Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

1. Procès-verbal

2. Rappel au règlement

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

3. Loi de finances pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Enseignement scolaire

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances.

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

MM. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Mmes Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; MM. André Vallet, Yannick Bodin, Jean-Claude Carle, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Georges Mouly, Jean-Marc Todeschini, Mme Monique Papon, M. Ivan Renar, Mme Nathalie Goulet, MM. David Assouline, Jacques Legendre, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Paul Virapoullé, André Lardeux, Alain Vasselle.

MM. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

État B

Amendement n° II-131 du Gouvernement. - MM. Xavier Darcos, ministre ; le rapporteur spécial. - Adoption

Amendement n° II-22 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, Xavier Darcos, ministre. - Retrait.

Amendement n° II-20 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, Xavier Darcos, ministre ; Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Adoption

Amendement n° II-21 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, Xavier Darcos, ministre. - Adoption.

Adoption des crédits modifiés.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

4. Nomination des membres d'une commission commune d'information

5. Loi de finances pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Sécurité

MM. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; André Rouvière, Hugues Portelli, Mme Éliane Assassi, MM. Charles Gautier, Marc Laménie, Philippe Madrelle, Christian Cambon.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

État B

Adoption des crédits.

Article 48 octies

Amendement no II-161 du Gouvernement. - Mme la ministre, MM. le rapporteur spécial, Henri de Raincourt. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Administration générale et territoriale de l'État

MM. Henri de Raincourt, rapporteur spécial de la commission des finances ; José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean-Pierre Sueur, Yann Gaillard, Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

État B

Adoption des crédits.

Relations avec les collectivités territoriales

Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean Puech, président de l'Observatoire de la décentralisation ; Éric Doligé, Mme Jacqueline Gourault.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Pierre Sueur, Philippe Dallier, Thierry Repentin.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

État B et article additionnel après l'article 48 septies

Amendements nos II-138 rectifié bis et II-137 rectifié de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement no II-138 rectifié bis insérant un article additionnel après l'article 48 septies ; adoption de l'amendement no II-137 rectifié.

Amendement no II-132 du Gouvernement. - Mme la ministre, M. le rapporteur spécial. - Adoption.

Adoption des crédits modifiés.

État D

Adoption des crédits.

Article 48

M. Jacques Blanc.

Amendements nos II-123 de M. Marc Massion, II-12 rectifié de la commission et II-120 rectifié bis de Mme Marie-France Beaufils. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur spécial, Mmes Marie-France Beaufils, la ministre. - Rejet des amendements nos II-123 et II-120 rectifié bis ; adoption de l'amendement no II-12 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

Articles 48 bis à 48 sexies. - Adoption

Article 48 septies

Amendement no  II-134 rectifié de M. Denis Detcheverry. - MM. Denis Detcheverry, le rapporteur spécial, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 48 septies

Amendement no  II-142 de M. Thierry Repentin. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur spécial, Mmes la ministre, Marie-France Beaufils, M. Philippe Dallier. - Rejet.

Amendements nos II-140 rectifié de M. Pierre André et II-143 de M. Thierry Repentin. - MM. Philippe Dallier, Thierry Repentin, le rapporteur spécial, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement no II-140 rectifié ; rejet de l'amendement no II-143.

Amendement no II-125 de Mme Gisèle Printz. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur spécial, Mme la ministre. - Retrait.

Amendement no II-135 de M. Philippe Dallier. - MM. Philippe Dallier, le rapporteur spécial, Mme la ministre, M. Thierry Repentin, Mme Marie-France Beaufils. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no II-117 rectifié de M. Philippe Leroy. - MM. Marc Laménie, le rapporteur spécial, Mme la ministre. - Retrait.

Amendement no II-86 rectifié bis de M. Jacques Blanc. - M. Jacques Blanc. - Retrait.

Amendement no II-87 rectifié bis de M. Jacques Blanc. - M. Jacques Blanc. - Retrait.

Amendement no II-121 rectifié de Mme Marie-France Beaufils. - Mme Marie-France Beaufils, M. le rapporteur spécial. - Retrait.

Amendement no II-52 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Jean-Marc Pastor, le rapporteur spécial, Mme la ministre, M. le président de la commission des finances. - Retrait.

Sécurité civile

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mmes Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Éliane Assassi, MM. Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Paul Girod, Yvon Collin.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

État B

Adoption des crédits.

Article additionnel après l'article 48 octies

Amendement no II-111 de M. Éric Doligé. - M. Éric Doligé. - Retrait.

6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

7. Dépôt de rapports

8. Dépôt d'un rapport d'information

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour un rappel au règlement.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur les dispositions de l'article 36 relatif à l'organisation de nos travaux.

Les membres de mon groupe et moi-même avions souhaité poursuivre, avec un amendement sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », le débat engagé en première partie de la loi de finances sur le contenu et l'application de l'article 89 de la loi d'août 2004 relative aux libertés et sur les responsabilités locales. Cet article, particulièrement controversé, méritait, de notre point de vue, d'être traité de nouveau ce matin compte tenu du sujet auquel il se rapporte et de la discussion qui va s'engager.

Je ne peux donc que regretter que la commission des finances n'ait pas accepté ce rattachement, alors même que cette discussion avait été engagée lors de l'examen des dispositions relatives aux collectivités territoriales en première partie.

Cette incohérence dans l'organisation des débats, auquel cet amendement sur les articles non rattachés n'apporte d'ailleurs qu'une solution imparfaite, nous semble nuire à la fluidité et à la qualité des débats qui animent notre assemblée.

L'une des questions les plus importantes ressentie comme telle par les élus locaux de notre pays, notamment dans les petites communes rurales, en matière d'enseignement est bel et bien le financement obligatoire des écoles d'enseignement privé sous contrat d'association instauré par l'article 89.

Ne pas pouvoir en parler aujourd'hui est profondément regrettable et nous tenions à le faire savoir.

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en réponse à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, je voudrais confirmer que nous avons effectivement eu un débat sur cette question lors la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2008

Nous sommes convenus de renvoyer le débat dont il est ici question aux articles non rattachés qui viendront en discussion lundi et mardi prochains, après que nous nous sommes posé la question de savoir si ces dispositions devaient être rattachées à la mission « Enseignement scolaire » ou à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Nous avons tranché et je vous invite donc, madame Gonthier-Maurin, à nous rejoindre le lundi 10 décembre afin de poursuivre ce débat, qui, je l'espère, apportera une réponse équitable.

M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, je vous remercie de la confirmation que vous avez apportée au Sénat.

3

Articles additionnels après l'article 41 quater (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Deuxième partie

Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Enseignement scolaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).

Enseignement scolaire

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Enseignement scolaire ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur, au nom de la commission des finances, de rapporter devant la Haute Assemblée les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Monsieur le ministre, je tiens d'abord à mettre fin à un insupportable suspense en vous disant que la commission des finances a approuvé vos crédits...

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est incroyable !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial ....et qu'elle proposera plusieurs amendements qui permettront, j'en suis convaincu, d'ouvrir le débat et peut-être d'améliorer un budget déjà fort intéressant.

Intéressant dans sa conception, dans son esprit et dans sa mise en oeuvre, il est ainsi au diapason de l'attente nouvelle de nos compatriotes sur les efforts de qualité à faire pour l'enseignement.

Le quotidien Le Monde titrait hier soir sur la difficulté de notre pays à tenir son rang dans les classements internationaux. Je pense en particulier à celui qu'a établi l'OCDE concernant le programme international de suivi des acquis, PISA, dont M. Mélenchon conteste le principe et la pertinence.

M. Jean-Luc Mélenchon. Il ne vaut rien !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Monsieur Mélenchon, je considère que les grands pays qui réfléchissent ensemble ont plus de chance d'aboutir à un résultat intelligent que s'ils suivaient une démarche solitaire.

Ainsi le classement PISA mentionne que la France ne rattrape pas les retards qu'elle a dans l'acquisition des enseignements et des connaissances de base.

Or, monsieur le ministre, votre budget fait une large part à l'approche qualitative engagée, en 2005, par votre prédécesseur, François Fillon, qui avait notamment mis en place les parcours personnalisés de réussite éducative, les fameux PPRE. Il avait insisté sur le fait que l'objectif était non pas la mobilisation de moyens quantitatifs globaux, mais la réussite individuelle de chaque élève. Notre mission est de donner à chacun sa chance, mais aussi et surtout d'accompagner individuellement l'élève afin qu'il parvienne à des résultats positifs.

Cette approche qualitative s'appuie sur la réflexion qui a été conduite par votre prédécesseur, par vous-même, par vos services, ainsi que par des équipes extérieures. J'évoquerai les audits lancés par Jean-François Copé, qui ont connu des résultats concrets au sein de votre administration.

Je pense non seulement à l'organisation des examens, mais également, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, à l'engagement total de votre administration, ainsi qu'à des initiatives qualitatives spectaculaires, telles que la réflexion menée sur l'évolution du métier d'enseignant, animée par M. Marcel Pochard et à laquelle participe M. Michel Rocard.

Il faut voir là, selon moi, la démonstration que, au- delà des divisions politiques, il existe une volonté unanime de donner le maximum de chances à nos jeunes compatriotes pour réussir leurs études dans notre pays.

Nous avons de cette approche qualitative une démonstration très concrète des premières politiques que vous avez mises en oeuvre et que je voudrais évoquer brièvement.

Je soulignerai, d'abord, l'effort d'un montant de 1,1 milliard d'euros en faveur des élèves en difficulté, ceux qui, dans le primaire et le secondaire, ont du mal à suivre l'enseignement global.

Vous faites également un effort significatif en faveur de l'accueil des élèves handicapés et des primo-arrivants. Il s'agit d'un public particulier dont vous assurez l'accueil et la prise en charge en mettant en place des moyens financiers importants, qui, je l'espère, leur permettront d'avoir plus de chance de réussir.

Monsieur le ministre, nous sommes donc dans une logique où la réussite de l'élève est votre ligne de conduite.

En outre, devant notre assemblée qui est très attentive aux questions de l'enseignement, je tiens à dire que la tonalité de votre action au ministère est empreinte de pragmatisme et de sens des réalités, ce qui résulte sans doute de votre expérience. Vous êtes convaincu de la nécessité d'agir tout en restant modeste. Vous savez qu'on ne peut pas tout faire tout le temps !

Le premier exemple qui me vient à l'esprit est celui de la carte scolaire, qui a donné lieu à un débat politique à propos duquel on peut, certes, se passionner, quitte, comme les Français aiment à le faire, à prendre des positions théoriques extrêmes.

Vous avez refusé cette approche théorique et, grâce à votre pragmatisme, avez arrondi les angles.

Vous avez ouvert plus largement les dérogations, mais elles restent très marginales. Vous avez privé certains magazines du marronnier de la carte scolaire en permettant à une petite minorité de familles...

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. ...qui, pour des raisons d'ailleurs légitimes, souhaitaient une autre affectation, de bénéficier d'un peu de liberté, d'un peu de compréhension, sans pour autant remettre en cause un système d'ensemble qui devra évoluer, mais qui donne déjà satisfaction, notamment en milieu rural, à la fois aux parents et aux 67 000 établissements d'enseignement.

Il en a été de même pour la reconquête du temps scolaire.

Là aussi, pour le samedi matin, nous aurions pu ouvrir un débat idéologique afin de savoir s'il fallait sacrifier le week-end ou étaler les heures de cours.

Vous avez décidé tranquillement, et de façon quelque peu surprenante, que le samedi matin ne serait plus scolarisé et, ce faisant, vous avez immédiatement consacré ces heures à d'autres activités, afin que le travail scolaire de la semaine soit mieux réparti et que le soutien aux élèves en difficulté soit encouragé.

Cette mesure a été comprise et acceptée dès lors qu'il s'est agi non pas de diminuer les moyens mis à la disposition des élèves, mais de mieux les adapter à leurs besoins.

La reconquête du mois de juin - merveilleux mois de juin où l'on ne faisait pas grand-chose, pour ne pas dire rien ! - va redevenir un mois à part entière, ce qui, sur le plan budgétaire, monsieur le président de la commission des finances, n'est pas sans signification. Un mois qui est gagné, cela représente 10 % de plus de temps d'enseignement et moins de crédits de substitution.

Vous avez décidé de mettre en oeuvre, de 2008 à 2011, les études surveillées - c'était un engagement du Président de la République - en commençant par en faire profiter les élèves en difficulté.

Là encore, monsieur le ministre, vous faites preuve d'esprit pratique en proposant de recourir à des recrutements, de créer des heures supplémentaires et de donner des moyens aux associations qui se consacrent au soutien scolaire.

Nous sommes donc dans une logique pragmatique : la situation évolue tranquillement, sans que chaque changement déclenche une guerre idéologique. Nous ne pouvons que vous en savoir gré, monsieur le ministre.

J'en viens maintenant aux moyens. Avec une baisse affichée de 11 000 postes, la diminution d'effectifs que vous engagez est spectaculaire. Il faut comparer cet effort à ceux qui sont accomplis par les autres administrations et préciser que les effectifs de votre administration représentent à eux seuls 46 % des effectifs de la fonction publique.

Le périmètre n'est plus le même. Ainsi, l'enseignement supérieur et la recherche ne sont plus rattachés à votre ministère. Cela concerne un millier d'emplois. Les changements les plus impressionnants portent sur les personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS.

Je me contenterai d'indiquer, monsieur le ministre, que la commission des finances se félicite de cette orientation qui consiste à diminuer les effectifs - puisque ceux-ci doivent tenir compte de l'évolution démographique - sans que cela affecte pour autant le nombre d'heures d'encadrement consacrées aux élèves. Pour ce faire, vous avez exploité au mieux les possibilités qu'offraient les heures supplémentaires.

La formule est satisfaisante : donner aux enseignants qui le souhaitent plus d'heures de travail, pour plus de revenus. Sans doute nous expliquerez-vous dans votre réponse dans quelles conditions vous entendez la mettre en oeuvre.

La situation actuelle permet donc une meilleure utilisation des capacités d'enseignement existantes. La diminution apparente des effectifs au regard du plafond d'emplois ne se traduit pas par une baisse du nombre d'adultes encadrant les élèves, qu'ils soient enseignants, surveillants ou TOS. De ce point de vue, c'est parfaitement satisfaisant, même si cela rend parfois complexe la lecture de l'évolution effective du personnel encadrant les élèves au regard de l'évolution du plafond qui actuellement n'intègre pas l'ensemble de ces professionnels.

En effet, les crédits de ces personnels peuvent être, d'une part, imputés sur les crédits hors titre 2, c'est-à-dire hors plafond d'emploi ou, d'autre part, ne plus être comptabilisés au sein de la mission du fait des mesures de décentralisation.

Nous aurons l'occasion d'engager la discussion sur ce sujet lors de l'examen d'un amendement relatif aux vacations qu'a déposé la commission des finances.

Dans le cadre de la présentation générale de la mission « Enseignement scolaire » et avant d'exposer rapidement l'objet des trois amendements de la commission, je souhaite formuler trois observations, qui expliquent la position de la commission sur ce projet de budget, qu'elle juge en évolution, intéressant et prometteur.

Premièrement, des progrès s'imposent sur l'efficacité de la dépense scolaire.

Si les indicateurs de performances existent, les comparaisons dans le temps sont insuffisantes. Bien plus, les comparaisons régionales n'existent pas. Pour ma part, je le déplore, car c'est une façon d'appréhender plus concrètement la performance et la singularité de l'enseignement.

Je prends l'exemple des tableaux de réussite scolaire ou de réussite d'intégration dans la vie professionnelle après sortie du système scolaire. Nous aurions besoin d'indicateurs dont la comparaison soit plus riche dans le temps. Peut-être serait-il possible de reconstruire, grâce à un appareil statistique, un certain nombre de données qui concernent le passé. Dans le cas contraire, il suffira d'attendre, mais cette solution n'est guère satisfaisante. En outre, il faudrait une diversification par statut, par type d'enseignement, par région.

De cette comparaison, nous pourrions essayer de tirer des leçons et, ainsi, expliquer d'éventuelles différences, afin de connaître les systèmes qui fonctionnent bien, ceux qui fonctionnent mieux et ceux qui fonctionneraient éventuellement moins bien.

De la même façon, des indicateurs de performance nous situant dans l'espace européen seraient utiles. Il n'est pas nécessaire de se comparer avec le monde entier ; il faut à tout le moins se positionner par rapport à des pays qui nous sont proches et avec lesquels nous sommes en compétition culturelle, économique et sociale. De telles données manquent cruellement dans nos tableaux.

Deuxièmement, il convient d'approfondir cette particularité française qui se résume en une formule : la richesse de l'offre scolaire.

Dans notre pays, nos malheureux écoliers ont le plus grand nombre d'heures de cours annuel - 958 heures, contre 800 dans la moyenne européenne. Cette tendance est encore plus marquée dans l'enseignement secondaire. Cette présence à l'école se traduit cependant par des résultats qui, d'après certaines comparaisons internationales, semblent moyens, voire médiocres dans certains cas. (M. Jean-Luc Mélenchon proteste.) Si l'on tient compte de la diversité de l'offre scolaire dans l'enseignement secondaire, nous parvenons à des taux d'encadrement d'élèves par professeur parfaitement incompréhensibles.

Les indicateurs de performance donnent donc des chiffres que nous avons du mal à saisir, tant le recours aux moyennes est certainement l'une des façons les plus sûres de cacher la vérité d'un problème ! C'est pourquoi il faut examiner dans le détail la situation de l'encadrement, car elle est l'une des conséquences de l'offre scolaire de notre pays, offre qui se caractérise par sa grande richesse.

Troisièmement, l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » donne le sentiment, monsieur le ministre, que votre budget est sollicité pour des politiques qui, si elles sont tout à fait honorables, ne sont pas celles de l'éducation nationale. Je prendrai trois exemples.

Tout d'abord, l'accueil des élèves primo-arrivants n'est-il pas du ressort de votre collègue M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ? Ne faudrait-il pas imputer ces crédits sur ceux de son ministère ?

Ensuite, l'école maternelle, dont je suis sûr qu'elle est utile, joue indéniablement un rôle dans la politique de la famille. Dans quelles conditions doit-elle être entièrement prise en charge par le ministère de l'éducation nationale, alors que, en assurant l'accueil des enfants pour aider et encourager les parents, elle participe parfois de la politique de la famille ? Il me paraît indispensable de répondre à une telle question. C'est la raison pour laquelle une enquête portant sur la signification de l'école maternelle aujourd'hui a été demandée à la Cour des comptes.

Enfin, l'effort que vous déployez, à juste titre, pour l'accueil des enfants handicapés mériterait, lui aussi, d'être financé par des ressources issues d'une politique sociale et de solidarité entre Français. Il ne doit pas dépendre des seuls crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

La commission des finances a présenté trois amendements, qui sont autant d'interrogations sur la volonté du ministère dans des domaines différents.

Le premier amendement porte sur le partenariat avec les collectivités locales. Il vise à supprimer les « remises de principe » pour dépenses scolaires d'internat et de demi-pension. Cette responsabilité incombe aujourd'hui aux collectivités locales, qu'elles soient communales, départementales ou régionales. Elle n'est plus vôtre, monsieur le ministre. Vous avez conservé ces crédits, qui témoignent d'une vieille tradition de solidarité et de politique de la famille du ministère de la rue de Grenelle. La commission des finances propose que ces crédits soient désormais pris en compte par les collectivités locales, dans le cadre de la décentralisation.

Le deuxième amendement concerne la gestion des vacataires et des suppléances de personnel non enseignant. Si nous sommes favorables à la souplesse, nous refusons l'opacité.

Le troisième amendement a trait aux conséquences des conclusions de la commission Pochard sur la revalorisation de la fonction enseignante. À l'issue des avis qu'elle rendra, je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous serez amené à faire un certain nombre de préconisations. C'est la raison pour laquelle vous avez prévu des sommes prévisionnelles, qui ne concernent toutefois que les enseignants du second degré. Or les décisions qui seront prises toucheront certainement l'ensemble des enseignants. C'est pourquoi la commission des finances propose de répartir d'emblée ces crédits.

En réalité, monsieur le ministre, il s'agit d'ouvrir le débat sur la façon dont vous entendez associer le Parlement à la mise en oeuvre des décisions d'orientation de nature budgétaire que cette commission sera appelée à vous proposer et que vous seriez conduit à accepter pour revaloriser cette fonction. Je rappelle que la passion commune qui nous rassemble ce matin, c'est la réussite des élèves pour une France forte, intelligente, réactive et capable de nous donner toutes les chances de réussite dans la mondialisation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Philippe Richert au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « l'éducation est la première priorité nationale ». Ainsi s'ouvre le code de l'éducation. Le présent projet de loi de finances en donne la preuve, puisque le budget de la mission « Enseignement scolaire » s'élèvera à 59,26 milliards d'euros en 2008, soit une augmentation de 2,03 %

Un effort aussi considérable, qui mobilise près d'un agent de l'État sur deux et représente plus d'un cinquième des crédits du budget général, se doit de se traduire par des résultats !

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je salue le souci que vous affichez de fixer des objectifs clairs, en décidant par exemple de diviser par trois l'échec scolaire lourd d'ici à cinq ans.

Pour atteindre de tels objectifs, l'essentiel est d'infléchir nos politiques éducatives. C'est ce que vous avez fait en engageant deux importantes réformes.

La première réforme a été mise en oeuvre dès le mois de juin dernier. Il s'agit de l'assouplissement de la carte scolaire, première étape vers sa suppression, qui a permis à près de trois demandes sur quatre d'être satisfaites, sans pour autant perturber les équilibres fondamentaux de répartition des élèves entre établissements.

Pour aller plus loin, il faudra toutefois donner les moyens à chaque établissement d'affirmer son identité pédagogique en développant un véritable projet, qui ne soit pas qu'un simple instrument de justification administrative et budgétaire, mais qui puisse réunir autour de lui l'ensemble de la communauté éducative, parents compris. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez vos intentions sur ce point.

La deuxième réforme majeure porte sur la généralisation de l'accompagnement éducatif après la classe en 2008, qui est d'ores et déjà proposé en zone d'éducation prioritaire. Chaque enfant pourra donc bénéficier d'un suivi et d'un soutien scolaires renforcés et gratuits. C'est un gage d'égalité, car, chacun le sait, les familles n'ont pas toujours le temps ou les moyens de prêter l'attention nécessaire aux études de leurs enfants.

Cette réforme ambitieuse ne verra toutefois pas le jour sans un soutien affirmé des collectivités territoriales, qui devront assumer certains coûts indirects de sa mise en oeuvre.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué à la commission que vous aviez engagé la concertation à ce sujet. Il serait bon, que vous puissiez nous informer des progrès de ces discussions avec les assemblées représentatives.

Grâce à ces deux mesures, le système scolaire français s'engage dans la voie d'une meilleure prise en compte des besoins singuliers de chaque élève, afin de lutter plus efficacement contre l'échec scolaire.

Cet accompagnement individualisé passe par un renforcement de l'encadrement dans les établissements : 6 000 assistants d'éducation seront ainsi recrutés en 2008.

De même, 166 emplois d'auxiliaires de vie scolaire seront inscrits au budget, afin de mettre en place 200 nouvelles unités pédagogiques d'intégration. Notre pays continuera ainsi à rattraper son retard en matière de scolarisation des enfants handicapés : des progrès notables ont déjà été accomplis, ils doivent se poursuivre.

Enfin, 300 nouveaux postes d'infirmières scolaires sont créés. Je veux néanmoins vous signaler, monsieur le ministre qu'une large part des emplois d'infirmières ouverts depuis deux ans n'a pas été pourvue, faute de candidats en nombre suffisant. (Mme Nathalie Goulet s'exclame.) Des difficultés comparables existent pour la médecine scolaire. La situation actuelle fait donc problème et j'aimerais connaître les solutions que vous envisagez pour y remédier. Je vous rappelle que le Sénat avait voté en 2004 le transfert de la charge de la médecine scolaire aux départements. Je reste persuadé que cela aurait été la bonne mesure.

Ce renforcement de l'encadrement dans les établissements se fera à moyens constants, grâce à de nouveaux efforts pour optimiser la gestion des services.

Ces efforts tiennent compte des impératifs éducatifs, puisque seul un enseignant sur trois partant à la retraite ne sera pas remplacé, contre un agent sur deux dans les services administratifs et dans la plupart des autres missions. Au total, ce sont donc 11 200 postes qui ne seront pas renouvelés, dont 1 000 emplois administratifs.

Ces suppressions se feront à offre éducative inchangée, comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur spécial, grâce à une gestion plus rationnelle des remplacements, à la réduction des surnombres - point important sur lequel nous revenons tous les ans -, ainsi qu'à la prise en compte des évolutions démographiques. Les écoliers étant plus nombreux dans le primaire, 700 postes y sont créés ; à l'inverse, le nombre d'élèves dans le secondaire diminuant, 1 500 postes n'y seront pas renouvelés. Enfin, 3 500 emplois seront transformés en heures supplémentaires afin de soutenir le pouvoir d'achat des professeurs.

Le présent projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, tend à engager la revalorisation du métier d'enseignant qui passe d'abord par la hausse des rémunérations par le biais des heures supplémentaires. Ainsi, 146 millions d'euros seront consacrés à la création de nouvelles heures supplémentaires, d'autant plus attractives pour les enseignants qu'elles bénéficieront des exonérations fiscales et sociales prévues par la loi TEPA.

Toutefois cela ne suffira pas à revaloriser, dans leur ensemble, les carrières des enseignants ; c'est l'objet des travaux de la commission Pochard. Ce budget comporte d'ores et déjà une provision de 41 millions d'euros pour anticiper, en tiers d'année, les conclusions de ladite commission, soit 42 euros, en moyenne, par enseignant. Il n'est donc, vous l'aurez compris, mes chers collègues, qu'une première étape, qui doit être poursuivie et amplifiée.

Enfin, je souhaite que cette revalorisation concerne également les chefs d'établissement, qui doivent être formés et rémunérés à la hauteur des responsabilités qui leur sont confiées, car ils sont les pièces maîtresses de notre système éducatif de demain.

Monsieur le ministre, je reste persuadé qu'il faut aller dans cette direction pour rénover notre système éducatif. Malgré les efforts certains accomplis ces dernières années, des progrès significatifs restent encore à réaliser pour rendre cette fonction plus attractive, notamment pour les meilleurs des enseignants.

Pour terminer, je tiens à indiquer au Sénat que les crédits inscrits cette année pour les bourses de collège permettront de financer, en année pleine, la hausse de plus de 25 % votée par notre assemblée pour 2007, sur l'initiative de la commission des affaires culturelles et de la commission des finances.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Très bien !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la commission des affaires culturelles a donc décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, la mission « Enseignement scolaire » réunit les crédits de l'éducation nationale et ceux de l'enseignement technique agricole.

Au-delà de sa valeur symbolique, ce regroupement devait aussi permettre de préserver le budget de l'enseignement agricole des annulations de crédits décidées en cours d'année destinées à financer les mesures exceptionnelles qui suivent telle ou telle calamité naturelle.

Des engagements ont été pris en ce sens. Ils n'ont pas été tenus, puisque cette année encore, plus de 10 millions d'euros de crédits de paiement du programme « Enseignement technique agricole » ont été annulés, afin de financer, en particulier, les lignes budgétaires ouvertes en urgence après le passage du cyclone Dean en Martinique et en Guadeloupe au mois d'août dernier.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est vrai !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Bien entendu, de tels plans sont nécessaires et je n'en conteste ni le principe, ni même le financement par voie de prélèvement sur tous les programmes du budget général. Mais l'exigence de solidarité doit aussi s'accompagner du souci de l'équité et ces prélèvements doivent donc être proportionnés à l'importance de chaque programme au sein de la mission.

Alors que le budget de l'enseignement agricole, qui n'était que de 1,5 milliard d'euros, a contribué, à hauteur de 10 millions d'euros, à ces annulations et que, dans le même temps, le programme « Enseignement scolaire public du second degré », qui représentait en 2007, à lui seul, plus de 28 milliards d'euros, n'a pas même été touché par ces annulations, je ne peux qu'avoir le sentiment, monsieur le ministre, que l'effort n'a pas été équitablement réparti entre votre ministère et celui de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean-Claude Carle. Tout à fait !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Je vous demande donc instamment de vous assurer qu'il en ira désormais autrement et je souhaite que des assurances claires nous soient apportées sur ce point. Pouvez-vous être notre interprète auprès de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche ?

Si le budget pour 2008 permet de répondre aux principaux besoins de l'enseignement agricole, il n'est toutefois pas assez élevé pour supporter une nouvelle série d'annulations en cours d'exécution. Il atteindra 1,26 milliard d'euros en 2008, contre 1,28 milliard en 2007, soit une légère baisse de 1,08 %, qui s'explique, avant tout, par la poursuite de la décentralisation, avec près de 1 000 transferts de TOS, les personnels techniciens, ouvriers et de services, au ler janvier 2008, ainsi que par l'effet, en année pleine, des suppressions opérées pour 2007.

Quant aux mesures propres au projet de loi de finances pour 2008, la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux s'appliquera, certes, aux personnels administratifs et techniques, mais sera assouplie pour les emplois d'enseignants, puisque deux sur trois seront maintenus.

Dans un contexte de vigilance budgétaire renforcée, il a donc été tenu compte des singularités de l'enseignement agricole, et je m'en réjouis. Au total, ce sont 106 équivalents temps plein travaillé, les ETPT, qui devraient être supprimés en 2008, dont 25 ETPT de professeurs. L'impact sur les établissements restera donc mesuré, d'autant plus que l'Assemblée nationale a adopté un amendement annulant l'effet en année pleine des réductions de postes dans l'enseignement privé dit du temps plein.

Par ailleurs, le présent projet de budget témoigne du souci de respecter les engagements pris à l'égard des établissements privés. La subvention destinée au rythme approprié est en progression, à hauteur d'un peu moins de 4 millions d'euros, tandis que celle qui est consacrée au temps plein augmente de 2 millions d'euros. Ces efforts sont bienvenus ; ils devront, toutefois, être poursuivis, certaines questions attendant encore un règlement durable. Je pense non seulement aux reports de charge, qui demeurent très importants, mais aussi à la revalorisation de la base de calcul de la subvention du temps plein, dont il faudra tenir compte en 2009. Au-delà de ce budget pour 2008 satisfaisant, c'est en effet vers 2009 qu'il nous faut regarder.

Monsieur le ministre, tous les acteurs de l'enseignement agricole nourrissent depuis presque deux ans de grands espoirs. En 2006, toute une série de rapports ont été publiés ; ils témoignaient un intérêt grandissant pour cette voie d'enseignement méconnue et contribuaient à la reconnaissance de ces résultats exceptionnels. Cette année encore, l'enseignement agricole a été évoqué à plusieurs reprises comme étant un modèle au cours des auditions menées par la commission Pochard, que M. le rapporteur spécial a citée. Tous ces espoirs ne peuvent pas être déçus.

C'est pourquoi je crois absolument nécessaire que l'année 2008 soit largement consacrée à l'élaboration d'un nouveau projet et d'une nouvelle ambition pour l'enseignement agricole. Je dirais même que la contrainte budgétaire, qui se traduira par une baisse de la dotation globale horaire de 2 % nets, exige qu'une nouvelle stratégie puisse voir le jour, afin d'absorber ces réductions de moyens sans compromettre pour autant l'excellence pédagogique de l'enseignement agricole. C'est pourquoi j'espère, monsieur le ministre, que vous nous apporterez très rapidement des précisions sur ce point.

Je forme enfin le voeu que ni le Gouvernement, ni le Sénat ne reviennent en seconde délibération sur les travaux que nous allons mener aujourd'hui, comme cela a pu se produire à l'Assemblée nationale voilà quelques jours. C'est dans cet esprit de vigilance, mais aussi de confiance dans votre volonté de garantir pleinement l'avenir de l'enseignement agricole, monsieur le ministre, que la commission des affaires culturelles a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai, pour ma part, la question de l'enseignement professionnel, en mettant l'accent sur sa nécessaire revalorisation.

Les filières professionnelles restent, en effet, prisonnières de l'image surannée qui prévaut encore dans les mentalités collectives. Pourtant, cette image n'a plus rien à voir avec la réalité ; les lycées professionnels ne sont pas ces LEP que certains qualifiaient de « parkings à chômeurs » voilà encore vingt ans. Ce sont des établissements modernes, dotés d'équipements de pointe. Les enseignements qui y sont délivrés sont de grande qualité et permettent aux élèves d'espérer une bonne insertion professionnelle, voire de poursuivre des études supérieures avec de bonnes chances de réussite, s'ils sont bien orientés.

Le taux de réussite à la licence des bacheliers professionnels est à peu près le même que celui des titulaires d'un bac technologique. Ce point mérite d'être souligné ; il démontre, à lui seul, que l'enseignement professionnel n'a pas pour seule vocation l'insertion à court terme, mais permet également la poursuite d'études. C'est essentiel dans un contexte où l'élévation du niveau de qualification de la population reste une exigence majeure pour faire face aux évolutions technologiques.

Le développement de l'enseignement professionnel peut permettre de répondre à cette exigence. Mais il faut, pour cela, transformer les mentalités et en finir avec certaines habitudes. L'orientation vers les filières professionnelles ne doit plus être proposée qu'aux seuls élèves en difficulté, jugés incapables de poursuivre leurs études dans l'enseignement général.

Pour cela, il faut que la scolarité au collège ne soit plus organisée autour de la seule perspective de poursuivre des études en lycée général ou technologique. Les filières professionnelles doivent donc apparaître à tout élève comme un choix digne d'intérêt. La création des parcours de découverte des métiers et des formations à destination de tous les élèves apparaît, de ce point de vue, comme une première étape à saluer.

Il faudra aussi des moyens, notamment en personnels qualifiés et formés, pour assurer ces nouvelles missions d'information et d'orientation.

Pourtant, les réductions de postes de conseillers d'orientation psychologues se poursuivent, alors même que ces derniers sont recrutés pour assurer ces missions. Ce choix me paraît difficilement compréhensible. Si les professeurs connaissent les filières, ils ne sont pas particulièrement qualifiés pour parler des métiers et du monde professionnel. Ce n'est tout simplement pas leur fonction.

Au-delà de la question, essentielle, de l'orientation, il reste bien des choses à faire pour revaloriser l'enseignement professionnel. Je pense, notamment, au manque de perspective de carrière des professeurs de lycée professionnel et des contractuels, naturellement nombreux dans ces établissements.

L'offre de diplômes et de formations doit également être rénovée. Vous prévoyez, monsieur le ministre, de faire progresser très rapidement le baccalauréat professionnel en trois ans. Cela peut avoir un sens dans certaines filières, où le BEP et le CAP ne suffisent plus à garantir une insertion rapide, comme dans le secteur des métiers de la comptabilité. Mais il en est d'autres où le BEP et le CAP jouent encore un rôle majeur. Pourquoi, dès lors, mettre en péril leur existence ?

Par ailleurs, dans une voie qui assure encore très souvent une mission de remédiation particulièrement affirmée, ces diplômes constituent bien souvent la première étape d'un parcours de reprise de confiance pour des élèves qui avaient justement perdu toute confiance en eux-mêmes, comme dans le système scolaire.

Je m'interroge donc sur ce choix. Les syndicats d'enseignants, eux, s'en inquiètent à tel point qu'en début de semaine ils vous ont demandé de les recevoir en urgence.

De plus, je souhaite attirer votre intention sur le fait que les premières expérimentations menées montrent que les élèves qui arrêtent leur scolarité durant la préparation d'un baccalauréat en trois ans restent nombreux et qu'ils sortent alors de l'école sans aucune qualification. Aussi, la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans me paraît prématurée, puisque aucune certification intermédiaire n'a encore été prévue.

Tous ces éléments peuvent faire craindre qu'une stratégie globale de revalorisation de l'enseignement professionnel ne fasse encore défaut.

Une telle stratégie passe également par une bonne gestion des moyens. Or, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles, vous avez été dans l'incapacité d'évaluer l'impact des suppressions d'emplois sur l'enseignement professionnel. Je regrette également le manque de lisibilité des évolutions constatées dans le programme « Enseignement scolaire public du second degré », notamment pour l'apprentissage, la formation continue et la validation des acquis de l'expérience.

À ce titre, il importe de rappeler que, quelles que soient les marges de manoeuvre laissées en exécution, le budget voté par le Parlement n'a pas valeur de blanc-seing et que l'obligation de justification au premier euro s'impose au stade de l'autorisation parlementaire. Des efforts très significatifs sont donc nécessaires, afin de redonner de la clarté à la présentation d'un programme qui représente, à lui seul, plus de 28 milliards d'euros.

Compte tenu de ces observations, je ne voterai pas, à titre personnel, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2008, pour lesquels la commission des affaires culturelles a toutefois donné un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Enfin, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme M. le rapporteur pour avis l'a souligné - il faut le dire et le redire aux Français - la mission « Enseignement scolaire » constitue, en volume de crédits et en effectifs de personnels, la plus importante part du budget général de l'État : 21,8 % de crédits de paiement, 59,26 milliards d'euros...

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Jusque là, nous sommes d'accord !

M. André Vallet. ... et pratiquement un fonctionnaire sur deux, avec 46,3 % des emplois de fonctionnaires, soit 1,022 641 million de temps plein.

Ce budget augmente de 2,03 %, soit de 1,17 milliard d'euros.

Pour notre éducation nationale, l'urgence - monsieur le ministre, je sais que vous en êtes convaincu - est, non pas de donner toujours plus, mais d'utiliser autrement et mieux le potentiel de moyens et de compétences de l'éducation nationale. C'est ce que M. le rapporteur spécial appelait tout à l'heure la « démarche qualitative ».

C'est parce que ce projet de budget paraît aller dans ce sens, qu'il tend à créer une nouvelle conjonction entre la responsabilité de l'État et la responsabilité locale, qu'il semble, tout au moins partiellement, renoncer à une gestion centralisée et anonyme, que le groupe de l'UC-UDF auquel j'appartiens l'approuvera, tout en vous demandant quelques éclaircissements sur un certain nombre de points, monsieur le ministre.

Le premier concerne la méthode d'apprentissage de la lecture dite globale.

Je suis de ceux qui ont approuvé votre prédécesseur lorsqu'il a condamné cette méthode. Si, effectivement, la méthode globale pose moins de problèmes pour certains enfants, généralement les plus favorisés, elle amène des difficultés précoces chez le plus grand nombre. Il a été rappelé tout à l'heure que 20 % des enfants arrivaient en sixième sans savoir lire ou comprendre un texte. C'est énorme ! Selon le classement de l'OCDE auquel il a été fait allusion, publié hier dans la presse, la situation empire.

M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas vrai !

M. André Vallet. Il faut, à l'évidence, pour atténuer ce très mauvais chiffre, appliquer une méthode de lecture qui soit à la portée de tous, une méthode qui a déjà fait ses preuves.

M. Jean-Luc Mélenchon. Arrêtez de le répéter !

M. André Vallet. En êtes-vous, monsieur le ministre, convaincu ?

Le deuxième point concerne l'école primaire.

Vous venez, monsieur le ministre, de supprimer - ce n'est pas une mauvaise chose en soi - les cours du samedi matin. Le Président de la République souhaite une heure de sport supplémentaire. Une heure sera affectée à l'enseignement d'une langue étrangère. Pourriez-vous nous donner aujourd'hui la nouvelle répartition horaire de l'école primaire, sans tenir compte, bien entendu, des heures que vous envisagez de faire dispenser auprès des élèves en difficulté, ce qui est une initiative que je me permets de saluer ?

Je tiens également à aborder le problème du collège unique.

Je disais à l'instant à propos de l'apprentissage de la lecture que trop d'élèves arrivent aujourd'hui au collège sans maîtriser la lecture, mais sans maîtriser non plus les fondamentaux et sont, dès le départ, noyés par l'enseignement dispensé.

Le système actuel de passage les amène automatiquement, malgré leurs carences, en classe de troisième, quel que soit leur niveau réel, et crée, de ce fait, l'échec scolaire. Du fait de leur extrême hétérogénéité, les classes de collège sont parfois ingérables. Le moule unique impose le même enseignement à tous sans tenir compte des goûts, des aptitudes, des rythmes d'apprentissage ou de l'environnement socio-culturel de chaque élève, voire des désirs de la famille.

L'égalité des chances connaît au collège, plus qu'ailleurs, sa caricature. Sa caricature, monsieur le ministre, c'est l'égalitarisme, qui vise à ce que soient appliquées à tous des pédagogies identiques et qui conduit alors, inéluctablement, à l'échec et à l'exclusion.

Cette illusoire égalité des chances connaît aussi son revers antidémocratique : par sa complexité, le système scolaire devient opaque pour le citoyen ignorant les astuces réservées aux seuls initiés, qui peuvent bénéficier à plein des divers moyens de contourner la règle commune.

Êtes-vous, monsieur le ministre, favorable à une profonde réforme du collège unique ?

Je tiens également à vous interroger au sujet des cours de morale et d'instruction civique. Peut-on espérer la restauration de ces cours tels que nous les connaissions dans l'école que je suis obligé d'appeler « l'école d'autrefois » ? Dans l'esprit de ses fondateurs, l'école républicaine devait, bien entendu, assurer l'instruction de chacun, mais aussi développer le savoir-vivre collectif.

Nous avons trop légèrement oublié cette dimension, d'autant que l'essor de conceptions anti-autoritaires et parfois libertaires a accru la défiance à l'égard des pédagogies directives.

N'est-on pas allé trop loin dans la pédagogie purement critique ? Un esprit « post soixante-huitard » mal placé a fait oublier à trop de maîtres que leur rôle ne se limite pas à dispenser des connaissances ponctuelles, que l'école doit former l'individu comme citoyen, c'est-à-dire comme homme ou femme vivant dans la cité parmi d'autres citoyens.

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous avez lu cela dans le Journal de Mickey ?

M. André Vallet. Morale et instruction civique peuvent y contribuer.

Il faut revoir notre système d'orientation. Ce qui est en cause, c'est notre incapacité à éclairer les choix des jeunes vers des voies de formation qui ne soient pas des impasses. C'est l'ensemble du processus d'orientation qui est en cause, car c'est à travers les choix et stratégies d'orientation que se fait, pour partie, la distinction entre les milieux sociaux.

Le maquis que constitue notre système scolaire aux yeux de bien des élèves et de bien des parents, l'ignorance trop fréquente des professeurs de l'enseignement général pour la réalité de la formation technologique et professionnelle comme de la vie économique des entreprises doivent, monsieur le ministre, vous amener à revoir notre système d'information et d'aide à l'orientation, dès le collège.

Qu'en est-il, enfin, d'une plus grande autonomie des établissements et d'une réforme de la nomination des chefs d'établissement ? Pouvons-nous nous attendre à quelques initiatives en ces domaines ?

Le Président de la République a lancé un certain nombre de réformes. J'espère qu'une profonde refonte de l'éducation nationale sera entreprise en 2008, afin d'empêcher le mammouth d'accumuler de la mauvaise graisse. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l'actualité récente, à savoir la démonstration malheureusement éclatante que la crise des banlieues en difficulté persiste et même s'aggrave, je souhaite profiter de mon intervention sur le projet de budget pour 2008 de l'enseignement scolaire pour rappeler que le coeur de la mission de l'école de la République, c'est l'égalité des chances pour tous les élèves.

Plus les inégalités sociales se creusent, plus cette mission se complique ; encore faudrait-il utiliser les outils qui permettent d'assumer ensemble les défis de la ghettoïsation et de la paupérisation de certains quartiers. Or, les choix budgétaires et politiques accélèrent le processus de fracture sociale.

Je commencerai par la suppression de la carte scolaire. La majorité permet une dérogation à tous les élèves issus d'une zone d'éducation prioritaire, notamment à ceux qui sont titulaires de la mention « très bien » au brevet.

L'ambition de ces élèves est désormais claire : gagner leur ticket pour enfin changer d'établissement. L'« ambition réussite » de ces jeunes ne doit pas se résumer à partir de leur collège ou de leur cité.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Pourquoi pas ?

M. Yannick Bodin. Le Gouvernement invoque la liberté de choix des parents, le mérite, la volonté de l'enfant.

Cependant, faut-il rappeler l'évidence ? La liberté de choix produit bel et bien de l'inégalité. Que se passe-t-il ? Les enfants des familles informées, initiées, et quelques bons élèves boursiers vont rejoindre les établissements « de bonne réputation ». Quand les demandes seront trop nombreuses, ce sera la sélection, et, dans la plupart des cas, l'affectation, j'allais dire le retour, dans le lycée de la zone d'origine.

En fait, la coupure sociale se trouvera accentuée : d'un côté regroupement des meilleurs, de l'autre, ghettoïsation achevée des plus défavorisés.

Ce qu'il faut, monsieur le ministre, si vous voulez revenir sur la carte scolaire - cela peut être utile - c'est, au contraire, plus de mixité sociale. Il s'agit aussi d'accroître le nombre de personnels d'encadrement dans les collèges « ambition réussite ». Il n'y a pas d'autre méthode que l'accompagnement individualisé, personnalisé. Il faut donc un nombre plus important d'adultes auprès de ces élèves.

À côté de ce faux « libre choix », qui va concentrer tous les problèmes dans certains établissements sous pression, pour ne pas dire sous haute tension - sans parler du moral des professeurs affectés sur place - vous avez décidé, monsieur le ministre, de supprimer, purement et simplement, 11 200 emplois dans l'éducation nationale pour la seule année 2008.

Je dois pourtant rappeler que, dans aucun pays d'Europe, le nombre moyen d'élèves en classe de mathématique, à l'âge de quinze ans, n'est aussi élevé qu'en France. Il y est de vingt-sept élèves, alors que la moyenne des autres pays se situe entre vingt-quatre, au maximum, et dix-huit, au minimum.

Faut-il rapprocher ces chiffres de ceux qui viennent d'être révélés par la dernière enquête PISA - programme international pour le suivi des acquis des élèves - qui, même s'ils doivent être pris avec toutes les précautions de rigueur en cas d'enquêtes internationales, laissent cependant apparaître un nouveau recul du niveau de nos élèves ? Il y aurait ainsi une année de retard, notamment en sciences, entre les jeunes Finlandais et les jeunes Français.

Comment imaginer, face à de telles comparaisons, des suppressions supplémentaires de postes ? Ce choix politique est lourd de conséquences, et montre une fois de plus que la réduction des inégalités sociales ne pourra pas se faire à l'école.

De plus, la baisse de 16,4 % des crédits d'action sociale compris dans le programme 230 « Vie de l'élève » est à ce titre inadmissible. De même, dans les crédits d'intervention, en 2008, les crédits destinés aux associations ne retrouvent même pas leur niveau de 2006.

Je passe à un autre sujet. Il est nécessaire, s'agissant de la généralisation de l'accompagnement éducatif entre seize heures et dix-huit heures, que des mesures soient mises en oeuvre pour accompagner les élèves qui en ont le plus besoin.

Vous décidez, monsieur le ministre, de vous en remettre au volontariat. Nous constatons, pour le moment du moins, que ne sont volontaires - ou ne sont d'abord volontaires - que les élèves qui ont le moins besoin de soutien. Il faut un encadrement et un tutorat forts pour les élèves qui en ont le plus besoin.

S'il est bon que cette mesure soit généralisée dans les collèges, il convient toutefois qu'elle le soit d'abord pour tous les élèves en difficulté. Cela exige de votre part un renforcement de l'encadrement, une présence plus importante et plus nombreuse des adultes, avant tout pour éviter que ces heures ne soient perçues par un certain nombre d'élèves comme des heures de punition ou des heures de colle. Il faudra bien accompagner ces élèves et leur expliquer.

Ce n'est donc vraiment pas le moment de supprimer des postes au budget de l'éducation nationale.

On ne peut qu'approuver le principe d'un dispositif qui fait de l'école son propre recours, au grand dam - c'est tant mieux ! - des officines de cours privés.

M. Yannick Bodin. Je crois savoir que vous êtes d'accord.

Toutefois, une telle mesure, décidée sans concertation préalable avec la communauté éducative ou les institutions concernées, notamment les collectivités territoriales, et sans compensation financière pour ces dernières qui sont pourtant mises à contribution, est tout de même problématique.

Sa mise en oeuvre, faut-il le rappeler, nécessite, d'une part, l'organisation d'une vaste logistique permettant, surtout dans les départements comprenant des zones rurales, le transport des élèves à des horaires différés et, d'autre part, une nouvelle organisation de travail des personnels techniciens, ouvriers et de service. C'est, il faut bien le dire, un nouveau transfert de compétences sans transfert des moyens financiers correspondants.

Monsieur le ministre, concernant les réseaux « ambition réussite », nous proposons d'améliorer l'articulation entre le secondaire et les meilleures filières de l'enseignement supérieur, selon les résultats des élèves et non selon leur établissement ou leur milieu social d'origine.

Prenons l'exemple des classes préparatoires aux grandes écoles. Je connais bien cette « élite » pour avoir été le rapporteur de la mission d'information du Sénat sur la diversité sociale et l'égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles, présidée par M. Legendre. Nous vous avons d'ailleurs remis le fruit de nos travaux.

À cet égard, la mission est parvenue à une double conclusion. Tout d'abord, les classes préparatoires sont, bien entendu, en France, l'un des moteurs du système de reproduction des élites. Or, leur accès ne paraît pas démocratique, les statistiques indiquant même une nette régression ces vingt dernières années : la proportion d'élèves de l'enseignement secondaire issus de catégories sociales défavorisées intégrant les grandes écoles est ainsi passée de 29 % à 9 %.

Monsieur le ministre, vous connaissez nos propositions pour lutter contre la dégradation de la mixité sociale dans les meilleures filières. Je vous pose donc simplement cette question : comptez-vous les prendre en compte ?

Lors de l'examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », je ne manquerai pas, bien entendu, d'aborder avec votre collègue chargée du dossier les autres aspects des pôles d'excellence qui doivent être mis en place dans l'enseignement supérieur.

Mes chers collègues, nous ne pouvons cautionner une telle baisse de moyens - 1,2 % en euros constants ! - pour l'éducation nationale par rapport à 2007. Ce projet de budget peut se résumer ainsi : une baisse considérable des moyens, doublée d'un aveu de renoncement, le tout dans un contexte de libéralisation de l'école. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous serons contraints de voter contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur ministre, un sujet aussi important que l'enseignement scolaire devant être abordé avec philosophie, vous voudrez bien me permettre de placer mon intervention sous le « haut patronage » de Socrate,...

M. Ivan Renar. Il faut se méfier des Grecs...

M. Jean-Claude Carle. ..., en reprenant l'une de ses formules résumant bien les enjeux intemporels qui nous occupent : « Le savoir est la seule matière qui s'accroît quand on la partage. »

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Jolie formule !

M. Jean-Claude Carle. La France a fait sienne cet aphorisme, elle qui a rendu l'école gratuite, laïque et obligatoire afin d'assurer la plus large diffusion du savoir au sein de notre jeunesse, et, partant, de notre société tout entière.

L'effort de la collectivité en faveur de cette tâche essentielle ne s'est jamais démenti jusqu'à nos jours, puisque le ministère de l'éducation nationale, premier employeur de l'État avec plus d'un million d'agents, assume actuellement la responsabilité de plus de 12 millions d'élèves. Avec un budget qui dépasse les 59 milliards d'euros, l'effort de notre pays pour l'enseignement scolaire atteint 4,1 % de notre PIB, soit un taux supérieur à la moyenne constatée dans les pays de l'OCDE, laquelle s'établit à 3,8 %.

Grâce aux moyens qu'elle a investis dans l'éducation de sa jeunesse, la France permet à de plus en plus d'élèves - 81 % contre 60 % vingt ans auparavant - de finir leurs études secondaires.

M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien ! Enfin une remarque positive ! Commençons par saluer ce qui marche !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Il fallait en effet le rappeler !

M. Jean-Claude Carle. Mais cette réussite dans la « sphère des chiffres » ne doit pas éluder les graves difficultés rencontrées pas de trop nombreux élèves, contraints notamment de redoubler. Nous devons leur permettre de les surmonter, d'autant que les disparités entre les élèves tiennent trop souvent à la seule origine socioprofessionnelle et culturelle de leurs parents.

Toutes ces difficultés constituent autant de freins à l'objectif fixé à notre système éducatif, à savoir l'égalité des chances. Il s'agit non pas d'une simple ambition, mais d'un impératif. Cela correspond à notre tradition républicaine, qui a toujours placé l'éducation au coeur de l'action publique.

Chacun s'accorde sur le même constat : notre système éducatif traverse une grave crise. Cependant, il est temps d'en finir avec cette idée simpliste et longtemps défendue selon laquelle l'école pâtirait d'un manque de moyens, car ceux qui lui sont alloués sont suffisants.

J'insiste sur ce point : ce ne sont pas les moyens qui manquent, ce sont les résultats. Si les moyens étaient plus judicieusement utilisés, nous serions loin de la situation actuelle, dont quelques brefs exemples permettent de mesurer la gravité.

Ainsi, un jeune sur trois entre au collège avec des difficultés pour maîtriser les savoirs fondamentaux. Cette problématique méritant à elle seule une intervention, ma collègue Monique Papon la développera tout à l'heure en abordant la question de l'enseignement primaire. De plus, 160 000 élèves sortent du système scolaire chaque année sans diplôme et sans qualification. Par ailleurs, la première porte que poussera un jeune sur cinq à l'issue de son cursus sera non pas celle d'une entreprise ou d'une administration, mais malheureusement celle de l'ANPE.

Monsieur le ministre, une statistique m'interpelle tout particulièrement : un enfant d'ouvrier a quatre fois plus de risques de connaître l'échec scolaire et dix-sept fois moins de chances de préparer une grande école qu'un fils d'enseignant ou de cadre supérieur. (M. le ministre en convient.)

Que déduire de cette contradiction entre l'ampleur des moyens et la faiblesse des résultats ?

Nous avons des capacités financières exceptionnelles, mais elles sont mal réparties.

Nous avons des capacités humaines exceptionnelles, mais elles sont mal employées.

Nous avons de longues plages horaires d'enseignement, mais elles ne sont pas assez efficaces.

Nous devons donc repenser l'organisation de notre système éducatif, pour permettre à l'éducation nationale de remplir sa mission première, c'est-à-dire éduquer notre jeunesse, en respectant la définition qu'a rappelée le Président de la République dans sa Lettre aux éducateurs : « Éduquer, c'est chercher à concilier deux mouvements contraires : celui qui porte à aider chaque enfant à trouver sa propre voie et celui qui pousse à lui inculquer ce que soi-même on croit juste, beau et vrai ».

Monsieur le ministre, la mission « Enseignement scolaire » inscrite dans le projet de loi de finances pour 2008 a été conçue pour répondre à cette exigence.

Ce budget permettra la mise en chantier de trois grandes priorités : l'accompagnement éducatif après les cours pour les collégiens, l'augmentation du taux de scolarisation des handicapés et la poursuite de la mise en oeuvre de la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.

Ce budget participera à l'effort de maîtrise des dépenses publiques : 11 200 postes d'enseignants ne seront pas remplacés. J'entends d'ici les cris d'orfraie que suscite la simple évocation de ce non-remplacement, alors que ce nombre représente moins de 1 % des emplois publics du ministère et qu'il s'agit simplement de répondre à l'évolution démographique du nombre des d'élèves. En effet, entre 1990 et 2007, celui-ci a diminué de 3,3 %, alors que les effectifs d'enseignants ont augmenté de 4,5 %.

En outre, loin de compliquer la vie des enseignants, le projet de loi de finances pour 2008 prévoit des dispositions pour les soutenir. Comme vous l'aviez annoncé, monsieur le ministre, un certain nombre de mesures catégorielles et la possibilité de faire des heures supplémentaires favoriseront la progression du pouvoir d'achat des enseignants.

D'une manière générale, vous proposez aux enseignants une nouvelle façon d'exercer leur métier, en leur offrant la possibilité de solliciter plus d'heures supplémentaires, qui seront d'ailleurs défiscalisées et exonérées de charges sociales. Ainsi, ceux qui le désirent pourront accroître leur pouvoir d'achat.

En d'autres termes, c'est toute une dynamique vertueuse que vous leur proposez d'enclencher. La revalorisation de leur condition leur permettra de s'investir dans des missions nouvelles et d'offrir des services nouveaux aux élèves.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les élèves doivent avoir la même chance de réussir en fonction de leurs mérites et de leurs talents, et ce quelles que soient leurs origines. Pour relever le défi d'une école fondée sur l'égalité des chances, le projet de loi de finances pour 2008 prévoit un encadrement renforcé des élèves, lesquels pourront bénéficier d'aides et de conseils plus personnalisés.

Trois axes seront privilégiés : l'offre d'accompagnement éducatif, la scolarisation des enfants handicapés et le développement de l'apprentissage. Nous souscrivons totalement à ces mesures, qui participent d'un projet global de rétablissement de l'égalité des chances.

Parmi ces axes privilégiés, figure donc la scolarisation des enfants handicapés, pour laquelle des moyens supplémentaires sont prévus afin que ces enfants puissent fréquenter les mêmes écoles que les autres élèves. Nous ne pouvons que nous réjouir des efforts faits en cette direction, qui concerneront 10 000 enfants handicapés pour l'année 2007. Dans le même esprit, le projet de loi initie un programme de création d'unités pédagogiques d'intégration, ou UPI. L'objectif est de parvenir à 2 000 UPI d'ici à 2010.

Je veux également rendre hommage à l'enseignement agricole, qui joue un rôle essentiel en faveur de notre agriculture, de notre économie et de la diversité de nos territoires.

Mme Françoise Férat et M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vrai !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Claude Carle. Il contribue ainsi à donner à chacun la même chance. Je salue l'initiative de notre collègue député Yves Censi, que nous soutiendrons, qui a permis d'abonder les crédits en faveur des établissements de l'enseignement agricole, tout particulièrement des établissements privés.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Claude Carle. Cela étant, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le financement de l'enseignement agricole privé, qui est malheureusement utilisé chaque année comme une « variable d'ajustement ».

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer le déblocage de 4 millions d'euros pour l'exercice 2007 ? Par ailleurs, pouvez-vous nous assurer qu'il n'y aura pas de gels de crédits sur l'exercice 2008, comme cela a été le cas depuis de trop nombreuses années ? (Mme Françoise Férat acquiesce.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Très lourds gels !

M. Jean-Claude Carle. Et pouvez-vous nous donner des éléments d'information sur l'état d'avancement de la négociation engagée avec l'enseignement agricole privé ?

De même, je me réjouis que les crédits affectés aux maisons familiales rurales soient en cohérence avec les engagements pris par l'État. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que ces crédits seront, eux aussi, bien engagés ?

À ce stade de mon propos, je voudrais rendre un hommage tout particulier à Mme Férat pour l'excellence de son travail dans le cadre tant du rapport pour avis de la commission des affaires culturelles auquel elle a participé que du rapport d'information qu'elle a publié sur la place de l'enseignement agricole dans le système éducatif français.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, et M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. Jacques Legendre. Très bien !

M. Jean-Claude Carle. J'en viens maintenant à un autre volet essentiel de la mission « Enseignement scolaire » : les aides financières aux élèves.

Je vous remercie vivement, monsieur le ministre, d'avoir tenu compte des amendements sur ce sujet adoptés par le Sénat sur l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, Philippe Richert, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007.

Le projet de budget pour 2008 prévoit en effet la revalorisation de 2 % des taux de bourses de collège et lycée, de la part de bourse d'enseignement d'adaptation, de la part des exonérations de frais de pension et de la prime à l'internat. Les crédits inscrits pour 2008 permettront de couvrir l'effet en année pleine de la revalorisation des aides destinées aux collégiens, votée par le Parlement l'année dernière.

Une autre réussite est d'ores et déjà à mettre à l'actif de notre majorité, alors même que cette mesure avait été très contestée : il s'agit du transfert, sans heurt, des personnels TOS aux collectivités locales.

M. Jean-Claude Carle. Nous parlons trop souvent de ce qui ne marche pas, et je tenais à souligner ce qui a bien fonctionné ! (Mme Françoise Férat et M. Jacques Legendre manifestent leur approbation.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est en effet une belle réussite !

M. Jean-Claude Carle. Cela étant, d'autres réformes pourraient être menées avec la même réussite et aboutir au même consensus. Je pense notamment à l'une des nombreuses mesures proposées par la mission commune d'information du Sénat sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, que j'ai eu honneur de présider. La mission a notamment insisté sur la nécessité de donner au plan régional de développement des formations professionnelles, le PRDF, une valeur obligatoire, de sorte que ses signataires, notamment la région, l'État, mais aussi les partenaires socio-économiques, soient véritablement engagés par leur signature. Cela me paraîtrait une avancée considérable.

Monsieur le ministre, j'aborderai un dernier sujet.

Lors de la grève du 20 novembre dernier, vous avez rappelé que vous comptiez instaurer un service minimum dans l'éducation nationale. L'accueil des enfants, les jours de grève, est un sujet de préoccupation majeure pour les parents, ce qui conduit très souvent ces derniers à inscrire leurs enfants dans des établissements privés. Qu'envisagez-vous en ce sens ? Je me permets d'insister sur l'importance du problème, étant donné l'ampleur des difficultés qu'entraîne cette situation. Il devient évident que nous ne pouvons nous permettre de « figer » des modes de fonctionnement qui ont fait la preuve de leur échec.

Le Président de la République l'a souligné avec force dans sa Lettre aux éducateurs : « Ce que nous devons faire, c'est poser les principes de l'éducation du xxie siècle, qui ne peuvent pas se satisfaire des principes d'hier et pas davantage de ceux d'avant-hier. » J'ai le plaisir de constater, monsieur le ministre, que le projet de budget que vous nous proposez répond à cette exigence.

En conclusion, le groupe UMP votera le projet de budget pour 2008, avec les amendements proposés par la commission des finances, parce qu'il est innovant et ambitieux pour l'éducation nationale au sens large, en incluant donc la « petite souris verte » qu'est l'enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le devenir de l'école constitue un enjeu de société qui concerne l'avenir de la jeunesse de notre pays.

Le projet de budget pour 2008 affiche comme ambition de « rénover l'école » et d'assurer la réussite de tous les élèves.

Pour y parvenir, votre préoccupation devrait être de mettre l'école en état de s'attaquer aux racines de l'échec scolaire. Ce n'est pas ce qui s'engage.

Une telle ambition nécessiterait, en effet, une véritable expertise des sources de l'échec, en concertation avec tous les acteurs de l'école - enseignants, parents, jeunes, chercheurs - et, plus largement, avec tous ceux qui aspirent à une école de l'égalité, de la justice et de la réussite pour tous.

Ce budget nous est présenté sous les auspices de « l'amélioration qualitative » et du « pragmatisme ». Un examen attentif montre qu'il est marqué en réalité par l'obsession récurrente de la réduction des dépenses et de l'emploi publics, et par de nouveaux transferts de responsabilités de l'État vers les collectivités territoriales et le privé.

Ce budget de transition prépare une nouvelle étape du démantèlement du système éducatif français, qui remet en cause l'objectif fondamental d'un service public laïc de l'éducation, dont l'ambition est l'égalité d'accès pour tous, sur l'ensemble du territoire, à un haut niveau de culture générale, un service public relevant le défi de l'émancipation de chacun et de chacune.

À la lecture de vos propositions, il est clair que nous ne partageons pas tous cet objectif.

Pour vous, il s'agit d'imposer « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », selon la formule consacrée par le texte dit de « la stratégie de Lisbonne ». Tout un programme, celui du MEDEF !

Comment ne pas faire le rapprochement entre cet objectif et les objectifs développés dans le rapport de Jean-Pierre Jouyet et Maurice Lévy, intitulé L'économie de l'immatériel, la croissance de demain, qui présente la création, les patrimoines artistique et culturel comme un moyen d'engendrer « des profits supplémentaires » ? À cette vision utilitaire de l'éducation et d'employabilité immédiate pour l'économie, nous opposons celle d'une école destinée à transmettre, à fabriquer des savoirs et de la recherche, afin de s'approprier les nouvelles possibilités de l'immatériel.

