M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 113 ainsi que sur l'amendement n° 196, qui est pratiquement identique. En effet, selon l'article L. 251-1 du code rural, qui figure à l'article 6 du projet de loi, « Un comité de biovigilance est chargé de donner un avis sur les protocoles de suivi de l'apparition éventuelle d'événements indésirables et d'alerter le ministre chargé de l'agriculture (...) ».
Mes chers collègues, comme vous pouvez le constater, vous avez d'ores et déjà satisfaction. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'ajouter une disposition qui serait redondante. Pour autant, ne soyez pas inquiets, nous reviendrons sur ce point, ce qui vous montrera combien nous sommes attachés au comité de biovigilance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage tout à fait l'objectif des auteurs de ces deux amendements, mais, compte tenu de la façon dont sont définies les compétences générales de la Haute autorité, ils semblent superfétatoires.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote sur l'amendement n° 113.
M. Jean-Marc Pastor. J'aurais tout aussi bien pu intervenir sur l'amendement n° 196, car ces deux amendements se ressemblent en effet beaucoup, et ils rejoignent l'amendement de M. Soulage que nous avons adopté tout à l'heure.
Nous sommes tout à fait d'accord, madame la secrétaire d'État, le comité de biovigilance a des règles de fonctionnement. En revanche, il n'est inscrit nulle part que cette institution doive rendre des comptes à la société. Il s'agit donc d'une précaution de notre part : nous souhaitons apporter davantage de transparence afin de permettre à nos concitoyens d'y voir plus clair.
Vous le savez comme moi, dans ce problème des OGM, on considère que les scientifiques vivent dans une bulle. Nous, nous essayons de faire en sorte qu'ils en sortent le plus possible. Je ne vois donc pas en quoi il serait gênant de préciser que ce comité doit de temps en temps rendre des comptes à la société.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Soulage et les membres du groupe Union centriste - UDF et M. Laffitte, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - À l'intérieur du périmètre des productions bénéficiant d'un signe de qualité appellation d'origine contrôlée (AOC) ou d'une indication géographique protégée (IGP) et ayant interdit dans leur cahier des charges l'utilisation d'intrants génétiquement modifiés, l'autorité administrative compétente doit avant mise en place sur sa zone de production de cultures « OGM » consulter l'Organisme de défense et de gestion du signe de qualité. À condition que ce dernier produise un argumentaire scientifiquement établi les justifiant et dans le but exclusif d'éviter tout risque de contamination de l'alimentation apportée aux troupeaux des producteurs de lait bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée, l'autorité administrative compétente peut mettre en oeuvre, type de culture « OGM » par type de culture « OGM », les mesures supplémentaires de protection proposées par l'Organisme de défense et de gestion, pouvant aller jusqu'à l'interdit.
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, et notamment la liste des organisations professionnelles et interprofessionnelles habilitées à proposer des mesures de protection et leur périmètre. »
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. AOC, appellation d'origine contrôlée, et IGP, indication géographique protégée, obéissent à un cahier des charges très strict. Plusieurs de ces signes de qualité ont d'ores et déjà pris dans leur cahier des charges des dispositions pour garantir aux consommateurs une réponse à leur attente dans la mesure où leur écrasante majorité considère que AOC ou IGP et OGM ne sont pas compatibles.
L'INAO, l'Institut national de l'origine et de la qualité, a le pouvoir d'agréer ces dispositions restrictives, contraignantes et sources de surcoûts. Garantir des intrants au taux d'OGM inférieur au taux admis de 0,9 % suppose des efforts de traçabilité qui les renchérissent systématiquement.
Le présent texte a pour objet d'étendre le pouvoir de l'INAO afin de lui permettre de proscrire les risques de contamination par telle ou telle culture d'OGM sur l'ensemble du territoire du signe géographique de qualité, AOC ou IGP. À défaut de cette protection supplémentaire, les efforts déjà fournis par ces filières seraient anéantis par les contaminations inévitables à l'intérieur même du terroir de ce signe de qualité. De plus, les producteurs du signe de qualité, AOC ou IGP, pour lesquels l'interdit de culture d'OGM est effectif sur leur exploitation, se verraient injustement mis hors du champ de l'AOC ou de l'IGP par les contaminations extérieures.
