération, c'est un emploi adapté à l'âge de la personne, à son niveau scolaire, à son niveau de qualification et à son état de santé. C'est un emploi qui est accompagné d'un volet formation en entreprise obligatoire, dont la durée est modulable en fonction du cursus de la personne et de son projet de vie, et qui lui permette, in fine, d'accéder à un emploi durable dans une économie plus prospère.
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire dans le temps qui m'était imparti. Bien sûr, la loi de programme ne se limitera pas aux zones franches globales, au logement, à l'université et aux emplois aidés. Elle comportera également un volet éducatif, un volet sur l'aménagement du territoire, un autre sur le développement durable et sur les énergies renouvelables. Les propositions bouillonnent actuellement dans nos cerveaux !
Ce qui compte, c'est que, en ces temps difficiles, le Gouvernement considère que l'outre-mer français est une priorité et qu'il y consacre ses efforts et sa solidarité.
En votant ce budget, j'apporterai ma pierre à l'édifice de volonté politique du chef de l'État et du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion des crédits de la mission « Outre-mer » constitue chaque année un moment important de la vie de près de 2 millions de nos compatriotes qui vivent dans les neuf départements et collectivités d'outre-mer.
De façon classique, la mission « Outre-mer » ne regroupe que les crédits gérés en propre par le secrétariat d'État chargé de l'outre-mer. Elle est dotée pour 2008 de 1,73 milliard d'euros en crédits de paiement et de 1,764 milliard d'euros en autorisations d'engagement.
À périmètre constant, les crédits de la mission augmentent de 3 % par rapport à 2007, soit un taux supérieur à la norme de dépenses de l'État. Ces crédits ne représentent que 13,5 % de l'effort budgétaire de l'État en direction des collectivités ultramarines. L'ensemble de la politique transversale « outre-mer » est abondé à hauteur de 12,84 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter 2,814 milliards d'euros de dépenses fiscales, soit un total de près de 15 milliards d'euros. C'est bien, et je me félicite que, avec 5 629 euros par habitant, la Guyane soit l'une des collectivités les mieux dotées.
Mais des problèmes subsistent. L'outre-mer doit faire face à de graves difficultés, en particulier dans le domaine du logement social, qui connaît actuellement une crise aiguë. Cette crise entraîne une triple conséquence : une forte baisse de l'offre, une dégradation du taux d'effort et des conditions d'accès des familles modestes à un logement décent, enfin, un regain de l'habitat indigne. La situation a tellement dégénéré que, en Guyane, la production d'habitat spontané et insalubre dépasse désormais l'offre de logements décents. L'ensemble des acteurs du logement social outre-mer estiment à bon droit qu'il est urgent de relancer aujourd'hui la construction de logements sociaux et de mener une véritable bataille contre l'insalubrité, dans la perspective de la mise en oeuvre du droit au logement opposable.
Au vu de ce contexte très préoccupant, l'examen des crédits alloués à la ligne budgétaire unique me laisse perplexe : 175 millions d'euros avaient été inscrits en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2007, auxquels il convient d'ajouter 30 millions d'euros au titre de redéploiements de crédits et de règlement de la dette de l'État envers des opérateurs sociaux. Or les 200 millions d'euros inscrits en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2008 s'apparentent à une diminution budgétaire maquillée, à laquelle il faut ajouter la baisse de 24 millions d'euros des autorisations d'engagement.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles précisions pouvez-nous nous apporter concernant ces chiffres ? Comment démêler le vrai du faux ?
La relance de la construction de logements sociaux passe nécessairement par le maintien de l'effort de l'État, mais aussi par des mesures significatives. L'urgence est patente en termes d'actualisation des aides personnelles, de mise à niveau du « forfait charges » spécifique des DOM, de libération de foncier pour la construction. Dans tous les cas, le futur projet de loi de programme pour l'outre-mer devra impulser une nouvelle dynamique.
J'évoquerai également l'incertitude quant au sort du FEDOM, après la promulgation de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail. Ce fonds, qui permet aux parlementaires de l'outre-mer de s'associer à l'État dans la définition de la politique de l'emploi outre-mer, a fait ses preuves. Les populations ultramarines connaissent son apport. Or il semblerait que, de façon assez complexe, les crédits de ce fonds aient été transférés vers le ministère de l'emploi.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous éclairiez de vos lumières la Haute Assemblée et que vous nous précisiez quel sort le Gouvernement a réservé aux 150 millions d'euros qui abondaient le FEDOM et aux aides indispensables qu'il soutenait.
La Guyane a aujourd'hui besoin d'un développement par l'excellence. L'ère du rattrapage est révolue. Le schéma régional de développement économique a parfaitement synthétisé les maux dont souffre aujourd'hui notre région : isolement géographique naturel de la plus grande partie du territoire, stagnation du revenu moyen par habitant, persistance d'un taux de chômage élevé, fragilité financière des PME, insuffisances des infrastructures et des services publics. J'y ajouterai la rapidité de la croissance démographique, alimentée par des flux migratoires hors de contrôle.
La Guyane n'a pas d'autre choix que celui d'une croissance économique rapide et riche en créations d'emplois. Si nous ne relevons pas ce défi dans les meilleurs délais, ne soyez pas étonné, monsieur le secrétaire d'État, qu'une grave crise sociale éclate en Guyane. Tous les élus sont conscients des contraintes budgétaires, a fortiori dans une Europe élargie. Nous n'en aspirons pas moins à pouvoir bénéficier du principe d'égalité des chances entre régions des États membres que les traités européens promeuvent.
En cela, le projet gouvernemental de zone franche globale d'activité peut constituer le levier qui nous manque tant et sur lequel prendrait appui un développement économique et social harmonieux.
Mais ce dispositif ne doit pas être mis en place à n'importe quel prix. Il doit s'inscrire sur le long terme - dix ans au minimum - afin d'assurer une réelle continuité dans la mise en place de ses mécanismes et d'avoir un effet favorable sur le développement économique.
Cette stabilité garantirait pour les investisseurs une lisibilité des dispositions fiscales ainsi créées. Cette durée doit conduire à rendre la mise en oeuvre de ce dispositif cohérente avec la LOOM et la LOPOM, mais aussi avec les zones franches urbaines, sous peine d'écraser toute initiative sous le poids des réglementations.
Il serait tout autant contreproductif que la zone franche globale d'activité fasse table rase des acquis précédents, alors que leur jeunesse rend leur évaluation encore incertaine. Les spécificités des marchés actuels des entreprises guyanaises - Antilles et marchés intracommunautaires - requièrent d'agir avec réalisme et de leur laisser le temps de se positionner sur les marchés extérieurs.
Enfin, l'impératif de sécurité exige la définition préalable et l'application d'une stratégie d'appui sur le terrain, par le biais d'indicateurs de performance et d'un accompagnement des entreprises.
Si vous voulez développer l'outre-mer avec nous, monsieur le secrétaire d'État, il faut créer un commissariat à l'industrialisation pour l'outre-mer, dont la mission serait de rechercher les investisseurs potentiels pour créer les industries dont ses collectivités ont besoin.
La Guyane ne manque pas d'atouts, grâce à ses richesses naturelles, qui constituent autant d'outils de développement économique. En effet, notre territoire recèle un biotope encore largement méconnu et dont l'intérêt pour la médecine et la pharmacie semble prometteur.
De nouveaux métiers et de nouvelles filières de formation pourraient ainsi être financés pour encourager et valoriser la recherche en la matière. Vous en conviendrez, un tel dispositif aurait d'immenses retombées sur le développement économique et social de notre territoire et, au-delà, de la France.
Monsieur le secrétaire d'État, dans le cadre du pôle de compétitivité « santé tropicale », pouvez-vous nous indiquer quels crédits seront mobilisés pour financer la recherche fondamentale et le développement des potentialités à très forte valeur ajoutée, à partir des principes actifs que nous pourrions trouver dans nos plantes médicinales ?
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Georges Othily. Je conclus, monsieur le président.
Nous parviendrions ainsi à endiguer différentes pathologies épidémiologiques, comme la dengue, le paludisme, le sida ou la maladie de Chagas.
De tels fonds permettraient également le développement de la spécialité santé tropicale dans le cadre de la médecine d'urgence, et le pôle de compétitivité Lyonbiopôle pourrait s'appuyer sur les résultats de toutes ces recherches.
Certes, monsieur le secrétaire d'État, les crédits affectés à la mission « Outre-mer » ne répondent pas à toutes les attentes de nos compatriotes ultramarins, car elles sont nombreuses. Mais la conjoncture économique ne permet sans doute pas au Gouvernement d'accentuer son effort.
Au demeurant, le projet de budget va dans le bon sens, ce qui ne doit pas vous empêcher, me semble-t-il, de faire preuve de plus d'ambition l'an prochain.
C'est donc avec responsabilité que je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de budget de la mission « Outre-mer » appelle de ma part trois observations liminaires.
D'abord, d'un point de vue formel, les crédits consacrés à l'outre-mer mériteraient une présentation plus lisible. Le secrétariat d'État à l'outre-mer étant le seul à avoir un périmètre géographique, nous aurions souhaité une présentation des crédits non pas par actions, mais par territoires, ce qui aurait démontré la capacité du Gouvernement à conjuguer unité et diversité. À cet égard, le transfert des crédits consacrés aux emplois aidés de la mission « Outre-mer » vers la mission « Travail et emploi » accentue encore, me semble-t-il, le manque de lisibilité qui caractérise l'intervention budgétaire de l'État en faveur des territoires ultramarins.
Ensuite, et je le souligne sans intention polémique ou volonté de susciter une querelle de chiffres, à périmètre constant, les crédits de la mission « Outre-mer », qui s'élèvent à 1,73 milliard d'euro pour l'année 2008, contre 1,95 milliard d'euros en 2007, sont en baisse significative.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, le présent projet de budget me semble insuffisant pour tourner l'outre-mer vers l'avenir et vers un développement économique pérenne comme vous vous y êtes engagé. En Guadeloupe, un tel objectif nécessiterait une politique volontariste de rattrapage des retards structurels qui minent le département.
J'en viens plus précisément aux différentes actions de la mission « Outre-mer ».
En matière de logement social, des efforts sont peut-être réalisés, mais nous militons depuis 2004 pour obtenir une programmation pluriannuelle de la ligne budgétaire unique.
Alors qu'il faudrait créer entre 4 000 et 5 000 logements par an sur cinq ans pour satisfaire les 26 000 demandeurs de la Guadeloupe, l'augmentation des crédits de l'action « Logement », qui n'est que de 25 millions d'euros, permettra à peine de dépasser les 1 300 à 1 400 logements livrés dans notre île.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'État, au-delà des crédits, c'est également la réforme du mode de financement du logement social qu'il faut envisager.
En Guadeloupe, les bailleurs sociaux ne peuvent plus équilibrer leurs opérations de logement social. Ils ont donc cessé toute production nouvelle. En effet, de l'avis unanime, la défiscalisation ne permettra pas, à elle seule, de susciter une production capable de répondre à la demande sans une intervention particulière de l'État.
En dépit du changement de structure budgétaire que j'ai évoqué plus haut, la mission « Outre-mer » conserve un programme « Emploi outre-mer ».
Nous le savons, la situation du marché de l'emploi demeure particulièrement préoccupante.
En Guadeloupe, le taux de chômage est encore de 27 %, contre 8 % en métropole. Pour y faire face, l'action de l'État et des collectivités territoriales doit permettre de créer les conditions du développement des secteurs porteurs d'emplois, en particulier le tourisme, et de favoriser le dynamisme des très petites entreprises, qui constituent 95 % du tissu économique de l'île. Ce secteur devrait, je le crois, bénéficier des exonérations de la zone franche globale d'activité.
Tant que les conditions de la croissance ne seront pas réunies, les emplois aidés demeureront nécessaires pour notre économie, car le taux de chômage révèle l'impossibilité pour le secteur marchand d'absorber une population active à un niveau proche du plein-emploi.
La conséquence de cette situation est l'augmentation du nombre des bénéficiaires du RMI, laissant en 2007 à la charge du département un solde non compensé de 26,3 millions d'euros, contre 7,5 millions d'euros en 2004. Cela crée d'importantes difficultés, en particulier pour le conseil général - je pense qu'il en est de même en Martinique -, et appelle une refonte de la base de calcul de cette compensation.
J'aborderai maintenant la politique conduite en faveur de la continuité territoriale et du passeport mobilité, dispositifs qui constituent également, selon nous, des solutions pour combattre le chômage.
Je le crains, la coupe claire opérée dans les autorisations d'engagement du volet mobilité du projet initiative jeunes, le PIJ, annonce la disparition pure et simple d'une mesure qui permet pourtant d'encourager la formation des jeunes et dont nous sommes nombreux à souhaiter le maintien, voire le renforcement. Combinée à la stagnation des crédits, déjà insuffisants, de l'action « Continuité territoriale », cette diminution a de quoi inquiéter.
Pourtant, la nomination de M. Patrick Karam au poste de délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer semblait annoncer une prise de conscience de l'importance de la continuité territoriale. Cet enjeu capital concerne aussi bien les personnes que les marchandises, donc le pouvoir d'achat, car les coûts d'acheminement expliquent largement la cherté de la vie en Guadeloupe.
Monsieur le secrétaire d'État, plusieurs défis fondamentaux pour l'avenir de la Guadeloupe commandent un véritable plan interministériel s'apparentant à un FIDOM réactivé.
D'abord, nous pensons à la mise en oeuvre des préconisations du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés, qui constitue un enjeu économique et écologique majeur nécessitant le concours de l'État aux côtés des cofinancements de l'Europe et des collectivités locales, et ce pour un montant global estimé sur la période à 300 millions d'euros en investissements et à 70 millions d'euros en fonctionnement. Nous voulons savoir quelle sera votre participation pour accompagner ce plan nécessaire au développement de notre pays.
Dans le même ordre d'idée, une place particulière doit être réservée à la mise aux normes des équipements collectifs structurants. Le conseil général de la Guadeloupe n'a eu de cesse de solliciter l'accompagnement financier de l'État, plus particulièrement pour les transports routiers collectifs, les barrages pour l'eau agricole et l'eau potable, les hôpitaux, les établissements d'accueil des personnes âgées.
Sur ce dernier point, le séisme qui a secoué la Guadeloupe le 29 novembre dernier confirme, s'il en était besoin, l'urgence de la mise aux normes antisismiques des établissements publics, notamment des établissements scolaires, en particulier des écoles primaires.
Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous relevez du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, permettez-moi de saisir l'occasion de ce débat pour attirer votre attention sur la question de la sécurité des personnes en Guadeloupe.
Le Président de la République a présenté ses objectifs en termes de baisse de la délinquance. Je souhaite que les moyens déjà déployés en Guadeloupe soient renforcés, en particulier pour lutter contre la délinquance chez les jeunes, qui est en augmentation de 8 %.
J'évoquerai également les conséquences néfastes de la médiatisation dont la Guadeloupe a fait l'objet après la publication du rapport rédigé par le professeur Belpomme sur la pollution des sols aux organochlorés.
De l'avis des spécialistes, et au-delà du caractère controversé des conclusions du rapport, les conséquences de cette pollution requièrent un plan d'urgence en trois points. En effet, il faudra établir un diagnostic de l'étendue des zones polluées, décontaminer les sols concernés et indemniser les agriculteurs tout en songeant à leur reconversion.
Par ailleurs, et comme nombre de mes collègues, j'estime que la loi de programme pour l'outre-mer actuellement en préparation devrait s'inscrire non seulement dans la durée, mais également dans une perspective de clarification.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que les orientations proposées par les élus et les acteurs socioprofessionnels de la Guadeloupe soient, dans leur grande majorité, prises en compte. Nous avons travaillé sur ce sujet, dans le cadre qui nous était fixé, en abordant les grands enjeux de la Guadeloupe.
Surtout, la mise en place d'une zone franche globale d'activité doit être l'occasion de recenser les atouts et les besoins de la Guadeloupe, afin d'aboutir à un dispositif efficace.
Monsieur le secrétaire d'État, une autre politique, même limitée au seul logement, aurait été le signe fort d'une volonté de changement.
En l'état, mon vote sur le budget de la mission « Outre-mer » ne peut qu'être défavorable. Peut-être évoluera-t-il en fonction des réponses que vous voudrez bien m'apporter dans ce débat, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je n'entrerai pas aujourd'hui dans le détail des différentes lignes de la mission qui nous est présentée, d'autant qu'il est facile de faire dire ce que l'on veut aux chiffres. Les discussions de marchands de tapis ne m'intéressent pas. Je me limiterai donc à une analyse globale des financements prévus pour l'outre-mer dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008.
Une telle analyse est un peu difficile à effectuer, car il faut retrouver plusieurs éléments, notamment les aides directes à l'embauche des publics les plus éloignés de l'emploi, qui seront prises en charge par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi à compter du 1er janvier 2008.
Malgré cette petite gymnastique, on peut conclure que les aides en direction de l'outre-mer sont en légère augmentation, ce dont je ne puis que me réjouir dans le contexte actuel. Mon vote sur ce budget sera donc favorable.
Monsieur le secrétaire d'État, malgré la disparition du programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer », dont l'intitulé était un message fort pour toutes les personnes concernées, et ce en outre-mer comme à Paris, j'ai bien noté votre volonté de développer les économies ultramarines en favorisant leur intégration dans leur environnement régional.
Quand on mesure les disparités entre les régions environnant ces territoires lointains, c'est vers la mondialisation que nous nous tournons. Mais, même si ce terme « mondialisation » peut faire peur à certains, pouvons-nous rester la tête dans le sable et subir plus tard le contrecoup de l'immobilisme ?
Monsieur le secrétaire d'État, comme vous l'avez affirmé à maintes reprises, l'outre-mer peut et doit prendre sa place partout dans le monde.
À la demande du Gouvernement, j'ai effectué au début de l'année une mission de coopération régionale destinée à évaluer les possibilités offertes à Saint-Pierre-et-Miquelon pour s'intégrer au développement économique de la région qui l'entoure et qui est en plein essor. Les résultats sont positifs et notre grand voisin canadien est ouvert à toute évolution en ce sens.
Depuis, plusieurs manifestations et rencontres ont eu lieu à Saint-Pierre-et-Miquelon ou au Canada et des projets économiques communs sont envisagés.
Malheureusement, ces projets, qui sont potentiellement très porteurs, rencontrent un certain nombre de difficultés, notamment dans leur phase d'élaboration. Nous sommes souvent confrontés à des réglementations internationales disparates et très complexes. La difficulté réside dans la situation géographique de Saint-Pierre-et-Miquelon. Notre territoire, qui peut et qui doit servir de plaque tournante vers l'Europe, se retrouve confronté à trois réglementations : française, canadienne et européenne.
Aucun organisme n'étant suffisamment étoffé et compétent sur l'archipel pour traiter ce genre de dossier, les projets restent en suspens. Nous constatons que nous manquons cruellement d'outils de travail performants et de moyens humains ou matériels. Or il est impossible de s'intégrer dans une économie internationale sans les moyens techniques adéquats.
Ironie de l'histoire, d'après les informations dont je dispose, l'accès à l'Europe semble plus facile pour des projets canadiens que pour ceux provenant de Saint-Pierre-et-Miquelon.
La loi de programme que vous proposez pour le premier trimestre 2008 est en cours de finalisation. Nous aurons là la possibilité de répondre aux demandes qui sont clairement formulées par les acteurs économiques de l'archipel. La coopération économique avec le Canada étant un élément indispensable à la réussite de nos projets, il serait opportun de mettre en place des outils tels que le bureau de la coopération régionale, ainsi que l'euro info centre. Cela permettra à Saint-Pierre-et-Miquelon de jouer pleinement son rôle de plateforme relais entre l'Amérique du Nord et l'Europe.
Nous avons donc besoin de financements en ce sens. Heureusement, pour la première fois, vous avez décidé d'octroyer 150 000 euros à Saint-Pierre-et-Miquelon à travers le fonds de coopération régionale. C'est un très bon début, et je vous en remercie.
À un niveau plus local, la mise en oeuvre du contrat État-région, qui débutera en 2008 pour se terminer en 2013, est une bouffée d'oxygène pour l'économie de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Malheureusement, ce n'est pas suffisant, car il s'agit d'un contrat non pas de développement, mais plutôt de ce que j'appellerai de dépenses, dont les retombées ne s'inscrivent pas sur le long terme et ne correspondent pas au changement de politique économique dont nous avons besoin.
Ce contrat a peut-être été préparé localement à la hâte, mais il a tout de même le mérite d'exister. Cela dit, il devra être complété, afin de tenir compte de certaines opérations indispensables qui sont délaissées. En attendant, il continuera de fournir du travail à court terme, ce qui, dans la situation actuelle, n'est pas un luxe, même si je considère qu'il faut cesser de travailler dans l'urgence, sans vision à long terme.
Mais il est des seuils de financement au-dessous desquels il ne faut pas descendre, sous peine de compromettre l'avenir et de devoir ensuite financer du chômage à long terme.
Je suis, malheureusement, bien placé pour parler de financement du chômage. Je suis en effet le maire d'une petite commune qui est passée du jour au lendemain, en 1993, du plein-emploi à un chômage saisonnier de longue durée touchant à peu près 25 % de la population, ce qui a fortement contribué à l'exil de 15 % des habitants de Miquelon ces dernières années. À ce rythme, je crains que nous n'atteignions le seuil de non-retour assez rapidement.
En outre, quand les gens travaillent, ils sont en partie sur des chantiers d'utilité publique. Inutile de vous dire que cette situation n'est pas confortable pour ces travailleurs saisonniers, non plus que pour la mairie ou pour l'État, qui doivent dépenser du temps et de l'argent pour trouver des solutions d'urgence, parfois en décalage avec les objectifs réels de développement.
Les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon sont dans une situation financière très difficile. Le manque de moyens humains se fait sentir cruellement au niveau des deux mairies et du conseil territorial. Nous sommes en réalité dans une spirale infernale, car, du fait des déficits, nous n'avons pas les moyens de nous payer les compétences nécessaires pour trouver des solutions pour nous en sortir, et la situation continue de se dégrader.
C'est pourquoi je ne peux qu'approuver le travail du député de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui a su vous faire prendre conscience de la nécessité de réévaluer les critères d'attribution de la DGF pour l'archipel. Étant donné l'urgence, monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais que le délai de l'étude soit ramené de six mois à trois mois.
Le Gouvernement a fait preuve de prudence face à son deuxième amendement concernant l'inflation. Je peux le comprendre, mais la gravité de la situation exige que nous sortions du cadre habituel de la réflexion pour regarder la vérité en face.
C'est un fait, les chiffres de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM, organisme maîtrisant parfaitement les réalités outre-mer, le prouvent : l'inflation à Saint-Pierre-et-Miquelon est en moyenne quatre fois supérieure à celle de la métropole. Je le déplore, mais telle est la réalité économique de la plus petite collectivité d'outre-mer, l'une des plus isolées au niveau du transport de passagers et de fret, soumise très directement aux fluctuations du dollar et confrontée à des difficultés spécifiques comme celles qu'engendre un climat rude en hiver.
Pour illustrer mon propos, je citerai la prime à la cuve de fioul domestique, créée récemment en métropole et dont le montant est fixé à 150 euros pour tout l'hiver. Sachez qu'avec cette somme, à Saint-Pierre-et-Miquelon, la majeure partie des maisons ne peuvent être chauffées que pendant huit à dix jours !
C'est pourquoi je n'aurai pas de complexe à demander au Gouvernement, mercredi prochain, d'accepter un amendement sur la DGF des collectivités visant à prendre en compte l'inflation à Saint-Pierre-et-Miquelon. Au reste, si nous mettons tout en oeuvre pour faire preuve de responsabilité économique, nous réussirons à trouver des solutions pour réduire cette inflation excessive, et cet amendement n'aura finalement pas de conséquence à moyen terme.
Autre élément important, vous avez accepté, à ma demande, d'étudier la possibilité d'une liaison entre Paris et Saint-Jean de Terre-Neuve, qui se trouve à seulement quarante minutes de vol de Saint-Pierre ; je vous en remercie. Si un tel projet pouvait voir le jour dans un avenir raisonnablement proche, les passagers, les commerçants, les consommateurs et les producteurs bénéficieraient d'un service de bien meilleure qualité : je pense notamment aux produits frais, à l'entrée, comme à la sortie. Si, parallèlement, un effort était entrepris pour réduire le coût des transports, les prix des produits diminueraient, que ce soit à l'importation ou à l'exportation. Ainsi, l'inflation se résorberait de manière sensible, ce qui entraînerait à la baisse certaines aides financières de l'État.
Je pense qu'il faut maintenant « mettre le paquet » pour permettre à Saint-Pierre-et-Miquelon de sortir totalement la tête de l'eau, une bonne fois pour toutes. Il faut oser mettre à la disposition de l'archipel des moyens humains, techniques et financiers dans les domaines clefs, pour qu'il s'engage enfin sur la voie du développement durable, ce qui lui permettra de se responsabiliser et de devenir plus autonome.
Avec des collectivités locales à la situation assainie et des transports plus adaptés, nous serons mieux armés pour soutenir les acteurs économiques dans tous leurs projets. Nous parlons régulièrement du potentiel de notre archipel. Pour ma part, je suis convaincu, et je ne suis pas le seul, que ce potentiel dépasse les besoins de notre population.
Plusieurs pistes de développement existent et sont connues de tous.
La première concerne les hydrocarbures. Nous savons aujourd'hui que toute la région qui nous entoure, en l'occurrence le bassin Laurentien, regorge d'hydrocarbures. Loin de moi la pensée d'une exploitation propre à Saint-Pierre-et-Miquelon dans ce domaine : nous n'avons pas la prétention de posséder notre propre plateforme pétrolière en mer, mais nous pourrions être un très bon prestataire de services auprès des compagnies exploitant dans la région. Ce serait un juste retour de l'histoire, l'archipel ayant longtemps été une station de service sur les bancs de Terre-Neuve.
La deuxième piste possible, c'est l'installation d'une zone de moindre pression fiscale. Le statut de collectivité d'outre-mer nous confère une autonomie fiscale. Sans parler de paradis fiscal, ce statut nous offre la possibilité de proposer certains avantages fiscaux à une clientèle que nous pourrions trouver chez nos voisins canadiens et américains. Les retombées, modestes à l'échelle nationale, mais conséquentes pour une population de 6 200 personnes, réduiraient d'autant nos demandes financières à l'État.
La troisième piste est celle du plateau continental. De par notre statut nous pouvons obtenir la reconnaissance d'État côtier et la possibilité de revendiquer une zone maritime jusqu'aux limites du plateau continental. Il nous reste aujourd'hui peu de temps pour faire avancer ce dossier, ce qui, à mon sens, ne peut se faire qu'en étroite concertation avec le Canada.
La quatrième piste concerne les produits de la mer. Nous ne pêchons plus comme par le passé, mais la pêche est encore présente et permet la capture de quelques milliers de tonnes de produits divers et variés.
Heureusement, il existe des projets d'aquaculture, comme celui de la société EDC que vous connaissez bien. Maintenant que les doutes quant à la viabilité de cette opération ont été levés, grâce notamment à l'assistance technique de l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, intervenue cette année, j'ai confiance en votre capacité de convaincre le Gouvernement de transformer l'essai, monsieur le secrétaire d'État.
En aidant jusqu'au bout ce type de projet innovant, vous permettrez à de nouvelles activités d'engendrer des retombées profitables à tous, à Saint-Pierre comme à Miquelon.
Des efforts restent à faire en matière de transformation : nos produits sont très peu valorisés et vendus à des prix trop bas. En outre, le coût et le manque de régularité des transports empêchent nos producteurs d'être compétitifs sur le marché mondial. Ne pourrions-nous pas bénéficier d'un système inspiré du programme POSEIDOM, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer ?
La cinquième piste a trait à la biodiversité de Saint-Pierre-et-Miquelon, citée à plusieurs reprises au cours du Grenelle de l'environnement.
J'évoquerai pour conclure notre développement touristique, qui intéresse beaucoup le Canada. Nous sommes un atout dans le développement touristique de la région.
Au risque de me répéter, j'affirme que ces projets ne verront le jour que si leur sont attribués, en plus des soutiens financiers, les supports techniques dont ils ont besoin. La réussite économique d'un projet débute non pas dans l'usine de production, mais bel et bien sur la planche à dessin de l'architecte. Outre les financements, ces architectes nous sont véritablement nécessaires pour concrétiser tous nos projets. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de budget pour l'outre-mer qui nous est présenté aujourd'hui est de nature à nous rassurer quant au maintien de l'effort financier de l'État à l'égard de nos collectivités ultramarines, bien qu'il ne soit pas révélateur de l'ensemble des crédits inscrits en leur faveur, puisqu'il en représente moins de 15 %.
Nous l'abordons dans le contexte des grandes réformes annoncées par le Président de la République, et je saisis cette occasion pour saluer sa détermination et son courage politique, car il nous faut bien admettre le caractère inéluctable des changements qui doivent intervenir dans notre pays. Je fais partie de ceux qui sont convaincus de sa capacité à améliorer la situation de la France et des Français de métropole et d'outre-mer.
S'agissant de la situation outre-mer, vous savez qu'il reste encore beaucoup à faire, et je crois fermement qu'il est indispensable de conduire une réflexion en commun, de privilégier le dialogue et l'écoute des responsables politiques locaux. Je tiens d'ailleurs à saluer la sagesse avec laquelle le président de la commission des finances, samedi dernier, à la demande du Gouvernement et de nombre de nos collègues, a retiré son amendement sur l'indemnité temporaire de retraite.
En revanche, monsieur le secrétaire d'État, nous proposons que soit rapidement créé un groupe de travail parlementaire pour traiter spécifiquement de la réforme du système de majoration des retraites outre-mer, de façon à ce que la réflexion sur ce sujet soit menée conjointement par le Gouvernement et par les parlementaires de métropole et d'outre-mer. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne peut pas durer !
M. Simon Loueckhote. Ce groupe de travail pourrait rendre ses conclusions à l'issue du premier semestre de 2008, ce qui permettrait d'adopter un texte avant la fin de l'année, dans la continuité des réformes entreprises sur le plan national.
Comprenez bien, mes chers collègues, qu'il ne s'agit pas pour nous de mettre en oeuvre une stratégie d'évitement. Il s'agit de prendre les mesures nécessaires en pleine connaissance de l'ensemble des données qui y sont liées et, en particulier, de leur impact économique. Il me semble que c'est là une initiative responsable des parlementaires de l'outre-mer et j'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous la soutiendrez.
Vous avez annoncé la création, au cours du premier semestre de l'année prochaine, d'un conseil interministériel qui pourrait être présidé par le Président de la République lui-même. Cette réflexion sur les retraites pourrait également s'inscrire dans le cadre de ce conseil interministériel.
Nous percevons, en effet, cette décision de création de conseil interministériel pour l'outre-mer comme une marque d'attention très significative à l'égard de l'ensemble de nos compatriotes ultramarins, qui seront, à n'en pas douter, très sensibles à un tel geste. Nous comprenons également que cette initiative intervienne dans la dynamique du changement qui doit s'appliquer à nos collectivités ultramarines.
Nous sommes tous conscients que de nombreuses contraintes pèsent sur l'activité économique et la création de richesses outre-mer. Les collectivités ultramarines sont tenues de soutenir en permanence, par l'action publique, un développement économique et social fragilisé par des handicaps structurels, et elles sont limitées dans la mise en oeuvre de leur politique publique par des ressources propres insuffisantes.
Vous avez d'ailleurs souligné à juste titre, monsieur le secrétaire d'État, que l'enjeu fondamental était de donner à nos collectivités ultramarines la capacité de se développer et de passer d'une logique de rattrapage à une logique de développement.
Je souhaite, tout comme vous, que la mise en place des pôles de compétitivité et la création de zones franches d'activité permettent de donner un nouvel élan à nos économies.
La gestion de nos collectivités ultramarines se fait dans le contexte de la décentralisation, qui, selon nos statuts respectifs, se traduit par un transfert de compétences plus ou moins étendu à nos assemblées locales ainsi que des moyens permettant de les assumer.
La gestion de proximité ne permet ni de pallier tous nos handicaps ni de résoudre tous nos problèmes, et la Haute Assemblée, qui est la représentante des collectivités locales, est bien placée pour connaître des difficultés induites par le processus de décentralisation.
Le président du Sénat a d'ailleurs souhaité la création d'un observatoire de la décentralisation, auquel seraient confiées une mission d'évaluation ainsi que la faculté de faire des propositions visant, si nécessaire, à « corriger le tir ».
Nos collectivités d'outre-mer, qui sont souvent présentées comme un laboratoire de la décentralisation, ne peuvent trouver une entière satisfaction dans un processus administratif. Elles se caractérisent, en effet, par une très grande diversité et par une identité particulière qui nécessitent des réponses adaptées à chaque situation. La réponse qui a été apportée jusque-là est une très grande variété de statuts, d'où la complexité de l'organisation outre-mer. Nos collectivités sont, de ce fait, continuellement confrontées à l'évolution de leur statut et de leurs liens avec l'État.
L'outre-mer exprime sans cesse son besoin de voir son identité et sa différence reconnues, et cela se traduit par une demande de plus grande autonomie. Je reprendrai, à cet égard, la définition de la Charte européenne de l'autonomie locale, qui précise, en son article 3, que « par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ».
L'exercice de l'autonomie est très variable d'une collectivité à l'autre. Je citerai, à titre d'illustration, la question de la responsabilité des exécutifs locaux, qui n'est actuellement présente dans notre organisation territoriale que dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale de Corse.
Personne ne songe à contester la légitimité de la revendication d'une gestion de proximité. Pour autant, il me semble que la France de l'outre-mer a besoin aujourd'hui de concevoir son évolution statutaire dans un cadre plus global, qui concerne d'abord la redistribution des pouvoirs entre l'État et ses collectivités d'outre-mer, en fonction des différentes étapes de décentralisation et d'autonomie que chaque collectivité doit pouvoir franchir à son rythme, et ce, bien entendu, selon la volonté de sa population. (M. Georges Othily applaudit.)
Cela suppose qu'une réflexion soit menée au sein de chaque collectivité d'outre-mer quant à l'évolution de ses relations avec l'État et que des initiatives soient prises pour proposer les réformes institutionnelles nécessaires ou des adaptations dans le domaine de la loi et du règlement.
Il apparaît que le Gouvernement a clairement manifesté, à de nombreuses reprises, sa volonté de privilégier l'écoute des populations ultramarines. Dans cet esprit, nous avons franchi un pas supplémentaire, et très symbolique, en adoptant la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.
Nous avions conscience que nos départements et nos régions d'outre-mer avaient gardé des liens très forts avec la métropole qui les empêchaient, à certains égards, d'aller de l'avant.
Comme vous le savez, cette loi permet désormais aux départements et aux régions d'outre-mer, conformément à l'article 73 de la Constitution, d'adapter les dispositions législatives et réglementaires aux spécificités de leur territoire et, dans un certain nombre de matières, de fixer eux-mêmes les règles.
Ils disposent là d'une possibilité nouvelle qui traduit bien la volonté de l'État d'apporter des réponses adaptées aux situations de ses collectivités ultramarines.
Cependant, une action publique plus décentralisée et mieux adaptée à nos réalités locales ainsi que plus d'autonomie pour nos collectivités ultramarines sont-elles la panacée ? Est-ce la solution pour l'outre-mer ?
La réalité est beaucoup plus complexe, à l'image des priorités établies par le Gouvernement qui sont de tout mettre en oeuvre afin d'accroître l'essor économique et la création de richesses dans nos collectivités et améliorer les conditions de vie de nos compatriotes d'outre-mer.
La France de l'outre-mer a aussi besoin d'inscrire son évolution statutaire dans le cadre de l'Union européenne. Il me paraît essentiel qu'une réflexion soit conduite en commun par le Gouvernement et les responsables des collectivités locales ultramarines afin que cette question soit enfin abordée. Nous savons en effet que la différenciation que l'Union européenne fait entre les régions ultrapériphériques, les RUP, et les pays et territoires d'outre-mer, les PTOM, se traduit par un niveau d'intervention de l'aide européenne très variable. L'évolution statutaire de nos collectivités ultramarines devrait pouvoir se faire sans que cela induise un changement majeur de traitement sur le plan européen.
Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi ne pas saisir l'opportunité de la présidence française de l'Union européenne, en 2008, pour proposer une réforme du statut des collectivités d'outre-mer de façon à parvenir à une uniformisation et à une plus grande efficacité de l'intervention européenne dans les PTOM ? Cela favoriserait également une meilleure intégration de nos collectivités dans l'Europe, ce dont pourraient bénéficier nos populations.
Parallèlement, il est tout aussi essentiel de pouvoir davantage prendre en considération l'insertion de nos collectivités ultramarines dans leur environnement régional respectif. La faiblesse et l'irrégularité de nos échanges commerciaux avec nos voisins sont un véritable handicap. Nous manquons là, sans aucun doute, des opportunités de développement !
Ce cloisonnement dans lequel nous évoluons au sein de nos environnements régionaux respectifs paraît totalement dépassé dans le contexte de la mondialisation.
Nous nous félicitons d'afficher des produits intérieurs bruts élevés. Cependant, ils cachent de très fortes disparités de développement au sein de nos propres collectivités. En outre, nous avons des coûts de production et un coût de la vie très élevés, ce qui constitue une entrave à notre compétitivité par rapport à nos voisins immédiats comme vis-à-vis du reste du monde. Il est donc urgent de repenser la politique d'intégration de l'outre-mer français.
La gestion autonome de nos collectivités repose sur deux piliers : la liberté d'action, mais aussi des moyens suffisants pour mettre en oeuvre nos politiques publiques en faveur de nos populations.
