Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Loi de finances pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

Compte spécial : Développement agricole et rural

Discussion générale : MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

Mme Odette Terrade, MM. Georges Mouly, Philippe Nogrix, Bernard Piras, Paul Girod, Gérard Le Cam, Yvon Collin, Claude Biwer, André Lejeune, Alain Vasselle.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

MM. Daniel Soulage, Mme Yolande Boyer, MM. Michel Doublet, Paul Raoult, Bernard Barraux, Mme Odette Herviaux, MM. Gérard Bailly, Jean Desessard, Yann Gaillard, Charles Revet, Bernard Fournier, Mme Jacqueline Panis, MM. Jean Bizet, Jean-Paul Alduy, Raymond Couderc.

M. le ministre.

État B

Amendements nos II-93 de M. Jean-Paul Emorine et II-141 du Gouvernement. - MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques ; le ministre, le rapporteur spécial, Jean-Marc Pastor, Charles Josselin. - Retrait de l'amendement no II-93 ; adoption de l'amendement no II-141.

Amendement n° II-91 rectifié de M. Dominique Mortemousque. - MM. Gérard César, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.

Amendement n° II-37 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, le président de la commission des affaires économiques ; Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Retrait.

Adoption des crédits modifiés.

État D

Adoption des crédits.

Articles 41 à 41 ter. - Adoption

Article additionnel après l'article 41 ter

Amendement n° II-109 de M. Claude Biwer. - MM. Daniel Soulage, le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Culture

Compte spécial : cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale

MM. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Serge Lagauche, Alain Fouché, Jack Ralite, Yves Dauge, le président, Ivan Renar.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

État B

Amendement no II-128 du Gouvernement. - Mme la ministre ; MM. le rapporteur spécial, Serge Lagauche. - Adoption.

Adoption des crédits modifiés.

État D

Adoption des crédits.

Articles additionnels après l'article 41 quater

Amendement no II-1 rectifié de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme la ministre, MM. Ivan Renar, Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no II-110 de Mme Catherine Morin-Desailly. -Mme Catherine Morin-Desailly, M. le rapporteur spécial, Mme la ministre. - Retrait.

3. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Articles additionnels après l'article 41 quater (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Deuxième partie

Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales - Compte spécial : Développement agricole et rural

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » (et articles 41, 41 bis et 41 ter) et au compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,8 milliards d'euros en crédits de paiement sont demandés, en 2008, pour la mission « Agriculture ».

La moitié de ces montants sont inscrits au titre 6, ce qui démontre à quel point le ministère de l'agriculture est avant tout un ministère d'intervention.

Monsieur le ministre, vous avez déjà indiqué que vos priorités budgétaires pour 2008 concernaient la gestion des aléas, en particulier par le développement de l'assurance récolte, l'encouragement de l'agriculture durable via, notamment, la prime herbagère agro-environnementale et le maintien de la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, ainsi que la politique de soutien à la pêche.

Je note également qu'un effort particulier est accompli en termes de maîtrise des effectifs du ministère, avec un objectif de deux départs en retraite sur trois non remplacés parmi les personnels administratifs, et que de notables chantiers de modernisation administrative ont été conduits, à l'instar du regroupement des offices agricoles.

Monsieur le ministre, la commission des finances souscrit à ces orientations tout en s'interrogeant sur la portée réelle de l'autorisation parlementaire que nous nous apprêtons à vous donner.

Quel sens y a-t-il à ouvrir 3 milliards d'euros de crédits pour 2008, alors que les reports de charges de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » passeront, entre 2006 et 2007, de 678 millions à 1,17 milliard d'euros ?

Certes, votre gestion n'est pas en cause, mais cela impose des mesures correctrices.

Quel sens y a-t-il, pour le Parlement, à ouvrir des enveloppes limitatives de crédits quand la Cour des comptes relève, dans un récent référé, que le ministère de l'agriculture engage régulièrement des dépenses sans crédits ou en dépassement de crédits, et que certains de ses opérateurs sont contraints de recourir à l'emprunt pour compléter les dotations budgétaires votées en loi de finances ?

Monsieur le ministre, la « soutenabilité » budgétaire de la politique agricole impose de ne plus différer la réforme de certains dispositifs d'intervention coûteux et d'éliminer certaines pratiques budgétairement peu orthodoxes ou entraînant au niveau communautaire de lourdes sanctions pécuniaires, sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir.

J'en viens à quelques considérations déclinées par programme.

Le programme 154 « Gestion durable de l'agriculture de la pêche et développement rural » met notamment en oeuvre des actions correspondant au second pilier de la politique agricole commune, la PAC, dans le domaine du développement rural. Il comprend en particulier les mesures agro-environnementales, de nombreuses aides à l'installation, à la modernisation des exploitations ou à la cessation d'activité, et les dispositifs sur lesquels s'appuie notre politique de la pêche.

À propos de pêche, je souhaite que le Gouvernement éclaire le Sénat, au cours de ce débat, sur les modalités de financement des mesures récemment annoncées par le chef de l'État en faveur de la filière et sur leur compatibilité avec le droit communautaire.

Dans un contexte similaire, les avances remboursables consenties au fonds de prévention des aléas de la pêche, qualifiées de « subventions déguisées » par la Cour des comptes, constituent un précédent fâcheux, qui ne semble d'ailleurs toujours pas soldé. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour plus de détails sur cette question.

J'observe ensuite que certains dispositifs du programme 154 fonctionnent selon une logique de « guichet » ou sont susceptibles de voir leur coût augmenter fortement en fonction de facteurs conjoncturels.

Le Gouvernement vient, par exemple, de solliciter de nos collègues députés une augmentation de 5 millions d'euros des crédits dévolus au financement des bonifications des prêts d'installation des jeunes agriculteurs, en raison de la hausse des taux de crédit bancaire et du maintien à un niveau élevé du nombre d'installations.

Je crois indispensable d'assortir le recours à de tels dispositifs de conditions d'octroi plus rigoureuses et de dotations budgétaires mieux calibrées.

Je conclurai sur le programme 154 en évoquant la situation des Haras nationaux, qui, vous le savez, font l'objet de l'attention constante et bienveillante de la commission des finances.

Les Haras nationaux voient leur subvention pour charges de service public baisser de 2,5 millions d'euros à périmètre constant, ce qui semble les inciter à dynamiser leur politique de cessions immobilières.

Cette orientation est conforme aux préconisations que j'avais formulées dans mon rapport d'information de novembre 2006, et j'indique au Sénat que la commission s'assurera de leur mise en oeuvre au cours d'une audition de suivi programmée pour le premier semestre de 2008.

J'en viens au programme 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », qui constitue le pendant national des aides communautaires du premier pilier de la PAC, c'est-à-dire des aides de marché.

Les crédits finançant les dépenses d'intervention des offices agricoles accusent une baisse de 67 millions d'euros par rapport à 2007, baisse compensée en cours d'année par le produit, estimé à 50 millions d'euros, de la vente du siège de l'ancien Office national interprofessionnel des céréales, l'ONIC, avenue Bosquet.

Nous avons déjà eu un débat à ce sujet au moment du vote de l'article d'équilibre. C'est pourquoi je ne m'y appesantirai pas. Je considère cependant que cette opération, qui consiste à financer des dépenses récurrentes par des recettes ponctuelles, doit demeurer exceptionnelle. Je me félicite d'ailleurs que les observations de la commission aient été entendues quant au portage de l'opération, qui pourrait être assumé par la société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, plutôt que par un acteur privé.

Permettez-moi, par ailleurs, de revenir sur ce qui me semble constituer deux sous-budgétisations au sein du programme 227.

La première, classique, concerne l'absence de dotation au fonds national de garantie des calamités agricoles, alors que cette dotation, en moyenne de 80 millions d'euros par an, est obligatoire aux termes du code rural.

J'aurai l'occasion d'y revenir lors de la présentation de l'amendement de la commission sur les crédits de la mission.

La seconde sous-budgétisation résulte de l'absence de crédits pour faire face aux refus d'apurement communautaires, qui seront vraisemblablement compris entre 50 millions et 200 millions d'euros en 2008.

Au risque de paraître technique, mes chers collègues, je vous rappelle que le refus d'apurement consiste, pour la Commission européenne, à ne pas payer la contrepartie communautaire des aides préfinancées par les États membres lorsqu'ils les ont versées en infraction avec la réglementation communautaire. Cette contrepartie est, dès lors, supportée par le budget de l'État.

Monsieur le ministre, vos services expliquent cette absence de budgétisation par la forte incertitude qui pèse sur les montants que l'État aura à acquitter au titre du refus d'apurement et par le « signal négatif » que l'inscription de tels crédits constituerait pour la Commission européenne, dans la mesure où ils vaudraient, en quelque sorte, « reconnaissance préalable de culpabilité ». J'avoue être assez peu convaincu par cette argumentation et j'indique d'ailleurs à nos collègues que la commission des finances a confié à la Cour des comptes, pour 2008, sur ce sujet une enquête, qui permettra sans doute d'analyser ces points en détail.

Je passerai très rapidement sur le programme 149 « Forêt », dont les crédits servent majoritairement à subventionner des opérateurs, et notamment à payer le « versement compensateur » à l'Office national des forêts. Il en résulte une gestion contrainte et l'absence de marges de manoeuvre substantielles pour le responsable de programme.

Pour autant, je crois que notre politique forestière est à la croisée des chemins. Nous devons passer d'une approche de la forêt comme patrimoine à une approche de la forêt comme ressource exploitable, et les enjeux liés au développement des énergies renouvelables et à la limitation des émissions de gaz à effet de serre militent pour une mobilisation accrue de la ressource de bois.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes particulièrement sensibilisé à cette question, et vous pourrez compter sur le soutien de la commission pour agir dans cette direction.

Le programme 215 constitue enfin le « programme soutien » de la mission. Comme je l'indiquais en préambule de mon intervention, ce programme traduit un effort réel de maîtrise des dépenses de personnel.

J'observe toutefois qu'il achève de concentrer les dépenses de personnel en se voyant rattacher, en 2008, les moyens des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, auparavant inscrites au programme 154. Si ce regroupement est de nature à faciliter la gestion des budgets opérationnels de programme, il est une entrave à l'exercice, au sein de chaque programme de politique publique, de la fongibilité asymétrique.

Enfin, quant au compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », le CAS-DAR, je relève que ses prévisions de recettes ne prennent pas en compte les effets du déplafonnement, au 1er janvier 2008, de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dite « taxe ADAR », qui l'alimente.

Monsieur le ministre, faut-il y voir l'indice qu'une énième reconduction du plafonnement de la taxe ADAR est en préparation ? Je ne crois pas me tromper en affirmant qu'un nouvel opus de ce « feuilleton fiscal », auquel je viens de consacrer un rapport d'information, serait assez mal perçu par la commission des finances du Sénat.

En ce qui concerne les dépenses du compte, je crois enfin qu'une justification au premier euro plus circonstanciée permettrait de s'assurer que les crédits vont aux actions de développement agricole plutôt qu'aux structures, comme les instituts techniques ou les chambres d'agriculture.

Sous réserve de ces remarques et de l'amendement que je vous présenterai lors de la discussion de l'état B, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », ainsi que les articles 41, 41 bis et 41 ter rattachés à la mission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'agriculture pour 2008 pourrait être qualifié de budget de « transition », comme celui de l'année 2007. Je souhaiterais dire quelques mots du contexte général, avant de donner une analyse rapide des crédits et d'évoquer la réforme de l'organisation commune de marché vitivinicole, qui fait l'objet d'un développement thématique dans notre rapport pour avis.

En ce qui concerne, tout d'abord, le contexte général de ce budget, je dirai que nous sommes à la croisée des chemins, en termes tant économiques qu'institutionnels.

Les fondamentaux du marché agricole mondial sont en passe d'être bouleversés, et d'une façon qui pourrait être durable. Le recul de l'offre de produits agricoles bruts destinés à l'alimentation, du fait de conditions météorologiques défavorables et de la concurrence des productions non alimentaires, allié à une forte croissance de la demande mondiale sous la poussée des pays émergents, a provoqué une véritable flambée des cours de nombreux produits, qui pourrait se poursuivre à l'avenir.

Sur un plan plus institutionnel, la transition est celle de la politique agricole commune, dont le bilan de santé sera réalisé dans le courant de l'année prochaine. La Commission en a déjà esquissé les pistes il y a peu de temps. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, de quelle façon vous les appréhendez et comment vous concevez dans ce cadre la présidence française de l'Union européenne au second semestre de 2008 ?

Enfin, la transition concerne notre vision globale de l'agriculture, de ses objectifs et de ses méthodes. Le « Grenelle de l'environnement » a été l'occasion de faire ressortir les attentes de nos concitoyens vis-à-vis du monde agricole, mais aussi les engagements que les agriculteurs étaient prêts à prendre. Des propositions, ambitieuses pour certaines, ont finalement été actées. Quel en sera, monsieur le ministre, le calendrier d'adoption et comment se fera la coordination avec les assises de l'agriculture, que vous avez opportunément lancées à l'automne ?

Dans ce contexte global de transition, le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche se présente, c'est indéniable, comme fortement contraint, faisant les frais de la discipline budgétaire demandée aux ministères par le Gouvernement, sous la pression de la Commission européenne.

Cette rigueur contraint inévitablement le ministère à choisir des priorités, et donc à moins soutenir certaines actions.

C'est le cas des actions relatives à la valorisation des produits, à l'orientation et à la régulation des marchés, dont les crédits sont en recul de près de 10 %. Ces baisses touchent surtout, il est vrai, les offices agricoles, dont les moyens sont censés avoir diminué du fait de leur regroupement en trois pôles, conformément à la dernière loi d'orientation.

Plutôt que de rigueur, c'est d'incertitude qu'il faut parler en ce qui concerne les dispositifs de gestion des crises. Mais notre président de commission, M. Jean-Paul Emorine, grand expert de ces questions, vous en dira sûrement plus.

Au-delà de la seule assurance récolte, qui pourra obtenir un financement européen dans les prochaines années, on remarquera par ailleurs que les mécanismes d'appoint conjoncturels, tels que le dispositif « Agriculteurs en difficultés et le fonds d'allègement des charges, sont en recul inquiétant.

Toutefois, cette rigueur générale qui affecte le budget ministériel doit être très largement nuancée, et cela pour plusieurs raisons.

Premièrement, le budget du ministère ne représente qu'une partie minoritaire - moins d'un tiers - de « l'effort public » en faveur de l'agriculture, qui s'élève tout de même à plus de 16 milliards d'euros.

Deuxièmement, cette rigueur est l'occasion pour le ministère dans un contexte de réforme de l'État de procéder à des ajustements structurels nécessaires, tels que la suppression de plusieurs centaines d'emplois, lui permettant d'économiser quelque 17 millions d'euros cette année.

Troisièmement, enfin, ces contraintes budgétaires n'empêchent pas le ministère de concentrer ses efforts sur certains axes majeurs du développement agricole et rural.

Les mesures agroenvironnementales, dont on a vu l'importance dans le contexte actuel, sont reconduites en crédits de paiement et presque doublées en autorisations d'engagement. Cela permet de bénéficier de très importantes sommes au titre du cofinancement communautaire, et d'oeuvrer très concrètement en faveur d'une agriculture durable.

Le secteur de la pêche, comme le développera sans doute notre collègue Alain Gérard, fait aussi l'objet d'une attention budgétaire toute particulière du ministère, afin de l'aider à traverser la crise.

Par ailleurs, monsieur le ministre, comment satisfaire les justes revendications des anciens agriculteurs à propos des retraites agricoles dont le montant est très insuffisant ? Cette question revient tous les ans, et il est aujourd'hui temps d'en discuter.

J'évoquerai également l'économie forestière et reprendrai un thème qui a déjà été examiné l'année dernière et qui me tient particulièrement à coeur : la mise en place du plan épargne forêt.

Il n'existe en France aucune procédure de financement adapté aux contraintes de la sylviculture, en ce qui concerne notamment la durée, le taux et la garantie. La défiscalisation des travaux agricoles va dans le bon sens, mais ne suffit pas.

Afin d'encourager une politique de mobilisation des bois pour répondre aux besoins des industries, la propriété forestière doit être assimilée et traitée comme une véritable entreprise sylvicole. Elle devrait disposer d'un système de financement organisé autour de plusieurs produits financiers adaptés à la sylviculture. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre sentiment sur ce sujet.

En ce qui concerne l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale, l'AFICAR, elle a été créée par la loi relative au développement des territoires ruraux, dite « loi DTR », qui a prévu le financement de ses actions. Elle a mené des opérations visant à améliorer la connaissance du monde agricole et rural, à promouvoir l'image de l'agriculture après des consommateurs et à valoriser les métiers et les produits issus des territoires ruraux

Les opérations grand public, comme l'exposition itinérante « Train de la terre », qui a reçu 500 000 visiteurs, les actions en direction des jeunes et des scolaires prévues pour l'an prochain, la présence de l?agence pour la première fois au salon de l'agriculture imposent de reconduire la subvention pour 2008.

Pour finir, je dirai quelques mots de la réforme de l'OCM vitivinicole, à propos de laquelle nous avons adopté une résolution ici même à l'unanimité, voilà quelques jours. Monsieur le ministre, vous étiez présent, et vous avez pris un engagement concernant notre proposition.

Le Conseil agriculture des 26 et 27 novembre, où a longuement été débattu le sujet, a fait apparaître plus particulièrement deux points de friction : la libéralisation des droits à plantation après la politique d'arrachage - c'est totalement incohérent - et le régime d'enrichissement, problème que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

Pouvez-vous nous dire quelle stratégie de négociation vous souhaitez adopter lors du prochain conseil agriculture le 17 décembre prochain ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels sont les éléments que je souhaitais vous soumettre en complément de l'excellent rapport de Joël Bourdin.

Je terminerai en appelant naturellement à voter les crédits de cette mission, que nous avons adoptés au sein de la commission des affaires économiques et qui représentent, au vu des contraintes actuelles un budget cohérent au service du monde agricole et rural. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention aura pour objet la partie « Affaires rurales » de la mission.

Évoquer ce sujet, c'est à la fois faire le point sur les politiques engendrées et apprécier les masses financières projetées.

Le développement rural, c'est un cadre de vie, une économie dynamique et des besoins en services. C'est le problème de la ruralité qui est ainsi posé.

L'équilibre financier de bon nombre de ces services, publics ou privés, en danger depuis toujours, ne pourra continuer à exister qu'avec une véritable péréquation, une vraie solidarité nationale.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Il y a donc deux conditions pour que vive la ruralité.

La première est une péréquation de solidarité nationale. La seconde est une méthodologie, une gouvernance appropriée au monde rural.

Au titre de la péréquation nationale, les autorisations d'engagement, d'un montant de 70 millions d'euros, sont en baisse de 16 %, et les crédits de paiement de 8 %. Cette tendance est très inquiétante, monsieur le ministre.

À cela s'ajoute le changement de périmètre dans la présentation des crédits, qui rend leur lecture totalement opaque.

Quant à la méthodologie et à la gouvernance rurale, on distingue deux niveaux : chaque projet peut faire l'objet soit d'une approche verticale, soit d'une approche horizontale, plus globale et liée au cadre de vie.

À ce sujet, les pôles d'excellence rurale, créés par la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux, ont été une heureuse initiative, monsieur le ministre. Sur les 700 dossiers qui ont été déposés autour de l'économie, de l'emploi ou de l'innovation notamment, 379 ont été arrêtés. La dotation varie entre 300 000  euros et 1 million d'euros par projet, avec un taux de financement public de 33 %.

Après un an et demi de vie, ces pôles suscitent plusieurs remarques.

Première remarque : il s'agit d'un dispositif beaucoup trop complexe. On peut aussi déplorer la concurrence entre les divers projets de développement à l'échelle locale. Alors que les pôles ont été créés à l'origine pour être portés par différents acteurs de terrain, comme les membres des groupements d'action locale, 80 % de ces projets sont maintenant mis en oeuvre par les collectivités locales.

Deuxième remarque : la durée de l'accompagnement est de trois ans. Or, le développement rural ne s'arrête pas à trois ans. Qui prendra le relais si ce ne sont les collectivités territoriales ? La ruralité s'appuie sur une animation permanente des projets. Mais les pôles d'excellence rurale ne financent ni l'animation, ni la recherche, ni l'innovation ; c'est une erreur.

Troisième remarque : le redéploiement de 235 millions d'euros sur 379 pôles s'apparente à du saupoudrage.

Quatrième remarque : il est très difficile, monsieur le ministre, de saisir pour ces projets les mécanismes de suivi et d'évaluation qu'il convient de mettre en oeuvre.

J'en viens maintenant à la méthodologie et à la gouvernance du monde rural.

En 2006, M. Dominique Bussereau m'avait invité, avec un certain nombre de vos collaborateurs ici présents, monsieur le ministre, à participer à une mission sur la ruralité. Il s'agissait d'apprécier les différences d'approche des politiques de développement et d'utilisation des fonds européens de certains Etats membres de l'Union.

La copie a été rendue, des pistes proposées, la plupart d'entre elles étant d'ailleurs peu, voire pas coûteuses. Où en est-on, monsieur le ministre ?

Le constat fait apparaître que la France est parmi les plus mauvais utilisateurs des fonds européens. L'Espagne et l'Autriche ont mis en place des mécanismes de management rural portés par des systèmes associatifs, coopératifs, regroupant tous les partenaires acteurs en les responsabilisant. Cela devient une force et les coopératives rurales telles que nous avons pu les observer, regroupant des collectivités territoriales, des socioprofessionnels, diverses personnalités, représentent une vraie locomotive pour la démocratie participative.

À l'époque, cette démarche avait reçu l'adhésion de tous les participants. Comment a-t-elle évolué, monsieur le ministre ?

Cette réflexion intègre d'autres pistes. Ainsi en est-il de l'élevage ovin en montagne, qui fait l'objet d'une mission d'information confiée à MM. Gérard Bailly et François Fortassin. Je pourrais également citer le pastoralisme.

Monsieur le ministre, après le Grenelle de l'environnement, que deviendront ces pistes agroenvironnementales et les ouvertures qui ont été faites ?

Cette intervention ne me permet d'aborder qu'une faible partie des problèmes de la ruralité. Je n'ai pas le temps d'évoquer les services privés ou publics, qui suscitent une véritable interrogation.

La baisse des crédits, le défaut d'engagement politique fort, l'absence de réponse sur les attendus de la mission de 2006, tout cela n'appelle pas un grand enthousiasme de ma part. Je regrette, à titre personnel, le manque d'ambition de la politique du Gouvernement en matière de développement rural. Néanmoins, selon une tradition bien établie au Sénat, je m'en rapporte à la sagesse de la commission qui propose bien sûr de voter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du RDSE.)

La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au même titre que les rapporteurs pour avis, je scinderai mon intervention en deux parties : une analyse de l'évolution des crédits consacrés à la forêt dans le projet de budget, puis un éclairage plus développé sur un thème d'actualité, la valorisation de la ressource forestière.

Dans le présent projet de budget pour 2008, les crédits consacrés à la forêt semblent a priori épargnés par les restrictions budgétaires puisqu'ils affichent une hausse de 3,8 % en crédits de paiement, le programme « Forêt » étant doté cette année de 322 millions d'euros.

Une fois déduite la dotation de l'État à l'Office national des forêts, qui, bien que nécessaire pour compenser l'augmentation des taux de cotisation des pensions civiles, ne correspond à aucune action nouvelle, ce projet de budget marque, hélas ! une baisse de 4,8 %.

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de financer les mesures nécessaires à l'amplification de la politique de la forêt, notamment en matière de source d'énergie, que de tous côtés on réclame ?

Si le développement économique de la filière et la mise en oeuvre du régime forestier, objets des actions 1 et 2, sont en hausse formelle, les crédits destinés à l'amélioration de la gestion de la forêt et ceux qui sont affectés à la prévention des risques, d'incendie notamment, sont en recul respectivement de 7,7 % et de 4,3 %. Mon inquiétude, vous me l'accorderez, est légitime.

Certes, cette baisse est à nuancer dans la mesure où elle intègre la diminution des besoins de financement du plan chablis, engagé à la suite des tempêtes de 1999, qui arrivera à son terme en 2009. Cependant, elle conduit à s'interroger dans la mesure où la mobilisation de la ressource bois est proclamée par le ministère, et au-delà par le Gouvernement, comme une priorité dans un contexte de prise en considération accrue des contraintes environnementales.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où en est la réalisation du plan chablis et quelles sont les perspectives pour 2008 ?

C'est justement la mobilisation de la ressource forestière que je souhaite à présent évoquer.

Comme je le soulignais à l'instant, ce sujet est parfaitement en phase avec les préoccupations environnementales actuelles. Nous savons que la forêt, en séquestrant d'importantes quantités de C0², participe fortement à la lutte contre le réchauffement climatique.

Or, cette ressource est aujourd'hui sous-utilisée. Bien que, couvrant près de 28 % de notre territoire, notre forêt connaît un prélèvement de bois qui n'excède pas 60 % de sa production biologique.

Cette thématique a été abordée largement lors du récent « Grenelle de l'environnement », qui a notamment abouti à des préconisations visant à valoriser le bois comme source d'énergie et matériau de construction.

Le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, semblez avoir bien pris conscience du formidable gisement d'activité et d'emplois que recèle l'exploitation durable de cette ressource. Ainsi, les trois premiers axes du programme forestier national pour la période 2006-2015 sont entièrement orientés vers ces préoccupations.

Par ailleurs, les assises de la forêt, que vous avez ouvertes voilà deux semaines, devraient traiter abondamment de la mobilisation de la ressource forestière, avec l'objectif ultime de « produire plus en préservant mieux ».

À cette occasion, vous avez retenu l'objectif d'extraire de nos forêts 21 millions de mètres cubes supplémentaires à moyen terme. Cet objectif, vous l'avez indiqué, appelle « tous les acteurs [...] à un vrai changement d'échelle dans leurs réflexions, leurs actions et leurs investissements » et rend nécessaire une révision des outils d'intervention. Monsieur le ministre, pouvez-vous d'ores et déjà nous exposer les principales mesures que vous envisagez de prendre afin d'accompagner ce mouvement, nous préciser quand et comment vous comptez parvenir à cet objectif ambitieux de 21 millions de mètres cubes supplémentaires ?

Par ailleurs, vous projetez de faire figurer plusieurs éléments de ce dispositif dans des projets de loi qui feront suite au « Grenelle de l'environnement ». Pouvez-vous, là encore, nous en dire un peu plus sur le calendrier prévisionnel et le contenu de ce dispositif ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels sont les quelques éléments que je souhaitais vous livrer au regard des orientations du projet de budget agricole pour 2008, sur le programme « forêt », et de l'actualité qui s'y rapporte.

Comme je m'y suis engagé devant la commission des affaires économiques lors de l'examen du rapport pour avis, je transmets fidèlement l'avis favorable de la commission à l'adoption des crédits de la mission, bien que, vous le comprendrez, je sois à titre personnel plus circonspect.

En conclusion, monsieur le ministre, je ne peux que vous encourager à poursuivre de façon volontariste une politique en faveur de la valorisation de la ressource forestière. Les échéances à venir - les assises de la forêt notamment - en seront une excellente occasion.

L'ensemble de la filière, et d'une manière générale nombre d'élus locaux et de nos concitoyens, nourrissent à cet égard de fortes attentes. J'espère très sincèrement, monsieur le ministre, que vous serez en mesure d'y répondre, et nous suivrons avec intérêt le déroulement de cette démarche que nous appuyons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gérard, rapporteur pour avis.

M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concerne spécifiquement les crédits de la pêche au sein du projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2008.

Je souhaite tout d'abord vous livrer mon analyse de ces crédits, avant d'évoquer la crise que connaissent actuellement les pêcheurs, et les mesures auxquelles elle a donné lieu.

Avec 60,5 millions d'euros mobilisés en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, soit une progression de près d'un million d'euros, les crédits consacrés au secteur de la pêche pour 2008 sont confirmés. Cela nous paraît très satisfaisant sachant, d'une part, que ces crédits avaient été doublés l'année dernière et, d'autre part, que les contraintes s'exerçant sur le budget du ministère sont particulièrement fortes cette année, comme l'a rappelé M. Gérard César.

Les deux tiers de ces crédits - soit 39 millions d'euros - sont affectés au développement durable de la filière halieutique et aquacole, ce qui apparaît effectivement comme une priorité quand on sait que l'âge moyen de nos bateaux de pêche est de vingt-quatre ans.

Un quart de l'ensemble des crédits de la pêche, soit 15 millions d'euros, sert à promouvoir une gestion responsable de la ressource, la France s'étant engagée à atteindre, d'ici à 2015, le rendement maximum durable de ressources halieutiques.

Monsieur le ministre, voilà quelques jours, alors que la Commission européenne présentait son plan de quotas pour 2008, vous avez annoncé la présentation, dans les deux mois, d'un plan de pêche durable. Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur ce plan, nous indiquer notamment comment la France, qui conteste les avis scientifiques sur l'état des ressources et la volonté de la Commission de réduire les prises, va se positionner sur ce point ?

Enfin, cinq millions d'euros seront mobilisés au service du contrôle des pêches. Ces moyens, qui s'ajouteront à ceux qui sont dégagés par d'autres administrations centrales, devraient nous permettre de mieux respecter la législation communautaire sur les pêches, pour laquelle nous avons déjà été condamnés à de lourdes sanctions.

Après avoir rappelé l'essentiel de ce bon projet de budget pour la pêche, je m'attarderai sur la crise du monde de la pêche, très médiatisée ces derniers temps.

Cette crise a été provoquée en grande partie par l'augmentation du coût du carburant. Depuis le début de l'année, le litre de gazole est passé de 30 à 50 centimes d'euros. La dépense en carburant est passée de 15,7 % du chiffre d'affaires en 2003 à 27 % aujourd'hui. Ainsi, un navire de pêche hauturière partant en mer pendant quinze jours et embarquant 20 tonnes de gazole a déjà coûté à son propriétaire 10 000 euros en carburant, ce malgré l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers dont bénéficient les marins pêcheurs.

Les conséquences sur les comptes d'exploitation sont brutales : la part du chiffre d'affaires dévolue au revenu d'un armateur de chalutier est passée de 17 % voilà dix ans à 7 % aujourd'hui. La moitié des navires de pêche français serait de ce fait dans une situation très délicate, leurs exploitants ne parvenant plus à payer leur équipage, ou alors à des salaires non attractifs.

Face à cette crise d'une ampleur sans précédent pour le monde de la pêche, le Gouvernement, et vous-même, monsieur le ministre, avez fait preuve de réactivité.

Ainsi, à la fin du mois d'octobre, vous annonciez un plan de soutien au secteur de plus de 25 millions d'euros, dont l'essentiel était destiné à financer des plans de sortie de flotte pour les navires qui ne sont plus compétitifs.

Se rendant au Guilvinec le 6 novembre, le Président de la République vous demandait de mettre en place des mesures d'urgence en faveur des marins pêcheurs. Dès le lendemain, monsieur le ministre, vous annonciez, outre la mise en place de deux groupes de travail consacrés respectivement à la modernisation de la flottille et à la garantie d'une rémunération mensuelle minimale, l'exonération provisoire des charges patronales et salariales et, surtout, la prise en charge du surcoût du gazole supporté par les entreprises au-delà de 30 centimes d'euros par litre.

Cette dernière mesure, a-t-on appris, devrait prendre la forme d'une taxe à la consommation, appelée « écocontribution », dont le produit serait affecté aux pêcheurs en proportion de leur consommation de gazole. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que cette piste est toujours privilégiée, nous en livrer les modalités plus précises, et nous dire si vous pensez que cette mesure sera considérée comme « eurocompatible » ?

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments et questionnements dont je tenais à vous faire part s'agissant des crédits consacrés à la pêche dans le projet de loi de finances pour 2008.

Vu à la fois l'orientation favorable de ces crédits et la bonne prise en compte par le Gouvernement de la crise des pêcheurs, je vous proposerai, mes chers collègues, conformément à l'avis très favorable qu'a émis la commission des affaires économiques, d'adopter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercierai tout d'abord les orateurs qui viennent de s'exprimer, M. le rapporteur spécial, Joël Bourdin, et les rapporteurs pour avis Gérard César, Jean-Marc Pastor, Gérard Delfau et Alain Gérard.

Je souhaite, dans ce débat interactif entre le Gouvernement et la Haute Assemblée, saisir ce premier moment pour vous exposer dans quel esprit j'ai l'honneur, depuis quelque six mois, d'animer ce grand ministère de l'agriculture et de la pêche et d'agir au service du monde rural, de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire de notre pays.

Je veux à mon tour rappeler que le projet de budget pour 2008 s'inscrit dans un contexte de changement, dans un environnement en mutation qui place chaque jour davantage l'agriculture au coeur des défis de la société. Il m'est déjà arrivé, devant un congrès de représentants professionnels, de souligner que la question agricole ne se réduisait pas à la seule question des agriculteurs : c'est une question de société. Voilà quelques semaines à peine, je lisais dans un grand journal du soir, vous l'avez sans doute lu comme moi, un article bien placé intitulé « Le grand retour de l'agriculture ».

Tous ceux qui s'intéressent au sujet - vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, mais aussi les agriculteurs, les producteurs, les pêcheurs - se trouvent donc de nouveau au coeur des nouveaux défis de la société, et c'est heureux.

C'est d'abord le défi alimentaire qui se pose à l'Europe et au monde. L'Institut national de la recherche agronomique rappelait il y a quelques semaines que, pour nourrir 9 milliards d'habitants sur notre planète en 2050, il va falloir doubler la production agricole : produire plus, donc, mais aussi produire mieux, pour tenir compte du fait que les ressources naturelles, les espaces naturels, ne sont ni gratuits ni inépuisables. C'est notamment la leçon du Grenelle de l'environnement.

N'en doutez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, et portez ce message autour de vous : parce qu'ils sont les seuls dans notre société dont le travail soit quotidiennement lié à l'eau, à l'air, au sol, les agriculteurs sont les premiers concernés par le dérèglement climatique, qui va s'accentuer.

Le contexte agricole connaît, lui aussi, de forts changements, avec des marchés très volatils, des risques de délocalisation des productions, de la valeur ajoutée agricole, des emplois dans une économie agricole plus ouverte et bien évidemment tournée vers les marchés mondiaux.

Cette transition, ces changements, cette période de « croisée des chemins », pour reprendre l'expression de Gérard César, nous les abordons avec ambition et confiance, dans un contexte budgétaire difficile, en effet.

J'ai une ambition, un projet : construire une grande politique de l'alimentation, de la ruralité, de l'agriculture et de la pêche. Diverses occasions s'offrent à nous d'y travailler dès maintenant dans ce nouveau contexte, dont je veux rappeler quelques éléments.

D'abord, 2009 sera une année en partie neutralisée du fait des élections européennes et du renouvellement de la Commission. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité engager dès 2008 le grand débat sur la future politique agricole et saisir toutes les occasions offertes par le bilan de santé de la PAC.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Nous n'attendrons pas, car, l'expérience que j'ai acquise comme commissaire européen - j'étais alors chargé d'une autre grande politique qui vous intéresse, la politique régionale et des fonds de cohésion - me permet de l'affirmer, il ne faut pas, ni en Europe ni non plus, si possible, en France, que le débat budgétaire précède le débat politique.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. C'est le contraire qui est normal : il faut d'abord un débat d'idées, il faut d'abord un débat politique.

C'est ce débat que, sans attendre, nous voulons conduire avec nos partenaires européens. Pour cette raison, il sera ouvert au début de la présidence française, dès le 1er juillet 2008.

Ensuite, puisque je viens de les évoquer, les propositions formulées par la Commission dans le bilan de santé nous fournissent une deuxième occasion, plus proche encore dans le temps puisque le rapport de la Commission a été publié tout récemment. Nous n'aborderons pas ce bilan de santé de manière défensive, en nous cramponnant à la politique existante, qui a certes de très bons atouts, mais qui mérite d'être adaptée. Notez-le bien, mesdames, messieurs les sénateurs - et, là aussi, je m'appuie sur mon expérience de la Commission et du débat européen -, nous allons sortir d'une logique de guichet pour aller vers une logique de projet.

Tel est donc l'état d'esprit dans lequel nous aborderons ce rendez-vous du bilan de santé, mais aussi le suivant, qui portera sur la politique agricole elle-même pour l'après-2013.

Pour la même raison, nous changerons d'attitude avec nos partenaires. J'ai souvent répété - je l'avais dit, notamment, lorsque j'étais ministre des affaires étrangères - que « la France n'est pas grande quand elle est arrogante, qu'elle n'est pas forte si elle est solitaire ». Nous ne serons pas arrogants, et nous ne serons pas solitaires.

J'ai donc intensifié, de manière besogneuse, nos relations avec nos partenaires. J'étais en Pologne la semaine dernière, je serai cette semaine en Bulgarie et en Roumanie pour créer ce tissu, cette solidarité ; non pas pour défendre le passé, mais pour bâtir ce projet que j'évoquais tout à l'heure. Ainsi, j'aurai rencontré avant le début de la présidence française, chez eux, tous nos partenaires et tous mes collègues ministres de l'agriculture et de la pêche.

En outre, la forte augmentation des prix des matières premières remet l'économie au coeur de la production agricole et, je me permets de le souligner, provoque de vrais problèmes pour certaines filières, durement touchées par l'augmentation des coûts de production : la filière avicole, les veaux de boucherie, le porc. Néanmoins, dans ce contexte d'évolution des marchés qui voit les prix atteindre durablement un niveau élevé, plus élevé en tout cas que jamais dans le passé - je pense en particulier aux grandes cultures, au bois, au lait -, nous avons la possibilité d'ouvrir le débat de manière plus constructive et plus sereine.

Enfin, le quatrième élément de ce contexte, élément qu'il ne faut pas oublier, ce sont les négociations à l'OMC. Même si leur conclusion semble s'éloigner, nous resterons, comme l'a indiqué le Président de la République, très fermes et très vigilants : nous ne pourrons évidemment pas accepter que l'agriculture devienne je ne sais quelle variable d'ajustement d'un accord à tout prix qui se ferait au seul bénéfice des pays émergents et au détriment des intérêts agricoles européens et, du même coup, des pays les plus pauvres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour préparer ces rendez-vous, pour préparer ce projet agricole, alimentaire et territorial, j'ai proposé une méthode, dans un esprit de dialogue et de transparence, à travers les assises de l'agriculture. Parlement de l'agriculture, en quelque sorte, elles rassemblent déjà des responsables agricoles, auxquels nous avons associé d'autres acteurs, en particulier les ONG qui interviennent en matière d'environnement ou les consommateurs, que j'ai déjà rencontrés.

Nous prendrons en compte les conclusions du Grenelle de l'environnement et nous nous appuierons sur le socle des propositions qu'il a formulées afin de bâtir ce projet agricole, alimentaire et territorial. Nous prendrons également en compte le débat qui s'est ouvert sur le bilan de santé de la PAC. Ainsi, ces assises nous permettront de préparer le futur grand rendez-vous pour la PAC de l'après 2013.

Plusieurs orateurs m'ont interrogé, justement, sur le calendrier de ce bilan de santé. Notre objectif est de conclure en décembre prochain le débat qu'il a suscité et dans la foulée, parce que les choses sont liées, d'ouvrir sans attendre, sous la présidence française, le grand débat sur la future politique agricole commune, comme je l'ai déjà indiqué ; le Conseil informel des ministres de l'agriculture et de la pêche qui se tiendra à Annecy les 21, 22 et 23 septembre prochains en sera l'occasion.

C'est dans le même état d'esprit que j'aborde une autre négociation qui, monsieur César, a fait ici même, il y a quelques nuits, l'objet d'un long et intéressant débat : la négociation sur l'OCM vitivinicole. Elle se présente difficilement, et j'espère que nous aboutirons ; mais je n'en suis pas sûr. Nous n'accepterons pas n'importe quel accord, car nous voulons préserver le modèle agricole européen en général et, à l'intérieur de ce modèle, la production de vins en provenance de vignobles qui sont ancrés dans des territoires attachés à leur identité et à leur authenticité.

Si vous me le permettez, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'attarderai encore un instant sur l'ensemble de ces sujets pour les inscrire clairement dans la problématique générale qui est depuis assez longtemps celle du débat européen et qui, actuellement, s'accentue.

Depuis cinquante ans, la construction européenne voit se confronter deux idées de l'Europe. L'une, que nous n'approuvons pas, mais qui n'en est pas moins vigoureuse, est celle d'une Europe « grande zone de libre-échange », avec quelques règles, des fonds de soutien ou de solidarité - les Anglais les nomment charity funds -, une grande compétition fiscale et sociale à l'intérieur, et toutes les portes et les fenêtres ouvertes sur l'extérieur : c'est la vision anglo-saxonne. Je ne dis pas cela pour être désagréable, mais parce que cette vision existe et qu'elle est très forte, à Bruxelles comme ailleurs.

La seconde vision est celle que nous défendons depuis le début avec les cinq autres pays fondateurs - notamment avec nos partenaires allemands -, aujourd'hui rejoints par d'autres pays situés plus à l'est, en Europe centrale, orientale et baltique. Dans notre perspective, l'Union européenne doit être, bien sûr, un grand marché, mais soumis à des règles ; elle doit être aussi une communauté solidaire menant des politiques intégrées.

Nous avons pour l'heure deux grandes politiques intégrées : la politique régionale, que j'ai gérée pendant cinq ans, et la politique agricole, qui fait aujourd'hui l'objet de notre débat, démontrent que l'Union européenne ne se résume pas à un supermarché, qu'elle est aussi une communauté solidaire. J'espère que d'autres politiques intégrées suivront et que l'Union sera capable d'avoir une voix politique grâce à une politique étrangère et une politique de défense.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le secteur agricole et, en son sein, le secteur du vin se trouvent clairement au point de confrontation de ces deux idées. Vous connaissez mes convictions politiques, celles que je sers au côté du Président de la République et du Premier ministre.

Je pense que, dans le monde globalisé où nous vivons, l'idée d'une libéralisation généralisée n'est pas forcément une idée juste.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Je ne me suis pas battu pour la cause européenne pour autoriser, en tout cas pour accepter aujourd'hui que toutes les portes et les fenêtres soient ouvertes, pour remettre en cause ce que nous avons mis cinquante ans à construire.

Disant cela, je ne me cantonne pas dans je ne sais quel débat franco-français, comme s'il s'agissait simplement de défendre le modèle français ou l'exception française. Un journal britannique soulignait hier que cette question était également au coeur de la campagne présidentielle aux États-Unis, où l'on s'interroge de la même façon sur la justesse d'une libéralisation généralisée.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bien sûr !

M. Michel Barnier, ministre. Les raisons sont d'ordre écologique, social, sanitaire ; entre aussi en ligne de compte ce modèle agricole que nous évoquions et qui est ancré dans les territoires.

Tout cela, mesdames, messieurs les sénateurs, exige des outils de régulation, des outils de stabilisation. Cela exige des règles, des solidarités, des protections - et non du protectionnisme ! -, bref : cela exige une nouvelle préférence européenne.

Je tenais à préciser tous ces points parce qu'ils sont le fond de ma conviction, celle que je défends aujourd'hui à la tête de ce grand ministère de l'agriculture et de la pêche, celle que je défendais déjà dans les autres fonctions que j'ai pu exercer.

J'évoquerai maintenant la mission  « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », dont les crédits de paiement sont en légère baisse et les autorisations d'engagement en hausse de 5,3 %, en raison notamment du renouvellement massif des contrats de la prime herbagère agro-environnementale qui interviendra en 2008.

Ces dotations budgétaires doivent être mises en discussion en les reliant aux crédits communautaires. En effet, quand on parle de l'intervention économique agricole, il s'agit de près de 9 milliards d'euros dans le premier pilier de la PAC, auxquels s'ajoute 1 milliard d'euros dans le deuxième pilier.

Ces 10 milliards d'euros par an attribués à notre pays au niveau européen sont à rapporter au budget de 1 milliard d'euros, dont nous présentons la plus grande partie aujourd'hui au Sénat, si l'on enlève les crédits qui relèvent du fonctionnement et d'un autre poste dont nous avons discuté à propos de l'enseignement agricole.

La proportion est donc de dix à un s'agissant de l'action économique agricole. C'est dire que cette politique est principalement européenne et que la plupart des solutions sont à chercher avec nos partenaires européens.

Malgré les difficultés que M. le rapporteur spécial a décrites et qui sont héritées de pratiques passées - je ne les justifie pas, mais je dois les assumer - ce budget repose sur plusieurs priorités que j'ai voulu préserver.

Les deux premières sont les outils de gestion des aléas et le soutien au renouvellement des générations dans une agriculture durable ; je veux en effet être le ministre d'une agriculture durable. Une agriculture durable, ce n'est pas seulement une agriculture qui est davantage respectueuse de l'environnement, c'est une agriculture qui dure au travers du renouvellement des générations.

La troisième priorité concerne le renforcement des activités en faveur d'un développement agricole et forestier durable.

Enfin, la quatrième priorité a trait à la modernisation de l'outil que constitue ce ministère.

J'assume depuis près de six mois la fonction de ministre de l'agriculture et de la pêche et je suis, comme vous, confronté chaque semaine à des crises liées à la volatilité croissante des prix, à des crises sanitaires de plus en plus fréquentes : l'influenza aviaire, les dioxines, la sharka ou la chrysomèle du maïs, et surtout, dans soixante-sept départements aujourd'hui, la fièvre catarrhale ovine, que les éleveurs, les services de l'État, les vétérinaires libéraux et les laboratoires affrontent avec beaucoup de responsabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous n'avons pas aujourd'hui dans notre pays les outils nécessaires pour affronter la multiplication de ces crises économiques, sanitaires et climatiques, quand elles ne se conjuguent pas au même moment !

Comme me l'a demandé le Président de la République, je travaille avec Christine Lagarde à une généralisation des mécanismes de gestion des risques à partir de l'expérience de l'assurance récolte.

Monsieur César, je vous confirme que l'objectif de stabilisation des marchés sera ma priorité dans le bilan de santé de la PAC. Je l'ai déjà dit lors du Conseil des ministres qui s'est tenu la semaine dernière à Bruxelles.

Les propositions de la Commission, avec un renforcement du second pilier pour financer des dispositifs assurantiels, ne me satisfont pas. C'est à l'intérieur du premier pilier que ceux-ci doivent être mis en place. La PAC doit rester, au travers de ce premier pilier consolidé, même s'il faut le redéployer en son sein, une politique économique. C'est même la première des politiques économiques européennes et, pour l'instant, probablement la seule véritable politique économique européenne.

En attendant, nous utiliserons au mieux les deux outils dont nous disposons.

Il s'agit d'abord de la prise en charge, depuis 2005, de 35 % des primes d'assurance récolte, 40 % pour les jeunes agriculteurs. Dans le domaine des grandes cultures, plus de 25 % des surfaces sont couvertes aujourd'hui par des contrats d'assurance ; 32 millions d'euros, soit 5 millions d'euros de plus que ce qui devrait être dépensé en 2007, sont inscrits en 2008 et devraient permettre une augmentation des taux de prise en charge de ces contrats dans le secteur de l'arboriculture et du maraîchage. Ces augmentations s'inscrivent dans la lignée des propositions du rapport de Dominique Mortemousque.

Il s?agit ensuite du Fonds national de garantie des calamités agricoles, qui a été évoqué par M. le rapporteur spécial. La dépense de l'État, abondée en cours d'année, s'établit sur la durée à parité avec la participation des professionnels, à environ 80 millions d'euros par an. Il est vrai que ce fonds de garantie n'est habituellement pas doté en loi de finances initiale. Cet outil continue néanmoins d'assurer de manière forfaitaire les indemnisations des aléas climatiques, et il sera doté en tant que de besoin au cours de l'année.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut pour ce secteur comme pour les autres un véritable outil de gestion des risques et des crises au niveau communautaire. Ce sera l'une des priorités de la présidence française.

Malgré ce constat, nous conservons quelques outils d'intervention : le Fonds d'allègement des charges, doté de 5 millions d'euros pour 2008 ; les crédits en faveur des agriculteurs en difficulté, dont la plus grande part n'apparaît plus dans le budget du ministère, puisque ces allégements de charges sont inscrits directement dans le budget de la mutualité sociale agricole

Enfin, dans le domaine des risques économiques, lors du dernier Conseil des ministres, nous avons obtenu, pour aider le secteur du porc qui connaît une crise très grave, la mise en place de restitutions - ce n'était pas acquis ! - grâce à une bonne concertation avec nos partenaires ; je pense notamment à l'appui de l'Allemagne. C'est une bonne nouvelle pour cette filière qui est très affectée par des niveaux de cours très bas et une augmentation du prix des aliments.

La deuxième priorité concerne le renouvellement des générations et le maintien des activités dans les territoires fragiles et sur les espaces littoraux

Avec 1,6 million d'emplois répartis sur l'ensemble du territoire, l'agriculture et l'agroalimentaire sont l'une des clés du dynamisme économique dans toutes nos régions ; Jean-Marc Pastor l'a rappelé tout à l'heure.

Il faut conforter ce dynamisme économique en veillant à préserver son ancrage dans les territoires. Vous le savez bien, seules certaines initiatives se trouvent dans le budget du ministère de l'agriculture.

Cela passe d'abord par le renouvellement des générations. Voilà pourquoi nous continuerons de soutenir les jeunes qui veulent s'installer : près de 16 000 installations chaque année, dont 10 000 ont moins de quarante ans.

La hausse des taux d'intérêt a eu pour effet de renchérir le coût pour l'État de la bonification des prêts. J'ai effectué de nombreux redéploiements- autant que je le pouvais - en 2007 : 18 millions d'euros sur les crédits nationaux ; 11 millions d'euros sur les crédits européens en faveur du financement de ces prêts ; la ventilation de la dernière enveloppe de 20 millions d'euros a été transmise pour chacune de vos régions en fin d'année budgétaire.

En 2008, le budget sera de 60 millions d'euros pour la dotation aux jeunes agriculteurs et de 68,4 millions d'euros pour les prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs, cette dernière dotation ayant été augmentée de 5 millions d'euros après le vote d'un amendement à l'Assemblée nationale. N'oublions pas que ces mesures sont cofinancées, ce qui conduit à une dépense réelle proche du double de ces sommes.

Je vous remercie de ne pas oublier que ces mesures sont cofinancées, ce qui conduit à une dépense réelle assez proche du double de ces sommes. Malgré cet effort, nous allons travailler en 2008 à une adaptation du mécanisme d'attribution des prêts bonifiés pour éviter les files d'attente.

Ce travail a été engagé avec le président des Jeunes Agriculteurs. Nous oeuvrons parallèlement, toujours avec les dirigeants agricoles, à une amélioration du parcours d'installation, qui doit être personnalisé, et à un plafonnement du montant maximum de la bonification.

L'ancrage agricole dans les territoires passe aussi par le maintien d'une activité dans les zones fragiles. Voilà pourquoi nous continuerons à soutenir les élevages dans nos territoires au travers de quatre outils.

Le premier outil est le renouvellement des contrats de la prime herbagère agro-environnementale. Je vous propose de renouveler ce soutien qui représente 457 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour les cinq prochaines années.

Le deuxième outil concerne l'indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN, qui est maintenue à 232 millions d'euros. Compte tenu de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, cela devrait conduire à l'augmentation de l'indemnité moyenne, qui a doublé en dix ans, passant de 2 650 euros à 5 370 euros. Voilà des chiffres qui sont la preuve de ce soutien pour les zones les plus fragiles, notamment avec l'ICHN.

Le troisième outil a trait à la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, la PMTVA, qui s'établit à 165 millions d'euros ; elle est indispensable au maintien de troupeaux à taille humaine, en particulier dans les zones défavorisées et en montagne.

Enfin, le quatrième outil est relatif au plan de modernisation des bâtiments d'élevage, évoqué par Jean-Marc Pastor, dont l'enveloppe a été augmentée de plus 23 millions d'euros à la fin de l'été et pour lequel j'ai entrepris une régulation après avoir satisfait les demandes en attente.

Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, s'est inquiété de la décroissance des crédits en 2008, qui s'établissent à 50 millions d'euros. Cette enveloppe correspond aux besoins identifiés en 2008, dans le cadre de nouvelles règles négociées avec les éleveurs, qui conduiront à une meilleure sélection des projets, en conservant une majoration pour les projets liés au pastoralisme, en zone de montagne.

Plus globalement, je réfléchis, dans le cadre de l'évolution de la PAC, à une réelle politique de soutien aux productions valorisant l'herbe et permettant de maintenir une activité agricole de production dans nos territoires. Je souhaite engager ces évolutions dès le bilan de santé de la PAC. En utilisant l'article 69 du règlement agricole, nous procéderons sans doute, à l'intérieur du premier pilier, à certaines redistributions...

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. ...en écrêtant les subventions les plus élevées, dont le montant actuel ne se justifie plus puisqu'elles profitent à de grandes cultures dont les prix ont beaucoup augmenté. Il est juste que ces agriculteurs soient davantage rémunérés aujourd'hui par les prix de leurs produits que par des subventions. Par conséquent, la diminution de ces subventions se justifie ; je ne dis pas que celles-ci doivent être supprimées. Nous allons affecter cette redistribution - si la Commission nous y autorise - à des filières qui le méritent et qui ont besoin d'être davantage soutenues.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Je viens de parler du lait, de l'élevage en zone difficile et fragile ; j'évoquerai également l'élevage ovin, qui n'a pas été traité équitablement par la PAC actuelle, et l'agriculture biologique.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Telles sont les orientations auxquelles je travaillerai dès que nous connaîtrons le bilan de santé de la PAC, avec les outils que la Commission nous permettra d'utiliser.

Au-delà de ces mesures sectorielles, je veux rappeler l'importance des pôles d'excellence rurale, qui ont permis de soutenir plus de 375 projets de développement situés, pour l'essentiel, en zone de revitalisation rurale.

L'État a financé cette expérimentation pour plus de 235 millions d'euros, dont 34 millions se trouvent dans le budget du ministère de l'agriculture.

Cette politique récente, avant d'être reconduite, devra être évaluée de manière contradictoire avec les observations de votre Haute Assemblée. C'est aussi l'objet du programme de développement rural hexagonal, le PDRH, à la suite de la mission « ruralité » que vous avez évoquée monsieur Pastor, et qui a été engagé en 2006. Ce PDRH a d'ailleurs été le premier plan approuvé au niveau européen par la Commission dès le mois de juillet dernier.

Enfin, ce soutien passe par l'équilibre de notre littoral en métropole et outre-mer. C'est pourquoi l'une des priorités de ce budget concerne la pêche et l'aquaculture. Je crois en l'avenir de ces deux secteurs, je l'ai encore rappelé dans des circonstances tragiques dimanche, à Étaples, où j'ai rencontré les six marins pêcheurs rescapés du chalutier Mon bijou, qui a coulé en provoquant la mort d'un marin.