Le nombre des AOC ou des IGP ayant pris effectivement des mesures d'interdiction des cultures d'OGM et des intrants d'OGM est faible. Par conséquent, le présent amendement aura une zone d'application réduite et limitée aux mesures nécessaires et proportionnées à l'objectif de prévention des risques de contamination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Nous abordons une question très intéressante et très importante. Vous vous en souvenez, mes chers collègues, nous en avions déjà longuement débattu en 2006.
Je voudrais signaler en préambule que la commission des affaires économiques est particulièrement attachée aux signes de qualité et à leur défense. Notre commission a eu l'occasion de le rappeler à de très nombreuses reprises ces dernières années, notamment à l'occasion des excellents travaux de notre collègue Gérard César.
Cet amendement vise à proposer un dispositif assez complexe dans lequel l'autorité administrative doit consulter les organismes de gestion avant de mettre en place toute culture d'OGM. Pour éclaircir ce débat, il me semble utile de rappeler quelques points.
En premier lieu, les AOC peuvent parfaitement écrire dans leur cahier des charges que les produits bénéficiant de leur signe ne doivent pas résulter d'organismes génétiquement modifiés. Cependant, j'y insiste, il ne s'agit que d'un engagement privé qu'il leur est uniquement loisible de s'imposer à eux-mêmes.
En deuxième lieu, je vous invite à lire attentivement le deuxième alinéa du paragraphe V de l'article L. 251-1 du code rural, qui dispose : « Dans l'intérêt de la protection des appellations d'origine contrôlée, l'Institut national de l'origine et de la qualité peut proposer à l'autorité administrative » des mesures d'interdiction, de restriction ou de prescriptions particulières concernant la mise sur le marché, la délivrance et l'utilisation des produits mentionnés à cet article, y compris les supports de cultures composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés.
Par conséquent, la préoccupation légitime de nos collègues du groupe de l'Union centriste, que nous partageons, comme je n'ai cessé de le leur dire depuis deux ans, est doublement satisfaite par le droit en vigueur. Certes, on peut me rétorquer que, si cela existe déjà dans le droit, on pourrait aussi bien le répéter ici.
M. Jean-Marc Pastor. C'est pédagogique !
M. Jean Bizet, rapporteur. Je vois deux raisons qui s'y opposent : tout d'abord, il n'est pas de bonne pratique législative de répéter sous deux formes différentes un même dispositif ; cette méthode de la répétition aurait, certes, l'avantage d'être pédagogique, comme le dit M. Pastor, mais elle nous ferait perdre de la lisibilité.
En outre, dans la mesure où la procédure proposée par l'amendement n° 55 rectifié diffère de celle qui existe dans le droit en vigueur tout en ayant le même objectif, nous risquons d'empiler deux dispositifs concurrents avec pour résultat de les affaiblir tous les deux.
C'est pourquoi la commission demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. Je le répète, nous en partageons l'esprit - d'ailleurs, Daniel Soulage le sait bien, car nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises d'en parler -, mais l'amendement est déjà satisfait par le droit en vigueur et son adoption aboutirait en réalité à compliquer la gestion des signes de qualité et in fine, je le crains, à les affaiblir.
M. le président. Monsieur Soulage, l'amendement n° 55 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Soulage. Non, je me range aux arguments de la commission et je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 197, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer les deux derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-9 du code rural.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement se justifie par son texte même.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, en cohérence avec l'amendement n° 198 déposé à l'article 4.
M. le président. L'amendement n° 114, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-9 du code rural :
« L'autorité administrative prononce des sanctions. Celles-ci comprennent la destruction totale ou partielle des cultures.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à préciser plus clairement que dans le texte la portée des sanctions prononcées par l'autorité administrative en cas non-respect des prescriptions prévues à l'article L. 663-8 selon les termes du projet de loi.
Il s'agit bien de préciser que la destruction, totale ou partielle, des cultures est automatique dès lors que le non-respect des prescriptions a été avéré par des agents habilités. Elle n'est pas une option parmi une palette de sanctions aujourd'hui non précisées, mais elle est le premier palier desdites sanctions.
Si nous reconnaissons quelque valeur aux prescriptions élaborées par l'autorité administrative, que cette dernière sera chargée de faire respecter, il va de soi que les cultures mises en place en dehors du respect desdites prescriptions doivent être considérées comme illégales. Par conséquent, leur destruction doit être ordonnée par l'autorité administrative.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-9 du code rural :
« En cas de non-respect de ces prescriptions, l'autorité administrative peut ordonner la destruction totale ou partielle des cultures.
La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 20 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 197 et 114.
M. Jean Bizet, rapporteur. La rédaction proposée par le Gouvernement laisse entrevoir un champ indéfini de sanctions, ce qui est contraire à la Constitution. Il vous est donc proposé, par l'amendement n° 20, d'en revenir au dispositif de 2006, juridiquement mieux encadré.
En ce qui concerne l'amendement n° 197, la commission y est défavorable, car il est contraire à l'amendement n° 20. En outre, la commission émettra logiquement un avis défavorable sur l'amendement n° 198 à l'article 4, dont l'amendement n° 197 est en quelque sorte le préalable.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 114. D'une part, cet amendement maintient la difficulté juridique qui existe déjà dans le projet de loi - il n'est pas conforme à la Constitution de créer des sanctions non définies. D'autre part, il est concurrent de l'amendement n° 20 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. L'amendement n° 20 nous convient. Il prévoit une destruction totale ou partielle des cultures, et il est suffisamment clair.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 197 et 114, qui semblent plus flous et peu précis.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 223, présenté par MM. Repentin, Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À l'intérieur du périmètre des productions bénéficiant d'un signe de qualité appellation d'origine contrôlée (AOC), ou d'une indication géographique protégée (IGP), et ayant interdit dans leur cahier des charges l'utilisation d'intrants génétiquement modifiés, l'autorité administrative compétente doit avant mise en place sur sa zone de production, de cultures d'organismes génétiquement modifiés consulter l'Organisme de défense et de gestion (ODG) du signe de qualité. À condition que ce dernier produise un argumentaire scientifiquement établi les justifiant et dans le but exclusif d'éviter tout risque de contamination de l'alimentation apportée aux troupeaux des producteurs de lait d'appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée, l'autorité administrative compétente peut mettre en oeuvre type de culture d'organismes génétiquement modifiés par type de culture d'organismes génétiquement modifiés les mesures supplémentaires de protection proposées par l'Organisme de défense et de gestion, pouvant aller jusqu'à l'interdit.
II. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de la présente disposition, et notamment la liste des organisations professionnelles et interprofessionnelles habilitées à proposer des mesures de protection et leur périmètre.
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Les appellations d'origine contrôlées, AOC, et les indications géographiques protégées, IGP, obéissent à un cahier des charges très strict.
Plusieurs de ces signes de qualité ont d'ores et déjà pris dans leur cahier des charges des dispositions pour garantir aux consommateurs une réponse à leur attente dans la mesure où, dans leur écrasante majorité, ils considèrent que les AOC ou les IGP et les OGM ne sont pas compatibles.
L'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, a le pouvoir d'agréer ces dispositions restrictives, contraignantes et sources de surcoûts : garantir des intrants au taux d'OGM inférieur au taux admis de 0,9 % suppose des efforts de traçabilité qui les renchérissent systématiquement.
Le présent amendement a pour objet d'étendre le pouvoir de l'INAO pour lui permettre d'interdire les risques de contamination par telle ou telle culture d'OGM sur l'ensemble du territoire du signe géographique de qualité - AOC ou IGP.
À défaut de cette protection supplémentaire, les efforts déjà fournis par ces filières seraient anéantis par les contaminations inévitables à l'intérieur même du terroir de ce signe de qualité.