On peut concevoir que nos collectivités ultramarines se soucient de la pérennité de leurs ressources dans le contexte d'un éventuel désengagement de l'État, eu égard aux contraintes qui pèsent sur le budget de la France.
À cet égard, je voudrais évoquer le cas de la Nouvelle-Calédonie. Comme vous le savez, elle est engagée dans un processus d'autodétermination, qui se traduira par l'organisation d'une consultation possible à partir de 2014.
Le transfert de compétences est une étape supplémentaire dans le processus de décentralisation inclus dans l'accord de Nouméa. Mais l'État, il faut s'en féliciter, continue d'accompagner et de financer les politiques publiques des collectivités de Nouvelle-Calédonie, notamment par le biais des contrats de développement.
La stabilité politique actuelle, qui est le fruit de la signature des accords de Matignon et de l'accord de Nouméa, nous permet de nous concentrer sur la question du développement économique de notre archipel. Les grands projets de construction d'une usine de traitement du nickel dans le sud et d'une seconde en province nord nous font espérer un rythme de croissance soutenu pendant quelques années.
Ainsi, les perspectives qu'ouvre l'essor de l'activité nickel confortent ceux qui pensent que la Nouvelle-Calédonie peut s'affranchir de la France et devenir indépendante. Actuellement, l'idée dans l'air du temps est de faire payer une redevance aux opérateurs miniers sur la tonne de minerai de nickel extraite, de façon à accroître les ressources propres de notre collectivité, et ce, nous dit-on, dans un contexte de désengagement de l'État.
La forte autonomie dont bénéficient les Calédoniens ne doit pas nous faire oublier les handicaps structurels. Nous devons les corriger pour asseoir le développement économique et social de notre archipel sur des fondements pérennes.
Depuis plusieurs décennies, nous misons notre développement économique sur l'essor de l'activité nickel et nous avons de réelles difficultés à diversifier notre économie. Bien entendu, la construction de deux nouvelles usines est une formidable opportunité pour l'essor de la Nouvelle-Calédonie. Mais les opérateurs miniers ne sont pas des bienfaiteurs. Ils sont là pour réaliser des profits et ils ne se substitueront pas à l'État en cas de crise du nickel.
Parallèlement, nous mesurons bien la difficulté de créer des zones d'activité durables sur l'ensemble de notre territoire, en dépit de la manne financière qui est injectée, maintenant depuis plus de vingt ans, par les provinces en Nouvelle-Calédonie.
En 2008, nous célébrerons les vingt ans des accords de Matignon. Si nous sommes en mesure de faire un bilan politique, il est temps de dresser un bilan économique de l'introduction de la décentralisation en Nouvelle-Calédonie.
Je ne veux pas tomber dans la caricature des élus locaux les présentant comme de mauvais gestionnaires, mais il faut avoir le courage politique de mettre en évidence les faiblesses du processus de façon à les corriger et à tenir le langage de la vérité. L'accroissement des ressources propres d'une collectivité permet certes l'exercice d'une gestion autonome, mais il ne faut pas confondre cette logique qui s'applique à l'ensemble de l'outre-mer avec la croyance idéologique d'un désengagement de l'État en Nouvelle-Calédonie. Je pense que M. le secrétaire d'État nous le confirmera.
Les véritables questions sont en effet l'équilibrage et la pérennité de nos activités économiques. Je crois que c'est une préoccupation de l'ensemble des collectivités ultramarines.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'outre-mer doit s'inscrire dans le contexte des grandes réformes qui sont conduites par le Président de la République. Ce n'est pas par de simples mesures financières à la hausse ou à la baisse que nous permettrons à l'outre-mer de définir et d'occuper toute la place qui est la sienne. C'est pourquoi nous sommes demandeurs d'un véritable projet pour l'outre-mer et nous souhaitons qu'il soit défini en pleine concertation avec les responsables des collectivités ultramarines. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie M. le rapporteur spécial, Mme et MM. les rapporteurs pour avis de l'excellent travail qu'ils ont réalisé afin de nous éclairer sur l'ensemble de la mission « Outre-mer ». Je pense que, parmi eux, se trouvent les meilleurs connaisseurs de ma collectivité, notamment ceux qui ont pu la visiter et l'approcher de l'intérieur. M. le secrétaire d'État, quant à lui, apporte la fraîcheur de ses observations et de ses analyses du terrain toutes récentes. Dès lors, comment pourrais-je ne pas me sentir en confiance pour évoquer quelques situations difficiles de mon territoire ?
Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes venu nous voir il y a un mois et demi et, avant même que vous ne posiez le pied sur le sol de nos îles, vous avez vous-même vécu par force certaines des difficultés quotidiennes de nos concitoyens du bout du monde.
L'enclavement du territoire vous a obligé à prendre, depuis la Nouvelle-Calédonie, un avion de l'armée pour nous rejoindre au bout de cinq heures de vol. Il vous a fallu, presque en cours de route, modifier le plan de vol en décidant d'aller jusqu'à Wallis afin d'y récupérer les élus qui devaient vous accueillir à Futuna, première étape de votre visite, le Twin Otter qui assure les liaisons interîles ayant, une fois de plus, manqué à l'appel.
Je passe sur les péripéties de notre atterrissage à Futuna. Mais vous vous souvenez certainement des regards inquiets de certains des passagers qui vous accompagnaient. (Sourires.)
Ainsi, vous avez compris sans beaucoup d'explication que la desserte entre nos deux îles pose d'énormes problèmes. Les retards ou les reports de vol peuvent être compris, voire acceptés, mais quand il est question de la santé et de la vie, on ne peut attendre. Les évacuations sanitaires pour maladie, accident ou accouchement ne peuvent se faire de nuit ou par simple mauvais temps, encore moins quand l'avion est en panne.
Vous avez évoqué cette situation inacceptable et pris des engagements afin que le chantier de la piste de Vele, dont le financement est déjà programmé, se déroule dans les meilleures conditions et dans des délais raisonnables. Vous avez aussi évoqué la possibilité d'acquérir un deuxième avion affecté à cette desserte. Puis-je vous demander ce qu'il en est à ce jour et à quelle échéance nous pouvons espérer la concrétisation de ce projet, qui changera la vie de nos compatriotes, surtout ceux de Futuna ?
Vous avez aussi visité le dispensaire de Futuna. Ce que vous avez vu vous a visiblement choqué et chacun a pu sentir que votre émotion n'était pas feinte. Après y avoir passé plus d'une heure, ce qui n'avait pas été prévu dans votre programme de visite, vous avez dit qu'il n'était pas digne de la France et que ce n'était pas parce qu'on était à 20 000 kilomètres de Paris que l'on en était moins Français !
Je tiens sincèrement à vous remercier de votre écoute, de votre sens si juste de la proximité. Je compte sur votre soutien afin que les travaux de réfection et de construction en faveur de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna se réalisent conformément aux plans et au calendrier fixés.
À cet égard, je souhaiterais évoquer très rapidement le problème du budget de cette agence. Il faudrait l'établir en fonction des besoins réels afin d'éviter que la dette qui s'accumule au rythme d'environ 2 millions d'euros par année ne continue à parasiter nos relations avec nos fournisseurs de produits et de services, qui sont essentiellement néo-calédoniens.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai regretté que vous n'ayez pas eu le temps de visiter le lycée du territoire. Cet établissement, construit en dépit du bon sens, ne correspond absolument pas aux conditions climatiques locales.
M. Robert Laufoaulu. Sa présence physique - un complexe qui a coûté 15,5 millions d'euros - témoigne de la réalité de la solidarité nationale. Malheureusement, elle rappelle aussi la minable gestion de cette générosité, qui fait dire à certains que la France reprend de la main gauche ce qu'elle donne de la main droite.
Certains locaux et couloirs ne voient jamais la lumière du jour et doivent être éclairés en permanence, et je ne parle pas de la climatisation... Quand on sait que le prix de l'électricité est chez nous sept fois plus élevé qu'en Métropole et que d'autres exemples de ce type existent, on comprend pourquoi le budget de fonctionnement des établissements scolaires est si gravement insuffisant.
Ces défauts de conception et les malfaçons entraînent des coûts d'entretien et de fonctionnement que les ministères considèrent aujourd'hui comme prohibitifs, ce qui les fait hésiter à dégager des moyens à la hauteur des réels besoins. C'est injuste pour nos enfants, qui subissent ainsi les conséquences de la négligence de certains responsables.
Depuis plusieurs années, en cette enceinte ou auprès des ministères de l'éducation nationale et de l'outre-mer, j'ai souvent exposé la situation difficile de nos lycéens : ils sont obligés de quitter le territoire pour venir en métropole poursuivre leur scolarité menant à un BEP ou un bac professionnel, car les structures manquent sur place. Nous souhaiterions, parce que nous comprenons très bien qu'on ne peut ouvrir une filière professionnelle pour une dizaine d'élèves, que l'on mette en place ici, en métropole, un accueil et un suivi de ces adolescents, qui, du jour au lendemain, à 20 000 kilomètres de leurs familles, sont confrontés à un véritable bouleversement de leur vie.
Nous comptons beaucoup sur vous et, bien entendu, sur Mme la ministre afin qu'un véritable effort soit fait à destination de la santé et de l'enseignement à Wallis-et-Futuna, tant il est vrai que ces deux domaines sont primordiaux.
L'éducation et la formation portent en elles l'avenir du territoire et de son développement, développement que vous souhaitez durable et volontariste. Et pourtant, le programme « 40 cadres » a vu ses crédits amputés en 2007 alors que ses résultats, s'ils sont évidemment perfectibles, sont loin d'être négligeables. Il est indispensable de le pérenniser avec les moyens nécessaires si l'on veut qu'il porte pleinement ses fruits. Or, cette année, nous avons été obligés de suspendre l'envoi de stagiaires en formation, car l'argent manque.
Comme vous avez pu le voir, monsieur le secrétaire d'État, Wallis-et-Futuna, plus que toute autre collectivité d'outre-mer, souffre de son enclavement. La desserte aérienne extérieure, du fait du monopole d'Aircalin - Air Calédonie international -, s'organise à des horaires peu pratiques et à des tarifs prohibitifs. Nous avons besoin de l'aide du Gouvernement pour améliorer cette situation. Ne faudrait-il pas désormais penser à autoriser une autre compagnie aérienne ?
L'enclavement, c'est aussi la fracture numérique. Lors du forum des îles du Pacifique, qui s'est tenu à Tonga en octobre 2007, vous avez dit qu'il était inadmissible que, au début du IIIe millénaire, les femmes et les hommes du Pacifique subissent une si injuste fracture numérique et qu'y remédier rapidement était pour vous un devoir d'équité et de justice. Le projet de câble sous-marin transpacifique reliant l'Australie à la Polynésie française, en passant à proximité de Wallis-et-Futuna, constitue une réponse adaptée à nos difficultés. Mais, nos moyens étant faibles, nous espérons pouvoir compter sur le soutien de l'État pour nous aider à financer une éventuelle participation du territoire à ce projet.
Dans un tout autre ordre d'idée, je souhaiterais appeler votre attention sur les mini-jeux du Pacifique Sud, qui se tiendront à Wallis-et-Futuna en 2013.
Pour la première fois, notre territoire organisera une grande manifestation régionale. Nous espérons pouvoir compter sur l'aide de l'État pour la réalisation d'infrastructures sportives et d'accueil afin que ces jeux se déroulent dans de bonnes conditions. Il y va du prestige de la France dans cette partie du monde. Pouvez-vous nous confirmer cet appui ?
Pour terminer, qu'il me soit permis d'appeler votre vigilance - comme je le fais, hélas ! presque chaque année depuis 1998 - sur les problèmes récurrents que nous rencontrons dans le cadre de l'exécution du contrat de développement.
Certains ministères prennent du retard dans la délégation des crédits, et cela est, bien sûr, très préjudiciable au territoire.
Par ailleurs, nous souffrons toujours du manque de personnel technique pour l'élaboration et le suivi de nos projets.
Pour ces raisons, Mme la ministre de l'intérieur, au cours du récent entretien qu'elle a accordé au président de l'assemblée territoriale, nous a proposé d'envoyer à Wallis et Futuna une mission d'ingénierie chargée d'effectuer un audit des services et d'évaluer précisément nos besoins. Nous souscrivons pleinement, comme le lui a confirmé le président de l'assemblée territoriale, à cette proposition, et nous espérons qu'elle pourra se concrétiser à brève échéance.
Je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d'État, des réponses que vous voudrez bien apporter à mes préoccupations. Nous nous comptons sur la loi de programme que vous préparez pour donner à l'outre-mer un nouvel élan, fondé sur l'intégration régionale et sur un développement durable, s'appuyant sur l'économie aussi bien que sur l'écologie.
Je ne peux conclure sans exprimer de nouveau, dans cette grande maison commune de la France, l'immense gratitude de nos populations, qui reconnaissent qu'elles bénéficient de la solidarité nationale rendue possible par le partage du fruit du travail de chacun.
Je voterai, bien entendu, en faveur des crédits qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à première vue, les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2008, qui s'élèvent à 1,76 milliard d'euros, contre 1,96 milliard d'euros en 2007, sont en baisse, même si, parallèlement, l'ensemble des concours de l'État en faveur de l'outre-mer, qui passe de 13 milliards d'euros à 15,3 milliards d'euros, est en hausse.
Cependant, si l'on considère que les crédits affectés à l'ancien programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » ont été transférés à d'autres missions, on observe que le projet de loi de finances pour 2008 progresse de 2 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2008 vient à un moment crucial, mais difficile pour l'avenir de Mayotte.
En effet, à l'exception de six matières, la plupart des dispositions de droit commun, notamment les codes de l'éducation et de la consommation, vont entrer en vigueur dans l'île à compter du 1er janvier 2008.
S'agissant du code de l'éducation, l'objectif dans le premier degré, est triple : supprimer les rotations de classes dans l'enseignement élémentaire, mettre aux normes d'hygiène et de sécurité les bâtiments existants, généraliser l'accueil des enfants de trois à cinq ans à l'école maternelle.
À ce jour, sur un programme quinquennal qui comporte 641 classes neuves à construire et 900 classes à rénover, les travaux réalisés ou en voie de l'être concernent 423 classes, et la quasi-totalité des écoles vétustes ont été mises aux normes, pour un coût total de 55 millions d'euros.
Il reste à résorber le déficit de 218 classes, auquel il faut ajouter les besoins nouveaux pour la période 2007-2013, soit 220 classes pour universaliser l'enseignement pré-élémentaire, 50 classes supplémentaires par an pour absorber la poussée démographique et un nombre indéterminé de classes pour accueillir les enfants issus de l'immigration clandestine, souvent déscolarisés, sans encadrement sérieux et abandonnés par des parents ayant fait l'objet de reconduites à la frontière.
La convention de développement entre l'État et Mayotte entre 2003 et 2007 a consacré 16,2 millions d'euros au titre de la lutte contre les rotations de classes et pour la mise aux normes des écoles, auxquels s'ajoutent, chaque année, les crédits de la dotation de construction et d'équipement des établissements scolaires, dont le montant varie en fonction de l'évolution des effectifs d'élèves dans le premier degré.
L'établissement public de coopération intercommunale chargé des écoles pour le compte des dix-sept communes de Mayotte est en rupture de trésorerie depuis six mois.
L'État lui doit 4,3 millions d'euros au titre de la convention de développement qui s'achève en 2007, le conseil général de Mayotte lui doit 1 million d'euros et les communes lui doivent 4,3 millions d'euros.
À quelques semaines de la clôture l'exercice de 2007, les perspectives de versement rapide par le conseil général de Mayotte des crédits du fonds intercommunal de péréquation s'estompent, ce qui aggrave les difficultés de trésorerie des communes et leur endettement.
Le contrat de projet 2007-2013 en cours de finalisation prévoit, pour l'enseignement du premier degré, une enveloppe d'environ 15 millions d'euros nettement inférieure à celle de 2003, pour une période plus longue et des besoins plus importants.
Au total, à la veille de la départementalisation de Mayotte, prévue par la loi, et de la dernière étape de la décentralisation, qui fera de nos communes des collectivités de plein exercice, l'état de l'enseignement du premier degré, socle de notre système éducatif, demeure préoccupant : les besoins augmentent et les perspectives de financement restent incertaines.
Quant à l'enseignement supérieur, je sais qu'il ne relève pas directement de votre mission, monsieur le secrétaire d'État, mais on peut penser que vous serez consulté lors de l'élaboration de l'ordonnance portant application de la loi Pécresse en outre-mer.
À ce propos, l'accord du 27 janvier 2000 sur l'avenir de Mayotte prévoit, faut-il le rappeler, l'implantation à Mayotte d'une antenne universitaire devant assurer les deux premières années d'étude, considérées comme un facteur important d'égalité des chances, face à l'échec massif que connaissent nos étudiants scolarisés hors de Mayotte.
De plus, le candidat Sarkozy s'était engagé dans ce sens. C'est un homme de parole : sans nul doute, il tiendra ses engagements.
Pour ma part, je ne verrais que des avantages à ce que la structuration de cet enseignement se fasse autour de l'institut de formation des maîtres de Dembéni, sous réserve qu'il soit transformé en établissement public de l'État et qu'un décret en Conseil d'État lui confère une autonomie administrative et financière.
J'évoquerai maintenant, plus brièvement, quelques aspects de l'application du code de la consommation à Mayotte.
Comme vous le savez, l'observatoire des prix, créé récemment, a confié à l'antenne de Mayotte de l'INSEE, le soin de conduire une étude sur les mécanismes de formation des prix à Mayotte, de procéder à des comparaisons avec d'autres collectivités, de façon à permettre aux pouvoirs publics de tirer des enseignements utiles, notamment quant à l'indexation éventuelle des salaires sur les prix, de mesurer l'ampleur des pratiques de concurrence déloyale, de repérer les produits non conformes aux règles de sécurité et de protection sanitaire.
Actuellement, il manque à Mayotte une structure de contrôle qui viendrait compléter le travail accompli par la direction régionale des douanes : l'installation à Mayotte d'une antenne de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est plus que nécessaire.
Je terminerai en évoquant l'avenir institutionnel de Mayotte.
Comme vous le savez, la loi prévoit qu'à l'issue du renouvellement du conseil général, en 2008, et si celui-ci en fait la demande à la majorité absolue, les Mahorais seront consultés sur la départementalisation de l'île.
À ce propos, je remercie le président de la commission des lois du Sénat, Jean-Jacques Hyest, et à travers lui l'ensemble de la commission des lois d'avoir accepté, à ma demande, l'envoi à Mayotte d'une mission d'information au mois de septembre prochain, mission qui permettrait de préparer au mieux cette consultation.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le secrétaire d'État, je voterai en faveur des crédits que vous nous soumettez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Avant de donner la parole à M. le secrétaire d'État, permettez-moi de dire combien ce débat est passionnant, d'autant que tous les intervenants ont démontré à la fois leur parfaite connaissance des dossiers et la passion qu'ils éprouvent pour leurs territoires et leurs populations.
Je suis désolé d'avoir parfois demandé à certains orateurs de respecter le temps de parole qui leur était imparti, mais c'est la règle du débat parlementaire.
Quoi qu'il en soit, en tant que président de séance, j'ai beaucoup apprécié les propos qui ont été tenus. (Applaudissements.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Monsieur le président, permettez-moi de faire mienne, en tant que représentant du Gouvernement dans ce débat, l'appréciation que vous venez de formuler.
Ce débat est un grand rendez-vous annuel. Il nous a permis de vivre, ensemble, un grand moment d'émotion, et j'aimerais que vous soyez bien plus nombreux dans cet hémicycle pour le partager.
Je voudrais tellement que nos livres d'histoire et de géographie fassent écho, auprès de tous les petits Français, de quelque territoire qu'ils soient, à la réalité que traduisent ces instants magiques dont vous venez de nous faire don ! Parce que la beauté et la grandeur de la France, c'est chacune et chacun d'entre vous qui les avez attestées cet après-midi en évoquant vos territoires ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous vous êtes exprimés, d'abord, avec votre coeur et même, j'ose le dire, avec vos tripes. Vous avez défendu avec détermination une histoire, une identité, une culture, un héritage, en même temps que vous avez manifesté votre profond attachement à l'idéal de la République Française.
Je vous en remercie tous très chaleureusement.
Ces instants, c'est vrai, monsieur le président, sont finalement trop brefs, et les règles gouvernant les temps de parole peuvent paraître bien cruelles quand on parcourt parfois plus de 20 000 kilomètres pour venir parler à cette tribune pendant six, huit ou dix minutes, au nom de l'océan Indien, de la Caraïbe, du Pacifique ou de l'Atlantique Nord. Devant le temps si court accordé à un représentant et du peuple français et de ces territoires ultramarins, on peut comprendre qu'il y ait parfois un profond sentiment de frustration.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Merci !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Croyez bien que c'est très modestement que je vais m'exprimer maintenant en réponse aux orateurs.
En effet, je n'ai pas la prétention de dire à cette tribune que mon budget est un bon budget parce que, à périmètre constant, il sera en augmentation de 2 % pour les autorisations d'engagement et de 3 % pour les crédits de paiement. Vous avez souvent entendu de tels propos avant moi et vous en entendrez bien d'autres après moi, puisque la démocratie est ainsi faite que chacun est appelé à n'exercer ses fonctions que pour un temps donné.
Je veux vous dire simplement que, durant le temps qui m'est donné, j'essaie, avec mon enthousiasme, ma passion, et grâce à la feuille de route que m'a confiée le Président de la République - beaucoup d'entre vous y ont fait référence - de servir au mieux nos territoires.
Comme certains l'ont souligné, notamment M. Simon Loueckhote, ce qui compte, ce n'est pas que le budget soit « bon » parce que les dépenses augmentent ou « mauvais » parce qu'elles baissent : chacun a son analyse. Ce qui importe, ainsi que l'a très bien exprimé Lucette Michaux-Chevry, c'est la nature de la politique que l'on veut mettre au service de l'outre-mer et l'intensité de cette volonté.
Imaginez, même si vous savez tous que c'est impossible, que j'obtienne pour l'outre-mer une augmentation de 15 %, de 20 %, voire de 30 %. Quand bien même je l'obtiendrais, cela ne changerait rien si, parallèlement, l'État, le Gouvernement et la représentation nationale - Assemblée nationale et Sénat - n'étaient pas déterminés à changer profondément le regard qu'ils portent sur l'outre-mer. En effet, ce qui est pour moi essentiel, comme pour beaucoup d'entre vous, c'est ce changement de regard et de volonté.
Doit-on continuer à s'enfermer dans des politiques dites « d'assistanat »? Au demeurant, je n'aime pas ce mot ni la stigmatisation qu'il recouvre, car il fut sans doute un temps où il n'y avait pas d'autre solution : il fallait apporter des réponses à des hommes et des femmes qui étaient totalement démunis, laissés sur le bord du chemin ; le devoir de l'État était alors - et il est toujours, dans certains cas - de les aider, de les soutenir, de les accompagner. Mais il est aujourd'hui plus que jamais indispensable de leur apporter une perspective d'avenir, de leur donner l'espoir que leurs enfants, pourront, un jour, bénéficier de l'ascenseur social pour se hisser au plus haut.
Voilà pourquoi je ne veux plus seulement parler de « rattrapage ». Oui au rattrapage, mais oui aussi à un nouvel élan économique, au dynamisme, à la prise de responsabilités ! Il importe d'assurer la solidarité pour les plus faibles et l'égalité des chances. Cela ne signifie pas le nivellement par le bas : assurer l'égalité des chances, c'est donner à chacun l'espoir de pouvoir, demain, parvenir au plus haut de l'échelle sociale.
Le devoir de la République est de donner à chaque enfant né sur son sol, et qui est de nationalité française, que ce soit à Wallis-et-Futuna, à Mayotte, dans le Pacifique Sud, dans la Caraïbe, dans l'océan Indien ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, la possibilité et le droit d'exercer les plus hautes responsabilités au sein de notre pays. Telles sont les valeurs de la République !
Je vais maintenant m'efforcer de répondre sur quelques points techniques, financiers et administratifs que certains d'entre vous ont évoqués.
Monsieur Lise, vous avez affirmé qu'il n'y avait pas d'évolution des crédits en faveur du logement. Je souligne que ces crédits bénéficient d'une augmentation de 25 millions d'euros, que 10 millions d'euros supplémentaires sont consacrés aux engagements contractuels et 50 millions d'euros aux exonérations de charges sociales, ce qui représente une majoration de 3 % des crédits de paiement.
S'agissant des emplois aidés, nous veillerons à un juste traitement de l'outre-mer. L'effort au profit du secteur marchand, via la loi de programme, devra être pris en compte.
Je reviendrai tout à l'heure sur la question de la zone franche globale, mais je veux d'ores et déjà vous rappeler, monsieur Lise, que la concertation locale que nous avons engagée ensemble se déroule depuis la mi-septembre. Je répète que je tiendrai le plus grand compte de la contribution du conseil régional. Son président, M. Alfred Marie-Jeanne, m'a dit qu'un schéma régional était en cours d'élaboration, et vous-même, au niveau du conseil général de la Martinique, avez lancé votre Agenda 21. Vous me reprochez de ne pas avoir pris en compte cette contribution dans le projet de zone franche globale, mais j'attends toujours vos conclusions ! Si vous me les rendez avant la fin de l'année, je vous promets que j'en tiendrai totalement compte.
En ce qui concerne le cyclone Dean, je ne reviens pas sur l'effort de l'État. Le relogement des sinistrés a justifié l'élaboration d'un plan d'ensemble dans lequel cet effort est évalué à 40 millions d'euros.
Monsieur Lise, puisque vous présidez le conseil de l'habitat, vous savez bien que la Martinique a fait le choix de réhabiliter les logements anciens plutôt que d'en construire de nouveaux. Vous me dites que 32 logements seulement ont été construits l'année dernière : c'était le choix du conseil de l'habitat ! (M. Claude Lise fait un signe de dénégation.) Vous avez préféré orienter l'essentiel des moyens que l'État vous a accordés sur la réhabilitation plutôt que sur la construction. C'est un choix local !
Je note aussi que la pénurie de terrains et l'absence d'établissement public foncier, faute de consensus local, n'aident pas l'ensemble des communes de la Martinique à avoir une maîtrise du foncier qui nous permette de mener une politique de construction de logements plus dynamique. Je veillerai à ce que la loi de programme vous apporte des outils vous donnant la possibilité, dans la perspective de la construction de logements, de mieux maîtriser vos politiques foncières. Voilà comment j'entends vous accompagner dans ce domaine.
D'ailleurs, la situation que vous avez décrite en matière de logement ne me paraît pas résulter d'une baisse des crédits puisque, en 2007 la Martinique avait disposé de 35,4 millions d'euros, contre 26,7 millions d'euros en 2006. La situation de 2007 ne résulte donc pas d'une diminution des moyens budgétaires.
M. Claude Lise. Il y avait 16 millions d'euros de dettes !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. La situation constatée au 31 décembre 2006 a été réglée. La situation actuelle me paraît s'expliquer par les choix opérés localement.
Permettez-moi de citer quelques chiffres permettant d'établir des comparaisons en ce qui concerne la production de logements sociaux.
Entre 2003 et 2006, on a construit en moyenne chaque année 1 453 logements sociaux en Guadeloupe, contre 399 en Martinique. Pour l'amélioration de l'habitat, les chiffres étaient de 692 en Guadeloupe, contre 1 035 en Martinique. On voit bien que des choix différents ont été faits par les acteurs locaux à partir des moyens qui ont été mis à leur disposition par l'État. Je précise que, en application de la loi sur le droit au logement opposable, ce sont 700 logements locatifs sociaux qui devraient être construits chaque année !
Vous estimez que l'État n'a pas rempli sa mission non plus en ce qui concerne les conséquences du cyclone Dean. Je n'ai pas envie de polémiquer sur ce sujet. Nous avons pris des engagements. Je suis arrivé sur l'île dans les heures qui ont suivi la catastrophe. Je suis revenu quarante-huit heures après avec le Premier ministre, et nous reviendrons avant la fin du mois de janvier pour veiller à ce que tous nos engagements soient respectés, monsieur Lise.
Il a été rappelé que le conseil général de la Martinique avait apporté 10 millions d'euros, le conseil régional, 12 millions d'euros, ce qui est tout à leur honneur. Plusieurs collectivités de métropole sont également intervenues. Malheureusement, leur effort a été modeste et j'aurais souhaité que certaines d'entre elles fassent preuve de plus de solidarité. Leur aide s'est élevée au total à 236 184 euros. Je m'honore que le département dont je préside le conseil général ait apporté une contribution de 100 000 euros, soit presque 50 % du montant global. C'était notre manière à nous, Méditerranéens, de témoigner notre solidarité à nos amis des Antilles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'Union centriste.)
Mais la vérité des chiffres, telle qu'elle résulte de l'évaluation des inspections, c'est un coût de 500 millions d'euros, à répartir entre les assurances et l'État. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la reconnaissance très rapide de l'état de catastrophe naturelle a permis de débloquer la situation et d'accélérer le remboursement par les assurances. En ce qui concerne la participation de l'État, 60 millions d'euros proviennent du fonds de secours, auxquels s'ajoutent 5 millions d'euros du FISAC, le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, et 4,5 millions d'euros du ministère de l'agriculture.
Une demande est en cours auprès de l'Union européenne, qui, je l'espère, va répondre aussi favorablement qu'elle l'avait fait pour le cyclone Gamède. En tout cas, très rapidement, je devrais obtenir des assurances de la part du commissaire en charge de ce dossier.
Il reste à finaliser un plan « logement » pour rénover ou reconstruire les 200 logements touchés. Nous travaillons avec les services locaux de l'État et les collectivités afin de boucler le plan d'action dans les prochaines semaines.
MM. Daniel Marsin et Serge Larcher ont évidemment évoqué le récent séisme. Ce séisme, dont l'épicentre se trouvait à seize kilomètres au nord de Fort-de-France et qui s'est produit à cent quarante-deux kilomètres de profondeur, a, pour cette raison, été plus fortement ressenti dans des pays voisins qu'à la Martinique. Mais il aurait pu avoir des conséquences extrêmement dramatiques.
C'est bien pourquoi il est urgent de mettre en oeuvre aux Antilles le plan « séisme », qui a été arrêté en conseil des ministres au début de 2007. Une première tranche de 350 millions d'euros sera mobilisée en priorité pour le logement social et les constructions scolaires. Vous pouvez, messieurs les sénateurs, compter sur ma très ferme détermination à cet égard.
Madame Hoarau, en ce qui concerne les contrats aidés, nous sommes très vigilants quant aux moyens attribués à l'outre-mer. Mais je demande aux élus de ces régions de noter les efforts consentis sur les exonérations de charges sociales ainsi que ceux qui seront faits pour les zones franches globales.
Le logement fait l'objet d'un volet important, j'en ai déjà parlé et j'y reviendrai en répondant à Mme Michaux-Chevry.
Sur la continuité territoriale, vous avez évoqué, de même que M. Marsin, une réforme du régime du passeport-mobilité doit intervenir afin de lui donner plus d'efficacité.
Dans le même temps, nous essayons d'agir sur les tarifs aériens, et les réunions que j'ai organisées avec les compagnies aériennes devraient faciliter la concurrence. L'allégement des obligations de service public et l'arrivée de nouveaux appareils sont prévus. Je soutiens votre démarche, madame Hoarau, afin que nous puissions accueillir à la Réunion des gros-porteurs tels que l'A 380, qui favoriseront la concurrence sur la desserte.
Je précise qu'il n'est pas question de remettre en cause les congés bonifiés, mais il faut les répartir sur l'ensemble de l'année, de manière à lisser le plus possible les périodes d'hyper-pointe. Ce thème fait également l'objet de la négociation en cours avec l'ensemble des compagnies aériennes.
Monsieur Marsin, vous avez souhaité avoir des garanties de l'État concernant l'opération de rénovation urbaine de votre commune des Abymes. C'est sans doute l'un des projets les plus ambitieux qui sont actuellement mis en oeuvre sur le territoire national, tant par l'importance des montants financiers en jeu - 416 millions d'euros - que par son caractère résolument innovant, à travers un appel significatif à la défiscalisation. Je m'engage à ce que l'État vous accompagne tout au long de l'opération par des moyens aussi bien budgétaires que fiscaux ; vous pourrez compter sur mon appui le plus total.
MM. Adrien Giraud et Soibahadine Ibrahim Ramadani ont tous deux évoqué le thème de l'évolution statutaire de Mayotte. Je l'ai dit ce matin, si le conseil général de Mayotte souhaite cette évolution, le Gouvernement consultera les Mahorais au lendemain des élections cantonales du mois de mars prochain. C'est la Constitution et c'est l'engagement du Président de la République pris le 13 juillet dernier, rue Oudinot.
Nous devrons ensuite élaborer ensemble l'évolution vers une départementalisation progressive et adaptée.
En ce qui concerne le statut européen, aujourd'hui, Mayotte est classée pays et territoire d'outre-mer. Avec le traité simplifié, Mayotte pourra devenir plus facilement une région ultrapériphérique et s'inscrire dans la politique de cohésion de l'Union européenne.
Monsieur Giraud, je partage votre souhait de voir évoluer ce statut européen. C'est la raison pour laquelle j'ai veillé à ce qu'une clause passerelle soit prévue dans le futur traité européen pour permettre cette évolution. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Sur les crédits européens, je vous indique que le dixième FED, Fonds européen de développement, prévoit une enveloppe pour Mayotte de 22 830 000 euros, alors que 15 210 000 euros étaient initialement prévus dans le neuvième FED ; c'est donc une augmentation non négligeable, qui mérite d'être soulignée.
Concernant le contrat de projets, les travaux de concertation sont achevés et le Gouvernement - je me rendrai moi-même à Mayotte à cette fin - entend le signer au début de l'année 2008.
La conjugaison des deux instruments contractuels que sont le FED et le contrat de projets permettront de combler les retards que vous avez relevés et de financer les infrastructures lourdes dont l'archipel a besoin pour son développement. Nous avons la volonté de faire retenir, dans ce contrat de projets, tout ce qui touche aux infrastructures, notamment portuaires et aéroportuaires, mais aussi les volets traitant de la formation et du logement, qui sont les plus importants.
Monsieur Ibrahim Ramadani, je vous rappelle l'engagement du Président de la République de créer une antenne universitaire à Mayotte : je travaille sur cette question avec Valérie Pécresse.
S'agissant des conclusions de l'Observatoire des prix et des revenus, elles seront naturellement prises en compte dans les réflexions sur le développement économique et social de Mayotte.
J'en viens maintenant, madame Michaux-Chevry, aux accords de partenariat économique que vous avez évoqués, ainsi que Mme Hoarau.
Les accords entre l'Union européenne et les pays de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, vous le savez, sont négociés par la Commission au nom des États membres et sur la base du mandat que ceux-ci lui ont donné. Ce mandat autorise des mesures spécifiques en faveur des départements d'outre-mer.
Dès 2004, l'État a fait valoir ses positions auprès de la Commission, associant à sa démarche les assemblées locales et les acteurs socioprofessionnels. Au cours des six derniers mois, le Gouvernement a obtenu des résultats : l'octroi de mer a été exclu de la négociation, la clause de sauvegarde régionalisée sur les produits des départements d'outre-mer est maintenue et les mesures transitoires sur la banane et le sucre ont été acceptées. Mais tout n'a pas été possible ! Nous sommes, je vous le rappelle, vingt-sept États membres, et nos intérêts ne convergent pas toujours, malheureusement.
Vous pouvez compter sur notre vigilance et notre détermination pour que, à l'issue de ces négociations, l'outre-mer ne soit pas fragilisé mais puisse, au contraire, développer ses atouts. Puisque nous sommes six pays sur vingt-sept à être concernés, je vais réunir mes cinq autres homologues pour préparer la prochaine présidence française de l'Union européenne : en présentant des propositions communes nous devrions obtenir des avancées significatives sur ces sujets.
Monsieur Othily, vous avez également parlé du logement. Vous avez souligné l'effort exceptionnel entrepris en 2007 pour régler les dettes ; je peux vous confirmer que la loi de finances pour 2008 prévoit un abondement de 25 millions d'euros, complété par les mesures qui sont envisagées pour figurer dans la loi de programme à venir.
Vous m'avez surtout interrogé, presque solennellement, sur l'avenir du FEDOM. Je vous dois une vraie réponse. Les emplois aidés sont transférés au ministère de l'emploi où ils seront adossés aux masses déjà gérées par ce ministère. Comme je l'ai dit avec Mme Alliot-Marie ce matin, 153 millions d'euros exactement sont passés du ministère de l'outre-mer au ministère de l'emploi. Nous veillerons à obtenir un droit de regard direct sur cette enveloppe afin de nous assurer que ces crédits ne seront pas détournés de la destination qui était la leur dans le passé et qui doit demeurer. Une nouvelle architecture budgétaire et institutionnelle nous a conduits à ces modifications, mais rien ne sera changé dans la manière dont nous administrerons et déléguerons les moyens accordés dans le cadre de cette enveloppe. J'y serai particulièrement attentif.
Monsieur Gillot, vous m'avez fait observer qu'il serait souhaitable que les documents budgétaires comportent des données par territoire. Je vous invite à consulter les pages 116 et suivantes du document de politique transversale : elles démontrent que nous avons veillé à ce que les efforts contenus dans cette loi de finances puissent être identifiés territoire par territoire.
Par ailleurs, je sais combien la question du plan d'élimination des déchets ménagers est sensible en Guadeloupe. Soyez assuré que l'État, par l'intermédiaire de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, et les crédits du contrat de projets, mais également l'Union européenne, avec les crédits du FEDER, se mobiliseront autour des investissements majeurs prévus par ce plan. Un effort important, des collectivités comme de l'État, sera nécessaire pour mettre en oeuvre ces actions aujourd'hui indispensables.