Ces secteurs sont au coeur du défi alimentaire. Je crois en leurs capacités de création de richesses et je pense qu'ils ont droit au respect et à la solidarité nationale, même si cela coûte un certain prix.

Nous parlons là du secteur de notre économie le plus dangereux de France : un mort pour 1 000 marins et 10 % d'accidents du travail chaque année. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est deux fois plus que dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Nous avons donc des raisons de faire appel à la solidarité nationale et européenne.

Cette conviction est aussi celle du Président de la République, exprimée avec force au Guilvinec, et c'est également celle du Premier ministre. Nous devons aider les pêcheurs à relever trois défis : le défi de l'environnement et de la ressource, qui doit être gérée avec précaution ; le défi de l'économie, avec la question de la viabilité des navires en raison du prix du gazole ; le défi de la politique commune de la pêche, qui est un cadre exigeant et européen.

Pour m'aider à relever ces défis, j'ai lancé deux missions : l'une sur la réforme de la pêche, conduite par Paul Roncière, ancien secrétaire général de la mer, et l'autre sur le développement de l'aquaculture, conduite par Mme Hélène Tanguy.

En ce qui concerne le budget, je vous propose aujourd'hui de consolider les moyens consacrés à la pêche à hauteur de 60 millions d'euros. Nous poursuivons ainsi l'effort entrepris en 2007, année qui avait vu le budget de la pêche augmenter de 50 %. À ce montant s'ajoutent plus de 30 millions d'euros annuels provenant du Fonds européen pour la pêche.

Par ailleurs, en concertation avec mon collègue Jean-Louis Borloo, dont dépend l'administration des affaires maritimes, nous allons renforcer les moyens de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture, en nous attachant surtout à assurer les conditions nécessaires pour garantir, sur chaque bateau, la sécurité individuelle des marins pêcheurs. À cet égard, je tiens à saluer les efforts entrepris au niveau européen pour mieux coordonner les actions de secours lorsqu'un drame tel que celui que nous avons vécu encore la semaine dernière se produit.

Au-delà de ce qu'ont alors fait les sauveteurs français - ces hommes admirables qui, dans le cadre de la société nationale de sauvetage en mer, travaillent sur des canots -, je me félicite de la bonne coopération entre les autorités françaises, belges et britanniques.

Pour répondre à Alain Gérard, nous préparons un « plan pour une pêche durable », un plan global qui ne se résume pas à la seule question du gazole, mais qui apporte une réponse à la situation économique, ainsi que l'a demandé le Président de la République.

Ainsi, pour faire remonter la ligne d'horizon, nous essaierons de donner une perspective aux pêcheurs qui n'en ont plus, et qui, souvent, désespèrent, en stabilisant la situation économique des entreprises de pêche, en améliorant les conditions de travail et de sécurité des marins pêcheurs, ainsi que leur situation sociale, car, eux aussi, ont droit à un salaire minimum, tout en respectant, de manière transparente et rigoureuse, les conditions fixées, dans le cadre européen, pour une meilleure gestion de la ressource.

La réalisation de ces objectifs s'appuiera sur le budget que je vous propose d'adopter aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les crédits du Fonds européen pour la pêche, ainsi que sur la création d'une « contribution pour le renouveau de la pêche française », une écocontribution. Cette mesure, qui sera bientôt soumise au Parlement, se situe dans le prolongement des déclarations du Président de la République au Guilvinec et des décisions qui ont été prises dans mon bureau avec les professionnels de la pêche le 7 novembre dernier.

La troisième grande priorité de ce budget, qui est préservé en dépit du plan de maîtrise des dépenses publiques, concerne le renforcement des activités en faveur d'un développement agricole et forestier durable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez observé - et ce n'est pas un hasard -, le Grenelle de l'environnement, qui était un premier grand rendez-vous démocratique, ne s'est pas fait sans ou contre les agriculteurs, alors que le risque était présent.

Nous devons en effet ce résultat à l'intelligence des dirigeants agricoles, quelle que soit leur sensibilité, au travail des fonctionnaires de l'État et aux parlementaires qui ont été associés à ces travaux. Plusieurs d'entre vous ont participé aux différents groupes de travail, certains en assurant même la présidence, et je les en remercie. Même si c'était improbable, notamment pour ce qui concerne la forêt, des rencontres ont eu lieu, avec une écoute, un respect mutuel.

Lorsque le Président de la République a conclu, à l'Élysée, cette première grande phase du débat, nous avons pu constater que l'agriculture et l'agroalimentaire étaient bien là et que les conclusions globales pouvaient constituer le socle dont j'ai parlé tout à l'heure et sur lequel nous allons bâtir la nouvelle politique territoriale alimentaire et rurale pour notre pays.

Nous allons relever le défi du Grenelle de l'environnement en améliorant encore, au-delà des efforts importants qui ont déjà été consentis par la plupart des agriculteurs, les pratiques durables et respectueuses de l'environnement.

Les outils pour y parvenir sont consolidés dans ce budget, avec notamment la prime au maintien des troupeaux de vaches allaitantes, la prime herbagère agro-environnementale et l'indemnité compensatoire de handicaps naturels.

J'illustrerai de manière complémentaire cet engagement en faveur du développement durable de nos territoires en évoquant deux mesures.

Le premier outil pour le développement durable concerne les mesures agro-environnementales territorialisées, en faveur desquelles je vous propose le doublement des crédits à hauteur de 54 millions d'euros. Ces mesures sont simplifiées, conformément au plan de développement rural hexagonal, qui connaîtra sa première année de pleine application en 2008. Elles seront ciblées pour répondre aux engagements pris dans le cadre du Grenelle de l'environnement, notamment pour soutenir le développement de l'agriculture biologique et satisfaire les objectifs de la directive-cadre sur l'eau et de la directive Natura 2000.

Le second outil est relatif au plan nitrates sur lequel j'ai beaucoup travaillé avec celles et ceux d'entre vous qui représentent la Bretagne. Dès mon arrivée au gouvernement, je me suis attaché à recréer les conditions susceptibles de restaurer la confiance qui avait disparu entre le Gouvernement français et Bruxelles et entre les acteurs locaux et le Gouvernement français.

En accord avec Jean-Louis Borloo, son cabinet et le mien ont travaillé en bonne coopération pour parvenir à un plan, qui a finalement été approuvé par la Commission européenne. Celle-ci a renoncé, au dernier moment, au recours qu'elle avait déposé devant la Cour de justice des Communautés européennes, en vertu duquel nous devions verser directement et immédiatement une pénalité de 28 millions d'euros et payer une astreinte de 117 000 euros par jour. La Commission européenne nous fait donc confiance.

Certes, ce plan est difficile, mais il est nécessaire. Nous y consacrerons, sur cinq ans, 86 millions d'euros, dont 68 millions d'euros exclusivement en faveur de l'agriculture, dans le cadre du programme des interventions territoriales de l'État, le PITE. L'objectif est de ramener les eaux des neuf bassins versants concernés à un taux de nitrates conforme à la norme.

Enfin, le développement durable, c'est aussi une meilleure valorisation de nos ressources naturelles.

Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, pour satisfaire une demande du chef de l'État que j'approuve, je me suis personnellement engagé à faire réduire de moitié, si possible d'ici à dix ans, la quantité des produits phytosanitaires utilisés par l'agriculture française, en métropole et outre-mer. À cet effet, j'ai mis moi-même en place un groupe de pilotage réunissant tous les acteurs concernés, afin d'aboutir, avant l'été prochain, à la présentation d'un plan que j'ai nommé « Éco-phyto 2018 ».

Pour répondre à l'intervention de Gérard Delfau, j'aborderai maintenant la forêt, le bois et la biomasse.

Notre massif forestier est le troisième d'Europe, et la forêt gagne tous les dix ans la superficie d'un département français. La croissance actuelle de la forêt permet la captation d'un volume de CO2 identique à l'effort de réduction des émissions demandé à nos industriels. Pour autant, la filière bois est caractérisée par une balance commerciale déficitaire de près de 5 milliards d'euros ; elle occupe le troisième rang après le pétrole et l'informatique.

Le 21 novembre dernier, j'ai ouvert les Assises de la forêt. Elles nous permettront de rénover notre politique forestière et de la filière bois avec un double objectif : mieux mobiliser la ressource et mieux valoriser cette matière première.

Nous pouvons envisager, sur dix ans, un doublement de la récolte commercialisée, ce qui est compatible avec les capacités physiques de notre forêt, mais exige une gestion soutenue. Pour ce faire, nous prendrons les mesures permettant d'obtenir une augmentation rapide de la récolte.

Les crédits consacrés à la forêt, qui enregistrent une hausse de plus de 3,5 %, s'établissent à 311 millions d'euros en autorisations d'engagement et 321 millions d'euros en crédits de paiement.

Le programme « Forêt » est marqué par le maintien du versement compensateur, conformément au contrat d'objectif, dans un contexte d'augmentation des cours du bois et d'une très nette amélioration des résultats de l'Office national des forêts.

L'ONF, dont vous avez salué le travail, constitue un levier puissant pour développer l'exemple concret d'une politique de croissance écologique et de gestion durable sur un vaste territoire.

Comme beaucoup d'entre vous, j'ai pu constater, sur le terrain, en forêt, le travail réalisé par les agents de cet office. Cet été, je me suis rendu dans le Midi, et j'ai pu mesurer leur capacité d'expertise pour aider à la reconstruction de sites dévastés par des incendies. Nous avons sollicité leurs compétences non seulement pour aider la Martinique et la Guadeloupe à reconstruire après le passage du cyclone Dean, mais aussi au-delà de notre pays pour aider la Grèce, dont près de 200 000 hectares, sur quatre parties de son territoire, ont été dévastés l'été dernier par des incendies tragiques.

Le plan Chablis sera lui aussi conduit à son terme, et nous y consacrerons 23 millions d'euros en 2008, cofinancés à hauteur de 28 millions d'euros par le FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural. Nos aides à la restructuration de la filière et de modernisation des scieries seront amplifiées et seront dotées de 9,4 millions d'euros en 2008, auxquels s'ajouteront les contreparties communautaires.

Outre le budget, la mise en oeuvre de cette politique ambitieuse pour l'alimentation, les territoires, l'agriculture et la pêche requiert une modernisation du ministère de l'agriculture et de la pêche, que j'ai l'honneur d'animer.

À cet égard, je tiens à rendre hommage à l'ensemble des fonctionnaires, des agents régionaux, départementaux ou territoriaux, en métropole et outre-mer, qui réalisent un travail souvent difficile pour faire face à toutes les crises que j'ai évoquées tout à l'heure.

Ce ministère est un grand ministère, qui s'inscrit dans une longue tradition, avec une vraie culture et une expérience reconnue dans un grand nombre de métiers. Je souhaite qu'il vive avec son temps, tout en gardant son âme. Il est le partenaire de plus de 1,6 million de personnes qui travaillent dans le secteur agricole ou agroalimentaire. La moitié des agents sont rattachés à un enseignement agricole de qualité. Le nombre des missions de ce ministère augmente continuellement pour répondre aux enjeux posés par la sécurité sanitaire, l'alimentation, l'environnement ou le développement rural.

Comme l'a dit M. le rapporteur spécial, et ainsi que l'a souligné l'audit commandé par Mme Christine Lagarde au moment où elle fut, durant quelques semaines, à sa tête, le ministère de l'agriculture et de la pêche connaît une situation financière difficile, résultat de plusieurs années de gestion.

Sur ce point, je tiens à préciser que je ne partage pas l'ensemble des conclusions de cet audit, mais j'ai déjà obtenu des avancées. Le décret d'avance de 200 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 120 millions d'euros de crédits de paiement qui vous a été soumis en octobre dernier a permis de résorber, monsieur le rapporteur spécial, quelques-uns des reports de charges. Le projet de loi de finances rectificative devrait également le permettre, notamment pour ce qui concerne le refus d'apurement.

Nous prenons notre part à l'effort de réduction des effectifs de la fonction publique, en diminuant de 198 emplois le nombre de fonctionnaires de la mission. Mais cela s'accompagne d'une évolution des politiques mises en oeuvre. Le ministère est en mouvement, dans le cadre du grand chantier de la révision générale des politiques publiques, et doit devenir - je veux qu'il le devienne ! - le grand ministère de l'alimentation, des territoires ruraux, de l'agriculture et de la pêche. Cette réorganisation passe par le regroupement des établissements publics.

À cet égard, permettez-moi, monsieur le président, de répondre à MM. Bourdin et César, qui ont souligné la baisse des moyens...

M. le président. Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu'en application des décisions de la conférence des présidents le Gouvernement dispose au total de soixante minutes. Or vous avez déjà parlé quarante minutes !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Juste précision, monsieur le président ! M. le ministre aura du mal à répondre ensuite à tous les intervenants.

M. Michel Barnier, ministre. Je serai bref dans ma réponse aux orateurs. Néanmoins, je ne pense pas que mes propos sur les sujets évoqués soient inutiles.

M. Adrien Gouteyron. Au contraire !

M. Michel Barnier, ministre. S'agissant des offices agricoles, leur capacité d'intervention sera maintenue en 2008. Certes, j'ai dû accepter la vente de l'ancien siège de l'Office national interprofessionnel des céréales. Mais je veux assurer à la Haute Assemblée que cette opération s'accompagnera de toutes les garanties nécessaires pour permettre le déroulement normal des interventions des offices. De ce point de vue, j'ai obtenu des assurances du ministre du budget et des comptes publics, Éric Woerth, à savoir que la dotation de base des offices soit réévaluée au minimum à hauteur de 50 millions d'euros. Après cette opération exceptionnelle, le budget pour 2009 retrouvera son montant initial.

Par ailleurs, nous devrons constituer un niveau régional fort. Je veux déconcentrer un certain nombre de missions et de compétences vers l'échelon régional.

Au niveau départemental, nous allons regrouper un certain nombre de compétences autour des directions départementales des services vétérinaires et nous poursuivrons le rapprochement des DDAF, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, et des DDE, les directions départementales de l'équipement, sans préjudice de la future organisation de l'administration territoriale de l'État.

Je proposerai également un certain nombre de modifications et de restructurations au niveau central de l'administration.

Au début de mon propos, faisant écho au titre d'un article d'un grand journal, j'ai dit que l'agriculture était de retour. Les agriculteurs, eux, ont pu sourire de cette formule, car ils ne sont jamais partis. Tel est en tout cas le sentiment général qui s'exprime. La production agricole, l'acte de produire pour nourrir, pour entretenir des territoires, retrouve son actualité et toute sa force au niveau mondial. Ainsi, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, dans un rapport, la Banque mondiale insiste sur le fait que l'investissement dans l'agriculture est celui qui contribue le plus à la lutte contre la pauvreté.

Certes, notre cadre de travail se situe maintenant au niveau européen, car notre politique agricole est quasiment entièrement européenne. Mais, dans un contexte national, grâce à de meilleurs prix - même s'ils posent des problèmes - ou à d'autres activités telles que la production d'énergie ou la biomasse à usage industriel, l'ensemble des agriculteurs peuvent nourrir des espérances nouvelles.

Enfin, toujours à propos de l'Europe, certains évoquent le fameux agenda de Lisbonne comme si celui-ci ne concernait que l'industrie ou le secteur des nouvelles communications. Mais la biodiversité, les nouvelles énergies et donc l'agriculture sont également importantes pour la modernité et la compétitivité de l'Europe.

C'est le message que j'ai fait passer à mes partenaires : pour mettre en oeuvre avec succès la stratégie de Lisbonne, nous avons besoin d'une économie agricole européenne et nationale très forte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de soixante minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme  Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur deux volets importants de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » : la pêche et la forêt. Mon collègue Gérard Le Cam traitera, lui, de l'agriculture.

En ce qui concerne la situation de la pêche, l'an dernier à la même époque, nous attirions l'attention du Gouvernement sur la crise profonde que traverse ce secteur depuis maintenant de nombreuses années. La pêche a d'ailleurs longtemps été l'enfant pauvre du budget agricole. Le Gouvernement a semblé prendre conscience de l'importance du soutien qui doit être apporté à cette filière.

Cette année, l'effort en direction de la pêche est maintenu à crédits constants. Pourtant, comme en témoignent les événements récents, un certain nombre de problèmes persistent.

L'un d'eux - et non des moindres ! - concerne les ressources halieutiques. Les pêcheurs de nos côtes sont en effet de plus en plus malmenés par les politiques conduites aux niveaux européen et international. L'existence même de certains secteurs est d'ailleurs remise en cause.

Il est prévu, dans la loi de finances pour 2008, une forte augmentation des crédits consacrés à la gestion de la ressource et au contrôle des pêches. Nous aimerions avoir quelques précisions sur les priorités de l'action pour 2008 du Conseil de prospective et de stratégie des pêches maritimes, qui doit être créé et réfléchir aux enjeux de gestion, de revalorisation des produits et de réduction de la facture énergétique.

Les crédits alloués aux contrôles des pêches maritimes passent de 2,7 millions à 5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008. Le Gouvernement souhaite ainsi répondre aux nouvelles exigences de Bruxelles. Bien sûr, tous les professionnels reconnaissent l'utilité des contrôles ; il s'agit pour eux de préserver leur outil de travail.

Toutefois, d'une part, on comprend mal l'utilité d'une telle augmentation. Selon nous, c'était loin d'être la priorité au regard des moyens dont dispose déjà la France au travers d'un certain nombre d'administrations : affaires maritimes, douanes, gendarmerie, etc. D'autre part, la politique dictée par l'Union européenne, au service de laquelle seront mis ces moyens, manque de transparence, d'équité et de concertation.

Les exemples de réductions de quotas ou d'interdictions de pêche pure et simple se sont multipliés ces derniers mois. Or, nous le savons, une réduction brutale des quotas peut condamner définitivement une flottille ou un port, tout en ayant des effets pervers compte tenu des reports sur d'autres espèces.

De plus, les techniques modernes de pêche permettent de repérer et de capturer toutes sortes d'espèces avec une plus grande efficacité que par le passé. Or de grandes entreprises ont investi dans ce métier et envoient sur zone leurs navires-usines qui pêchent, trient, nettoient, conditionnent et congèlent le poisson. Cette pêche industrielle, qui travaille beaucoup pour les chaînes de la grande distribution, ne ressent pas les contraintes de la même façon que la pêche artisanale.

En France et en Europe, les bateaux de pêche artisanale subissent la concurrence des navires-usines de manière aggravée. Pour eux les difficultés sont accrues. En effet, d'un côté, compte tenu du coût de la modernisation de leurs bateaux et de l'augmentation du prix du gazole, ils doivent pêcher de plus et plus loin pour tenter de rentrer dans leurs frais et payer les équipages à la part. De l'autre, la diminution de la ressource et la limitation du nombre de jours passés en mer se traduisent, d'année en année, par une diminution des prises, ce qui a des conséquences économiques et sociales douloureuses pour les ports de pêche français.

C'est pourquoi il est essentiel que l'État fasse porter son effort sur la restructuration et la modernisation de la flottille. Au contraire, nous constatons que, sur cette action, les crédits connaissent une baisse de 28,5 %. Cela est d'autant plus regrettable qu'il est question de la sécurité de nos marins. Comme le rappelait M. le ministre à l'instant, le nombre d'accidents et le lourd tribut que paient chaque année nos marins auraient nécessité, au contraire, une augmentation.

De plus, eu égard à la crise structurelle et persistante que connaît la profession, nous déplorons la diminution des sommes allouées aux caisses de garantie chômage contre les intempéries et avaries.

Enfin, s'agissant du prix du gazole, il occupe sans aucun doute une part importante des charges, parfois jusqu'à 30 % ou 40 % du budget. Au retour de la pêche, l'équipage déduit d'abord les frais, puis se divise les revenus. Si le budget consacré au gazole flambe, les parts se réduisent. Aujourd'hui, elles peuvent varier de 300 euros à 500 euros pour une campagne de quinze jours, soit de 600 euros à 1 000 euros mensuels. Autant dire que l'on est proche du seuil de pauvreté...

Toutefois, le prix de la facture énergétique n'est qu'un révélateur d'une situation sociale précaire.

Le président de la République a annoncé plusieurs mesures censées répondre aux difficultés graves que connaissent les pêcheurs.

Nous aimerions avoir des précisions sur le financement et le calendrier des mesures annoncées au début du mois de novembre 2007. Comment va être financé le plan de modernisation des moteurs de bateaux ? Quid de la répercussion du prix du gazole dans le prix du poisson à l'étal, alors que le Gouvernement communique sur la défense du pouvoir d'achat ?

Permettez-nous de dire que nous restons très sceptiques face à ces annonces, notamment sur l'efficacité de l'exonération des cotisations sociales. Le secteur va très mal, et depuis trop longtemps, pour que des demi-mesures suffisent. Il a besoin de réformes d'ampleur pour remettre au centre des débats la sécurité des marins, les effectifs à bord et le prix du poisson au départ du navire jusqu'à l'étal.

J'en viens au programme 149 intitulé « Forêt ».

Après la tenue du Grenelle de l'environnement, tous les ministères ont intégré dans leurs actions la nécessité de conduire des politiques respectueuses du développement durable. Ainsi, monsieur le ministre - et nous nous en réjouissons -, vous avez ouvert les Assises de la forêt, qui ont pour objectif ambitieux de renforcer la production forestière en l'inscrivant dans une gestion durable prenant en compte la biodiversité forestière et la gestion des risques.

Or, si un budget ne fait pas une politique, vous conviendrez qu'une politique sans budget est largement dépourvue d'efficacité. Hélas, c'est un peu l'impression que l'on garde à la lecture des documents budgétaires après les ambitions affichées lors du Grenelle !

S'agissant plus particulièrement de la forêt, il est précisé dans le document budgétaire : « La politique forestière du ministère de l'agriculture et de la pêche, MAP, [...] repose sur l'équilibre entre trois grandes fonctions - écologique, sociale et économique - assurées par les forêts, dans une perspective de développement durable. »

Selon nous, le budget consacré à la forêt reste en deçà de la promotion de ces trois fonctions.

Comme le note le rapporteur, 71 % des crédits du programme couvrent des dépenses de fonctionnement. Cette proportion résulte, pour une large part, du versement compensateur à l'Office national des forêts, subvention pour charges de service public inscrite à l'action n° 2.

Le montant de ce versement compensateur n'est pas laissé à la discrétion du Gouvernement. En vertu des textes, l'État doit verser à l'ONF une somme égale au coût du régime forestier dans le cas où les frais de garderie ne couvriraient pas les dépenses de l'Office. Mais cette somme devrait être réévaluée de 70 millions d'euros pour rester au niveau de celle qui était versée au début des années 1980 ! De plus, si l'on déduit cette somme, on s'aperçoit que les crédits du programme « Forêt » sont en diminution. Cela nous conduit à dire que les investissements de l'État restent trop timides, notamment pour la forêt privée.

La sous-exploitation chronique de nos forêts reste encore un problème. Il est pourtant essentiel d'encourager durablement et régulièrement la filière bois, afin d'exploiter au maximum ce merveilleux patrimoine que constitue la forêt française. À ce titre, il serait utile d'avoir une véritable évaluation de la ressource forestière. Cette question a déjà été soulevée à l'Assemblée nationale ; je crois qu'elle est d'importance.

La sous-exploitation des forêts et leur mauvais entretien sont encore plus préoccupants au regard de l'aggravation du réchauffement climatique. En effet, une forêt qui n'est pas exploitée et qui ne peut se régénérer est une forêt en péril. C'est pourquoi l'État doit s'engager plus fortement s'il veut mener une politique efficace d'un point de vue à la fois économique et environnemental.

En ce qui concerne les personnels, vous serez sans doute d'accord avec nous pour reconnaître qu'une gestion forestière durable ne sera valablement menée que si les moyens en personnel sont en adéquation avec le volume et le niveau des missions.

La loi de finances pour 2008 prévoit une diminution des effectifs de l'ONF. Si l'on tient compte, comme cela est précisé dans le « bleu » budgétaire, de la diminution tendancielle des effectifs prévue par le contrat entre l'État et l'ONF, d'une part, le non-remplacement des départs à la retraite s'appliquerait à l'établissement et, d'autre part, le directeur général de l'ONF l'a confirmé, l'établissement continuerait à supprimer des postes courant 2008, alors que la création de valeur ajoutée se poursuit sans faiblir. Cette diminution des personnels s'inscrit dans un contexte où les produits issus du domaine - vente de bois, location de chasse en forêt domaniale - atteindront en 2007 leur niveau le plus élevé depuis 1999 !

La forêt constitue pour notre pays un atout considérable en termes social, environnemental et économique. Mais la reprise des cours du bois ne doit pas faire oublier la fragilité d'une filière qui reste peu rentable et qui connaît un faible niveau d'intégration.

Monsieur le ministre, certaines activités sont mises en difficulté du fait des politiques menées par votre Gouvernement. Nous connaissons la crise que traverse, à l'heure actuelle, l'industrie papetière, qui est véritablement « étranglée » par le coût de sa facture énergétique. De même, la fermeture généralisée des gares de fret porte un coup très dur à la filière dans son ensemble.

En conclusion, monsieur le ministre, que ce soit dans le secteur de la pêche ou de la forêt, ces activités ont un rôle d'aménagement du territoire, économique et social essentiel. Les questions environnementales ne peuvent pas être exclues de l'approche des politiques menées dans ces secteurs. Toutefois, les crédits qui leur sont alloués dans la loi de finances pour 2008, mal répartis, trop timides, sont insuffisants pour répondre honnêtement aux objectifs affichés. C'est pourquoi nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps dont je dispose, je m'en tiendrai à l'essentiel, avec quelques scrupules toutefois face aux interventions substantielles et argumentées de nos différents rapporteurs.

Monsieur le ministre, votre intervention, si dense, est une belle illustration des efforts accomplis en faveur du développement de l'agriculture, pour la pêche, la forêt et la ruralité, efforts que, globalement, je salue.

Je me bornerai donc à la présentation de quelques problèmes de terrain rapportés par des responsables du secteur agricole d'un département à forte dominante rurale et partiellement zone de montagne, et à des questions ponctuelles.

Je commencerai par évoquer deux aides agricoles, la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, et l'indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN. Je vous ai bien entendu sur ces deux sujets, monsieur le ministre, et je veux croire que le financement de ces aides ne posera pas de problème en 2008.

S'agissant de la PHAE, le montant de l'enveloppe attribuée en 2007 permettra-t-il de servir les hectares primables ? C'est bien la question qui se pose. Les contraintes administratives qui pèsent sur les éleveurs ayant des parcelles engagées en PHAE ne pourraient-elles être allégées dès lors que les taux de chargement et de spécialisation qui fondent le soutien financier sont respectés ?

Dans ma région, pour honorer les nouvelles demandes, il serait nécessaire, en l'état actuel des choses, de ramener le plafonnement de 100 hectares à 80 hectares. Est-ce rêver que d'émettre un tel souhait ?

S'agissant de l'indemnité compensatoire de handicap naturel, qui est un outil indispensable à la pérennité de l'agriculture de moyenne montagne, les engagements pris précédemment, en 2003 si je ne m'abuse, pourront-ils être tenus ?

M. André Lejeune. On attend !

M. Georges Mouly. Là encore, je vous ai bien entendu, monsieur le ministre. Mais permettez-moi de vous poser une question précise : le conjoint ne pourrait-il être reconnu pour l'octroi d'une ICHN ?

J'en viens à la production ovine, dont la situation de crise est bien connue ; vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Je note qu'il en est tenu compte puisqu'un plan de soutien prévoit, entre autres, une aide complémentaire pour les éleveurs dont le taux de spécialisation atteint 50 % et dont le troupeau compte au moins 150 brebis allaitantes, ce qui est, semble-t-il, un minimum.

Dans mon département, la Corrèze, les éleveurs ovins sont rarement spécialisés à plus de 50 %. Je veux cependant partager le sentiment des responsables de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, qui voient dans ces mesures le début d'« une réelle prise en compte de la crise ovine ».

Comment ne pas aborder le problème de la fièvre catarrhale ? Dans une démarche conjointe menée avec mon collègue Bernard Murat, nous avons évoqué la possibilité de réaliser des tests à partir de mélanges sanguins sur des lots de cinq animaux ou plus, ce qui permettrait d'accélérer les démarches et d'en diminuer le coût. Nous avons également proposé que les éleveurs puissent réaliser eux-mêmes les vaccins, comme cela semble être le cas dans d'autres pays.

Les crédits de modernisation sont réduits, ai-je pu lire, à la portion congrue. En réalité, des choix devaient être faits, j'en conviens, parmi les nombreux axes d'intervention possibles et je comprends qu'aient été retenus ceux qui peuvent bénéficier d'un effet de levier, grâce au financement communautaire, notamment la modernisation des exploitations et la politique d'installation.

À la fin du mois d'août 2007, quelque 160 dossiers « bâtiments d'élevage » se trouvaient en attente de financement dans mon département. J'ai noté, comme chacun a pu le faire, une augmentation des crédits de paiement pour résorber précisément ces files d'attente. J'espère que cette mesure permettra de résoudre le problème.

Les subventions dorénavant allouées obéissent-elles aux mêmes critères que précédemment ? Dans le cas contraire, les agriculteurs qui ont bâti leur plan de financement sur les bases connues seraient en difficulté. Plus globalement, le handicap des départements qui n'ont que peu bénéficié, du fait de la petite taille de leurs exploitations, des financements du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, n'en serait que plus accentué.

À propos de l'installation, je lis sous la plume des jeunes agriculteurs de mon département : « Une victoire pour les prêts bonifiés. » Annoncés tout au long de l'année lors des différents rendez-vous avec la profession agricole, ils sont enfin assumés par vous-même, monsieur le ministre. Il s'agit donc d'un sujet de satisfaction dont je me fais l'écho avec plaisir.

Les crédits du dispositif « agriculteurs en difficulté », ou crédits AGRIDIFF, sont en diminution. Mais je ne puis imaginer, monsieur le ministre, que vous laissiez un jour, vous-même ou vos services, au bord de la route les agriculteurs en difficulté. J'ai bien compris la position de la MSA, la Mutualité sociale agricole, en la matière.

J'évoquerai maintenant une question d'importance, plus généralement ressentie dans les départements à forte proportion de personnes âgées, à savoir les retraites. Il convient de rappeler que, depuis 2003, des avancées sensibles ont été réalisées. J'aurais aimé les évoquer, mais je n'en ai malheureusement pas le temps. La référence aux 75 % du SMIC doit cependant être constamment rappelée.

Que penser d'une demande de suppression pure et simple des minorations sur les revalorisations des petites retraites ? De ce point de vue, il existe des situations très difficiles. En la matière, dans la perspective de la mise en oeuvre des engagements du Président de la République, je veux vous exprimer ma confiance, monsieur le ministre, en attendant les rendez-vous sur les retraites de 2008.

Je souhaite également vous manifester mon espoir et ma confiance pour ce qui concerne la situation quelque peu catastrophique, il faut bien le reconnaître, du FFIPSA, le Président de la République ayant pris l'engagement d'un financement pérenne.

Telle est la série de questions et de réflexions que je souhaitais formuler.

Par ailleurs, je tiens à vous faire part de ma satisfaction concernant la place tenue dans mon département par les pôles d'excellence rurale.

À l'heure de la mondialisation, de l'accroissement de la demande alimentaire mondiale, des questions environnementales, mes questions ponctuelles trouvent difficilement leur place. Vous avez abordé ces sujets, monsieur le ministre, et vous trouverez, lors de votre prochaine venue dans mon département, des interlocuteurs qui sauront aborder les problèmes à ce niveau-là.

Le Livre blanc a été présenté voilà peu de temps dans mon département. À cet égard, « les syndicalistes du Massif central se positionnent fortement dans le débat européen. Ils ont dressé sur ce document un projet refondateur pour une PAC plus lisible, plus efficace et plus équitable ». Belle ambition !

Ma volonté et ma confiance vous accompagnent, monsieur le ministre, vous qui êtes à la tête d'un grand ministère. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à préciser que je parle au nom de mon collègue Jean Boyer. Ne l'oubliez pas, car vous pourriez être surpris de m'entendre tenir certains propos. (Sourires.)

Je voudrais d'abord saluer votre présence, monsieur le ministre, à la tête de cet important ministère de l'agriculture et de la pêche, qui concerne l'ensemble de notre territoire, qu'il s'agisse du littoral, de la plaine ou de la montagne. Le Savoyard que vous êtes aura à coeur de comprendre et de défendre, j'en suis convaincu, les intérêts qui concernent les zones de montagne.

Dans le Cantal, proche de la Haute-Loire, vous avez même parlé d'un « ministre des agricultures ». C'est au nom de l'une de ces agricultures, qui ne demande pas de privilèges, mais simplement la parité, que je veux m'exprimer ce matin.

Chaque année, l'étude du budget de l'agriculture mobilise notre attention, car nous savons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, la place que celle-ci a tenue hier, qu'elle tient aujourd'hui et qu'elle devra tenir demain dans notre pays, avec des vocations nouvelles et complémentaires dans des mutations successives indispensables et nécessaires.

Dans cette perspective, nos agriculteurs doivent être prêts à faire face, en sachant s'adapter et réagir en permanence. La réflexion lancée dans le cadre du Grenelle de l'environnement montre combien l'agriculture, en France et dans le monde, occupe une place majeure, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, notamment par rapport au défi alimentaire mondial qui est le sien. Nourrir sept milliards d'habitants aujourd'hui, et neuf milliards en 2050, quel défi ! Comment l'aborder ?

Nous le savons tous, le contexte budgétaire difficile qui est le nôtre aujourd'hui demande de définir des priorités. Malgré cela, vous avez su faire entendre la voix de l'agriculture de notre pays, monsieur le ministre, et votre forte implication est constructive, car elle est reconnue au niveau européen. Elle en est un signe essentiel pour l'avenir.

J'en veux pour preuve votre mobilisation permanente et votre volonté de nous informer régulièrement, en vous servant des technologies de l'information et de la communication, par le biais de courriels que nous recevons dans nos permanences. Je vous remercie beaucoup de cette attention.

Connaissant votre attachement aux problèmes de la montagne, je souhaite avant tout attirer votre attention sur cette agriculture spécifique, frappée de nombreux handicaps et qui mérite une attention, un soutien et un accompagnement permanents.

La montagne souffre et, avec elle, tous nos territoires ruraux, soucieux de leur aménagement et de leur développement. Nos éleveurs ont bien des difficultés. Concernant l'avenir, se font jour des problèmes de trésorerie, mais aussi de lisibilité en matière de production, que ce soit pour les bovins - lait et viande - ou pour la filière ovine, sans oublier la filière porcine, qui traverse à l'heure actuelle une très grave crise.

L'agriculture de montagne ne demande rien d'autre, je le disais au début de mon intervention, qu'une parité, une équité et une certaine égalité dans l'appréhension de ses difficultés. Elle souhaite que lui soient reconnus également les nombreux handicaps qui la caractérisent. Je pense, entre autres, à la collecte du lait, qui doit être assurée tous les jours, quel que soit le temps, même pendant les hivers les plus rigoureux. Je n'oublie pas non plus les normes spécifiques des bâtiments d'élevage dans les zones de montagne, les mesures agro-environnementales particulières, la multiplication des contrôles, appliqués parfois avec un manque de réalisme et de bon sens.

Autre sujet d'inquiétude, monsieur le ministre, un impondérable vient aggraver la situation déjà fragile de nos exploitations : le prix du baril de pétrole. La situation devient préoccupante, car elle hypothèque tous les jours un peu plus le revenu de nos agriculteurs. Avons-nous véritablement la volonté de mettre en place une filière de biocarburants ? Je le sais, cela ne fera pas de miracles, mais encourageons les expériences, afin de pouvoir juger et fixer durablement les perspectives possibles pour l'avenir.

L'un des blocages actuels ne serait-il pas la filière fiscale qui, elle, ne demande pas trop de technicité, mais engendre, malheureusement, une trop grande production normative et administrative ? Ne peut-on pas faire fi quelques instants de ces obstacles et encourager, comme il se doit, une technologie nouvelle, une évolution naturelle, une innovation essentielle pour l'avenir de la France ? Sommes-nous prêts à répondre rapidement et de la meilleure manière qui soit à ce projet non seulement déterminant pour l'indépendance énergétique de notre pays, mais aussi de nature à renforcer le pouvoir d'achat, sujet dont on parle tant et qui inquiète tous nos concitoyens ?

Régulièrement, je profite de ma présence à la tribune du Sénat pour rappeler combien il est important de favoriser l'installation de nos jeunes agriculteurs, mais également de permettre à tous ceux qui ont oeuvré, avec beaucoup de courage et de détermination, une longue partie de leur vie, de pouvoir bénéficier, comme il se doit, d'une retraite bien méritée.

Chaque année, la question des préretraites dans l'agriculture pose problème, car les dotations sont trop faibles. Pour les retraites, reconnaissons-le, des avancées ont été obtenues, avec la retraite complémentaire obligatoire. Au moment même où l'on souhaite favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, permettons à ceux qui le désirent, mais aussi à ceux qui en ont le plus besoin, de pouvoir partir à l'âge qui leur convient, compte tenu de leur état de santé ou de leurs difficultés économiques.

Pour nos zones de montagne, la revalorisation de l'indemnité compensatrice des handicaps naturels est une nécessité, dont les enjeux, pour l'agriculture de demain, sont énormes. Sur ce point, monsieur le ministre, je vous remercie des propos que vous avez tenus. En effet, la revalorisation de 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares, mesure annoncée à maintes reprises et limitée, aujourd'hui, à 35 %, constitue un véritable sujet de préoccupation. Les plafonds européens n'étant pas atteints, cette disposition devrait permettre de pérenniser et de clarifier la politique de soutien à l'agriculture de montagne, à laquelle vous êtes attaché.

S'agissant du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, je mesure combien les efforts successifs de nos gouvernements en la matière ont permis des avancées depuis 2004. L'enveloppe budgétaire a en effet été portée de 23 millions à 120 millions d'euros, dont 42 %, soit précisément 42 millions d'euros, sont consacrés aux zones de montagne. De 19 000 euros en zone de plaine à 32 000 euros en zone de montagne, cette aide moyenne offre aux exploitants une véritable bouffée d'oxygène. Cependant, dans le même temps, le nombre de bâtiments à financer a été multiplié par trois.

Vous le savez, le succès rencontré par ce plan est incontestable, mais il trouve aujourd'hui ses limites, puisque le nombre de dossiers en attente - près de 10 000, soit trois années de retard - est impressionnant. Même s'il vous a été permis de débloquer une enveloppe complémentaire de 23 millions d'euros, portant ainsi la participation française à 75 millions d'euros, il est plus que nécessaire - je sais que telle est votre volonté, monsieur le ministre -, pour ne pas créer de précédents, d'inégalités, de fossés, de solder l'ensemble des dossiers en attente.

Il est également impératif de mettre en oeuvre cette mesure dans des conditions identiques à celles qui étaient en vigueur lors du dépôt des dossiers.

Cette mesure d'équité est d'autant plus vraie que nos agriculteurs en zone de montagne connaissent des coûts de construction plus importants eu égard au climat, à la topographie, à l'isolement - capacité plus importante -, sans oublier la disparition des prêts spéciaux de modernisation.

L'économie agricole, en montagne donc en zone rurale, ne peut être laissée au bord de la route : elle doit, comme toute activité économique, être accompagnée et soutenue. Le plan de modernisation des bâtiments en est l'un des moyens, principalement chez nous, en zone de montagne.

En terminant mon propos, je veux très simplement, avec la détermination de Jean Boyer, aborder une fois de plus la question de la nécessaire simplification administrative. Nous en sommes tous d'accord et nous l'appelons tous de nos voeux, mais elle ne vient pas !

Elle devrait faciliter, autant que faire se peut, toutes les aides à l'agriculture, notamment celles qui concernent les contrats agro-environnementaux. Qui de nous n'a pas rencontré un agriculteur se plaignant du nombre de dossiers qu'il avait eu à remplir pour obtenir, au bout du compte, une petite aide.

M. Paul Girod. Et comment !

M. Philippe Nogrix. Il ne suffit pas de mobiliser nos énergies sur des lancements de plan de relance des différentes filières si, dans le même temps, les tracasseries administratives, les mesures de contrôle et les réglementations viennent contraindre un peu plus chaque jour notre agriculture, de montagne ou d'ailleurs.

Permettez-moi de vous dire, à l'instar du philosophe Maurice Blondel : « L'avenir ne se prévoit pas, il se prépare ».

Vous en êtes le parfait exemple, monsieur le ministre. Vous l'avez confirmé ce matin, vous êtes prêt à anticiper l'avenir de notre agriculture, sa modernisation, et à relever le challenge de son évolution. C'est un ancien agriculteur, devenu sénateur, qui vous l'affirme. Ces propos sont signés de Jean Boyer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget consacré, en 2008, à l'agriculture, la pêche, la forêt et les affaires rurales symbolise clairement la politique conduite par le gouvernement actuel, fondée sur l'effet d'annonces, l'incohérence, voire la contradiction.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Bernard Piras. Ce secteur d'activité, pourtant censé, selon les dires du Président de la République, devenir prioritaire en raison de son intérêt stratégique pour nos échanges commerciaux, accuse une baisse, en 2008, de 2,37 % en euros constants, soit 4% en euros courants.

L'agriculture paie peut-être, et même sans doute, les cadeaux fiscaux de cet été ! (Exclamations au banc des commissions.)

Je n'ose imaginer la réaction de la droite sénatoriale si un gouvernement de gauche avait osé présenter un tel budget ! (Oh la la ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Charles Revet. Allons, allons !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. C'est une réalité !

M. Bernard Piras. Depuis que je suis sénateur, je n'ai jamais vu un budget autant dénoncé par les organisations représentatives agricoles. Elles ont unanimement fait part de leur mécontentement, même celles qui sont peu enclines habituellement à critiquer la majorité actuelle.

Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu'un bon budget est forcément un budget en augmentation. Cependant, en l'occurrence, au travers des arbitrages réalisés, les résultats prévisibles vont à l'encontre des objectifs à atteindre pour assurer la pérennité de notre agriculture. Il en est ainsi de l'effort nécessaire pour orienter l'agriculture vers un meilleur respect de l'environnement, effort qui se révèle inexistant.

La baisse de 7,65 % du soutien aux territoires et aux acteurs ruraux, conjuguée avec celle qui affecte les mesures agro-environnementales et les territoires, souligne l'abandon des territoires ruraux, attitude confirmée d'ailleurs par les décisions prises dans d'autres domaines, notamment en ce qui concerne la réforme de la carte judiciaire. Les territoires ruraux sont à l'abandon !

Que penser, alors, de la diminution des crédits consacrés au renouvellement des exploitations, accentuée par l'enveloppe insignifiante accordée aux prêts bonifiés, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure ? Mal préparer l'avenir est une faute politique tant pour le secteur agricole que, plus largement, pour l'ensemble de la ruralité, qui en est fortement dépendante.

En ce qui concerne la valorisation des produits, l'orientation et la régulation des marchés, les crédits consacrés au développement des produits « bio » sont insignifiants au regard des enjeux économiques, d'aménagement du territoire et environnementaux. Les organisations agricoles dénoncent, par ailleurs, le peu d'efforts financiers de solidarité déployés par l'État à l'occasion de la mise en place de l'assurance récolte, chère à notre ami Gérard César.

De même, il est clair que la promotion à l'international des produits et du modèle agroalimentaire français n'est plus une priorité. Je m'arrêterai là, mais je pourrais multiplier les exemples démontrant l'incohérence et la nocivité des arbitrages réalisés à l'occasion de la préparation du budget qui nous est soumis.

Je souhaite évoquer rapidement deux sujets ne relevant pas directement de cette mission, mais qui ont une influence majeure sur la bonne santé du monde rural présent et à venir.

En premier lieu, il s'agit de l'enseignement agricole. Je ne m'attarderai pas sur la qualité de cet enseignement, consacrée notamment par l'exceptionnel taux d'insertion professionnelle qu'il assure, soit 85 % en moyenne.

La baisse, cette année encore, du nombre de postes - 45 équivalents temps plein dans le secteur public et 29 équivalents temps plein dans le secteur privé -, la différence de traitement entre le privé et le public, aux dépens de ce dernier, puisque la baisse est de 3 % pour l'un et de 1,3 % pour l'autre, la suppression de 100 heures d'enseignement par an et par classe, le projet de suppression du stage de préinstallation de six mois, sont autant de signaux négatifs envoyés aux enseignants et aux élèves, ainsi qu'au monde rural en général, tant ces établissements sont étroitement liés au tissu local.

À titre d'exemple, pour la Région Rhône-Alpes - que vous connaissez bien, monsieur le ministre - neuf classes et quatorze postes d'enseignants seront supprimés à la rentrée de 2008.

Ne pas reconnaître la réussite de cet enseignement, ne pas la pérenniser, ignorer les besoins futurs d'adaptation de notre agriculture, sont des fautes qui vous incombent, monsieur le ministre.

En second lieu, je veux aborder brièvement la question des retraites agricoles. Il est fort regrettable que, lors de la dernière législature, les gouvernements successifs n'aient pas poursuivi l'amélioration sans précédent apportée, entre 1997 et 2002, par le plan quinquennal du gouvernement Jospin.

Alors que nous avons alerté le Gouvernement, dès 2004 et lors de chaque budget, sur l'insuffisance du financement consacré au FFIPSA, compte tenu de l'instabilité des recettes fiscales lui étant affectées, la situation est désormais catastrophique et le déficit abyssal.

Sur la pérennisation du financement du FFIPSA et la revalorisation des retraites agricoles, des engagements ont été pris par le Président de la République. Malheureusement, aucune mesure permettant de les honorer ne ressort du budget qui nous est présenté.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Il s'en faut de beaucoup !

M. Bernard Piras. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, le budget pour 2008 inspire le pessimisme. Il ne prépare pas notre agriculture aux différents défis qu'elle sera amenée à relever dans les années et décennies futures, qu'ils soient alimentaire, environnemental, d'aménagement du territoire ou scientifique.

L'agriculture est au coeur de tous ces enjeux, parfois contradictoires. Un équilibre doit être trouvé, certes difficile, mais incontournable, si l'on veut garantir l'approvisionnement d'une population mondiale croissante à un prix raisonnable, sans remettre en cause ni l'avenir de la planète ni la cohérence de nos territoires.

Le budget qui nous est soumis ignore cet équilibre vital ; aucune ligne directrice ne s'en dégage, d'ailleurs.

Par ailleurs, l'agriculture n'est pas une simple question hexagonale : elle joue un rôle majeur dans les échanges internationaux. À ce titre, j'insiste, monsieur le ministre, pour que, lors des prochains débats qui auront lieu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, vous défendiez nos agriculteurs en demandant à nos partenaires de se fixer des exigences et un calendrier afin que nos producteurs ne se voient pas opposer des mesures de protection dont ils ne bénéficieraient pas eux-mêmes.

De même, - vous l'avez dit, mais il n'est pas inutile de le rappeler - la révision à mi-parcours de la politique agricole commune doit être l'occasion non seulement de dresser un bilan de santé, mais également de mener une réflexion préalable à la réforme de 2013.

Si elle a pu contribuer à une forte augmentation de la production agricole française, la PAC a aussi produit des effets pervers par la disparition de dizaines de milliers d'exploitation, avec l'application du plan Mansholt, la dégradation de l'environnement et la qualité sanitaire des aliments produits. Ces questions doivent être intégrées au débat.

En France, le bilan à mi-parcours est mauvais. Les droits à paiement unique, que nous avions critiqués dès l'origine, se sont révélés source de profondes injustices à la fois entre les agriculteurs, entre les productions et entre les régions.

Il est essentiel que la France prenne des initiatives dès maintenant, sous peine de la voir réduite à ne formuler que des contre-propositions dans quelques mois.

Dès lors, trop de déceptions et trop d'incertitudes planent sur ce budget pour que nous lui accordions notre assentiment. Nous voterons donc contre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. C'est une surprise !

M. le président. La parole est à M. Paul Girod.

M. Paul Girod. Monsieur le ministre, contrairement à l'orateur précédent, et compte tenu de votre foi dans le grand retour de l'agriculture, je voterai votre budget.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ah !

M. Paul Girod. Je souhaite néanmoins formuler quelques réflexions.

Vous avez besoin, nous avez-vous dit avec enthousiasme, d'un grand ministère pour relancer l'agriculture française. Mais, pour ce faire, il faut aussi de grands agriculteurs, et des agriculteurs confiants. Or un certain désarroi se manifeste aujourd'hui au sein du monde agricole, et le Grenelle de l'environnement n'apporte pas d'apaisement.

Outre les annonces plus ou moins fracassantes et limitatives sur la PAC - vous avez d'ailleurs, en présence de vos collègues italien et hongrois, appelé au calme et rappelé la nécessité de se fixer des objectifs avant d'annoncer des mesures -, plusieurs points « turlupinent », si je peux me permettre l'expression, nos agriculteurs.

Ils ont l'impression d'être piégés - le mot n'est pas trop fort - par un certain nombre de paradoxes. Les pouvoirs publics n'en sont probablement pas les géniteurs, mais ils n'apportent pas de clarification.

Premier paradoxe : produire plus et mieux.

À l'évidence, produire plus suppose d'abord rendre disponible le maximum de surface foncière. L'Union européenne l'a compris, puisqu'elle a supprimé les jachères. Vous avez tenu à garder 3 % de surface pour la couverture écologique.

Monsieur le ministre, je rejoins les propos tenus tout à l'heure par notre collègue Philippe Nogrix sur les contrôles. À partir du moment où l'on réduit la surface mise en jachère, les erreurs en pourcentages se produisent plus facilement. Dès lors, on comprend l'inquiétude des agriculteurs à la suite de l'annonce récente du renforcement des contrôles et de la fin de la tolérance. Il faudra bien, à un moment ou à un autre, les rassurer !

Je soutiendrai d'ailleurs l'amendement présenté par notre collègue Claude Biwer, car je suis favorable à un véritable changement d'atmosphère et de méthode en matière de contrôles dans le secteur agricole, lesquels contribuent au mal-être des agriculteurs.

La France possède la plus grande superficie cultivable par tête d'habitant en Europe, ce qui signifie qu'elle doit assumer une responsabilité un peu comparable à celle qu'elle exerce en matière de défense. En effet, tout comme elle est l'un des seuls pays à maintenir l'effort de défense militaire, elle est l'un des seuls à être pourvus de ressources suffisantes en termes de surface pour permettre l'indépendance alimentaire de l'Europe. Il faut faire très attention à ne pas gâcher cette chance-là.

S'agissant de la méthode pour produire, force est de constater que la recherche s'essouffle quelque peu en ce qui concerne les voies traditionnelles et que, pour l'instant, celles qui s'ouvrent s'orientent vers la maîtrise des ennemis de l'agriculture, autrement dit les pesticides et les organismes génétiquement modifiés, les OGM.

En France, nous sommes les victimes, si j'ose dire, d'une véritable terreur des OGM, alimentée par des personnes totalement irresponsables, auxquelles on prête probablement une oreille trop attentive.

Le résultat est double : tout d'abord, nous ne sommes pas en état, actuellement, d'expérimenter la production de variétés qui sont pourtant autorisées à l'échelon mondial, et notamment européen ; ensuite, ce qui est pire, nos chercheurs s'expatrient en Inde et aux États-Unis, et la recherche française en la matière est quasiment en voie de disparition.

Est-ce vraiment la meilleure manière de préparer l'avenir et de s'adapter au monde moderne, où nous aurons probablement à nourrir neuf milliards d'habitants ? Je n'en suis pas certain, d'autant que, dans le même temps, alors que les OGM constituent l'une des rares pistes susceptibles de diminuer très fortement l'intervention des pesticides, nous nous orientons vers une diminution du nombre des molécules et un renforcement des octrois par l'Union européenne des autorisations de mises sur le marché, au risque de nous trouver bientôt dans des impasses technologiques sans solutions, donc dévastatrices pour la production.

Les agriculteurs le savent et ils vous le disent en cet instant par ma voix, monsieur le ministre.

À présent, posons la question : produire quoi ?

Les ressources sur lesquelles se fonde la production dans notre civilisation se composent de deux éléments : l'un minéral, qui ouvre toutes sortes de possibilités, notamment dans le domaine mécanique, l'autre organique, qui concerne l'alimentation et les matériaux composites.

Dans l'état actuel des choses, il n'existe que deux ressources organiques : la ressource agricole, qui capte l'énergie solaire et recycle le carbone de l'atmosphère, et la ressource minière, d'origine géologique. Or, nous le savons tous, cette ressource organique souterraine est limitée dans le temps. Il faudra donc bien, à un moment quelconque, recourir à de la matière organique d'une autre provenance pour l'intégrer dans les matériaux composites. Or il n'y a pas trente-six sources possibles : cette matière organique, c'est évidemment l'agriculture qui la fournira.

Évidemment, cela amènera une certaine concurrence, pour l'utilisation des surfaces agricoles, entre la production d'aliments - c'est une raison supplémentaire de ne pas freiner le progrès technologique dans ce domaine - et celle de matières premières. Sur ce second plan, il ne s'agira pas seulement de biocarburants ; cela ira beaucoup plus loin. À cet égard, nous avons entendu hier un exposé fort intéressant sur les matériaux composites du futur, dans lesquels la part végétale est loin d'être négligeable. Encore faudra-t-il tirer la matière organique de quelque part : sans doute de cultures nouvelles, mais il faut s'y préparer.

Or, monsieur le ministre, je suis obligé de constater que, s'agissant d'un volet particulier de cette future agro-industrie, celui des biocarburants, nous sommes en pleine incohérence.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que les agriculteurs reçoivent des signaux contradictoires. Voilà deux ans, on a poussé les producteurs de betteraves à racheter des quotas sucriers, avant de leur expliquer cette année qu'il faut les abandonner ! Cette politique du stop and go, comme disent les Anglais, les a quelque peu désarçonnés.

Aujourd'hui, on observe le même problème pour les biocarburants. Voilà environ un an ou un an et demi, il n'était question que d'eux, puis subitement on a vu se développer toute une campagne visant à expliquer que la production de biocarburants consommerait plus d'énergie qu'elle n'en fournit, en oubliant d'ailleurs complètement que les biocarburants sont constitués de carbone puisé dans l'atmosphère, contrairement aux sources d'énergie fossiles.

Quoi qu'il en soit, l'Association de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et l'Institut français du pétrole ont déjà fait justice de ces affirmations en 2002 et se préparent à publier une actualisation de leurs chiffres qui va exactement dans le même sens.

De ce côté, on peut au moins dire que le procès d'intention est nul, mais, en ce qui concerne la gestion de la filière, le signal négatif qui vient d'être donné, ici même, par l'annonce d'une diminution des détaxations accordées est tout de même assez paradoxal.