De plus, les producteurs du signe de qualité, AOC ou IGP, pour lesquels l'interdit de culture d'OGM est effectif sur leur exploitation, se verraient injustement mis hors du champ de l'AOC ou de l'IGP par les contaminations extérieures.
Le nombre des AOC ou des IGP ayant pris effectivement des mesures d'interdit des cultures d'OGM et des intrants d'OGM est faible.
En conséquence, le présent amendement aura une zone d'application réduite, limitée aux mesures nécessaires, et qui sera proportionnée à l'objectif de prévenir des risques de contamination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. M. Soulage nous a fait, il y a quelques minutes, exactement la même proposition en nous présentant l'amendement n° 55 rectifié.
La commission n'a pas changé d'avis. Par conséquent, elle est défavorable à cet amendement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. M. Soulage avait tout à l'heure retiré son amendement avant que le Gouvernement ait pu s'exprimer. S'agissant d'un amendement pour ainsi dire identique, je tiens à dire que l'objectif visé, c'est-à-dire la défense des AOC et des IGP, nous semble très sain.
Le Sénat avait eu, d'ailleurs, l'an passé, au moment de l'examen du précédent projet de loi sur les OGM, des débats d'une très grande qualité et d'un très grand intérêt. M. le ministre d'État et moi-même les avons relus très attentivement pour essayer d'en tirer le meilleur parti en travaillant à l'élaboration de ce projet de loi.
Il s'agit d'un sujet extraordinairement difficile puisqu'il est d'ores et déjà possible pour les AOC d'exclure les OGM. D'ailleurs, un certain nombre d'entre elles ne s'en privent pas.
Faut-il aller plus loin ? Franchement, le système que vous proposez est très complexe, monsieur Raoult. On ne voit pas bien comment il pourrait fonctionner. On ne voit pas bien non plus comment on éviterait de déplacer vers les organismes de défense et de gestion un débat sur les OGM qui, probablement, leur compliquerait très fortement l'existence.
L'objet de cet amendement est donc très légitime, mais la formule qui est proposée ne nous semble pas adaptée à l'objectif. Son adoption compliquerait beaucoup la vie des organismes de défense et de gestion, qui ont, par ailleurs, fort à faire.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de Mme la secrétaire d'État. Cet amendement pose une question de fond : qui des OGM ou des productions traditionnelles à la primauté?
Aura-t-on le droit de cultiver des OGM sur le territoire de productions bénéficiant d'une IGP ou d'une AOC, et ayant clairement interdit dans son cahier des charges l'utilisation d'OGM ?
Que se passera-t-il dans ce cas de figure, madame la secrétaire d'État ? Êtes-vous sûre qu'il n'y aura pas de contentieux ? Pour ma part, je pense qu'ils sont inévitables !
Notre rôle, au Sénat, avec vous, est d'anticiper ces situations de façon à prévenir cette petite guerre civile qui risque demain, madame la secrétaire d'État, de naître un peu partout sur notre territoire.
Je comprendrais si vous me disiez que la rédaction de cet amendement doit être plus claire, plus souple. Cet argument, je l'entendrais d'autant plus que nous sommes tout à fait disposés à revoir notre copie. Mais, sur le fond, je ne vois pas comment, demain, vous pourrez vous contenter de dire, à ceux qui ne manqueront pas de vous saisir du problème, car, encore une fois, des contentieux, il y en aura, que vous ne savez pas qui des deux prévaut !
C'est donc ennuyeux.
Vous le savez comme moi, les Français sont attachés à cette notion de produit du terroir. La grande distribution le sait très bien puisqu'elle organise régulièrement des semaines de promotion précisément consacrées à des AOC ou à des IGP. On sait que cela attire des clients !
Comment resterons-nous crédibles et pourrons-nous encore mettre en avant cette spécificité française qui consiste à assurer la protection d'un certain nombre de produits liés à des terroirs ?