Sur l'utilisation du chlordécone, je ne peux que réaffirmer mon souci d'une complète transparence dans la mise en place d'un plan d'action. Son volet agricole prévoit l'indemnisation des agriculteurs qui vont devoir se reconvertir, l'encouragement à des pratiques plus respectueuses de l'environnement sanitaire, avec l'aboutissement de l'ensemble des études engagées, ainsi que des mesures de protection des consommateurs. Le volet environnemental s'attachera à la protection des milieux aquatiques.
Enfin, je vous prends à témoin, monsieur le sénateur, ainsi que Mme Lucette Michaux-Chevry et tous les sénateurs qui représentent la Martinique ou la Guadeloupe : sincèrement, quand on connaît le sujet, peut-on penser qu'il est normal d'avoir cloué les Antilles au pilori médiatique, et cela sur la base d'un simple rapport d'une personnalité de la recherche médicale, dont je ne remets nullement en cause les compétences, mais qui est revenue quelques semaines plus tard sur ses propres déclarations !
Les pesticides ont effectivement empoisonné une partie nos sols jusqu'en 1993 avec l'utilisation du chlordécone, mais il faut tout de même bien insister sur le fait qu'il ne s'agit que d'une partie des sols. Dès lors, on n'a pas le droit de jeter l'opprobre sur l'ensemble des territoires de production, et je sais, monsieur Lise, que vous souscrirez à cette position. (M. Claude Lise fait un signe d'approbation.)
À Marie-Galante, par exemple, le chlordécone n'a jamais été utilisé ! Alors, pourquoi jeter le discrédit sur la Guadeloupe et toutes ses productions, alors qu'il y a aux Antilles françaises tant de productions à la qualité irréprochable ? Il est singulièrement injuste de donner ainsi en pâture à l'opinion toutes les productions de nos terres antillaises !
C'est pourquoi, en même temps que nous prenons toutes les mesures propres à garantir la santé de nos compatriotes, je préconise la délivrance de labels de qualité aux productions de territoires qui n'ont jamais été pollués, afin que justice soit enfin rendue aux Antilles, Martinique et Guadeloupe réunies ! Je souhaitais saisir cette occasion pour le dire ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du RDSE, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
Vous m'avez également parlé de la lutte contre la délinquance. Vous avez raison ! J'ai pris la décision de créer un groupement d'intervention régional par département d'outre-mer.
Je sais que la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs de Rachida Dati sur les peines plancher produit ses premiers effets, notamment sur la délinquance des mineurs. Je comprends qu'un certain nombre de nos concitoyens soient exaspérés de voir un multirécidiviste, interpellé quinze, seize, vingt fois, être renvoyé dans son quartier avec une simple admonestation ! Désormais, à la première récidive, une peine plancher s'applique, ce qui en surprend quelques-uns, qui commencent à potasser le code de procédure pénale en rentrant dans leur quartier une fois leur peine purgée. Tant mieux ! Ils seront amenés à y réfléchir à deux fois avant de continuer à troubler la vie des honnêtes citoyens sur l'ensemble de nos territoires.
Monsieur Detcheverry, je suis conscient de l'importance des filières pêche et aquaculture pour Saint-Pierre-et-Miquelon, tant en termes d'emplois que de savoir-faire. J'ai entendu vos préoccupations et je réunirai, ainsi que vous le demandez, tout comme le président du conseil territorial et Mme le député Annick Girardin, une table ronde sur l'avenir de ces filières, le 14 décembre prochain.
Une étape importante pour le développement économique de votre territoire, monsieur le sénateur, a été la signature de l'accord franco-canadien sur l'exploitation et l'exploration des champs d'hydrocarbures transfrontaliers, mais je sais que cela ne règle pas la question du plateau continental et de ses ressources. Le Gouvernement continue d'étudier les conditions dans lesquelles un dossier pourrait être déposé par la France, toujours dans un contexte marqué par la nécessité de développer la coopération régionale avec le Canada. Je compte m'inspirer de l'ensemble des propositions que vous avez présentées ici même et que vous m'avez communiquées par ailleurs de manière plus complète.
Je connais la fragilité des finances des collectivités de votre territoire et vous avez eu raison d'intervenir sur ce sujet. Je viens de mettre en place un million d'euros pour le conseil territorial ainsi que des crédits pour les communes de Saint-Pierre et de Miquelon-Langlade. Je suis d'accord pour examiner avec vous, dans un délai de trois mois, les conditions d'une rénovation de vos dotations.
Bien évidemment, quand on sait que ce territoire se trouve près de quatre mois de l'année sous la neige, on comprend que le coût de déneigement d'un kilomètre de voirie ou d'entretien des équipements publics n'est pas le même qu'en métropole ou dans d'autres territoires d'outre-mer qui ne connaissent pas les mêmes phénomènes climatiques ! Si l'on considère que la dotation par habitant doit être la même à Saint-Pierre-et-Miquelon qu'en métropole, les collectivités de votre territoire, monsieur Detcheverry, ne peuvent que se trouver en difficulté. Le Gouvernement doit mieux tenir compte de ces spécificités que par le passé.
Monsieur Laufoaulu, il est vrai que les noms de Wallis et de Futuna évoquent de manière quasiment extrême l'isolement qui peut être ressenti par beaucoup de nos compatriotes d'outre-mer. Je pense que tout l'hémicycle a été très sensible à ce que vous avez dit à ce sujet, et je n'oublie pas l'émotion que vous nous aviez déjà fait partager il y a un mois et demi.
Il faut savoir qu'il n'y a qu'un seul Twin Otter pour effectuer les allers-retours entre Wallis et Futuna et que, s'il tombe en panne, les déplacements entre les îles sont pratiquement impossibles, les évacuations sanitaires l'étant, quant à elles, totalement. Comment ne pas voir là une injustice ?
Monsieur le sénateur, je sais que vous vous êtes beaucoup démené pour cette cause. Je veux donc vous confirmer la location d'un deuxième Twin Otter par contrat d'une durée de trois ans, signé entre Aircalin et la société australienne propriétaire, avec l'aide de crédits d'État pris sur la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) L'avion devrait être opérationnel en avril prochain, une fois les formalités d'agrément de l'appareil effectuées. La desserte permanente sera ainsi garantie entre les îles de Wallis et de Futuna.
Je vous confirme également que les travaux de la piste de Vele sont désormais en cours. Ils seront évidemment menés à leur terme dans les meilleurs délais
Je me réjouis, comme vous, que votre territoire organise les jeux du Pacifique Sud en 2013. C'est un magnifique événement, qui doit permettre de récupérer, de manière transversale, des fonds importants de tous les ministères et d'accélérer ainsi la politique de rattrapage en matière d'infrastructures au bénéfice de Wallis et de Futuna.
La convention collective de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna sera prochainement signée sur place, ce qui permettra de pérenniser l'action de cette agence ; des moyens budgétaires, à hauteur de 170 000 euros, ont été affectés en ce sens pour l'année 2007.
Vous m'avez parlé du programme « quarante cadres » en matière de formation professionnelle. C'est un enjeu fondamental pour la jeunesse ultramarine en général et pour celle de Wallis-et-Futuna en particulier. Les moyens de ce programme sont préservés en 2008, comme ils l'étaient en 2007, pour assurer cette mission essentielle au développement de votre territoire.
Je soutiendrai également une démarche tendant à acquérir ou à construire des logements spécifiques à Nouméa pour les étudiants wallisiens et futuniens, qui en manquent cruellement, afin qu'ils puissent suivre leurs études à l'université de la Nouvelle-Calédonie.
S'agissant de la réduction de la fracture numérique, un des cinq cybercafés prévus est déjà réalisé, les quatre autres le seront dans le courant de l'année 2008. L'introduction de la concurrence est prévue avec l'arrivée d'un deuxième opérateur, pour assurer une meilleure qualité de service à un meilleur tarif.
Chacun doit également savoir que Wallis-et-Futuna est le dernier territoire de la République totalement dépourvu à ce jour de desserte en téléphonie mobile. Je m'engage à ce que, d'ici à juin 2008, le programme de téléphonie mobile ait démarré : c'est notre devoir.
Vous aurez en outre l'appui de l'État pour que le câble sous-marin qui va de Sidney à Nouméa et que je souhaite prolonger jusqu'à Papeete dans le cadre du contrat de projets avec la Polynésie française, desserve également Wallis-et-Futuna et l'ensemble des autres archipels de la Polynésie française.
J'en viens maintenant à la question importante posée Jean-Paul Virapoullé sur les prix.
Je souscris à tout ce que vous avez dit, monsieur le sénateur : les prix outre-mer sont parfois très élevés par rapport à ceux qui sont pratiqués en métropole. C'est pourquoi le Gouvernement s'efforce, lorsque cela est possible, d'agir sur leur structure pour qu'ils baissent.
Par exemple, en matière de médicaments, le Gouvernement a décidé - à la suite de votre initiative, monsieur Virapoullé, que je veux saluer ici -, d'abaisser leur prix de manière significative. Cette mesure profitera notamment aux populations les plus fragiles. Mes services étudient, avec ceux du ministère de la santé, une baisse d'au moins 5 % du prix des médicaments, et ce avant la fin de l'année 2007.
Vous avez cité beaucoup d'autres exemples de cet ordre, monsieur le sénateur, en invoquant des « surcoûts coloniaux ». C'est là une façon d'exprimer les choses qui vous est propre. (M. Jean-Paul Virapoullé sourit.) En tout cas, sur le fond, c'est un combat que nous devons livrer ensemble, au service de tous nos compatriotes, pour instaurer plus de justice, plus d'équité.
M. Loueckhote, vous avez évoqué l'engagement de l'État en Nouvelle-Calédonie et la nécessité d'aboutir à un équilibre entre les différents territoires.
Cet engagement, vous le savez, monsieur le sénateur, est plein et entier. Je me réjouis que, grâce à l'usine du Sud, la Nouvelle-Calédonie connaisse aujourd'hui un essor économique sur une partie de son territoire qui a longtemps été en difficulté.
De plus, nous venons enfin d'obtenir un accord des actionnaires au sujet de l'usine du Nord. Vous étiez d'ailleurs à mes côtés que lorsque j'ai rencontré le président de la province du Nord, M. Paul Néaoutyine. Je rappelle que ce sont les 230 millions de dollars accordés par l'État au titre de la défiscalisation qui ont permis de parvenir à cet accord qui ouvre la voie à la réalisation de l'usine du Nord. Le président Paul Néaoutyine a en outre demandé que nous accompagnions ce chantier, en matière de logement des actifs et de mise en place des infrastructures routières nécessaires à la desserte de ce territoire et de ce site ; nous y travaillons aujourd'hui, et j'apporterai des réponses positives à la province du Nord.
En tout état de cause, si l'on a pu enregistrer, en Nouvelle-Calédonie, une croissance de près de 6,3 % en 2005, de quelque 7,3 % en 2006, ainsi qu'une baisse du nombre des demandeurs d'emploi de 35 % sur les quatre dernières années, c'est parce que les choix que nous avons faits ensemble sont sans doute en train de porter leurs fruits.
Cela me permet de réaffirmer à cette tribune ce que j'ai dit avec beaucoup de conviction en Nouvelle-Calédonie : nous devons respecter les accords de Nouméa, veiller à ce que les demandes réitérées du comité des signataires soient observées. Nous en parlerons le 20 décembre prochain à Matignon.
Pourquoi suis-je attaché au respect des accords de Nouméa ? Parce que mon voeu politique personnel est de voir l'avenir de la Nouvelle-Calédonie s'inscrire au sein de la République française. Or, si nous veillons au respect des accords de Nouméa, si nous accompagnons la Nouvelle-Calédonie dans son développement économique, si nous respectons un calendrier de transfert de compétences au profit de l'ensemble des institutions de la Nouvelle-Calédonie, je ne doute pas que, lors du référendum sur l'autodétermination, qui se tiendra entre 2014 et 2018, les Néo-Calédoniens, dans leur grande majorité, ne se tromperont pas.
Bien entendu, je veux que tout se fasse dans le respect de chacun, dans le respect des différentes convictions, dans la tolérance, mais je veux en même temps que l'État soit présent en Nouvelle-Calédonie et ferme dans l'exercice de ses responsabilités régaliennes. Quand, ici ou là, certains organisent le blocage d'usines, placent des rubans bleus sur les vitrines des commerçants pour les empêcher de travailler et essaient de paralyser le développement économique, je dis que l'État doit assumer ses responsabilités et faire régner l'ordre public. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Par conséquent, oui au respect des accords de Nouméa, oui à la prise en compte des demandes du comité des signataires, oui aux transferts de compétences, mais dans le cadre d'un exercice plein et entier par l'État de ses compétences régaliennes en Nouvelle-Calédonie. Je voulais le rappeler à cette occasion.
Par ailleurs, je vous remercie, monsieur Loueckhote, d'avoir abordé le problème de l'indemnité temporaire de retraite, qui a fait l'objet d'un amendement présenté samedi dernier par le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.
Nous devons effectivement prendre le temps de la concertation et de la réflexion. Il faut étudier l'incidence économique du dispositif et voir comment le réformer éventuellement. Je vous donne mon accord pour la constitution du groupe de travail dont vous avez proposé la création. Ses travaux seront pris en compte dans le bilan d'étape de la réforme des retraites engagée depuis 2003.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Cela me paraît fondamental.
Je sais bien que personne, parmi nos concitoyens, ne pourrait comprendre que nous en restions de manière durable à la situation actuelle, mais lorsque je considère, par exemple, le cas de la Polynésie française - je profite de cette occasion pour l'évoquer puisqu'elle n'était pas représentée aujourd'hui dans l'hémicycle -, je constate que quelque 6 000 retraités bénéficient actuellement du dispositif, dont 3 000 sont des Polynésiens, et que près de 11 000 autres personnes sont sur le point de partir à la retraite et resteront en Polynésie française. L'enjeu, ce sont quelque 230 millions d'euros injectés chaque année dans l'économie locale. On imagine donc aisément les conséquences qu'entraînerait une brutale remise en cause de la situation actuelle, là-bas comme dans les autres collectivités d'outre-mer.
Par conséquent, si nous avons le devoir, comme pour la réforme des régimes spéciaux de retraite, de réfléchir aux moyens d'instaurer davantage de justice et d'équité, au travers notamment du groupe de travail dont vous proposez la création, nous devons en même temps veiller à ce que, par exemple, figurent dans la future loi de programme des dispositions permettant d'accompagner une mutation progressive, de telle sorte qu'aucune de nos collectivités d'outre-mer ne soit lésée.
Voilà comment je vous propose de travailler sur ce dossier, monsieur le sénateur, afin d'apporter des réponses à la question que vous avez soulevée.
Enfin, vous m'avez fait part de votre souhait qu'une réflexion soit menée sur le statut européen de nos collectivités d'outre-mer. Je partage totalement votre voeu, et je vous précise que la Commission européenne s'est résolument engagée dans la rédaction d'un Livre vert sur l'évolution du statut des pays et territoires d'outre-mer et la refondation de la décision d'association. Le forum des PTOM, qui a réuni la semaine dernière à Bruxelles des représentants de l'ensemble des PTOM français, britanniques, danois et néerlandais, avait pour thème central cette évolution. Je suis heureux de constater quel rôle moteur joue la France dans le traitement de cette question.
Comme je vous l'ai dit, je réunirai l'ensemble de mes homologues très prochainement pour que nous puissions tous nous impliquer dans ce dossier, car nul ne doit oublier que nos compatriotes d'outre-mer, qu'ils vivent dans l'océan Atlantique, dans l'océan Indien ou dans l'océan Pacifique, sont aussi des citoyens européens à part entière. Je ne doute pas que la présidence française de l'Union européenne ne soit l'occasion de faire progresser la dimension européenne du statut des PTOM.
J'évoquerai maintenant les pistes de réflexion que nombre d'entre vous ont tracées, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment Mme Michaux-Chevry, M. Loueckhote et M. Virapoullé.
Une phrase de Lucette Michaux-Chevry m'a beaucoup séduit. Vous avez dit, madame le sénateur : « Passons à des politiques de responsabilité. » Vous avez ajouté que telle était la volonté du Président de la République, m'invitant à la respecter. Imaginez-vous un seul instant, madame le sénateur, que je puisse ne pas respecter la volonté du Président de la République ? (Sourires.)
Mme Lucette Michaux-Chevry. Non, mais je veux que vous alliez plus vite !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Je suis heureux que vous soyez prête, et nombre de vos collègues avec vous, à m'accompagner pour obtenir que soit respectée la volonté du Président de la République. Je suis très satisfait de voir que, finalement, sur toutes les travées, chacun a évoqué, à sa manière, la nécessité d'un juste équilibre entre, d'une part, solidarité et mesures d'accompagnement social pour les plus défavorisés - cela reste une exigence, parce que c'est l'esprit même de la République française - et, d'autre part, exploration de nouvelles voies de développement économique pour garantir que l'on va sortir de l'ère des politiques de simple accompagnement ou de consommation et entrer enfin dans celle des politiques de production, qui permettront de mieux valoriser les ressources tant humaines que naturelles de nos collectivités d'outre-mer.
En effet, ces ressources sont considérables, qu'il s'agisse de talents, de matière grise ou de cette jeunesse tout à fait extraordinaire qui, pour peu qu'on lui en accorde les moyens, aura sans doute à coeur de donner le meilleur d'elle-même. Lui apporter des réponses afin qu'elle puisse réaliser ses ambitions est pour nous un impératif absolu.
Alors, bien sûr, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de prendre ce projet de budget pour ce qu'il est. Encore une fois, je vous le présente modestement ; il n'a rien de révolutionnaire ni de bien différent de ce qui a pu vous être présenté par le passé, si ce n'est qu'il anticipe sur ce que je vous proposerai au mois de février prochain avec le projet de loi de programme pour l'outre-mer, qui comportera notamment la création de zones franches globales.
Ce projet contiendra aussi, monsieur Virapoullé, des mesures très fortes en faveur du logement social et de l'accompagnement social des personnes âgées ou très démunies. En effet, c'est une exigence que l'on peut satisfaire par des politiques innovantes. Je puis vous annoncer, par exemple, que je veillerai à ce que la délimitation des secteurs prioritaires concerne les entreprises prêtes à s'impliquer pour créer plus de richesses, plus d'emplois et donc plus de réponses aux besoins sociaux, mais également les services à la personne,...
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. ... le petit commerce, et parfois même le petit commerce dans les zones à faible densité de population.
Ainsi, pour ne citer que le cas de la Guadeloupe, il y aura des mesures favorables au petit commerce à Pointe-à-Pitre, mais aussi, à un second échelon, à Marie-Galante. La double insularité doit être prise en compte, car la situation est différente selon que l'on travaille au coeur d'une agglomération, avec de bonnes perspectives de chiffre d'affaires, ou sur un territoire plus isolé, où il est plus difficile de développer une activité.
Voilà la nouvelle dynamique que je vous propose d'instaurer, de manière progressive, en tirant partie de toutes les richesses de l'outre-mer.
Les pôles de compétitivité situés outre-mer, dont j'ai obtenu la labellisation dès ma prise de fonctions, constituent un autre axe. Je pense à la Guadeloupe, s'agissant des énergies renouvelables, ou à la Guyane, adossée au biopôle de Lyon, pour ce qui concerne la recherche sur les maladies tropicales.
À cet égard, je veux vous dire, monsieur Othily, que le nouvel appel à projets lancé aujourd'hui prendra en compte, au titre du fonds unique de financement de l'État, les projets que la Guyane déposera entre février et avril 2008, sans compter l'intervention de l'Agence nationale de la recherche, de l'Agence de l'innovation industrielle et, en matière de capital-risque, d'OSEO-Anvar. La forêt amazonienne recèle de très nombreuses molécules que la recherche peut exploiter pour fabriquer les médicaments du XXIe siècle permettant de lutter contre toutes les maladies tropicales. Quand je vois la situation que nous connaissons encore aux Antilles avec la dengue, je me dis qu'il serait peut-être temps de dynamiser nos politiques de recherche afin de trouver une solution. Je pourrais évoquer bien d'autres maladies...
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Excusez-moi d'être un peu long, monsieur le président, mais j'essaie de profiter de cette occasion pour éclairer tous les intervenants.
S'agissant de La Réunion, monsieur Virapoullé, vous m'avez fait visiter une usine de transformation de la canne à sucre en biocarburant. Il s'agit d'un modèle tout à fait extraordinaire puisque la Réunion produit aujourd'hui 35 % de l'énergie qu'elle consomme ! C'est la plus belle référence française dans ce domaine ! Je voudrais que la France entière sache que l'un de ses départements est exemplaire en matière de développement durable, et qu'il se situe outre-mer !
C'est pour nous un devoir que d'apporter, grâce à la future loi de programme et aux zones franches globales, des réponses aux attentes de l'outre-mer. Ainsi, un dossier de présentation d'un projet visant à faire de la Réunion une île « verte », totalement autonome en matière énergétique, et ce non pas dans quarante ou cinquante ans, mais dans les dix ans qui viennent, a été déposé. Ce qui est possible là-bas est possible dans tout l'outre-mer !
Telle est encore la dynamique nouvelle que je vous propose d'insuffler outre-mer. Elle sera créatrice d'emplois, de richesses, et fera de notre outre-mer une vraie référence pour la France, pour l'Union européenne et pour le monde entier.
Dans cette perspective, je veux que nous bâtissions ensemble dans le Pacifique, entre l'université de Nouméa et celle de Papeete, un pôle de compétitivité en matière de biodiversité, auquel nous associerons Wallis-et-Futuna. En particulier, je défends l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO du récif corallien de Nouméa. Toutes ces richesses méritent d'être mises en valeur plus qu'elles ne l'ont été par le passé.
Je tiens à vous remercier d'avoir, chacune et chacun avec sa part de vérité, défendu ardemment vos territoires.
Comme vous pouvez le constater, c'est non pas en imposant des solutions venues de Paris, mais en étant à votre écoute, en vous rencontrant, et en me rendant sur vos territoires que je veillerai à ce que cette future loi de programme - qui sera, bien sûr, librement débattue - mette à la disposition des acteurs locaux les outils leur permettant de donner une dynamique nouvelle et relever un nouveau défi pour les outre-mers et pour la France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. M. le secrétaire d'État a montré - avec brio et compétence - qu'il ne manquait ni d'enthousiasme ni de passion pour les territoires d'outre-mer, même s'il a largement dépassé le temps qui lui était accordé ! (Sourires.)
Alors que le temps qui leur était imparti était de trente-cinq minutes, la ministre de l'intérieur et le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer ont parlé pendant une heure et vingt minutes ! (Rires.) Je vous laisse imaginer combien il est compliqué d'organiser un débat parlementaire lorsque les ministres triplent leurs temps de parole !
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. C'est la passion !
M. le président. Nous comptons sur les sénateurs pour que nous restions dans le cadre fixé pour cette discussion ! Mais la passion des intervenants et la qualité de leurs propos justifiaient que nous y consacrions un peu plus de temps que prévu. Nous sommes tous heureux d'avoir assisté et participé à cette discussion.
Nous allons maintenant procéder à l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » figurant à l'état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Outre-mer |
1 752 791 712 |
1 719 201 712 |
Emploi outre-mer |
990 826 539 |
997 786 539 |
Dont titre 2 |
83 572 000 |
83 572 000 |
Conditions de vie outre-mer |
761 965 173 |
721 415 173 |
J'ai été saisi, dans le délai limite, d'une demande d'explication de vote de la part de Mme Hoarau.
La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez décidé de soumettre au Parlement une loi de programme pour répondre à la situation économique et sociale préoccupante dans les départements d'outre-mer. Comment pourrions ne pas considérer, nous aussi, que cette situation est préoccupante ?
À la Réunion, par exemple, sur une population active de 300 000 personnes, 90 000 sont privées d'emploi. Dans les vingt ans à venir, la Réunion comptera 140 000 actifs de plus ; au total, il faudra donc « gérer » 440 000 personnes.
Toujours sur le plan social, la Réunion détient le record du nombre d'illettrés, évalué à 120 000 personnes. En matière de logement, les besoins sont considérables : plus de 26 000 demandes sont en instance.
Ainsi, les exigences sociales sont multiples et massives. L'examen du budget permet-il de dire que les réponses apportées sont à la hauteur des besoins ? Non. En ira-t-il différemment lorsque nous examinerons votre projet de loi de programme ? Si cette dernière apporte une amélioration en termes de création d'emplois, ses effets ne se feront sentir que dans quelques années. Ainsi, si l'on ne veut pas voir la situation du chômage s'aggraver, il est impératif, pendant ce laps de temps, de maintenir, voire d'augmenter les crédits pour les emplois aidés. Or votre projet de budget consacre leur diminution.
Je suis de ceux et de celles qui pensent que l'avenir de nos territoires et départements d'outre-mer ne peut se résumer au maintien perpétuel des emplois aidés. Cependant, tant qu'un projet de développement global ne sera pas mis en oeuvre pour permettre au secteur marchand de créer des emplois, le maintien des emplois aidés est une nécessité, à condition que ces derniers ne viennent pas contredire le plan global de développement.
C'est la raison pour laquelle je propose, comme je l'ai déjà indiqué lors de la discussion générale, d'orienter ces crédits vers des secteurs consommateurs de main-d'oeuvre, comme les services à l'environnement et l'aide à la personne, tout en faisant les efforts nécessaires pour une professionnalisation des employés et une pérennisation des emplois.
Le développement global est réalisable à partir de grands travaux d'infrastructures. Par exemple, à la Réunion, la construction de la route des Tamarins et de celle du littoral ainsi que le projet du tram-train vont créer des milliers d'emplois pérennes.
Je pense aussi aux énergies renouvelables et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, dont l'essor engendrera des milliers d'emplois.
Je pense encore à un secteur très porteur dans l'océan Indien, qui peut faire l'objet d'une coopération avec nos voisins, celui de la pêche. Selon les professionnels, plus de 15 000 emplois peuvent être créés dans ce secteur.
Des solutions existent donc. Certaines sont déjà à l'étude avec votre participation, monsieur le secrétaire d'État, mais les retombées en termes d'emploi ne se feront ressentir que dans quelques années.
Je l'ai dit dans mon intervention générale, le Président de la République a proposé d'ouvrir plusieurs chantiers importants concernant l'outre-mer. Il a reconnu que l'outre-mer apportait énormément à la France et à la République. J'espérais que nous serions en quelque sorte « payés en retour » et que ces chantiers seraient ouverts avec nous. Or je n'en trouve pas trace dans ce projet de budget, qui est même en retrait par rapport aux engagements pris par le Président de la République.
Le projet de loi de programme corrigera peut-être le tir. En l'état, mon groupe ne peut voter ces crédits, qui ne répondent ni aux ambitions du Président de la République ni aux nôtres.
M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Outre-mer » figurant à l'état B.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 45 bis, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Outre-mer », ainsi que l'amendement portant article additionnel également rattaché.
Outre-mer
Article 45 bis
Dans le premier alinéa de l'article L. 2572-65 du code général des collectivités territoriales, l'année : « 2007 » est remplacée par l'année : « 2008 ». - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 45 bis
M. le président. L'amendement n° II-94, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 45 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Dans le premier alinéa de l'article 568 du code général des impôts, après les mots : « Le monopole de la vente au détail », sont insérés les mots : « en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer ».
II - Dans l'article 574 du même code, la référence : « 568 » est remplacée par la référence : « 570 »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Le monopole du tabac n'a pas été étendu aux départements d'outre-mer, où les ventes s'effectuent librement dans tous les magasins souhaitent se livrer à ce commerce.
Le décret du 30 mars 1948 a créé un régime spécifique, juridique, économique et fiscal, du tabac dans les départements d'outre-mer. Or ce dispositif, qui devait, selon le texte, être provisoire, dure depuis soixante ans !
Peut-être y avait-il à l'époque de bonnes raisons de faire une exception législative, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Comme d'autres parlementaires de l'outre-mer, j'ai attiré à plusieurs reprises l'attention du gouvernement précédent sur cette question. La réponse a toujours été la même : il conviendra d'examiner avec la direction générale des douanes et des droits indirects si une extension du monopole aux départements d'outre-mer peut être envisagée.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque parlait même d'une tendance à la diminution des décès liés au tabac à la Réunion. Or, monsieur le secrétaire d'État, les chiffres pour 2006 viennent d'être publiés : ce ne sont plus 500, mais près de 600 décès qui sont liés directement au tabac à la Réunion, soit six fois plus que les morts sur les routes.
Cette situation a assez duré. Il est temps maintenant de mettre fin à cette particularité qui n'est source d'aucun effet bénéfique pour l'outre-mer puisqu'elle nuit à la santé publique. S'il existe des spécificités juridiques nécessaires et appropriées, ce n'est pas le cas de celle-ci. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Trucy, en remplacement de M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances. La commission des finances a entendu les arguments de Mme Payet, mais, avant de donner un avis qui pourrait être favorable, elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Mme Payet a présenté, avec beaucoup de conviction, un amendement qui témoigne d'un réel problème de santé publique. Je partage totalement son inquiétude.
Après avoir indiqué les motifs de votre amendement, vous avez évoqué le système de distribution des tabacs dans les départements d'outre-mer. Il est en effet radicalement différent de celui qui existe en métropole.
Tout d'abord, les prix du tabac sont libres et peuvent donc être différents d'un point de vente à l'autre. Ils ne sont par ailleurs pas soumis à l'obligation d'homologation prévue par l'article 572 du code général des impôts. Depuis le 1er janvier 2004, les conseils généraux ont la possibilité de fixer un minimum de perception sur les cigarettes. Les recettes du droit de consommation sont affectées au budget du département. Le monopole de vente au détail des tabacs manufacturés n'existe donc pas dans les départements d'outre-mer.
Le Gouvernement ne peut pas méconnaître cette particularité qui touche directement, d'une part, aux ressources des départements d'outre-mer et, d'autre part, à la liberté du commerce et des prix.
Pour autant, il est aussi particulièrement attaché aux impératifs de santé publique, nos concitoyens d'outre-mer ayant à l'évidence fondamentalement droit, eux aussi, à la santé. La lutte contre le tabagisme appelle par conséquent les mêmes mesures de protection dans les départements d'outre-mer qu'en métropole.
Je souhaite donc que soit mis à l'étude l'impact que pourrait avoir l'instauration du monopole de la vente des tabacs par des buralistes agréés sur les petits commerces qui distribuent aujourd'hui librement le tabac au public. Je ne saurais en effet méconnaître les intérêts de ces derniers. Une expertise fine devra nous renseigner sur les conséquences de cette mesure sur leur chiffre d'affaires et sur leur marge.
L'instauration d'un monopole du tabac reviendra à la prise en gestion par les services financiers des directions régionales des douanes d'un réseau de buralistes spécialisés agréés par l'État, ce qui implique notamment que ceux-ci se voient appliquer, comme en métropole, un régime social particulier. Car on ne peut imposer les mêmes contraintes qu'en métropole sans, parallèlement, instituer un statut identique pour les distributeurs.
Votre proposition, madame Payet, est intéressante en ce qu'elle ouvre un délai pour étudier à fond les conditions de la mise en place du nouveau système. Le Gouvernement, en relation avec les parlementaires, les acteurs économiques et les collectivités concernés, disposera ainsi d'une année pour affiner l'ensemble du dispositif.
Cette proposition me paraissant tout à fait raisonnable, je m'en remets à la totale sagesse de la Haute Assemblée. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. François Trucy, au nom de la commission des finances. Devant une telle convergence de points de vue, la commission ne peut être que favorable. (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. Simon Loueckhote. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Il faut souligner l'attention que porte notre collègue Anne-Marie Payet à l'état sanitaire des départements d'outre-mer. Ces derniers ont, sur certains points, des réglementations et des législations légèrement différentes, adaptées à leur caractère particulier.
Rappelez-vous l'action de Mme Payet pour prévenir le syndrome d'alcoolisation foetale : les pédiatres de métropole reconnaissent aujourd'hui l'importance de ce problème inquiétant, que personne n'osait aborder.
C'est dans le même d'état d'esprit que Mme Payet a élaboré cet amendement, qui mérite vraiment de recueillir l'approbation du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Le conseil général de la Réunion a fait un effort : il a progressivement aligné le prix des cigarettes sur celui de la métropole, ce qui a engendré pour le département des ressources supplémentaires. En décembre 2000, nous avons doublé le prix des cigarettes, et leur consommation a baissé de 25 %.
Aujourd'hui, Mme Payet propose de modifier le système de distribution du tabac à la Réunion, en confiant aux buralistes le soin de vendre les cigarettes. En l'absence d'un réseau de buralistes, il me paraît sage d'utiliser le délai d'un an prévu dans l'amendement pour étudier l'impact de la mesure et examiner sa faisabilité.
Dans une optique de santé publique, j'abonde totalement dans le sens de l'amendement. Pour le reste, il appartiendra au groupe de travail de déterminer les conditions d'applicabilité de cet amendement, que je voterai.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-94.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 45 bis.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Outre-mer »
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Candidatures à des commissions
M. le président. J'informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles et la commission des affaires sociales, aux places laissées vacantes par M. Philippe Goujon, élu député, et Daniel Bernardet, décédé.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du règlement.
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loi de finances pour 2008
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à l'évolution des risques depuis le précédent Livre blanc, notre effort de défense est en cours de redéfinition.
Dans cette attente, on pouvait se demander si le projet de budget pour 2008 devait tout simplement anticiper sur ces prévisions ou, au contraire, s'inscrire dans le droit fil de la dernière année de la loi de programmation militaire, la LPM. Telle était l'alternative qui s'offrait à vous, monsieur le ministre. Vous avez choisi la deuxième solution et je crois que vous avez eu raison tant il est vrai qu'il était difficile d'anticiper sur l'effort qui allait être demandé, après révision.
Il s'agit également d'un bon choix si l'on songe que cette continuité s'inscrit dans l'effort.
La France, avec un budget de l'ordre de 35 milliards d'euros, consacre environ 1,70 % de son produit intérieur brut à sa défense. Cette somme est, bien entendu, moins importante qu'aux États-Unis - ces derniers venant de voter un budget de la défense, hors effort de guerre, de 317 milliards d'euros ! -, mais elle équivaut à celle que lui consacre la Grande-Bretagne et très supérieure à l'effort fourni par la plupart des pays européens.
À structures constantes, le budget de la mission « Défense » croît de 1,14 % en crédits de paiement, auxquels s'ajouteront, en deuxième libération, si j'ai bien entendu le ministre des comptes, 100 millions d'euros pour les OPEX, les opérations extérieures, après avoir trouvé dans un autre budget le gage nécessaire.
J'articulerai mon propos autour de deux questions.
En premier lieu, ce budget est-il suffisant pour que nos forces assurent leur contrat opérationnel ? Cette question se pose, car un double effort d'économie est mis en oeuvre.
Un premier effort d'économie concerne les crédits de personnel, qui représentent la moitié de votre budget, monsieur le ministre.
Mais, bien entendu, je ne voudrais pas aborder cette question des crédits de personnel sans d'abord rendre hommage aux fers de lance de nos troupes qui sont engagées en OPEX ou en dissuasion sur les sous-marins. Je suis sûr que nous pouvons unanimement leur exprimer notre reconnaissance.
Cet effort de 18 milliards d'euros pour le personnel augmente de 1,94 % en raison du glissement des cotisations de retraite. La cotisation employeur dans le domaine de la défense s'élève à 103 %, soit le double de ce qui existe dans le secteur civil, et augmente régulièrement.
En revanche, la mission « Défense » va devoir respecter la règle de réduction des effectifs à hauteur de 50 % des mises à la retraite, ce qui va représenter, pour la mission « Défense », la suppression de 4 850 personnels en fin d'année, venant s'ajouter aux 6 400 qui n'étaient pas réalisés, soit une diminution, en moyenne annuelle, de 0,7 %. Dès lors, il est permis de se demander si cela est de nature à influer sur nos missions opérationnelles.
Vous nous assurez, monsieur le ministre, que ce résultat peut être obtenu grâce à la réduction des effectifs de soutien -j'espère que vous pourrez nous donner des précisions sur ce point -, ce qui me paraît effectivement une bonne chose, puisque les effectifs de soutien dans l'armée française sont supérieurs d'environ 5% à ce qu'ils sont dans l'armée britannique. Des efforts de réorganisation, notamment en matière spatiale, seront donc certainement nécessaires.
Quant aux dépenses de fonctionnement, qui s'élèvent à 3 milliards d'euros, hors maintien en conditions opérationnelles, ou MCO, elles vont être réduites cette année de 1,51 %.
Je crains que, dans la période actuelle, les crédits afférents aux carburants ne soient sous-estimés - quoiqu'on puisse toujours espérer ! -, mais je voudrais attirer votre attention sur la source d'économies que constituent les dépenses d'externalisation.
À cet égard, notre commission des finances est tout à fait attentive au mode de règlement des problèmes de TVA. L'an dernier, nous avions proposé un amendement allant dans ce sens. Il conviendrait que, lorsque des économies sur le titre 2 sont obtenues, un rétablissement de crédits équivalant à ces économies puisse être accordé.
En second lieu, ce budget permet-il de lever les doutes pesant sur l'exécution de la loi de programmation militaire, sur le caractère soutenu de notre effort de défense ?
Je dois dire que le Parlement est dans une situation très délicate à ce sujet, car, en fin de LPM, nous n'avons aucune visibilité pour l'avenir ; nous sommes dans le brouillard et l'incertitude. Nous avions déjà déploré cette situation l'année dernière et, tout à l'heure, je ferai une proposition pour y remédier.
Les crédits qui relèvent de la LPM atteignent cette année 15 milliards d'euros, soit 41 % de la mission.