En effet, nous savons bien, monsieur le ministre, que, pour des opérations de ce genre, les investissements sont très lourds. Il faut donc que les perspectives soient sûres. Si, l'année qui suit le lancement d'une grande politique de promotion des biocarburants, on prend une mesure fiscale qui va à l'encontre des promesses données, alors même que le cours de l'éthanol n'a pas été influencé par celui du pétrole, puisqu'il est fixé à partir de références établies au Brésil, pays autosuffisant en matière de carburants et dont la gestion de la production d'éthanol est assurée par un seul organisme d'État, lequel établit les prix selon des critères plus politiques qu'autre chose, on peut s'interroger sur la solidité des engagements pris.

Quand on sait en plus que le bioéthanol actuel ne représente que la première étape d'une évolution qui nécessitera dix ans d'expérience fondée sur une industrie performante du bioéthanol de première génération, on peut se demander quelle est exactement la piste définitive que veut suivre notre pays en la matière. C'est là encore une source d'interrogations pour les agriculteurs, monsieur le ministre. Je me sens aujourd'hui le devoir de les exprimer à cette tribune : sans liberté de critiquer, il n'est pas d'éloge flatteur.

Vous savez que j'ai beaucoup d'amitié pour votre personne, monsieur le ministre, et de respect pour votre action. Je mets en vous de grands espoirs pour notre agriculture, encore fallait-il que vous entendiez l'expression du véritable malaise qui existe, pour l'heure, dans le monde agricole. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, le projet de budget de l'agriculture pour 2008 n'est pas très enthousiasmant si l'on s'en tient aux crédits, qualifiés par vous-même, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, de « contraints [...] dans un contexte budgétaire délicat » et en « très légère baisse »...

À l'instar de mon ami Bernard Piras, je n'ose imaginer ce que l'on aurait pu entendre à propos d'un tel projet de budget, ici au Sénat et dans nos départements, s'il avait été présenté par un gouvernement de gauche.

Certes, il est aisé d'invoquer la dominante communautaire des crédits, en provenance de l'Union européenne à concurrence de 9 milliards d'euros, contre 5 milliards d'euros pour la France, ou de s'appuyer sur les diverses contributions des collectivités territoriales qui viennent pallier l'insuffisance, voire l'absence, de crédits dans des secteurs vitaux de l'agriculture, de la pêche et de la forêt.

Toutefois, le poids de la dette, qui sert de prétexte pour justifier tous les « serrages de ceinture » visant les plus modestes de nos concitoyens et les classes moyennes, peut être relativisé quand on sait que la moitié de la dette, soit 450 milliards d'euros, correspond exactement au montant des cadeaux faits au grand patronat depuis vingt ans, et ce sans efficacité réelle si l'on en croit la Cour des comptes.

Ce projet de budget prend en compte, pour clarifier les perspectives d'avenir, trois rendez-vous majeurs, à savoir le Grenelle de l'environnement, le bilan de santé de la PAC et les renégociations au sein de l'OMC.

S'agissant tout d'abord du Grenelle de l'environnement, l'agriculture, qui est pourtant un acteur environnemental essentiel, est restée au « milieu du gué », pour ne pas dire « en rade », quant aux décisions et plans d'action arrêtés à cette occasion.

Prenons l'annonce tonitruante de la réduction de 50 % de l'emploi des pesticides en dix ans : elle a été aussitôt atténuée par la nécessité de trouver des solutions de rechange. Va-t-on réduire le volume des pesticides de moitié ? Va-t-on atténuer leur toxicité pour l'environnement ? Va-t-on modifier les techniques culturales ? Quels moyens de recherche seront alloués à l'INRA et aux laboratoires ?

Par ailleurs, les surfaces consacrées à l'agriculture biologique devraient passer de 2 % à 6 % de la surface agricole totale et la filière biologique devrait fournir la restauration collective à hauteur de 20 %. Or, aujourd'hui, un repas « bio » servi au restaurant scolaire de ma commune coûte 15 % de plus en fournitures qu'un repas conventionnel. Je crains que les collectivités locales, que nous représentons, ne soient une fois de plus les « vaches à lait » de cette réforme. Quant aux crédits nécessaires au passage de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture biologique, je crains fort que le doublement du crédit d'impôt prévu en 2008 ne soit que très peu incitatif.

À propos des OGM, c'est la grande hypocrisie : après l'obtention d'un « gel » de l'utilisation du maïs transgénique MON 810, qui est le seul à être cultivé en France à des fins commerciales, les Français risquent fort de se réveiller un peu tard, par exemple après les municipales, au mois d'avril, en constatant que des semis de plein champ auront été effectués, sous la seule réserve du respect de distances minimales entre les cultures conventionnelles et celles d'OGM. Le récent exemple d'un champ d'OGM non autorisé en Ille-et-Vilaine illustre les débordements auxquels nous pourrons assister demain. Nous savons tous que les semences transgéniques sont prêtes et que Monsanto n'attend plus que le « feu vert » du Gouvernement français.

Ni obscurantistes ni apprentis sorciers, les communistes condamnent cette démarche inutile et dangereuse qui aura, à coup sûr, pour effet d'asseoir le monopole des grands semenciers sur l'agriculture française, dans un pays qui considère que produire soi-même sa semence de ferme est un délit. Où allons-nous, monsieur le ministre ?

À propos des agro-carburants, qui, il y a peu, semblaient être la panacée pour les agriculteurs en matière de revenu et de diversification, c'est le grand « flop » et le renvoi à la deuxième génération, voire à la troisième. Le calcul du bilan énergétique réel de ces productions, une fiscalité peu incitative et le déficit mondial en céréales et en lait sont passés par là... Ce vaste débat autour des agro-carburants aura au moins eu le mérite de recadrer les objectifs de l'agriculture et de mettre au premier rang d'entre eux celui de nourrir la planète.

Pour autant, nous pensons qu'il est urgent de mieux valoriser la biomasse et d'accroître les crédits de recherche pour développer l'utilisation des carburants de l'avenir, en particulier l'hydrogène. À cet égard, l'objectif gouvernemental de produire 21 millions de mètres cubes supplémentaires de bois par an n'est pas assorti d'une contrainte de temps suffisamment définie, le seul moyen d'accélérer cette production étant d'une part de donner davantage de moyens à l'ONF, d'autre part d'adresser un signal significatif aux trois millions de propriétaires de la forêt privée pour que ceux-ci puissent s'engager dans une démarche positive et constructive.

Ces quelques points relatifs au Grenelle de l'environnement et à l'agriculture montrent, monsieur le ministre, combien une bonne idée peut rester lettre morte si l'on ne crée pas les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre, si l'on ne prévoit pas les moyens financiers de son développement. C'est souvent le principal reproche fait à la démarche du Grenelle de l'environnement : le manque de moyens. Je forme donc le voeu que ce Grenelle sans le sou ne soit pas dissous, dans quelques mois, dans quelques belles promesses !

Venons-en maintenant au bilan de santé de la PAC.

Je vous sais gré, monsieur le ministre, de nous avoir adressé les principaux éléments des discussions qui se sont tenues au sein du Conseil des ministres de l'agriculture et de la pêche de l'Union européenne.

Je vous remercie, au nom des producteurs de porcs bretons, du déblocage des restitutions, qui va dans le sens de la question écrite que je vous ai adressée le 5 novembre dernier.

Nous ne pouvons que partager votre souci d'évoluer vers une PAC « moins libérale », « plus équitable, plus durable et réactive face aux crises et aux aléas du marché ». Vous éprouvez « la nécessité de développer des outils de stabilisation et de gestion des marchés agricoles » et de porter attention « à l'équilibre des productions et des territoires ».

Nous sommes d'accord. En effet, la PAC actuelle et ses résultats sont aux antipodes de nos souhaits, monsieur le ministre. Tout cela appelle un vaste débat pour définir les futurs contours de ce que pourrait être une PAC durable, solidaire et équilibrée.

Nous sommes disponibles, monsieur le ministre, pour vous aider à combattre le découplage des aides, qui est une aberration économique, à mieux répartir les aides en fonction des besoins, des productions, des territoires, à réguler les importations abusives qui déséquilibrent les cours, à lutter contre la réduction des droits de douane, dont l'effet est de favoriser lesdites importations abusives - ainsi, l'exemple récent de la baisse des droits de douane sur les céréales inquiète particulièrement un certain nombre d'agriculteurs -, à appliquer un mécanisme de bonus et de malus à la grande distribution selon sa capacité à favoriser une préférence communautaire, des prix décents aux producteurs et aux consommateurs.

S'agissant enfin des négociations au sein de l'OMC, elles semblent repoussées jusqu'après les prochaines élections américaines, puisque le Congrès, à majorité démocrate, a refusé le 30 juin dernier de proroger l'application de la loi dite Trade promotion authority, qui autorise en temps normal le président des États-Unis à renégocier des accords commerciaux internationaux.

Les communistes ont toujours plaidé pour que l'agriculture sorte du champ des négociations de l'OMC et ne serve pas de monnaie d'échange au regard des produits industriels et des services. Sur ce plan, il y a lieu d'être inquiet et vigilant si l'on s'en tient aux déclarations de M. Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, remontant à la mi-juin 2007 : « Trois éléments sont essentiels pour la réalisation de l'accord intérimaire : le montant des réductions de subventions agricoles, qui favorisent les échanges, le montant des droits de douane agricoles et celui des droits de douane industriels. [...] Concernant l'ouverture des marchés agricoles, les Européens et les Japonais devront améliorer leur offre. »

L'OMC s'inscrit donc toujours bien dans sa démarche fondamentale d'anéantissement des protections douanières pour livrer le marché mondial au libéralisme le plus sauvage et le plus débridé.

À cet égard, des propositions ont été formulées en vue d'instituer une nouvelle organisation mondiale de l'agriculture, le Mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture, le MOMA, qui, bien que libérale - il ne faut pas exagérer ! -, vise à imposer des règles à l'ultralibéralisme qui préside aux destinées des échanges mondiaux.

Je citerai quelques extraits de déclarations faites à Washington à l'occasion de la présentation du MOMA : « L'agriculture est trop stratégique pour être un préalable aux négociations de l'OMC, car seulement 10 % de la production agricole mondiale fait l'objet d'échanges internationaux. [...] Comme nous le soulignons dans notre modèle, nous sommes tous en faveur du commerce, mais la question est de savoir comment organiser ces échanges pour qu'ils puissent profiter au plus grand nombre, sans laisser de côté les plus pauvres. »

En cette même circonstance, Pierre Pagesse, président du MOMA, a affirmé que « l'inadaptation de l'OMC à traiter efficacement les questions agricoles tient au fait qu'elle n'intervient que sur l'aspect commercial et considère sans distinction tous les secteurs d'activité. C'est ignorer une donnée fondamentale : l'agriculture est spécifique. [...] La combinaison de ces facteurs entraîne une très forte volatilité des prix des marchés agricoles pour de faibles écarts entre l'offre et la demande : 1 % à 2 % de variation de production peut conduire à des amplitudes de prix de 1 à 3 voire de 1 à 5. »

Ces citations ont au moins le mérite de mettre en évidence tous les problèmes engendrés par la conception même du fonctionnement et des objectifs de l'OMC, qui mériteraient d'être revus de fond en comble.

En conclusion, je souhaiterais en revenir, monsieur le ministre, à un sujet plus local, à savoir celui des nitrates dans les bassins versants bretons, et particulièrement costarmoricains : où en sommes-nous, monsieur le ministre ? Un bilan a-t-il été ou va-t-il être établi sur l'ensemble des mesures acceptées par les producteurs et leur incidence possible sur la production, l'environnement et l'emploi ?

Au sujet du phosphore, problème qui semble prendre l'importance de celui des nitrates, de nombreux agriculteurs s'inquiètent des mesures à venir. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dire ce qu'il en est exactement ?

Par ailleurs, hier matin, j'ai rencontré un groupe de retraités de l'agriculture qui m'ont fait part de leurs doléances, fort justifiées, au regard, d'une part, du niveau des retraites agricoles, et, d'autre part, des promesses sur ce point du candidat Sarkozy, qui tardent à se concrétiser.

Ils demandent le relèvement du niveau minimal de la retraite agricole à 75 % du SMIC net immédiatement, puis à 85 % de celui-ci, comme pour les salariés, la suppression des minorations sur les revalorisations des petites retraites, le droit de réversion pour les points gratuits, la suppression de « l'effet date 1997 », qui provoque des inégalités, la publication par décret de la revalorisation du point RCO, la prise en compte des carrières « tous régimes confondus », une attribution plus équitable de la bonification pour enfants.

Je vous fais grâce de la lecture des promesses du Président de la République, qui s'est empressé de servir d'abord les plus riches, en leur accordant près de 14 milliards d'euros pris dans la poche des plus modestes de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, bien que d'un naturel optimiste, je suis contraint de constater que l'agriculture est en train d'échapper aux agriculteurs à force de crises, de courses à l'agrandissement, de politiques de bas prix, d'importations abusives, de coups portés par l'OMC, par la PAC, mais aussi par la dernière loi d'orientation agricole.

Cette situation fragilise l'agriculture française, menace sa souveraineté et la rend vulnérable aux délocalisations, aux choix financiers des grands groupes bancaires et des fonds de pension. J'avais imaginé mieux pour une profession que j'aime, et dont je suis issu. Il n'est cependant jamais trop tard pour bien faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu d'un département où l'agriculture occupe une place économique importante, je suis naturellement sensible au contenu de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Cependant, au-delà des intérêts locaux qui peuvent animer chacun et chacune d'entre nous, je crois que l'agriculture n'est pas seulement une préoccupation sectorielle. Avec 800 000 actifs exploitants ou salariés, notre pays conserve une forte tradition rurale. Grande nation agricole, la France est le second exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires. Avec plus de 40 milliards d'euros d'exportations, le secteur contribue ainsi à soutenir notre balance commerciale, qui en a d'ailleurs bien besoin.

Ce résultat témoigne de la vitalité des filières agricoles et de la capacité des exploitants à s'adapter aux grandes mutations. Face aux nouveaux défis qui s'annoncent demain, en particulier le défi alimentaire mondial dû aux pressions démographiques, il est important que l'agriculture française conserve les moyens de défendre ses positions et de réaliser ses ambitions.

Le projet de loi de finances pour 2008 sera-t-il en mesure de répondre aux attentes de la profession ? Cette année encore, je crains que les crédits ne soient pas à la hauteur des objectifs de la mission.

Tout d'abord, comme le faisait remarquer très justement notre collègue rapporteur spécial, la politique agricole est fondée sur un budget fortement perturbé par des reports de charge d'une année sur l'autre, obligeant à procéder à des dégels ou à des redéploiements internes de crédits.

Il en résulte un manque de visibilité à moyen terme, et je dirais même un manque de sincérité à court terme, car nous devons aujourd'hui nous prononcer sur un budget dont nous savons qu'il ne sera pas exécuté demain d'une façon conforme à la loi de finances initiale.

Il est vrai que certains dispositifs sont victimes de leur succès et que leur montée en puissance exige sans cesse des besoins nouveaux. En témoignent les files d'attente observées dans le cadre du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, le PMBE, des contrats d'agriculture durable et des contrats territoriaux d'exploitation. Les enveloppes sont manifestement insuffisantes.

La diminution, en euros constants, de 2 % des crédits pour 2008 ne va pas arranger cette situation budgétaire particulièrement dégradée.

Un certain nombre de programmes sont fortement contraints. Dans le cadre du programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », je pense notamment aux offices agricoles, dont les moyens sont continuellement sacrifiés.

Par ailleurs, alors que le monde agricole est fortement impliqué dans le Grenelle de l'environnement, est-il bien raisonnable de ne pas donner plus de marge de manoeuvre aux actions concourant à moderniser les exploitations dans une perspective écologique ?

Résorber les files d'attente du PMBE doit être une priorité. Le manque de soutien au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et la timidité des crédits pour les retenues collinaires risquent de contrarier fortement les efforts de modernisation engagés par les exploitants.

En ce concerne les dispositifs touchant à la gestion des crises, les agriculteurs pourraient rester sur leur faim, si je puis dire. Les crédits AGRIDIFF et le Fonds d'allégement des charges des agriculteurs connaissent une forte diminution, alors que l'agriculture, soumise à de nombreux aléas, nécessite de réelles réserves pour la gestion des risques.

J'ajouterai d'ailleurs sur ce point que l'assurance récolte, telle qu'elle est dimensionnée actuellement, n'est pas suffisamment incitative. Vous le savez, monsieur le ministre, le caractère facultatif de la couverture laisse un grand nombre d'exploitants démunis face aux risques climatiques. Les arboriculteurs et les viticulteurs, par la nature de leur production et la taille de leurs exploitations, ont besoin d'un filet de sécurité important, qu'ils ne trouvent pas actuellement, même si, j'en conviens, le régime des calamités agricoles apporte des solutions relativement immédiates au moment de crises aiguës.

Enfin, je terminerai sur un autre aspect de la solidarité qui concerne les agriculteurs en tant qu'individus ; je veux parler des retraites agricoles, même si celles-ci ne relèvent pas directement de la mission dont nous débattons aujourd'hui. Ce sujet touche toutefois beaucoup d'élus de terrain, qui, comme moi, rencontrent des agriculteurs trop souvent en situation de précarité, alors qu'ils ont donné toute leur vie à l'agriculture.

Les retraités d'aujourd'hui, ce sont les actifs d'hier qui ont contribué à l'amélioration considérable de la productivité agricole, ainsi qu'à l'enrichissement commercial de notre pays. C'est pourquoi je regrette, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne fasse pas un geste plus significatif en faveur des retraités agricoles pour porter les pensions à au moins à 75 % du SMIC ; c'est une demande récurrente depuis de nombreuses années. Au moment où le pouvoir d'achat des Français fait débat, n'oublions pas celles et ceux qui subissent aussi de plein fouet l'augmentation du coût de la vie.

Mes chers collègues, si l'agriculture française se porte bien sur un plan purement macro-économique, nous connaissons néanmoins dans le détail les difficultés qui fragilisent un grand nombre d'exploitations. Par ses manquements, je crains que ce projet de budget pour 2008 ne remplisse pas ses missions en termes de solidarité et de préparation à l'avenir. C'est pourquoi, à ce stade de la discussion, je n'approuve pas le budget du Gouvernement.

Cependant, il est vrai aussi que les crédits nationaux ne reflètent pas la totalité de la politique agricole, qui se décide, en majeure partie, à l'échelon européen. À cet égard, les agriculteurs seront très vigilants quant aux orientations qui découleront du « bilan de santé » de la PAC prévu en 2008. La France aura la chance d'assurer à ce moment-là la présidence tournante de l'Union européenne.

J'espère, monsieur le ministre, que vous serez un porte-parole déterminé et volontaire pour défendre les intérêts de l'agriculture française. Les récents propos de Mariann Fischer Boel, trop axés sur le développement rural et sans réelle prise en compte du problème de la volatilité des marchés, ont inquiété à juste titre les syndicats agricoles. L'objectif de la PAC doit être clair. L'agriculture, ce sont des hommes et des femmes qui ne demandent qu'à vivre de leur travail, tout simplement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si le nombre d'agriculteurs n'a cessé de baisser en France au cours des dernières décennies, ils sont encore plus de 800 000 à travailler la terre et autant à être employés dans le secteur plus important de l'agroalimentaire.

Je mesure combien la discussion de ce projet de budget revêt une importance certaine pour un département rural tel que celui que j'ai l'honneur de représenter. Au moment où nous accélérons nos actions en faveur des biocarburants, sur lesquels je n'insisterai pas, je constate que ce projet de budget, doté de 5,19 milliards d'euros, s'inscrit dans un contexte très particulier.

Tout d'abord, lors du Grenelle de l'environnement a été souligné le rôle majeur de l'agriculture tenue de relever le défi alimentaire mondial.

Ensuite, l'année 2008, au cours de laquelle la France exercera la présidence de l'Union européenne, verra se réaliser la révision à mi-parcours, ou le « bilan de santé » de la PAC. Nous verrons peut-être cette PAC évoluer dans des conditions nouvelles.

Par ailleurs, les Assises de l'agriculture réuniront les principaux acteurs de ce secteur.

Enfin, la nouvelle flambée des prix du pétrole pèse sur les coûts des productions agricoles.

Ce contexte très particulier est également dû à la flambée mondiale des prix de certaines productions, notamment des grandes cultures et, dans une moindre mesure, du lait, dont peuvent pâtir certaines autres productions comme l'élevage.

Hélas, cette nouvelle donne ne change pas grand-chose pour nos agriculteurs, qui ne peuvent toujours pas vivre uniquement du fruit de leur travail. Ils sont encore et toujours dans l'obligation de remplir une foule de formulaires et de subir des contrôles toujours aussi tatillons, afin de pouvoir obtenir les aides financières européennes.

J'avais déjà eu l'occasion, par le passé, de solliciter à cette tribune un allègement de ces contrôles. Je souhaiterais sur ce point pouvoir, enfin, être entendu. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.

En ce qui concerne les prix agricoles, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous mettiez fin à la confusion savamment entretenue sur ce sujet dans la tête des consommateurs : ce sont non pas les augmentations des prix des céréales ou du lait qui expliquent la flambée des prix de détail, mais l'augmentation des marges, peut-être des transformateurs, mais en tout cas très certainement de la grande distribution.

À titre d'exemple, le blé, qui n'entre à ma connaissance que pour 7 % dans la composition du pain, ne peut être tenu pour responsable de l'augmentation du prix de ce dernier. J'avais aussi, sur ce thème, déposé une proposition de loi, malheureusement restée sans suite jusque-là.

Je souhaiterais à présent attirer votre attention sur un certain nombre de sujets qui intéressent plus spécifiquement le département de la Meuse, qui est à la fois un département d'élevage et de forêt.

Je sais que le développement économique de la filière bois constitue une priorité pour le Gouvernement. Vous avez ouvert très récemment les Assises de la forêt et, à cette occasion, vous avez affirmé, à juste titre, qu'il convenait de mieux mobiliser la ressource et de mieux valoriser cette matière première. Pourriez-vous faire le point sur l'état actuel du plan de reconstitution de la forêt et nous indiquer si l'ensemble des dossiers pourront être pris en compte ?

La fièvre catarrhale ovine, sur laquelle j'ai eu l'occasion de m'exprimer lors du débat que nous avons eu samedi dernier sur les crédits de la sécurité sanitaire, touche désormais soixante-cinq départements français et de nombreux pays européens proches de nous. Cette crise particulièrement grave concerne aussi bien les élevages bovins qu'ovins.

Je sais que vous n'êtes pas resté inactif : pour mon seul département, près de 200 000 euros ont été dégagés par l'État, ce qui est significatif.

Par ailleurs, vous envisagez de lancer une campagne de vaccination. Permettez-moi néanmoins de vous reposer une question demeurée sans réponse à l'Assemblée nationale : ne conviendrait-il pas de modifier le système d'indemnisation afin de tenir compte de la valeur de l'animal dans la mesure où, à l'heure actuelle, celle-ci est identique qu'il s'agisse d'un veau de huit jours ou d'un gros bovin ?

Quant à la production de lait, l'augmentation de son prix a redonné un peu d'espoir aux producteurs. Ironie du sort, après avoir lutté pendant des décennies, non sans d'ailleurs un certain succès, mais avec quels dégâts pour les éleveurs, contre la surproduction de produits laitiers, voici que nous serions entrés dans un cycle de pénurie ! Il a été beaucoup question de relever les quotas de production ; pourriez-vous nous apporter quelques précisions, monsieur le ministre ?

Je voudrais dire un mot concernant l'enseignement technique agricole, qui est présent dans mon département. Ses responsables sont préoccupés des évolutions budgétaires qui pourraient mettre en cause certaines filières professionnelles agricoles. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre ?

Les maisons familiales rurales se sont récemment inquiétées du devenir du régime d'exonération partielle de charges patronales dont bénéficient les organismes à but non lucratif installés dans les zones de revitalisation rurale. Pourriez-vous là aussi nous confirmer les propos rassurants qui ont été tenus ?

L'installation des jeunes agriculteurs constitue une priorité. Or de trop nombreux candidats éligibles au prêt à l'installation ne peuvent l'obtenir du fait de l'insuffisance des crédits qui y sont consacrés. Vous aviez inscrit 63,4 millions d'euros à cet effet dans votre projet de budget, mais ceux-ci auraient sans doute été insuffisants pour résorber les files d'attente. Je suis heureux qu'au cours des débats à l'Assemblée nationale vous ayez rajouté 5 millions d'euros, qui seront vraiment les bienvenus.

Les retraites agricoles continuent aussi à poser problème. Vous savez que les anciens exploitants agricoles aspirent à une amélioration de leur niveau de vie. Je vous ai récemment interrogé sur ce sujet, monsieur le ministre, notamment sur le niveau de la retraite complémentaire obligatoire pour 2007, la réversion à 54 % du montant des points gratuits, la suppression des minorations appliquées aux revalorisations des petites retraites agricoles, le nombre trop élevé d'exclus du régime de la retraite complémentaire obligatoire.

J'ai l'espoir qu'un jour, conformément à la loi Fillon, tous les retraités agricoles puissent bénéficier d'une retraite au moins égale à 85 % du SMIC, selon le chiffre qui était avancé à une certaine époque. Les retraités agricoles comptent sur vous, monsieur le ministre, pour que leurs préoccupations soient entendues.

Telles sont les observations et questions dont je souhaitais vous faire part, en espérant que les réponses que vous allez m'apporter - je n'en doute pas - me conforteront dans mon souhait de voter votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. André Lejeune.

M. André Lejeune. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde le sait, les agriculteurs sont indispensables à la vie et à l'équilibre économique de nos territoires.

Aujourd'hui, ils sont confrontés à de nombreuses difficultés sanitaires et climatiques. En outre, ils doivent faire face à des charges en constante augmentation.

Ces difficultés, le Président de la République en faisait le constat dans le discours qu'il a prononcé à Rennes. Il affirmait alors vouloir « porter une nouvelle ambition pour l'agriculture », suscitant ainsi de grands espoirs dans la profession. Hélas, force est de constater qu'il ne s'agissait là que de belles paroles, qui ne se traduisent pas dans le budget que vous nous proposez.

Ce budget connaît en effet une diminution encore plus importante que les années précédentes : plus de 4 % en euros constants. Ce n'est pas un signe encourageant donné à la profession, même si ce budget ne représente qu'un tiers environ de l'ensemble des crédits publics affectés au monde agricole et rural.

Alors que l'actualité montre que la gestion des crises devrait être sérieusement prise en compte, les financements prévus prouvent que tel n'est pas le cas.

Même s'ils sont revalorisés de 2 millions d'euros cette année, les crédits consacrés au développement de l'assurance récolte sont trop faibles pour être efficaces. D'un montant de 32 millions d'euros, ils sont loin des 260 millions d'euros mobilisés par l'État espagnol en 2007. Il aurait pourtant été souhaitable d'augmenter la prise en charge partielle par l'État des primes ou des cotisations des contrats assurantiels protégeant les récoltes contre différents risques climatiques.

Les dispositifs d'aide aux agriculteurs en difficulté et à la gestion des crises imprévisibles, le Fonds d'allègement des charges des agriculteurs, sont sous-dotés, le premier diminuant de 50 %, le second de 15 %. Ils sont très insuffisants au regard des besoins.

La dotation pour les prêts bonifiés pour aléas chute de 75 %. Une paille ! On peut donc légitimement s'interroger sur la volonté du Gouvernement de soutenir les agriculteurs en cas de crise.

Les agriculteurs vivent dans un monde de plus en plus concurrentiel, où ils doivent être de plus en plus compétitifs tout en veillant à préserver l'environnement. Pour ce faire, il leur est nécessaire de moderniser leurs exploitations. Or dans ce domaine non plus, les financements ne sont pas à la hauteur.

Le plan de modernisation des bâtiments d'élevage a rencontré un vif succès, mais il convient de résorber rapidement les files d'attente.

Il est regrettable que les taux de subvention et les montants pouvant être subventionnés aient été réduits, malgré des promesses régulièrement réitérées.

Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, en diminution de 3 millions d'euros, ne permettra pas de satisfaire toutes les actions volontaires des dizaines de milliers d'éleveurs. Leurs efforts risquent d'être anéantis.

Pour ce qui est de l'installation des jeunes agriculteurs, qui est en augmentation, on constate que les mesures d'accompagnement ne répondent pas à cette volonté, pourtant si nécessaire à l'occupation de l'espace et du monde rural. En effet, l'enveloppe pour les prêts bonifiés est, selon le terme même de la FNSEA, « insignifiante ». Par ailleurs, la dotation aux jeunes agriculteurs voit ses crédits fortement diminuer. C'est vraiment incompréhensible ! Cela ne traduit pas une grande confiance en l'avenir.

Il a fallu une très forte pression de la profession pour que vous déposiez un amendement à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, tendant à redéployer 5 millions d'euros sur les prêts bonifiés. Toutefois, cette mesure n'est pas suffisante. Elle ne satisfait pas les jeunes agriculteurs, qui se battent pour obtenir plus de financement pour l'installation et pas uniquement pour les prêts bonifiés.

Finalement, 2 millions d'euros risquent de manquer sur des programmes qui sont déjà sous-dotés : le Fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, les aides à la transmission, les stages à l'installation, etc. Pouvez-vous au moins remédier à ce problème et doter la ligne « renouvellement des générations » de 5 millions d'euros supplémentaires ?

Les moyens destinés à conforter la compétitivité de l'agriculture enregistrent eux aussi une baisse importante.

Les crédits des offices agricoles, qui permettent d'adapter les filières à l'évolution des marchés, déjà fortement diminués l'an dernier, accusent une baisse de 67 millions d'euros. Ils sont d'ailleurs qualifiés de « fantomatiques » par la FNSEA, qui a bien compris que la vente de l'ancien siège de l'Office des céréales ne devait pas occulter la diminution récurrente de cette ligne budgétaire.

Les crédits de promotion à l'international, quant à eux, enregistrent une baisse de 8 millions d'euros. L'effort en faveur des actions agro-environnementales est lui aussi beaucoup trop faible.

La prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, permettra seulement de renouveler les contrats souscrits, mais pas d'accueillir de nouveaux éleveurs.

La mesure rotationnelle est remise en cause, ce qui est difficilement compréhensible au moment où les mesures de préservation de la biodiversité figurent parmi les propositions du Grenelle de l'environnement.

Les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, si elles sont reconduites - pour combien de temps ? -, ne sont toujours pas revalorisées à 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares, contrairement aux engagements pris par votre prédécesseur, monsieur le ministre. Une fois de plus, du fait des nouvelles contraintes pour accéder à la prime herbagère et de l'insuffisance des ICHN, c'est l'élevage extensif qui est sacrifié. Ce sont pourtant ces exploitations qui participent le plus à l'aménagement du territoire et qui maintiennent la vie dans les zones difficiles.

Vous savez, monsieur le ministre, que la conjoncture s'annonce défavorable pour les productions animales, en particulier bovines, ovines et porcines. Ces productions risquent de voir leur prix encore chuter, alors qu'elles doivent faire face à un coût d'alimentation de plus en plus élevé en raison de l'augmentation du prix des céréales.

J'ai reçu récemment les éleveurs de porcs creusois. Ils m'ont fait part de la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvent et de leur inquiétude pour l'avenir de leur exploitation, car ils se sentent proches du dépôt de bilan. C'est une réalité ! Votre budget n'apporte pas de réponse à leurs interrogations. Il ne répond pas non plus aux attentes des territoires ruraux, qui ont besoin de solidarité. De même, il ne permettra pas à l'agriculture de relever les défis auxquels elle sera confrontée dans les années à venir.

Il est facile de dire aux agriculteurs qu'ils doivent vivre de leur travail, mais comment le peuvent-ils alors que 50 % à 80 % de leur chiffre d'affaires proviennent des aides françaises et européennes ? Ces aides sont d'ailleurs réparties de façon injuste puisque 80 % d'entre elles vont à 20 % des agriculteurs, favorisant ainsi l'agriculture intensive, au détriment de l'élevage, notamment celui du Massif central. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous aviez l'intention de revoir cette question. Il faudra aller assez loin !

À la veille d'une réforme décisive de la PAC, quelle position entendez-vous défendre ? Quelles mesures pensez-vous prendre pour permettre enfin à nos exploitants agricoles de vivre dignement de leur travail ? Comment envisagez-vous de préserver l'équilibre de nos territoires ?

Vos orientations budgétaires ne nous rassurent pas. Elles confirment l'abandon de l'agriculture au marché et un certain désintérêt du Gouvernement pour les zones rurales défavorisées et les agriculteurs les plus fragiles. Nous n'y trouvons pas de signes d'une volonté d'aller à l'encontre de la politique libérale menée par Bruxelles.

Il s'agit d'un budget de renoncement, monsieur le ministre, qui ne permet même pas d'assurer les besoins actuels au niveau local, par exemple en termes de mise aux normes et d'installation. Il ne donne aucun message d'espoir à la profession, comme si vous-même et le Gouvernement aviez déjà décidé de sacrifier des pans entiers de notre agriculture.

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité liée à la filière agricole dans notre économie nécessiterait à elle seule plusieurs heures de débat. Ses différents aspects sont ou seront abordés par l'ensemble de nos collègues suivant leurs centres d'intérêt et parfois - souvent - leur origine géographique. Pour ma part, je me limiterai, dans les dix minutes dont je dispose, à évoquer les préoccupations des professionnels des productions végétales et des productions animales.

J'ai de nombreuses questions à vous poser, monsieur le ministre.

La première question est fondamentale : quel avenir le Gouvernement français et l'Union européenne entendent-ils réserver à notre agriculture ?

Faut-il encore encourager les jeunes à s'installer dans ce métier ? Peuvent-ils espérer, contrairement à la génération de leurs parents, vivre de leurs productions et non des aides publiques ?

Quels outils de stabilisation et de gestion des marchés agricoles avez-vous l'intention de développer ?

Comment rendre compatible une agriculture dynamique, productrice, capable de satisfaire les besoins alimentaires de l'humanité, mais aussi les besoins industriels nécessaires à notre économie, tout en préservant l'environnement dans tous ses aspects ?

Comment nos dirigeants peuvent-ils imaginer que notre agriculture peut vivre de sa production, alors que, en 2006, le prix de la tonne de céréales s'élevait à 90 euros, et que, dans le même temps, le prix du baril de pétrole s'envolait vers les 100 dollars, que le prix de l'acier explosait et que les normes environnementales ne cessaient de s'alourdir, plombant du même coup tous les coûts de production ?

Comment permettre aux salariés de l'agriculture et aux agriculteurs eux-mêmes de « gagner plus en travaillant plus », une formule souvent utilisée depuis quelque temps, alors que leur activité, par sa nature et sa spécificité, les fait travailler 30 %, 40 %, voire 50 % de plus que dans de nombreux autres métiers ? Ils travaillent déjà, pour la plupart, au maximum de leurs capacités !

La profession connaît un effet de ciseau. Les prix de vente des productions sont au plus bas - c'est le cas aujourd'hui pour les éleveurs, c'était le cas en 2006 pour les céréaliers - et les coûts de production, qu'il s'agisse de l'énergie, du matériel agricole, des engrais, des produits phytosanitaires, des taxes - elles s'envolent - ou des impôts, ne cessent d'augmenter.

Cela rend cette profession extrêmement fragile à chaque fois qu'elle subit des aléas climatiques ou que le marché mondial s'effondre en raison de l'absence de préférence communautaire ou de l'ouverture de nos frontières à des produits venant de pays dont les contraintes sociales et salariales, les normes et les exigences de traçabilité, ne sont pas les mêmes que les nôtres.

Où en sont, monsieur le ministre, les négociations conduites dans le cadre de l'OMC ? Quel prix l'agriculture européenne, en particulier l'agriculture française, devra-t-elle payer pour permettre au Brésil et à l'ensemble des pays qui l'accompagnent de commercialiser leurs produits agricoles chez nous, en échange d'une ouverture de leur marché à nos produits industriels ?

Que faut-il attendre du Grenelle de l'environnement ? À quelle pluie de taxes notre agriculture doit-elle s'attendre dans ce cadre ? Ces taxes seront-elles compatibles avec le prix de revient des productions végétales et animales ?

En ce qui concerne la production végétale, certains commentateurs se sont inquiétés de la flambée du prix des céréales et des conséquences qui allaient en résulter pour les transformateurs et les consommateurs.

Il faut le savoir, mes chers collègues, le prix moyen qui sera payé par les coopératives agricoles aux producteurs atteindra à peine 200 euros la tonne pour l'année 2007, ce qui reste à un niveau de prix inférieur de 12 % à celui qui était en vigueur dans les années quatre-vingt, soit voilà plus de 20 ans ! De combien le coût de la vie a-t-il augmenté depuis ?

Même si l'indice devrait être corrigé des gains de productivité que la recherche et la profession ont réussi à grignoter au fil du temps, il faut reconnaître que le compte n'y est pas !

Quel est le salarié, le fonctionnaire, le professionnel libéral ou le chef d'entreprise qui accepterait de voir son salaire ou son revenu diminuer de 30 %, 40 % ou 50 % sans compensation intégrale par les aides publiques, puisque telle a été la politique agricole voulue par nos dirigeants européens dans les années quatre-vingt-dix ?

Quand le prix de l'acier et du pétrole progresse, les sociétés de service comme l'industrie du machinisme agricole répercutent la hausse sur leurs prestations ou produits ! Mais les éleveurs et les agriculteurs, pour leur part, ne peuvent pas en faire autant.

Par conséquent, monsieur le ministre, comme vous le confirmez dans votre lettre adressée le 27 novembre dernier aux parlementaires, il y a lieu d'exiger le « maintien d'une grande politique agricole » qui soit d'abord économique, en permettant d'assurer l'indépendance alimentaire de l'Europe et le développement équilibré et durable de nos territoires.

De même est-il indispensable de disposer d'outils de gestion des crises. Comment pourrait-il en être autrement alors que les éleveurs traversent une crise économique préjudiciable à leur avenir, avec une augmentation du prix de l'alimentation animale, à laquelle s'ajoutent les effets désastreux sur les plans sanitaires et économiques de la fièvre catarrhale qui touche les secteurs ovin et bovin ?

Monsieur le ministre, à la suite d'une question posée par notre collègue Henri de Richemont, vous avez répondu à une partie des préoccupations des éleveurs par la mise en place d'un plan sanitaire de grande ampleur, afin non seulement de traiter les difficultés actuelles, mais également de prévenir le développement du risque futur. Je vous donne acte de cette initiative, dont nous ne pouvons que nous réjouir, car elle montre à quel point vous avez saisi le problème à bras-le-corps. Mais nous restons tout de même sur notre faim.

C'est pourquoi, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », je souhaiterais bénéficier de votre part d'un éclairage sur les mesures économiques que le Gouvernement a l'intention de prendre pour aider les éleveurs à faire face à cette dépression économique, qui se traduit aujourd'hui par une baisse des prix de vente à la production animale de 25 % à 30 %. C'est notamment le cas pour la vente des broutards ou des ovins. Certes, par votre action, vous avez réussi à permettre le chemin de l'exportation vers l'Italie. Dont acte ! Pour autant, les cours ont du mal à se redresser et ils n'ont pas encore retrouvé le niveau de l'année dernière.

Monsieur le ministre, je vous invite à porter autant d'attention aux agriculteurs-éleveurs dont l'activité principale réside dans l'élevage qu'à ceux pour lesquels cela constitue une activité secondaire. Même dans ce dernier cas, l'élevage fait vivre des salariés qui y consacrent la totalité de leur temps. D'ailleurs, mon collègue Joël Bourdin, qui est élu de l'Eure, département voisin de l'Oise, où l'élevage ovin est souvent une activité secondaire par rapport à la production végétale, ne me contredira sans doute pas. (M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, acquiesce.)

C'est la raison pour laquelle, quelle que soit la nature de l'activité, c'est-à-dire principale ou secondaire, elle devrait retenir l'attention du Gouvernement de la même manière et bénéficier des mesures économiques que vous prendrez.

Je voudrais évoquer un autre sujet, qui a été abordé par quelques collègues au travers du problème des retraites.

Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître le résultat de la réflexion que vous avez menée avec M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le FFIPSA, en particulier s'agissant des recettes nouvelles qui pourraient être affectées à ce fonds dans une dynamique équivalente à celle des dépenses ?

Vous le savez, mes chers collègues, nous avons un flux annuel de déficit de 2,3 milliards d'euros, alors qu'il était à l'origine de 1,7 milliard d'euros. Cela n'ira pas en diminuant !

Je me réjouis que le passage du BAPSA au FFIPSA ait été soldé, mais la question du devenir de l'équilibre de ce fonds, qui assure le paiement des retraites et une partie de l'assurance maladie, reste entière.

Monsieur le ministre, pensant vous avoir posé suffisamment de questions pour alimenter votre réponse, je vous remercie de toute l'attention que vous y aurez apportée.

Je vous remercie également de votre investissement et de votre détermination pour défendre les intérêts de l'agriculture française.

La présidence française devrait être pour le Gouvernement l'occasion de démontrer sa volonté d'agir structurellement pour l'avenir de l'agriculture européenne, et française en particulier.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en bon paysan, je resterai vigilant, mais, malgré tout, confiant. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » et du compte spécial « Développement agricole et rural ».

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà longtemps que ce budget n'avait pas été présenté dans un contexte économique aussi favorable.

En effet, cette année, une envolée spectaculaire des cours tire l'ensemble du secteur vers le haut : en juillet, les prix pour les grandes cultures étaient en hausse de plus de 38 % par rapport à 2007, ceux des vins d'appellation l'étaient de près de 10 %, et l'on a assisté, en septembre, à une augmentation des prix des fruits et légumes, des produits carnés, des oeufs et du beurre. Les agriculteurs ne sont pas responsables de cette hausse des prix, qui limite le pouvoir d'achat des consommateurs, sujet dont on parle beaucoup actuellement.

Nous avons donc des raisons de nous réjouir, même s'il convient que nous restions prudents.

Tout d'abord, si cette hausse spectaculaire des prix des céréales résulte de la conjonction de plusieurs facteurs, à la fois économiques et climatiques, elle est aussi le résultat de forts mouvements de spéculation qui pourraient s'inverser rapidement.

Mais surtout, c'est en s'appuyant sur cette nouvelle conjoncture économique que la Commission européenne entend proposer la révision, à mi-parcours, des instruments de régulation des marchés agricoles, à l'occasion du « bilan de santé » de la PAC, alors que, parallèlement, elle semble réticente à s'engager dans l'instauration de mécanismes de gestion des risques et des aléas à l'échelon communautaire.

En présentant officiellement sa feuille de route pour le « bilan de santé » de la PAC, le 20 novembre dernier, Mariann Fischer Boel a, en fait, ouvert un nouveau cycle de négociations qui déboucheront sur une réforme annoncée, en principe, pour la fin de l'année 2008.

On connaît les grands traits des objectifs de la Commission : quotas laitiers vidés progressivement de leur effet, intervention limitée au blé tendre, jachère rayée de la carte, amplification de la conditionnalité des aides, plafonnement, modulation, accent mis sur le développement rural... En clair, on fait confiance au marché pour réguler les équilibres économiques.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, j'ai beaucoup apprécié votre intervention ce matin lorsque, évoquant le développement de l'agriculture, vous avez indiqué que l'on ne pouvait se satisfaire d'un libéralisme absolu. J'espère que votre voix sera entendue et écoutée au niveau européen.

Ce mécanisme ne peut fonctionner si nous voulons conserver une agriculture productive. L'agriculture est au coeur de tous les défis de nos sociétés : croissance, sécurité alimentaire, développement durable, indépendance énergétique. Mais sa fonction première est de produire pour satisfaire les besoins vitaux de l'humanité, qui seront multipliés par deux d'ici à 2050. Elle justifie, plus que jamais, des outils de stabilisation des marchés adaptés et renouvelés.

La dernière réforme de la PAC, avec le découplage des aides, a déjà introduit un système très pervers. En caricaturant à peine, monsieur ministre, je peux vous assurer que, si le découplage s'appliquait à la lettre, il n'y aurait plus un seul prunier dans mon département du Lot-et-Garonne !

À cet égard, je me félicite que le Gouvernement ait obtenu un dispositif transitoire pour les fruits transformés, notamment pour le pruneau, dont la profession se satisfait. Je souhaite que ce règlement se poursuive au-delà des cinq ans qui viennent, afin que la filière perdure.

Jusqu'ici, les aides étaient versées au kilo. En 2008, pour la première année, l'aide sera versée intégralement à l'hectare. Néanmoins, et fort heureusement, l'entretien du verger sera exigé. Au bout de la troisième année, un quart de l'aide sera découplé et donnera droit au versement de droits à paiement unique, ou DPU. Nous souhaitons vivement que vous puissiez obtenir la limitation du découplage à ce seuil.

Monsieur le ministre, je salue votre engagement en faveur des cultures territoriales. Il est nécessaire, en effet, que les régions conservent les cultures traditionnelles qui font partie de leur patrimoine. Le découplage met en danger des équilibres fragiles et nous risquons de voir disparaître des pans entiers de notre agriculture, et, avec eux, le secteur agroalimentaire.

Par ailleurs, le Grenelle de l'environnement, qui a permis certaines avancées, ne doit pas conduire à remettre en cause l'activité agricole conventionnelle. Il est, certes, possible de progresser encore sur les quantités de matières actives utilisées par les agriculteurs. Toutefois, monsieur le ministre, il ne faut pas sous-estimer les progrès importants qui ont déjà été réalisés par la profession en la matière et la motivation même des agriculteurs.

Cela étant, ces intrants sont nécessaires pour préserver la productivité de l'agriculture, à moins de faire le choix des OGM, mais c'est un autre débat ...

De même, je regrette que les crédits pour l'hydraulique soient aussi limités. Il ne peut y avoir d'agriculture sans eau. L'enveloppe allouée à l'hydraulique agricole est, depuis de nombreuses années, largement inférieure aux besoins. Par ailleurs, les aides qui sont accordées dans ce domaine entrent dans le cadre du programme de développement rural hexagonal et sont limitées aux retenues de substitution. Or, localement, des besoins existent pour l'adaptation au changement climatique et/ou pour le développement de nouvelles filières. C'est particulièrement vrai dans le Sud-Ouest.

En ce qui concerne l'assurance récolte, sujet qui me tient particulièrement à coeur, la hausse de 2 millions d'euros des crédits constitue un signal positif. Là encore, la bonne conjoncture pourrait reléguer cette question au second plan.

Néanmoins, si l'on doit s'orienter, comme le préconise dans son excellent rapport notre collègue Dominique Mortemousque, vers l'abandon du régime des calamités agricoles et vers une diffusion rapide de l'assurance récolte, de nombreuses questions restent en suspens. L'accompagnement du développement de l'assurance et l'octroi d'une enveloppe limitée posent, en effet, le problème de la capacité des assureurs à surmonter un événement de grande ampleur. Une réassurance demeure indispensable, de même qu'une meilleure couverture des productions les plus sensibles, même si ces dernières ne se sont pas regroupées en organisations de producteurs.

Sans volontarisme visant à augmenter l'assiette des primes de risque, il n'y aura pas de développement à long terme de l'assurance en France. À titre d'illustration, l'État espagnol a versé 260 millions d'euros au titre de l'assurance récolte en 2007.

La question de l'articulation du fonds des calamités avec l'assurance récolte mérite également d'être repensée dans la perspective du prochain décret, en 2008. Il faut veiller, en particulier, à ne pas exclure de ce fonds les cultures où le taux de pénétration de l'assurance récolte est très faible ; je pense, notamment, chez moi, aux cultures légumières et fruitières. Cela est d'autant plus important que les enveloppes des dispositifs AGRIDIFF et du fonds d'allègement des charges ont été drastiquement diminuées. Ces dispositifs sont pourtant essentiels.

Il en est de même du budget des fruits et légumes. La dotation à VINIFLHOR a baissé de près de 40% et devrait être en partie compensée par la vente du siège de l'ONIC, l'Office national interprofessionnel des céréales.

M. André Lejeune. On vend les bijoux !

M. Daniel Soulage. Je ne reviendrai pas sur les arguments qu'a développés M. le rapporteur spécial, auxquels j'adhère complètement.

Cette situation se traduit, en région, par une baisse importante pour la filière fruits et légumes en matière d'organisation économique, de recherche et de promotion.

Vous le savez, monsieur le ministre, les fruits et légumes ne bénéficient que très peu du financement communautaire, soit 3,7% du financement européen agricole. Leurs prix à la production n'ont pas connu de hausses similaires à celles des céréales et du lait. Ces productions restent fragiles et ont besoin d'un soutien. Or, depuis cinq ans, les crédits ont presque été divisés par deux. Il ne reste que 10 millions d'euros pour la communication collective : c'est peu !

Je sais que, sur le plan national, votre ministère oeuvre pour la mise en place d'associations d'organisations de producteurs pour les productions importantes. Je me permets tout de même d'insister sur l'importance de l'échelon régional. C'est à ce niveau que de nombreuses initiatives peuvent être prises et c'est le seul où l'on retrouve les responsables agricoles, l'interprofession à l'échelon national étant largement contrôlée par les différents représentants du commerce.

J'aborderai rapidement la question des biocarburants.

Lors de l'examen de la première partie du projet de budget, la défiscalisation dont bénéficient les différentes filières de biocarburants a été diminuée. Je déplore la remise en cause partielle de ce dispositif, alors que les différentes filières sont en train de se structurer sur le plan industriel.

Il est absolument indispensable que la France soit présente sur ces filières en particulier et, plus généralement, mette en place une véritable expertise dans le secteur de la « chimie verte » pour faire face à la montée en puissance des États-Unis et du Brésil. II est primordial que nous nous investissions tous dans ce secteur, qui non seulement représente une solution de rechange, moins polluante et moins coûteuse, aux énergies fossiles que nous utilisons actuellement, mais offre également un avenir très prometteur à l'agriculture française.

Je me félicite également des avancées qui ont été faites en un an en ce qui concerne les huiles végétales pures. Le décret du 25 mars 2007 clarifie, en effet, les mesures auxquelles doivent se conformer les distributeurs et les utilisateurs d'huiles végétales pures, garantissant ainsi un cadre juridique à cette troisième filière de biocarburants.

Enfin, je reviendrai brièvement sur un aspect de la mission « Sécurité sanitaire », que je n'ai malheureusement pas pu rapporter. Les éleveurs français d'ovins et de bovins sont confrontés à une épidémie de fièvre catarrhale durable et d'ampleur encore inégalée. Or le projet de budget ne tient à l'évidence ni compte du développement ni de l'installation durable de la maladie de la langue bleue dans le paysage national.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Daniel Soulage. Je termine, monsieur le président !

Il ne comporte pas les crédits indispensables, que l'on se place dans l'hypothèse où un vaccin serait disponible et diffusé dans tout ou partie du cheptel avant le début de la saison vectorielle ou dans celle, plus regrettable, où une reprise de la maladie aurait lieu faute d'une campagne de vaccination menée dans les temps.

Pour terminer, je tiens à saluer l'excellent travail réalisé par le rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, et par les rapporteurs pour avis, MM. Gérard César, Jean-Marc Pastor et Gérard Delfau.

Je veux également souligner, monsieur le ministre, la qualité de votre action ainsi que votre engagement personnel sur des sujets qui nous passionnent. En outre, je salue votre initiative d'instaurer des assises de l'agriculture, qui permettront notamment de préparer la position française sur le « bilan de santé » de la PAC en 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, permettez-moi de saluer notre nouvelle collègue, Mme Catherine Dumas, qui remplace M. Philippe Goujon, et qui participe pour la première fois à l'une de nos séances. (Applaudissements.)

C'est la soixantième sénatrice à siéger parmi nous, ce qui me donne l'occasion de souligner une nouvelle avancée vers plus d'égalité, pour ne pas dire vers la parité.

M. Paul Raoult. Nous faisons mieux que l'Assemblée nationale !

M. le président. Nous verrons ce que les échéances futures nous réserveront. En tout cas, je suis persuadé que nous continuerons à faire progresser la représentation des femmes au Parlement.

Ma chère collègue, nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat et nous espérons que vous aurez beaucoup de satisfaction dans l'exercice de vos responsabilités.

Mme Catherine Dumas. Je vous remercie, monsieur le président !

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », mon intervention portera uniquement sur la pêche.

Ce débat intervient dans un contexte particulièrement difficile, c'est-à-dire sur fond de crise due à l'augmentation du coût du gazole.

Vous tentez, monsieur le ministre, après la visite du Président de la République au Guilvinec et les engagements qu'il a pris, de mettre en musique ce que le chef d'orchestre a proposé. Mais nous sommes dans un domaine très complexe, avec des limites imposées par l'Union européenne, et dans un monde où tout est aléatoire, d'où les crises et explosions sociales récurrentes et la fragilité de ce métier. Je m'explique.

Pour un marin pêcheur, rien n'est assuré, ni la météo, ni la ressource, ni le financement des bateaux, ni le prix du gazole, ni la vente du poisson, sans compter les difficultés de recrutement qu'il rencontre. Combien de bateaux restent à quai faute d'équipage ? Combien de chalutiers naviguent avec quatre hommes à bord au lieu de cinq « habituellement », sinon « réglementairement » ? À cela s'ajoutent les difficultés de formation et la dangerosité du métier que vous avez évoquées ce matin.

Le tableau que je brosse est bien noir, mais il correspond à une réalité, celle de l'activité de pêche dans notre pays. Elle mérite donc une politique volontariste de la part du Gouvernement.

Vous nous avez dit que le budget était stable à 60,5 millions d'euros - 1 million d'euros de plus qu'en 2007 - et qu'il s'agissait d'un bon budget, puisque l'an passé il avait doublé. Certes ! Mais il faut le comparer à l'ensemble de la mission. Il faut aussi le comparer aux fonds européens attribués à la France, soit 63 millions d'euros en 2008. Il convient également d'analyser à quoi ont servi les fonds octroyés l'an passé. Quel est leur intérêt si l'essentiel sert à la casse des bateaux ?

Je constate parallèlement la baisse des sommes consacrées à la modernisation et à la restructuration de la flottille.

Les crédits alloués devaient servir à faire vivre le plan d'avenir pour la pêche présenté en juin 2006. Constitué de dix mesures, il fixait des objectifs et proposait de nouveaux outils pour adapter les filières des pêches maritimes aux contraintes, qui se multiplient ; il devait aussi leur permettre de se moderniser.

Aujourd'hui, peu d'actions sont en cours, en particulier sur la rentabilité des entreprises, qui est une urgence. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point ?

Autre interrogation : le fonds européen pour la pêche, mis en place en 2006 - en remplacement de l'IFOP, l'instrument financier d'orientation de la pêche - pour la période 2007-2013, n'est toujours pas effectif. Or il est supposé soutenir les restructurations nécessaires et faciliter la mise en oeuvre de la nouvelle politique commune des pêches. Dans le contexte actuel, particulièrement sensible, nous sommes en droit de nous inquiéter.