Madame la secrétaire d'État, très honnêtement, je souhaiterais que vous y réfléchissiez à deux fois avant de laisser s'enclencher une mécanique qui n'aura d'autre effet que d'enflammer nos territoires, ce qui n'est pas, je suppose, l'objet de ce texte de loi !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je comprends bien l'objectif visé au travers de cet amendement, et je le trouve très légitime.
Les AOC et les IGP font la richesse et la spécificité de l'agriculture française des terroirs, ainsi que la fierté des territoires.
Monsieur le sénateur, avec le Grenelle de l'environnement, dont nous respecterons scrupuleusement, selon les propres termes du Président de la République, les engagements - d'un côté, la clause de sauvegarde sur le Monsantos 810, de l'autre ce projet de loi qui encadre les OGM -, avec aussi l'intergroupe OGM, nous essayons précisément d'éviter la guerre civile pour entrer dans une phase plus constructive.
Cet amendement, je le crains, risque de transporter cette « guerre civile », pour reprendre votre expression, monsieur le sénateur, au sein des organismes de défense et de gestion du signe de qualité.
Ces organismes de défense et de gestion ont besoin d'être solides et ne peuvent assumer cette responsabilité. Ils se retrouveront eux-mêmes sous tension et vivront des déchirements.
Ce n'est donc pas un cadeau à faire à ces organismes que de leur confier une telle responsabilité !
C'est la raison pour laquelle j'ai émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Je voudrais essayer de rassurer Jean-Marc Pastor que je trouve quelque peu ému dans cette discussion, en particulier en ce qui concerne cet amendement.
Il ne faut pas perdre de vue que notre exercice doit assurer la coexistence entre les cultures et le respect de chaque mode cultural. Il n'est pas question d'instituer une domination d'une forme d'agriculture sur une autre.
Je crois beaucoup à l'agriculture plurielle, qui est une réalité dans notre pays. Il n'est pas question d'opposer les différents modes de culture, mais il faut simplement faciliter leur enrichissement mutuel.
Globalement, 20 % des agriculteurs français s'investissent dans une agriculture sous signe de qualité. Ils sont le fer de lance et l'image de notre agriculture.
Loin de nous l'idée, au travers de cette technologie et de cette innovation, de les fragiliser ou de les mettre en difficulté. Il s'agit d'un saut technologique que les uns et les autres feront ou ne feront pas, mais il ne faut pas que cette forme d'agriculture sous signe de qualité empêche le développement d'une autre forme d'agriculture, les deux devant coexister dans un respect mutuel.
Je ne sais pas si j'ai réussi à vous rassurer, mais, croyez-moi, il n'y a aucune volonté de domination d'une forme d'agriculture par rapport à une autre.
M. Jean-Marc Pastor. Nous le ferons savoir !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 223.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4
Au titre VII du livre VI du code rural sont insérés les articles L. 671-14 et L. 671-15 ainsi rédigés :
« Art. L. 671-14. - Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende :
« 1° Le fait de ne pas respecter une ou plusieurs des conditions techniques prévues à l'article L. 663-8 ;
« 2° Le fait de ne pas avoir déféré à une des mesures de destruction ordonnée par l'autorité administrative en application de l'article L. 663-9.
« Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires d'affichage de la décision prononcée ou de diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.
« Les personnes morales encourent, outre l'amende prévue au premier alinéa de l'article 131-38 du code pénal, les peines prévues au 9° de l'article 131-39 du code pénal.
« Art. L. 671-15. - Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende le fait de faire obstacle à l'exercice des fonctions des agents mentionnés au I de l'article L. 251-18 agissant en application de l'article L. 663-9. »
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.
M. Gérard Le Cam. L'article 4 est relatif aux sanctions pénales auxquelles s'expose une personne qui ne respecte pas l'une des conditions techniques de mise en culture imposées pour les OGM ou qui ne détruit pas les cultures lorsque les agents du service de protection des végétaux l'ont ordonné.
S'agissant des destructions de cultures autorisées - et je tiens à ce qu'il soit clair pour tout le monde que ce sont bien les cultures qui sont « autorisées » -, la commission des affaires économiques propose un amendement qui tendrait à faire croire que les faucheurs sont aujourd'hui exempts de toute sanction pénale. L'arsenal juridique nous semble pourtant largement suffisant.
Ainsi, l'article 322-1 du code pénal prévoit que la destruction, la dégradation, la détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende. De plus, cette sanction est aggravée quand la destruction est faite en réunion.
Ainsi, à part l'affichage politique, rien ne justifie les modifications proposées à l'article 4.
Je voudrais obtenir quelques éclaircissements sur les sanctions encourues par des exploitants agricoles qui planteraient des OGM en violation de l'arrêté d'interdiction du maïs MON 810. Nous ne sommes pas sûrs qu'ils tombent sous le coup de l'article L. 671-14 du code rural
En effet, cet article prévoit la sanction du non-respect de l'article L. 663-8, qui est relatif aux seules cultures de végétaux autorisées. Il nous semble donc que la situation dont nous faisions mention n'est pas concernée.
Pourriez-vous nous répondre sur cette question ? (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 244, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 671-14 du code rural, remplacer les mots :
une ou plusieurs des conditions techniques
par les mots :
les conditions techniques relatives aux distances entre cultures
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Cet amendement va de pair avec un sous-amendement que nous avions proposé à l'amendement n° 18 de la commission, avant que ce dernier soit retiré. Il s'agissait de l'élargissement du pouvoir réglementaire en matière de conditions techniques.
Cet élargissement nécessite de modifier l'article 4 pour définir précisément dans la loi le champ de l'infraction constitutive du délit que nous avions mentionnée à l'article L. 671-14 qui portera, lui, uniquement sur le non-respect des distances de cultures. Donc, le non-respect des conditions techniques autres que celles qui sont relatives aux distances de cultures sera simplement constitutif d'une contravention. La sanction sera précisée par voie réglementaire.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. La commission n'a pas eu le temps d'examiner l'amendement n° 244 du Gouvernement. Toutefois, à titre personnel, et considérant qu'il apporte une précision utile, j'y suis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement n° 244, sous couvert d'un recentrage sur le problème du respect ou du non-respect des périmètres, est finalement très libéral avec ceux qui vident leurs bennes sur les bas-côtés !
Je rappelle que ce texte ne concerne pas que les maïs en plein champ mais qu'il a trait à l'ensemble des OGM. Or tous les praticiens de l'agriculture savent à quelle vitesse se multiplie le colza, par exemple. Il est aussi grave selon moi de négliger les grains qui sont disséminés que de ne pas respecter le périmètre. Cela fait autant de dégâts. Donc, je ne vois pas pourquoi nous nous limitons à une simple contravention pour ce genre de méfait alors que nous prévoyons la destruction de la culture pour non-respect des périmètres.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. La nuit dernière, notre assemblée a rejeté un amendement qui concernait les conditions techniques liées aux OGM importés. Madame la secrétaire d'État, comment doit-on lire l'amendement que vous nous proposez par rapport aux OGM importés ? Tout à l'heure, nous avons évoqué des questions techniques de conditionnement : une benne que l'on vide peut entraîner des contaminations. Comment va-t-on aborder le sujet avec votre amendement ? Très honnêtement, je n'y vois pas très clair.
M. le président. L'amendement n° 115, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 671-14 du code rural par les mots :
y compris le fait d'intervenir ou de faire intervenir une personne dans le processus de culture, d'importation, de transport, de stockage, de transformation et de diffusion des organismes génétiquement modifiés sans le certificat requis
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Depuis le début, les amendements que je présente sont recalés. Celui-ci était un amendement de coordination, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 115 est retiré.
L'amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L.671-14 du code rural, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Le fait de détruire ou de dégrader une parcelle de culture autorisée en application des articles L. 533-5 et L. 533-6 du code de l'environnement.
« Lorsque l'infraction visée au 3° porte sur une parcelle de culture autorisée en application de l'article L. 533-3 du code de l'environnement, la peine est portée à trois ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement tend à équilibrer le dispositif pénal du projet de loi.
Si celui-ci prévoit en effet de sanctionner lourdement le cultivateur de plantes génétiquement modifiées qui n'aurait pas respecté les prescriptions techniques prévues à l'article L.663-8, il ne comporte pas de protection spécifique du cultivateur qui a bien respecté ses obligations.
Or, comme cela avait été exprimé dans les conclusions du Grenelle de l'environnement, le législateur se doit de sanctionner les destructions illégales de cultures autorisées par la loi.
Le premier alinéa à insérer vise donc à étendre la sanction déjà prévue par le projet de loi pour l'article L.671-14 du code rural. Le second alinéa vise à aggraver cette sanction dans le cas de destructions d'essais autorisés, ce qui correspond pleinement aux engagements du Grenelle de l'environnement en faveur de la protection de la recherche.
La rectification est purement rédactionnelle.
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, et sans vouloir être excessif, mais pour reprendre les propos de l'ancien président du Conseil national de l'alimentation, M. Babusiaux, si le champ est devenu un espace social, pour autant, il n'est pas devenu un espace de non-droit. Il me paraît donc souhaitable d'apporter cette rectification, madame la secrétaire d'État, car, croyez-moi, dans cette assemblée, les valeurs et les repères de ce type sont éminemment importants.
M. le président. Le sous-amendement n° 243, présenté par MM. César, Bailly et Sido, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (3°) de l'amendement n° 21 rectifié par les mots :
ou d'entraver le semis ou la culture
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 21 rectifié ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. L'article 322-1 du code pénal réprime la destruction et la dégradation du bien d'autrui ; c'est un délit qui est puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende.
Par ailleurs, un texte spécifique définit des circonstances aggravantes : ainsi, l'article 322-3 du code pénal punit le fauchage en réunion de cinq ans de prison et de 75 000 euros d'amende.
La commission nous propose de passer d'une peine de cinq ans de prison et de 75 000 euros d'amende à une peine de trois ans de prison, soit presque deux fois moins, et de 150 000 euros d'amende, soit deux fois plus. Deux fois plus d'amende et deux fois moins de prison, pourquoi, monsieur le rapporteur ?
Faute de saisir le sens de cette modification, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Évelyne Didier. Peut-on parler de « sagesse » en l'occurrence ?
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. À propos de l'amendement n° 21 rectifié de la commission, je voudrais faire deux observations de nature rédactionnelle.
La première, c'est que je crois fâcheux de ne pas préciser dans le texte de l'amendement - sans préjuger la position de fond - que ces destructions ou dégradations sont faites « volontairement ». En effet, en cas de destruction ou de dégradation accidentelle, ces peines naturellement ne sont pas applicables. Il serait donc souhaitable de le préciser.
La deuxième chose qui me gêne, cher monsieur le rapporteur, malgré votre effort rédactionnel, c'est que vous évoquez « une parcelle de culture autorisée ». Cela peut vouloir dire a contrario que l'on peut détruire librement des cultures non autorisées, et que l'on peut donc se faire justice soi-même, ce qui, au regard des principes de la République, est une horreur absolue.
S'il doit y avoir des sanctions, quelles qu'elles soient, elles doivent s'appliquer à toutes les destructions de cultures, autorisées ou non. Nous ne sommes pas chez les Huns et ce ne sont pas les règles d'Attila ! Il y a en France des tribunaux ; la loi prévoit la destruction des cultures irrégulières et je ne voudrais pas, cher monsieur le rapporteur, que votre texte soit une incitation pour un certain nombre d'hurluberlus à se constituer en milices privées locales pour aller rendre la justice sur les terres d'autrui.
Par conséquent, je préférerais que la rédaction vise « le fait de détruire ou de dégrader volontairement une parcelle de culture », autorisée ou non, n'entrons pas dans ces détails, car si seules sont sanctionnées les destructions de cultures autorisées, cela veut dire que, désormais, chacun peut rendre sa petite justice dans son canton, sa commune ou son hameau !