La programmation pour cette année est respectée, à 250 millions d'euros près, c'est-à-dire à hauteur de l'inflation. Reconnaissons que, pour la première fois depuis cinq ans, la programmation militaire aura été respectée en totalité. En fait, cela ne s'est jamais produit depuis 1975 !
Cela étant dit, un bilan s'impose. Sans anticiper sur l'avenir, je voudrais rappeler que les retards signalés par moi-même depuis deux ans n'ont pas été comblés.
Premièrement, l'exécution correcte de la loi de programmation militaire actuelle n'a pas pu rattraper le retard de la non-exécution de la précédente loi, retard qui est équivalent à une année budgétaire entière, c'est-à-dire, mes chers collègues, entre 10 milliards et 12 milliards d'euros ; peut-être, pourrez-vous, monsieur le ministre, préciser ce chiffre.
Deuxièmement, la loi de programmation militaire actuelle a exigé des réallocations de ressources. Il a ainsi été nécessaire, par exemple, de dégager, 1,5 milliard d'euros de plus pour la dissuasion ou 1,5 milliard d'euros pour le programme Rafale. Certes, on a supprimé deux frégates Horizon, mais il n'empêche qu'un ensemble de programmes a été, en termes quantitatifs, retardé.
Troisièmement, le coût du maintien opérationnel a dû être réévalué, passant, grosso modo, de 2,4 milliards d'euros en 2002 à 3,4 milliards d'euros en 2008. Il a fallu remédier à une situation gravement détériorée : en 2002, un ou deux sous-marins nucléaires d'attaque sur six étaient opérationnels et il nous faut encore aujourd'hui faire face, notamment, au problème de l'entretien des avions ravitailleurs KC135.
J'affirme d'ailleurs que des réorganisations sont nécessaires en ce domaine, à l'instar de ce qui a été fait pour le service de soutien de la flotte ainsi que, concernant l'aviation, pour le service industriel de l'aéronautique, le SIAé, cette année. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous dire où nous en sommes pour l'armée de terre ?
Quatrièmement, la bosse des reports de crédits n'a pas pu être entièrement résorbée. Nous avions, du fait du mécanisme de financement des OPEX, un système qui, de façon automatique, entraînait des reports et nous sommes cette année face à un report qui est encore de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, voire de 1,7 milliard d'euros. J'aimerais connaître votre point de vue sur ce sujet, monsieur le ministre.
Je note d'ailleurs que ce milliard et demi de report de crédits s'accompagne d'un autre milliard et demi de report de charges, et il est certain que la non-inscription en loi de finances rectificative des fameuses 13/19ème concernant les frégates européennes multi-missions, les FREMM, n'améliore pas la situation, puisque la somme espérée atteignait environ 330 millions d'euros.
Telles sont donc les causes des retards, mais j'ajouterai que l'inertie du budget d'équipement actuel hypothèque la prochaine loi de programmation militaire.
Si je me limite simplement au programme 146 « Équipement des forces », comme je le disais déjà l'an dernier, le montant des engagements fermes à la fin 2008, qu'il faudra honorer au cours de la prochaine programmation militaire, s'élève à 35 milliards d'euros. Si je tenais compte en outre du MCO et des études en amont, nous atteindrions les 45 milliards d'euros. Or 35 milliards d'euros, c'est trois ans et demi de programmation militaire au régime actuel. Vous le voyez donc : à 70 %, la future loi de programmation militaire est contrainte par le budget de cette année.
Bien entendu, je laisserai François Trucy, mon alter ego en tant que rapporteur spécial, et mes excellents collègues rapporteurs pour avis détailler concrètement ce que ces sommes représentent, mais il suffit de dire que, au sein de ces 35 milliards d'euros, le programme Rafale arrive en premier, avec 7 milliards d'euros ; viennent ensuite, avec 6 milliards d'euros, les avions ravitailleurs A400M, puis, avec 3,5 milliards d'euros, le programme de missile M51, et enfin, en quatrième position, le futur porte-avions, dont j'espère la construction.
Tout cela montre que la plupart de nos grands programmes, en dehors du Rafale - qui connaît peut-être de ce fait des difficultés à l'exportation - et des programmes nucléaires, sont maintenant réalisés en coopération à l'échelon international dans le cadre de l'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement, l'OCCAR, en particulier.
Tel est, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le bilan. Des choix cruciaux vont devoir être faits et je voudrais, en conclusion, me borner à convictions quant à la méthode.
D'abord, monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que vous vouliez mettre en place une sorte de comité d'investissement, intégrant une troisième dimension à côté de la direction générale de l'armement, la DGA, et de l'état-major des armées.
Je suis persuadé, en effet, qu'il est nécessaire de donner une dimension plus économique à la gestion des investissements, ceux de la défense comme ceux de l'État en général, et qu'il convient de trouver une procédure permettant une meilleure appréciation, au cours de la prise de décision, de l'ensemble du coût de possession.
Je prendrai l'exemple du quatrième Hawkeye, dont l'acquisition pourrait, m'a-t-on dit, être faire l'objet d'une option. Naturellement, si l'on veut acheter un Hawkeye d'occasion, le coût d'achat sera plus faible que s'il était neuf. En revanche, le coût du MCO sera sans doute plus élevé. Qu'en est-il vraiment des coûts de fonctionnement ? J'ai pris l'exemple du Hawkeye, mais il y en aurait bien d'autres.
Pour ma part, je pense qu'il est nécessaire de faire simultanément un ensemble de réflexions dès lors qu'on a à prendre des décisions de ce type.
Ma deuxième conviction est qu'on n'échappera pas à une loi de programme en deux étapes, c'est-à-dire une première tranche « dure » de trois ans, puis une seconde tranche plus souple au cours des trois années suivantes, à condition, bien entendu, que l'on ait une programmation glissante qui permette effectivement de supprimer ce mur noir devant lequel nous sommes cette année.
Dans cette attente, le budget de la défense pour 2008 sauvegarde l'essentiel, et ce dans le respect, naturellement, de la politique de stabilisation de la dépense publique. Il garantit, je crois, le caractère opérationnel des forces. Il permet l'exécution de la dernière tranche de la LPM, mais je laisserai à mon collègue François Trucy le soin de dire si ces arguments ont séduit la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas les excellentes explications de M. Yves Fréville et, plutôt que de parler des chiffres, je formulerai un certain nombre d'observations et de questions.
À plusieurs reprises, ce projet de budget de la défense pour 2008 a été qualifié de « budget de transition ». Cette expression est-elle vraiment adaptée ? Sans entrer dans une querelle de mots, il est question de transition quand, d'une situation à une autre, s'amorce une évolution connue, que celle-ci aille dans le sens d'une amélioration ou d'une dégradation.
Nous savons tous à quel point la situation économique et financière de la France incite peu à l'optimisme. La perspective d'une amélioration importante de ce budget dans l'avenir est donc difficilement envisageable et sa diminution, plutôt redoutée.
C'est pourquoi, par souci de réalisme, je préfère l'expression de « budget d'attente » pour les crédits de la défense que nous examinons : attente du résultat de la mise à plat des programmes, attente du contenu du Livre blanc de la défense, attente des orientations du Président de la République, attentes de vos choix, monsieur le ministre, attente d'un débat espéré au Parlement.
Nous attendons surtout avec une certaine anxiété des décisions importantes, que celles-ci concernent les missions que la France estime indispensables et confie à ses armées, ou les moyens dont elle dispose et qu'elle peut affecter à cet usage.
En effet, face aux échéances financières qui sont les conséquences des décisions et engagements antérieurs, comme l'a souligné M. Fréville, face aux besoins présents et à venir pour répondre à la conjoncture internationale, chacun se demande comment nous parviendrons à boucler une loi de programmation militaire à la hauteur de nos ambitions internationales.
Cela étant, monsieur le ministre, votre budget est bon et répond quasi parfaitement aux besoins actuels. Mais, parce qu'il est le dernier de la loi de programmation militaire qui s'achève, il convient de nous attarder quelque peu sur le passé récent.
Saluons comme elles le méritent nos armées, qui ont réussi, presque à la perfection, une professionnalisation extrêmement difficile. Quel travail ! Quelle persévérance ! J'imagine les difficultés et les réactions tumultueuses que l'État rencontrerait avec certaines grandes administrations civiles s'il leur imposait de telles révolutions !
En outre, la loi de programmation militaire de 2003 à 2008 a été respectée de bout en bout. Une telle performance est d'autant plus méritoire qu'il a fallu corriger nombre de graves erreurs que la majorité de gauche avait accumulées entre 1997 et 2000.
Ces erreurs se sont traduites d'abord par un budget négligé, perpétuellement réduit à la condition de variable d'ajustement du budget général, ce qui a entraîné une dégradation profonde, faute des crédits nécessaires, de l'état de disponibilité du matériel et de son maintien en condition opérationnelle, ensuite par un affaiblissement du budget de fonctionnement, enfin par une sous-budgétisation massive, en loi de finances initiale, des crédits des OPEX.
Or ces opérations sont indispensables et réclament des crédits tout à fait prévisibles, du moins pour 90 % d'entre eux. Le financement incontournable en fin d'année de ces OPEX a conduit chaque fois à des annulations massives de crédits au titre 5, au report de ces dépenses et à la constitution de cette « bosse des reports », si difficile à résorber, qu'Yves Fréville a évoquée.
Au total, cela a provoqué des défaillances impardonnables pour le budget d'une armée professionnelle.
La correction de ces erreurs a donc été l'oeuvre de la législature 2002-2007. Nous la devons au travail acharné de Michèle Alliot-Marie, qui vous a précédé, monsieur le ministre, et au soutien du Président Jacques Chirac, qui a toujours considéré que la fonction de chef des armées avait une signification majeure. Ainsi, les crédits indispensables ont été rétablis année après année.
J'en viens à l'examen du budget de la défense pour 2008.
En matière d'effectifs, la défense a joué le jeu et a suivi la consigne de diminution des emplois publics. Aussi a-t-elle opéré en 2007 une réduction de ses effectifs, qui sont passés, en équivalent temps plein travaillé, de 329 907 à 320 612 emplois en équivalent temps plein travaillé. Cette baisse de 9 295 emplois est significative et représente 29 % des réductions d'effectifs du budget général, alors que les effectifs militaires ne comptent que pour 14,5 % des emplois publics. C'est dire que l'effort a plus particulièrement porté sur le budget de la défense !
Toutefois, soyons réalistes : si 26 % de ces réductions résultent du plan d'économies de personnel, l'essentiel n'est-il pas dû à la suppression de postes budgétés non pourvus ?
Ce stock d'emplois non pourvus qui était reconduit d'année en année disparaît sans conséquences majeures, les états-majors s'accordant à reconnaître que cette diminution ne porte pas atteinte au potentiel militaire de la France.
J'ai néanmoins le sentiment que cette diminution d'effectifs, qui s'est en quelque sorte passée « sans douleur », ne pourra pas dans l'avenir être réitérée de la même manière sans conséquence sur le fonctionnement des armées et sur leur potentiel militaire. Monsieur le ministre, partagez-vous ce point de vue ?
Dans l'élaboration du futur projet de loi de programmation militaire, une attention toute particulière devra être portée au problème des effectifs.
Compte tenu de la spécificité des missions des armées, les effectifs de celles-ci ne sauraient être remis en question chaque année, au seul gré des évolutions de la politique en matière d'emplois publics.
Après tout, si la France peut supporter demain d'avoir moins de personnels dans les bureaux de certains ministères, elle risque en revanche d'avoir toujours besoin de militaires pour la défendre !
En ce qui concerne le budget de fonctionnement, j'aurais tendance à dire : « peut mieux faire ! » En effet, le souci d'économiser laisse de nombreux problèmes à régler. Ce budget intéresse pourtant des aspects importants de la vie quotidienne des unités, car il concerne les bases, les bâtiments de la marine nationale. Dans ce domaine, la marge de gestion des chefs de corps, des commandants d'unités et de bases est très faible.
C'est pourquoi je recommande particulièrement ces crédits à votre attention, monsieur le ministre. De votre point de vue, cette partie de votre budget est-elle suffisamment pourvue ? Estimez-vous que les premières et importantes externalisations qui ont été conduites l'ont été dans de bonnes conditions et qu'elles ont produit des économies significatives ? En ferez-vous d'autres?
Les crédits d'entretien et de maintien en condition opérationnel des matériels sont maintenant plus importants et leur reconstitution a permis un net redressement du maintien en condition opérationnelle. Cependant, ils ne suffisent pas encore à atteindre les montants souhaitables pour certaines catégories de matériels.
Dans ce domaine aussi, la loi de programmation militaire à venir devra être prévoyante, car il ne servirait à rien d'engager des crédits considérables d'acquisition de matériel neuf très sophistiqués, donc très coûteux à l'entretien, si les lignes budgétaires indispensables au maintien et à la maintenance n'existent pas.
Monsieur le ministre, permettez-moi de donner un coup de chapeau à l'activité du service militaire adapté, car il est bien organisé, sérieux, performant et éminemment utile aux jeunes gens des départements et collectivités d'outre-mer. Nos collègues ultramarins y sont très attachés, tout comme les rapporteurs de la mission « Défense ». Parallèlement, comment se développe le dispositif « Défense deuxième chance » ?
Le service de santé des armées mérite, lui aussi, un coup de chapeau. Grâce à des efforts acharnés, il parviendra bientôt au bout d'un processus de professionnalisation qui l'avait privé, du jour au lendemain, d'une très grande partie de ses personnels médicaux, paramédicaux et dentistes.
Je rappelle que l'action du service de santé des armées au profit des OPEX réclame les moyens d'un hôpital militaire entier, alors même que ce service ne gère au total que neuf hôpitaux d'instruction des armées.
Monsieur le ministre, au cours de la toute récente inauguration du magnifique hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne 2000 à Toulon, vous avez clairement exprimé votre estime pour l'excellent travail accompli par le service de santé des armées au profit à la fois des militaires et d'une large partie de la population française, où qu'elle réside. Je n'ai donc nul besoin d'attirer votre attention à ce sujet et d'en appeler à votre bienveillance pour le service de santé des armées : elles semblent acquises. Ai-je raison de le penser ?
Je n'énumérerai pas cette année les très substantiels efforts budgétaires que vous avez consacrés au profit de la condition militaire. Je rappellerai à quel point ces efforts sont bien choisis et portent sur des aspects de la condition militaire tout à fait dignes d'intérêt. En effet, la vie d'une armée professionnelle et celle des familles des militaires réclament une attention particulière de la part de leur ministre et de la représentation nationale.
Ainsi, l'action sociale des armées est essentielle auprès de ces familles, particulièrement pendant les affectations aux OPEX.
Pour les carburants, cela fait longtemps que j'ai renoncé à comprendre comment les armées parvenaient à s'en sortir face aux augmentations du prix du pétrole. Bien sûr, les lois de finances rectificatives corrigent en fin d'année les déficits. Toutefois, je rappelle que l'exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour les carburants des armées vient à échéance à la fin de 2008.
En ce qui concerne les réserves, vos efforts sont dignes d'éloge et la montée en puissance de la réserve est très satisfaisante.
J'en viens maintenant au financement des OPEX.
Contrairement à la gestion de la gauche, la législature précédente a commencé à corriger la sous-budgétisation des crédits. En 2006, en 2007 - notamment en tenant compte de l'annonce d'un supplément de crédits en projet de loi de finances rectificative - et en 2008, la budgétisation est bien meilleure. Cependant, elle ne couvre pas encore les besoins et nous redoutons une fois encore cette année que vous ne soyez conduit à annuler des dépenses de matériels pour boucler leur budget de fonctionnement.
Monsieur le ministre, je l'ai signalé au début de mon intervention, ce budget est bon. Il contient les crédits suffisants pour que nos armées continuent à assurer dans de bonnes conditions des missions chaque jour plus difficiles.
La commission des finances du Sénat apprécie comme elles le méritent votre détermination, votre efficacité et toute votre action. Elle approuve votre budget et vous exprime son estime et ses encouragements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (préparation et emploi des forces). Monsieur le ministre, avant que mes collègues et moi-même présentions l'avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de budget de la mission « Défense » pour 2008, permettez-moi de vous faire part de notre profonde déception de n'avoir pu tenir, comme nous en avions pris l'habitude avec votre prédécesseur, les réunions trimestrielles de suivi et de contrôle.
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Certes, le Parlement a interrompu ses travaux au printemps dernier, mais, depuis, le Sénat semble avoir été un peu mis à l'écart. Ainsi, la réunion qui était prévue le 20 novembre dernier a été annulée, alors qu'elle a pu avoir lieu à l'Assemblée nationale.
Mme Michelle Demessine. C'est inacceptable !
M. André Dulait, rapporteur pour avis. C'est pourquoi nous souhaitons, monsieur le ministre, que, en vertu du caractère bicaméral de nos institutions, une réunion de suivi et de contrôle soit organisée avant la fin de l'année, de manière que le Sénat puisse exercer pleinement ses compétences en matière budgétaire. Je vous remercie par avance de bien vouloir faire droit à cette demande. (M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, ainsi que Mme Nathalie Goulet applaudissent.)
M. Didier Boulaud. C'est normal ! Le ministre n'a jamais été sénateur !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela ne saurait tarder ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je tiens à m'associer, au nom de la commission des finances, au souhait pressant que vient d'exprimer M. le rapporteur pour avis ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur le banc des commissions.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, deux commissions attendent votre réponse ! (Sourires.)
J'en viens maintenant à l'avis de la commission des affaires étrangères.
Notre armée professionnelle est récente : elle a moins de dix ans.
Après une phase de montée en puissance des effectifs, nous sommes entrés dans une phase d'ajustement et de consolidation. Ce projet de loi de finances en témoigne : en supprimant des postes vacants, il prend acte de ce que le format initialement prévu ne sera pas rejoint ; en ne remplaçant pas un départ à la retraite sur deux, il finance des mesures catégorielles au profit des personnels en poste.
L'équation, en effet, est connue : l'amélioration de la condition des personnels ne pourra se faire qu'en agissant sur les effectifs. Or cette action sur les effectifs ne pourra se poursuivre sans dommage avec une organisation inchangée.
Tout d'abord, les deux processus de réduction d'effectifs, militaires et civils, sont menés selon un parallélisme complet. Cela est dû au fait que, d'une manière générale, ces deux populations sont gérées de façon cloisonnée, car elles ne sont soumises ni à la même autorité de gestion ni aux mêmes règles de mobilité et de mutation. Voilà un chantier que le ministère devra ouvrir pour mieux faire travailler ensemble civils et militaires.
L'autre chantier en cours concerne la révision des schémas d'implantation, notamment pour l'armée de terre et l'armée de l'air. À la suite de la révision générale des politiques publiques et du nouveau Livre blanc, elle devrait être placée au coeur du prochain projet de loi de programmation militaire, tout comme la loi de programmation militaire antérieure avait été celle de la professionnalisation.
Pour les armées, cette révision est seule à même de préserver l'efficacité opérationnelle, dans un contexte de réduction des effectifs, en mutualisant davantage les services de soutien. Dans l'attente de cette réforme, les solutions adoptées sont peu satisfaisantes.
Pour faire face aux réductions d'effectifs, la diminution du volume des recrutements est en effet la solution la plus simple et la plus dommageable. Elle est simple en apparence, compte tenu de l'importance des flux annuels. Elle est en fait très dommageable parce que, sans être confrontés pour le moment aux mêmes problèmes que nos amis britanniques, nous allons très certainement, pour des raisons démographiques, au-devant d'une période de difficultés de recrutement. À cet égard, monsieur le ministre, un véritable indicateur qualitatif sur le recrutement nous permettrait de mieux évaluer ce phénomène et de mieux exercer la vigilance nécessaire.
Face à cette situation fragile, il convient de ne négliger aucun vivier. C'est pourquoi la commission considère que le plan pour l'égalité des chances, qui vise à ouvrir plus largement les lycées et les écoles militaires aux jeunes défavorisés, est tout à fait dans l'intérêt des armées.
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Il permettra non seulement de mieux refléter la diversité de la société française, après la suspension du service national, mais aussi de recruter des personnes qui pensaient spontanément que l'armée leur était inaccessible.
Cette exploration plus large en matière de recrutement a un coût, sur lequel nous ne pouvons transiger, qui concerne la formation. Il est plus difficile et plus long aujourd'hui de faire passer un jeune de l'état civil à l'état militaire, mais une fois formés, les jeunes engagés font preuve d'un professionnalisme reconnu. Cet investissement dans les hommes est un acquis de la professionnalisation que nous devons préserver.
Le dernier point que je souhaite évoquer est celui des opérations extérieures.
Le processus de budgétisation des surcoûts liés aux opérations extérieures, entamé en 2005, marque le pas avec une stabilisation de la provision à 360 millions d'euros.
Pour 2007, ce surcoût est estimé à 650 millions d'euros et rien ne laisse présager une diminution du niveau d'engagement de la France. Pour 2008, comme pour 2007, un financement en cours d'année devra être trouvé pour faire face à quelque 300 millions d'euros de dépenses. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il y a un risque pour les programmes d'armements, qui ont longtemps été la variable d'ajustement des OPEX.
Or nous ferions une grave erreur en considérant que la condition militaire est dissociable de la question des équipements. Une protection adéquate en opération, des équipements adaptés et entretenus, des missions clairement définies sont les clés de la motivation de nos militaires et de l'attractivité de ce métier.
Je rappellerai, en conclusion, que nous nous apprêtons à voter non pas un budget de transition, mais un budget qui, nous le savons, sera excessivement tendu, dans l'attente de réformes substantielles qui sont la condition de la préservation de l'efficacité de notre outil de défense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (préparation et emploi des forces). Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'analyse du budget pour 2008, présentée avec efficacité et clarté par les précédents orateurs, je m'en tiendrai à quelques observations sur les points positifs et sur les quelques éléments négatifs qui ont marqué l'évolution du secteur du soutien militaire au cours des dernières années.
Un effort marqué a été accompli depuis 2000 pour rationaliser l'organisation et réduire les coûts du maintien en conditions opérationnelles - appelé couramment MCO - des divers équipements en service dans les armées.
L'apport financier de la loi de programmation 2003-2008 a permis de redresser des taux de disponibilité des matériels qui étaient très souvent inquiétants, ne dépassant pas 50 %, quand ils n'étaient pas inférieurs à ce pourcentage.
Cette loi a également permis une rationalisation, qui n'est pas achevée, de l'organisation et des modalités de réalisation des opérations de MCO.
La création successive du service de soutien de la flotte, en 2000, et de la structure intégrée de maintien en conditions opérationnelles des matériels aéronautiques de la défense, plus connue sous l'acronyme de SIMMAD, en 2002, ainsi que celle, au début de 2008, du SIAé constituent autant d'atouts pour les armées qui sauront s'en servir utilement.
Toutes les actions destinées à restructurer et à mutualiser les moyens destinés aux trois armées sont bénéfiques, car elles démontrent que nos forces ne cessent de réfléchir à leur organisation en vue de l'optimiser, grâce à une démarche interarmées pragmatique, que nos militaires ont comprise et mise en oeuvre. À nous de leur donner des signes de reconnaissance, en prenant des décisions renforçant cette démarche de modernisation, de mutualisation et d'efficacité.
C'est grâce à ces efforts que le poste de dépenses le plus important, le MCO, notamment aéronautique, a fait l'objet, depuis 2002, d'une forte restructuration, fondée sur une « interarmisation » pragmatique, avec la création de la SIMMAD. Le fonctionnement de cette structure doit encore être amélioré pour réduire les coûts d'entretien des matériels, mais beaucoup a déjà été fait et pourrait être utilement transposé au niveau européen. Par exemple, la création d'un organisme analogue à la SIMMAD au sein de l'Agence européenne de défense donnerait un contenu concret à une coopération européenne encore à développer et simplifierait les difficiles discussions en cours sur la répartition des marchés de MCO entre les pays partenaires des équipements aéronautiques, élaborés en commun, comme l'hélicoptère NH90 et l'avion de transport militaire A400M.
Nous regrettons tous les retards pris dans la livraison de cet appareil, mais serons-nous prêts, lorsqu'il sera disponible, à en équiper nos forces, étant entendu qu'il aura fallu, préalablement, assurer la formation des pilotes que mettre en place des structures adéquates pour son MCO ? Souhaitons-le. Mais il faudrait agir rapidement et donner les moyens nécessaires à nos armées.
La prochaine création du SIAé permettra d'optimiser la répartition des actions de MCO entre les armées et les industriels. Ce service devra déterminer les activités de soutien qu'il est indispensable de maintenir dans les forces, tant pour y pérenniser un socle de compétences techniques que pour y assurer un soutien de proximité. J'y suis favorable, à condition que la liberté de chacun puisse s'y exercer, en ce qui concerne tant la parole que l'écoute.
J'en viens aux difficultés que je souhaite évoquer.
Les premiers bilans tirés des expériences d'externalisation qui se sont multipliées depuis la professionnalisation sont contrastés, quoi qu'en ait dit M. le rapporteur spécial ; les prestations ne sont pas toujours satisfaisantes et chaque renouvellement de contrat est automatiquement l'occasion d'augmentations, parfois très fortes, des coûts. Soyons donc vigilants !
En matière de dépenses courantes de fonctionnement, la sous-traitance d'activités non militaires présente, à l'usage, des dérives financières importantes, faute de concurrence et de compétences suffisantes au sein des armées en matière de négociation de ce type de contrat. L'adjudication, la gestion de marchés publics comme la location de services sont des métiers à part entière, et l'on ne saurait reprocher aux militaires d'avoir besoin de temps pour les maîtriser.
Cependant, il semble acquis que la location de services est coûteuse et qu'elle le sera de plus en plus, sans que l'efficacité des services rendus en soit pour autant garantie. L'évolution de ces coûts pose donc la question de l'éventuelle réintégration de ces tâches parmi celles des personnels militaires. Monsieur le ministre, je pense qu'il sera nécessaire de se demander, en procédant à une évaluation rigoureuse, si l'externalisation n'était pas une mode. Ne faudra-t-il pas revenir sur cette notion ?
Je conclurai, dans un premier temps, en saluant le service des essences des armées, le SEA. Selon moi, ses compétences sont trop méconnues à l'échelon national, alors qu'elles sont reconnues par nos partenaires, notamment par ceux qui ont participé à l'intervention au Kosovo, dont il a, à lui seul, assuré le soutien. Tout le monde s'en est trouvé satisfait. Sachons donc reconnaître la qualité de son action.
Sur ce point, j'ai une question à vous poser, monsieur le ministre. Le ministère semble avoir imposé au SEA, en 2005, l'obligation de souscrire une assurance afin de minimiser les effets des fluctuations des cours sur leurs achats. Cette assurance, dont le coût est considérable, puisqu'il s'est élevé à 4 millions d'euros en 2006 et atteint 3 millions d'euros en 2007, soulève des interrogations. Pourquoi la règle selon laquelle l'État est son propre assureur ne joue-t-elle plus en ce cas précis ? Pourquoi le SEA est-il contraint de prendre une telle assurance, qui détourne des sommes importantes des achats de produits pétroliers, ce fait ne produisant pour le ministère aucune retombée positive selon ce que j'ai pu comprendre au cours des auditions auxquelles j'ai procédé ? J'espère que vous pourrez nous éclairer sur cette singulière façon de travailler.
Sous ces réserves, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits affectés à la mission « Défense » dans le projet de loi de finances pour 2008.
Mais je ne peux m'empêcher, en complément, de porter un jugement différent de celui de mon excellent collègue Yves Fréville, notamment sur le programme Rafale.
Je tiens à affirmer dans cette enceinte que le Rafale est une bonne arme, une excellente arme.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Très chère !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Un même appareil permet de mettre à la disposition de nos armées un avion à la fois de combat, de reconnaissance, de dissuasion et d'intervention au sol. L'aéronavale, qui en a été le premier bénéficiaire, en est très satisfaite. L'aviation l'attend avec impatience, pour permettre à la France de garder son rang de nation respectée par l'opérabilité de ses armements et par ses capacités d'intervention sur de nombreux territoires.
M. Didier Boulaud. Le Rafale sera bientôt fabriqué aux États-Unis !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Quant à l'A400M, avion de transport, nous ne pouvons que regretter les retards qu'il subit, car la location de moyens extérieurs, lorsque besoin s'en fait sentir pour mener à bien des OPEX, coûte très cher à notre pays et ne nous garantit pas la sécurité dont nous aurions besoin pour la mise à disposition opérationnelle efficace de nos troupes.
Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m'excuser de vous avoir fait part de mon jugement personnel sur ce point, mais je pense que le Rafale est un excellent avion, une excellente arme, dont nous avons besoin et que l'A400M nous manque cruellement pour que nous soyons véritablement efficaces, comme nous savons le faire.
M. Didier Boulaud. Le problème, c'est que le Rafale va être fabriqué aux États-Unis !
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (équipement des forces). Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprime également au nom de notre collègue André Boyer, qui ne peut être présent aujourd'hui.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées nous avait confié la charge de présenter conjointement le rapport pour avis couvrant l'ensemble du programme « Équipement des forces ».
Je présenterai tout d'abord quelques observations sur l'évolution générale de ce programme et sur les perspectives de notre politique d'équipement militaire.
Le niveau des crédits de paiement pour 2008 doit permettre une réalisation financière satisfaisante de la loi de programmation. Certes, les dotations sont légèrement inférieures à l'annuité prévue et des annulations sont intervenues la semaine dernière pour financer le surcoût des opérations extérieures.
Bien qu'encore insuffisante, la budgétisation partielle en loi de finances initiale a permis de modérer le montant des annulations en fin d'exercice.
Enfin, le volume de crédits disponibles mais non consommés, qui avait atteint un pic au début de l'année 2005, a notablement diminué.
Globalement, et compte tenu des crédits prévus en 2008, on peut d'ores et déjà considérer que les entorses à la réalisation financière de la programmation seront restées limitées et sont, en tout état de cause, sans commune mesure avec celles qui ont été constatées sur la loi précédente, ce qui n'empêche pas, néanmoins, des reports ou décalages dans la réalisation physique de la loi.
Nous souhaitons savoir, monsieur le ministre, si le ministère pourra consommer intégralement ses crédits d'équipement à hauteur du montant inscrit en loi de finances initiale. Autrement dit, comment sera appliquée la norme de dépense sur les crédits d'équipement en 2007 et quel sera le sort réservé aux crédits de report, qui s'élevaient à 1,5 milliard d'euros au début de l'année ?
Par ailleurs, comment sera financé le programme de frégates multimissions, auquel a fait allusion M. Fréville, puisque la dotation complémentaire de 338 millions d'euros qui avait été annoncée à cet effet lors de l'examen du collectif budgétaire n'y figure pas ?
M. Didier Boulaud. On nous a annoncé des financements innovants ! (Sourires.)
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. Attendons la réponse du ministre !
S'agissant des autorisations d'engagement, le programme « Équipement des forces » se trouvera dans une situation très particulière en 2008 avec, d'une part, une provision de 3 milliards d'euros pour le lancement éventuel du second porte-avions et, d'autre part, une diminution moyenne de 30 % des autorisations d'engagement sur toutes les autres lignes. Le montant des engagements nouveaux qui seront passés en 2008 constitue l'enjeu budgétaire majeur pour le programme « Équipement des forces ». Il dépendra directement du niveau des ressources déterminé pour 2009 et, au-delà, dans le cadre de la prochaine loi de programmation.
Compte tenu de l'ampleur des besoins financiers liés à la réalisation des programmes en cours, il faudra hiérarchiser les priorités, effectuer des choix, quitte à réviser certains objectifs. Il faudra aussi retrouver des marges de manoeuvre sur l'ensemble du budget du ministère.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées souhaite simplement rappeler aujourd'hui la conclusion à laquelle était parvenu son président, Serge Vinçon, dans son rapport sur les équipements militaires publié cet été.
En dépit du redressement accompli depuis 2002, notre effort de défense reste aujourd'hui très inférieur à ce qu'il était voilà une dizaine d'années : 1,65 % du PIB en norme OTAN cette année, contre 2 % en 1996. Il est également inférieur d'environ 9 milliards d'euros par an au budget de la défense britannique, qui devrait progresser de 1,5 % par an dans les trois prochaines années.
Quels que soient les efforts d'économie engagés par ailleurs, un simple maintien du budget d'équipement à son niveau actuel, pour autant que cela soit possible compte tenu des engagements déjà passés, impliquerait de renoncer à moderniser une partie de notre outil militaire pour nous orienter vers un modèle très différent de celui que nous nous étions fixé, sans doute plus proche de ceux de l'Allemagne ou de l'Italie que de celui du Royaume-Uni, auquel nous le comparons souvent.
Notre commission avait donc estimé nécessaire de poursuivre, en tenant compte, bien entendu, de la situation des finances publiques, le redressement du budget de la défense engagé ces dernières années et qui lui semble toujours indispensable au vu des défis de sécurité auxquels font face la France et, plus largement, l'Europe.
J'en viens maintenant aux différents domaines de la politique d'équipement, en commençant par la dissuasion.
La dissuasion nucléaire - cela semble déjà constituer un point d'accord au sein de la commission du Livre blanc - continuera de jouer un rôle fondamental dans notre stratégie de défense dans les années à venir.
En termes d'équipement, le renouvellement de nos moyens est déjà très largement avancé, qu'il s'agisse des missiles, en cours de fabrication, des plates-formes, avec la réalisation du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins - SNLE - et l'arrivée du Rafale, ou des moyens de simulation, avec la progression du chantier du Laser Mégajoule.
S'agissant de la composante aéroportée, qui fait souvent l'objet de débats, notre commission considère que, compte tenu des investissements déjà réalisés, sa remise en cause engendrerait peu d'économies immédiates, mais priverait certainement la France d'un volet appréciable de sa capacité de dissuasion, qui tient à la visibilité et à la souplesse de cette composante.
La maîtrise de l'information constituera aussi, à n'en pas douter, un domaine clef pour notre autonomie de décision et nos capacités d'action.
Sur le plan budgétaire, l'année 2008 sera marquée par une très nette diminution des autorisations d'engagement dans le domaine spatial. Les besoins sont certes moindres, après les réalisations de ces dernières années, mais cela montre surtout que notre programme spatial se trouve en attente de perspective. Je veux croire que ce reflux ne sera que temporaire, car nul ne conteste aujourd'hui le caractère stratégique des capacités spatiales dans les domaines de la défense et de la sécurité.
Il faudra en tirer les conclusions dans la prochaine loi de programmation, tant pour pérenniser les moyens actuels que pour acquérir de véritables capacités opérationnelles en matière d'écoute ou d'alerte sur les tirs de missiles balistiques.
Dans l'immédiat, le lancement de la conception du satellite successeur d'Hélios II nous semble urgent.
Dans le domaine de la projection, le retard annoncé sur le programme A400M, cher à M. Nogrix, qui l'a défendu, ainsi que le Rafale, avec fougue, prolonge d'autant nos difficultés sur le transport aérien.
Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, en quels termes se présente la question du renouvellement des ravitailleurs, après les premières études engagées cette année ? Quels sont les différentes solutions envisageables et leur coût ? Est-il déjà possible de donner des indications sur le remplacement des trois avions qui ne seront pas rénovés ?
Enfin, dans le domaine des hélicoptères, nous nous réjouissons de la commande, annoncée vendredi, de douze NH90 par l'armée de terre.
Ce programme présente un caractère absolument prioritaire pour notre commission, qui, avant même le vote de l'actuelle loi de programmation, s'était vivement inquiétée de la dégradation inéluctable de nos capacités jusqu'au début de la prochaine décennie.
Il est également nécessaire d'engager sans tarder la rénovation des Cougar, qui a connu un important décalage.
S'agissant des capacités de combat, l'année 2008 constituera un jalon important pour notre aviation, avec la qualification du Rafale au standard F3, qui donnera véritablement la pleine mesure de sa polyvalence, et l'arrivée de munitions de précision indispensables aux conditions d'engagement actuelles.
En ce qui concerne les forces navales, je ne reviendrai pas sur la question du financement des frégates multi-missions. Le point essentiel, pour 2008, concerne le second porte-avions, dont la réalisation permettrait d'assurer la permanence du groupe aéronaval lors de la prochaine indisponibilité du Charles de Gaulle.
La phase de concertation avec les Britanniques est achevée. La décision doit donc désormais mettre en balance les nécessités opérationnelles et les implications financières. S'il était lancé, le programme représenterait une annuité moyenne de l'ordre de 500 millions d'euros sur la prochaine loi de programmation.
Notre commission considère, comme l'avait souligné son président, M. Vinçon, que le lancement de ce projet doit être lié à la mise en place de ressources supplémentaires, faute de quoi la réalisation d'autres programmes essentiels s'en trouverait affectée.
Dans le domaine du combat aéroterrestre, la modernisation des équipements, attendue de longue date, entre dans une phase significative.
Monsieur le ministre, vous avez officialisé la mise en service du Tigre dans les forces à Pau, voilà quelques jours.
L'année 2008 verra l'arrivée du véhicule blindé de combat d'infanterie - VBCI -, des premiers équipements « Félin » et des canons Caesar. La commission insiste pour qu'au cours de la prochaine loi de programmation, cette modernisation se poursuive et ne soit pas remise en cause par les besoins des grands programmes aéronautiques et navals. Il y va de la protection et de l'efficacité de nos forces terrestres engagées en opérations.
Enfin, dans le domaine de la protection, il faut saluer l'admission au service actif, prévue en 2008, de la première frégate antiaérienne Horizon, ainsi que l'arrivée dans les forces de la famille des missiles Aster, qui améliore très sensiblement nos capacités, notamment en matière de défense antimissile de théâtre, et qui s'accompagne d'une rationalisation interarmées bienvenue.
En conclusion, notre commission estime que l'équipement des forces bénéficiera en 2008 des crédits de paiement nécessaires à la poursuite de la livraison, dans de bonnes conditions, des matériels commandés.
En ce qui concerne les autorisations d'engagement, le budget d'équipement pour 2008 peut être qualifié de « budget d'attente » puisque le niveau des engagements effectifs dépendra des perspectives tracées pour la prochaine loi de programmation.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits du programme « Équipement des forces » et de la mission « Défense ».
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. (Environnement et soutien de la politique de défense). Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme « Environnement et soutien de la politique de défense » touche à de multiples actions dont les enjeux, souvent sous-estimés, sont néanmoins essentiels pour un fonctionnement efficace du ministère de la défense.
Sous l'impulsion du secrétaire général pour l'administration, responsable du programme, de nombreuses réformes ont été engagées et sont en cours.
Je ne mentionnerai que la politique immobilière, avec la mise en place des loyers budgétaires, la rationalisation des sites et la cession de nombreux immeubles ou encore l'externalisation de la gestion des logements domaniaux.
Le regroupement dans un même programme de crédits jusqu'alors dispersés permet, nous semble-t-il, une meilleure vision globale et une gestion plus adaptée au rythme d'avancement des opérations d'infrastructure.
Je me limiterai sur ce point à deux remarques.
La première a trait au service d'infrastructure de la défense : il convient de trouver le bon équilibre entre les bénéfices incontestables de l'approche interarmées et la nécessaire prise en compte des besoins spécifiques liés aux activités opérationnelles des forces.
La seconde porte sur les dotations prévues en 2008. Elles progressent très sensiblement, tant pour les infrastructures que pour le logement familial, et témoignent d'un volontarisme certain. Souhaitons qu'elles ne soient pas remises en cause, en cours de gestion, au vu des arbitrages à venir sur la prochaine loi de programmation !
En ce qui concerne le programme « Environnement et prospective de la défense », je soulignerai tout d'abord la difficulté à mesurer et à suivre l'effort de recherche et technologie. Nous nous trouvons face à des références multiples, dont la définition peut varier dans le temps, et qui ne recoupent pas la présentation des crédits telle qu'elle résulte de la LOLF.
Une réflexion a été engagée. Je souhaite qu'elle permette à la fois un véritable suivi dans la durée et des comparaisons pertinentes avec nos partenaires européens.
Cette remarque étant faite, on peut constater qu'après un relèvement significatif à compter de 2005, les dotations consacrées à la recherche ont désormais tendance à plafonner.
Le budget des études réalisées en amont, c'est-à-dire des contrats de recherche passés avec l'industrie, restera en 2008 situé autour de 640 millions d'euros. Ce n'est certes pas négligeable et cela permettra, notamment, de poursuivre le lancement de démonstrateurs technologiques, mais on reste encore loin de l'objectif de 1 milliard d'euros par an auquel le ministère de la défense souhaitait progressivement parvenir.
On ne peut en outre manquer de nourrir une certaine inquiétude pour le futur, face au risque de voir la recherche servir de variable d'ajustement, étant donné les besoins financiers considérables que fait apparaître la réalisation des programmes d'armement.
Le renforcement de la coopération européenne en matière de recherche est en tout état de cause indispensable, compte tenu de nos budgets limités, si nous voulons maintenir nos capacités technologiques. Les progrès sont lents, mais réels, et il est encourageant de constater qu'en dépit des réticences britanniques l'Agence européenne de défense commence à jouer un rôle fédérateur dans ce domaine.
Je termine par le renseignement de sécurité, qui concerne en tout premier lieu la DGSE, la Direction générale de la sécurité extérieure.
Il faut saluer une évolution positive des investissements techniques, absolument nécessaire compte tenu des flux croissants d'information et de communication à traiter. Cet effort devra impérativement être poursuivi au cours des prochaines années.
La stagnation des crédits de fonctionnement est en revanche difficilement justifiable, au vu des besoins supplémentaires liés à l'entrée en service de nouveaux équipements.
Enfin, il est surprenant que l'augmentation lente mais continue des effectifs de la DGSE, qui avait été engagée ces dernières années, soit désormais stoppée. Depuis le début de la décennie, ce service doit relever des défis croissants avec des effectifs nettement inférieurs à ceux des services britanniques ou même allemands. La structure de ses personnels reste par ailleurs trop déséquilibrée, au détriment des emplois de cadres, en nombre insuffisant.
La mise en adéquation des moyens humains de la DGSE avec ses missions reste encore à opérer. Le projet de budget pour 2008 est malheureusement en total décalage avec cet objectif, à un moment où chacun s'accorde à dire que les moyens de renseignement, de connaissance et d'anticipation doivent jouer un rôle fondamental dans notre politique de défense, tant pour la protection de notre territoire et de notre population que pour la garantie de notre autonomie de décision et l'efficacité de nos opérations.
En conclusion, la grande stabilité qui caractérise, dans ce projet de budget, les dotations destinées à la recherche et au renseignement extérieur, deux domaines où les besoins sont loin d'être satisfaits, ne peut manquer de susciter une certaine déception.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a cependant émis un avis favorable sur les crédits des programmes « Environnement et soutien de la politique de défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Nomination de membres de commissions
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles et une candidature pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- Mme Catherine Dumas membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Philippe Goujon, élu député ;
- M. Louis Pinton membre de la commission des affaires sociales à la place laissée vacante par Daniel Bernardet, décédé.
6
loi de finances pour 2008
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Défense (suite)
M. le président. Nous reprenons l'examen des crédits de la mission « Défense ».
Mes chers collègues, ayant entendu avant la suspension les deux rapporteurs spéciaux de cette mission ainsi que les différents rapporteurs pour avis de la commission de la des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous allons maintenant entendre les orateurs.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinquante minutes pour intervenir.
La parole est à M. Michel Guerry.
M. Michel Guerry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient aujourd'hui d'examiner et de voter les crédits de la mission « Défense », c'est-à-dire les crédits indispensables à la poursuite des missions de nos armées.
Il y va de la capacité de la France à remplir les missions qui lui échoient en tant que grande puissance mondiale, membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU, membre de l'Alliance atlantique et élément pivot de la défense européenne.
Toutefois, nous ne devons pas ignorer les interrogations portant actuellement sur les perspectives de notre politique de défense, notamment sur la possibilité de concilier nos ambitions en termes d'autonomie stratégique et de capacité d'action sur la scène internationale, tout en prenant en compte la contrainte financière pesant sur la modernisation de notre outil militaire.
La commission chargée de l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui poursuit actuellement ses travaux, devra parvenir à un tel équilibre, difficile à trouver, mais qui s'avère vital pour l'avenir de nos armées dans les prochaines années.
Pour la sixième année consécutive, ce projet de loi de finances respecte la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, ce qui met définitivement un terme aux renoncements successifs dont les précédentes programmations avaient fait l'objet.
Le budget de la mission « Défense » s'élèvera en 2008 à 35,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 36,8 milliards d'euros en crédits de paiement. Les crédits progressent ainsi de manière modérée, tout en permettant de préserver l'outil de défense.
Le ministère participe toutefois à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques, grâce au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Sur les 320 000 agents qu'il compte actuellement, 6 000 postes, dont 4 800 militaires et 1 200 civils, seront donc supprimés.
Nous souhaitons que ces réductions ne touchent pas aux forces vives de l'armée et qu'elles portent plutôt sur les fonctions de soutien administratif et technique.
Mme Michelle Demessine. Merci pour eux !
M. Michel Guerry. Le budget militaire de la France, hors pensions, est le cinquième du monde, loin derrière ceux des États-Unis et de la Chine, mais également derrière ceux de la Russie et du Royaume-Uni, à égalité avec le Japon.
L'effort de défense n'est pas seulement le garant de l'indépendance nationale et de la sécurité de nos compatriotes à l'étranger, c'est aussi un moteur de l'économie. Les masses financières qui y sont investies sont trop souvent considérées comme perdues, alors qu'une grande partie d'entre elles reviennent aux industries nationales, soit directement, soit par le biais de partenariats.
Ainsi, le chiffre d'affaires de l'industrie aéronautique et spatiale française s'est élevé, en 2006, à 32 milliards d'euros, dont 73 % à l'exportation, avec 48 milliards d'euros de prises de commandes au cours de l'année. Le carnet de commandes des entreprises du secteur représente plus de cinq années d'activités, le plus important d'entre eux étant celui d'EADS.
L'industrie aéronautique emploie 131 000 personnes en France, avec un flux de 10 000 recrutements par an, ce à quoi il faut ajouter 80 000 personnes employées par 4 000 sous-traitants. En 2006, le solde commercial de ce secteur a été de 12,4 milliards d'euros, ce qui, au passage, représente à peu près le coût des 35 heures.
Les crédits du programme « Équipement des forces » s'élèveront à 9,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 10,4 milliards d'euros en crédits de paiement.
Tous les grands programmes d'équipement seront ainsi menés conformément aux objectifs de la loi de programmation : les Rafale et les Tigre prévus seront disponibles à la fin de l'année 2008, ainsi qu'une frégate de type Horizon.
Les principales commandes porteront sur le Rafale, les véhicules blindés de combat d'infanterie, ou VBCI, et les hélicoptères NH90 pour l'armée de terre. Parmi les commandes passées, la première tranche conditionnelle du sous-marin nucléaire d'attaque de type Barracuda est la plus importante. Je tiens à le souligner, il est indispensable de commander les hélicoptères NH90 en 2008, afin de développer les aptitudes d'aéromobilité de l'armée de terre, lesquelles s'avèrent essentielles dans le cadre des OPEX.
Monsieur le ministre, notre principale préoccupation touche le programme de l'avion de transport A400M et les silences répétés d'EADS sur les retards constatés.
Aujourd'hui, on nous annonce des délais supplémentaires pour livrer le premier appareil, ainsi que des surcoûts importants. Est-il vraiment certain qu'il n'y aura pas de nouveaux dérapages ?
Pour notre part, nous restons très inquiets et nous vous demandons, monsieur le ministre, d'être extrêmement ferme à l'égard de l'industriel.
Mon observation suivante portera sur le lancement éventuel du programme de second porte-avions.
S'il appartient aux plus hautes autorités de l'État de procéder aux décisions majeures concernant ce programme, il est souhaitable que le Parlement puisse être associé à la réflexion du Gouvernement.
En ce qui concerne la dissuasion nucléaire, nous sommes très attachés à sa plénitude et à sa crédibilité.
Cette crédibilité suppose d'abord un système d'armes lui-même crédible - armes nucléaires fiables, missiles, SNLE, avions bombardiers, système de transmission et de renseignement sûrs, forces classiques d'accompagnement - et un processus d'engagement réactif, qui exclut que la décision soit soumise à plusieurs autorités politiques.
Cette crédibilité ne joue pas pour les seules forces affectées à la dissuasion. Il est important de rappeler que toutes les composantes des armées bénéficient de facto de tout ce qui a été consenti au développement de notre force de frappe et à son maintien à niveau, que ce soient en termes technologiques et industriels ou sur le plan opérationnel.
Si l'arme nucléaire n'est pas, plus qu'une autre, « la » réponse à toutes les menaces et à tous les risques, elle reste néanmoins, directement ou indirectement, un facteur essentiel de stabilité. Elle est une arme politique.
Là aussi, notre effort doit continuer et il ne peut pas y avoir de demi-mesure ou de mutualisation de la dissuasion. Eu égard à la prolifération actuelle au niveau mondial, préserver la crédibilité de notre dissuasion nucléaire est un impératif.
Les crédits destinés à la dissuasion nucléaire représentent 18,4 % du programme. C'est beaucoup, et cela traduit la volonté constante de la France de disposer d'un arsenal autonome de dissuasion nucléaire. Nous nous en félicitons, tout en réaffirmant la nécessité de poursuivre l'effort nucléaire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi maintenant de rendre hommage aux forces qui servent notre pays sur des théâtres extérieurs.
La multiplication des opérations extérieures au cours de ces dernières années a soulevé la question de leur financement. À la demande insistante du Parlement, le Gouvernement a décidé d'inscrire, dès la loi de finances initiale, une somme correspondant aux prévisions de dépenses relatives aux OPEX.
Cette somme fut d'abord symbolique, mais son augmentation a permis un certain rapprochement avec la réalité. Pour l'année 2008, il est prévu d'inscrire 375 millions d'euros à ce titre, soit un montant identique à celui de l'année précédente. La facture devrait toutefois dépasser 600 millions d'euros. Il faudra donc continuer nos efforts de budgétisation dans ce domaine.
Par ailleurs, je voudrais dire un mot sur l'Europe de la défense.
Un certain nombre de programmes menés en collaboration avec des alliés européens - Britanniques, Allemands, Italiens ou Espagnols - sont en cours de développement, voire arrivent à terme. Ils ont tous connu des difficultés de mise en oeuvre, en raison notamment des divergences stratégiques et tactiques entre les différentes armées concernées.
Aujourd'hui, nous sommes arrivés à un point crucial, où les futures collaborations vont toucher des fonctions éminemment stratégiques.
Je pense principalement à l'espace, qui constitue un sujet de très grande préoccupation, car les perspectives d'avenir ne sont pas des plus claires.
Avec la rédaction du Livre blanc et de la future loi de programmation militaire, 2008 sera l'année de choix décisifs quant à la place accordée à l'espace. À l'évidence, un effort dans le secteur spatial est nécessaire dans le cadre de notre autonomie de renseignement et de commandement.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer à ce sujet sur vos intentions ?
Sur la relance de l'Europe de la défense, nos partenaires ne seront entraînés que dans la mesure où la France continuera à faire un effort significatif, notamment sur le plan budgétaire. Ils ne voudront peut-être pas tous se rallier à une « Europe puissance », mais ils ne comprendraient pas que la France ne soit pas au premier rang. En d'autres termes, il faut donner envie à nos partenaires de consacrer les moyens nécessaires à la défense européenne.
En outre, la question de notre relation avec l'OTAN constitue, à nos yeux, un axe de réflexion absolument majeur, dans la mesure où cette organisation est, aujourd'hui, un cadre essentiel de la politique de défense de notre pays.
Un quart des militaires français engagés en opérations extérieures le sont au titre de l'OTAN, et la France prend une part active aux réformes militaires en cours au sein de l'organisation.
Il importe donc, pour la France, de définir clairement ce qu'elle attend de l'Alliance atlantique, de proposer une articulation cohérente et crédible entre celle-ci et l'Europe de la défense, et de se donner les moyens de promouvoir ses idées dans une organisation où son rôle politique ne semble pas à la hauteur de sa contribution militaire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai une ultime remarque : plusieurs exercices en cours auront une incidence sur les équipements de nos armées dans les années à venir.
Le Livre blanc et la revue des programmes redessineront le cadre décisionnel, le suivi et la nature des prochains programmes d'équipements militaires.
Les places et responsabilités respectives du chef d'état-major des armées, des différents états-majors d'armée et de la DGA devront être précisées.
De même, le suivi et le contrôle des industriels devront être resserrés.
Le Parlement ne doit pas être absent de ces réformes. Certes, des parlementaires sont associés aux travaux et à la rédaction du Livre blanc, et il faut s'en féliciter. Mais le rôle du Parlement doit se prolonger, au travers, par exemple, de missions d'information. Il me semble impératif que nous soyons présents sur le suivi des programmes d'armement.
En liaison avec les états-majors et les industriels, la création d'une mission d'information permettrait ainsi d'éviter de découvrir, par la presse, certains retards inexcusables, concernant, hier, le VBCI et, aujourd'hui, l'A400M. Cela contribuerait à renforcer la fonction de contrôle du Parlement, chère au président de la commission des finances et à son rapporteur général.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, parce que le budget qui nous est présenté est réaliste et équilibré, le groupe UMP votera les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un budget, c'est la traduction financière d'une politique.
Or, manifestement, nous sommes, en matière de défense, dans une période de transition entre la fin de la loi de programmation, les réflexions du Livre blanc et la revue de programmes, éléments qui serviront de support à la prochaine loi de programmation militaire.
Avec le projet de budget que vous nous présentez pour 2008, vous ne gérez que les affaires courantes : vous êtes en attente des décisions que doit permettre de valider le Livre blanc.
Je dis « valider » car, sans contester la qualité du travail qui sera fourni par les membres de la commission de rédaction, je crains que les réponses et les conclusions du Livre blanc ne soient déjà contenues dans les questions posées par le Président de la République dans sa lettre de mission.
Il s'agit donc d'un budget virtuel, qui se contente de gérer l'existant sans proposer de mesures vraiment nouvelles. Nous retrouvons sans surprise les « fondamentaux » et les grands équilibres des années précédentes.
Vous maintenez grosso modo l'effort de défense, en y consacrant 1,71 % du produit intérieur brut. Avec 36,77 milliards d'euros de crédits de paiement et 35,99 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, les crédits de la mission « Défense » semblent être en légère progression par rapport à l'année précédente.
Mais à y regarder de plus près, certains programmes - en particulier le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », qui paraît stable - connaissent en fait une baisse de leurs crédits de paiement. Il en va de même des dépenses d'équipement qui, compte tenu de l'inflation, ne sont pas vraiment celles qui sont inscrites en loi de programmation.
Je pourrais aussi parler des crédits consacrés à l'entraînement de l'armée de terre, qui ne garantissent que 88 jours d'activité, au lieu des 100 jours programmés, ce qui peut avoir quelques conséquences négatives, dont nous nous inquiétons, sur le niveau opérationnel de nos troupes. L'entretien de matériels vieillissants - dû aux retards successifs des plans d'équipement en matériel neuf -, qui entraîne des coûts très élevés de maintien en condition opérationnelle, a également des conséquences fâcheuses.
Les crédits concernant la recherche de défense sont stables, mais il faudra absolument que cet effort soit très nettement accentué lors de la prochaine loi de programmation militaire, tant il est vrai que la recherche et le développement sont l'un des moyens permettant de lutter contre les effets négatifs de la parité euro-dollar, en améliorant la compétitivité de notre industrie aéronautique et spatiale.
Cet effort est d'autant plus nécessaire à l'heure où certains dirigeants de notre industrie aéronautique prennent prétexte de la faiblesse de l'euro par rapport au dollar pour annoncer la délocalisation de certaines productions, qui constitue une fuite en avant et une solution de facilité. Cette question, qui est un réel problème, peut être résolue par d'autres moyens.
Il faudrait en particulier que notre pays intervienne vigoureusement auprès de la Commission de Bruxelles pour que celle-ci défende devant l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, l'outil des avances remboursables.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui se profile derrière cette situation que la parité euro-dollar fait exploser est très grave. L'industrie aéronautique est un pan déterminant et stratégique de notre potentiel industriel - plus de 100 000 salariés y travaillent - et des régions entières en vivent.
C'est une grande question d'actualité, qui en appelle une autre, celle du traité européen dit « simplifié », que l'on nous propose de ratifier dans notre pays sans débat populaire ni référendum.
Au coeur de cette crise en cours, convenez-en, se pose avec force le rôle de la Banque centrale européenne, la BCE, que ce traité ne prévoit malheureusement pas de modifier, comme notre peuple l'avait pourtant souhaité en votant non lors du référendum sur le projet de Constitution européenne en 2005.
Si la Banque centrale européenne était davantage tournée vers le soutien à l'emploi et à la croissance et si elle pouvait agir sur la parité de notre monnaie en faveur du développement industriel, nous ne serions pas dans cet état d'impuissance dont les conséquences sont catastrophiques.
Monsieur le ministre, comment pourrez-vous expliquer que l'Europe avance, si elle est incapable de sauvegarder son potentiel industriel et ses emplois ?
Je veux enfin souligner une réelle sous-estimation de l'importance du spatial militaire, qui conditionne pourtant largement notre indépendance et notre autonomie de décision, grâce aux capacités de renseignement et d'observation.
Le montant des crédits de paiement figurant au programme 146 est inférieur à celui des années précédentes. Cela ne nous permettra ni de moderniser comme il conviendrait nos moyens spatiaux ni de jouer un rôle moteur en Europe dans ce domaine. C'est d'autant plus regrettable qu'un accord, certes fragile et très imparfait, vient d'être récemment trouvé avec nos partenaires européens sur le financement du système de radionavigation par satellite Galileo.
Les autorisations d'engagement, qui s'élèvent à 15,6 milliards d'euros, sont légèrement inférieures à celles de l'an dernier. Encore faut-il tenir compte, sur ces quelque 15 milliards d'euros, des 3 milliards d'euros provisionnés pour l'hypothétique commande d'un second porte-avions.
On peut s'interroger sur un tel provisionnement compte tenu, d'une part, des difficultés rencontrées dans la coopération avec les Britanniques, qui ne nous laisseront que la fabrication des systèmes d'armes, et, d'autre part, de l'incertitude qui pèse sur les conclusions du Livre blanc et sur les arbitrages que rendra le Président de la République sur ce projet.
Comme mesures nouvelles, je ne vois guère qu'un léger effort en direction de l'amélioration de la condition des hommes du rang et des jeunes sous-officiers, ainsi que pour la reconversion des militaires et la valorisation professionnelle des personnels civils. Cela se fait, malheureusement, sur fond de suppression de 6 037 emplois, au nom de la révision générale des politiques publiques, qui incite à ce type d'économies au détriment de l'emploi.
Enfin, j'approuve, au nom de la transparence et de la sincérité budgétaire, l'inscription de 375 millions d'euros, auxquels devraient s'ajouter les 100 millions d'euros promis par M. le ministre du budget, en prévision des dépenses liées aux opérations extérieures. Toutefois, nous n'approuvons, et n'approuverons, que celles qui sont menées dans le strict cadre d'opérations de maintien de la paix sous mandat du Conseil de sécurité des Nations unies. C'est la raison pour laquelle nous nous interrogeons notamment sur l'opportunité du maintien de nos troupes en Afghanistan dans le cadre d'une opération de l'OTAN.
J'ai pris ces quelques exemples dans votre projet de budget, monsieur le ministre, pour montrer qu'au total vous gérez tout juste l'existant puisque vous ne pouvez anticiper ni le résultat de la revue de programmes ni les conclusions du Livre blanc.
Je suppose toutefois que ce que vous avez appelé « une trajectoire de dépense problématique » vous incitera, hélas ! à ne pas mener à leur terme tous les programmes engagés par la loi de programmation et à réduire certaines capacités militaires.
Dans ces conditions, nous considérons que votre budget n'est pas adapté à la réalité du monde d'aujourd'hui, aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces qui seront précisés dans l'analyse du Livre blanc, et sur lesquels je ne suis pas certaine que nous soyons tous d'accord.
Certes, pour rester une grande puissance crédible, il faut que notre outil militaire possède l'ensemble des grandes capacités. Cependant, nous n'approuvons pas la répartition des crédits de votre projet de budget.
Une part trop importante est accordée, en particulier, au développement de l'arme nucléaire. Nous comprenons qu'il faille assurer le niveau de crédibilité de notre dissuasion, mais nous pensons que la politique que vous menez en ce domaine n'est pas conforme au principe de stricte suffisance.
Les crédits destinés à la dissuasion représentent 18,4 % du programme 146 « Équipement des forces ». C'est trop important. Mais, surtout, la répartition est tout à fait disproportionnée entre les crédits qui sont destinés à assurer la nécessaire crédibilité technique des systèmes d'armes - essentiellement la modernisation des vecteurs de l'arme nucléaire - ou encore la crédibilité opérationnelle des forces nucléaires et ceux qui concernent la simulation, laquelle permet de développer l'arme nucléaire en tant que telle.
Nous consacrons, en volume, plus d'un tiers des crédits d'équipement destinés à ce secteur pour perfectionner l'arme nucléaire. Je suis pourtant convaincue que nous n'avons pas besoin d'infléchir notre doctrine d'emploi, comme l'avait évoqué le Président Chirac dans son discours de l'Île Longue, car celle-ci n'est pas la bonne réponse aux nouvelles menaces, notamment terroristes. Le nucléaire est, en effet, inefficace pour lutter contre le terrorisme et les États qui le protègent.
Cette politique n'est pas non plus pertinente pour lutter contre la prolifération. Elle incite, au contraire, à la course aux armements quand celle-ci doit être combattue de façon multilatérale par la diplomatie, en prenant des initiatives fortes auprès d'instances internationales de concertation, comme le Conseil de sécurité de l'ONU, ou son organisme de contrôle, l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA.
Être vraiment efficace dans la lutte contre le terrorisme et la prolifération supposerait plutôt d'augmenter les crédits affectés à la recherche et à l'espace militaire afin de renforcer nos capacités autonomes de renseignement et d'observation.
La place de la dissuasion nucléaire dans notre outil de défense est un des sujets abordés par le Livre blanc, tout comme l'hypothèse du retour de notre pays dans la structure militaire intégrée de l'OTAN.
Dans ce projet de budget, monsieur le ministre, nous ne disposons pratiquement d'aucun élément d'appréciation sur cette hypothèse, alors que nous sommes pourtant l'un des tout premiers contributeurs de cette organisation. De même ne figure nulle part, en autorisations d'engagement, ce que pourrait nous coûter - très cher, vraisemblablement ! - la réintégration.
Nous marquons notre profond désaccord avec une politique de rapprochement, qui nous est fallacieusement présentée comme devant permettre de mieux influer sur l'OTAN et de faire progresser, dans le même temps, l'Europe de la défense. L'indépendance de la France est incompatible avec un retour au sein du commandement militaire d'une organisation dont l'existence même n'est justifiée que par la volonté hégémonique des États-Unis.
Il nous semble que c'est jouer là avec une contradiction et que, au contraire, cette posture mettrait en cause notre souveraineté et notre autonomie d'appréciation et de décision. Ce serait, en outre, donner un signal négatif à nos partenaires européens et affaiblir l'idée même de défense européenne, alors que la politique étrangère des États-Unis est souvent en échec et que l'OTAN elle-même se trouve dans une impasse en Afghanistan.
Nous pensons que le fait de réintégrer les structures de commandement serait perçu par nos partenaires comme l'abandon de tout espoir de voir, un jour, se construire une politique européenne de défense.
Nous regrettons que de tels sujets, décisifs pour notre avenir, ne donnent pas lieu à un véritable débat dans nos assemblées, en amont de la prochaine loi de programmation militaire.
De premières réflexions formulées dans le cadre du Livre blanc montrent pourtant qu'il est absolument nécessaire, au nom de la démocratie, d'impliquer et de mieux associer le Parlement aux affaires de défense.
Quand accepterez- vous enfin ce débat ?
Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, pour les raisons que je viens d'évoquer - notre désaccord sur les orientations de votre politique de défense et la répartition des crédits -, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je voudrais saisir l'occasion de la discussion des crédits de votre ministère pour vous faire part de quelques observations se fondant sur ma science toute neuve de la défense, science que je dois à une excellente idée de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, grâce à laquelle je viens d'effectuer un stage en immersion dans les services de la direction du renseignement militaire.
Je commencerai d'ailleurs par remercier le commandant de Becdelièvre et l'ensemble des militaires qui m'ont reçue, en souhaitant qu'il me soit possible de continuer à être en relation avec la DRM tant j'ai tiré d'enseignements de ce premier contact.
Il semblerait ainsi, monsieur le ministre, que nous n'ayons pas de culture du renseignement dans notre pays, contrairement à nos amis Britanniques, alors que nos services sont sans aucun doute parmi les meilleurs du monde, notamment dans les domaines de l'imagerie et de l'écoute électromagnétique.
Mme Dominique Voynet. Ce n'est plus de l'immersion...
Mme Nathalie Goulet. Aucune école militaire n'enseigne en effet « le renseignement ». Plus simplement, il n'existe pas de module d'enseignement de cette matière indispensable.
Il faudrait donc, monsieur le ministre, introduire cette matière sans délai à Saint-Cyr et à l'école navale, et la renforcer à l'école de l'air où, m'a-t-on dit, il existe déjà un enseignement résiduel, de façon que les militaires en formation y soient sensibilisés.
Il faudrait ensuite soutenir financièrement le Centre de formation interarmées au renseignement de Strasbourg, remarquable outil qui pourrait sans doute devenir - avec prudence, certes - interministériel ou européen, avec un tronc commun à déterminer pour que l'« équipe France » - militaires, diplomates et personnels en charge des postes d'expansion économique - fonctionne à l'étranger de façon cohérente, sujet que j'ai déjà abordé lors de l'examen, samedi dernier, des crédits du ministère des affaires étrangères, car il serait bon, en effet, que nos diplomates puissent bénéficier d'une formation au renseignement.
La DRM a donc pour mission le renseignement d'intérêt militaire ; ses membres coopèrent déjà avec les services de la DGSE, avec laquelle elle met en commun certains outils, mais les objectifs sont différents et ne doivent pas être confondus.
Toute proposition qui tendrait, par souci de rationalisation théorique ou comptable, à fusionner ces services serait incohérente.
La spécificité de cette mission - et c'est sans doute ce qui fait son efficacité - est le soutien à nos forces, raison pour laquelle la DGSE et la DRM sont des entités séparées, mais j'ai cru comprendre à la lecture d'un des rapports qu'il convenait peut-être d'envisager la fusion des services, raison pour laquelle je m'interrogeais.
Le second point sur lequel je souhaite rapidement intervenir, compte tenu du fait que je n'ai que cinq minutes de temps de parole, est l'Europe de la défense.
Arrêtons-nous quelques instants sur l'Union de l'Europe occidentale, dont la France prendra la présidence en janvier prochain, et sur son assemblée, dont le valeureux président siège, mes chers collègues, parmi nous ce soir.
La France contribue à hauteur de 2,5 millions d'euros au budget, qui est d'environ 7 millions d'euros, de cette assemblée chargée des questions de défense mais qui a vu la totalité de ses missions dites les « missions de Petersberg » transférées au Parlement européen voilà plusieurs années.
Il faudra donc vraisemblablement réfléchir à une mutation de l'UEO pour en faire une assemblée de défense ragaillardie et dépoussiérée, car, certes, elle travaille, mais elle le fait dans l'indifférence générale.
En même temps que cette mutation, nous pourrions donc proposer, monsieur le ministre, la création d'une nouvelle assemblée européenne de défense qui serait distincte de l'assemblée parlementaire de l'OTAN et installée sur des bases légales solides.
Monsieur le ministre, j'attire donc votre attention sur les métiers du renseignement, sur la formation de nos troupes - à ces métiers notamment - et sur les espoirs que nous pouvons nourrir à propos d'une Europe de la défense européenne.
Surtout, je ne voudrais pas que vos très hautes fonctions vous détournent d'une autre mission tout aussi stratégique, je veux parler de la réunification de la Normandie, où, vous le savez, dans notre famille, nous vous sommes acquis. (Sourires et applaudissements sur certaines travées du RDSE. - M. Michel Guerry applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. Didier Boulaud. De l'UC-UDF ?... Nous, nous n'y comprenons plus rien !
M. Yves Pozzo di Borgo. Du Nouveau Centre...
M. le président. Ici, pour l'instant, il n'y a pas de demande de modification officielle : c'est toujours l'UC-UDF !
M. Yves Pozzo di Borgo. Voilà !
M. Charles Pasqua. La clarification viendra bien assez tôt... (Sourires.)
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on l'aura compris, car cela ressort des rapports et des différentes interventions, le budget de la défense pour 2008 est un budget de transition,...
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. C'est dommage !
M. Yves Pozzo di Borgo. ...un budget de transition pour une défense à la croisée des chemins : la dernière loi de programmation militaire arrive à son terme et les évolutions budgétaires prévisionnelles sont parlantes dans un contexte international extrêmement incertain, notamment s'agissant de la Chine.
En l'état actuel des prévisions du ministère, le ministre nous a indiqué que les crédits d'équipement annuels devraient passer d'une moyenne de 15,4 milliards d'euros, entre 2003 et 2007, à une moyenne de 21,9 milliards d'euros entre 2009 et 2013, soit une augmentation de 42 % en volume sur la période, particulièrement marquée à partir de 2009, avec une « marche » de 2,9 milliards d'euros pour 2008.
De telles sommes, qui pourtant constitueraient une programmation idéale, sont évidemment inenvisageables dans la situation budgétaire que nous connaissons, d'où la nécessité, d'une part, de faire urgemment des choix et, d'autre part, de faire franchement avancer le dossier de la défense européenne, ce qui constitue d'ailleurs aussi un choix.
Oui, l'heure est aux choix parce que, même en maintenant comme référence un effort de défense autour de 2 % du PIB, l'évolution des besoins est intenable dans le cadre actuel.
C'est tout le sens des trois grands chantiers qui seront engagés prochainement afin d'adapter l'outil de défense : le Livre blanc évidemment, mais aussi la revue des programmes et, enfin, la loi de programmation militaire qui devrait être soumise au Parlement au printemps 2008.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale définira un concept de défense globale et les contrats opérationnels assignés aux forces armées.
La revue des programmes d'armement menée au sein du ministère de la défense fournira tous les éléments techniques et financiers préparatoires aux arbitrages au vu des conclusions de ce Livre blanc, et l'on attend de cette revue qu'elle aide à réduire, voire à résorber, la « bosse » financière attendue à compter de 2009.
La situation de transition dans laquelle se trouvent nos armées, en attente des résultats des trois grands chantiers précités, explique les principales caractéristiques du budget de la défense pour 2008.
Je tiens à saluer certains des arbitrages de ce budget qui, sans concerner les grandes masses financières, relèvent à nos yeux d'une inspiration de bon aloi.
Il s'agit de l'effort fait en faveur de la condition des personnels, en particulier des militaires du rang et des jeunes sous-officiers. Il s'agit aussi des mesures en faveur du personnel civil, pour un montant supérieur à ceux des précédents exercices.
Par ailleurs, et je veux vous en féliciter, monsieur le ministre, le ministère de la défense participe à l'effort de réduction des effectifs avec le non-remplacement de la moitié des départs en retraite, ce qui est d'autant plus méritoire que ces réductions d'effectifs porteront uniquement sur les fonctions de soutien et d'administration, et non sur les forces opérationnelles.
Je m'insurge en revanche contre une « affaire » un peu délicate sur laquelle j'étais déjà intervenu l'an dernier ; je veux parler du transfert projeté, mais heureusement non encore arrêté, de l'état-major de l'armée de terre de la rue Saint-Dominique à l'École militaire.
En ma qualité d'élu du viie arrondissement de Paris et de sénateur membre de la commission de la défense, je me suis toujours opposé à ce projet qui, à mon sens, ne répond pas à un besoin évident de l'armée et que je considère comme inopportun et inadéquat. Je préférerais que l'on développe dans ce lieu historique une grande école européenne de défense, dans le cadre d'une vocation européenne de l'École militaire.
C'est un point sur lequel je reviendrai en présentant mon amendement, mais je tiens d'emblée à dire que c'est un problème que le général de Gaulle avait déjà connu dans ce même arrondissement puisque l'armée ne voulait pas quitter les Invalides. C'est Malraux qui a obtenu du général de Gaulle qu'elle le fasse pour faire de ce lieu un lieu de mémoire militaire.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Yves Pozzo di Borgo. Les bâtiments de l'École militaire ont actuellement une vocation militaire. Cependant, je considère que le ministère de la défense doit, comme d'ailleurs tous les grands ministères, s'adapter aux évolutions : évidemment, il doit conserver tous ses lieux de pouvoir - notamment, bien sûr, l'ancien ministère des armées, dans le viie arrondissement -, mais que les états-majors dont les besoins sont un peu complexes devraient pouvoir être déplacés.
En attendant qu'une décision définitive soit prise au premier trimestre 2008, je proposerai donc un amendement visant à réduire les crédits aujourd'hui affectés à ce transfert.
Le niveau des crédits d'équipement sera inférieur de 250 millions d'euros à celui qui est prévu par la loi de programmation. Certes, cela doit être mis en perspective avec la levée de la réserve de 1,15 milliard d'euros sur le budget de 2007, avec l'ouverture de crédits supplémentaires pour les frégates multimissions et avec la couverture intégrale en collectif budgétaire du surcoût des opérations extérieures de 2007.
Force est tout de même de constater que l'exécution de la loi de programmation militaire en cours a été perturbée par la nécessité de faire face à des besoins supérieurs aux prévisions, notamment sur le maintien en condition opérationnelle et le nucléaire, besoins qui se sont ajoutés au rattrapage des coupes opérées entre 1997 et 2002 et ont représenté plus de 13 milliards d'euros, soit l'équivalent d'une annuité complète des crédits d'équipement.
L'action de nos armées est entravée par l'existence de lacunes capacitaires, notamment en matière de projection de forces, de recueil de renseignements et d'aéromobilité, même si j'ai pu constater, lors du dernier voyage aux États-Unis et de la visite que nous avons effectué à l'ONU avec la commission des affaires étrangères, que notre pays avait une très bonne réputation en la matière et que les forces françaises apparaissaient comme les plus compétitives dans ce domaine. Néanmoins, nous avons pris bien trop d'engagements, des engagements intenables qu'il appartiendra au Livre blanc de trier.
Dans ce contexte, et dans la perspective du Livre blanc, le « diagnostic vérité » commandé par le Président de la République ainsi que par le Premier ministre et « mis en musique » par le ministre de la défense n'est pas un luxe. C'est, semble-t-il, au prix d'aménagements, voire de fragilités dans certains domaines, que les armées parviendraient à remplir globalement leur contrat opérationnel. Plusieurs matériels importants, comme les hélicoptères Puma et SuperFrelon ou les avions Transall C 160 ont été prolongés à l'extrême.
Les capacités en avions et hélicoptères de transport, en drones, en batellerie des bâtiments amphibies, en moyens de combat en zone urbaine et en interopérabilité des systèmes de commandement sont aussi insuffisantes.
Mais la question du matériel, si importante soit-elle, n'est, elle-même, qu'un symptôme, une conséquence. Il n'existe qu'un seul moyen de la régler. Ce moyen, et c'est un vieil « Européen » qui vous le dit, est la mutualisation européenne. Certes, c'est plus facile à dire qu'à faire...