Comment, dans un environnement très libéral, permettre à une filière de vivre de façon pérenne ? Car, il s'agit bien d'une filière, et il est essentiel de rappeler qu'un emploi en mer en induit près de quatre à terre ! Malgré une division par deux du nombre de bateaux de pêche en vingt ans, le volume capturé est resté stable grâce aux gains de productivité.

Rappelons aussi que la France importe 80 % de son poisson. Les 20% restants de ce marché en expansion servent à faire vivre une filière sur l'ensemble de notre littoral. Il faut maintenir un niveau d'activité dans les ports si l'on ne veut pas fragiliser les équipements et, par conséquent, l'existence de l'économie nationale de la pêche.

Je veux, d'ailleurs, saluer la responsabilité d'un département comme le mien, le Finistère, et de la région Bretagne, qui mènent une politique d'accompagnement résolument active. Il est à noter également que, lors de la crise récente, les collectivités locales et les chambres de commerce et d'industrie ont accepté des baisses significatives des redevances portuaires. Dans ce domaine comme dans d'autres, l'État ne doit pas se désengager sur les collectivités !

J'en viens aux actions indispensables qu'il convient de mettre en oeuvre pour garantir une pêche durable dans notre pays.

Tout d'abord, il faut maintenir et moderniser la flottille. Or on note, dans le projet de budget pour 2008, seulement 1,3 million d'euros en crédits de paiement.

Ensuite, il convient de mener une politique de recherche et de développement permettant de « pêcher autrement ». Ce serait une garantie de préservation de la ressource, d'une part, et un gain important de dépense d'énergie, d'autre part.

À cet égard, je vous donnerai un exemple tout simple : pour la pêche au chalut, on compte en moyenne deux litres de gazole pour un kilo de poissons. On sait aussi qu'un chalutier naviguant à dix noeuds utilise cent litres de gazole et, à 10,5 noeuds, cent cinquante litres. Cela illustre bien la nécessité de naviguer autrement, d'une prise de conscience et d'une formation pour pêcher différemment.

Des mesures simples et de bon sens s'imposent donc ; je pense, notamment, à l'installation d'économètres sur tous les bateaux et à des contraintes concernant les chaluts, mais je pourrais en ajouter d'autres. Toutefois, cela prendra du temps.

En attendant, vous avez créé un groupe de travail afin d'étudier la possibilité d'une éco-contribution, qui se répercuterait sur le prix du poisson à l'étal. On annonce une taxe de 1 % à 2 %. Mais jusqu'à quand le consommateur assumera-t-il une hausse récurrente dans le contexte difficile de pouvoir d'achat que nous connaissons ? Le poisson va-il devenir un produit de luxe ? Tout cela n'est acceptable ni pour la santé des Français ni pour le maintien de la filière.

En outre, quelles marges de manoeuvre l'Union européenne vous laisse-t-elle ? Quelle est la compatibilité du mécanisme proposé avec les règles communautaires ?

Des évolutions structurelles majeures pour sortir la pêche de cette situation sont indispensables.

Des techniques de pêche plus économes en énergie permettant d'améliorer la situation économique des entreprises de pêche sont indispensables. Car pêcher autrement impose non seulement un nouveau regard sur la ressource, mais aussi une valorisation de l'image de la pêche et du métier de pêcheur. Ce métier doit être attractif pour les jeunes afin de favoriser le renouvellement des équipages et des patrons de pêche.

La pêche est aussi un gisement d'emplois au service d'une filière clairement positionnée sur la qualité des poissons pêchés et sur la gestion durable de la ressource.

L'État doit affirmer sa volonté d'avoir une véritable politique portuaire, qui doit s'inscrire dans une authentique politique d'aménagement du territoire. On ne peut se contenter d'annonces ponctuelles, concédées durant la crise récente, alors que des mesures structurelles, gages de pérennisation de la filière, auraient dû être mises en place depuis quelques temps déjà.

Tels sont les éléments, monsieur le ministre, que je souhaitais vous soumettre sur ce sujet difficile.

Vous nous l'avez dit ce matin : vous croyez en l'avenir de la pêche et de l'aquaculture. Je m'en réjouis ! Cependant, même si le projet de budget que vous nous proposez affiche un certain nombre d'intentions louables, les retards pris dans la mise en oeuvre des mesures attendues nous conduisent à nous interroger sur votre volonté réelle de constituer une filière de la pêche française qui soit solide et durable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui doivent répondre à un enjeu majeur, celui du défi alimentaire. C'est un défi pour la France, pour l'Europe, mais également pour le reste de la planète. En effet, la population mondiale va s'accroître dans les années à venir, augmentant par là même les besoins en productions agricoles.

Ce défi est une immense chance pour notre pays dont le savoir-faire est reconnu dans le monde entier. Il faut, ici, instaurer une démarche de développement durable.

Ce n'est qu'en favorisant la biodiversité, en préservant les ressources naturelles de notre pays, comme l'eau, et en valorisant les équilibres du paysage que l'on pourra répondre aux besoins de production et aux attentes de la société.

Le Grenelle de l'environnement s'est, d'ailleurs, largement fait l'écho de tous ces problèmes. Les débats ont accordé une place majeure à l'agriculture, l'une des priorités affichées étant la biodiversité.

Or, certaines mesures contenues dans le programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural » font l'objet de restriction budgétaires. Je veux parler ici des mesures agro-environnementales, les MAE. Destinées à favoriser la diversification des cultures dans l'assolement, elles visent à encourager la pratique de rotations plus longues et d'assolements plus diversifiés, avec pour objectif d'améliorer la qualité de l'eau et des sols.

Par ailleurs, la France et l'Europe sont déficitaires dans certaines cultures comme le pois protéagineux ou la luzerne.

À l'heure actuelle, les crédits de paiement ne permettront pas de financer les contrats en cours. Dès lors, qu'en sera-t-il, monsieur le ministre, des contrats arrivant à expiration ? Pour le département de la Charente-Maritime, plus de quatre-vingt-dix agriculteurs sont concernés.

Cet outil doit être doté de véritables moyens qui soient à la hauteur des ambitions annoncées par la France, et ce d'autant plus que nous sommes à l'aube du « bilan de santé » de la PAC. Nous devons donc être très vigilants sur le sujet.

Je veux également évoquer, dans le cadre de l'examen du programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et du développement rural », les programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, les PMPOA.

Ce dispositif vise à limiter la pollution des eaux en accompagnant la mise aux normes des exploitations. Je me félicite des engagements qui sont tenus, mais force est de constater que les besoins restent importants. Certains agriculteurs s'inquiètent de ne pas pouvoir bénéficier des soutiens nécessaires à la réalisation de travaux. Il faut donc les rassurer.

La notion d'environnement, on le voit bien, sera de plus en plus présente dans notre vie de tous les jours. L'un des secteurs les plus concerné par cette notion est celui des transports.

La France s'est engagée, dans le cadre du protocole de Kyoto en 1997, à réduire ses gaz à effet de serre. C'est ce qui est prévu aux termes de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. Nous devons donc, à l'échelon national, développer les biocarburants et les agrocarburants de deuxième génération.

Le développement de cette filière passe obligatoirement par le maintien d'une fiscalité adaptée et par l'encouragement de la préférence nationale. Il faut également augmenter le nombre de pompes distribuant de l'éthanol.

Par ailleurs, cette politique doit d'appuyer sur une évaluation rationnelle des performances, tant sur le plan énergétique que sur le plan économique. Pouvez-vous à ce sujet, monsieur le ministre, nous en dire un peu plus sur le bilan environnemental que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, doit présenter le 1er janvier 2008 ?

Il faut, en effet, rester attentif quant à l'utilisation des terres agricoles et à l'équilibre entre productions alimentaires et productions non alimentaires. Ainsi, le développement des agrocarburants ne doit pas provoquer de flambée des prix des céréales.

À l'heure actuelle, le marché alimentaire connaît une situation très tendue en raison des aléas climatiques à répétition et de l'augmentation de la demande des pays en voie de développements. Il ne faudrait pas que le développement sans contrôle de cette filière nous conduise à une catastrophe écologique majeure.

Les agrocarburants n'empêchent pas, aujourd'hui, les exploitants agricoles de subir de plein fouet la flambée des cours du pétrole et de ses dérivés. Les agriculteurs pourront-ils bénéficier d'un remboursement de la TIPP à hauteur de 5 centimes d'euros par litre comme en 2005 ? C'est, en effet, le seul moyen pour eux de préserver la compétitivité de leurs exploitations.

Je souhaite, à présent, mettre l'accent sur deux sujets qui me tiennent à coeur et qui touchent à l'élevage et à la viticulture.

Les éleveurs ovins doivent faire face à une crise sans précédent. La baisse de leurs revenus est flagrante et leurs marges de manoeuvre sont extrêmement réduites dans un secteur où la concurrence fait rage. C'est ainsi que la région Poitou-Charentes a perdu plus de 20 000 brebis en 2006 sur un cheptel de 600 000 têtes, et que le revenu des éleveurs a été divisé par deux en trois ans.

La capacité d'adaptation de la filière ne suffira pas à surmonter la crise, et c'est tout l'avenir de cette production qui est en péril. Une gestion plus saine des marchés et une amélioration de la trésorerie des éleveurs sont nécessaires.

La situation des éleveurs bovins n'est, aujourd'hui, guère plus enviable. On ne peut que constater une baisse des cours, une concurrence déloyale des viandes étrangères ainsi que des problèmes sur le plan de la politique pratiquée par la grande distribution.

Des solutions existent ; il faut favoriser le redressement de la consommation. Cela passe par un relèvement des cours, une baisse des prix de vente au détail et un soutien sans faille à la filière « viande française » en raison des efforts réalisés en termes de qualité et de traçabilité.

De plus, les actions menées en faveur de l'élevage et de la viande bovine française doivent être renforcées. Il faut que ces deux filières d'élevage sortent de la crise qu'elles traversent : il en va de la survie de nombre d'exploitations sur notre territoire.

Quant au prix du lait, il connaît actuellement une hausse qui devrait se poursuivre. Toutefois, les professionnels restent prudents et pensent qu'il faudrait anticiper une baisse dans quelques années. Ils souhaiteraient donc, si la conjoncture actuelle perdure, que les provisions faites par les agriculteurs pour les mauvaises années ne soient pas soumises à l'impôt.

J'en viens à la viticulture. Celle-ci connaît des difficultés et les perspectives d'avenir, à moyen terme, inquiètent la profession.

Le projet de réforme de l'Organisation commune des marchés, l'OCM, avec la libéralisation de l'étiquetage et celle des plantations, conduira nécessairement à une surproduction, à une chute des prix, à une perte de la valeur patrimoniale des terrains et à la remise en cause des efforts qualitatifs.

L'autorisation d'utiliser le cépage pour les vins de table serait catastrophique pour la production des vins de pays de la région Poitou-Charentes. Cette politique va totalement à l'encontre de la viticulture française et européenne.

Quant à la libéralisation des plantations, elle est particulièrement risquée dans un contexte économique très tendu, en raison de la surproduction mondiale de vins. L'arrachage définitif doit être limité et encadré afin d'éviter la déprise de certaines zones géographiques.

Il faut que le Gouvernement pèse de tout son poids dans les négociations pour que la mention « cépage » soit limitée aux vins à indication géographique.

Je parlerai, dans le cadre de l'examen du programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », des prêts bonifiés.

Je me félicite que le Gouvernement ait maintenu ce mécanisme d'aide aux jeunes agriculteurs et je me réjouis de sa décision de dégager 20 millions d'euros supplémentaires. Cet outil reste, en effet, essentiel pour l'installation de nos jeunes.

Cependant, malgré son abondement, le volume des crédits ne va pas augmenter de manière significative. Or, compte tenu de l'annualité budgétaire, je me demande ce qui se passera pour les jeunes agriculteurs qui s'installeront au 1er janvier. Quelles solutions peut-on envisager dans ce cas précis, monsieur le ministre ?

Dans les missions interministérielles concernant l'agriculture, je dirai un mot de l'enseignement technique agricole.

Les différentes baisses de la dotation globale horaire et les plafonnements d'effectifs entraînent une dégradation de la situation de l'enseignement agricole public.

La mission d'insertion professionnelle de l'enseignement technique agricole est primordiale pour le développement des territoires ruraux et de l'agriculture. En effet, cette formation est indispensable pour les jeunes qui veulent s'installer et reprendre une exploitation.

Nous le savons, l'installation des jeunes pour assurer le renouvellement des générations est l'une de vos priorités. J'attirerai votre attention sur la conclusion des baux cessibles hors cadre familial, car peu de contrats ont été signés en raison des conditions exigées. Il faudrait améliorer les règles mises en place en 2006 pour que cet outil réponde mieux aux souhaits des exploitants.

De plus, toujours en ce qui concerne les baux, j'aimerais avoir votre avis, monsieur le ministre, sur la demande de la Fédération nationale de la propriété privée rurale, FNPPR, au sujet de la mise en place d'une nouvelle composition de l'indice de fermage.

Concernant le fonds de financement des prestations sociales agricoles, j'évoquerai le dossier des retraites. En effet, les petites retraites restent faibles au regard du minimum vieillesse. Il convient de réformer ce système de protection sociale et d'améliorer le montant des prestations vieillesse pour les agriculteurs, plus particulièrement pour les femmes et les veuves.

Quels sont vos projets, monsieur le ministre, pour le rendez-vous de 2008 ? Peut-on envisager que les retraites pour carrières complètes soient portées à 85 % du SMIC ?

Avant de conclure, je dirai un mot de la PAC.

Bon nombre d'agriculteurs de mon département s'inquiètent des perspectives d'évolution de la politique agricole commune. Il nous faut la redéfinir, afin de préserver notre indépendance alimentaire.

Sachant pouvoir compter sur nos agriculteurs pour relever les défis qui s'imposent à nous en ce début de xxie siècle, et ne doutant pas de la volonté du Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour les y aider, je voterai en confiance les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première fois depuis longtemps, effectivement, on peut penser que l'agriculture et les agriculteurs en France vont mieux. Les hausses de prix des matières premières agricoles ont rendu le sourire à nombre d'entre eux.

Le renversement brutal de la conjoncture a même surpris les experts ainsi que les responsables politiques nationaux et européens.

Globalement, les prix ont augmenté de 15,9 % par rapport à octobre 2006. Je citerai, à titre d'exemples, les céréales - plus 61 % -, les fruits et légumes - plus 6,1 % -, le lait - plus 6 % -, les oeufs - plus 39 % -, les produits animaux - plus 5,5 %.

Dans le même temps, le prix des gros bovins enregistre une baisse de 1,5 %, tandis que celui du porc dégringole et que celui des pommes de terre diminue de 16 %.

Cependant, il ne faut pas se laisser emporter par cette euphorie ambiante, car elle peut cacher des lendemains qui déchantent. Le bon sens paysan est emprunt de beaucoup de perplexité. La peur du feu de paille s'exprime au détour de multiples réflexions que vous ne devez pas ignorer, monsieur le ministre.

L'extension des surfaces cultivées en Europe, avec la suppression des jachères, ou en Amérique du Sud, pourrait très bien retourner la conjoncture très rapidement.

Il faut donc rappeler que les prix agricoles sont toujours en déphasage excessif, en positif comme en négatif, par rapport à la réalité de l'évolution de la production. Un faible déficit ou un faible excédent conduit toujours à des hausses ou à des baisses de prix plus fortes que la réalité du marché. Cela signifie que les prix agricoles sont, par nature, très volatils. L'exemple de l'évolution du prix du porc à la baisse le prouve amplement à l'heure actuelle.

Cela doit nous appeler à la prudence dans l'appréciation de la situation. Les renversements de conjoncture restent toujours imprévisibles, parce qu'ils sont liés structurellement aux aléas climatiques ; les mauvaises récoltes de céréales ces temps dernier, en Australie, en apportent une nouvelle fois la preuve.

De plus, ces hausses ont aussi un caractère spéculatif. Les fonds d'investissement dans le domaine agricole sont passés de 10 milliards d'euros en 2001 à 150 milliards d'euros en 2007. On sait bien, cependant, que ces fonds pourraient très rapidement se désengager si la conjoncture devenait moins favorable.

Le deuxième élément à apprécier est, en contrepartie, pour les agriculteurs, la hausse des coûts des intrants, de l'énergie, du matériel agricole, des engrais azotés - phosphate, potasse.

Ainsi, l'ammonitrate est passé de 200 euros la tonne à 248 euros la tonne, sans parler du prix du gazole, des pesticides ou de celui des aliments destinés au bétail, qui est passé de 165 euros la tonne en 2006 à 240 euros la tonne en 2007.

Tout cela vient contrebalancer la hausse des prix de vente des produits agricoles.

Par ailleurs, de nombreux agriculteurs pensent que ces hausses de revenus récentes viennent à peine compenser les baisses des années précédentes. Ils ont le sentiment, pour le moment, d'éponger les pertes des années difficiles et de se reconstituer une trésorerie.

Cette fragilité est encore accrue par la succession des crises sanitaires qui touchent l'élevage : ESB, fièvre aphteuse, grippe aviaire, peste porcine, fièvre catarrhale ovine et bovine.

L'extension géographique inexorable de la fièvre catarrhale, partie des départements du Nord et des Ardennes, pour atteindre aujourd'hui le Massif central, le Limousin, l'Auvergne et les Pyrénées-Atlantiques, a des conséquences financières désastreuses pour bon nombre d'élevages qui sont, par ailleurs, excellemment tenus.

Aujourd'hui, plus de 30 000 cas ont été relevés dans l'Union européenne.

La mortalité, les avortements s'accroissent. On note également une baisse de la production de lait de 30 % à 40 %, une diminution de la fertilité et des problèmes de commercialisation. Je peux en témoigner dans ma propre région du Nord-Pas-de-Calais, en particulier dans l'Avesnois, où un certain nombre d'élevages connaissent des conditions financières extrêmement difficiles du fait de cette crise.

Nous devons donc, monsieur le ministre, assurer une bonne maîtrise des mesures sanitaires, avec la désinsectisation et par la restriction intelligente des mouvements d'animaux agricoles. L'économie agricole liée à l'élevage ne doit pas être complètement paralysée ; il faut permettre des dérogations qui facilitent l'abattage des bêtes dans les abattoirs de proximité.

Il convient également d'améliorer encore la trésorerie de ces exploitants en facilitant les allégements de charges, ce qui a déjà été fait en partie, l'indemnisation des mortalités et la prise en charge de la sérologie de contrôle.

Il faut aussi obtenir de Bruxelles, monsieur le ministre -- et c'est peut-être là l'enjeu principal -, la création d'un fonds d'intervention pour les crises sanitaires.

Par ailleurs, il convient d'intervenir afin que soit rapidement élaboré un vaccin qui soit disponible au printemps 2008. Il faut espérer que la providence nous apportera, cet hiver, une longue période de gel intense qui permettrait d'éliminer cette maladie. Mais en ces temps de réchauffement climatique annoncé, j'ai peur que ce ne soit qu'un voeu pieux !

En conclusion, j'estime que ce serait une erreur de diminuer l'effort de la collectivité nationale en faveur de l'agriculture en prenant prétexte de la hausse des prix agricoles. Il convient de profiter de cette période pour fortifier les relations entre agriculture et environnement, et pour trouver un équilibre plus judicieux qui préserve le revenu des agriculteurs tout en favorisant l'effort vers de meilleures pratiques culturales et en cassant la tendance, parfois mal maîtrisée, à une intensivité excessive qui se justifie encore moins qu'auparavant.

Il nous faut donc garder le cap de la régulation et de l'encadrement des marchés agricoles, national et européen, et conserver les outils de régulation. Leur suppression, déjà en cours, est lourde de menaces pour l'avenir de notre agriculture. Ainsi, je me demande, par exemple en ce qui concerne la gestion de la betterave sucrière, si l'on ne regrettera pas, dans les années qui viennent, les diminutions de quotas et les fermetures d'usines, autant d'outils indispensables à cette industrie sucrière.

Toutes les réflexions actuelles sur la suppression éventuelle des quotas laitiers s'inscrivent dans cette démarche des néolibéraux, qui veulent tout déréglementer. Ce n'est pas acceptable, cela conduirait à la création d'énormes usines à lait et à la quasi-disparition des petits et des moyens éleveurs.

Assurer l'alimentation de la population de notre pays est un objectif stratégique de toute la nation, qui garantit notre indépendance. Maîtriser le marché reste une nécessité absolue de notre politique agricole. Comment accepter qu'aujourd'hui nous importions 500 000 tonnes de viande quand on nous dit que, demain, nous en importerons peut-être 1,2 million de tonnes ?

Ma dernière réflexion personnelle s'inscrit aussi dans la vision que l'on peut avoir de l'agriculture dans les dix ou vingt ans qui viennent. La chute continue et permanente du nombre des agriculteurs a atteint un seuil qui me paraît dangereux.

Ce mouvement séculaire de concentration des exploitations, qui voyait les hectares libérés par des exploitants partis en retraite être repris par de jeunes exploitants qui y trouvaient un moyen de rentabiliser un matériel agricole de plus en plus performant mais aussi de plus en plus coûteux, a atteint, me semble-t-il, ses limites. Aujourd'hui, c'est l'existence même de l'agriculture qui est en péril.

La diminution du nombre des éleveurs fait que la France n'arrive même pas, actuellement, à tenir le quota laitier qui lui est annuellement attribué par l'Union européenne. Cela doit nous interpeller. La collecte du lait a affiché un repli de 1,9 % par rapport à la même période de l'année dernière, et le déficit est estimé à 600 000 tonnes.

Je crois donc qu'il nous faut mieux prendre en compte l'impact des évolutions socioculturelles dans le monde agricole, et aider davantage les agriculteurs qui s'installent.

M. le président. Cher collègue, il faut conclure !

M. Paul Raoult. Je conclus, monsieur le président.

À travers ce budget, les aides à l'installation, en particulier, restent très largement insuffisantes et inefficaces. Il faut également assurer un effort plus important en matière d'enseignement agricole.

Pour ces raisons, monsieur le ministre, je ne pourrai voter votre budget, même si je partage certaines de vos ambitions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Barraux.

M. Bernard Barraux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, je suis l'un des représentants d'un territoire d'élevage, l'Allier, qui s'honore d'être le deuxième département français en troupeaux allaitants...

M. André Lejeune. Après le mien !

M. Bernard Barraux. ... et d'avoir le septième troupeau ovin. Je voudrais donc, monsieur le ministre, vous entretenir des problèmes d'épizootie à répétition, qui nous rendent la vie bien difficile.

Au début de l'été, la fièvre catarrhale était à nos frontières et voilà qu'elle a déjà envahi plus de cinquante départements.

Bien que cette maladie n'affecte que les ruminants et n'inspire donc, normalement, aucune inquiétude pour les consommateurs et pour l'ensemble de la population, elle reste néanmoins extrêmement préoccupante s'agissant des conséquences qui affectent l'équilibre économique de la filière animale.

Ces conséquences sont dramatiques parce qu'un très grand nombre de broutards sont aujourd'hui bloqués. Certes, l'interdiction d'exporter a été levée, mais il y a tellement de marchandises sur le marché que les prix se sont effondrés. On estime qu'en France 100 000 broutards attendent de partir pour l'Italie, dont 40 000 dans le seul département de l'Allier. Vous voyez donc la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Cette maladie contagieuse touche de plein fouet aussi bien les ovins que les bovins. Des mesures de protection sanitaire ont été adoptées, mais, aujourd'hui, dans l'attente de l'élaboration d'un vaccin, qui sera peut-être bientôt disponible, nous sommes dans une situation extrêmement difficile.

Les risques sanitaires sont, bien sûr, accentués par l'augmentation des échanges à l'échelle de la planète puisque, aujourd'hui, tout le monde va et vient partout. Après l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, la grippe aviaire, j'en passe et des meilleures, c'est maintenant la fièvre catarrhale !

Les éleveurs, les agriculteurs se posent donc beaucoup de questions sur l'avenir de leurs métiers. Après une période d'incertitude, c'est maintenant l'angoisse qui prédomine.

Il est, par conséquent, de plus en plus nécessaire de soutenir notre filière d'élevage, d'autant qu'aujourd'hui elle subit la folle augmentation des matières premières servant pour l'alimentation animale. Cet enchérissement des coûts est une véritable menace pour la pérennité des élevages, particulièrement de porcs et de volailles, car les éleveurs ne peuvent pas, hélas ! le répercuter dans leurs prix de vente.

Avouez, monsieur le ministre, que, pour être éleveur aujourd'hui, il faut avoir le caractère mieux fait que la figure ! (Sourires.)

M. Bernard Barraux. Par moment, nous nous sentons tous un peu responsables. On se regarde dans la glace en se disant qu'on a fait une « politique de gribouille » !

Il y avait trop de lait, à une époque ; on avait peur d'être emporté par le fleuve blanc  qui coulait de partout, c'était le grand drame ! Alors, on a « cabossé » les vaches, en oubliant seulement que, pour se reconvertir, il fallait un certain temps et que nos éleveurs n'avaient pas de baguette magique ; que je sache, Cendrillon, elle, s'était spécialisée dans la production de citrouilles ! (Sourires.)

Donc, on se retourne, c'est fini, il n'y a plus de vaches, plus de lait et, un de ces quatre matins, on aura, j'en suis sûr, des cartes de lait !

Les céréales, c'est pareil, il y en a trop ! Il faut vite arrêter d'en produire ! En plus, cela pollue, il faut répandre des insecticides, c'est dramatique, mettons vite en place des jachères ! Ainsi, on va pouvoir faire un pied de nez à tous ces marchands de pétrole qui nous agacent et enfin « rouler bio », grâce aux carburants produits à partir des céréales. L'ennui, c'est qu'il n'y a plus de blé ! Son prix a doublé ! Mais on a oublié, dans nos petits calculs, qu'un milliard de gars crevaient de faim et que, OGM ou pas, en Afrique, ils seraient quand même bien contents de se remplir le ventre !

M. Charles Revet. C'est vrai !

M. Bernard Barraux. C'était une petite parenthèse, en passant...

Je ne vous parle pas des ovins, parce que nos éleveurs, en plus de subir la fameuse fièvre catarrhale, avec toutes les conséquences qui en découlent en termes de mortalité - les vétérinaires présents dans cette salle le savent mieux que moi - doivent endurer la concurrence des Australiens, qui est épouvantable, puisque le gigot n'est rien d'autre pour eux qu'un sous-produit de leur production de laine et qu'ils veulent s'en débarrasser à n'importe quel prix.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Eh oui !

M. Bernard Barraux. Nous comptons donc beaucoup sur vous, monsieur le ministre, et sur la présidence française de l'Union européenne, pour qu'ait lieu, enfin, un nouveau débat sur l'avenir de toutes ces productions et sur la meilleure façon de soutenir les éleveurs.

Pour ce qui concerne la situation des anciens agriculteurs, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance, au nom de mes vieux copains anciens paysans, à M. Jean-Pierre Raffarin. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Ah, vous le regrettez !

M. Bernard Barraux. En effet, tous ses prédécesseurs promettaient de revaloriser un peu les retraites, mais jamais un seul n'avait inscrit au budget les crédits qui auraient permis d'améliorer la situation de ces pauvres gars qui touchaient quatre sous.

M. Gérard Le Cam. Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Barraux. Je vous remercie, en leur nom à tous, de l'avoir fait, monsieur Raffarin !

Il me reste aussi à remercier M. le ministre, qui a prévu d'inscrire 5 millions d'euros pour l'installation des jeunes.

M. Jean-Marc Pastor. Que c'est chiche !

M. Michel Barnier, ministre. En plus !

M. Bernard Barraux. C'est une question à laquelle il a raison de penser. Cinq millions d'euros en plus, cela nous fait immensément plaisir. Il y a dans mon propos un peu de vertu, mais aussi de l'intérêt, car s'il n'y a plus de jeunes pour travailler et payer les cotisations, qui financera nos retraites ? (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean Desessard. Les cheminots !

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un grand nombre de mes collègues vous ayant déjà fait part de leurs remarques, je me bornerai à analyser les financements annoncés pour certaines actions du programme 154 et à vous interroger sur quelques points d'intérêt plus local.

Contrairement à tous les discours actuels - dont ceux qui sont tenus par le Gouvernement et le Président de la République - sur la nécessité de renforcer l'attractivité des territoires ruraux par le maintien de la population, notamment agricole, par le développement de l'emploi et la diversité des activités économiques, des crédits en baisse remettent en cause les politiques d'accompagnement du développement de ces territoires.

Dotée d'environ 70 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 80 millions d'euros en crédits de paiement, la ligne budgétaire de l'action 1 : « Soutien aux territoires et aux acteurs ruraux » est en diminution, respectivement de 16 % et de plus de 7 %.

Certes, cette diminution s'explique, en partie, par le transfert des crédits de personnel à un autre programme, mais elle n'en esquisse pas moins une tendance inquiétante, tant sont importants et prioritaires les besoins de financement du développement rural, et ce au moment même où les contrats de projets État-régions mettent en évidence la baisse drastique du volet territorial et inquiètent fortement tous les acteurs locaux.

L'avenir des pôles d'excellence ruraux nous préoccupe également. Ils ne concernent votre ministère qu'à hauteur de 34 millions d'euros sur les 235 millions annoncés. Ce chiffre global n'est certes pas négligeable en valeur absolue mais, rapporté aux 379 pôles labellisés, il demeure limité et pourrait, si l'on n'y prend garde, favoriser un « saupoudrage » des crédits dont l'effet de levier sur le développement local reste à démontrer, d'autant que les critères d'intervention sont complexes et restrictifs. Ne sont, en effet, le plus souvent subventionnés que les investissements de nature matérielle, là où les investissements d'ingénierie ou d'animation seraient tout aussi nécessaires, car la mise en concurrence des territoires peut parfois être un facteur déclenchant de projets pour obtenir des subventions. Quid de leur pérennité ? Quid également des notions de solidarité et de péréquation, qui ont toujours garanti un aménagement réussi et équilibré du territoire ?

Pour en revenir à des questions plus spécifiquement agricoles, mais relevant toujours de la même préoccupation de garder nos territoires ruraux vivants et attractifs, le premier impératif est bien de conserver dans nos campagnes un maximum d'exploitations viables et d'actifs agricoles. Malheureusement, là aussi, les crédits alloués à l'installation et au maintien des nouveaux exploitants sont en baisse, de 2,5 millions d'euros en crédits de paiement et de 100 000 euros en autorisations d'engagement.

Comment expliquer une telle décision, alors que le nombre de départs ne cessera d'augmenter, vu l'âge moyen des exploitants, que le nombre d'installations recommence à croître - et c'est heureux - dans certaines régions et, surtout, que le nombre de jeunes cherchant à s'installer, dans certains départements, est supérieur à celui des cédants ?

J'avais pourtant bien écouté le discours de M. le Président de la République, en septembre, à Rennes. Il avait déclaré que la France avait besoin de jeunes agriculteurs pour assurer l'avenir de son agriculture. Malheureusement, je ne vois pas, dans ce budget, la concrétisation de ses propos.

Quant à ce que vous nous avez dit vous-même de vos préoccupations et de vos orientations, monsieur le ministre, je dois reconnaître que je ne suis pas loin d'en partager la plus grande part.

Mais, si nous pouvons nous rejoindre sur les objectifs, je crains que ce ne soit une autre histoire concernant les moyens ! Ils sont insuffisants au regard de ce que nécessite, en termes de courage et de détermination, la volonté de s'installer en tant qu'agriculteur, malgré une image du métier encore trop souvent dévalorisée, malgré un travail réputé long et pénible, malgré des perspectives de revenus plus qu'incertaines et malgré des lourdeurs administratives, des contrôles et des contraintes qui ne cessent d'augmenter.

Alors, comment favoriser au mieux le plus grand nombre d'installations et de reprises d'exploitations rentables, afin que ces exploitations, au lieu d'être surdimensionnées et financiarisées à outrance, devenant ainsi intransmissibles, continuent à être dynamiques et productives mais diversifiées, sources d'emplois et respectueuses de l'environnement, c'est-à-dire - comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre - durables ?

La réponse dépasse sûrement le seul aspect budgétaire. Cependant, des crédits importants sont toujours nécessaires pour permettre à un maximum de candidats à l'installation de trouver des exploitations, transmissibles et viables je le répète, et éviter que pratiquement 80 % des terres des cédants aillent à l'agrandissement, comme dans ma région.

Cette année déjà, de nombreux jeunes agriculteurs ont rencontré de sérieuses difficultés pour obtenir des prêts bonifiés et, même si vous avez pris en compte la hausse des taux d'intérêts, on s'accorde partout à dire - même au sein du le syndicat majoritaire - que l'enveloppe prévue pour 2008 sera sûrement insuffisante pour satisfaire tous les dossiers déposés.

Le problème me semble identique pour les prêts bonifiés aux coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole, les CUMA, car les compléments à l'enveloppe pour 2007 n'ont pas été suffisants, dans mon département, par exemple.

Face aux demandes de nos collègues députés, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à amputer de 2 millions d'euros le programme « Forêt », de un million d'euros le programme 215 et à redéployer 2 millions d'euros d'autorisations d'engagement au sein du programme 154. Ces mouvements prouvent, premièrement, que cette ligne budgétaire posait un véritable problème et, deuxièmement, que ce budget global souffre d'une faiblesse évidente.

Mme Odette Herviaux. Se pose également, monsieur le ministre, la question cruciale de l'annualité budgétaire : ne serait-il pas possible d'assouplir le principe d'antériorité des autorisations de financement données par les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, car tout retard dans les démarches risque d'entraîner des situations de blocage et de report que vivent très mal les nouveaux installés ?

Autre point important : les crédits ouverts au titre de la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, restent identiques à ceux de 2007. Malgré le chiffre stable, pour la troisième année consécutive, des installations aidées, ce montant sera-t-il suffisant ?

Enfin, en ce qui concerne l'expérimentation de la simplification du parcours d'acquisition des capacités professionnelles, auquel mon département, le Morbihan, participe depuis le mois de juin 2007, mais dont la mise en oeuvre n'est effective que depuis septembre, il paraît pour le moins étonnant que le cadrage du futur dispositif ait déjà été annoncé au dernier CNI, alors que l'expérimentation ne fait que commencer. Des propositions concrètes seraient-elles déjà remontées du terrain ? Sinon, un bilan et des débats sont-ils prévus, ou bien les décisions sont-elles prises avant même d'engager l'expérimentation ?

Je ne peux terminer mon intervention, monsieur le ministre, sans vous interroger sur deux sujets qui fâchent : la découverte, en Bretagne, d'un champ de maïs génétiquement modifié, interdit en France et en Europe, le BT 11, ...

M. Jean Desessard. Eh oui ! On vous l'avait bien dit !

Mme Odette Herviaux. ... et le problème de l'indemnisation des éleveurs victimes de la dioxine.

Dans ces deux cas, monsieur le ministre, si l'on applique les principes du contrevenant responsable et du pollueur-payeur, les systèmes d'assurances privées, que vous prônez par ailleurs pour couvrir les aléas climatiques en agriculture, permettraient sûrement d'éviter à l'avenir des dépenses supplémentaires pour l'État. Encore faut-il pouvoir - et vouloir - réellement trouver les véritables responsables !

Je terminerai en vous remerciant, monsieur le ministre, de la rapidité de vos réponses et de la qualité des informations constantes et complètes dont vous-même et vos services nous rendez destinataires.

Mme Odette Herviaux. Mais cela ne suffira pas à nous faire voter votre budget, décidément trop restreint ! (Exclamations sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère de l'agriculture traduisent la volonté du Gouvernement de maîtriser la dépense publique et de réduire les déficits.

Vous avez dû faire des choix difficiles, monsieur le ministre, nous en sommes bien conscients. Vos priorités vont à certains dispositifs comme l'enseignement et la recherche, la gestion des crises, la sécurité alimentaire ou les actions qui contribuent au développement d'une agriculture durable, choix pertinents dans le contexte du Grenelle de l'environnement.

Certes, la situation budgétaire est difficile et nous apprécions d'autant plus l'effort que vous avez consenti devant l'Assemblée nationale en accordant 5 millions d'euros supplémentaires pour l'installation des jeunes agriculteurs, le renouvellement des générations étant tout à fait prioritaire.

Il faut dire que le contexte est particulièrement nouveau, cette année, pour le monde agricole : aléas climatiques très importants, politique volontariste de développement des biocarburants, aux États-Unis entre autres, évolution de la demande et des habitudes alimentaires dans certains pays de la planète.

Le cumul de ces facteurs a fait flamber le cours des matières premières agricoles et, pour la première fois depuis vingt ans, les prix cessent de baisser. Nous assistons, en effet, à un renversement complet de tendance avec une hausse spectaculaire des prix des céréales ; je crois, à cet égard, que la suppression des jachères est une bonne chose.

Cependant, la situation est loin d'être la même pour toutes les productions. En tant que président du groupe d'études de l'élevage du Sénat, je ne peux qu'être sensible au fait que les exploitations d'élevage bovin, porcin, ovin et de volailles souffrent aujourd'hui de la hausse des prix des aliments du bétail, qui profite à certains agriculteurs mais en pénalise durement d'autres.

L'évolution désordonnée des prix des céréales crée de grandes difficultés pour ces éleveurs, mais aussi pour les producteurs laitiers, qui sont pénalisés également par la vente de leurs petits veaux. Ils subissent une baisse des prix de plus de moitié, due à la pression des engraisseurs qui ont vu le prix de la poudre de lait augmenter de plus de 70 %. Les producteurs de fromages, eux, n'ont pas encore perçu la hausse du prix du lait.

Tout cela contribue à des disparités croissantes de revenus entre agriculteurs. J'ajouterai - dans la prolongation du discours du Président de la République à Rennes, en septembre dernier - que nous sommes particulièrement attentifs à la réforme de la loi Galland, préparée par Luc Chatel, et au cadre spécifique réservé aux produits agricoles, afin que les agriculteurs bénéficient d'une juste rémunération.

Les revenus de ces éleveurs vont subir de très fortes baisses occasionnées par la hausse du coût de l'alimentation complémentaire - non produite dans les zones de plateaux et de montagne, et qu'il faut acheter -, celle des prix de l'énergie et le prix de vente catastrophique des veaux.

Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur ce sujet auquel, j'en suis sûr, vous devez être déjà sensibilisé par les éleveurs de votre département et de votre région. Il est indispensable que le montant de l'indemnité compensatrice de handicaps naturels, l'ICHN, soit relevée dans les meilleurs délais.

Vous avez fait un effort afin de résorber les dossiers en attente - plus de 8 000 - pour la modernisation des bâtiments d'élevage et nous apprécions les 29 millions d'euros supplémentaires consentis par l'État, ainsi que le déblocage des crédits communautaires. Il fallait répondre à l'engorgement actuel, mais il est aussi impératif d'allouer les crédits de paiement nécessaires au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, répondant ainsi aux objectifs environnementaux des élevages.

Je veux évoquer aussi l'inquiétude des éleveurs touchés par les crises sanitaires qui s'ajoutent aux crises structurelles ou conjoncturelles : vache folle, grippe aviaire, fièvre aphteuse et, maintenant, fièvre catarrhale ovine. Ces crises se multiplient, entraînant de graves conséquences sur les revenus et les courants économiques : produits vétérinaires à acheter, analyses à effectuer, etc.

Le développement de la fièvre catarrhale touche aussi, vous le savez, la filière bovine, qui a connu de grosses difficultés de commercialisation des animaux. C'est notamment le cas pour les broutards français. S'ajoutent des pertes financières, résultant des baisses de production de lait et de viande dues aux avortements et à l'infertilité, qui sont encore difficilement évaluables et ne seront pas prises en charge.

Je sais, monsieur le ministre, que vous avez tout mis en oeuvre afin qu'un vaccin soit disponible l'an prochain. Mais les crédits que vous prévoyez pour 2008 seront-ils suffisants pour faire face aux frais des campagnes de vaccination, d'autant plus que le développement de cette maladie risque de s'étendre à tout notre pays et de conduire à indemniser des éleveurs en grande difficulté ?

C'est sans conteste dans la filière ovine que le problème est le plus grave, car le développement de la FCO fait peser sur elle une menace supplémentaire alors que sa situation structurelle est déjà très préoccupante. Chargé en ce moment même, avec mon collègue des Hautes-Pyrénées, François Fortassin, d'une mission sur l'élevage ovin, j'ai pu me rendre compte, au cours de nos déplacements sur les territoires concernés, de la grande détresse de ces éleveurs - principalement, dans les massifs - qui se sentent abandonnés face à leurs problèmes et dont les revenus sont les plus faibles du secteur agricole.

Les cheptels ovins diminuent rapidement, puisque nous sommes passés de 12,8 millions de têtes en 1990 à 8,4 millions aujourd'hui. De ce fait, nous ne couvrons que 45 % des besoins de notre marché national. Notre collègue Dominique Mortemousque m'a demandé de vous signaler qu'il ne reste plus que 54 000 brebis en Dordogne, alors qu'on en comptait encore 100 000 il y a dix ans. La filière, avec son indication géographique protégée « agneau du Périgord », est en réel péril. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, mais la situation est plus dramatique encore en montagne où il n'existe qu'un palliatif : la friche.

Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très conscient de ce problème, puisque, dans un contexte difficile, vous avez arrêté des mesures d'urgence : prise en charge des intérêts d'emprunt pour les éleveurs les plus vulnérables, report sur la prise en charge des cotisations sociales et aide de minimis complémentaire.

Mais, pour survivre, la profession a réellement besoin de mesures structurelles. Mon collègue François Fortassin et moi-même nous emploierons à vous présenter, dans quelques semaines, des propositions concrètes. Au titre de ces urgences, il convient de renforcer très vite ces productions grâce à une augmentation très significative des aides de la PAC, si nous ne voulons pas que se poursuive l'hémorragie des troupeaux ovins dans nos montagnes et dans les zones difficiles.

Par ailleurs, la présence de prédateurs conduit les éleveurs à une véritable révolte. C'est pourquoi j'ai proposé, avec quinze de mes collègues, un amendement visant à amputer de 3 millions d'euros les crédits destinés au maintien ou à la réintroduction des prédateurs. J'aurais souhaité, monsieur le ministre, que cette somme puisse être réaffectée au soutien au pastoralisme et à la filière ovine, à laquelle il est important d'adresser un signal.

Même s'il est très peu développé dans mon département, je tiens à mettre en garde contre la disparition de l'élevage ovin, qui aurait des conséquences bien plus graves pour l'environnement et serait bien pire que « l'absence de présence » du loup ou de l'ours. Il faut choisir : « Prédateurs et pastoralisme : priorité à l'homme », comme l'écrivait Christian Estrosi dans son rapport rendu en mai 2003, au nom de la commission d'enquête constituée par l'Assemblée nationale.

Il convient, très vite, de lutter contre la disparition de la production ovine - respectueuse de l'environnement, soulignons-le -, qui contribue tant à structurer nos territoires agricoles et à entretenir ceux de montagne.

Vous déclariez il y a peu, monsieur le ministre, à propos des pistes d'aménagement de la PAC que la Commission européenne vient de présenter, que vous souhaitiez que le redéploiement des aides ne se fasse pas uniquement en faveur des questions environnementales, mais s'effectue au profit d'une activité de production dynamique dans les territoires, plus encore aujourd'hui qu'hier, compte tenu des besoins des marchés mondiaux. Vous citiez, parmi les affectations possibles, la production laitière en montagne, le soutien à l'élevage, ovin notamment, et l'agriculture biologique.

Bien que j'approuve tout à fait vos orientations, je tiens néanmoins à vous alerter sur les dangers du découplage que souhaitent certains pays. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce sujet. Prenons garde de primer sans être obligés de produire, surtout maintenant que nos marchés sont porteurs ! C'est ce qu'attendent nos filières agroalimentaires créatrices d'emplois dans nos territoires ruraux.

Pour l'heure, monsieur le ministre, je soutiens votre budget. Mais permettez-moi de vous dire, comme d'autres collègues ici présents, que les agriculteurs retraités attendent avec impatience la revalorisation de leurs retraites, qui doit être une priorité dans les prochains budgets.

En outre, soyons vigilants, car sans une hausse de leurs revenus, nous verrons se reconvertir bon nombre d'éleveurs vers les grandes cultures, moins exigeantes en termes de présence, et ce dans toutes les régions propices.

Monsieur le ministre, votre expérience européenne nous réjouit dans la perspective du grand rendez-vous du second semestre de 2008. Vous y jouerez un rôle très important. Soyez assuré de notre collaboration. Vous serez une chance pour notre pays et, comme vous l'avez dit ce matin, pour « le grand retour de l'agriculture ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je supplée en cet instant mon collègue et ami Jacques Muller, sénateur du Haut-Rhin, qui, cloué au lit par une très forte fièvre, ne peut malheureusement pas être parmi nous.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Une fièvre catarrhale ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Le Grenelle de l'environnement a permis de dresser un constat quasi consensuel sur les difficultés engendrées par une agriculture productiviste, dopée depuis de trop longues années à coups de crédits publics, et de tracer un axe de travail dont je tiens à souligner ici la pertinence : s'engager résolument vers une agriculture HVE, à haute valeur environnementale.

Dans cette perspective, ses conclusions préconisant la réduction drastique de l'emploi des pesticides et le développement de l'agriculture biologique constituent d'excellents objectifs intermédiaires pour la nouvelle politique agricole française. Nos choix budgétaires ne peuvent pas ne pas intégrer cette rupture attendue par nos concitoyens.

En matière de pesticides, le temps est venu de mettre en place une fiscalité réellement incitative, d'une part, pour dissuader l'emploi de produits globalement indésirables pour l'environnement et dangereux pour la santé humaine, et plus particulièrement pour leurs utilisateurs, d'autre part, pour donner aux agences de l'eau les moyens nécessaires, aujourd'hui totalement insuffisants, pour inciter et soutenir la reconversion à l'agriculture biologique dans les zones sensibles de captages.

Je propose, par conséquent, une révision en profondeur de la « pollutaxe » actuelle sur les pesticides. Il faut qu'elle devienne effectivement dissuasive, de manière à s'inscrire dans la logique du « pollueur-payeur », qui est l'un des concepts économiques de base du développement soutenable. Elle est le seul moyen crédible, non réglementaire, de faire évoluer en profondeur les pratiques agricoles dans le sens d'une forte réduction de l'emploi des pesticides, à l'instar de ce que l'on peut déjà observer, par exemple, au Danemark.

En matière de développement de l'agriculture biologique, les intentions affichées dans le plan d'action ministériel vont dans le bon sens, mais je reste perplexe face au diagnostic et à la faiblesse des moyens qui seront mis en oeuvre.

S'il est louable, pour la santé de nos enfants, d'afficher un premier objectif de 20 % de repas « bio » dans les cantines publiques, cela ne répond pas aux enjeux présents : notre pays est de plus en plus déficitaire en produits biologiques, car l'offre nationale est de moins en moins capable de répondre à une demande croissante pour ce type de produits.

Par conséquent, compte tenu de la faiblesse des marges de manoeuvre de l'action budgétaire, qui est due en bonne partie aux mauvais choix opérés cet été en faveur des plus riches - 8 milliards d'euros cette année, 15 milliards d'euros l'an prochain -, notre priorité doit aller à une politique ambitieuse de l'offre de produits.

Il nous faut soutenir efficacement le développement de la production biologique pour marquer des points sur plusieurs tableaux : pour la santé des utilisateurs de pesticides, dont les cocktails de molécules sont aujourd'hui considérés comme dangereux pour la santé humaine, même à faible dose ; pour la santé des consommateurs, s'agissant surtout des produits frais, plus particulièrement des fruits et légumes, sur lesquels nous enregistrons les chiffres les plus inquiétants en matière de résidus de pesticides ; pour l'équilibre de l'environnement, concernant la qualité des eaux et de l'air, la biodiversité et, notamment, la protection des abeilles pollinisatrices ; pour la diffusion de techniques, de savoir-faire et d'approches en termes de systèmes de production agricoles durables, qui ne concernent pas uniquement le développement de l'agriculture biologique, mais qui seront indispensables pour passer d'une agriculture productiviste, aujourd'hui dominante, à une agriculture HVE telle que le Grenelle de l'environnement l'a conceptualisée, mais qui n'est pas forcément biologique stricto sensu ; enfin, pour la diminution de notre déficit commercial en produits biologiques.

S'agissant des filières, alors que le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, le CGAAER, recommandait, dans son rapport publié en août dernier, « le soutien spécifique à l'aval de la filière » biologique en « s'inspirant de l'expérience allemande et du rapport de la FAO », je suis au regret de devoir relever la timidité des dispositions proposées.

Une partie - la proportion n'est pas clairement définie -des 387 millions d'euros inscrits au titre de « l'adaptation des filières à l'évolution des marchés » doit servir à cet effet. Mais l'indicateur de performance utilisé laisse perplexe quant à l'ambition du Gouvernement : faire passer la part des superficies cultivées en agriculture biologique de 2,45 % à 2,55 % de la surface agricole utile. Cela en dit long sur l'ambition affichée par le Gouvernement de développer l'agriculture biologique : une augmentation grandiose de 0,1 % en un an, soit 1 % en dix ans et 10 % en cent ans ! (Sourires.)

Concernant la production, des initiatives sont prises, mais, comme pour la filière, elles sont très loin de répondre aux enjeux.

M. Jean Bizet. C'est le marché qui fait la filière !

M. Jean Desessard. Le marché existe, mon cher collègue. En revanche, on ne peut pas en dire autant de l'offre !

En termes de soutien financier, le crédit d'impôt était une initiative intéressante, mais son niveau actuel est jugé par tous notoirement insuffisant pour inciter au passage à l'agriculture biologique, qui correspond à un bouleversement en profondeur du système de production agricole. Nos voisins européens font deux à trois fois mieux que nous dans ce domaine !

En réalité, le développement de la production biologique exige que l'on se donne les moyens de financer enfin correctement, non seulement la reconversion, mais encore le maintien. Les outils existent déjà - il s'agit des mesures agro-environnementales -, mais les moyens mis en jeu pour 2008 sont symboliques. En termes de crédits publics nationaux, les 71 millions d'euros dédiés globalement aux MAE pèsent moins de 7 % du milliard d'euros consacré par notre pays à « la gestion durable de l'agriculture ». C'est franchement dérisoire par rapport au noble objectif affiché pour prétendre développer la production biologique !

Compte tenu de la faiblesse des marges de manoeuvre déjà évoquée, il existait pourtant un véritable levier pour doper les concours publics destinés à développer l'agriculture biologique et à haute valeur environnementale, à budget constant : le redéploiement des crédits européens déversés chaque année sur l'agriculture.

En effet, ce sont quelque 10 milliards d'euros en provenance de l'Union européenne qui viennent chaque année irriguer directement l'agriculture française, des crédits que la France a décidé, sous la pression du lobby céréalier, de distribuer de la pire manière qui soit.

Plus de 52 % des aides aux marchés et aux revenus agricoles sont des aides découplées, liées aux droits à paiement unique, les DPU. Je tiens à préciser quelle en est la teneur exacte, afin que chacun puisse se faire une opinion précise. Ces aides découplées à la française sont des droits à primes liés à la terre, calculés sur la base des anciennes primes dites « compensatoires » touchées par les exploitants agricoles entre 2000 et 2002.

À titre d'exemple, la prime MAE à l'herbe s'élevait à l'époque à quelque 60 euros l'hectare, tandis que la prime dite « compensatoire » pour le maïs irrigué s'élevait à 490 euros l'hectare.

« Compensatoire », ai-je dit ? En effet, la réforme de la PAC, réalisée en 1993 sous la pression de l'Organisation mondiale du commerce et des contraintes internes à l'Union européenne, s'était accompagnée d'une baisse importante des prix garantis, dont le dispositif de soutien était particulièrement coûteux.

Le budget agricole européen s'en trouva réparti selon des principes nouveaux : beaucoup moins de soutien aux marchés et aux prix, ainsi que deux innovations, à savoir les MAE, qui auront toujours la portion congrue, et les fameuses primes « compensatoires », qui permettront de maintenir le système inique en vigueur depuis des décennies.

L'argent public continuait ainsi de financer prioritairement les exploitations les plus grandes et les plus productivistes : prime à l'hectare, prime au capital, et donc prime à l'agrandissement des exploitations et à la destruction du monde paysan au profit d'agromanagers amateurs de primes !

M. Alain Vasselle. N'importe quoi !

M. Jean Desessard. Je tiens à souligner ce paradoxe : les pouvoirs publics subventionnent le capital au détriment du travail, tout en déplorant officiellement la désertification de nos campagnes !

Avec la réforme de 2006, ces DPU à la française apparaissent comme une véritable rente de situation, dont le caractère franchement indécent saute encore plus aux yeux aujourd'hui.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean Desessard. Je conclus, monsieur le président.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, pour toutes ces raisons, les sénatrices et sénateurs Verts ne peuvent voter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Charles Revet. Ils ont tort ! (Sourires.)

M. Jean-François Le Grand. Nous avons raté une chance historique ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a rappelé le rapporteur spécial, notre collègue et ami Joël Bourdin, les crédits du programme 149, relatif à la forêt, représentent 11 % des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ». Or, en surface, la forêt occupe 28 % du territoire !

Je reconnais que ce rapprochement n'a qu'une valeur tout à fait relative, mais il parle à l'esprit, surtout au lendemain du Grenelle de l'environnement.

Il est vrai qu'il faut tenir compte des dépenses fiscales, pour 87 million d'euros, notamment l'exemption des forêts privées de l'impôt de solidarité sur la fortune, des financements communautaires, pour quelque 58 millions d'euros, et des ressources propres à l'ONF, pour 446 millions d'euros, soit quelque 624 millions d'euros, un peu moins du double des crédits budgétaires que vous demandez pour 2008 et qui s'élèvent à 321 millions d' euros.

Avec quelque surprise, j'ai noté que M. Bourdin semblait vous faire grief des 144 millions d'euros de versement compensateur à l'ONF. Haro sur les crédits de fonctionnement, semblait-il dire !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je me suis mal exprimé !

M. Yann Gaillard. J'ai peut-être mal compris.

Ce versement compensateur, dont vous avez-vous-même fait l'éloge et expliqué l'utilité, monsieur le ministre, a pour objet de permettre le financement du régime forestier dans les forêts communales, lequel s'impose à nos 11 000 collectivités forestières. Sans ce crédit, les frais de garderie payés par les communes à l'ONF dépasseraient les faibles capacités de ces dernières, qui sont souvent très petites, et la forêt péricliterait dans nos zones rurales, alors que le pays attend d'elle, entre autres, la fourniture de bois-matériau et de bois-énergie, la lutte contre l'effet de serre, la protection de la biodiversité, et j'en passe.