Ce budget, vous l'aurez compris, ne recueille pas, loin de là, l'assentiment de mon groupe.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Dommage !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J'observe d'ailleurs que, le 20 novembre dernier, un enseignant sur deux s'est mobilisé contre ce projet de budget.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce n'est pas vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous nous parlez de « qualitatif ». Je vois surtout, pour ma part, du quantitatif. Et encore, en baisse !

Selon vous, les 11 200 suppressions de postes ne seraient qu'une goutte d'eau au regard des 1 2000 000 enseignants ; on pourrait faire mieux en donnant moins, et le problème se limiterait à une « rationalisation de l'offre pédagogique ».

Je rappelle que, depuis 2003, 35 000 postes ont été supprimés dans l'éducation nationale, et tous les éducateurs soulignent le manque d'encadrement par des adultes.

Avec ce projet de budget pour 2008, les collèges et les lycées paient un lourd tribut, puisqu'ils connaissent une diminution de 6 700 emplois. Quant à l'annonce d'une augmentation de 700 postes dans le premier degré, elle ne correspond en fait, si l'on y regarde de plus près, qu'à un solde de 310 emplois, compte tenu de la baisse de 670 postes proposés au concours.

En réalité, nous nous trouvons dans une situation de sous-recrutement, qui a posé des difficultés à la rentrée de 2007, à tel point que le recours aux listes complémentaires a été quatre fois plus important qu'en 2006. L'académie d'Amiens a même dû convoquer à nouveau le jury, la liste complémentaire étant épuisée.

Les personnels administratifs ne sont pas mieux lotis puisqu'ils connaissent une baisse de 1 000 emplois, chiffre qui s'additionne aux 2 000 emplois déjà supprimés au cours des cinq dernières années.

À toutes ces mesures, il faut ajouter les effets négatifs liés à la notion de plafond d'emplois qui, articulée au principe de la fongibilité asymétrique, conduit à ne pas recourir forcément à l'intégralité des effectifs budgétés et joue, au final, le rôle négatif de compresseur d'effectifs.

La même logique du « moins » est en jeu pour tous les crédits pédagogiques. On peut même parler de chute libre en préélémentaire. Après le recul net de la scolarisation dès l'âge de deux ans, c'est maintenant l'école maternelle qui est sur la sellette : l'absence d'indicateur de performance sur le sujet en dit long sur vos priorités.

Il serait grave de considérer la maternelle comme une variable d'ajustement budgétaire. Ces premières années sont en effet importantes pour la socialisation et pour l'acquisition du langage et des codes, gages d'insertion et de réussite en primaire.

La même logique s'applique également aux dépenses de formation, qui diminuent dans le premier et le second degré.

Quelle contradiction avec la nécessité de construire une école qui s'attaque aux sources de l'échec !

Cette école-là a besoin de personnels disposant d'acquis disciplinaires et de compétences professionnelles remises à jour pour tenir compte des acquis de la recherche pédagogique.

Aux enseignants qui demandent à travailler mieux et autrement, vous répondez par la généralisation des heures supplémentaires ! Or l'engagement, particulièrement remarquable, du corps enseignant ne s'arrête pas à la salle de classe. Il se traduit aussi par le déploiement bénévole de conseils et d'actions auprès des élèves. C'est ce qui caractérise la culture du service public de l'éducation, culture que le dispositif des heures supplémentaires, institutionnalisées comme un mode de gestion, risque de briser.

En ne répondant pas au défi fondamental d'acquisition et d'élévation des connaissances et des qualifications pour tous, ce budget ne permet ni de préparer l'avenir ni de s'attaquer aux inégalités.

Les nouvelles mesures que vous présentez - quinze jours de stage de remise à niveau et deux heures de soutien après la classe - se situent dans la même logique que les dispositifs précédents. Il s'agit d'externaliser les causes et le traitement de l'échec pour colmater les brèches plutôt que de s'attaquer vraiment au problème.

La gravité de la situation, le gâchis engendré et les menaces qui pèsent sur l'avenir ne doivent pas nous échapper. Chaque année, près de 150 000 jeunes quittent le système éducatif sans aucune formation.

L'explosion des savoirs et la révolution de l'information ouvrent des perspectives radicalement nouvelles pour le développement des aptitudes humaines et la progression de l'humanité. Les métiers s'intellectualisent et requièrent toujours plus de qualifications.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La séparation des tâches d'exécution et de conception tend à se dissoudre.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tous ces bouleversements appellent un système de formation tout au long de la vie, qui ne peut être viable sans une formation initiale générale et professionnelle de haut niveau.

C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'une école de l'égalité, de la justice et de la réussite pour tous doit répondre à un triple enjeu.

Il s'agit, tout d'abord, d'un enjeu de justice sociale, qui suppose une action résolue contre les inégalités et la rupture avec le rôle ségrégatif de l'accès aux savoirs. Comment peut-on penser que la suppression de la carte scolaire permettra de remédier à ce problème ? C'est le contraire !

Je réitère donc la demande de mon groupe, formulée en 2005 dans une proposition de loi sur l'école, tendant à la création d'un observatoire des scolarités. Celui-ci permettrait d'analyser en profondeur les sources de l'échec scolaire, afin de construire les réponses que doit apporter le système éducatif. Cet observatoire prendrait tout son sens dans les zones d'éducation prioritaires, rebaptisées zones « ambition réussite », où se concentrent les difficultés sociales et l'échec scolaire.

Il s'agit, ensuite, d'un enjeu de culture, fondé sur un haut niveau de formation et de culture scolaire commune.

Face à cet enjeu, vous venez de décider, monsieur le ministre, d'apporter des modifications à trois heures d'enseignement par semaine en primaire - la suppression des deux heures du samedi et l'ajout d'une heure de sport -, et ce en l'absence de réflexion et de discussion préalables sur les contenus et leurs articulations. Derrière ces mesures se cache une vraie rupture et une réelle ambition, celle de diminuer les savoirs enseignés.

Le dernier enjeu concerne les moyens que la nation consacre à l'école.

Le choix de changer l'orientation et le volume des dépenses publiques, et d'organiser des transferts vers les collectivités territoriales et le privé, accentuera les inégalités en renforçant les disparités entre territoires. Je pense aux moyens financiers, aux équipements des collectivités et à l'inégalité de traitement entre le public et le privé, engendrée par l'application de l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Cet article doit être abrogé.

Une véritable réforme devrait inviter à réfléchir au rôle nouveau de l'éducation nationale et à sa transformation en outil d'égalité, de gratuité et de cohérence d'organisation, en coopération avec les collectivités territoriales, et ce sur l'ensemble du territoire. Nous proposons ainsi, comme objectif d'une législature, de faire passer de 4 % à 7 % du produit intérieur brut la part que l'État consacre à l'école.

Je conclurai mon intervention en formant le voeu que s'engage le vaste débat public de réflexion, de conceptualisation et de définition de l'école dont nous avons besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. « Aider ceux qui en ont le plus besoin sans pour autant renoncer à la réussite de tous les élèves » : tel est, selon vos propres mots, l'objectif que vous vous êtes fixé, monsieur le ministre. Nous ne pouvons que vous suivre dans cette voie.

Je ne rappellerai pas, par manque de temps, les trois priorités de votre ministère, mais je tiens à exprimer mon adhésion s'agissant de ces objectifs.

Mon intervention portera sur quatre points : l'enseignement technique agricole, la scolarisation des élèves handicapés, l'organisation de la semaine, l'apprentissage.

S'agissant de l'enseignement technique agricole, je ne peux que souscrire aux propos tenus par Mme Françoise Férat.

Sur le terrain, alors que la dotation globale horaire, la DGH, est en diminution de 3 % par an, les établissements manquent d'une vision claire. Leur souhait serait de définir des objectifs globaux et négociés s'inscrivant dans un cadre pluriannuel, afin de soutenir des projets de développement et d'expérimentation, et de préparer l'avenir en mettant en place des formations réactives, complémentaires des formations traditionnelles.

Cela implique de sortir de la seule gestion des moyens. La déconcentration et la décentralisation pourraient permettre, me semble-t-il, une gestion de proximité.

Dans mon département, la Corrèze, l'enseignement agricole est un véritable atout et consent de réels efforts pour maintenir, dans un contexte budgétaire contraint, un niveau performant, afin de préserver tant ses priorités de formation que son identité au service du développement durable et du développement des territoires ruraux.

Confronté à une évolution importante et aux mutations professionnelles de l'agriculture - rénovation des référentiels, allongement d'un an de la préparation du baccalauréat professionnel, fermeture de classes à faible effectif, etc -, l'enseignement agricole sait être réactif. Les établissements ont su élaborer des projets authentiques, en phase avec leur territoire et en symbiose avec les attentes de la profession agricole.

Je peux d'autant mieux en parler que je suis avec attention l'évolution de ces établissements, notamment de celui qui est proche du chef-lieu de mon département, le lycée d'enseignement général et technologique agricole, ou LEGTA, de Tulle-Naves, qui a su prendre en compte, dans son projet, la multifonctionnalité de l'agriculture, le développement des territoires ruraux en termes d'accueil et d'animation, et le développement des services aux personnes, tout en s'investissant dans le pôle d'excellence rurale ainsi que dans le suivi et l'accueil d'élèves en difficulté ou handicapés. Cet établissement fonctionne parfaitement, dans une parfaite harmonie.

Mais les perspectives de la rentrée scolaire de 2008 - je le dis sans vouloir forcer le trait - risquent de mettre le feu aux poudres. Est ainsi prévue, au sein du LEGTA de Tulle-Naves, la suppression sans concertation de la classe de troisième, malgré la présence de 43 élèves due au bon partenariat établi avec l'éducation nationale. Une autre classe de troisième doit également être supprimée au sein du LEGTA de Neuvic. Par conséquent, plusieurs projets actés en conseil d'administration, dans ces établissements, ne seront pas concrétisés.

Le retour de 1 % de la DGH sert essentiellement à combler le désengagement accru de l'université de Limoges, qui est relativement pauvre sur le plan tant administratif que pédagogique, à l'égard des licences professionnelles et des instituts universitaires professionnalisés, les IUP, alors que l'existence de ces sections rend l'enseignement agricole supérieur du Limousin très attractif.

Devant un tel état des lieux, vous comprendrez, monsieur le ministre, notre souhait de voir les choses évoluer différemment.

Le deuxième point de mon intervention portera sur la scolarisation des élèves handicapés.

En la matière, chacun ne peut que reconnaître un réel progrès. L'effort consenti est important : 200 unités pédagogiques d'intégration, ou UPI, ont été créées, 2 000 sont prévues d'ici à 2010 et on compte 2 700 auxiliaires de vie scolaire.

Il est essentiel aujourd'hui d'accorder une attention soutenue sur la continuité des parcours de formation des élèves handicapés, ce qui passe par le développement des UPI, particulièrement dans les lycées.

Dans cette perspective, on peut regretter que l'enseignement agricole et ses structures ne soient pas plus sollicités, en complément des établissements de l'éducation nationale. Un réel partenariat s'appuyant sur les compétences des uns et des autres en la matière serait, monsieur le ministre, un moyen de créer une dynamique supplémentaire pour élargir la palette des formations.

Favoriser la continuité des parcours, c'est favoriser l'égalité des chances. C'est d'ailleurs ce principe qui a suscité dans mon département une adhésion de tous les partenaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'un dispositif innovant, original et pour l'instant unique dans l'hexagone, d'accompagnement des jeunes handicapés de seize à vingt ans pour la préparation à l'insertion sociale et au travail.

Néanmoins, il serait vain d'imaginer, et vous l'avez bien compris, monsieur le ministre, que la politique d'intégration en milieu scolaire ordinaire puisse faire l'économie des moyens d'accompagnement spécifiques à l'éducation nationale, dont le rôle est complémentaire de celui des services spécialisés.

C'est là tout l'enjeu des postes d'assistants d'éducation et d'employés de vie scolaire. Leur rôle est primordial et l'impasse ne peut plus être faite sur l'identification d'un métier de l'accompagnement à la scolarité s'appuyant sur du personnel formé au handicap.

Il importe également que les enseignants référents chargé de l'élaboration et du suivi des projets personnalisés de scolarisation soient en nombre suffisant.

J'évoquerai rapidement le troisième point, à savoir l'impact pour les collectivités territoriales des décisions ou annonces en matière d'organisation pédagogique de la semaine de classe.

L'accompagnement éducatif, le soutien scolaire, l'assouplissement de la carte scolaire sont, certes, des mesures attendues, mais elles ont un impact direct sur l'organisation des collectivités territoriales, notamment en matière d'accueil extrascolaire et de transports scolaires.

Les collectivités territoriales souhaitent donc davantage de visibilité concernant les projets de réorganisation de la semaine scolaire. Comment articuler le temps hors de l'école avec le temps à l'école si ces temps ne sont plus repérés avec précision et si les modifications se multiplient ? Un problème se pose notamment, je le répète, en matière de transports scolaires.

Mon quatrième point a trait à l'orientation des jeunes, en particulier vers l'apprentissage.

Les classes préparatoires à l'apprentissage, qui devaient être remplacées par le dispositif « apprentissage junior », sont prorogées jusqu'en juin 2008, mais dans mon département s'élabore un projet d'établissement, porté par un centre de formation des apprentis, sur lequel je reviendrai après avoir, je l'espère, retenu votre attention sur quelques aspects du bilan de la classe préparatoire de ce même établissement.

Pour l'essentiel, ce bilan est le suivant : poursuite d'étude en lycée professionnel dans environ 10 % des cas ; poursuite par l'apprentissage dans environ 90 % des cas, avec quelques retours, peu nombreux sur une année, en collège ; taux de rupture des contrats d'apprentissage après la classe préparatoire inférieur à 5 % alors que la moyenne se situe communément entre 10 % et 15 %.

Sur le plan qualitatif, on constate que les jeunes de cette classe préparatoire à l'apprentissage, souvent considérés en grande difficulté au collège ou comme particulièrement turbulents, se révèlent être des pré-apprentis et des apprentis « modèles ». En tout cas, rares sont les problèmes de comportement.

Ce sont sur ces bases que responsables de l'établissement et de la chambre de métiers ont élaboré un projet sous le double signe de l'innovation et de la flexibilité des parcours de formation professionnelle. L'objectif est ambitieux puisqu'il s'agit de faire de l'établissement « un établissement de référence sur le plan académique » en le transformant en plateforme de projets et de formations professionnels. Peut-être suis-je en train de trop m'attarder sur ce projet auquel je souhaite une bonne évolution, monsieur le ministre, mais il concerne votre ministère et sans doute aurons-nous d'ailleurs l'occasion d'en reparler.

Monsieur le ministre, je me suis permis de vous renvoyer ces quelques échos du terrain, mais je vous sais vous-même à l'écoute du terrain et décidé à faire en sorte que les choses évoluent au mieux dans ce ministère qui concerne la jeunesse et l'avenir de notre pays. C'est pourquoi je vous fais entièrement confiance, et cette confiance se traduit pour l'heure par l'approbation sans hésitation de votre budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je partirai d'un constat : votre budget ne prend en compte ni la justice sociale ni l'efficacité.

Il ne garantit pas l'égalité de réussite scolaire, la cohésion sociale ou encore la transmission d'un socle commun de connaissances et de l'idéal républicain. Loin d'avoir l'ambition d'élever le niveau de qualification de tous et de permettre à chacun de maîtriser son destin, il empêche les élèves de se projeter sereinement vers l'avenir.

Si l'enseignement scolaire demeure le premier budget de la nation, avec 59 milliards d'euros pour 2008, les crédits destinés à cette mission enregistrent néanmoins une baisse de 1,2 % en euros constants.

Tout particulièrement, il est alarmant de constater la baisse générale des crédits du programme « Vie de l'élève », qui regroupe aussi les crédits de santé scolaire et les crédits destinés à l'accueil des élèves handicapés.

Après ce constat, je commencerai par la question des suppressions de postes.

Depuis 2003, budget après budget, ce sont près de 40 000 emplois qui ont été supprimés dans l'éducation nationale. Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit 11 200 suppressions nettes de postes dans l'enseignement scolaire public et privé, de la maternelle à la terminale, dont l 000 postes administratifs.

Ces suppressions massives représentent la moitié des suppressions pour l'ensemble de la fonction publique. Elles s'ajoutent à la disparition progressive du corps des maîtres d'internat et surveillants d'externat, à la non-reconduction des postes d'aides éducateurs, à la baisse du nombre des personnels de service et à la pénurie d'assistantes sociales, d'infirmières ou de médecins scolaires. Cela fait beaucoup pour continuer à parler de façon cohérente d'équipes pédagogiques et de communauté éducative !

Comme je l'ai fait en commission, j'aborderai ensuite la situation désastreuse de la médecine scolaire.

Nous savons que les apprentissages fondamentaux nécessitent dès le plus jeune âge la mobilisation de tous les acteurs de la communauté éducative, notamment ceux de la médecine scolaire, médecins, infirmiers et psychologues.

C'est pourquoi je souhaite attirer à nouveau votre attention sur le taux d'encadrement médical, aujourd'hui insuffisant pour les élèves, et notamment pour ceux du premier degré. En effet, il est globalement prévu 1 201 médecins pour plus de 12 millions d'élèves, soit plus de 10 000 élèves par médecin en moyenne nationale brute !

Mme Nathalie Goulet. C'est le cas dans l'Orne !

M. Jean-Marc Todeschini. De plus, comme en 2007, aucune création de poste d'assistante sociale ou de médecin scolaire n'est envisagée pour 2008. Ainsi, de nombreux établissements scolaires n'ont plus de médecin en titre et seules les urgences sont assurées à la demande.

Or il est impératif que soient mis en place pour les enfants atteints de maladies chroniques, comme le diabète, l'asthme ou les allergies alimentaires, des protocoles spécifiques en présence du médecin scolaire et des parents afin d'éviter les drames qu'ont connus certains restaurants scolaires.

Il est également indispensable que les médecins scolaires détectent au plus tôt les difficultés d'apprentissage, comme les dyslexies ou les troubles organiques pour prévenir l'échec scolaire.

Il est par ailleurs essentiel que le bilan à l'âge de six ans soit réalisé partout sur le territoire national, d'une façon sérieuse et efficace, afin que la détection précoce des difficultés puisse déboucher sur une véritable évaluation des capacités langagières nécessaires aux apprentissages.

Que dire enfin des enfants en danger au sein de la cellule familiale et de tous ceux ayant des conduites à risque, qui ne peuvent plus bénéficier d'une écoute attentive ni d'une prise en compte de leurs souffrances psychiques ?

Je vous rappelle à cet égard qu'il n'y a toujours pas d'assistantes sociales dans le premier degré et que le médecin scolaire est souvent sollicité pour des enfants dont la situation familiale est difficile. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour que la médecine scolaire soit réévaluée à sa juste valeur ? La renverrez-vous vers la médecine de ville ? Si tel est le cas, pour bon nombre d'enfants, le relais ne sera pas pris ! Renforcerez-vous au contraire comme il convient son efficacité au sein de la communauté éducative ?

J'en viens à l'enseignement privé et à la carte scolaire.

Monsieur le ministre, il est malheureusement aisé de constater que ce budget risque d'aggraver les conditions d'enseignement pour les catégories sociales les moins favorisées. Cela se confirme encore du fait d'une proportion de suppressions de postes plus importante dans l'éducation nationale que dans l'enseignement privé financé par l'argent public.

Vos priorités sont claires, et la rupture n'est pas faite avec vos prédécesseurs, qui ont obligé les communes à financer la scolarisation d'un enfant dans une école privée d'une autre commune.

De même, la suppression de la carte scolaire risque de favoriser une élite, au détriment d'une formation de qualité pour tous. Nous savons tous que l'absence de mixité sociale va à l'encontre de l'égalité des chances, et cette suppression ne fera que renforcer la ségrégation dont nous mesurons déjà les effets négatifs.

Monsieur le ministre, permettez-moi maintenant de revenir sur la suppression de l'école le samedi matin.

Vous présentez habilement cette mesure comme une forme de redistribution des heures d'enseignement en indiquant que les heures libérées bénéficieront aux 15 % d'élèves en difficulté. Cela ne trompe personne. D'ailleurs, vous reconnaissez vous-même que ce taux est abstrait et qu'il ne se répartit pas de manière égale dans toutes les classes et les établissements.

Au lieu, comme a l'habitude de le faire le Gouvernement, de stigmatiser les uns et les autres - enseignants qui ne seraient pas présents dans leurs classes, élèves en difficulté, parents des « orphelins de seize heures »... -, de modifier les rythmes scolaires, notamment en supprimant l'école le samedi matin sans concertation, de mener une campagne médiatique caricaturant les résultats de notre école républicaine, ne vaudrait-il pas mieux permettre aux élèves en difficulté d'évoluer dans des classes à faible effectif et dans des établissements où la présence d'adultes compétents serait renforcée ?

Enfin, monsieur le ministre, vous avez annoncé que les établissements scolaires resteraient ouverts le samedi matin.

Pouvez-vous nous dire dans quelles conditions financières. Qui assumera la charge de cette ouverture ? S'agira-t-il des communes, des départements ?.... Je puis vous dire que nombre d'élus locaux s'interrogent et attendent votre réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.

Mme Monique Papon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, des études récentes ont présenté l'école primaire comme le nouveau maillon faible du système éducatif et confirment qu'il est urgent d'agir quand pas moins de quatre écoliers sur dix sortent de CM2 avec de graves lacunes : acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul ou absence complète de maîtrise des compétences de base dans ces domaines...

Monsieur le ministre, plus de 6 millions et demi d'enfants sont scolarisés dans nos écoles primaires. Ce chiffre traduit l'ampleur de la tâche confiée à votre ministère pour instruire ces jeunes à une époque fondamentale de leur vie.

L'école primaire porte une immense responsabilité, car elle est souvent tenue - à tort ou à raison - pour responsable de l'échec scolaire des adolescents. Les conséquences de la crise qu'elle traverse révèlent à quel point elle constitue une phase décisive dans la scolarité des élèves.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de fustiger les dérèglements du système ou d'en stigmatiser les acteurs, mais de mesurer l'efficacité des méthodes utilisées à l'aune des objectifs fixés.

Pour en finir avec la logique d'échec dans laquelle pourrait s'enfoncer notre système éducatif, encore faut-il désigner les dysfonctionnements qui l'atteignent et en identifier les causes. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d'avoir pris l'initiative, sans dogmatisme ni virulence, de cette réflexion sur les problèmes rencontrés par l'enseignement primaire.

Afin de redresser la situation, vous avez annoncé un objectif ambitieux : les 15 % d'élèves en grande difficulté à l'entrée en sixième ne devront plus être que 5 % d'ici à la fin de la législature. Nous ne pouvons que partager votre ambition.

Pour atteindre cet objectif, vous avez présenté plusieurs propositions d'un grand intérêt.

Vous préconisez tout d'abord un recentrage des programmes. Il n'est pas question de procéder à leur énième refonte, mais de respecter les objectifs fixés par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école d'avril 2005.

Ce recentrage sur les priorités de l'éducation me semble tout à fait nécessaire. La maîtrise de la langue française est la plus essentielle de ces priorités, elle est la raison d'être de l'école primaire, qui a pour mission première le travail sur la langue orale et écrite. Nous ne pouvons plus cultiver l'échec dans ce domaine. Ne faudrait-il pas laisser à l'enseignant une grande liberté pédagogique ?

L'année 2007-2008 est celle de la définition du socle commun des connaissances et des compétences, lequel devra devenir réalité à la rentrée de 2008.

Permettez-moi à ce stade de mon propos de m'interroger sur la formation des instituteurs. N'est-elle pas parfois trop théorique ? Le « savoir faire la classe » n'est-il pas un apprentissage nécessaire, au même titre que les autres apprentissages ? Ne faut-il pas encourager les bonnes pratiques ? Et même, osons le dire, valoriser les maîtres efficaces ?

J'espère que la réforme des IUFM permettra de déceler, au-delà des recrutements tenant compte des résultats universitaires, inévitables, de véritables vocations d'enseignants.

Vous souhaitez aussi intervenir plus spécifiquement en faveur des enfants en difficulté scolaire. Cet accompagnement privilégié doit permettre de mettre en oeuvre une pédagogie adaptée à chaque élève. Cette idée mérite évidemment d'être étudiée de très près, d'autant qu'elle complète la proposition qui a été faite de simplifier la description des programmes en excluant tout jargon hermétique afin d'aider les parents dans leur rôle éducatif, notamment pour les devoirs à la maison. Il n'est pas normal que seuls les enfants issus de milieux aisés puissent accéder au soutien scolaire et en bénéficier.

Mme Monique Papon. Cette mesure est d'autant plus intéressante qu'elle propose un véritable partenariat avec les enseignants, qui pourront élaborer leur propre méthode pour parvenir aux objectifs fixés. Il s'agit d'un véritable « contrat éducatif évolutif ». Je suis persuadée que les professeurs des écoles comprendront l'intérêt que représente pour eux ce plan pédagogique.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé le 22 novembre dernier un plan d'équipement des écoles pour favoriser la maîtrise des technologies de l'information et de la communication. Pouvez-vous nous dire quelles seront les modalités de sa mise en oeuvre ?

La France connaît une situation exceptionnelle. Elle est l'un des rares pays de l'OCDE dont les effectifs d'élèves en école primaire augmenteront d'ici à 2015. C'est une chance inouïe pour l'avenir de notre pays. La réforme de l'école est donc plus que jamais un enjeu essentiel pour notre avenir. Nous devons la réussir.

Étant donné l'importance de l'enjeu, il est évidemment nécessaire que le Parlement soit pleinement associé à la réflexion sur cette réforme. Je sais, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur votre volonté de donner au législateur le rôle éminent qui lui revient sur un sujet aussi fondamental ; je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'éducation nationale, ce pilier de la République déterminant dans l'égalité des citoyens, est de plus en plus minée par le fléau de l'échec scolaire.

De nombreuses études ont démontré l'efficacité de l'éducation artistique et culturelle dans la réussite de tous les élèves. Ces études ont mis en lumière que l'art apprend à apprendre et donne à comprendre, car il permet de mieux relier l'ensemble des différents savoirs enseignés. Quant à la pratique instrumentale régulière, elle augmente les performances en mathématiques et en langues. Le théâtre aide à aller à la rencontre de soi-même et des autres, il favorise la maîtrise de la langue, qui permet de partager des mots plutôt que des coups.

Le contact direct avec des artistes de toutes disciplines montre aussi aux enfants et aux jeunes gens qu'il n'y pas de talent sans une quantité gigantesque de travail, avec le saut de pensée que vous pouvez imaginer.

Certes, les crédits qui sont consacrés à l'éducation artistique sont en augmentation. Et c'est un effort à saluer. Comment ne pas souscrire à ces propos du Président de la République : « Nous pensons que la création d'un enseignement obligatoire d'histoire de l'art peut constituer le support de cette éducation culturelle qui fait aujourd'hui si cruellement défaut à nos enfants. » Espérons que cette déclaration ne restera pas lettre morte ! En tout cas, je la prends au mot et souhaite que le plan d'action pour l'éducation artistique et culturelle que vous allez bientôt dévoiler, conjointement avec Mme la ministre de la culture, en prenne bien acte.

Il est temps en effet que les enseignements artistiques ne soient plus en souffrance, voire en déshérence. Il est urgent et indispensable de modifier en profondeur et durablement une réalité qui a trop duré : la minimisation et la marginalisation de l'éducation artistique.

L'art à l'école ne doit plus être à part, optionnel, ou reposer sur le volontarisme de quelques professeurs. Cela suppose que l'éducation artistique et culturelle relève dorénavant d'une véritable politique nationale, condition sine qua non pour que personne n'en soit écarté.

C'est essentiel, car nous savons bien que l'école est un élément déterminant dans le combat en faveur de la démocratisation culturelle. Ce n'est pas l'art qui est en crise ni sa démocratisation, mais plutôt la place qu'on lui accorde dans la société et dans le système scolaire en particulier.

L'école, de la maternelle à l'université, est une pièce maîtresse pour le partage des savoirs mais aussi de la culture, qui développe l'imaginaire, l'intelligence sensible et la créativité dont chacun est porteur. Nous savons bien qu'à diplôme égal c'est la culture générale et la capacité à symboliser le monde qui fait la différence dans l'obtention d'un emploi. La culture transmet aux descendants tout ce que l'hérédité ne fait pas. C'est aussi la raison pour laquelle elle doit faire partie de l'instruction publique et contribuer ainsi à l'égalité des droits.

Face aux défis d'un monde uniformisé par la culture marchande de loisirs, dont la jeunesse est la première cible, de nouvelles exigences s'imposent en termes d'éducation à l'image, d'histoire des arts, mais aussi d'appropriation de l'art contemporain, afin d'en faire une force de réflexion pour tous. C'est essentiel pour mieux comprendre notre époque et notre environnement.

Dans cet esprit, face aux flux d'informations et d'images, l'éducation nationale a l'impérieuse nécessité de former les jeunes à les trier, à les appréhender de façon critique, à mettre en lumière qu'une image n'est jamais une preuve mais une représentation et à en démonter les manipulations possibles.

De plus, si les technologies sont aujourd'hui un passage obligé dans l'accès aux connaissances, la dimension humaine, humaniste et humanisante de leur appropriation doit primer sur la technique en mettant l'accent sur la maîtrise, l'expertise et la créativité.

Il est évident que la formation initiale et continue des enseignants, préalable incontournable, nécessite des moyens budgétaires appropriés.

Dans un autre ordre d'idées, alors que les jeunes se détournent des filières scientifiques et que l'on peut même parler de désaffection massive, n'est-il pas indispensable de renforcer de façon plus conséquente encore les crédits en faveur de la culture scientifique ?

Dans ce monde lézardé par les sectarismes, la lutte contre l'illettrisme scientifique est fondamentale. Comme le disait si bien Condorcet, « il n'y a pas de liberté pour l'ignorant ».

M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien Condorcet !

M. Ivan Renar. C'est plus que jamais un enjeu crucial pour peser sur les choix environnementaux, éthiques et sociaux, qui résultent des avancées scientifiques elles-mêmes, d'autant que les sciences et les techniques sont de plus en plus présentes dans notre quotidien et qu'elles se trouvent au coeur des grandes problématiques auxquelles sont confrontés l'ensemble de nos concitoyens. Il n'est, pour s'en persuader, que d'examiner le rôle qu'elles jouent dans la plupart des grands débats de société, qu'il s'agisse du réchauffement climatique, de l'avenir de l'énergie nucléaire, des organismes génétiquement modifiés, des biotechnologies, des nombreux bouleversements juridiques, économiques ou sociaux induits par le développement de l'internet et des technologies de l'information, etc.

On mesure toute l'importance de démocratiser l'accès à la culture scientifique, car c'est aussi un enjeu de la démocratie tout court. Il n'y a pas de démocratie sans généralisation et partage des savoirs, sans citoyens éclairés, sauf à dire que notre pays renonce au progrès, à la raison même et à l'avenir.

La France n'adhère-t-elle pas à l'objectif stratégique fixé à Lisbonne en mars 2000, visant à faire de l'Union européenne, « l'économie de la connaissance la plus dynamique du monde d'ici à 2010 » ?

N'y a t'il pas un paradoxe, monsieur le ministre, dans le décalage entre cet objectif et les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement, lesquels sont loin d'être à la hauteur d'une telle ambition ?

C'est pourquoi le groupe CRC ne peut approuver un budget qui ne relève pas aux niveaux nécessaires les défis de la société de la connaissance et du partage du savoir du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Mélenchon applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai trois points. J'évoquerai tout d'abord l'enseignement agricole, puis l'enseignement des langues étrangères et enfin l'enseignement des religions à l'école.

En ce qui concerne l'enseignement agricole, je voudrais vous citer le cas du lycée agricole de Sées. Cet établissement dispose d'un budget de fonctionnement de 6,6 millions d'euros, pour un budget d'investissement de 2,3 millions d'euros. Il reçoit 420 élèves et 275 personnes en formation continue.

C'est un établissement remarquable, comme est remarquable également le casse-tête que constitue pour son proviseur la gestion de personnels relevant de près de 200 contrats de travail répartis comme suit : des contrats de droit privé CAE, contrats aidés ; des contrats de droit privé classique pour l'exploitation et le centre équestre ; des contrats sur budget de droit public pour le centre de formation professionnelle et de promotion agricole, alignés sur la grille de la fonction publique ; des contrats de droit public sur budget pour le lycée ; des contrats d'agents contractuels d'enseignement régionaux gérés par la direction régionale de l'agriculture et de la forêt ; des contrats d'agents contractuels de l'enseignement national,... sans compter les titulaires.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que cette situation soit kafkaïenne ? Ne faudrait-il pas alléger le travail des proviseurs, dans un esprit « lolfien » ?

Je voudrais également évoquer le transfert des personnels TOS à la région Basse-Normandie, dont le contrat n'est pas encore signé. Je sais que la régularisation est en cours, mais je voulais tout de même attirer votre attention sur cette opération, qui a suscité de graves difficultés au moment de la rentrée scolaire, notamment pour les chauffeurs, en raison de la fusion des sites d'Alençon et de Sées. Il faudrait trouver une solution pour la rentrée prochaine, de façon que le proviseur puisse disposer d'une lisibilité sur plusieurs années.

Le temps n'est plus aux audits mais à l'action, c'est pourquoi je voudrais vous inviter, avec M. Barnier, à venir visiter cet établissement dans lequel Jacques Chirac s'était rendu au moment de la crise de la vache folle.

Enfin, je voudrais vous proposer de changer la dénomination des lycées agricoles. En effet, 20 % seulement de l'enseignement est directement lié à l'agriculture, les 80 % restants concernent l'aide à la personne en milieu rural, les nouvelles technologies et le développement durable. Le Grenelle de l'environnement l'a montré, mais, nous le savions tous, les agriculteurs ne sont pas les ennemis de l'environnement.

Je vous propose donc de changer les dénominations des lycées agricoles en « lycées agricoles et de développement durable », dans la mesure où l'enseignement agricole est absolument résiduel par rapport aux autres activités. Il serait bon de faire le lien entre l'agriculture et le développement durable, d'autant qu'il me semble que le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables est largement doté et que nous pourrions profiter de ses moyens.

J'aimerais maintenant aborder un sujet qui me semble tout aussi essentiel, celui de l'enseignement des langues étrangères.

En cette discussion budgétaire, j'ai remarqué qu'au cours de nos débats étaient souvent évoquées les difficultés de redressement, de positionnement, d'attractivité de la France vis-à-vis du monde extérieur. Dans ce contexte irréversible, je voudrais vous dire, moi qui ai hérité d'un siège où l'on a à coeur les pays du golf, mon attachement à l'enseignement des langues étrangères. Vous ne serez sans doute pas surpris si, à titre d'exemple, je mentionne le russe et l'arabe.

Le budget du ministère des affaires étrangères consacre une somme faramineuse à l'enseignement du français à l'étranger, dont chacun peut constater que l'usage se réduit comme peau de chagrin - ce n'est pas le président Gouteyron qui me démentira. (M le président acquiesce.)

Ne devrions-nous pas en l'espèce, monsieur le ministre, faire preuve de réciprocité ? On nous présente les projets du Louvre ou de la Sorbonne à Abou Dhabi comme des ponts entre les cultures, mais, que je sache, les ponts fonctionnent dans les deux sens !

Selon les données de vos services, le russe ne serait étudié que par 0,3 % de la population totale des élèves du second degré, l'arabe ne le serait que par 0,1 % de cette même population, alors que 248 établissements en France métropolitaine et dans les territoires d'outre-mer proposent l'arabe en langue vivante 2.

Ne serait-il pas opportun de sensibiliser les enfants à ces langues, de les y intéresser, afin de former la relève indispensable à notre action économique et sociale, faute de quoi, nous resterons dans le wagon de queue des pays dont les habitants sont capables de s'exprimer dans une langue étrangère ?

J'évoquerai plus particulièrement le cas du russe, car je peux m'appuyer sur un cas précis : ma fille, moyennant un triplement de son argent de poche (Sourires), avait accepté d'étudier cette langue, au lycée Molière. Or, quand elle est passée en classe de première, nous avons été informés par courrier que son cursus était interrompu et qu'elle devrait s'adresser au CNED, le Centre national d'enseignement à distance, pour poursuivre l'étude de cette langue.

Monsieur le ministre, vous reconnaîtrez avec moi que le Russe est, par excellence, la langue que l'on étudie par correspondance ! (Sourires.)

Au moment où nous travaillons à conclure des marchés avec les pays du golfe Persique, la Russie ou la Chine, il faut développer l'esprit de réciprocité et - passez-moi l'expression - « mettre le turbo » pour que les jeunes générations puissent étudier les langues « rares ». Nous pourrons ainsi surmonter la concurrence des pays où l'apprentissage des langues constitue une véritable culture. Dans le cas contraire, nous ne résisterons absolument pas aux lois implacables du marché. Protégeons notre langue, certes, mais sans mener la politique de l'autruche !

J'ajouterai un mot sur la réintégration de l'enseignement des religions dans l'école, qui me semble fondamentale pour garantir la cohésion nationale - et je distingue bien cette dernière de l'identité nationale, une expression dont j'ai dit ici même à M. Hortefeux tout le mal que j'en pensais !

Le communautarisme, ou encore la crainte qu'inspire l'Islam après le 11 Septembre peuvent être battus en brèche par l'éducation, me semble-t-il, car tout le monde s'accorde pour estimer que l'ignorance est à l'origine de bien des problèmes.

Avec Antoine Sfeir et le professeur Dominique Akhoun, je considère qu'il faut absolument réintégrer l'histoire des religions à l'école, comme c'est le cas en Alsace et, désormais, en Allemagne. Ce dernier exemple est tout à fait intéressant : un manuel d'enseignement destiné aux classes élémentaires se trouve en cours d'achèvement et de validation en langue allemande. Pour faciliter le vivre ensemble et éviter l'écueil de l'ignorance, nous devons absolument nous efforcer de réintroduire l'histoire des religions dans l'enseignement.

Mes chers collègues, si je n'avais pas épuisé mon temps de parole, je vous aurais parlé également de l'école en milieu rural ; de toute façon, les problèmes de celle-ci sont tels qu'elle mérite plutôt une minute de silence ! (MM. Jean-Luc Mélenchon et Jean-Marc Todeschini applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rappelons-nous que l'une des propositions du candidat Sarkozy, en matière d'école, consistait à « créer des études dirigées dans tous les établissements pour que les enfants dont les parents le souhaitent puissent faire leurs devoirs à l'école avec l'aide d'une personne compétente ». Lors du débat de l'entre-deux tours avec sa concurrente, M. Sarkozy est même allé jusqu'à reprendre la proposition encore plus précise de Ségolène Royal, qui prônait un soutien scolaire individualisé.

Dans cette perspective, monsieur le ministre, vous avez présenté le lancement du dispositif d'accompagnement éducatif hors temps scolaire dans les collèges de l'éducation prioritaire comme un « objectif gouvernemental fort » et l'un des faits marquants de la première rentrée scolaire du quinquennat.

Or la réalité est bien éloignée des promesses du chef de l'État, comme le montre l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Précisons, tout d'abord, que l'accompagnement éducatif consiste à offrir aux collégiens volontaires, après la classe et pendant quatre jours par semaine, deux heures d'encadrement pédagogique consacrées soit à l'aide aux devoirs et aux leçons, soit à la pratique culturelle et artistique, soit aux activités sportives. Le dispositif n'est pas individualisé.

Finalement, cette mesure vise à satisfaire non pas une promesse du candidat Sarkozy, mais trois à la fois ! II me semble que les professeurs d'arts plastiques et les enseignants d'éducation physique et sportive, ou EPS, seront ravis de découvrir ces louables intentions, eux qui, depuis 2002, voient leurs disciplines, qui ne sont pas extérieures au temps scolaire, de plus en plus marginalisées dans les programmes, tandis que les décharges horaires dont ils bénéficiaient pour s'investir dans les associations sportives de leurs établissements disparaissent.

La modification récente du décret du 25 mai 1950 portant fixation des maximums de service des professeurs et des maîtres d'EPS a ainsi entraîné la suppression de plusieurs centaines d'emplois à temps plein mis à la disposition des associations sportives.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, que signifie pour ces enseignants la décision de déléguer à des associations l'animation des temps d'accompagnement éducatif consacrés aux pratiques culturelles et sportives ? À leur place, ne sentiriez-vous pas votre travail bafoué, votre engagement pédagogique dévalorisé, vos compétences niées ?

En tout état de cause, nous devons nous interroger sur les intentions gouvernementales qui sont éventuellement cachées derrière les modalités de mise en oeuvre de l'accompagnement éducatif quant au devenir de l'EPS et de l'éducation artistique à l'école.

S'agit-il de sortir l'apprentissage de ces disciplines des cursus et des programmes de l'enseignement des collèges, au profit de temps d'animation confiés à des organismes extérieurs ? Nous avons déjà posé cette question quand nous avons débattu du tronc commun d'enseignement.

Cette tendance à marginaliser dans le temps proprement scolaire des disciplines qui sont pourtant essentielles à l'apprentissage de la vie en société, en les transformant en quasi-garderies, au nom de la priorité donnée à l'acquisition des savoirs fondamentaux, est d'autant plus inquiétante que le budget du ministère de la culture est marqué par des coupes sévères dans les crédits finançant les actions en faveur de l'accès à la culture, crédits qui baisseront de près de 20 %, à périmètre constant, entre 2007 et 2008.

S'ils ne concernent que quelques dizaines de millions d'euros, ces arbitrages sont révélateurs des priorités politiques de la majorité présidentielle : d'un côté, on creuse le déficit budgétaire en accordant des baisses d'impôts économiquement inefficaces aux catégories les plus aisées de la population ; de l'autre, on fait peser l'effort de maîtrise des dépenses publiques sur les actions d'éducation et de sensibilisation de tous à la culture.

En outre, en termes de conception, de réalisation et d'évaluation d'une politique publique, la mise en oeuvre du dispositif d'accompagnement éducatif présente de nombreuses lacunes.

Observons, tout d'abord, que le dispositif dont vous proposez l'extension dans votre budget a été conçu sans évaluation préalable de la réalité des besoins, qui ne sauraient être les mêmes dans tous les collèges du pays. Vous me répondrez, monsieur le ministre, que vous avez choisi de commencer à mettre en place ce dispositif en novembre dernier, là où sa nécessité se faisait a priori la plus pressante, c'est-à-dire dans les établissements de l'éducation prioritaire.

Pouvez-vous alors dresser un premier bilan de l'application de cette mesure ? Je ne réclame pas une évaluation exhaustive, car c'est encore trop tôt, mais les premières remontées d'informations répondent-elles à vos objectifs ?

Au fait, de quels objectifs parle-t-on ? Demander à un seul dispositif de politique publique de « courir trois lièvres à la fois » - l'aide aux devoirs, l'éducation artistique, la pratique du sport -, c'est généralement le meilleur moyen de les laisser filer tous les trois. Le risque est d'autant plus grand que le système actuel a été construit par assemblage de pièces anciennes.

En l'occurrence, l'un de vos prédécesseurs, aujourd'hui Premier ministre, lorsqu'il essayait, au printemps 2005, de répondre - déjà ! - à l'inquiétude des jeunes, avait annoncé la création de 1 500 emplois d'assistants pédagogiques, recrutés sous le régime précaire des assistants d'éducation, afin d'apporter un soutien aux élèves en difficulté. Or que découvre-t-on aujourd'hui ? Le recrutement projeté de 6 000 de ces mêmes assistants pédagogiques, dont 5 000 seraient engagés à la rentrée 2008-2009, pour assurer le volet « aide aux devoirs et aux leçons » de l'accompagnement éducatif !

Ainsi, monsieur le ministre, et sans mettre en cause le moins du monde votre bonne volonté, je suis bien obligé de dire qu'en matière d'accompagnement éducatif on se contente, une nouvelle fois, de substituer une mesure à une autre.

L'éparpillement des dispositifs dont votre ministère est coutumier se poursuit donc, au mépris de toute cohérence de politique publique et au détriment de la continuité de l'action pédagogique des enseignants.

À votre décharge, il faut noter que le lancement de ce dispositif, pendant l'année scolaire 2007-2008, puis son extension, dans la perspective de la rentrée 2008-2009, s'inscrivent dans un cadre budgétaire extrêmement contraint pour l'éducation nationale.

Le budget global alloué à l'enseignement scolaire est ainsi en baisse de 1,2 %, en euros constants, par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale pour 2007, alors même que le nombre d'élèves du second degré public stagne, voire augmente légèrement en premier cycle, et que tout le monde s'accorde sur la nécessité d'accorder une priorité marquée à l'éducation.

Les crédits alloués à l'action « Pilotage et mise en oeuvre des politiques éducatives et de recherche », qui financent, notamment, les associations apportant un soutien à la politique éducative, atteignent à peine leur niveau de 2006, puisqu'ils s'élèveront à 411,69 millions d'euros en 2008, contre 413,55 millions d'euros en 2006, après un étiage à 366,67 millions d'euros en 2007.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser comment seront financées les interventions des associations dans le cadre de l'accompagnement éducatif ?

En fait, les enseignants des collèges, qui voient nombre de leurs collègues partir en retraite sans être remplacés, seront mobilisés pour ce dispositif par le biais d'heures supplémentaires, l'éducation nationale apportant par là sa contribution à la théologie présidentielle du « travailler plus pour gagner plus » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Monsieur le ministre, pouvons-nous savoir si le projet de loi de finances prévoit la rémunération des heures supplémentaires des agents publics dans les mêmes conditions que celles qui sont envisagées par le code du travail, soit 25 % de plus que les heures dites « normales », comme l'a annoncé le chef de l'État le 29 novembre dernier ?

De plus, la participation des enseignants à l'accompagnement éducatif sera-t-elle volontaire ou imposée ? Il serait pour le moins étrange que ce ne soit pas le professeur chargé des heures de classes qui aide ses élèves à faire leurs devoirs, mais l'un de ses collègues !

Quoi qu'il en soit, la lecture du bleu budgétaire ne rassure pas quant aux moyens réellement dédiés à la mise en oeuvre de l'accompagnement éducatif dans tous les collèges du pays à la rentrée 2008 : les 63 000 heures supplémentaires prévues viseraient à permettre le non-renouvellement de 3 500 emplois d'enseignants du second degré ; les 6 000 emplois promis d'assistants pédagogiques se réduiraient en fait à la transformation de postes - déjà existants - de maîtres d'internat et de surveillants en 3 260 emplois à temps plein d'assistants d'éducation.

Notons d'ailleurs qu'entre les années scolaires 2002-2003 et 2006-2007, le nombre des personnels d'éducation est passé de 117 535 à 88 292, soit une baisse de près de 25 %. En effet, un peu moins de 57 000 assistants d'éducation sont désormais chargés d'assurer les missions de près de 51 000 maîtres d'internat et surveillants et de près de 56 000 aides-éducateurs, qui sont en extinction depuis que la droite a décidé de supprimer les « emplois-jeunes ». Si nous mettons ces évolutions en perspective sur plusieurs années, il s'agit bien de coupes sévères !

Autrement dit, on voudrait nous faire croire, avec l'accompagnement éducatif hors temps scolaire, que quelques milliers d'enseignants en heures supplémentaires et quelques centaines d'assistants d'éducation en contrats précaires suffiront à apporter le soutien scolaire qu'attendent des centaines de milliers de parents pour leurs enfants - et je n'évoque même pas l'aide individualisée qui avait été mise en avant.

L'ambition affichée d'offrir à tout élève qui en ressent le besoin une aide aux devoirs après la classe est donc à ranger au nombre des mirages de la geste présidentielle, au détriment d'une action publique résolue en faveur de la réussite éducative de tous. Au demeurant, monsieur le ministre, ce sera bientôt aux résultats, et pas seulement aux intentions, que nous vous jugerons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat d'aujourd'hui est tout à fait à l'actualité : alors que l'effort de la nation en faveur de l'enseignement scolaire est comparable, sinon supérieur, à celui qui est consenti par beaucoup d'autres pays européens, nous apprenons qu'un classement récent, dit « PISA », montre une baisse du niveau des jeunes Français dans les connaissances fondamentales dispensées par l'enseignement scolaire.

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est reparti !

M. Jacques Legendre. Même si, bien sûr, les comparaisons peuvent toujours être discutées,...

M. Jean-Luc Mélenchon. Et elles le sont !

M. Jacques Legendre.... les élèves français passeraient de la dixième à la dix-neuvième place.

M. Jean-Marc Todeschini. C'est de la caricature !

M. Jacques Legendre. Comment se fait-il que nos résultats diminuent alors que nos moyens sont au moins comparables ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Il faudrait voir qui paye les enquêtes !

M. Jacques Legendre. Tout ministre, tout Gouvernement doit se poser cette question, me semble-t-il, et y répondre sans passion, sans mise en cause personnelle, sans procès (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), mais avec la volonté d'améliorer la situation.

Monsieur le ministre, vous connaissez bien le monde de l'éducation et vous préférez, à juste titre, les réponses concrètes aux débats passionnels. Je soulignerai quelques éléments qui me paraissent devoir nourrir notre discussion.

La maîtrise de la langue française par tous les jeunes doit être notre première exigence. En effet, comment un jeune peut-il espérer réussir dans l'enseignement secondaire...

M. Jean-Marc Todeschini. Avec des moyens !

M. Jacques Legendre.... s'il y entre sans maîtrise véritable de la langue française ?

Votre prédécesseur s'était interrogé sur la pertinence du recours à la méthode globale pour enseigner la langue française aux élèves du primaire, ce qui a déchaîné les passions, semble-t-il. Il faut revenir à l'essentiel. Notre problème n'est pas d'être pour une méthode ou pour une autre. L'important est que les élèves maîtrisent la langue française.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire si cela reste bien l'une de vos priorités et si vous poursuivez dans la voie qui a été tracée par votre prédécesseur : faire en sorte que les jeunes Français apprennent leur langue dans de bonnes conditions et qu'ils en aient une connaissance satisfaisante quand ils abordent le collège.

La deuxième préoccupation - mais tout est lié - concerne les programmes de français. Votre illustre prédécesseur M. Fillon en avait fait le premier pilier du socle commun. Il s'était encore exprimé à ce sujet le 23 avril 2005. Les nouveaux programmes de l'école élémentaire, rédigés sous l'égide de l'inspection générale de l'éducation nationale, semblent éloignés de l'esprit de la loi et de la lettre de son décret d'application. Ils ne semblent pas non plus tenir vraiment compte des rapports de M. Alain Bentolila. Les exigences fixées pour la fin du primaire sont basses et les programmes du collège ne semblent pas devoir corriger cette situation.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour fixer des exigences un peu plus élevées afin que les programmes de français, de l'école primaire au baccalauréat, permettent de maîtriser la langue française et d'acquérir une véritable culture littéraire ? Je ne doute pas que vous y soyez personnellement très attaché.

Je voudrais maintenant parler d'un sujet qui m'a amené à déposer deux rapports relatifs à la diversification de l'enseignement des langues, rapports qui ont été approuvés à l'unanimité par la commission des affaires culturelles. En France, nous avons développé et généralisé la connaissance de l'anglais comme première langue étrangère. C'est pratiquement inéluctable. Mais, pour autant, il ne faudrait pas que nous limitions de plus en plus le choix de la deuxième langue à une seule langue - souvent l'espagnol - en laissant péricliter l'enseignement d'autres langues essentielles.

Je pense par exemple à l'allemand : n'oublions pas que l'Allemagne est notre premier partenaire économique et politique. Je pense également au russe, qui est la langue d'un pays important - plus que jamais -, dont la culture est très riche. M'étant entretenu de cela avec l'ambassadeur de Russie, j'ai récemment reçu une lettre où il me disait qu'il était grand temps de réfléchir sérieusement à de nouvelles voies de promotion de la langue russe en France. Il a tout à fait raison.

Je pense à l'Arabe, en raison de nos échanges internationaux. Le Président de la République est d'ailleurs en ce moment en Algérie, dont la langue officielle est l'arabe. Il serait utile que certains de nos compatriotes, et pas seulement ceux qui sont d'origine maghrébine, maîtrisent cette langue.

Il y a par ailleurs une importance certaine à enseigner l'arabe dans l'école de la République, de manière à valoriser les acquis familiaux d'un certain nombre de jeunes. Cela pourrait être un plus pour eux, d'autant qu'ils connaissent souvent des difficultés par ailleurs. Je rappelle que le Sénat, lors du débat sur la loi « Fillon », s'était prononcé pour que cet apprentissage figure dans les priorités du socle commun.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jacques Legendre. Je pourrais aussi parler de certaines langues qui sont appelées à devenir importantes comme le japonais ou le mandarin. Compte tenu de la place de la France dans le monde et de la globalisation des échanges, il est nécessaire d'armer les jeunes Français à vivre cette mondialisation en connaissant plusieurs langues étrangères. Au lieu de dire que personne ne veut apprendre telle ou telle langue, il faut adopter une attitude permettant aux parents et aux élèves de comprendre qu'il est important de maîtriser plusieurs langues étrangères. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, cette attitude proactive.

M. Bodin et moi avons récemment rendu un rapport d'information sur la situation des classes préparatoires aux grandes écoles et dénoncé un resserrement de l'origine sociale des élèves de ces classes. C'est un problème social et politique grave, puisque les classes préparatoires fournissent une partie de l'élite de ce pays.

Monsieur le ministre, allez-vous reprendre certaines des préconisations de ce rapport, adoptées à l'unanimité par la commission des affaires culturelles, afin de revoir la carte des classes préparatoires et de diversifier leur composition. En outre, il faudrait développer des internats pour permettre aux élèves de ces classes préparatoires d'accomplir leur scolarité dans les meilleures conditions possibles.

Tout en souhaitant obtenir des réponses à toutes ces questions, monsieur le ministre, je vous annonce dès maintenant que je voterai très volontiers le budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord inviter notre assemblée à se méfier de cette sorte de jubilation morbide, si tristement française, qui consiste à dénigrer sans cesse les performances de notre patrie.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Jean-Luc Mélenchon. N'oubliez jamais, après avoir énuméré cette longue litanie des échecs attribués à notre pays, que nous sommes tout de même la sixième puissance économique du monde. Il faut bien que nous ayons trouvé quelque part le moyen de l'être ! Nous n'avons aucune ressource qui fausserait le classement, sinon la matière grise de nos compatriotes, de nos travailleurs, de nos jeunes. Ne le perdez jamais de vue, et n'avalons pas tout rond ce que les journaux mettent en première page. Hier, selon le Boston College - bien connu de vous tous... (Sourires) -, les performances de l'éducation nationale française étaient tout à fait déplorables. Ce Boston College a juste oublié d'étudier les raisons pour lesquelles les États-Unis d'Amérique produisent deux fois moins de diplômés scientifiques pour 100 000 habitants que les Français ! Comment ce peuple d'ignorants, qui ne sait ni lire ni écrire, parvient-il à cette performance ?

Quant aux statistiques de l'OCDE, je n'ai pas l'intention de toutes les récuser, mais je me pose des questions à leur sujet. Je me souviens de ce moment particulièrement ridicule où ces fonctionnaires étaient venus m'expliquer - j'étais alors ministre - les défauts du système français, avec pour conséquence, entre autres, l'incapacité des jeunes Français à faire preuve d'esprit critique lorsqu'on leur donne des ordres ! Celui qui avait réalisé cette enquête n'avait certainement pas rencontré de jeune Français depuis longtemps... (Nouveaux sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Ni de vieux !

M. Jean-Luc Mélenchon. Si les jeunes Français ont une caractéristique commune, ce n'est sûrement pas celle-là !

Soyons méfiants et inversons la méthode. Au lieu de nous dénigrer nous-mêmes, partons de nos succès (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste), essayons de comprendre comment nous pourrions les développer et aller plus loin et utilisons la force du système éducatif français, qui résulte tout de même de l'effort accumulé de générations et de gouvernements de couleur différente.

J'ai dit à l'instant ce qu'il en était des matières scientifiques et des questions essentielles que sont pour les économies contemporaines les systèmes de formation.

J'évoquerai maintenant le domaine qui nous intéresse tous, l'élévation du niveau de qualification des jeunes Français. En dix ans, nous avons doublé le nombre des jeunes bacheliers. Le précédent doublement nous avait demandé quatre-vingts ans.

Le pays s'était donné pour objectif de doubler le nombre des ingénieurs. Eh bien, nous y sommes parvenus, puisque, de 21 000 en 1990, ils sont passés à 37 000 aujourd'hui. Nous avons multiplié par quatre le nombre de diplômés de DESS et de licenciés. Ce ne sont pas des petits résultats !

Quand on examine ces données, gardons à l'esprit que ceux qui nous critiquent sont positionnés sur un marché international. Les établissements comme le Boston College veulent attirer à eux ces étudiants qui ont fréquenté les institutions gratuites de la République française. Nous sommes l'un des pays où le nombre de chercheurs étrangers est le plus élevé proportionnellement au nombre global de chercheurs : 25 % des effectifs du CNRS, ce n'est pas rien !

S'agissant de la France en tant qu'économie de production, et pas seulement de services, les comparaisons nous mettent derrière les Anglais, alors que ceux-ci totalisent dans leur production intérieure brute des résultats qui sont purement scripturaux, des résultats de bourse et non de production.

M. le Président de la République a récemment manifesté sa volonté de garder des usines en France. Si nous voulons que nos industries restent productives, que doit-on faire ? Il faut bien sûr former des cadres supérieurs, des ingénieurs, des architectes, des intellectuels de haut niveau. Mais il convient surtout de d'élever la base productive à un haut niveau de qualification. C'est un objectif pour le pays. D'où sortir cette base productive, où la former sinon dans le système général de l'enseignement professionnel ?

Et là, monsieur le ministre, le compte n'y est pas. Vous êtes un homme de la maison qu'est l'éducation nationale, vous en connaissez les préjugés de caste en même temps que la grandeur. Mais ce que l'on passe d'abord à la trappe, c'est l'enseignement professionnel. Pourquoi ? Parce que la plupart de ceux qui y travaillent n'y ont pas inscrit leurs propres enfants ! (Mme Gisèle Printz applaudit.) Je le dis avec un peu de rugosité, mais c'est une partie de la réalité.

Or la moitié des jeunes Français suivent un enseignement professionnel et technologique ou un apprentissage. Parmi eux, 30 % se trouvent dans l'enseignement professionnel, les autres étant répartis dans les autres filières. Et c'est comme si ces jeunes n'existaient pas !

Pourtant, ils forment une masse vitale, la base de notre capacité productive. Les travailleurs français se sont d'ailleurs mieux adaptés que les autres, notamment les Allemands, car le système éducatif les avait préparés aux modifications des machines. La durée de vie d'une machine est passée de quinze ans à dix ans ou à quatre ans, voire moins dans certaines branches où l'outil informatique est utilisé. Comment expliquez-vous que la production ait suivi, sinon par le fait que les travailleurs avaient la capacité d'auto-adaptation, compte tenu des bases suffisantes qui leur avaient été données.

Nous devons manier ces notions avec beaucoup de précaution sans suivre la dernière mode, la dernière trouvaille de je ne sais quelle officine internationale qui ne pense qu'à faire du commerce avec tout cela. Dans cette histoire, la France joue sa peau !

Les différentes catégories sont toujours les mêmes. Il y a ceux qui n'y connaissent rien et qui ne veulent pas en entendre parler et les têtes d'oeufs qui ont trouvé la bonne occasion de faire des économies : réduire, réduire et encore réduire les budgets. Le ministre, quel qu'il soit et même s'il n'en pense pas moins, est obligé d'accepter, car il est membre du gouvernement.

La grande trouvaille consiste à réduire le budget de l'enseignement professionnel en comptant sur sa prise en charge par le secteur privé, grâce à l'apprentissage. Or, si celui-ci fonctionne très bien pour les métiers où le tour de main et le geste sont essentiels et où la connaissance se transmet visuellement, en revanche, il est plus délicat pour tous les autres métiers, car le niveau technique s'est considérablement élevé et un haut niveau de connaissances générales est devenu nécessaire.

Nous avons besoin d'ouvriers titulaires d'un CAP, mais aussi, et surtout, d'un plus grand nombre de détenteurs d'un bac professionnel. C'est le coeur de l'affaire. Que se passe-t-il aujourd'hui ? Je sais que M. le ministre veut bien faire ; il écrit des communiqués touchants où il déclare que, pour améliorer l'accès au bac professionnel, il va faire passer celui-ci en trois ans. Je souhaiterais formuler deux remarques à ce propos.

C'est d'abord une question de classes. L'objectif de 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat a commencé à être remis en cause lorsque nous sommes parvenus à peu près à ce pourcentage pour les filières de l'enseignement général. Et pourtant, au total, le résultat n'est que de 60 %. D'où vient la différence ? De l'enseignement professionnel, où la moitié de nos jeunes ne vont pas jusqu'au bac professionnel et s'arrêtent au BEP.

L'objectif est la promotion des travailleurs et des milieux populaires. Il faut comprendre pourquoi les choses ne se passent pas aussi bien qu'on le voudrait et trouver des solutions concrètes, techniques.

Pour quelles raisons, croyez-vous, les jeunes ne vont-ils pas jusqu'au bac professionnel ? Parce qu'ils s'ennuient à l'école ? Non, ce n'est pas le sujet. En premier lieu, ils doivent suivre des remises à niveau qui demandent un peu plus de temps. En second lieu, toutes les filières ne sont pas au même endroit. Si un jeune est inscrit en BEP et qu'il veut suivre la filière du bac pro, il doit parfois se déplacer dans la ville d'à côté. Or il n'y a que les petits bourgeois qui croient que toutes les familles possèdent deux voitures ! Que fait le jeune ? Il quitte l'école pour l'emploi en espérant que les choses s'arrangeront.

Par ailleurs, beaucoup d'élèves sont pères ou mères de famille - d'après les statistiques, la moyenne d'âge des effectifs de l'enseignement professionnel est plus âgée -, et il faut qu'ils mangent. Donc, si l'on veut les amener à un niveau suffisant de qualification pour le bien du pays, il convient de leur donner les moyens matériels de continuer leurs études.

Telle est la clé de la situation, et non de raccourcir la préparation au bac pro. Vous vous trompez, monsieur le ministre ; vous avez été mal conseillé. Je sais qui se charge de ce boulot depuis des années : les grands trouveurs de Bercy et les grands intelligents de l'Union des industries et métiers de la métallurgie, l'UIMM.

Monsieur le ministre, on parle souvent des permanents ouvriers des syndicats, mais méfiez-vous des permanents patronaux. Certains n'ont pas mis les pieds dans une boîte depuis quinze ou vingt ans. Cela ne les empêche pas de vous expliquer comment former les ouvriers. Ils sont aussi suspects que ceux qui n'ont pas travaillé, surtout lorsqu'ils relaient des trouvailles comme celle de l'UIMM visant à ramener la formation au baccalauréat professionnel à trois ans.

L'IUMM souhaite un bac pro à trois ans pour plusieurs raisons. D'abord, ses représentants pensent aux économies qui résulteront de la diminution du temps de formation. Ensuite, ce sont des partisans acharnés du partage aberrant entre l'éducation nationale et le monde de l'industrie : l'éducation nationale s'occupant des connaissances générales - comme ils disent - et eux certifiant les compétences professionnelles.

La délivrance d'un certificat de compétences est au coeur de la polémique entre le système républicain de l'enseignement professionnel et les organismes anglosaxons qui ont partout mis en place ce certificat de compétences.

Le certificat de compétences, c'est le piquet qui tient le travailleur à la gorge. Un diplôme et une qualification se négocient dans les conventions collectives. En revanche, un certificat de compétences n'a de durée que celle du produit que vous savez fabriquer. Un certificat de compétences, dans le secteur de l'automobile, a une durée de cinq ans et la durée de vie d'une automobile est de sept ans sur le marché.

Voilà pourquoi la question scolaire est toujours une question sociale. Et elle nous renvoie à l'idée que nous nous faisons du développement de notre patrie républicaine.

Monsieur le ministre, c'est une erreur de généraliser le bac pro à trois ans. Un chiffre le prouve. Aujourd'hui, le baccalauréat professionnel se prépare en quatre ans - les études courtes professionnelles m'ont toujours fait sourire. Mais il faut savoir que 20 % des jeunes qui arrivent aujourd'hui au bac pro ont eu besoin d'une cinquième année. On voit mal comment ils s'en sortiraient en trois ans !

Monsieur le ministre, je plaide pour la jeunesse ouvrière, je plaide pour les travailleurs, je plaide pour le développement de notre pays en tant que puissance industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Enseignement scolaire » est une des missions les plus importantes de l'État, à la fois en termes de moyens budgétaires et d'effectifs. Elle bénéficie en effet d'un budget de 59,26 milliards d'euros pour 2008 et permet d'assurer la scolarisation de plus de 12 millions d'élèves.

Depuis plusieurs décennies, le budget de l'éducation nationale est en progression constante. Il augmente même plus rapidement que la richesse nationale. La France se situe bien au-dessus de la moyenne des nations comparables en matière de dépenses éducatives.

Mais force est de constater que l'évolution importante des moyens de l'école n'a pas toujours produit les effets escomptés pour assurer l'égalité des chances.

Notre système scolaire repose en effet sur un principe qui commande que ni l'origine sociale ni l'appartenance à une minorité ne préjugent de la réussite scolaire des élèves. Or, dans les faits, nous en sommes très loin, puisque statistiquement la proportion d'enfants d'ouvriers ou de jeunes issus des quartiers sensibles accédant aux grandes écoles reste faible.

Le budget que nous présente le Gouvernement s'inscrit pleinement dans les objectifs fixés par le Président de la République, dont les ambitions pour l'école ont été clairement déclinées au travers de la « lettre aux éducateurs » lors de la rentrée scolaire 2007.

Ce budget démontre que l'on peut faire beaucoup mieux pour les élèves en difficulté, tout en réduisant le nombre d'enseignants, dans un effort global de maîtrise des dépenses publiques, sans que pour autant les conditions de vie et de travail des enseignants et des élèves s'en trouvent affectées.

Monsieur le ministre, conformément à votre souci de résultats et de lutte contre l'échec scolaire, l'école va faire beaucoup plus pour les élèves en difficulté.

La suppression des cours le samedi matin dans les écoles élémentaires permettra concrètement de proposer une aide personnalisée aux élèves qui connaissent des difficultés.

L'accompagnement éducatif mis en place dans les collèges de l'éducation prioritaire, dont le dispositif sera généralisé à l'ensemble des collèges à la rentrée 2008, permettra aux élèves qui le souhaitent de bénéficier d'une aide pour leurs devoirs ou bien de pratiquer une activité culturelle, artistique ou sportive, quatre jours par semaine, pendant une durée de deux heures après les cours.

Les enseignants volontaires qui encadreront l'aide aux devoirs seront rémunérés en heures supplémentaires, lesquelles seront défiscalisées, conformément aux dispositions de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA.

Cette orientation traduit la volonté du Président de la République d'avoir des fonctionnaires mieux considérés et mieux payés.

Dans l'école de demain, les enseignants gagneront plus s'ils choisissent de s'investir davantage. Ces heures supplémentaires leur permettront de mieux suivre les élèves, de mieux les aider et de mieux les accompagner dans leur parcours scolaire.

Monsieur le ministre, vous avez clairement exprimé votre volonté de recentrer le premier degré sur ses missions fondamentales, à savoir l'apprentissage et la maîtrise du français, les performances en lecture de certains élèves étant encore bien trop faibles.

Cette maîtrise conditionne tous les enseignements ultérieurs : entre autres pédagogies, la pratique des langues étrangères qui m'est chère.

L'apprentissage des langues étrangères, me paraît aujourd'hui fondamental, la mondialisation des échanges et l'Europe à vingt-sept membres en font une nécessité ; je rappelle que vingt-trois langues sont parlées en Europe.

Une initiation à l'Anglais est déjà dispensée à l'école primaire, c'est un premier pas. Une sensibilisation, et j'insiste sur ce terme, au multilinguisme dès l'école primaire en ayant recours aux nouvelles technologies mériterait, je pense, réflexion.

Ne pourrait-on pas envisager par ailleurs qu'un collégien puisse être initié à deux langues étrangères dès l'entrée en cinquième alors qu'actuellement cette pratique n'est envisagée qu'à partir de la quatrième ?

Mes dix années d'expérience de professeur d'Anglais dans un collège classé en ZEP me conduisent à penser que faute d'un bain linguistique qui permet d'apprendre une langue en situation, une imprégnation quotidienne serait nécessaire pour progresser. Cette méthode est d'ailleurs utilisée dans des pays voisins.

Par ailleurs, l'égalité des chances se traduit par une meilleure information des élèves sur leur orientation, qui doit être plus lisible.

Il faut en effet rompre avec une certaine méconnaissance du monde du travail et exposer clairement les débouchés qu'offrent certaines filières comme la voie professionnelle qui souffre encore actuellement d'un déficit d'image.

Il est navrant de constater que l'orientation vers des formations professionnelles se fait après un échec et par défaut dans la plupart des cas.

Il faut créer des passerelles entre les différentes filières scolaires, et je souscris entièrement à votre initiative, monsieur le ministre, d'instituer un parcours de découverte des métiers et des formations pour tous les collégiens à partir de la classe de cinquième.

L'égalité des chances, c'est aussi donner la possibilité à tous les parents, quels que soient leur lieu de domicile et leur appartenance sociale, de pouvoir inscrire leur enfant dans l'établissement de leur choix en fonction de ses ambitions et de ses qualités.

La priorité a été donnée aux élèves boursiers et handicapés dès juin 2007. Les premiers résultats de l'assouplissement de la carte scolaire sont encourageants et cette mesure n'a pas conduit à de fortes baisses d'effectifs dans les collèges « ambition réussite », comme certains pouvaient le redouter.

Enfin, il me paraît indispensable d'encourager le soutien individuel apporté aux élèves handicapés grâce aux enseignants et aux auxiliaires de vie scolaire. Je ne peux que me réjouir du recrutement de 2 700 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires afin d'assurer à ces élèves les conditions d'accueil et d'apprentissage qui leur permettront de s'épanouir dans le cadre scolaire.

Monsieur le ministre, le groupe UMP apportera tout son soutien au budget que vous défendez et qui traduit fidèlement les engagements pris par le Président de la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Messieurs les ministres, l'éducation nationale, à la Réunion comme dans les quatre départements d'outre-mer, a réussi à faire avancer le progrès social et le progrès économique.

En soixante et un an, grâce au dévouement des personnels enseignants, grâce à l'effort de l'État, qui a équipé collèges, écoles primaires, lycées, lycées professionnels, nous avons vu le nombre d'illettrés diminuer progressivement et des jeunes accéder à la dignité par le travail.

Je suis monté à cette tribune pour vous exposer, en tant qu'élu et militant de l'éducation nationale, ma conception de l'avenir. Bien sûr, en six minutes, je ne vous présenterai pas une doctrine complète. Je vous ferai néanmoins trois propositions.

Dans les classes primaires des départements d'outre-mer, nous rencontrons les mêmes difficultés qu'en métropole, accrues par la nécessaire transition entre le créole et le français, accrues par notre passé colonial, qui n'est pas encore très loin, accrues par le fait que, d'un point de vue sociologique, nos départements sont encore pauvres. Mais c'est vrai aussi de vos banlieues de métropole, de vos quartiers déshérités, qui rassemblent parfois plus de 200 nationalités.

Première proposition : nous devons enterrer le moule unique. À traiter de la même façon des enfants qui sont dans des situations sociologiques ou ethnoculturelles différentes, on finit par laisser sur le bord du chemin, à la fin du cycle primaire, 30 % des jeunes dans les DOM et 20 % en métropole. Je plaide donc, du haut de cette tribune, pour un accompagnement scolaire généralisé, adapté au contexte socioculturel, au handicap que vivent les jeunes dans leurs quartiers.

Je veux également vous parler du collège. Le collège « ambition réussite » que vous avez mis en place dans les ZEP, dans les quartiers difficiles, est en train de porter ses fruits.

Je voulais vous demander - et ce sera ma deuxième proposition - si, dans le cadre de la loi de décentralisation, il ne serait pas possible, dans les départements qui le souhaitent et dans les établissements volontaires - l'article 73 de la Constitution nous le permet à la Réunion - d'expérimenter le collège de la vocation, c'est-à-dire le collègue à plusieurs sections, et d'en finir avec le collège à tronc unique ?

Dans le collège de la vocation, dès la quatrième, le professeur principal, les parents d'élève et le jeune peuvent, à l'issue d'un entretien, décider de la vocation de l'enfant en fonction de sa motivation, opter pour un cursus d'enseignement différent.

J'ai été très attentif aux propos de M. Mélenchon. En métropole, et par voie de conséquence dans les DOM, l'apprentissage, l'enseignement technique sont dévalorisés parce que l'orientation vers l'enseignement technique ou vers l'apprentissage est considérée comme la sanction d'un échec.

Or l'orientation vers l'enseignement technique ou l'apprentissage n'est pas synonyme d'échec si elle n'est pas subie, si elle est voulue par le professeur principal, par les parents, par le jeune et si elle commence dès la quatrième ou la troisième.

Monsieur le ministre, la réforme Haby n'est plus adaptée au contexte sociologique et économique de notre pays. Il faut marquer de votre empreinte une réforme d'un collège à plusieurs sections : enseignement général, enseignement technique, apprentissage.

Troisième proposition : il est nécessaire d'enseigner l'orientation dans les collèges et dans les lycées.

Une des raisons fréquentes de l'échec des enfants, en tout cas de leur moindre motivation, est qu'ils ne savent pas à quoi sert l'école. Pourquoi faire un effort, disent-ils, mes parents sont chômeurs, moi, je toucherai le RMI ?

Dans la ville de Saint-André, à titre expérimental, nous avons commencé à enseigner l'orientation avec l'accord des principaux et des proviseurs de lycées. Cela peut se faire sans loi ni décret. Et croyez-moi, cela marche du feu de Dieu ! Les élèves viennent écouter les chefs d'entreprises, ils discutent avec eux, ils sont attentifs lorsqu'on leur explique en quoi consiste le métier de boucher, de boulanger, de médecin, d'avocat, d'ingénieur. Et ils se disent alors que l'école sert à quelque chose.

Quand vous autoriserez les collèges qui le souhaitent à consacrer deux heures par semaine à l'enseignement de l'orientation, vous motiverez les élèves et ferez de cette motivation un vecteur de réussite scolaire. Vous verrez alors des enfants qui allaient à l'école avec souffrance y aller avec joie.

Telles sont donc les trois propositions que j'avais à vous faire, monsieur le ministre, propositions modestes, certes, mais qui pourraient avoir de grandes conséquences.

Il s'agit d'abord de consacrer un effort budgétaire important pour « limiter la casse » dans le primaire - actuellement, 30 % des élèves y sont en échec, ce qui, ultérieurement, représentera une charge pour la société. Il s'agit ensuite d'autoriser, au nom de l'expérimentation, les collèges qui le souhaitent à mettre en place les collèges à trois sections : vocation enseignement général, vocation enseignement général et apprentissage, vocation enseignement général et enseignement technique, de façon que l'enseignement technique et l'apprentissage n'apparaissent plus comme la sanction d'un échec mais comme le point de départ d'une réussite. Il s'agit enfin de permettre aux chefs d'établissement qui le souhaitent d'enseigner l'orientation dès la classe de sixième pour motiver les enfants, pour leur ouvrir les portes de la société, pour qu'ils sachent à quoi sert l'enseignement. Alors, vous verrez ceux qui aujourd'hui vont à l'école un peu blasés y aller avec l'envie de réussir et de trouver leur place dans la société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez ne pose guère de problèmes en termes de moyens, et vous disposez largement de ce qui est nécessaire à la conduite des missions de votre ministère. Aussi les questions qui me semblent préoccupantes se limitent-elles aux performances de notre système d'enseignement.

D'enquête en évaluation, on ne cesse de souligner les résultats fort moyens, pour ne pas dire médiocres, de nos écoliers, tant pour la lecture et les sciences que pour les mathématiques. Cela confirme, hélas ! que l'éducation nationale est une machine à rendement décroissant : les moyens fournis sont de plus en plus importants, et les résultats ne suivent pas ; au contraire, ils régressent.

J'ai noté avec intérêt que, face à ces difficultés, vous aviez adopté une démarche pragmatique qui évitait les débats idéologiques, notamment sur les problèmes pédagogiques : on ne peut que vous approuver, car l'éducation nationale, à la différence d'autres secteurs, a non seulement une obligation de moyens, qui est satisfaite, mais aussi une obligation de résultats ; là, nous sommes loin du compte !

Aussi, je souhaite savoir où en est l'application de la réforme de la formation des maîtres et des IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres. Si cette réforme est effective, les nouveaux enseignants ont-ils la garantie d'échapper aux injonctions pédagogiques souvent fumeuses que l'on a connues dans le passé ?

La question des rythmes scolaires, sur laquelle il n'y a pas de vérité absolue, mérite d'être approfondie. En effet, la généralisation de la semaine de quatre jours peut poser de grandes difficultés aux familles les plus modestes. De même, son application doit être accompagnée d'une évaluation des coûts induits pour les départements, notamment en matière de transports scolaires - puisque les lycées, eux, continueront de fonctionner six jours par semaine -, et pour les communes, en particulier pour l'accueil en dehors du temps scolaire. Une telle modification paraît aussi appeler une redéfinition des missions des enseignants et de leurs services, avec les éventuelles conséquences sur les affectations et sur les rémunérations.

La réforme de la carte scolaire sera-t-elle poussée plus loin ? À mon sens, il le faudrait.

De même, il est nécessaire de revoir le saupoudrage des moyens dans les zones d'éducation prioritaires. En effet, les zones définies sont devenues permanentes : on entre dans le dispositif, et l'on n'en sort plus. Il est probable que la définition actuelle est trop large, ce qui conduit à attribuer des moyens trop limités qui ne permettent pas de corriger les faiblesses les plus criantes constatées chez les élèves.

Le dernier point que je souhaite soulever concerne la situation de l'enseignement privé. Le maintien d'un parallélisme inadapté entre public et privé pénalise fortement ce dernier : pourquoi supprimer des postes dans l'enseignement privé alors que ses effectifs sont en augmentation ? Ne pourrait-on pas adopter d'autres règles ? Qu'est-ce, en effet, qu'une liberté dont les moyens ne sont pas assurés ? C'est d'ailleurs l'intérêt des jeunes et de leurs familles qui serait ainsi préservé, puisque les évaluations que j'ai évoquées au début de mon propos montrent que les résultats du privé sont supérieurs, alors que ses moyens sont inférieurs. (M. Yannick Bodin éclate de rire.)

La solution passe par une réforme d'ampleur incluant dans son champ ce qu'il reste de ce monument de ringardise qu'est la loi Falloux, dont le maintien ne paraît pas compatible avec les principes énoncés dans la Convention européenne des droits de l'homme. Là aussi, la rupture dans nos us et coutumes est indispensable.

Nonobstant ces quelques remarques, monsieur le ministre, j'apporterai bien sûr mon soutien au projet de budget pour la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur deux ou trois points sur lesquels je voudrais, non pas attirer l'attention du Gouvernement, car il y est certainement sensibilisé, mais entendre son point de vue, par la voix du ministre M. Darcos.

Je souhaite en effet connaître l'état d'esprit et la volonté politique qui prévalent aujourd'hui au sein de l'éducation nationale et savoir jusqu'où le ministère et le Gouvernement sont prêts à aller en matière d'enseignement précoce des langues vivantes étrangères - c'est mon premier point.

Je suis l'élu d'un canton rural d'à peine 6 000 habitants qui expérimente depuis maintenant près de quinze ans - bien avant que l'éducation nationale ne le généralise ! - l'enseignement des langues vivantes étrangères à l'école primaire. Nous avons été heureux de constater que l'éducation nationale prenait désormais en charge cet enseignement, qui représente pour les enfants trois quarts d'heure par semaine.

Certes, les programmes sont si lourds que beaucoup considèrent comme indispensable de donner la priorité à l'enseignement de disciplines fondamentales comme le français, avec lequel l'enseignement d'une langue étrangère entrerait en concurrence. Pour ma part, je ne partage pas ce point de vue.

Je préside depuis plusieurs années le comité de pilotage qui suit cette expérimentation de l'enseignement des langues. Lorsque celui-ci a été généralisé dans le primaire dès le CE2, nous avons considéré qu'il fallait aller plus loin. Nous avons donc mis en place l'enseignement précoce des langues dès l'école maternelle. Au demeurant, nous n'innovions pas réellement, puisque d'autres départements français nous avaient précédés dans cette voie. Il est vrai que les départements frontaliers - je pense plus particulièrement aux départements alsaciens ou lorrains, qui ont mené des expériences tout à fait intéressantes et ont obtenu des résultats probants - sont mieux armés que nous, qui sommes loin de toute frontière, pour réussir ce type d'initiatives.

Sont donc enseignés depuis sept ans dans deux groupes scolaires de mon canton, à titre expérimental, l'allemand et l'anglais, grâce notamment à une convention tripartite conclue entre le conseil général de l'Oise, le syndicat à vocation multiple que je présidais alors et qui regroupe environ dix-sept communes, et, bien entendu, l'éducation nationale. Cette convention expirera l'année prochaine pour l'allemand et dans deux ans pour l'anglais.

Monsieur le ministre, l'éducation nationale pourra-t-elle maintenir les moyens exceptionnels qui ont été mis en oeuvre afin que nous puissions mener cette expérience à son terme ?

Serait-il par ailleurs possible que celle-ci fasse l'objet d'une évaluation afin que l'on puisse en tirer des enseignements ? Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ? Entend-il d'abord l'étendre aux alentours du secteur géographique sur lequel je sévis (Sourires), qui compte dix ou douze communes, c'est-à-dire quatre ou cinq regroupements scolaires, pour le généraliser ensuite, pourquoi pas, à l'échelon national ? À quelle échéance pourrions-nous l'envisager ?

Enfin, ne serait-il pas intéressant d'étudier la possibilité de mettre en place dans l'enseignement primaire des classes européennes ou des classes bilingues, à l'instar de ce qui se pratique dans les collèges ? Est-ce trop tôt ? Plusieurs expériences étrangères démontrent que cela est possible !

Je le répète, l'avenir de nos jeunes, l'avenir de nos enfants passe par la maîtrise d'une langue étrangère : ils en ont besoin s'ils veulent mettre toutes les chances de leur côté pour s'intégrer demain dans la vie active et trouver leur place dans notre société.

Le deuxième point que je voulais soulever est l'accompagnement éducatif après la classe. L'idée est tout à fait intéressante, et la possibilité ainsi offerte aux collégiens de bénéficier d'activités encadrées au sein de leur établissement entre 16 heures et 18 heures répond sans aucun doute au souci des familles de concilier tout à la fois la vie professionnelle des parents et les exigences de l'apprentissage scolaire des enfants.

La généralisation de cette aide est prévue dès la rentrée 2008. Une concertation en amont, avec les collectivités locales, me semble toutefois nécessaire, et ce pour au moins deux raisons : d'abord, les collectivités locales ont besoin d'être éclairées sur le rôle qui leur sera dévolu dans cette réforme ; ensuite, il faut qu'elles puissent prévoir le coût de la mise en oeuvre de ce système. C'est particulièrement vrai en milieu rural, où se posent des problèmes complexes d'organisation et de transport - sauf à faire en sorte que ce soient les enseignants qui se déplacent et prennent ainsi en charge cet aspect.

Enfin, j'aborderai mon dernier point - pour respecter mon temps de parole ! - à savoir la scolarisation des enfants handicapés. Le Président de la République en a fait une priorité, et je sais que le Gouvernement est très mobilisé sur ce sujet - en particulier vous-même, monsieur le ministre - puisque les mesures qui sont mises en oeuvre sont tout à fait à la hauteur des engagements.

Je voudrais cependant évoquer devant vous un cas particulier : celui des enfants autistes, dont les parents sont confrontés à des problèmes spécifiques.

Les enfants handicapés bénéficient à l'école d'un accompagnement, assuré par les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, qui permet de soulager l'enseignant. Or il s'avère que les auxiliaires de vie scolaire n'ont pas la formation nécessaire pour prendre en charge et suivre les enfants autistes. C'est la raison pour laquelle de nombreux parents ont dû s'organiser, par le biais d'associations, en faisant appel à des accompagnants psycho-éducatifs, les APE.

Si l'éducation nationale accepte aujourd'hui le principe de l'accompagnement scolaire par les APE, le financement demeure à la charge exclusive des parents. Aussi, je m'interroge : pourquoi cette forme d'iniquité entre les parents dont les enfants peuvent être accompagnés par les AVS et ceux pour les enfants desquels la formation et les compétences des AVS sont insuffisantes, ce qui contraint les parents à passer par la voie associative ?

Je terminerai donc par deux questions. Le Gouvernement envisage-t-il, monsieur le ministre, des mesures de formation en direction de ces AVS, de façon qu'ils puissent accompagner les enfants autistes ? Et, si c'est le cas, ne pourrait-on envisager, en attendant que cette formation soit mise en oeuvre, une participation au profit des associations concernées pour alléger la charge que représentent ces APE dans les écoles ?

Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous voudrez bien m'apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercierai d'abord le rapporteur spécial, Gérard Longuet, et les rapporteurs pour avis, Françoise Férat, Brigitte Gonthier-Maurin et Philippe Richert, de l'attention qu'ils ont portée au programme « Enseignement technique agricole » au sein de la grande mission « Enseignement scolaire ».

Je rappelle que l'enseignement agricole accueille 175 000 élèves, dont 60 % d'internes, dans 847 établissements publics et privés, 21 d'entre eux se trouvant, monsieur Virapoullé, dans les départements d'outre-mer. Il mobilise 25 % du budget de l'agriculture et de la pêche et s'appuie sur la moitié des effectifs du ministère : 17 000 agents sur 36 600, agents auxquels je veux rendre hommage pour leur engagement et pour la compétence, le coeur qu'ils mettent à faire vivre et réussir le modèle éducatif agricole français.

Ce modèle éducatif, c'est un enseignement original, ouvert sur le monde du travail, qui sait conduire ses élèves à la réussite, comme vous l'avez souligné dans votre rapport, monsieur Longuet, et comme l'ont également rappelé Françoise Férat et Jean-Claude Carle.

Il est au coeur de notre projet alimentaire, territorial et agricole, parce qu'il contribue sur le terrain à construire une agriculture moderne, compétitive et durable et parce qu'il participe à la vitalité de nos territoires ruraux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce modèle sera en première ligne pour relever les nouveaux défis du développement durable et de la future politique agricole, alimentaire, territoriale et de la pêche dont l'Europe doit se doter dans les prochaines années.

Madame Férat, monsieur Mouly, c'est dans ce contexte et avec cet objectif que nous allons travailler, dès le début de l''année 2008, à la rédaction du cinquième schéma prévisionnel pour l'enseignement agricole 2009-2014. Il donnera les perspectives indispensables aux établissements du ministère de l'agriculture et de la pêche, tant en termes d'orientations stratégiques qu'en termes de répartition territoriale.

Le budget de l'enseignement agricole est objectivement corrigé de l'effet lié au transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS, en hausse de 1,3 % et il s'établit à 1,54 milliard d'euros.

La maîtrise des effectifs se poursuit dans la même proportion qu'à l'éducation nationale, dans le respect de l'équilibre entre les trois familles qui le constituent : l'enseignement public, l'enseignement privé temps plein et les Maisons familiales et rurales.

Nous avons accordé une place importante à la vie scolaire avec 1 150 assistants d'éducation. Par ailleurs, nous poursuivons l'ouverture sociale de l'enseignement agricole, sans oublier, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accueil des élèves handicapés pour lequel le ministre de l'éducation nationale nous aidera en 2008, ce dont je le remercie.

L'enseignement agricole accueille près de 45 % d'élèves issus de milieux modestes et plus de 57 000 élèves qui recevront un soutien financier de l'État.

Les moyens et les efforts budgétaires ont été équitablement répartis entre le public et le privé.

Je suis attentif comme vous, monsieur Carle, au financement des établissements privés de temps plein.

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit une subvention de 107,8 millions d'euros, en légère hausse. Je m'engage à mener dans les prochaines semaines la négociation avec le Conseil national de l'enseignement agricole privé pour la revalorisation de sa subvention. Je veillerai à ce qu'elle soit traduite dans le budget 2009.

En ce qui concerne les Maisons familiales et rurales, l'augmentation de la dotation de 3 % traduit l'importance que nous attachons au soutien à cet enseignement original ; nous poursuivrons cet effort en 2008.

Madame Férat, monsieur Carle, je m'attacherai à réduire les reports de charge que vous avez relevés, je me suis engagé à le faire à l'Assemblée nationale à hauteur de 4 millions d'euros dès 2007.

Madame Goulet, en vous appuyant sur l'exemple du lycée d'Alençon-Sées, vous avez souligné la diversité des contrats qui sont gérés par les chefs d'établissement. C'est une réalité et c'est une question sensible. J'ai demandé à mes services, pour le début de l'année 2008, d'établir un état des lieux de ce dispositif et de formuler des propositions. Elles feront l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux.

J'en viens à ma conclusion, monsieur le président, pour respecter scrupuleusement le temps de parole qui m'a été attribué.

Mon ministère se place dans une démarche de coopération plus étroite avec celui de l'éducation nationale, dans un souci de complémentarité entre les deux systèmes éducatifs. Nous y avons travaillé ensemble, Xavier Darcos et moi, en bonne intelligence avec l'ensemble de nos équipes ; les directeurs régionaux de l'agriculture et de la forêt vont avoir prochainement une concertation assez originale avec les recteurs.

L'enseignement agricole participe pleinement aux travaux de la révision générale des politiques publiques. J'y associerai également les conclusions de la Commission sur l'évolution du métier d'enseignant, qui s'est particulièrement intéressée à l'exercice du métier d'enseignant dans les établissements d'enseignement agricole.

Enfin, je serai particulièrement vigilant quant au maintien de la diversité des implantations territoriales des trois familles de l'enseignement technique agricole. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voulais évoquer, avant que M. le ministre ne s'exprime, un débat qui a commencé lors de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, qui va sans doute se poursuivre en commission et qui concerne les conditions d'inscription dans l'enseignement primaire privé d'une commune à une autre.

En d'autres termes, depuis un certain article 23 et ses conditions d'application, lorsqu'une famille souhaite inscrire par dérogation son enfant dans l'école publique d'une autre commune, il appartient à la commune de résidence de la famille de faire la preuve qu'elle dispose des installations et des services périscolaires qui ont été conçus pour la population scolaire de la commune. De ce fait, cette commune de résidence est en mesure de s'opposer à la dérogation et au paiement subséquent de la contribution qui sera demandée par la commune siège de l'établissement d'enseignement choisi par la famille.

Or, monsieur le ministre, depuis un certain amendement,...

M. Alain Vasselle. Charasse ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Todeschini. Malheureusement !

M. Philippe Marini, rapporteur général.... les choses apparaissent un peu dissymétriques pour l'enseignement privé. C'est une question qui suscite l'interrogation de nombreux maires, du moins dans certains départements. Les maires des communes de résidence craignent d'être obligés de contribuer aux frais de scolarité dans un établissement privé d'une autre commune alors qu'ils disposent des locaux et surtout de l'ensemble des services scolaires et périscolaires nécessaires.

Le ministre de l'éducation nationale connaît ce sujet sur lequel nous sommes souvent interpellés. Les conditions d'application de cette mesure ne nous semblent pas les mêmes partout et nous sommes en attente d'une règle du jeu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. J'ai précisé ce matin, au début de la séance, à Mme Gonthier-Maurin, que cette question ferait l'objet d'un débat lors de l'examen des articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances. Si nous devons ouvrir maintenant un débat sur ce sujet, nous serons encore là au début de l'après-midi !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Lors de la discussion des articles de la seconde partie, ne sera présent que le ministre du budget ; le ministre de l'éducation nationale ne sera pas là !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En tout cas, je souhaite que la réponse soit lapidaire !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier les rapporteurs de leur travail, en particulier Gérard Longuet et Philippe Richert, ainsi que l'ensemble des orateurs, dont les interventions ont été riches et complètes. Je vais essayer de répondre aux interrogations qui ont été soulevées plutôt que de me lancer dans une rhétorique générale sur l'utilité de l'école au sein de la nation.

Je répondrai tout d'abord à Philippe Marini sur la question qu'il vient de me poser. L'Assemblée nationale a examiné la semaine dernière une proposition de loi qui revenait sur le fameux article 89 et qui a été repoussée par la majorité. C'est donc une question qui relève d'une démarche législative et, quelle que soit mon opinion, il ne m'appartient pas de revenir sur un vote de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes au Sénat !

M. Xavier Darcos, ministre. Si une proposition de loi est déposée au Sénat, nous l'examinerons, mais cette question n'entre pas dans l'examen de mon budget.

Plusieurs intervenants ont insisté sur le fait que l'approche des questions éducatives devait être marquée par le pragmatisme et le concret, notamment Jacques Legendre et André Lardeux ; je vais donc m'efforcer d'être pragmatique et concret.

Ce projet de loi de finances s'inscrit dans la maîtrise de la dépense publique. Lors des scrutins électoraux successifs, les Français ont demandé au Président de la République, à son Gouvernement et au Parlement, de veiller à ce que la dépense publique soit contenue, modernisée et surtout qu'elle soit efficace.

Évidemment, l'éducation nationale, qui est le premier employeur de l'État, s'engage dans cette voie tracée par le Président de la République et prend toute sa part à l'effort collectif de maîtrise et de rationalisation des dépenses publiques. Le projet de budget pour 2008 répond à cette exigence exprimée par nos concitoyens. En effet, 22 700 fonctionnaires partant à la retraite ne seront pas remplacés. L'éducation nationale y apporte sa part, celle-ci correspondant d'ailleurs à peu près à sa proportion à l'intérieur de la fonction publique d'État, puisque ce sont 11 200 non-remplacements dont l'éducation nationale assurera la charge. C'est un choix résolu, courageux. Au demeurant, ce schéma d'emploi maîtrisé n'empêche pas d'avoir des ambitions, je dirai même qu'il nous contraint à repenser à l'essentiel, à nous réinvestir dans l'offre éducative en direction de ceux qui en ont le plus besoin.

Ces non-remplacements ne sont pas de nature à obérer les caractéristiques du système éducatif puisqu'ils porteront surtout sur des postes à caractère administratif : je pense, par exemple, à la gestion dématérialisée de la paye. Cet effort de réorganisation de notre administration permettra de ne pas renouveler 1 000 postes à caractère administratif sans que les écoles - en tout cas les élèves - soient touchées.

Par ailleurs, des marges de modernisation importantes existent encore dans le champ de la gestion administrative. Je suis convaincu qu'il est possible d'améliorer significativement le système des remplacements, en particulier pour les personnels enseignants qui sont affectés sur des zones de remplacement. Il est possible aussi de résorber les surnombres d'enseignants dans les disciplines qui n'attirent que peu d'élèves. Je ne citerai pas les disciplines concernées parce que l'on me reproche toujours de stigmatiser les unes et les autres, mais il y en a beaucoup et, dans certaines d'entre elles, il y a des enseignants qui n'ont pas d'élèves du tout.

La combinaison de ces deux mesures donnera naissance à un système plus efficient qui permettra d'économiser 2 000 emplois, dont 340 dans le privé.

Enfin, il faut tenir compte de la démographie scolaire. En quinze ans, le nombre d'élèves s'est réduit de 3,3 % tandis que les effectifs d'enseignants augmentaient, quant à eux, de 4,7 %. Cette décrue démographique, qui se poursuit dans le second degré, va permettre le non-renouvellement de 1 800 emplois. En revanche, dans le premier degré, où les effectifs sont en légère croissance, nous avons décidé de recruter 840 enseignants supplémentaires.

La maîtrise de nos finances publiques exige aussi que les professeurs exercent leur métier d'une manière différente. Telle est la raison pour laquelle nous leur offrons la possibilité de solliciter davantage d'heures supplémentaires, défiscalisées et exonérées de charges, ce qui leur permettra d'accroître sensiblement leur pouvoir d'achat, tout en nous permettant d'économiser 4 200 postes. Les recrutements en 2008 seront cependant à la hauteur des besoins.

Les caractéristiques majeures du système éducatif nous permettront de limiter le nombre de stagiaires à la rentrée 2008. Plus de 3 000 emplois d'enseignants stagiaires, dont 200 dans le privé, seront économisés. Nous recruterons néanmoins 18 000 personnes cette année.

Certains intervenants, en particulier Yannick Bodin, craignent que les effectifs ne soient pas suffisants. Le calibrage des concours correspond à nos besoins, et j'ai pris l'engagement qu'à la rentrée prochaine aucune classe, aucun service, aucune option ne seraient fermés en référence à la loi de finances que nous adoptons aujourd'hui.

Comme l'a dit Jean-Claude Carle, ce ne sont pas seulement de moyens que nous avons besoin mais aussi de résultats. Nous sommes de toute façon capables de maîtriser d'une manière assez souple l'ensemble de notre masse salariale dans la mesure où 11 000 emplois représentent 0,8 % de l'ensemble de la fonction publique enseignante.

Quant à la décentralisation des personnels techniques, qui a été évoquée à plusieurs reprises, elle permettra elle aussi de prolonger ce mouvement de retour des personnels techniques vers les régions ou les collectivités territoriales et ce transfert allégera lui aussi notre charge en emplois.

Pour autant, je le répète, nos ambitions n'ont pas reculé. Plusieurs d'entre vous ont évoqué les comparaisons internationales montrant que nous avons besoin de repenser notre système éducatif.

L'ensemble des études internationales montrent que la structure des coûts au sein de notre système éducatif est très différente de celle qui prévaut dans des pays comparables au nôtre. Par exemple, la durée moyenne de la scolarité y est très largement supérieure, le temps que les élèves passent chaque année à l'école, le nombre d'heures d'enseignement reçues nous placent toujours en haut du classement sans pour autant que notre système soit plus efficace.

De nombreux orateurs ont insisté sur ces comparaisons, Gérard Longuet lui-même l'a fait dès le début de notre discussion. Certains d'entre vous ont contesté ces comparaisons, en particulier le dispositif PISA - programme international pour le suivi des acquis des élèves. Jean-Marc Todeschini a même parlé de « campagne médiatique ». Nous ne sommes pas maîtres des campagnes médiatiques organisées par l'OCDE.

Jean-Luc Mélenchon a dit que ces statistiques étaient inspirées d'une logique anglo-saxonne. Il ne s'agit que de statistiques, certes, mais je me refuse à la fois au catastrophisme et au déni, parce que ces statistiques, qui se fondent toujours sur les mêmes critères depuis plusieurs années, continuent à faire apparaître une perte de compétitivité de notre système, et nous ne pourrons pas faire comme si elles n'existaient pas.

De même, l'enquête PIRLS, à laquelle plusieurs d'entre vous ont fait allusion, ne saurait être considérée comme partiale, car nos propres services d'évaluation y ont participé. Elle a révélé que, s'agissant de l'apprentissage et de la maîtrise du langage des enfants âgés de dix ans, la France se situe en dessous de la moyenne européenne.

Je veux donc dire à Jean-Luc Mélenchon en particulier, qui est un bon connaisseur des choses de l'école et de l'enseignement professionnel - sujet sur lequel je reviendrai tout à l'heure -, que nous ne pouvons pas complètement éluder ces études.

Lundi dernier, je me suis rendu en Finlande. Certes, je sais bien que nos deux pays sont fort différents, et je ne m'aventurerai pas à faire de comparaison sociologique hasardeuse. Mais voilà un pays qui ne scolarise les enfants qu'à l'âge de sept ans, et ce sans préscolarisation, et qui, dans tous les classements d'élèves âgés de dix ans, se retrouve en première position alors que les élèves français, qui sont tous scolarisés à trois ans, se situent parmi les six derniers.

M. Jean-Luc Mélenchon. Combien de femmes travaillent dans ces pays ?

M. Xavier Darcos, ministre. Je ne dis pas le contraire, mais...

M. Jean-Luc Mélenchon. Il y a un rapport entre les deux !

M. Xavier Darcos, ministre. Il n'empêche que, pendant ces trois ans, l'efficacité de l'école est indéniable. Je le répète, comparaison n'est pas raison, car les structures sociales ne sont pas les mêmes, mais ne faisons pas comme si ces statistiques n'existaient pas ! Ne cassons pas le thermomètre au motif que nous ne voudrions pas voir que nous avons de la température ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

J'en viens à l'offre éducative elle-même.

Tous les orateurs qui sont intervenus ont insisté d'une manière ou d'une autre - y compris ceux qui ont exprimé des points de vue critiques sur le budget que je présente - sur la nécessité d'apporter aux élèves en échec scolaire un suivi plus attentif, plus personnel et plus ciblé. Or mon budget s'oriente autour de cette priorité : aider ceux qui en ont le plus besoin.

Contrairement à ce qui a été dit à plusieurs reprises - mais je ne rouvrirai pas la polémique -, l'assouplissement de la carte scolaire participe de cette volonté d'aider les élèves qui en ont le plus besoin, en permettant notamment à ceux qui ne souhaitaient pas être assignés à résidence de changer d'établissement pour augmenter leurs chances de réussite. Je pense en particulier aux nombreuses jeunes filles issues de l'immigration maghrébine, habitant dans certains quartiers périphériques, qui ont demandé à changer d'établissement parce qu'elles avaient le sentiment de moins bien travailler en restant proches de leur cadre familial ou religieux.

En donnant la priorité aux handicapés et aux boursiers, nous avons répondu à une triple exigence de liberté, de justice et de modernité.

Concernant la carte scolaire, un premier bilan peut être dressé : 13 500 demandes supplémentaires ont été déposées durant le délai que j'ai accordé aux familles. Nous avons réussi à satisfaire 77 % des demandes, ce qui correspond à dix points de plus que l'an dernier. On m'a parlé tout à l'heure de justice sociale, je tiens à dire que les principaux bénéficiaires de ces dérogations sont les élèves boursiers. Dans l'académie de Paris, par exemple, 82 % d'entre eux ont reçu une réponse positive à leur demande d'inscription en dehors du secteur de leur établissement scolaire.

M. Yannick Bodin. Et ceux qui restent ?

M. Xavier Darcos, ministre. Je souhaite également rappeler que les établissements qui perdent des élèves conservent cette année les moyens dont ils disposaient précédemment, ce qui leur permettra d'améliorer leurs performances, de mieux organiser leur projet d'établissement et de renforcer leurs actions éducatives. Moins nombreux et mieux encadrés, les élèves de ces établissements pourront ainsi renouer avec la réussite scolaire et rendre à leur établissement une attractivité perdue.

Bien entendu, nous dresserons le bilan de toutes ces nouvelles mesures, en faisant preuve de prudence, mais, à mon avis, la réforme de la carte scolaire a contribué à créer plus de justice.

Je n'insisterai pas sur les nouvelles mesures qui ont été prises en faveur des élèves handicapés, car vous avez tous reconnu l'effort considérable qui y est consacré dans mon budget afin de les accueillir en masse dans le système scolaire. Le nombre d'enfants bénéficiant d'un soutien individuel s'est accru de plus de 10 000 à la rentrée, passant de 28 000 à 38 000.

Par ailleurs, nous avons recruté l'été dernier 2 700 auxiliaires de vie scolaire, ce qui porte à 16 000 le nombre de personnes chargées de l'accompagnement individuel ou collectif des enfants handicapés.

Pour ce qui concerne plus particulièrement certains handicaps, j'ai bien entendu la question pertinente que M. Vasselle a posée à propos des autistes. Pour ne pas prolonger le débat, je propose que nous examinions cette question au sein de la commission des affaires culturelles, si M. Valade en est d'accord.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Volontiers !

M. Xavier Darcos, ministre. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons poursuivi la création des unités pédagogiques d'intégration, dont le nombre devrait atteindre 2 000 d'ici à 2010. Bref, l'accueil des handicapés, qui constitue à nos yeux une priorité, est un dossier qui avance.

La question de la reconnaissance des compétences et de la validation des acquis de l'expérience des auxiliaires de vie scolaire qui accompagnent les jeunes devrait être réglée. Nous allons réfléchir à la création d'une sorte de filière spécifique de l'accompagnement.

En effet, ces personnes qui accompagnent aujourd'hui à l'école des élèves handicapés pourront peut-être poursuivre leur activité professionnelle en accompagnant des personnes dépendantes. Dans le prolongement des travaux parlementaires qui ont été conduits sur ce sujet, notamment par Paul Blanc, nous allons travailler en lien étroit avec Xavier Bertrand.

Je dirai maintenant un mot sur l'accompagnement éducatif, un sujet qui a été abordé par plusieurs d'entre vous.

David Assouline a exprimé des réticences, tandis que d'autres, notamment Philippe Richert, se sont inquiétés d'un transfert potentiel vers les collectivités locales. J'ai entendu un certain nombre de critiques : André Lardeux a craint des mesures de saupoudrage et Ivan Renar a redouté que ce ne soit une manière pour l'État de manquer à ses obligations en matière d'enseignement culturel et artistique.

Au demeurant, David Assouline a utilisé une bonne formule, que je ne conteste pas : ce dispositif permet au fond de régler trois promesses à la fois, l'accompagnement éducatif des orphelins de seize heures, comme l'accompagnement sportif et culturel.

Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, l'essentiel est que ce dispositif fonctionne !

Depuis la rentrée dernière, celui-ci a été mis en place dans les collèges situés dans les zones d'éducation prioritaires. Nous avons enregistré un taux important de satisfaction parmi les familles et les enfants concernés, et le volontariat chez les professeurs est si grand que nous avons plus de volontaires que nécessaire. Je persiste à penser que nous devrions généraliser ce dispositif dès la rentrée prochaine à tous les collèges, voire, si nous trouvons les crédits correspondants, aux écoles primaires.

Le succès est tel que nombre de collèges qui ne se situent pas dans une zone d'éducation prioritaire nous ont demandé de participer immédiatement à cette expérience. C'est ainsi que 267 collèges, qui ne relèvent pourtant pas de l'éducation prioritaire, se sont portés volontaires pour offrir dès maintenant un accompagnement éducatif à leurs élèves.

David Assouline a prétendu que la mise en place de ce dispositif était une manière de prendre de l'argent aux associations. Ce n'est pas exact car, sur les 140 millions d'euros qui y sont consacrés dans le projet de loi de finances, 35 millions d'euros sont destinés à apporter des contributions aux associations.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Oui, un quart !

M. Xavier Darcos, ministre. De même, les 6 000 assistants pédagogiques ne peuvent en aucune matière être considérés comme des éléments de recyclage d'anciens dispositifs ; ce sont des personnels nouveaux que nous avons recrutés pour remplir cette mission.

Je le répète, en dépit des réticences que j'ai entendues, nous nous plaçons vraiment dans un registre qualitatif. Certes, nous devons traiter certaines questions en suspens. Georges Mouly et Alain Vasselle ont parlé notamment des incidences de la mise en place de ce dispositif en milieu rural, en évoquant, par exemple, la question du transport scolaire. Nous en discutons actuellement avec l'Association des régions de France, l'Assemblée des départements de France et l'Association des maires de France. J'ai récemment reçu M. Albéric de Montgolfier, le président du conseil général d'Eure-et-Loir, qui est chargé de ces questions au sein de l'ADF, pour faire avancer ce dossier.

Je dirai maintenant un mot sur la libération du samedi matin et la reconquête du mois de juin.

Ces mesures me semblent de nature à répondre aux besoins actuels des familles. La libération du samedi matin a permis à tout le monde de prendre conscience de la nécessité de permettre au professeur du premier degré de dégager de son temps d'enseignement des heures pour se consacrer aux élèves les plus en difficulté.

Quant à la reconquête du mois de juin, c'est une ambition qui me paraît légitime. Tout à l'heure, Gérard Longuet a souligné que cette mesure représentait 10 % d'enseignement supplémentaire. Certes, mais on peut aller encore plus loin dans la réflexion. Tous les élèves qui sont entrés en sixième dans un collège intégré à un lycée ont connu, tous les ans, les difficultés du mois de juin. Ainsi, lorsqu'ils arrivent en première ou en terminale, on peut considérer qu'ils ont perdu six ou sept mois d'enseignement, soit quasiment une année scolaire sur l'ensemble de leur cursus.

La reconquête du mois de juin constitue donc une nécessité absolue, afin que l'on ne puisse plus nous reprocher de ne pas arriver à boucler les programmes scolaires et, de ce fait, de ne pas aller au terme de nos obligations d'enseignement.

Dans le primaire, vous l'avez tous dit, il est inacceptable que 15 % de nos élèves soient « largués » très tôt. Nous devons les repérer et fixer des priorités méthodologiques.

À cet égard, André Vallet a défendu la méthode syllabique ; Jacques Legendre et Monique Papon ont souligné l'importance des programmes retenus. Pour ma part, je crois qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question de méthode. Tout dépend aussi du milieu, de la famille, de la situation personnelle de chaque enfant et du temps qui lui est consacré. Certains d'entre eux, reproduisant le schéma familial, se retrouvent d'emblée en situation d'échec scolaire.

Si l'on examine le cas des élèves qui, à leur entrée en sixième, ont déjà perdu une année scolaire et sont déjà en situation d'échec, soit entre 18 % et 20 % du total, on s'aperçoit que le déterminisme sociologique est terriblement affirmé. En effet, 3 % d'entre eux sont des fils d'enseignants, 7 % des fils de cadres supérieurs, 26 % des fils d'ouvriers, et 41 % des fils d'inactifs ou de RMIstes. L'échec scolaire dans le premier degré est donc bien marqué par le déterminisme social. Or la mission de l'école républicaine consiste à vaincre cette fatalité, qui n'est pas acceptable pour un républicain.

Ainsi, les deux heures du samedi matin qui seront consacrées aux élèves en difficulté ainsi que l'accompagnement éducatif en fin de journée sont des mesures qui me semblent de nature à lutter contre ces déterminismes sociaux, ainsi que l'a rappelé tout à l'heure Jean-Claude Carle.

J'en viens à la voie professionnelle, qui a soulevé un grand intérêt.

Mme Gonthier-Maurin a abordé d'emblée cette filière, et M. Mélenchon en a parlé longuement. Il est vrai que celui-ci connaît bien ce sujet, car il a été ministre délégué à l'enseignement professionnel. Je ne lui contesterai donc pas la compétence qui est la sienne pour en parler.

M. Xavier Darcos, ministre. Je voudrais simplement dire que cette question suscite beaucoup de fantasmes.

D'abord, je n'ai pas dit qu'il fallait organiser tout de suite tous les baccalauréats professionnels en trois ans ; c'est un projet. À notre avis, ce serait une mesure moderne que de prévoir que le baccalauréat professionnel soit aligné sur les autres, avec un niveau, une durée et une reconnaissance identiques. En effet, de nombreux jeunes qui réussissent leur baccalauréat professionnel souhaitent poursuivre leurs études.

Pour autant, cette perspective ne doit pas casser un système dans lequel des élèves sont souvent en difficulté scolaire. Il ne faudrait pas que cette réduction du temps les conduise à un échec plus grand encore. Nous seront donc très attentifs à la mettre en application progressivement. De toute façon, si nous généralisions le dispositif à partir de la rentrée de 2009, ce ne serait que le baccalauréat de 2013 qui serait concerné. On ne peut donc pas dire que nous travaillions dans la précipitation.

On me dit que le baccalauréat professionnel supprimera le diplôme du BEP. C'est faux, car tout jeune qui s'engagera dans un cursus de baccalauréat professionnel en trois ans pourra passer un BEP au terme de deux ans.

On me dit que le CAP disparaîtra. Non, il sera au contraire renforcé, puisque la loi d'orientation veut assurer à chacun une qualification de niveau V au minimum.

On me dit que faire passer le baccalauréat professionnel en trois ans exclura du système éducatif certains jeunes. C'est faux ; c'est justement le cursus en quatre ans qui paraît aujourd'hui trop long. Ainsi, sur 100 jeunes entrés en BEP en 2003, 39 d'entre eux seulement se sont présentés, quatre ans après, au baccalauréat professionnel. Or il est fréquent que le BEP ne suffise pas à l'insertion professionnelle.

On me dit que toutes les filières professionnelles seront concernées de la même manière. C'est faux, car si mon objectif est bien de conduire 50 % de jeunes en plus au niveau du baccalauréat, l'organisation de nouveaux baccalauréats professionnels en trois ans prendra en considération le niveau de recrutement des branches professionnelles.

On me dit que le baccalauréat en trois ans dévalorisera le diplôme. C'est faux, car les exigences que nous demanderons aux futurs bacheliers professionnels seront les mêmes que celles qui sont actuellement en vigueur. Pour réussir ce tournant majeur, une attention toute particulière sera portée sur l'accompagnement des jeunes.

On me dit enfin que la création des baccalauréats professionnels en trois ans supprimera des sections de lycées professionnels. Bien sûr que non, tout au contraire ! Nous voulons ouvrir des baccalauréats professionnels dans toutes les disciplines.

Bref, je le répète, cette réforme n'est ni brutale ni précipitée. C'est une expérimentation. Je l'ai d'ailleurs indiqué à Jean-Luc Mélenchon, qui avait lui-même envisagé - certes de manière moins systématique - de l'expérimenter dès 2001. Nous avons cinq ans devant nous pour la mettre en place.

En outre, il n'est pas exact de dire que j'ai l'intention de pousser les élèves vers l'apprentissage. Bien au contraire ! J'ai d'ailleurs moi-même décidé de revenir sur l'apprentissage junior parce que je craignais qu'il ne se situe hors de l'obligation scolaire.

J'en viens à l'orientation, dont tout le monde a souligné l'importance. L'occasion me sera fournie, à la fin du premier semestre 2008, lorsque je vous soumettrai mes propositions sur l'évolution du lycée, de faire un exposé plus complet sur cette question très complexe, considérée comme un élément central de la réforme que je prépare.

Sur les langues, j'ai bien entendu ce que m'ont dit, entre autres, Nathalie Goulet, qui a évoqué la question de certaines langues « rares », ou du moins peu enseignées dans nos établissements, Alain Vasselle, qui a rappelé l'importance de l'enseignement précoce des langues vivantes, ou encore Colette Mélot, qui a émis l'idée d'une initiation à deux langues vivantes dès la cinquième.

Nous travaillons avec les associations intéressées pour favoriser l'enseignement des langues vivantes et, en ce qui concerne le premier degré, l'utilisation des visioconférences pour un enseignement précoce des langues vivantes par des « locuteurs natifs ».

Monsieur Virapoullé, nous ne pouvons que vous encourager dans la mise en place d'un collège de la vocation à la Réunion. Cela constituera un laboratoire susceptible d'être exploité ensuite en métropole.

Pour conclure, puisque je m'étais engagé à ne pas parler plus de vingt-cinq minutes, je dirai que nous nous appuierons, bien sûr, sur les enseignants eux-mêmes, car il n'y a pas de réussite scolaire possible sans eux. Voilà pourquoi, dès les premiers jours de l'année 2008, nous réfléchirons ensemble à la façon de mieux valoriser, respecter, rémunérer et replacer au coeur de la société française les enseignants, sans qui cette réforme serait impossible. En effet, les ministres passent, mais les professeurs restent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. David Assouline applaudit également.)

Un sénateur du groupe CRC. Les problèmes aussi !

Enseignement scolaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B (interruption de la discussion)

M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la précision et de la concision de vos réponses, les deux n'étant pas incompatibles.

Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Enseignement scolaire

59 280 578 336

59 226 745 383

Enseignement scolaire public du premier degré

16 658 167 502

16 658 167 502

Dont titre 2

16 590 368 615

16 590 368 615

Enseignement scolaire public du second degré

28 343 538 532

28 343 538 532

Dont titre 2

28 163 991 628

28 163 991 628

Vie de l'élève

4 012 321 437

4 012 321 437

Dont titre 2

2 043 377 322

2 043 377 322

Enseignement privé du premier et du second degrés

6 882 646 654

6 882 646 654

Dont titre 2

6 156 989 678

6 156 989 678

Soutien de la politique de l'éducation nationale

2 081 640 537

2 069 867 584

Dont titre 2

1 295 063 570

1 295 063 570

Enseignement technique agricole

1 302 263 674

1 260 203 674

Dont titre 2

838 030 704

838 030 704

M. le président. L'amendement n° II-131, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

 

 

 

 

Vie de l'élèveDont Titre 2

 

149 742 199

149 742 199

 

149 742 199

149 742 199

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

 

3 250 6663 099 267

 

3 250 6663 099 267

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

 

12 874 95212 848 072

 

12 874 95212 848 072

TOTAL

165 867 817

165 867 817

SOLDE

-165 867 817

-165 867 817

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Le présent amendement vise à tirer les conséquences, sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », de l'ajustement du droit à compensation des transferts aux régions et aux départements effectué lors de l'examen des articles 13 et 14, en première partie du projet de loi de finances pour 2008.

La correction de la compensation correspond au transfert de 5 137 personnels TOS et gestionnaires de TOS supplémentaires de l'éducation nationale et de 509 personnels TOS de l'enseignement technique agricole.

Ces personnels ont opté pour l'intégration ou un détachement dans la fonction publique territoriale. Le transfert de ces personnels n'avait pas pu être pris en compte au moment de l'élaboration du projet de loi de finances, compte tenu des délais d'exercice du droit d'option.

Conformément à ce qui a été expliqué lors du vote de la première partie, il est prévu de gager cet ajustement du droit à compensation par une annulation de crédits sur les programmes « Vie de l'élève », « Soutien de la politique de l'éducation nationale » et « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire » correspondant au montant des dépenses de rémunération, de fonctionnement, d'aide sociale et de recrutement de ces personnels, soit 165 867 817 euros.

Au total, 31 984 emplois de TOS et de gestionnaires de TOS de l'éducation nationale et 1 497 emplois de TOS de l'enseignement technique agricole sont transférés en 2008.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission n'a pas eu l'occasion d'examiner cet amendement. Toutefois, je puis indiquer en son nom qu'elle y aurait été favorable, car il coule de source ; il est l'application de la loi du 13 août 2004.

Je saisis cette occasion pour vous adresser une demande, monsieur le ministre : pourriez-vous présenter un tableau sur la répartition des TOS par région, les régions ne correspondant pas tout à fait aux académies ? Cela nous permettrait de suivre ces personnels, bien qu'ils aient été transférés aux départements et aux régions, et de savoir comment ces collectivités ont, en définitive, géré ces effectifs.

M. Xavier Darcos, ministre. Nous préparerons un tel tableau.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-131.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC s'abstient.

M. Jean-Marc Todeschini. Le groupe socialiste également.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-22, présenté par M. Longuet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

Dont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degré

Dont Titre 2

 

24.000.000

0

 

24.000.000

0

Vie de l'élève

Dont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement privé du premier et du second degrés

Dont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationale

Dont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricole

Dont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

24.000.000

 

24.000.000

SOLDE

-24.000.000

-24.000.000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Il s'agit d'un amendement d'appel, monsieur le ministre. Nous souhaitons en effet savoir comment vous gérez les crédits de rémunération concernant les vacations.

Nous constatons que les crédits consommés en 2006 se sont élevés à 63 ,8 millions d'euros. Vous nous proposez de passer de 25 millions d'euros à 49 millions d'euros entre le budget de 2007 et le budget de 2008. Cela nous semble vraiment difficile à comprendre pour quelqu'un qui n'est pas familiarisé avec les arcanes de cette gestion !

Nous mesurons parfaitement la nécessité, pour l'éducation nationale, de bénéficier d'une certaine flexibilité. Le système des vacations, qui permet de payer des heures de travail en dehors de tous les systèmes contractuels, donne assurément une telle souplesse. Mais, là encore, nous n'avons ni continuité dans le temps, ni répartition géographique, et les variations sont spectaculaires !

Aussi, monsieur le ministre, pour attirer votre attention sur la gestion de ces crédits, nous vous proposons d'« abattre » les autorisations d'engagement et surtout les crédits de paiement de 24 millions d'euros, afin de revenir aux montants figurant dans le budget précédent. Mais notre souhait est avant tout de savoir comment ces crédits sont gérés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, si nous inscrivons ces crédits, c'est effectivement parce qu'ils constituent un élément de souplesse dans notre budget, qu'ils nous permettent de répondre aux besoins ponctuels en cas d'absences ou de services complémentaires à accomplir.

Nous ne pouvons pas savoir à l'avance si les académies choisiront de mobiliser les heures supplémentaires ou les vacations. Pour éviter de rencontrer des difficultés lorsque la situation nécessiterait d'utiliser de tels crédits, nous avons souhaité abonder cette ligne budgétaire.

Je comprends évidemment la préoccupation du législateur, qui veut être informé. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement et, dans le cadre de la loi de règlement, je présenterai, sous la forme d'un tableau très clair, la façon dont ont été ventilés ces crédits.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !

M. le président. Accédez-vous à la demande du Gouvernement, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Là encore, je ne peux préjuger le sentiment de la commission. Je sais seulement qu'elle souhaite d'autant plus avoir des explications que le Gouvernement entend développer les heures supplémentaires, politique que nous soutenons.

Vous voulez, à juste titre, que les enseignants qui ont la possibilité et la volonté de travailler plus gagnent plus et apportent ainsi, par leur engagement, des réponses à des besoins qui sont en effet souvent imprévisibles. Cependant, au moment même où vous augmentez de façon significative les heures supplémentaires, vous augmentez en même temps les vacations !

Il est vrai aussi que vous augmentez les vacations parce que les crédits évaluatifs que vous aviez envisagés pour 2006 ont été largement dépassés ! Nous pouvons donc comprendre que vous vous donniez une marge de manoeuvre.

Si vous vous engagez à présenter ce bilan explicatif lors de l'examen de la loi de règlement, nous pouvons accepter le retrait de cet amendement.

M. Xavier Darcos, ministre. Je vous remercie.

M. le président. L'amendement n° II- 22 est retiré.

L'amendement n° II-20, présenté par M. Longuet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

Dont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degré

Dont Titre 2

 

 

 

 

Vie de l'élève

Dont Titre 2

 

8.000.000

0

 

8.000.000

0

Enseignement privé du premier et du second degrés

Dont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationale

Dont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricole

Dont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

  8.000.000

 

8.000.000 

SOLDE

-8.000.000

-8.000.000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Cet amendement est le plus important, non pas tant par la somme en jeu, qui n'est que de 8 millions d'euros, mais que par les principes qui le sous-tendent.

Monsieur le ministre, les crédits que nous visons sont un héritage ancien. En effet, c'est en 1926 que le ministère de l'instruction publique a décidé de créer un chapitre « remises de principe ». Elles permettaient au ministre de l'instruction publique, via les inspecteurs d'académie ou le rectorat, d'accorder des soutiens financiers pour alléger les dépenses d'internat ou de demi-pension des familles nombreuses, et cela sans considération de leur revenu.

La date parce est importante : à l'époque, en effet, il n'existait pas d'allocations familiales ni, de manière générale, de politique de soutien à la famille. La création de ce chapitre laissait entrevoir ce que pourrait être ce soutien, mais la politique familiale n'allait prendre forme qu'à partir de 1934, pour se développer ultérieurement.

En 1963, est pris un décret sous l'empire duquel nous vivons encore aujourd'hui. Il donne toujours à votre administration, à travers les rectorats et les inspections académiques, la possibilité d'apporter ce soutien familial. Toutefois, entre-temps, deux événements importants sont survenus.

Le premier est la mise sur pied d'une politique de soutien à la famille. Conformément à ce qui avait été établi en 1926, elle est, pour une assez large part, indépendante des revenus.

Dans le même esprit et dans le sillage de la loi Fillon, très récemment, nous avons mis en place un système de bourses à la qualité qui est également indépendant des revenus.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Raymond Poincaré et François Fillon, même combat ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Belle référence historique ! Merci, monsieur Marini !

La politique de la famille, certes insuffisante, comme toutes les politiques de redistribution, est actuellement forte, riche et même généreuse.

Le second événement important est la décentralisation, qui a transféré la responsabilité de l'hébergement, l'internat, et surtout de la demi-pension. Après les communes, les départements et les régions se sont trouvées concernées.

La situation actuelle est donc quelque peu paradoxale. Les crédits de l'État sont destinés à aider les familles nombreuses sans considération de revenu, alors que les tarifs décidés par les départements et par les régions sont tels qu'ils rendent parfois difficile l'accès aux cantines, notamment pour les familles nombreuses. Par conséquent, le système est pervers, car l'État vient suppléer à une politique des départements et des régions fondée sur la méconnaissance des besoins des familles !

Au demeurant, on voit très souvent des communes préconiser la gratuité - et c'est une évolution dont nous pourrions discuter longuement ! - tandis que les conseils généraux, qui ont repris en charge la tarification des cantines, s'efforcent de mettre en oeuvre des politiques cohérentes à l'échelon départemental, ce qui n'était pas le cas avant puisque les tarifs variaient selon les établissements. Et j'imagine que les régions auront le même souci.

Si nous ne transférons pas ces crédits aux régions, nous prenons le risque de voir les différentes collectivités maintenir des coûts élevés et conseiller aux familles nombreuses de faire jouer, en cas de difficulté, un certain article de la loi de finances...

C'est la raison pour laquelle la commission des finances s'est proposé de supprimer ces crédits, considérant que c'était désormais aux collectivités décentralisées de prendre en charge l'aide aux familles nombreuses.

C'est bien gentil, me direz-vous, monsieur le ministre, de supprimer ces 8 millions d'euros mais, faute d'abondement - ce que nous venons justement de faire par le transfert aux collectivités - vous ne réglez rien ! En réalité, nous laissons une marge de manoeuvre.

J'ai presque envie de dire que nous pourrions laisser l'amendement en l'état. Ces crédits sont inscrits au programme « Vie de l'élève » pour un budget global de 800 millions d'euros. Si ce n'est pas la bonne ligne, il y en a certainement une autre, mais, comme nous ne savons pas laquelle en cet instant, nous préférons nous en tenir à cet amendement. Il a au moins le mérite de mettre fin à un système qui n'est plus justifié en raison de l'existence d'une politique familiale et de la responsabilité qu'ont désormais les collectivités locales. Ce n'est plus à l'État de prendre directement ce système à sa charge. C'est pourquoi nous supprimons ces crédits.

Si l'État veut faire quelque chose au profit des collectivités, il lui est loisible d'augmenter les transferts aux collectivités locales. Il y aura toujours ici des collègues pour le souhaiter, voire pour le demander !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Cet amendement embarrasse quelque peu le Gouvernement !

En effet, ces remises de principe permettent quand même à des familles de plus de deux enfants de se voir accorder des réductions de tarifs auxquelles, qu'on le veuille ou non, elles n'auraient plus droit. De plus, cette aide familiale est indépendante du revenu, alors que les mécanismes sociaux mis en place par les collectivités en tiennent compte.

L'État accorde cette aide depuis 1963. Plutôt que de retirer sèchement 8 millions d'euros à destination des familles, j'aurais préféré que l'on procède à une petite enquête préalable afin de savoir si ce dispositif d'aide familiale est redondant avec d'autres mécanismes, s'il correspond ou non à l'action des CNAF, comment s'organisent les collectivités locales, etc.

Étant plutôt sceptique quant à l'effet sur l'opinion que pourrait susciter cet amendement, je ne peux que m'en remettre à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'amendement n° II-131, que vous avez présenté tout à l'heure, monsieur le ministre, était un amendement de conséquence. Tel est également le cas de l'amendement n° II-20, puisque, en votant l'article d'équilibre lors de l'examen de la première partie, nous en avons anticipé l'adoption. En effet, les transferts aux collectivités territoriales prennent en compte les dispositions qu'il prévoit.

