M. le président. L'amendement n° 167 a déjà été défendu.
L'amendement n° 92, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 1° de cet article, après les mots :
amende de 15 000 €
insérer les mots :
le fait de refuser de communiquer les conditions générales de vente dans les conditions mentionnées au premier alinéa,
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. L'article 4 du projet de loi prévoit la dépénalisation du non-respect des conditions générales de vente. Ses dispositions sont complétées par l'article 5, qui s'inscrit dans sa continuité.
Nous considérons que, face aux pratiques déloyales de la grande distribution, face aux pressions qu'elle exerce sur les fournisseurs, il est essentiel de maintenir la pénalisation des infractions ainsi qu'un niveau élevé de sanctions financières.
Un bilan établi par les services du ministère de l'économie et des finances montrait qu'entre 2004 et 2006 le montant total des amendes pénales dépassait 550 000 euros. Ainsi, 146 décisions de justice avaient été rendues en matière pénale, sanctionnant surtout le non-respect des règles de facturation et la revente à perte.
L'on nous présente les choses comme ne relevant pas de la dépénalisation du droit commercial. Je n'en suis pas convaincu, monsieur le secrétaire d'État, et j'espère que vous nous éclairerez à nouveau sur cette question ; car, entre les modifications apportées par cet article, puis par l'article 5, on finit par s'y perdre !
Par ailleurs, M. Raison relevait dans son rapport sur ce projet de loi que « cet article dépénalise le refus de communication des conditions générales de vente ».
Quid de l'amende financière de 15 000 euros prévue en cas de refus de communiquer les conditions générales de vente ? Car, telle qu'elle est proposée à l'article 4, la nouvelle rédaction du douzième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce soustrait cette infraction à une telle amende !
En effet, dans sa version originale, le douzième alinéa précisait : « Toute infraction aux dispositions visées ci-dessus est punie d'une amende de 15000 euros. » Dans la nouvelle rédaction est désormais exclu le premier alinéa, qui porte sur l'obligation de communiquer les conditions générales de vente.
Au fond, la volonté actuelle du Gouvernement n'est-elle pas d'aller vers une dépénalisation de la vie des affaires ? La dépénalisation d'une partie du code de commerce devrait être soumise au groupe de réflexion mis en place par Mme Rachida Dati, ministre de la justice, et présidé par M. Jean-Marie Coulon.
Je ne suis pas sûr que cela sera très positif pour l'organisation de notre économie, et j'attends du Gouvernement des explications sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je crois nécessaire de clarifier le débat. En effet, si ces six amendements sont en discussion commune, c'est parce que l'amendement n° 168 est un amendement de suppression, dont l'adoption rendrait les cinq amendements suivants sans objet. Ces derniers sont donc examinés en même temps alors qu'ils portent sur deux points différents, les délais de paiement et la primauté des CGV. Cela peut donner à ceux qui nous écoutent une impression de confusion.
L'amendement n° 168 vise donc à supprimer l'article 4. La commission y est évidemment défavorable puisqu'elle a approuvé cet article, qui vise à dépénaliser le refus de communication des conditions générales de vente.
J'insiste auprès de mes collègues : il s'agit non pas d'une position idéologique visant à protéger les fournisseurs, mais au contraire du souhait de mieux protéger les clients de ces fournisseurs. En effet, aujourd'hui, le caractère pénal de l'infraction les conduit à renoncer à poursuivre puisque, dans le meilleur des cas, leur affaire sera examinée douze à dix-huit mois plus tard ! À quoi cela pourrait-il bien leur servir quand leur problème est de pouvoir bénéficier sans délai des CGV, pour leur campagne d'achat de l'année à venir ?
Avec les articles 4 et 5, qui sont étroitement liés, le passage du pénal au civil leur ouvre donc la possibilité d'agir plus rapidement, par la procédure du référé, et donc favorise immédiatement leurs intérêts commerciaux et professionnels réels. C'est là ce que, avec le Gouvernement, recherche la commission et qu'empêcherait l'amendement n° 168.
Pour ce qui est de l'amendement n° 94, je rappelle que la loi, en affirmant que les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation commerciale, est déjà juridiquement suffisante et explicite. L'amendement est donc inutile.
On sait bien, du reste, que le problème n'est pas tant une question de droit qu'une question de fait : il réside, cela a été dit et répété, dans le déséquilibre du rapport de force entre certains partenaires. Il revient évidemment au législateur de définir le cadre permettant d'atténuer les effets négatifs de ce déséquilibre sur les relations commerciales. Cependant, je le dis en toute sincérité, mon cher collègue, votre affirmation de principe selon laquelle les CGV priment les conditions d'achat n'apporte rien de plus, sur le plan normatif, que ce qui existe déjà.
Le problème pratique que vous soulevez n'en est pas moins réel, et M. le secrétaire d'État l'a lui-même pointé du doigt en présentant le projet de loi : il provient de l'extrême concentration des centrales d'achat en France. Tout notre travail, dans les prochains mois, sera de nous pencher sur cette question afin d'y apporter des réponses législatives efficaces.
L'amendement n° 94 ne constitue pas une telle réponse ; aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable.
De la même façon, elle s'est prononcée défavorablement sur l'amendement n° 165 et sur les amendements identiques nos 93 et 167, relatifs aux délais de paiement, estimant que cette question devra être abordée au printemps, en même temps que les autres éléments constitutifs des relations commerciales, qui seront traités dans un projet de loi distinct.
Mme Odette Terrade. Tout est remis à plus tard !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Au moins, madame Terrade, pouvez-vous reconnaître que je suis aussi constant dans mes positions que vous dans les vôtres !
M. Daniel Raoul. C'est pourtant le coeur du sujet !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur Raoul, vous pouvez ne pas partager mon avis, c'est même tout à fait logique. Néanmoins, je l'ai dit et répété, nous ne réglerons pas la question des délais de paiement dans ce texte : le problème est réel et doit être posé, tout comme celui de la négociabilité des CGV et divers autres, mais il fait actuellement l'objet d'une mission, et ce n'est pas dans le cadre d'un projet de loi déclaré d'urgence que nous le traiterons.
L'amendement n° 92 tend à maintenir la pénalisation du non-respect des CGV, alors que l'article 4 prévoit de faire relever cette infraction du droit civil.
Les explications que je vous ai données sur l'amendement n° 168 justifient l'avis défavorable de la commission sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Comme l'a indiqué M. le rapporteur, ces six amendements traitent de sujets différents.
Le premier concerne la dépénalisation, qui fait l'objet de l'article 4. L'amendement n° 168 vise à supprimer cet article et l'amendement n° 92 prévoit d'annihiler la dépénalisation du refus de communication des conditions générales de vente.
Bien sûr, le Gouvernement n'est pas favorable à ces deux amendements, puisqu'il souhaite mettre en place un système de sanctions plus efficace qu'aujourd'hui. Il s'agira de sanctions civiles : par exemple, la possibilité d'obtenir en référé et sous astreinte une injonction de communiquer les conditions générales de vente, décision qui pourra intervenir dans un délai beaucoup plus court qu'aujourd'hui, car une action pénale peut prendre de nombreux mois.
S'agissant de l'amendement n° 94, qui concerne la primauté des conditions générales de vente sur les conditions d'achat, la législation en vigueur prévoit que les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation commerciale. Cette question avait fait l'objet de nombreux débats lors de l'examen de la loi de 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.
Nous considérons que ce socle constitue un vrai statut pour démarrer la négociation commerciale. Toutefois, introduire la primauté conduirait à considérer que ces conditions de vente ont une force supérieure aux conditions d'achat, ce qui reviendrait à nier toute négociation commerciale. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
Enfin, les amendements nos 165, 93 et 167 concernent les délais de paiement. C'est un sujet très important, qui est suivi de près par le Gouvernement et par le Président de la République, qui en a parlé le 7 décembre dernier, à Lyon.
Je vous indique que, le 18 décembre prochain, M. Jean-Paul Betbèze remettra le rapport annuel de l'Observatoire des délais de paiement.
Je vous rappelle également que la mission que Mme Christine Lagarde et moi-même avons confiée à Mme Marie-Dominique Hagelsteen comportera un volet sur les délais de paiement, qui fait partie du même sujet que la mise en oeuvre de la négociabilité et de la lutte contre les abus de position dominante.
La réforme des délais de paiement aura un impact très important sur la trésorerie des entreprises. Il faut donc se poser la question de savoir où fixer le curseur. Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement traitera cette question dans le projet de loi de modernisation de l'économie, qui sera présenté au Parlement au printemps.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements no 165, ainsi que sur les amendements identiques nos93 et 167.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 168.
M. Gérard Longuet. Je ne suis pas le plus compétent sur ce sujet, mais je suis favorable à la dépénalisation des sanctions dans l'économie pour la remplacer par la mise en oeuvre de la responsabilité civile.
Il faut bien reconnaître que, dans les rapports de force économiques entre la production et la distribution, si certains producteurs ont des produits prévendus et sont en position dominante vis-à-vis des grandes centrales d'achat, tel n'est pas le cas d'un certain nombre de producteurs, notamment de produits agricoles, de produits agroalimentaires ou de produits locaux, qui sont vis-à-vis des centrales d'achat - même si celles-ci ont fait des efforts d'ouverture et de compréhension -, en position de faiblesse.
Je suis tout à fait favorable à l'action civile, parce que la pénalisation des relations du commerce avait pour objet - comme d'ailleurs très souvent dans les relations sociales - de faire porter à l'État la charge de l'instruction et stigmatisait au-delà du raisonnable. Cependant, l'action civile est coûteuse.
Monsieur le secrétaire d'État, tout à l'heure, on a évoqué les actions collectives ; je souhaite y revenir. Je voudrais être certain que, dans votre esprit, on n'exclut pas définitivement l'idée de confier à des organisations professionnelles regroupant des petits producteurs la possibilité de mener une action civile, un jour, dans l'intérêt de leurs adhérents.
M. Daniel Raoul. Bienvenue au club !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 93 et 167.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Le I de l'article L. 442-6 du code de commerce est ainsi modifié :
1° La première phrase du b du 2° est complétée par les mots : «, notamment en lui imposant des pénalités disproportionnées au regard de l'inexécution d'engagements contractuels » ;
2° Il est ajouté un 9° ainsi rédigé :
« 9° De ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle. »
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec l'amendement n° 92 ; il est donc défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Défavorable par cohérence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la dernière phrase du second alinéa du III de l'article L. 442-6 du code de commerce, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« La juridiction civile et commerciale peut ordonner la publication intégrale ou par extraits de la condamnation dans le Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi que dans les journaux désignés par elle ; les frais de la publication dont il s'agit sont intégralement à la charge du condamné. »
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Il s'agit de rendre dissuasifs les comportements délictueux et les pratiques déloyales répertoriés au livre IV du code de commerce.
Une manière de les rendre plus dissuasifs consiste à publier dans le Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes les condamnations dont font l'objet ceux qui se sont rendus coupables de pratiques déloyales visées au livre IV du code de commerce.
Nous savons que les grandes surfaces commerciales soignent leur image de marque, notamment pour maintenir le cours de leurs actions et satisfaire leurs actionnaires. Elles sont aussi de plus en plus soucieuses de la perception qu'ont de leur enseigne les consommateurs et tiennent à veiller à leur réputation dans le secteur commercial.
La publication de ces condamnations et la répétition d'une publication systématique des jugements peuvent en ce sens avoir un impact réel. Il s'agit donc d'améliorer l'effet des décisions de justice, surtout en termes dissuasifs, en portant à la connaissance du public et des consommateurs les condamnations pour infraction.
Cet amendement vise ainsi à rendre obligatoire la publication des décisions à la fois pénales, civiles et commerciales.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Vous avez dit « obligatoire », monsieur Dussaut, et je crains de relever une contradiction entre cet amendement et son objet.
Alors que ce dernier annonce une obligation de publication des jugements dans la presse, le dispositif ne prévoit qu'une faculté ouverte au juge. Mais cette faculté existe déjà et elle peut être mise en oeuvre. En effet, le second alinéa de l'article 24 du nouveau code de procédure civile permet au juge « suivant la gravité des manquements, [...] d'ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements. »
Cet amendement est donc inutile. La commission en souhaite le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Les décisions qui sont rendues par les juridictions font déjà l'objet d'une publication systématique depuis la loi du 2 août 2005, puisque celle-ci missionne la Commission d'examen des pratiques commerciales, la CEPC, pour présenter chaque année un bilan des décisions rendues en matière de relations commerciales.
La CEPC a ainsi publié sur son site, l'année dernière, un premier rapport très complet de l'ensemble des décisions qui ont été rendues, tant en matière pénale qu'en matière civile.
Il convient en outre d'éviter de publier des décisions de première instance qui ne sont pas encore définitives et dont les solutions pourraient en appel être contraires.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Dussaut, l'amendement n° 96 est-il maintenu ?
M. Bernard Dussaut. Après les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.
L'amendement n° 187 rectifié, présenté par MM. Hérisson et Pointereau, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l'article L. 443-1 du code de commerce est ainsi rédigé :
« 1° À vingt jours après la fin de la décade de livraison pour les achats de produits alimentaires périssables et de viandes congelées ou surgelées, de poissons surgelés, de plats cuisinés et de conserves fabriqués à partir de produits alimentaires périssables, à l'exception des achats de produits saisonniers effectués dans le cadre de contrats dits de culture visés aux articles L. 326-1 à L. 326-3 du code rural ».
L'amendement n° 186 rectifié, présenté par MM. Hérisson et Pointereau, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 443-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° À 30 jours après la fin de la décade de livraison pour les achats de tous produits, à l'exception des achats de produits visés aux 1°, 2°, 3° et 4° et des achats de produits saisonniers effectués dans le cadre de contrats dits de culture visés aux articles L. 326-1 à L. 326-3 du code rural ».
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Ces deux amendements ayant fait l'objet d'un avis défavorable de la commission je les retire.
M. le président. Les amendements nos 187 rectifié et 186 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 97, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 443-3 du code de commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les produits acceptés par le distributeur lors de la livraison, et présentés à la vente, ne peuvent faire l'objet d'aucun retour au fournisseur. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement vise à lutter contre certaines pratiques abusives qui consistent à retourner les produits invendus au fournisseur.
En effet, - et c'est là encore une preuve du rapport de force inégal entre le distributeur et certains fournisseurs - des opérateurs de la grande distribution utilisent leur pouvoir de négociation pour retourner au fournisseur des produits sous divers prétextes fallacieux, alors qu'il ne s'agit en fait que des invendus.
Il n'est pas normal, une fois que les produits ont été livrés au distributeur, qu'ils puissent ensuite être renvoyés au fournisseur parce qu'ils n'ont pas été vendus et que la grande surface ne souhaite pas en supporter le coût. Il n'est pas normal de faire peser sur le fournisseur le risque d'invendu du distributeur.
C'est le distributeur qui doit prendre le risque commercial de la mise sur le marché des produits. Dans le cas contraire, c'est trop facile, et cela peut mener à des abus tout à fait scandaleux qui ne relèvent en aucun cas de pratiques commerciales loyales.
Ainsi, notre amendement, qui vise à interdire ce genre de pratiques déloyales, qui ont malheureusement tendance à se développer, prévoit : « Les produits acceptés par le distributeur lors de la livraison, et présentés à la vente, ne peuvent faire l'objet d'aucun retour au fournisseur ».
Cette mesure est pour le moins guidée par la nécessité de moraliser quelque peu les relations commerciales, alors que la libéralisation que vous préparez risque d'avoir de graves conséquences sur les fournisseurs. Certains, surtout les PME, ne pourront pas résister à cette vague de déréglementation qui sera à l'ordre du jour avec le projet de loi de modernisation économique en préparation.
Avec cette nouvelle vague de déréglementation dans le secteur commercial, la grande distribution aura les mains libres pour peser de tout son poids face aux petits fournisseurs. Autrement dit, c'est un amendement a minima que nous vous présentons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur Raoul, je crois me souvenir que nous avions déjà longuement débattu de cette question il y a deux ans et demi ; le problème est réel, je ne peux pas vous dire le contraire.
Les arguments à l'encontre de cet amendement n'ont pas évolué depuis : cette restriction au contenu des négociations commerciales risquerait d'avoir des effets extrêmement pervers sur les fournisseurs, puisque les conditions de la négociation seraient évidemment substantiellement modifiées pour prendre en compte ces effets. Elle pourrait d'ailleurs se retourner contre les fournisseurs.
Elle pourrait également avoir des conséquences dommageables pour les consommateurs, avec une augmentation des prix.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mais, je vous l'accorde, c'est un problème récurrent, que nous devrons certainement aborder un jour, après avoir engagé une concertation, en même temps que la question des délais de paiement et la négociabilité des CGV.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Ce qui doit être sanctionné, monsieur le sénateur, c'est non pas la pratique, mais l'abus.
M. Daniel Raoul. Mais oui !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Il existe des secteurs de vente dans lesquels les invendus font partie de la vie commerciale. C'est le cas, par exemple, des produits périssables ou des journaux, secteur dans lequel il est prévu à l'avance que les invendus soient retournés au fournisseur !
M. Gérard Longuet. Et les journaux, Dieu sait si c'est périssable ! (Sourires.)
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. En effet, monsieur le sénateur, et souvent avant même d'être imprimés ! (Nouveaux sourires.)
Si cet amendement était adopté, il aurait un effet pervers immédiat sur les consommateurs.
Au demeurant, vous le savez, les dispositions législatives prévues à l'article L. 442-6 du code de commerce sanctionnent déjà les abus de puissance d'achat. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Vos explications ne font que renforcer, monsieur le secrétaire d'État, la nécessité pour les organisations professionnelles de pouvoir se substituer aux petits fournisseurs afin qu'ils puissent faire face à ces abus, ainsi que vous les avez qualifiés. Car il s'agit bien d'abus !
Dans certains domaines commerciaux, en effet, tel que l'habillement, le retour d'un produit fait l'objet d'un accord entre les deux parties. Mais la pratique abusive du retour qui pèse sur les petits fournisseurs renforce l'argumentation qui a été développée tout à l'heure par mon collègue Gérard Longuet, à savoir que ceux-ci doivent pouvoir se défendre par le biais d'organisations professionnelles.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis
I. - L'article L. 441-5 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 441-5. - Les personnes morales déclarées pénalement responsables de l'infraction prévue à l'article L. 441-4 encourent une peine d'exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus, en application du 5° de l'article 131-39 du code pénal. »
II. - Les quatre premiers alinéas de l'article L. 442-3 du même code sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes morales déclarées pénalement responsables de l'infraction prévue à l'article L. 442-2 encourent la peine mentionnée au 9° de l'article 131-39 du code pénal. »
III. - L'article L. 443-3 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 443-3. - Les personnes morales déclarées pénalement responsables des infractions prévues aux I et II de l'article L. 443-2 encourent les peines mentionnées aux 2° à 6° et 9° de l'article 131-39 du code pénal.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du même code porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 57 rectifié bis, présenté par MM. Houel, J. Gautier et Fouché et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Ce nouvel article 5 bis, introduit par l'Assemblée nationale, va à l'encontre du processus de dépénalisation, puisqu'il ajoute des peines complémentaires très sévères, telles que l'exclusion des marchés publics, la diffusion du jugement, la fermeture de l'établissement, l'interdiction de faire appel public à l'épargne, etc.
Le présent amendement tend à supprimer cet article.
M. le président. L'amendement n° 170, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 54 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est abrogé.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. L'article 5 bis, issu d'un amendement déposé par la commission des lois de l'Assemblée nationale, ne fait que tirer les conséquences de l'article 54 de la loi du 9 mars 2004, dite loi Perben II.
L'article 54 de la loi de 2004 a supprimé le caractère spécial de la responsabilité des personnes morales, lequel prévoyait qu'une personne morale ne pouvait être condamnée que si la loi prescrivait une sanction. Depuis, il n'est plus nécessaire que la loi fixe une sanction spécifique à l'encontre d'une personne morale qui commettrait une infraction : si une sanction est prévue à l'encontre d'une personne physique, elle est de fait applicable à la personne morale.
Ce principe nous semble contestable, car il encourage la dépénalisation du droit des affaires. Par ailleurs, il me semble juridiquement problématique de pouvoir punir une personne morale sans que la loi l'ait expressément prévu.
Enfin, la disposition proposée ne peut, par définition, s'appliquer à droit constant, ce qui est tout aussi contestable. Il ne s'agit pas du tout, à nos yeux, d'une simple mesure de toilettage, comme l'indiquent trop simplement la commission et le Gouvernement.
C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer l'article 5 bis et, en conséquence, d'abroger l'article 54 de la loi du 9 mars 2004.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Mon argumentation vaudra pour les deux amendements, car, finalement, ils tendent tous deux à supprimer l'article 5 bis.
Mes chers collègues, je crois que vous vous méprenez sur le sens et le contenu de cet article.
Celui-ci ne fait que modifier la rédaction du titre IV du livre IV du code de commerce à droit strictement constant. Il ne crée aucune peine pénale nouvelle, pas plus qu'il n'en supprime. Il procède simplement au toilettage dudit code pour le mettre en conformité avec une loi de 2004, qui prévoit la suppression de ce que l'on appelle la « spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales ».
Ainsi, lorsque des personnes physiques sont passibles de certaines peines, les personnes morales pour lesquelles elles travaillent sont ipso facto justiciables des mêmes peines sans qu'il soit nécessaire que ce soit inscrit dans la loi. La loi ne doit donc prévoir explicitement pour les personnes morales que les seules peines dont elles sont passibles en tant que telles.
C'est très exactement ce que prévoit cet article : les incriminations qu'il comporte existent déjà ; simplement, la nouvelle rédaction des articles du code concerné ne contient plus les peines qui sont, par ailleurs, applicables aux personnes physiques.
J'espère que ces explications auront levé toute méprise, mes chers collègues, et je souhaite que vous retiriez vos amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Je confirme tout d'abord à M. Houel les propos de M. le rapporteur : l'article 5 bis ne fait qu'harmoniser à droit constant les peines prévues pour les personnes morales.
Concernant l'amendement n° 170, il porte davantage sur le fond, puisqu'il vise à abroger l'article 54 de la loi du 9 mars 2004.
Je rappelle à la représentation nationale que la loi Perben II a introduit une plus grande cohérence et une plus grande simplicité dans le régime de responsabilité pénale des personnes morales.
Avant cette loi, l'article 121-2 du code pénal exigeait que, pour chaque infraction, il soit prévu que la personne morale puisse être poursuivie et fixait la peine qui pouvait lui être infligée.
Désormais, avec cette loi, les choses sont plus claires : la personne morale est responsable en principe de toutes les infractions pénales commises en son nom et pour son compte et encourt le quintuple de l'amende prévue pour les personnes physiques. Le principe qui existe depuis 1994, selon lequel la responsabilité pénale de la personne morale s'ajoute à celle de la personne physique à l'origine de l'infraction, n'a pas, quant à lui, été modifié.
Abroger cette disposition de la loi Perben II au motif qu'elle participerait à la dépénalisation n'a donc pas de sens. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'y est pas favorable.
M. le président. Monsieur Houel, l'amendement n° 57 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Houel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 57 rectifié bis est retiré.
Monsieur Danglot, l'amendement n° 170 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Danglot. Oui, monsieur le président.