Pour ma part, tout en étant moi aussi, comme Joël Bourdin, un modeste servant de la « sainte LOLF » (Sourires), je me réjouis vivement que l'État ait, grâce à vous, monsieur le ministre, respecté l'engagement qui avait été pris à Épinal en juin 2006, et que le deuxième contrat de plan État-ONF 2007-2011 démarre ainsi, avec les communes forestières, dans une atmosphère apaisée.

Aussi ne reviendrai-je pas sur les quelques petites déceptions récentes que nous avons éprouvées.

D'une part, un amendement, adopté à l'Assemblée nationale, a privé de 2 millions d'euros les investissements forestiers au profit des agriculteurs. Il faut bien faire des concessions au Parlement...

D'autre part, un amendement qui nous a été distribué retire 750 000 euros à la forêt pour les bâtiments d'élevage, « en raison de la file d'attente et du profil particulier de l'échéancier de paiement propre à ces bâtiments », précise son objet.

Quoi qu'il en soit, tout cela est second, sinon secondaire, par rapport à la très grande satisfaction que vous nous avez donnée.

Dans ce débat fleuve sur l'agriculture, la forêt dispose de peu de temps. Je passerai donc sur bien des questions pour aller à l'essentiel, c'est-à-dire à l'avenir.

Nous sortons, monsieur le ministre, du Grenelle de l'environnement, dont vous avez été un acteur majeur avec Jean-Louis Borloo. Dans ce cadre, vous vous préparez à lancer les Assisses de la forêt. La semaine dernière, vous en avez défini l'ambitieux programme devant le Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois, où siègent presque tous les acteurs de l'interprofession : forêt-bois, élus, hauts fonctionnaires, forestiers privés et publics, regroupés dans l'association France-Forêt, industriels et savants de haut niveau. Il apparaît, si l'on en croit M. Roman-Amat, que notre forêt est menacée, qu'à l'échelle du demi-siècle le réchauffement climatique modifiera l'implantation géographique, voire la survie de certaines essences, tels le hêtre, le chêne pédonculé et l'épicéa. D'ores et déjà, les contributions aux futures assises s'élaborent.

Se fondant sur l'accord que l'on pourrait qualifier d'historique, et que vous-même avez salué, entre les forestiers, publics et privés, et les écologistes de « France Nature Environnement », l'association France-Forêt vous a présenté trois jeux de fiches. Partant des « références Grenelle » et présentant des plans d'action, elles portent sur le climat et le développement économique - bois-matériau, bois-énergie -, la biodiversité - c'est la fameuse « trame verte » -, l'adaptation de notre sylviculture à la nouvelle donne.

L'ambition affichée d'une mobilisation de la production forestière passe par une amplification de la densité forestière, en montagne comme en plaine, et par une généralisation de la certification. Vous avez fait vôtres ces orientations ambitieuses, monsieur le ministre. À cet égard, vous avez constitué trois groupes de travail qui préparent les Assises de la forêt et qui doivent vous remettre des propositions précises pour le 8 décembre.

Il va de soi que le document budgétaire qui nous est soumis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008 -c'est là que je voulais en venir - est très en-deçà de ces perspectives. Dans votre communiqué du 21 novembre, vous soulignez le rôle essentiel de la forêt - vous l'avez redit ce matin -, qui « stocke chaque année autant de C02 que le volume que l'on demande à nos industriels de réduire dans leurs émissions ».

Il faudra donc bien - ou le Grenelle ne sera qu'un mythe - qu'une étape nouvelle et volontariste s'ouvre dans l'action des pouvoirs publics. Comment seront financées ces mesures multiformes et importantes ? Un tel financement n'appelle-t-il pas le rappel à la vie du défunt Fonds forestier national, qui fut un magnifique instrument au service de la forêt française ?

On parle ici et là d'un « Fonds chaleur », auquel participeraient les activités économiques et fondé sur des combustibles fossiles. Ne pourrait-il s'agir - la nature même du sujet le suggère - d'un programme européen, puisque le réchauffement climatique menace toutes les forêts d'Europe ? Étant donné vos fonctions antérieures - bien connues - et vos convictions européennes - non moins bien connues ! (Sourires) -, une telle suggestion ne devrait pas vous laisser insensible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je ne ferai pas l'analyse de votre budget, puisque les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques se sont livrés à cet exercice ce matin même. Je partage, bien sûr, leurs conclusions.

Je souhaiterais simplement poser quatre questions -deux au ministre chargé de l'agriculture, deux au ministre chargé de la pêche - et faire une suggestion.

La première question concerne la production sucrière. La Seine-Maritime a été un très grand département sucrier. Presque chaque année, pour le tonnage de sucre par hectare, la Seine-Maritime arrivait en tête. Aujourd'hui, nous produisons sur près de 10 000 hectares, alors que notre potentiel est de 60 000 hectares environ.

Très longtemps, la production de sucre était répartie entre le quota B et le quota C, pour maintenir l'activité des entreprises, même si le cours mondial ne permettait pas de rémunérer à leur juste prix les tonnes de betteraves livrées. Le Brésil s'orientant vers la production d'éthanol et réduisant, par conséquent, sa production de sucre - ce n'est pas la seule cause -, les cours mondiaux ont augmenté. À ce moment-là, nous aurions bien voulu développer notre production de sucre pour pouvoir bénéficier d'un résultat économique intéressant, mais l'Europe ne l'a pas accepté !

M. Alain Vasselle. Ce sont des technocrates qui ont pris cette décision ! C'est un scandale !

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, ces données ne peuvent manquer d'interpeler toute personne de bon sens. ! Peut-être faudrait-il regarder cette situation afin de permettre à nos agriculteurs de relancer une activité économique importante de ce type et d'avoir de meilleurs revenus. De plus, pour l'équilibre de notre balance commerciale, cela ne pourrait être que positif.

Ma deuxième question s'adresse également au ministre de l'agriculture. Peut-être pourriez-vous nous dire un mot sur l'évolution des quotas laitiers. On dit beaucoup de choses, mais 2013, c'est demain ! Alors que va-t-il se passer ? Vous avez affirmé que vous feriez tout pour maintenir cette production laitière. Cela représente une sécurité pour ceux qui ont beaucoup investi, et Dieu sait que, dans ce domaine, il faut investir, et pour longtemps ! Nous souhaiterions que vous nous indiquiez l'orientation qui va être prise en ce domaine.

Mes deux dernières questions ont trait à la pêche. Monsieur le ministre, j'ai eu l'honneur et la chance d'être, dans les années quatre-vingt, l'un des représentants de la France à l'ONU lors de la conférence sur le droit de la mer.

À cette occasion, j'ai découvert beaucoup de choses, notamment la richesse des grandes profondeurs, avec les nodules polymétalliques. Mais ce n'est pas l'objet de mon propos. J'ai aussi découvert que la France était la deuxième puissance au monde de par sa zone économique. Cela signifie que nous avons un potentiel extraordinaire. Or nous sommes largement déficitaires, puisque 75 % des produits de la mer consommés par les Français sont importés. C'est tout de même assez étonnant !

Il serait bon de procéder à une analyse de la situation. Je saisis cette occasion, monsieur le ministre, pour vous adresser, ainsi qu'au Président de la République, tous mes remerciements pour les dispositions que vous avez prises rapidement. Elles étaient indispensables pour aider nos pêcheurs côtiers, qui étaient confrontés à des difficultés importantes et qui auraient pu voire leur situation empirer du fait de l'augmentation du coût du carburant. Vous avez réagi très vite, ce qui a permis, de calmer les choses et de les sécuriser.

J'ai longtemps représenté - et je représente encore, puisqu'elle se situe à quelques encablures de chez moi - la grande ville de Fécamp, qui a été une zone de pêche très importante. Elle le demeure en matière de pêche côtière, mais le temps des grands chalutiers est révolu. Il est donc inutile de se poser des questions sur les mesures que nous pourrions être conduits à prendre pour relancer cette grande pêche.

Par ailleurs, compte tenu de l'étendue de nos côtes et de notre zone économique, l'alimentation en produits de la mer ne se fera pas uniquement à partir de la pêche faite au large. Dès lors, le développement de l'aquaculture devrait prendre plus d'importance. Là encore, nous sommes extrêmement faibles, monsieur le ministre, mais notre potentiel est extraordinaire.

Peut-être pourriez-vous nous apporter quelques précisions. Je vous suggérerai d'organiser une table ronde, et non pas de grands colloques, où nous sommes trop nombreux et qui nous font perdre notre temps. Ainsi, nous serions à même d'examiner la situation des intéressés, d'analyser les causes et d'envisager une disposition pour relancer cette activité. Importer 75 % des produits de la mer pour couvrir nos besoins alimentaires est, d'une certaine manière, inacceptable !

Telles sont les réflexions que je souhaitais vous soumettre. Monsieur le ministre, nous somme à vos côtés. L'agriculture et la pêche sont à un tournant extraordinaire. Comme vous l'avez dit, c'est peut-être le moment de rebondir. Nous comptons sur vous et nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » intervient une nouvelle fois dans un contexte budgétaire contraint. L'essentiel des mesures à destination du monde agricole sont néanmoins préservées.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont été largement et très bien commentés par les rapporteurs ce matin. Je voudrais, dans le temps qui m'est imparti, insister sur plusieurs points.

Tout d'abord, je me félicite de la reconduction de la prolongation des dispositifs de remboursement partiel de taxe intérieure sur les produits pétroliers, ou TIPP, et de taxe intérieure sur le gaz naturel au profit des exploitants agricoles. Cette mesure était très attendue par la profession, qui doit faire face, comme chacun le sait, à l'augmentation du coût des carburants, ce qui induit des hausses importantes, notamment des engrais.

Je serai plus nuancé sur la situation du financement des investissements en bâtiments, qui est un sujet de préoccupation très fort, car les subventions du plan national pour le bâtiment sont insuffisantes, alors que les prêts bonifiés ont été quasiment supprimés. La situation de certains jeunes agriculteurs est difficile, voire précaire.

Je sais, monsieur le ministre, que vous avez pris en compte une partie de ces considérations, puisque nous avons appris, le 24 novembre dernier, que vous aviez mobilisé pour les prêts bonifiés des crédits complémentaires sur le budget du ministère de l'agriculture et obtenu du Premier ministre une ouverture complémentaire.

Pouvez-vous me confirmer, monsieur le ministre, d'une part, que la région Rhône-Alpes, qui nous est chère, recevra bien une enveloppe de 1,85 million d'euros et, d'autre part, que vous travaillerez prochainement avec le président des jeunes agriculteurs à une adaptation du mécanisme des prêts bonifiés en 2008, afin d'éviter les files d'attentes ?

M. Michel Barnier, ministre. C'est « oui » à ces deux questions !

M. Bernard Fournier. Il y va de la modernisation et de l'amélioration des outils et des conditions de travail des exploitants, ainsi que de la difficile préparation de nos régions à une prochaine révision de la PAC, que la commissaire européenne a annoncé et qui risque fort de fragiliser les agriculteurs.

Ensuite, le projet du ministère prévoit une baisse de 1 million d'euros du budget des préretraites et de 50% des crédits destinés aux agriculteurs en difficulté, alors que les enveloppes sont déjà très insuffisantes.

Deux points relatifs au budget social me semblent très importants.

Le premier concerne la revalorisation des petites retraites, annoncée par le Président de la République au cours de sa campagne, et qui est très attendue. Je sais que ce sujet vous tient particulièrement à coeur et que, depuis plusieurs années, des avancées ont été obtenues sur ce dossier, notamment sous le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.

M. Bernard Fournier. Il convient de poursuivre ces efforts.

Le second point est relatif à l'équilibre du budget global de la MSA, qui connaît un nouveau déficit de 2,7 milliards d'euros pour 2008, soit un cumul de 8,5 milliards d'euros sur quatre ans. Cette situation inquiète beaucoup la profession. Les prévisions de hausse des cotisations agricoles sont évaluées, me semble-t-il, à 2,4 % alors que la compensation démographique baisse pour la quatrième année consécutive. En d'autres termes, les bases de calcul de la compensation démographique entre régimes doivent être impérativement revues.

Dans le domaine de l'eau, le projet du ministère prévoit des possibilités de financement uniquement pour les retenues dites de substitution. Or les organisations professionnelles, notamment dans mon département, souhaitent une relance vigoureuse de la politique de stockage de l'eau, car les besoins sont très importants que ce soit pour irriguer les cultures ou pour abreuver les cheptels.

Lors de la sécheresse de 2003, certains réseaux publics ont été en quasi-rupture de disponibilité. Il s'agit d'une politique à long terme, nécessaire, qui ne peut se résumer à la simple substitution des pompages actuels par des retenues. Le soutien à tous les projets de retenues collinaires est indispensable.

Une ambition doit être clairement affichée sur ce point, d'autant plus que des solutions de stockage d'eau « écologiquement » acceptables existent aujourd'hui.

Que cette eau soit stockée pour irriguer les champs ou pour abreuver les animaux, notre principal souci est de sécuriser les exploitations confrontées aux aléas climatiques, afin de garantir les volumes de production et d'assurer une qualité constante, conformément aux demandes des marchés. Faute de quoi nous risquons, par manque de marchandises, de perdre des clients, ce qui serait dramatique, car une grande partie de nos débouchés est tournée vers le marché local.

Je profite de mon intervention pour relayer la très forte inquiétude des agriculteurs frappés par la crise porcine qui sévit depuis la fin du printemps dernier, et qui va fragiliser, voire anéantir, de nombreuses exploitations.

Du fait du renchérissement du coût des aliments de base et de la baisse des prix de vente, la perte s'élève à 33 euros par porc, et la Commission européenne refuse d'autoriser à nouveau les aides à l'exportation, seul moyen de soulager le marché.

M. Michel Barnier, ministre. Elle a accepté la semaine dernière !

M. Bernard Fournier. Je m'en réjouis.

En conclusion, en ma qualité d'élu d'un département couvert par un domaine forestier de 125 000 hectares - soit près de 30 % de sa superficie -, les deux tiers en résineux et un tiers en feuillus, réparti entre 50 000 propriétaires, je conclurai en évoquant la forêt.

Monsieur le ministre, je ne peux qu'être satisfait de l'ouverture, le 21 novembre dernier, des Assises de la forêt. Elles ont pour objectif de renforcer la production forestière en l'inscrivant dans une gestion durable, prenant en compte la biodiversité forestière et la gestion des risques.

Je souscris aux propos que vous avez tenus devant nos collègues députés lorsque vous avez  envisagé « un doublement de la récolte commercialisée à l'échelle de dix ans, ce qui est compatible avec les capacités physiques de notre forêt, mais qui nécessite une gestion soutenue ». Et vous ajoutiez : « Pour ce faire, nous prendrons des mesures afin d'obtenir une augmentation rapide de la récolte, non seulement dans les forêts domaniales, mais aussi dans les forêts privées. »

Ce sont des engagements très forts et j'espère que nous pourrons les tenir. C'est un choix économique, mais aussi écologique, puisque les espaces forestiers constituent le plus grand réservoir de biodiversité de notre pays. Ils préservent les sols, les ressources en eau, l'air, les paysages.

Le seul bémol vient de l'augmentation des normes européennes, de plus en plus contraignantes, qui obligent à une modernisation et à une ouverture vers les nouvelles technologies, s'agissant en particulier du bois de charpente; qui seront, me semble-t-il, difficiles à mettre en oeuvre.

Vous avez aussi répondu à l'inquiétude des sylviculteurs en réaffirmant que le plan chablis sera bien poursuivi et ce, a priori, dans les mêmes conditions. Il continuera donc à bénéficier des cofinancements communautaires.

Monsieur le ministre, vous avez, bien sûr, tout mon soutien et je vous remercie à nouveau très chaleureusement et très sincèrement de l'attention que vous portez au monde agricole et au développement de nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Panis.

Mme Jacqueline Panis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera essentiellement sur la filière équestre, qui n'a pas encore été évoquée mais à laquelle bon nombre d'entre vous sont, comme moi-même, très attachés. Je pense, notamment, aux membres du groupe « Cheval » du Sénat.

Sur le plan européen, la filière « cheval » est remise en cause à deux niveaux distincts.

En premier lieu, la fin du monopole du PMU et l'ouverture maîtrisée des jeux en France inquiètent fortement les professionnels de la filière qui, forte de 60 000 emplois directs, défend le système français alliant agriculture, sport et éducation.

A cet égard, monsieur le ministre, est-il prévu, à l'instar des obligations pesant sur le PMU, qu'une partie des gains obtenus lors des paris soit reversée à la filière équestre via le fonds Éperon ?

En second lieu, la Commission européenne a mis en demeure les Pays-Bas et interrogé sept autres pays, dont la France, sur le passage d'un taux réduit à un taux plein de TVA applicable à la vente d'équidés non destinés à la consommation alimentaire.

Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce sujet ? Vous concevez aisément les lourdes conséquences d'une telle décision, la filière équestre faisant partie intégrante de l'agriculture.

Par ailleurs, sur le plan national, pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur l'application du bouclier fiscal afférent à la filière équestre ? En effet, un crédit d'impôt est envisagé pour l'acquisition ou l'élevage d'un cheval français destiné au sport de haut niveau, selon une liste définie par arrêté ministériel, dans la limite de 25 % et de 60 000 euros annuels.

Cette mesure vise à conserver en France les chevaux de haut niveau et à les valoriser, dès lors que le coût de la mise au travail de ce type d'équidés ne peut être compensé avant plusieurs années, du fait de quasi-absence de gains en compétition.

Pouvez-vous nous confirmer cette mesure et nous apporter quelques précisions sur son application ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à souligner que vous êtes contraint, eu égard aux orientations gouvernementales clairement dirigées vers la réduction des déficits et la maîtrise des dépenses publique, de vous contenter d'une enveloppe en baisse de 2,1 % en crédits de paiement pour la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Je constate que vous avez su opérer des choix stratégiques, parmi de multiples axes d'intervention, afin de privilégier les dispositifs les plus efficaces, et je tiens à vous en féliciter.

Ce projet de budget s'inscrit dans une conjoncture très importante pour notre agriculture, puisque 2008 sera l'année du « bilan de santé » de la PAC et celle des Assises de l'agriculture, auxquelles le Parlement sera associé, ce dont je vous remercie.

Ces différents rendez-vous seront essentiels afin de répondre aux nombreuses préoccupations exprimées par le monde agricole, qui subit des crises sanitaires à répétition, souffre de l'augmentation du prix du gazole, du coût des céréales qui fragilise les filières porcines et aviaires, ainsi que du partage, toujours délicat, de la valeur ajoutée avec la grande distribution.

Le 20 novembre dernier, la Commission européenne a présenté une série de recommandations en vue de l'élaboration de la réforme destinée à moderniser la politique agricole commune. L'objectif affiché est de l'adapter à la flambée des cours mondiaux du secteur. A titre d'exemple, le cours du blé à la cotation de Chicago s'est envolé, avec une hausse de 58 % en un an ; à Paris, le cours du maïs a augmenté de plus de 27%.

L'explosion de la demande dans des pays tels que la Chine et l'Inde est à l'origine de cette hausse des prix qui, nous en sommes tous convaincus, va durer.

On constate, sur ce point, un parallélisme saisissant avec l'évolution des prix des matières premières industrielles.

Ce renchérissement a remis au goût du jour le besoin de produire plus, après des décennies de maîtrise de la production au sein de l'Union européenne. Il démontre l'importance de la réactivité dont doivent faire preuve les agriculteurs de notre pays.

Cependant, l'approche esquissée par la Commission européenne ne semble pas conforme aux traités dont elle est censée être la gardienne ni à l'esprit du « modèle agricole européen ».

Une PAC fondée pour l'essentiel sur des aides totalement découplées et des programmes de développement rural ne paraît pas susceptible, d'une part, de répondre de manière adéquate à certaines attentes légitimes des citoyens européens et, d'autre part, d'assurer la vocation exportatrice de la filière européenne de l'agroalimentaire. Je vous rappelle que l'excédent de notre balance commerciale agroalimentaire est de 7 milliards à 8 milliards d'euros par an.

Je tiens, par ailleurs, à souligner le rôle éminemment stratégique de l'agriculture. Il ne me semble pas opportun de lui étendre, tant pour les politiques internes que pour le commerce international, un modèle économique élaboré pour l'industrie et pour certains services.

En effet, différents facteurs tels que l'accroissement démographique mondial, le réchauffement climatique, le renchérissement des coûts de transport des produits agricoles, plaident en faveur du maintien d'une agriculture dynamique, capable de répondre aux besoins des Européens et d'être présente sur les marchés mondiaux.

Partisan d'une politique agricole plus ambitieuse et plus active, je considère que le système des aides directes découplées devra évoluer vers un meilleur ciblage, ce qui permettra d'améliorer leur efficacité et leur légitimité. Des aides ciblées pourraient éventuellement contribuer à conforter la vocation productive et exportatrice de l'agriculture au sein des organisations de producteurs, par contractualisation avec l'industrie de transformation.

Par ailleurs, il est désormais acquis que, demain, le revenu des agriculteurs sera assuré davantage par le marché. Parallèlement, il convient de mettre en place différentes garanties.

Monsieur le ministre, je salue votre volonté de considérer la gestion des risques et des aléas comme un sujet important, puisque vous abondez de deux millions d'euros les crédits consacrés à l'assurance récolte. C'est un signal positif. En effet, le développement de l'assurance récolte, qui permet, par d'autres voies, une garantie de revenus, m'apparaît pertinente. Elle est un peu dans l'esprit des mécanismes de soutien qui existent aux États-Unis.

Je me réfère sur ce sujet à l'excellent rapport de notre collègue Dominique Mortemousque. Après avoir constaté l'impossibilité de laisser coexister, à terme, deux systèmes concurrents, l'un fondé sur une indemnisation assuré par les pouvoirs publics et l'autre sur une individualisation de la gestion du risque, il évoque plusieurs scénarii de développement de l'assurance récolte reposant sur un engagement financier constant de l'État et sur une offre publique de réassurance, indispensable afin de couvrir les aléas climatiques de grande ampleur.

En effet, le régime des calamités agricoles ne répond plus aujourd'hui aux besoins des exploitants agricoles, qui doivent en permanence s'adapter aux demandes du marché, donc bénéficier d'une couverture plus forte contre les aléas.

Dans le même ordre d'idées, compte tenu de la répétition des crises sanitaires, il convient de mettre en place un dispositif d'assurance contre les aléas sanitaires.

En tout état cause, si l'on souhaite que la gestion des crises et des risques soit un thème majeur du « bilan de santé » de la PAC et de la réforme de la politique agricole pour l'après-2013, la France doit jouer un rôle précurseur et s'engager à proposer rapidement une offre assurantielle de base, accessible à tous, pour toutes les productions.

Enfin, j'insiste sur le fait que le soutien à la recherche et à l'innovation devrait devenir une dimension essentielle de la PAC, favorisant ainsi, dans le respect de l'environnement, l'émergence de nouvelles pratiques culturales assurant à la fois une forte productivité, une gestion durable des ressources naturelles, le développement de la « chimie verte » et des bioproduits.

Nous ne pouvons absolument pas ignorer l'évolution technologique mondiale, sauf à créer irrémédiablement une distorsion de concurrence à l'égard de nos propres agriculteurs. Notre collègue M. Fournier l'a également évoqué tout à l'heure à propos de la crise porcine : il est bien évident qu'aujourd'hui le différentiel du prix du maïs en Europe et aux Etats-Unis - il varie du simple au double - est en partie sous-tendu, précisément, par le recours aux biotechnologies.

Vous savez, monsieur le ministre, que, surveillant ces sujets depuis sept ou huit ans, je considère que notre approche en matière de biotechnologies doit s'intégrer dans l'évolution de la sélection variétale, comme cela fut le cas, il y a une cinquantaine d'années, à travers notre engagement pour la création d'hybrides, qui a permis de multiplier par dix ou quinze les rendements des céréales.

Je me réjouis donc de l'examen prochain par le Parlement d'un projet de loi sur les OGM, et je salue votre courage politique sur ce point. Permettez-moi simplement de vous demander d'être beaucoup plus sensible aux avis, que ce soient ceux de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire, de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ou, justement, du commissaire européen M. Dimas.

Je crois très sincèrement que nous ne pouvons pas rester plus longtemps à l'écart de cette évolution, au-delà même du contentieux qui est pendant au niveau de l'OMC ; sur ce dernier point, le groupe spécial a certes permis à l'Union européenne d'obtenir un sursis jusqu'au 11 janvier 2008, mais cela ne réglera pas, loin s'en faut, le problème.

De même, nous nous devons de bien prendre en compte la donne environnementale, préoccupation qu'il faut également inclure dans les règles de l'OMC. Les travaux menés dans le cadre du Grenelle de l'environnement sont une parfaite illustration de cet enjeu, au même titre que les efforts entrepris par la France pour promouvoir la transformation du Programme des Nations unies pour l'environnement, le PNUE, en Organisation des Nations unies pour l'environnement, l'ONUE.

L'ONUE nous apporterait une autorité politique renforcée et nous permettrait de rationaliser le système actuel de bonne gouvernance. Il est, en effet, de moins en moins acceptable que certains pays produisent des biens agricoles en s'exonérant des contingences environnementales auxquelles souscrit l'Union européenne. Je voudrais, sur ce point, souligner la proposition française qui consiste à revisiter la notion de préférence communautaire et qui, sans aller jusqu'au protectionnisme, s'oriente vers la notion de préférence collective ; je fais, en particulier, référence à l'analyse de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État aux affaires européennes, qui demande davantage de réciprocité entre pays dans les échanges commerciaux internationaux.

Nous devons donc aborder l'actuel « bilan de santé » pour 2008-2009 et le débat sur l'« après-2013 », qui a déjà commencé, dans un esprit offensif, en défendant une PAC ambitieuse, mais aussi dans un esprit ouvert. La situation sera très différente de celle que nous avons connue jusqu'ici, et nous n'avons pas intérêt à l'aborder sous un angle défensif, en essayant de préserver à tout prix les schémas hérités du passé.

La France assurera la présidence de l'Union européenne au second semestre 2008, quand les propositions législatives sur la PAC devront être présentées par Bruxelles. La présidence française devra alors mener à bien la conduite de cette réforme délicate. Je sais, monsieur le ministre, pouvoir compter sur votre expérience en matière de négociation européenne et sur votre détermination pour faire passer un certain nombre de messages auprès de nos partenaires.

Je soulignerai, enfin, l'importance que je continue d'accorder à la valorisation de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles, seuls capables de préserver la compétitivité de nos produits sur le marché mondial. Je me réjouis donc de l'augmentation de 2 % des crédits qui leur sont alloués, dans un contexte budgétaire contraint.

Pour terminer, j'évoquerai d'un mot la nécessaire simplification administrative, qu'il faut intensifier.

Sachez, monsieur le ministre, que je vous apporterai mon entier soutien dans l'examen de votre projet de budget comme de l'ensemble de la politique agricole du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce moment du débat, beaucoup de choses ayant été dites, je me contenterai de me faire le relais de la viticulture, de l'arboriculture et de l'agriculture méditerranéennes françaises.

Vous connaissez la gravité de la crise qu'elles traversent, l'une des plus profondes depuis plusieurs générations. Dans mon département, par exemple, le revenu des viticulteurs accuse une baisse de 40 %, et près de 10 % du vignoble, plus de 2 500 hectares, viennent d'être déclarés « destinés à l'arrachage définitif ».

Ainsi, l'arrachage, qui devait être une mesure qualitative, s'est-il transformé en mesure sociale. C'est un patrimoine irremplaçable qui est jeté dans les décharges ! Pis, nos paysages, matière première de l'économie touristique, sont meurtris, les équilibres écologiques compromis, les friches périurbaines livrées à l'appétit des spéculateurs immobiliers.

Il ne s'agit pas seulement d'une crise sans précédent frappant une filière économique : c'est le développement durable des territoires, c'est leur identité même qui sont atteints.

L'arboriculture et l'agriculture maraîchère méditerranéennes sont dans la même situation. Je signale par exemple que, comme les pêcheurs, les producteurs « sous serre » viennent de prendre de plein fouet la flambée du prix du fuel : un hectare de serre, ce sont 20 tonnes de fuel par an, et le chauffage représente plus de 30 % du coût de production de la tomate sous serre.

Monsieur le ministre, les mesures, légitimes, en faveur des pêcheurs ne seraient-elles pas légitimes aussi pour ces maraîchers, qui subissent en outre une concurrence internationale implacable ?

Il faut le dire clairement : l'agriculture méditerranéenne va de crise en crise et de mesures conjoncturelles en mesures conjoncturelles. Or, à la veille de l'ouverture des marchés méditerranéens, il faut des mesures structurelles d'une ampleur sans précédent pour abaisser le coût de la main-d'oeuvre, pour moderniser les exploitations, pour soutenir les efforts collectifs de commercialisation ou encore l'innovation et la recherche. C'est, en fait, une nouvelle approche de l'agriculture méditerranéenne qu'il faut définir.

Monsieur le ministre, il convient de remettre l'agriculture méditerranéenne au coeur du processus de Barcelone. Nous vous avons proposé qu'un forum EUROMED aborde ces questions - nous avons même suggéré qu'il se tienne à Perpignan ! - et amorce des pistes concrètes.

Nos agriculteurs, nos arboriculteurs, nos viticulteurs, veulent de la lisibilité ; c'est l'exigence des nouvelles générations. Face à une concurrence économique de plus en plus inégale, ils s'interrogent, en effet, sur notre capacité politique à donner un avenir à nos productions méditerranéennes. Ils attendent du Gouvernement un courage politique sans faille.

Je sais, monsieur le ministre, la qualité de votre écoute et votre détermination. En retour, sachez que l'agriculture méditerranéenne attend beaucoup de vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.

M. Raymond Couderc. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier de nous avoir fait l'honneur de votre présence au Salon international des techniques et équipements vitivinicoles et arboricoles, le SITEVI, qui s'est tenu à Montpellier la semaine dernière.

Vous nous y avez, notamment, montré tout le soutien que vous apportez à la viticulture languedocienne et votre engagement à nos côtés pour préserver et promouvoir le « plus grand vignoble de France ». Vous nous avez également présenté les grandes orientations du « plan de modernisation de la viticulture française » que le Président de la République vous a chargé de mettre en oeuvre. Enfin, vous avez répondu dans votre discours à nos inquiétudes plus immédiates, concernant en particulier les préretraites des viticulteurs, la question des arriérés de cotisations sociales pour certains d'entre eux, ainsi que la pérennisation du dispositif de reconversion qualitative différée.

Nous espérons également que les mesures d'exonération ou de report de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, ainsi que les dispositions qui répondent au problème des dotations en droits à paiement unique après arrachage, aboutiront effectivement dans un sens favorable à la viticulture languedocienne en particulier, et française en général.

Mais c'est surtout sur la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole que je souhaite attirer l'attention du Gouvernement.

La proposition de résolution, déposée par notre collègue Gérard César sur ce sujet et adoptée par le Sénat le 21 novembre dernier, va dans le bon sens ; les viticulteurs s'en réjouissent. Cependant, ils souhaitent insister sur deux points qui continuent à cristalliser tout particulièrement leurs inquiétudes : d'une part, la mention du cépage et du millésime sur les vins sans indication géographique et, d'autre part, l'équité de la répartition des enveloppes nationales entre les représentants de la production viticole dans leur ensemble.

Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que ma région, le Languedoc-Roussillon, est la première région européenne productrice de vins. Or, elle est précisément parvenue à ce que le vignoble français des vins de cépage soit identifié au label « Vin de Pays d'Oc », dont le succès commercial ne se dément pas et qui représente 90 % des vins de cépage français. Ceux-ci sont axés sur la qualité, en particulier grâce à des agréments, et sur la traçabilité, liée à leur indication géographique ; ils répondent aux tendances internationales de consommation du vin, avec des conditionnements modernes et innovants.

Tandis que les vins du Nouveau monde, en particulier ceux de nos principaux concurrents -  la Californie et l'Australie -, adoptent aujourd'hui une stratégie de montée en gamme à travers une multiplication des indications géographiques qui leur permet de territorialiser leurs productions, les vignerons du Languedoc-Roussillon déplorent que les propositions de réforme de l'OCM vitivinicole formulées par la Commission européenne comportent la possibilité de mentionner le cépage et le millésime sur des vins sans indication géographique.

Il s'agit là d'un véritable danger de nivellement par le bas : les vins de cépage seraient assimilés à une simple matière première, sans origine ni critère distinctif de qualité. Cette logique productiviste des vins de cépage risque de favoriser l'offensive des vins du Nouveau monde, qui deviendront de fait plus rassurants pour le consommateur.

Pourquoi vouloir porter atteinte au segment de marché le plus porteur de valeur ajoutée dans une région de monoculture viticole ? D'autant plus qu'un consensus s'est établi en faveur du respect des pratiques oenologiques traditionnelles ayant cours dans certaines régions, telle la chaptalisation - pratiques, d'ailleurs, nécessaires à l'élaboration de vins qui ont fait la réputation mondiale de la France !

En ce sens, je souhaite conforter la position de mon collègue Gérard César quant à la rédaction d'un cahier des charges très strict encadrant l'élaboration de ces vins, afin de ne pas déstabiliser l'ensemble du bassin viticole du Languedoc-Roussillon. Je demande au Gouvernement que ce cahier des charges soit rédigé en étroite collaboration avec les professionnels des Vins de Pays d'Oc, qui voient dans cette nouvelle OCM une atteinte à leur modèle économique qu'ils vivent comme un déclassement, comme un retour en arrière qui anéantirait la révolution qualitative engagée depuis plus de trente ans.

En outre, et c'est le second point, je souhaite que la répartition des enveloppes nationales soit conduite dans le respect du nécessaire principe d'équité, de façon que l'ensemble des représentants de la production viticole en bénéficient.

Pour ce qui est des opérations finançables par ces enveloppes nationales, je tiens à souligner qu'il est impératif, dans les actions de restructuration des entreprises, de prendre en compte les vignerons indépendants, dont la stratégie de commercialisation et de production est tout à fait spécifique par rapport à celle des caves coopératives.

Si l'on devait reconduire en l'état la liste des opérations finançables, cela risquerait de se faire au mépris de ce principe d'équité entre tous les représentants de la production viticole. Je tiens à rappeler que, en Languedoc-Roussillon, la filière compte 253 caves coopératives et 1 477 caves particulières ; vous comprendrez, dans ces conditions, que l'équilibre entre caves coopératives et caves particulières nous tienne particulièrement à coeur ! Nous serons donc particulièrement vigilants sur ce point. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, c'est à un exercice difficile et donc forcément imparfait que je vais me livrer en répondant à autant de questions, qui démontrent un véritable intérêt du Sénat pour ce budget, intérêt dont je ne suis d'ailleurs pas étonné.

Un grand nombre d'intervenants - Yvon Collin, Daniel Soulage, Michel Doublet, Bernard Barraux, Claude Biwer, Bernard Fournier, Gérard Bailly, Philippe Nogrix, Bernard Piras, Georges Mouly, Gérard César, Gérard Le Cam, Alain Vasselle - ont évoqué les sujets sociaux. Je tiens à rendre tout d'abord un hommage particulier à Jean-Pierre Raffarin, car, depuis 2003, époque à laquelle il était Premier ministre - et je suis d'ailleurs extrêmement heureux d'avoir participé à l'un de ses gouvernements -, un certain nombre d'avancées sont enregistrées en matière de retraites.

La mise en place de la retraite complémentaire obligatoire a permis aux pensions d'atteindre le niveau de 75 % du SMIC. Depuis le 1er janvier 2007, la durée minimale d'activité pour bénéficier d'une revalorisation a été abaissée à vingt-deux ans et demi, et la minoration de pension pour années manquantes, qui était de 15 %, est passée à 5,5 % et s'établira à 4 % au 1er janvier 2008.

Cependant, comme vous avez été très nombreux à le souligner - le chef de l'État l'a d'ailleurs dit lui-même dans son discours de Rennes -, il reste des situations très difficiles pour lesquelles de nouveaux efforts sont souhaitables.

Nous allons veiller à ce que la situation des anciens agriculteurs les plus modestes, et plus particulièrement des agricultrices, soit prise en compte dans le cadre du grand rendez-vous sur les retraites de 2008.

J'en viens au budget social du FFIPSA. Son déficit est important, puisqu'il dépassera 2 milliards d'euros pour 2007, 5 milliards d'euros en cumulé. Ce déficit est lié non pas à un problème de gestion du régime ou des prestations, mais aux recettes insuffisantes qui ont été affectées. Cette année, la dette de l'État à l'égard du BAPSA - 619 millions d'euros -, reprise lors de la création du FFIPSA, sera apurée en loi de finances rectificative.

Le solde du déficit devrait être traité dans le cadre plus large de la réduction de la dette des autres régimes. Je vais engager avec Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, les travaux nécessaires dès les prochaines semaines, et ce avec l'objectif d'assurer le financement pérenne des régimes agricoles tout en préservant leur spécificité et leur gestion mutualiste.

André Lejeune a évoqué le problème des agriculteurs en difficulté. La loi de financement de la sécurité sociale permet, depuis le 1er janvier 2007, de financer les prises en charge partielles de cotisations en faveur de ces agriculteurs : 15 millions d'euros y seront consacrés en 2008 dans le budget de la mutualité sociale agricole.

Odette Terrade et Paul Girod ont évoqué les contrôles et le poids administratif pour les agriculteurs. Nous y reviendrons tout à l'heure lors de l'examen de l'amendement de Claude Biwer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la réalisation des contrôles est fortement contrainte par le droit communautaire. Il s'agit, en contrepartie des aides européennes, d'assurer la sécurité sanitaire de la production et d'éviter les risques pour l'environnement. Dans ce cadre, les marges de manoeuvre quant au principe et au volume des contrôles sont réduites, mais, j'en conviens, des progrès peuvent être réalisés ; j'entends d'ailleurs bien ce qui est dit à ce sujet lors de mes différents déplacements chaque semaine en province.

Voilà pourquoi un rapport du corps d'inspection du ministère de l'agriculture et de la pêche a publié en 2004 une première série d'engagements.

Afin d'aller plus loin dans cette voie, j'ai demandé à Yves Simon, ancien député, de me présenter des propositions plus innovantes, et, tout en respectant le cadre communautaire, je m'efforcerai de simplifier et de mieux coordonner ces contrôles. C'est vrai pour l'agriculture, mais c'est vrai aussi pour la pêche.

Jean Boyer, par la voix de Philippe Nogrix, mais aussi Jacques Blanc et Adrien Gouteyron par écrit, m'ont interrogé sur l'agriculture de montagne.

Ayant présidé pendant dix-sept ans le conseil général de Savoie, je suis d'ores et déjà convaincu de l'importance de l'agriculture de montagne ! Cette dernière bénéficie d'enveloppes particulièrement importantes : 510 millions d'euros en 2007 pour l'ICHN.

S'agissant du plan « bâtiments » - je répète ce que j'ai indiqué récemment aux représentants des communes des régions de montagne en Lorraine ou en Alsace -, l'expérience de 2005 et 2006 montre que 42 % des crédits - j'y insiste - profitent aux 28 % de dossiers issus des zones de montagne.

En 2008, notre effort sera poursuivi, et l'aide à la mécanisation en montagne, sujet que vous n'avez pas évoqué, sera maintenue.

S'agissant des prêts aux jeunes agriculteurs, le maintien des taux à 1 % en zone de montagne, alors que le loyer de l'argent est depuis le 1er novembre à 4,77 %, entraîne une bonification de 25 400 euros si le prêt porte sur un plafond de 110 000 euros par bénéficiaire.

Je suis soucieux d'une bonne prise en compte de la spécificité de la montagne dans les réflexions sur la PAC ; c'est d'ailleurs l'un des sujets que j'ai évoqués à l'occasion du bilan de santé dont nous commençons la discussion.

Charles Revet a évoqué les quotas laitiers. J'ai émis des réserves de principe sur la question de la suppression des quotas telle qu'elle est envisagée en 2013.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. C'est très bien ! Il faut les maintenir !

M. Michel Barnier, ministre. La majorité de nos partenaires européens sont favorables à la suppression des quotas, qui constituent une contrainte parce qu'ils nous empêchent d'augmenter nos productions - j'observe toutefois que la France est globalement à 600 000 tonnes en dessous du quota national -,...

M. Charles Revet. Exactement !

M. Michel Barnier, ministre. ...mais qui comportent un avantage, monsieur Revet, dans la mesure où les quotas sont fixés par département. Or, à des quotas départementalisés s'attachent par définition des outils de transformation, des laiteries ou des usines qui sont eux aussi territorialisés.

Par conséquent, avant d'accepter la suppression des quotas, je veux vérifier, en concertation avec la filière laitière, que l'ouverture éventuelle de ce système ne nous conduirait pas à une sorte de « déménagement » de l'économie laitière de notre pays.

M. Charles Revet. Exactement !

M. Michel Barnier, ministre. Je serai très vigilant sur ce point.

Georges Mouly, André Lejeune et Gérard Bailly ont évoqué l'ICHN. Cette indemnité est essentielle pour la poursuite d'une activité agricole en zone défavorisée, en particulier en zone de montagne. Le budget qui lui est consacré est de 520 millions d'euros en 2007, cofinancement communautaire compris, à comparer à 427 millions d'euros en 2001, et cette indemnité profite à 100 000 exploitations situées en zone défavorisée.

La majoration des vingt-cinq premiers hectares a été progressivement augmentée de 10 % en 2002 à 35 % en 2007 en zone de montagne, 30 % en zone de plaine et piémont, ce qui a permis de doubler le montant unitaire par exploitation en dix ans.

Je veux dire à Odette Herviaux qu'elle a fait une légère erreur dans son intervention, puisque, s'agissant des aides pour l'installation, ce sont non pas 100 millions d'euros de moins, mais 100 000 euros de moins. Avec l'abondement opéré au Sénat, nous sommes désormais au-delà de ce qui avait été fait en 2007.

Odette Herviaux, André Lejeune, Bernard Fournier, Georges Mouly, Claude Biwer et Michel Doublet ont évoqué le dossier de l'installation des jeunes agriculteurs. Pour répondre à la demande légitime des jeunes agriculteurs qui veulent s'installer - avec 16 000  par an, dont 10 000 concernant des jeunes de moins de quarante ans, nous enregistrons une hausse - j'ai pu, en raclant les fonds de tiroirs, et avec l'accord du Premier ministre, trouver un complément de 20 millions d'euros à la fin de cette année pour abonder les crédits nécessaires pour les prêts. Par ailleurs, je confirme à Bernard Fournier que 1 850 000 euros seront affectés à la région Rhône-Alpes, qui nous est chère, même si je n'en suis plus actuellement l'élu !

M. Henri de Raincourt. Pour le moment !

M. Michel Barnier, ministre. Restons sur notre sujet, si vous le voulez bien ! (Sourires.)

Jean-Paul Alduy, Michel Doublet et Raymond Couderc ont évoqué l'OCM vitivinicole. Je ne reviendrai pas sur la discussion qui a eu lieu ici au Sénat, lors de l'examen et du vote unanime de la proposition de résolution présentée par Gérard César.

M. Charles Revet. Très bonne résolution !

M. Michel Barnier, ministre. Je m'en tiendrai à ce que j'ai indiqué. J'ajouterai toutefois, en réponse à Jean-Paul Alduy, que je suis très attentif à la dimension agricole du projet d'Union méditerranéenne proposé par le Président de la République. C'est la raison pour laquelle je suis allé récemment en Tunisie et en Libye, et je continuerai ce travail de concertation au niveau des deux rives du bassin méditerranéen pour donner une dimension agricole et rurale, notamment à ces sujets d'écologie et de stress hydrique qui nous concernent de plus en plus en raison du réchauffement climatique.

Monsieur Raymond Couderc, je suis très attentif à la question des étiquettes et des indications géographiques, afin de ne pas pénaliser - je l'ai d'ailleurs dit récemment à Montpellier - l'effort considérable réalisé par les vins de pays en vue de la préservation et la maîtrise de la qualité.

Charles Revet a évoqué le problème du sucre. La réforme de l'OCM du sucre, dont j'ai longuement parlé tout à l'heure avec les producteurs de betteraves réunis en assemblée générale, entraînera une baisse du quota de production de 14 % en moyenne d'ici à 2010 et une restructuration de l'industrie sucrière européenne et française.

Il vaut mieux, me semble-t-il, anticiper et prévenir plutôt que de devoir réparer plus durement encore dans quelques années. Cette restructuration concernera plusieurs régions, et certaines fermetures d'usines sont en effet prévues. Elle sera accompagnée financièrement par la Commission européenne, et je suis attentif à ce qu'elle se prépare en respectant la pérennité de nos principaux bassins betteraviers.

Michel Doublet a évoqué la rotationnelle. Le projet de loi de finances a été en effet établi en prévoyant de suspendre la souscription de nouveaux contrats en 2008. Mais le paiement des contrats en cours est évidemment assuré jusqu'à leur terme, et nous étudierons la possibilité de reprendre cette aide, notamment dans le cadre du bilan de santé de la PAC.

Gérard Le Cam, Jean Desessard - en son nom et au nom de Jacques Muller - et Bernard Piras ont évoqué le plan de développement de l'agriculture biologique.

Je rappellerai les chiffres : en 2006, quelque 12 000 exploitations agricoles étaient engagées dans le mode de production biologique. Nous voulons tripler la surface consacrée à l'agriculture biologique, et c'est la raison pour laquelle, dans le prolongement du Grenelle de l'environnement, j'ai présenté un plan ambitieux - il a été reçu comme tel par la filière bio - pour la recherche, la structuration de la filière, la consommation des produits, la conversion et la pérennité des exploitations. Je vais m'engager sur ce plan de manière très volontariste.

Mais entre le bio, d'un côté, et le productivisme, de l'autre, monsieur Desessard, il y a un grand champ, si je peux dire, à savoir l'agriculture durable. Je vais m'y engager avec les agriculteurs, notamment pour tout ce qui concerne la diminution de l'usage des produits phytosanitaires et la certification des exploitations vers la haute valeur environnementale. Et pour réussir ce pari, monsieur Bizet, nous avons besoin d'un effort supplémentaire en matière de recherche. C'est la raison pour laquelle j'en ai fait l'un des points forts de mon budget. Mais cet effort concernera également d'autres budgets sur lesquels nous allons cibler les efforts de recherche, lesquels permettront de réussir cette certification des exploitations à haute valeur environnementale.

Gérard Bailly, Bernard Barraux, Georges Mouly, Michel Doublet, Claude Biwer, Alain Vasselle et Daniel Soulage ont évoqué l'élevage ovin allaitant, qui nécessite, en effet, des mesures d'urgence conjoncturelles - je les ai prises autant que je le pouvais -, des mesures structurelles - nous y travaillons -, et qui doit être traité de manière plus équitable par la PAC. Et c'est que nous pourrons faire dans le cadre du bilan de santé de la PAC et des premiers redéploiements sur le premier pilier, en particulier vers l'élevage ovin, vers l'agriculture biologique, vers le lait et les zones fragiles.

M. Michel Barnier, ministre. Michel Doublet et Bernard Fournier ont évoqué le coût du pétrole. Le Gouvernement proposera dans le projet de loi de finances rectificative, dont l'examen commence dans les prochains jours à l'Assemblée nationale, la reconduction du remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

Michel Doublet, Paul Girod, Alain Vasselle, Philippe Nogrix et Daniel Soulage ont évoqué les biocarburants. J'indiquerai simplement, comme je l'ai dit tout à l'heure aux producteurs de betteraves, que nous souhaitons préserver les objectifs d'incorporation de 7 % en 2010, en utilisant 7 % de la surface agricole, taux qui me paraît raisonnable. Il nous faut en effet préserver ce qui constitue, à mon sens, la priorité de l'activité agricole, c'est-à-dire la production pour l'alimentation.

Après l'arbitrage du Président de la République et du Premier ministre, le dispositif fiscal prévu pour soutenir les biocarburants a globalement été préservé. Mais je veux encourager plus fortement encore la recherche sur la deuxième génération de biocarburants, laquelle permettra, avec la même surface cultivée, de multiplier les rendements par cinq, afin d'accélérer leur production.

Par ailleurs, dès qu'ils me seront transmis, je vous communiquerai les résultats de l'étude réalisée par l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

Mme Herviaux et M. Le Cam ont évoqué la culture d'OGM non autorisés en Bretagne. Les informations dont je dispose m'ont conduit à demander aux services de mon ministère de se mobiliser pour apporter leur expertise et leur aide à la gendarmerie qui a été saisie de cette affaire.

S'agissant des OGM, je veux tout simplement dire que les engagements qui ont été pris à l'occasion du Grenelle de l'environnement sont respectés. La Haute Autorité sur les OGM sera créée dans les tout prochains jours.

Un projet de loi, qui a été transmis au Conseil d'État, sera prochainement soumis au Parlement, afin, je l'espère, d'aborder de manière plus rationnelle les questions d'autorisation de mise en culture éventuelle. En attendant, conformément aux décisions du chef de l'État, les cultures commerciales d'OGM, notamment le MON 810, sont suspendues.

M. Fournier a évoqué la crise porcine. J'ai été extrêmement attentif à cette crise, qui est la plus grave des crises économiques que nous vivons en ce moment. C'est pour cette raison que je me suis battu pour obtenir les restitutions à l'exportation, qui s'élèveront à 31,10 euros pour 100 kilos concernant les carcasses, demi-carcasses et découpes, et à 19,40 euros pour 100 kilos concernant les poitrines de porc. Les éleveurs de porc ont estimé que cette aide représentait une contribution importante de la Commission européenne au titre de la solidarité.

M. Vasselle a parlé du plan de la crise ovine et des veaux de boucherie. En la matière, j'ai dégagé des crédits conjoncturels à hauteur de 15 millions d'euros pour la crise ovine et de 7,6 millions d'euros pour les veaux de boucherie.

M. Biwer a évoqué le montant des barèmes d'indemnisation des animaux morts à la suite de la fièvre catarrhale ovine. Ceux-ci sont de 46 euros pour les ovins et de 228 euros pour les bovins, mais je les examinerai de nouveau en 2008.

Je tiens à remercier Paul Raoult de ses propos empreints d'une grande sagesse sur les enseignements à tirer de la crise issue de la fièvre catarrhale ovine.

Cette crise est désormais européenne, car dix pays sont touchés. La vraie réponse se situe donc au niveau européen. C'est pourquoi j'ai demandé, dès le mois de juillet dernier, que l'Europe développe une stratégie en matière de prévention et de coordination des mesures de prévention, afin que nous sortions de la situation présente où tous les pays concernés réagissent de manière juxtaposée. En outre, j'ai également demandé que l'Europe propose une politique de vaccination.

Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous sommes le premier pays à avoir lancé un appel d'offres pour un nouveau vaccin. Nous espérons disposer de 33 millions de doses au printemps prochain.

Monsieur Barraux, pour ce qui concerne les broutards, le règlement sanitaire, pour lequel je me suis beaucoup battu, a été publié, et les mouvements d'animaux ont repris, vers l'Italie notamment.

Je ne reviendrai pas sur la forêt, car j'en ai longuement parlé dans mon propos liminaire, si ce n'est pour remercier Yann Gaillard et Claude Biwer de m'avoir interrogé à ce sujet.

Je le confirme, j'ai installé les Assises de la forêt le 21 novembre dernier, et des décisions en matière de financement des mesures qui pourraient y être proposées devraient être prises d'ici à la fin du mois de février, dans le cadre des textes qui seront issus des travaux du Grenelle de l'environnement.

Je ne veux pas engager une polémique avec MM. Lejeune, Piras et Le Cam, mais la manière dont ils ont présenté ce budget ressemble plus à une tentative laborieuse pour justifier leur opposition qu'à une analyse objective de son contenu.

Je veux redire à Mme Herviaux, en particulier, s'agissant de l'installation des jeunes agriculteurs, que notre budget est contraint. Toutefois, les grandes interventions prévues pour favoriser l'activité de l'économie agricole ont été préservées ; permettez-moi de vous demander de m'en donner acte.

M. Alain Gérard, Mmes Odette Terrade et Yolande Boyer ainsi que Charles Revet ont évoqué le plan de pêche durable. Pour relever la ligne d'horizon et redonner des perspectives d'espoir à ces hommes et à ces femmes qui travaillent, je le répète, dans les conditions les plus dangereuses qui soient ...

M. Charles Revet. C'est vrai !

M. Michel Barnier, ministre. ... nous voulons un plan global, qui prenne en compte toutes les dimensions de la pêche.

Ainsi, pour ce qui est de la dimension écologique, il s'agit de réfléchir à une navigation moins consommatrice en énergie, c'est-à-dire à des solutions permettant de naviguer autrement en consommant moins. Pour la dimension économique, il faudra examiner la question de la viabilité des bateaux. Pour ce qui est de la gestion, le plan sera inspiré du principe de précaution, en l'occurrence pour la sauvegarde des réserves et des ressources halieutiques. Pour la dimension sociale, il conviendra d'assurer à chaque pêcheur un salaire minimum. Je ne saurais terminer sans mentionner la dimension de la sécurité, individuelle et collective.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la pêche est l'activité qui enregistre le nombre le plus important de morts et de blessés par accident du travail. Je vous le rappelle : vingt décès par an !

M. Charles Revet. C'est encore arrivé la semaine dernière à Dieppe !

M. Michel Barnier, ministre. Dimanche dernier, j'ai rencontré, et ce fut très émouvant, les six marins pêcheurs rescapés du naufrage du Mon Bijou. En évoquant la disparition, sous leurs yeux, de leur camarade de pêche, ils m'ont donné une bonne idée. En effet, au-delà de l'obligation que doivent respecter les marins pêcheurs de porter un vêtement à flottabilité intégrée, qui, certes, ne leur assure pas d'être sauvés, mais leur permet de rester dans l'eau sans couler, il faudrait prévoir une protection plus personnelle encore, à savoir une balise individuelle portée par chaque pêcheur, comme en sont équipés les pisteurs secouristes en zone de montagne.

M. Charles Revet. C'est une très bonne idée !

M. Michel Barnier, ministre. Je vais donc mettre cette idée à l'étude pour permettre au pêcheur qui se retrouve, dans l'eau, la nuit le plus souvent, d'être repéré automatiquement.

S'agissant du Fonds européen pour la pêche, le FEP, je précise à Mme Boyer que la Commission européenne a approuvé notre programme opérationnel le 27 novembre dernier. Il sera signé le 20 décembre et sera applicable à compter de cette date.

Je veux également dire à M. Revet que les deux missions que j'ai confiées à M. Roncière et à Mme Tanguy sont l'occasion d'engager les débats que vous souhaitez.

Mme Panis a évoqué les Assises du cheval, où je devrais d'ailleurs me trouver en ce moment même, mais le Gouvernement est naturellement à la disposition du Parlement. Je répondrai donc ultérieurement dans le détail à sa question.

Mme Panis a également abordé la perspective d'une ouverture maîtrisée des jeux en France et de ses conséquences sur le PMU. Selon moi, cette évolution ne peut être envisageable que dans le respect de certains principes, car il est indispensable et légitime que le secteur des courses bénéficie d'une partie de ces recettes. Il faut en particulier préserver le retour financier à la filière équine. En outre, le Fonds EPERON est une manifestation de solidarité envers la filière équestre, et je veillerai à son maintien.

Concernant le régime de TVA applicable aux équidés, il est vrai que la Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France. Je suis ce dossier avec une grande attention, car toute remise en cause du taux réduit aurait des conséquences très négatives sur l'ensemble de la filière.

MM. Soulage, Alduy et Raoult ont évoqué plus globalement la PAC. Le bilan de santé de la PAC doit être l'occasion pour nous d'examiner les outils que la Commission européenne va nous permettre de réutiliser pour proposer à nos partenaires de créer les conditions de régulation, de maîtrise des productions, de gestion des risques et des aléas que nous n'avons ni en France ni en Europe.

Nous ne pouvons continuer à laisser planer cette incertitude, cette instabilité liée aux crises économiques, à des marchés de plus en plus volatils, aux crises climatiques et sanitaires, qui, quelquefois, se conjuguent. C'est la raison pour laquelle je veux absolument proposer ces outils dans la nouvelle PAC.

Je proposerai également un redéploiement au sein du premier pilier afin de mieux traiter certaines filières et certaines productions parce qu'elles n'ont pas été équitablement traitées jusqu'à présent,...

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. ... ou de manière insuffisante ; je pense au lait, aux zones fragiles, aux ovins, à l'agriculture biologique et, monsieur Alduy, aux fruits et légumes.

Je ferai enfin miens les propos de M. Vasselle, lequel a précisé qu'il examinerait ce budget avec vigilance et confiance.

Je conclurai en évoquant, comme Jean Bizet, l'attitude offensive et ambitieuse qui est la nôtre. Si vous le voulez bien, à partir de ce budget, je travaillerai avec mon administration, à laquelle je rends hommage, et avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, à une PAC durable et équitable, qui repose sur une plus grande responsabilisation et sur une meilleure prévention.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le confirme, le Sénat sera naturellement étroitement associé à chacune de ces étapes. Comme vous le savez, en tant qu'ancien sénateur, j'ai besoin de vos conseils et de vos propositions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales - Compte spécial : Développement agricole et rural
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 41

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » figurant à l'état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

3 093 362 532

2 852 103 870

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

1 273 777 396

1 036 037 396

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

624 492 636

634 718 136

Forêt

306 106 034

318 106 032

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

888 986 466

863 242 306

Dont titre 2

714 718 022

714 718 022

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-93, présenté par MM. Emorine et César, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

5 000 000

750 000

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

Forêt

2 500 000

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

2 500 000

750 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

750 000

750 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Avec mon collègue Gérard César, nous vous présentons, mes chers collègues, cet amendement parce que nous avons aujourd'hui la possibilité, dans un projet de loi de finances, de déposer des amendements qui visent non pas à augmenter la masse financière du budget, mais à modifier la répartition des financements.

Cet amendement a tout simplement pour objet de mettre l'accent sur les besoins en matière de bâtiments d'élevage. Le plan de modernisation des bâtiments d'élevage, le PMBE, vise, depuis 2005, à mettre aux normes et à moderniser les bâtiments agricoles dans l'ensemble des filières animales en vue d'accroître leur productivité et de mieux prendre en compte l'environnement.

Ce plan a été un vrai succès depuis son lancement, à tel point qu'un phénomène de « file d'attente » est apparu : au 1er janvier de cette année, 5 800 dossiers étaient en instance de traitement, tandis que l'on attendait 2 800 nouveaux dossiers au cours du premier semestre.

Le Gouvernement a donc dû abonder, et par deux fois, avec 23 millions d'euros d'abord, puis avec 6,2 millions d'euros, la ligne de crédits - 60 millions d'euros en autorisations d'engagement et 56 millions d'euros en crédits de paiement - initialement prévue dans le projet de loi de finances pour 2007.

Si ces moyens ont permis de solder l'essentiel des dossiers en attente pour 2006 et 2007, les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2008, soit 50 millions d'euros en autorisations d'engagement et 46,1 millions d'euros en crédits de paiement, seront vraisemblablement insuffisants pour financer le reliquat des dossiers des années passées et ceux qui sont à venir.

Dès lors, l'objet de l'amendement est de majorer le montant des crédits destinés à soutenir le PMBE en dotant le programme 154 « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural » à hauteur de 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 750 000 euros en crédits de paiement.

Le montant moindre de la majoration proposée en crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme s'explique par le profil de l'échéancier de paiement propre à ce plan, les engagements en année n ne donnant lieu à paiement qu'à hauteur de 15 % sur l'année n.

L'abondement de 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 750 000 euros en crédits de paiement de l'action 4 « Modernisation des exploitations et maîtrise des pollutions », du programme 154 « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural » prévu par cet amendement pourrait être financé - mais je sais que le Gouvernement fera une autre proposition - en autorisations d'engagement, par le transfert de 2,5 millions d'euros depuis les crédits de l'action 3 « Amélioration de la gestion des forêts » du programme 149 « Forêt » et de 2,5 millions d'euros depuis les crédits de l'action 2 « Évaluation de l'impact des politiques publiques et information économique » du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » ; et, en crédits de paiement, par le transfert de 750 000 euros depuis les crédits de l'action 2 « Évaluation de l'impact des politiques publiques et information économique » du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », dont les actions semblent moins prioritaires pour la pérennisation d'une agriculture et d'un élevage durables.

À mes yeux, la modernisation de l'élevage est importante sur notre territoire et passe par la modernisation des bâtiments d'élevage. Nous parlons en permanence au niveau européen du bien-être animal, mais n'oublions pas que la modernisation des bâtiments d'élevage peut contribuer au bien-être des éleveurs ! (Sourires.- Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. L'amendement n° II-141, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

2 000 000

0

0

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

750 000

0

0

Forêt

750 000

0

0

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

500 000

0

0

TOTAL

2 000 000

2 000 000

0

0

SOLDE

0

0

La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-93.

M. Michel Barnier, ministre. En écho à la préoccupation exprimée par M. le président de la commission des affaires économiques, je voudrais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, dans quel esprit je vous propose cet amendement.

Mon engagement est comparable à celui du président de la commission. Lors de ma prise de fonctions, au mois de janvier dernier, 9 000 dossiers étaient en attente. Aussitôt, nous avons trouvé 23 millions d'euros de crédits nationaux et autant de crédits européens. Avec l'ensemble des organisations agricoles, j'ai négocié un plan d'ajustement visant à résorber cette liste d'attente.

L'idée de continuer à faire face à cette situation est bonne, et je suis favorable à l'objectif d'abonder le plan de modernisation des bâtiments d'élevage à hauteur de 5 millions d'euros. Toutefois, compte tenu de la connaissance qui est la mienne de mon propre budget, je vous proposerai un schéma différent de celui de la commission des affaires économiques.

Ainsi, je propose un abondement de 2 millions d'euros en autorisations d'engagement du PMBE à partir du programme « Forêt » pour 750 000 euros, du programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés » pour 750 000 » euros et du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » pour 500 000 euros.

Par ailleurs, je m'engage à redéployer le solde, à savoir 3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 750 000 euros en crédits de paiement, au sein du programme 154, ce qui portera bien à 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 750 000 euros en crédits de paiement l'augmentation des crédits du PMBE.

Voilà, monsieur le président de la commission des affaires économiques, la suggestion complémentaire que je me permets de faire pour que l'objectif que vous visez avec vos collègues soit atteint, avec des conséquences les plus acceptables possible pour les différents postes de mon budget.

Le Gouvernement est donc favorable sur le principe, mais préfère son amendement à celui que propose la commission des affaires économiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Nous avons entendu le président de la commission des affaires économiques et le ministre, qui ont défendu deux amendements dont les objectifs sont similaires.

M. Henri de Raincourt. Comme la cigale et la fourmi ! (Sourires.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ils comportent toutefois deux différences.

La première, c'est que l'amendement du Gouvernement opère un abondement au profit du plan de modernisation des bâtiments d'élevage, qui ne concerne que les autorisations d'engagement. La seconde, c'est que cet abondement est réalisé à hauteur de 3 millions d'euros par redéploiement interne au sein du programme 154 et à hauteur de 2 millions d'euros financés seulement par une ponction de 750 000 euros sur le programme 227, de 750 000 euros sur le programme 149 et de 500 000 euros sur le programme 215.

La commission des finances est favorable à l'amendement du Gouvernement et se permet donc de demander au président de la commission des affaires économiques de faire un petit effort et d'accepter de s'y rallier.

Cette position n'est pas dictée à la commission des finances par une quelconque préférence subjective. C'est simplement parce que les ponctions opérées sur les programmes de la mission sont moindres, notamment sur le programme 149 « Forêt », qui a déjà été écorné à l'Assemblée nationale. (M. le ministre approuve.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Bernard Piras. Je sais ce qu'il va dire !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. J'ai compris que mon amendement était susceptible de recevoir un avis défavorable, même si tout le monde est favorable à l'objectif ici visé.

M. Michel Barnier, ministre. Exactement !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Seule la répartition constitue une pierre d'achoppement.

Sensible aux arguments du Gouvernement et de la commission des finances, je retire cet amendement au profit de celui du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Desessard. Quelle surprise !

M. le président. L'amendement n° II-93 est retiré.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote sur l'amendement n° II-141.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, tout le monde sera d'accord si vous nous proposez d'abonder davantage les crédits consacrés à l'aménagement des bâtiments d'élevage. Cette mesure fera même l'unanimité, ici comme ailleurs. En effet, la liste d'attente est longue et, nous en sommes tous convaincus, bien des choses restent à faire dans ce domaine-là.

En revanche, si vous nous annoncez qu'il faut supprimer des crédits consacrés à la forêt ou à l'économie agricole, nous risquons fort de réagir !

Monsieur le ministre, j'ai pourtant entendu ce matin votre plaidoyer en faveur de la forêt, notamment. Vous nous expliquiez, à juste titre, d'ailleurs, que la forêt était une source à la fois d'énergie et d'économies importantes pour notre pays, qu'elle rééquilibrait le dégagement de CO2 produit par toute notre industrie - ce n'est quand même pas rien aujourd'hui ! - et que nous aurions certainement bien des choses à faire dans le domaine de la biomasse et la recherche d'énergie à partir de la forêt. Comment pouvez-vous, le matin, prôner la valorisation de la forêt et, le soir, nous proposer de lui ôter des crédits ? Il y a là une certaine ambiguïté !

Il est vrai, je le comprends bien, que vous nous présentez globalement un budget en baisse. Par conséquent, pour majorer un poste, il faut bien déplacer des crédits. Mais, monsieur le ministre, nous sommes prêts à chercher, à vos côtés, ces 5 millions d'euros ailleurs dans le budget !

L'agriculture et le monde rural méritent mieux qu'une stratégie défaitiste qui voudrait faire croire qu'il n'y a plus qu'à baisser les bras en considérant que rien n'est possible. Nous ne sommes pas d'accord avec vous sur une telle stratégie. Essayons, au contraire, de jouer sur la répartition du gâteau que l'on nous présente !

Monsieur le ministre, sur cet amendement comme sur les amendements qui suivent, nous nous abstiendrons donc pour laisser, à vous-même et à la majorité, le soin de choisir à qui vous ferez un cadeau...

M. Jean Desessard. Les cadeaux, ils ont été faits au mois de juillet !

M. Jean-Marc Pastor.... et qui, au contraire, devra subir une ponction sur ses crédits.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre. Monsieur Pastor, je pensais que vous auriez une attitude un peu plus constructive sur la proposition que j'ai faite en partageant l'engagement et l'objectif exprimés par le président de la commission des affaires économiques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Pastor. Nous sommes prêts à le faire, mais sur des bases solides !

M. Michel Barnier, ministre. Franchement, pour que votre assemblée et ceux qui nous écoutent ou qui liront ces débats soient bien informés, j'insiste sur le fait que tant l'objectif visé que ma proposition sont raisonnables.

Le budget consacré à la forêt est de 300 millions d'euros. Mon « contre-amendement », si je puis dire, a pour objet de ne prélever que 750 000 euros, au lieu de 2 millions d'euros, ce qui permet de ne pas compromettre l'engagement que j'ai pris sur la forêt, l'usage de la biomasse et du bois.

Comprenez bien que j'ai recherché un compromis dynamique et raisonnable à la fois.

M. le président. La parole est à M. Charles Josselin, pour explication de vote.

M. Charles Josselin. Monsieur le ministre, dans votre intervention, ce matin, vous avez fait allusion à un article paru dans la presse et intitulé « Le grand retour de l'agriculture ». Nous partageons tout à fait cette analyse, l'agriculture is back ! (Sourires.)

Le temps est passé où d'aucuns remettaient en cause la vocation exportatrice de la France, considérant que l'essentiel était de reconnaître à chacun le droit à la souveraineté alimentaire. On sait que les choses ne se passent plus comme cela - bien au contraire ! -, et que la France doit à nouveau afficher fortement sa vocation à produire et à exporter.

À l'évidence, dans un domaine particulier, celui de l'élevage, une erreur de prévision majeure a été commise. En effet, il manque aujourd'hui 1 milliard de litres de lait à l'Europe et 100 000 vaches laitières à la France. La question posée est bien celle des moyens susceptibles d'aider à relancer l'élevage en France.

Les amendements que nous examinons montrent clairement l'inconfort qui est le vôtre et celui de votre majorité à trouver des solutions dans un budget qui n'en offre pas. Aussi, vous l'aurez compris, après mon collègue Jean-Marc Pastor, tout en regrettant cette situation de pénurie budgétaire dans laquelle vous vous trouvez, fâcheuse pour vous, mais surtout pour les agriculteurs, nous nous abstiendrons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-141.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-91 rectifié, présenté par MM. Mortemousque, César, Rispat et Darniche, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

2 000 000

2 000 000

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

Forêt

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

2 000 000

2 000 000

TOTAL

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement vise la mise en oeuvre d'un plan de modernisation sanitaire.

Pour financer ce plan d'un coût de 2 millions d'euros, il est proposé de minorer à due concurrence les crédits de l'action n° 01 : « Moyens de l'administration centrale » du programme 215 «Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », dont les moyens peuvent, semble-t-il, être minorés par une plus grande rationalisation des méthodes de travail. Ces crédits basculeraient sur l'action n° 4 « Modernisation des exploitations et maîtrise des pollutions » du programme 154 « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural ».

L'arrêté du 29 octobre 2007 fixant des mesures techniques et administratives relatives à la lutte contre l'influenza aviaire transcrit la directive 2005/94/CE du conseil du 20 décembre 2005 concernant des mesures communautaires de lutte contre l'influenza aviaire et abrogeant la directive 92/40/CEE. Il instaure l'obligation de déclarer les foyers d'influenza aviaire à virus hautement ou faiblement pathogène, selon les stéréotypes, dirait le docteur Jean Bizet (Sourires.), qui est un professionnel en la matière et que je remercie de m'avoir apporté cette précision.

Par le présent amendement, nous vous proposons de contribuer à la mise en oeuvre d'un plan de modernisation sanitaire, afin d'évoluer vers de meilleures pratiques susceptibles, d'une part, de prévenir au mieux les risques dans les élevages de palmipèdes et, d'autre part, de démontrer la volonté de notre pays de prendre toutes les mesures qui s'imposent dans le cadre du principe de précaution.

La précédente crise liée à l'influenza a coûté assez cher aux finances publiques pour que l'on accorde aujourd'hui un grand intérêt à ce plan, qui nécessite un investissement financier estimé à 15 millions d'euros pour 3 000 élevages.

La filière s'est engagée à prendre à sa charge 60 % des dépenses, ce qui est très important. Elle souhaiterait que les pouvoirs publics complètent les 40 % restants par un abondement de crédits de 6 millions d'euros sur trois ans par l'intermédiaire de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions, l'ONIEP, au travers des contrats de projets entre l'État et les régions. Pour 2008, l'État prendrait donc en charge 2 millions d'euros.

Les investissements concernés sont nombreux et très utiles : sas sanitaire, bac d'équarrissage, isolement de l'élevage, protection et clôtures, abris et mise en place de moyens d'abreuvement pour éviter les flaques autour des abreuvoirs, matériel de désinfection, et j'en passe.

Ce plan de modernisation représente un enjeu essentiel en matière de santé publique compte tenu des risques sanitaires encourus. C'est pourquoi les pouvoirs publics doivent inscrire leur action dans un principe de précaution.

Cet amendement est très important pour la filière, qui connaît aujourd'hui de grandes difficultés. Ne pas prendre de telles précautions aurait de graves conséquences sur l'exportation de nos produits, surtout pour le foie gras à l'approche de Noël et du nouvel an ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement présenté par Gérard César a pour objet de transférer 2 millions de crédits du programme 215 vers le programme 154 pour financer le plan de modernisation sanitaire qu'il a exposé.

Si la nécessité de cette mesure ne fait aucun doute, je m'interroge sur son financement. Monsieur le ministre, des crédits n'ont-ils pas été prévus à cet effet dans le budget de l'ONIEP ? Cet abondement est-il donc vraiment nécessaire ?

M. Alain Vasselle. Vous bottez en touche !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre. L'objectif est en effet tout à fait légitime.

L'obligation d'une déclaration des foyers d'influenza aviaire à virus faiblement pathogène dans les élevages avicoles implique une très forte probabilité de détection de tels foyers dans les élevages de palmipèdes particulièrement sensibles au virus de l'influenza.

C'est pour limiter les risques de contamination de ces élevages que la filière a proposé la mise en oeuvre d'un plan de maîtrise sanitaire des élevages par le biais d'un plan de modernisation dont le coût total est estimé à 15 millions d'euros. Elle sollicite les pouvoirs publics à travers la participation de l'Office de l'élevage dans les contrats de projets entre l'État et les régions pour un financement de 6 millions sur une durée de trois ans, cela a bien été précisé.

Ce plan de modernisation sanitaire permettrait de faire évoluer la filière du « prêt-à-gaver » vers de meilleures pratiques sanitaires, avec pour objectif une diminution de la présence des souches faiblement pathogènes en agriculture.

Ayant rappelé pourquoi ce plan était nécessaire, il est logique de dire qu'il doit être financé. Monsieur le rapporteur, je vous confirme qu'il l'est mais, c'est vrai, pas autant que le souhaitent les auteurs de l'amendement. Le financement n'est que de 1,5 million d'euros au titre, en effet, de l'ONIEP. Ce crédit est pris en charge financièrement sur le programme 227, par le biais de l'ONIEP, et se fera par redéploiement des crédits affectés à l'Office.

Par conséquent, je vous le confirme, ce plan est nécessaire, surtout à un moment où existent un peu partout des risques de pathogènes émergents, et son financement assuré par l'ONIEP est pratiquement suffisant pour l'année qui vient.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous suggère, monsieur César, de retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur César, l'amendement est-il maintenu ?

M. Gérard César. Nous demandons 2 millions d'euros ; vous nous annoncez 1,5 million d'euros : monsieur le ministre, il manquera toujours 500 000 euros pour les professionnels de la filière !

M. Bernard Piras. Un peu plus, même !

M. Gérard César. C'est vrai !

Certes, c'est un début, mais, monsieur le ministre, je souhaite que nous abordions de nouveau cette question lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, afin de tenter de combler le « manque à gagner » qui résultera du présent projet de loi de finances.

Cela dit, je retire l'amendement, puisqu'il est satisfait aux trois quarts.

M. Alain Vasselle. Parfaitement !

M. Bernard Piras. Quelle capacité d'anticipation !

M. le président. L'amendement n° II-91 rectifié est retiré.

L'amendement n° II-37, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

1.400.000

1.400.000

Forêt

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

1.400.000

1.400.000

TOTAL

1.400.000

1.400.000

1.400.000

1.400.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet d'inscrire une dotation symbolique au Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA. Je dis bien « symbolique », car 80 millions d'euros par an sont nécessaires en moyenne, alors que la commission ne vous propose de redéployer que 1,4 million d'euros.

Une fois de plus, je l'ai signalé ce matin, le projet de loi de finances que nous examinons ne prévoit aucune dotation au profit du FNGCA, alors que la contribution de l'État à ce fonds est une obligation instituée par l'article L. 361-5 du code rural.

Ces deux dernières années, cette non-budgétisation a eu des conséquences fâcheuses.

Tout d'abord, en 2006, les conséquences de la sécheresse de 2005 ont conduit à abonder le fonds, en puisant 98,5 millions d'euros sur les crédits de la PMTVA, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes. Comme il fallait continuer de servir sans restriction cette prime aux exploitants, l'Office de l'élevage a dû contracter un emprunt bancaire pour un montant de 78,23 millions d'euros, frais financiers compris.

Ensuite, la PMTVA a de nouveau joué le rôle de variable d'ajustement du FNGCA en 2007, et c'est par décret d'avance qu'il a fallu abonder de 82 millions d'euros la PMTVA, alors que cette procédure doit être réservée aux dépenses urgentes et non prévisibles.

Dans ces conditions, la commission des finances fait de l'inscription de crédits au FNGCA en loi de finances initiale une question de principe.

C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de supprimer la subvention prévue pour l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale, l'AFICAR, inscrite à l'action n° 4 du programme 215, et de doter à due concurrence, c'est-à-dire à hauteur de 1,4 million d'euros, l'action n° 2 « Gestion des aléas de production » du programme 227, au profit du FNGCA.

La suppression des crédits de l'AFICAR ne devrait pas porter préjudice à l'accomplissement des missions essentielles du ministère de l'agriculture, puisque cette agence a vocation à organiser des expositions itinérantes ou, parfois, si j'en crois le projet annuel de performance, des colonies de vacances...

Par ailleurs, cet amendement constitue un encouragement à la rationalisation des concours du ministère de l'agriculture, qui, compte tenu de la relative « disette » budgétaire qu'il traverse, devrait s'abstenir de saupoudrer des crédits au profit d'opérateurs dont l'utilité n'est pas évidente.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre. L'AFICAR est une toute petite structure. Elle est pratiquement dotée de ces seuls crédits.

Dans la logique qui avait présidé à sa création, il s'agissait de mobiliser des crédits d'État et des crédits professionnels, pour mener des opérations d'intérêt général. Pour éviter tout malentendu, je précise que l'Agence ne prend pas en charge des colonies de vacances, monsieur le rapporteur spécial. Des opérations en direction de jeunes enfants sont organisées, afin de leur faire découvrir, dans leur vie quotidienne, les produits agricoles ou issus de l'agriculture.

M. Gérard César. Il s'agit de scolaires !

M. Michel Barnier, ministre. Des jeux-concours sont préparés ; dans le cadre d'une campagne itinérante, un train arrive au moment du salon de l'agriculture.

J'ai réuni récemment M. Philippe Vasseur, qui préside cette structure, et les dirigeants agricoles, pour examiner comment atteindre, effectivement, l'objectif fixé, à savoir la mobilisation, au-delà de cette dotation budgétaire de 1,4 million d'euros, de crédits professionnels, pour réaliser, grâce à une marge supplémentaire, des opérations d'intérêt général de communication dont le monde agricole a besoin. Mon souci est donc de préserver pour l'année qui vient cette activité, et d'en évaluer les initiatives - cette évaluation a été, jusqu'à présent, plutôt positive - d'ici à la fin de 2008, de façon tout à fait impartiale.

Par ailleurs, une dotation de 1,4 million d'euros au profit du FNGCA ne serait pas à la hauteur du problème que vous posez et qui est réel, monsieur le rapporteur spécial. J'ai évoqué ce point à plusieurs reprises avec le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.

À la lumière du bilan de santé de la PAC et des propositions pour la future PAC, nous devrons « remettre à plat » l'ensemble des outils de gestion de crise, et pas seulement le FNGCA, qui est doté en cours d'année autant que de besoin. M. le Président de la République m'a demandé très précisément de travailler sur ce sujet. Je me suis mis à la tâche avec Mme Lagarde, notamment en ce qui concerne la généralisation de l'assurance récolte.

Franchement, comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, au moment où nous abordons une nouvelle étape de la PAC, compte tenu du nouveau contexte économique, nous devons donner à l'ensemble des producteurs cette garantie, cette protection contre les aléas économiques, climatiques ou sanitaires.

Monsieur le rapporteur spécial, nous travaillons sur ce sujet, sur lequel vous avez mis très fortement l'accent par le biais de cet amendement, afin de mieux doter notre pays et l'Europe des outils nécessaires de stabilisation des marchés, de régulation et de gestion des aléas climatiques et sanitaires. Je ferai des propositions assez fortes en ce sens, mais, pour être efficaces, elles ne devront pas se cantonner au niveau national. Je souhaite mobiliser des crédits du premier et du deuxième pilier pour financer cette garantie, de manière partenariale, avec les crédits nationaux, les crédits professionnels et les assurances individuelles des agriculteurs, qui sont prêts à se responsabiliser.

Récemment, j'ai beaucoup étudié ce qui se fait aux États-Unis, bien que le modèle américain ne s'impose pas systématiquement à mes yeux. Le Farm Bill, toutefois, mérite une étude très précise, puisqu'il s'agit d'un système généralisé d'assurance soutenu par les pouvoirs publics.

Comme vous le savez sans doute, je me suis toujours beaucoup engagé sur ces questions de risque, en tant que ministre de l'environnement, mais aussi lorsque j'étais commissaire européen, et je continue de le faire, car Dieu sait s'il existe, dans le domaine de la protection des agriculteurs, ainsi que de la prévention et de la mutualisation des risques, de vrais progrès à accomplir. Je continue de travailler en ce sens.

Vous ayant donné ces assurances, monsieur le rapporteur spécial, je souhaiterais que vous retiriez cet amendement, pour que l'AFICAR ne soit pas sacrifiée.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je souhaite en cet instant saluer la rigueur budgétaire tout à fait légitime de M. le président de la commission des finances, Jean Arthuis, et de M. le rapporteur spécial, Joël Bourdin.

Je leur rappelle en toute amitié, parce qu'il n'y a pas de rivalité entre les commissions, que l'AFICAR a été mise en place dans la loi relative au développement des territoires ruraux que j'avais eu l'honneur de rapporter devant le Sénat. Je vous rends d'ailleurs attentif au fait que l'application de cette loi ne mobilise pas beaucoup de crédits, puisque, par exemple, les exonérations fiscales qui avaient été prévues pour les médecins ou les professionnels de santé qui s'installaient en milieu rural sont en passe d'être supprimées.

Pour en revenir à l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale, cette structure avait été mise en place dans cette loi, parce que la mobilisation des financements de l'État et de l'interprofession, nécessaire pour communiquer sur notre agriculture et la qualité de ses produits et lancer une information en direction d'un public assez large, rencontrait de nombreuses difficultés.

La mise en place de cette agence a sans doute été un peu longue, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre. Philippe Vasseur, que j'ai rencontré voilà huit jours à l'occasion d'un colloque qui se déroulait au Sénat, en est le président. Mais il faut du temps et des moyens pour la faire fonctionner.

Pour avoir eu l'occasion de rencontrer des responsables agricoles nationaux, je peux vous dire que ces derniers tiennent beaucoup à l'AFICAR. Ils vous proposent même, monsieur le ministre, d'y apporter des participations financières interprofessionnelles, et peut-être même de l'ensemble du monde agricole.

Je plaide bien sûr auprès de Jean Arthuis et de Joël Bourdin le retrait de cet amendement, parce que je souhaiterais que cette agence puisse fonctionner pendant un an.

S'agissant du FNGCA, vous avez évoqué, monsieur le ministre, l'assurance récolte, qui a fait l'objet de longues discussions au sein de la commission des affaires économiques. Cette assurance est aujourd'hui effective, avec, au niveau national, 66 000 contrats. La commission fera des propositions dans ce domaine, car nous devrons aller bien au-delà, en prévoyant une « assurance aléas ».

Vous avez d'ailleurs cité, monsieur le ministre, la fièvre catarrhale. Mais il ne faut pas séparer la problématique des céréaliers de celle des éleveurs ! À mon avis, cette assurance aléas doit - c'est sur ce point que nous avions d'ailleurs débattu à l'époque - avoir une assiette très large et, donc, être rendue obligatoire. Les agriculteurs qui connaissent régulièrement des calamités ne doivent pas être les seuls à s'assurer.

Il faut également, bien sûr, solliciter une participation financière du ministère de l'agriculture. Nous pourrions aussi, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, demander des fonds européens, pour encourager vraiment l'ensemble des agriculteurs de notre pays à s'assurer, afin qu'un aléa climatique ou sanitaire ne puisse plus mettre en péril leurs exploitations agricoles.

Par conséquent, mes chers collègues, essayez d'aider l'AFICAR !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. J'adhère totalement aux propos que vient de tenir Jean-Paul Emorine. Nos commissions oeuvrent naturellement en parfaite synergie.

Toutefois, nous sommes ici dans le cadre d'une discussion budgétaire et chacun est conscient que le développement durable prohibe le déficit public en ce qu'il sacrifie l'avenir au présent.

S'agissant de l'AFICAR, nous avons ressenti un certain scepticisme, au moment même de sa création. Nous voulons, monsieur le ministre, vous rendre attentif à ce qui se passe chez les opérateurs de l'État.

L'année dernière, Joël Bourdin avait conduit une mission auprès des Haras nationaux. Les conclusions ont été diversement appréciées, et je ne suis pas sûr que les préconisations aient été suivies d'effet. Il faudra donc, sans doute, « en remettre une couche », si je puis dire, pour vérifier que les principes sont respectés.

S'agissant de l'AFICAR, ce qui a suscité notre attention, c'est la richesse de l'information que vous mettez à la disposition du Parlement, monsieur le ministre : « L'agence a commencé à fonctionner en 2006, après la publication du décret n° 2006-95 du 1er février 2006, qui a fixé les conditions de son organisation et de son fonctionnement. Une première campagne intitulée ?Le Train de la Terre?, consistant en une exposition itinérante sur le thème ?L'agriculture et la forêt dans votre quotidien? s'est déroulée en 2007 sur l'ensemble du territoire. Une opération similaire est prévue en 2008. Deux autres opérations devraient également être reconduites. Elles se déroulent en partenariat avec les centres de loisirs et s'adressent aux enfants et adolescents ne partant pas en vacances. Appréciées en 2007 par les collectivités locales, elles devraient être reconduites en 2008. »

Il s'agit donc d'une action assez diffuse. (Sourires.) Naturellement - je parle sous le contrôle de M. le rapporteur spécial -, la commission des finances va retirer l'amendement n° II-37. Mais nous vous appelons, monsieur le ministre, à une vigilance renforcée à l'égard des opérateurs de l'État, et notamment de l'AFICAR.

M. Jean-Marc Pastor. Très bien !

M. Jean Desessard. C'est un train de vie dépensier !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. J'ai tort de parler après M. le président de la commission des finances, mais je lui demande l'autorisation de faire un contrôle sur pièces et sur place dès 2008. Non pas que je veuille prendre le train itinérant de l'AFICAR ! (Sourires.) Je souhaite simplement procéder à des vérifications, comme nous l'avons fait dans d'autres domaines.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'allais vous le demander !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Au demeurant, je suis bien évidemment d'accord pour retirer cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-37 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

M. Paul Raoult. Je m'abstiens !

(Ces crédits sont adoptés.)

compte spécial : développement agricole et rural

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits du compte spécial « Développement agricole et rural » figurant à l'état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Développement agricole et rural

102 500 000

110 500 000

Développement agricole et rural pluriannuel

90 400 000

98 400 000

Innovation et partenariat

12 100 000

12 100 000

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 41, 41 bis et 41 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Article 33 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 41 bis

Article 41

Dans le deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : « pour 2007, à 1,8 % » sont remplacés par les mots : « pour 2008, à 1,7 % ». -

M. le président. Je mets aux voix l'article 41.

(L'article 41 est adopté.)

Article 41
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 41 ter

Article 41 bis

I. - Les deux dernières phrases du deuxième alinéa de l'article L. 256-2 du code rural sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« Cet agrément est délivré et peut être retiré au vu d'un avis technique délivré par l'organisme mentionné à l'article L. 256-2-1. »

II. - Après l'article L. 256-2 du code rural, il est inséré un article L. 256-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 256-2-1. - Un groupement d'intérêt public, constitué dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-4 du code de la recherche, apporte à l'autorité administrative son appui technique dans la définition et la mise en oeuvre des procédures de contrôle et d'agrément prévues à l'article L. 256-2 du présent code et son expertise pour la recherche et la constatation des infractions aux prescriptions mentionnées à l'article L. 256-1.

« Les organismes d'inspection mentionnés à l'article L. 256-2 s'acquittent annuellement auprès de ce groupement d'intérêt public d'une somme forfaitaire fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et du budget, dans la limite de 4 € par contrôle effectué. Le montant exigible peut être modulé si l'organisme d'inspection est accrédité dans des conditions fixées par le décret prévu à l'article L. 256-3. Il est versé dans les deux mois suivant l'année civile concernée.

« Les organismes d'inspection non accrédités s'acquittent d'une somme fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et du budget, dans la limite de 3000 € par inspecteur employé par l'organisme d'inspection et par visite nécessaire pour rendre les avis techniques mentionnés à l'article L. 256-2. Ce montant peut être modulé selon l'importance de l'organisme. Le montant exigible est versé au plus tard un mois avant la date à laquelle cette visite est programmée par le groupement d'intérêt public et, pour la première visite, au moment du dépôt de la demande d'agrément.

« Le recouvrement de ces sommes est assuré par l'agent comptable du groupement d'intérêt public selon les procédures, sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées comme pour les taxes sur le chiffre d'affaires. » - (Adopté.)

Article 41 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article additionnel après l'article 41 ter

Article 41 ter

L'article L. 642-13 du code rural est ainsi rédigé :

« Art. L. 642-13. - Il est établi au profit de l'Institut national de l'origine et de la qualité, ci-après dénommé l'institut, un droit sur les produits bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée.

« Les taux des droits sont fixés sur proposition du conseil permanent de l'institut et après avis du comité national compétent, par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, dans les limites suivantes :

« - 0,10 € par hectolitre pour les vins d'appellation d'origine ;

« - 0,08 € par hectolitre ou 0,8 € par hectolitre d'alcool pur pour les boissons alcoolisées d'appellation d'origine autres que les vins ;

« - 8 € par tonne pour les produits agroalimentaires ou forestiers d'appellation d'origine autres que les vins et les boissons alcoolisées ;

« - 5 € par tonne pour les produits bénéficiant d'une indication géographique protégée.

« Ce droit est acquitté annuellement par les opérateurs habilités, sur la base des quantités produites en vue d'une commercialisation en appellation d'origine ou en indication géographique protégée au cours de l'année précédente. Sur proposition du conseil permanent de l'institut et après avis du comité national compétent, cette base peut être la moyenne des quantités produites au cours des deux ou des trois années précédentes.

« Les quantités produites en vue d'une commercialisation en appellation d'origine ou en indication géographique protégée sur lesquelles le droit est perçu s'entendent déduction faite des quantités retirées volontairement par l'opérateur. Elles incluent les produits destinés au consommateur final ou à des entreprises de transformation, sur le marché intérieur ou à l'exportation, et quel qu'en soit le conditionnement.

« Les quantités sur lesquelles ces droits sont perçus sont établies sur la base des déclarations effectuées par les opérateurs habilités dans des conditions précisées par les arrêtés fixant le montant des droits.

« Pour les produits bénéficiant d'une indication géographique protégée, le droit est exigible sur les quantités produites à partir de la date de publication du règlement de la Commission européenne enregistrant la dénomination dans le registre des appellations d'origine protégée et des indications géographiques protégées prévu par le règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, ou dès publication de l'arrêté prévu à l'article L. 641-11 homologuant le cahier des charges de l'indication géographique protégée si ce cahier des charges comprend des dispositions organisant la protection transitoire de cette dénomination dans les conditions prévues par le règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, précité.

« Les droits sont liquidés et recouvrés auprès des opérateurs habilités par l'institut selon les règles et sous les garanties, privilèges et sanctions prévus en matière de contributions indirectes. » - (Adopté.)

M. le président. J'appelle en discussion l'amendement n° II-109 rectifié, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Article 41 ter
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Culture - Compte spécial : cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale

Article additionnel après l'article 41 ter

M. le président. L'amendement n° II-109 rectifié, présenté par M. Biwer et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 41 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur la simplification administrative et la réorganisation des contrôles dans le secteur agricole, dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi de finances.

La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Chacun peut le constater, les agriculteurs sont confrontés à de multiples obligations administratives : ils doivent remplir de nombreux formulaires, notamment pour bénéficier des aides européennes, et se soumettre à des contrôles répétés, parfois tatillons.

Cet amendement vise à remettre à plat l'ensemble des contraintes administratives auxquelles ils sont soumis pour permettre d'en alléger le poids, qu'ils ressentent mal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat, mais elle attend avec intérêt l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre. J'émets un avis favorable.

En effet, compte tenu de la situation, il me paraît bon que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la simplification administrative et la réorganisation des contrôles dans le secteur agricole, et ce dans le délai de six mois qui est prévu dans l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-109 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 ter.

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » et des crédits du compte spécial : « Développement agricole et rural ».

Permettez-moi, mes chers collègues, de remercier M. le ministre de son engagement au service de notre agriculture.

Culture

Compte spécial : cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale

Article additionnel après l'article 41 ter
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » et du compte spécial : « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits au titre de la mission « Culture » sont pratiquement stables depuis 2006 et représentent 1 % des crédits de paiement du budget général de l'État, soit 2,77 milliards d'euros. L'effort principal porte sur le programme « Patrimoines », qui mobilise à lui seul près de 49 % des crédits de la mission. Certaines années ont favorisé le « spectacle vivant », l'année 2008 sera plutôt celle du patrimoine.

Il convient toutefois de prendre en compte la suppression de l'affectation de 70 millions d'euros du produit des droits de mutation à titre onéreux au Centre des monuments nationaux. Cette suppression était souhaitée en raison des circonvolutions administratives et financières mises en place entre le Centre et la direction de l'architecture et du patrimoine.

Si l'on neutralise cette mesure de périmètre, le budget de la mission « Culture » progresse de 0,5 % par rapport à 2007.

On peut, certes, s'interroger sur le niveau optimal des crédits qui devraient être consacrés à la culture. Je voudrais, pour ma part, faire valoir que cette augmentation n'est pas négligeable, en période de forte contrainte budgétaire.

En outre, on doit faire preuve d'une certaine prudence dans l'analyse, s'agissant en particulier des dépenses de personnel. En effet, les effectifs prévus par le plafond ministériel d'emploi diminuent de 286 unités par rapport à 2007, pour s'établir à 11 256 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT. Mais, à côté de ces personnels, on dénombre 14 370 ETPT au sein des opérateurs culturels. J'observe ainsi que, en deux ans, les effectifs du ministère diminuent de 374 ETPT, alors que ceux des opérateurs progressent de 565 unités.

À cet égard, je m'interroge sur la capacité du ministère de la culture et de la communication à assurer la tutelle des soixante-dix-huit établissements publics, qui captent 40 % des crédits du ministère et contribuent à l'essentiel de la politique culturelle française.

J'ai récemment remis un rapport sur ce sujet, qui constate que le ministère de la culture n'a pas revu son organisation en fonction de la LOLF et n'a pas, en particulier, intégré la notion de pilotage par la performance.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce n'est pas bien !

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Cette situation pose les deux questions de fond suivantes : les grands établissements publics culturels sont-ils des instruments de la politique culturelle ou des entités autonomes, définissant elles-mêmes leurs priorités culturelles ? Existe-t-il encore une politique culturelle nationale, quand près de la moitié des moyens humains et financiers du ministère de la culture transite par les établissements publics ? Je reconnais que cette question a un caractère un peu provocateur...

Au terme de mon enquête, j'ai recommandé de rationaliser la tutelle du ministère de la culture et d'impliquer dans son exercice les responsables des différents programmes. Il est également essentiel que des contrats de performances soient établis entre les établissements et le ministère. Je souhaite donc, madame la ministre, que vous nous précisiez les suites que vous entendez donner à mes recommandations.

Je ferai maintenant quelques observations plus ciblées.

Tout d'abord, madame la ministre, je veux insister sur ce que l'on pourrait appeler, d'un terme jargonneux, la « soutenabilité » de la politique culturelle, tout particulièrement dans le domaine du patrimoine. Le programme 175 est, en effet, le plus contraint, puisque les crédits de paiement demandés serviront, en 2008, pour 12,6 %, à couvrir des autorisations d'engagement antérieures à cet exercice. En 2009, cette proportion passera à 41,65 %.

On pourrait continuer ainsi pendant les dix prochaines années, ce qui aboutirait à démontrer que, pratiquement, on ne pourra plus rien faire de nouveau, ce qui est sans doute excessif.

Sur l'ensemble des programmes de la mission, les crédits de paiement destinés à couvrir des autorisations d'engagement demandées avant 2008 représenteront 6,5 % du total alloué en 2008. En 2009, ils s'élèveront à 20,84 % des crédits de paiement de l'année, si le budget de la mission n'augmente pas, ce qui semble plausible dans le contexte budgétaire actuel. Cette situation suscite une certaine inquiétude.

Cette contrainte budgétaire pèse dès à présent sur les programmes de la mission « Culture » et je souligne que les engagements nouveaux devront être probablement encadrés, dans le domaine des monuments historiques, tout comme dans celui de la réalisation d'équipements culturels nouveaux.

Il faut en être conscient : les contraintes budgétaires devront se traduire par des choix drastiques dans tous les secteurs de la politique culturelle. J'aimerais avoir quelques informations sur vos orientations à ce sujet, madame la ministre.

Afin de disposer d'une vision claire des enjeux, la commission avait demandé, l'an dernier, la transmission d'un rapport sur l'état sanitaire du patrimoine monumental français. Ce rapport n'a pas encore été communiqué au Parlement, alors que le délai prévu a expiré. Je souhaite donc, madame la ministre, que vous relanciez vos services, afin que ce rapport nous soit remis dans les meilleurs délais.

Ma deuxième observation, plus positive, concerne l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, dont la subvention d'équilibre est prorogée, pour 2008, à hauteur de 9,07 millions d'euros. La situation de cet établissement - auquel la commission des finances s'est beaucoup intéressée voilà deux ans - s'est améliorée depuis la parution de mon rapport d'information, et j'observe, en particulier, l'augmentation du produit de la redevance d'archéologie préventive, qui est passé, entre 2005 et 2006, de 32 millions d'euros à 66,6 millions d'euros.

Il est toutefois nécessaire de garantir, par des crédits budgétaires, l'équilibre des finances de cet établissement public. Je l'avais d'ailleurs indiqué dès l'examen du projet de loi de finances pour 2006, à un moment où le ministère de la culture, sans doute un peu trop optimiste, ne le jugeait pas utile.

Je voudrais souligner que cette subvention devrait permettre, sans toutefois y suffire, de stabiliser la situation financière de l'INRAP, si elle va de pair avec le maintien d'une politique très stricte de gestion des ressources humaines.

Néanmoins, et là réside la difficulté, ce strict encadrement des recrutements doit être compatible avec un délai de traitement moyen des fouilles archéologiques acceptable par les entrepreneurs et les collectivités territoriales concernées.

J'observe, par ailleurs, que l'INRAP n'a pas profité de l'assainissement de ses ressources pour rembourser le prêt du Trésor qui lui a permis de couvrir ses déficits successifs depuis 2002, soit 23 millions d'euros : 15,5 millions d'euros doivent encore être remboursés. D'ailleurs, les taux d'intérêt demandés par le Trésor ne sont pas négligeables.

Enfin, j'estime que le ministère de la culture doit poursuivre son effort de rationalisation de la politique d'archéologie préventive en réunissant sans tarder, comme il s'y est engagé devant le Sénat, le Conseil national de la recherche archéologique.

L'idée est évidemment de définir des priorités dans le cadre d'une carte archéologique qui serait susceptible de nous donner un certain nombre de bases, mais c'est peut-être un rêve difficile à réaliser !

Je souhaite donc, madame la ministre, que vous nous fassiez part de vos orientations sur ces différents points et, surtout, que vous puissiez présider vous-même l'une des réunions du Conseil national de la recherche archéologique. Bien que j'aie adressé à plusieurs reprises la même demande à votre prédécesseur, il a toujours envoyé à sa place le directeur de l'architecture et du patrimoine, personnalité éminente et infiniment respectable, qui n'est cependant pas en capacité de prendre des engagements politiques.

Ma troisième observation porte sur le Centre national de la cinématographie, le CNC. À ce jour, les taxes qui alimentent le soutien à l'audiovisuel et au cinéma transitent par le compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».

Ce système présente de réels inconvénients. En effet, les crédits alloués au cinéma et ceux qui sont destinés à la télévision sont gérés de manière étanche, alors que la distinction des supports n'a plus de sens à l'heure de la numérisation et empêche les régulations entre les sections du compte.

Sur le plan comptable, le CNC ne peut pas retracer ses créances dans son bilan. En outre, la comptabilisation des recettes affectées au compte d'affectation spéciale se fait sur la base des encaissements et non des droits constatés, ce qui contribue à déséquilibrer la structure financière du CNC.

J'estime donc que l'affectation directe des taxes au CNC présenterait de nombreux avantages. Je soutiendrai ainsi la mesure proposée à l'article 34 du projet de loi de finances rectificative pour 2007, dans l'attente de la réforme de la gouvernance du CNC. Vos services ne semblent pas opposés à cette orientation, madame la ministre.

L'amendement proposé à ce sujet par la commission des finances nous permettant de débattre de manière plus approfondie de l'expérimentation de la gratuité des musées, puisqu'il prévoit le dépôt d'un rapport, je voudrais vous faire part ici des inquiétudes engendrées par la proposition de loi de notre collègue député Jean-François Mancel, tendant « à établir une réelle liberté de gestion des établissements culturels ». Notre collègue député propose de classer les oeuvres détenues par les musées français en deux catégories : d'une part, les « trésors nationaux », oeuvres qui, compte tenu de leur importance, ne pourraient quitter le territoire national et seraient inaliénables ; d'autre part, les « oeuvres libres d'utilisation », qui seraient aliénables et pourraient être louées ou vendues, sous réserve de l'accord d'une commission du patrimoine culturel.

J'entends bien que l'on ne peut pas continuer à accumuler indéfiniment dans les musées des objets qui sont peut-être des « rossignols ». Mais sait-on seulement ce que ces « rossignols » seront à l'avenir ?

Cette proposition de loi va en tout cas à l'encontre de la tradition française et a déclenché de vives inquiétudes dans les milieux museaux. Je souhaite donc que vous nous fassiez partager l'analyse du Gouvernement sur ce sujet.

Enfin, ce point ayant fait l'objet de débats en commission des finances, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur le décret qui doit permettre aux directions régionales des affaires culturelles d'assister les communes et prévoir la possibilité, pour les DRAC, d' « héberger » les procédures de passation des marchés publics des petites communes. Madame la ministre, ce décret est attendu et nous souhaiterions connaître l'état d'avancement de sa rédaction.

Sous le bénéfice de ces observations et de l'amendement qu'elle présente, la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Culture » pour 2008, ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, il m'appartient de rapporter les crédits du programme « Patrimoines » et ceux du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui représentent respectivement 41 % et 38 % du projet de budget de la mission « Culture ».

Les cinq minutes qui me sont imparties ne me permettent évidemment pas de présenter l'architecture de ces crédits, et je connais trop les rigueurs de la procédure, et la rigueur du président, pour m'affranchir du délai qui m'est accordé et qui évoque irrésistiblement le lit de Procuste de la mythologie ! (Sourires.)

Je me contenterai donc d'aborder trois aspects, les plus importants à mes yeux, de ces deux programmes.

Tout d'abord, en ce qui concerne le patrimoine monumental, l'examen des dotations montre que 334 millions d'euros, soit 30 millions d'euros de plus qu'en 2006 et 17 millions d'euros de moins qu'en 2007, sont prévus en autorisations d'engagement. Compte tenu des contraintes budgétaires qu'évoquait à l'instant mon collègue de la commission des finances, l'effort est réel.

Cependant, la commission des affaires culturelles du Sénat n'a pas caché son inquiétude quant à l'exécution du budget en 2008. Toute mesure de régulation serait lourde de conséquences pour le patrimoine tant public que privé et, par conséquent, pour les entreprises spécialisées dans la restauration des monuments, qui ont vécu, en 2005 et en 2006, une véritable crise.

Comment ne pas rappeler, à cet égard, les propos du Président de la République inaugurant le Palais de l'architecture et du patrimoine et évoquant la mobilisation d'une somme de 4 milliards d'euros sur dix ans pour être à la hauteur des besoins du patrimoine en France ?

Nous serons donc à vos côtés, madame la ministre, pour défendre les crédits du patrimoine et limiter les effets de la rigueur budgétaire en 2008.

Cela concerne le patrimoine monumental de l'État, mais aussi celui des collectivités territoriales. Il faut souligner que 60 % des monuments classés et 45 % de l'ensemble du patrimoine appartiennent aux collectivités locales, pour l'essentiel aux communes. À cet égard, je signale qu'elles attendent avec impatience la mise en oeuvre de la réforme de la maîtrise d'ouvrage, qui doit en principe faire prochainement l'objet de textes d'application.

J'évoquerai aussi le patrimoine privé, qui représente 49 % du patrimoine total et 35 % des monuments historiques classés. Dans ce domaine, l'État doit encourager la diversification des moyens de financement. Sur ce plan, les propriétaires privés attendent avec beaucoup d'impatience la publication des décrets d'application de l'amendement voté l'année dernière sur l'initiative du rapporteur spécial du budget et visant à étendre le bénéfice des dispositions de la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Nous en espérons beaucoup.

Je voudrais maintenant saluer le défi, que le ministère s'est lancé, d'instaurer la gratuité dans les musées. En 2008 sera menée une expérimentation qui durera six mois et concernera quatorze musées, huit en province, six à Paris. L'objectif est d'encourager l'accès de tous à la culture. Chacun d'entre nous ne peut que se féliciter de cette expérience ; le Sénat considère que la culture pour tous est un des moyens privilégiés d'assurer l'égalité des chances ou ce que l'on aurait appelé autrefois, d'un mot cher à Jean Vilar, « l'élitisme pour tous ».

Néanmoins, la commission des affaires culturelles s'est interrogée sur l'incidence financière d'une telle mesure. Compte tenu des contraintes qui pèsent sur l'ensemble des crédits, ceux de votre ministère pourront-ils l'an prochain compenser le manque à gagner important que subiront les musées concernés par cette expérimentation ?

Au-delà de la question de la gratuité, le débat doit porter sur les réelles mesures d'éducation qui permettront d'élargir le public des musées hors du cercle des habitués.

Je voudrais citer ici la formule qui figure au fronton du palais de Chaillot : « Ami, n'entre pas ici sans désir. » C'est, je crois, autant le désir d'art et de beauté que la gratuité d'entrée qui permettront d'étendre, comme nous le souhaitons tous, le public des musées.

En tout cas, le défi que se lance votre ministère est important. Je ne doute pas un seul instant que vous saurez le relever. Nous aurons l'occasion d'en discuter à nouveau dans le courant de l'année prochaine, lorsque les résultats de l'expérimentation auront été mesurés par un organisme indépendant.

Je voudrais enfin mettre en exergue, pour m'en féliciter, l'effort consenti, dans ce projet de budget, en faveur de l'éducation culturelle et artistique. Les crédits affectés augmentent de 6 %, ce qui est méritoire en ces temps de difficultés et de rigueur budgétaire. Ils s'élèvent à 32 millions d'euros et traduisent une réelle volonté politique, que je veux ici saluer.

Cet effort permettra de financer, en étroite liaison avec le ministère de l'éducation nationale, des opérations exemplaires, telles que les ateliers artistiques dans les lycées et les collèges, le soutien aux services éducatifs des musées - le nombre de ces structures se multiplie aujourd'hui sur l'initiative des communes pourvues d'un musée -, la formation des enseignants, des actions spécifiques dans les écoles.

S'agissant des actions en milieu scolaire, deux mesures nouvelles m'apparaissent particulièrement intéressantes.

Il s'agit de l'introduction, tant attendue, de l'enseignement de l'histoire de l'art dans les établissements d'enseignement et de la mise en place de liens contractuels entre établissements scolaires et établissements culturels. Ces dispositions permettront, je le crois, d'ouvrir le monde de la culture aux plus jeunes. C'est parmi eux que se recrute le public qui demain fréquentera avec bonheur les musées, les théâtres ou les salles de concert.

Malgré les contraintes, votre projet de budget, madame la ministre, traduit une réelle volonté de démocratiser la culture. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles, qui a tenu à marquer à la fois son soutien à cette volonté de démocratisation et sa vigilance pour ce qui est du patrimoine monumental, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Je salue votre performance, mon cher collègue, car vous avez su respecter votre temps de parole sans rien sacrifier de la densité de votre propos !

La parole est à M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis.

M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous présenterai d'abord, pour ce qui me concerne, le programme « Création », qui représente 38 % des interventions de la mission « Culture » et dont les crédits connaîtront une quasi-stagnation en 2008.

Ce projet de budget s'établit, hors dépenses de personnel, à 736,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 739,3 millions d'euros en crédits de paiement. En intégrant les dépenses de personnel, le programme atteint 798,23 millions d'euros en crédits de paiement et 798,23 millions d'euros en autorisations d'engagement ; la progression est donc seulement de 0,1 % pour les crédits de paiement et de 0,6 % pour les autorisations d'engagement.

La première action concerne le spectacle vivant, qui représente 38 % du programme et avait constitué une priorité ces dernières années : sa part dans le budget du ministère était passée de 24 % en 1999 à 35,9 % en 2006. Après être revenue cependant à 32,32 % en 2007, elle sera de 30,87 % en 2008. Les crédits diminueront, par conséquent, de 0,38 %, ce qui inquiète bien entendu les professionnels concernés.

Les opérateurs nationaux auront un budget contraint ; il leur est donc demandé de poursuivre leurs efforts de rationalisation et de développer de nouvelles ressources, afin d'accroître leurs marges de manoeuvre. À cet égard, avez-vous envisagé, madame la ministre, que les festivals dédiés au spectacle vivant puissent bénéficier des dispositions applicables en matière de mécénat ?

J'avais salué l'an dernier l'ajout d'un indicateur concernant la « part des structures bénéficiant d'une subvention de fonctionnement ayant signé une convention avec l'État ». Il nous semble important que cet indicateur soit désormais respecté, ce qui suppose un renforcement de la politique de contractualisation de l'État avec les structures dont il subventionne le fonctionnement. Dans cet ordre d'idée, je regrette le retard pris dans la mise en place des contrats d'objectifs et de moyens des scènes nationales.

Par ailleurs, j'insiste à nouveau sur la nécessité d'amplifier la diffusion des spectacles.

Certains progrès ont été réalisés depuis la publication du rapport de Bernard Latarjet, qui a jeté la lumière sur les insuffisances en la matière, mais l'évolution s'avère lente. C'est dans le domaine du théâtre et du cirque que les efforts sont le plus importants, puisque chaque spectacle fait l'objet, en moyenne, de 3,7 représentations, contre 2,6 représentations toutes disciplines confondues. Mais ces chiffres restent très faibles, et il faut renforcer les efforts dans ce domaine.

Le nécessaire développement de la circulation des spectacles entre les théâtres vaut, au premier chef, pour le réseau des théâtres publics. À cet égard, je souhaite que soient pris aussi en compte les théâtres municipaux. Une meilleure circulation des oeuvres doit également être encouragée entre théâtres publics et théâtres privés. Nous manquons d'informations complètes et fiables dans ces domaines, aussi sommes-nous favorables à la création d'un observatoire du spectacle vivant, qui centraliserait l'ensemble des données statistiques et pourrait produire des données incontestables, notamment sur la place de la création contemporaine et des auteurs vivants dans les théâtres. Que pensez-vous, madame la ministre, de l'idée de confier cette mission au Centre national du théâtre ?

Pour ce qui concerne les arts plastiques, qui représentent 10,5 % du programme, la hausse des crédits en leur faveur est importante, puisqu'elle atteint 8 %. Nous saluons en outre le « plan de renouveau pour le marché de l'art », que vous avez annoncé en septembre dernier.

Pour ce qui concerne le livre et la lecture, qui représentent 4,1 % du programme, nous nous réjouissons du lancement d'un « plan livre », que nous avions appelé de nos voeux. Les librairies indépendantes, fragiles, seront les premières concernées.

Ce plan reprend partiellement les propositions du rapport « Livre 2010 » et d'Antoine Gallimard, mais aussi celles qui avaient été avancées par notre commission dans son rapport d'information. Cependant, pourquoi ne pas reprendre l'idée de créer un médiateur du livre, madame la ministre ? Je sais que l'ensemble des professionnels ne l'approuvent pas, mais ne serait-ce pas là le moyen de rééquilibrer un rapport de force le plus souvent défavorable aux auteurs ?

S'agissant de la musique, la situation est très inquiétante, les entreprises étant particulièrement affaiblies par le piratage des oeuvres. Ainsi, depuis 2003, le marché du support musical aura perdu 43,6 % en volume et 44,8 % en valeur !

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser les modalités du « plan de sauvetage » annoncé pour cette industrie, qui prévoyait notamment une baisse de la TVA sur le disque, mais aussi l'engagement d'actions innovantes ?

J'en viens à ce que j'ai appelé la « permanence de la question de l'intermittence ».

La Cour des comptes a analysé la gestion du régime d'indemnisation des intermittents du spectacle. Elle conclut que, si l'on tente d'établir un bilan des dispositifs existants au regard des objectifs assignés, force est de constater qu'ils n'y ont qu'imparfaitement satisfait : le système des annexes 8 et 10 de l'assurance chômage n'est pas entièrement vertueux, et le dispositif ne semble pas avoir permis à l'UNEDIC de réaliser les économies attendues.

Lors de la dernière réunion, le 15 octobre dernier, du Comité national des professions du spectacle, le CNPS, vous aviez indiqué, madame la ministre, vouloir demander au Premier ministre de reconduire en 2008 le dispositif applicable aux allocataires du Fonds de professionnalisation et de solidarité, financé par l'État. Où en sommes-nous aujourd'hui, et pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'utilisation des fonds publics déjà engagés à ce titre ?

Par ailleurs, je m'inquiète du retard pris dans la négociation des conventions collectives, alors que l'on avait fixé pour objectif de les avoir conclues à la fin de 2006. En effet, si des progrès ont été réalisés dans certains domaines, les discussions semblent s'enliser sur d'autres sujets...

Au total, les artistes et techniciens sont inquiets.

Nous insistons pour que, dans le cadre de la renégociation du régime général d'assurance chômage qui se déroulera en 2008, les partenaires sociaux prennent en compte les spécificités des professions artistiques. Un équilibre doit être légitimement trouvé pour cela, sans pour autant que l'assurance chômage soit conduite à prendre en charge ce qui relève d'autres acteurs : de l'État, au titre de la solidarité nationale ou de la politique culturelle, des employeurs ou des collectivités territoriales.

En conclusion, je vous indique que la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Création » de la mission « Culture » pour 2008. (Applaudissements au banc des commissions.)

S'agissant maintenant du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », je constate que le secteur du cinéma est globalement en « bonne santé » économique. Le nombre de films produits en 2006 est identique à celui de 2004, après le record enregistré en 2005. Par ailleurs, la fréquentation des salles a progressé de 7,6 % et la part des films français s'établit à 44,7 %. Elle n'avait pas été aussi élevée depuis 1984. En outre, les exportations de films français à l'étranger se sont bien tenues en 2006, même si certaines évolutions s'avèrent préoccupantes dans ce domaine.

Cependant, ce tableau positif ne doit pas dissimuler des fragilités, ainsi que la nervosité d'un certain nombre des professionnels que j'ai auditionnés.

Je pense, en premier lieu, au secteur de la vidéo. Ce marché a subi une diminution de 5,2 % en volume et de 7 % en valeur en 2006, puis une nouvelle baisse de 0,4 % et de 7 % respectivement au cours du premier semestre de 2007. La vidéo à la demande, quant à elle, démarre lentement.

Je pense, en second lieu, au problème du piratage massif des oeuvres. Depuis l'adoption de la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, les technologies et les comportements des internautes ont continué à évoluer, et il est, nous le savons, particulièrement difficile de réglementer un secteur aussi sujet à mutations. Toutefois, l'évolution des technologies permet aussi d'envisager de nouveaux moyens de lutter contre ce fléau.

Notre commission se réjouit sincèrement de la signature, le 23 novembre dernier, de l'accord pour le développement et la protection des oeuvres culturelles sur les nouveaux réseaux. Ainsi, dans un délai très rapide, la mission confiée à M. Denis Olivennes a permis d'aboutir, pour la première fois, à une position commune des acteurs du monde de la musique, du cinéma, de l'audiovisuel et des fournisseurs d'accès. Nous tenions à ce que la responsabilité, dans ce domaine, soit partagée entre ces différents intervenants.

Cet accord permettra de protéger nos industries culturelles du fléau de la piraterie de masse. Finie l'idée que la création est gratuite ! Les ayants droit seront mieux respectés, mais l'accord profitera également aux consommateurs, et ce de deux manières : d'une part, en raison de la suppression des mesures techniques de protection qui empêchent d'écouter les titres téléchargés légalement sur tous les types d'appareils ; d'autre part, par l'amélioration de l'offre légale de musique et de films, qui sera plus rapidement disponible sur Internet et moins onéreuse.

La procédure d'avertissement préalable des internautes par le biais d'une autorité indépendante, qui, en cas de récidive, pourrait prononcer des sanctions, nous semble tout à fait adaptée ; elle viendra utilement compléter cette loi.

Pour notre commission, l'Autorité de régulation des mesures techniques, créée à l'initiative du Sénat, devrait se voir confier ces nouvelles responsabilités. Que pensez-vous de cette proposition, madame la ministre ?

Un autre sujet de préoccupation tient à la nécessité de repenser et de réaffirmer la complémentarité entre politique culturelle et droit de la concurrence.

Cette question recouvre de nombreux sujets. Je pense notamment à la carte illimitée. Le récent agrément accordé à la nouvelle carte illimitée a suscité bien des polémiques. Madame la ministre, s'agit-il d'un procès d'intention ou d'un risque véritable de spoliation des ayants droit ?

Par ailleurs, je m'inquiète des possibles conséquences de la remise en cause, par le Conseil de la concurrence, du code de bonne conduite qui encadrait, depuis 1999, les relations entre distributeurs et exploitants, et qui tenait compte de l'économie extrêmement particulière de la diffusion des films en salles. Il serait souhaitable d'éviter tout phénomène de « guerre des prix » dans le secteur du cinéma qui porterait préjudice à l'ensemble du secteur.

En ce qui concerne la cohabitation entre salles privées et salles publiques, l'équilibre est tellement fragile qu'il convient d'y veiller en permanence et de prendre en compte, bien entendu, les réalités locales.

Tous ces sujets justifient à l'évidence la mission sur le thème « Cinéma et droit de la concurrence » qui a été confiée à Anne Perrot et à Jean-Pierre Leclerc. Disposez-vous, madame la ministre, des premiers résultats de cette mission ?

L'équipement du territoire en salles de cinéma est désormais globalement satisfaisant.

Dans le cas où le Gouvernement, suivant les préconisations de la commission Attali, proposerait d'abroger les lois Royer de 1973 et Raffarin de 1996, notre commission juge absolument nécessaire de maintenir les dispositions régulant les créations et extensions d'établissements cinématographiques.

Pour ce qui concerne la projection numérique, la politique en ce domaine me semble se situer entre frilosité et volontarisme. Les exploitants, souvent en situation économique fragile, ne montrent pas tous le même empressement à sauter le pas de la projection numérique. En outre, le modèle économique permettant un développement de ces technologies dans les salles de cinéma n'a pas encore été trouvé à ce jour dans notre pays, même si les réflexions progressent.

L'accompagnement de ces mutations soulève des questions de régulation publique et appelle, sans doute, une adaptation du soutien financier géré par le CNC. Il nous apparaît essentiel que les modes de financements garantissent l'indépendance de programmation des exploitants.

Tant les pouvoirs publics que les professionnels devront également veiller à ce que des écarts ne se creusent pas durablement entre des salles « à plusieurs vitesses ». À cette fin, une attention particulière devra sans doute être portée aux salles d'art et essai, ainsi qu'aux salles jouant un rôle spécifique en matière d'aménagement culturel du territoire.

Dans ce contexte, le programme 711, consacré aux industries cinématographiques, devrait bénéficier d'une hausse de 4,54 % en 2008, pour s'établir à 280,8 millions d'euros. Le secteur continuera aussi à être soutenu par une politique fiscale incitative.

Je me suis interrogé sur l'idée d'une taxation des recettes de publicité de la vidéo à la demande, qui me semblerait pertinente et respectueuse du principe de la neutralité technologique.

Il nous a semblé toutefois opportun d'attendre l'an prochain, compte tenu des réflexions en cours sur la réforme du dispositif de soutien du CNC et des règles régissant la publicité télévisée.

Enfin, j'insiste pour que la pérennisation à long terme du régime d'aides publiques aux oeuvres cinématographiques et télévisuelles soit inscrite à l'agenda de la prochaine présidence française de l'Union européenne.

Je conclurai en vous indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 711. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

En outre, conformément aux décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, depuis votre prise de fonction rue de Valois, nous assistons à l'ouverture de nombreux chantiers dans plusieurs secteurs de notre politique culturelle : missions Olivennes sur le téléchargement illégal, Gross sur l'éducation artistique et culturelle, « Grenelle de l'audiovisuel ». La lettre de mission que vous a adressée le Président de la République a fixé les grandes lignes de votre action, dont nous commençons à trouver la traduction dans ce budget.

Madame la ministre, je serai très directe : ce budget inquiète les acteurs culturels tout autant que les collectivités territoriales, que nous représentons ici au Sénat, déjà très investies dans la culture. Vous l'avez vous-même admis, votre budget n'est pas seulement contraint, c'est un budget d'austérité. Je dirais que vous avez été quelque peu malmenée par Bercy et nous sommes nombreux ici à le penser.

Certes, nous sommes conscients de l'état critique de nos finances publiques. Nous concevons tout à fait que le ministère de la culture participe à l'effort de réduction des dépenses. Cependant, l'effort demandé est très important pour un secteur qui représente à peine 1 % du budget de l'État. Il ne faudrait pas que l'ensemble du secteur culturel soit pénalisé outre mesure. Gardons à l'esprit cette maxime que l'on doit au cinéaste et humoriste américain Woody Allen qui dit fort à propos que « l'argent est plus utile que la pauvreté pour des raisons financières ».

La lettre de mission du Président de la République vous fixe des objectifs ambitieux. Aussi, dans un contexte budgétaire contraint, notre interrogation concerne les moyens dont vous disposez pour les atteindre.

Comment sauvegarder le patrimoine monumental quand on constate une stagnation des crédits, alors que cette action suppose des moyens importants et un effort constant, selon les termes du Président de la République ?

Comment favoriser la création et la diffusion des spectacles quand les crédits en faveur du spectacle vivant restent, au mieux, au même niveau ?

Comment faire de la démocratisation culturelle une priorité de la politique culturelle lorsque les crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont en baisse d'environ 1,7 million d'euros ?

Ainsi dans le programme « Patrimoines », on constate la stagnation des crédits alloués au patrimoine historique, autour de 300 millions d'euros, qui ne se situent à ce niveau que grâce à la rebudgétisation de la taxe affectée au Centre des monuments nationaux. Nous regrettons cette décision, car cette recette pérenne nouvelle de 70 millions d'euros par an, prélevés sur les droits de mutation perçus par l'État, était particulièrement utile. Nous retombons donc à un niveau de crédits insuffisants pour les besoins de ce secteur, après deux années marquées par des mesures d'urgence qui avaient permis d'atteindre les 350 millions d'euros jugés nécessaires par notre mission d'information. Nous sommes également loin des 400 millions promis par le Président de la République pendant la campagne présidentielle « pour redonner sa splendeur à notre patrimoine ». Dans ces conditions, un certain nombre de chantiers vont de nouveau être arrêtés ou reportés.

Cette situation confirme, au-delà d'un engagement constant, la nécessité de mettre en oeuvre au plus vite les dispositions préconisées par les missions de l'Assemblée nationale et du Sénat en faveur du patrimoine, notamment la diversification de ses sources de financement.

Consciente de ces difficultés, madame la ministre, vous avez évoqué la recherche d'une ressource extrabudgétaire pour assurer la pérennité du financement. Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette mesure ?

Cela dit, pour être équitable, je tiens à saluer les efforts déployés en faveur des monuments historiques n'appartenant pas à l'État, puisque 20 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2007 leur seront consacrés. C'est une bonne chose, car les monuments appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés disposent traditionnellement de moins de moyens que les monuments parisiens, et sont dans une situation très tendue.

Dans ce programme, je citerai également l'action renforcée du ministère en faveur des musées en région qui voient leurs crédits augmenter de près de 18 %. Ces crédits supplémentaires permettront de financer les opérations d'investissement et d'améliorer la qualité des équipes et des lieux qui assurent en région la diffusion des riches oeuvres de notre patrimoine muséal. Ce rééquilibrage en faveur des régions est le bienvenu.

L'effort est aussi conséquent en faveur des archives, puisque ce sont 76 millions d'euros en autorisations d'engagement et 28 millions en crédits de paiement qui sont consacrés à la construction du nouveau Centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine. Ce centre pour les archives de l'État postérieures à 1790, qui devrait voir le jour en 2011, permettra aux chercheurs de disposer d'un lieu moderne et adapté de conservation et de consultation des archives. Par cet engagement, qui sera complété par le projet de loi relatif aux archives - il sera prochainement discuté dans notre assemblée -, l'État confirme que la conservation, l'enrichissement et la valorisation du patrimoine archivistique constituent un objectif majeur de sa politique culturelle.

Concernant la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, je regrette la baisse globale des crédits de ce programme. Certes, figure dans ce budget une augmentation de 6 % des crédits alloués à l'éducation artistique et culturelle qui fait figure de priorité de votre action.

Nous ne pouvons que vous soutenir dans ce choix politique, car nous sommes convaincus que toute réforme profonde de la politique culturelle tient à la place que l'on fera à l'éducation artistique dans le cadre de l'enseignement général. Nous serons bien sûr attentifs aux mesures concrètes que vous mettrez en oeuvre à la suite des recommandations de M. Éric Gross sur la généralisation de l'éducation artistique et culturelle et l'amélioration de ses dispositifs.

Cependant, les actions en faveur de l'accès à la culture sont touchées, ce qui est en contradiction totale avec l'objectif prioritaire de démocratisation culturelle affiché par le ministère. Ce sont les actions de sensibilisation des publics, les politiques de lutte contre les inégalités territoriales, le travail des associations auprès des populations culturellement défavorisées qui sont remis en cause. On ne peut financer l'éducation artistique et culturelle au détriment des dispositifs de démocratisation culturelle.

Il est également difficilement compréhensible aujourd'hui que les ASSEDIC refusent encore de prendre en compte - comme pourtant l'avait souhaité votre prédécesseur, Renaud Donnedieu de Vabres - les heures d'intervention des artistes dans les écoles et dans d'autres lieux pour qu'ils bénéficient de leur régime d'assurance chômage. Nous savons tous que l'éducation artistique et culturelle passe par la présence renforcée des artistes dans les écoles. C'est d'ailleurs le sens des mesures prises dans ce budget. Comment cette politique est-elle possible si les ASSEDIC ne reconnaissent pas ces heures comme faisant partie du travail artistique ouvrant des droits aux intermittents ? Ces derniers ont besoin, madame la ministre, d'être aujourd'hui rassurés.

Un dernier mot pour déplorer la diminution des aides aux établissements d'enseignement spécialisé, qui obligera les collectivités territoriales à venir compenser ce désengagement. C'est le cas dans mon département, comme dans beaucoup d'autres, où les crédits pour l'école des beaux-arts du Havre et de Rouen sont en baisse de 15 %. Je n'ose croire qu'une baisse similaire affectera les conservatoires. À l'heure de la mise en oeuvre, inégalement avancée, d'ailleurs, de la loi relative aux libertés et responsabilités locales d'août 2004 concernant ces établissements, cette décision serait regrettable, car elle donnerait le sentiment d'un « marché de dupes ». On ne peut concevoir la décentralisation comme un désengagement de l'État qui se décharge de ses missions sur les collectivités locales.

Concernant l'expérimentation de la gratuité des musées, je voudrais exprimer les mêmes réserves que notre rapporteur pour avis Philippe Nachbar. Si cette initiative apparaît de prime abord comme une bonne idée, je ne suis pas sûre qu'elle soit particulièrement opportune dans un contexte budgétaire particulièrement contraint et qu'elle soit la panacée pour favoriser l'accès à la culture. De nombreuses études ont en effet montré que ce type de mesure renforçait la fréquentation des publics déjà habitués à venir dans les musées. On ne peut donc pas associer si facilement gratuité et démocratisation.

C'est en outre méconnaître tout le travail de sensibilisation des publics éloignés des pratiques culturelles, qui ne viendront pas dans les musées uniquement parce qu'ils sont gratuits. C'est pour cette raison que les actions en faveur de l'accès à la culture ne doivent pas être délaissées. Cela dit, j'ai bien entendu que cette expérimentation sera ciblée et soumise à évaluation.

Enfin, en ce qui concerne le programme « Création », hormis le secteur des arts plastiques, qui est en progression, les crédits stagnent, ce qui ne manque pas d'inquiéter les professionnels du spectacle vivant, qui tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme.

Alors que le spectacle vivant a fait figure de secteur prioritaire ces dernières années, ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui. Le gel des crédits à hauteur de 6 % prévu cette année fait craindre des réductions qui vont se traduire par moins de création, peut-être des licenciements d'artistes ou de techniciens, en tout cas des non-renouvellements de contrat, fragilisant encore plus les structures et les compagnies.

Ainsi, Laurent Hénart, président de la Réunion des opéras de France, vous a alertée sur le désengagement de l'État vis-à-vis des opéras en région. Pardonnez-moi une fois encore de citer un exemple tiré de mon quotidien d'élue locale, mais, très concrètement, à Rouen, ce désengagement se traduit par une baisse de 6 % de la subvention de l'État à l'opéra, et la hausse prévue pour le centre dramatique régional lors du recrutement de sa nouvelle directrice semble remise en cause.

Tout le monde constate l'essoufflement des financements de l'État, notamment dans le secteur du spectacle vivant, ce qui l'empêche de remplir correctement ses missions. Pour ma part, j'appelle de mes voeux une politique contractuelle de l'État avec les collectivités territoriales pour non seulement réduire les déséquilibres financiers, mais surtout clarifier le rôle de l'État et définir l'articulation des différents échelons des collectivités locales, plutôt que chacun fasse sa politique culturelle dans son coin. Cela conduit parfois - il faut bien le dire - à un éparpillement des financements. D'ailleurs, les acteurs culturels eux-mêmes ont besoin de savoir qui fait quoi, avec qui, comment et pourquoi.

On n'a pas non plus encore tiré toutes les conséquences du rôle premier des collectivités locales dans le financement de la culture. Elles sont aujourd'hui en première ligne ; elles jouent un rôle majeur en matière de politique culturelle en finançant des équipements culturels et en accompagnant les structures artistiques à plus des deux tiers des dépenses pour le spectacle vivant.

Faisant le constat des difficultés récurrentes de financement dans l'ensemble de nos départements, les professionnels du spectacle vivant vous demandent l'organisation d'un « Grenelle de la culture ». Il y a maintenant trois ans, lors des débats sur le spectacle vivant organisés au Parlement, nous étions plusieurs parlementaires à souhaiter une loi d'orientation sur le spectacle vivant. Plus récemment, pendant la campagne présidentielle, j'ai personnellement évoqué l'organisation d'états généraux de la culture.

Au-delà de ces différences de terminologie, l'idée est la même : il s'agit de traiter enfin l'ensemble des difficultés liées à ce secteur. Le ministère n'échappera pas à cette remise à plat et, de ce fait, à une profonde réforme de ses structures.

On ne fera donc pas l'économie d'une conférence nationale réunissant l'État, les collectivités territoriales et les acteurs culturels afin de clarifier le rôle de chacun au regard de ses responsabilités et de ses engagements financiers réels, pour faire mieux, peut-être plus simple et plus clair, de façon coordonnée et autour de projets structurants. Pour être réussie, la décentralisation culturelle doit, plus que jamais, être organisée.

« Vivre, c'est ne pas se résigner », a écrit Albert Camus. Aussi, mes chers collègues, je crois venu le temps d'inviter Mme la ministre, et nous souhaitons l'y aider, à ouvrir quelques-uns de ces grands chantiers que je viens d'évoquer. Là sont les enjeux d'aujourd'hui.

Êtes-vous également prête, madame la ministre, à engager cette grande réflexion si nécessaire sur les missions du ministère de la culture, conjointement d'ailleurs avec les ministères des affaires étrangères et de l'éducation nationale, car ils conduisent eux-mêmes un certain nombre d'actions qui ne sont pas toujours clairement articulées avec la rue de Valois ?

Voilà donc synthétisé notre point de vue sur les crédits de la mission « Culture ».

Nous aimerions être constructifs, mais les interrogations sont aujourd'hui trop nombreuses. Nous ne pouvons donc raisonnablement pas voter ces crédits. À vrai dire, depuis que je suis parlementaire, c'est sans doute la première fois que je m'abstiendrai de voter le budget de la culture. C'est dire si notre inquiétude est grande !

J'espère très sincèrement, madame la ministre, vous qui n'êtes pas personnellement à mettre en cause et dont le professionnalisme est reconnu, que ces mises en garde feront réagir le Gouvernement dans le bon sens. Il doit comprendre que, comme l'a écrit Gao Xingjian, « la culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité ». (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Madame la ministre, à l'occasion de votre arrivée à la tête du ministère de la culture et de la communication, le 1er août 2007, le Président de la République vous adressait une lettre de mission dans laquelle il vous signifiait les priorités qu'il vous entendait voir mettre en oeuvre : « L'heure d'un nouveau souffle pour notre politique culturelle est donc venue, celle d'adapter l'ambition d'André Malraux au XXIe siècle. Il vous revient de proposer les voies et moyens d'une politique culturelle nouvelle, audacieuse, soucieuse de favoriser l'égalité des chances, d'assurer aux artistes une juste rémunération de leur travail, de développer la création et nos industries culturelles, de s'adresser à tous les publics. »

Ces quelques lignes issues de votre lettre de mission ont suscité chez l'ensemble des acteurs culturels l'espoir que, enfin, après cinq années de mise en berne, la culture soit remise au premier plan de l'action gouvernementale.

Si l'enveloppe budgétaire attribuée à votre ministère ne peut être considérée comme le seul levier de votre action, elle est, vous en conviendrez, madame la ministre, un outil significatif, sinon déterminant.

Or il y a fort à craindre que la rupture chère au Président de la République ne se produise pas, en 2008 et d'un point de vue budgétaire, dans les domaines de la culture et de la communication.

En effet, si les crédits de la mission « Culture » pour 2008 sont affichés comme étant en hausse de 3,2 %, ils ne sont pas directement comparables avec ceux du budget de 2007, du fait des changements de périmètre : le produit de la taxe affectée au Centre des monuments nationaux, le CMN, d'un montant de 70 millions d'euros, fait l'objet d'une re-budgétisation pour 2008 ; 25 % du produit de la taxe sur les droits de mutation à titre onéreux font désormais partie des lignes budgétaires.

Déduction faite de cette re-budgétisation, et à structure constante, le budget de la culture connaîtra en réalité une diminution de 56,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse effective de 2 %.

Cette baisse réelle, loin de constituer un souffle nouveau pour notre politique culturelle, aura de lourdes conséquences tant pour les artistes, la création et l'exposition des oeuvres, que pour les publics.

En ce qui concerne le programme « Patrimoines », si l'on déduit la re-budgétisation des 70 millions d'euros que j'évoquais à l'instant, les crédits du patrimoine monumental et archéologique chutent de 272 millions d'euros en 2007 à 269 millions d'euros en 2008. Ils sont même en diminution sensible de 27 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de 8 %.

Le moins que l'on puisse dire est que ce secteur a été sinistré au cours des années précédentes, suscitant la colère des professionnels.

Le Président de la République avait d'ailleurs promis durant sa campagne d'allouer 4 milliards d'euros sur dix ans, soit 400 millions d'euros par an, aux monuments historiques afin, je cite, de « redonner sa splendeur au patrimoine ». Force est de constater que le budget pour 2008 est loin d'atteindre cet objectif, puisque seuls 316 millions d'euros seront affectés au patrimoine monumental, soit, déduction faite des 70 millions d'euros re-budgétisés, une hausse de 570 000 euros par rapport à 2007.

Hors dépenses de personnels, et à périmètre constant, les moyens attribués au programme « Création » en 2008 diminuent de 0,2 % par rapport à 2007.

S'agissant plus précisément du spectacle vivant, la stagnation du budget cache en réalité une baisse de 414 000 euros en crédits de paiement et de 715 900 euros en autorisations d'engagement. Alors que, en 2007, la part du spectacle vivant dans le budget du ministère de la culture était de 32,3 %, elle passe à moins de 31 % en 2008.

Avec une telle baisse, comment pouvez-vous, madame la ministre, considérer que le spectacle vivant constitue une priorité de votre action, alors même que ces crédits sont destinés à soutenir un réseau de près de 1 000 lieux de création, de production ou de diffusion sur l'ensemble du territoire ?

Ces lieux, vous le savez, sont consacrés au théâtre, aux arts du cirque, de la rue, à la musique, à la danse, à l'ensemble de ces disciplines mono et pluridisciplinaires qui font vivre les artistes et rêver les publics.

De plus, il faut subventionner non seulement les lieux, mais également les troupes qui, à l'image du théâtre de rue, amènent l'art directement au contact du public et de manière souvent gratuite pour le spectateur. Or les acteurs des 1 063 compagnies de théâtre de rues répertoriées sont inquiets. Ils se sentent considérés comme le parent pauvre du spectacle vivant.

La somme annuelle allouée par l'État aux arts de la rue - aux alentours de 8 millions d'euros - est bien trop modeste. Elle représente à peine plus que le budget annuel d'une scène nationale. Comment, dans ces conditions, redonner confiance à ces artistes ?

Je ne pense pas, madame la ministre, que l'évolution du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle, artistes et techniciens, soit de nature à rassurer les professionnels du spectacle vivant.

Un certain nombre d'avancées ont certes pu être obtenues dans le cadre de l'accord conclu par les partenaires sociaux le 21 décembre 2006, notamment en ce qui concerne la nouvelle possibilité pour les artistes et les techniciens de comptabiliser le nombre d'heures travaillées sur une période pouvant s'étaler au-delà des dix mois ou dix mois et demi prévus dans le protocole d'accord du 26 juin 2003.

Mais ni le fonds provisoire mis en place en 2004, ni le fonds transitoire de 2005, ni le Fonds de solidarité et de professionnalisation instauré depuis 1er janvier 2007 n'ont pu endiguer l'érosion du nombre d'intermittents affiliés au régime d'assurance chômage des annexes 8 et 10.

Il est vrai qu'en durcissant les conditions d'admission au régime de l'intermittence, les accords du 26 juin 2003 et du 21 décembre 2006 n'avaient d'autre objectif que la réduction du déficit de l'UNEDIC. Les chiffres sont éloquents : le nombre d'allocataires indemnisés a chuté de 105 600 en 2003 à 99 300 en 2006 ! Pourtant, la hausse du déficit des annexes 8 et 10 n'a en rien été enrayée. Bien au contraire, ce déficit a crû, passant de 887 millions d'euros à 991 millions d'euros en 2006.

Je ne reviendrai pas sur l'analyse de la Cour des comptes dans son rapport annuel de février 2007 de la gestion du régime d'indemnisation des intermittents du spectacle. J'ai eu l'occasion de l'évoquer il y a quelques instants dans mon intervention au nom de la commission des affaires culturelles sur les crédits du programme « Création ».

Nous souhaiterions cependant connaître, madame la ministre, les suites que vous entendez donner aux recommandations des magistrats du Palais Cambon.

Par ailleurs, la remise en cause des droits sociaux des intermittents du spectacle devait être compensée par l'élaboration de huit conventions collectives couvrant le secteur du spectacle vivant et enregistré, entreprise que les partenaires sociaux, sous l'égide du Gouvernement, auraient dû achever à la fin de l'année 2006.

Or, si des textes ont été pris dans le secteur de l'audiovisuel, les secteurs du spectacle vivant public et du spectacle vivant privé, celui des éditions phonographiques, de la production cinématographique, des prestataires techniques et des personnels non permanents de la radio font toujours l'objet de négociations, qui n'ont à ce jour pas abouti.

C'est d'autant plus regrettable que, à l'heure où les intermittents du spectacle sont plus que jamais fragilisés dans leurs droits sociaux, la signature de ces conventions collectives doit permettre de sécuriser leurs parcours professionnels tout en favorisant la pérennisation de l'emploi artistique et la limitation des abus.

Il est urgent, madame la ministre, d'accélérer l'élaboration de ces conventions collectives, car la définition du périmètre de l'intermittence permettra d'en réguler l'accès.

Les moyens budgétaires que votre ministère attribuera en 2008 aux industries culturelles, c'est-à-dire au livre, au disque, au droit de prêt en bibliothèque et au théâtre privé, sont simplement reconduits pour un montant de 31 millions d'euros. On peut toutefois souligner l'importance des accords dits « de l'Élysée » du 23 novembre dernier, sur lesquels a débouché la mission confiée à M. Denis Olivennes pour le développement et la protection des oeuvres et des programmes culturels sur les nouveaux réseaux, mais ils ne coûtent rien à votre ministère...

Le troisième programme de la mission « Culture » est celui sur lequel le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, s'est le plus engagé, du moins par la parole : il s'agit du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Présentée comme la première de vos priorités, cette politique visant à permettre à nos concitoyens d'accéder à toutes les formes de culture a été, et est encore cette année, sacrifiée. L'action en faveur de l'accès à la culture subit en effet une baisse historique de 18 % en crédits de paiement.

À l'heure où déjà deux tiers des financements culturels sont assurés par les collectivités territoriales, ce sont plus particulièrement les crédits destinés à rééquilibrer l'action de votre ministère en faveur des territoires culturellement moins favorisés qui sont touchés par cette baisse. Les actions en faveur des personnes handicapées, des associations d'éducation populaire et des associations de lutte contre l'exclusion sont elles aussi sacrifiées.

Nos quartiers les plus sensibles, parce qu'ils font l'objet d'un ostracisme et qu'ils sont isolés à la marge de nos grandes villes, expriment un besoin d'accéder à la culture sous toutes ses formes et d'exprimer la richesse de leurs diversités culturelles.

Les associations subventionnées par votre ministère sont un formidable relais pour encourager cette diversité des expressions artistiques. Pour la deuxième année consécutive, les moyens qu'elles reçoivent de votre administration chutent à pic. C'est là, je le répète, non seulement un paradoxe, mais aussi une erreur politique majeure.

Madame la ministre, nous sommes d'accord avec vous : votre budget est contraint. Il l'est d'autant plus que, au titre de la révision générale des politiques publiques, 6 % des crédits de votre ministère seront mis en réserve.

Les professionnels de la culture sont inquiets.

Le 19 novembre dernier, les organisations d'employeurs du spectacle vivant public et privé ont fait part à la presse de leur désarroi face à votre budget pour 2008. Ils ont adressé une lettre ouverte au Président de la République, dans laquelle ils appellent à la mise en place d'un Grenelle de la Culture. L'ensemble des acteurs du secteur culturel attendaient un signe fort du Gouvernement en leur direction.

Les professionnels du cinéma et de l'audiovisuel, inquiets du report de la parution des décrets relatifs aux obligations des chaînes de télévision pour soutenir la production cinématographique et audiovisuelle, ont pour leur part dénoncé le 21 novembre dernier le passage de l'exception culturelle à l'exécution culturelle !

Au final, le budget de la culture pour 2008, loin de constituer un souffle nouveau pour notre politique culturelle, ne fait que s'inscrire dans une logique continue d'essoufflement de l'action gouvernementale.

C'est donc avec regret que nous ne suivrons pas l'avis de la majorité de la commission des affaires culturelles, malgré l'excellence de ses rapports. (Sourires.) Nous sommes contraints de vous signifier notre refus d'un tel budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte d'indispensable maîtrise des dépenses et de révision générale des politiques publiques, la culture demeure, avec un budget de près de 4 milliards d'euros, une priorité pour le Gouvernement.

Des politiques seront ainsi confortées et de nouvelles orientations seront décidées, d'autant mieux que le domaine culturel a la particularité de combiner les interventions publiques et privées, les dotations budgétaires et les incitations fiscales.

Aussi, je concentrerai mon propos sur le patrimoine architectural et le développement des enseignements artistiques.

Nous le savons tous : l'état de certains monuments fait parfois peser une menace sérieuse sur une partie de notre patrimoine, et ce depuis des dizaines d'années, malgré les efforts qui ont été réalisés.

C'est la raison pour laquelle a été élaboré, voilà trois ans, un plan national d'action en faveur du patrimoine, dont l'objectif est d'associer l'ensemble des partenaires - l'État, les collectivités territoriales, les propriétaires privés et les associations - pour mettre en place des outils adaptés à la situation.

Malgré cette orientation forte, l'évolution budgétaire a été pour le moins erratique, au point que le problème du sous-financement structurel de l'entretien et de la restauration des monuments historiques rend indispensable la mise en place d'un financement dédié et véritablement pérenne. Les besoins des monuments historiques - faut-il le rappeler ?- sont évalués à environ 4 milliards d'euros sur dix ans, soit 400 millions d'euros par an.

Aussi, et dans le droit fil du discours qu'il a prononcé à la Cité de l'architecture et du patrimoine, par lequel le Président de la République a confirmé l'importance cruciale de la politique du patrimoine, vous avez, madame la ministre, pris l'engagement de trouver cette ressource extrabudgétaire indispensable.

Dans cet esprit, et compte tenu de l'importance des moyens que requiert la préservation des monuments historiques, il me semble nécessaire de porter une attention toute particulière au mécénat patrimonial, qui émerge dans notre pays depuis une dizaine d'années.

C'est notamment grâce au mécénat dit « de compétences », qui permet au mécène d'intervenir financièrement et de suivre les travaux, que la Galerie des glaces du château de Versailles a pu être restaurée dernièrement et que l'Hôtel de la Marine, situé place de la Concorde, le sera prochainement.

Destiné à favoriser le maintien sur le territoire national de trésors nationaux comme l'achat de biens culturels situés en France ou à l'étranger présentant un intérêt majeur pour notre patrimoine, ou bien encore l'acquisition d'oeuvres d'artistes vivants, la diffusion du spectacle vivant ou l'organisation d'expositions d'art contemporain, le mécénat a également un rôle majeur jour en matière de restauration du patrimoine architectural et monumental.

C'est pourquoi, selon nous, il conviendrait de procéder à une évaluation de la loi du 1er août 2003, afin de connaître précisément l'impact réel des mesures d'incitation fiscale concernant le mécénat culturel.

À cet égard, je voudrais faire un rappel. L'an dernier, en adoptant l'article 10 de la loi du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, nous avons décidé d'étendre la réduction d'impôt pour mécénat aux dons destinés à des travaux de restauration et d'accessibilité du public des monuments historiques privés. Ainsi, les dons à la Fondation du patrimoine ou à toute autre fondation ou association agréée doivent ouvrir droit à réduction d'impôt pour les entreprises et les particuliers, sous réserve, bien entendu, que le monument soit conservé par son propriétaire et ouvert au public pendant au moins dix ans.

Madame la ministre, comme cela a été souligné tout à l'heure, nous apprécions la forte augmentation - supérieure à 20 millions d'euros ! - des crédits affectés aux monuments historiques n'appartenant pas à l'État qui figure dans le projet de loi de finances pour 2008.

Au total, 123 millions d'euros viendront financer les subventions d'État au patrimoine protégé communal. Cette orientation est donc très positive pour les communes qui ont des projets de restauration ou dont les chantiers ont, par le passé, parfois été interrompus.

Une politique culturelle ambitieuse est forcément multidirectionnelle. La diversité de l'offre culturelle ne prend tout son sens que si elle rencontre son public.

Selon l'INSEE, le spectacle vivant touche chaque année, selon les genres, entre 4 % et 25 % des Français de quinze ans et plus. Environ 15 % de la population fréquente les galeries d'art ou les différents lieux d'exposition en arts plastiques et 31 % de nos compatriotes se rendent dans des bibliothèques.

Il faut donc continuer à réduire les inégalités qui peuvent parfois exister s'agissant de l'accès à la culture, ainsi que les disparités entre les différents types de publics et entre les territoires. Je pense notamment aux zones rurales. En clair, il faut confirmer et accentuer l'effort entrepris.

L'éducation artistique et culturelle constitue l'un des principaux aspects des politiques de démocratisation de l'accès à la culture. Elle est une composante essentielle de la formation des jeunes, car elle forme le regard, la sensibilité, le sens critique et la capacité à émettre un jugement esthétique.

Vous concentrez donc, madame la ministre, l'effort budgétaire sur le développement de cette discipline, en augmentant ses crédits de plus de 6 % par rapport à la loi de finances pour 2007. Nous vous en félicitons !

De leur côté, les collectivités territoriales ne sont pas en reste en la matière. Plusieurs départements ont adopté leur schéma départemental de développement des enseignements artistiques, conformément à ce qui a été défini par le législateur.

Merci, madame la ministre, de nous préciser les conditions qui sont envisagées et les modalités de transfert de crédits nécessaires à la viabilité même de ces schémas.

Ces points évoqués, le budget de la mission « Culture » nous convient, notamment dans un contexte qui, comme cela a été rappelé, n'est pas si simple.

Le groupe de l'UMP salue donc les efforts entrepris par le Gouvernement. Naturellement, nous soutiendrons vos propositions, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue, d'avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a plusieurs façons d'aborder le budget de la culture.

Premièrement, le lire au fil des chiffres et de leur agencement ; cela ne donne pas toujours grand-chose, chaque année étant vorace d'une nouvelle présentation. On devient orphelin. Ainsi, dans le budget 2008, par un changement de périmètre, les crédits du patrimoine monumental sont majorés artificiellement, alors qu'ils baissent de 18 % en crédits de paiement et de 6,4 % en autorisations d'engagement.

Deuxièmement, croire les chiffres, alors que nombreux sont ceux qui ne sont pas véritablement vrais, d'où un document en simulacre qui somnambulise. Ainsi, dans le budget 2008, le spectacle vivant, stationnaire en écriture, baisse dans ses crédits d'intervention de 414 000 euros en crédits de paiement et de 715 900 euros en autorisations d'engagement.

Troisièmement, il y a la lecture quantitative, celle qui ravale les arts, leur création, leur rencontre avec les publics et leur pluralisme à une comptabilité anonymisant tout, qui conduit à l'invisibilité démocratique. Pour moi, c'est du sarkozysme dans le budget, mais cela ne se voit pas à chiffres nus.

Les clés d'accès à la lecture qualitative du budget sont à prendre ailleurs, dans deux documents. D'une part, L'Économie de l'immatériel : la croissance de demain, de Maurice Lévy, PDG de Publicis, et de Jean-Pierre Jouyet, alors chef du service de l'Inspection générale des finances, paru le 6 décembre 2006. D'autre part, la lettre de mission que le Président de la République vous a adressée le 1er août 2007, madame la ministre.

Synthétisons le premier avec M. Pierre Musso, professeur de Sciences de l'information et de la communication à l'université de Rennes-II : « Ce rapport joue un rôle fondateur. Il est l'équivalent du rapport Nora-Minc de 1978 sur ?l'informatisation de la société française?. À l'époque, ce rapport s'appuyait déjà sur la mutation technique de la numérisation, rendue possible par la convergence des télécommunications et de l'informatique, alors qualifiée de télématique, pour annoncer l'entrée dans une nouvelle société dite ?de l'information?. » Le rapport de 1978 invitait à déréguler le secteur des télécoms.

Aujourd'hui, le même raisonnement est revisité, mais au nom de l'économie et de la « société de connaissances », qui viendrait se substituer à celle de l'information et l'englober. Il faut déréguler les secteurs de la culture, de la recherche, de la création et de l'enseignement. Hier, on dérégulait les tuyaux. Aujourd'hui, ce sont les contenus et les idées.

Le numérique étant érigé au rang de mythe rationnel indiscutable, la naturalisation de la technologie permet au pouvoir de la manier comme un discours de la causalité fatale. C'est la combinaison de la fatalité de la technologie avec celle de la financiarisation du monde. Dans cette approche technico-financière, tout deviendrait immatériel. Les réseaux d'information, notamment Internet, dématérialisent les objets, les territoires, les institutions, voire les hommes, transformés en « actifs immatériels ». Il conviendrait, dit-on, de traiter économiquement le capital humain. La notion d'« immatériel » est appliquée à l'innovation, à la recherche, à la formation, à l'enseignement, au design, à la mode, en passant par la créativité, le jeu vidéo, la publicité, les marques, l'entertainment, l'esprit d'entreprise, l'ensemble du champ des immatériels lié à l'imaginaire, ce qui permet de mettre sur le même plan la création artistique et culturelle, la publicité ou les marques.

Le rapport fait soixante-huit recommandations. J'en retiens une : le rapport demande la transformation des universités et des musées sur le modèle américain en les identifiant par des marques. Pour les musées, il faut lever plusieurs tabous, est-il dit, donc vendre ou louer des toiles.

Ainsi, le discours idéologique sur l'économie de l'immatériel pointe un fait majeur, l'importance de la connaissance et de la culture dans la société et l'économie, mais il vise à les standardiser en « actifs comptables », donc en signes valorisables pour les soumettre à une financiarisation généralisée. L'esprit des affaires prétend s'imposer aux affaires de l'esprit !

Maintenant, la lettre présidentielle sur la culture, d'une gravité extrême pour la création du spectacle vivant. Voyez plutôt : « La démocratisation culturelle, c'est enfin veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public. Vous réformerez à cette fin les conditions d'attribution des aides en créant des commissions indépendantes d'attribution associant des experts, des artistes et des représentants du public. Vous exigerez de chaque structure subventionnée qu'elle rende compte de son action et de la popularité de ses interventions, vous leur fixerez des obligations de résultats et vous empêcherez la reconduction automatique des aides et des subventions. » Ainsi, les artistes seraient essentiellement des commerciaux.

La création du passé et le patrimoine ne sont pas mieux traités : « Vous engagerez une réflexion sur la possibilité pour les opérateurs publics d'aliéner des oeuvres de leurs collections ». C'est la mise en cause de la notion d'« oeuvre inaliénable ».

Cette politique, le Président de la République la veut « efficace » et « moins coûteuse ». Il faut « réallouer les moyens publics des politiques inutiles ou inefficaces au profit des politiques qui sont nécessaires et que nous voulons entreprendre ». Pour se garantir, il conclut en demandant de proposer des « indicateurs de résultat dont le suivi sera conjoint » entre l'Élysée, Matignon, Bercy et, tout de même, le ministère de la culture !

« Je ne suis pas un théoricien, moi, je ne suis pas un idéologue. Oh, je ne suis pas un intellectuel ! Je suis quelqu'un de concret », disait-il après son élection.

Quelle illustration de ce que disait Jean Vilar à André Malraux, en mai 1971, sur les rapports entre pouvoir et artistes, qui sont souvent un « mariage cruel » !

Jean Vilar déclarait ceci : « Il s'agit aussi de savoir si nous aurons assez de clairvoyance et d'opiniâtreté pour imposer au public ce qu'il désire obscurément ». Je pense également à ce propos de Pierre Boulez : « La mémoire du créateur ne doit pas le rassurer dans l'immobilité illusoire du passé, mais le projeter vers le futur avec peut-être l'amertume de l'inconfort, mais plus encore avec l'assurance de l'inconnu. »

Nicolas Sarkozy veut imposer la répétition qui promeut l'entertainment, la culture de l'instant, de l'éphémère, du divertissement et du présentisme, lequel enferme et contribue à ce qu'une immense masse de gens devienne flottante dans « un état d'impondérabilité de ses valeurs ». Cette pratique va jusqu'à interdire l'espérance d'un au-delà de ce qu'on connaît. C'est fade comme le rire permanent de Ruquier. Soyons intransigeants sur la création, car elle désactualise, met en rapport les générations et délocalise à la manière de la chanson de Renaud C'est quand qu'on va où ? : « L'essentiel à nous apprendre, c'est l'amour des livres qui fait qu'tu peux voyager d'ta chambre autour de l'humanité ».

La création permet de nouveaux commencements. Au mois de mai, à Aubervilliers, un professeur au Collège de France, Predrag Matvejevitch, intervenant sur l'oeuvre d'Ivo Andric Le Pont sur la Drina, eut ce propos : « Nous avons tous un héritage et nous devons le défendre et, dans un même mouvement, nous devons nous en défendre. Autrement, nous serions en retard d'avenir, nous serions inaccomplis. » Le Président de la République est bourré de retards d'avenir. J'évoquerai René Char : « L'inaccompli bourdonne d'essentiel ». Voilà la création.

La politique qui ressort du rapport et de la lettre est au service des grands groupes avides d'une dimension internationale. On sait par expérience que, quand Vivendi ou les télécoms ont grandi par achats, notamment aux États-Unis, ils ont connu de lourds déboires préjudiciables aux finances publiques. Ces concentrations, qui faisaient hier des compromis avec le pouvoir politique, s'imposent aujourd'hui à lui.

À la politique industrielle a succédé la politique financière. Aux ententes négociées se sont substituées les stratégies financières imposées au pouvoir politique. Les ententes d'hier étaient à moyen ou long terme. Maintenant, ce sont les actionnaires qui exigent le court terme, à travers des bilans trimestriels que le pouvoir suit. C'est un basculement.

Le monde culturel et artistique vit douloureusement cela. Le gel traditionnel d'un pourcentage de crédits est augmenté et externalisé des subventions. Les subventions de fonctionnement baissent de 375 000 euros à Chaillot, de 475 000 euros à la Comédie-Française, de 250 000 euros au Théâtre national de Strasbourg, de près de 1 million d'euros à la Cité de la musique, de 300 000 euros pour l'École des beaux-arts de Paris, de 1,1 million d'euros au Parc de la Villette et de 631 936 euros à Monum.

Cela s'inscrit dans la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui a été décidée par l'Élysée et qui est l'étude au ministère et dans un cabinet qui a déjà visité l'Opéra, Chaillot, le Conservatoire et le musée d'Orsay.

Dans les régions, y compris en Île-de-France, les décisions cheminent vers un moins. En Rhône-Alpes, c'est moins 6 % pour l'ensemble des institutions et structures. Sur 37 millions d'euros pour la région, il y a donc une baisse de 2,4 millions d'euros. Pour la MC2 de Grenoble, c'est moins 140 000 euros, pour le Centre dramatique national de Saint-Étienne, moins 120 000 euros. Même si le directeur régional des affaires culturelles, le DRAC, fait l'impossible pour maintenir aux jeunes compagnies leurs subventions, celles-ci risquent de perdre dans la foulée des diminutions aux institutions.

Le 24 novembre, j'étais au soixantième anniversaire du premier centre dramatique national, à Saint-Étienne. Quel plaisir de voir un public de 700 personnes, qui étaient non pas un chiffre, mais une qualité de partenariats participant à l'aventure lancée par Dasté, et qui, autour d'une belle politique de création de Jean-Claude Berutti et François Rancillac, pratiquent la coopération avec l'Afrique, l'Europe, les compagnies indépendantes ! Neuf jeunes comédiens de l'école de théâtre présentèrent talentueusement l'histoire de la comédie dans un montage de textes roboratifs.

Clôturant cette chaleureuse fête de l'esprit et du coeur, on entendit un merveilleux texte de Michel Vinaver : « Eh bien, je te souhaite, décentralisation, ma mie, de préserver ton identité, liée à tes origines et aux ressources dont tu vis. Je souhaite que tu gardes ta différence ; que tu restes aventureuse et exploratrice prioritairement. Que tu ne cèdes pas à la tendance de tout mélanger à tout pour que tout ait le goût de tout. Fraye avec l'autre si tu veux, mais veille à ce que ne s'effacent pas les contours. Ne laisse pas se diluer ton génie particulier.

L'altérité des deux théâtres, privé et public, est aussi bonne à prendre que celle des sexes. Chacun y trouve son compte. »

Autres soustractions : plusieurs opéras de province sont touchés. Tours avait perdu 300 000 euros, qu'il a récupérés... La scène nationale de Bar-le-Duc perd 150 000 euros sur les 300 000 qu'elle recevait. Les centres dramatiques nationaux de la région parisienne perdent 3 %, résultat d'un plus 2 % d'engagement de l'État et d'un moins 4 % de gel du même État.

Un cas mérite d'être souligné, celui du théâtre de la Bastille, dirigé par Jean-Marie Hordé, dont on connaît les choix de créations si originaux « d'un art inattendu ». Fin 2008, il sera au bord d'un dépôt de bilan si l'intervention nationale ne l'épaule pas. L'exercice des métiers du théâtre dans cette précieuse petite salle est miné.

Je voudrais à cet instant évoquer les salariés dans leurs rapports avec la culture. Leur travail est marqué par une intensification jamais connue, une suractivité, une mobilisation de tous les instants. Pierre Legendre dit : « L'homme symbolise comme il respire. » Précisément, les conditions de travail d'aujourd'hui externalisent la respiration. Le sujet, même agité, devient désoeuvré.

Yves Clot, psychologue du travail au Conservatoire national des arts et métiers, ...

M. le président. Mon cher collègue, il faut songer à aller vers la conclusion.

M. Jack Ralite. Encore un peu ... (Exclamations au banc des commissions.)

M. le président. Monsieur Ralite, vous avez d'ores et déjà dépassé votre temps de parole. (M. Jack Ralite interrompt là son propos et quitte la tribune.)

Mes chers collègues, au bout de douze minutes, il me paraissait normal d'inviter l'orateur à envisager de conclure. Je ne disais rien de plus. (Tout à fait ! au banc des commissions.)

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le président, il est vrai que j'aurais bien continué à écouter Jack Ralite. Nous ne sommes pas si nombreux et, de temps en temps, c'est un vrai plaisir d'entendre un discours aussi profond.

M. le président. Permettez-moi simplement d'indiquer, mon cher collègue, que nous devons traiter avec un minimum d'équité l'ensemble des intervenants. M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, n'avait que cinq minutes pour présenter l'ensemble de son budget et il a respecté son temps de parole.

Dans ces conditions, je pense que l'on peut admettre que j'invite l'orateur à envisager de conclure au bout de douze minutes. Je n'y vois aucun motif de différend entre nous. C'était un beau discours, et l'assemblée l'a apprécié. Pour autant, il arrive un moment où l'on peut inviter un orateur à conclure.

Veuillez poursuivre, monsieur Dauge.

M. Yves Dauge. Je vous comprends, monsieur le président, mais je redis tout de même combien j'étais heureux d'entendre Jack Ralite...

M. le président. Tout à fait !

M. Yves Dauge. ...et que j'aurais bien continué. Cela étant dit, nous n'allons pas nous disputer !

Madame la ministre, la politique du patrimoine est une grande politique et il est nécessaire, pour la défendre, de se mettre d'accord sur sa profondeur et son champ d'action.

Sa dimension culturelle est évidente, ne serait-ce que par l'utilisation des monuments restaurés, qui restent des lieux extrêmement forts dans le développement de la culture.

Son aspect économique est considérable, tant par le nombre et la qualité des emplois et des formations que par les entreprises remarquables qui oeuvrent dans ce secteur et qui font honneur à notre pays.

Sa dimension urbaine et d'aménagement du territoire, enfin, est essentielle. Les politiques de la ville manquent bien souvent d'inspiration et auraient tout intérêt à se refonder sur les centres historiques pour donner un sens au développement urbain.

Forts de cette ambition à laquelle nous pourrions tous souscrire, il nous faut avoir les moyens de cette politique. Avec 400 millions d'euros, nous sommes loin du compte. Je peux comprendre la contrainte budgétaire, mais encore faut-il que l'on puisse disposer des sommes annoncées et que tout le monde parle un discours de vérité. J'avoue que j'ai moi aussi quelquefois du mal à comprendre exactement ce qui se passe.

Je voudrais d'ailleurs saluer le travail de la commission des affaires culturelles qui, depuis deux ou trois ans, oeuvre à la compréhension des mécanismes quelque peu obscurs qui se sont développés dans ce domaine. Le Sénat a essayé de comprendre, dans le souci d'aider honnêtement le ministère, madame la ministre.

Il reste que l'année 2008, je le dis franchement, sera difficile. Comment pourra-t-on faire face, avec ce budget, au montage opérationnel que l'État devra opérer pour Monum ? Et les dettes de l'État, qui ne sont pas apurées ? Comment trouvera-t-on de quoi alimenter les directions régionales des affaires culturelles, elles-mêmes endettées, dont les crédits vont baisser alors qu'elles se trouvent déjà en difficulté ?

En définitive, je me demande, même si je ne suis pas sûr que nous soyons en mesure de le savoir clairement, s'il restera des crédits nets, après avoir honoré toutes les dettes, pour monter des opérations nouvelles en 2008.

Je n'insiste pas, mon rôle n'est pas de vous compliquer la tâche, madame la ministre, mais nous avons intérêt à être le plus clair possible vis-à-vis des entreprises et des collectivités locales. L'absence de transparence dans cette affaire serait nuisible à la réputation et à la crédibilité de l'État, que je suis, tout comme vous, décidé à défendre.

La pire des choses serait de poursuivre dans la voie que nous avons suivie pendant des années, car on est arrivé au point où les fonctionnaires, que ce soit au niveau des DRAC ou à l'échelon central, finissent par se faire agresser.

Un effort de clarification est donc indispensable en 2008. Les chiffres étant ce qu'ils sont, il faut dire la vérité : voilà ce que nous ferons, voilà ce que nous ne ferons pas. Payons d'abord nos dettes, nous verrons ensuite ce qu'il reste.

Dans la dotation des DRAC, j'insiste toujours sur les crédits destinés aux espaces protégés, aux espaces sauvegardés. S'il est une politique emblématique, c'est bien celle-là !

Il serait certes possible de trouver un partenariat plus efficace avec les villes pour financer les études, madame la ministre, mais les crédits sont en baisse et l'on assiste à une diminution visible des espaces protégés, des zones de protection du patrimoine, je pense notamment aux abords des monuments historiques. C'est à la dimension urbaine du patrimoine que l'on touche : elle est essentielle et il importe de la défendre ardemment.

Comment pourra-t-on faire face financièrement et répondre à toutes ces interrogations en 2008 ? Je me le demande. Le groupe d'études sur le patrimoine architectural, que vous présidez, monsieur Richert, pourrait se saisir de ce dossier.

Je voudrais dire quelques mots sur l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP. Des progrès ont été réalisés, l'ambiance est meilleure. Je suis convaincu que, même dans une situation budgétaire difficile, l'INRAP doit absolument parvenir à l'équilibre financier. Simplement, il faut améliorer le recouvrement de la redevance, qui n'est pas suffisamment efficace. Il n'y a aucune raison que nous n'arrivions pas à atteindre les 80 millions d'euros, ce qui nous permettrait d'allouer à peu près 30 millions d'euros au fonds d'intervention. Or, nous en sommes encore loin !

Je souhaite aussi que l'on puisse débloquer l'emploi dans le domaine des fouilles. Partout, qu'il s'agisse des maîtres d'ouvrage, des opérateurs, la demande est formidable. Tout le monde se plaint que les fouilles ne vont pas assez vite, mais l'INRAP n'a pas le droit de créer d'emplois publics.

Il faudrait tout de même pouvoir négocier une possibilité de répondre à la demande. Nous sommes dans un système absurde : la demande existe, les compétences aussi, mais on freine tout faute de créations d'emploi. C'est ridicule ! Notre rapporteur spécial, Yann Gaillard, connaît très bien ce dossier. Je souhaiterais que l'on puisse introduire un peu de respiration dans la gestion de cette affaire.

Voilà une solution simple, madame la ministre, qui vous éviterait de verser 10 millions d'euros supplémentaires à l'INRAP pour boucher les trous, des millions dont vous avez vraiment besoin pour le patrimoine.

Dans le même ordre d'idée, je redis ce que j'ai toujours dit ici : il est inadmissible de maintenir les exemptions de redevance actuelles. Les lotisseurs affligent la totalité de notre territoire d'opérations contestables sur le plan de l'urbanisme et en plus ils ne paient pas la redevance : on se demande bien pourquoi !

Dans ma région, 500 lotissements sont ainsi exonérés. Nous pourrions leur faire payer le juste prix, puisqu'ils relèvent du droit commun. Ils ont simplement été soutenus par un lobby dont vous faites les frais, madame la ministre. Vos collègues sont bien à l'aise pour défendre des exemptions, mais c'est vous qui payez la note. C'est scandaleux !

Il y a là matière à mener des actions concrètes et efficaces et je souhaite vivement qu'elles voient le jour ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, j'étais prêt à accorder les quatre minutes qui m'étaient imparties à mon ami Jacques Ralite. À l'avenir, il serait préférable de laisser à la diligence du groupe la gestion du temps de parole global, afin d'éviter ce qui est malheureusement arrivé. Je comprends les contraintes du président de séance, mais, dans le même temps, il faut respecter les sensibilités et l'on aurait pu laisser Jack Ralite poursuivre.

M. le président. Monsieur Renar, la conférence des présidents fixe la façon de procéder. Si nous devons réserver à des sénateurs remarquables, brillants et captivants, de surcroît anciens ministres - et nous admirons tous ici M. Ralite - un traitement différent, la situation va être compliquée. Le président de séance agit avec le plus de souplesse possible, mais, au bout de douze minutes, quand le temps imparti est de dix, il peut légitimement commencer à s'inquiéter de l'équité de traitement entre tous les parlementaires.

Si vous souhaitez une remise en cause des règles de fonctionnement du Sénat pour permettre à M. Ralite de parler plus longtemps, je n'y vois aucune objection. Mais alors ces nouvelles règles doivent valoir pour tous les budgets et pour tous les parlementaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc des commissions.)

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Ivan Renar. Pour en revenir au budget, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne souhaite pas rentrer dans une querelle de chiffres, mais il est clair que les moyens affectés à la culture sont en retrait dans le moment même où les pratiques culturelles sont en plein bouleversement.

Le Gouvernement aurait-il perdu de vue que l'art et la culture sont des enjeux de civilisation ? Investir dans la culture, c'est aussi investir dans cette intelligence sensible dont notre pays a tant besoin pour relever le défi d'une société en demande de repères.

Contrairement à ce que titrait le Time Magazine, la culture française est bien vivante, avec un maillage territorial envié de par le monde. Mais un pays qui ne soutient plus résolument les artistes, l'audace de la création, l'imaginaire, se condamne au déclin, comme vient de le dire avec passion, mais aussi raison, mon ami Jack Ralite.

Face à un marché standardisant, qui se sert de la culture plus qu'il ne la sert, le contrepoids d'un service public national de la culture « élitaire pour tous » est plus que jamais une nécessité.

Si la création est mise à mal, la démocratisation, qui est pourtant une priorité affichée par le Président de la République, n'est guère mieux lotie. J'en veux pour preuve la suppression de 18 % des crédits visant à favoriser l'accès à la culture des territoires et des publics les moins favorisés. Cette baisse drastique touche les acteurs de terrain, les associations d'éducation populaire, les zones rurales, les contrats de ville et la lutte contre les exclusions. Comment justifier un tel recul alors que les quartiers ont plus que jamais besoin d'un puissant effort de solidarité nationale afin de combler des inégalités de plus en plus criantes ?

C'est le non-partage qui crée le non-public. Et l'on sait que les extrémismes naissent en grande partie des frustrations engendrées par les disparités de développement et l'absence de culture. La médiation et la sensibilisation sont indispensables, mais elles sont malheureusement les premières sacrifiées quand les moyens diminuent.

Par ailleurs, alors que l'enseignement spécialisé va être transféré aux collectivités territoriales, déjà fortement mises à contribution, comment ne pas déplorer la baisse de 2 millions d'euros dédiés à la transmission des savoirs, qui concerne les conservatoires et écoles de musique, de théâtre et de danse ?

En ce qui concerne l'éducation artistique, pilier déterminant de la démocratisation, il faut acter que le budget est en hausse, ce qui ne veut pas dire que le compte y est. Le retard est tel qu'il faudrait au minimum le doubler.

Pour lutter efficacement contre la « fracture culturelle », il est nécessaire de rendre l'éducation artistique discipline obligatoire, à l'instar de la grammaire ou des mathématiques. Alors que les enfants passent de plus en plus de temps devant la télévision ou sur Internet, il est également incompréhensible que l'éducation à l'image ne soit pas généralisée. Tous les jeunes, de la maternelle à l'université, doivent pouvoir accéder aux oeuvres, à leur compréhension ainsi qu'aux pratiques artistiques. À cet égard, où en est le projet présidentiel de généraliser l'histoire de l'art à l'école ?

Enfin, dans une société où la technique et la technologie sont omniprésentes, malgré une légère augmentation du budget, les efforts en faveur de la diffusion de la culture scientifique restent insuffisants. Il faudra bien, un jour, sortir d'un système dans lequel « il est fatal qu'il soit fatal que la culture soit toujours traitée après », et la culture scientifique encore après. Démocratiser plus résolument la culture scientifique, développer plus largement sa diffusion, c'est essentiel pour que chacun puisse en connaissance de cause maîtriser les choix scientifiques et peser sur ceux qui dessineront le monde de demain.

Je pourrais allonger cet inventaire des moyens qui ne sont pas au rendez-vous des besoins ni à la hauteur de l'ambition du partage du meilleur de l'art et de la culture pour tous. C'est pourquoi, avec mon groupe, je ne peux que voter contre ce budget de non-assistance à culture en danger. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier tous les orateurs : quelles que soient leur sensibilité politique et la tonalité de leur intervention, ils ont témoigné de leur engagement en faveur de la culture. C'est en effet une cause qui nous rassemble tous.

Je m'efforcerai de répondre aux différentes questions sans trop me répéter, certaines interventions se rejoignant. Ces dernières nous ont en tout cas permis de faire un tour d'horizon assez complet des différents aspects de la politique culturelle.

Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie de reconnaître que, cette année, un effort soutenu est effectué en faveur du patrimoine.

Vous m'avez interrogée sur la problématique des établissements publics, en soulignant que le ministère de la culture assurait la tutelle de soixante-dix-huit opérateurs.

Je reconnais que c'est une caractéristique de mon ministère, ce qui renforce effectivement l'enjeu d'une bonne tutelle. Nous essayons ainsi d'améliorer le pilotage stratégique des établissements publics - tout en restant très attachés au principe d'autonomie - par l'envoi aux nouveaux dirigeants de lettres de mission précisant les priorités du ministère. Nous accélérons également la signature des contrats de performance, la question de la contractualisation des moyens dépendant bien évidemment des travaux en cours sur la pluriannualité des budgets des ministères. Nous cherchons à mutualiser les bonnes pratiques et à moderniser la gestion des emplois en nous posant la question d'un transfert de la gestion des personnels aujourd'hui simplement affectés.

Nous avons donc réalisé un effort important pour travailler le plus étroitement possible avec les établissements publics, qui sont des acteurs majeurs de notre paysage culturel.

Vous êtes également intervenu sur ce que vous appelez la « soutenabilité » de nos engagements financiers, en vous demandant si l'on pouvait réaliser des équipements culturels nouveaux. On peut bien sûr le faire, mais, comme l'ont souligné plusieurs orateurs, notre priorité est de faire face à nos engagements antérieurs.

En 2008, les crédits de paiement alloués aux DRAC honoreront en priorité les engagements passés et les opérations ayant bénéficié de financements FEDER. En l'espèce, nous avons des dates butoir au-delà desquelles nous serions obligés de rembourser les apports réalisés ; mais cela ne nous empêchera pas de lancer de nouvelles opérations.

Nous avons ainsi inscrit des autorisations d'engagement et des crédits de paiement pour de grands projets. Je pense, par exemple, à la construction du Centre national des archives de Pierrefitte ou au réaménagement du quadrilatère Richelieu. Mais ce sont des projets à long terme, qui arriveront à maturité en 2012. En nous plaçant dans cette perspective, nous pouvons à la fois porter des projets et donner la priorité au règlement de nos engagements passés.

Comme M. Dauge, vous avez évoqué l'INRAP en indiquant que la situation tendait à s'améliorer. La productivité de la redevance d'archéologie préventive s'est en effet accrue en raison d'un effort particulier en ce qui concerne son recouvrement.

Nous nous sommes beaucoup mobilisés pour améliorer la situation de l'INRAP. Un plan de résorption de l'emploi précaire a été mis en place, ce qui a permis de consolider 350 contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée en 2007, augmentant ainsi la capacité d'intervention de l'établissement. Il y a également eu des efforts de gestion interne, avec une amélioration des ressources humaines et un renforcement du dialogue entre l'INRAP et les services régionaux de l'archéologie.

En outre, nous avons le souci de développer une offre alternative afin que les collectivités locales qui le peuvent mettent en place leur propre service d'archéologie préventive. Actuellement, plus de cinquante services archéologiques de collectivités ont obtenu l'agrément. Des opérateurs privés, comme Archeodunum, en Suisse, ou Oxford, en Grande-Bretagne, peuvent également offrir des possibilités d'intervention et de soutien à l'action d'archéologie préventive.

La dette est réelle : l'INRAP doit encore 15,5 millions d'euros. Le règlement de cette question sera à nouveau évoqué avec le ministère du budget dans le cadre des discussions sur le futur contrat de performance. Vous l'avez rappelé à juste titre, cette somme était destinée à l'origine à permettre à l'établissement de disposer d'un fonds de roulement lors de sa création.

Le Conseil national de la recherche archéologique s'est réuni plusieurs fois, en 2007, sous la présidence du professeur François Baratte. Après son renouvellement partiel, j'ai l'intention d'assister à la mise en place du nouveau conseil, qui aura lieu en janvier prochain. (Marques de satisfaction au banc des commissions.)

Mme Christine Albanel, ministre. MM. Gaillard et Lagauche ont évoqué le CNC, qui fera l'objet d'une réforme nécessaire afin de moderniser sa gestion. L'objectif est de simplifier les circuits et les flux financiers en affectant directement au CNC les taxes qui sont aujourd'hui imputées sur le compte d'affectation spéciale. Toutefois, afin de faire coïncider recouvrement et gestion directe en ce qui concerne la taxe sur les entrées en salle, ou TSA, nous avons intégré dans le projet de loi de finances rectificative pour 2007 une disposition permettant au CNC de conserver la trésorerie de cette taxe.

En parallèle, nous travaillons à la nécessaire modernisation de la gouvernance du CNC : comme il n'y a pas de conseil d'administration, les décisions sont prises par la directrice générale et par le comité financier. Un accord général existe sur ces nécessaires évolutions, lesquelles nécessiteront l'intervention de la loi.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué la proposition de loi de M. Mancel tendant à établir un classement des trésors inaliénables et des oeuvres éventuellement aliénables. Cette proposition rejoint la problématique de la mission que j'ai confiée à Jacques Rigaud, dont je ne veux pas préjuger les conclusions. Nous y serons extrêmement attentifs lorsque nous aborderons cette question sensible. Cela étant, je ne suis pas sûre que cette proposition constitue la meilleure réponse.

La publication du décret sur l'assistance à maîtrise d'ouvrage, qui a été évoqué dans le domaine patrimonial, est prévue pour le premier trimestre de 2008. Le décret sera transmis au Conseil d'État dès le début du mois de janvier. Il prévoit une intervention des services de l'État afin d'aider les collectivités locales à conduire les travaux de restauration.

Quant à la mission confiée à Mme Catherine de Salins et à M. Jean-Paul Godderidge, elle porte sur l'organisation globale de la maîtrise d'ouvrage des monuments appartenant à l'État. C'est un domaine qu'il convient de simplifier, car il est extrêmement compliqué en raison de la multiplicité des intervenants : les DRAC, l'EMOC, le SNT, le Centre des monuments nationaux, etc.

Mme Morin-Desailly, MM. Nachbar, Renar, Fouché et Lagauche ont souligné le caractère insuffisant du programme « Patrimoines » au regard des besoins.

Le chiffre de 400 millions d'euros, qui a été évoqué par différents rapports parlementaires, notamment ceux de M. Richert et de M. Nachbar, et par le Président de la République lors de la campagne électorale, représente un objectif qui permettrait d'aller au-delà de ce que l'on a connu par le passé. On constate en effet que, depuis dix ans, les crédits consommés se sont toujours situés autour de 300 millions d'euros, avec une moyenne de 295 millions d'euros environ.

Sur la période 1997-2001, la moyenne était de 280 millions d'euros. Elle s'est accrue de 2002 à 2006, passant à 310 millions d'euros, avec un pic en 2004. Le projet de loi de finances pour 2008, avec 304 millions d'euros, se situe donc dans la moyenne sur dix ans.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le rapport sur l'état du patrimoine monumental, que vous aviez appelé de vos voeux, est actuellement en cours d'élaboration. Il aurait dû vous être remis, mais nous avons pris du retard compte tenu de l'ampleur de la tâche. Il sera en tout cas à votre disposition avant le 31 décembre 2007, et nous espérons que vous pourrez l'avoir même plus tôt, si possible vers le 20 décembre.

Ce rapport devrait corroborer l'estimation de 400 millions d'euros. Nous nous interrogeons donc sur la possibilité d'un financement extrabudgétaire. Madame Morin-Desailly, vous m'avez également sollicitée à ce sujet, mais il m'est difficile d'être plus précise pour l'instant. Nous en sommes encore au stade de la réflexion, et beaucoup de pistes sont examinées.

Nous souhaitons associer le Parlement à cette réflexion, car chacun sait qu'en matière patrimoniale il y a, d'un côté, le problème du montant des crédits et, de l'autre, celui de la stabilité de ces derniers. En effet, l'interruption et le redémarrage des travaux ont des conséquences particulièrement graves pour les métiers d'art et pour toutes les entreprises.

M. Philippe Nachbar, entre autres intervenants, a également évoqué l'expérimentation actuellement conduite sur la gratuité.

Je rappelle que dix-huit établissements, soit quatorze musées et quatre grands établissements parisiens, font l'expérience de la gratuité : gratuité complète pour les collections permanentes ou gratuité ciblée certains soirs de la semaine.

Cette expérience sera menée pendant les six premiers mois de l'année 2008, et son coût est évalué à près de 2,2 millions d'euros, qui seront compensés par le ministère.

Cette expérience sera accompagnée d'un audit privé. Nous sommes en train de passer l'appel d'offres pour un montant estimé entre 100 000 euros et 200 000 euros. Cet audit nous permettra de constater si les habitudes du public changent et si cette initiative a vraiment des effets.

J'entends bien les réserves émises çà et là sur ce sujet.

Il est vrai qu'une politique tarifaire offre la possibilité de mener une politique culturelle. Cependant, il y a certainement de la place pour des déclinaisons de gratuités pouvant se révéler tout à fait intéressantes.

Quoi qu'il en soit, il sera passionnant d'avoir clairement tous les chiffres en main, ce qui sera rendu possible dans quelques mois.

M. Philippe Nachbar a également souligné l'effort en faveur de l'éducation culturelle et artistique, avec un budget qui s'élève à 31,5 millions d'euros. Je l'en remercie.

M. Serge Lagauche a évoqué le spectacle vivant et a parlé d'un budget contraint pour les opérateurs nationaux. Les crédits du spectacle vivant ont cependant été consolidés, et ils s'élèvent tout de même à 640 millions d'euros !

Je rappelle que l'offre culturelle en la matière reste considérable, pour ne pas dire tout à fait exceptionnelle, et que les crédits ont augmenté de plus de 40 % au cours des dix dernières années, ce qui permet de soutenir un tissu extrêmement dense et de subventionner environ 1 200 orchestres ou ensembles.

En tout état de cause, je pense qu'il existe aussi un temps pour la consolidation.

Évidemment, comme différents orateurs l'ont souligné, ce problème est rendu d'autant plus sensible que certains investissements ont été différés.

Il m'arrive, en effet, d'inaugurer des lieux pour lesquels nous n'avons pas encore réglé l'investissement dû : les financements sont allés davantage vers le fonctionnement, et il existe actuellement un gel de précaution de 6 %. Cela ajoute à la sensibilité du sujet.

Je pense néanmoins qu'il n'y a aucunement un désengagement de l'État à l'égard du spectacle vivant et que nous bénéficions toujours d'une offre considérable.

Quoi qu'il en soit, comme Mme Catherine Morin-Desailly l'a très justement demandé, nous ne devons pas faire l'économie d'une réflexion globale sur le sujet et sur les modalités d'intervention de l'État en la matière, en liaison avec les différentes collectivités locales. Que devons-nous soutenir, avec quel projet et où nous faut-il vraiment agir pour que l'intervention publique ait toute sa pertinence ? Telles sont les questions que nous devons examiner cette année.

M. Serge Lagauche a souligné la nécessité de développer le mécénat en faveur du spectacle vivant. À cet égard, nous ne voulons pas qu'il y ait de différence entre les particuliers et les entreprises.

Par ailleurs, nous voulons élargir le champ des institutions bénéficiant du mécénat. Pour l'instant, cet élargissement profitera aux lieux dont le capital est détenu entièrement par une personne publique, ce qui exclut les centres dramatiques nationaux qui sont pour la plupart des SARL.

Nous souhaitons poursuivre la discussion pour que le mécénat en faveur du spectacle vivant se développe, car il est très important.

L'enjeu de la circulation des oeuvres a été souligné par M. Serge Lagauche. Je partage son ambition. Nous souhaitons que les oeuvres soient beaucoup plus diffusées. C'est l'un des éléments que nous inscrirons dans les conventions que nous voulons généraliser avec toutes les institutions culturelles, en particulier avec les scènes nationales.

L'idée de créer un observatoire du spectacle vivant est intéressante, mais, actuellement, la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, la DMDTS, au ministère de la culture, a mis en place un bureau de l'observation de l'ensemble du spectacle vivant. Ce bureau fait remonter l'information et procède à des études qualitatives. L'idée est d'implanter en administration centrale une base de données et de l'étendre rapidement aux directions régionales des affaires culturelles.

Nous souhaitons également coordonner le plus possible tous les éléments apportés par le Centre national du théâtre, le Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles, le Centre national de la danse, la Cité de la musique, et établir une convention d'échange d'informations avec la Société des auteurs et compositeurs dramatiques.

Le CNT peut être un instrument intéressant, même s'il reste toutefois sectoriel.

Quoi qu'il en soit, on peut étudier l'idée de la création d'un observatoire. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, nous sommes en train de réfléchir aux missions des différents organismes. Nous étudions, par exemple, la pertinence des spécialisations entre, d'un côté, l'Office national de diffusion artistique, l'ONDA, et, de l'autre, le CNT.

S'agissant du livre, nous avons présenté un plan, avec trois priorités.

La première priorité concerne le renforcement des librairies indépendantes par la création d'un label « librairie de référence » - c'est sans doute la mesure la plus importante -, qui permettra aux librairies ainsi labellisées d'être exonérées de taxe professionnelle, la création d'un fonds d'aide à la transmission des librairies et le soutien de l'État à la création d'un portail internet des libraires.

La deuxième priorité s'articule autour du soutien au développement de la lecture publique en conduisant une expérimentation quant à l'ouverture des bibliothèques le soir ou les jours fériés. Je travaille avec Valérie Pécresse pour recourir à l'emploi étudiant à cet égard.

La troisième priorité est évidemment la définition d'une économie numérique du livre. C'est aujourd'hui toute la problématique entre les éditeurs et la BNF, pour numériser les ouvrages au rythme de 100 000 par an, mais aussi pour passer un accord en ce qui concerne les ouvrages sous droits.

Telles sont les grandes directions du plan « Livre ».

Je souhaite par ailleurs créer un Conseil du livre qui pourra jouer un rôle de médiation, comme l'a souligné M. Jacques Valade dans son rapport.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

Mme Christine Albanel, ministre. En ce qui concerne la musique, il a été fait allusion au rapport Olivennes, qui est très prometteur pour l'industrie musicale et l'industrie du cinéma.

M. Serge Lagauche a en effet rappelé, à juste titre, que le piratage touchait également directement le cinéma.

Vous connaissez l'économie générale de cette action, qui tend à renforcer l'offre légale, à la rendre la plus attractive possible, notamment grâce à la suppression des Digital Rights Management, les DRM, ces verrous technologiques qui empêchent de passer d'un support à l'autre.

De plus, nous voulons dissuader les pirates par la mise en place de sanctions équilibrées, qui commencent par de la pédagogie, des avertissements via l'Autorité de régulation des mesures techniques dont les compétences seront élargies par la loi.

Par ailleurs, la rémunération équitable qui accroît les ressources des industries musicales est un élément essentiel, même si ce n'est pas le seul, pour soutenir l'industrie du disque. Il existe toujours, bien sûr, la problématique de la TVA sur le disque. C'est une problématique européenne qui fait partie de nos combats, mais nous sommes loin d'avoir gagné !

En ce qui concerne les intermittents, M. Serge Lagauche, notamment, a évoqué la question des artistes et des techniciens.

Depuis le 1er avril dernier, les nouvelles dispositions relatives aux annexes 8 et 10 sont entrées en vigueur.

Le nombre d'intermittents est descendu à 95 000 personnes. En revanche, l'engagement de l'État reste extrêmement élevé, puisqu'il est toujours de 1,2 milliard d'euros, notamment à la suite du déplafonnement des indemnisations. C'est donc un système qui demeure relativement coûteux et qui s'accompagne d'un engagement assez marqué de l'État.

Malgré tout, des progrès importants ont été enregistrés. On a fait allusion aux huit conventions, dont quatre ont déjà été signées ou en cours de signature et quatre sont en fin de négociation : la signature de la convention sur les éditions phonographiques est en bonne voie. Quant aux conventions relatives respectivement au spectacle vivant subventionné et au spectacle vivant privé, les choses sont un peu plus difficiles.

Nous nous efforçons aussi de prolonger le fonds de professionnalisation et de solidarité de façon à réaliser une jonction avec les négociations sur l'assurance chômage. Le sujet a été soumis à l'arbitrage du Premier ministre, et nous espérons qu'une décision positive sera prise en la matière.

Par ailleurs, à côté de ce fonds de professionnalisation et de solidarité, il y a aussi un volet social auquel on pense moins, mais qui reste très important dans la mesure où toutes les organisations syndicales sont parties prenantes.

Toutes ces dispositions vont dans le sens de la professionnalisation de ces métiers, ce qui, en soi, est très souhaitable.

M. Serge Lagauche a souligné les très bons résultats de notre cinéma.

En ce qui concerne le jeu vidéo, nous travaillons actuellement à la finalisation d'un accord avec la Commission européenne afin de valider le crédit d'impôt, que le Président de la République a souhaité voir rapidement entrer en vigueur.

La réponse de la Commission européenne à la notification qui lui a été faite est imminente. Cette mesure doit permettre de redonner à la France la compétitivité nécessaire pour concurrencer les studios asiatiques et nord-américains.

Il a enfin été fait allusion au droit à la concurrence. Les cartes illimitées de cinéma ont donné lieu à de nombreuses polémiques de la part des petits exploitants. Ces cartes illimitées sont malgré tout très intéressantes pour les consommateurs, et certains effets pervers ont été corrigés en permettant aux petits exploitants d'y participer.

Toutefois, compte tenu des tensions, une mission a été confiée à Mme Perrot et à M. Leclerc afin de parvenir à trouver de bonnes pratiques et de bons équilibres. Nous voulons élaborer une sorte de code de bonne conduite, comme celui qui avait malheureusement été invalidé dans sa forme par le Conseil de la concurrence, au nom d'une entente illicite.

Le Centre national du cinéma continuera bien évidemment à soutenir l'équipement des salles en technologie numérique.

Lors de la présidence française de l'Union européenne, nous essaierons d'exercer une influence sur la Commission de façon à pérenniser et à stabiliser tout notre système d'aide au cinéma, système qui a probablement rendu possible ce cinéma vivant dont nous pouvons être fiers en Europe aujourd'hui.

Ce cinéma n'est pas en danger. La commissaire européenne Mme Reding est très claire sur ce point.

Toutefois, de nouvelles orientations vont arriver sur le sujet. Il faut les préempter et peser sur elles. La présidence française de l'Union européenne sera un moment important pour la France à ce titre.

Madame Morin-Desailly, vous avez, vous aussi, déploré le caractère contraint de ce budget, en soulignant que nous avions été malmenés par Bercy. Nous ne l'avons pas été plus que les autres ministères ! Le ministère de l'enseignement et de la recherche, comme celui de la justice sont évidemment prioritaires, mais, au-delà, tout le monde doit se mobiliser dans l'effort commun.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien ! Excellent !

Mme Christine Albanel, ministre. Vous êtes revenue sur la problématique du patrimoine. Je partage totalement votre souci de trouver une nouvelle source de financement.

Vous avez souligné votre attachement à l'investissement pour le patrimoine privé. En 2008, ce sont bien 123 millions d'euros, soit une augmentation de 20 millions d'euros des crédits, qui seront affectés aux monuments appartenant à l'État. S'il n'est pas possible d'anticiper à ce stade la répartition de ces crédits entre les collectivités territoriales, les particuliers et les autres collectivités, l'objectif d'allouer 10 % de ces crédits aux propriétaires privés demeure.

Madame Morin-Desailly, vous êtes très engagée, nous le savons, dans l'éducation artistique et culturelle. Un effort important est consenti en faveur de l'éducation artistique. La diminution apparente de crédits résulte de la fusion de certaines actions et du recentrage des interventions du ministère en direction des publics les plus éloignés de la culture, notamment les personnes handicapées ou sous main de justice, les malades hospitalisés ou encore les jeunes publics des zones urbaines sensibles, à travers des opérations comme « Les Portes du temps ». L'accent mis sur l'éducation culturelle et artistique est pour nous tout à fait essentiel.

Une mission d'étude sur l'éducation artistique et culturelle, confiée à Éric Gross par Xavier Darcos et moi-même, est sur le point de s'achever. Elle s'articule autour de trois grands axes : la fréquentation des artistes et des oeuvres, l'apprentissage d'une pratique et une initiation consistante à l'histoire de l'art.

L'idée est que l'histoire de l'art ne doit pas être appréhendée comme une matière particulière, mais qu'elle doit irriguer en quelque sorte toutes les matières, y compris les mathématiques, dont les liens avec l'architecture peuvent être nombreux.

S'agissant de la formation à cet égard, mon ministère est à la disposition des IUFM. Je ne peux dévoiler pour l'instant le plan auquel nous avons travaillé, dans la mesure où il n'est pas encore finalisé ; mais nous avons des projets de partenariat entre les établissements culturels et les établissements scolaires, de façon que des compagnonnages étroits se nouent.

Nous souhaitons aussi pouvoir utiliser nos ressources ; je pense, par exemple, à l'INA, qui peut jouer un rôle important comme centre de ressources pour l'éducation artistique et culturelle dans nos écoles. J'indique d'ailleurs, s'agissant de l'INA, qu'un accord de partenariat a été signé aujourd'hui en Algérie, où je me suis rendue, entre cet institut et la télévision algérienne.

Vous vous êtes interrogée sur la problématique des artistes dans les écoles. C'est une perspective intéressante, mais qu'il ne faut évidemment pas ouvrir trop largement : il ne faudrait pas que les artistes effectuent au sein des établissements ce qu'ils doivent normalement réaliser sur scène ; 120 heures, sur les 507 heures qu'ils doivent effectuer pour bénéficier du régime de l'intermittence, sont prévues à ce titre. Des difficultés se posent parfois à cet égard avec les ASSEDIC. C'est un point que nous soulèverons lors d'une réunion qui aura lieu le 17 décembre prochain.

Vous avez évoqué une certaine stagnation des crédits de la création, ce que j'appelle, pour ma part, une consolidation.

Le gel de précaution, il est vrai, se fait sentir. Nous nous efforçons de le lever car, dans certains petits lieux, il est sensible. Il faut toutefois, comme vous l'avez dit très justement, mener une réflexion globale sur la politique de la culture.

S'agissant, par exemple, des opéras, nous soutenons au premier chef les opéras nationaux, ce qui est tout à fait normal, et nous intervenons différemment d'un lieu à l'autre en ce qui concerne les autres opéras régionaux. Il faut à cet égard clarifier les interventions de l'État.

Il faut faire de même, en matière culturelle, entre les différents ministères : de nombreuses actions sont en effet menées par différents départements ministériels, et une approche globale s'impose donc.

Quant au « Grenelle » de la culture, terme dont je me méfie quelque peu, car j'ai le sentiment qu'on ne peut pas partir de zéro dans un domaine d'une telle richesse, ...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Arrêtons avec ce terme !

Mme Christine Albanel, ministre. ... nous ne sommes pas opposés à une réflexion globale. En tout cas, nous l'envisageons.

MM. Lagauche et Ralite sont revenus sur la lettre de mission qui m'a été adressée par le Président de la République. Messieurs, j'ai été d'une totale franchise sur ce budget depuis le début ; j'ai ainsi souligné que ce budget n'était certes pas facile, mais qu'il permettait d'agir et s'inscrivait dans l'effort normal que l'État doit mener pour faire face à ses engagements.

Vous m'avez interrogée sur le spectacle vivant. J'ai tout à l'heure rappelé le nombre de lieux que nous subventionnons et le caractère très foisonnant de l'offre culturelle.

Vous avez évoqué en particulier les arts de la rue. Ces derniers ont fait l'objet d'un plan de trois ans, avec une augmentation totale des crédits de plus de 4 millions d'euros. Il existe actuellement neuf centres nationaux des arts de la rue, avec des aides à l'écriture, des aides à la diffusion et une consolidation des équipes. Nous avons demandé le maintien de ces crédits aux DRAC en 2008. Parmi les projets en cours, figure la Cité des arts de la rue, à Marseille.

Ce secteur est important pour le ministère. D'ailleurs, les professionnels des arts de la rue ont exprimé leur satisfaction à Toulouse, le mois dernier, lors d'une rencontre qui a clôturé le Temps des arts de la rue.

M. Fouché a évoqué la question du mécénat. Il a d'ailleurs rappelé plusieurs grandes opérations de mécénat, comme la restauration de la galerie des Glaces du château de Versailles, que j'ai vécue en direct.

Je souligne à cet égard que le décret et l'instruction fiscale relatifs au mécénat en faveur des monuments historiques privés sont en cours de finalisation avec la direction de la législation fiscale. L'éligibilité au mécénat des travaux sur les monuments privés est assortie de deux conditions : l'absence d'exploitation commerciale du lieu et l'ouverture au public pendant au moins dix ans des parties protégées et ayant fait l'objet des travaux.

Pour la condition d'ouverture au public, le projet de décret prend en compte différents éléments, comme le caractère saisonnier de l'exploitation. Par ailleurs, s'agissant de la condition d'absence d'exploitation commerciale, le projet prévoit une possibilité d'éligibilité au mécénat en dessous d'un seuil de recettes annuelles de 60 000 euros.

En tout cas, pour les travaux visant à permettre l'accessibilité à des personnes handicapées, aucune condition de ressources n'est exigée pour bénéficier du mécénat.

Ce décret simple devrait être publié avant la fin de l'année ou, au plus tard, au début de l'année prochaine.

Je remercie M. Fouché d'avoir, lui aussi, reconnu les efforts consentis en faveur de l'éducation artistique.

Il a évoqué la question des transferts de crédits aux départements et aux régions concernant les établissements d'enseignement spécialisé, en soulignant l'effort consenti par les collectivités locales.

Je rappelle que l'article 101 de la loi d'août 2004 n'opère pas de transfert de compétence. Il s'agit en fait d'aménager et d'actualiser l'exercice d'une compétence déjà transférée en 1983, de clarifier les compétences des divers niveaux de collectivités et de transférer aux régions et aux départements des subventions que l'État versait jusqu'à présent aux villes pour les accompagner dans leurs actions.

Une réunion s'est tenue le 6 novembre dernier entre mon cabinet et des représentants de l'Association des régions de France, de l'Assemblée des départements de France et du ministère de l'intérieur. Il a été convenu, à la demande de l'ARF, que la commission consultative sur l'évaluation des charges, la CCEC, du 11 décembre prochain évoquerait, sur le plan général, la mise en oeuvre de cet article de loi.

Un nombre important de départements ayant mené à bien les travaux nécessaires à la signature des schémas départementaux, il a été convenu, pour conforter la dynamique ainsi engagée, de présenter à la CCEC les transferts de crédits des premières régions ayant pu aboutir sur l'ensemble du processus, de poursuivre dans les meilleurs délais l'élaboration des schémas départementaux et les travaux relatifs à l'inscription des cycles d'enseignement professionnel initial dans les plans régionaux de développement des formations professionnels, et, enfin, de procéder aux transferts au fur et à mesure des avancées.

En matière budgétaire, l'ensemble des crédits de fonctionnement - l'action 3 « Soutien aux établissements d'enseignement spécialisé » du programme 224  « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » - devraient être transférés après délibération des schémas régionaux et départementaux d'enseignement spécialisé. Le montant total de ces crédits s'élève à 28,6 millions d'euros.

M. Ralite est revenu avec beaucoup de passion et de talent sur ce qu'il appelle le « vrai visage » de notre politique, qui s'incarnerait dans le rapport de Jean-Pierre Jouyet et Maurice Lévy, ainsi que dans la lettre de mission du Président de la République.

Je vous le répète, monsieur Ralite - nous en avons cent fois parlé -, je ne crois pas du tout que nous soyons dans un contexte de dérégulation. Nous avons su préserver en France un équilibre entre l'intervention publique et l'intervention privée. Je considère d'ailleurs que cet équilibre s'améliore au fil du temps, que nous avons dépassé certains tabous, sans pour autant mettre à bas les garde-fous qui font de notre politique culturelle précisément ce qu'elle est.

Je ne perçois pas du tout la financiarisation à outrance du monde culturel que vous dénoncez. Des projets comme Abou Dhabi ou Atlanta sont plus une reconnaissance de notre savoir-faire et de notre rayonnement culturel que des opérations strictement mercantiles. Toutes les précautions seront évidemment prises ; la mission confiée à Jacques Rigaud sur la possibilité d'aliéner les oeuvres s'inscrit dans ce cadre.

Quant à la volonté d'une ouverture plus large aux différents publics, exprimée dans la lettre de mission, elle ne signifie en rien baisse de la qualité ou renoncement à l'exigence que nous partageons tous. En tout cas, ce n'est pas du tout ainsi que je la comprends. Je ne pense pas - je l'ai souvent dit -que la qualité fasse fuir le public. J'observe au contraire que les grands créateurs font aussi salle comble.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est sûr !

Mme Christine Albanel, ministre. Vous avez vous-même, monsieur Ralite, fait allusion au public enthousiaste que vous rencontrez lors de vos très nombreuses sorties culturelles. Je peux d'ailleurs apporter moi-même un témoignage identique.

La reconduction automatique des aides, la fonctionnarisation de la culture ne sont pas souhaitables, d'autant que, en pratique, nous apportons déjà un large soutien, à très long terme - parfois pendant plusieurs décennies - à de nombreux créateurs. Il me paraît préférable de mettre en place des relations fondées davantage sur l'échange, une logique de conventionnement, d'engagements réciproques et d'accords, sans que soient remis en question les principes fondamentaux.

Quant aux grands groupes, ils jouent eux aussi un rôle important dans l'économie culturelle. Certes, j'apprécie énormément Patrick Zelnik, le fondateur de Naïve, qui est d'ailleurs en passe de devenir un grand groupe, ainsi que nombre d'autres producteurs indépendants. Mais Vivendi Universal apporte aussi beaucoup à l'industrie musicale : nous avons donc également besoin des grands groupes.

Le gel des crédits évoqué par M. Ralite pèse sur l'ensemble de l'État ; c'est un gel de précaution. Je le répète, nous sommes très attentifs à l'ensemble du paysage culturel : nous souhaiterions évidemment qu'il n'y ait aucun gel, afin de réfléchir plus à l'aise à la redéfinition de nos politiques publiques, opération plus facile à mener dans un contexte d'abondance.

Mais l'application de ce gel n'est ni aveugle ni stupide ; nous nous efforçons de préserver les efforts des uns et des autres ainsi que les talents. Vraiment, on ne peut pas dire que nous mettons à bas la politique de soutien au spectacle vivant !

M. Yves Dauge a rappelé très justement tous les aspects économiques de la politique du patrimoine et ce que cette dernière représente en termes de métiers d'art. Il s'est demandé comment faire face. Je tiens à le rassurer : nous ferons face, quoi qu'il arrive !

M. Dauge a également évoqué l'INRAP, sujet sur lequel j'ai déjà répondu, ainsi que l'exonération de la redevance d'archéologie préventive. Sur ce dernier point, je rappelle que sont actuellement exonérés les logements sociaux et les maisons individuelles construits pour le compte des personnes physiques. Ces exonérations ont été voulues par le législateur ; dans le contexte actuel du logement, elles n'ont pas vocation à être abandonnées. Les modifications de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive votées dans le cadre de l'article 17 de la loi relative au soutien à la consommation et à l'investissement du 9 août 2004 ont également entraîné l'exonération quasi systématique des lotisseurs privés. Cette situation mérite d'être discutée, mais les mesures qui permettraient de corriger les textes en vigueur sont d'une grande difficulté technique, pour un gain financier non évident.

Concernant les espaces protégés, les textes ont tous été modernisés de 2005 à 2007. Le moment est désormais venu de relancer la politique des secteurs sauvegardés. J'aurai d'ailleurs le plaisir de participer à l'une des prochaines séances de la Commission nationale des secteurs sauvegardés que vous présidez, monsieur Dauge.

M. Ivan Renar, comme Mme Catherine Morin-Desailly et d'autres, est revenu sur la problématique de la baisse des crédits. Il s'est aussi intéressé à l'éducation artistique et à l'histoire de l'art. Je dois dire que je partage complètement son souci de voir enseigner l'histoire de l'art, qui est tellement fédératrice pour nos voisins italiens et qui a été trop longtemps négligée en France. Elle doit être un ciment pour tous les élèves, mais aussi pour l'ensemble des disciplines. Beaucoup d'enseignants sont prêts à accepter, et même à porter, ce projet. Voilà des engagements communs et des perspectives tout à fait intéressantes à développer !

J'espère avoir répondu à toutes vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs, et je vous remercie de l'engagement culturel dont l'ensemble de votre assemblée fait preuve, toutes sensibilités politiques confondues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Madame la ministre, le Sénat est sensible au soin que vous avez pris de répondre individuellement et de façon détaillée à l'ensemble des intervenants.

Culture

Culture - Compte spécial : cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Articles additionnels après l'article 41 quater (début)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Culture » figurant à l'état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Culture

2 883 256 553

2 764 988 906

Patrimoines

1 259 458 810

1 128 382 810

Dont titre 2

152 419 782

152 419 782

Création

796 406 600

799 114 600

Dont titre 2

58 936 100

58 936 100

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

827 391 143

837 491 496

Dont titre 2

368 471 662

368 471 662

M. le président. L'amendement n° II-128, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

PatrimoinesDont Titre 2

987 630

987 630

CréationDont Titre 2

Transmission des savoirs et démocratisation de la cultureDont Titre 2

248 451

7 371 574

7 371 574

248 451

7 371 574

7 371 574

TOTAL

248 451

8 359 204

248 451

8 359 204

SOLDE

- 8 110 753

- 8 110 753

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. L'ensemble des modifications prévues dans cet amendement ont été prises en compte pour la mission « Culture » lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2008. Ces transferts de crédits n'avaient toutefois pu être prévus dans le texte initial du projet de loi, faute d'estimation définitive de leur volume.

Cet amendement technique s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et, notamment de ses articles 95 et suivants, relatifs au patrimoine.

Cet amendement est neutre budgétairement pour la mission « Culture » et reflète le souci de l'État de transférer, à l'euro près, les moyens nécessaires à l'exercice des compétences et responsabilités transférées.

L'amendement inclut trois mesures.

Il s'agit, tout d'abord, du transfert des crédits d'entretien et de fonctionnement des monuments historiques appartenant à l'État dont la propriété est transférée aux collectivités territoriales. La somme de 437 630 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement est transférée de l'action 01 « Patrimoine monumental et archéologique » du programme « Patrimoines » vers la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Ces crédits sont destinés aux communes, aux départements et aux régions. Ils correspondent au transfert de propriété de 27 monuments, dont le château du Haut-Koenigsbourg et la chapelle des Carmélites, à Toulouse.

Ensuite, un transfert de crédits intervient dans le cadre de l'expérimentation par le département du Lot de la gestion des crédits d'entretien et de restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'État. Il porte sur 550 000 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, transférés de l'action 01 du programme « Patrimoines » vers la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Enfin, nous poursuivons la décentralisation des services de l'Inventaire général du patrimoine culturel, transféré aux régions, et des agents affectés aux monuments transférés aux collectivités territoriales. Une première mesure de transfert de crédits avait été prise en compte dans le projet de loi de finances au titre du transfert des personnels non titulaires et des moyens de fonctionnement. Il s'est avéré que l'estimation retenue était surévaluée. Il est donc proposé de la corriger par cet amendement. Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est ainsi augmenté de 248 451 euros.

Inversement, la mesure de transfert de crédits prise dans le projet de loi de finances au titre du droit d'option s'est révélée sous-évaluée. Il s'agit de l'exercice du droit d'option entre le détachement sans limitation de durée ou l'intégration dans la fonction publique territoriale des agents des services de l'Inventaire et des agents affectés dans les propriétés de l'État ou du Centre des monuments nationaux, transférés aux collectivités territoriales. Il est ainsi proposé de corriger à la hausse le transfert, à hauteur de 7 371 574 euros, pour 147 agents.

Au final, après les premiers transferts intervenus dans la loi de finances initiale pour 2007, ainsi que les corrections qui seront apportées tant par la prochaine loi de finances rectificative pour 2007 que par le projet de loi de finances pour 2008, complété par le présent amendement, l'État aura transféré 3,97 millions euros au titre des moyens de fonctionnement et des agents non titulaires des services de l'Inventaire et 8,2 millions d'euros au titre du droit d'option des agents titulaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas délibéré sur cet amendement qui ne lui a été transmis que très récemment.

Je m'en tiendrai à l'engagement que prend Mme la ministre : elle nous explique que cet amendement technique - il faut toujours se méfier de la technique ! (Sourires.) - s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Il s'agit donc d'un échange de moyens qui serait neutre budgétairement pour la mission « Culture ».

Mme la ministre nous dit cependant que ces transferts n'avaient pas été prévus dans le texte initial du projet de loi de finances, « faute d'estimation définitive de leur volume ». Comme quoi, même les services sont parfois pris en défaut ! (Sourires.)

Je suis bien entendu favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. M. le rapporteur spécial regrette que cet amendement nous soit soumis un peu précipitamment. Il fait confiance au Gouvernement, ce qui est normal. Quant à moi, je ne m'y fie pas tout à fait ! Le groupe socialiste s'abstiendra donc.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-128.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Culture » figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Culture », modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Compte spécial : Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits du compte spécial « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » figurant à l'état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale

553 530 000

553 530 000

Industries cinématographiques

280 809 000

280 809 000

Industries audiovisuelles

247 721 000

247 721 000

Soutien à l'expression radiophonique locale

25 000 000

25 000 000

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte spécial « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les amendements n° II-1 et II-110 rattachés pour leur examen à la mission « Culture ».

Article 33 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Articles additionnels après l'article 41 quater (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 41 quater

M. le président. L'amendement n° II-1, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de 6 mois à compter de la publication de la présente loi, le gouvernement transmet au Parlement un rapport sur l'évaluation des résultats de l'expérimentation de gratuité des musées et monuments historiques mise en oeuvre du 1er janvier au 30 juin 2008. Ce rapport précise les coûts de l'expérimentation pour les services et établissements publics concernés, ainsi que la composition du public accueilli durant la période précitée.

II. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Culture

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet d'obtenir du Gouvernement le dépôt d'un rapport sur les résultats de l'expérimentation de gratuité des musées et monuments historiques, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi de finances.

Le Gouvernement souhaiterait, semble-t-il, que le délai de présentation du rapport soit porté à neuf mois ; je suis prêt à rectifier mon amendement en ce sens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Effectivement, monsieur le rapporteur spécial, rendre un rapport en juin 2008 serait prématuré, puisque l'expérimentation s'achèvera précisément à ce moment-là. Un délai de neuf mois serait en revanche tout à fait acceptable.

M. Ivan Renar. Le temps de la conception !

M. le président. M. le rapporteur spécial nous a déjà indiqué qu'il acceptait de rectifier cet amendement.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-1 rectifié, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :

I. Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi, le gouvernement transmet au Parlement un rapport sur l'évaluation des résultats de l'expérimentation de gratuité des musées et monuments historiques mise en oeuvre du 1er janvier au 30 juin 2008. Ce rapport précise les coûts de l'expérimentation pour les services et établissements publics concernés, ainsi que la composition du public accueilli durant la période précitée.

II. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Culture

La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Mon groupe est perplexe devant cet amendement, car il peut sembler normal qu'un rapport rende compte de l'expérimentation en cours de la gratuité, tout comme il est légitime que la représentation nationale soit associée aux conséquences et préconisations qui résulteront de ce test. En même temps, on peut craindre qu'il ne s'agisse que d'un paravent destiné à dissimuler les problèmes.

Si cette expérimentation ne se révélait pas pertinente, il serait naturel de pouvoir revenir en arrière. Plusieurs études mettent d'ores et déjà en lumière le fait que la gratuité seule n'élargit guère l'accès aux musées. De nombreux professionnels expriment toutefois une nette préférence pour une gratuité ciblée et une politique tarifaire audacieuse, telle qu'elle est souvent pratiquée par de nombreuses institutions.

En effet, à qui doit bénéficier cette gratuité ? Aux habitués des musées, ou à de nouveaux publics pour lesquels des actions de sensibilisation spécifiques sont primordiales pour les inciter à franchir le seuil des musées ? Même avec la gratuité, aller au musée n'est pas donné à tout le monde ! On sait bien que la ségrégation sociale dans le domaine de la culture ne résulte pas du seul problème de l'entrée payante ou gratuite.

Or, cette gratuité représente un coût et risque d'entraîner un appauvrissement des établissements. On peut redouter que cette situation ne conduise à la diminution des actions culturelles en direction des scolaires, des RMIstes, des quartiers, etc. pourtant essentielles à la démocratisation de la culture.

Certes, on le sait, la gratuité dope la fréquentation à court terme. Mais plutôt qu'à une éphémère « lune de miel », il est préférable de concourir à un mariage au long cours entre toute la population et son patrimoine artistique.

En outre, n'est-il pas paradoxal de vouloir combattre la gratuité pour la musique et le cinéma sur Internet et de vouloir l'instituer dans les musées ?

C'est encore un autre paradoxe que de prôner la gratuité des musées et d'envisager, dans le même temps, de vendre une partie des collections publiques ! Comment ne pas faire écho aux légitimes inquiétudes des conservateurs de musée qui craignent la remise en cause du fondement même de la notion de collection publique et le principe de continuité historique des collections ?

Nous devons réfléchir à la meilleure façon de les aider à assumer leur double mission : conserver pour les générations à venir et accueillir le public, depuis les scolaires de tous âges jusqu'aux retraités. À tous, il faut prendre la main pour la visite du musée, comme vous le savez. Le public est aussi au coeur de la préoccupation des conservateurs.

Mais si l'accès à la culture n'a pas de prix, il représente néanmoins un coût. La gratuité est-elle la réponse ? On peut en douter. Quoi qu'il en soit, nous souhaitons qu'un débat très ouvert ait lieu dans la période à venir. Je crois que M. le président de la commission des affaires culturelles a l'intention d'avancer dans ce domaine.

Nous voterons néanmoins cet amendement présenté par notre collègue Yann Gaillard, qui joue toujours le rôle de sentinelle vigilante sur ce genre de problème.

M. Ivan Renar. Nous souhaitons simplement pouvoir débattre avant les élections municipales de cette question qui mérite d'être creusée. J'ai pris également bonne note de la position nuancée de Mme la ministre.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce problème n'a pas laissé indifférente la commission des affaires culturelles. C'est la raison pour laquelle il a été décidé récemment en conférence des présidents que, lors de la séance mensuelle réservée du 6 février prochain, je poserai, au nom de la commission, une question orale avec débat consacrée à ce sujet.

De la sorte, nous pourrons entendre les explications de Mme la ministre sur un point qui nous préoccupe tous et prolonger un débat que Ivan Renar vient d'amorcer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1 rectifié.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 quater.

L'amendement n° II-110, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le 1 de l'article 238 bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« g) d'opérations confiées par une collectivité territoriale (ou un groupement de collectivités) à une société d'économie mixte au moyen d'une convention, ayant pour objet la présentation au public d'oeuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque ou l'organisation d'expositions d'art contemporain, à la condition que les versements soient affectés exclusivement aux opérations considérées ».

II. - Les pertes de recettes pour l'État sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du Code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement a pour objet d'étendre le bénéfice de l'avantage fiscal visé à l'article 238 bis du code général des impôts, récemment modifié par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, aux opérations entrant dans le cadre classique du mécénat gérées ou organisées par des sociétés d'économie mixte, lesquelles ne sont pas concernées par ces nouvelles dispositions.

Cet article précise que l'avantage fiscal lié à la qualité de mécène ouvre droit, pour les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, à une réduction d'impôt égale à 60 % du montant de leurs versements, dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires.

Les sociétés d'économie mixte locales peuvent se voir confier par les collectivités territoriales l'organisation ou la gestion d'événements à caractère culturel ou artistique. Or les manifestations concernées ne peuvent, dans l'état actuel de la législation, recevoir d'aides sous forme de mécénat, le cas de figure n'ayant pas été prévu par le législateur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission n'a pu examiner cet amendement, qui ne lui a été transmis que très récemment. Elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Je suis évidemment sensible aux intentions de Mme Morin-Desailly en faveur du spectacle vivant. Toutefois, le Gouvernement n'a pu instruire cet amendement. Or, il semblerait que beaucoup de ces sociétés d'économie mixte dont il y est question soient en réalité des Zénith ou des lieux de ce type, qui ont une vocation uniquement commerciale.

C'est pourquoi le Gouvernement, malgré les bonnes intentions des auteurs de l'amendement, émet un avis défavorable sur ce dernier.

M. le président. Madame Morin-Desailly, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Catherine Morin-Desailly. Tenant compte du fait que ni la commission des affaires culturelles, ni la commission des finances, ni le Gouvernement n'ont pu examiner cet amendement, je le retire, monsieur le président.

Je considère néanmoins qu'il s'agit d'un amendement d'appel et qu'il nous faudra réexaminer ce sujet.

M. le président. L'amendement n° II-110 est retiré.

Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen de la mission « Culture » et du compte spécial « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».

Articles additionnels après l'article 41 quater (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale

3

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 5 décembre 2007 à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :

1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007 2008).

Rapport (n° 91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Examen des missions :

- Enseignement scolaire

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 13) ;

M. Philippe Richert, Mmes Françoise Férat et Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 92, tome V).

- Sécurité (+ articles 48 octies)

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 28) ;

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome VIII) ;

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 94, tome VIII).

- Administration générale et territoriale de l'État

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 2) ;

M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome I).

- Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 48 à 48 septies)

Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

M. Michel Mercier, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 25) ;

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome VII).

- Sécurité civile

M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 29) ;

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome IX).

En outre, à quinze heures :

2. Nomination des membres de la mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et à la création du cinquième risque.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD