M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Monsieur Braye, je ne prétends pas être le fantassin du Grenelle...
M. Dominique Braye. C'est vous qui l'avez dit !
M. Jacques Muller. Non, j'ai simplement fait observer que le « soldat Grenelle » était en danger, et j'ai invité l'ensemble de l'assemblée à venir le sauver. Ce n'est tout de même pas la même chose !
J'ai formulé des propositions constructives pour que les engagements du Grenelle soient bien respectés. Je n'allais pas plus loin.
Monsieur le rapporteur, vous m'avez interpellé tout à l'heure sur les aspects pratiques et économiques. Effectivement, la filière maïs en Alsace s'est orientée vers le non-OGM pour que sa production soit rémunérée de 25 % à 30 % au-dessus du prix. Ne généralisons pas à l'ensemble de la France un phénomène local propre au Sud-Ouest !
Sur l'amendement n° 198, nous devons être clairs ! Pourquoi s'acharner à faire passer une mesure qui manque quelque peu de bon sens ? C'est tout simplement parce qu'il y a eu des tractations avec l'association générale des producteurs de maïs, qui a accepté la transparence à la parcelle à l'unique condition que soit institué un délit de fauchage. C'est du marchandage : encore une fois, les lobbies viennent pourrir - je pèse mes mots - le débat.
Je suis tout à fait d'accord avec les propos tenus par M. Laurent Béteille. Je constate aussi que M. Charles Pasqua n'a pas voté le fameux amendement n° 21 rectifié. Une loi punit déjà aujourd'hui les personnes qui dégradent des biens. C'est suffisant, et il n'est pas nécessaire d'en rajouter, sinon, je le répète, on verse dans l'idéologie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. À ce stade du débat, je voudrais essayer de calmer quelque peu le jeu.
Madame Blandin, je voudrais vous rassurer sur la question des assurances. Le groupe de travail sur les OGM a auditionné les professionnels. Nos collègues Jean-Marc Pastor et Jacques Muller étaient présents. Effectivement, les assureurs ne souhaitent pas, dans un premier temps, s'engager, mais, selon eux, c'est tout simplement parce qu'ils n'ont pas encore eu le temps de faire fonctionner leurs outils de modélisation.
Mme Marie-Christine Blandin. Les OGM ont le temps de pousser !
M. Jean Bizet, rapporteur. Je vous rassure, madame Blandin, nous ne nous trouverons pas pour autant dans un vide assurantiel ! En effet, la profession agricole, qui a toujours su se prendre en charge, va assurer l'ensemble au travers des organismes stockeurs et d'une cotisation volontaire à l'hectare des seuls agriculteurs OGM.
Mme Marie-Christine Blandin. Cinq ans d'impunité pour des cultures en plein champ non assurées !
M. Jean Bizet, rapporteur. Je ne veux pas entrer dans ce type de débat, mais vous pouvez en tout cas être rassurée, car il n'y aura pas, je le répète, de vide assurantiel. Les agriculteurs conventionnels ou biologiques ne seront pas abandonnés. Nous saurons respecter leurs problématiques.
Quant à M. Muller, je ne veux pas entamer un débat avec lui. J'ai choisi mon camp, celui des non-faucheurs, et lui, le sien. Je le laisse libre de son choix ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Dans le chapitre III du titre VI du livre VI du code rural sont insérés les articles L. 663-10 et L. 663-11 ainsi rédigés :
« Art. L. 663-10. - I. - Tout exploitant agricole mettant en culture une variété génétiquement modifiée dont la mise sur le marché est autorisée est responsable, de plein droit, du préjudice économique résultant de la présence accidentelle de l'organisme génétiquement modifié de cette variété dans la production d'un autre exploitant agricole, lorsque sont réunies les conditions suivantes :
« 1° Le produit de la récolte dans laquelle la présence de l'organisme génétiquement modifié est constatée est issu d'une parcelle située à distance de dissémination d'une parcelle sur laquelle est cultivée cette variété et a été obtenu au cours de la même campagne de production ;
« 2° Le produit de la récolte mentionné au 1° était destiné, lors de la mise en culture, soit à être vendu en tant que produit non soumis à l'obligation d'étiquetage mentionnée au 3°, soit à être utilisé pour l'élaboration d'un tel produit ;
« 3° L'étiquetage du produit de la récolte mentionné au 1° dans laquelle la présence de l'organisme génétiquement modifié est constatée est rendu obligatoire en application des dispositions communautaires relatives à l'étiquetage des produits contenant des organismes génétiquement modifiés.
« II. - Le préjudice économique mentionné au I est constitué par la dépréciation du produit résultant de la différence entre le prix de vente du produit de la récolte soumis à l'obligation d'étiquetage visée au 3° du I et celui d'un même produit non soumis à une telle obligation.
« III. - Tout exploitant agricole mettant en culture une variété génétiquement modifiée autorisée à la mise sur le marché doit souscrire une garantie financière couvrant sa responsabilité au titre du I.
« IV. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.
« Art. L. 663-11. - Les dispositions de l'article L. 663-10 ne font pas obstacle à la mise en cause sur tout autre fondement de la responsabilité des exploitants mettant en culture une variété génétiquement modifiée, des distributeurs et des détenteurs de l'autorisation de mise sur le marché et du certificat d'obtention végétale. »
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.
M. Jacques Muller. Depuis le début de notre discussion, M. le rapporteur a indiqué à plusieurs reprises qu'il considérait le seuil de 0,9 % comme le seul acceptable. Selon lui, ce seuil est incontournable parce qu'il est défini au niveau européen.
Sur le plan éthique, le droit de produire sans OGM contenu dans l'article 1er doit être appréhendé comme un droit à ne pas être pollué. Pour l'agriculteur dont les productions relèvent de filières de production identifiées « sans OGM », le seuil d'étiquetage de 0,9 % n'a pas de sens. Il en va de même pour le consommateur. Il s'agit d'un seuil de contamination maximal à partir duquel le consommateur doit être prévenu que « ce produit contient des OGM ».
Selon un sondage CSA du 4 février 2008, 71 % des Français estiment qu'un produit étiqueté « sans OGM » ne doit contenir absolument aucun OGM.
Sur le plan juridique, par rapport à la dimension européenne de cette question très technique, M. le rapporteur a raison en ce qui concerne l'obligation d'étiquetage. Mais il a tort lorsqu'il parle du seuil de contamination déclenchant d'éventuelles indemnisations, ou bien de la charge de la responsabilité en cas de contamination avérée.
En effet, ce seuil de déclenchement de responsabilité n'est pas déterminé par la réglementation européenne : c'est aux États membres qu'il incombe de légiférer sur les indemnisations et sur la responsabilité. La directive 2001/18/CE les y invite très clairement : il faut éviter la présence d'OGM dans d'autres produits.
Il faut par conséquent empêcher que le seuil d'étiquetage ne détermine en quelque sorte un seuil de contamination fortuite ou techniquement inévitable au-dessus duquel il devient nécessaire d'informer le consommateur : le fameux taux de 0,9 % ne résulte que de tractations politiques entre les États membres de l'Union européenne et les industries agroalimentaires.
Il ne faut pas confondre ce seuil d'étiquetage avec le seuil de détection, qui définit scientifiquement le « sans OGM ». Ce dernier est fixé par les États, lesquels doivent traduire dans leurs législations le principe bien connu de responsabilité appliqué à la production agricole.
Ainsi, la loi allemande prévoit l'indemnisation en cas de contamination « notamment en dessus de 0,9% », ce qui veut aussi dire en dessous. L'Italie a fait de même. La Styrie, région de l'Autriche qui soutient le développement de l'agriculture biologique, a fixé ce seuil à 0,1 % de la production.
En aucun cas, la Commission européenne, pourtant réputée particulièrement vigilante quant aux obstacles juridiques que pourraient mettre les États en vue de freiner la diffusion des OGM dans l'environnement ou de contourner la règle de la libre concurrence, n'a été en mesure de contester juridiquement les dispositions prises.
Par conséquent, imposer le seuil de 0,9 % comme une réalité européenne incontournable est, au plan juridique, une erreur.
En toute rigueur, le seuil de contamination de la production - c'est l'objet de l'article dont nous allons discuter - ne peut être que le seuil de détection fiable, c'est-à-dire reproductible lors des analyses. C'est ce que l'on appelle le seuil de quantification, soit 0,1 %. Je souligne au passage qu'il est déjà appliqué dans notre pays par les filières bio « sans OGM ».
Légiférer en niant cette réalité juridique signifierait que la fixation du seuil de déclenchement de la procédure d'indemnisation des victimes de contaminations répondrait non plus à l'objectif contenu dans l'article 1er, à savoir la liberté de produire sans OGM, mais à d'autres considérations nettement moins avouables, comme celle d'« ouvrir les vannes » des cultures d'OGM au risque de mettre en difficulté l'agriculture de qualité au sujet de laquelle je me suis déjà exprimé.
Nos concitoyens et les consommateurs sauraient apprécier ce nouveau détournement des engagements du Grenelle !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, sur l'article.
M. Jean-Marc Pastor. Nous avions déposé un amendement sur cet article tendant à créer un fonds d'indemnisation des agriculteurs dont les cultures auraient été contaminées de façon involontaire. Il était prévu que ce fonds soit géré par l'Office national interprofessionnel des grandes cultures. Un tel système n'avait rien de nouveau, car il en existe de semblables : il aurait été alimenté par le produit d'une taxe prélevée chez chaque agriculteur cultivant des OGM.
Malheureusement, la commission des finances a invoqué l'article 40 de la Constitution et déclaré cet amendement irrecevable. Nous le regrettons. C'est d'autant plus surprenant qu'il était prévu un financement privé et que la gestion complète de ce fonds devait être assurée par une structure interprofessionnelle. L'intervention de l'État n'était pas du tout prévue.
Je me suis entretenu de cet amendement avec le président de la commission des finances, et j'avoue très honnêtement ne pas avoir été convaincu par les arguments qu'il a avancés. Cet amendement ne sera donc pas discuté en séance publique, ce que nous déplorons.
Un tel système n'est pourtant pas aberrant. Les organisations professionnelles que nous avons rencontrées étaient tout à fait disposées à gérer elles-mêmes ce financement et à accompagner ainsi les agriculteurs qui, demain, seront contaminés.
Monsieur le président, nous examinerons à nouveau ce texte dans quelques semaines ou dans quelques mois. Nous redéposerons alors un amendement visant à créer ce fonds d'indemnisation.
Je rappelle que la création d'un tel fonds avait été votée ici à l'unanimité voilà cinq ans et qu'elle figurait dans les conclusions du rapport d'information de la mission d'information présidée par M. Bizet et dont j'étais rapporteur. Nous ne faisions donc que reprendre une disposition que nous avions déjà votée.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Jean-Marc Pastor. Nous y reviendrons !
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
Le chapitre II bis du titre VI du livre VI du code rural est complété par deux articles ainsi rédigés :
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président, par cohérence avec le retrait de l'amendement n° 16.
Je profiterai de cette intervention, monsieur le président, pour répondre à nos collègues Jacques Muller et Jean-Marc Pastor.
M. Muller ne cesse de répéter qu'il refuse la notion de seuil communautaire. Je lui rappellerai donc - et je le ferai autant de fois que cela sera nécessaire - que nous sommes dans un environnement législatif communautaire et que cette notion a été négociée en 2003. Le vice-président de la délégation pour l'Union européenne que je suis ne saurait vous tenir un autre discours. J'ajoute que, à la veille de la présidence française de l'Union européenne, je m'étonne d'entendre ce type d'argumentaire sur ce sujet.
Nous sommes dans un environnement européen, et nous devons donc respecter les engagements que nous avons pris dans ce cadre.
Monsieur Pastor, il est vrai que nous avions imaginé voilà quelques années, notamment dans le rapport d'information de 2003, la création d'un fonds public. Quant au projet de loi de 2006, il faisait référence à un fonds géré par l'Office national interprofessionnel des grandes cultures, car, là encore, les assureurs ne se sentaient pas prêts.
Le texte qui nous est aujourd'hui proposé par le Gouvernement ne prévoit pas un tel fonds. En revanche, il dispose que « tout exploitant agricole mettant en culture une variété génétiquement modifiée autorisée à la mise sur le marché doit souscrire une garantie financière [...] ». Un fonds sera donc créé, mais il sera privé. Honnêtement, quand la prise en charge peut être assurée par le secteur privé, c'est toujours beaucoup mieux.
Monsieur Pastor, je tiens à vous rassurer vous aussi, comme Mme Blandin tout à l'heure. La profession agricole se prend en charge par un processus assurantiel à double détente : tout d'abord, l'échange de grains via des organismes stockeurs - tout agriculteur pratiquant l'agriculture biologique ou conventionnelle et dont les cultures seraient contaminées de manière fortuite par des OGM bénéficiera d'un échange de grains et ne perdra donc rien -, ensuite, la cotisation volontaire des agriculteurs eux-mêmes pour les contentieux qui ne pourraient pas être réglés par l'échange de grains.
Ce dispositif est d'une très grande souplesse et d'un très grand professionnalisme. Les professionnels savent extrêmement bien gérer ce genre de choses, via les organismes stockeurs, pour les productions qui ont déjà une visibilité, que ce soit le tournesol, le colza érucique ou linoléique. Lorsque le secteur privé sait faire, laissons l'État se tenir en retrait.
M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.
Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 79, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I et le II du texte proposé par cet article pour l'article L.663-10 du code rural :
I. - Le détenteur de l'autorisation administrative d'utilisation ou de dissémination d'un organisme génétiquement modifié, le distributeur et l'utilisateur final, dont l'exploitant agricole, sont responsables de plein droit de tout préjudice lié à la dissémination dans l'environnement d'organismes génétiquement modifiés, et ce, sans préjudice des actions récursoires éventuelles entre eux. En ce qui concerne le préjudice économique, il devra notamment englober les coûts induits par la traçabilité des produits.
« II. - La preuve du lien de causalité entre le préjudice allégué et son fait générateur est à la charge des personnes citées au I.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L'article 5 du projet de loi, qui prévoit la responsabilité des exploitants cultivant des OGM, organise la gestion des dommages qui ne manqueront pas de se multiplier au fur et à mesure que progresseront les cultures d'OGM en plein champ.
Le régime proposé par le texte ne nous satisfait pas, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, l'organisation du régime de responsabilité entre exploitants agricoles pour la seule réparation du préjudice économique est d'une précision telle qu'elle pourrait être interprétée comme une volonté de limiter la responsabilité des exploitants visés.
Notre amendement vise donc à prévoir la responsabilité de plein droit de l'ensemble de la filière OGM en cas de contamination : du détenteur de l'autorisation administrative, du distributeur et de l'utilisateur final.
Ensuite, si la réparation du préjudice économique est nécessaire, elle n'est pas suffisante. L'ensemble des préjudices résultant d'une contamination doivent être considérés.
La réparation du préjudice économique devra notamment prendre en compte les coûts induits par la traçabilité des produits : pour garantir que leur production ne contient pas d'OGM, les agriculteurs sont tenus d'effectuer des analyses et des contrôles onéreux, dont la charge devrait être supportée par les filières OGM.
Dans le cadre d'une procédure pénale, les frais d'expertise ne sont pas avancés par les parties. Ce n'est pas le cas dans les procédures civiles. Comme l'a dit avant-hier M. Borloo, ce n'est pas à la victime de payer. Notre amendement vise donc à renverser la charge de la preuve en faveur de la victime.
Pour finir, j'aimerais que chacun, ici, soit bien conscient que la victime n'est pas toujours celle que l'on croit. Nous devons tous avoir à l'esprit l'expérience américaine et ses dérives judiciaires, et ce d'autant plus que nous avons recours à des avocats américains pour défendre certains de nos paysans.
Un livre fort instructif, Le marché de la faim, écrit par Erwin Wagenhofer et Max Annas, relate le procès de Monsanto contre Percy Schmeiser, cultivateur de colza canadien.
Les détectives de l'entreprise Monsanto affirmaient avoir découvert parmi les semences de Percy Schmeiser des graines présentant les propriétés des graines de colza transgéniques de Monsanto. L'entreprise a alors intenté un procès au cultivateur en accusant ce dernier d'avoir volé les semences. Par la suite, les détectives avoueront qu'ils n'ont en fait trouvé que quelques plantes suspectes dans un fossé délimitant les terrains, arrivées là par pollinisation. Le juge canadien a pourtant donné raison à Monsanto et déclaré les parcelles du cultivateur propriété de Monsanto !
Nous le voyons, le droit n'est, hélas ! pas suffisant pour protéger les paysans des conséquences de la contamination de leurs champs par des cultures OGM. Il se retournera même parfois contre eux, au titre de la défense de la brevetabilité et de la propriété du vivant.
C'est pourquoi notre amendement, qui n'est qu'un amendement de repli, vise à améliorer le système proposé dans le projet de loi. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Au début du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, ajouter les mots :
Tout détenteur de l'autorisation visée à l'article L. 533-3 du code de l'environnement,
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à étendre la responsabilité des cultures commerciales aux essais de nouvelles variétés en plein champ. Les capacités de diffusion des gènes sont en effet les mêmes pour toutes les cultures, qu'il s'agisse de cultures commerciales ou d'essai.
À titre d'exemple, je rappelle que la contamination mondiale de la filière du riz non OGM par le riz OGM LL601 a pour origine un seul essai. J'estime donc que la responsabilité doit porter non pas sur les seules cultures commerciales, mais également sur les cultures d'essai. Le détenteur de l'autorisation doit être responsable du préjudice.
M. le président. L'amendement n° 199, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, après les mots :
Tout exploitant agricole
insérer les mots :
ainsi que tout détenteur de l'autorisation visée à l'article L. 533-3 du code de l'environnement, y compris tout opérateur réalisant un essai d'organismes génétiquement modifiés en milieu ouvert,
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. J'ai évoqué au cours de mon intervention dans la discussion générale notre position sur les OGM, notamment en matière de recherches : ces dernières ne doivent avoir lieu qu'en milieu confiné et, exceptionnellement, en plein champ, dans des conditions spécifiques. En effet, des accidents pourraient se produire avec des recherches effectuées à l'extérieur.
Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi la recherche ne serait pas, au même titre que les cultures commerciales ou industrielles d'OGM, responsable en cas de préjudice. Soyons logiques avec nous-mêmes !
M. le président. L'amendement n° 200, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, remplacer les mots :
est responsable
par les mots :
est solidairement responsable avec le distributeur auprès duquel il a acquis les semences
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. À l'instar de l'amendement que vient de défendre notre collègue Gérard Le Cam, cet amendement vise à ce que l'agriculteur ayant produit ou semé des OGM ne soit pas considéré comme le seul responsable en cas de contamination. L'ensemble de la filière doit être responsable, y compris le distributeur.
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, après les mots :
de plein droit,
insérer les mots :
ainsi que le distributeur auprès duquel il a acquis les semences,
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement est très proche de celui que vient de défendre mon collègue Jean-Marc Pastor.
La responsabilité du distributeur en cas de contamination de cultures immédiatement voisines a pour effet de réduire les risques de culture « sauvage » des OGM - notamment les achats de semences en Espagne, sur lesquelles il est difficile d'exercer un contrôle - et de favoriser les cultures sous contrat avec le distributeur.
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, après les mots :
autre exploitant agricoleinsérer les mots : y compris les apiculteurs,
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à ce que les apiculteurs, pour qui se pose un problème de fond, soient pris en compte de manière bien précise dans le projet de loi.
L'agriculture englobe la céréaliculture, la polyculture élevage, la viticulture, l'arboriculture, le maraîchage, mais aussi l'apiculture. (Mme la secrétaire d'État acquiesce.)
Si j'insiste sur les apiculteurs, c'est pour deux raisons.
La première, c'est que ces producteurs agricoles sont les premières victimes potentielles des contaminations génétiques puisque, par définition, les abeilles volent sur des espaces importants, variant entre trois et dix kilomètres. Ils doivent figurer explicitement sur la liste des personnes indemnisées. Cette contamination est d'autant plus grave que le miel bénéficie souvent d'une appellation AOC.
La seconde raison tient au fait que, compte tenu du rôle que jouent les abeilles dans les écosystèmes et dans les structures agraires, la production d'externalité par les apiculteurs doit être reconnue dans la loi. En effet, un apiculteur ne produit pas que du miel, il rend également un service à l'ensemble de la collectivité. Il importe que cela soit reconnu une bonne fois pour toutes dans la loi.
Les apiculteurs sont d'autant plus sensibles à cette question que, partout dans le monde, les ruches disparaissent. Ils connaissent des pertes de cheptels énormes. Notre assemblée pourrait donc leur envoyer un signal fort et leur montrer qu'elle se soucie de cette situation. Bien sûr, les causes de la disparition des abeilles ne sont pas bien connues. Les pesticides, les ondes électromagnétiques des portables, ainsi que, peut-être, les OGM seraient responsables de leur disparition. En tout cas, c'est aux États-Unis, où les OGM sont les plus développés, que l'on compte le plus grand nombre de pertes de ruches.
Par conséquent, je voudrais que l'on puisse mentionner les apiculteurs dans ce texte législatif, d'autant qu'ils ont été « enterrés » mardi soir. D'ailleurs, je le constate, le Gouvernement, en émettant un avis de sagesse, a préféré laisser la Haute Assemblée trancher.
Pour ma part, je regrette que le compte des apiculteurs et de l'apiculture ait été « réglé » dans le projet de loi à une heure tardive de la nuit. C'est bien dommage. J'espère qu'une telle erreur sera corrigée.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, remplacer les mots :
à distance de dissémination
par les mots :
à proximité
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement concerne la notion de « parcelle située à distance de dissémination ». De notre point de vue, il s'agit d'une dénomination assez vague.
En 2006, le Sénat avait accepté la proposition du Gouvernement de retenir l'expression « parcelle située à proximité », qui paraît tout de même moins floue.
Il reviendra aux textes d'application d'apporter les précisions qui s'imposent sur ce point.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 24 est présenté par M. Bizet, au nom de la commission.
L'amendement n° 204 est présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. Au début du troisième alinéa (2°) du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, remplacer les mots :
Le produit de la récolte mentionné au 1°
par le mot :
Il
II. Au début du quatrième alinéa (3°) du même I, remplacer les mots :
L'étiquetage du produit de la récolte mentionné au 1° dans laquelle la présence de l'organisme génétiquement modifié est constatée
par les mots :
Son étiquetage
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 24.
M. Jean Bizet, rapporteur. C'et amendement tend à une simplification rédactionnelle.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 204.
M. Jean-Marc Pastor. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural :
« II. - Le préjudice mentionné au I est constitué par la dépréciation du produit résultant de la différence entre, d'une part, le prix de vente du produit de la récolte soumis à l'obligation d'étiquetage visée au 3 du I ou perdant la possibilité d'être garanti « sans organismes génétiquement modifiés » et, d'autre part, celui d'un même produit non soumis à une telle obligation. Par « sans organisme génétiquement modifié », il faut entendre absence de toute présence d'ADN modifié dépassant le seuil de détection à l'analyse.
« Ce préjudice est également constitué par toute autre perte avérée, directe ou indirecte, immédiate ou différée, ou par toute autre atteinte à la santé ou à l'environnement.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi limite la notion de préjudice au seuil de 0,9 %. Je reviens donc sur le sujet, qui me paraît important.
M. le rapporteur a évoqué un environnement européen. Mais, si l'on parle d'Europe, il faut également évoquer la réglementation européenne. Le seuil de 0,9 % est un seuil d'étiquetage à destination des consommateurs, et non un seuil lié à la contamination des cultures. La directive 2001/18/CE est très claire sur ce point. Il s'agit d'éviter la présence d'OGM dans d'autres produits. Cela concerne donc les cultures, et il n'est pas question des consommateurs.
La Commission européenne est extrêmement vigilante à l'égard des pays qui détourneraient la libre-concurrence. Elle n'aurait pas laissé passer la législation des pays ayant fixé leur seuil de contamination des cultures au seuil scientifique, c'est-à-dire à 0,1 %. Je persiste et je signe, monsieur le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Dans le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, supprimer le mot :
économique
II. Dans le même II, remplacer les mots :
une telle
par le mot :
cette
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bizet, rapporteur. Là encore, il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 201, présenté par MM. Pastor, Raoul, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après les mots :
différence entre
rédiger comme suit la fin du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural :
d'une part, le prix de vente du produit de la récolte soumis à l'obligation d'étiquetage visée au 3° du I ou perdant la possibilité d'être étiqueté « sans organismes génétiquement modifiés » et, d'autre part, celui d'un même produit non soumis à une telle obligation, ou étiqueté « sans organismes génétiquement modifiés ».
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à modifier la rédaction de la fin du II du texte proposé pour l'article L. 663-10 du code rural.
La mention « sans OGM » correspond à la définition retenue par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, dans sa note n° 2004?113. La présence de toute trace d'OGM est exclue du produit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Bizet. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 79, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, le dispositif qu'il vise à établir aurait pour effet de rendre l'utilisateur final, y compris le consommateur, responsable du préjudice causé si des plantes génétiquement modifiées étaient destinées à l'alimentation humaine.
Ensuite, on ne peut pas assimiler les coûts des contrôles spécifiques à un préjudice. Je vous renvoie d'ailleurs aux coûts des contrôles sur les phytosanitaires.
Enfin, le II de cet amendement paraît contradictoire avec l'explication qui nous est apportée. Il n'y a pas lieu de dire que la charge de la preuve repose sur les exploitants d'OGM, puisque c'est déjà le sens de la responsabilité de plein droit. De plus, on ne voit pas très bien pourquoi ces personnes établiraient un lien de causalité. Il s'agit plutôt de l'absence de lien qu'elles pourraient souhaiter démontrer.
L'amendement n° 116 vise à étendre le régime de la responsabilité aux personnes procédant à des essais.
Sur cette question intéressante, la commission a souhaité entendre l'avis du Gouvernement. De prime abord, une telle idée aurait pu paraître séduisante. Néanmoins, je souhaite formuler deux observations. D'une part, les essais sont menés dans le respect d'un cadre très strict. D'autre part, les parcelles d'essais, qui sont souvent de très petite taille, ne sont pas de nature à entraîner des seuils de présence fortuite supérieurs au seuil communautaire. Sur certains essais concernant le maïs, je vous le rappelle, les organes mâles sont castrés et les organes femelles sont encapsulés. Nous sommes donc bien au-delà des conditions normales d'exploitation. C'est ce que l'on entend par « respect d'un cadre très strict ».
Enfin, nous avons tous insisté sur la nécessité d'amplifier la recherche en la matière. Il ne faudrait donc pas que, par une telle modification du dispositif, on fasse peser une charge très lourde sur les établissements procédant à des essais. Je pense en particulier aux établissements publics de recherche.
Il vient d'être annoncé que 45 millions d'euros seraient consacrés à la recherche. Je n'aimerais pas qu'une telle annonce ne soit pas suivie d'effet parce que l'on aurait sanctionné les établissements publics de recherche.
C'est la raison pour laquelle, je le répète, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 116.
L'amendement n° 199, qui est pratiquement identique à l'amendement n° 116, appelle les mêmes observations.
L'amendement n° 200 vise à étendre la responsabilité aux distributeurs de semences en cas de contamination.
Je sais que le sujet soulève des questions, mais, à titre personnel, j'y suis plutôt défavorable. En effet, dès lors que le distributeur n'est pas en mesure de contrôler les conditions dans lesquelles les plantes génétiquement modifiées sont cultivées, pourquoi devrait-il être tenu pour responsable d'un éventuel préjudice ?
J'ai entendu les arguments de nos collègues du groupe socialiste, mais il faut bien garder un élément à l'esprit. C'est bien l'exploitant agricole qui choisit en définitive la parcelle sur laquelle il va semer la variété concernée. Souhaitons-nous véritablement instituer un dispositif dans lequel les distributeurs prendraient cette décision à la place des exploitants ? Je ne le pense pas.
En outre, selon les informations dont je dispose, les services du ministère de la justice trouveraient une telle modification problématique dans son application, en raison précisément de la liberté de choix laissée à l'exploitant.
L'amendement n° 117 concernant également l'extension de la responsabilité aux distributeurs de semences, il appelle les mêmes observations que l'amendement précédent.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 118, qui paraît purement redondant, et donc inutile.
Elle émet bien évidemment un avis favorable sur l'amendement n° 204, identique à son amendement n° 24.
En revanche, elle est défavorable à l'amendement n° 119.
Les auteurs de l'amendement sont dans une logique très particulière, qui consiste à faire supporter à l'ensemble de la collectivité nationale les exigences d'un cahier des charges privé. Vous comprenez que la commission ne puisse pas y souscrire.
L'amendement n° 201 vise à étendre le préjudice à la perte de la possibilité d'avoir un produit non OGM. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, et ce pour deux raisons. D'une part, il est concurrent avec son amendement n° 25. D'autre part, il paraît également aborder une question annexe, l'étiquetage du « sans-OGM ».