Autrement dit, le coeur du problème est ailleurs : le coeur du problème, c'est que, dans le monde actuel, nous ne pouvons pas y arriver seuls. La défense est devenue collective et multilatérale.
Je le répète après d'autres, comparer l'outil de défense français avec ceux des autres pays d'Europe et des États-Unis est, à ce titre, très instructif.
La France consacre 1,92 % de son PIB, gendarmerie incluse, à son effort de défense, contre 2,08 % pour la Grande-Bretagne et 3,8 % pour les États-Unis, où le taux atteint même plus de 4 % si l'on inclut l'effort budgétaire consacré à l'Irak et à l'Afghanistan, mais ce taux n'est en Allemagne et en Espagne, deux grands pays européens, qu'aux environs de 1 %.
En matière d'équipement, le budget américain est deux fois et demie supérieur au budget global européen : les États-Unis y consacrent 67 milliards d'euros, contre 11 milliards d'euros pour les Européens.
Dans l'Europe à vingt-sept, deux pays accomplissent 40 % de l'effort de défense : la Grande-Bretagne et la France.
Allons plus loin : le problème est que notre défense repose ou devrait reposer sur deux piliers, l'OTAN et l'Europe. Or ces deux piliers sont totalement déséquilibrés.
La question centrale, sous-jacente à toute la transition face à laquelle nous nous trouvons, celle qui sous-tend les trois chantiers du Livre blanc, de la revue des programmes et de la prochaine loi de programmation militaire, est la suivante : allons-nous nous donner les moyens de développer la défense européenne et de rééquilibrer les piliers de notre défense multilatérale ?
Quelques éléments nous permettent aujourd'hui de croire qu'un tel rééquilibrage est possible à court terme.
D'abord, monsieur le ministre, vous nous avez affirmé que la priorité serait accordée à ce dossier. Un travail de réflexion est en cours et des contacts vont être établis avec nos partenaires en vue de préparer des propositions qui pourraient être examinées lors de la présidence de l'Union européenne par la France au second semestre 2008.
Ensuite, la relance de l'Europe de la défense bénéficie d'un contexte favorable à la suite du dernier sommet européen de Bruxelles, qui a été une réussite.
Enfin, le « traité simplifié » ouvrira de nouvelles possibilités de coopérations renforcées, notamment dans le domaine de la PESD.
Tout semble donc réuni pour que nous puissions, dans les années à venir, véritablement passer à la vitesse supérieure en matière de défense européenne.
Pourtant, comme la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées l'a très bien souligné dans son excellent rapport d'information de juillet dernier consacré aux enjeux des évolutions de l'OTAN, de très grandes incertitudes planent actuellement sur l'évolution et le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense.
En la matière, la position de la France a, jusqu'ici, manqué de lisibilité, tout simplement parce que l'avenir de la PESD est intrinsèquement lié à celui de l'OTAN. Nous n'avancerons pas en matière de politique européenne de défense sans clarifier notre position atlantique, et sans que l'OTAN clarifie sa position vis-à-vis de la PESD.
Les données du problème sont les suivantes : d'une part, seuls deux pays, la France et la Grande-Bretagne, financent véritablement la PESD ; d'autre part, tous nos partenaires européens, surtout ceux de l'Est et l'Allemagne, s'en remettent à l'OTAN pour la défense ultime depuis la création de cette institution en 1949 et ils ne sont donc pas disposés à l'abandonner au profit du système de défense collective européenne en gestation, qui va leur coûter beaucoup plus cher.
Certains de nos partenaires sont très méfiants vis-à-vis de la PESD. Ainsi, la création récente d'un état-major européen de planification a été jugée par certains comme redondante au regard des structures déjà existantes dans l'OTAN.
D'où le blocage de la PESD. D'où peut-être aussi le rapprochement que l'on peut observer avec bonheur de la France avec l'OTAN.
Pour sortir de l'impasse, certains ont récemment évoqué l'idée qu'une sorte de marché pourrait être conclu avec nos partenaires. D'un côté, la France se rapprocherait des structures atlantiques, voire les réintégrerait pleinement, même si je sais que ce n'est pas à l'ordre du jour. De l'autre, en contrepartie, nous obtiendrions un engagement plus résolu de nos partenaires dans le développement de la politique européenne de défense. Tout cela fait évidemment progresser l'idée de capacité de défense.
La crise des euromissiles américains de Pologne est emblématique du blocage et de l'aberration de la situation. Elle souligne aussi une fois de plus, s'il en était encore besoin, la nécessité de développer la PESD. Il est tout de même fou que, officiellement, la question du bouclier antimissile américain ne soit véritablement discutée dans aucune enceinte multilatérale.
Les consultations que nous avons menées dans le cadre du rapport que nous avons rendu à la délégation pour l'Union européenne sur les relations Union européenne-Russie ont fait apparaître un refus ou une crainte d'aborder cette question tant au sein de l'Union de l'Europe occidentale que de l'OTAN. Cette dernière a d'ailleurs en fait rédiger un énorme rapport sur la défense antimissiles européenne, sans aborder le véritable problème du système des missiles antimissiles que les Américains mettent en place dans le monde entier.
Tout le monde nous dit que cette question ne concerne que la Pologne, la Tchéquie et les États-Unis. Or c'est une question éminemment européenne. Pour faire face à cette crise, une réponse européenne commune est nécessaire ! La Russie attend une telle réponse : elle souhaite trouver une voie d'entente avec l'Union européenne en matière de défense antimissiles. Son retrait du traité des forces conventionnelles en Europe est tout de même un signe. Il faut s'interroger. On ne peut continuer à ne pas aborder ce problème. J'imagine qu'il est évoqué au niveau des chefs d'État. C'est un problème que la représentation nationale doit connaître.
En conclusion, si ce budget est un budget de transition, ce vers quoi nous allons, il implique des choix qui ne sont pas encore faits. En revanche, ce qui paraît clair, c'est ce vers quoi nous devrions tendre. Nous devons profiter de cette période charnière pour développer substantiellement la politique européenne de défense.
Monsieur le ministre, sachez qu'à titre personnel je voterai votre budget et que mon groupe - UDF, Nouveau Centre et MODEM, le votera également.
Mme Michelle Demessine. Au moins c'est clair !
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous trouvons devant une situation particulière, voire paradoxale.
Le budget global de la défense s'élèvera en 2008 à 35,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 36,8 milliards en crédits de paiement.
Par rapport à 2007, les crédits de la mission « Défense » ne progressent pas, ils stagnent.
Le ministère de la défense, qui n'échappe pas au dogme gouvernemental de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, prévoit la suppression de 6 000 postes, soit 4 800 postes militaires et 1 200 civils, sur un total de 320 000 personnes, qui se décompose lui-même en 246 000 militaires et 74 000 civils.
C'est une situation particulière parce qu'il s'agit du premier budget du quinquennat Sarkozy,... et ce n'est pas un bon budget.
C'est une situation paradoxale, car, en réalité, vous êtes, monsieur le ministre, prisonnier d'un héritage. Il faut en parler. C'est l'héritage de votre prédécesseur, aujourd'hui au ministère de l'intérieur.
Cet héritage devient une contrainte supplémentaire sur un budget très serré. À force de fermer les yeux pendant cinq ans, il est difficile pour la majorité sortante et reconduite de regarder la réalité en face. Là encore, on cherche la « rupture ».
Faisons un effort : une revue des programmes - engagés et à venir - est en cours, les résultats, dit-on, seraient déjà dans le tiroir du ministre. Pourquoi les résultats de cette revue de programmes ne sont-ils pas pris en compte par cette dernière annuité de la programmation militaire ?
J'ai une réponse à vous proposer : il s'agit de maintenir la fiction d'une exécution parfaite de cette programmation irréaliste et conservatrice. Dans le théâtre d'ombres qu'est devenu le budget de l'État - d'un État en faillite -, il faut sauver les apparences et maintenir le mythe de la bonne programmation bien exécutée.
Votre prédécesseur était devenu une spécialiste de ce jeu de cache vérité. Malgré nos avertissements et nos analyses, elle a fait semblant de ne pas voir grandir et se développer la « bosse financière » dont tout le monde parle aujourd'hui. Je vous invite d'ailleurs à relire l'excellent rapport sur la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 de notre collègue Serge Vinçon - pour lequel nous avons tous une pensée ce soir. Ce rapport est toujours extrêmement intéressant, même cinq ans après sa parution. Beaucoup des éléments qu'il comporte peuvent être pris en compte.
Si la programmation 2003-2008 a été si bien préparée, si bien respectée, si bien accomplie, pourquoi a-t-on dû procéder en catastrophe, dès le mois de décembre 2006, à une revue des programmes sur cette même loi de programmation militaire ?
Pourquoi alors une « opération vérité » - excusez du peu - demandée dès son arrivée par le nouveau ministre de la défense sur les comptes du ministère ?
La vérité dévoilée est apparue tout-à-coup, ex abrupto, aux yeux du nouveau ministre ? Ou alors, ce qui était vrai en 2006 est devenu faux en 2007, seulement parce que nous avons changé de gouvernement, même si on a gardé quelques ministres ?
Non, l'explication est plus prosaïque. D'une part, cette loi de programmation militaire basée sur un modèle d'armée caduc et sur un Livre blanc rédigé avant la professionnalisation de nos armées était déphasée et, d'autre part, la politique économique et sociale du gouvernement d'alors ne permettait pas d'atteindre les ambitieux objectifs fixés par la loi de programmation militaire.
Je n'aurai pas la cruauté de répéter les arguments que je vous ai exposés récemment - vous pouvez lire ou relire utilement le rapport Vinçon n° 370 et en particulier son annexe à laquelle j'avais contribué.
Cela ne met pas en cause la vaillance avec laquelle Mme Alliot-Marie a défendu bec et ongles ses budgets face aux offensives régulières de Bercy, dirigé un moment par un certain Nicolas Sarkozy. Sans cette défense, les crédits du ministère auraient connu un sort encore plus néfaste.
Ma critique était et reste une critique fondamentale sur l'essence même d'une loi de programmation mal préparée et inadaptée.
Aujourd'hui, cet héritage-là vous tombe sur la tête, accompagné en plus d'une autre mauvaise nouvelle : il faudra faire respecter, nous y veillerons, la promesse présidentielle d'un budget de défense atteignant 2 % du PIB.
Lors d'une conférence de presse sur son programme de politique internationale, le 28 février 2007, Nicolas Sarkozy avait estimé à 2 % du PIB le budget « minimum » en matière de défense. Il a même ajouté : « C'est le prix de notre indépendance nationale, de nos responsabilités internationales, et de notre sécurité. C'est là un devoir de l'État qu'il serait irresponsable d'opposer à d'autres politiques non moins essentielles à la nation comme l'éducation ou la recherche. ».
Nous sommes curieux de savoir comment vous allez vous y prendre pour tenir cet engagement présidentiel.
En tout cas, le budget 2008 ne prend pas le bon chemin. Le Gouvernement ne nous propose qu'un petit 1,61 % du PIB, selon la référence OTAN, voire entre 1,65 % et 1,71 % selon d'autres sources.
Ainsi, le budget 2008 n'est pas très différent des budgets précédents. C'est aussi un budget de transition, car il est le dernier de la loi de programmation militaire en cours. Pour faire court, j'emprunterai les mots prononcés par le président de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale, Guy Teissier, qui a déploré, début octobre, des crédits en baisse sur « des points stratégiques » du budget 2008 de la défense, citant en particulier l'armée de terre et l'espace. II avait alors estimé dans un communiqué que la commission « ne peut souscrire » à « une diminution de crédits sur certains points stratégiques ». Nous non plus !
Pour le proche avenir, les sujets d'inquiétude et de réflexion ne manquent pas. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le Livre blanc sur les affaires étrangères, ce sont des exercices nécessaires qui ne trouveront leur véritable raison d'être que dans une sorte de consécration démocratique : avec présentation, débat et vote au Parlement. Les dangers et les menaces auxquels nous sommes confrontés exigent que les moyens et les doctrines de notre défense soient clairement exposés sur la place publique. On a beaucoup glosé sur le « consensus national » entourant les questions de défense... Il serait temps de lui redonner du tonus démocratique !
Depuis quelques mois, il y a une course à l'OTAN qui ne me semble pas opportune. Le rapprochement avec l'OTAN est une chimère qui varie, qui évolue au gré des déclarations des responsables gouvernementaux, un jour c'est oui et un autre peut-être ! On aimerait y voir plus clair. Je considère pour ma part, que la défense européenne doit être notre priorité, ce qui n'exclut pas le travail avec nos amis américains. Mais, à force de vouloir se rapprocher de Washington et de vouloir intégrer l'OTAN, on obère nos capacités d'action autonome et on nous place dans une situation plus fragile, moins indépendante. Voulons-nous que notre politique étrangère et de défense ressemble à celle de la Grande-Bretagne ?
Des informations font état d'un futur renforcement, encore un, de nos forces en Afghanistan. Ainsi, la France pourrait fournir l'essentiel de la réserve tactique prévue par l'OTAN pour renforcer, si nécessaire, les forces de l'OTAN sur les théâtres extérieurs, en particulier en Afghanistan. Est-ce la bonne politique ? Cette intervention durant depuis plusieurs années, est-ce qu'on va en voir la fin ? A-t-on une idée de la sortie du conflit ? Nous devrions avoir un débat de fond sur cette question et je souhaite que, pour commencer, M. le ministre puisse nous apporter un bilan complet - politique et militaire - de l'intervention de la France en Afghanistan.
Je voudrais aborder un autre sujet d'actualité, il s'agit de questions posées par le projet de bouclier antimissiles. II y a quelques jours, les 21 et 22 novembre, l'ambassadrice américaine auprès de l'OTAN, Mme Victoria Nuland, a réaffirmé la nécessité du bouclier antimissiles proposé par les États-Unis, qui serait composé d'un système de détection radar basé en République tchèque, et d'une dizaine de missiles antimissiles en Pologne. Pour justifier ce déploiement sur le sol européen, Mme Nuland avance que « la menace vient non seulement d'Iran mais aussi de la Corée du nord, du développement de missiles balistiques par des agents ?voyous?, cette menace est réelle et va croissant ». Elle a ajouté qu'il s'agissait d'offrir une protection aux pays européens contre une frappe éventuelle en provenance des pays susmentionnés, elle a aussi estimé que cette « frappe avec des missiles » pouvait intervenir d'ici à l'an 2015.
On sait déjà ce qu'ont coûté d'autres brillantes analyses stratégiques de nos alliés américains sur les théâtres moyen-orientaux, en particulier quand on a brandi la menace des armes de destruction massive, qui n'ont pas encore été retrouvées ! Donc, prudence et réflexion avant d'embarquer notre pays et l'Union européenne dans une nouvelle course aux armements,... même s'il s'agit d'armements « défensifs ».
Nous n'avons pas la même perception de la menace iranienne et encore moins de son caractère « imminent ». Nous devons aussi évaluer le coût et la rentabilité de l'investissement exigé par ce bouclier, surtout dans la mesure où son degré d'efficacité est inconnu.
Nous devons, dans le même contexte, soulever la question de l'utilisation militaire de l'espace et last but not least, nous devrions évaluer l'impact d'une stratégie qui incorporerait le bouclier antimissiles sur la crédibilité, l'efficacité et la pérennité de notre politique de dissuasion nucléaire.
La question du bouclier antimissiles, telle qu'elle est posée par les États-Unis aujourd'hui, entraîne une autre inquiétude : celle de voir se dessiner à long terme une alliance bilatérale les Etats-Unis et la Russie, ceux-ci pourraient relier leurs futurs systèmes respectifs pour faire face aux menaces balistiques... avec, au milieu, l'Europe prise en otage des conceptions stratégiques dont elle n'aurait pas la maîtrise... Scénario hypothétique certes, mais prenons garde à ne pas perdre, d'alignement en ralliement, notre marge d'autonomie stratégique et tentons, au contraire, de faire accroître cette capacité au sein de l'Union européenne au bénéfice de tous les européens, de la paix et de la sécurité collective.
J'aurais voulu vous parler, monsieur le ministre, de l'accord trouvé autour du projet Galileo, qui va dans le sens de la préservation de l'autonomie stratégique de l'Europe et du développement de ses capacités propres, mais le temps s'écoule, et je ne peux que me réjouir de l'aboutissement de ce projet extrêmement important. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les détails du contenu de l'accord annoncé vendredi dernier par la présidence portugaise ?
Je souhaite également vous interroger sur les discussions, les négociations devrais-je dire, qui ont lieu actuellement sur le « paquet Armement » que la Commission européenne devrait adopter le 5 décembre prochain. Ce paquet est constitué notamment d'une proposition de règlement sur les transferts intracommunautaires d'équipements de défense et d'une proposition de directive sur la coordination des marchés publics de la défense et de la sécurité.
Quelques mots enfin, avant de conclure, à propos du renseignement et de la recherche. Je me contenterai de reprendre mot pour mot l'excellente conclusion du rapporteur pour avis sur l'environnement et le soutien de la politique de défense : « en effet, bien que le projet de loi de finances pour 2008 couvre la dernière annuité de la loi de programmation militaire 2003-2008, il eût été sans doute possible, et à l'évidence responsable, de faire un effort budgétaire tout particulier dès maintenant dans le domaine du renseignement extérieur et celui de la recherche qui, à n'en pas douter, seront des axes majeurs des aptitudes de notre futur outil de défense. La future loi de programmation devra mettre résolument en oeuvre ces choix, sauf à obérer gravement l'avenir de notre sécurité. En n'anticipant pas ce qui est désormais une évidence pour tout le monde, notre pays fait une pause inutile et préjudiciable, qu'il devra obligatoirement combler par un effort supplémentaire dès l'année prochaine. De tels enjeux ne sauraient être ignorés et sacrifiés sur l'autel de je ne sais quelle orthodoxie budgétaire. ».
Pour finir, je voudrais dire un mot sur les personnels de la défense, civils et militaires. D'abord, pour souligner le travail remarquable fait par celles et ceux qui, en France ou à l'étranger, mettent tout leur dévouement et leur énergie au service de la défense et dans les tâches multiples de la sécurité. Je veux ici les saluer et leur faire parvenir un message de solidarité et d'encouragement.
Souvent, quand on parle de la défense, de la sécurité, on parle longuement des matériels, des équipements, des stratégies et on oublie les personnels qui les servent. Je vous invite, monsieur le ministre, à poursuivre l'effort d'amélioration de la condition militaire. Cela est bien sûr également valable pour la gendarmerie. Par ailleurs, le recrutement et la fidélisation sont des chantiers cruciaux sur lesquels notre vigilance doit être constante.
Je crains, hélas ! que votre projet de budget ne soit pas à la hauteur des exigences. Nous constatons d'ailleurs qu'il n'avance aucune proposition concrète susceptible de faire progresser l'Europe de la défense. En outre, il fait peser une lourde hypothèque sur les budgets à venir, qui devront assumer l'inadéquation entre les crédits disponibles et les commandes à honorer, ce qui ne sera pas facile.
Le groupe socialiste votera donc contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Ils avaient peut-être des informations que nous n'avons pas ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la séance d'ouverture du débat budgétaire, j'ai souhaité appeler l'attention sur la nécessité d'une politique maritime ambitieuse pour notre pays.
En effet, la mondialisation accentue la séparation entre les zones de production ou de construction et les aires de consommation, et par conséquent multiplie les échanges par voie de mer. L'acheminement par bateaux de nos approvisionnements et de notre énergie rend la France et l'Europe étroitement dépendantes vis-à-vis de ces échanges en flux tendus. La liberté de circulation et de mouvement dont nous profitons pour les activités de transport ou pour l'action extérieure de l'État bénéficie aussi aux trafics ou activités illicites, à la piraterie ou au terrorisme.
Dans le même temps, l'exploitation des richesses accessibles rend indispensable la préservation des ressources potentiellement utilisables dans l'avenir, qui seront demain l'objet des convoitises. Si la libre circulation sur les océans présente pour nous un caractère vital, les menaces contre cette liberté nous rendent d'autant plus vulnérables.
En réponse à mon intervention, M. le ministre du budget a relevé l'importance de cette question, qui intéresse l'ensemble du Gouvernement, et il a reconnu qu'elle méritait d'être largement débattue. Il s'agit de définir une politique nationale dans un domaine qui intéresse de nombreux secteurs d'activité relevant de différents ministères, tout en soutenant la volonté des pays européens de se structurer pour élaborer une véritable politique maritime commune.
En effet, c'est à l'échelle de l'Union européenne que nous serons véritablement puissants et efficaces, mais ce ne sera possible qu'à terme, car il faut, là encore, bâtir un cadre juridique et politique commun. Pour le moment, nous en sommes tout juste à regarder ensemble comment nous pourrions assurer un espace de surveillance commun, ce qui constitue déjà un pas considérable et même tout à fait essentiel.
L'enjeu, je le rappelle, c'est de ne pas passer à côté des avantages stratégiques que la mondialisation offrira aux pays qui en auront pénétré les principes. Notre responsabilité à nous, hommes politiques et élus, est de placer notre pays en situation d'acteur de cette évolution et non de spectateur, d'en inspirer les règles et non de les subir ou de les déplorer.
Or pour rester les acteurs de cet avenir mondialisé, il est essentiel, justement, de garantir notre sécurité maritime et de préserver notre liberté de circulation et d'action sur les océans, qui reposent sur les moyens maritimes de l'État, près de nos côtes comme au large.
Pour être efficace, nous devons en effet pouvoir agir près des points de départ et de passages obligés de nos approvisionnements vitaux, tels que les caps et les détroits, au plus près de la source des trafics ou dans les zones de piraterie, le long des côtes des pays où travaillent nos ressortissants et où se trouvent nos intérêts, dans les zones où germent des foyers de déstabilisation menaçant la paix de régions entières du monde.
Autour de nos côtes, la maîtrise des mers s'appelle la « sauvegarde maritime ». À la surveillance des abords de notre pays, qui est exercée depuis le large, s'ajoute l'action de notre marine, qui se coordonne avec les autres administrations possédant des moyens de patrouille en haute mer afin de mener des actions de police contre les trafics et de prévenir les catastrophes ou d'en limiter les effets.
La maîtrise des mers est affaire de présence là des crises peuvent surgir si nous ne sommes pas vigilants, là où des menaces sont susceptibles de s'exercer, par exemple dans les détroits dépendant de pays peu fiables. Ce sont, pour l'essentiel, des moyens militaires qui y concourent, car ils sont les seuls à conjuguer en haute mer endurance et polyvalence.
Pour manifester cette présence, il importe que les frégates soient en nombre suffisant, comme les sous-marins et les avions de surveillance, et il nous faut conserver la possibilité de renforcer ce dispositif, par l'envoi de forces supplémentaires, à chaque fois que la menace augmente.
Cette capacité de maîtrise des mers est indispensable pour sécuriser les voies commerciales, notre approvisionnement énergétique et nos approches maritimes, mais aussi pour assurer le déploiement des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins.
Elle constitue une condition essentielle de la projection de notre puissance aérienne à partir d'un porte-avions ou de la projection et du soutien de nos troupes en application de la politique étrangère décidée par le Gouvernement, qu'il s'agisse de ramener la paix ou de défendre nos ressortissants ou nos intérêts.
La possession de deux porte-avions nous permettra d'ailleurs de restaurer notre capacité permanente de grande puissance et de participer de nouveau à des opérations interalliées en position de responsabilité. Nous retrouverons cette ambition de peser, à tout moment, sur le cours des événements à laquelle nous devons aujourd'hui temporairement renoncer.
Monsieur le ministre, ces efforts ne doivent pas occulter la nécessaire préservation de notre environnement : comme l'a rappelé le Président de la République lors de l'ouverture du Grenelle de l'environnement, les questions environnementales constituent une préoccupation majeure de notre société.
À partir de ce constat, la protection de l'environnement prend une place essentielle dans l'action de l'État. Cette priorité réaffirmée appelle un changement de nos comportements individuels et collectifs face aux menaces qui pèsent sur l'homme et la planète.
Dans ce contexte, le ministère de la défense entend-il participer pleinement à cette politique ? C'est bien ce que j'ai constaté, monsieur le ministre, et je vous en félicite.
M. Georges Othily. D'une part, le ministère, dans le cadre de ses attributions opérationnelles, exerce la police de l'environnement sur notre territoire à travers la marine et la gendarmerie nationale.
D'autre part, l'engagement de la défense en matière de développement durable n'est pas nouveau : le 9 juillet 2003, le ministère de la défense et celui de l'écologie et du développement durable ont signé un partenariat en faveur de la protection de l'environnement.
Comme vous l'avez annoncé dernièrement, quarante mesures seront menées en matière d'infrastructures, de gestion des déchets et des substances dangereuses, de gestion de l'eau, de déplacements et de politique d'achats, pour un coût estimé à 180 millions d'euros au cours de la période 2008-2010.
Ces mesures concerneront un large éventail de domaines, qu'il s'agisse de la gestion de l'énergie dans les bâtiments, de la réduction de la consommation des produits pétroliers ou de la gestion des déchets et des substances dangereuses. Les objectifs visés sont la diminution de la quantité de déchets produits, le développement du recyclage et l'amélioration de la gestion des centres de stockage. Pour les atteindre, le ministère a retenu un certain nombre d'actions, avec, notamment, la définition d'un schéma directeur national d'implantation des stockages de matériels déclassés et de déchets, la généralisation des passeports verts, une meilleure gestion de l'eau et la mise en oeuvre d'une politique d'achat durable.
Premier investisseur de l'État, le ministère de la défense se doit, en effet, de mener une politique d'achat écologiquement et socialement responsable.
La mise en oeuvre de toutes ces dispositions sera contrôlée par un dispositif de suivi spécifique : directement rattachée au haut fonctionnaire au développement durable, qui s'assure de la cohérence des actions menées par rapport à la politique définie à l'échelle nationale, une nouvelle structure a été spécialement créée, qui sera chargée d'élaborer, d'animer et de coordonner la politique du ministère de la défense dans le domaine de la protection de l'environnement.
Aussi, monsieur le ministre, tout nous incite - les quelques exemples que je viens d'évoquer en témoignent - à nous féliciter des mesures prises et des projets que vous souhaitez développer.
C'est pourquoi une large majorité de notre groupe vous soutiendra et restera attentive à la conduite de votre politique. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite saluer le président de l'assemblée parlementaire de l'UEO, l'Union de l'Europe occidentale, M. Jean-Pierre Masseret, puisqu'il se trouve présent parmi nous.
L'avenir de cette assemblée reste incertain, et peut-être vous intéresserez-vous à son sort, monsieur le ministre. En attendant, elle offre aux parlementaires nationaux qui représentent les vingt-huit États membres de l'UEO - et je ne suis pas la seule à être présente ce soir - non seulement un forum qui leur permet de discuter des questions de sécurité et de défense, ce qui constitue déjà un immense privilège, mais aussi la possibilité de se rendre sur le terrain pour réaliser des missions ou rédiger des rapports, et donc pour constater par eux-mêmes la réalité des problèmes qu'évoque la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Il va de soi, d'ailleurs, que ces discussions ne seraient pas les mêmes sans l'assemblée de l'UEO.
Monsieur le ministère, il nous serait agréable que la France s'intéresse un peu plus à cette assemblée, ne serait-ce que par courtoisie vis-à-vis de nos collègues. L'assemblée plénière de l'UEO se tient ces jours-ci et nous recevons à Paris le ministre de la défense de la Turquie, celui du Portugal et la présidente du parlement géorgien. Autant vous dire que ces discussions sont d'un intérêt majeur. Nous espérons donc que, lorsque la France exercera la présidence de l'UEO, vous nous ferez l'honneur de venir assister à nos travaux, monsieur le ministre.
J'aborderai successivement les risques, les acteurs, les régions déstabilisées et les enjeux de la situation internationale, qui affectent naturellement notre défense et son budget.
Les risques sont, à l'évidence, nombreux et considérables. Parmi les acteurs, nous voyons tous monter la Chine, une puissance désormais présente partout.
Les régions déstabilisées ont déjà été évoquées. Il s'agit d'abord de l'Afghanistan, où se trouvent 2000 de nos hommes ; à mon tour, je salue les militaires que nous engageons sur les terrains extérieurs et rencontrons lors de nos visites. Il s'agit également de l'Irak et du Moyen Orient, où le conflit majeur est sans doute celui qui oppose Israël et la Palestine ; je le rappelle, 1650 soldats français servent au Liban, sous l'égide de la FINUL, la Force intérimaire des Nations unies au Liban.
Le Caucase et la Géorgie, l'Abkhazie, l'Ossétie et surtout les Balkans constituent d'autres régions troublées. La France a engagé 1850 hommes au Kosovo, qui forment la troisième composante de la KFOR, la Force pour le Kosovo. De même, notre pays est partie prenante des opérations Althea en Bosnie et Concordia en Macédoine.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues a affirmé que les budgets des OPEX, les opérations extérieures, étaient toujours sous-estimés. Ce sera le cas une fois encore, car les dépenses prévues initialement à 375 millions d'euros devraient atteindre environ 600 millions d'euros au final. Quoi qu'il en soit, la France se trouve présente sur tous ces terrains.
S'agissant des enjeux de la situation internationale, je voudrais évoquer la question de l'énergie, car je me suis rendue en Asie centrale, où j'ai pu sentir la force de la présence russe.
Mes chers collègues, la Russie a engagé la guerre de l'énergie, et je crois qu'elle en a gagné la première manche. En Asie centrale, où se trouvent d'importants gisements de gaz et de pétrole, la force de Gazprom est évidente. La Russie puise au Kazakhstan et au Turkménistan l'essentiel des hydrocarbures qu'elle revend ensuite à l'Europe, en maîtrisant à la fois les gisements, les réseaux et les prix.
La domination de cet espace et de cette énergie par la Russie est véritablement impressionnante. Les pays qui dépendent d'elles, à savoir l'Ukraine, la Moldavie, l'Allemagne et même l'Italie, doivent mesurer la faiblesse de l'Europe dans ce domaine. Il est évident que l'Union européenne, qui n'en finit pas d'élaborer son plan énergie, se trouve totalement absente de cet espace.
Monsieur le ministre, j'ai lu un certain nombre de vos déclarations sur la Russie. Celle-ci est effectivement un pays fier, arrogant et inquiétant, l'un des grands acteurs de la déstabilisation politique de l'Europe de l'Est. Elle fait sentir son influence dans le Caucase et en Géorgie, mais aussi, par l'intermédiaire de la Transnistrie, en Moldavie, un pays que je connais bien. Elle est présente dans tous ces conflits gelés, mais c'est surtout au Kosovo et dans les Balkans que son influence est aujourd'hui redoutable.
Le terme d'indépendance a été prononcé récemment à propos du Kosovo. C'est sans doute la solution vers laquelle nous nous acheminons, ou en tout cas celle que les Américains jugent préférable. Aussi, je crains vraiment que les Balkans ne se trouvent déstabilisés à brève échéance.
Les Russes se prononcent contre le bouclier antimissile, ce qui, après tout, est légitime, mais quand ils parlent de réarmement, c'est vers l'Europe de l'Ouest qu'ils orientent leurs missiles !
En Asie centrale, la Russie est un prédateur, ou en tout cas un acteur économique important. Au sein de l'Organisation de coopération de Shangai, la Russie et la Chine se partagent l'influence sur cet espace, où l'Europe est rigoureusement et redoutablement absente. Alors, oui, la Russie est inquiétante, et pas seulement Vladimir Poutine. À l'évidence, sa politique audacieuse et ambitieuse lui a permis de reconquérir un certain espace.
En face, les États-Unis sont en Irak un colosse aux pieds d'argile. Endetté, ce pays émet des titres en Chine pour financer sa dette. La politique du président des États-Unis est un fiasco dans tous les domaines, comme l'illustre le bouclier antimissile qu'il déploie en Europe.
Il semble que des radars et des intercepteurs soient - ou seront - installés au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Pologne, en République tchèque et, a-t-on appris récemment, en Espagne, en Italie et en France. Alors je vous pose la question, monsieur le ministre : qu'en est-il de la France ?
Finalement, la menace majeure est sûrement le conflit israélo-palestinien. J'étais en Israël et en Palestine la semaine dernière, où personne ne croit à la conférence internationale d'Annapolis. L'intérêt de cette conférence est peut-être la présence de l'Arabie saoudite et de la Syrie. Peut-être présente-t-elle également l'avantage d'isoler l'Iran ? Il n'en demeure pas moins que ce conflit majeur est probablement, une fois de plus, dans l'impasse. On n'espérait pas grand-chose. Mais la situation est tout de même redoutable.
Concernant l'Iran, George Bush est démangé par l'envie d'attaquer l'Iran et ses sites nucléaires depuis longtemps. C'est une obsession pour les Israéliens. Alors oui, tout est possible et le risque est majeur. Face à cette situation, le monde entier se réarme, sauf l'Europe.
Les chiffres dans ce domaine sont impressionnants, en tout cas, ils m'impressionnent. En dix ans, les dépenses militaires ont augmenté de 37 %. En 2006, le budget global consacré à l'armement dans le monde s'élevait à 1,2 milliard de dollars. La Chine a augmenté ses dépenses de 15 %, la Russie de 155 % ! Concernant la Russie, ce sont non pas les chiffres qui sont inquiétants - elle partait de tellement de loin -, mais son attitude.
Les ventes d'armes des cent plus gros vendeurs ont augmenté et elles atteignent 290 milliards de dollars. La part de l'Europe ne représente que 31 milliards de dollars, soit quelque 10 % du total. La part de la Grande-Bretagne représente 10,5 %, celle de la France un peu moins de 4 %. L'Europe est dépendante de l'OTAN.
La puissance américaine est sans limites. L'équipement d'un soldat américain coûte 85 000 euros, contre 25 000 euros en Europe. Les Américains peuvent s'appuyer sur une armée comptant 1,5 million d'actifs et 1,2 million de réservistes. Ils ont envoyé 160 000 hommes en Irak, quand notre armée ne compte que 124 000 hommes. Depuis 2001, ils ont engagé 800 milliards de dollars dans la lutte contre le terrorisme, soit deux fois le budget qu'ils avaient consacré à la guerre de Corée !
Aujourd'hui, les impératifs sont stratégiques, mais aussi financiers. En outre, monsieur le ministre, il est impératif d'être cohérent.
Ainsi, au Moyen-Orient, le conflit israélo-palestinien doit être impérativement réglé. Or, lorsque l'on se rend dans cette région, on se dit que ce conflit ne le sera jamais ! Un règlement juste du conflit doit aboutir à deux états pour deux peuples. Or il faut avoir l'honnêteté aujourd'hui de dire que la Palestine n'existe plus. Et je ne parle pas seulement de Gaza et du Hamas. La Cisjordanie aujourd'hui, c'est 650 kilomètres de mur - 700 kilomètres supplémentaires sont en construction - et 80 zones colonisées. La Cisjordanie n'existe plus, pas plus que l'Autorité palestinienne et le gouvernement d'union nationale. Le Conseil palestinien ne se réunit plus, quarante-huit de ses parlementaires sont en prison.
Malgré tout, il faut aider la Palestine, ainsi que Mahmoud Abbas, même s'il ne représente plus rien. Il est toujours le président de l'OLP. C'est à ce titre qu'il a participé à la conférence d'Annapolis.
Les grands bailleurs de fonds de la Palestine sont essentiellement l'Europe, à hauteur de 500 millions d'euros, et les États-Unis, pour 300 millions d'euros. Il est assez cocasse de penser que des fonds sont attribués à l'Autorité palestinienne pour soutenir l'organisation d'élections.
J'étais en Palestine lorsque le Hamas a gagné les élections législatives. J'y étais également quand Mahmoud Abbas a été élu. La démocratie a un prix. Et elle comporte des risques. Or qu'a-t-on fait des principes démocratiques ? Si on ne voulait pas que le Hamas prenne le pouvoir, il aurait peut-être fallu décider au préalable quels mouvements n'avaient pas le droit de participer au processus démocratique, notamment les mouvements extrémistes politiques armés.
Il faudra un jour se pencher sur le problème du Hamas et du Hezbollah, car il est dommage pour le processus démocratique d'avoir à décréter que le résultat d'une élection n'est pas bon quand il ne convient pas.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Josette Durrieu. Nous étions nombreux à observer les élections et à les valider. Nous avons même payé !
Il faut aider la Palestine à mettre en place sa police, via la mission EUPOL COPPS,...
M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Josette Durrieu. Je termine, monsieur le président.
L'EUPOL COPPS est une bonne démarche. Permettez-moi de vous raconter une anecdote à ce sujet. J'ai rencontré le Premier ministre palestinien la semaine dernière. Il nous a expliqué ce qu'il parvenait à faire en termes de police à Naplouse et à Jéricho, ce qui y était efficace. Or, à la sortie de cet entretien, on lui annonçait que l'armée israélienne venait d'entrer dans Naplouse et que, par conséquent, le faible équilibre qu'il essayait d'y établir allait être immédiatement détruit !
Tous ces chantiers entraînent de nombreuses dépenses.
Pour conclure - je n'ai pas le temps de finir -, j'évoquerai le choix auquel nous sommes aujourd'hui confrontés. Il nous faut choisir entre une Europe de la défense autonome et une Europe de la défense intégrée à l'OTAN. Je crains malheureusement que le choix ne soit déjà fait. Pour défendre et la France et l'Europe, nous allons déléguer nos pouvoirs à un allié de référence, peut-être, en tout cas à une organisation internationale, l'OTAN, qui est une coquille vide.
M. le président. Concluez, ma chère collègue !
Mme Josette Durrieu. Désormais, quand les Américains veulent intervenir, lorsqu'ils définissent la mission, en général, ils constituent simultanément une coalition et contournent l'OTAN.
