M. Dominique Braye. Cela n'a rien à voir !
Mme Évelyne Didier. Mais si, mon cher collègue. À un moment donné, on doit faire de la recherche fondamentale. Les recherches appliquées ne se font qu'avant.
Le transfert de gènes à partir d'une plante génétiquement modifiée vers une autre plante de la même espèce ou même d'une espèce différente est possible. Ce phénomène peut intervenir à la source par le mélange accidentel des semences, et ce n'est pas une hypothèse d'école ! Il a été également démontré que les pollens peuvent être portés très loin par le vent ou par les insectes, mais également lors des transports.
L'incompatibilité entre les plantes génétiquement modifiées et les plantes issues de l'agriculture traditionnelle ainsi que les problèmes de dissémination sont très clairement reconnus par le Gouvernement et par le Président de la République.
Ainsi, monsieur le ministre d'État, vous déclariez vous-même, dans Le Monde du 21 septembre 2007: « Sur les OGM, tout le monde est d'accord : on ne peut pas contrôler la dissémination, donc on ne va pas prendre le risque. »
Le Président de la République, dans un discours faisant suite au Grenelle de l'environnement, affirmait : « La vérité est que nous avons des doutes sur l'intérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM. » C'est le Président de la République qui l'a dit !
Il existe aujourd'hui malheureusement seulement deux catégories d'OGM à pesticides. D'une part, les « Bt » qui fabriquent des insecticides et, d'autre part, des plantes tolérantes aux herbicides. On se trouve en présence de végétaux imprégnés, il serait donc logique de leur appliquer les protocoles sur les pesticides pour déterminer avec sérieux les risques toxicologiques encourus.
Or ce n'est pas le cas aujourd'hui ! Il faudrait, en effet, réaliser des tests sur une plus grande variété d'animaux, en plus grand nombre, et sur une durée supérieure à quelques semaines !
En outre, l'utilisation répétée d'herbicides risque d'entraîner le besoin de quantités toujours plus importantes face à l'apparition de mauvaises herbes plus résistantes, à l'instar des antibiotiques. Cela existe déjà, on sait qu'il y a des risques.
À ce sujet, il aurait été raisonnable de tirer les leçons des problèmes engendrés par les OGM contenant des gènes codant des facteurs de résistance aux antibiotiques. Il a été nécessaire de prendre des mesures d'interdiction pour éviter de voir des bactéries devenir résistantes aux antibiotiques et faire échec aux antibiothérapies.
Des atteintes sur la faune ont également été constatées, que ce soit par les insectes ou par les vers de terre. Les apiculteurs ont ainsi rapporté, dans le Lot-et-Garonne notamment, la contamination du pollen de leurs abeilles. Nous n'avons pas inventé ces faits !
Ensuite, les protéines produites par les gènes peuvent présenter des risques de toxicité et d'allergénicité.
Enfin, les organismes génétiquement modifiés peuvent contribuer à la standardisation et à la diminution du nombre de variétés.
Pensez-vous sérieusement, mes chers collègues, pouvoir concurrencer dans leurs domaines, notamment sur le terrain de la productivité, des pays aussi grands et aussi importants que les États-Unis, le Canada ou les pays d'Amérique latine ? Le savoir-faire européen, la qualité des produits ne peuvent-ils pas nous rendre compétitifs sur d'autres créneaux, générant une plus grande valeur ajoutée ? Je crois que nous nous trompons véritablement de combat.
Malheureusement, la réforme de l'OCM vitivinicole que nous avions dénoncée ensemble, dans cette assemblée, montre que le choix des instances européennes est tout autre !
Par ailleurs, comme l'a très bien résumé le député Marc Laffineur, il existe le risque « d'une soumission croissante des agriculteurs aux quelques entreprises agro-industrielles créatrices de plantes génétiquement modifiées qui sont protégées par des brevets ». Sans compter que les agriculteurs sont obligés d'acheter chaque année de nouvelles semences et les produits dérivés correspondants pour traiter les plantes !
On le voit, la liste est longue des inconvénients liés à ces cultures, pour des avantages finalement peu évidents, sauf pour quelques multinationales.
Nous avons vu les inconvénients des plantes génétiquement modifiées pour résister à certains prédateurs. Pour les autres, résistantes à certaines conditions climatiques, en particulier celles qui nécessiteraient peu d'eau : elles n'existent tout simplement pas encore !
Par ailleurs, dans bon nombre de cas, il suffirait de revenir à des espèces que nous avons abandonnées pour retrouver des résistances à certains prédateurs, ou à des techniques agricoles qui ont fait leur preuve. Je pense ici au mulchage en matière de lutte contre la sécheresse.
Quant au bénéfice nutritionnel, il n'en existe aujourd'hui qu'un seul exemple, celui du riz doré enrichi en vitamine - et encore, pour que les apports en vitamine soient suffisants pour une personne, il faut en consommer plusieurs kilos ! (M. Dominique Braye rit.)
M. Gérard Le Cam. Par jour !
Mme Évelyne Didier. Aujourd'hui, la communauté scientifique n'a pas tranché la question de l'innocuité ou de la nocivité des OGM.
Nous devons continuer les recherches - sur ce point, nous sommes tous entièrement d'accord - sans nous livrer pieds et poings liés à deux ou trois groupes multinationaux.
Le groupe communiste républicain et citoyen a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés pour des raisons d'impératifs de santé publique, de préservation de l'environnement et de biodiversité. Nous espérons que d'autres de nos collègues nous suivront dans cette voie afin que cette question, qui dépasse largement les clivages politiques, soit abordée avec la plus grande prudence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. À ce stade de l'examen du projet de loi, je ne vais pas entrer dans un débat scientifique approfondi ou évoquer longuement le problème de la brevetabilité ; je pense notamment aux semences de ferme, sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire. Mais, rassurez-vous, ma chère collègue, je ne me soustrairai pas à ces questions au cours du débat.
Vous nous expliquez que les connaissances scientifiques identifient une présence de risques et une absence de bénéfices des OGM. Je ne souscris pas à cette analyse.
D'une part, les bénéfices des OGM pour la santé en matière de vaccins ou d'utilisation de micro-organismes génétiquement modifiés ne sont pas contestés.
D'autre part, les bénéfices des plantes génétiquement modifiées apparaissent de façon croissante. Vous avez parlé de la réforme de l'OCM vitivinicole, mais il y a également le prototype de porte-greffes résistant au court-noué, le peuplier à basse teneur en lignine pour produire du papier avec moins d'énergie et moins de chlore ou encore les plantes de grande culture, qui permettent des économies de produits phytosanitaires, d'engrais ou d'eau.
Après deux années de tergiversation, il est plus que temps de nous projeter dans l'avenir. Rappelons-le, notre pays atteint le deuxième rang mondial pour son agriculture. C'est à nous qu'il appartient aujourd'hui de faire un nouveau saut technologique, comme le firent nos prédécesseurs il y a un demi-siècle avec les hybrides !
Vous nous dites qu'il ne faut pas acheter des semences chaque année. Il y a bien longtemps que les semences de ferme, auxquelles vous avez certainement fait allusion, sont circonscrites à un très petit nombre de céréales. Désormais, les agriculteurs sont obligés, tous les ans, d'acheter des semences hybrides !
Je n'irai pas plus loin sur ce sujet, car, je vous l'ai dit, il faut nous projeter dans l'avenir. Mais gardons présent à l'esprit le principe de précaution et la volonté d'assurer la possibilité de produire avec ou sans OGM. C'est tout l'enjeu de notre débat !
Dans ces conditions, madame la sénatrice, vous ne serez pas surprise que la commission ait émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Quelle que soit l'opinion des uns et des autres, je les entends. Mais l'absence de règles, d'une haute autorité plurielle, de responsabilité affichée, de transparence me paraisse préjudiciable à la démocratie.
Je suis très sensible aux inquiétudes liées à la dissémination et aux possibilités de produire et de consommer sans OGM. Ces aspects font partie de la liberté. Or, de ce point de vue, je crois que ce texte, en apportant un cadre législatif, représente une avancée. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à la motion tendant à lui opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous nous félicitons de la décision du Gouvernement d'avoir reporté l'examen de ce texte, dont l'arrivée inopinée n'aurait pas permis les auditions de la commission. Ces quelques semaines étaient indispensables. Nous nous félicitons également de la levée de la déclaration d'urgence. Ces brutalités sont, hélas ! devenues coutumières contre le Parlement.
Nous mesurons l'atout politique que représente une première lecture avant les municipales : les citoyens sauront ce que défendent leurs élus, candidats d'hier ou de demain. (Marques d'agacement sur les travées de l'UMP.) Eh oui, mes chers collègues !
Nous pensons néanmoins que la motion du groupe CRC est argumentée : le texte comporte encore trop d'incohérences et ne permet pas les arbitrages nécessaires entre cultures commerciales et prétendus « essais », mise au point en plein champ et véritable recherche fondamentale, aides thérapeutiques élaborées sous abri et alibis de façade. De plus, il ne dit rien de « la non-brevetabilité du vivant » et reste dans un environnement conventionnel, c'est-à-dire une agriculture de quantité et de bas prix des produits ainsi qu'une recherche pauvre, oubliant d'évaluer la richesse de la diversité biologique et de ses services rendus.
Ce projet de loi est d'ailleurs un premier coup porté au Grenelle de l'environnement, car il n'y a pas eu de travail collectif en amont.
Nous savons l'impérieuse nécessité de transposer la directive. Malheureusement, le texte ne répond pas à ce qu'elle demande.
Enfin, l'humeur de la majorité vis-à-vis du Grenelle de l'environnement, du principe de précaution, voire des courageuses prises de position de M. Jean-François Le Grand montre que tout le monde n'est pas vraiment prêt.
Le groupe socialiste et les Verts voteront donc la motion.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 49, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 208 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous allons passer à la discussion des articles.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, je voudrais appeler l'attention du Sénat sur les conditions d'organisation de nos travaux. Nous assistons à un véritable saucissonnage du projet de loi !
Nous allons débattre ce soir jusqu'à deux ou trois heures du matin, ...
M. le président. Nous verrons !
M. Daniel Raoul. ... mais pas demain, qui sera une journée blanche.
Ensuite, nous reprendrons jeudi à je ne sais quelle heure, puis peut-être vendredi ...
Entre-temps, on aura débattu d'un texte de nature réglementaire sur les manèges... Compte tenu de l'enjeu du présent projet de loi, tout cela n'est pas sérieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC - applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Raoul.
Nous passons maintenant à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les importations de denrées agricoles, végétales ou animales, génétiquement modifiées sont interdites.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. La FNSEA a déclaré que, pour être en cohérence avec l'interdiction de culture du maïs OGM, il serait également nécessaire d'interdire les importations de maïs transgénique. Nous partageons cette analyse, mais pas pour les mêmes raisons.
Les incertitudes sur les conséquences de l'ingérence de produits agricoles par les hommes ou les animaux, que ces denrées soient végétales ou animales, doivent conduire les autorités publiques à la plus grande prudence. La crise sanitaire de la vache folle n'est pas si lointaine ! Par notre amendement, nous demandons donc l'interdiction des denrées agricoles qui contiennent des OGM. En interdisant ces importations, la France pourrait encourager la constitution de filières agricoles émancipées de la tutelle des grands semenciers.
Bien sûr, deux arguments vont nous être opposés : la violation de nos obligations internationales et communautaires en matière de libre circulation des marchandises et la question de notre dépendance des importations pour l'alimentation des animaux d'élevage.
Sur le premier point, M. le rapporteur nous explique tout naturellement que les décisions prises par l'Union européenne en application du principe de précaution entrent en contradiction avec les règles de l'OMC. Il faudrait donc se soumettre au diktat américain ! À quoi sert l'Europe, à quoi servons-nous si nous devons faire prévaloir les impératifs commerciaux au détriment de la santé de nos concitoyens ?
Sur le second point, je reste persuadé, si la volonté y était, que nous pouvons régler au moins en partie le déficit en protéines végétales français et européen, et ce notamment par un rééquilibrage de nos productions végétales. À cet égard, peut-être devrions-nous réfléchir au problème des surfaces mobilisées par les biocarburants au détriment de l'agriculture alimentaire.
Dans le contexte de baisse de la disponibilité des énergies fossiles, et donc d'une forte augmentation des coûts de transports qui seront nécessairement répercutés sur les prix de vente, les importations de céréales, même génétiquement modifiées, risquent de ne pas être longtemps rentables.
Cet amendement vise à ouvrir un véritable débat sur le modèle agricole que nous voulons et sur les modes alimentaires que nous devrions privilégier. Il rejoint la préoccupation qui est la nôtre de préserver au maximum une agriculture de qualité liée à ses terroirs et bénéficiant d'une reconnaissance internationale.
Il y a seulement quelques années, même la Bretagne pouvait se passer des OGM. Pourtant, son cheptel porcin était équivalent à celui d'aujourd'hui et son cheptel avicole était nettement supérieur. Loin de moi donc l'idée d'évoquer une récession à l'ouest de la France ! Nous voulons conduire progressivement notre production et nos importations à être en adéquation avec notre avenir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement pourrait paraître sympathique à première vue.
M. Daniel Raoul. Il l'est !
M. Jean Bizet, rapporteur. En fait, il est particulièrement irréaliste.
M. Jean-Pierre Raffarin. Eh oui !
M. Jean Bizet, rapporteur. La commission a bien évidemment émis un avis défavorable.
En effet, cet amendement, s'il était adopté, rendrait totalement impossible l'alimentation du cheptel français de viande blanche. Elle ne toucherait d'ailleurs pas uniquement les animaux de la filière porcine et avicole bretonne, même si l'incidence de cette mesure sur votre territoire serait particulièrement dramatique, monsieur Le Cam.
En outre, la disposition proposée irait bien entendu à l'encontre de nos engagements envers l'Organisation mondiale du commerce. Je rappelle à ce titre que les États-Unis, le Canada et l'Argentine se préparent à demander des pénalités de l'ordre de 800 millions d'euros à 1 milliard d'euros contre l'Europe en raison des restrictions apportées aux échanges de semences et de plantes génétiquement modifiées.
Pour rebondir sur les propositions que vous faites, monsieur le sénateur, à savoir le développement des cultures à vocation protéinique, interrogez l'Institut national de la recherche agronomique : vous connaissez très bien les résultats et les rendements qui sont à la clef compte tenu de l'environnement européen.
En ce qui concerne les biocarburants, ils représentent aujourd'hui seulement 2 % de la surface agricole utile nationale. Il n'y a donc pas de perturbation de l'ensemble des productions alimentaires.
Quant au développement des agricultures sous signe de qualité, nous sommes tous d'accord sur ce sujet. Cependant, si l'on globalise l'ensemble des produits sous signe de qualité, en intégrant au premier chef toute la filière vitivinicole, on arrive à un maximum de 20 %. Monsieur Le Cam, n'oubliez pas les 80 % restants !
En tout état de cause, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Cela dit, nous n'échapperons pas - je le dis tout à fait clairement - au problème de la confrontation entre la liberté du commerce et un certain nombre d'autres sujets.
J'observe d'ailleurs, à ce titre, que la plainte déposée devant l'OMC par les États-Unis sur les problèmes liés à la clause de sauvegarde a été suspendue : les rapports de force peuvent donc évoluer !
Je suis convaincu qu'il faut renforcer l'expertise européenne, de même que je suis persuadé que la répartition des forces entre la direction dite « de la concurrence et du commerce » et la direction de l'environnement ne sont pas équilibrées sur le plan européen.
Pour autant, l'adoption d'un tel amendement fragiliserait à mon avis notre propre position sur ce dossier. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement s'engage à organiser dans les six mois un débat public national sur les organismes génétiquement modifiés.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Je vous ai vu applaudir à tout rompre M. le ministre de l'agriculture voilà seulement quelques heures, quand il semblait jouer les fiers-à-bras face aux États-Unis. Or, deux ou trois heures plus tard, je constate que vous vous couchez lamentablement devant eux ! (Oh ! sur les travées de l'UMP.)
D'après un sondage réalisé à la fin du mois de janvier 2004 par l'institut Louis Harris auprès d'un échantillon de 1002 personnes représentatif de la population française pour 60 millions de consommateurs, 80 % des Français pensaient que les agriculteurs ne devaient pas cultiver d'OGM et 76 % se déclaraient opposés aux OGM.
En 2001, ils étaient 60 % à rejeter la présence d'OGM dans l'alimentation, selon le baromètre annuel « Les Français et l'agriculture » réalisé par la SOFRES du 27 décembre 2000 au 3 janvier 2001 pour SIGMA.
En 2000, 30 % des Français se disaient anti-OGM et globalement très méfiants à l'égard des informations fournies sur les emballages alimentaires, 30 % se déclaraient réticents et assez méfiants à l'égard des informations fournies sur les emballages alimentaires, 84 % jugeaient qu'il n'y avait pas assez d'informations sur les OGM, 83 % pensaient que l'on devait attendre d'en savoir davantage sur les effets des OGM avant d'utiliser ces derniers.
Ces enquêtes montrent à quel point il serait injuste de dire que les Français sont favorables à la culture et à la présence dans leur assiette d'organismes génétiquement modifiés.
Manger des OGM parce que l'on n'est pas informé de ce que contiennent nos aliments n'équivaut en aucun cas à en accepter le principe, comme on voudrait nous le faire « avaler », ici, au Sénat !
Comme la majorité parlementaire en ce moment, nous n'aimons pas beaucoup les sondages. Il nous semble préférable d'interroger nos concitoyens dans leur ensemble afin de connaître leur position sur ce dossier aux enjeux cruciaux au regard, notamment, de la santé publique et de la préservation de la biodiversité.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Malheureusement, la commission émettra une nouvelle fois un avis défavorable.
Depuis quelque dix ans, nous avons organisé de très nombreux débats sur les OGM - je pense notamment au débat des quatre sages -, et des dizaines de rapports ont été rédigés sur la question, comme notre collègue Jean-Marc Pastor l'a rappelé dans son rapport de 2003.
Je n'en citerai que quelques-uns : en 1998, mon rapport pour le Sénat et le rapport de Jean-Yves Le Déaut pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ; en 1999, le rapport de Guy Le Fur pour le Conseil économique et social et le rapport au Premier ministre de Philippe Kourilsky et Geneviève Viney sur le principe de précaution ; en 2000, le rapport de l'Assemblée nationale de Marie-Hélène Aubert ; en 2001, le rapport du Commissariat général du Plan ; en 2002, le rapport des quatre sages à la suite du débat sur les essais au champ des 4 et 5 février 2002, le rapport au ministre de l'économie et des finances de Noëlle Lenoir, et le rapport de l'Académie des sciences ; en 2003, le rapport d'information de la commission des affaires économiques adopté à l'unanimité, qui estimait que le temps de la réflexion était passé et que celui de la décision était venu.
À ces rapports, s'ajoutent les avis de la Commission française du développement durable, la CFDD, du Conseil national de l'alimentation, le CNA, et de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA.
En outre, il faut rappeler que le vote d'un tel article n'aurait pas de portée juridique concrète dans la mesure où il s'agirait simplement d'un engagement purement politique.
Quant à moi, je crois au rôle du Parlement : il est un moment où les représentants de la nation doivent prendre leurs responsabilités. Je suis prêt à assumer ces dernières dans ce débat, dans un esprit toujours constructif et ouvert, mais avec la forte conviction que notre pays doit, entre autres choses, cesser de sacrifier sa recherche. Cela a été dit en préambule à nos débats par l'ensemble des ministres.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Très sincèrement, il me semble que le grand débat national a vraiment eu lieu.
Disant cela, je pense non pas seulement aux rapports qui ont été évoqués, mais également, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, aux groupes de travail approfondi et à l'intergroupe qui a été animé par une sénatrice et un sénateur.
Je pense également aux débats territoriaux et régionaux.
Ces débats ont abouti à des demandes de clarification, de transparence, de responsabilité, de création d'une haute autorité. Certes, on peut toujours penser que cela n'est pas assez. Quoi qu'il en soit, le grand débat national a eu lieu !
La mise en place de tous ces éléments de réflexion, notamment de la Haute autorité, n'interdit pas, bien entendu, que le débat continue.
En tout état de cause, le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous prenons acte de tous les débats et rapports sur ce sujet.
La société française rapporte les mots qu'elle entend en « pour » ou en « contre ».
Mais, sur le plan de la culture scientifique, les notions de base ne sont même pas connues de tous les gens qui évoquent les OGM. Or, ce débat aurait pu jouer le rôle de pédagogie de base.
M. le président. L'amendement n° 85, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France propose aux États membres d'organiser un grand débat public qui associe les populations sur les organismes génétiquement modifiés et de rediscuter en conséquence les directives sur les sujets.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Nous ne laisserons pas affirmer plus longtemps que la position que nous défendons contre la culture en plein champ d'organismes génétiquement modifiés serait un combat isolé et déconnecté tant de l'opinion de nos concitoyens français et européens que des autres pays européens.
Je vous renverrai encore une fois au rapport du député Marc Laffineur, qui précise que la grande majorité des pays appartenant à l'Union européenne ne possèdent pas de cultures commerciales d'OGM.
De plus, je vous livrerai quelques sondages. En 2002, plus de 65 % des Européens déclaraient qu'ils n'achèteraient pas de nourriture génétiquement modifiée, même si elle était moins chère ; plus de 70 % d'entre eux ne voulaient pas d'aliments OGM et 94 % souhaitaient pouvoir choisir d'en manger ou pas ; par ailleurs, 83 % d'entre eux considèrent manquer d'informations sur les effets à long terme des aliments OGM sur la santé, 78 % craignent que cette nouvelle technologie ne privilégie plus la recherche de profit que l'intérêt du public, 75 % sont préoccupés par la contamination des semences conventionnelles par les semences OGM et 71 % se sentent concernés par les effets négatifs des OGM sur l'environnement.
M. Dominique Braye. Il n'y a pas que les sondages !
M. Gérard Le Cam. En 2003, 81 % des Allemands étaient contre les OGM dans l'alimentation.
C'est donc l'occasion de dire et de redire qu'un vrai débat national s'impose. Un débat rassemblant seulement des élus régionaux et des parlementaires ne suffit pas. Il faut aller jusqu'en bas, faire des émissions, consacrer du temps à la pédagogie, y compris à la télévision, dans les journaux, pour expliquer de A à Z ce que sont les OGM et quels sont les risques. Il faut des avis contradictoires. C'est cela, un débat national !
Or nous en sommes loin, très loin ! Le seul débat national - et encore ! - a été celui sur le traité établissant une constitution pour l'Europe, le TCE, que nous avions lancé dans l'Humanité en le publiant la première fois. (M. le président de la commission et M. le rapporteur rient.) Mais aujourd'hui, nous en sommes très loin !
Face à cette réalité, tout se passe comme si nous devions subir la volonté des quelques grands groupes américains. Nous voulons construire une Europe forte, en accord avec ses peuples.
Nous espérons que le Président de la République, dépassant les simples déclarations de principe, profitera de l'occasion que nous offre la future présidence de l'Union européenne pour proposer aux États membres d'organiser un grand débat public associant les populations sur les organismes génétiquement modifiés et de rediscuter en conséquence les directives sur les sujets.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Monsieur Le Cam, l'adoption de cet amendement n'aurait aucune portée juridique concrète.
Sans me répéter par rapport à l'amendement précédent, je crois très sincèrement que le temps de la décision est venu.
La commission émet un avis défavorable.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Ce débat européen que vous évoquez, monsieur le sénateur, est en cours. J'en veux pour preuve la déclaration commune franco-allemande d'hier, qui rappelle que l'Allemagne et la France souhaitent une évolution du mode d'expertise européen sur les autorisations de mise sur le marché, sur les risques de dissémination et sur le contrôle de celle-ci.
Il y a donc une avancée. Il est clair que les règles d'il y a dix ans ne sont pas forcément toujours adaptées aujourd'hui. La France pèsera en faveur de cette évolution.
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 85 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 85 est retiré.
L'amendement n° 77, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement s'engage à promouvoir au niveau international le principe de licences gratuites ou à des prix très avantageux pour les petits agriculteurs des pays en voie de développement, ainsi que l'introduction de clause de sauvegarde en leur faveur.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Le rapport de la mission d'information conduite en 2005 à l'Assemblée nationale était intitulé Les OGM : une technologie à maîtriser. 60 propositions pour approche progressive au cas par cas.
Parmi ces propositions, figurait la disposition reprise par notre amendement : le principe de licences gratuites ou bon marché pour l'utilisation, par les petits paysans des pays en voie de développement, de semences à leur disposition.
L'utilisation massive d'OGM va renforcer la dépendance de ces petits agriculteurs. En effet ces semences constituent, potentiellement, une véritable arme alimentaire, à disposition, évidemment, de puissantes multinationales américaines ou européennes.
Plus les OGM seront cultivés dans le monde, plus ces paysans seront dépendants de ces firmes multinationales, des produits qui leur seront vendus et du prix de ces derniers. Leur droit naturel à replanter ces semences leur sera évidemment nié et, petit à petit, ces firmes s'approprieront toutes ces cultures, privatisant de facto le vivant.
L'appropriation de la nature par quelques groupes privés n'est pas une lubie : c'est un risque qui nous menace.
Aussi est-il nécessaire de promouvoir le principe de licences gratuites ou bon marché, afin de réduire ce risque économique, et ce pour toutes les semences - OGM utiles ou non-OGM.
Plus largement, il convient de réaffirmer le droit fondamental des paysans à utiliser le produit de leurs cultures, et donc des semences fermières. Nous reviendrons sur cette question lors de la présentation d'un autre amendement.
Le brevet garantit une rémunération à son détenteur. Nous sommes conscients de la nécessité de rémunérer les efforts de recherche. Cependant, ce principe de rémunération doit pouvoir connaître des exceptions, comme le prévoient les conventions internationales en la matière - je pense ici aux obtentions végétales et autres.
Il est nécessaire que l'ensemble des acteurs de la filière, mêmes les plus petits d'entre eux, soient entendus sur cette question !
Le déroulement des débats sur le texte relatif aux obtentions végétales nous a montré que tel n'était pas le cas, même dans cette assemblée.
Le Gouvernement, lors de l'examen de ce projet de loi, avait fait savoir sur cette question qu'il était « tout à fait favorable à la promotion des certificats d'obtention végétale, qui permettent en effet d'exonérer les petits agriculteurs des frais liés aux licences. Nous pensons en effet qu'il convient de faire en sorte que l'accès aux certificats d'obtention végétale soit gratuit pour les petits agriculteurs. »
Nous espérons donc que cet amendement, qui constitue non pas une injonction mais une simple demande, sera enfin adopté. Il grandirait notre pays.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Tout en comprenant la logique qui a inspiré les auteurs de cet amendement et leur analyse, je suis cependant obligé de faire observer que cette proposition n'aurait pas de portée concrète. Les injonctions au Gouvernement n'ont pas leur place dans un dispositif législatif.
Il me paraît donc impossible d'aller au-delà d'une simple réflexion. La commission émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Nous suivrons l'avis de la commission pour des raisons évidentes d'injonction internationale.
Cela dit, le problème que vous évoquez, monsieur Le Cam, est clairement posé sur le plan international. Il me fait penser à un autre sujet plus français, qui concerne l'association Kokopelli. Il y a indiscutablement un problème sur les références, qu'il nous faut traiter. Sans vouloir du tout commenter une décision de justice - ce n'est pas le sujet -, j'indique que nous allons en discuter avec le ministère de l'agriculture afin d'étudier comment faire évoluer ce point, qui nous paraît extrêmement important.