Lors de l'examen de la première partie, nous avons également longuement discuté des dotations aux collectivités territoriales. Dans ce cadre, nous nous sommes efforcés, avec M. le rapporteur général, de mettre au point un dispositif ...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela m'a donné bien de la peine !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Une peine considérable, que nous avons partagée !

Nous étions donc convenus d'un ensemble de dispositions visant à éviter le caractère « abrasif » des variables d'ajustement que le Gouvernement avait mobilisées, telles que la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, et le fonds de compensation des exonérations de taxe sur le foncier non bâti, pour les départements.

Ce dispositif permet de préserver un montant de 103 millions d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général. En fait, 113 millions d'euros !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Or ce montant tient compte des 8 millions d'euros visés par cet amendement.

Oserai-je dire que le Sénat a déjà voté cette disposition ?

Même si vous ne devez pas vous sentir tenus à quoi que ce soit, mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons anticipé l'adoption de cet amendement, en votant les crédits destinés aux collectivités territoriales.

Pardonnez-moi, monsieur le ministre, d'exercer cette pression, mais les collectivités territoriales doivent assumer - en voici une raison supplémentaire - toutes les conséquences des transferts de compétences.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Je remercie M. le président de la commission des finances de ce rappel.

Il est en effet très important de reconnaître que, si les collectivités décentralisées, qui ont la charge de l'hébergement et de la demi-pension, assument, comme je le souhaite profondément, cette responsabilité nouvelle, la première partie du projet de loi de finances leur en donne les moyens. Puisqu'elles ont l'argent du beurre, il faut maintenant qu'elles mettent le beurre sur les tartines ! (Sourires.)

M. Xavier Darcos, ministre. Quelle métaphore !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-21, présenté par M. Longuet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

22.000.000

22.000.000

 

22.000.000

22.000.000

 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

 

22.000.000

22.000.000

 

22.000.000

22.000.000

Vie de l'élèveDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

  22.000.000

  22.000.000

  22.000.000

22.000.000 

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, vous avez provisionné des crédits non négligeables pour la revalorisation de la condition enseignante, dans le sillage des travaux de la commission présidée par M. Pochard, en les affectant exclusivement à l'enseignement secondaire.

Nous souhaiterions partager cette somme au prorata des effectifs entre l'enseignement secondaire et l'enseignement primaire, pour être certains que, dans la politique de revalorisation de la condition enseignante, le primaire ne sera pas oublié. Cela étant, je pense que cette présentation avait été adoptée pour des raisons de commodité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. C'est en effet dans un souci de traçabilité et de lisibilité que nous avons regroupé les crédits relatifs aux mesures de revalorisation de la fonction enseignante dans un seul programme.

Selon vous, monsieur le rapporteur spécial, il s'agit de crédits non négligeables. Pourtant, 47 millions d'euros pour un million de personnes, cela n'a tout de même rien d'extraordinaire !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est un début !

M. Xavier Darcos, ministre. Il s'agissait d'éviter de « préempter » les décisions ou de préaffecter des crédits, alors que nous ne connaissons pas encore les conclusions de la commission présidée par M. Pochard.

Pour ma part, je ne vois pas d'obstacle à ce que ces crédits soient répartis entre le premier et le second degré. J'avoue cependant être un peu embarrassé pour y procéder de manière totalement objective. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement, qui vise à affecter une moitié de cette somme à l'enseignement primaire et l'autre moitié à l'enseignement secondaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-21.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire » figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quinze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 33 et Etat B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale

4

Nomination des membres d'une commission commune d'information

M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la mission d'information commune sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque.

La liste des membres de cette mission, désignés à partir des propositions des groupes politiques pour les commissions des affaires sociales et des finances, a été affichée.

Il n'y a pas d'opposition ?...

En conséquence, sont déclarés membres de la mission d'information commune : MM. Jean-Paul Amoudry, François Autain, Paul Blanc, Mme Claire-Lise Campion, MM. Auguste Cazalet, Bernard Cazeau, Jean-Pierre Demerliat, Mmes  Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Eric Doligé, Mme Bernadette Dupont, MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy, Charles Guené, Claude Haut, Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. André Lardeux, Dominique Leclerc, Philippe Marini, Michel Mercier, Alain Milon, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Georges Mouly, Henri de Raincourt, Mme Michèle San Vicente-Baudrin, MM. François Trucy et Alain Vasselle.

5

Article 33 et Etat B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Deuxième partie

Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Sécurité

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2008.

Sécurité

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 48 octies

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité » et l'article 48 octies.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je souhaite tout d'abord souligner que la mission « Sécurité » constitue, depuis la mise en oeuvre de la LOLF, l'un des exemples les plus aboutis de travail interministériel.

La création des groupes d'intervention régionaux, les GIR, composés à parité de policiers et de gendarmes, constitue probablement l'une des réussites les plus probantes sur le terrain.

Du point de vue logistique, la mise en commun de moyens se concrétise, elle aussi, de plus en plus fréquemment, par des soutiens croisés entre la police et la gendarmerie, ainsi que par la passation de marchés publics communs pour la réalisation de divers équipements.

Les progrès sur la voie de l'interministériel sont réalisés non pas au détriment des identités respectives des deux forces, mais dans le respect de leurs spécificités.

La mission « Sécurité » est dotée de 15,9 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 1,8 % par rapport à l'exercice précédent. Les dépenses en personnel en constituent l'essentiel, avec 13,4 milliards d'euros, soit 84,6 % de l'ensemble des crédits de paiement.

Je tiens cependant à rappeler que les moyens supplémentaires ne constituent pas une fin en soi. Ils ne se conçoivent que dans un souci de performance et d'efficacité.

La baisse de la délinquance, sous toutes ses formes, constitue certainement le premier objectif de la mission. De ce point de vue, on observe, en 2007, un recul de la délinquance, compris entre 1 % et 2 %, en zone police comme en zone gendarmerie. Au total, le nombre de crimes et délits constatés est passé de 3 775 838 en 2005 à 3 725 588 en 2006, soit une baisse de 50 250 faits constatés.

Parallèlement, le taux d'élucidation global a enregistré une progression sensible en 2006, pour atteindre 31,6 % en zone police et 41,4 % en zone gendarmerie.

Les tout récents épisodes de violences urbaines, à Villiers-le-Bel, viennent toutefois rappeler l'importance d'une réflexion pragmatique sur la police de proximité.

Longtemps moins efficace, car s'en tenant à une vision trop dogmatique, la police a dû s'adapter et répondre au plus près aux attentes des populations et des élus, au premier rang desquels les maires.

Appuyons-nous sur les faits pour évaluer la police de proximité. L'expérience a démontré que la police ne peut ni se confondre avec l'animation sociale ni se réduire à un îlotage statique trop passif, comme ce fut le cas jusqu'en 2002.

Je souligne, cette année encore, le coût en personnel des escortes et des gardes de détenus par la police et la gendarmerie : ces opérations doivent être soit assurées par l'administration pénitentiaire, soit facturées à cette dernière.

Je veux insister sur la dimension internationale - par le biais du service de coopération technique internationale de police, le SCTIP -, car elle est essentielle à cette mission.

Le savoir-faire, l'expérience et la maîtrise technologique des forces de sécurité françaises constituent un atout à valoriser dans le contexte international. En effet, la coopération en matière de sécurité permet souvent de traiter certains problèmes en amont et elle constitue un moyen d'inciter des pays dont les méthodes de maintien de l'ordre sont d'une autre époque à traiter ces problèmes de façon adaptée et à mettre ainsi en place des pratiques mises en oeuvre par les démocraties. De surcroît, cette coopération, lancée par le SCTIP, améliore l'image de ces pays et leurs relations internationales.

Le programme « Police nationale » comporte 8,4 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2,3 %.

La création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement s'est accompagnée du transfert des crédits relatifs à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière et à la rétention administrative - fonctionnement des centres et locaux de rétention administrative, fonctionnement des zones d'attente, dépenses de laissez-passer consulaires, frais d'interprétariat, ou autres - vers le programme « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » nouvellement créée. Le montant de ces crédits s'élève à 65,4 millions d'euros.

Le plafond d'emplois de ce programme est fixé à 148 565 emplois équivalents temps plein travaillé en 2008, soit une réduction de 1 253 ETPT par rapport à 2007.

Au regard des effectifs, le taux de réalisation de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, est satisfaisant. Il atteint 95,4 % avec 6 200 emplois créés, dont 4 200 emplois de fonctionnaires actifs.

Globalement, on constate une sur-réalisation de la LOPSI au regard des crédits de fonctionnement et d'équipement, avec un taux de réalisation de 163 %, et une sous-réalisation de la LOPSI au regard des dépenses d'investissement, avec un taux de réalisation est de 80 %.

Une enveloppe de 18,8 millions d'euros vise à couvrir les aspects indemnitaires de la réforme des corps et des carrières de la police nationale, notamment à accompagner le passage des officiers de police à un régime de cadre.

L'apurement du stock des heures supplémentaires, évalué à 5,2 millions d'heures, s'intègre dans la politique qui vient d'être définie par le Président de la République. Pour parvenir à cet objectif, le choix a été laissé aux officiers entre un paiement de ces heures, dans une limite de cent heures en 2007 et 2008, ou une récupération du temps de travail : 47 %, ont opté pour le paiement des heures.

En outre, l'année 2008 sera marquée par la fusion de la direction de la surveillance du territoire, la DST, et de la direction centrale des renseignements généraux, la DCRG, dans une direction centrale du renseignement intérieur, la DCRI. Cette rationalisation est souhaitée depuis longtemps.

Alors que le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales envisage de recourir de manière accrue à la vidéosurveillance, on ne peut qu'approuver le développement de cette technologie, dès lors que son déploiement est respectueux des droits et des libertés individuelles. Mais il faut insister sur le rôle majeur qu'elle a joué, par exemple, dans l'élucidation des attentats commis à Londres en 2005 et dans la réactivité des forces de police anglaises face aux tentatives d'attentats.

Le programme « Gendarmerie nationale » comporte 7,4 milliards d'euros de crédits de paiement, soit un léger recul, de 0,58 %.

Le plafond d'emplois s'élève, quant à lui, à 101 136 ETPT, en diminution de 965 ETPT par rapport à 2007.

Le présent projet de loi de finances est donc placé, pour la gendarmerie, sous le signe du maintien de l'effort budgétaire et il s'inscrit dans la politique générale de maîtrise des dépenses de l'État.

Si certaines interrogations ont récemment pu se faire jour au sujet du maintien du statut militaire de la gendarmerie, ce dernier n'est cependant pas remis en cause et semble préserver son attractivité. Un équilibre relativement satisfaisant a été atteint entre le statut de la police et celui de la gendarmerie, comme semble en témoigner le retour dans la gendarmerie de six gendarmes sur les sept qui étaient partis l'année dernière dans la police nationale.

Pour autant, il conviendra de se montrer vigilant dans les mois à venir sur la situation morale des gendarmes. Une dégradation sensible de leur moral est perceptible, en dépit des efforts budgétaires réalisés au cours des dernières années ; elle a certainement pour origine la disponibilité permanente des gendarmes. La qualité des logements mis à leur disposition, en compensation notamment de cette disponibilité, constitue un moyen pour atténuer, voire gommer les tensions observées.

L'exécution de la LOPSI a, par ailleurs, permis une remise à niveau de la gendarmerie nationale et son taux de réalisation finale en matière d'emploi s'élève à 86,4 %.

Au cours de l'exécution de la LOPSI, le fonctionnement courant, tel que les dépenses d'informatique, les uniformes, les armes, en bref tout ce qui était indispensable, a été privilégié au détriment de l'investissement.

Un tel arbitrage préjudiciable peut aussi s'expliquer par la nécessité d'apurer, sur la période de programmation, un stock de dettes relatives au paiement des loyers pour les casernes, le poids de ce poste de dépense s'étant par ailleurs trouvé mécaniquement alourdi par la tendance à la hausse des prix de l'immobilier au cours des dernières années.

Un aspect important de ce programme doit, en outre, être souligné : plus de 70 % du parc domanial de la gendarmerie a dépassé les vingt-cinq années d'existence. Ce parc souffre aujourd'hui d'un niveau de vétusté en décalage avec le parc des collectivités locales ou le parc locatif hors casernes et nécessite une remise à niveau.

À cet égard, le financement du développement et de la modernisation du parc immobilier de la gendarmerie s'appuie de manière croissante sur les partenariats public-privé, via le recours à des opérations sur bail emphytéotique administratif. S'il présente de nombreux avantages, ce mode de financement induit néanmoins un surcoût lié à la prime de l'opérateur privé, d'autant plus élevée que la concurrence est réduite dans ce secteur.

Enfin, l'exercice des missions militaires hors du territoire continental de la métropole pèse significativement sur la disponibilité de la gendarmerie mobile. Au 1er juillet 2007, la gendarmerie nationale déployait ainsi 502 militaires en opérations extérieures, les OPEX, dont un escadron de gendarmerie mobile au Kosovo, pour un coût total en 2007 de 7,8 millions d'euros, et deux escadrons en République de Côte d'Ivoire, pour un coût de 6,6 millions d'euros.

Considérant ce bilan comme plutôt satisfaisant, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2008 est un budget de transition. Il survient au terme de l'exécution satisfaisante de la LOPSI et avant l'examen de la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2.

C'est aussi sans doute le dernier budget de la gendarmerie nationale à être placé sous la responsabilité du ministre de la défense. Déjà, le décret du 31 mai 2007 avait confié conjointement au ministre de l'intérieur et au ministre de la défense la définition et le suivi des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie.

Budget de transition, le budget pour 2008 est aussi un budget de consolidation de la LOPSI. Il prolonge la plupart des grandes orientations de la politique de sécurité comme la réforme des corps et des carrières ou le projet ACROPOL.

Dans un contexte budgétaire désormais contraint, y compris pour les forces de sécurité intérieure, ce budget donne à la police et à la gendarmerie les moyens d'exercer leurs missions. Il les invite également, plus encore que par le passé, à faire mieux à moyens quasi constants.

En 2008, l'effort budgétaire consacré à la mission « Sécurité » connaîtra une augmentation modérée de 1,8 %, l'essentiel de la hausse portant sur le programme « Police nationale ». Toutefois, le plafond d'autorisation d'emplois s'établit à 148 565 emplois EPTP en 2008, soit une baisse de 1 253 ETPT par rapport à 2007.

La réduction de ce plafond porte essentiellement sur les adjoints de sécurité ; elle entérine les difficultés chroniques pour recruter cette catégorie de personnels.

À cet égard, madame le ministre, pouvez-vous nous dire si le dispositif des adjoints de sécurité va être modifié pour le rendre plus attractif, notamment en renforçant sa composante « cadets de la police nationale » ? À défaut, quel est, selon vous, le point bas en deçà duquel le fonctionnement des services serait gêné par la suppression d'adjoints de sécurité ?

La révision générale des politiques publiques, lancée lors du conseil des ministres du 20 juillet 2007, devrait permettre de dégager de nouvelles pistes de réformes visant à renforcer l'efficacité des forces de sécurité. Toutefois, j'attire votre attention, madame le ministre, sur la nécessité de fixer rapidement un cap et de clarifier les principales réformes envisagées.

Les syndicats de police que j'ai entendus ont indiqué que les personnels étaient déstabilisés par les rumeurs circulant en permanence. Les policiers, les gendarmes ainsi que les personnels de soutien administratif et technique sont prêts à accepter de nombreuses réformes à la condition de ne pas rester dans une incertitude prolongée.

Ce budget, tout comme les réformes annoncées dans le cadre de la future LOPPSI 2, devrait permettre de voir se poursuivre la baisse de la délinquance pour la sixième année consécutive.

Cette année encore, les chiffres de la délinquance sont globalement bons. Avec 3 725 588 faits constatés par l'ensemble des services de police et des unités de gendarmerie, l'année 2006 a vu un recul de la criminalité et de la délinquance de 1,33 %. Au premier semestre 2007, la baisse de la criminalité et de la délinquance s'accélère et s'établit à 2,53 %. En outre, une inflexion de tendance est peut-être en train de se dessiner pour les crimes et délits contre les personnes.

Madame le ministre, au seuil de la future LOPPSI 2, quels sont les nouveaux défis ?

Les effectifs de la police et de la gendarmerie ont atteint un niveau suffisant. Il s'agit désormais d'optimiser leur emploi.

Outre le développement de la police scientifique et technique, sur lequel je ne reviendrai pas - j'avais déjà fait un point particulier sur ce sujet l'année dernière -, deux leviers de réforme importants devraient être actionnés très rapidement.

À dire vrai, ils avaient déjà été explorés par la LOPSI. Mais force est de constater que nous ne sommes pas allés assez loin. Il convient désormais de recentrer les policiers et les gendarmes sur le coeur des missions de sécurité, d'une part, en recrutant plus de personnels administratifs, d'autre part, en réduisant le volume des tâches dites « indues », notamment les transfèrements et les extractions.

La commission en avait déjà débattu l'année dernière. Personnellement, je reste convaincu que la solution consiste à appliquer le principe du prescripteur-payeur.

La police et la gendarmerie nationales disposent de trop peu de personnels administratifs chargés d'effectuer les tâches administratives et de gestion - respectivement 11 % et 5 % de l'ensemble des effectifs - par rapport aux polices des autres pays européens. Or la rémunération d'un fonctionnaire de police actif occupant un emploi administratif est, à grade équivalent, 30 % supérieure à celle d'un administratif.

Il nous faut donc aller plus loin. Le projet de budget pour 2008 poursuit l'effort avec le recrutement annoncé de 700 personnels administratifs, techniques et scientifiques. Toutefois, le taux de substitution entre des personnels actifs et des personnels administratifs est difficile à appréhender. Par ailleurs, les syndicats remarquent chaque année que l'expression « personnel administratif » recouvre le recrutement de personnels non administratifs au sens strict comme des psychologues ou des infirmières.

Madame le ministre, pouvez-vous nous indiquer les prévisions à court et moyen terme de recrutement de personnels exerçant des fonctions purement administratives ou de gestion ? Pouvez-vous nous indiquer également le nombre de policiers actifs qui pourront ainsi être redéployés sur le terrain ?

Enfin, je souhaiterais dire quelques mots sur les forces mobiles et sur leur devenir.

Depuis 2002, le métier des CRS et des gendarmes mobiles a beaucoup évolué pour faire face aux nouvelles formes de la délinquance, à tel point que le maintien de l'ordre public a représenté moins de la moitié de l'activité des CRS en 2006.

Plusieurs questions se posent : le format des forces mobiles est-il le bon ou faut-il le réduire ? Le rapprochement entre CRS et gendarmes mobiles doit-il être renforcé, et jusqu'où ?

J'estime que, dans le cadre d'un débat budgétaire, la réflexion devrait porter d'abord sur la juste utilisation des forces mobiles plutôt que sur le juste format des forces mobiles. Pour de petites manifestations sur la voie publique, le nombre d'hommes déployés est souvent excessif.

Lors de votre audition par la commission des lois, madame le ministre, vous avez indiqué que la création d'une vingtaine de compagnies d'intervention à compétence zonale était à l'étude. L'évaluation des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif pourrait aboutir à prélever des personnels des CRS. Nous aimerions que vous précisiez les modalités selon lesquelles cette réforme pourrait être mise en oeuvre. Par ailleurs, quelles pistes de rapprochement des CRS et des gendarmes mobiles sont envisagées, notamment pour mutualiser des moyens matériels ? Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour mieux maîtriser les coûts d'hébergement des forces mobiles ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable quant à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je vous prie par avance de m'excuser de rappeler un certain nombre de chiffres que vous connaissez par ailleurs, mais qui illustreront mon propos.

Le budget de la gendarmerie pour 2008 est marqué par une légère diminution de ses crédits. Les autorisations d'engagement pour 2008 sont de 7,7 milliards d'euros, contre 7,9 milliards d'euros en 2007, soit une baisse de 2,5 %. Les dépenses de personnel et de fonctionnement progressent légèrement, alors que les crédits d'investissement connaissent une diminution sensible, avec une baisse de l'ordre de 30 %.

Ainsi, les objectifs de la LOPSI ne seront que partiellement atteints pour la gendarmerie, avec un taux de réalisation inférieur à celui de la police nationale.

Sur les 7 000 emplois supplémentaires prévus dans la gendarmerie pour la période 2003-2007, seuls 6 050 auront été réalisés : il restera donc un déficit de 950 postes.

En matière d'investissement, la gendarmerie aura bénéficié à la fin de l'année 2008 de 728 millions d'euros en crédits de paiement sur une cible de 1 020 millions d'euros, soit un taux de réalisation de 70 %. Cette enveloppe lui aura permis de réaliser plusieurs programmes d'investissement, comme l'achat de nouvelles tenues et de pistolets automatiques, ou encore d'assurer le remplacement des hélicoptères. En revanche, on peut regretter que l'acquisition des nouveaux véhicules blindés soit une nouvelle fois reportée, de même que l'achat de fusils-mitrailleurs et de caméras thermiques.

La question des rémunérations reste aussi un sujet sensible pour les gendarmes, qui constatent un décalage croissant avec les policiers, alors qu'on leur demande souvent de faire le même métier.

Le Haut comité d'évaluation de la condition militaire a ainsi relevé, dans son rapport de février 2007, un décalage récurrent et une différence de traitement entre gendarmes et policiers.

Enfin, l'état général des casernes de la gendarmerie demeure préoccupant, l'immobilier ayant trop souvent servi, au cours des différentes législatures, de variable d'ajustement.

Cette question pèse lourdement sur les conditions de travail et la qualité de vie des militaires, ce qui n'est pas sans effet sur leur moral.

Dans ce contexte, on peut comprendre que la proposition de supprimer entre 8 000 et 10 000 emplois de policiers et de gendarmes et de dissoudre la moitié des brigades de gendarmerie, proposition formulée par M. Pierre Mongin dans le cadre de la revue générale des politiques publiques et relayée par plusieurs journaux, ait provoqué un certain émoi.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Il n'est plus là !

M. Charles Gautier. Ne votez pas les crédits !

M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Peut-être pouvez-vous nous dire, madame le ministre, ce que vous pensez de ces suggestions ?

J'en viens maintenant à la question du rapprochement entre la police et la gendarmerie.

La police et la gendarmerie ont développé de nombreuses synergies, notamment avec la mise en place des groupes d'intervention régionaux.

Depuis 2002, la gendarmerie a été placée pour emploi auprès du ministre de l'intérieur pour l'exercice des missions de sécurité intérieure et, depuis mai dernier, il existe une responsabilité conjointe du ministère de la défense et du ministère de l'intérieur s'agissant de la définition de l'utilisation des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie nationale et de son suivi.

Il reste toutefois des progrès à accomplir en matière de mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie.

À titre d'illustration, bien que la gendarmerie dispose d'un réseau de radiocommunication appelé RUBIS, la police nationale a choisi de développer son propre réseau, ACROPOL. Or ces deux réseaux, dont la mise en place a coûté environ 600 millions d'euros, ne sont pas directement interopérables. Il a ainsi été nécessaire de créer des passerelles pour que les policiers et les gendarmes puissent communiquer entre eux, notamment lorsqu'ils participent à la même opération.

Ce rapprochement ne signifie pas cependant qu'il faille aller jusqu'à fusionner les deux forces. Comme la plupart de nos collègues, je suis très attaché à l'existence de deux forces de police, l'une à statut militaire, l'autre à statut civil.

En sa qualité de force de police à statut militaire, la gendarmerie apporte ainsi une contribution significative aux OPEX, où ses compétences en matière de maintien de l'ordre, mais aussi ses habitudes de contact avec les populations sont particulièrement appréciées.

Dans son intervention, le 29 novembre dernier, devant des policiers et des gendarmes réunis à la Grande Arche de la Défense, où vous étiez bien sûr présente, madame le ministre, le Président de la République a fixé de nouvelles orientations en matière de sécurité intérieure. Le chef de l'État a notamment annoncé le rattachement prochain de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, sans que soit pour autant remis en cause le statut militaire de cette dernière, et cette précision a été très appréciée par mes collègues.

Une loi relative à la gendarmerie devrait être présentée au Parlement avant la fin du premier semestre 2008.

Compte tenu de l'importance de la gendarmerie, qui assure la sécurité de 50 % de la population résidente sur 95 % du territoire national, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a décidé de constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie.

Ce groupe de travail, que j'ai l'honneur de présider et qui a commencé à procéder à des auditions, devrait effectuer prochainement plusieurs déplacements sur le terrain auprès des brigades de gendarmerie.

Notre objectif est de présenter un rapport d'information avant la fin du premier semestre 2008.

Nous espérons, madame le ministre, que les propositions que nous serons amenés à formuler dans ce rapport pourront vous être utiles dans le cadre de la préparation du futur projet de loi sur la gendarmerie.

En conclusion, j'indique que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans un temps, hélas, trop court, je voudrais évoquer les problèmes de sécurité, ainsi que la situation de la gendarmerie.

En ce qui concerne la sécurité, vous affirmez, madame le ministre, que l'insécurité régresse. Tel n'est pas le sentiment des populations. En effet, il semble bien que le décalage entre vos statistiques officielles, vos satisfecit répétés et le vécu dans les banlieues - et ailleurs - aille croissant.

Malgré les affirmations du Président de la République, le tout-répressif est en situation d'échec. Pire, il forge un sentiment de haine vis-à-vis des forces de l'ordre, qui subissent maintenant des tirs d'armes à feu ! Il s'agit là d'une escalade que je condamne, que je déplore, mais que je suis bien obligé de constater.

Aujourd'hui, la répression ne suffit pas à assurer la sécurité. Il convient de rétablir des liens de confiance entre les forces de l'ordre et les jeunes.

Depuis la suppression du service militaire, il n'existe plus aucun lieu de formation du citoyen. Il est donc indispensable d'envisager la mise en place d'un « service civique » - ou quelque autre nom qu'on lui donne - obligatoire, ce qui n'exclut pas la présence permanente des forces de l'ordre sur le terrain tant il est vrai que la recherche d'une relation de confiance doit compléter l'action répressive.

En ce qui concerne la gendarmerie, les promesses du Président Sarkozy et le budget pour 2008 ne suffiront pas à faire disparaître le réel malaise ressenti par cette arme. Je me réjouis que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ait accepté - M. Jean Faure, rapporteur pour avis, vient de le préciser - de mettre en place un groupe de travail sur la gendarmerie.

Le budget pour 2008 est en baisse alors que le prix des carburants augmente, que le montant des loyers progresse et que le matériel vétuste sera difficilement remplaçable. À cet égard, la LOPSI, adoptée en 2002, ne sera pas respectée.

À ce budget insuffisant s'ajoutent les interrogations portant sur le rapprochement entre gendarmerie et police. Cette nouvelle organisation manque, pour l'instant, de précision et de clarté. Certes, nous savons qu'il n'est pas question de fusion. Mais où s'arrêtera ce rapprochement ?

S'il s'agit d'un rapprochement partiel, nous savons que loin de n'apporter que du positif, madame le ministre, il sera même source de difficultés nouvelles. Vous allez ainsi multiplier les occasions de comparaison entre la situation des uns et celle des autres, alors que vous auriez pu harmoniser le matériel, les équipements tout en conservant la situation actuelle. La place de la gendarmerie ne sera pas facile à clarifier tant vis-à-vis des armées que vis-à-vis de la police.

Le groupe socialiste souhaiterait obtenir plus de précisions sur ce rapprochement programmé.

Madame le ministre, j'espère que vous n'aurez pas les mêmes réticences qu'en ce qui concerne le bilan d'étape des communautés de brigade que je vous réclame, oralement et par écrit, depuis plus de deux ans. Je dois à la vérité de dire que j'ai reçu hier, 4 décembre 2007, le rapport d'audit des communautés de brigades daté d'octobre 2007 ; il ne s'agit donc pas de ce celui que j'attendais, mais c'est déjà quelque chose ! C'est votre successeur au ministère de la défense qui l'a fait parvenir à la commission, ce dont je tiens bien sûr à le remercier, même si ma satisfaction n'est pas totale.

Madame le ministre, je ne comprends pas ce refus d'informer le Parlement. En effet, si le Gouvernement cache la vérité aux parlementaires, il me paraît difficile de demander à ces mêmes parlementaires d'accorder leur confiance au Gouvernement !

Pour cette raison, entre autres, le groupe socialiste ne votera pas votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Il fallait commencer par là ! Le reste n'est que prétexte !

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget de la sécurité est en hausse de 1,8 % par rapport à l'exercice précédent, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

La mission « Sécurité » comprend deux programmes : le programme « Police nationale », dont les crédits augmentent de 2,3 %, et celui de la « Gendarmerie nationale », dont les crédits sont en léger recul, de 0,58 %.

La hausse du budget de la justice est, comparativement, plus importante, mais elle permet de rattraper un retard historique et de donner à la justice une efficacité sans laquelle celle de la police serait vaine. Il est, en effet, primordial que tous les maillons de la chaîne pénale fonctionnent correctement, ce qui passe par plus de moyens pour les tribunaux, les magistrats et les greffes.

Ce budget doit permettre également de concrétiser les quatre grandes priorités que vous avez mises en oeuvre au sein de votre ministère, madame le ministre : consolidation de la baisse de la délinquance générale avec un objectif de diminution de 2 % ; intensification de la lutte contre le terrorisme ; lutte contre le travail illégal et l'immigration clandestine ; enfin, accroissement de la sécurité routière avec un objectif de baisse de 2 % des victimes de la route.

L'effort constant dans la lutte contre la délinquance doit être salué, madame le ministre, puisqu'en 2007 celle-ci a encore reculé en zones police et gendarmerie : une baisse de 50 250 faits a pu être constatée.

Quant au taux d'élucidation global, il a progressé de 31,61 % en zone police et de 41,47 % en zone gendarmerie en 2006.

Toutefois, ces progrès ne doivent pas masquer les difficultés persistantes ; je pense notamment à l'accroissement des violences contre les personnes ou à l'accroissement des dégradations contre les biens, publics ou privés, en zone urbaine, c'est-à-dire les formes de délinquance qui perturbent le plus la tranquillité publique et nourrissent le sentiment d'insécurité des habitants des périphéries des villes, qu'ils soient résidents ou usagers des transports publics.

Vous allez également mettre en oeuvre, au cours de l'année 2008, le regroupement sous votre autorité des forces de police et de gendarmerie

Cette mutualisation des services ne peut être que bénéfique pour le travail à mener par les forces de l'ordre et permettra de parachever l'unification des forces de sécurité.

Par ailleurs, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne, il convient de souligner la forte implication de la gendarmerie française dans la coopération policière européenne et internationale, notamment à travers la coopération transfrontalière et l'espace Schengen, ainsi que dans le cadre de l'Office européen de police EUROPOL.

À l'aube d'une éventuelle communautarisation de la politique de sécurité, la gendarmerie nationale française pourrait constituer une référence, et nous tenons à lui en rendre l'hommage.

S'agissant du cadre de la révision générale des politiques publiques annoncée par le chef de l'État, ce projet de budget parvient à équilibrer, d'une part, l'effort entrepris dans le cadre de la LOPSI, dont la mise en oeuvre s'achève avec le présent projet de loi de finances, et, d'autre part, l'effort de maîtrise des dépenses publiques.

Les dépenses de personnel représentent la majeure partie des moyens de la mission, soit 84 % des crédits, ce qui traduit l'attention particulière que le Gouvernement porte à ces services.

En effet, en ce qui concerne la qualification des personnels et la récompense de la performance individuelle et collective, le Gouvernement s'est engagé - ce dont nous le félicitons - en faveur du respect de la quatrième tranche du protocole du 17 juin 2004 relatif aux corps et carrières de la police, comme de la quatrième annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées.

Afin de permettre aux policiers et aux gendarmes de se recentrer sur leurs missions liées à la sécurité et au maintien de l'ordre, le présent projet de budget tend à augmenter le nombre des personnels administratifs chargés des tâches de soutien technique et de gestion quotidienne.

Madame le ministre, la sécurité est un enjeu fondamental ; elle n'est pas un sentiment fugace ou une idéologie, contrairement à ce qu'ont pu dire des irresponsables politiques.

Comme l'a rappelé le Président de la République le 29 novembre dernier devant les représentants des forces de police et de gendarmerie, « la sécurité a été de tout temps un enjeu fondamental pour l'équilibre de nos sociétés », et il faut la placer « au premier rang des préoccupations de rétablissement de l'autorité de l'État », afin que soit garanti le respect des principes républicains et rétablie la paix sociale dans tous les quartiers.

L'insécurité, vous le savez, est un drame qui touche en premier lieu les Français les plus défavorisés, ceux qui vivent dans les quartiers populaires et qui sont souvent condamnés à y rester.

Dans plusieurs départements, dont le mien, le Val-d'Oise, la situation est parfois explosive dans certaines agglomérations.

Pourtant, rien n'est irréversible. Si la fermeté la plus totale doit prévaloir en matière d'ordre public - car tirer sur des policiers, agresser des personnes vulnérables, incendier des véhicules ou des bâtiments publics ne saurait être toléré et encore moins excusé -, une réponse plus adaptée aux réalités du terrain doit cependant être apportée.

Ainsi, pour fidéliser le personnel policier sur notre territoire, ne serait-il pas envisageable de revoir les conditions d'attribution de la prime de fidélisation, qui est souvent saupoudrée entre les différents services des secrétariats généraux pour l'administration de la police, les SGAP, d'Île-de-France ?

S'agissant du logement de nos policiers, si le fait d'habiter dans la ville où ils exercent leur métier est difficile en raison des pressions auxquelles ils sont souvent confrontés, ne pourrait-on pas les inciter, par le biais de constructions de bâtiments plus importantes - auxquelles il faudra bien entendu associer les collectivités locales - et de l'attribution de places de crèches supplémentaires, à résider dans la circonscription ou l'intercommunalité dans le ressort desquelles ils travaillent ?

De même, l'effort demandé à tous les fonctionnaires en matière de retraite ou de durée du travail effectif doit concerner tous les corps de métier, y compris la police et la gendarmerie. Il serait hautement souhaitable que la durée hebdomadaire du travail y soit appliquée strictement. Les sous-effectifs structurels dans de nombreux commissariats sont souvent renforcés par un absentéisme légal, dont les motifs sont les plus divers, à commencer par les décharges syndicales. Il est d'ailleurs regrettable que les polices municipales aient souvent hérité de ce travers qui pèse lourdement sur la qualité du service public de sécurité, notamment en fin de semaine.

Madame le ministre, le budget de la mission « Sécurité » est conforme aux engagements pris par le chef de l'État, par son gouvernement et sa majorité.

Le groupe UMP votera donc avec détermination ce budget et vous fait personnellement confiance pour rendre encore plus efficace le travail de la police et de la gendarmerie et faire respecter l'ordre républicain sur l'ensemble du territoire national. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité » pour 2008 traduit bien, une fois n'est pas coutume, la politique sécuritaire menée dans notre pays depuis 2002.

Dénuée de toute réflexion de fond quant aux causes, au traitement social et à la nécessaire prévention de la délinquance, cette politique, axée essentiellement sur la répression et guidée par l'obsession sécuritaire, se révèle telle qu'elle est : contre-productive et inefficace.

Les récents événements de Villiers-le-Bel viennent malheureusement confirmer ce constat. Deux ans après les émeutes de l'automne 2005, un an après celles - d'une moindre ampleur - de l'automne 2006, nous venons de vivre encore des violences urbaines. Combien faudra-t-il d'émeutes, combien faudra-t-il de blessés et de morts pour faire évoluer la situation dans les banlieues et améliorer le quotidien des populations, souvent modestes, qui y vivent ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. André Dulait. Un peu de retenue !

M. Henri de Raincourt. Et de dignité !

Mme Éliane Assassi. Malgré les annonces faites depuis 2005, rien n'a changé dans les quartiers dits « sensibles ».

Mme Gisèle Printz. C'est vrai !

Mme Éliane Assassi. En matière de sécurité, d'éducation et de transports publics, la situation des populations écartées des centres urbains n'a guère évolué.

M. Robert Bret. Elle s'est même dégradée !

Mme Éliane Assassi. Le taux de chômage est, dans ces villes, deux fois plus élevé que la moyenne nationale, selon le rapport 2007 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, l'ONZUS. Tous les habitants des cités et les élus sont inquiets et dressent le même constat : la situation a empiré depuis deux ans. Tous les voyants sont au rouge : précarité, chômage, misère, violence, développement de l'économie parallèle, qui gangrène des quartiers entiers...

La question fondamentale est bien sûr celle des moyens qu'il faut déployer pour financer les associations, développer l'accompagnement social, favoriser l'éducation, l'emploi, la formation, permettre le désenclavement des cités, etc.

Après le plan Borloo, dont on ne voit toujours pas les effets pratiques, on nous a annoncé un plan « banlieues » rebaptisé plan « anti-glandouille » par une secrétaire d'État étrangement silencieuse sur les événements survenus à Villiers-le-Bel, mais qui veut distinguer les quartiers populaires avec des petites pastilles de couleur. (M. Charles Gautier s'exclame.) Sans commentaire !

Mais je doute fort de la portée d'un tel plan. Les caisses de l'État étant vides, je vois mal comment le Gouvernement aura les moyens financiers de faire quoi que ce soit en la matière, à moins, bien sûr, qu'il ne décide d'aller prendre l'argent là où il est.

À cet égard, il est utile de souligner que la dotation de solidarité urbaine, la DSU, qui a été créée spécialement pour venir en aide aux villes pauvres de la banlieue, est d'ores et déjà amputée de 30 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008, et ce alors même que le plan Borloo prévoyait de l'augmenter de 120 millions par an jusqu'en 2009 !

La situation nécessite pourtant de mobiliser tous les secteurs de l'État, lequel doit jouer un rôle régulateur. Il est indispensable de débloquer des moyens considérables pour engager des actions dans la continuité. Ce n'est pas de moins d'État que nous avons besoin, c'est de plus d'État !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Étonnant !

Mme Éliane Assassi. Or le Gouvernement suit la démarche exactement inverse. Le projet de loi de finances pour 2008 en est malheureusement une parfaite illustration.

Votre prédécesseur, madame la ministre, n'a eu de cesse, pendant cinq ans, de ressasser les mêmes slogans sécuritaires, prétendument pour faire baisser la délinquance. Avec quels résultats ? Pour quel bilan ? À part faire voter des lois plus répressives les unes que les autres, à part provoquer les jeunes des cités, à part faire des cadeaux fiscaux à ses amis du grand patronat, asséchant ainsi de manière drastique les caisses de l'État, qu'a-t-il réellement fait ?

En réalité, la droite récolte aujourd'hui ce qu'elle sème depuis des années : accentuation de la fracture sociale, multiplication des lois répressives, accentuation des injustices, stigmatisation des jeunes, en particulier de ceux qui sont issus de l'immigration et qui vivent dans les cités, discriminations à leur égard, provocations en tout genre.

Alors que Nicolas Sarkozy s'est toujours vanté d'avoir fait baisser la délinquance, la première enquête de victimation réalisée par l'Observatoire national de la délinquance, l'OND, portant sur les années 2005 et 2006, montre que les statistiques du ministère de l'intérieur ne reflètent pas du tout le niveau réel de la criminalité en France et que le nombre des violences intrafamiliales est très élevé.

M. Robert Bret. Comme celui du chômage, d'ailleurs !

Mme Éliane Assassi. Malgré l'important arsenal législatif mis en place depuis 2002, malgré les limites évidentes de toutes les lois modifiant le code pénal et le code de procédure pénale, malgré l'échec patent de cette politique répressive, demain, nous devrons encore légiférer sur la rétention de sûreté, comme si l'enfermement à vie était la solution !

Admettez-le, madame la ministre : pas plus que vos prédécesseurs, vous n'avez réussi à prévenir la délinquance et la récidive, à lutter efficacement contre l'insécurité, encore moins à rétablir l'égalité républicaine sur l'ensemble de notre territoire.

Pourtant, au sortir de l'automne 2005, tout le monde était d'accord - jusque dans les rangs de l'UMP - pour remettre sur les rails la police de proximité. Souvenons-nous du rapport sénatorial qui a été élaboré à la suite des émeutes de 2005 : lui aussi préconisait la réactivation de cette police. Vous-même, madame la ministre, vous avez évoqué la nécessité d'une police localisée ou territorialisée ; peu importe le nom qu'on lui donne, l'important étant les missions qu'on lui attribue.

Or que constatons-nous deux ans plus tard ? On n'a toujours pas mis en place une police plus proche des habitants, on n'a toujours pas permis de retisser les liens de confiance entre les populations, singulièrement celles des quartiers dits « sensibles », et les forces de l'ordre. Au contraire, tout est fait pour que ces quartiers deviennent les angles morts de notre société.

On est toujours dans cette confrontation entre le monde policier et les jeunes, voire la population des quartiers populaires. Il est temps de passer d'une police d'ordre au service de l'État à une police au service du citoyen, car, soulignons-le, la police est un service public essentiel, qui garantit la liberté de chaque citoyen.

À cet égard, je voudrais vous faire part de ma profonde indignation face à la prime de quelques milliers d'euros offerte par la police en contrepartie de témoignages recueillis après les événements de Villiers-le-Bel. Le témoignage sous X existe dans notre droit depuis 2002, mais sans rémunération. Chacun sait qu'il peut s'adresser à la police. Ce n'est donc pas la peine d'en rajouter en instituant cette prime à la délation à la mode américaine, au risque de mettre de l'huile sur un feu à peine éteint et d'entraîner des débordements ou encore des témoignages « bidons ».

Il faut impérativement donner une nouvelle orientation aux missions de la police nationale afin de mettre en oeuvre une véritable politique de prévention et de dissuasion. En outre, il convient de veiller à l'utilisation démocratique de la force publique dans le respect des règles déontologiques, et ce dans l'intérêt des citoyens comme des policiers.

Ce n'est pas dans cette voie que vous vous dirigez avec votre projet de création de compagnies zonales de sécurisation. Polyvalentes, constituées pour partie d'effectifs redéployés venant des CRS, ces compagnies pourraient, nous dit-on, être rapidement disponibles là où leur présence est requise et intervenir en matière de lutte contre les violences urbaines. Je ne vois pas où est la nouveauté en la matière, encore moins quel en est l'intérêt !

J'ajoute, madame la ministre, que vos solutions, telles que la vidéosurveillance ou les drones survolant les sites sensibles, ne sauraient remplacer la présence humaine sur le terrain. Vous envisagez ainsi de tripler le nombre de caméras sur la voie publique. La vidéosurveillance, ou « vidéoprotection », comme vous la nommez pudiquement à présent, sert essentiellement à la résolution des affaires, permettant ainsi de faire évoluer le taux d'élucidation.

Or il me semble qu'il aurait été utile, avant de déployer autant de caméras, de procéder à une évaluation de ces systèmes de vidéosurveillance afin de prouver leur éventuelle efficacité !

M. Éric Doligé. Cela marche très bien !

Mme Éliane Assassi. Et l'on nous dit de surcroît que le programme national d'installation coûterait entre 5 milliards et 6 milliards d'euros. C'est faramineux ! L'État en prendrait une partie à sa charge à hauteur de 800 000 euros, dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance. Le principal obstacle au développement de ces dispositifs de surveillance reste financier. Où allez-vous trouver les financements ?

Mme Gisèle Printz. Les communes !

Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, vous ne pouvez plus vous contenter de répondre par des discours sécuritaires, comme vient encore de le faire le Président de la République. En l'espèce, la répression ne sert strictement à rien, car la plupart de ces jeunes n'ont rien à perdre : ils n'ont rien !

L'État doit donner des signes d'espoir à cette jeunesse dont l'avenir est bouché et proposer des mesures concrètes en termes d'éducation, d'action sociale, de travail...

« Travailler plus pour gagner plus » ? Mais ces jeunes n'ont pas de travail ! Il faut restaurer un climat de confiance et de justice, ce qui est certainement plus difficile que de se lancer dans des discours populistes ultra-répressifs.

Mme Éliane Assassi. Plus que jamais, la mise en oeuvre du triptyque « prévention, dissuasion, répression » est nécessaire. Ce n'est pourtant pas ce que privilégient vos orientations budgétaires.

Le malaise est par ailleurs palpable au sein même de la police et de la gendarmerie : pour les policiers, heures supplémentaires non payées, problème du passage au statut de cadre des officiers de police ; pour les gendarmes, hausse de la charge de travail, baisse du niveau de vie, conditions de casernement difficiles.

En outre, les membres des forces de l'ordre sont de plus en plus nombreux à exprimer leur malaise quant au rôle que le Gouvernement leur fait jouer en matière de traque aux personnes sans papiers.

Pour conclure, j'évoquerai les pistolets à impulsion électrique, de type Taser. Plus de 3 000 policiers et gendarmes en sont déjà équipés et vous vous apprêtez à en autoriser l'usage pour les 17 000 policiers municipaux.

Aux États-Unis et au Canada, ces armes auraient été à l'origine de plusieurs dizaines de morts. Récemment, le Comité contre la torture de l'ONU a dénoncé clairement l'usage de ces pistolets, estimant que la douleur aiguë provoquée par ces armes constituait une forme de torture...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela ne fait pas mal !

Mme Éliane Assassi. ...et que, dans certains cas, il pouvait même provoquer la mort.

M. Christian Cambon. Et les balles des voyous à Villiers-le-Bel ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À la délinquance, faut-il répondre par des actes délinquants ?

Mme Éliane Assassi. Le comité a d'ailleurs demandé à la capitale portugaise de renoncer à en équiper sa police et les unités d'élite. Et vous, madame la ministre, quelle suite entendez-vous donner à ce rapport ?

À la lumière de ces observations, vous comprendrez que les sénateurs du groupe CRC votent contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Éric Doligé. Tant mieux !

M. Christian Cambon. Et les tirs à balles réelles contre les forces de l'ordre ?

Mme Éliane Assassi. Le parallèle est osé !

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le même raisonnement que pour la peine de mort !

M. Robert Bret. Quand on est réactionnaire, on est réactionnaire !

M. Christian Cambon. Mieux vaut être un réactionnaire qu'un assassin !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À qui parlez-vous ?

M. le président. Restons calmes, mes chers collègues ! M. Charles Gautier a seul la parole !

M. Charles Gautier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au mois de juin 2002, lorsque Nicolas Sarkozy est devenu ministre de l'intérieur, il nous a expliqué, dans cet hémicycle, combien la gauche avait été laxiste, faible et naïve en matière de sécurité, et comment il résoudrait tout en un temps record, avec des méthodes fortes.

Aujourd'hui Président de la République, il continue d'expliquer aux Français comment il faut agir. Pourtant, tout le monde en a la démonstration chaque soir, la situation est loin d'avoir changé !

Pour l'année 2007, les chiffres montrent une très légère baisse de la délinquance de voie publique - autour de 1,3 % - et une évolution plutôt inquiétante des crimes et délits contre les personnes.

La Cour des comptes observe, quant à elle, que la signification des indicateurs retenus - nombre total de faits élucidés et taux d'élucidation - doit être relativisée : « La fiabilité de l'enregistrement statistique des faits constatés est imparfaite. D'une part, l'état 4001 ne fournit qu'une mesure partielle et hétérogène de la délinquance ; d'autre part, les services territoriaux ne respectent pas de façon homogène et rigoureuse les règles d'enregistrement des informations. »

Les chiffres qui nous ont été communiqués tout à l'heure sont donc certainement en dessous de la réalité ! Mais, alors que l'on peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut, les faits sont là, et je ne pense pas que vous puissiez remettre en cause les remarques de la Cour des comptes !

Chaque année, j'interviens dans ce débat sur les crédits consacrés à la sécurité et, chaque année, je dénonce les choix politiques faits depuis 2002. Chaque année, la violence dans nos banlieues croît.

La semaine dernière, à Villiers-le-Bel, des jeunes gens allaient même jusqu'à tirer à balles réelles sur les forces de l'ordre.

M. Christian Cambon. Dites-le à Éliane Assassi !

M. Charles Gautier. Madame le ministre, lors de votre audition par la commission des lois, vous avez indiqué que les priorités de votre ministère allaient aux investissements plutôt qu'aux personnels. Vous insistez depuis plusieurs mois sur les moyens techniques dont il faut doter les services de maintien de l'ordre.

Certes, les caméras de vidéosurveillance, les technologies modernes sont indispensables dans un État moderne et réactif à toute menace intérieure ou extérieure. Pourtant, que constate-t-on aujourd'hui ? Un fossé s'est creusé depuis 2002 entre les habitants de certains quartiers, notamment les jeunes, et les forces de l'ordre. Le lien entre eux, que le gouvernement de Lionel Jospin avait réussi à renouer lentement, grâce à la mise en place de la police de proximité, vous l'avez brisé net !

Bien sûr, madame le ministre, vous me répondrez encore que la police n'est pas faite pour jouer au football avec les jeunes de banlieue... Mais cette réponse vous sert surtout à nier la réalité. Et cette réalité, c'est que l'instauration d'une police de proximité avait permis de renouer des liens sociaux, d'humaniser ces quartiers, d'y replacer l'État et ses représentants à visage humain.

Les nouvelles répartitions des effectifs de police ne privilégient plus ces quartiers, alors que ce sont eux qui en ont le plus besoin. Au contraire, lorsque s'y déroule un nouvel événement, vous y envoyez les CRS, qui ne connaissent ni le terrain ni les habitants. De cette manière, vous creusez encore le fossé entre les plus faibles et l'État.

L'escalade des violences depuis 2002 démontre bien l'échec de votre politique en matière de sécurité. Pis, cela démontre le danger que cette politique représente.

Aux quartiers riches, les rondes policières nocturnes, aux quartiers pauvres, les CRS !

Loin de moi l'idée de jeter le discrédit sur les compagnies républicaines de sécurité ou sur les gendarmes mobiles. Ils remplissent toujours de façon efficace et courageuse leur mission de maintien de l'ordre public. Néanmoins, la réorientation de leurs missions vers des actions de lutte contre la délinquance et contre l'insécurité semble douteuse. Elle constitue, en fait, une mesure de gestion des effectifs pour réaliser des économies d'échelle.

Progressivement, ces forces mobiles sont devenues des forces d'appoint pérennes et non plus ponctuelles aux unités de base de la police et de la gendarmerie. Elles les aident en matière de sécurité publique, notamment dans la lutte contre les violences urbaines, et pour les interventions nocturnes. La dernière expérience est un échec : leur intervention à Villiers-le-Bel a fini par prendre la forme d'un véritable traquenard à leur encontre, allant même jusqu'à les contraindre à se replier pour protéger leur matériel contre le vol !

Dans ce contexte, au vu des résultats et de la tension permanente qui règne dans les quartiers difficiles, le débat sur le format et la formation adéquats des forces mobiles est plus que d'actualité. L'intervention des forces mobiles dans ces conditions ne poserait-elle pas plus de problèmes qu'elle n'est censée en résoudre ?

M. Charles Gautier. Madame la ministre, ces violences sont le résultat des inégalités qui s'accroissent chaque année, et vous refusez d'y répondre. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Vous préférez, encore une fois, privilégier les dépenses d'investissement plutôt que la présence humaine. C'est si vrai que M. le rapporteur spécial vient de confirmer la baisse générale de 1253 emplois de policiers prévue dans le projet de loi de finances que nous examinons.

De façon concomitante, la frénésie législative continue. Cette année, la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile et la loi relative à la prévention de la délinquance constituent encore des durcissements de la loi pénale. Et le Gouvernement annonce un nouveau projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Pourtant, toutes ces mesures sont bien, comme nous le prédisions chaque fois, des mesures d'affichage. Certaines ne sont même pas effectives, faute de décrets d'application. Ainsi, vous annoncez également une loi « post-LOPSI », alors même que les objectifs de la LOPSI ne sont pas atteints.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C'est faux !

M. Charles Gautier. Vous nous promettez la mise en place de nouvelles technologies permettant de « démultiplier l'efficacité de la présence sur la voie publique, de réduire les délais moyens d'intervention ». Permettez-moi d'être sceptique.

Je ne conteste pas l'efficacité de la vidéosurveillance en termes de prévention de la délinquance ou d'élucidation des actes commis, mais il faut des personnels derrière les écrans de contrôle pour que tel soit le cas !

De même, les objectifs de la LOPSI en termes de tâches indues ne sont pas atteints. Les fonctionnaires de la police nationale et les gendarmes continuent d'effectuer des tâches d'assistance pénitentiaire, d'éloignement des personnes en situation irrégulière, ou même des tâches administratives, comme plusieurs orateurs précédents l'ont souligné. Cela perturbe fortement les services.

Madame la ministre, vous l'aurez compris, nous sommes très fermement opposés aux choix politiques et budgétaires de votre gouvernement.

M. Henri de Raincourt. C'est rassurant !

M. Charles Gautier. Les faits sont d'ailleurs là pour nous conforter dans notre analyse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion que nous avons aujourd'hui sur la mission « Sécurité » nous permet de rendre hommage à l'ensemble des policiers et des gendarmes, qui, tous les jours, assurent la tranquillité publique et la sécurité de nos concitoyens. (M. Jacques Gautier applaudit.)

Comme vous le souligniez avec force, madame la ministre, « la sécurité est la première préoccupation des Français, elle est un droit de l'homme, qui conditionne tous les autres ».

Le projet de budget pour 2008 montre que la sécurité reste une priorité de l'action gouvernementale puisque près de 16 milliards d'euros sont prévus pour financer la mission « Sécurité », qui regroupe l'ensemble des crédits de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

La répartition entre les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » est équilibrée et démontre la volonté de ne pas faire de différence entre ces deux corps qui ont tous deux pour tâche de lutter contre la délinquance et la criminalité et de les réduire. À ce titre, la création, en 2002, des groupes d'intervention régionaux, les GIR, prouve que policiers et gendarmes travaillent en partenariat étroit. Le bilan qui peut en être fait aujourd'hui est tout à fait positif. Les GIR ont connu une activité très soutenue, tout en s'appuyant sur une démarche interministérielle réussie et particulièrement innovante.

Ce budget alloué à la sécurité est le premier budget intervenant après l'exécution de la LOPSI du 29 août 2002. On ne peut que se réjouir du bilan établi, qui, il faut bien le dire, est très positif.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Marc Laménie. La LOPSI a, tout d'abord, permis de refonder les principes régissant l'organisation de la sécurité intérieure sur le territoire national. Les objectifs fixés ont été quasiment atteints, les taux de réalisation de création d'emplois étant de l'ordre de 95,4 % pour la police nationale - 6 200 emplois créés - et de 86,4% dans la gendarmerie - plus de 6 000 emplois créés.

Les moyens alloués à la sécurité, grâce à la LOPSI, se sont concrétisés sur le terrain par une réussite incontestable sur le plan de la lutte contre la délinquance. Les indicateurs de performance retracés dans les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » font, en effet, état d'une baisse sensible de toutes les formes de délinquance, d'une amélioration des taux d'élucidation et d'une diminution du nombre de blessés et de tués sur la route.

Les résultats sont révélateurs. Entre 2002 et 2006, la délinquance a diminué de 9,6 %, permettant aux auteurs du rapport sur l'exécution de la LOPSI d'écrire que le premier objectif de la loi a été atteint. Ces chiffres sont, non pas le fruit du hasard, mais bel et bien le résultat de la politique efficace et courageuse engagée par le précédent gouvernement et qui est perpétuée aujourd'hui, grâce à votre ferme détermination, madame la ministre.

Depuis votre prise de fonctions, ce mouvement s'est, en effet, poursuivi et même amplifié. Au mois de septembre 2007, les faits constatés par les services de police et de gendarmerie ont baissé de 7,65 % par rapport à ceux de septembre 2006. Outre la baisse globale de la délinquance, le taux d'élucidation était de 36,2 % au mois de septembre dernier, soit une hausse de près de 10 points en cinq ans.

Le budget de la sécurité pour 2008 est un budget intermédiaire, qui poursuit le financement de nombreux programmes prévus dans le cadre de la LOPSI 1, tout en annonçant la prochaine loi de programmation centrée sur la recherche de la performance.

Les objectifs quantitatifs figurant dans la LOPSI 1 ayant été remplis, il est particulièrement légitime qu'ils cèdent désormais la place à des objectifs davantage qualitatifs, dans le cadre de la LOPPSI 2.

Les membres de mon groupe et moi-même nous réjouissons de la présentation prochaine de ce nouveau projet de loi d'orientation et de programmation, qui mettra l'accent sur la modernisation, la mutualisation et le management.

Votre budget pour 2008 est bon, madame la ministre, car il vous donne les moyens de mettre en oeuvre l'ensemble des objectifs prévus dès votre prise de fonctions, à savoir doter la France d'un grand ministère moderne de la sécurité intérieure. Un milliard d'euros seront, en effet, consacrés à la modernisation de nos systèmes de sécurité, soit un doublement des moyens actuels.

Les membres du groupe UMP se félicitent du recours intensif aux nouvelles technologies, qui permettra de renforcer l'efficacité des forces de sécurité. Les systèmes d'information et de communication doivent, en effet, être améliorés en permanence pour résister aux performances croissantes des criminels. Comme vous l'avez à juste titre signalé, la délinquance change de nature et les forces de police et de gendarmerie doivent s'adapter à ses formes nouvelles, voire anticiper les défis de demain.

À cet égard, nous nous félicitons du programme de développement accéléré de la vidéosurveillance qui apporte une pierre supplémentaire à un édifice majeur pour la sécurité de nos concitoyens. Son efficacité en ce qui concerne l'amélioration significative de la sécurité quotidienne n'est plus à démontrer. Des expériences étrangères l'ont largement prouvé, notamment au Royaume-Uni, avec l'élucidation de meurtres d'enfants et de crimes terroristes. Des expériences locales en France le montrent quotidiennement.

L'opinion publique est aujourd'hui prête à la mise en place de la vidéosurveillance, d'autant que de nombreux progrès ont été accomplis pour protéger la vie privée. C'est pourquoi, madame la ministre, nous soutenons votre objectif de tripler en deux ans le nombre de caméras de vidéosurveillance sur la voie publique, afin de le faire passer de 20 000 à 60 000.

Nous nous félicitons également des efforts engagés pour poursuivre la modernisation de la police technique et scientifique, qui constitue l'une de vos priorités. Les fichiers automatisés des empreintes digitales et des empreintes génétiques ont largement prouvé leur grande utilité en favorisant très largement l'élucidation. Ils doivent être adaptés à l'accroissement considérable du volume de données traitées, point pris en compte dans ce projet de budget.

Une autre ambition de ce budget vise le regroupement des moyens humains qui agissent pour la protection des Français et le renforcement des coopérations entre la police et la gendarmerie. Le travail en commun de ces deux corps, engagé depuis 2002, doit effectivement s'amplifier afin qu'il puisse mieux s'adapter aux nouveaux enjeux de la délinquance. Pour des raisons d'efficacité, mais aussi de bonne utilisation de l'argent public, des synergies doivent, en effet, être recherchées. Ce rapprochement doit toutefois se faire dans le respect des spécificités et de l'identité de ces deux corps, qui doivent demeurer.

De multiples rumeurs courent actuellement sur la fermeture d'un certain nombre de brigades de gendarmerie, pourtant souvent regroupées dans des communautés de brigades. Je souhaiterais savoir, madame la ministre, si ces rumeurs, qui sèment actuellement le trouble non seulement parmi les agents de ces forces, mais aussi parmi les élus, sont fondées. Je souhaiterais également connaître vos propositions, afin de procéder à une répartition plus claire des tâches entre les forces de police et de gendarmerie sur le plan territorial.

D'une manière générale, ce projet de budget montre qu'un effort sensible sera fait en faveur de la formation permanente, du déroulement des carrières et d'un recentrage des missions sur les tâches qui ne peuvent être assurées que par des agents en uniforme.

Ce volet est particulièrement important, car la police et la gendarmerie sont composées d'hommes et de femmes dont les compétences doivent être renforcées et valorisées.

Vous l'avez vous-même souligné : « La sécurité, ce sont d'abord des hommes et des femmes. Aucun matériel, aucune technologie ne saurait remplacer la compétence, le dévouement, le courage, de celles et ceux qui servent la police, la gendarmerie, les services d'incendie et de secours. »

Une attention particulière est ainsi accordée, dans ce projet de budget, au déroulement des carrières, aux rémunérations et à l'accompagnement dans l'exercice des missions. Nous nous en réjouissons.

Pour conclure, j'insisterai sur le fait que le recentrage des missions est absolument nécessaire, car trop de policiers et de gendarmes exercent aujourd'hui des tâches administratives qui ne relèvent pas de leur compétence.

Les événements récents de violences urbaines qui se sont déroulés dans le Val-d'Oise démontrent qu'il convient de renforcer la présence vigilante des forces de l'ordre sur le terrain. En effet, si la mission prioritaire des forces de police est de permettre l'arrestation et la traduction devant les tribunaux des délinquants et des criminels, leur mission de prévention est n'a rien de secondaire.

Sous le bénéfice de ces quelques observations, avec l'ensemble de mon groupe, je voterai naturellement les crédits de la mission « Sécurité ». (Bravo ! Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la gendarmerie n'échappe pas à la règle gouvernementale de la « forte contrainte ». En effet, il se trouverait « à la recherche d'un équilibre entre deux priorités » : maintenir l'effort entrepris pour améliorer la sécurité des Français tout en participant à la réduction du déficit budgétaire.

Hélas ! la lecture des chiffres révèle une tout autre réalité. Avec ce projet de loi de finances pour 2008, nous sommes en pleine fiction budgétaire : ce budget de transition, placé entre la fin d'exécution de la LOPSI du 29 août 2002 et la future loi d'orientation et de performance pour la sécurité intérieure, est en régression aussi bien en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, qui baissent respectivement de 2,52 % et de 0,58 %.

Il n'y a donc pas de quoi pavoiser, d'autant qu'à cette diminution des crédits s'ajoute une réduction des effectifs. S'il est prévu de financer la création de 475 emplois au titre de la LOPSI, cette mesure est contrebalancée par le non-remplacement d'une partie des départs à la retraite, qui concerne 475 postes.

Toujours inspiré par la forte contrainte budgétaire, ce projet de budget vise à une nette réduction des effectifs, ce qui me fait penser à cette remarque récente du philosophe éditorialiste Jean-Claude Guillebaud : « Une société qui croit pouvoir régler ses problèmes en évacuant les humains est une société qui devient folle. »

L'assassinat d'une jeune femme sur la ligne D du RER, le dimanche 25 novembre dernier, en plein midi, en est une tragique illustration.

Par ailleurs, je n'oublie pas la diminution de l'enveloppe des subventions d'investissement destinées aux collectivités territoriales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ce n'est pas le même budget !

M. Philippe Madrelle. La création d'une mission d'information sur la gendarmerie au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées était attendue, mais j'aurais souhaité, à l'instar de mon ami André Rouvière, la constitution d'une mission d'information ouverte à tous les sénateurs, pour qu'ils puissent s'exprimer sur les problèmes de la gendarmerie, car le malaise qui existe au sein de cette arme intéresse tous les élus, sans distinction.

Si la question des rémunérations constitue un sujet sensible pour les gendarmes, qui ne peuvent accepter le décalage croissant avec les policiers alors qu'on leur demande d'effectuer les mêmes missions, l'évolution de la condition des militaires de la gendarmerie ne peut se limiter à une simple affaire de grille indiciaire.

Ce qui les soucie, ce sont, bien sûr, leurs conditions de travail et leur statut militaire, mais c'est aussi l'exercice de leur métier, la façon dont ils pourront remplir leurs missions à l'avenir.

Après les récentes déclarations du Président de la République concernant le projet de rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, nous nous interrogeons, madame la ministre, sur la possibilité de coexistence des policiers et des gendarmes, qui sont appelés à exercer les mêmes missions dans une même force de sécurité sous deux statuts différents.

Vous le savez, les gendarmes sont profondément attachés à leur statut militaire. Pouvez-vous nous assurer qu'au-delà de la réorganisation du dispositif de sécurité ce statut militaire sera préservé ? En effet, la mutualisation des moyens entre gendarmerie et police ne risquera-t-elle pas de faire disparaître leur singularité et leur caractère, civil pour l'une, militaire pour l'autre ?

Si vous êtes à la recherche d'une force de sécurité « de proximité », vous l'avez déjà : c'est la gendarmerie. Il ne faudrait pas, de restructurations en mutualisations et de fusions en modernisations, déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Le redéploiement annoncé entre les zones de compétence de la police et de la gendarmerie n'annonce-t-il pas la fermeture de nombreuses brigades de gendarmerie ? Êtes-vous simplement à la recherche d'économies ou avez-vous réellement le souci de répondre au besoin de sécurité des Français ?

En conclusion, je tiens à rendre hommage à ces femmes et à ces hommes qui, chaque jour, sur le terrain, accomplissent des missions de plus en plus dangereuses, de plus en plus exposées, pour assurer notre sécurité et notre défense. Je sais que vous comprenez parfaitement bien, madame la ministre, le souci des élus de veiller aux conditions d'exercice et de carrière des gendarmes.

Ce projet de budget pour 2008 ne peut, hélas ! que renforcer le malaise existant au sein de la gendarmerie. Le groupe socialiste ne le votera donc pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République a placé au premier rang de ses préoccupations la restauration de l'autorité de l'État : il veut un État fort, qui assure la sécurité de tous et, au premier chef, celle des plus faibles. Ce sont eux qui, nous le savons, souffrent le plus durement des conséquences de l'insécurité.

La sécurité, c'est l'une des valeurs de la République. Policiers et gendarmes sont garants du respect des principes républicains, garants de la liberté de chacun d'aller et venir, garants de la paix sociale, mais aussi de l'ordre républicain.

J'en veux pour preuve le comportement admirable de courage des fonctionnaires exposés très récemment aux événements de Villiers-le-Bel : ils ont fait face en veillant à ne pas enflammer une situation extrêmement préoccupante. Malgré la violence des agressions auxquelles ils ont été confrontés, allant jusqu'à des tirs à balles réelles, ils ont su garder leur sang-froid. Ils ont fait honneur à la République. Le groupe UMP tient à leur rendre une nouvelle fois hommage. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Ce projet de budget pour 2008 se caractérise par la recherche d'un équilibre entre, d'une part, le maintien de l'effort entrepris dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et, d'autre part, la maîtrise des dépenses budgétaires et la réduction des déficits.

Vous nous avez expliqué en commission, madame la ministre, que ce projet de budget était au service de trois priorités : accroître la sécurité, condition essentielle de l'exercice des autres libertés, réaffirmer l'autorité et l'impartialité de l'État, enfin, construire une relation de confiance entre les citoyens, l'État et les collectivités locales.

Au titre du renforcement de la sécurité, vous vous êtes assigné deux objectifs, que, bien évidemment, nous approuvons : diminuer de 5 % la délinquance générale et de 10 % la délinquance de voie publique, et porter à 40 % le taux d'élucidation des crimes et délits.

En effet, comme vous l'avez vous-même souligné, madame la ministre, l'élucidation d'une infraction est, d'une part, la première façon de rendre justice aux victimes et, d'autre part, un élément fort de prévention et de dissuasion.

Il s'agit là d'objectifs ambitieux, qu'il faut tenir. Comme l'a souligné le Président de la République le 29 novembre dernier, lors de la rencontre entre police et gendarmerie, il faut renforcer la lutte contre toutes les formes de criminalité et, pour cela, adapter nos moyens aux nouveaux comportements des délinquants.

C'est bien dans ce sens que vous avez indiqué devant notre commission les trois grands axes d'une réforme de la police et de la gendarmerie : modernisation, mutualisation, reconnaissance du travail accompli.

À cet égard, il est prévu, dans le projet de budget pour 2008, une augmentation substantielle de la part des investissements par rapport à la part prééminente des dépenses de personnel : un milliard d'euros seront consacrés à la modernisation des outils. Ces crédits bénéficieront en particulier au développement de la vidéoprotection.

Je souhaiterais, comme nombre de mes collègues qui se sont exprimés avant moi, me féliciter de cette décision. En tant que maire d'une commune qui a très tôt fait le choix de la vidéosurveillance, je puis rassurer Mme Assassi : la vidéosurveillance a permis d'obtenir des résultats spectaculaires en termes non seulement d'élucidation des infractions, mais aussi de dissuasion.

En termes de mutualisation des moyens, les GIR ont été créés pour généraliser la coopération entre les services de l'État - police, gendarmerie, fisc et douanes - et frapper ainsi plus efficacement l'économie souterraine et les trafiquants.

Les résultats sont incontestables, mais il faut désormais passer à une autre étape pour obtenir de meilleurs résultats encore.

Pour cela, les modes d'organisation doivent être repensés de façon à prendre en compte de façon plus étroite les notions d'agglomération et de plaque urbaine.

En effet, la situation particulièrement difficile en Île-de-France nous permet d'envisager ce renforcement. Force est de constater que la seule coopération policière apparaît désormais insuffisante. Il n'y a pas de frontière entre Paris et la banlieue pour les bandes délinquantes, sans cesse en mouvement, qui utilisent les réseaux routiers et ceux, particulièrement denses, des transports collectifs.

C'est pourquoi il faut aboutir à une organisation plus intégrée de Paris et de la petite couronne.

Nous soutenons donc cette mutualisation des forces, en matière d'ordre public et de circulation, plutôt qu'une forte autonomie des capacités de chaque département. Nous ne pouvons que partager votre projet, madame la ministre, car c'est bien ce qui permettra d'obtenir à terme une meilleure performance.

Je souhaiterais, à ce stade de mon propos, relayer ici les inquiétudes de nombre de mes collègues élus locaux sur l'avenir de la gendarmerie.

En effet, de multiples rumeurs circulent sur les évolutions statutaires de la police et de la gendarmerie ou sur la fermeture de nombreuses brigades de gendarmerie.

À titre d'exemple, je citerai mon département du Val-de-Marne, où, autrefois, un maillage de gendarmeries très efficaces et extrêmement bien intégrées à la population se montrait particulièrement efficace pour la répression de la délinquance. Nous avons dû nous résoudre, bon gré, mal gré, comme nombre de régions de France, à voir partir les gendarmeries vers d'autres territoires, qui - nous l'avons bien compris - en avaient besoin.

Aujourd'hui, nous sommes inquiets de constater que les gendarmes qui nous restent sont affectés à des tâches purement administratives ou de pure police judiciaire.

Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre ? Prendrez-vous des initiatives concrètes pour réaffecter ces gendarmes expérimentés au travail de terrain, dans lequel ils excellaient ?

J'ai évoqué, voilà un instant, la mutualisation de nos forces de sécurité. Certes, police et gendarmerie sont deux institutions qui ont leur culture, leur histoire, leur identité, leurs succès, mais aussi malheureusement leurs drames, à savoir tout ce qui forge et soude une communauté.

Le Président de la République s'y est engagé : il n'y aura pas de fusion entre ces deux corps.

Il faut tirer un meilleur profit des forces de chacune d'entre elles, police et gendarmerie. Il faut impérativement renforcer les coopérations, développer les mutualisations, les faire mieux travailler ensemble pour améliorer encore leur efficacité.

Vous avez souhaité, madame la ministre, poursuivre, d'une part, l'actualisation de la carte territoriale entre zones « police » et zones « gendarmerie » et, d'autre part, développer la polyvalence des forces.

Pouvez-vous nous dire, même si cela semble encore quelque peu prématuré, quelles seront les grandes lignes qui présideront à la future loi relative à la gendarmerie nationale redéfinissant le fonctionnement de cette dernière, loi qui devrait assurer l'unicité de commandement organique et opérationnel des deux forces au sein de la mission de la sécurité intérieure ?

Comme ont eu l'occasion de le souligner MM. les rapporteurs et mes collègues de l'UMP, ce projet de budget courageux et ambitieux répond concrètement à l'une des priorités que les Français ont choisies de manière claire et sans appel lors de la dernière élection présidentielle. Toute notre confiance vous acquise pour sa mise pour sa mise en oeuvre et nous vous accompagnerons dans les réformes à venir pour que nos concitoyens puissent partager enfin ce droit essentiel de vivre en toute sécurité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier sincèrement chacun des orateurs du travail effectué sur ce budget, ô combien important, comme l'ont encore montré les événements survenus ces derniers jours.

La sécurité, monsieur Laménie, c'est effectivement le premier des droits et la première des libertés, celle de laquelle découlent toutes les autres.

La sécurité, en réalité, c'est une chaîne dont chaque maillon a un rôle à jouer, qu'il s'agisse de la famille, de l'éducation nationale, des collectivités, de la police, de la justice ou des associations de réinsertion.

L'important, madame Assassi, est de ne pas tout mélanger.

MM. Henri de Raincourt et Bernard Saugey. Bien sûr !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Certes, les acteurs concernés doivent travailler en étroite liaison les uns avec les autres. Toutefois, si nous voulons être efficaces, il appartient à chacun de rester dans son rôle et de ne traiter que les sujets relevant de son domaine de compétences. Ce n'est pas en ouvrant tous les dossiers à la fois que l'on peut régler les problèmes.

Si je suis parmi vous aujourd'hui pour vous parler de la lutte contre la délinquance, c'est tout simplement parce que cela relève de ma responsabilité.

N'en déplaise à certains, les progrès accomplis pour faire reculer la délinquance sont, depuis 2002, très importants.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Tout le monde pourra le vérifier : à instruments de mesure et à critères d'appréciation inchangés, les actes de délinquance ont augmenté entre 1997 et 2002,...

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois. Tout à fait !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ... alors que, depuis 2002, toujours avec ces mêmes instruments et critères, la délinquance a baissé ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Gautier. Et les émeutes ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Bien entendu, le ressenti de celui ou de celle qui vient de se faire agresser ou de se faire voler son sac à main a changé a le sentiment qu'il y a encore de la délinquance et de l'insécurité, et ce sera toujours le cas. Mais les chiffres sont là ! Et l'amélioration constatée se poursuit cette année, s'amplifiant même au dernier semestre.

De mai à octobre, la délinquance générale a baissé de 3,57 %, et celle de voie publique de 7,49 %, toujours, je le répète, avec les mêmes critères que ceux qui ont été utilisés les années précédentes.

Quant au taux d'élucidation, indicateur essentiel, notamment pour les victimes, il a parallèlement progressé dans des proportions également considérables : inférieur à 25 % en 2001, toujours avec les mêmes critères, il a été porté à 34,3 % en 2006, il atteint 35,3 % sur le cumul des dix premiers mois de 2007 ; je peux même vous annoncer qu'il a passé la barre des 39 % en octobre !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Bravo !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il s'agissait pour moi d'obtenir en deux ans un recul de la délinquance générale de 5 % et celle de voie publique de 10 %, tout en portant le taux d'élucidation à 40 % : cet objectif est donc d'ores et déjà en voie d'être atteint.

Un tel constat, effectué avec des outils de mesure inchangés, ne peut que nous réjouir, mais ne doit pas cacher la nécessité de mener une action toujours plus soutenue pour combattre la délinquance, surtout dans ses formes violentes. N'oublions jamais que, dans notre société, ce sont toujours les plus fragiles qui sont les premières victimes de la délinquance et de la violence.

Cette violence, hélas ! se rappelle trop souvent à nous.

Non, madame Assassi, monsieur Rouvière, monsieur Charles Gautier, les violences urbaines qui se sont produites récemment à Villiers-le-Bel - je note d'ailleurs que le problème a été réglé en quarante-huit heures - ne tiennent pas à notre politique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Pour qu'il n'y ait pas de contestation, j'ai fait procéder à une petite recherche sur les violences urbaines commises entre 2000 et 2002.

En avril 2000, la Courneuve a connu une journée d'émeutes à la suite d'un décès accidentel. Des affrontements ont eu lieu à Pau, le 30 octobre 2000, ainsi qu'à La Défense, en janvier 2001.

Mme Éliane Assassi. C'est toujours le même discours !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. À Nice, en avril 2001, à la suite d'un contrôle d'identité, six véhicules de police ont été brûlés et trois gardiens de la paix ont été blessés.

Mme Éliane Assassi. Les causes sont sociales !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. En novembre de la même année, à Strasbourg et à Trappes, il y a eu une « chasse aux policiers », avec, chaque fois, une quarantaine de jeunes impliqués et trois gardiens de la paix blessés.

Mme Éliane Assassi. À quoi rime cette énumération ?

M. Charles Gautier. Dans laquelle ne figurent même pas les émeutes de 2005 !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous pouvez être fière, madame Assassi, d'un tel bilan ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

En septembre 2001, Toulouse a vécu plusieurs nuits d'émeutes dans le quartier du Mirail.

Je n'oublie pas non plus les violences urbaines commises à Vitry-sur-Seine en décembre 2001.

M. Éric Doligé. Qu'est-ce qu'ils sont mauvais ! Voilà la vérité !

Mme Éliane Assassi. Parlez des causes sociales !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Alors, quand vous insinuez que c'est nous qui créons les difficultés entre la police et les jeunes, permettez-moi de vous rappeler, simplement et en toute sérénité, ces chiffres, que vous pourrez retrouver dans tous les journaux ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Gautier. Parlez de 2005 !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il faut aussi dénoncer les violences dirigées contre des pompiers. J'en ai rencontré un certain nombre en Seine-Saint-Denis. J'ai été scandalisée, comme vous tous, je l'espère, que des pompiers en train de porter secours à des personnes blessées soient agressés par certains. Et, dans ce cas-là, cela n'a rien à voir avec un quelconque problème relationnel entre la police et les jeunes !

M. Auguste Cazalet. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Qu'il me soit ici permis, en mon nom et au nom, je l'espère, de la représentation nationale tout entière, de rendre une nouvelle fois hommage au sang-froid et à la maîtrise des policiers, des gendarmes et des pompiers, qui, chaque jour, font tout simplement leur métier, et dans des conditions extrêmement difficiles. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

Je recevrai d'ailleurs prochainement les policiers et les pompiers blessés à Villiers-le-Bel, comme j'ai reçu les deux adjoints de sécurité qui avaient été agressés au seul motif qu'ils avaient fait leur devoir de citoyen en témoignant auprès des magistrats à la suite de ces événements. Je veux leur dire, en notre nom à tous, notre reconnaissance.

Je me suis rendue cinq fois, de jour comme de nuit, à Villiers-le-Bel. Je peux en témoigner, toute la population s'est sentie soulagée par la présence de la police. Ne l'oublions pas, 99 % des habitants de ces banlieues et de ces cités difficiles n'aspirent qu'à vivre comme tout le monde dans la tranquillité et la sécurité, pour pouvoir élever leurs enfants et progresser dans la société.

M. Christian Cambon. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Qui vous a dit le contraire ?

M. Charles Gautier. C'est une évidence !

Mme Éliane Assassi. Vous faites pourtant le contraire de ce qu'il faudrait !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il y a aussi les violences sexuelles. Mes pensées, comme les vôtres, vont naturellement à cette jeune fille tuée sauvagement dans le RER par un pervers récidiviste.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Pourquoi était-il dehors ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Si les rames avaient été équipées d'un système de vidéoprotection, on aurait peut-être pu lui porter secours.

Les violences accompagnent aussi parfois des vols. Qui a oublié ce convoyeur de fonds abattu Porte de Bagnolet voilà une semaine ?

Mme Éliane Assassi. C'est récurrent, à Paris !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Les violences sont liées au chômage !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je citerai encore les violences intrafamiliales, moins bien connues, mais ô combien nombreuses, avec le drame quotidien vécu par des femmes et des enfants battus, violences contre lesquelles nous devons redoubler d'efforts.

Je ne saurais oublier les violences routières, qui, chaque semaine, notamment le week-end, font de nombreuses victimes et déciment tant de familles.

Les violences terroristes représentent, elles aussi, une grande menace. Nous en avons encore eu la preuve la semaine dernière, avec l'assassinat de deux gardes civils espagnols - le deuxième vient en effet de succomber à ses blessures - à Capbreton.

Ces violences nous le rappellent malheureusement chaque jour : la sécurité, préoccupation première des concitoyens, est une responsabilité majeure pour les gouvernants. Dans ce domaine, il nous faut agir sans démagogie, sans approximation, mais avec une extrême fermeté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour répondre aux risques d'aujourd'hui et aux défis de demain, la France a besoin d'un grand ministère moderne de la sécurité intérieure. Telle est bien mon ambition. Y répondre exige de mettre en place une stratégie, que je vous expose dans ce projet de budget et qui tient en deux axes : mettre des moyens modernes au service des hommes pour accroître leur efficacité.

La modernité des outils est un élément important tout simplement parce que le crime, la terreur et même l'insécurité routière changent de nature avec les nouvelles technologies et la mondialisation.

Face aux bandes, aux violences urbaines et à la cybercriminalité, phénomènes que nous ne connaissions pas il y a quelques années, il convient que la riposte soit à la fois adaptée et souple. Policiers et gendarmes doivent donc adopter des méthodes et disposer des équipements à la hauteur de ces enjeux.

Il nous faut, par conséquent, nous adapter aux technologies du futur et anticiper les évolutions stratégiques, comme vous l'avez souligné, monsieur Laménie.

Aujourd'hui, nous sommes en train d'assister à une véritable course à la modernité entre gendarmes et policiers, d'une part, et criminels, d'autre part. Je veux donc donner aux gendarmes et aux policiers les moyens d'agir aujourd'hui et demain, tout en anticipant ceux dont ils auront besoin après-demain. Dans ce domaine, nous ne pouvons pas « garder le nez dans le guidon » !

Depuis mon arrivée Place Beauvau, j'ai fait de l'adaptation aux technologies du futur ma priorité. J'y consacre d'ailleurs un milliard d'euros de crédits dans ce projet de budget.

En outre, j'ai lancé le regroupement, trop longtemps retardé, des laboratoires de police technique et scientifique sur un site unique en Île-de-France : 12 millions d'euros sont affectés à cette opération.

Par ailleurs, la technologie du fichier automatisé des empreintes digitales et celle du fichier national automatisé des empreintes génétiques seront adaptées à l'accroissement considérable du volume des données recueillies.

J'ai également lancé un plan d'envergure sur la vidéoprotection, car son efficacité, madame Assassi, est avérée, y compris par vos propres amis dans les communes où ils l'ont installée !

MM. Christian Cambon et Henri de Raincourt. C'est évident !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Dans les parkings souterrains, la diminution de la délinquance atteint quasiment 100 %. Dans les lieux où sont installés des moyens de vidéoprotection, la baisse constatée est de 40 %. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, pouvons-nous refuser cette protection à nos concitoyens ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il n'y a aucune raison !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Les études menées à ce sujet ont fait la démonstration de l'efficacité du dispositif. C'est bien la raison pour laquelle j'ai l'intention de développer la vidéoprotection : elle est tout simplement de nature à renforcer la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

En la matière, notre retard est considérable. J'ai donc décidé de tripler le nombre de caméras installées sur la voie publique.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Et la liberté ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. De plus, j'entends notamment offrir aux communes et aux institutions dotées de dispositifs de vidéosurveillance la possibilité de raccorder leurs caméras aux commissariats ou aux gendarmeries, afin que les forces de l'ordre puissent intervenir. J'ai dégagé des crédits à cette fin dès le budget de 2007 ; d'autres sont prévus pour 2008, ainsi que dans la prochaine loi d'orientation.

Je souhaite développer cet outil, qui présente un triple avantage : une intervention très rapide ; une amélioration du taux d'élucidation, parce que notre devoir à l'égard des victimes est d'abord d'identifier leurs agresseurs ; une plus grande dissuasion, dans la mesure où, les chiffres que je viens de citer le prouvent, la vidéoprotection joue véritablement un rôle important en matière de prévention de la délinquance.

M. Philippe Madrelle. N'oubliez pas la présence humaine !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il convient d'équiper la police et la gendarmerie de matériels de protection performants, puisque celles-ci risquent de plus en plus d'être prises pour cible, y compris par des tirs d'armes de chasse, comme cela a été le cas à Villiers-le-Bel.

De même, il importe de développer l'usage des armes non létales chez les forces de l'ordre. Selon moi, il vaut toujours mieux pouvoir neutraliser quelqu'un avec une arme de cette nature plutôt qu'avec une arme de tir.

Les dotations de lanceurs de 40 millimètres, lesquels offrent un rayon de riposte et, partant, un rayon de protection plus larges, ainsi que celles de pistolets à impulsion électrique, qui évitent l'emploi d'armes à feu, vont donc être augmentées très sensiblement.

Madame Assassi, vous qui m'avez interrogée sur ce sujet, je tiens à vous répondre que, dans la gendarmerie, l'utilisation des pistolets à impulsion électrique a permis de réduire d'un tiers l'usage des armes à feu. C'est à mon sens un gros avantage et j'entends développer ce type de matériels, que cela plaise ou non ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ils sont effectivement de nature à assurer la protection des intéressés et à éviter, en cas de légitime défense, les drames que peuvent provoquer les armes à feu.

Par ailleurs, les centres d'information et de commandement seront modernisés, en commençant par ceux de six départements l'année prochaine.

La première version du système ARIANE sera déployée sur tout le territoire et le réseau ACROPOL sera installé outre-mer.

Monsieur Faure, vous m'avez interrogée sur la différence entre RUBIS et ACROPOL. La création du premier est antérieure ; ACROPOL date des années quatre-vingt, mais ce sont à peu près les mêmes technologies. Quant au système ARIANE, il a été mis en place dans les années quatre-vingt-dix et fonctionne aussi en milieu rural.

Ce projet de budget permettra aussi d'accroître les moyens aériens de la sécurité intérieure. Les drones ELSA -« engin léger de surveillance aérienne » -, nettement moins onéreux que des hélicoptères, sont particulièrement utiles à la surveillance à l'occasion de grands rassemblements.

La deuxième action à privilégier, dans le cadre de la modernisation, est l'anticipation stratégique.

La délinquance change en même temps que la société. Il est donc indispensable que les personnes chargées d'assurer la sécurité disposent d'une bonne visibilité, afin de ne pas réagir avec un temps de retard, qu'il s'agisse d'équipement ou de stratégie.

C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de doter le ministère de l'intérieur d'une direction chargée de la prospective et de la réflexion stratégique, la direction des affaires stratégiques, qui s'appuiera sur les instituts de recherche et les universités, et observera ce qui se passe à l'étranger, afin de prendre les devants par rapport à des risques éventuels pouvant survenir sur notre territoire.

Cette direction permettra de prendre une avance sur les délinquants, en termes tant de méthodes employées par les policiers et les gendarmes que de moyens mis à leur disposition pour les protéger ou pour agir, et ce quelle que soit la forme de la délinquance.

De plus en plus, à l'heure de la mondialisation, la délinquance est transfrontalière : elle vient sur notre territoire et en repart. L'efficacité de la sécurité exige donc une prise en compte forte de la dimension internationale de la menace.

La lutte contre les délinquants doit s'élargir sur tout le territoire européen. La présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de faire avancer l'Europe de la sécurité, dont j'ai souhaité la mise en place - comme j'ai voulu celle de l'Europe de la défense lorsque j'occupais d'autres fonctions -, sur des sujets très concrets : formations partagées des cadres de la police, amélioration des modalités d'échange de renseignement, échange de personnels, exercices communs, mutualisation de matériels, harmonisation des réglementations. Faire avancer ces dossiers nous permettrait de marquer la présidence française de manière très positive.

Nous devons également promouvoir et exporter nos pratiques d'excellence. Nous avons en effet, dans un certain nombre de pays, une réputation à la fois d'efficacité et de respect des personnes.

Il est bien évident que les technologies de pointe et la modernisation des moyens doivent être mises au service de l'efficacité des hommes et des femmes qui, dans la police comme dans la gendarmerie, veillent chaque jour sur notre sécurité.

Vous avez beaucoup parlé des rapports de la police et de la gendarmerie.

Chacun, dans cet hémicycle, connaît mes convictions : il est nécessaire de disposer de deux forces de police à statut différent. J'ai toujours défendu la « militarité » de la gendarmerie ; je continue de la défendre et je ne cesserai jamais de la défendre.

Chaque service doit évidemment conserver son identité et ses missions, mais la logique de l'action policière doit privilégier l'efficacité des missions plutôt que la spécificité des structures. C'est tout l'enjeu de la mutualisation. Nul ne gagne à ce que la même tâche soit accomplie deux fois par deux personnes ou deux services différents : mieux vaut agir ensemble.

Cela signifie, tout d'abord, qu'il convient d'améliorer la répartition des missions.

La première voie dans la recherche de cohérence et d'efficacité est la création d'une direction centrale du renseignement intérieur, qui permettra, monsieur de Montesquiou, de rationaliser le renseignement intérieur et la lutte antiterroriste.

Cette direction centrale prendra en charge le contre-espionnage, la contre-ingérence, le contre-terrorisme, la protection du patrimoine et la contestation à potentialité violente. Elle s'appuiera sur des structures centrales fortes et, en même temps, sur un maillage territorial fin : ce sont deux conditions de l'efficacité.

L'organisation territoriale de la police est une deuxième voie dans la recherche de la cohérence et de l'efficacité.

La police territoriale est en cours de réorganisation.

On parle beaucoup de police de proximité. Je préfère, pour ma part, parler de territorialité, car les termes « police de proximité » ont été employés à d'autres fins, dans un autre contexte et avec un autre contenu.

Que ce la soit bien clair : il est évident que la police comme la gendarmerie doivent être présentes sur le terrain. Elles le seront d'autant plus qu'entre la police et la gendarmerie nous avons créé 13 000 postes, qui n'existaient pas auparavant.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Si l'on veut des forces sur le terrain, il faut qu'il y en ait suffisamment !

M. Bernard Saugey. Il faut le dire !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Or c'est depuis 2002 que ces 13 000 postes ont été créés. Avant, leur nombre avait plutôt diminué !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La vraie proximité et la vraie territorialité consistent à avoir des hommes et des femmes sur le terrain, dans nos commissariats, dans nos postes de police, dans nos gendarmeries : c'est la première des choses !

Mme Éliane Assassi. Pas au commissariat de Clichy-sous-Bois !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela ne doit pas nous empêcher d'en rechercher la meilleure utilisation.

Je vous parlais tout à l'heure de la vidéoprotection. Je préfère avoir, plutôt qu'une personne immobile dans un secteur, qui ne peut voir qu'à 100 mètres - et encore si elle a de bons yeux ! -, des caméras permettant d'intervenir immédiatement, dès que l'on décèle un incident dans le secteur.

Nous voulons avoir trois niveaux : des forces présentes en permanence, d'autres qui sont rattachées en permanence sur un secteur mais qui peuvent se déplacer dans le département ou dans les départements voisins si le besoin s'en fait sentir, et des forces très mobiles, les CRS, qui se rendent sur place en cas de besoin spécifique.

Chacun doit être utilisé en fonction de ses savoir-faire, de son implantation, de sa mobilité et de sa rapidité.

Les unités de sécurisation seront composées d'effectifs en tenue ou en civil. Les estimations réalisées par la direction générale de la police nationale situent effectivement à une vingtaine, monsieur Courtois, le volume d'unités souhaitables dans les endroits sensibles.

Fortes de 60 à 100 policiers selon les besoins, ces unités seront installées dans des départements à fort potentiel d'emploi, mais bénéficieront d'une compétence territoriale élargie permettant leur envoi immédiat dans le département ou dans les départements voisins.

Je souhaite que, dès 2008, au moins trois de ces unités soient créées, ce qui nous permettra d'observer leur fonctionnement et d'affiner la mise en oeuvre du dispositif.

Je n'ai pas pour autant l'intention de dissoudre les unités de CRS. Il faut simplement poser les bases d'une meilleure utilisation des CRS, qui corresponde davantage à leur savoir-faire et à leurs missions. Cette évolution des CRS s'accompagnera d'une réflexion sur l'implantation des unités.

Franchement, quand je vois des unités de CRS garder des centres de rétention administrative, je me dis que les CRS ne sont pas bien employés !

M. Christian Cambon. C'est vrai !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Chacun doit donc, d'une part, revenir à ce qu'il sait faire le mieux, mais il faut aussi, d'autre part, une meilleure coordination.

En région parisienne, monsieur Cambon, j'ai redéfini la coordination afin qu'elle devienne plus étroite et permette un renforcement opérationnel rapide lorsque c'est nécessaire. Lors des violences urbaines de Villiers-le-Bel, des policiers de la compagnie de sécurisation de la préfecture de police ont ainsi été envoyés dans le Val-d'Oise, avec l'efficacité que chacun a pu mesurer.

Il est un autre élément d'une lutte efficace contre la délinquance et le démantèlement des trafics locaux : les GIR, dont vous avez souligné l'importance, monsieur de Montesquiou, monsieur Laménie. Je m'attache aux capacités de la police et de la gendarmerie, mais je veux également accroître la coopération, y compris au sein des GIR, des autres acteurs de l'État tels que le fisc ou les douanes, dont nous avons aussi besoin.

La troisième voie de l'efficacité est la mutualisation entre police et gendarmerie, qui sera facilitée par mes nouvelles attributions.

Je le répète, au risque de vous lasser : police et gendarmerie ont chacune leur culture et leur vocation. Nul ne les remet ni ne les remettra en cause.

Si la parole d'un ministre de l'intérieur n'est pas suffisante, les engagements pris par le Président de la République, la semaine dernière, ont dû rassurer chacun pour aujourd'hui, demain et après-demain.

Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie mené entre 2003 et 2006 a permis d'harmoniser les zones de compétence. Même si certains ont vu avec regret les gendarmes quitter leur ville, je crois vraiment que nous sommes parvenus à établir un dispositif plus cohérent. Cette adaptation se poursuivra parallèlement à l'amélioration de la complémentarité entre les deux forces.

Puisque la question m'a été posée, je tiens à vous rassurer : il n'est pas question de procéder à un « génocide » des brigades de gendarmerie.

Un sénateur de l'UMP. Bonne nouvelle !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Des informations qui ne correspondent pas à la réalité du terrain sortent parfois on ne sait d'où. La réalité est toujours plus forte que la technocratie ou que des élucubrations non contrôlées.

M. Charles Gautier. Dites-le à Rachida !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La future loi sur la gendarmerie réaffirmera son statut militaire, tout en confiant son commandement organique et opérationnel au ministre de l'intérieur. Celui-ci définira son organisation, ses objectifs, ainsi que ses moyens d'investissement et de fonctionnement.

J'ai eu l'occasion de rassurer les gendarmes sur plusieurs points, et notamment sur la parité de traitement avec les policiers. Il ne devrait plus y avoir d'inquiétude à cet égard. Le groupe de travail qui a été constitué - et je m'en félicite - permettra, en liaison avec l'Observatoire de la condition militaire, que j'ai créé il y a deux ans, de vérifier que cette parité est bien réalisée puisque les conditions de travail elles-mêmes sont très différentes.

Notre priorité est le renforcement opérationnel. De ce point de vue, je me réjouis que les responsables tant de la police que de la gendarmerie, dès lors que chacun a été rassuré sur la reconnaissance de sa spécificité, m'aient eux-mêmes proposé des voies de mutualisation très intéressantes.

Sur le plan de la logistique, elles concerneront les passations de marchés publics, l'entretien et la réparation d'armements ou de véhicules - il est ridicule d'avoir deux structures différentes pour assurer ces missions -, et l'utilisation commune de matériels très coûteux, dont l'usage est rare. Cela relève du simple bon sens !

Dans cet esprit, monsieur Courtois, certains engins destinés au maintien de l'ordre, tels que les barre-pont, les fourgons-pompes et les véhicules blindés, seront utilisés à la fois par les CRS et les gendarmes mobiles. De la même façon, le parc automobile des forces mobiles sera entretenu à l'atelier de la police, à Limoges.

Concernant les ressources humaines, le recrutement et la formation s'enrichiront d'un échange sur les pratiques actuelles, notamment pour les personnels de soutien.

J'ai ainsi décidé que le futur centre de formation des agents techniques et administratifs, à Lognes, serait ouvert aux collaborateurs des deux directions générales.

De même, certaines formations spécialisées communes pourront être mutualisées : les plongeurs de la police pourraient accueillir des gendarmes, des équipes cynophiles de la gendarmerie pourraient accueillir des policiers. La formation au maintien de l'ordre pourrait être commune. Des stages communs aux CRS et aux gendarmes mobiles sont à l'étude. Tout cela vous sera présenté prochainement.

Enfin, cet effort de mutualisation concerne également le soutien opérationnel. J'en veux pour preuve le très important chantier du regroupement des fichiers de police criminelle dans l'application ARIANE.

Je vous le disais, mesdames, messieurs les sénateurs, ces moyens nouveaux sont au service de l'efficacité des personnels.

Le premier atout de la police comme de la gendarmerie est en effet la qualité des femmes et des hommes qui les servent. Sur eux repose l'efficacité, et nous avons besoin d'eux, raison pour laquelle je vous conseille de ne pas retenir les chiffres, dont je ne vois ni le fondement rationnel ni la justification sur le terrain, qui sont parfois prononcés, à droite ou à gauche, en tout cas hors des cadres autorisés.

Je suis en revanche convaincue, comme je l'avais déjà dit l'année dernière s'agissant de la défense, que l'optimisation des effectifs passe par le recentrage de chacun sur son coeur de métier : les policiers comme les gendarmes ne se sont pas engagés dans la police ou dans la gendarmerie pour effectuer des tâches administratives.

C'est pourquoi, monsieur Courtois, je vais relancer un plan de recrutement dès 2008 : sur les 700 postes de personnel administratif, technique et scientifique dont la création est inscrite dans le projet de budget, 475 sont des postes administratifs, chiffre qui est tout de même significatif.

Ces évolutions à la hausse du personnel de soutien seront amplifiées pendant les années d'application de l'actuelle LOPSI et une augmentation de plus de 5 000 personnels administratifs, techniques et scientifiques devrait figurer dans la prochaine LOPSI.

Il s'agit là, à mon sens, d'une orientation qui a pour effet de renforcer à la fois l'intérêt des métiers et l'efficacité.

Je ne saurais donc laisser dire que nous ne faisons rien pour que, d'une façon générale, les policiers soient mieux utilisés dans leur mission. Concernant en particulier l'utilisation des escortes de transfèrement, le Président de la République a, conformément au souhait exprimé par plusieurs d'entre vous, annoncé une refacturation à la justice du coût des transfèrements, ce qui nous redonnera des marges de manoeuvre et devrait s'accompagner, dans les années à venir, d'une révision complète des modalités desdits transfèrements.

Les renforts de personnels administratifs sont d'autant plus importants que, dans la police, le nombre des adjoints de sécurité a beaucoup baissé au cours des dernières années, d'ailleurs pas simplement pour éviter de supprimer des postes de policiers actifs, mais parce que nous avions d'énormes difficultés de recrutement.

Je pense néanmoins qu'il faut continuer, comme le souhaitait M. Courtois, à assurer ce recrutement, d'abord parce que c'est utile, ensuite parce que cela donne à des jeunes issus de milieux assez défavorisés la perspective de passer dans de meilleures conditions les concours spécifiques de recrutement de gardien de la paix.

Je veux enfin dire que, si j'ai respecté la règle des non-remplacements d'agents partant à la retraite, monsieur Madrelle, j'ai veillé à ce que dans la police aucune des suppressions d'emploi ne touche les gardiens de la paix. Il est d'ailleurs faux de dire qu'il y aurait une diminution de leur nombre. D'une part, ce nombre est resté exactement le même que les autres années. D'autre part, j'ai obtenu que le retour qui est classiquement fait des économies réalisées soit beaucoup plus important qu'il ne l'est généralement, ce qui profitera directement aux personnels, car je tiens à ce qu'une amélioration de la vie tant professionnelle que personnelle des agents vienne reconnaître la qualité du travail accompli.

Je porte donc une attention particulière à la formation et au déroulement des carrières des personnels. J'estime que, dans un cas comme dans l'autre, il faut renforcer tous les éléments et la qualité de la formation de base comme de la formation permanente, qui doit augmenter la capacité des agents à obtenir une véritable promotion professionnelle et sociale.

Il faut en outre tenir compte des difficultés sur le terrain, et c'est la raison pour laquelle nous inscrivons dès ce budget les crédits nécessaires pour financer à la fois des logements supplémentaires, notamment en région parisienne, et des places de crèche.

Il me semble que c'est une bonne façon de résoudre certaines difficultés. Je pense notamment à la fidélisation, qui, je le sais comme vous, constitue une des problématiques majeures dans la région d'Île-de-France. À cet égard, un groupe de travail dont une des dernières réunions s'est tenue ce matin m'a fait diverses propositions que je vais étudier avant de les soumettre très prochainement au Parlement, ce qui devrait nous permettre de répondre aux attentes des personnels.

Ces chantiers sont importants ; je suis persuadée pour ma part qu'ils sont le gage d'une police à la fois moderne, efficace, proche des citoyens et ouverte aux problématiques du future.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais pouvoir compter sur vous pour donner aux policiers comme aux gendarmes les moyens nécessaires à leur action au profit des Français et au bénéfice de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité » figurant à l'état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Sécurité

16 229 942 345

15 878 011 853

Police nationale

8 533 223 906

8 425 151 087

Dont titre 2

7 347 738 848

7 347 738 848

Gendarmerie nationale

7 696 718 439

7 452 860 766

Dont titre 2

6 094 834 078

6 094 834 078

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de cette mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion l'article 48 octies, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Sécurité ».

Sécurité

Sécurité
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Administration générale et territoriale de l'Etat

Article 48 octies

Les opérations de construction liées aux besoins de la gendarmerie nationale, dont le principe a été approuvé avant le 31 décembre 2007 par décision du ministre de la défense, peuvent faire l'objet d'un bail emphytéotique administratif, dans les conditions prévues à l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, jusqu'au 31 décembre 2008.

M. le président. L'amendement n° II-161, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi cet article :

I - Après les mots :

de la gendarmerie nationale

insérer les mots :

et de la police nationale

II - Remplacer les mots :

du ministre de la défense

par les mots :

des ministres compétents

La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il s'agit d'étendre à la police nationale le dispositif des baux emphytéotiques administratifs prévu dans la première LOPSI pour la gendarmerie, dispositif qui a donné des résultats très positifs et qui devrait permettre d'accélérer la reconstruction ou la rénovation de locaux professionnels, en particulier de commissariats.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Le système des baux emphytéotiques ayant en effet permis d'obtenir des résultats positifs pour ce qui est des logements de la gendarmerie, la commission considère qu'il peut tout à fait être étendu à la police nationale.

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.

M. Henri de Raincourt. Je suis bien entendu favorable à cet amendement présenté par le Gouvernement, mais je me permets, madame la ministre, de saisir cette occasion pour rappeler que se pose encore un problème, lorsque l'on se situe dans le cadre d'un bail emphytéotique, au regard de la récupération de la TVA, problème qui mériterait d'être examiné, non pas aujourd'hui mais rapidement, car c'est un frein de nature à ralentir la réalisation des projets à l'avenir.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur de Raincourt, je puis vous assurer de mon soutien en la matière et vous indiquer que nous avons saisi le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi de ce problème auquel les élus sont en effet confrontés sur le terrain.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-161.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'article 48 octies.

(L'article 48 octies est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Sécurité ».

Administration générale et territoriale de l'État

Article 48 octies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Relations avec les collectivités territoriales - Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » bénéficie de 2,656 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 3 % par rapport aux crédits ouverts pour 2007.

Deux innovations majeures la caractérisent pour 2008.

D'une part, elle s'enrichit d'un nouveau programme dédié à l'expérimentation du progiciel de gestion intégrée Chorus au sein de l'administration territoriale.

D'autre part, le programme « Administration territoriale » s'étend désormais à l'outre-mer, en intégrant les hauts-commissariats et les représentations de l'État outre-mer.

Les crédits de paiement du programme « Administration territoriale » proprement dits enregistrent une hausse substantielle de 5,7 % et s'élèvent à 1,657 milliards d'euros.

Dans le cadre de ce programme, il convient de relever le rôle grandissant de l'Agence nationale des titres sécurisés, en charge du passeport électronique, du passeport biométrique, de la carte nationale d'identité, du système d'immatriculation à vie des véhicules et du permis de conduire.

En outre, dans un contexte de modernisation de l'administration territoriale, de réorganisation du contrôle de légalité et de dématérialisation des titres, on ne peut faire l'économie d'une interrogation sur l'exercice des missions des sous-préfectures, dont les frais de fonctionnement pèsent, naturellement, sur les crédits de ce programme.

Un certain nombre de redécoupages d'arrondissements ont, d'ores et déjà, eu lieu, afin de mieux étaler la charge de travail entre les différents services préfectoraux au sein d'un même département.

Par ailleurs, il ressort de l'audition du responsable de programme à laquelle j'ai procédée qu'une réflexion est en cours sur cette question au sein de votre ministère, madame le ministre. Mais, bien évidemment, toute « reconfiguration » éventuelle de la carte des sous-préfectures ne devra être envisagée que dans le respect de la dimension humaine et des besoins des territoires.

Le programme « Administration territoriale : expérimentations Chorus » concerne deux régions, la Haute-Normandie et les Pays de la Loire, et comprend 105,3 millions d'euros en crédits de paiement.

Je précise toutefois que le comité d'orientation stratégique, réuni le 30 octobre 2007, a pris la décision de reporter au début de l'année 2009 le démarrage de l'expérimentation.

Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » enregistre un recul de ses autorisations d'engagement, qui passent à 361,7 millions d'euros pour 2008, et de ses crédits de paiement, qui s'établissent à 361,7 millions d'euros pour 2008, soit une réduction de 4,6 %.

Cette évolution à la baisse tient essentiellement au calendrier électoral particulièrement chargé de 2007, sans qu'il faille pour autant négliger celui de 2008. Le chiffrage du coût des élections en 2008 s'établit en effet à 177 millions d'euros.

Au total, le coût moyen par électeur inscrit ressort à 4,54 euros pour les élections présidentielles, à 3,72 euros pour les législatives, à 3,48 euros pour les cantonales, à 2,92 euros pour le référendum de 2005, à 2,84 euros pour les municipales et, mes chers collègues, parce que nous sommes des gens modestes, à 0,14 euros pour les sénatoriales. (Sourires)

À l'occasion de l'examen de ce programme, je veux redire que le mode de financement public de l'activité politique contribue aujourd'hui fortement, et cela en dépit même de la règle du 1 %, à un gonflement artificiel - et parfois bucolique - du nombre de partis et de groupements politiques. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Le troisième programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » s'appuie sur une enveloppe budgétaire quasi stable de 2007 à 2008, de 532, 5 millions d'euros en crédits de paiement.

Dans ce contexte, je veux souligner les inquiétudes suscitées par le contentieux indemnitaire opposant l'État à certaines communes et concernant les charges de gestion, pesant sur ces dernières, en matière de recueil des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports ainsi que de délivrance de ces titres.

D'ores et déjà, le montant des condamnations prononcées à l'encontre de l'État par les juridictions administratives s'élève à 6, 8 millions d'euros. À la fin du mois de novembre, 151 requêtes étaient en cours, pour un montant de 51, 1 millions d'euros de demandes indemnitaires.

On peut s'interroger, madame le ministre, sur la réponse qui sera apportée à cet épineux problème dont l'impact financier est estimé, selon les informations qui proviennent de votre administration, dans une fourchette comprise entre 185 millions d'euros et 451 millions d'euros, ce qui est tout à fait considérable. Il convient donc de trouver une solution.

En conclusion de ce bref propos, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Nous vous avons écouté avec beaucoup d'attention et le modeste président de séance que je suis a été intrigué par une de vos affirmations.

Pourquoi, d'après vous, le coût des élections cantonales est-il supérieur à celui des élections municipales, alors qu'à ma connaissance on ne renouvelle que la moitié des cantons ?

M. Henri de Raincourt, rapporteur. Il s'agit du coût par électeur et non du coût global.

M. Bernard Saugey. Quel talent !

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle connaissance du sujet !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », qui est dotée de 2, 656 milliards d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2008, soit une hausse de 3 % par rapport à 2007.

Les actions de cette mission sont réparties au sein de quatre programmes : le programme « Administration territoriale », le programme « Administration territoriale : expérimentation Chorus », qui est nouveau et qui doit permettre d'expérimenter le nouvel outil de gestion budgétaire Chorus dans deux régions - Haute-Normandie et Pays de la Loire -, le programme « Vie politique, cultuelle et associative » et le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

Vous trouverez dans le rapport de la commission des lois le détail de l'examen des crédits, chapitre après chapitre.

Le programme « Administration territoriale », dont le périmètre est modifié par rapport à l'an dernier, comporte la mise en oeuvre de nombreuses réformes ayant pour but de moderniser les administrations préfectorales. Il comprend six objectifs auxquels sont associés quatorze indicateurs.

Un nouvel objectif souligne désormais le rôle de coordination interministérielle du préfet, conformément à l'une des demandes formulées par la commission dans ses précédents avis.

Le projet de budget pour 2008 fait apparaître que les préfectures pourront jouer leur rôle pivot dans l'exercice des politiques nationales puisque plus de 60 % des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » leur sont affectés, permettant aux préfets de lancer des expérimentations de réorganisation des services de l'État, comme dans le département du Lot.

L'objectif est de rendre l'État plus efficace et plus économe en fusionnant l'ensemble de ses services sous l'autorité du préfet, lequel dispose désormais d'une enveloppe globale qui lui est attribuée chaque année.

Le rapport qui vous est soumis examine notamment l'activité essentielle des préfectures, à savoir la délivrance des titres et la garantie de l'identité. C'est ainsi qu'en 2006 plus de 24 millions de titres ont été délivrés, dont 5 millions de cartes nationales d'identité et 12, 7 millions de cartes grises. Par ailleurs, les délais de traitement de ces titres ont été nettement améliorés et mesurés. Ils atteignent 18 minutes pour 75 % des préfectures et ne devront pas dépasser 15 minutes dans toutes les préfectures en 2009. C'est un progrès considérable.

L'Agence nationale des titres sécurisés, l'ANTS, qui est un établissement public interministériel créé par le décret du 22 février 2007, a son siège à Charleville-Mézières. Sa mission est de définir les normes techniques et les dispositifs permettant la gestion des titres sécurisés tels que le passeport électronique, le passeport biométrique et la carte d'identité électronique. Pourriez-vous, madame la ministre, nous préciser le calendrier de mise en place opérationnelle de cette agence ?

À la fin de l'année, l'Agence sera compétente pour les visas et en 2008 pour le système d'immatriculation à vie des véhicules ainsi que pour les permis de conduire.

Reste à finaliser le projet INES, identité nationale électronique sécurisée, qui insérera les données biométriques sur les cartes nationales d'identité avec empreintes digitales mais il est certain que seules les grandes communes pourront délivrer ces titres. En effet, les petites communes ne disposent pas de services permettant de le faire.

La mise en place du système d'immatriculation à vie des véhicules, le SIV, dont le coût s'élève à 8, 7 millions d'euros avec la création d'une agence nationale, est annoncée depuis longtemps. D'après nos renseignements, le dispositif devrait être opérationnel le 1er janvier 2009, après accord avec les professionnels de l'automobile. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si cela est exact et nous apporter des précisions sur le calendrier de mise en oeuvre de ce système qui devrait favoriser la lutte contre la fraude et les vols ?

Le rapport qui vous est soumis traite également, dans le cadre des préfectures, du contrôle de la légalité : entre 2005 et 2006, le nombre d'actes transmis aux préfectures a diminué - ce qui est l'objectif visé - de 27 %.

En outre, la transmission par voie électronique des actes est permise et pour le seul mois de juillet 2007, 14 000 actes ont été transmis par cette voie.

Dans mon rapport, j'insiste sur la nécessaire formation juridique qui doit être exigée des fonctionnaires chargés du contrôle de la légalité, ce qui n'est pas toujours le cas. Je souhaite donc savoir comment vous envisagez d'améliorer la formation juridique des agents chargés de ce contrôle. En effet, j'en ai personnellement fait l'expérience, certain d'entre eux n'ont jamais fait de droit, ce qui paraît ubuesque.

Le deuxième volet du rapport est consacré aux crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

S'agissant de la vie politique, il traite des crédits affectés, d'une part, aux partis politiques au titre de l'aide publique et, d'autre part, aux élections qui se dérouleront en 2008 - 259 formations politiques ont déposé des comptes certifiés.

Par ailleurs, concernant l'action « Vie des cultes », il est à noter que les crédits sont en léger repli de 4 %, à la suite de la baisse des effectifs du personnel des cultes.

Sur ce sujet, je souhaiterais apporter une précision. La France est le pays européen qui compte le plus grand nombre de Musulmans, de Juifs et de Bouddhistes, outre les Hindouistes à la Réunion. Une réflexion a donc été menée sur la relation des cultes avec les pouvoirs publics par une commission présidée par le professeur Jean-Pierre Machelon afin d'adapter le droit des cultes et de faciliter la construction de nouveaux lieux de culte en interdisant le recours à des financements étrangers. Vos services, madame la ministre, ont indiqué à la commission des lois que le résultat des travaux dirigés par le professeur Machelon était à l'étude. Pourriez-vous nous donner un calendrier plus précis et nous indiquer le sens des mesures qui pourraient être retenues ?

Enfin, des crédits sont consacrés à la vie associative et permettent, en particulier, la simplification du fonctionnement des associations et le financement du projet WALDEC, c'est- à-dire la création d'un répertoire national de ces structures, près de 800 000 associations existant en France. Pouvez-vous nous indiquer les objectifs de votre ministère pour la mise en oeuvre de ces chantiers, leur coût et le calendrier s'y rapportant ?

Le dernier chapitre de ce rapport concerne le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

Il comporte quatre objectifs, dont vous trouverez le développement dans le rapport, et sept indicateurs.

J'insisterai simplement sur la politique de gestion immobilière où, incontestablement, des erreurs ont été commises : loyers trop chers, ventes à bas prix et rachat du même bien à un prix beaucoup plus élevé, outre des délais anormalement longs pour formaliser les ventes.

L'État et les trésoreries générales, chargées des ventes de son domaine, auraient intérêt à s'adresser à quelques notaires et professionnels de l'immobilier ; cela serait incontestablement rentable. Je l'ai déjà suggéré à Mme Christine Lagarde, à l'occasion d'une question orale posée dans cet hémicycle le 10 novembre 2005.

Quant à l'augmentation des activités contentieuses du ministère de l'intérieur, elle est essentiellement due aux recours relatifs aux retraits de permis de conduire à la suite de contrôles effectués par les radars automatiques.

Sous le bénéfice de ces explications, la commission des lois a émis un avis favorable sur l'adoption de ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Saugey. Quel talent !

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite du débat, la parole est à Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je me contenterai de vous poser quatre questions, madame la ministre.

La première concerne les effectifs des préfectures et des sous-préfectures.

M. Éric Doligé. Cela fait deux questions ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ce projet de budget pour 2008 s'inscrit dans la continuité des derniers budgets qui se traduisent par la réduction des effectifs. Cette fois, ce sont 493 équivalents temps plein qui sont supprimés.

Vous n'ignorez pas, madame la ministre, que le fonctionnement des services préfectoraux est en butte à l'accumulation des documents d'orientation, les fameux DNO, qui sont soumis par les autorités de l'État, des plans d'action stratégique de l'État...

Par ailleurs, les missions confiées aux préfets augmentent considérablement, notamment avec l'application de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, de la loi de programmation pour la cohésion sociale, de la loi instituant un droit opposable au logement... Il faut ajouter à cette liste non exhaustive la création récente de nombreux organismes et agences qui ont des missions spécifiques, comme l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, les agences régionales de la santé, etc.

On a le sentiment que, d'un côté les charges s'alourdissent alors que, de l'autre, les personnels sont toujours en nombre plus réduit. Pensez-vous que ce soit une situation logique et tenable ?

Ma deuxième question porte sur le programme expérimental Chorus. Un article, paru dans le journal Les Échos le 22 novembre dernier était intitulé « Bercy annule l'appel d'offres sur le déploiement du progiciel Chorus ». C'est la seconde fois que l'appel d'offres est déclaré sans suite. Selon l'Agence pour l'information financière de l'État, cette décision serait due à l'impact des grandes réformes de l'État qui sont actuellement étudiées par le Gouvernement. Celui-ci travaillerait sur une mutualisation des services de gestion budgétaire et comptable, qui affecterait sensiblement le déploiement de Chorus. On peut lire dans l'article que cette explication laisse sceptiques certains observateurs, qui évoquent plutôt un retard du pilote fonctionnel de Chorus.

Puisque vous demandez, madame la ministre, l'inscription de crédits au titre de l'année 2008 pour la mise en oeuvre de ce programme dans les préfectures de Haute-Normandie et des Pays de la Loire, pensez-vous vraiment qu'ils seront consommés au cours de ladite année ? Autrement dit, le programme Chorus est-il toujours d'actualité, ou s'agit-il d'une logique de retardement ?

Ma troisième question a trait à l'Agence nationale des titres sécurisés.

Dans vos récentes déclarations, madame la ministre, ainsi que dans l'établissement de ce projet de budget, il apparaît que l'importance de cette agence va croissant pour des raisons évidentes de besoins de titres sécurisés, d'application des normes européennes, etc.

Or, vous le savez, certaines entreprises spécialisées dans ce domaine vont mal, bien que notre pays possède un important potentiel industriel, notamment grâce à Gemalto, Sagem et Oberthur. Le premier de ces groupes connaît de grandes difficultés, au point que la fermeture de l'usine de pointe qu'il possède à Orléans a malheureusement été annoncée.

L'Agence nationale des titres sécurisés ne pourrait-elle pas user de ses prérogatives pour relancer ce secteur d'activité en général et l'entreprise Gemalto en particulier ? Notre pays compte de nombreux atouts dans le domaine des cartes numériques sécurisées, et il serait tout à fait dommage de laisser ce potentiel se dilapider, au détriment de nos emplois.

C'est pourquoi je me permets d'évoquer cette question, madame la ministre, en attirant tout particulièrement votre attention sur la situation de Gemalto. Mon collègue Éric Doligé qui, lui aussi, connaît bien cette entreprise partage d'ailleurs ma préoccupation.

Enfin, je souhaite vous interroger sur le dossier des sinistrés de la sécheresse de 2003, dont la situation, vous le savez, est extrêmement préoccupante.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela n'entre pas dans le périmètre de cette mission !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce problème concerne le budget des préfectures, madame la ministre, c'est pourquoi je l'évoque maintenant : en 2006, une dotation a été attribuée aux préfectures, qui est notoirement insuffisante pour faire face, tout simplement, aux situations très difficiles que connaissent un certain nombre de nos concitoyens victimes de cette sécheresse de 2003.

En outre, nous nous rendons compte que cette dotation a été attribuée de manière très inégale entre les départements, et à l'intérieur même de ces derniers, et que certains problèmes n'ont pas été résolus.

Nous sommes interpellés continuellement par les associations de sinistrés, qui mettent en évidence ces inégalités et les questions préoccupantes laissées sans réponse pour un certain nombre de nos concitoyens.

Madame la ministre, pouvez-vous rendre public le rapport prévu par la loi ? En effet, lorsqu'elle était rapporteur du texte relatif au droit opposable au logement, à l'Assemblée nationale, Mme Christine Boutin avait introduit, par voie d'amendement, une disposition obligeant le Gouvernement à déposer, avant le 1er décembre 2007, un rapport sur la manière dont cette indemnisation a été gérée, afin de mettre en lumière les dysfonctionnements qui, à l'évidence, se sont produits.

Le 6 novembre dernier, lors des questions orales au Sénat, vous avez bien voulu répondre à ma collègue Nicole Bricq : « le rapport [prévu par la loi] sera bien déposé avant le 1er décembre [2007 et] communiqué au Parlement. » Or il ne vous aura pas échappé que nous sommes le 5 décembre 2007 ! Je me permets donc de vous poser deux questions, pour finir.

Premièrement, pouvez-vous nous communiquer ce rapport, qui nous sera très précieux ?

Deuxièmement, vous le savez, les associations concernées ont rencontré M. Christian Poncelet, président du Sénat, et celui-ci a beaucoup insisté auprès de M. le rapporteur général pour que la dotation destinée à cette indemnisation, qui avait été inscrite au budget 2006, soit abondée par voie d'amendement.

Malheureusement, cette disposition n'a pu être présentée lors de l'examen de la première partie du présent projet de loi de finances. Madame la ministre, seriez-vous favorable à un tel amendement s'il était déposé lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l'examen de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », je voudrais solliciter l'indulgence du Sénat et m'interroger quelques instants sur ce qu'est cet État dont nous parlons tant.

Sur l'État, Jacques Donnedieu de Vabres, le père de notre précédent ministre de la culture, a écrit un jour dans un ancien et excellent Que sais-je ? : « L'État moderne ressemble au cercle de Pascal dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Il n'y a pas de problème politique en soi, il n'y a que des problèmes d'organisation sociale dont l'opinion s'empare et auxquels elle subordonne l'exercice du Gouvernement ». Selon les époques et les mouvements d'opinion, en effet, on voit tour à tour la justice, l'Église, l'enseignement, l'industrie lourde, les transports, resserrer ou détendre leurs rapports avec l'État. Jacques Donnedieu de Vabres ajoutait : « L'entretien des cathédrales, la culture des fleurs, la production des parfums ou les dessins de mode sont ou peuvent être des services publics, aidés au nom de l'intérêt général. »

Cette conception opérationnelle et utilitariste de l'État, exposée avec un scepticisme élégant en 1954, n'a rien à voir avec le cri d'alarme passionné poussé par Michel Debré, sept ans auparavant, dans son célèbre ouvrage La mort de l'État républicain : « Notre État est incohérent. Notre État est ruineux. Notre État est inefficace. Notre État est inhumain. Avons-nous même un État ? »

Aujourd'hui, où en sommes-nous ? Les pouvoirs publics, que ce soit l'exécutif ou le législatif, oeuvrent dans le cadre de la LOLF et de la RGPP, la révision générale des politiques publiques.

Nous ne sommes pas au lendemain de la guerre de 1870, quand le vieil Ernest Renan appelait à une « réforme intellectuelle et morale ». Nous n'avons pas à construire une Ve République, parce que celle-ci existe et que c'est elle que nous servons.

Plus modestement, et plus difficilement peut-être, il s'agit, après des années sans doute trop aisées, de réparer, comme dans un chantier archéologique, les trous et les dégâts qui enlaidissent le domaine de cette « pauvre petite fille riche » qu'est devenue la France.

Dans ce chantier multiforme, nos rapporteurs, MM. Henri de Raincourt, José Balarello et - à propos d'une mission voisine de celle-ci, la semaine dernière - Paul Girod s'interrogent et dégagent un certain nombre de points nodaux.

À la question angoissée et sans doute excessive, même à cette époque, posée par Michel Debré, ils répondent : « Oui, nous avons un État, mais il mérite d'être mieux géré ». Cet État, comme l'avait entrevu Jacques Donnedieu de Vabres, ne saurait se désintéresser d'aucune activité, d'aucun sujet, quand brusquement l'opinion s'en entiche.

Seule différence avec les années cinquante, ce n'est pas l'extension des services publics qui constitue aujourd'hui la réponse à cette inquiétude, mais plutôt l'inverse : non pas forcément la privatisation, au plein sens du terme, mais en tout cas l'emprunt d'un modèle entrepreneurial, inspiré des expériences étrangères.

Oui, l'État à l'ancienne recule. Dans son rapport écrit, notre collègue Henri de Raincourt relève avec intérêt l'expérimentation tendant à fusionner l'ensemble des services de l'État sous l'autorité du préfet, mais il s'interroge aussitôt sur le rôle et la pérennité de nos sous-préfectures, présageant peut-être une réforme qui, si elle était mise en oeuvre, ne serait pas moins lourde de conséquences dans nos départements que celle de la justice.

Tout aussi frappant - peut-être même plus, dans l'ordre du symbole - est le constat que faisait notre collège Paul Girod dans son rapport sur le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». La distinction entre l'État propriétaire et les administrations occupantes ouvre une brèche déroutante dans nos habitudes. La transformation des services des domaines en une entité appelée « France Domaine » et la création du Conseil de l'immobilier de l'État modifieront en profondeur le visage de notre administration. De telles innovations ne sont pas sans risques, comme le montre le cas de l'Imprimerie nationale.

Mes chers collègues, je ne vous cacherai pas le sentiment de mélancolie qui m'envahit quand j'apprends que tel hôtel au nom prestigieux ou poétique a été vendu à une société étrangère ou à une ambassade.

Sans doute s'agit-il d'une déformation due à de trop longues années passées au service de ce que l'on appelait alors, et que l'on n'appelle plus, la haute fonction publique.

Je souhaite donc que la réforme de l'État et de ses services publics continue, qu'elle s'approfondisse, mais qu'elle ne ternisse pas ce reflet lumineux qui accompagnait jadis le service de l'État. Après tout, nous sommes également au service de l'État, nous, les parlementaires.

Toutefois, je me veux rassuré quand je lis le discours prononcé par le chef de l'État à l'IRA, l'Institut régional d'administration, de Nantes, là où se forment justement les meilleurs éléments de notre administration générale et territoriale - je laisse volontairement l'ÉNA de côté. (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous pourriez la citer !

M. Yann Gaillard. Je relève, en effet : « En France le service public ce n'est pas seulement une profession, ce n'est pas seulement un métier, c'est une vocation [...] Dans le développement, le non-marchand est aussi important que le marchand, la qualité aussi décisive que la quantité, l'immatériel aussi crucial que le matériel ». Mes chers collègues, c'est signé Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la première fois, un rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale, présenté le mardi 30 octobre dernier, établit un classement national en matière de délais de traitement des documents administratifs. On peut y constater que les écarts de performances établis en 2006 sont, dans certains cas, particulièrement importants.

À titre d'exemple, pour obtenir une carte nationale d'identité, il faut compter un jour et des poussières dans le territoire de Belfort et un peu plus de trente-sept jours en Seine-Saint-Denis. Pour le passeport électronique, si le délai moyen de traitement des demandes n'excède pas une journée dans une douzaine de départements, les habitants des Pyrénées-Orientales doivent, eux, patienter vingt-trois jours en moyenne.

Les dotations attribuées à chaque département connaissent également des variations importantes. À une extrémité du classement, on trouve la préfecture du Nord, un département comptant 2 576 000 habitants, qui est dotée de 16,63 euros par habitant, et celle du Pas-de-Calais, laquelle bénéficie, pour chacun des 1 456 000 habitants de ce département, de 17,14 euros. À l'inverse, la Lozère, avec 77 000 habitants et 77,43 euros par habitant et la Corse du Sud, avec 128 000 habitants et 79,47 euros par habitant sont les départements les mieux lotis, semble-t-il.

De plus, il règne une certaine opacité dans l'affectation des budgets. En effet, l'exécution du budget du ministère de l'intérieur en 2006 fait apparaître d'importantes anomalies.

Les crédits votés par le Parlement dans le cadre de la mission « Administration territoriale de l'État », qui recouvre l'ensemble des missions des préfectures et des sous-préfectures, soit 1,6 milliard d'euros - une somme à peu équivalente à celle qui est prévue pour cette année également - ont certes été utilisés dans leur quasi-totalité. Cependant, en fonction des différentes actions, les montants consommés sont tous très éloignés des dotations initiales.

Malgré les constantes dénégations de M. Claude Guéant, ancien directeur du cabinet de M. Sarkozy au ministère de l'intérieur, à présent secrétaire général de l'Élysée, les parlementaires sont en droit de connaître la manière dont sont affectés les budgets qu'ils ont votés.

Il existe donc d'importantes inégalités territoriales entre les préfectures, ainsi qu'une certaine opacité, en ce qui concerne leurs activités comme leurs ressources.

Or, au moment même où la réorganisation de la carte judiciaire suscite une polémique sans précédent, on voit se dessiner un projet de réorganisation du réseau des sous-préfectures dont tout indique qu'il réduira encore plus les moyens alloués à l'administration territoriale. Le « grand chantier de la réorganisation des services publics » lancé par le président de la République risque bien, à terme, de faire disparaître un nombre indéterminé - pour l'instant du moins - de sous-préfectures.

En somme, après la carte judiciaire, nous allons assister au «  resserrement » des postes de gendarmerie, des commissariats et sans doute, demain, des sous-préfectures.

La note s'alourdit sérieusement pour des collectivités locales déjà désertées par les agences de la Banque de France et par les tribunaux, sans compter la « modernisation » des services publics de La Poste, de la sécurité sociale et du Trésor public. En bref, la fermeture de sous-préfectures est dommageable pour les élus locaux, qui se trouvent privés des services de l'État, mais aussi pour les usagers.

Pourtant, nombreux sont les domaines, comme l'emploi et la cohésion sociale, les territoires ruraux fragiles, l'environnement et les risques de toute nature, dans lesquels l'intervention de la sous-préfecture est utile.

Dès lors, pourquoi vouloir exiler ces services autour de la préfecture du département ? Ce n'est pas la moindre contradiction de cette modernisation de l'État, qui devrait concerner mille emplois dans les préfectures et les sous-préfectures - mais peut-être, madame la ministre, me donnerez-vous les informations que je vous demande. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, s'agissant de la mission « Administration générale et territoriale de l'État, ce projet de budget soumis à votre approbation répond à deux idées fortes : le respect des objectifs de la mission et la modernisation de l'action de l'État en vue de sa plus grande efficacité.

Je commencerai par le respect des objectifs qui sont fixés dans cette mission.

Ces objectifs découlent naturellement des nouveaux périmètres ministériels tels qu'ils ont été définis au printemps dernier. Je n'y reviendrai que brièvement.

Je rappelle simplement quelques adaptations qui s'imposent à la mission.

La première est la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Une partie des attributions, et donc des personnels, du ministère de l'intérieur seront mis à disposition du nouveau ministère. Ce rattachement n'entraîne pas de modification statutaire pour ces agents. Une convention de gestion réglera les relations entre les deux ministères.

La seconde adaptation est le rattachement de l'outre-mer à l'intérieur, qui devient ainsi le responsable gouvernemental unique en charge de tous les territoires français, qu'ils soient métropolitains ou non. Ce rattachement va conduire à une réorganisation des services pour lesquels, avec Christian Estrosi, j'ai demandé à la secrétaire générale de l'administration d'affiner le nouvel organigramme administratif.

En ce qui concerne les actions à mener au sein du périmètre, deux objectifs principaux méritent d'être soulignés : d'une part, la délivrance des titres sécurisés et, d'autre part, certaines modalités d'exercice de la vie démocratique. Vous y avez, les uns et les autres, fait référence. Je reviendrai sur les autres objectifs par la suite.

S'agissant de la délivrance des titres sécurisés, M. Balarello m'a interrogée sur le calendrier. Le 17 décembre, j'installerai le conseil d'administration de l'Agence nationale des titres sécurisés à Charleville-Mézières. L'agence porte une responsabilité majeure, puisqu'il s'agit de délivrer, conformément à nos engagements internationaux, les passeports biométriques d'ici à l'été 2009.

D'autres titres sécurisés s'ajouteront aux passeports. Je pense notamment à la carte d'identité et au nouveau système d'immatriculation à vie des véhicules, dont l'entrée en application est prévue le 1er janvier 2009.

Monsieur Sueur, j'ai bien noté vos remarques et vos suggestions. Je suis prête à prendre un certain nombre d'initiatives en direction des entreprises qui travailleront dans ce domaine. Ce pourrait être une belle illustration de la véritable politique que nous pourrions mener en matière d'intelligence économique afin de défendre des entreprises et des secteurs sensibles. Nous avons là une vraie possibilité de travailler.

Pour le contentieux indemnitaire, que M. le rapporteur spécial a évoqué, je tiens à indiquer à la Haute Assemblée que je suis actuellement en train de rechercher le bon texte et le bon support pour proposer au Parlement un article qui donnera une base légale aux prestations des communes et qui permettra de régler, d'une façon équitable et définitive, la question financière.

Le second objectif majeur de cette mission concerne les modalités d'exercice de la vie démocratique.

Je n'évoquerai pas aujourd'hui le redécoupage des circonscriptions législatives, qui débutera au printemps prochain, après les élections municipales pour ne pas créer de perturbations. Naturellement, le Sénat sera soigneusement associé à ce travail.

Pour l'heure, je soulignerai deux aspects.

Le premier concerne l'évolution des dépenses liées aux élections. Dans le cadre actuel de la réglementation, le problème est d'abord financier. Il faut bien noter que les besoins de financement en 2007, cela a été dit, ont dépassé d'environ 65 millions d'euros l'enveloppe budgétaire. L'augmentation du nombre des votants, du vote par procuration, et le coût de l'acheminement de la propagande peuvent expliquer ce phénomène, mais ce ne sont pas les seules raisons.

En effet, une réalité s'impose : les prestations qui ont été fournies par certains opérateurs obligés dans le processus de distribution des documents coûtent cher, beaucoup plus cher, peut-être beaucoup trop cher. Ce constat m'a d'ailleurs conduit à saisir Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi pour qu'elle interroge le Conseil de la concurrence sur les suites éventuelles qu'il convient d'envisager dans ce domaine.

Le second aspect que je souhaitais évoquer, ce sont les machines à voter. Lors des dernières élections, au printemps, un certain nombre de questions ont été posées. J'en ai d'ailleurs parlé directement avec quelques-uns d'entre vous. Je n'ai pas de réponse immédiate à vous apporter, mais j'ai constitué un groupe de travail afin qu'il examine, point par point, la nature exacte des questions et qu'il imagine, le cas échéant, les solutions, en liaison étroite avec l'Association des maires de France et le Conseil d'État.

Les conclusions doivent m'être rendues le 15 décembre, ce qui nous permettra de mettre en oeuvre les recommandations pour les prochains scrutins du mois de mars.

La deuxième idée forte de ce budget, c'est la modernisation et l'efficacité de l'État dans sa présence territoriale.

Yann Gaillard nous a parlé, dans un très beau développement, de l'évolution de la conception et de l'action de l'État. Face à des collectivités territoriales puissantes et bien ancrées dans les territoires, l'État doit parler d'une voix forte et unique. Nos concitoyens, comme les collectivités, ont besoin de l'autorité de l'État, une autorité légitime, forte et objective.

Cette voix forte doit aussi aider et conseiller les communes les plus faibles. Le préfet a un rôle important, notamment pour les petites communes ou les communes fragiles. Il est donc important qu'il apparaisse, notamment pour les communes souvent confrontées à des positions ou à des réglementations différentes des administrations, comme le patron - sauf exception - des services territoriaux de l'État, un patron qui sait être à l'écoute de ses interlocuteurs.

Monsieur le rapporteur spécial, mon point de vue sur la carte des arrondissements est très clair - je rejoins là une préoccupation de Mme Josiane Mathon-Poinat. Appliquer le seul critère démographique, si l'on veut modifier la situation, c'est ignorer totalement la réalité de terrain. Personnellement, je connais cette réalité. Ce que nos concitoyens attendent de l'État, c'est qu'il apporte une réponse, et une réponse utile, aux besoins. Cette réponse est plus utile dans des vallées de montagne que dans les banlieues des grandes villes, où existent les services nécessaires et où s'exerce toute la force d'une grande préfecture.

Certes, des ajustements sont nécessaires, parce que la situation n'est pas la même qu'il y a un siècle et demi. Mais ils peuvent heurter l'opinion de certains. Selon moi, la présence de l'État est encore plus utile dans les territoires ruraux, peu habités, ou en zone de montagne que dans les secteurs urbains où la population est très dense et où un certain nombre de structures, notamment préfectorales, existent déjà.

Il est évident que cette réponse et cette présence de l'État doivent être adaptées aux attentes et aux méthodes d'aujourd'hui. Sans attendre les décisions que prendra dans quelques semaines le chef de l'État en présidant le Comité de modernisation, le projet de budget que je vous présente s'inscrit dans cette perspective de modernisation et d'efficacité que j'appelle de mes voeux.

Cela se traduit de différentes façons.

D'une part, le regroupement au niveau départemental des crédits de fonctionnement de l'ensemble des services déconcentrés sera expérimenté dans plusieurs départements. J'attends de cette expérience une meilleure mutualisation des moyens et une gestion évitant les doublons.

D'autre part, je généraliserai la régionalisation des budgets opérationnels des préfectures dans toute la métropole, à l'exception de l'Île-de-France. Il s'agit d'une réforme ambitieuse, et lorsqu'on s'y engage, il est important de s'assurer qu'elle soit intégrée par tous, notamment par les personnels concernés, du directeur au collaborateur représentant l'échelon administratif de base.

C'est pourquoi, afin d'établir ce lien, j'ai tout particulièrement tenu à respecter les engagements pris par mes prédécesseurs en matière de situation des personnels : requalification des emplois, fusion des corps techniques, revalorisation du régime indemnitaire. En tant que juriste - j'étais même au départ professeur de droit -, j'estime que celui qui ne possède pas de formation juridique peut parfaitement assimiler ces connaissances, d'autant que dans la qualification juridique requise dans les préfectures et sous-préfectures il y a tous les niveaux. La formation, y compris la formation permanente, est un élément important, je le disais tout à l'heure, de la promotion professionnelle et sociale.

Tout en respectant la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, j'ai revendiqué le respect de la règle concernant le taux de retour des économies de masse salariale en mesure indemnitaires et catégorielles.

Monsieur Sueur, je ne peux pas être totalement en désaccord avec vous lorsque vous dites que l'on impose toujours plus de charges à certains tandis que l'on réduit le nombre de personnels, ce qui est exact puisque, je viens de vous le dire, la règle est le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Il y a là un beau sujet pour la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Comme je l'ai constaté sur place dans un certain nombre de préfectures, l'utilisation de technologies nouvelles, notamment la nette dématérialisation de certaines procédures et de certains TIP, est aussi une source d'économie de travaux sans grand intérêt, purement matériels, effectués par des personnels. Là réside une partie de la réponse.

J'ai voulu associer les personnels des préfectures et des sous-préfectures en recueillant, par voie de questionnaires individuels, leurs propres suggestions sur l'amélioration concrète du service au public. En discutant avec eux, un certain nombre de mesures de bon sens extrêmement intéressantes me sont apparues. J'ai souhaité que ce soit aussi leur réforme.

Par ailleurs, s'agissant des cultes et de l'application des recommandations de la commission Machelon, je dirai tout d'abord que je ne souhaite pas rouvrir la discussion sur la loi de 1905.

MM. Michel Mercier et Jean-Pierre Sueur. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Néanmoins, un certain nombre de propositions très intéressantes figurant dans le rapport Machelon pourront être prises. Nous sommes en train de les étudier. J'en ai discuté, y compris avec les intéressés, et nous devrions mettre en oeuvre un certain nombre de ces mesures dans le courant de l'année 2008, c'est-à-dire pendant l'application de ce budget.

Concernant la sécheresse de 2003, je plaide coupable : j'avais dit « le 1er décembre ». Le retard n'a pas été totalement rattrapé. Je serai en état de vous fournir les informations souhaitées seulement la semaine prochaine, mais comme le mois de décembre vient juste de commencer, j'espère que je suis à moitié pardonnée.

M. Jean-Pierre Sueur. Si c'est la semaine prochaine, c'est bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je vous en remercie par avance.

M. le président. Avoir la bénédiction de M. Sueur, c'est parfait ! (Sourires.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Par ailleurs, je viens d'obtenir l'accord de Bercy pour répondre au problème posé. Une disposition vous sera donc soumise lors de l'examen du prochain projet de loi de finances rectificative, qui devrait permettre un règlement au début de 2008. Ainsi, dans un délai assez court, sera résolu un problème qui se posait depuis longtemps.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, nous avons des rendez-vous, à terme relativement proche, dans le cadre de la mission « Administration générale et territoriale ». L'année 2008 sera donc une année pleine.

Les crédits de cette mission correspondant aux besoins que j'ai évoqués, je vous demande de bien vouloir les adopter. Ce sera une façon de répondre au professionnalisme, au sens des responsabilités, à l'engagement des personnels, qui est un atout que je veux saluer une nouvelle fois, car c'est lui qui permet à l'État d'exercer ses responsabilités sur tout notre territoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » figurant à l'état B.

État B

(En euros)

Administration générale et territoriale de l'État

2 761 004 704

2 639 224 424

Administration territoriale

1 767 334 574

1 652 862 574

Dont titre 2

1 298 563 088

1 298 563 088

Administration territoriale : expérimentations Chorus

105 179 746

105 179 746

Dont titre 2

89 551 275

89 551 275

Vie politique, cultuelle et associative

358 392 249

358 392 249

Dont titre 2

80 665 000

80 665 000

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur

530 098 135

522 789 855

Dont titre 2

240 759 311

240 759 311

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de cette mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Relations avec les collectivités territoriales

Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

Administration générale et territoriale de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B et article additionnel après l'article 48 septies

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 48 à 48 septies) et du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons déjà abordé l'essentiel des relations financières entre l'État et les collectivités locales lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, au cours de discussions longues et fouillées. Aussi, la discussion sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » apparaît quelque peu superfétatoire.

Cette mission ne représente que 3 % des dotations de l'État aux collectivités territoriales, soit 2,2 milliards d'euros sur un total de 70 milliards d'euros.

Faut-il maintenir cette mission en l'état ? Son faible montant nous invite en effet à nous interroger.

Les prélèvements sur recettes, technique qui permet de prélever les sommes destinées aux collectivités territoriales avant de discuter de la répartition des crédits budgétaires, apportent une meilleure garantie aux collectivités territoriales.

Par ailleurs, le fonctionnement non « lolfien », si vous me permettez ce barbarisme à la mode, des crédits de la mission nous conduit également à nous interroger.

En effet, sur les 2,2 milliards d'euros de crédits de cette mission, seuls 576 millions d'euros font l'objet d'une vraie décision. C'est sur ce montant que le Gouvernement et le Parlement ont un petit pouvoir de décision.

Pour le reste des crédits, soit plus 1,5 milliard d'euros, l'État n'a aucun pouvoir de décision, la répartition des dotations entre collectivités territoriales découlant mécaniquement de l'application de la loi, à l'exclusion de tout pouvoir particulier du Parlement.

Aussi, je propose de supprimer cette mission et de faire en sorte que les crédits sur lesquels l'État a un vrai pouvoir de décision soient intégrés dans un programme qui pourrait faire partie de la mission que notre collègue M. Henri de Raincourt a excellemment présentée voilà quelques instants.

En d'autre termes, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprendrait un programme supplémentaire de 576 millions d'euros et les quelque 1,6 milliard d'euros restants pourraient faire l'objet d'un prélèvement sur recettes.

En supprimant la mission, on ne supprimerait pour autant le rôle du rapporteur. (Mme la ministre sourit.) Et je me suis déjà trouvé un nouveau rôle, madame la ministre. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes rassurés !

M. Adrien Gouteyron. Il rebondit toujours !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je vous remercie de le souligner, monsieur Gouteyron,...

M. Adrien Gouteyron. C'était un compliment !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ...et grâce à votre soutien, je ferai tout ce que je peux pour continuer. (Nouveaux sourires.)

Parler des relations entre l'État et les collectivités territoriales, c'est bien entendu parler des recettes que l'État accorde à ces collectivités, mais ce serait une grave erreur de s'en tenir à cela. Il est bien d'autres sujets à aborder.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Ainsi, le Gouvernement a décidé - et nous en sommes d'accord - de soumettre les crédits destinés aux collectivités territoriales à la règle générale de limitation des dépenses au taux de l'inflation. Eu égard à l'état de nos finances publiques, il est en effet nécessaire que cette discipline s'impose à tous.

Je considère donc que l'on pourrait utilement remplacer la présente mission par une mission de contrôle des dépenses des collectivités territoriales décidées par l'État. (M. Henri de Raincourt sourit.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce serait très intéressant !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Il s'agit d'un domaine où le Parlement pourrait pleinement jouer son rôle. Ce n'est peut-être pas dans le cadre strict de la loi de finances que cela devrait être fait.

Madame la ministre, je vous ai entendu avec beaucoup d'intérêt dire que votre ministère devait être celui de toutes les collectivités locales. Nous souscrivons sans réserve à une telle vision.

Cependant, il faudrait en tirer toutes les conséquences. Or, les dépenses que l'État assigne aux collectivités territoriales sont décidées par tout le monde. Ainsi, au sein de votre ministère, il y a des spécialistes en la matière, je pense notamment à la Direction de la sécurité civile, qui décide allégrement du régime applicable aux sapeurs-pompiers, de l'implantation d'un poteau, de l'acquisition d'un équipement. Bref, on fonctionne au rythme d'au moins une décision par mois. (Mme la ministre est dubitative.) Je pourrais citer d'autres exemples. J'avais répertorié plus de quatre-vingt-douze mesures en trois ans ! Et je suis persuadé que je peux sans difficulté en trouver une bonne centaine pour ces dernières années.

Et s'il n'y avait que cela ! Il en va de même au ministère de l'éducation nationale. Quant au ministère des affaires sociales, il décide tous les jours de dépenses pour les collectivités locales. Dans quelques semaines, les minima sociaux seront probablement revalorisés, et on peut le comprendre, mais nous connaîtrons le montant de nos dépenses en lisant le Journal officiel le 1er janvier prochain ! Il y a là un vrai problème.

Madame la ministre, vous pouvez demander aux collectivités territoriales de faire preuve de discipline, de se mettre au même taquet que les services de l'État, mais à la seule condition que les collectivités territoriales décident elles-mêmes de leurs dépenses, et donc que l'État ne décide plus chaque jour pour elles.

Nous avons l'impression que les ministres ayant vu réduite leur possibilité de dépenser pour l'État, ils dépensent pour les autres. Ce n'est pas une bonne méthode.

Madame la ministre, vous voulez limiter l'augmentation des dotations des collectivités locales au taux de l'inflation. Cette démarche n'appelle pas d'opposition de notre part. Nous la comprenons et nous sommes prêts à vous soutenir, mais encore faut-il que l'État cesse de décider des dépenses des collectivités territoriales. C'est essentiel !

Les dotations que l'État accorde aux collectivités territoriales ont, pour la plupart, des effets multiples et ne peuvent correctement fonctionner que si le taux de leur augmentation est, chaque année, bien supérieur à l'inflation.

Cette année, vous avez voulu préserver la DGF.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Vous devez être content !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais il y a les variables d'ajustement.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je le serais davantage, madame la ministre, si vous me disiez comment vous allez faire l'année prochaine.

M. Philippe Dallier. À chaque jour suffit sa peine !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ce sera une autre année. Nous verrons ensemble !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Certes, nous l'avons tous compris : 2009 n'est pas 2008.

On est au bout d'un système...

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Et même au bout du bout !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ... et il va falloir repenser l'ensemble des relations financières entre l'État et les collectivités locales.

Cette année, le Sénat va s'efforcer de mettre un peu d'équité dans les sacrifices demandés. C'est, pour une assemblée parlementaire, une lourde tâche qui demande un grand courage. En effet, améliorer l'équité, c'est donner un peu moins à certains que ce que vous leur aviez accordé afin d'octroyer un peu plus à d'autres. Certains des amendements qui seront présentés tout à l'heure vont dans ce sens. Il s'agit d'éviter que certains ne soient préservés alors que d'autres voient les augmentations auxquelles ils pouvaient prétendre réduites en raison de la limitation de l'augmentation des crédits au taux de l'inflation. J'espère, madame la ministre, que vous entendrez les propositions du Sénat sur ce point.

J'en viens aux articles rattachés pour leur examen aux crédits de la mission.

L'article 48 vise à instituer un fonds de solidarité en faveur des communes de métropole et de leurs groupements ainsi que des départements de métropole afin de contribuer à la réparation des dégâts causés à leurs biens par des catastrophes naturelles.

Cette disposition n'appelle aucune opposition de principe de la part de la commission à la condition que l'on inclue les régions. Certes, celles-ci ne bénéficieront pas de ce fonds puisqu'elles n'ont pas de biens concernés, mais cela évitera des oppositions stériles entre les collectivités. Cet ajout, qui n'entraînera donc aucune dépense supplémentaire, est souhaitable pour l'image de cette disposition. Je présenterai donc un amendement à cette fin.

Il est prévu que ce fonds sera financé par un prélèvement sur la DCTP. Or, celle-ci étant appelée à disparaître, il faudra trouver une autre source de financement pour les années à venir. Mais, comme vous l'avez dit, madame la ministre, nous verrons l'année prochaine.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ensemble !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Cette année, nous ferons avec ce que nous avons.

Les autres articles rattachés, qui résultent d'amendements adoptés à l'Assemblée nationale, visent à revenir sur des situations injustes ou à remédier à un certain nombre d'oublis. Le Sénat est favorable à leur adoption.

Enfin, je dirai quelques mots sur le compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ». Avec 80 milliards d'euros, il représente la plus grosse mission de ce budget. Il s'agit des avances que l'État est amené à faire aux collectivités territoriales dans l'attente de la perception des impôts.

La commission des finances m'avait chargé d'effectuer un contrôle sur ce compte d'avances. Le rapport a été publié aujourd'hui même.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent rapport !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Madame la ministre, et cela vous donnera des armes pour résister à votre collègue chargé des comptes, il s'agit d'une bonne affaire pour l'État. (Mme la ministre sourit.) Ce dernier gagne en effet un milliard d'euros si l'on tient compte de la trésorerie et des dégrèvements ordinaires. Je sais bien que votre collègue vous rétorquera qu'il y a d'autres dégrèvements, législatifs. Vous pourrez lui répondre que c'est lui qui les a décidés et que c'est donc à lui, et non aux collectivités territoriales, d'en supporter les conséquences.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte « Avances aux collectivités territoriales », ainsi que les articles rattachés. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lors du débat sur les recettes des collectivités territoriales, le 27 novembre dernier, j'ai eu l'occasion d'aborder l'évolution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, la compensation financière des transferts de compétences et la question de la maîtrise des finances locales.

J'évoquerai donc aujourd'hui trois points : la place des concours financiers aux collectivités dans l'architecture budgétaire globale, les conséquences des normes communautaires et les aides économiques des collectivités aux entreprises.

Sur le premier point, on observera que les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, qui excèdent le champ d'une seule mission, n'ont pas encore trouvé de place vraiment adéquate au sein de l'architecture budgétaire définie en application de la LOLF : près des trois quarts des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales prennent la forme de prélèvements sur recettes et figurent dans la première partie du projet de loi de finances, tandis que la mission dont nous examinons ce soir les crédits ne retrace que les dotations inscrites au budget du ministère de l'intérieur, dont le montant atteint 2,2 milliards d'euros, contre 3 milliards d'euros en 2007.

Je vous rassure tout de suite, mes chers collègues : cette baisse résulte avant tout d'une modification du périmètre de la mission. En effet, la dotation départementale d'équipement des collèges, ou DDEC, et la dotation régionale d'équipement scolaire, ou DRES, qui figuraient en 2007 au sein de cette mission, deviennent des prélèvements sur recettes. En outre, les crédits de rémunération de la direction générale des collectivités territoriales sont transférés à compter de 2008 vers la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Finalement, les crédits de la mission ne représentent plus que 3 % des dotations de l'État.

Aussi notre collègue Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, en propose-t-il la suppression. De fait, l'État n'a aucun pouvoir de décision pour 75 % des crédits de la mission, qui sont constitués de dotations dont l'évolution et la répartition au sein de chaque catégorie de collectivités territoriales sont définies par la loi. Les modifications réduisant le périmètre de la mission devraient donc logiquement, à terme, aboutir à sa suppression.

Sur le deuxième point, on soulignera à quel point les conséquences des normes communautaires sur le fonctionnement des collectivités territoriales montrent, à l'approche de la présidence française de l'Union européenne, la nécessité d'associer les collectivités à l'élaboration de ces mêmes normes.

Ainsi, première illustration, les relations entre les collectivités territoriales et leurs sociétés d'économie mixte, les SEM, ont été affectées par des évolutions de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes relative au droit de la concurrence. Certes, la loi du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement a modifié notre droit interne pour l'adapter au droit européen. Toutefois, la Cour de justice de Luxembourg a remis en cause une nouvelle fois la compatibilité du droit français avec le droit communautaire par un arrêt du 18 janvier 2007 dans lequel elle estimait qu'une convention d'aménagement était un marché de travaux.

La seconde illustration est offerte par la mutualisation des moyens des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, et des communes qui en sont membres. La Commission européenne a adressé à la France, le 27 juin 2007, un avis motivé considérant que les conventions de mise à disposition de services entre communes et EPCI doivent respecter des procédures de marchés publics conformes aux directives du 31 mars 2004. Répondant à la Commission, la France a réaffirmé que les mises à disposition de services des communes membres vers les EPCI ne méconnaissaient pas les directives relatives aux procédures de passation des marchés publics.

Ces deux exemples montrent que, à l'évidence, les conséquences de la législation européenne sur les collectivités territoriales ne sont pas encore suffisamment prises en compte dans le processus de préparation des normes européennes.

Qu'envisagez-vous de faire, madame la ministre, pour parvenir à une meilleure prise en considération des intérêts et des positions des collectivités territoriales dans les négociations européennes ?

Je souligne que le Sénat, représentant des collectivités territoriales de la République, est appelé à jouer un rôle dans la prise en compte des intérêts des collectivités dans l'élaboration des textes communautaires. C'est l'un des aspects de la montée en puissance du suivi des affaires européennes que met en oeuvre la commission des lois, suivant les recommandations formulées par nos collègues Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet à l'issue de leur mission d'information dans les Parlements européens, à laquelle, avec plusieurs autres sénateurs, j'ai également participé.

Enfin, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le troisième point : les interventions économiques des collectivités territoriales, qui se développent fortement depuis 2004.

Dans un récent rapport thématique, la Cour des comptes évoque les difficultés liées à l'éclatement et au manque de coordination des dispositifs d'intervention, et nous en sommes tous conscients : l'évaluation et le suivi des aides accordées par les collectivités aux entreprises paraissent donc indispensables pour assurer leur efficacité. La Cour souligne en outre le rôle spécifique des communes et des régions dans la création d'un environnement propice à l'accueil des entreprises.

Envisagez-vous, madame la ministre, de revoir les dispositifs d'intervention économique des collectivités pour en renforcer la cohérence ?

Je vous remercie par avance, madame la ministre, des réponses que vous voudrez bien apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de l'Observatoire de la décentralisation.

M. Jean Puech, président de l'Observatoire de la décentralisation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent débat porte donc sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Ces crédits, qui s'élèvent à 2,2 milliards d'euros environ, ne représentent qu'une petite part des concours financiers de l'État, cela vient d'être rappelé : selon le projet de loi de finances initiale, l'ensemble des dotations transférées à divers titres par l'État à nos collectivités locales devrait atteindre près de 73 milliards d'euros en 2008.

La dotation globale d'équipement, ou DGE, attribuée aux départements ; la dotation générale de décentralisation, ou DGD, dévolue aux départements et aux régions ; la dotation de développement rural, ou DDR, destinée aux communes et aux groupements de communes, ainsi que des aides exceptionnelles aux collectivités territoriales sont regroupées dans cette mission.

Certaines de ces dotations, en particulier la DGE et la DGD, sont intégrées dans l'enveloppe dite « normée », qui, d'après le projet de budget présenté par le Gouvernement, ne devrait progresser qu'au rythme de l'inflation. D'autres dotations, telles la DDR et les aides exceptionnelles, sont exclues de cette enveloppe.

Jusqu'à ce jour, la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, était également intégrée dans la mission. Cependant, à compter de 2008, elle ne devrait plus constituer une dépense de la mission puisqu'elle devrait être financée par un « prélèvement direct sur les recettes de l'État ».

Si je me suis permis ces brefs rappels, c'est pour illustrer, sans esprit polémique, que la logique, la clarté, la lisibilité, ne sont pas toujours au rendez-vous de ces choix de présentation budgétaire ! C'est pour cette raison que, à titre personnel, je partage le point de vue de la commission des finances, qui, dans un souci de simplification, propose de transférer les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » dans la catégorie des dépenses financées par prélèvements sur les recettes de l'État : le but visé est, tout simplement, une meilleure méthode et une plus grande lisibilité.

Il me semble cependant que les enjeux sont ailleurs. Je ne les énumérerai pas tous : la liste serait bien trop longue, et chacun représente un vrai sujet.

La mission qui fait l'objet de la présente discussion porte donc sur les « relations entre les collectivités territoriales et l'État ».

En 2006, lors de la discussion des crédits de cette même mission, un de nos collègues rappelait à juste titre que, l'année précédente, l'augmentation de la dette de l'État s'était élevée à 49 milliards d'euros et que l'État n'avait réalisé que 8 milliards d'euros d'investissements ; la même année, l'augmentation de la dette des collectivités territoriales avait atteint 5 milliards d'euros, soit dix fois moins que celle de l'État, tandis que l'investissement public réalisé par les collectivités locales se montait à environ 39 milliards d'euros, soit cinq fois plus que celui de l'État. Il en concluait que l'État continue de s'endetter pour payer les dépenses courantes, tandis que les collectivités locales autofinancent la plus grande partie de leurs investissements.

On le sait, ces données n'ont pas changé, et les tendances évoquées, malheureusement, n'ont fait que s'accentuer.

Les collectivités locales ne sont donc pas responsables de l'augmentation de la dette publique ni, a fortiori, de son aggravation. Je me permets de le préciser, parce que certains commentaires, de plus en plus fréquents - et le rapporteur pour avis, Bernard Saugey, évoquait tout à l'heure un rapport de la Cour des comptes allant dans le même sens -, se complaisent à laisser entendre que les collectivités locales seraient à l'origine de la détérioration de la situation.

Mon intervention portera donc essentiellement sur ce point, car je souhaite remettre un peu d'ordre dans les idées reçues afin d'améliorer la qualité des relations entre l'État et les collectivités locales.

C'est devenu un lieu commun : depuis environ trois décennies, la situation financière de notre pays se dégrade progressivement. Pour ce qui est de l'État, on a même pu parler de « faillite ». (Mme la ministre fait une moue dubitative.)

Je vois, madame le ministre, que vous réagissez à mes propos. Mais quand c'est le Premier ministre qui les tient, comment réagissez-vous ? Vous ne vous permettez pas de faire la grimace que vous venez de faire, vous me pardonnerez de le dire ! Pourtant, le Premier ministre lui-même, évoquant la situation catastrophique des finances de l'État aujourd'hui, indiquait qu'il fallait une « thérapie de choc ». C'est là l'illustration même de l'état des relations entre l'État et les collectivités locales : quand ce sont elles qui adressent une mise en garde, on ne les entend pas ; quand c'est le Premier ministre qui parle, on l'approuve. (M. Philippe Nogrix applaudit.) Si nous ne parvenons pas, madame le ministre, à dresser ensemble ce type de constat, nous ne pourrons pas avancer !

Dans ce contexte très difficile, que faut-il attendre des collectivités locales ? Peut-on raisonnablement les comparer à l'État ?

Les collectivités locales sont tenues, chaque année, de voter leur budget en équilibre : la « vertu budgétaire » est pour elles une obligation. Qu'en est-il de leurs dépenses ?

En vérité, les collectivités locales font ce qu'elles peuvent, et, je tiens à le dire, elles le font plutôt bien. (M. le président de l'Observatoire de la décentralisation montre un graphique.)

Vous me permettrez, madame le ministre, mes chers collègues, de commenter ce graphique, qui est le seul moyen de représenter clairement la situation. On peut constater que, au sein de la dette globale de notre pays telle qu'elle a évolué, par rapport au PIB, entre 1982 et 2006, la courbe de la dette des collectivités locales n'est même pas étale : elle baisse ; dans le même temps, la dette de l'État explosait. Or, les limites de la période étudiée montrent que le phénomène est indépendant des majorités politiques ; qui plus est, durant ces années, l'État a transféré des compétences en très grand nombre ! Quant à la sécurité sociale, dont il est beaucoup question, elle est certes endettée, mais les sommes qu'elle met en jeu sont relativement modestes.

 Telle est donc la situation, et je crois que nous devons la constater, même si c'est, bien sûr, pour la déplorer. Les données sont ce qu'elles sont, il nous faut les enregistrer. Il ne s'agit pas de dire que certains sont meilleurs que d'autres. Simplement, si nous voulons redresser la France, nous devons faire converger les moyens !

Aujourd'hui, mes chers collègues, je sens monter un certain nombre de critiques en direction des collectivités locales, notamment dans les rapports des chambres régionales des comptes. L'exemple a été cité tout à l'heure des zones d'activité : il est possible que le point de vue parisien tende à rendre uniforme l'équipement du pays ; de mon point de vue local, j'estime que le pays est caractérisé par sa diversité, et je n'ose pas imaginer que l'on traiterait de façon uniforme un territoire aussi divers ! Je suis convaincu qu'il s'agit là de l'une de ces questions essentielles que l'on doit traiter dans le cadre de ces relations entre l'État et les collectivités.

Dans le domaine des investissements, donc de l'emploi local et de l'action sociale, le niveau territorial est devenu incontournable. De plus en plus, nos compatriotes veulent participer ; il faut donc réussir cette décentralisation.

Avec tous les transferts qui ont été mis en oeuvre, ce sont tout de même près de 90 % des investissements publics qui sont réalisés par les collectivités locales. Ce sont aussi près de 90 % de la politique sociale, hors sécurité sociale bien entendu - le suivi des dossiers sociaux des personnes en difficulté, les mères, l'enfance en difficulté, les personnes âgées, les RMIstes, les handicapés... - qui sont pris en charge par les collectivités locales, au premier rang desquelles, bien évidemment, les départements.

Est-il besoin, après les récents événements dans les banlieues, de souligner le rôle déterminant des élus et de leurs collaborateurs dans toutes les politiques et les interventions publiques qui tendent à éviter l'explosion sociale dans nombre de quartiers et banlieues de nos villes ? Ces élus sont là en permanence. S'ils ne jouaient pas ce rôle de médiateur social, la situation serait beaucoup plus difficile.

C'est à l'échelon des collectivités locales, et plus particulièrement des communes, que s'effectue aujourd'hui ce travail de « raccommodage du tissu social ».

Aussi, il importe de ne pas déstabiliser les actions des collectivités locales à l'heure où l'État est confronté à d'aussi sévères difficultés.

Cependant, nous avons besoin de réformes, et en particulier d'une grande réforme de l'État. L'expérience de ces dernières années montre que cette réforme est difficile : une véritable réforme de l'État passe, en fait, par la mise en oeuvre effective de la décentralisation. Et celle-ci ne doit pas rester une pétition de principe. Elle implique des changements profonds dans les mentalités. Elle nécessite aussi la création d'un véritable statut de l'élu local, adapté notamment aux nouvelles responsabilités des exécutifs locaux.

Mais les collectivités territoriales doivent être associées à ces évolutions nécessaires. L'État ne peut pas se réformer en ignorant les collectivités. Il faut que ce dialogue soit permanent, mais il faut l'intensifier dans les périodes d'évolution et de transformation. Car sans un vrai dialogue et une concertation permanente, les projets de réforme resteraient lettre morte.

Je me félicite, pour ma part, de la mise en place récente, par le Premier ministre, de la Conférence nationale des exécutifs. Cette initiative va évidemment dans le bon sens en rappelant aux représentants des collectivités territoriales que la réforme de l'État - il faut le dire de part et d'autre -, c'est aussi leur affaire.

Si j'insiste particulièrement sur ce point, c'est parce que dans le passé et même un passé récent, nous avons enregistré tellement d'annonces et d'effets d'annonces suivies par tellement de déceptions qu'il n'est plus permis aujourd'hui de dire et de ne pas faire.

Nous vous faisons confiance et nous faisons confiance au Gouvernement. Ils sont nombreux ceux qui vous font confiance et ils sont tout aussi nombreux ceux qu'il ne faut pas décevoir. La tâche est grande. Les défis sont nombreux. Nous sommes près de vous pour les relever et pour faire gagner la France rassemblée, celle d'en bas et celle d'en haut. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler de ce sujet qui a trait aux relations entre les collectivités territoriales et l'État après que notre ami Michel Mercier nous a dit que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » était maintenant quasiment virtuelle.

Pourtant, ce sujet est un véritable sujet, qui balaie un grand nombre de problématiques. Aussi, j'évoquerai les relations financières entre l'État et les collectivités locales et je formulerai quelques propositions.

Nous ne pouvons pas dire aujourd'hui que les relations financières entre l'État et les collectivités locales soient particulièrement transparentes, voire toujours très saines. Madame la ministre, si vous proposez que le rythme d'évolution des dotations aux collectivités territoriales soit compatible avec celui des dépenses de l'État, cela peut se concevoir. Cependant, il faut aussi le remettre en perspective et il ne faudrait pas que cette annonce, comme d'autres dans le passé, je pense aux transferts de l'État à l'euro près, laisse entendre que les collectivités ne sont pas vertueuses et qu'elles laissent filer leurs dépenses. Celles-ci augmentent effectivement en pourcentage plus rapidement que celles de l'État, mais il y a eu, au fil du temps, un certain nombre de transferts.

Certes, les dépenses locales ont progressé plus rapidement que le PIB, mais si l'on neutralise l'effet des transferts, depuis 1983 la part des dépenses est passée de 8,7 à 9,7 points du PIB. En un peu plus de vingt ans, ce n'est donc qu'un point de PIB de plus qui relève véritablement des dépenses des collectivités.

Certes, l'augmentation des dépenses locales concerne essentiellement les dépenses de fonctionnement. Mais il faut préciser qu'elle est liée en majeure partie à la progression de la masse salariale qui dépend principalement des décisions gouvernementales. De plus, pour les conseils généraux, la hausse des dépenses de fonctionnement s'explique principalement à hauteur de 65 % par des transferts dont les charges ne cessent de croître et sur lesquelles les départements n'ont pas de marge de manoeuvre.

Certes, l'État se substitue de plus en plus au contribuable local par le jeu des exonérations et des dégrèvements de fiscalité. On a en effet observé, dans les budgets qui ont déjà été étudiés ici et dans des missions qui seront examinées demain, que les dégrèvements de fiscalité pèsent extrêmement lourds.

Toutefois, il n'est pas inutile de rappeler que les collectivités territoriales n'ont à aucun moment été consultées sur de telles mesures, hormis très récemment depuis la mise en place d'une institution qui va permettre d'avoir une meilleure vision sur ce sujet.

Je ne peux m'empêcher de prendre un exemple afin d'illustrer mon propos : le financement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, que vous connaissez fort bien, madame la ministre.

Alors que le constat d'un rythme de croissance élevé des budgets des SDIS était dressé, le transfert d'une part de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance, la TSCA, devait limiter l'effet de ciseaux. On attribuait aux collectivités une partie de la TSCA qui était une « recette dynamique » - selon les termes alors employés - contre un prélèvement de la DGF. Cette manipulation date de 2005. Or, aujourd'hui, l'écart entre les deux est de 29 millions d'euros par an au détriment des départements.

Je m'autorise également, madame la ministre, à vous mettre au défi, dans votre département, d'obtenir des bases qui permettent d'établir la taxe sur les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE. Cela varie du simple au double d'une année à l'autre et les collectivités ont très souvent des difficultés pour obtenir des estimations fondées sur des bases solides.

Nous nous permettons de vous demander d'associer davantage les collectivités territoriales aux décisions de l'État, au niveau central comme au niveau déconcentré.

Je rêve que nous nous mettions tous autour d'une même table au niveau départemental ou régional, non pas pour entendre dire qu'il faut abonder les crédits de telle ou telle collectivité ou de l'État, mais pour que l'on examine l'ensemble des dossiers de l'État et des collectivités. Cela nous permettrait probablement de régler un vrai fléau, celui de notre société administrative, qui est très complexe et opaque, et qui génère des charges insupportables pénalisant et nos entreprises et notre équilibre.

Des propos similaires ont été fort bien exprimés par M. le Premier ministre dans une lettre adressée à M. Alain Lambert le 3 septembre 2007. J'en citerai trois paragraphes.

« Les relations entre l'État et les collectivités territoriales sont l'un des axes transversaux qui doivent faire l'objet d'un examen attentif dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

« En effet, le partage des compétences entre l'État et les différents échelons de collectivités territoriales ainsi que leurs groupements est caractérisé par un enchevêtrement et des redondances qui nuisent à la transparence et à l'efficacité de l'action publique et contribuent à la déresponsabilisation des acteurs.

« Par ailleurs les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales se caractérisent par des processus déséquilibrés. »

Tout est dit, me semble-t-il ; le constat a été bien dressé par M. le Premier ministre.

Dès lors que faire ? Le Premier ministre a confié à M. Attali, à M. Lambert et à M Balladur une réflexion sur ce sujet. Ils ont ouvert des pistes et ont formulé des propositions particulièrement intéressantes, mais dont certaines sont discutables, et j'espère d'ailleurs que nous pourrons en débattre.

Je proposerai une piste qui vient d'une observation du terrain et d'une écoute permanente des maires et des élus territoriaux, les sénateurs étant bien placés, me semble-t-il, pour parler des territoires et des élus. Il s'agit des compétences qui sont probablement au coeur du problème. Le « désenchevêtrement », dont parlait M. le Premier ministre, c'est créer les conditions de la transparence et de l'efficacité et réduire les moyens inutiles, et par conséquent les prélèvements sur les citoyens.

Certains pensent régler le problème en supprimant un niveau, sans en analyser les conséquences. D'autres évoquent la suppression de la compétence générale. Il existe, madame la ministre, un certain nombre de compétences : les compétences exclusives ou obligatoires, les compétences générales et les compétences des chefs de file.

Les compétences exclusives résultent en majeure partie des lois de décentralisation. Elles ont un avantage majeur : elles sont claires puisque non partagées entre plusieurs niveaux de collectivités. Mais l'État n'a pas su couper le cordon et aller au bout de l'exercice. Il continue à vouloir être partout, non pas par les financements, bien sûr, mais par les normes, les contrôles, les supervisions. Lorsqu'il est sorti élégamment par la porte grâce à la loi, il aime bien revenir par la fenêtre grâce à la circulaire. Il faut aller plus loin dans chacune des compétences exclusives et en sortir l'État.

Les contrats de plan État-région sont-ils un bon système ? Ils organisent les cofinancements et les favorisent. C'est trop souvent devenu un moyen de pression et ce n'est pas ainsi que l'on développe une bonne politique.

Avoir confié aux régions la compétence des lycées, par exemple, est une erreur, qui est encore plus visible depuis le transfert de la compétence des personnels TOS aux départements et régions. Ce transfert avait pour finalité la proximité. Or la région est une collectivité non pas de proximité mais de mission. Il faudrait réfléchir de nouveau sur le sujet et pouvoir confier la compétence des lycées aux départements.

La compétence générale, dont certains souhaitent la suppression, permet de se saisir de tout ce qui ne relève pas de la compétence exclusive. Il faudrait de nouveau étudier ce concept qui conduit à des débordements très pénalisants financièrement et contribuant à l'opacité.

Je vous propose de retenir deux types de compétences : les compétences actives et les compétences passives. Ce qui est actif, c'est ce qui permet à une collectivité de maîtriser son évolution et sa richesse, je pense principalement à l'économie et à l'aménagement du territoire. Tout à l'heure, notre collègue Bernard Saugey a parlé d'un rapport, certes intéressant, mais qui mérite également analyse sur l'économie.

Je considère que sur un dossier précis dont se saisirait librement une collectivité, elle ne pourrait en assurer le financement qu'avec un seul partenaire. Or, à l'heure actuelle, nous en rencontrons parfois cinq ou six, voire plus.

Ce qui est passif, en revanche, c'est ce qui peut être assuré par un seul niveau de collectivités dans la plus grande transparence, par exemple le sport ou la culture. Est-il besoin sur un même territoire pour traiter une subvention culturelle que cinq directions des sports se saisissent de la question, parfois pour des sommes extrêmement faibles ?

Pour en finir, il me semble que chaque compétence doit être mise au bon niveau avec un minimum de superpositions. Je vous propose également de replacer les régions à leur bon niveau, un niveau supérieur avec de véritables missions comme la santé, l'université ou l'environnement et une capacité d'intervention sur la cohérence des voies de communication.

Les compétences des régions doivent être élargies et les élus issus des collectivités. L'État, quant à lui, doit réduire sérieusement la voilure. Ce n'est que dans ces conditions que nous pourrons établir de véritables relations entre l'État et les collectivités et que notre compétitivité connaîtra un renouveau.

Au fil des ans, j'ai le sentiment que l'État fonctionnarise de plus en plus les collectivités par le biais des dotations financières qu'il maîtrise. L'exemple de la révision du contrat de croissance et de solidarité montre à l'évidence qu'une décision en apparence minime peut mettre en difficulté une collectivité.

Vous l'aurez remarqué, madame la ministre, je me suis un peu éloigné du sujet qui nous occupe. Mais la mission que nous examinons est si particulière que je me suis permis de vous faire part de quelques idées.

En conclusion, je voterai avec grand plaisir votre budget, qui me paraît conforme aux orientations retenues par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je redirai, à ma manière, ce que plusieurs de mes collègues ont déjà dit.

J'adhère tout à fait à la proposition du rapporteur spécial de supprimer à terme la présente mission, notamment parce que son montant est peu élevé par rapport à l'ensemble des dotations destinées aux collectivités territoriales et en raison de son évolution à proprement parler.

Comme M. Jean Puech l'a rappelé tout à l'heure, la dotation départementale d'équipement des collèges et la dotation régionale d'équipement scolaire, à partir de 2008, ne constitueront plus des dépenses de la mission et seront financées par des prélèvements sur les recettes de l'État. Au vu de toutes les dotations qui ont été évoquées, il est nécessaire de clarifier les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Nous éviterons ainsi les commentaires selon lesquels le passage des dépenses aux prélèvements sur les recettes de l'État aurait pour objet de faire diminuer les dépenses de l'État.

Certains de mes collègues ont rappelé tout à l'heure que le Sénat avait adopté l'article 12 de ce projet de loi de finances, qui remplace le contrat de croissance et de solidarité par le contrat de stabilité.

Certes, nous comprenons tout à fait que les collectivités doivent participer à l'effort national, mais, encore une fois, nous avons besoin que cela se fasse en toute clarté.

Comme l'a également précisé tout à l'heure M. Puech, la part des collectivités territoriales dans l'endettement général du pays ne représente que 10 %, alors que celles-ci contribuent à hauteur de 72 % - c'est énorme ! - aux dépenses d'équipements publics. Et, il est important de le rappeler, lorsque les collectivités empruntent, elles le font pour investir.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, avec plusieurs de mes collègues, je m'étais personnellement élevée contre l'abaissement de 20 % de la taxe sur le foncier non bâti. Certains de nos collègues nous avaient alors reproché, de manière quelque peu désagréable, de ne pas vouloir soutenir les agriculteurs. D'ailleurs, il faut s'en souvenir, ces derniers n'avaient rien demandé !

M. Thierry Repentin. Absolument !

Mme Jacqueline Gourault. Le président de la commission des finances du Sénat a dû se battre afin d'étendre aux départements la compensation qui avait été adoptée par l'Assemblée nationale. Quand on instaure de telles exonérations, il faut en mesurer les conséquences et être prudent. Si on tient de tels propos on est souvent accusé d'être opposé à la mesure proposée. Or, nous ne sommes pas forcément hostiles, sur le principe, à de telles mesures, mais nous gérons les collectivités locales, et savons ce qu'il en sera.

Par ailleurs, s'agissant des dépenses imposées par l'État, qui est un point très important, je souscris aux propos de M. Mercier.

Je terminerai en évoquant un autre point important, les conséquences de la décentralisation.

Nous connaissons les incidences de la décentralisation sur les départements et sur les régions. Mais je voudrais attirer votre attention, madame le ministre, sur les effets qu'elle produit aussi sur les communes, et donc sur les intercommunalités. L'idée s'est répandue selon laquelle la décentralisation ne touche que les départements et les régions. Or, par ricochet, elle concerne aussi les communes et les intercommunalités.

Je prendrai quelques exemples.

Pour ce qui concerne le transfert de compétences de la DDE, la direction départementale de l'équipement, autrefois appelée les Ponts et Chaussées, vers les départements, nos communes ont dû progressivement se substituer à ses missions historiques, ...

Mme Jacqueline Gourault. ...qu'il s'agisse de l'entretien des voiries communales, qu'elle assurait directement, ou de la réforme des permis de construire, dont nous avons eu l'occasion de débattre récemment.

Sur ces deux sujets, cette réorganisation a des conséquences financières non négligeables pour les communes, doublées d'une véritable difficulté pour les petites communes à assumer techniquement ces nouvelles missions. Bien évidemment, l'intercommunalité constitue souvent une solution pour les communes, mais il n'empêche qu'elle subit, elle aussi, les conséquences de la décentralisation.

Je citerai un exemple concret. Cette semaine, dans mon département, le préfet a expliqué quel était autrefois le rôle de l'État pour ce que l'on appelle, dans les régions ligériennes, les « levées de la Loire ».

L'État entretenait, - l'ancien président de l'EPALA, l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents, peut l'attester - toutes les levées de la Loire, en surveillant les périodes des hautes eaux, afin d'éviter les crues. Le personnel ayant été transféré au département, c'est maintenant à lui qu'il revient d'assurer ces missions. Mais le département répond qu'il ne peut pas tout faire et il demande aux communes ligériennes - je parle en l'occurrence de celles de mon département -, notamment celles qui se trouvent dans l'agglomération blésoise, d'assumer cette charge, au motif qu'elles ont du personnel et sont riches. Le département n'accepte de prendre en charge que les petites communes rurales.

Tout cela correspond en fait à des transferts insidieux de dépenses en personnel qui deviennent de plus en plus importants et qui font que nous nous retrouvons dans un système à deux niveaux.

Je ne reviendrai pas sur la réforme fiscale, car tout le monde s'accorde à dire qu'elle est nécessaire. Mais l'idée est de savoir qui fait quoi et de connaître les missions de l'État.

Certes, nous avons besoin d'un État fort, recentré sur ses missions régaliennes, sur ses missions en matière de péréquation et de sécurité, sur ses missions républicaines traditionnelles, mais nous avons aussi besoin de savoir quelles missions incombent aux collectivités locales. À cet égard, Je viens d'entendre une proposition audacieuse de M. Doligé.

J'ai lu tout à l'heure une note sur la mission économique des collectivités locales. C'est à y perdre son latin. Je crois aussi que l'on y perd beaucoup d'argent public !

Il est nécessaire de définir des missions claires pour chaque intervenant, ce qui permettra aussi de rétablir la confiance entre les collectivités territoriales et l'État, laquelle est, il faut le dire, aujourd'hui quelque peu émoussée. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 48 à 48 septies) et du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales », la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 22 novembre dernier, le Premier ministre a légitimé la nouvelle politique en direction des collectivités territoriales en expliquant que ces dernières devaient participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. En réalité, ce qui résulte de l'analyse de ce budget, c'est que l'enveloppe dévolue aux élus locaux sera fortement réduite en 2008, faisant ainsi les frais du paquet fiscal de 15 milliards d'euros voté cet été !

Jusque-là, nos collectivités vivaient sous le fragile abri du contrat de solidarité et de croissance qui a régi les relations entre l'État et les collectivités territoriales depuis 1999 en indexant la progression des dotations sur l'inflation et sur une fraction du taux de croissance du PIB. Aujourd'hui, vous remettez en cause ce contrat - unilatéralement, dirais-je ! - puisque, soit disant « au nom de la participation des collectivités à l'effort de désendettement public » - la progression de l'enveloppe des dotations devrait désormais se limiter à la seule inflation dès 2008, soit 1,6 %.

Comme l'on fait remarquer les associations d'élus locaux, cette remise en cause est proprement inacceptable. Il est en effet inadmissible que l'enveloppe des dotations faites aux collectivités soit revue à la baisse, alors même que les dépenses de ces dernières sont en forte augmentation, du fait notamment des transferts de compétences de l'État qui ont eu lieu et qui n'ont pas été accompagnés des financements correspondants. Ainsi, la part non financée du RMI transférée aux départements atteint 1,8 milliard depuis 2005.

De plus, la présentation de cette réforme du contrat de solidarité et de croissance est doublement faussée.

Elle l'est d'abord par la tricherie sur le périmètre de l'enveloppe, qui comprend des dotations qui y échappaient jusqu'alors. Cela permet ainsi de limiter fortement ces dernières, tout en gonflant artificiellement le volume global de l'enveloppe. À périmètre égal, la progression n'est plus que de 0,7 % sur 2007...

Ensuite, la hausse des prix réels subie par les collectivités a atteint 3,9 % entre les premiers trimestres 2006 et 2007. L'évolution réelle pourrait donc avoisiner une baisse de 3,2 % en 2008...

Le contrat de solidarité et de croissance est donc remplacé par un « contrat d'austérité » pour les collectivités. De surcroît, il n'a de contrat que le nom, puisqu'il est imposé aux collectivités » et non « librement discuté. Ce projet est d'ailleurs directement contraire au principe constitutionnel de compensation intégrale des transferts de compétences, affirmé à l'article 72-2 de la Constitution.

Pour minimiser les effets catastrophiques de cette réforme pour les finances locales, le Gouvernement met l'accent sur le maintien de l'ancienne indexation pour la seule dotation globale de fonctionnement aux collectivités. C'est un trompe-l'oeil, car cela revient à donner d'une main, via la DGF, tout en reprenant de l'autre, par le biais de la réduction de l'enveloppe normée dont la DGF fait partie.

À terme, les conséquences de cette politique seront catastrophiques pour les citoyens. D'une part, le Gouvernement va faire payer aux contribuables locaux la transformation des collectivités en services déconcentrés dont l'État ne veut plus assumer la charge et, d'autre part, il réduit leurs recettes provenant de l'État en enterrant le contrat de solidarité et de croissance. Résultat, les collectivités seront contraintes de freiner tout effort en direction des habitants.

Déjà l'an denier, les dépenses et les produits de fonctionnement ont connu une croissance moindre que l'année précédente. De plus, la hausse des dépenses d'investissement est moins soutenue : 7,1% en 2006 contre 8,3% en 2005.

L'autofinancement ne suffit plus à financer l'investissement, d'où le recours de plus en plus important à l'emprunt. De cette manière, les collectivités hypothèquent leurs investissements à venir.

En dernier ressort, si elles veulent réaliser les investissements nécessaires au bien-être de leurs habitants, les collectivités devront recourir à la fiscalité, celle des ménages exclusivement, déjà à la limite de la rupture, puisque le Gouvernement a fixé à 3,5 % le taux du plafonnement de la taxe professionnelle touchant les entreprises par rapport à la valeur ajoutée, taux que le MEDEF veut même réduire à 3 %.

Tout le monde ici se souvient que l'argument de campagne du Gouvernement était la baisse des impôts pour nos concitoyens ! Observons le résultat aujourd'hui : d'un côté le Gouvernement fait un cadeau fiscal sans précédent aux classes les plus aisées de la société ; de l'autre, il pousse à une augmentation des impôts pour l'ensemble des ménages en reportant la responsabilité sur les élus locaux.

Ce budget fait donc supporter aux collectivités locales les choix désastreux de l'État. Les services aux habitants vont en pâtir et nous craignons que le Gouvernement n'en tire argument pour légitimer la délégation au privé de pans entiers du service public local. Pourtant, les collectivités, qui concourent pour plus de 70% aux investissements publics, contribuent au maintien de près de 850 000 emplois dans le secteur privé et associatif.

Avec ce budget, le pouvoir de dépense des collectivités dans leur ensemble se réduit considérablement. Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous y opposer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me posais une question préjudicielle, en quelque sorte, par rapport à ce débat. Le Gouvernement a-t-il une politique des collectivités locales ?

J'ai écouté les propos tenus ces derniers mois par le président de la République. Il est vrai qu'il est assez difficile de ne pas l'entendre...

Dans ces très nombreuses interventions, récemment encore au Congrès des maires de France, je n'ai senti aucune volonté de donner un nouveau souffle à la décentralisation, ni de faire d'une politique des collectivités locales un axe majeur. Mais peut-être ai-je mal entendu ?

M. Adrien Gouteyron. C'est possible ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il en est de même dans les propos de M. le Premier ministre. Je n'y ai senti aucune volonté forte.

J'ai étudié avec soin les conclusions du Grenelle de l'environnement. S'agissant d'environnement, sujet qui concerne tant les régions, les départements et les communes, je me suis dit qu'on allait enfin parler d'une politique des collectivités locales. Les mots « collectivités locales » n'ont été employés qu'une seule fois pour autoriser les communes à établir des péages urbains et ils ne reviennent dans aucune autre disposition !

Je m'interroge, car une grande politique des collectivités locales et une nouvelle étape de la décentralisation sont, selon moi, vraiment nécessaires dans notre pays.

J'en viens à des exemples très concrets.

Lors de précédents débats, nombreux sont ceux qui voulaient modifier la Constitution. Le Parlement s'est donc réuni en congrès à Versailles et, désormais, le principe d'autonomie figure dans le titre de la Constitution relatif aux collectivités territoriales.

Mme Muguette Dini. Quelle est votre question ?

M. Jean-Pierre Sueur. Je me pose la question suivante, mes chers collègues : cela a-t-il concrètement changé quelque chose pour les élus locaux, pour les collectivités locales ?

De même, le principe de la péréquation est maintenant inscrit dans la Constitution ; il est donc devenu une ardente obligation. Mais où est la péréquation ? Quels progrès ont-ils été accomplis dans ce domaine ?

Tout le monde l'a dit et redit, une réforme de la fiscalité locale était nécessaire, mais elle n'a pas été faite. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C'est la vérité ! Mais j'ajouterai, madame la ministre, que c'est la faute à tous les gouvernements, de gauche comme de droite,...

M. Gérard César. Bien plus de gauche !

M. Jean-Pierre Sueur. ... qui, collectivement, manquent d'un très grand courage depuis quarante ans. Personne ne peut me contredire sur ce point.

Nous le savons tous, les valeurs locatives sont établies selon des critères qui remontent à trente ou quarante ans, ce qui engendre un grand nombre d'inégalités.

M. Paul Girod. Quand même !

Monsieur Sueur, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en prie, monsieur Girod.

M. le président. La parole est à M. Paul Girod, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Paul Girod. Monsieur Sueur, autant que je me le rappelle, c'est un gouvernement de gauche qui a fait voter une réforme des bases de la taxe d'habitation...

M. Paul Girod. ... et c'est bien ce même gouvernement qui ne l'a pas appliquée !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison !

M. Paul Girod. J'étais d'ailleurs le rapporteur du texte !

M. Jean-Pierre Sueur. Souvenez-vous, M. Michel Charasse avait beaucoup travaillé à cette réforme. C'est notre ancien Premier ministre, malheureusement disparu, Pierre Bérégovoy, qui, sentant que l'opinion n'était pas prête, y a renoncé. Mais il n'a pas été le seul dans ce cas, au fil des quatre dernières décennies, à penser qu'il était préférable de renoncer à faire une telle réforme.

M. Paul Girod. La majorité de droite du Sénat l'avait votée !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en donne acte.

Cela dit, mon cher collègue, vous auriez maintes fois eu l'occasion de vous rattraper depuis !

M. Paul Girod. Vous aussi !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous aussi, oui ! C'est pourquoi mon discours n'a rien de politicien. Je constate seulement que, collectivement, nous n'avons pas su réformer la fiscalité locale.

Peut-être allons-nous en avoir l'occasion ? Ce serait à inscrire au crédit du Gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre. Mais cette occasion se présentera-t-elle ?

Le problème, c'est qu'il faut s'y prendre très tôt dans une législature pour se lancer dans cette indispensable réforme, car il y a toujours des élections à venir !

M. Paul Girod. C'est vrai pour toute réforme !

M. Jean-Pierre Sueur. J'en viens aux dotations de l'État aux collectivités locales.

Je l'ai bien compris, seule une partie des dotations est visée dans le présent débat ; mais elles forment un ensemble.

Madame la ministre, comme beaucoup d'autres, je suis inquiet par l'écart croissant que nous constatons entre ce qu'on appelle l'enveloppe normée, laquelle définit un périmètre - on en a beaucoup parlé ! - et est indexée, si j'ai bien compris, sur l'inflation, et la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui, elle, est indexée sur l'inflation et 50 % de l'augmentation du produit intérieur brut.

Madame la ministre, pensez-vous qu'il sera possible de maintenir ce dispositif dans les années à venir ? M. Michel Mercier a été tout à fait éloquent à ce sujet tout à l'heure.

Il me paraît intenable de maintenir une enveloppe normée indexée sur l'inflation, à l'intérieur de laquelle la DGF, qui n'est pas une mince dotation, serait indexée, elle, sur l'inflation et 50 % de la croissance du PIB. En effet, à moins que vous ne nous apportiez des apaisements à ce sujet, je crains qu'un tel dispositif ne porte en germe une indexation de la DGF sur la seule inflation. Si tel était le cas, cela poserait un réel problème à nombre d'élus locaux.

De même, il faut réfléchir à la logique des dotations de compensation. Tous les gouvernements se sont montrés extrêmement imaginatifs pour créer des dotations de compensation. Au départ, c'est magnifique : le ministre, ou la ministre, nous dit, la main sur le coeur, que la compensation sera effectuée à l'euro près.

Puis, le temps passant, la compensation n'est plus au rendez-vous.

À cet égard, il faudrait d'ailleurs prendre le temps, un jour, d'écrire l'histoire de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle - et je suis sûr que d'éminents esprits au sein de la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, pourraient le faire.

Censée compenser les réductions de taxe professionnelle décidées par de nombreux gouvernements, cette dotation est devenue une variable d'ajustement. Une fois les additions faites, on regarde ce qui reste et on le met dans la DCTP, qui de ce fait baisse de 22 % !

Certes, des collectivités se voient annoncer la progression de telle ou telle dotation, éventuellement celle de la dotation de solidarité urbaine, ou DSU - encore que ce ne soit pas certain -, mais quand elles font leurs calculs, elles constatent que, avec une DCTP en diminution de 22 %, ce qui leur est donné d'une main est largement repris, et plus que repris, de l'autre.

Pour terminer, il me paraît vraiment nécessaire d'avancer vers des réformes profondes, non seulement de la fiscalité, mais aussi des dotations de l'État aux collectivités locales.

C'est un édifice d'une complexité telle que chacun s'y perd, sauf quelques éminents esprits de la DGCL, que je salue, et, si l'on s'en tient à la seule dotation globale de fonctionnement, je l'ai dit et redit, le système n'est pas péréquateur, et ce pour de multiples raisons.

D'abord, la dotation forfaitaire, à laquelle de très nombreux élus tiennent, n'est pas péréquatrice, puisqu'elle repose sur le principe selon lequel il faut donner a priori autant que l'année précédente, dans les limites de l'épure et des évolutions générales.

Ensuite, la dotation de « péréquation » comprend trois éléments, parmi lesquels la dotation d'intercommunalité pose beaucoup de problèmes. En effet, celle-ci augmente, mais il ne suffit pas d'être dans une logique d'intercommunalité pour être riche ou pauvre. Les deux cas existent. La place prise par la dotation d'intercommunalité, qui n'est pas péréquatrice, ...

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Si !

M. Jean-Pierre Sueur. ... ou qui l'est - mais de manière marginale -, aboutit, par une sorte d'effet mécanique, à ce que la dotation de solidarité rurale, la DSR, et la dotation de développement rural, la DDR, ou la dotation de solidarité urbaine, la DSU, ne représentent que des reliquats, c'est-à-dire ce qui reste une fois les obligations de la dotation forfaitaire et de la dotation d'intercommunalité satisfaites. Certes, je simplifie mais c'est grosso modo le résultat auquel on aboutit

Par ailleurs, s'agissant de la dotation de solidarité rurale ou de la dotation de développement rural, je l'ai dit à plusieurs reprises, si elles sont bénéfiques à toutes nos petites communes, environ 32 000, elles aboutissent à un tel éparpillement des crédits que leur dimension péréquatrice est en réalité très faible.

Reste la dotation de solidarité urbaine, la DSU.

M. Jean-Pierre Sueur. M. Repentin, expert en la matière, ne manquera de nous expliquer les avatars que subirait la DSU si tel ou tel amendement était adopté et même si le texte était voté en l'état.

Vous le constatez, madame la ministre, nous ne pouvons en rester là. Il faut engager une réforme du dispositif afin de ne plus privilégier, de manière aussi caricaturale, ce que j'appellerais l'acquis, l'état des choses, et de donner toute sa place à la solidarité.

M. François Marc avait présenté une proposition de loi, qui n'a pas été adoptée.

M. Thierry Repentin. C'est dommage !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Parce qu'elle n'aidait pas la Creuse, les vrais pauvres ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Mercier, vous vous êtes déjà exprimé. Si vous estimez que la proposition de M. François Marc ne va pas assez loin dans le sens de la péréquation, personne ne vous interdit d'en présenter une autre, qui serait véritablement péréquatrice, et que nul n'empêcherait la majorité du Sénat de l'adopter.

En vérité, chacun déplore les événements extrêmement douloureux survenus, récemment encore, dans nos banlieues, et tous s'accordent pour dire qu'il faut faire un effort en faveur des quartiers en difficulté, des villes moins prospères.

Or, sachant que les charges des communes ne sont pas proportionnelles à leurs ressources, il faut, au minimum, mieux répartir la même somme,...

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. ... et s'il est possible d'avoir un peu plus d'argent, monsieur Mercier, profitons-en pour le répartir mieux également.

Mes chers collègues, cette meilleure répartition passe par une réforme de la fiscalité, de l'autonomie fiscale,...

M. Jean-Pierre Sueur. ... de la péréquation et, donc, de la dotation, puisque l'État est le premier contribuable des collectivités locales.

Madame la ministre, ma question est simple : allez-vous lancer ces réformes, ou une partie d'entre elles, avec tout le souffle, la détermination, l'enthousiasme qui sont aujourd'hui nécessaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Joseph Kergueris applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je vous demande la plus extrême attention, parce que je vais me livrer à un exercice périlleux, en m'efforçant à la fois de rassurer mon collègue Jean-Pierre Sueur sur l'évolution de la DSU et de convaincre Mme la ministre de faire un effort supplémentaire en faveur de cette dotation. (Bravo ! et applaudissements.) Attendez avant d'applaudir, on jugera aux résultats !

Je veux saisir l'occasion de l'examen de cette mission pour revenir sur le problème posé cette année par la moindre augmentation de la dotation de solidarité urbaine.

Je dis bien « moindre augmentation », et non pas « diminution » comme je l'ai entendu de la part de certains collègues, qui oublient probablement que sur un sujet aussi délicat, une attitude responsable est bien le moins que l'on puisse attendre des élus de la République. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Heureusement, ce budget pour 2008 ne verra pas la DSU baisser, mais il verra, en l'état actuel des choses, son augmentation limitée à environ 90 millions d'euros, ce qui fait un peu moins de 10 %.

Et pourtant, lors de l'examen du plan de cohésion sociale, à la fin de 2004, Jean-Louis Borloo et Marc-Philippe Daubresse, alors ministres en charge de ces dossiers, ont proposé, défendu, je dirais même vendu au Parlement - au bon sens du terme - le doublement de la DSU en cinq ans, c'est-à-dire son passage de 600 millions d'euros à 1,2 milliard d'euros, soit une augmentation de 120 millions d'euros pas an.

M. Thierry Repentin. Une mesure votée à l'unanimité !

M. Philippe Dallier. C'est exact, monsieur Repentin !

Lors de nos débats, le cas des villes les plus emblématiques de la politique de la ville a souvent été évoqué, ainsi que les sommes importantes dont elles allaient bénéficier grâce à cette réforme.

Permettez-moi, en appui de ce que je viens d'affirmer, de vous relire deux extraits tirés des comptes rendus de nos séances.

Le 27 octobre 2004, Jean-Louis Borloo indiquait devant le Sénat : « Nous faisons un effort majeur avec le doublement de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et un fléchage précis pour que ces villes qui supportent de lourdes charges socio-urbaines, ces villes où vivent beaucoup de familles très nombreuses, parfois en perte de repères, reçoivent plus de moyens que les autres, plus vite, pendant cinq ans. Ainsi, Montfermeil ou Grigny, par exemple, toucheront 10 millions et 15 millions d'euros supplémentaires par an en moyens de fonctionnement. »

Le 4 novembre 2004, Marc-Philippe Daubresse déclarait au Sénat : « ...nous avons trouvé le moyen d'obtenir un effet multiplicateur tout en assurant la pérennité du dispositif, puisque nous garantissons, pour les cinq années à venir, une visibilité financière à nos communes : celles-ci pourront, enfin, connaître le montant de DSU et de DSR sur lequel elles pourront compter.

« [...] à quoi pensent les responsables locaux confrontés au financement des équipements publics ? Certes, ils peuvent désormais compter sur le soutien de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Malgré tout, ils s'interrogent sur leurs capacités financières et sur la pérennité des dotations qu'ils reçoivent. Ils craignent en fait que les gouvernements successifs, de droite ou de gauche, ne remettent un jour en cause le montant de leur dotation de solidarité urbaine.

« [...] nous avons besoin de stabilité pour savoir comment mener à bien nos actions.

« Or tout l'intérêt de notre réforme [...] est d'offrir une vision claire. [...] notre système permet de garantir les montants sur une période de cinq ans. »

Madame le ministre, mes chers collègues, je pourrais arrêter là ma démonstration tant ce que disaient Jean-Louis Borloo et Marc-Philippe Daubresse était net, clair, frappé au coin du bon sens, et répondait à l'attente de tous les élus locaux concernés par la politique de la ville.

Équité, pérennité, visibilité, tels étaient bien les principes de cette réforme de la DSU.

Et par la suite, à de très nombreuses reprises, cette forte volonté a été réaffirmée.

Mes chers collègues, je pense vous avoir démontré, citations puisées à bonne source à l'appui, qu'il existait bien un engagement fort de l'État, pas seulement une vague promesse, quant au doublement de la DSU.

Cela étant rappelé, quelle alternative s'offre à nous ?

Tenir l'engagement moral de l'État au regard des collectivités les plus en difficulté, ou bien nous retrancher derrière la disposition visant à limiter la hausse de la DSU dans le cas d'une progression de la DGF inférieure à 500 millions d'euros ?

Rappelons d'ailleurs que cette disposition qui nous pose problème aujourd'hui, fut introduite dans la loi, par voie d'amendement. Elle ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, et c'est parce que certains craignaient le risque de temps plus difficiles en matière de dotations qu'elle fut votée.

Mais rappelons également que, au moment du débat, et je vous renvoie à nouveau au compte rendu intégral des séances du Sénat, Marc-Philippe Daubresse nous avait rassuré, en rappelant que sur les dix dernières années précédant 2004, la DGF avait en moyenne progressé de 2,3 % et, donc, que le plancher des 500 millions d'euros n'était pas un problème.

C'était malheureusement sans compter l'impact d'une régularisation négative forte de la DGF.

Les choses étant ce qu'elles sont, il nous reste aujourd'hui le choix entre l'esprit de la loi et la rigueur du texte.

J'avais, jusqu'au débat sur le financement des collectivités locales du 27 novembre dernier, espéré qu'une solution serait trouvée.

Mais notre rapporteur général ayant tenté, autant qu'il était possible - ce dont je le remercie - de résoudre la quadrature du cercle de la progression limitée à 1,6 % de l'enveloppe normée et de ses conséquences sur les variables d'ajustement, il était évident que nous ne pouvions pas trouver, au sein de cette enveloppe, les moyens nécessaires au respect de l'engagement moral de l'État.

La balle est donc maintenant, madame le ministre, dans le camp du Gouvernement.

Le manque à recevoir pour les communes les plus pénalisées se chiffrera, pour chacune d'elles, entre 200 000 et 300 000 euros, selon mon estimation.

Certains seront peut-être tentés de dire, au regard du montant de leur DSU, que ce n'est pas grand-chose en pourcentage.

Mais en valeur absolue, pour des villes de 30 000, 40 000 ou 50 000 habitants, des montants de 200 000 ou 300 000 euros représentent des sommes relativement importantes, surtout pour les villes qui supportent de lourdes charges sociales.

M. Philippe Dallier. Dès lors, quelle confiance ces collectivités pourraient-elles accorder à la parole de l'État, qui les a engagées dans de très lourds projets de rénovation urbaine, si celui-ci ne leur donne pas les moyens promis pour faire face aux charges qui en découlent ?

C'est bien de cela qu'il s'agit, mes chers collègues : le nécessaire pacte de confiance entre l'État et les collectivités locales !

C'est pourquoi, madame le ministre, je fais appel à vous et à la ténacité qui vous caractérise pour décrocher l'arbitrage qui nous permettrait de revenir à la progression annuelle de 120 millions d'euros.

Dans cette attente et cet espoir, il nous faut bien envisager le cas de figure où la clause de limitation de la progression de la DSU s'appliquerait et corriger les effets pervers du texte que nous avons voté à l'unanimité en 2005.

Car ce texte - et c'est tout de même un comble ! - pénaliserait plus lourdement les villes les plus pauvres par le biais de l'application de la clause de garantie d'une augmentation annuelle minimum de 5 % de la DSU pour toutes les villes qui y sont éligibles.

M. Thierry Repentin. Pas si nous trouvons 30 millions !

M. Philippe Dallier. Vous conviendrez, madame le ministre, mes chers collègues, que nous devons corriger cela. C'est l'objet d'un amendement que je vous présenterai.

Je vous présenterai un second amendement, cosigné par Pierre André qui en est à l'origine et qui vise, s'il n'était pas possible de rétablir les 120 millions d'euros de progression de la DSU pour 2008, à prolonger d'une année, donc jusqu'en 2010, la garantie de progression de la DSU prévue par le plan de cohésion sociale.

Ce serait en fait un décalage dans le temps si nous ne pouvons pas trouver les moyens en 2008.

Je souhaite, madame le ministre, que vous puissiez émettre un avis favorable sur ces deux amendements.

Madame le ministre, mes chers collègues, je sais bien la difficulté que représente le bouclage du budget, mais, comme le déclarait ici même Jean-Louis Borloo, la DSU et les crédits de la politique de la ville ne peuvent pas servir de variable d'ajustement.

M. Thierry Repentin. Je suis d'accord !

M. Philippe Dallier. Je souscris pleinement à cette affirmation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette mission a ceci de particulier que l'État n'est maître de la répartition que pour 25 % de ses crédits. Pourtant, elle porte un nom bien symbolique, puisqu'il s'agit des relations qu'entretient l'État avec les collectivités territoriales, décentralisées, ajouterai-je

C'est bien de cela que je souhaite discuter avec vous, madame la ministre, en évoquant, si vous le permettez, plusieurs autres missions budgétaires à l'appui de mon propos. Car ce n'est pas une, mais bien plusieurs missions LOLF et plusieurs actions, disséminées dans tout le projet de loi de finances, qui concourent aux bonnes ou aux mauvaises relations entre l'État et les collectivités territoriales.

Or après examen du projet de loi de finances pour 2008, force est de constater que, malheureusement, l'État persévère dans sa logique de défiance qui le caractérise depuis bientôt cinq ans.

Plusieurs décisions récentes, prises sans tenir compte des préoccupations des collectivités locales et sans concertation préalable, plongeront à très courte échéance un grand nombre d'entre elles dans le rouge.

Au cours de la discussion des amendements, je reviendrai sur la baisse annoncée de la progression de la DSU, en contradiction évidente avec le mécanisme de préservation prévu par la loi Borloo, en contradiction avec les annonces gouvernementales et, surtout, en contradiction avec la réalité que vivent ces communes de banlieues dont la récente actualité nous a encore montré le degré de fragilité.

Auparavant, je souhaite revenir sur d'autres éléments budgétaires qui me semblent confirmer, madame la ministre, que le Gouvernement manifeste à l'égard des collectivités locales une défiance bien contraire à l'idée que je me fais du pacte républicain.

Par exemple, l'article 60 du projet de loi de finances, qui vient en discussion vendredi prochain, prévoit d'augmenter les cotisations salariales des collectivités locales pour abonder le Fonds national d'aide au logement. À aucun moment, le Gouvernement, qui s'y était pourtant engagé par la voix de M. Copé il y a un an, n'a lancé les négociations annoncées lors de la discussion sur la loi de finances pour 2007.

J'observe que cette nouvelle taxe est créée après que l'État a transféré l'immense majorité des agents des directions départementales de l'équipement aux départements et les agents TOS aux régions, transfert bien évidemment réalisé sans que cette nouvelle taxe ait fait l'objet d'aucune évaluation préalable. Elle coûterait pourtant, dès l'an prochain, 65 millions d'euros supplémentaires de cotisations aux collectivités locales, à nombre d'agents constants.

Une autre décision m'inquiète : en intégrant la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, et la dotation régionale d'équipement scolaire, la DRES, à l'enveloppe normée des dotations aux collectivités, vous soumettez dorénavant ces sommes à votre norme d'évolution des dépenses « zéro volume » et à la contrainte qu'elle engendre. Vous avez même accepté que la situation s'aggrave en laissant passer l'amendement du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui, sous prétexte de limiter les effets du contrat de stabilité, vise à indexer l'évolution de ces dotations sur la seule inflation.

Cela entraînera en 2008 une perte de 13 millions d'euros pour les collectivités locales ! On aménage donc aujourd'hui une décision prise à la va-vite au mois de juin, sans aucune concertation, et au préjudice, une fois encore, des collectivités.

Pensez-vous, madame la ministre, que ces deux mesures soient de nature à renforcer la confiance mutuelle nécessaire entre l'État et les collectivités ?

Cette confiance s'effrite au fil des décisions gouvernementales, mais aussi à cause des attitudes des services déconcentrés.

Dans les relations qu'entretient l'État avec les collectivités figurent en effet les relations que les services déconcentrés entretiennent notamment avec les plus petites d'entre elles, celles dont la taille est trop modeste pour qu'elles assurent seules les missions qui leur incombent, notamment en matière d'administration du droit des sols ou de maîtrise foncière.

Depuis la mise en oeuvre de la réforme du permis de construire, le 1er octobre 2007, on ne compte plus les communes qui peinent à obtenir l'aide de la DDE, et ce malgré les efforts du ministre de l'écologie destinés à rappeler les services à leurs obligations légales.

Le Gouvernement est régulièrement interpellé, dans cet hémicycle, sur ces dérives, sur ces transferts de charges déguisés, sur cette défausse permanente.

Mais, à y regarder de plus près, les circulaires n'y pourront rien. C'est dans le budget de l'État, et plus particulièrement dans celui de votre collègue Jean-Louis Borloo, que se trouvent quelques-unes des racines du mal : moins de personnels, moins de moyens d'intervention, moins de disponibilité.

Je comprends la tentation du Gouvernement de rogner sur les dépenses de fonctionnement, les dépenses d'accompagnement en ingénierie des collectivités ou les dépenses d'études, parce qu'elles semblent bien cachées. Le problème, c'est que ces dépenses traduisent précisément l'engagement de l'État sur les territoires et en fondent souvent la crédibilité.

À titre d'exemple, je citerai l'action « soutien aux collectivités locales dans le cadre des contrats de projet 2007-2013 » du programme « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique », inscrite au budget du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. L'État engage 12 290 000 euros dans la recherche de solutions pour faire face à la crise du logement de la région capitale, dans le cadre du contrat de projet. Or il n'inscrit pour cette action aucun crédit de paiement !

Toujours dans le même chapitre budgétaire, le « Soutien aux politiques locales foncières, de planification et d'aménagement » regroupe les crédits consacrés aux actions foncières en Île-de-France et à l'aide de l'État pour les schémas de cohérence territoriale, les SCOT. Ce n'est pas compliqué : depuis cinq ans, l'État faisait peu ; à partir de l'année prochaine, il ne fera plus rien ! Zéro euro d'engagements nouveaux !

Quant aux agences d'urbanisme, outils précieux pour les territoires et financés à 90 % par les collectivités locales, le budget que leur consacrera l'État cette année ne connaît qu'une augmentation apparente : en 2007, leur dotation globale avait baissé de près de 10 % par rapport à l'année antérieure et au moins cinq nouvelles agences sont prévues pour 2008.

Alors, madame la ministre, votre collègue Mme Boutin pourra toujours s'époumoner et annoncer à qui veut l'entendre que l'État fera respecter la loi SRU, que tous les acteurs de la chaîne du logement doivent s'investir, que les maires bâtisseurs seront encouragés. Moi, pendant ce temps, je lis dans le « bleu » budgétaire un passage éclairant sur la stratégie réelle de l'État : « L'une de ces règles [de mobilisation des crédits pour favoriser les communes qui contribueront de manière significative à la production de logements] consiste en la mise en concurrence des territoires [...] La répartition des crédits entre territoires ne peut donc pas être arrêtée a priori. »

Cette absence de vision de la planification et de l'accompagnement des territoires n'est pas sans rappeler ce qu'il convient désormais d'appeler « l'organisation de la concurrence », qui s'exprime par la dizaine d'appels à projets lancés depuis 2002 par la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT.

L'un d'entre eux a au moins mobilisé pendant trois mois, au début de cette année, dans l'urgence, les équipes d'une cinquantaine d'agglomérations sur le thème de la mobilité durable. Or cet appel à projets aurait été purement et simplement suspendu ! Quelle raison le ministère de tutelle a-t-il invoquée ? Aucune ! N'est-ce pas là encore, madame la ministre, une marque de défiance, pour ne pas dire de mépris, à l'égard de certaines collectivités locales ?

Pour conclure, je ne sais s'il faut souhaiter, à l'instar de notre rapporteur spécial, Michel Mercier, la fin de cette mission. Néanmoins, je suggère au Gouvernement d'opérer sa révolution en la matière, sans quoi les inégalités continueront de se creuser sur nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, comme la plupart d'entre vous, que les rapports entre l'État et les collectivités locales s'inscrivent dans une relation de confiance. Parce que je suis à la fois élue locale et membre du Gouvernement, il me semble que cette relation de confiance peut exister si nous mettons sur pied un réel partenariat, si nous confirmons l'effort de solidarité et si nous garantissons une meilleure visibilité aux collectivités.

Monsieur Puech, un partenariat de confiance doit être synonyme de vérité. Je vous donne volontiers acte du fait que les collectivités territoriales n'aggravent pas la dette globale. Cependant, n'oublions pas qu'elles entraînent pour l'État des dépenses qui représentent un quart de son budget. Ce n'est pas rien ! Or si l'État veut, conformément à ses engagements internationaux, parvenir à réduire ses dépenses, il doit en tenir compte.

Pour créer cette relation de confiance nous avons tous intérêt à éviter les présentations trop simples, binaires ou démagogiques.

Éric Doligé nous a dit souhaiter que nous puissions nous retrouver pour agir en toute transparence aux niveaux national et local. J'y suis tout à fait prête et c'est une démarche que j'ai toujours eue vis-à-vis des assemblées. Il importe en effet que nous puissions étudier concrètement et régulièrement l'exécution des budgets votés chaque année. Il est dans l'intérêt de tous, du Parlement comme du ministre, qu'il y ait un réel suivi.

Dans le cadre de ce partenariat de confiance, que j'appelle de mes voeux, nous pourrons effectivement, avec le président de la commission des finances, étudier la façon de nous accorder au moins sur les chiffres.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement a mis en place la Conférence nationale des exécutifs, qui réunit les trois principales associations d'élus locaux et dont l'objectif est notamment l'élaboration des textes qui ont un impact sur les collectivités territoriales.

M. le rapporteur pour avis, Bernard Saugey, a évoqué cette Conférence nationale des exécutifs comme un lieu de concertation entre le Gouvernement et les associations d'élus et de décisions. Tel est notre souhait ! Nous voulons que les textes communautaires soient élaborés le plus en amont possible ; ces textes ont un impact croissant sur le fonctionnement de nos collectivités. Un point d'actualité sera systématiquement inscrit à l'ordre du jour de la Conférence nationale des exécutifs.

Monsieur le rapporteur spécial, je voudrais vous rappeler, ainsi qu'à Mme Gourault, que dans la logique de la Conférence nationale des exécutifs, j'ai également proposé de créer auprès du Comité des finances locales une commission chargée de suivre tous les textes d'origine gouvernementale qui, en fixant notamment un certain nombre de normes, peuvent avoir de lourdes conséquences sur les collectivités, y compris en matière financière. C'est ainsi que nous mettrons fin à un certain nombre de dérives qui ont eu cours ces dernières années, tant il est vrai que les collectivités se sont parfois vu imposer des charges supplémentaires du seul fait de l'apparition de normes nouvelles, et ce au-delà de ce qui était convenu entre elles et le Gouvernement.

Le partenariat de confiance, c'est également le fait pour l'État de tenir ses engagements sur la décentralisation. Nous savons très bien, les uns et les autres, qu'il existe une obligation constitutionnelle selon laquelle le transfert de financement correspondant au transfert de compétence doit se faire au jour du transfert et en fonction de ce que l'État payait auparavant, d'où le problème qui a été évoqué par certains intervenants : c'est parce qu'on transfère des compétences que l'on transfère les financements, mais les compétences elles-mêmes entraînent souvent des besoins de financements supplémentaires dans les années suivantes.

Cela étant, le Gouvernement a proposé un certain nombre de textes montrant sa volonté d'essayer de soutenir les collectivités dans le cadre du texte constitutionnel. C'est ainsi qu'il a déposé, la semaine dernière, un amendement tendant à corriger les fractions de taxe intérieure sur les produits pétroliers, la fameuse TIPP, et sur la taxe sur les conventions d'assurance, afin de pouvoir tenir compte, le plus rapidement possible, du choix des agents qui ont fait connaître tardivement leur volonté d'opter pour une intégration dans la fonction publique territoriale, de façon que cela ne repousse pas les compensations à l'année prochaine.

Pour aller dans le même sens, je proposerai un amendement visant à augmenter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour tenir compte des dernières données disponibles sur les transferts de personnel et sur des transferts fondés sur le volontariat des collectivités ; je pense en particulier aux problèmes posés par les monuments historiques.

Ma conviction est que si nous voulons établir un partenariat de confiance, nous devons dépasser un certain nombre de malentendus qui contaminent depuis trop longtemps les relations entre l'État et les collectivités territoriales.

Monsieur Mercier, vous estimez que l'État gagne 1 milliard d'euros en gérant le compte d'avances. De l'autre côté, l'État vous répond chaque année que c'est tout le contraire ! Je n'entrerai pas dans ce débat d'experts, mais je crois qu'il existe un certain équilibre et que les collectivités sont dans leur ensemble satisfaites de l'avance que leur fait l'État en versant la fiscalité locale par douzièmes, en contrepartie du dépôt des fonds libres au Trésor.

La réforme de la fiscalité locale, dont je fais une priorité personnelle, devra également, parce qu'elle garantit des ressources, permettre d'apporter plus de lisibilité et plus de visibilité aux contribuables, en même temps d'ailleurs que plus de responsabilités aux élus locaux dans la fixation de l'impôt.

Je vous ai bien entendu, monsieur Sueur, quand vous avez dit que, depuis quarante ans, aucun gouvernement n'avait mis en oeuvre cette réforme de la fiscalité locale. Je pense tout simplement que vous attendiez une femme pour régler ce genre de problème. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne demande qu'à voir !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J'ai donc bien l'intention de le faire ! En général, les femmes savent gérer les budgets. Je pourrai peut-être également, monsieur Sueur, arbitrer les intérêts de différentes collectivités qui peuvent parfois se révéler contradictoires.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » -  je ne sais pas s'il faut ou non la supprimer, mais après tout, pourquoi pas ? - reflète l'effort de solidarité de l'État envers les collectivités les plus défavorisées.

Le contrat de stabilité évoluera comme la norme que s'impose l'État pour toutes ses dépenses, c'est-à-dire l'inflation.

À cet égard, madame Mathon-Poinat, dans la mesure où les dépenses pour les collectivités représentent un quart du budget de l'État, il est évident que l'effort que ce dernier s'impose à lui-même doit porter sur l'ensemble du budget. Dès lors, ma conviction est qu'il s'agit d'une demande légitime de la part de l'État.

Cela étant, cet effort ne se fera pas au détriment des collectivités en difficulté. Les collectivités les plus défavorisées bénéficieront, en effet, du maintien de la progression de la dotation globale de fonctionnement. Je rappelle que j'ai souhaité, dans cette enveloppe normée, maintenir la progression de la DGF en 2008. En effet, en tant qu'élue locale ayant un budget à gérer, je sais très bien que le fait d'imputer, trois mois avant le nouveau budget, une partie des ressources est proprement ingérable.

Je parlais tout à l'heure de visibilité. Il faut être honnête : quand je dis que la visibilité est indispensable, cela signifie qu'il faut de la visibilité pour préparer avec suffisamment d'avance un budget ; j'y suis très attachée !

Ce que j'ai obtenu, monsieur Sueur, c'est pour 2008, et non pas pour après. En revanche, ce que je puis vous dire, c'est que, dès le début 2008, le Gouvernement va travailler avec les élus locaux sur l'indexation des dotations ; ce sera d'ailleurs l'un des rôles de la Conférence nationale des exécutifs.

Je ne vais pas vous dire aujourd'hui ce qu'il en sera pour le budget 2009, car je ne peux préjuger de l'avenir, mais j'ai tenu à prévoir le temps nécessaire à la discussion, ce qui me paraît un élément de bonne gestion.

Par conséquent, s'agissant de l'aide aux collectivités les plus défavorisés, la progression de la DGF cette année est de nature à permettre une augmentation de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, d'au moins 90 millions d'euros, cette dotation passant alors le cap du milliard d'euros en 2008.

Je sais très bien, monsieur Dallier, que la DSU est un soutien essentiel pour les maires, qui sont en première ligne dans les quartiers difficiles.

Vous estimez que cette progression est encore insuffisante. Or je rappelle que le comité des finances locales, au sein duquel le Sénat est représenté, peut aller au-delà de la progression minimale s'il le souhaite. D'ailleurs, à ma demande, le projet de loi de finances rectificatives prévoit une augmentation de la DGF de 41 millions d'euros, dont le comité des finances locales décidera l'affectation au mois de février prochain.

Permettez-moi aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, de rappeler quelques chiffres qui montrent l'effort important de l'État en faveur des communes en grande difficulté.

Pour prendre un exemple, entre 2004 et 2007, la DSU perçue par Villiers-le-Bel - ville dont on a beaucoup parlé - a exactement doublé. Quant à la ville de Sarcelles, qui bénéficiait de 4 millions d'euros en 2004 - je ne parle même pas d'avant, et surtout pas de l'avant 2002 -, elle perçoit aujourd'hui une DSU qui dépasse 14 millions d'euros, et cet effort ne sera pas interrompu l'an prochain.

M. Thierry Repentin. Ce n'est pas suffisant !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Certes, j'entends bien que l'on peut toujours faire mieux et que certains souhaitent toujours mieux ; en général, ce sont d'ailleurs ceux-là qui ne votent pas les budgets ! (Sourires.) Toutefois, il importe que les demandes ne soient pas contradictoires, exigeant à la fois des économies et plus de crédits.

En revanche, monsieur Dallier, votre amendement portant sur la garantie attribuée à certaines communes, que le Sénat va examiner dans quelques instants, mérite effectivement toute mon attention.

La croissance de la DGF - je pense ici non seulement aux grandes communes en difficulté ou aux communes se situant dans certains endroits, mais également aux toutes petites communes, notamment rurales - rendra possible un effort soutenu pour les communes rurales au travers de la dotation de solidarité rurale, la DSR, qui augmente de 9,43 %.

Cette dotation, comme la dotation de fonctionnement minimale des départements, la DFM, prend notamment en compte la situation des communes et des départements de montagne. Ces collectivités bénéficient ainsi d'une majoration de leur DGF.

En ce qui concerne les dotations d'équipement, qu'il s'agisse de la dotation globale d'équipement, la DGE, de la dotation de développement rural, la DDR, etc., qui sont incluses dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », elles évolueront l'an prochain de 2,6 %, soit le taux d'investissement des administrations publiques.

Ne négligez pas ce fait, car il s'agit là d'un effort important de l'État en faveur de l'investissement des collectivités.

Enfin, au titre de la solidarité, j'essaye de prendre en compte la réalité du terrain. Et le fonds pour les collectivités victimes de catastrophes naturelles reflète l'effort de solidarité que je soutiens.

Tel que je le propose, ce fonds s'ajoute à ce qui existe déjà en matière de catastrophes naturelles. Il est destiné à la réparation des dégâts causés sur des biens non assurables des collectivités concernées. Il est doté de 20 millions d'euros dès 2008, ce qui permettra de répondre à des sinistres d'ampleur limitée ou très localisés, comme nous en avons connu un certain nombre au début de cet été, et dont j'ai pu me rendre compte personnellement.

Bien entendu, au titre de la solidarité nationale, l'État continue d'assumer toutes ses responsabilités. Si des tempêtes comme celle que la France a connue en 1999 devaient se reproduire, l'État serait évidemment toujours là pour aider les communes sinistrées.

Ma conviction, enfin, est que la visibilité constitue une nécessité pour les collectivités territoriales comme pour nos concitoyens.

Monsieur Mercier, en tant que rapporteur spécial, vous proposez de supprimer celle-ci au motif qu'elle serait redondante avec le débat sur les collectivités locales qui a lieu en première partie de la loi de finances. Il est vrai que, de temps en temps, j'ai un peu l'impression de me répéter !

Quoi qu'il en soit, vous l'avez dit, la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ne retrace qu'une faible partie de l'effort financier de l'État en faveur de ces collectivités.

Dès lors, conserver une mission spécifique pour les collectivités territoriales dans le budget de l'État me paraît utile. En effet, il est plus lisible pour une personne non spécialiste de ces questions d'identifier les crédits de l'État au sein d'une mission dédiée aux collectivités territoriales.

Au-delà de cet aspect purement budgétaire, les Français, nous le savons bien, attendent plus de lisibilité de l'action publique.

Nous avons un problème, disons-le très simplement : aujourd'hui, bien souvent, on ne sait plus qui fait quoi, qui est responsable de quoi !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela étant dit, monsieur Sueur, je ne suis pas d'accord avec vous : les Français ne veulent pas d'une nouvelle étape dans la décentralisation ; ils sont 78 % à le dire dans une enquête qui a été réalisée au moment du Congrès des maires de France ! Ils considèrent qu'une pause est aujourd'hui nécessaire pour que, justement, l'on puisse mieux savoir qui fait quoi.

Le rapport de M. Lambert, établi dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et qui sera remis vendredi au Premier ministre, a été l'occasion pour tous les acteurs concernés de débattre d'une façon que je considère constructive et de proposer des pistes praticables pour essayer de clarifier les responsabilités et les compétences de chaque collectivité.

Bien entendu, donner aux collectivités plus de responsabilités, cela suppose également que l'État prenne mieux en compte l'impact de sa réglementation, d'où la Commission consultative sur l'évaluation des normes, la CCEN, mise en place au sein du comité des finances locales.

De la même façon, il est important d'avoir une certaine visibilité de qui fait quoi en matière d'aides économiques. À cet égard, monsieur Saugey, les difficultés que pointe la Cour des Comptes dans son récent rapport sur les aides des collectivités locales au développement économique sont réelles dans bien des cas.

Je n'ignore pas que le dispositif d'aides des collectivités territoriales en faveur des entreprises est très complexe. Je suis d'ailleurs à l'écoute d'un certain nombre d'entre vous qui, tout en souhaitant une clarification, notamment entre les régions et les départements, ne veulent pas pour autant, lorsque telle ou telle région n'est pas très active dans le domaine du développement économique, que les départements soient privés de la possibilité de soutenir leurs propres entreprises. Là aussi, soyons lucides et essayons de jouer la confiance : les choses ne sont pas aussi simples qu'une approche technocratique qui trancherait au couteau dans les compétences pourrait le faire croire.

Monsieur Doligé, vous avez avancé un certain nombre de pistes de réflexion qui, à mes yeux, sont très intéressantes et qui, par conséquent, méritent d'être retenues.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai tenté de répondre à un certain nombre de questions. Au cas où j'en aurais oublié certaines, vous ne manquerez certainement pas de me les poser à nouveau par écrit, auquel cas je vous répondrai bien volontiers.

En conclusion, je souhaite que les relations entre l'État et les collectivités soient caractérisées par ces trois objectifs : rétablir une confiance réciproque ; assurer une solidarité avec les collectivités en difficulté ; enfin, offrir une plus grande lisibilité à non concitoyens sur ce que nous voulons faire.

Telles sont les bases d'un nouveau partenariat, celui que je souhaite et qui est aussi l'objectif du Gouvernement. ((Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

relations avec les collectivités territoriales

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » figurant à l'état B.

Relations avec les collectivités territoriales - Compte spécial : avances aux collectivités territoriales
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 48

État B et article additionnel après l'article 48 septies

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Relations avec les collectivités territoriales

2 340 062 930

2 276 240 999

Concours financiers aux communes et groupements de communes

745 688 988

694 765 798

Concours financiers aux départements

482 820 601

478 491 860

Concours financiers aux régions

823 419 100

823 419 100

Concours spécifiques et administration

288 134 241

279 564 241

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-138 rectifié, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 48 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À compter du 1er janvier 2008, il est opéré une réfaction sur la dotation générale de décentralisation de la région Picardie et un abondement à due concurrence de la dotation générale de décentralisation du département de la Somme, à hauteur de 441 718 euros en valeur 2007, indexés sur le taux de la dotation globale de fonctionnement pour 2008, au titre du transfert de propriété de la région au département, intervenu le 1er novembre 2006 en application du dernier alinéa de l'article 1er-1-1 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, des voies navigables dont les compétences d'aménagement et d'exploitation avaient été transférées à la région par le décret n° 92-648 du 8 juillet 1992, pris en application de l'article 5 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.

II -  La perte de recettes pour les régions est compensée à due concurrence par le prélèvement sur les recettes de l'Etat au titre de la compensation des exonérations relatives à la fiscalité locale.

III. - La perte de recettes pour l'État du fait de l'abondement de dotation globale de fonctionnement des régions est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Comme l'amendement n° II-137 rectifié, cet amendement est relatif à une situation locale, le canal de la Somme. Il vise à prévoir le versement direct au département de la Somme de la dotation générale de décentralisation au titre du transfert des compétences d'aménagement et d'exploitation de ce canal.

Actuellement, sur le fondement d'une convention conclue en application des dispositions de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la région Picardie reçoit cette dotation et la reverse au département. Ce dernier était concessionnaire du canal de la Somme depuis 1992 et il en est devenu le propriétaire le 1er novembre 2006.

Il s'agit d'un amendement de simplification, dont l'adoption n'aurait aucune conséquence sur le montant de la dotation.

M. le président. L'amendement n° II-137 rectifié, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Concours financiers aux communes et groupements de communes

 

 

 

 

Concours financiers aux départements

450 917

 

450 917

 

Concours financiers aux régions

 

450 917

 

450 917

Concours spécifiques et administration

 

 

 

 

TOTAL

450 917

450 917

450 917

450 917

SOLDE

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Il s'agit d'un amendement de précision, qui vise à tirer la conséquence de l'amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ces amendements apportent une véritable simplification. En outre, ils sont neutres sur le budget de l'État. Le Gouvernement y est donc favorable et il lève le gage sur l'amendement n° II-138 rectifié.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-138 rectifié bis.

Je mets aux voix cet amendement.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 48 septies.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-137 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-132, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Concours financiers aux communes et groupements de communes

162.930

 

162.930

 

Concours financiers aux départements

4.604.030

 

4.604.030

 

Concours financiers aux régions

18.950.900

 

18.950.900

 

Concours spécifiques et administration

1.011.708

 

1.011.708

 

TOTAL

24.729.568

24.729.568

SOLDE

+24.729.568

+24.729.568

La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Chaque année, la compensation des transferts de compétences nécessite des ajustements en cours de débat budgétaire.

L'objet de cet amendement est de procéder à quatre ajustements.

Premièrement, il s'agit d'ouvrir 18,8 millions d'euros sur la dotation générale de décentralisation, la DGD, des régions d'outre-mer, au titre du droit à compensation des transferts de compétences intervenant en 2008 dans le cadre de la loi du 13 août 2004.

Cela concerne essentiellement la compensation du transfert des personnels ouvriers et techniciens de service, les TOS, de l'éducation nationale et des agents du ministère de l'équipement.

Les transferts de compétence aux régions d'outre-mer sont compensés par la DGD et non, comme c'est le cas des régions de métropole, par transfert de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, cette taxe n'étant pas en vigueur outre-mer.

Deuxièmement, il s'agit d'un ajustement d'un montant de 987 631 euros, qui augmente la DGD des collectivités territoriales qui se sont portées volontaires pour gérer des monuments historiques. Ainsi, 162 930 euros reviennent aux communes et groupements de communes, 682 085 euros aux départements, 142 616 euros aux régions.

Troisièmement, il s'agit d'augmenter de près de 3,9 millions d'euros la DGD des départements. Cela correspond au transfert aux collectivités territoriales d'agents de l'équipement qui étaient auparavant mis à leur disposition pour le premier transfert des routes prévu dans le cadre des lois du 11 octobre 1985 et du 2 décembre 1992.

Quatrièmement, les crédits de la mission sont augmentés de 1 million d'euros au titre du transfert des ports maritimes, lesquels peuvent concerner différents niveaux de collectivités.

Dans tous les cas, il s'agit d'ajustements très techniques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je considère que ces ajustements sont la stricte application du droit de la décentralisation. Au nom de la commission des finances, j'émets donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-132.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de cette mission, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Compte spécial : avance aux collectivités territoriales

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales » figurant à l'état D.

État D

(en euros)

Avances aux collectivités territoriales

80 860 800 000

80 860 800 000

Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie

6 800 000

6 800 000

Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

80 854 000 000

80 854 000 000

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de cette mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 48 à 48 septies et les amendements tendant à insérer des articles additionnels, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Relations avec les collectivités territoriales

Article 33 et Etat B et article additionnel après l'article 48 septies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 48 bis

Article 48

Le chapitre III du titre Ier du livre VI de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L'intitulé est ainsi rédigé : « Dotation globale de fonctionnement et autres dotations » ;

2° Il est inséré une section 1, intitulée : « Dotation globale de fonctionnement », comprenant les articles L. 1613-1 à L. 1613-5 ;

3° Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des catastrophes naturelles

« Art. L. 1613-6. - Il est institué un fonds de solidarité en faveur des communes de métropole et de leurs groupements ainsi que des départements de métropole afin de contribuer à la réparation des dégâts causés à leurs biens par des événements climatiques ou géologiques graves.

« Ce fonds est doté de 20 millions d'euros par an, prélevés sur la dotation instituée au IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986). Ce montant évolue chaque année, à compter de 2009, comme la dotation globale de fonctionnement.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment la nature des biens pris en compte, les règles relatives à la nature et au montant des dégâts éligibles aux aides du fonds et aux critères d'attribution de ces aides ainsi que les différents taux de subvention applicables. »

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, sur l'article.

M. Jacques Blanc. Je profite de l'examen de cet article pour revenir sur un problème que j'évoque régulièrement. Peut-être certains de mes collègues trouveront-ils d'ailleurs que j'insiste trop !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est un bonheur renouvelé ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Nous sommes pour l'aplanissement des montagnes ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Blanc. Je pose cette question depuis le 1er décembre 2004, c'est-à-dire depuis que nous avons à la fois réformé la DGF et, surtout, remplacé la notion de « potentiel fiscal » par celle de « potentiel financier ».

À cette époque, j'avais fait remarquer que nous manquions de projection. D'ailleurs, le rapport d'information que Jean François-Poncet et Claude Belot avaient alors établi au nom de la délégation à l'aménagement du territoire formulait les mêmes interrogations.

Trois ans après, il me paraît opportun d'interpeller la commission des finances et le Gouvernement...

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Surtout le Gouvernement !

M. Jacques Blanc. ...pour que soit enfin proposée une analyse objective des effets de cette mesure.

Je ne dis pas qu'a été supprimée la dotation de solidarité rurale, en particulier en faveur des départements de montagne. Le président du groupe d'études sur le développement économique de la montagne et l'élu de la Lozère que je suis serait le plus mal placé pour prétendre que l'on a retiré les soutiens apportés à de tels départements.

Et vous ne manqueriez pas de me rappeler...

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. La vérité ! (Sourires.)

M. Jacques Blanc. ...l'importance de ces dotations. D'ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, vous l'avez fait !

J'observe toutefois cette évolution et je me demande si l'heure n'est pas venue de s'interroger afin de savoir s'il est bien logique d'intégrer dans le calcul du potentiel fiscal les dotations qui, par exemple, sont attribuées pour permettre à des communes ou à des départements de prendre en compte la gestion de l'espace.

Alors que le développement durable est, aujourd'hui, au coeur de nos démarches, qui peut nier que certains départements et communes situés dans les zones de montagne sont investis d'une mission spécifique, et que cela a un coût particulier ?

Je le répète : l'heure n'est-elle pas venue,...

M. Thierry Repentin. Ce n'est ni l'heure ni l'article !

M. Jacques Blanc. ...sans se désavouer, sans nier l'intérêt d'un certain nombre de mesures, de s'interroger pour savoir s'il ne serait pas opportun, non pas de revenir complètement au potentiel fiscal, mais de gommer certaines conséquences que l'on n'avait pu anticiper ?

À ce propos, je tiens à remercier le président et le rapporteur général de la commission des finances, qui, dans le projet de loi de finances, au moment où il s'est agi de compenser l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les agriculteurs, ont accepté...

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est une faiblesse rare !

M. Jacques Blanc. ...le sous-amendement que j'avais déposé pour que ne soit pas appliquée la notion de potentiel financier, et qu'il soit tenu compte des effets de cette compensation sur le budget des départements.

Il est donc possible d'avoir une approche qui tienne compte de l'exigence de solidarité.

Mes chers collègues, en tenant de tels propos, je ne défends pas uniquement la montagne !

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Mais non ! (Sourires.)

M. Thierry Repentin. Elle le mérite ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Blanc. Effectivement !

Je défends également le développement durable et les acteurs des collectivités de ces zones de montagne, à qui incombe une responsabilité particulière.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est tout à fait vrai !

M. Jacques Blanc. Car la montagne...

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ... est en haut ! (Rires.)

M. Jacques Blanc. ...apporte incontestablement un équilibre et une respiration à l'ensemble de notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Non, c'est parfait ! Nous attendons l'année prochaine ! (Rires.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-123, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier des propos que vous avez tenus concernant les personnes victimes de la sécheresse de 2003. Vous avez annoncé avoir obtenu de Bercy que des dispositions en leur faveur figurent dans le prochain projet de loi de finances rectificatives.

Malheureusement, je ne puis poursuivre sur le même ton s'agissant de cet article, pour le moins singulier, dont cet amendement prévoit la suppression.

Vous dites, madame la ministre, que nous allons faire oeuvre de solidarité à l'égard des communes, des départements et des groupements de communes touchés par les catastrophes naturelles. Qui ne souscrirait à cette intention généreuse ?

Tout à l'heure, j'ai eu l'occasion de souligner à quel point la DCTP était en fâcheuse position, puisque ce projet de loi de finances prévoit une diminution de ses crédits de 200 millions d'euros.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non ! Nous avons corrigé cela !

M. Jean-Pierre Sueur. Cela représente une baisse de 22 % par rapport à l'année dernière !

En outre, madame la ministre, 20 millions d'euros seront affectés aux catastrophes naturelles. Si l'État avait décidé d'abonder telle ou telle dotation pour financer cette somme, nous eussions été satisfaits. Malheureusement, le Gouvernement continue de ratiboiser cette malheureuse DCTP. Mes chers collègues, je me demande bien qui votera une telle disposition ! En effet, ces 20 millions d'euros de solidarité sont prélevés sur une dotation en perdition.

Si ce n'était que cela, on aurait pu croire à une subtilité comptable. Mais j'ai eu la curiosité d'étudier le programme 122 « Concours spécifiques et administration », qui permet d'indemniser les collectivités territoriales en cas de catastrophes naturelles pour les préjudices touchant leurs biens non assurables ; j'ai plus spécifiquement examiné les crédits ouverts au titre de l'action n° 1 « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales ». Quelle ne fut pas ma surprise, mes chers collègues ! L'année dernière, les crédits s'élevaient à 127,5 millions d'euros.

Je rappelle qu'en 2006 avaient été consommés 228,3 millions d'euros sur ce chapitre. Or, cette année, nous passons de 127,5 millions d'euros à 2,9 millions d'euros. Par conséquent, les crédits inscrits à ce chapitre sont réduits, si j'ai bien compris, de 124,6 millions d'euros.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances et M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Cela va s'arranger !

M. Jean-Pierre Sueur. Je l'espère, mes chers collègues, et je ne demande que cela !

Ainsi, pour faire face aux catastrophes en cause, sont prévus 20 millions d'euros subtilement prélevés sur la DCTP - qui, par ailleurs, ne cesse de diminuer -, auxquels s'ajoutent 2,9 millions d'euros. Si mes calculs sont exacts, cela représente au total 22,9 millions d'euros, contre 127,5 millions d'euros l'année dernière ; et 228,3 millions d'euros avaient été consommés l'année précédente

Tout cela me paraît d'une très grande limpidité. Mes chers collègues, je pense que vous serez d'accord pour adopter cet amendement de suppression du dispositif. Il aurait été beaucoup plus clair de prévoir dans ce programme 122 une dotation de 127,5 millions d'euros, plutôt que de ne disposer désormais que de 2,9 millions d'euros, auxquels on ajoute 20 millions d'euros prélevés sur une DCTP en diminution. Si quelqu'un avait l'idée d'adopter cet article en l'état, je serais très franchement étonné.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Nous resterons sur la réserve !

M. le président. L'amendement n° II-12, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

A. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales, après les mots :

départements de métropole

insérer les mots :

et des régions de métropole

B. - Pour compenser la perte de recettes éventuelle résultant, pour les communes, du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. La perte de recettes éventuelle, pour les communes, résultant du bénéfice, par les régions, du fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des catastrophes naturelles, est compensée par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement des communes.

La perte de recettes éventuelle pour l'État résultant du paragraphe précédent est compensée par la majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :

I. -

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Mon cher collègue, nous sommes tous réservés s'agissant de votre intervention.

Quoi qu'il en soit, l'amendement n° II-12 a pour objet d'inclure les régions dans la liste des collectivités bénéficiaires, même si cela reste purement théorique, puisque les régions n'ont pas de biens qui relèvent de l'éventuelle indemnisation. Cette mesure vise à faire en sorte que, dans l'avenir, aucune collectivité ne soit écartée, au cas où les choses changeraient.

M. Jean-Pierre Sueur. Il n'y a pas de sous ! On ne peut donc pas ajouter les régions !

M. le président. L'amendement n° II-120 rectifié bis, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud et Vera, Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Remplacer le deuxième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales par deux alinéas ainsi rédigés :

« Ce fonds est doté de 200 millions d'euros prélevés sur le produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance définie à l'article 991 du code général des impôts.

« Ce montant évolue chaque année, à compter de 2009, comme la dotation globale de fonctionnement. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

Les pertes de recettes résultant pour l'État de la modification du 3° de l'article L. 1613-6 du présent code sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits fixés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. L'article 48 comporte bien des défauts, même s'il partait de bonnes intentions. En effet, il crée un fonds de prise en charge permanente des dépenses liées à la réparation des conséquences des catastrophes naturelles, ce qui peut présenter un caractère légitime. Mais le dispositif souffre de deux défauts essentiels.

Le premier d'entre eux est son caractère anecdotique, puisqu'il porte sur 20 millions d'euros par an, somme pour le moins réduite au regard des besoins qui pourraient naître des catastrophes naturelles dans bien des secteurs du pays. Je rappelle que sont normalement visées les catastrophes naturelles qui ne sont pas prises en charge par les assurances. Que pèsent ces 20 millions d'euros, par exemple, dans l'hypothèse où un département d'outre-mer serait frappé par un cyclone d'importance majeure ou par un événement géologique ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ces risques sont déjà couverts !

Mme Marie-France Beaufils. Si j'ai fait une erreur d'analyse, vous me l'indiquerez tout à l'heure, madame la ministre. Pour ma part, je suis attentive à vos propos, ce qui n'est pas toujours le cas sur les travées environnantes ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Paul Girod. Ce n'est pas gentil pour vos collègues ! (Sourires.)

Mme Marie-France Beaufils. Les départements métropolitains dont une partie importante du territoire est située en zone de montagne et où existent, entre autres, des risques liés aux glissements de terrain ou aux avalanches peuvent requérir des interventions spécifiques sur leur réseau routier, dont on connaît bien le poids financier, et qui ne sont pas obligatoirement prises en charge par des assurances. Je ne pense pas me tromper !

Je ne m'attarderai pas sur d'autres exemples que l'on pourrait citer, mais on sait bien que des situations difficiles peuvent exister. Lors de la sécheresse de 2003, des dégâts importants ont été subis par un certain nombre de communes.

D'ores et déjà, la faiblesse du fonds le fragilise.

On se souviendra, par ailleurs, que le fonds de prévention des risques naturels majeurs, créé par la loi Barnier de 1995, dispose, pour l'heure, de 50 millions d'euros de ressources fiscales affectées. Mais on sait aussi qu'il peut bénéficier de recettes provenant de dotations budgétaires.

On se rappellera également que les derniers collectifs budgétaires ont été l'occasion de constituer une dotation de 218,5 millions d'euros pour indemniser les personnes victimes de la sécheresse de 2003.

Il nous semble donc pleinement justifié que le fonds de solidarité envisagé dispose de moyens suffisamment importants pour faire face aux situations ; sinon, comme le proposent nos collègues du groupe socialiste, il faudrait supprimer l'article 48.

Le second défaut de cet article consiste à prévoir une sollicitation de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, disposition qui ne peut recevoir notre agrément, car nous avons vraiment l'impression que la dotation de compensation de la taxe professionnelle sert à tout.

La DCTP est déjà si déconnectée de la réalité des bases imposables exonérées, dont elle est censée constituer la compensation, qu'aller plus loin reviendrait à la faire mourir.

L'allégement général des bases de taxe professionnelle ampute, je vous le rappelle, de plus de 20 milliards d'euros les bases fiscales des collectivités locales. Si ces bases avaient été soumises à imposition au taux moyen observé actuellement, les collectivités territoriales auraient donc perçu plus de 6 milliards d'euros de produit fiscal. Or elles doivent aujourd'hui se contenter d'une compensation transformée en variable d'ajustement de l'enveloppe normée des concours de l'État se montant, pour 2008, à 801,8 millions d'euros.

Et voici que vous nous invitez à solliciter cette malheureuse dotation de compensation, portant sur une recette de fonctionnement, pour financer des travaux d'investissement. La remise en état de biens publics endommagés procède plus, en effet, d'un budget d'investissement que de fonctionnement.

Il nous semble donc préférable de solliciter la recette fiscale constituée par la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, aujourd'hui d'ailleurs en partie partagée entre l'État et les collectivités locales, pour alimenter le fonds de solidarité, s'il est créé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos II-123 et II-120 rectifié bis ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. La commission est défavorable à l'amendement n° II-123, pour des raisons que M. Sueur a bien comprises, ainsi qu'à l'amendement n° II-120 rectifié bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Pour ce qui concerne l'amendement n° II-123, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Je tiens à faire remarquer que la création du fonds d'aide aux collectivités victimes de certaines catastrophes naturelles ne remet nullement en cause la solidarité nationale, qui continue de s'exercer normalement lorsque surviennent de telles catastrophes. Le dispositif actuel d'indemnisation des catastrophes naturelles perdure.

Toutefois, j'ai constaté que, dans le cas de catastrophes très localisées ou d'ampleur limitée, la procédure ne s'appliquait pas. Il est donc proposé d'ajouter une disposition permettant de régler des situations qui ne peuvent être prises en compte par les procédures normales. Telle est la signification du fonds que vise à instituer l'article 48.

Quant à l'amendement n° II-12, M. Mercier souhaite rendre les régions éligibles au fonds de solidarité en faveur des collectivités victimes de catastrophes naturelles. Je n'y vois aucun inconvénient. Si les régions n'ont pas été incluses dès le départ dans le dispositif, c'est parce que leur patrimoine est, en général, assez peu concerné par les catastrophes naturelles.

Par ailleurs, le gage prévu ne me paraît pas avoir de raison d'être. En effet, le fonds est une enveloppe répartie entre les collectivités qui en ont besoin. Ce n'est pas un droit automatique.

Par conséquent, le Gouvernement lève le gage et il émet un avis favorable sur l'amendement n° II-12.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-12 rectifié.

Veuillez poursuivre, madame la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. En ce qui concerne l'amendement n° II-120 rectifié bis, le système proposé, outre le fait qu'il multiplie par dix le montant du fonds de solidarité en faveur des collectivités victimes de catastrophes naturelles non couvertes par le régime normal -  je répète que ce fonds s'ajoute à ce qui existe déjà -, est disproportionnée, car les besoins pour ce type de catastrophes localisées ont été bien inférieurs au cours des années passées. Les 20 millions d'euros prévus par le Gouvernement devraient a priori être suffisants ; des ajustements seront effectués au cours des prochaines années si nécessaire.

Madame Beaufils, vous avez cité les cyclones, mais, dans ce cas d'espèce, le système d'indemnisation des catastrophes naturelles qui existe déjà, et qui perdurera, s'appliquera. La situation est la même en ce qui concerne la sécheresse.

Je vous propose simplement d'ajouter un dispositif supplémentaire pour faire face à des petites catastrophes très localisées sur une, deux ou trois communes et qui ne sont pas prises en compte par la procédure normale.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable. Mais, madame Beaufils, peut-être accepterez-vous de retirer cet amendement, ce qui me paraîtrait logique, au regard des explications que je viens de vous fournir ?

M. le président. Madame Beaufils, l'amendement n° II-120 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Marie-France Beaufils. Oui, monsieur le président.

Madame la ministre, j'ai bien compris vos explications. Lors des travaux en commission, je m'étais interrogée sur l'estimation des 20 millions d'euros. Vous nous dites que cette somme serait suffisante. Pour le moment, rien ne permet de l'affirmer.

Pour moi, il était important de déterminer le mode de financement. Or, sur ce point, vous ne m'avez pas répondu, madame la ministre. Bien évidemment, pour ce qui nous concerne, nous ne proposons pas de recourir à la DCTP pour ce financement. Les taxes prévues sur les assurances auraient pu permettre d'assurer un autre financement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° II-123.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, j'ai bien entendu vos explications, mais vous ne m'avez pas répondu à la question des crédits ouverts au titre de l'action « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales » du programme 122 « Concours spécifique et administration ». Est-ce que je me trompe lorsque j'affirme qu'ils sont passés de 127,5 millions d'euros l'année dernière à 2,9 millions d'euros cette année ? C'est une question simple ! Si je me trompe, expliquez-moi mon erreur.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je vais aller vous voir personnellement, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Mercier, je ne souhaite pas de discussion personnelle, même si j'ai grand plaisir à discuter avec vous. En l'occurrence, je voudrais que l'on dise au Sénat ce que sont devenus les 124,6 millions d'euros qui ont disparu. S'ils se trouvent dans le budget, je souhaite qu'on me le confirme. S'ils ont disparu, cela signifie que 124,6 millions d'euros ont été supprimés alors que l'on nous dit que la situation est formidable puisque l'on consacre 20 millions d'euros aux catastrophes naturelles.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Monsieur Sueur, j'ai essayé de vous répondre voilà quelques instants. Vous obtiendrez une réponse définitive lorsque le Sénat achèvera ses votes sur le budget !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-123.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-12 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-120 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 48, modifié.

(L'article 48 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mes chers collègues, il est vingt-trois heures et nous devons encore examiner quatorze amendements sur cette mission avant d'aborder la mission « Sécurité civile ».

Or la conférence des présidents a décidé que la discussion d'une mission ne pouvait commencer après minuit. Je vous appelle donc à faire preuve de la plus grande concision possible dans la présentation de vos amendements et dans vos explications de vote. Sinon, nous serons obligés de reporter la mission « Sécurité civile » à demain matin.

Article 48
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 48 ter

Article 48 bis

Dans la première phrase de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « aux communes, aux départements et aux régions » sont remplacés par les mots : « aux collectivités territoriales ou à leurs groupements ».  - (Adopté.)

Article 48 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 48 quater

Article 48 ter 

Dans les avant-dernier et dernier alinéas du III de l'article L. 2334-14-1 du code général des collectivités territoriales, le taux : « 90 % » est remplacé par le taux : « 85 % ».  - (Adopté.)

Article 48 ter
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 48 quinquies

Article 48 quater

I. - L'article L. 3334-4 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un département remplit pour la première année les conditions démographiques prévues au premier alinéa de l'article L. 3334-6-1 pour être considéré comme urbain, le montant total de la dotation de péréquation urbaine est majoré du montant qu'il a perçu l'année précédente au titre de la dotation de fonctionnement minimale, le montant total de celle-ci étant diminué à due concurrence. À l'inverse, lorsqu'un département ne remplit plus pour la première année les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 3334-6-1, le montant total de la dotation de péréquation urbaine est minoré du montant qu'il a perçu l'année précédente à ce titre, la dotation de fonctionnement minimale étant majorée à due concurrence. »

II. - Le neuvième alinéa de l'article L. 3334-6-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette disposition ne s'applique pas aux départements qui cessent de remplir les conditions démographiques prévues au premier alinéa et qui bénéficient la même année d'une attribution au titre de la dotation de fonctionnement minimale. »

III. - Le dernier alinéa de l'article L. 3334-7 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette disposition ne s'applique pas aux départements qui cessent de remplir, à compter de 2008, les conditions démographiques prévues au premier alinéa et qui bénéficient la même année d'une attribution au titre de la dotation de péréquation urbaine. »  - (Adopté.)

Article 48 quater
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 48 sexies

Article 48 quinquies

L'article L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une région cesse de remplir les conditions requises pour bénéficier de la dotation de péréquation, cette région perçoit, à titre de garantie non renouvelable, une attribution égale à la moitié de celle qu'elle a perçue l'année précédente. Les sommes nécessaires à cette garantie sont prélevées sur les crédits affectés à la dotation de péréquation. »  - (Adopté.)

Article 48 quinquies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 48 septies

Article 48 sexies

I. - Les articles L. 4414-5 et L. 4414-6 du code général des collectivités territoriales sont abrogés.

II. - L'article L. 3334-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« À compter de 2008, le montant de la dotation globale de fonctionnement est minoré de 137 149 476 €.

« À compter de 2008, le montant de la dotation forfaitaire est minoré de 59 427 797 € et le montant de la dotation de fonctionnement minimale prévue à l'article L. 3334-7 est majoré à due concurrence. »

III. - L'article L. 2334-13 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« À compter de 2008, le montant des crédits affectés à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale est majoré de 68 574 738 €.

« À compter de 2008, le montant des crédits affectés à la dotation de solidarité rurale est majoré de 68 574 738 €. »  - (Adopté.)

Article 48 sexies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Articles additionnels après l'article 48 septies

Article 48 septies

I. - La dotation globale de fonctionnement reversée à la collectivité territoriale et aux communes de Saint-Pierre-et-Miquelon prend en compte les contraintes spécifiques et les charges structurelles supportées par ces collectivités.

II. - Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport examinant la situation financière de la collectivité territoriale et des communes de Saint-Pierre-et-Miquelon et les conséquences des charges structurelles découlant de leur situation spécifique sur la détermination du montant des dotations de l'État.

M. le président. L'amendement n° II-134 rectifié, présenté par M. Detcheverry, est ainsi libellé :

Dans le II de cet article, remplacer les mots :

six mois

par les mots :

trois mois

La parole est à M. Denis Detcheverry.

M. Denis Detcheverry. Pour respecter le souhait de M. le président de la commission des finances, je serai bref.

Au vu de la gravité de la situation financière des collectivités locales de Saint-Pierre-et-Miquelon et en accord avec les élus locaux, il est souhaitable de réduire le délai de réalisation du rapport examinant la situation financière de la collectivité territoriale et des communes ainsi que les conséquences des charges structurelles découlant de leur situation spécifique sur la détermination du montant des dotations de l'État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je comprends bien le souhait de notre collègue de connaître le plus tôt possible la situation financière de Saint-Pierre et Miquelon. Il est utile qu'il puisse avoir une information la plus complète possible rapidement, mais le Gouvernement sera-t-il en mesure de fournir ce rapport dans un délai aussi court ?

S'il le peut, il n'y a aucun problème à raccourcir le délai ; s'il ne le peut pas, nous attendrons le temps qu'il faut.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il me paraît normal que le Parlement puisse recevoir les informations qu'il souhaite dans des délais très brefs. Je donnerai donc des instructions aux services du secrétariat d'État à l'outre-mer pour qu'ils respectent les délais que vous demandez, monsieur le sénateur.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est à présent l'avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-134 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 48 septies, modifié.

(L'article 48 septies est adopté.)

Article 48 septies
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Sécurité civile

Articles additionnels après l'article 48 septies

M. le président. L'amendement n° II-142, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 48 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En 2008, le montant de la dotation globale de fonctionnement des communes est augmenté de 30 millions d'euros. »

II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Nous allons commencer à parler, sans doute pour quelques minutes, de l'évolution de la dotation de solidarité urbaine.

En effet, à l'image des inégalités entre les Français, qui se creusent, de façon tout aussi certaine, des inégalités fortes subsistent entre collectivités, tout particulièrement au sein des communes urbaines, entre territoires aisés et territoires qui concentrent les difficultés : populations défavorisées, importants besoins sociaux et d'équipements publics, mais, parallèlement, peu d'activités, peu de ressources fiscales et, de façon générale, faibles capacités financières.

On observe ainsi un douloureux effet boule de neige : des habitants pauvres, des communes pauvres, les difficultés des habitants accrues et les besoins de financement des communes renforcés.

Pour en limiter la portée, le législateur a inventé - et il a bien fait - la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, qui a, jusqu'à aujourd'hui, bénéficié de l'unanimité du pacte républicain autour de sa sauvegarde et du respect des engagements pris quant à son enveloppe annuelle : une augmentation à concurrence de 120 millions d'euros ou bien à hauteur de 24 % de l'augmentation de la DGF des communes et de leurs groupements si celle-ci est inférieure à 500 millions d'euros.

Or voici que le Gouvernement s'apprête à rompre ce pacte républicain, qu'il remet en cause la solidarité nationale et s'assoit sur les règles de calcul de l'évolution de la DSU que nous avions bâties ensemble.

En effet, dans son discours devant le comité des finances locales, le 25 septembre 2007, Mme la ministre de l'intérieur a prévu, pour 2008, une augmentation de la DGF destinée aux communes et à leurs groupements de 463 millions d'euros. C'est donc la règle des 24 % qui devrait s'appliquer.

Cependant, 24 % de 463 millions d'euros, cela fait 111 millions d'euros, et non 90 millions d'euros, comme nous le propose le Gouvernement.

Pourquoi ce différentiel de 21 millions d'euros ? Sans doute, madame la ministre, nous donnerez-vous des éclaircissements.

Les engagements pris par l'État dans la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 - ce n'est pas si vieux ! - par la voix du ministre Borloo ne seront donc pas tenus, au détriment des capacités d'intervention des communes éligibles à cette dotation.

Une telle décision est loin d'être anodine. Elle atteint les communes les moins riches, habitées par des populations parmi les plus défavorisées du pays et premières concernées par les déficits de solidarité. Ainsi, en 2006, dans les communes classées en politique de la ville, le revenu fiscal des habitants est deux fois inférieur à celui des communes les plus aisées, les charges socio-urbaines sont une fois et demie plus importantes et les ressources disponibles sont un tiers plus faibles.

Je souhaite ici rappeler deux principes constitutionnels : l'autonomie des collectivités locales et la péréquation de leurs ressources. Je suis inquiet de voir le premier s'épanouir et progressivement étouffer le second.

Le premier s'est avéré facile à appliquer ; il a bénéficié de formalisations législatives et demeure une avancée formidable de la décentralisation. Mais il a quelquefois abouti à l'apparition de poches de richesse dans lesquelles les collectivités ne veulent pour rien au monde contribuer à la solidarité nationale : pas ou très peu de logements sociaux, volonté de rester hors intercommunalités, peu de contribution à la péréquation.

Le second principe, la péréquation des ressources, est, quant à lui, resté à l'état de déclaration de principe, dont on voit aujourd'hui la limite : seuls 71 % des transferts de ressources entre collectivités ont un effet péréquateur. C'est beaucoup trop peu, et cela peut avoir des conséquences dramatiques.

Je vous le dis avec regret mais avec conviction, madame la ministre : aujourd'hui, rien ne permet de dire que la situation des banlieues s'est améliorée. Rien ! Le recul du pouvoir d'achat y est plus durement senti, le nombre de RMIstes n'a pas diminué, le chômage demeure, la désespérance est plus que jamais présente.

Il ne suffit pas de multiplier les rapports sur les difficultés de la politique de la ville, comme nous l'avons fait ici, difficultés liées pour une grande part au saupoudrage des crédits ; il convient de donner aux collectivités les moyens de répondre aux besoins de leur territoire en termes d'équipements publics et d'accompagnement social.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, l'amendement que je vous propose d'adopter vise tout simplement à respecter les engagements pris en matière de DSU par un gouvernement dont plusieurs d'entre vous, dans cette assemblée, étaient alors membres, en accroissant de 30 millions d'euros la DGF, de façon à augmenter comme prévu la DSU de 120 millions d'euros au bénéfice des communes éligibles, dont certaines sont chaque jour au bord de l'explosion sociale.

Le spectre de l'embrasement des banlieues, en 2005, devrait nous conduire à ne pas laisser les maires de ces territoires seuls face aux drames quotidiens auxquels ils sont confrontés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Nous avons tous bien compris les motivations de M. Repentin, qui sont extrêmement louables et intéressantes, mais il ne lui aura pas échappé que l'adoption de son amendement aurait peut-être pour conséquence d'augmenter de 30 millions d'euros les crédits de la DSU, mais elle aboutirait aussi à diminuer de 30 millions d'euros les dotations de compensation, comme la DCTP. Or M. Sueur nous a fort bien expliqué tout à l'heure qu'il ne fallait plus diminuer la DCTP.

La commission ne peut donc pas accepter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il appartient au comité des finances locales, s'il le souhaite, d'augmenter la DSU au-delà de ce qui est prévu par la loi. Il pourra le faire à l'occasion de l'augmentation prévue l'an prochain pour la DGF.

J'ajoute que si j'ai décidé d'abonder la DGF pour 2008 de 41 millions d'euros supplémentaires, c'est bien pour faciliter ces choix.

Le Gouvernement ne voit donc pas l'intérêt de cet amendement et il émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Le Gouvernement ne voit pas l'intérêt d'augmenter la DSU de 30 millions d'euros...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je viens de dire qu'il était possible de le faire !

M. Thierry Repentin. ... mais nous, nous en voyons l'intérêt.

Je regrette, madame la ministre, que vous n'ayez pas été accompagnée ce soir par votre collègue chargée de la politique de la ville,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La politique de la ville, c'est vendredi !

M. Thierry Repentin. ... car j'aurais souhaité entendre sa propre analyse. Goûte-t-elle comme vous l'augmentation de la DSU ? Peut-être se serait-elle exprimée différemment : « kiffe-t-elle grave » ce que vous nous proposez, madame la ministre ? (Sourires.)

Je ne suis pas sûr, madame la ministre, que la décision prise ce soir, à quelques semaines de la mise en place du « plan Marshall des banlieues », fin janvier, alors que nous aurons adopté le projet de loi de finances et que les marges financières seront donc inexistantes - ce qui signifie que le plan Marshall se fera à finances publiques constantes, donc par redéploiement, ce qui laisse supposer que les crédits de la politique de la ville sont aujourd'hui mal utilisés, mal ciblés - soit appréciée positivement par les maires de banlieues. Comment aurait dit Mme Fadela Amara ? Qu'ils n'apprécieraient pas « à donf » ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Nous voterons pour cet amendement, car l'engagement qui avait été pris de porter à 120 millions d'euros la DSU doit être tenu : c'est une nécessité sur le terrain !

La plupart des difficultés auxquelles sont confrontés quartiers et communes sont liées à des situations qui commandent une intervention de la DSU. Cette dernière avait permis de traiter les problèmes en partie et son augmentation avait été anticipée, y compris dans les réflexions budgétaires qui ont eu lieu sur ce sujet.

Aujourd'hui, vous nous dites, madame la ministre, qu'il n'est pas possible de l'augmenter, au prétexte que des décisions d'encadrement du budget de l'État ont été prises et qu'elles doivent être respectées.

Les collectivités territoriales ne pèsent pas sur le budget de l'État de façon aussi négative que vous le dites, puisqu'elles contribuent à la production des richesses. Si, aujourd'hui, l'État éprouve quelques difficultés à équilibrer son budget, c'est à cause d'un certain nombre de mesures qu'il a anticipées en juillet dernier.

Par ailleurs, avant de prétendre que l'État n'a pas les moyens d'augmenter la DSU, il conviendrait de mener une réflexion sur la péréquation un peu plus approfondie que celle qui a été conduite jusqu'à maintenant.

Le groupe communiste républicain et citoyen a, pour sa part, proposé d'alimenter la péréquation par une révision des bases de la taxe professionnelle et une taxation des actifs financiers de 0,3 %, qui permettraient d'alimenter un fonds de péréquation.

Madame la ministre, vous avez une autre possibilité dans le budget de l'État d'apporter une contribution supplémentaire à la DSU : il suffit d'affecter une part de la contribution de la taxe professionnelle minimale qui figure dans le budget de l'État au budget des collectivités territoriales. Je rappelle qu'elle représente 2,5 milliards d'euros dans le budget de l'État.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Je suis un peu « gêné aux entournures ». Ces 30 millions d'euros, je voudrais que nous les trouvions, mais je ne peux pas laisser dire n'importe quoi. Il est inexact de prétendre que rien n'a été fait !

Le programme de rénovation urbaine, monsieur Repentin, vous le connaissez bien : combien de quartiers, dans des villes dirigées par des maires de toutes sensibilités politiques, ont-ils bénéficié des crédits de l'ANRU ? Je n'ai pas entendu ici un seul maire, quelle que soit sa couleur politique, dire que ce n'était rien !

J'ai tout de même été quelque peu surpris de la manière dont a réagi Claude Dilain, le maire de Clichy-sous-Bois, à cette moindre augmentation de la DSU annoncée. C'est quelqu'un que je connais bien et pour qui j'ai le plus grand respect, parce que, comme je le lui dis souvent, pour tout l'or du monde je n'échangerais pas sa place contre la mienne : gérer une telle ville, c'est vraiment très difficile !

Il affirme que rien n'a été fait depuis 2005 ! Il suffit de regarder l'évolution de la DSU de Clichy-sous-Bois pour se rendre compte du contraire : elle passera de 1,943 million d'euros en 2004 à 8 millions d'euros en 2008, soit quatre fois plus !

Pourtant, monsieur Repentin, je suis d'accord avec vous, il faudrait pouvoir trouver les moyens d'atteindre ces fameux 120 millions d'euros. Pour le moment, nous ne pouvons pas y arriver sans prendre le risque de mettre à bas le château de cartes que nous avons construit bien péniblement lors de la séance du 27 novembre dernier.

J'espère que le Gouvernement trouvera une solution. En tous les cas, je vous propose de soutenir l'amendement que je défendrai juste après, qui vise à apporter une réponse à cette moindre augmentation pour l'année 2008.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-142.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-140 est présenté par MM. P. André et Dallier

L'amendement n° II-143 est présenté par M. Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 48 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2334-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En 2010, la progression de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements est affectée en priorité, à hauteur de 24 % de l'accroissement constaté, à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue à l'article L. 2334-15. »

La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l'amendement n° II-140.

M. Philippe Dallier. J'ai cosigné cet amendement avec mon collègue Pierre André, qui en est à l'origine. Nous cherchons les moyens de faire progresser la DSU, en la faisant passer, conformément à l'engagement pris lors de l'adoption du plan de cohésion sociale, de 600 millions d'euros à 1,2 milliard d'euros. Cela supposait une augmentation de 120 millions d'euros par an. Le compte n'y est pas cette année et, nous pouvons le craindre, ce sera sans doute pareil l'année prochaine.

Par conséquent, nous vous proposons de repousser d'un an le délai prévu et de prolonger à 2010 l'application de la disposition adoptée dans le cadre du plan de cohésion sociale.

Monsieur le président, pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté, je vais d'ailleurs modifier cet amendement, car la rédaction actuelle pourrait laisser supposer que la DSU pourrait dépasser les 1,2 milliard d'euros. Mieux vaut donc en revenir à un cadre plus strict et préciser : « En 2010, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue à l'article L. 2334-15 est portée à 1,2 milliard d'euros ». Ainsi aurons-nous les moyens d'atteindre en 2010, au lieu de 2009, l'engagement de l'État pris ici même par Jean-Louis Borloo fin 2004.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-140 rectifié, présenté par MM. P. André et Dallier, et ainsi libellé :

Après l'article 48 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2334-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En 2010, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue à l'article L. 2334-15 est portée à 1,2 milliard d'euros par un prélèvement prioritaire de la dotation globale de fonctionnement. »

La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l'amendement n° II-143.

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Jean-Jacques Hyest. Il est défendu !

M. Thierry Repentin. L'amendement n° II-143 n'est pas encore défendu puisque M. Dallier vient de modifier le sien ! Nous proposons, ce qui est un peu différent, de reporter d'une année la fin de la réforme.

Puisqu'il manquera 30 millions d'euros au pacte républicain l'année prochaine, il importe d'envoyer un message aux communes ayant d'importants besoins financiers pour leur dire que tout n'est pas perdu et qu'avec un tel report elles ne seront pas totalement pénalisées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Ces deux amendements, quasi identiques, ont pour objet de repousser à 2010 l'application de la disposition suivante, qui a un caractère temporaire : lorsque le montant de l'accroissement de la DGF des communes et de certains de leurs groupements est inférieur à 500 millions d'euros, l'affectation prévue en faveur de la DSU est limitée à 24 % de l'accroissement constaté.

À première vue, cette proposition est plutôt sympathique et n'a, bien entendu, aucun effet pour 2008, puisqu'elle vise simplement à prolonger la mesure jusqu'en 2010

Toutefois, mes chers collègues, est-il bien nécessaire, ce soir, à cette heure, d'engager les relations financières entre l'État et les collectivités locales jusqu'en 2010, alors que, chacun le sait, si l'on reste dans le même cadre de discipline budgétaire, il faudra probablement revoir un certain nombre d'éléments ?

Certes, messieurs Dallier et Repentin, je comprends bien votre intention, qui est légitime : vous souhaitez tout simplement obtenir une année plus tard ce qui ne sera pas accordé l'année prochaine, afin qu'au bout du compte le total soit atteint. Nous pouvons tous « communier » dans cette idée.

Pour autant, il me semble pour le moins dangereux de légiférer deux ans à l'avance, sans connaître le système qui sera alors en vigueur.

Je vous invite donc à retirer vos amendements. Cela m'évitera de devoir émettre un avis défavorable.

M. Jean-Jacques Hyest. Ils n'ont aucun caractère normatif !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L'objectif visé dans l'un et l'autre amendement, qui sont quasi identiques, peut effectivement être considéré comme tout à fait légitime. Vous me permettrez néanmoins de penser que, avant de songer à prolonger, voire à amplifier un dispositif, il est bon, de temps en temps, d'en faire d'abord un bilan.

Par exemple, il serait souhaitable d'étudier les effets sur le terrain de l'augmentation de la DSU constatée depuis 2005, qui aboutira, en 2009, à son quasi-doublement. Le Comité des finances locales devrait être associé à une telle évaluation. Il importera notamment de prendre en compte l'impact de l'augmentation de la population.

Il me paraît donc plus pertinent d'examiner cette question lorsque le dispositif de la loi de programmation pour la cohésion sociale viendra à son terme, c'est-à-dire en 2009. D'ici là, je demande aux auteurs des deux amendements de bien vouloir les retirer.

M. le président. Monsieur Dallier, l'amendement n° II-140 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Dallier. Il ne sera pas dit que je n'aurai pas tout essayé pour convaincre ! Après tout, le rôle d'un parlementaire de la majorité, c'est aussi cela : faire preuve de solidarité à l'égard du Gouvernement et de ses collègues de la majorité, mais aussi tirer la sonnette d'alarme et mettre en garde quand cela s'avère nécessaire.

Or il se trouve que la majorité, pour une somme finalement pas très importante, prend un risque politique qui me semble disproportionné.

Alors, je l'aurai dit et répété.

M. Jean-Jacques Hyest. Votre amendement n'a aucun caractère normatif !

M. Philippe Dallier. Puisque je ne parviens pas à vous convaincre, je retire cet amendement. Mais je le fais vraiment la mort dans l'âme, car je ne comprends pas pourquoi on prend un tel risque.

Il s'agit tout de même d'une mesure à peu de frais, dans le but de rassurer nos collègues maires. Puisqu'il manquera 30 millions d'euros l'année prochaine, si cela continue l'année d'après, en 2009, 60 millions d'euros pourraient venir à manquer. Nous souhaitons simplement leur garantir qu'en 2010 la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale atteindra bien le montant annoncé, soit 1,2 milliard d'euros.

En tant que telle, cette mesure, pas très coûteuse, ne me paraît pas dangereuse. En revanche, je le répète, je crains que le rejet de mon amendement n'entraîne de graves conséquences politiques. Cela étant, monsieur le président, à l'impossible, nul n'étant tenu : je le retire !

M. le président. L'amendement n° II-140 rectifié est retiré.

Monsieur Repentin, l'amendement n° II-143 est-il maintenu ?

M. Thierry Repentin. J'approuve les propos de M. Dallier : nous courons effectivement un risque en ne nous engageant pas à trouver 30 millions d'euros d'ici à l'échéance de 2010, car c'est bien de cela qu'il s'agit.

Les maires des quelque 700 communes concernées tablaient sur une augmentation de 120 millions d'euros de la DSU en 2008. Celle-ci est ramenée à 90 millions d'euros. Nous souhaitons leur donner l'assurance qu'ils récupéreront, en 2010, les 30 millions d'euros manquants aujourd'hui.

M. Dallier a retiré cet amendement. Il en présentera un autre tout à l'heure, avec l'espoir qu'il sera adopté. À notre sens, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras : pour les maires des banlieues, nous maintenons donc notre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-143.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-125, présenté par Mme Printz, MM. Masseret, Todeschini, Massion, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 48 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 2334-16 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« 3° Les communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants, dont une partie de la population est située en zone urbaine sensible et qui font partie d'une agglomération de plus de 5 000 habitants. »

«  Les dispositions du 3° entrent en application le 1er janvier 2008. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Ma collègue Gisèle Printz propose d'étendre le bénéfice de la DSU à seize communes qui comptent moins de 5 000 habitants.

M. Jean-Jacques Hyest. Cela va aggraver la situation !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Cette proposition paraît intéressante, puisque certaines communes comptant moins de 5 000 habitants peuvent effectivement être situées en zones urbaines. Celles-ci ne sont pas éligibles à la DSU parce qu'elles le sont à la DSR, la dotation de solidarité rurale, ce qui peut poser un certain nombre de problèmes.

Un amendement d'ailleurs presque identique avait été proposé par M. Masson lors de l'examen des crédits de cette même mission l'année dernière. Il avait été à l'époque retiré. Il ne nous appartient pas aujourd'hui de revenir sur les raisons de ce retrait.

Cela étant, je tiens à rappeler les conséquences de l'adoption d'un tel amendement : puisque tout repose sur un système d'enveloppe normée, si le nombre de bénéficiaires de la DSU est élargi, soit on fait baisser la DSU de toutes les autres communes, soit on exclut certaines communes de plus de 5 000 habitants du dispositif. Tout cela n'est pas sans risque, il faut savoir ce que l'on veut !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je l'admets, la situation actuelle présente un certain nombre d'inconvénients. Il faut simplement vérifier que ceux que ne manquerait pas de créer une telle mesure ne sont pas supérieurs. En attendant de connaître l'avis du Gouvernement, je suggérais plutôt à notre collègue de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je souscris totalement aux arguments développés par M. le rapporteur spécial. Pour régler la situation des communes concernées, il est plus efficace de recourir à des instruments dédiés, dans le cadre de la politique de la ville.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Sueur, l'amendement est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Sueur. Eu égard, d'une part, au mauvais état dans lequel se trouve la DSU et qui, comme l'a fait opportunément remarquer M. Hyest, ne pourrait naturellement que s'aggraver si cet amendement était adopté,...

M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui ! Cet amendement est plein de contradictions !

M. Jean-Pierre Sueur. ...et, d'autre part, aux explications fournies par M. le rapporteur spécial et Mme la ministre, nous retirons cet amendement. (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° II-125 est retiré.

L'amendement n° II-135, présenté par MM. Dallier et P. André, est ainsi libellé :

Après l'article 48 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 2334-18-2 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour l'année 2008, ce dernier taux est égal à la prévision d'évolution des prix à la consommation (hors tabac). »

II. - Dans le dernier alinéa du même article, les mots : « 2005 à 2009 » sont remplacés par les mots : « 2005 à 2007, et pour l'année 2009 ».

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Cet amendement vise à corriger ce qu'il faut bien appeler une erreur, introduite malencontreusement dans la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

À la demande de l'Association des maires de grandes villes, si ma mémoire est bonne, il avait été demandé que la DSU puisse progresser d'au moins 5 % pour tout le monde et qu'un effet de levier très fort soit mis en place pour que ce soient les villes les plus pauvres qui bénéficient le plus de ce quasi-doublement de la DSU.

Or, à l'époque, un détail nous a semble-t-il échappé : lorsque la progression annuelle de la DSU est inférieure aux 120 millions d'euros annoncés, l'augmentation de 5 % garantie à tous bénéficie d'abord aux communes les moins en difficulté, puisque, je le rappelle, les deux tiers des villes de plus de 10 000 habitants sont éligibles à la DSU. Par conséquent, en cas d'année difficile, ce sont en fait les communes les plus en difficulté qui sont les plus pénalisées.

Nous vous proposons donc de modifier le critère retenu pour 2008 et de substituer à la garantie de 5 % le taux prévisionnel d'évolution des prix à la consommation, soit 1,6 % au minimum.

Les estimations dans ce domaine étant très difficiles à réaliser, j'ai néanmoins essayé d'apprécier « à la louche » ce que cela pouvait donner : pour les villes les moins en difficulté, qui perçoivent donc le moins d'argent au titre de la DSU, cette diminution n'est absolument pas catastrophique ; en revanche, pour les villes qui bénéficient le plus de la DSU, cela peut représenter 100 000 à 150 000 euros de plus, montant à rapporter à une perte qui pouvait se situer entre 200 000 euros et 300 000 euros.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, madame le ministre, mes chers collègues, de bien vouloir approuver cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Cet amendement a une qualité.

M. Thierry Repentin. Il gère la pénurie !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Non, c'est bien autre chose !

Il tend, au moment où les crédits de la DSU augmentent de près de 90 millions d'euros, à faire bénéficier en priorité de ces crédits les communes les plus pauvres. Il a pour objet, en effet, de prévoir que la garantie prévue de 5 % de progression minimale de la DSU ne bénéficie pas aux communes les moins démunies au détriment des communes les plus pauvres.

Cet amendement d'équité mérite d'être soutenu. L'avis de la commission est donc favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je partage le souci de M. Dallier de faire progresser davantage la péréquation en faveur des communes les plus pauvres. Les communes plus favorisées continuant à bénéficier, dans le dispositif proposé, d'une garantie sur le niveau de leur DSU, cet amendement présente un avantage global.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Cet amendement vise en fait à pallier le manque d'argent.

Monsieur Dallier, vous obligez les communes qui ont anticipé, dans leur plan pluriannuel d'investissement, une dotation d'État en progression de 5 %, à revoir leurs projections financières, puisque vous proposez que la garantie de progression minimale soit égale à 1,6 %, au lieu de 5 %.

Cela paraît facile ! Le problème est que les communes visées sont celles dont la situation financière est la plus précaire.

Dans certains départements, dont les élus siègent dans cet hémicycle, ce sera aisé.

M. Puech n'aura à expliquer qu'à deux maires, ceux de Millau et de Rodez, que l'argent qui leur avait été promis ne sera pas au rendez-vous.

M. Girod, quant à lui, ne devra prévenir que les maires de Château-Thierry, de Tergnier et de Villers-Cotterêts. Il leur expliquera qu'ils doivent revoir quelque peu les prévisions réalisées lors du débat d'orientation budgétaire de leur commune et que l'engagement pris par le précédent gouvernement ne sera pas tenu.

Il sera sans doute facile à Mme la ministre d'expliquer aux maires de Bayonne, d'Orthez et de Pau, qu'elle connaît bien - et même à un certain candidat à la mairie de cette dernière ville, qui a voté la progression à 5 % - , que la solidarité nationale, jusque-là garantie par la loi votée par plusieurs d'entre eux, n'est plus d'actualité.

M. Gérard Larcher, dans les Yvelines, devra expliquer aux maires de quelques communes, sans doute peu nombreuses - Fontenay-le-Fleury, Limay, Mantes-la-Ville, Guyancourt, Plaisir, Verneuil-sur-Seine... - que des dizaines de milliers d'euros de dotations se sont évanouies cette année.

Comment les choses se passeront-elles dans de grands départements urbains, comme celui de M. le rapporteur spécial, à Villeurbanne, Tarare, Meyzieu, Gleize, Oullins ? Les marges des communes y sont-elles si importantes que cela, monsieur le président ?

M. le président. Certes non !

M. Thierry Repentin. Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, risque d'avoir quelques difficultés pour expliquer aux maires de quelque 380 communes que les dotations prévues ne seront pas au rendez-vous et que la mesure que vous proposez, monsieur Dallier, est opportune.

Dans mon département, seules deux communes sont concernées, Albertville et Aix-les-Bains. J'aurais plaisir à voter le présent amendement, dans la mesure où ces deux maires ne m'apporteront jamais leur soutien...

Mais la République s'est engagée à l'égard de ces maires ! Lorsque la loi, s'adressant aux élus de notre République, fixe les règles du jeu, on ne peut modifier celles-ci en cours de route ! Je voterai donc contre cet amendement, (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà une explication qui fait mal !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Non, car nous serons très bien accueillis dans les communes qui bénéficieront de la solidarité !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. J'approuve, pour l'essentiel, les propos de M. Repentin.

Il convient de ne pas toujours opposer les communes les plus riches aux communes les plus pauvres. La réalité est plus complexe lorsqu'il s'agit d'appliquer la DSU.

Par ailleurs, lorsque l'on parle de la part de DSU reçue, on oublie toujours de prendre en compte l'impact du budget de l'État sur les autres dotations.

Certaines communes éligibles à la DSU connaissent une réduction importante de leur DCTP. Que se passera-t-il si vous supprimez la garantie de 5 % ?

Cet amendement pose un problème. S'il y a des aménagements à apporter, mieux vaut s'intéresser aux critères de mise en oeuvre de la DSU. Dans certains départements, en effet, on constate que des communes en bénéficient sans même avoir l'obligation de construire 20 % de logements sociaux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-135.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 48 septies.

L'amendement n° II-117 rectifié, présenté par MM. Leroy, César, Houel, Detcheverry, Fournier, Laménie, Milon, Dufaut et Cambon et Mmes Mélot et Procaccia, est ainsi libellé :

Après l'article 48 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - I. - L'augmentation de la dotation d'aménagement résultant, pour 2007, de la deuxième phrase du onzième alinéa de l'article L. 2334-7 est prélevée, pour 2008 au profit des communes répondant cumulativement aux critères suivants :

« - La dotation forfaitaire, le montant cumulé de la dotation de solidarité urbaine, de la dotation de solidarité rurale et de la dotation nationale de péréquation et le complément de garantie sont chacun inférieur par habitant à 70 % de la moyenne des communes de leur strate démographique ;

« - Le potentiel financier par habitant et le revenu par habitant sont, chacun, inférieurs à la moyenne de leur strate démographique ;

« - L'effort fiscal est supérieur à la moyenne de la strate démographique.

« II. - Le prélèvement mentionné au I est réparti proportionnellement à la population des communes concernées.

« III. - À compter de 2009, ce montant évolue comme la dotation d'aménagement. »

La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Cet amendement vise les communes pauvres en dotations. Les critères retenus permettent de cibler des communes à faible DGF, faible dotation d'aménagement - DSR, DSU ou DNP -, faible potentiel financier, faible revenu par habitant et fort effort fiscal. Le dispositif proposé permettrait, en quelque sorte, de rendre la péréquation plus significative.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de modifier les conditions de répartition de la DGF au profit de certaines communes.

Depuis dix jours, le Sénat a essayé, répondant à une demande unanime, de préserver le système actuel et de garantir la progression de la DGF. Pour y parvenir, il a fallu procéder à des ponctions diverses, dans des conditions parfois quelque peu périlleuses. La commission des finances du Sénat a effectué ce travail, sous l'autorité de son président et de son rapporteur général.

On ne peut pas modifier, une fois encore, les conditions de répartition de la DGF. Je rappelle qu'il s'agit d'une enveloppe fermée. Si l'on procédait à des aménagements, il faudrait le faire pour toutes les communes, et pas seulement pour quelques-unes, car ce que l'on donnerait à certaines communes devrait être pris à d'autres ! Il convient donc de mesurer les effets d'une telle mesure.

Je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, dont les conséquences pourraient être mal acceptées en cette année particulièrement difficile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Laménie, l'amendement n° II-117 rectifié est-il maintenu ?

M. Marc Laménie. Non, monsieur le président. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° II-117 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-76 rectifié, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :

Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

I. - Le deuxième alinéa de l'article L.2334-4 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les communes de montagne, il est minoré d'une partie de leur dotation proportionnelle à la superficie prévue au cinquième alinéa (2°) de l'article L.2334-7 du code général des collectivités territoriales, correspondant à la majoration par hectare dont elles bénéficient par rapport aux autres communes ».

II. - La perte de recettes pour l'État résultant de l'application du I est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° II-86 rectifié bis, présenté par MM. J. Blanc, Faure, Amoudry et Vial, Mme Payet et MM. Cazalet, Bailly, Alduy, J. Boyer, Carle, Bernard-Reymond, Juilhard, Fournier, Grillot et Ginésy, est ainsi libellé :

Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est complétée par les mots : « et, pour les communes de montagne, hors la majoration de la dotation proportionnelle à la superficie prévue au cinquième alinéa (2°) du même article ».

II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Il s'agit d'un amendement d'appel, que j'ai déjà défendu l'année dernière.

On a reconnu la spécificité des communes de montagne en augmentant la dotation attribuée en fonction de la superficie. Mais on les pénalise en incluant la hausse des dotations dans leur potentiel financier.

Il nous faut analyser, notamment avec l'Association nationale des élus de la montagne, l'ANEM, ce qui s'est passé ces trois dernières années. Je fais confiance à la commission des finances pour cela.

M. Thierry Repentin. Une confiance aveugle !

M. Jacques Blanc. Nous aurons ainsi, l'année prochaine, une vision objective de la situation. Mais on ne peut, en tout état de cause, donner d'un côté et reprendre de l'autre.

Cela étant, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° II-86 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-75 rectifié, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :

Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans les troisième (1°) et cinquième (3°) alinéas de l'article L. 2334-22 du code général des collectivités territoriales, le pourcentage : « 30 % » est remplacé par le pourcentage : « 25 % ».

II. - Après le sixième alinéa (4°) du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5°- Pour 10% de son montant, proportionnellement à la surface communale située dans des espaces protégés, dans des réserves naturelles, ou faisant l'objet d'un arrêté de biotope ainsi que les territoires relevant du conservatoire du littoral. En cas de chevauchement partiel des différents régimes de protection, la surface du périmètre concerné ne sera considérée qu'une seule fois. ».

III. - La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° II-87 rectifié bis, présenté par MM. J. Blanc, Faure, Amoudry et Vial, Mme Payet et MM. Cazalet, Bailly, Alduy, J. Boyer, Carle, Bernard-Reymond, Juilhard, Fournier et Grillot, est ainsi libellé :

Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 2334-22 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Dans le troisième alinéa (1°) et le cinquième alinéa (3°), le pourcentage : « 30 % » est remplacé par le pourcentage : « 25 % ».

2° Après le sixième alinéa (4°), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Pour 10 % de son montant, proportionnellement à la superficie du territoire communal protégée en application des articles L. 332-2, L. 341-2, L. 411-1 ou L. 414-1 du code de l'environnement, ou faisant partie du domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. »

II. - La perte de recette pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Il s'agit également d'un amendement d'appel.

L'expérience menée dans les communes situées au coeur du parc national des Cévennes est positive. Mais il faut aussi s'intéresser aux communes qui se trouvent dans les zones classées « sites Natura 2000 », qui ont de lourdes charges pour maintenir un environnement exceptionnel, et étudier ensemble les mesures à prendre l'année prochaine.

Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-87 rectifié bis est retiré.

M. le président. L'amendement n° II-121 rectifié, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud et Vera, Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 48 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le VI de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Afin de favoriser des projets intéressant plusieurs communes, regroupées sous forme de syndicat intercommunal à vocation unique dont le périmètre d'intervention peut concerner plusieurs communautés d'agglomération ou de communes, le dispositif de fonds de concours peut être étendu aux syndicats intercommunaux. La répartition de ces financements s'effectue au prorata du nombre d'habitants concernés par chaque structure.

« Le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part de financement assurée, hors subvention, par le bénéficiaire du fonds de concours. »

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement concerne l'intercommunalité de projet.

Nous proposons, en modifiant à la marge l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, d'introduire une relative souplesse pour les élus locaux intéressés par un projet excédant les compétences exercées par l'établissement public de coopération intercommunale dont leur commune est membre, ou débordant ses limites territoriales.

M. le président. Je vous remercie de votre concision, madame Beaufils !

Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je vais essayer d'être aussi bref.

Avec cet amendement, il s'agit de permettre aux syndicats de communes sans fiscalité propre de bénéficier de fonds de concours des communes membres.

Ces syndicats sont financés par les apports de chacune des communes membres. Rien n'empêche de prévoir, dans les statuts du syndicat, la possibilité pour ces communes d'apporter plus qu'il est nécessaire à l'équilibre du budget.

L'amendement étant inutile, je demande à Mme Beaufils de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Même avis.

M. le président. Madame Beaufils, l'amendement n° II-121 rectifié est-il maintenu ?

Mme Marie-France Beaufils. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° II-121 rectifié est retiré.

L'amendement n° II-52, présenté par MM. Pastor, Raoul, Ries, Courteau, Dussaut, Reiner, Miquel, Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. Après l'article 48 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le I de l'article L. 1618-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° De provisions pour suivi post exploitation d'une installation de stockage de déchets non dangereux. »

II. - Les pertes de recettes pour l'État résultant des dispositions du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. En conséquence, après l'article 48 septies, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

Avances aux collectivités territoriales

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Que la gestion des centres d'enfouissement et des lieux de traitement des déchets soit assurée par des opérateurs privés ou par des collectivités, des provisions doivent être constituées de manière à disposer pendant les trente ans qui suivront la fin de l'exploitation d'une masse financière suffisante pour faire face à d'éventuelles difficultés.

Si la gestion est assurée par un opérateur privé, celui-ci peut placer pendant toute la durée de l'exploitation, c'est-à-dire quinze, vingt ou trente ans, l'argent ainsi mis de côté.

En revanche, si la gestion est assurée par une collectivité, celle-ci n'a pas la possibilité de placer les fonds et, résultat des courses, au terme des quinze, vingt ou trente ans, on constate une dépréciation de leur valeur financière.

Cet amendement vise précisément à autoriser les collectivités territoriales et les établissements publics à faire des placements.

Plusieurs possibilités se présentent.

Ainsi le CEA, le Commissariat à l'énergie atomique, qui a le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC, et qui a dû créer un fonds pour le démantèlement des centrales nucléaires, a été autorisé à le placer.

Par ailleurs, les collectivités ont la possibilité de placer, dans des conditions bien précises, certaines masses financières à l'intérieur de Bercy.

Enfin, troisième solution, mes collègues siégeant sur les travées de cette assemblée qui ont rencontré hier encore les représentants de la Caisse des dépôts et consignations confirmeront que ces derniers sont tout à fait prêts à assurer sur les provisions placées par les collectivités un retour minimum pour éviter leur dépréciation financière.

J'indique que cet amendement est gagé pour la forme, car il n'aurait en aucun cas pour effet d'opérer un prélèvement financier sur le budget de l'État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. La question que soulève M. Pastor est une vraie question, qui rejoint d'ailleurs le rapport sur les relations en matière de trésorerie entre l'État et les collectivités locales.

Pour se sortir de l'affaire, Mme la ministre nous a dit que les communes étaient très satisfaites des services du Trésor. Ce n'est pas faux,...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ah !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ...mais c'est de moins en moins exact, car, de plus en plus, les contribuables règlent leurs impôts locaux mensuellement et les rentrées dans les caisses de l'État se font plus régulièrement qu'autrefois.

Il est cependant vrai qu'il est pratique pour certaines communes d'avoir un endroit où déposer l'argent et le retrouver. Le Trésor gère très bien tout cela, mais, de plus en plus, il y a des dispositions partielles, de sorte que, si vous choisissez un mode de gestion, vous serez obligé de déposer vos économies au Trésor, alors que, si vous optez pour un autre mode, vous pourrez placer vos disponibilités à un meilleur taux.

C'est donc une vraie question, et nous ne pourrons pas y répondre par un simple amendement. Je propose donc que la commission des finances, si son président le veut bien, l'inscrive à l'ordre du jour de ses travaux, de manière, par exemple, à présenter dans le prochain projet de budget une étude d'ensemble sur les rapports de trésorerie entre l'État et les collectivités locales, étude à laquelle, bien entendu, le Gouvernement serait associé. À tout le moins, il faudrait assurer la neutralité de la règle de telle façon qu'elle n'influe pas sur le choix des modes de gestion.

La question mérite donc d'être étudiée ; je propose que nous le fassions en cours d'année et j'invite en conséquence M. Pastor à retirer son amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. En l'état actuel des choses, je suis défavorable à cet amendement.

Le Gouvernement ne souhaite pas, en effet, accroître le nombre de dérogations à l'obligation de dépôt des fonds des collectivités territoriales auprès du Trésor public, puisque, en contrepartie, l'État garantit à chaque collectivité le montant du produit qu'elle vote, quel qu'en soit d'ailleurs le recouvrement. Il anticipe également, de manière significative, le versement des produits de la fiscalité locale en consentant des avances mensuelles, pour lesquelles il ne se fait pas rémunérer, à diverses communes.

J'ajoute que les fonds provisionnés dans ce cadre, et c'est un autre argument, restent disponibles. Ils peuvent d'ailleurs, le cas échéant, être utilisés pour le financement de dépenses d'investissement. Ces fonds ne sont donc pas bloqués sur un compte du Trésor.

En conséquence, j'estime que la situation actuelle est relativement satisfaisante et, même si je n'exclus pas qu'il y ait, comme le souhaite M. Mercier, une réflexion sur ce point, je ne suis pas favorable, je le répète, à l'amendement.

M. le président. Monsieur Pastor, l'amendement n °II-52 est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Pastor. Je veux d'abord préciser que ce sont environ 13 % de l'ensemble des sites qui sont concernés. Globalement, c'est donc assez peu.

Vous venez de dire, madame la ministre, que les fonds n'étaient pas bloqués et qu'ils étaient utilisables dans le cadre d'investissements. C'est vrai, mais, sur le plan de la bonne gestion des collectivités, il ne faut pas oublier que ces fonds sont destinés à être mis de côté à titre de provisions et doivent rester disponibles en cas de difficulté. S'ils sont utilisés pour d'autres investissements ou pour baisser le prix, les futurs utilisateurs seront amenés à « payer la note » à la fois pour le traitement de leurs déchets et pour le passé, ce qui serait tout de même un mauvais coup à leur encontre !

En ce qui concerne maintenant mon amendement, j'apprécie, je le dis honnêtement, la proposition de M. le rapporteur spécial, qui m'invite à le retirer en vue d'étudier la question en commission des finances, et j'aurais peut-être acceptée cette proposition si Mme la ministre s'y était associée. Mais Mme le ministre s'est déclarée défavorable sur le principe ; cette approche me gène et me conduit à opter pour le maintien de l'amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je tiens à dire à notre collègue Jean-Marc Pastor que la commission des finances est prête, en effet, à étudier la question qu'il soulève et qu'il serait dommage que ce soir le Sénat exprime par son vote un avis défavorable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je me permets donc de réitérer, monsieur Pastor; la demande formulée par Michel Mercier en vue du retrait de votre amendement, en m'engageant à ce que la commission des finances vous accueille dans les jours qui viennent afin que nous étudions ensemble cette question.

J'ajoute, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que si nous pouvions clore maintenant ce débat, j'en remercierais chacun de vous, car il nous serait alors possible de commencer avant minuit l'examen des crédits de la mission « Sécurité civile ».

M. le président. Monsieur Pastor, acceptez-vous de vous rendre à la demande de la commission des finances ?

M. Jean-Marc Pastor. Puisque M. Arthuis, que je remercie de son engagement, y insiste et que j'ai tout lieu d'avoir confiance en mes collègues de la commission des finances, je retire mon amendement, d'autant que je souhaite participer à la réflexion pour tenter de trouver une solution à un problème auquel les collectivités locales resteront confrontées dans les années à venir.

M. le président. L'amendement n° II-52 est retiré.

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Sécurité civile

Articles additionnels après l'article 48 septies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article additionnel après l'article 48 octies (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité civile ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la sécurité civile est la politique menée par l'État en vue de protéger nos concitoyens contre toutes les formes de risques, qu'ils soient naturels, tels que les feux de forêts et les inondations, ou d'origine criminelle. Le constat de l'accroissement actuel de ces risques donne à cette mission une importance primordiale.

En propos introductif, je tiens à saluer le travail des personnels, sapeurs-pompiers, militaires, secouristes, démineurs, travail qui est remarquable sur tous les types d'interventions.

Je voudrais également signaler la qualité du document de politique transversale, qui montre que la politique de sécurité civile menée par l'État recouvre un domaine bien plus large que ce budget en impliquant d'autres missions de l'État et, surtout, les collectivités territoriales. Ainsi, la question de la mise en place d'une mission interministérielle reste toujours posée, même si, pour ma part, j'estime qu'un rapprochement de la sécurité civile avec la prévention des risques serait plus adapté.

Les crédits de cette mission sont tout de même une source de préoccupations que nous allons maintenant évoquer.

Ma première remarque portera sur l'articulation entre les responsabilités de l'État et celles des collectivités territoriales dans l'organisation de cette politique.

Le budget primitif des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, dépasse en effet 5 milliards d'euros pour l'année 2007, à comparer aux 418 millions d'euros de la mission « Sécurité civile » et aux 900 millions d'euros de la politique transversale de sécurité civile.

Son augmentation est de presque 20 % par rapport au compte administratif pour 2006 et, en cumulé, de près de 40 % par rapport au même compte pour 2004. Or les départements sont les seuls en charge les dépenses nouvelles des SDIS. Cette augmentation pèse donc lourdement sur leurs budgets et doit être mise en parallèle avec la diminution des crédits de 2,2 % de cette mission.

Cela est d'autant plus préoccupant que de nombreuses décisions - décisions concernant les retraites, les régimes indemnitaires, etc. - qui pèsent sur le budget des SDIS sont prises au niveau non pas local mais national.

De plus, 64 % de l'activité des sapeurs-pompiers concerne les secours à la personne, hors les cas d'incendie. L'activité des SDIS recoupe donc fortement celle des services médicaux d'urgence, qui, en tant que service public national, sont à la charge de l'État. Ce dernier ne doit pas se désengager des services médicaux d'urgence au niveau local, comme on le constate parfois, par un transfert aux départements au travers des SDIS.

Enfin, l'État est censé participer, via le fonds d'aide à l'investissement, le FAI, aux dépenses des SDIS. Or l'avenir du FAI constitue un autre sujet de préoccupation puisque ses crédits diminuent encore de 10 millions d'euros entre 2007 et 2008. Les crédits du FAI seront ainsi descendus de 65,85 millions d'euros en 2006 à 38 millions d'euros en 2007 et à 28 millions d'euros cette année.

La réforme du FAI ne doit pas conduire au désengagement de l'État du financement des investissements des SDIS et, plus largement, de la politique de sécurité civile.

Ma seconde remarque concerne l'évolution des crédits.

Pour le programme « Intervention des services opérationnels », la hausse exceptionnelle des autorisations d'engagement résulte exclusivement du renouvellement d'un contrat de maintenance des avions de la sécurité civile. La mise en place d'un contrat de maintenance sur dix ans, au lieu de quatre ans, devrait stimuler la concurrence et permettre des économies.

Après avoir précédemment attiré l'attention de la commission sur les sur-budgétisations récurrentes des dépenses de personnel, je signale l'effort de rationalisation de ces dépenses, qui correspondent davantage cette année aux besoins réels du programme.

En revanche, s'agissant du programme « Coordination des moyens de secours », outre la baisse de crédits du FAI, je souhaiterais souligner deux sous-budgétisations patentes.

La prévision de crédits pour les colonnes de renfort est de 1,7 million d'euros, soit plus de cinq fois moins que la moyenne en exécution pour les cinq dernières années.

Plus flagrante encore est la sous-budgétisation des secours d'extrême urgence, puisque seuls 100 000 euros sont prévus alors que la moyenne des cinq dernières années s'établit à 26 millions d'euros par an. Que ces dépenses soient par nature imprévisibles ne devrait pas conduire à sous-estimer de manière excessive leur niveau.

Je terminerai mon propos en m'associant aux interrogations exprimées par la commission quant à la performance de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers d'Aix-en-Provence, qui semble bien éloignée des ambitions affichées lors de son installation.

En conclusion de ces observations, si ma position personnelle sera réservée dans l'attente des réponses de Mme la ministre à mes interrogations, je vous indique, mes chers collègues, que la commission des finances a décidé de vous proposer d'adopter les crédits de la mission « Sécurité civile ».

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord rendre hommage à tous les personnels de la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, à tous les secouristes, à tous ces acteurs incontournables qui s'engagent au quotidien, au péril de leur vie, à sauver celle des autres

Je pense tout particulièrement à ceux qui ont été blessés ou qui sont décédés, comme les deux jeunes sapeurs-pompiers qui ont trouvé la mort dans l'effondrement d'un immeuble parisien il y a quelques semaines, le week-end du 17 novembre.

Je pense également aux victimes des derniers tremblements de terre en Martinique et en Guadeloupe.

Madame le ministre, je ne reviendrai pas sur les éléments strictement budgétaires qui ont été très précisément présentés par le rapporteur spécial, notre collègue Claude Haut. Je vous ferai part d'une satisfaction, d'un souhait et de quelques réflexions plus globales sur trois sujets qui m'intéressent particulièrement, et qui pourraient appeler une réponse de votre part.

S'agissant tout d'abord du motif de satisfaction, je souhaite saluer la parution des deux décrets d'application forts attendus, complétant les articles 6 et 7 de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004.

II me reste à vous interroger sur la parution du décret qui devrait lister les projets d'intérêt commun susceptibles d'être financés par les fonds d'aide à l'investissement. Actuellement, seule une circulaire ministérielle apporte quelques éléments de réponse à cette question et la parution d'un décret permettrait de clarifier la volonté gouvernementale.

À présent, je veux exprimer le souhait de voir mise en oeuvre de façon urgente une nouvelle maquette budgétaire, qui reposerait sur une mission budgétaire interministérielle de la sécurité civile,...

M. Paul Girod. Très bien !

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis. ... dont tout le monde s'accorde à reconnaître la nécessité. Même M. Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, en 2006, en convenait.

Nous pourrions ainsi avoir une vision cohérente de l'ensemble des crédits de l'État consacrés à la sécurité civile.

Je voudrais également évoquer trois sujets qui méritent réflexion.

Nous avons tous relevé un réel problème dans l'organisation du secours à personne. Il résulte essentiellement d'une mésentente ou d'une collaboration insuffisante dans certains territoires entre le SAMU, les SDIS, et les ambulanciers. Ce problème est aggravé par la carence de la permanence des soins par les médecins de ville. En effet, nous constatons, d'une part, une croissance de la demande de soins d'une population vieillissante et, d'autre part, un effondrement de la démographie médicale dans bon nombre de territoires.

Enfin, il est constaté un empiètement des acteurs privés sur les missions d'urgence et un manque de coordination entre les ministères de la santé et de l'intérieur.

Ainsi, il serait indispensable d'élaborer selon une logique de complémentarité les schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS, et les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques, les SDACR, afin de tendre vers une optimisation des compétences et des responsabilités.

Le Gouvernement est conscient que ce sujet est considéré comme essentiel par les Français et qu'une réflexion interministérielle associant les élus devrait être menée. Pouvez-vous, madame le ministre, nous préciser sous quelle forme et à quelle échéance cette expérience sera conduite ? La question de la permanence des soins des médecins de ville sera-t-elle intégrée à cette réflexion ?

Je souhaite également aborder le thème de la culture de la sécurité civile.

La loi de modernisation de la sécurité civile s'est fixé comme objectif majeur la diffusion de la culture de la sécurité civile grâce à une meilleure sensibilisation de la population aux risques, ainsi que par un apprentissage de la conduite à tenir en cas de crise.

Si nous pouvons nous féliciter du développement des réserves communales, élaborées par le Sénat en 2004, nous nous interrogeons néanmoins sur l'obligation de formation scolaire qui devait être mise en oeuvre rapidement. En effet, trois ans après le vote de la loi, le dispositif prévu par le ministère de l'éducation nationale semble complexe.

Je suis particulièrement sensible au développement de toutes les actions qui encouragent la citoyenneté. A ce titre, je vous propose, madame le ministre, de vous approprier le concept qui a été mis en oeuvre dans le Haut-Rhin. Ce concept est basé sur un dispositif simple et efficace, applicable à tous les départements dans de brefs délais. Il s'agit de l'opération « Collégiens, citoyens de demain », qui a été mise en oeuvre en 2006 sur l'initiative des sapeurs-pompiers du Haut-Rhin ; elle est organisée sous forme d'interventions dans les collèges, d'exercices interactifs suivis d'un rendu final.

Le succès de ce dispositif est total et l'opération, initialement prévue pour deux ans, doit être pérennisée.

Enfin, il me paraît important de relever les perspectives de renforcement de la coopération européenne.

Bien entendu, la sécurité civile, ou plutôt la protection civile, n'est pas une matière communautaire. Chaque État doit pouvoir garder suffisamment de souplesse décisionnelle pour lutter contre les catastrophes.

Mais certaines expériences de mutualisation de moyens se sont révélées particulièrement efficaces face à des catastrophes de grande ampleur. En 2005, la France a proposé la création de la FIRE, la Force d'intervention rapide européenne. L'été 2006, l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la France ont décidé de travailler ensemble en cas d'inondations, de feux et de tremblements de terre. Depuis les feux de grande envergure en Grèce, ce pays envisage de rejoindre cette coopération, qui compte actuellement un détachement de soixante hommes par pays.

À l'occasion de sa prochaine présidence de l'Union européenne, la France veut développer cette force d'intervention européenne de protection civile constituée de moyens nationaux bien recensés au préalable, mais aussi de certains équipements qui feraient partie d'une réserve européenne, notamment les bombardiers d'eau, à l'exemple de FIRE 4.

Pouvez-vous nous donner, madame le ministre, plus de précisions quant aux moyens qui seront mis en oeuvre à cette fin ? La France sera-t-elle prête pour avancer des propositions concrètes en temps utiles ?

Madame le ministre, mes chers collègues, ces observations effectuées, je vous indique que la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, je me bornerai à formuler cinq observations.

Premièrement, le budget national de la sécurité civile reste bien modique. Les effectifs, en légère diminution pour 2008, passent à 2 563 équivalents temps plein travaillés, contre 2 598 en 2007, et les crédits de paiement accusent une baisse de 2,2 %.

Il convient de mettre cette diminution de la contribution de l'État en relation avec le montant très élevé des dépenses des SDIS, même si ces dernières n'entrent pas dans le champ de la présente mission.

Ainsi, le budget primitif des SDIS dépasse 5 milliards d'euros pour l'année 2007. Cela représente une hausse de 20 % par rapport au compte administratif pour 2006 et une hausse cumulée de près de 40 % par rapport au compte administratif pour 2004. Je tiens à préciser que cette hausse ne résulte pas, comme certains tentent de le faire croire, de la politique de recrutement des SDIS. Les effectifs des sapeurs-pompiers n'ont en effet augmenté que de 0,8 % en 2005 et de 2,6 % en 2006.

La présente mission occulte ainsi complètement le rôle financier joué par les collectivités territoriales en la matière, alors que celles-ci prennent en charge une part beaucoup plus importante que l'État des missions de secours, donc des dépenses qui en découlent.

Ainsi la contribution des départements au financement des SDIS augmente-t-elle chaque année : 48,7 % en 2005, 51, 1 % en 2006 et 52, 1 % en 2007. La contribution des communes et des EPCI s'élève, pour sa part, à 44, 1 % en 2007. À cet égard, il est inquiétant de constater que la suppression des contributions communales, qui devait intervenir dans un premier temps au 1er janvier 2006, puis au 1er janvier 2008, est désormais reportée au 1er janvier 2010.

La principale raison du décalage qui se creuse entre la contribution de l'État et celle des collectivités est à rechercher du côté de la logique du désengagement de l'État, qui se décharge de ses compétences sur les collectivités territoriales sans en assumer la compensation à un niveau suffisant. C'est la conséquence de la loi de 1996, que nous n'avions pas votée en son temps estimant - c'est encore le cas aujourd'hui - que l'État a le devoir d'assurer ses missions régaliennes de sécurité civile sur tout le territoire et de manière équitable.

C'est une question d'égalité des citoyens devant le service public : la population doit pouvoir bénéficier, quelle que soit la richesse du territoire sur lequel elle se trouve, d'une même qualité de secours. Pour ce faire, il revient à l'État de prendre en charge ce grand service public de la sécurité civile et de l'organiser.

Il est temps de mettre un terme à cette situation dans laquelle l'État décide et les collectivités paient.

Deuxièmement, la situation du Fonds d'aide à l'investissement, créé par la loi de finances de 2003 pour soutenir les SDIS dans leurs efforts d'investissements en équipement et en matériels, démontre une nouvelle fois le désengagement patent de l'État.

En effet, alors que l'État devait participer, au travers du FAI, aux dépenses des SDIS, les autorisations de paiement prévues pour ce fonds n'ont cessé de diminuer budget après budget : 67 millions d'euros pour 2006, 37,5 millions d'euros pour 2007 et 28 millions d'euros pour 2008 !

Troisièmement, en 2007, 64 % des SDIS concernent les secours à la personne hors cas d'incendie. L'ampleur prise par les secours à la personne est à mettre en relation avec l'insuffisance de la présence médicale dans certains secteurs de France, singulièrement en milieu rural, à laquelle il conviendrait de remédier.

Parallèlement à la présence des sapeurs-pompiers, qui doivent supporter uniquement les opérations de secours, il importe de veiller au maintien des services médicaux d'urgence, qui relèvent de la solidarité nationale, donc de la responsabilité de l'État : il ne saurait se désengager et faire supporter aux SDIS la prise en charge de missions qui relèvent de l'assurance maladie.

Cette situation pose la question plus générale de l'effondrement de la démographie médicale dans bon nombre de territoires et de la croissance de la demande de soins d'une population vieillissante à laquelle il faut répondre sans remettre en cause le principe de la gratuité des secours. Ce principe garantit l'égalité de tous devant les secours et leur efficacité au profit de l'ensemble de la collectivité.

Quatrièmement, je voudrais vous faire part de mon inquiétude quant à la teneur du rapport spécial réalisé par M. Ginesta pour l'examen de la présente mission à l'Assemblée nationale.

Ses propos, qui résonnent comme en écho au discours prononcé par Nicolas Sarkozy...

M. Éric Doligé. Le Président de la République !

Mme Éliane Assassi. ...le 29 septembre dernier au congrès national des sapeurs-pompiers, ne présagent rien de bon : maîtrise des coûts, pause dans les dépenses, d'une part, en engageant un mouvement de regroupement des casernes, à l'image du regroupement des tribunaux, alors que la proximité des secours ne peut que renforcer l'efficacité des pompiers et, d'autre part, en cessant les recrutements, alors que le présent budget prévoit déjà la diminution des effectifs. Le Gouvernement donne beaucoup de leçons en la matière, alors que la politique de sécurité civile de notre pays est maintenant largement prise en charge par les collectivités.

Enfin, je terminerai mon propos par les modifications de crédits apportées par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption en seconde délibération d'amendements émanant du Gouvernement.

Il a ainsi été décidé de minorer de 200 000 euros les crédits de la présente mission pour gager les ouvertures de crédits opérées en première délibération au profit de la dotation « Présidence de la République » de la mission « Pouvoirs publics ». Cette minoration de crédits sera imputée sur les dépenses de personnel du programme « Coordination des moyens de secours ». Rien que cela !

Il a également été décidé de minorer de 3,2 millions d'euros les crédits de la présente mission pour gager les ouvertures de crédits opérées en seconde délibération. Cette minoration sera imputée sur le programme « Intervention des services opérationnels et sur le programme « Coordination des moyens de secours ».

Nous estimions que les crédits de la présente mission étaient déjà initialement bien modiques, mais force est de constater qu'après leur examen à l'Assemblée nationale et leur amputation de 3, 4 millions d'euros il n'en reste pas grand-chose.

Dans ces conditions, les sénateurs du groupe CRC voteront contre les crédits de la mission « Sécurité civile », car ils ne permettront de répondre ni aux enjeux en matière de sécurité civile, ni aux attentes de nos concitoyens qui souhaitent avoir accès à un service public de qualité, ni aux préoccupations du personnel concerné, qui mériterait pourtant plus de reconnaissance étant donné la difficulté de ses missions.

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les phénomènes naturels, notamment du fait du réchauffement climatique, constituent des menaces qui ne cesseront de croître pour les populations civiles au cours des années à venir. Se pose alors la question essentielle des moyens pour prévenir et combattre ces risques nouveaux et nombreux.

C'est pourquoi, la baisse, même minime, des crédits de paiement de la mission « Sécurité civile » doit être rapportée à l'augmentation très largement supérieure des dépenses des services départementaux d'incendie et de secours.

Si ces dépenses n'entrent pas strictement dans le champ de la mission « Sécurité civile », je m'inquiète de leur montant très élevé, qui fait des SDIS les premiers acteurs de la lutte contre les incendies.

La part la plus importante, soit 58 %, des crédits de cette mission concerne la modernisation des matériels d'intervention sur les risques naturels, technologiques et terroristes ; je m'en réjouis vivement.

Dans ce projet de budget, l'État dégage par ailleurs des ressources pour renforcer les moyens des SDIS dans leur lutte contre les catastrophes naturelles et le secours aux personnes, tout en améliorant la sécurité des sapeurs-pompiers, grâce à l'acquisition de nouvelles tenues de protection et de robots d'intervention sur sites suspects.

Toutefois, les efforts financiers les plus importants pour la sécurité civile sont réalisés par les collectivités territoriales finançant les SDIS, qui assurent l'essentiel des missions de secours. Les comptes administratifs de ces services affichent un coût total de 4,2 milliards d'euros en 2006 et, pour 2007, les dépenses dépassent les 5 milliards d'euros dans les budgets primitifs.

La participation financière des départements représente 53 % du total de ces contributions, contre 47 % pour celle des communes et des EPCI. Ces efforts sont considérables et ils pèsent très lourdement sur les budgets de certaines collectivités territoriales.

C'est le cas, notamment, pour les communes du département de la Guyane, qui peinent à verser leur contribution au budget du SDIS. Malgré les efforts et la bonne volonté des conseils municipaux concernés, cette situation entraîne aujourd'hui d'importants problèmes de trésorerie pour le SDIS, et elle ne fera qu'empirer dans les mois et les années à venir.

En effet, la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 prévoit que, à compter du 1er janvier 2010, les contributions obligatoires des communes seront remplacées par un dégrèvement à due concurrence de la dotation forfaitaire versée par l'État à ces collectivités, ce qui entraînera un prélèvement annuel sur les ressources fiscales de plus de quatre mille d'entre elles.

Non seulement la suppression de la participation financière des communes, remplacée par un prélèvement sur leur dotation forfaitaire, fera disparaître le lien de proximité existant entre les maires et leurs sapeurs-pompiers, mais surtout elle entraînera de grandes difficultés financières pour de nombreuses communes et, par conséquent, pour les SDIS que celles-ci financent en partie.

Madame le ministre, ces communes n'entendent nullement se soustraire à leurs obligations, mais on constate déjà que la plupart d'entre elles, en Guyane, ne parviennent pas à s'y soumettre. Actuellement, la contribution à verser au SDIS ne fait malheureusement pas partie des premières dépenses engagées par les communes du département.

Dès lors, un défi fondamental attend les SDIS : la clarification de leur financement, qui permettra un assainissement, puis un meilleur équilibre de leurs budgets.

Le fonds d'aide à l'investissement spécifique constitue un autre sujet d'inquiétude pour le financement de notre sécurité civile. Créé par la loi de finances pour 2003, il était destiné à accompagner le financement d'opérations prioritaires ou d'intérêt commun des SDIS. Or, aujourd'hui, l'avenir de ce fonds constitue un sujet de préoccupation, du fait de la diminution de près de 10 millions d'euros de ses crédits entre 2007 et 2008.

Cette baisse, constante depuis plusieurs années, ne doit surtout pas conduire l'État à se désengager du financement des investissements des SDIS, car cela signifierait que celui-ci délaisse fortement la politique de sécurité au sens large du terme. N'oublions pas que le budget des SDIS, qui dépasse cette année les 5 milliards d'euros, fait de ces établissements publics autonomes les premiers acteurs de la lutte contre les incendies.

Alors que de dramatiques feux ont embrasé le Péloponnèse et le Portugal, et plus récemment l'État de Californie, provoquant l'évacuation en masse de centaines de milliers de leurs habitants, nous ne devons pas oublier l'urgente nécessité de renforcer notre sécurité civile, qui devra, sans aucun doute, affronter dans l'avenir les conséquences encore inconnues des bouleversements climatiques.

Si la protection civile relève en premier lieu de la compétence des États, conformément au principe de subsidiarité, l'Union européenne a néanmoins été conduite à prendre des initiatives en la matière.

En tout cas, c'est cette dimension européenne de la protection civile que nous voulons développer, car elle nous paraît essentielle. C'est pourquoi je me réjouis aujourd'hui que la réalisation d'un inventaire complet des ressources dont dispose chaque pays en hommes et en matériels, comprenant notamment l'identification des moyens exportables, ait été décidée pour le printemps 2008.

Madame le ministre, à l'heure où la France va prendre la présidence de l'Union européenne pour un semestre, pouvez-vous nous confirmer que notre pays a la volonté de renforcer cette indispensable dimension européenne de la sécurité civile ?

La mission « Sécurité civile » du projet de loi de finances pour 2008 constitue un enjeu essentiel, car la prévention des dangers, le secours, la protection et le sauvetage des victimes font partie des fondements de notre société.

Grâce à des efforts budgétaires importants et continus, la sécurité civile de notre pays s'est considérablement modernisée, mais la route reste longue. L'État doit devenir le meilleur garant possible de la protection de la population. C'est dans cet espoir, du moins, que la majorité du groupe du RDSE votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à l'égard des sapeurs-pompiers, comme dans d'autres domaines, il faut bien distinguer les discours et les actes.

Les discours, ce sont les bonnes paroles prononcées, par exemple, lors des congrès de sapeurs-pompiers ; ce sont les annonces de mesures visant à améliorer leur situation qui sont trop souvent financées par d'autres - je pense, notamment, aux « accords Jacob » ; ce sont les discours émouvants aux obsèques de tel ou tel d'entre eux, tombé dans l'exercice d'une mission dangereuse, et auxquels, bien sûr, nous nous associons.

La réalité, ce sont les actes, en particulier financiers, qui devraient concrétiser les propos magnifiant la mission des pompiers. Et là, les choses sont très différentes car, madame le ministre, le budget de la sécurité civile que vous nous présentez n'est pas bon. Les crédits d'État baissent de 2,5 %, passant de 429 millions d'euros à 418 millions d'euros, ce qui est considérable.

Chaque sapeur-pompier doit prendre conscience de cette distorsion entre les bonnes paroles et l'absence de réalisation concrète, ou, plutôt, il doit mesurer que les premières se traduisent surtout par une charge toujours croissante sur les collectivités : d'un côté, il y a l'État, qui distribue les bonnes paroles et impose des mesures d'amélioration de la situation des SDIS ; de l'autre, il y a les assemblées locales qui les financent, notamment les départements pour ce qui concerne les mesures nouvelles.

J'ai suffisamment dénoncé par le passé les dysfonctionnements suscités par ce pilotage bicéphale pour ne pas m'y attarder aujourd'hui. J'insisterai donc sur un aspect de cette question, qui créé actuellement des débats importants et qui suscite une forte irritation chez les pompiers et surtout au sein des collectivités locales, à savoir le secours à personnes.

Ce fut le thème central du congrès des sapeurs pompiers qui s'est tenu récemment à Clermont-Ferrand. Les dysfonctionnements opérationnels entre les SDIS, le SAMU, le SMUR et les ambulances privées ont été au coeur des discussions. Il s'agit, en effet, d'un problème fonctionnel majeur, car ce qui est en cause, c'est la sécurité sanitaire de nos concitoyens, en particulier en zone rurale - autrement dit, sur une très grande partie du territoire.

Va-t-on enfin reconnaître que les secours de sécurité civile font partie à part entière de la chaîne sanitaire ? Je n'entrerai pas dans les détails techniques de cette question opérationnelle, dont chaque président de SDIS connaît la complexité.

Toutefois, madame le ministre, il faut résoudre au plus vite ce problème, qui est technique, mais néanmoins vital, car la situation s'est dégradée et la sécurité des personnes n'est plus assurée dans les meilleures conditions sur certaines parties du territoire. Pour les SDIS, il s'agit d'un problème de reconnaissance, qui présente un aspect fonctionnel majeur, mais c'est aussi une question de dignité.

Les services d'incendie et de secours sont partie intégrante de la chaîne sanitaire. Leur défaillance serait catastrophique pour nos concitoyens sur une grande partie du territoire français. Ils sont compétents, bien équipés et harmonieusement répartis sur l'ensemble des départements, ce qui constitue un gage de l'efficacité des premiers secours. Il est grand temps de concrétiser cette reconnaissance par des conventions claires entre les SDIS et les hôpitaux.

Il ne vous aura pas échappé, madame le ministre, que parallèlement à ce problème fonctionnel se pose une question financière : les SDIS ne refusent pas d'intervenir au-delà de leur mission, pour pallier les carences d'ambulanciers privés qui ont été constatées en matière de secours aux personnes, y compris à domicile, mais ils veulent que ces actions, qui ne figurent pas parmi leurs attributions et qu'ils sont les seuls à pouvoir effectuer dans de bonnes conditions, soient rémunérées de façon raisonnable.

Actuellement, en cas de carence des ambulanciers privés, les SDIS sont rémunérés à hauteur de 105 euros l'intervention, alors que le coût réel de celle-ci avoisine les 500 euros. II faut ré