J'espère que vous nous direz, monsieur le ministre, quelle est la stratégie de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de respecter le temps de parole qui vous est imparti. Il est très gênant d'avoir à faire des rappels à l'ordre !
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Ma passion pour l'innovation me conduit à vous parler de la recherche et de l'innovation en matière de défense.
Les chiffres de votre budget à cet égard démontrent, monsieur le ministre, que la France est le bon élève de l'Europe, ce dont je me réjouis. L'agrégat « recherches et technologies » du projet de loi de finances pour 2008 s'élève à 3,6 milliards d'euros. Il inclut non seulement la recherche et développement, mais également d'autres secteurs, tels les écoles militaires, les études à caractère technico-opérationnel, la recherche duale et le financement du Commissariat à l'énergie atomique.
Les chiffres publiés par l'Agence européenne de défense pour 2006 me paraissent un peu faibles. La France consacre 779 millions d'euros à la recherche et à la technologie, le Royaume Uni 654 millions d'euros et l'Allemagne 325 millions d'euros. Là encore, nous sommes les meilleurs !
En revanche, les États-Unis n'y consacrent que 10,5 milliards. Ce montant est probablement très largement sous-évalué, surtout si l'on tient compte du fait que, aux États-Unis, le volume de la défense extérieure et celui de la défense intérieure sont à peu près identiques depuis le 11 septembre. Il s'agit de volumes considérables.
Dans la mondialisation actuelle, il faut penser France, mais également Europe. À et égard, j'ai entendu nos collègues du groupe CRC évoquer la nécessité d'une défense européenne. Je m'en étonne et je m'en réjouis, car, pour ma part, je souhaite une relance européenne par la France, axée sur une stratégie en amont, débattue en commun, de recherche et d'innovation, notamment avec les États les plus engagés, non seulement ceux que j'ai déjà cités, mais également l'Italie, l'Espagne et la Suède.
La relance européenne par le Président de la République pourrait être d'une grande aide. J'espère que la présidence française de l'Union européenne permettra une avancée considérable.
J'ai noté avec plaisir, monsieur le ministre, que vous êtes favorable à la recherche duale et à une participation des petites et moyennes entreprises, en sous-traitance, un peu comme aux États-Unis, dans le cadre du Small Business Act.
La recherche duale est indispensable et très utile, compte tenu des règles de l'OMC. Elle est d'autant plus importante que la vigilance extrême de la commission de la concurrence de Bruxelles à l'égard du principe de minimis limite considérablement les aides publiques aux entreprises et entrave notre compétitivité.
Il n'en est pas de même aux Etats-Unis, grâce à l'OMC et aux contrats du ministère américain de la défense. On connaît le débat entre Boeing et EADS à cet égard.
Les petites sociétés innovantes seront désormais fondamentales, notamment dans le cadre du programme Galileo. Ce projet requiert le développement d'une myriade d'applications. Il est donc impératif de coordonner une dynamique non seulement française, mais également européenne, afin que la règle de minimis ne s'applique pas à l'innovation. Galiléo et ses conséquences sont une révolution.
Je dirai maintenant quelques mots d'une autre révolution, qui me paraît amusante et intéressante : l'utilisation des espaces virtuels.
Vos services, monsieur le ministre, utilisent déjà très largement les possibilités qu'offrent les technologies de l'information, notamment en matière de simulation - de vol par exemple -, de formation de spécialistes ou, plus largement, pour tout programme de longue durée.
La naissance et le développement rapide d'Internet à trois dimensions, joints à la voix sur réseau IP et au développement de la téléphonie mobile, conduisent à une mutation importante de la société.
Les armées savent à quel point il est nécessaire de procéder à des manoeuvres et à des simulations de crises, qu'il s'agisse d'une crise extérieure, liée au terrorisme ou à la criminalité organisée, ou d'une catastrophe naturelle.
Vous connaissez l'engouement actuel pour les univers virtuels, dont les plus simples sont les tchats, ces discussions sur internet ou par téléphonie mobile. Les plus évolués sont du type de Second Life, cette utopie où chacun peut se fabriquer un avatar, acheter une île virtuelle pour y construire un palais des congrès, des salles de jeu ou de réunion, ou y fabriquer de l'argent, toutes transactions qui sont évidemment virtuelles, mais qui ont une interaction avec la vie réelle.
Cet univers initialement ludique sert désormais également aux entreprises et aux organisations. En maîtriser la pratique, notamment pour les militaires, me paraît essentiel, car il s'agit là d'une possibilité nouvelle.
Vos services, monsieur le ministre, ne pourraient-ils pas avoir recours à ces pratiques nouvelles, à ces méthodes de contact professionnelles, qui pourraient être efficaces pour des groupements ou des équipes d'intervention rapide ?
Les grandes manoeuvres du futur doivent être maîtrisées. Il faut évidemment s'y préparer. Les méthodes modernes permettent de réaliser plus de manoeuvres et de simulations pour un coût extrêmement modique. L'objectif doit être la préparation et l'emploi des forces, cette question étant majeure. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP. - Mme Josette Durrieu applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle est la politique de défense et de sécurité de la France ?
À l'écoute des interventions des principaux responsables politiques de notre pays ou à la lecture des analyses des principaux chefs militaires, bien malin qui pourrait se faire une opinion.
Prédomine l'impression que l'on affiche tour à tour, et au fil de l'eau, un certain nombre d'options. Un jour, l'accent est mis sur l'Europe de la défense, présentée comme une des priorités de la présidence française de l'Union européenne, avec des objectifs néanmoins encore flous. Le lendemain, il est mis sur le rapprochement avec l'OTAN, sans que le débat ait lieu, ne serait-ce qu'aux marges, avec la société, et sans que les implications concrètes, en termes de priorités stratégiques et de choix d'équipements, en soient précisées.
Plus généralement, des évolutions lourdes ont été décidées au cours des dernières années, sans que les Français en soient réellement conscients, faute d'un débat démocratique digne de ce nom. D'une armée de conscription, conçue comme un outil de cohésion nationale, nous sommes passés à une armée professionnelle. D'une armée de protection du territoire national, nous sommes passés à une armée d'interventions extérieures. D'une volonté d'autonomie stratégique, nous sommes passés à une démarche d'intégration, dont on ne sait pas très bien si elle donne priorité à la construction de l'Europe ou au dialogue transatlantique. Et n'oublions pas l'effet de ces évolutions, amplifié par la réalité budgétaire, sur l'industrie de défense, hier nationale, demain sans doute plus intégrée.
Quelles sont les menaces ? Quels sont les outils de notre sécurité ? Comment construire une paix durable ? Le comportement réel de la France est-il respectueux des principes que nous prétendons défendre ? Voilà les questions.
La commission chargée d'élaborer le Livre blanc, sous la présidence de Jean-Claude Mallet, apportera-t-elle des éléments de réponse ? Sans faire de procès d'intention, on peut se poser des questions au regard de sa composition largement « endogamique », qui se caractérise par une surreprésentation du ministère de la défense. Il n'y a qu'un seul représentant du ministère des affaires étrangères et européennes et aucune personnalité qualifiée issue de mouvements plus sensibles à la prévention des conflits, à la médiation, à la culture de paix !
Dans un autre registre, après la multiplication des « Grenelle », sur l'environnement, l'insertion ou la fiscalité locale, nous assistons à l'avalanche des « livres blancs », par exemple sur la défense, sur les institutions ou sur la politique étrangère. Quelle cohérence ? Quels arbitrages ? Quel rôle pour le Parlement ? Mystère...
On nous dit que le Livre blanc traduira une nouvelle approche, qu'il permettra de mieux prendre en compte le terrorisme ou la prolifération nucléaire, chimique, ou bactériologique. J'en accepte l'augure. Traitera-t-il des menaces nouvelles ? De la raréfaction des matières premières, et notamment des énergies fossiles ? De la multiplication des événements climatiques extrêmes, sur fond de changement climatique, d'une ampleur hier encore sous-estimée ? Du retour des tensions sur le marché des céréales ? Du risque de terrorisme informatique, ou de destruction de satellites, provoquant la désorganisation de pans entiers du fonctionnement de nos sociétés ? Nous verrons bien.
Je veux comprendre, et je vous pose deux questions.
Premièrement, à quelques encablures de la livraison du Livre blanc, et alors que l'on nous renvoie à son imminente publication à chaque questionnement, pourquoi avons-nous le sentiment que les décisions importantes ont déjà été prises ? Car, si rien n'est décidé, pourquoi les catapultes nécessaires à un second porte-avions ont-elles été commandées ? Pourquoi 3 milliards d'euros ont-ils été provisionnés au budget ? Et ce contre votre avis, monsieur le ministre, si j'ai bien suivi...
Deuxièmement, pourquoi ne pas admettre que la réponse aux nouvelles menaces n'est largement pas militaire ? Qui peut une seconde imaginer qu'agiter le chiffon rouge d'une défense antimissiles positionnée sur le sol européen sous le nez de Vladimir Poutine permette de renforcer la sécurité de notre continent ? Comment ne pas considérer la décision de la Russie, annoncée vendredi dernier en marge de la conférence annuelle de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de suspendre sa participation au traité de réduction des forces conventionnelles en Europe comme une réponse à ce qui apparaît comme une inutile et dangereuse provocation ? Comment lutter contre le terrorisme ? Qui espère qu'une victoire militaire contre la ou les têtes d'Al-Qaida - au demeurant, la plupart des observateurs jugent cette perspective improbable - suffirait à assurer la sécurité de notre population, de nos villes, de nos équipements et de nos approvisionnements en matières premières ?
Monsieur le ministre, je voudrais vous faire part de quelques préoccupations, à commencer par la dissuasion nucléaire. C'est un sujet dont il reste difficile de débattre. J'en veux pour preuve le message adressé par le Président de la République à Jean-Claude Mallet, dans lequel il déclarait que la dissuasion restait « un impératif absolu ».
Pourtant, comme nous l'avons vu précédemment, le nucléaire ne nous protège d'aucune des menaces actuelles. Aujourd'hui, une vingtaine de pays sont au seuil et on considère qu'il y en aura deux fois plus dans une quinzaine d'années. Quel sera l'effet sur la sécurité du monde et sur la nôtre ? Poser la question, c'est hélas y répondre ! Qu'attend notre pays, qui présente volontiers le renoncement à la composante terrestre de sa dissuasion comme une mesure de désarmement, et ce en tordant un peu le cou à la réalité, pour prendre une initiative diplomatique forte ? Le moment n'est-il pas venu d'élaborer une convention sur le désarmement nucléaire sur le modèle de la Convention sur les armes chimiques, au lieu de finaliser le missile M51, de contourner de fait, par le développement de Mégajoule, les engagements pris par notre pays dans le cadre du traité d'interdiction complète des essais nucléaires et de préparer les esprits à une guerre contre l'Iran ?
Qu'en pensent nos principaux partenaires européens ? Si l'on en croit Der Spiegel, l'hebdomadaire de référence outre-Rhin, Nicolas Sarkozy a tenté de convaincre la chancelière allemande de l'intérêt qu'elle pourrait trouver à placer son pays sous la protection nucléaire française. Ce faisant, il a démontré une profonde méconnaissance de la situation politique et de l'opinion allemandes et il a irrité Angela Merkel. Aucun de nos partenaires européens ne se place dans la perspective hâtivement tracée par le président français. C'est là une réalité dont nous ferions bien de tenir compte. En revanche, tous s'interrogent. Que veut la France ? Réintégrer l'OTAN ou construire l'Europe de la défense ? Cette dernière perspective me semble, à tous égards, bien plus crédible et bien moins hasardeuse.
Je fais partie de ceux qui s'inquiètent de la perspective d'une réintégration complète de la France dans l'OTAN si elle ne s'accompagne pas de la reconnaissance de l'autonomie du pilier européen, de la restauration du débat stratégique entre alliés et de la redéfinition du champ d'action et de la doctrine d'intervention de l'organisation. D'abord, parce que le statut actuel de la France n'empêche pas la coopération. Ensuite, parce que, comme le souligne Hubert Védrine, dans le rapport qu'il a remis au Président de la République, le prix à payer pour un tel geste politique en direction des États-Unis serait élevé. Il donnerait à penser que la France n'a plus les moyens de son autonomie stratégique et opérationnelle. Il éroderait la capacité de notre pays à se faire entendre en Afrique ou au Proche-Orient, en donnant le sentiment que la France se rallie à l'idée d'un choc des civilisations.
Sur l'OTAN toujours, on trouve dans le projet de loi de finances la mention de la contribution française au budget de l'organisation. La France verse 106 millions d'euros à cette organisation, ce qui en fait le cinquième contributeur. Pas mal pour un pays qui, officiellement, n'est pas membre de cette structure ! En revanche, on ne trouve pas le montant total des dépenses, incluant les personnels et les matériels, liées à la participation française aux opérations de l'OTAN. Merci de nous renseigner sur ce point, monsieur le ministre.
Autre sujet de préoccupation : la politique française d'exportation d'armes
Monsieur le ministre, dans le rapport au Parlement sur les exportations d'armement de la France que vous venez de nous faire parvenir, vous prétendez, « dans un contexte où la concurrence internationale ne cesse de croître », faire du soutien aux exportations d'équipements de défense et de sécurité l'une des priorités de votre action pour les prochaines années. Je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas à vous de rassembler les industriels pour discuter des moyens d'accroître leur réactivité sur le marché mondial. C'est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, de le faire, dans l'hypothèse, que je conteste par ailleurs, où l'on considérerait que les entreprises de la défense sont des entreprises comme les autres. Ce n'est pas votre mission non plus d'alléger le contrôle sur les exportations d'armes. Écoutez votre directeur des affaires stratégiques, qui déclarait ceci : « On ne peut s'en remettre à la seule responsabilité des industriels », compte tenu des tentations toujours présentes. Il ajoutait également : « Le dispositif a au moins eu le mérite jusqu'à présent de ne pas exposer la France aux reproches que l'on peut faire à certains membres de l'Union européenne pour la diffusion de technologies sensibles dans des États proliférants. »
L'agrément préalable unique ou la délivrance d'autorisations globales pour les matériels les moins sensibles, mis en place selon les recommandations d'Yves Fromion, devront être sérieusement évalués et, si nécessaire, remis en cause, si l'objectif n'est pas seulement, ce que j'espère, de doper, quel qu'en soit le prix, les exportations d'armes.
En outre, la France continue à produire, à utiliser à et exporter des bombes à sous-munitions. Cette année encore, je me fais donc le relais du plaidoyer d'Handicap international en faveur de leur interdiction pure et simple.
Je souhaite également évoquer les conséquences écologiques des activités de défense. Pour mémoire, je mentionnerai simplement la question non seulement environnementale, mais également économique, du prix des carburants, dont tout indique qu'il sera demain beaucoup plus élevé encore qu'il ne l'est aujourd'hui. On peut espérer que le renouvellement des matériels permettra de progresser.
En revanche, je veux insister sur le démantèlement des navires de guerre - je pense au Clemenceau et au Colbert - et des sous-marins, qui pose des problèmes considérables s'agissant de la santé des travailleurs ou de l'environnement. En matière d'équipements militaires, pourquoi ne pas respecter la règle mise en place dans le domaine civil, c'est-à-dire la responsabilité des industriels du berceau à la tombe ?
Bien d'autres sujets mériteraient d'être évoqués. Je pense à la sous-évaluation du coût des OPEX, préoccupante alors que la France entend jouer un rôle important à l'est du Tchad et au Darfour, ou au retard pris par l'avion de transport militaire A400 M. Ces questions sont toutes importantes, mais elles ne doivent pas occulter une préoccupation toute politique. Comment le Parlement, qui sait consacrer des heures et des heures de débat à la sécurité des manèges forains ou à la réglementation des espèces canines, peut-il continuer à accepter chaque année des dépenses à hauteur de 48 milliards d'euros pour assurer la sécurité de notre pays, sans qu'on soit seulement en capacité d'en démontrer l'efficacité au regard du seul objectif valable, c'est-à-dire protéger la paix ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 2008 étant la dernière année d'application de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, le projet de loi de finances pour 2008 prévoit, s'agissant de la mission « Défense », un budget à la fois de transition et d'attente. Nous l'avons entendu pendant toute la soirée.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais ce n'était pas un reproche, monsieur le ministre. (Nouveaux sourires.)
D'ores et déjà, le contexte financier de la prochaine loi de programmation militaire est incertain. En effet, les besoins de financement pour les programmes lancés, prévus ou annoncés depuis 2002 devraient passer de 15,9 milliards d'euros en moyenne par an à 19,1 milliards d'euros en 2009, pour atteindre 23 milliards d'euros en 2012.
Ainsi, la « bosse » financière des crédits de paiement qui s'annonce pour la prochaine loi de programmation militaire obère tout l'avenir budgétaire de la défense, ce dont nous avions à maintes reprises alerté votre prédécesseur, monsieur le ministre.
Vous reconnaissez vous-même l'impossibilité de tenir un tel niveau de dépenses. Vous avez ainsi déclaré ceci : « Certains programmes subiront des coupes, d'autres seront lancés en fonction des besoins opérationnels et des conclusions du Livre blanc, mais, à ce stade de l'exercice, il est impossible de le savoir avec précision. »
C'est de ces incertitudes financières que viennent mes inquiétudes pour un programme essentiel pour notre marine et la crédibilité de notre politique de défense, celui des sous-marins de type Barracuda.
Ces dernières années, j'ai régulièrement interrogé votre prédécesseur, Mme Michèle Alliot-Marie, sur ce sujet, et ce tant à l'occasion de l'adoption de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 que lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007.
Or, à la lecture des documents budgétaires de cette année, et au vu du débat à l'Assemblée nationale, je ne peux que manifester mon inquiétude.
Selon le « bleu » de la mission « Défense », 330,36 millions d'euros de crédits de paiements et 253,55 millions d'autorisations d'engagement sont inscrits au projet de loi de finances pour 2008, ce qui correspond grosso modo à la commande du premier sous-marin. Mais ce document ne donne aucune indication quant à la suite du programme Barracuda, qui, je le rappelle, concerne normalement la livraison de six sous-marins entre 2016 et 2027. D'ailleurs, nous avons déjà du retard. Le montant total est évalué à 7,9 milliards d'euros, sachant que nous sommes dans les limites extrêmes pour renouveler notre flotte de sous-marins nucléaires d'attaque, les SNA.
À mon sens, monsieur le ministre, lorsque vous avez été interrogé sur ce sujet à l'Assemblée nationale, vous vous êtes montré beaucoup trop évasif. Vous avez seulement déclaré ceci : « Quant aux Barracudas, [...], ils représentent également un programme majeur. Nos SNA de type Rubis ont en effet déjà plusieurs décennies de service actif » - pour ma part, je les connais bien - « et il est évident que la France a besoin d'un nouveau programme de sous-marins nucléaires d'attaque. » Vous avez ensuite ajouté : « Il nous reste désormais à fixer précisément le nombre de sous-marins et la cadence de réalisation, sachant que nous ne disposons pas d'une grande marge de manoeuvre sur ce programme. » Je souhaiterais que vous puissiez m'expliciter cette dernière phrase.
En effet, monsieur le ministre, le nombre de sous-marins de type Barracuda a déjà été fixé par la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Il doit être de six. Ce chiffre n'est pas dû au hasard ; il correspond aux besoins de la marine pour remplacer les sous-marins de type Rubis actuellement en service.
Quant à la cadence, elle s'impose également à nous, au rythme du retrait du service actif des sous-marins actuels. Vous le dites d'ailleurs vous-même, monsieur le ministre, il n'y a pas de grande marge de manoeuvre sur ce programme qui est conditionné aux besoins de notre marine, sauf à prévoir des « trous »...
Cette dernière hypothèse serait, me semble-t-il, extrêmement dommageable pour l'efficacité et la crédibilité de nos forces navales. En effet, moins de SNA à la mer, c'est l'obligation pour le commandement de la marine de faire des choix entre la protection de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, SNLE, et celle du groupement aéronaval, c'est-à-dire entre la dissuasion et la projection, ce qui risque d'affaiblir nos capacités de défense.
Il est vrai que le programme Barracuda représente un investissement important de la part de la nation, mais il me semble néanmoins qu'il n'y a aucune tergiversation à avoir sur ce sujet. Or les premiers échos qui nous parviennent des travaux sur le livre blanc de la défense nous interrogent, car ils laissent planer un doute. À cet égard, on peut se demander s'il ne s'agit pas de la fin programmée de la sanctuarisation des crédits de la défense dans les budgets de l'État ?
Il me paraît contestable, pour ne pas dire inacceptable, comme certains en avancent l'hypothèse, de conditionner le lancement du second porte-avions au consentement par la marine de sacrifices sur les frégates européennes multimission, les FREMM, ou les sous-marins de type Barracuda.
Sur le plan industriel, je rappelle que la réalisation des six sous-marins Barracuda est censée assurer, et ce théoriquement jusqu'en 2027, une part très significative de l'activité de DCNS, d'Areva TA, du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, et de plus d'une centaine de PME françaises, c'est-à-dire fournir du travail à plusieurs milliers de salariés tout au long de sa réalisation. Certes, cela ne signifie pas qu'il s'agit d'une obligation, notamment si la création des sous-marins allait à l'encontre d'impératifs stratégiques. Mais je ne vois pas en quoi ce serait le cas.
Je voudrais vous rappeler ce que je disais déjà l'année dernière à Mme Alliot-Marie. Les retards accumulés depuis 2005 par ce programme, notamment la notification tardive du contrat, qui n'est intervenu qu'à la fin du mois de décembre 2006, ont déjà des conséquences pour DCNS. Je ne reviendrai pas sur les propos de Jean-Marie Poimboeuf, qui nous expliquait l'année dernière que le décalage de ce programme pourrait être compensé par les établissements concernés, notamment par une solidarité entre les sites sur les autres projets, en particulier celui des FREMM, avec un système de sous-traitance.
J'ai bien noté, monsieur le ministre, que vous vous efforciez de démentir les rumeurs qui avaient pu naître quant à la diminution du nombre de FREMM.
Je souhaiterais pour conclure vous poser deux questions, monsieur le ministre : pourriez-vous être plus clair et plus précis sur l'avenir du programme Barracuda ? Pourriez-vous éclairer le Sénat sur l'ensemble de ces programmes importants pour notre marine nationale et les établissements industriels concernés ?
En tant que Normand, je ne voudrais pas terminer mon intervention sans rejoindre les propos de Mme Goulet : n'oublions pas, monsieur le ministre, ce combat essentiel qu'est la réunification de la Normandie ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre, vous avez bien compris que notre assemblée attend vos réponses.
M. le président. Vous avez donc la parole.
M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, le débat budgétaire est toujours une occasion privilégiée, pour les parlementaires que vous êtes, de poser des questions sur la politique de défense, le budget, les programmes en cours. En l'occurrence, j'ai été servi ! Je vais donc essayer, dans toute la mesure possible, de respecter cette tradition et de répondre à vos principales interrogations.
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, d'adresser un message d'amitié à Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lequel est l'un des parlementaires qui connaît le mieux ces questions et qui a souvent rédigé des rapports remarqués et remarquables.
Je vais tenter de regrouper vos questions et vos observations autour de trois thématiques que je souhaite développer devant vous.
Premièrement, il ne faut pas s'en cacher, notre outil de défense est à la veille d'une mutation stratégique majeure.
Deuxièmement, le budget pour 2008 contribue à la maîtrise des dépenses publiques - c'est apprécié sur certaines travées et reproché sur d'autres ; c'est apprécié sur certains points et moins apprécié sur d'autres - mais il permet la mise en oeuvre de la dernière année de la loi de programmation militaire et préserve l'efficacité de nos forces.
Troisièmement, et j'aborderai à cette occasion toute une série de programmes, la politique de défense s'inscrit dans l'ensemble des politiques publiques ou cherche à le faire.
S'agissant de notre outil de défense qui est à la veille d'une mutation majeure, je voudrais rappeler, tout d'abord, quelques éléments du contexte dans lequel nous évoluons.
La France a consenti, depuis 2003, un niveau d'engagement élevé de ses forces, tant sur le territoire national qu'à l'extérieur, avec plus de 35 000 hommes déployés en permanence hors de métropole : plus de 12 000 hommes engagés en opérations extérieures - pour cette année, le chiffre est même de l'ordre de 12 500 à 13 000 -, 17 000 dans les forces de souveraineté outre-mer et 6 000 dans les forces de présence. Chaque année, si l'on ajoute les relèves, ce sont ainsi près de 60 000 hommes et femmes qui partent effectuer des missions de deux à six mois.
Les opérations extérieures concernent des opérations majeures telles que l'Afghanistan, le Kosovo, le Liban, la République de Côte d'Ivoire et, demain, le Tchad et la République centrafricaine.
Comme M. Georges Othily l'a souligné, les forces de souveraineté dans nos départements et collectivités d'outre-mer jouent un rôle majeur dans la sauvegarde maritime, la protection de nos côtes, la lutte contre les trafics et l'immigration clandestine, la protection de nos voies commerciales.
Quant aux forces de présence, elles sont engagées dans certains pays d'Afrique, en vertu d'accords de coopération et de défense.
Voilà pour le contexte opérationnel.
Sur le plan capacitaire, la France appartient au club très restreint, avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, des pays capables d'assumer le spectre complet des opérations et d'exercer le rôle de nation-cadre au sein d'une coalition. Nos armées, vous le savez, sont internationalement crédibles ; elles remplissent globalement leurs contrats opérationnels, il est vrai au prix de certains aménagements et en consentant quelques fragilités dans certains domaines.
Parallèlement à ce constat, l'état des lieux que j'ai fait réaliser lors de ma prise de fonction a montré que la trajectoire de dépenses associée à l'acquisition et au remplacement des capacités nécessaires pour atteindre le modèle 2015 dans laquelle nous étions inscrits était en effet, messieurs Yves Fréville et Didier Boulaud, une trajectoire difficile et assez problématique.
À contrats opérationnels inchangés, les besoins en crédits d'équipement de 2009 à 2013 seraient, en moyenne, supérieurs de 41 % en volume aux crédits ouverts entre 2003 et 2007, comme M. Yves Pozzo di Borgo l'a souligné. La moyenne annuelle devrait ainsi passer d'environ 15,5 milliards d'euros à près de 22 milliards d'euros : c'est ce que l'on appelle pudiquement « la bosse ». Celle-ci a une marche extrêmement élevée dès 2009, comprise entre 2 milliards et 3 milliards d'euros.
Sur ce sujet, messieurs les rapporteurs spéciaux, je voudrais dissiper toute équivoque.
La première cause de cette situation, monsieur Didier Boulaud, remonte à l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002, dont l'équivalent d'une année a purement et simplement été rayé d'un trait de plume, la défense ayant servi de variable d'ajustement au budget de la France.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Bien sûr !
M. Roger Romani. Très bien !
M. Hervé Morin, ministre. Grâce à la ténacité de Michèle Alliot-Marie et à la détermination de Jacques Chirac, à qui je souhaite rendre hommage aujourd'hui, un effort constant, nécessaire et indispensable, a été accompli pour relever le niveau d'équipement et de disponibilité opérationnelle du matériel. Après les phases de lancement et d'étude de ces programmes d'équipement, nous en arrivons aux périodes de fabrication et de livraison, ce qui rend bien entendu l'exercice difficile. Mais nous saurons le relever.
Il est aussi exact que, malgré la bonne exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 sur le plan des ressources, il a fallu procéder à des ajustements très significatifs en termes de besoins. Comme l'a noté M. Yves Fréville, 7,5 milliards d'euros ont dû être inscrits dans les budgets.
L'agrégat nucléaire a bénéficié d'un abondement de 1,5 milliard d'euros pour faire face à la dérive des coûts de certains programmes.
Les crédits de maintenance - MCO - ont dû être augmentés d'un montant à peu près équivalent. Cela pose d'ailleurs la question de la conception des programmes d'armement. À l'avenir, la discussion d'un programme devrait associer, outre l'état-major des armées et la délégation générale pour l'armement, un troisième interlocuteur, qui pourrait être la direction des affaires financières du ministère, afin d'intégrer des problématiques de coût, d'analyse de la valeur, d'économétrie. Le séquençage des programmes d'armement nous permettrait de vérifier régulièrement leur adaptation à nos besoins, leur rapport coût-efficacité et leur faisabilité budgétaire. C'est en tout cas la proposition que j'ai faite au Président de la République.
Je souhaite, monsieur Yves Fréville, que cette nouvelle modalité de développement des programmes soit intégrée au sein d'un comité d'investissement, présidé par le ministre. La nécessité de chaque programme pourra ainsi faire l'objet d'une vraie discussion. Nous devons tenir compte des coûts à la fois d'acquisition et de développement, mais aussi de maintien en condition opérationnelle des programmes. Ces deux éléments font partie intégrante de la problématique du développement des programmes.
Pour en revenir aux ajustements, des besoins opérationnels nouveaux sont apparus, notamment la lutte contre les engins explosifs improvisés, ce qui nous a coûté 700 millions d'euros.
Par ailleurs, comme vous le savez, des besoins de trésorerie concernant le programme Rafale avaient été sous-estimés.
Au total, ce sont donc près de 7,5 milliards d'euros de dépenses qui n'avaient pas été prévues dans la loi de programmation militaire.
Cette loi de programmation militaire, pour la première fois depuis une trentaine d'années, a cependant été appliquée en totalité, ce qui mérite d'être souligné.
Avec un niveau de ressources de l'ordre de 2 % du PIB, l'enjeu pour la défense sera à la fois de maintenir la cohérence d'ensemble de ses capacités, de garantir les normes d'activité et d'entraînement, et de continuer à améliorer la condition militaire.
Atteindre ces objectifs implique nécessairement de réévaluer nos choix capacitaires - c'est tout le travail de la revue des programmes d'armement - et de mener de nouvelles transformations de l'organisation et des implantations de nos armées, notamment en resserrant notre dispositif de soutien et d'administration au profit des unités opérationnelles, comme l'a relevé M. Dulait en évoquant les schémas d'implantation de nos forces.
C'est tout l'enjeu et le sens des grands chantiers qui sont en cours : le Livre blanc, qui porte sur l'analyse des menaces, sur la stratégie de défense de notre pays, sur les missions de nos forces armées, sur le modèle et les moyens dont nous avons besoin ; la revue des programmes d'armement ; la révision générale des politiques publiques.
Le Président de la République a souhaité que la commission du Livre blanc travaille sans tabous ni préjugés. Je me permets de vous indiquer, madame Voynet, que seuls dix des trente membres de cette commission appartiennent au monde de la défense - je peux vous en communiquer la liste, si vous le souhaitez. Par ailleurs, c'est la première fois qu'une telle commission comprend des parlementaires de la majorité et de l'opposition, comme j'en avais pris l'engagement devant les commissions de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat. MM. André Dulait et Didier Boulaud sont ainsi membres de cette commission du Livre blanc.
La revue des programmes d'armement consiste en une sorte de radiographie de la totalité des programmes, afin que nous disposions d'une boîte à outils parfaitement opérationnelle lorsque, le moment venu, nous serons amenés à faire des choix et des arbitrages pour la future loi de programmation. Il s'agit de connaître précisément la situation financière pour chaque programme. Nous connaîtrons ainsi le coût de ce programme, ce que nous avons déjà payé, ce qui nous reste à payer et les conditions financières dans lesquelles nous pouvons effectuer les choix, les arbitrages.
Enfin, la révision générale des politiques publiques, qui est un exercice commun à tous les ministères, nous permettra de faire des gains de productivité dans tous les domaines du soutien et de l'administration. Il ne s'agit pas de supprimer des services ou des fonctions, dont certains sont essentiels à l'activité des forces, comme M. FrançoisTrucy l'a justement souligné au sujet du service de santé des armées, il s'agit de les rationaliser, de les moderniser, ce qui signifie que nous devons aller résolument vers « l'interarmisation » et la restructuration des forces de soutien.
Le ratio entre les forces opérationnelles et les forces de soutien et d'administration générale doit être amélioré. Il est certes toujours difficile de faire des comparaisons précises, mais le rapport serait, en Grande-Bretagne, de 65 % pour les forces opérationnelles, contre 35 % pour le soutien à l'administration générale. En France, nous serions à peu près à 50-50.
Ces travaux ont vocation à converger à la fin de l'année en vue de contribuer à l'élaboration de la future loi de programmation militaire, qui sera soumise au Parlement au printemps prochain.
Dans ce cadre, je voudrais rappeler trois préalables incontournables.
Le premier est bien entendu le maintien de l'effort de défense. C'est l'engagement du Président de la République, et c'est aussi le mien.
Le deuxième préalable repose sur la confirmation de notre autonomie de décision. La France ne peut pas déléguer son pouvoir d'appréciation et de décision à un allié de référence ou à une grande organisation internationale, ce qui nous impose notamment de posséder de solides capacités en matière de renseignement et de commandement.
Je considère donc, comme vous, madame Nathalie Goulet et monsieur Didier Boulaud, que le renseignement est une priorité. Au-delà des problématiques de formation dont vous avez parlé avec le Centre de formation interarmées de Strasbourg, qu'est-ce que cela signifie ?
Tout d'abord, il faut améliorer la coordination des différents services de renseignement, que ceux-ci dépendent du ministère de l'intérieur ou du ministère de la défense, tout en sachant que la DRM conserve l'aspect opérationnel et apporte un soutien aux forces et que la DGSE est chargée du renseignement. En cette matière, les plus hautes instances du pays doivent définir des orientations politiques claires.
Ensuite, il faut absolument développer des synergies, notamment en termes d'équipement et de programmes, afin que l'effort de modernisation des forces de renseignement serve autant aux uns qu'aux autres.
Le troisième préalable est que notre pays doit rester une puissance militaire crédible avec un appareil militaire possédant l'ensemble des grandes capacités. Il me semble inconcevable, impossible, que la France y renonce, ce qui n'empêche pas la coopération, et devrait même nous y inciter, puisque la coopération est d'autant plus facile que l'on est fort.
J'en viens au projet de budget pour 2008.
Cela ne me dérange pas que l'on qualifie ce budget de budget de transition ou d'attente, comme l'a fait Mme Michelle Demessine. À 250 millions d'euros près, il applique le dernier volet d'une loi de programmation militaire votée par le Parlement. En attendant les grandes décisions stratégiques que le Président de la République, chef des armées, prendra au début de l'année prochaine et dans la perspective de la future loi de programmation militaire, cet exercice est logique.
Le ministère de la défense procédera au non-remplacement de la moitié des départs à la retraite, à l'instar de la quasi-totalité des administrations. Cela représente un effort de 6 037 emplois, uniquement dans des fonctions d'administration et de soutien, car je souhaite ne pas affecter la capacité opérationnelle de nos forces.
Votre analyse, monsieur François Trucy, est exacte : la réduction du plafond ministériel d'emploi porte sur des emplois vacants non financés - que je qualifierai donc de virtuels - à hauteur de 7 500 pour l'ensemble du périmètre du ministère de la défense. Les seules réductions réelles d'emplois porteront donc sur ces postes. Il ne faut pas confondre les suppressions de postes liées à un budget et les postes inscrits dans les effectifs du ministère de la défense, mais non financés.
Nous aurons ainsi un personnel un peu moins nombreux, mais mieux payé. En contrepartie de cet effort, le projet de budget pour 2008 prévoit une revalorisation significative de la condition militaire, puisque l'enveloppe atteint un montant sans précédent de 102 millions d'euros. Il n'y a pas eu d'effort équivalent depuis dix ans !
Cela permettra de mettre en oeuvre les premières recommandations du Haut comité à l'évaluation de la condition militaire. En effet, le rapport commandé par Michèle Alliot-Marie à des personnalités indépendantes avait conclu, en février 2007, qu'il existait une disparité entre les fonctionnaires en tenue et les militaires. Pour y remédier, l'effort a été chiffré à 350 millions d'euros.
Cette année, nous entamerons la première partie de cet effort pour les militaires du rang et les sous-officiers, c'est-à-dire les sergents et les gendarmes. Les mesures ne s'appliqueront qu'à eux pour une seule raison : nous devons, pour les autres, modifier les statuts particuliers. À cet égard, des réunions interministérielles sont en cours. Nous allons aboutir à une solution, je l'espère, dans les jours à venir, ce qui permettra de pouvoir continuer cet effort pour les autres sous-officiers, officiers et officiers supérieurs.
Pour le personnel civil, le plan prévu est de 15,9 millions d'euros. C'est là aussi le montant le plus élevé depuis plus de dix ans !
En dépit des réductions d'effectifs, le ministère de la défense demeure le premier recruteur de l'État avec près de 30 000 militaires et 2 000 civils recrutés chaque année.
Concernant les crédits d'équipement, vous avez été nombreux à m'interroger sur toute une série de programmes. Vous me pardonnerez donc si vous trouvez que ma réponse ressemble à un inventaire à la Prévert.
Messieurs Georges Othily et Michel Guerry, vous m'avez interrogé sur le porte-avions. Je le répète pour la dixième fois, les 3 milliards d'euros inscrits en autorisations d'engagement permettront de financer le programme si la décision de lancer sa construction était prise à l'issue des travaux du Livre blanc. Ils ont donc été provisionnés dans un esprit « lolfien », cher au président de la commission des finances, M. Jean Arthuis. C'est le seul sens à donner à cette autorisation d'engagement.
S'agissant du NH 90, la commande de douze premiers appareils a été notifiée le 30 novembre dernier. L'affermissement de la tranche de vingt-deux appareils est prévu l'an prochain et figure à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2008. L'affermissement de la tranche suivante de trente-quatre appareils sera inscrit dans la prochaine loi de programmation militaire. Je vous le confirme, monsieur Xavier Pintat, le marché de rénovation des Cougar sera notifié dans les quinze derniers jours du mois de décembre.
Messieurs Yves Fréville et Xavier Pintat, notamment, vous m'avez interrogé sur le financement des frégates multimissions, les FREMM. Comme vous le savez, ce programme est financé à hauteur de six dix-neuvième de son coût en loi de finances initiale, le solde étant financé dans le collectif de fin d'année.
Le Gouvernement avait pensé initialement suivre cette voie encore pour la dernière année en 2007 avant de réintégrer l'intégralité du financement de ce programme dans la prochaine loi de programmation militaire. Au regard des effets induits par une telle procédure, notamment, comme vous l'avez souligné, des reports de crédits qu'elle génère inévitablement, puisque les crédits votés en collectif ne peuvent être dépensés immédiatement, il a été jugé plus rationnel d'y renoncer dès cette année. Notre prévision de report de crédits de 2007 sur 2008 est d'au moins du même montant que celui de 2006 sur 2007, soit 1,5 milliard d'euros, sous réserve d'ajustements. Il aurait été peu judicieux d'y ajouter 339 millions d'euros au titre du financement des FREMM.
Cette décision de gestion financière n'a aucun impact sur le programme lui-même ; elle ne doit en aucun cas être interprétée comme une volonté de réduire le nombre de frégates, monsieur Jean-Pierre Godefroy. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de le dire. Le report de charges existe, en effet, monsieur Yves Fréville, car nous financerons bien évidemment les FREMM malgré l'absence de ces crédits, mais le volume de nos reports de crédits nous permettra d'y faire face dans le cadre des arbitrages qui seront à la base de l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire.
Le Barracuda, comme vous le savez, monsieur Jean-Pierre Godefroy, est destiné à remplacer sans rupture capacitaire les sous-marins nucléaires d'attaque de type Rubis. Pour l'instant, la loi de programmation militaire prévoit d'en réaliser six. La notification du premier marché a eu lieu le 21 décembre 2006. À partir de 2017, un bâtiment devrait entrer en service tous les deux ans.
Cela étant, compte tenu de l'élaboration d'une nouvelle loi de programmation militaire, dans le cadre de la revue des programmes d'armement et dans l'attente des décisions du Président de la République et des conclusions du Livre blanc, il m'est impossible de vous dire précisément si nous allons en construire cinq ou six et à quel rythme. Mon souhait, en raison des contraintes capacitaires de ce programme, est que nous maintenions autant que possible les perspectives envisagées.
S'agissant de l'avion de transport A 400 M, messieurs Xavier Pintat et Philippe Nogrix, vous savez qu'EADS a confirmé un retard de six mois, avec un risque de glissement supplémentaire de six mois. Ces retards nous posent évidemment un problème majeur, car les armées ont besoin de ces avions pour assumer leurs contrats opérationnels en matière de transport tactique. Les solutions palliatives sont connues, et nous y avons d'ailleurs déjà recours dans un certain nombre de cas. Elles consistent en des contrats de location de capacités de transport gros porteurs à des opérateurs privés, mais ces solutions ne sont bien sûr pas extensibles à l'infini. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous serons très fermes sur le respect de ses obligations contractuelles par l'industriel. Reste qu'il y a des difficultés techniques importantes.
Quant au ravitailleur MRTT, la décision sera prise dans la future loi de programmation militaire.
Monsieur Xavier Pintat, vous m'avez interrogé sur l'espace.
Les crédits de paiement pour l'espace s'élèveront à 393 millions d'euros en 2008, soit moins que la loi de finances de 2007, mais plus que l'exécution réelle de ces dernières années. Les crédits effectivement consommés ont été de 370 millions d'euros par an, en moyenne, entre 2003 et 2006. Nous avons donc inscrit en loi de finances le montant des crédits que nous consommons généralement.
Dans ce domaine, notre effort de recherche technologique restera soutenu de manière à maintenir les compétences de nos industriels, qui comptent parmi les meilleurs au monde, comme vous le savez tous. Je peux vous assurer dès maintenant qu'il n'y aura pas de rupture capacitaire en matière d'observation spatiale.
Les travaux de préparation de la future capacité européenne d'observation spatiale, le programme MUSIS, sont actuellement menés en étroite collaboration avec nos partenaires. Lorsque je me suis rendu en Grèce, la semaine dernière, et en Belgique, ....
Mme Nathalie Goulet. Laquelle ?
M. Hervé Morin, ministre. ... il y a quinze jours, on m'a confirmé cette volonté de participer à ce projet. L'Espagne, l'Italie et l'Allemagne sont dans le même état d'esprit. L'une des priorités de la présidence française au deuxième semestre de 2008 sera de faire en sorte de développer une capacité d'observation - radar, optique, électromagnétique - la plus européenne possible afin de mutualiser ce programme.
Monsieur Didier Boulaud, vous m'avez interrogé sur l'accord communautaire relatif au financement de Galileo, qui est, comme vous le savez, un programme civil. (Mme Dominique Voynet s'exclame.)
Je vous indique simplement que le financement complémentaire dû à l'acquisition patrimoniale - 2,4 milliards d'euros - sera couvert par le budget communautaire moyennant, notamment, des redéploiements ne remettant en cause aucun autre projet européen. Je peux me réjouir de cet accord en tant qu'utilisateur futur de ce système.
Une attention particulière, monsieur Philippe Nogrix, sera portée au maintien de la disponibilité opérationnelle des matériels. C'est en effet un sujet majeur pour nos troupes, car cela conditionne beaucoup leur moral et leur enthousiasme.
Au-delà de la dotation de 3,3 milliards d'euros, la démarche d'amélioration de l'efficacité de la dépense de maintien en condition opérationnelle sera poursuivie.
Des choses ont été faites, et vous les avez signalées - le MCO naval, la création du SIAé dont je viens de signer les arrêtés.
Il faut qu'un même effort soit entrepris au sein de l'armée de terre afin que nous ayons des services de maintien en condition opérationnelle qui soient interarmées et au service de l'ensemble du matériel.
Le chantier qui est devant nous est énorme. Il impose de mettre à plat les normes pour que les procédures soient identiques et que, d'une armée à l'autre, les approches soient les mêmes.
Je donnerai un seul exemple. Dans le cadre de l'interarmisation, j'ai demandé un rapport aux inspecteurs généraux des armées. J'ai constaté que lorsqu'un Puma de l'armée de l'air se posait à Villacoublay et que le mécanicien appartenait à l'armée de terre, ce dernier ne pouvait pas opérer sur l'appareil, car les procédures et les règles des deux armées ne sont pas les mêmes.
Ce genre de chose doit, à terme, disparaître pour que toutes les structures qui assurent le maintien en condition opérationnelle soient au service de l'ensemble de nos armées, quelle que soit la couleur de l'uniforme.
Concernant l'enveloppe des crédits pour la préparation de l'avenir, messieurs Pierre Laffitte et Didier Boulaud, nous maintenons nos crédits d'étude amont à hauteur de 640 millions d'euros.
En effet, l'effort entre l'Europe et les États-Unis est un rapport de un à six ; la France et le Royaume-Uni assurent à eux deux plus de 60 % de l'effort de recherche commun. Je puis au moins vous annoncer une bonne nouvelle : la semaine dernière, grâce au dialogue que nous avons entrepris avec nos amis britanniques, 6 millions d'euros supplémentaires ont été accordés à un nouveau programme de l'Agence européenne de défense, l'AED, concernant les drones.
Ce sujet sera un de ceux sur lesquels la présidence française pourra faire évoluer l'Europe de la défense, afin que nous soyons en mesure de maintenir notre base industrielle et technologique, que nous puissions, ensemble, européens, mener des programmes de recherche autour de l'AED pour que cette belle idée qu'a été l'accord de Saint-Malo entre Britanniques et Français puisse enfin trouver son envol.
Je veux répondre à Mme Michelle Demessine sur l'activité de l'armée de terre. Je ne sais pas d'où viennent ses informations, mais j'ai déjà répondu dix fois à cette question : la prévision de l'activité de l'armée de terre est de quatre-vingt-seize jours par homme, comme en 2006 et comme en 2007, dont quatre jours seront financés au titre des exercices multinationaux.
Messieurs Yves Fréville et Philippe Nogrix ont évoqué la problématique des carburants.
Nous devrions finir l'année 2007 sans trop de dommage grâce à un premier trimestre pendant lequel les cours étaient relativement bas et que les armées ont judicieusement mis à profit pour rehausser leurs stocks. Cependant, l'année 2008 s'annonce difficile si l'envolée des cours constatée depuis juillet se prolonge.
Monsieur Philippe Nogrix, l'année 2007 a confirmé la nécessité de disposer d'un instrument de couverture qui nous protège de la hausse des cours. Les courbes qui m'ont été remises sur ma demande montrent que le dispositif de couverture que nous avons mis en oeuvre nous sert aujourd'hui, compte tenu de la hausse des prix du brut.
Le maintien de l'exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, au-delà du 31 décembre 2008 est une condition indispensable à l'équilibre global du système.
S'agissant de l'externalisation, monsieur Philippe Nogrix, j'adopterai une attitude pragmatique. Je ne suis pas un adepte du « tout externalisation ». Un certain nombre de choses doivent être externalisées si c'est utile et si des économies peuvent être réalisées.
Ce type de formule a connu des réussites, comme l'enseignement au pilotage des avions de l'école de Cognac ou l'externalisation de la flotte des véhicules de la gamme commerciale.
Quoi qu'il en soit, en matière d'externalisation, je souhaite que l'on aborde l'ensemble des problématiques et que l'on ne se contente pas de reporter sur l'avenir un certain nombre de charges. Si nous décidons d'aller vers un peu plus d'externalisation, il faudra que nous puissions neutraliser les effets de la TVA, comme l'a fait le ministère britannique de la défense.
Je veux également aborder la question du financement des OPEX en loi de finances initiale.
Comme l'ont indiqué les rapporteurs spéciaux et un certain nombre d'orateurs - je pense à M. André Dulait -, nous avons inscrit cette année 375 millions d'euros dans le projet de budget pour 2008, auxquels s'ajouteront 100 millions d'euros décidés par le Premier ministre il y a huit jours et qui seront donc inscrits au moment de la seconde délibération. J'imagine que cette décision est en mesure d'être appréciée par M. le président de la commission des finances qui avait évoqué ce sujet lors de mon audition.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est un mieux !
M. Hervé Morin, ministre. J'aborderai également un certain nombre de sujets qui ont été évoqués par les différents intervenants.
Nous avons essayé d'inscrire la politique du ministère de la défense dans l'ensemble des politiques publiques. Vous avez parlé, par exemple, de l'environnement, et je vous remercie des précisions que vous avez apportées, monsieur Georges Othily. Nous avons décidé de nous inscrire dans une politique de développement durable, sans, bien entendu, remettre en cause les capacités opérationnelles de nos armées, car elles constituent le coeur de notre métier.
Nous disposons de tous les moyens nécessaires, pour le développement de l'éco-industrie, pour faire en sorte que nos commandes publiques soient davantage dédiées au développement durable et que, au travers de nos bâtiments, de nos casernements, de nos logements, nous participions aux économies d'énergie.
Dans ce cadre, quatre implantations de nos armées - l'École polytechnique et une implantation par armée - feront l'objet d'un bilan énergétique et environnemental complet au cours du premier semestre de 2008. Ensuite, un programme complet sera conduit pour montrer à l'ensemble du ministère de la défense que nous pouvons faire beaucoup en ce domaine et que nous pouvons donner l'exemple à l'ensemble du pays.
Le deuxième sujet abordé par M. Pierre Laffitte concernait les PME. Nous avons lancé un plan en leur faveur - je l'ai présenté ce midi même à la presse. Parmi les mesures de ce plan, figurent les délais de paiement.
Nous allons faire en sorte que les délais de paiement qui sont accordés aux grands donneurs d'ordre soient exactement les mêmes pour les PME lorsque ces grands donneurs d'ordre s'adressent à leurs sous-traitants.
Par ailleurs, nous allons rendre les plans d'étude amont beaucoup plus accessibles aux PME, qui sont souvent des trésors d'innovation, d'intelligence et de réactivité.
La question de l'égalité des chances a également été abordée.
C'est un sujet sur lequel nous mènerons un certain nombre d'expériences, en sachant que le ministère de la défense, monsieur André Dulait, est probablement l'institution où l'égalité des chances via la capacité de promotion est la plus importante. On oublie, en effet, souvent que 50 % des sous-officiers sont issus des militaires du rang et que 50 % des officiers sont d'anciens sous-officiers.
Il existe donc déjà au sein de l'armée française une vraie tradition d'ascenseur social. C'est probablement la dernière institution où, si l'on s'en donne la peine, on peut franchir des étapes et accéder à d'autres responsabilités.
J'ai néanmoins présenté un plan il y a trois mois. Un bilan a été fait la semaine dernière : tout se met en place comme nous le souhaitions.
Nous instaurerons, par exemple, un tutorat entre les élèves des grandes écoles militaires et les jeunes de lycées situés dans les zones sensibles et dans les zones rurales, là où l'idée d'accéder à une grande école militaire paraît absolument impossible.
Nous créerons des classes tampon dans les lycées militaires pour offrir à ces jeunes la possibilité d'accéder à un certain niveau de culture et d'acquérir les connaissances leur permettant de se présenter aux concours d'entrée des écoles préparatoires à égalité de chance avec les enfants de familles plus favorisées.
Même si nous maintenons la proportion des 70 % pour le personnel militaire, nous ouvrons les lycées militaires aux enfants de familles de condition modeste. Nous rouvrons également le lycée militaire de Strasbourg - qui avait été fermé en 1984 -, afin de permettre au personnel civil de la défense de passer le baccalauréat dans le cadre d'un parcours professionnel et de pouvoir progresser dans leur carrière.
Par ailleurs, nous avons décidé de développer les préparations militaires ainsi que les cadets de la défense, sorte d'encadrement notamment des activités sportives. Nous avons mené les premières expériences et les régiments qui se sont engagés dans cette voie le font avec beaucoup d'enthousiasme. Le chef d'état-major de l'armée de terre, avec lequel j'ai évoqué ce point la semaine dernière, m'a dit que tout se déroulait de façon remarquable.
Je profite de l'occasion pour indiquer à M. François Trucy que nous avons consacré 72 millions d'euros pour offrir des locaux aux établissements chargés de mettre en oeuvre la politique du dispositif « Défense deuxième chance ».
Je vous rappelle néanmoins que, malgré son nom, ce dispositif dépend non pas du ministère de la défense, mais du ministère de l'économie et des finances au titre des aides à l'emploi. Je n'entends pas que le budget de la défense, dont certains ont estimé qu'il était tendu, participe à ce qui ne relève pas directement du ministère de la défense.
Concernant les exportations d'armement, madame Dominique Voynet, je suis en contradiction totale avec vous.
Nous avons mis cinquante ans à construire une industrie de défense, qui figure parmi les plus remarquables au monde. C'est un trésor de technologie, une pointe de diamant exceptionnelle.
Cette industrie de défense, c'est l'effort d'un pays durant des décennies. Nous pouvons la maintenir et préserver les 250 000 à 300 000 emplois qu'elle représente seulement si nous sommes en mesure, dans un marché en extension - le monde entier se réarme à l'heure actuelle - de maintenir nos parts à l'exportation. Or nos parts sont en train de diminuer, en part relative j'entends, puisque nous sommes aujourd'hui quasiment devancés par les Israéliens.
Madame la sénatrice, on peut toujours rêver d'un monde sans armement, mais, malheureusement, ce monde idéal n'existe pas.
Il nous appartient de soutenir l'industrie de défense pour lui permettre, d'une part, de développer nos propres programmes - bien entendu, la vente de programmes à l'étranger diminue le coût de nos propres séries - et, d'autre part, de pérenniser l'effort industriel.
Pourquoi cette charge incombe-t-elle au ministère de la défense ? Tout simplement parce qu'il exerce la tutelle des établissements concernés. A priori, nous connaissons mieux que quiconque les programmes développés par l'industrie de défense. Nous connaissons éventuellement mieux les risques stratégiques qui pourraient découler de la vente de tel ou tel matériel à l'exportation.
Par ailleurs, un contrôle est assuré par une commission interministérielle présidée par le Secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, donc par les services du Premier ministre, et à laquelle participent le ministère des affaires étrangères, le ministère de la défense, le ministère de l'économie et des finances, ainsi qu'un représentant de l'Élysée.
En ce qui concerne la question des exportations d'armement, une administration ou un ministère est donc chargé de soutenir cette industrie de défense et le contrôle revient à une instance collégiale placée sous l'autorité du Premier ministre.
Il y a, en matière d'exportation, quatre sujets sur lesquels nous devons progresser.
D'abord, nous devons améliorer les délais d'instruction des autorisations d'exportation. Les PME françaises nous indiquent que nos délais sont largement plus longs qu'en Allemagne et au Royaume-Unis. Nous devons donc réfléchir sur les conditions des exportations au sein de l'Union européenne, notamment pour un certain nombre de pays.
Ensuite, il n'y a aucune raison que les règles et les procédures pour exporter du matériel au sein de l'Union européenne, parfois entre deux filiales d'un même groupe, soient les mêmes que lorsque nous exportons des produits dans des pays dits « sensibles ».
En outre, il nous faut aider davantage les PME dans leurs efforts à l'exportation.
Enfin, nous devons réfléchir à la nomenclature en matière d'exportation.
Lorsque vous décidez de vendre des essuie-glaces d'une 504 qui sont peints en vert parce qu'ils sont installés sur des véhicules Panhard, la commission interministérielle des exportations des matériels de guerre, CIEMG, est la même que lorsqu'il s'agit de vendre un programme d'armement complet.
C'est donc un sujet majeur, lourd, pour le soutien à l'industrie de défense française et j'entends bien m'y consacrer.
Enfin, je souhaite aborder deux sujets : la participation de la défense à la construction européenne et l'OTAN.
Sur la construction européenne, la priorité de la France est, dans le cadre de la présidence française, de donner un nouvel élan à l'Europe de la défense. Sur ce sujet, permettez-moi de vous livrer quelques-unes des pistes que nous avons présentées à nos partenaires européens.
Comme vous le savez, c'est non pas au moment de la présidence que les choses se font mais en amont. Au moment de la présidence, vous êtes dans le consensus. Il faut donc faire progresser vos idées avant d'assumer la présidence de manière qu'elles puissent ensuite aboutir.
Parmi les propositions que j'ai formulées, la première est de doter l'Europe d'un centre de planification et de commandement autonome. L'Europe doit pouvoir mener par elle-même des opérations qui la concernent directement ou qui se situent sur ses théâtres naturels d'intervention.
La deuxième piste dont j'ai parlé est le développement de capacités militaires européennes, je pense, par exemple, aux satellites d'observation.
Une troisième piste est l'engagement d'une politique de formation commune, dotée d'un tronc commun, un « Erasmus militaire », en quelque sorte.
Une quatrième idée a trait à la mise en place d'un plan d'évacuation des ressortissants des États membres, de manière à être mieux coordonnés et plus efficaces en cas de crise.
La priorité, c'est le développement de l'Europe de la défense. Il y a aujourd'hui, de toute évidence, un manque de souffle sur cette question et il est donc nécessaire de relancer ce projet. Toutefois, l'Europe de la défense ne pourra pas se construire contre l'OTAN. Si vous évoquez la question en estimant que l'Europe de la défense s'oppose à l'OTAN ou cherche à l'affaiblir, nous ne progresserons jamais sur ce sujet.
La position française est donc simple : nous voulons faire progresser l'Europe de la défense non pas en nous opposant à l'OTAN mais de façon complémentaire avec elle, afin que nos partenaires européens acceptent ce développement.
Pour la plupart de nos partenaires européens, l'Europe de la défense, dès l'origine, a souvent été vécue comme contradictoire ou en opposition avec l'OTAN. Dès lors que nous affichons clairement que l'OTAN est un système de sécurité collectif qui a ses responsabilités, qui permet d'assurer la stabilité et la sécurité du continent européen, nous pouvons progresser sur l'Europe de la défense. Si nous sommes perçus comme voulant opposer l'une à l'autre, nous n'y parviendrons pas. Il n'y a donc pas de « course à l'OTAN ». Il y a, au contraire, la volonté de faire en sorte que, par une clarification des positions, l'Europe de la défense puisse avancer.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, la mission dont, je l'espère, vous allez tout à l'heure adopter les crédits, s'adresse aux hommes et aux femmes qui servent au ministère de la défense. Je suis certain que, comme moi, vous vous associerez, et la nation avec vous, à l'hommage que nous devons rendre à nos militaires qui ont fait le choix de servir la France, parfois au risque de leur vie.
En votant ce budget, vous apporterez votre soutien à une institution placée au coeur de la vie sociale, industrielle, économique de notre pays et qui nous rend un service indispensable : la défense, la sécurité, ainsi que la souveraineté de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l'état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Défense |
35 976 399 571 |
36 765 615 661 |
Environnement et prospective de la politique de défense |
1 686 645 347 |
1 654 546 754 |
Dont titre 2 |
498 411 666 |
498 411 666 |
Préparation et emploi des forces |
20 972 560 160 |
21 249 842 723 |
Dont titre 2 |
15 142 211 280 |
15 142 211 280 |
Soutien de la politique de la défense |
3 461 765 068 |
3 439 503 940 |
Dont titre 2 |
1 757 159 385 |
1 757 159 385 |
Équipement des forces |
9 855 428 996 |
10 421 722 244 |
Dont titre 2 |
892 448 182 |
892 448 182 |
M. le président. L'amendement n° II-108, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Préparation et emploi des forcesDont Titre 2 |
|
|
|
|
Soutien de la politique de la défenseDont Titre 2 |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
Équipement des forcesDont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
SOLDE |
- 10 000 000 |
- 10 000 000 |
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo
M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement, auquel j'ai fait allusion lors de la discussion générale, a pour objet de réduire les crédits de paiement et les autorisations d'engagement de l'action 04 - sous-action 42 - du programme 212, qui prévoit le financement du transfert de l'état-major de l'armée de terre à l'École militaire de Paris.
J'avais déjà déposé un amendement similaire l'année dernière mais, devant la totale opposition de votre prédécesseur, monsieur le ministre, je l'avais retiré.
Je présenterai deux arguments, qui me paraissent justifier cette proposition et que j'exprime en tant qu'élu local de Paris.
Le viie arrondissement est celui des ministères, de Matignon. Ces ministères, Matignon lui-même, sont installés dans des hôtels particuliers très anciens appartenant à de vieilles familles qui ont fait l'Histoire. Outre leur beauté et leur intérêt historique, ces hôtels particuliers contribuent à l'image du pouvoir que les ministères représentent.
Depuis une trentaine d'années, compte tenu de l'éclatement des structures administratives, ces constructions ne sont plus suffisantes. De grands ministères ont pris conscience de cette situation. Ainsi, l'équipement a déménagé mais il a gardé dans le viie arrondissement son hôtel particulier, qui lui permet d'afficher sa puissance. Les affaires étrangères s'apprêtent également à s'excentrer.
Le ministère de la santé s'est installé de façon un peu brutale avenue de Ségur. Deux grands ministères n'ont pas bougé : celui de l'éducation nationale, auquel j'appartenais d'ailleurs avant d'être sénateur, et celui de la défense.
Le viie arrondissement, c'est le quartier de l'armée, plus que celui de Matignon. Les habitants en sont très fiers. L'axe qui part du Trocadéro, descend vers la tour Eiffel, le Champ de Mars et l'École militaire constitue un ensemble de lieux auxquels, depuis toujours, nous avons souhaité redonner leur vocation historique.
Malraux a voulu faire des Invalides un lieu de mémoire militaire. Il avait fallu insister auprès de l'armée pour qu'elle accepte de quitter ce lieu extraordinaire. Nous rencontrons actuellement le même problème avec l'École militaire. L'armée de terre, pour différentes raisons que je ne vais pas expliciter, souhaite investir ce lieu historique ; je crois même qu'elle veut édifier un bâtiment supplémentaire. Cette décision me paraît néanmoins inopportune.
À ce premier argument, s'ajoute un second.
Très peu de lieux à Paris sont susceptibles d'accueillir les grandes écoles. Nos grandes écoles civiles se sont affaiblies parce qu'elles ont quitté Paris. Elles restent de grandes écoles françaises mais non plus internationales parce qu'elles ont quitté ce lieu mythique qu'est Paris. Le problème est que les élites internationales viennent à Paris et non ailleurs, c'est malheureux, mais c'est ainsi. Si l'on souhaite, au sein du ministère de la défense, créer une grande école européenne de la défense - c'est bien sûr au ministre, au Président de la République et à l'armée d'en décider -, on a intérêt à conserver à ce lieu mythique qu'est l'École militaire sa vocation d'éducation.
Telle est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement a pour objet de réduire de 10 millions d'euros les crédits de paiement et les autorisations d'engagement de l'action 04 - sous-action 42 - du programme 212 et de contester la décision, incertaine selon son auteur, de transférer l'état-major de l'armée de terre de l'îlot Saint-Germain, qui est en cours de réorganisation, à l'École militaire de Paris.
La commission n'a pas examiné cet amendement. Cependant, il l'a été, ici même, dans des termes à peu près similaires l'année dernière. Il avait été dit que ce transfert permettait de conserver, d'une part, le caractère architectural de l'École militaire (M. Yves Pozzo di Borgo fait un signe de dénégation), que tout le monde apprécie et, d'autre part, l'aspect de centre de recherche affecté à cette école.
Ces observations étant faites, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, je souhaite que vous retiriez votre amendement afin de préserver les 10 millions d'euros de crédits d'infrastructures dont le ministère de la défense a tellement besoin. Ce programme a été gelé sur ma décision dans l'attente des conclusions de la révision générale des politiques publiques. Il n'est donc pas question pour le moment que nous lancions des travaux.
Sans pouvoir vous en dire plus pour le moment, je souligne que d'autres hypothèses sont à l'étude et qu'elles sont de nature à vous rassurer pleinement, car il est probable que l'armée de terre s'installera dans un autre lieu.
M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, l'amendement n° II-108 est-il maintenu ?
M. Yves Pozzo di Borgo. La réponse de M. le ministre me donnant beaucoup d'espoir, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-108 est retiré.
L'amendement n° II-29, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2 |
|
90.00090.000 |
|
90.00090.000 |
Préparation et emploi des forcesDont Titre 2 |
270.000 270.000 |
|
270.000 270.000 |
|
Soutien de la politique de la défenseDont Titre 2 |
|
90.00090.000 |
|
90.00090.000 |
Équipement des forcesDont Titre 2 |
|
90.00090.000 |
|
90.00090.000 |
TOTAL |
270.000 |
270.000 |
270.000 |
270.000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, il s'agit là d'une question de principe que la commission des finances avait déjà soulevée de la même manière l'an dernier.
En effet, en ce qui concerne le financement des OPEX - dont on a surabondamment parlé ce soir encore - une inscription de crédits est prévue, alors que rien n'est prévu pour le financement des OPINT. Bien entendu, il n'est pas question de comparer le volume des crédits des OPEX, qui sont évalués à 681 millions d'euros en 2007, avec celui des OPINT. Pourtant, il s'agit là de deux obligations qui, même si elles ne sont pas de même nature ni de même taille, sont tout aussi importantes.
L'inscription d'un budget de 90 000 euros au profit des OPINT que la commission des finances vous propose satisfait donc à une mesure de principe, puisque, dès lors qu'il existe une mission, il faut qu'il y ait des crédits. Tel est l'esprit dans lequel cet amendement a été déposé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Je suis favorable à cet amendement afin d'aller dans le sens vertueux auquel, chaque année, le Sénat nous invite.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense » figurant à l'état B.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense », modifiés.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 49 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 126 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels et qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Défense ».
Articles additionnels après l'article 41 quater
M. le président. L'amendement n° II-30, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement transmet au Parlement un rapport présentant les résultats des expérimentations menées pour la mise en oeuvre du nouveau régime dérogatoire d'avance de trésorerie dite avance « activité des forces », dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi.
II. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Défense
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Les forces armées connaissent ce que l'on appelle les « dépenses à bon compte et fonds d'avance », dont le montant total s'élevait à 10,5 milliards d'euros. C'est une procédure héritée de l'Ancien Régime : le colonel partait avec ses fonds, qu'il utilisait de manière assez souple et assez libre.
Aujourd'hui, cette procédure a été bien entendu modifiée : les avances de trésorerie pour la solde ont été régularisées, ainsi que les avances pour l'alimentation. Reste ce que l'on appelle le système des « masses », qui donne une certaine souplesse dans l'utilisation des fonds. Qui dit souplesse dit avantages, mais aussi inconvénients, y compris au regard de la LOLF.
Le ministère est en train de réformer ce système, de façon intelligente puisqu'il le fait essentiellement en suivant une méthode expérimentale. Nous avons d'ailleurs rendu visite à deux unités qui appliquent cette réforme.
Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous puissiez nous présenter un rapport sur les résultats de cette expérimentation, afin de vérifier que la LOLF est bien respectée, la souplesse obtenue et les contrôles nécessaires réalisés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Une réforme du système est en effet en cours, sur la demande de la Cour des comptes. Nous la menons sous la forme d'une expérimentation qui aura lieu au cours de l'année 2008.
Je veux bien émettre un avis favorable sur cet amendement, mais je risque de ne pas pouvoir vous remettre un rapport avant le dernier trimestre de l'année 2008, puisque l'expérimentation ne se terminera qu'à la fin de l'année prochaine.
Monsieur le rapporteur spécial, si vous en étiez d'accord, nous pourrions convenir de nous rencontrer, afin que vous procédiez vous-même à l'évaluation de la situation, compte tenu des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place qui sont les vôtres.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, je vous propose de rectifier mon amendement en remplaçant les mots : « dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi » par les mots : « à la fin de la période d'expérimentation ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-30 rectifié, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
I. Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement transmet au Parlement un rapport présentant les résultats des expérimentations menées pour la mise en oeuvre du nouveau régime dérogatoire d'avance de trésorerie dite avance « activité des forces », à la fin de l'expérimentation.
II. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Défense
Je mets aux voix l'amendement n° II-30 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 quater.
L'amendement n° II-31 rectifié, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement transmet au Parlement chaque année, avant le 30 juin, l'état pluriannuel actualisé des besoins de financement dans le domaine des équipements de la défense.
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. La LOLF ne traite de la pluriannualité que sous un angle purement juridique. Or le Parlement a souvent besoin d'avoir une vision, sinon définitive, du moins indicative, de l'évolution des crédits d'équipement.
La commission des finances a apprécié l'effort qui a été accompli dans le « bleu » budgétaire de cette année, où la vision de l'échéancier des paiements en matière d'équipements est améliorée. Ces programmes d'équipement durent parfois une vingtaine d'années ; je pense par exemple au programme des FREMM.
L'année dernière, le Parlement avait voté un amendement présenté par la commission des finances, devenu l'article 104 de la loi de finances pour 2007, qui prévoyait que le Gouvernement informerait les commissions des finances de l'échéancier des paiements des grands programmes d'équipement dépassant un milliard d'euros - l'échelle était considérable -, sous réserve, bien entendu, du respect du secret-défense.
En 2008, nous souhaiterions aller plus loin et disposer d'un échéancier plus global, cette notion étant discutée avec les commissions des finances, de manière à avoir une vision de l'échéancier pluriannuel des dépenses d'équipement. À l'évidence, cet échéancier serait purement indicatif et n'aurait pas de valeur juridique, mais il apporterait aux commissions des finances et, par là même, à l'ensemble du Parlement, les éléments qui ont fait défaut cette année.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, nous allons vous donner plus que satisfaction sur cette question.
En premier lieu, je pense que nous devons évoluer vers une programmation glissante. En effet, il me paraît nécessaire de disposer d'une actualisation de notre loi de programmation au fur et à mesure de l'évolution des programmes, des nécessités opérationnelles, etc.
En second lieu - la question est encore en cours de discussion au sein du Gouvernement - je souhaite que nous nous orientions vers un budget triennal, c'est-à-dire que nous puissions disposer, dans le cadre du vote du budget annuel, d'une projection sur trois ans, qui nous donnerait une vraie perspective budgétaire.
J'espère présenter au Parlement, au printemps prochain, une loi de programmation glissante. J'espère aussi que le budget pour 2009, en conservant la construction annuelle qui résulte du cadre légal et constitutionnel dans lequel nous évoluons, comportera également une projection sur trois ans.
Compte tenu de tous ces éléments, il me semble que vous pourriez retirer votre amendement.
M. Didier Boulaud. Pour glisser, ça va glisser ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Fréville, l'amendement n° II-31 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Les propos de M. le ministre répondent à nos interrogations. Il est certain que si nous disposons d'une programmation glissante, d'une part, et d'une programmation par tranches de trois ans, d'autre part, cet amendement sera satisfait.
Par conséquent, si M. le président de la commission des finances en est d'accord, j'accepte de retirer cet amendement. (M. le président de la commission des finances fait un signe d'approbation.)
M. le président. L'amendement n° II-31 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-62, présenté par Mme Rozier, MM. Barraux et Doligé et Mmes Henneron et Procaccia, est ainsi libellé :
Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Par dérogation aux dispositions du VI de l'article 108 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, la durée d'application des dispositions de l'article 244 quater N du code général des impôts est prorogée jusqu'au 31 décembre 2008.
Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. L'établissement d'un crédit d'impôt en faveur des entreprises qui favorisent la participation à des activités de réserve opérationnelle s'est avéré constituer un élément déterminant d'incitation à ce partenariat, en apportant une contrepartie très attendue par les employeurs.
Pour pouvoir prétendre au bénéfice du crédit d'impôt, les entreprises doivent soit autoriser une absence pour activités militaires d'une durée annuelle cumulée de plus de cinq jours ouvrés, soit accepter un préavis d'absence inférieur à un mois.
Dans tous les cas, il faut que tout ou partie du salaire du réserviste soit maintenu, le crédit d'impôt accordé étant égal à 25 % de la différence entre le salaire brut journalier versé au salarié réserviste et la solde journalière qu'il perçoit de l'employeur militaire pendant la même période. Le montant du salaire brut journalier retenu pour le calcul est plafonné à 200 euros par salarié.
Cet amendement tend donc à insérer un article additionnel après l'article 41 quater, tout en sachant, bien sûr, que l'équilibre budgétaire serait respecté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Trucy, rapporteur spécial. Notre collègue a bien présenté le problème. Elle a raison sur deux plans.
Tout d'abord, il s'agit d'un soutien à la politique des réserves. Celle-ci fonctionne bien ; elle est essentielle comme complément de la professionnalisation.
Ensuite, il s'agit d'entretenir le lien armées-nation, qui a toujours besoin d'être soutenu.
La commission a donc émis un avis favorable.
Mme Michelle Demessine. Et l'article 40 ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je souhaite répondre à Mme Demessine, qui s'interroge sur la recevabilité de cet amendement au regard de l'article 40 de la Constitution.
Ma chère collègue, cet amendement est recevable parce que la déduction fiscale ne peut s'imputer que sur l'impôt dû. Il serait irrecevable s'il instaurait un crédit d'impôt, c'est-à-dire si certains contribuables, qui ne paieraient pas suffisamment d'impôt pour absorber ce crédit, devaient se voir rembourser la différence. Dans ce second cas, l'amendement créerait bel et bien une dépense budgétaire. Tel n'est pas le cas !
Mme Michelle Demessine. C'est d'une grande subtilité !
M. Philippe Nogrix. Mais non, c'est parfaitement limpide !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je reste à la disposition de votre groupe pour une séance pédagogique sur l'article 40 ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Madame Rozier, votre amendement me paraît tout à fait excellent. En effet, les réservistes jouent un rôle essentiel au sein de nos forces armées.
Nous avons un plan de développement des réserves. On compte aujourd'hui environ 68 000 réservistes, à raison de 25 ou 27 jours par an. Ils rendent des services irremplaçables, tant dans les opérations extérieures que sur le territoire national, et notamment dans la gendarmerie. Celles et ceux d'entre vous dont les départements comportent des zones de forte fréquentation touristique savent à quel point les réservistes constituent un appui essentiel pour le fonctionnement des forces de gendarmerie.
Le maintien de ce dispositif en 2008 me semble une très bonne initiative et je lève le gage, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-62 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 quater.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Défense ».
7
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- a) Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.
- b) Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3711 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil introduisant des préférences commerciales autonomes pour la Moldavie et portant modification du règlement (CE) n° 980/2005 et de la décision 2005/924/CE de la Commission.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3712 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- a) Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et l'État d'Israël, d'autre part, concernant un accord-cadre entre la Communauté européenne et l'État d'Israël relatif aux principes généraux de la participation de l'État d'Israël aux programmes communautaires.
- b) Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et l'État d'Israël, d'autre part, concernant un accord-cadre entre la Communauté européenne et l'État d'Israël relatif aux principes généraux de la participation de l'État d'Israël aux programmes communautaires.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3713 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1207/2001 relatif aux procédures prévues par les dispositions régissant les échanges préférentiels entre la Communauté européenne et certains pays et destinées à faciliter la délivrance ou l'établissement, dans la Communauté, des preuves de l'origine et la délivrance de certaines autorisations d'exportateurs agréés.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3714 et distribué.
8
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 4 décembre 2007, à neuf heures quarante-cinq, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).
Rapport (n° 91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Examen des missions :
- Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales (+ article 41, 41 bis et 41 ter).
Compte spécial : développement agricole et rural.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 3) ;
MM. Gérard César, Jean-Marc Pastor, Gérard Delfau et Alain Gérard, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome I).
- Culture
Compte spécial : cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 7) ;
MM. Philippe Nachbar et Serge Lagauche, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 92, tome III).
M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 92, tome IX).
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 4 décembre 2007, à zéro heure quarante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD