Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'organisation des transports scolaires en Île-de-France
Article 2

Article 1er

L'avant-dernier alinéa du II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les départements de la région Île-de-France qui, en vertu du présent alinéa, bénéficieraient d'attributions déléguées par le syndicat en matière d'organisation et de fonctionnement des transports scolaires, peuvent également déléguer, par convention, tout ou partie de ces attributions, à d'autres collectivités territoriales ou d'autres groupements de collectivités ou à des personnes morales de droit public ou de droit privé, sur des périmètres ou pour des services définis d'un commun accord. »

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :

ou à des personnes morales de droit public ou de droit privé

par les mots :

, syndicats mixtes, établissement d'enseignement, associations de parents d'élèves ou associations familiales

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je note que la parole ce matin est bien « seine-et-marnaise » ! (Sourires.) Il est vrai que les élus de ce département, compte tenu de sa dimension, sont particulièrement intéressés par l’adoption de ce texte.

Après la présentation de M. le rapporteur et après l’intervention de notre collègue Mme Nicole Bricq, chacun d’entre nous aura bien compris la motivation des auteurs des propositions de loi et saisi l’urgence qu’il y a à adopter de telles dispositions avant le 30 juin prochain.

II n’est donc nullement utile que je revienne sur les arguments qui vous ont été présentés pour justifier la prolongation du délai transitoire prévu par l’article 41 de la loi du 13 août 2004.

Ainsi, nous souscrivons sans aucun problème aux articles 2 et suivants des propositions de loi soumises à notre débat.

Notre amendement porte, quant à lui, sur l’article 1er, qui pose le principe de la double délégation.

Si nous sommes favorables à ce principe, nous sommes plus réservés sur les possibles destinataires de cette délégation de compétence, devenant par là même autorités organisatrices secondaires.

En effet, le texte que vous nous proposez dispose que cette délégation peut se faire au profit de personnes publiques ou privées. Nous aurions préféré une énonciation exhaustive des personnes morales de droit privé pouvant être délégataires de l’organisation du service de transport scolaire.

Dans la rédaction actuelle de l’article 1er de l’ordonnance de 1959, modifiée par la loi du 13 août 2004, cette délégation ne peut se faire qu’au profit de personnes publiques ; c’est le cinquième alinéa du paragraphe II. Seule l’exécution matérielle du service peut faire l’objet d’une délégation à une entreprise privée ou à une association ayant passé convention avec l’autorité compétente.

Hors Île-de-France, l’organisation du service peut être déléguée à des personnes morales de droit privé limitativement énoncées dans le code de l’éducation aux articles L.213-11 et L.213-12. Ainsi, les conseils généraux peuvent confier tout ou partie de l’organisation des transports scolaires à des communes, groupements de communes, syndicats mixtes, établissements d’enseignement, associations de parents d’élèves ou associations familiales, ces entités devenant autorités organisatrices secondaires par délégation du département.

L’objet de cet amendement est donc de rapprocher le régime juridique de l’organisation des transports scolaires en province de celui qui s’applique en Île-de-France.

Nous estimons qu’une définition limitative des personnes morales de droit privé pouvant, par délégation, organiser la desserte des transports scolaires, excluant de fait le secteur marchand, est nécessaire au regard de la dimension d’intérêt général inhérente à cette mission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Houel, rapporteur. Monsieur Billout, permettez-moi tout d’abord de rappeler brièvement l’état du droit en matière de transports scolaires.

Le décret du 4 mai 1973 relatif à l’organisation des services spéciaux de transports publics routiers réservés aux élèves prévoyait que les services de transports scolaires étaient assurés par les départements, mais qu’ils pouvaient également l’être, à défaut, ou dans la mesure où il en résulterait une moindre dépense totale, soit par les communes et leurs groupements, soit par les établissements d’enseignement, soit par les associations de parents d’élèves et les associations familiales, pour les circuits existants dont elles sont organisatrices à la date du présent décret.

L’article 28 du décret du 10 juin 2005, portant statut du STIF et modifiant certaines dispositions relatives à l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, a abrogé ce décret de 1973.

Toutefois, ce même article 28 autorise les organisateurs de transports scolaires à continuer d’appliquer les dispositions du décret du 4 mai 1973 précité pour la conclusion des contrats en vue de la campagne scolaire 2005-2006.

En outre, les contrats conclus avant la publication du décret de 2005 peuvent être poursuivis jusqu’au terme prévu par leur stipulation et ils peuvent même être renouvelés dans la limite de la période transitoire de trois ans, dont nous avons parlé précédemment.

L’expression « personnes morales de droit privé » retenue par les deux propositions de loi me semble préférable à une énumération stricte des personnes autorisées à recevoir délégation de compétences des départements en matière de transports scolaires.

Premièrement, le dispositif des deux propositions de loi a fait l’objet d’une large concertation, et nous devons les adopter en urgence avant le 1er juillet 2008. Nous devons donc agir avec circonspection avant de modifier une disposition. D’ailleurs, à ce sujet, mon cher collègue, nous avons interrogé le STIF, qui nous a confirmé que la formule retenue dans le texte lui convenait très bien.

Deuxièmement, il convient de rappeler que 93 % des organisateurs locaux sont aujourd’hui des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale. L’amendement n° 1 ne porte donc pas sur un enjeu majeur.

Troisièmement, l’expression « personnes morales de droit privé » offre une plus grande souplesse au STIF et aux départements pour organiser le transport scolaire. Ainsi, en l’état actuel du texte, toute association qui n’a pas pour objet exclusif le transport de personnes, ce qui est interdit par la loi d’orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982, pourra organiser des transports scolaires.

Enfin, je crois pouvoir vous rassurer, mon cher collègue, en vous disant que, selon les informations dont je dispose, le STIF et les départements franciliens n’ont pas du tout l’intention de déléguer leurs compétences en matière d’organisation des transports scolaires à des sociétés privées commerciales. Nous ne sommes pas dans le cadre d’une délégation de service public.

C’est pourquoi je vous demande de retirer cet amendement. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Avis défavorable également.

M. le président. Monsieur Billout, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?

M. Michel Billout. Je veux bien croire qu’il ne soit pas dans l’intention de l’actuel président du STIF de déléguer ses compétences à un organisateur de transports privés, mais les choses peuvent évoluer.

M. Michel Billout. Il me semble donc que, de ce point de vue, la loi ne peut pas être rédigée en fonction des acteurs présents, et qu’il est bon, dans ce secteur, qui est extrêmement sensible, et où l’intérêt général doit absolument continuer à prévaloir, d’encadrer de façon exhaustive les personnes morales de droit privé qui pourraient obtenir cette délégation liée à l’organisation des transports scolaires.

C’est pourquoi je maintiens mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

Dans le II de l'article 41 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « six ans ».  – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

L'article 105 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans la région Île-de-France, en cas de convention passée entre le Syndicat des transports d'Île-de-France et un département de la région, pour l'organisation et le fonctionnement des transports scolaires, en vertu du cinquième alinéa du II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, les fonctionnaires de l'État affectés dans des services ou parties de service exerçant ces compétences et transférés au syndicat en application de la présente loi peuvent être mis à disposition du président du conseil général, à titre individuel, sur proposition du directeur général du syndicat. Ils sont placés, pour l'exercice de leurs missions, sous l'autorité du président du conseil général.

« Au terme ou en cas de dénonciation de la convention liant le Syndicat des transports d'Île-de-France au département avant le terme du délai mentionné au I de l'article 109, il est mis fin à la mise à disposition de ces agents auprès du département. Ils sont mis à disposition du directeur général du Syndicat des transports d'Île-de-France. Pour l'application à ces agents du délai mentionné au I de l'article 109, la durée de la mise à disposition effectuée auprès du département est comptabilisée dans la durée de la mise à disposition prononcée au titre du premier alinéa du présent article. »  – (Adopté.)

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

Après le III bis de l'article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« III ter. - Dans la région Île-de-France, les fonctionnaires de l'État affectés dans les services ou parties de service exerçant les compétences transférées au Syndicat des transports d'Île-de-France en matière d'organisation et de fonctionnement des transports scolaires, qui ont vocation à exercer leurs fonctions auprès d'un département dans les conditions définies au quatrième alinéa de l'article 105 et qui ont opté pour le maintien de leur statut ou qui, à l'expiration du délai mentionné au I du présent article, n'ont pas fait usage du droit d'option mentionné au même I, sont placés en position de détachement sans limitation de durée auprès de ce département dans les conditions prévues par l'article 147 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

« Au terme ou en cas de dénonciation de la convention liant le Syndicat des transports d'Île-de-France au département conclue en vertu du cinquième alinéa du II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, les agents détachés auprès du département sont placés de plein droit en position de détachement sans limitation de durée auprès du syndicat. »  – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'organisation des transports scolaires en Île-de-France
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions de la commission des affaires économiques sur les propositions de loi nos 354 et 373, je donne la parole à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de notre collègue Michel Houel qui a déposé et rapporté cette proposition de loi sur les transports scolaires en Île-de-France ainsi que celle de nos collègues socialistes, qui ont présenté un texte identique.

Ce texte constitue une réponse simple et consensuelle à des difficultés d’ordre technique et juridique qui sont apparues dans l’organisation des transports scolaires dans notre région en application de la loi de 2004, ainsi que l’ont rappelé les différents intervenants.

Je ne détaillerai pas le dispositif choisi qui consiste, à titre principal, à prolonger la période de transition prévue par la loi. Mais je soulignerai le résultat qu’il permettra d’atteindre, continuer d’offrir à nos concitoyens un service de proximité indispensable afin d’assurer à chacun la capacité de se déplacer pour étudier dans la ville de son choix.

C’est pourquoi j’apporterai tout mon soutien à ce texte en tant qu’élu des Yvelines – en effet, cela ne concerne pas exclusivement la Seine-et-Marne - mais aussi en tant que porte-parole du groupe UMP, qui votera cette proposition de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur les propositions de loi nos 354 et 373.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents.

Mes chers collègues, en attendant l’arrivée de Mme la ministre de l’intérieur, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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4

 
Dossier législatif : projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux
Discussion générale (suite)

Chiens dangereux

Adoption définitive d'un projet de loi en troisième lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en troisième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (nos 344, 372).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux
Article 4 bis

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser mon retard. Il était en effet prévu de longue date que je sois entendue conjointement par la commission des finances et la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de règlement du budget de l’année 2007.

Avant d’en venir au projet de loi lui-même, permettez-moi de souligner la qualité des échanges auquel il a donné lieu entre le Sénat et l’Assemblée nationale. À l’heure où, dans le débat sur l’avenir de nos institutions, certains voudraient remettre en cause le bicamérisme, cela montre combien le dialogue des deux chambres est essentiel au bon fonctionnement de la démocratie et à l’amélioration des textes.

En effet, ce projet de loi a connu de véritables améliorations grâce au travail effectué par les parlementaires des deux assemblées. Je tiens tout particulièrement à saluer le travail du rapporteur de votre commission des lois, Jean-Patrick Courtois, et du rapporteur pour avis de votre commission des affaires économique, Dominique Braye.

Dès le départ, j’ai souhaité – car je pense que c’est de bonne méthode législative – que les projets de décret d’application de ce projet de loi puissent être établis sur la base des premiers débats parlementaires et soient transmis, le plus rapidement possible, avant même la conclusion de ces débats, à tous les sénateurs et députés. C’est seulement ainsi qu’il est possible d’obtenir une vue d’ensemble du dispositif en discussion, dans le respect du partage du travail entre le Parlement et le Gouvernement.

Je ne rappellerai que très brièvement les grands axes de ce projet de loi que vous connaissez déjà parfaitement et qui est fondé sur la responsabilisation des propriétaires et détenteurs de chiens.

En effet, plusieurs accidents survenus au cours des derniers mois ont montré l’insuffisance des dispositions législatives antérieures relatives aux chiens dangereux. Il apparaissait donc nécessaire de franchir une nouvelle étape, celle de la responsabilisation des propriétaires et détenteurs de chiens, tant sur la voie publique – où le droit existant permettait déjà d’exercer un certain contrôle – que dans la sphère privée puisque de nombreux accidents sont survenus dans ce cadre.

La prévention est le préalable nécessaire à la mise en œuvre de la responsabilisation. Ce texte en organise les conditions, tout en prévoyant de nouvelles sanctions contre les comportements dangereux : c’est la seule façon de rendre effective la prévention.

Aujourd’hui, seuls trois articles restent en débat.

Deux de ces articles, portant sur la prévention des accidents causés par les chiens dangereux, ont été supprimés, en tout ou en partie, par l’Assemblée nationale. Il s’agit, d’une part, du I de l’article 4 bis, qui instaurait une évaluation comportementale obligatoire pour tous les chiens âgés d’un an et répondant à des critères de poids définis par voie réglementaire, et, d’autre part, de l’article 13 bis, supprimé par coordination puisqu’il fixait les modalités d’entrée en vigueur du dispositif créé par le I de l’article 4 bis.

Cette double suppression est en cohérence avec les mesures prévues pour améliorer la prévention : l’instauration d’un certificat vétérinaire obligatoire pour tous les chiens, la création d’un permis de détention pour les chiens dangereux et la formation obligatoire pour les détenteurs de chiens dangereux.

Le dernier article en discussion porte sur le renforcement des sanctions contre les comportements dangereux, corollaire de la responsabilisation. Il s’agit de l’article 5 ter, relatif à la réglementation des activités privées de sécurité, qui précise les modalités de sanction d’un agent cynophile.

D’autres mesures s’inscrivent dans cette perspective. Ainsi, les faits d’imprudence grave pouvant entraîner la mort doivent faire l’objet d’une répression aggravée et graduée. De même, les délits relatifs à la garde et à la circulation des animaux doivent donner lieu à une réponse pénale plus efficace, au moyen d’une formation de jugement composée d’un seul magistrat, ce qui permettra d’accélérer les procédures.

Les dispositions restant en discussion se situent, en tout état de cause, dans la cohérence du projet de loi tel qu’il résulte de la navette parlementaire. Je pense que nous sommes parvenus à un texte équilibré, conformément au souhait de votre assemblée.

Pour nombre de Français, les chiens sont des compagnons de la vie quotidienne, mais les chiens dangereux représentent une menace réelle et concrète pour la sécurité de tous nos concitoyens. Nous avons le devoir de permettre à chacun de vivre en toute tranquillité, en toute sécurité et en toute confiance : c’est ainsi que nous pourrons créer une société plus apaisée et plus responsable. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection contre les chiens dangereux, adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 15 mai 2008, nous revient en troisième lecture. Il est donc temps de conclure un débat qui a commencé en octobre 2007, afin que cette loi puisse rapidement entrer en vigueur.

Avant toute chose, madame le ministre de l’intérieur, je voudrais saluer votre engagement en faveur de l’aboutissement de cette réforme, ainsi que la collaboration efficace entretenue jusqu’à aujourd’hui avec mes collègues Catherine Vautrin, rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, et Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat.

Il faut le souligner, le Sénat a fortement influencé la rédaction du texte et, en deuxième lecture, l’Assemblée nationale a, pour l’essentiel, validé la philosophie d’ensemble que nous avons développée dès le départ, avec mon collègue Dominique Braye.

L’Assemblée nationale a ainsi accepté d’encadrer par une qualification professionnelle spécifique l’activité des agents de surveillance et de gardiennage utilisant des chiens, de faciliter la mise en œuvre du permis de détention des chiens de première et deuxième catégories en excluant les détenteurs temporaires de l’obligation de permis, ou encore, de mieux définir l’objet du fichier national canin. En outre, elle a accepté l’observatoire préconisé par nos collègues du groupe socialiste.

Deux points restent à trancher.

Tout d’abord, à l’article 5 ter, l’Assemblée nationale a complété le dispositif pour préciser les sanctions encourues par un agent de sécurité et de surveillance utilisant un chien qu’il détiendrait dans des conditions inacceptables. Cet agent s’exposerait ainsi au retrait sa carte professionnelle, ce qui est une bonne chose.

Ensuite, l’Assemblée nationale a de nouveau rejeté l’extension de l’évaluation comportementale aux « gros chiens » qui n’appartiennent pas aux catégories de chiens dangereux définies par la loi. En effet, afin de détecter les troubles du comportement chez un chien et d’éclairer le maire dans ses décisions à son sujet, nous avions étendu, sur l’initiative de notre collègue Dominique Braye, le dispositif d’évaluation comportementale à tous les chiens âgés d’un an et répondant à des critères de poids définis par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de l’agriculture.

Les députés ont estimé que l’application de ce dispositif serait difficile, mettant en avant le coût de la mesure et l’importance du « stock » existant de chiens susceptibles d’être soumis à évaluation comportementale. J’en prends acte.

Tout comme mon collègue Dominique Braye, je vous demanderai simplement, madame le ministre, de bien vouloir veiller à ce que la tarification des évaluations comportementales demeure raisonnable pour les propriétaires de chiens, car il s’agit d’une condition essentielle pour le succès de ce dispositif. Nous serons vigilants sur ce point dans l’évaluation de l’application de la loi.

Aussi, tout en maintenant mes réserves sur les limites actuelles des catégories de chiens dangereux définies par la loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, catégories qui doivent évoluer, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter ce projet de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous allons examiner aujourd’hui nous revient en troisième lecture, après avoir été discuté à deux reprises par chacune de nos assemblées.

Largement amendé, ce projet de loi est un texte majeur pour notre législation en matière de chiens dangereux et devient précurseur à l’échelle européenne. Il comble en effet les lacunes de la loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, pionnière en ce domaine, mais qui a laissé subsister de nombreuses failles dans la législation.

Le projet de loi que nous nous apprêtons à adopter satisfait donc à l’objectif qu’il aurait dû viser dès le départ : responsabiliser les propriétaires de chiens considérés comme dangereux.

Il a le grand mérite d’insister sur la question de la prévention, primordiale pour endiguer la multiplication d’accidents que nos concitoyens ont eu à subir ces dernières années. Il ne néglige pas pour autant les sanctions applicables aux propriétaires de chiens dangereux ; il tend même à les renforcer.

Prévention et répression sont ainsi les deux piliers de ce texte majeur, qui atteint son but grâce à quatre dispositions principales.

Tout d’abord, il s’agit de vérifier la capacité des personnes à détenir des chiens dangereux grâce à une formation spécifique sanctionnée par une attestation d’aptitude. Je rappelle que nous avions présenté, dès l’été dernier, avec mon collègue Yves Détraigne, une proposition de loi tendant à créer un « permis de détention ». En effet, trop de propriétaires de chiens dangereux sont manifestement inaptes à les contrôler, et ces mêmes chiens deviennent, entre leurs mains, des armes d’une extrême dangerosité pour les plus faibles – et pour eux-mêmes !

Il s’agit également d’imposer une évaluation comportementale des chiens de première et deuxième catégories, afin d’apprécier a priori la dangerosité potentielle des chiens concernés.

Il est ensuite nécessaire, pour contrôler la population de chiens en circulation, d’encadrer fermement la vente et la cession des chiens dangereux. Il faut en contrôler plus précisément les effectifs afin d’influer sur eux plus efficacement.

Enfin, le texte a largement amélioré la procédure pénale relative aux infractions liées aux chiens dangereux, en coordonnant de nombreuses dispositions jusqu’ici hétéroclites.

Je voudrais également profiter de cette discussion générale, madame le ministre, pour vous interpeller sur un point qu’a soulevé un agent de police municipale et qui gagnerait à être pris en compte dans le décret d’application du texte dont nous discutons.

En effet, pour mettre en œuvre ce projet de loi, de nombreuses catégories de professions vont être chargées de la capture des chiens dangereux. Cette capture suppose le port d’un costume dit « de dressage au mordant », assurant une protection. Il existe un vide juridique à ce sujet, car ce genre de vêtement ne peut être officiellement porté que par les membres d’associations ou de clubs pratiquant cette activité ainsi que par les fonctionnaires de la police nationale, les gendarmes, les douaniers et tous les utilisateurs de chien. Or, à ce jour, aucun texte ne permet à un service de police municipale d’acquérir et de détenir des costumes de ce type. Je vous prierai donc, madame le ministre, de trouver une solution à cette question, dont le règlement semble relativement simple.

Pour conclure, je voudrais insister sur le fait que l’endiguement du « phénomène pitbull » constituera un travail de longue haleine, nécessitant que tous les acteurs de terrain se mobilisent conjointement. Le « risque zéro » n’existe pas, nous le savons bien, mais le risque d’accident peut être considérablement réduit grâce à une politique de formation adaptée et à la menace de sanctions contre la négligence éventuelle des propriétaires.

Si ce projet de loi est adopté – et je ne doute pas qu’il le sera –, la France sera le pays européen le plus en avance sur la question épineuse des chiens dangereux.

Certes, plusieurs points restent en suspens, comme l’extension de la procédure d’évaluation comportementale aux chiens n’appartenant pas aux première et deuxième catégories mais qui, en raison de leur poids ou de leur âge, présentent un risque pour leur entourage. Malgré tout, nous aurons fait un grand pas dans la bonne direction. Le groupe UC-UDF votera donc ce texte, même si des progrès méritent encore d’être accomplis.

Il me reste à remercier et à féliciter nos rapporteurs, mes collègues députés et sénateurs pour leur excellent travail sur ce projet de loi, ainsi que vous, madame le ministre, pour votre implication et votre apport constructif à ce débat parlementaire. (Applaudissements sur le banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici invités à conclure les débats sur le projet de loi relatif aux chiens dits dangereux par un examen en troisième lecture devant la Haute Assemblée.

Au cours de la deuxième lecture devant l’Assemblée nationale, les députés ont apporté deux modifications substantielles au texte issu de nos travaux.

Premièrement, les articles 4 bis et 13 bis, portant sur la question centrale de l’évaluation comportementale des chiens pressentis dangereux, ont été supprimés. Je regrette profondément que les dispositions votées ici en deuxième lecture aient été balayées par l’Assemblée nationale.

Je rejoignais totalement les propositions de notre collègue Dominique Braye visant à appréhender la dangerosité potentielle des chiens autrement que par leur seul classement dans les première et deuxième catégories : en effet, en toute rigueur scientifique, ce sont le poids et la puissance de la mâchoire de l’animal qui sont les facteurs déterminants de la gravité de la morsure.

Les arguments de second ordre invoqués par nos collègues députés pour supprimer les articles que nous avions adoptés ne pèsent rien par rapport à ces considérations scientifiques. Souhaite-t-on vraiment réaliser des évaluations comportementales permettant de prévenir effectivement les risques de morsures graves ou se contente-t-on de faire de l’affichage ? Quoi qu’il en soit, nous déplorons fortement ce recul.

Deuxièmement, un article 5 ter relatif aux conditions d’utilisation d’un chien dans le cadre des activités privées de sécurité a été introduit. Cet article valide le dispositif adopté en deuxième lecture au Sénat, en le précisant judicieusement. Notre groupe y est donc favorable.

Au final, on nous demande un vote conforme sur un texte qui reste entaché de sa « tare originelle » : chercher à répondre au diktat de l’urgence médiatique et du compassionnel. Non qu’il ne faille pas penser aux victimes de ces accidents dramatiques, bien au contraire ; cependant, si nous avions véritablement voulu prendre en compte la souffrance de ces victimes, pour la plupart des enfants, nous aurions légiféré sur le sujet dans toute sa complexité, en évitant les raccourcis.

Nous avons bien travaillé et su faire émerger des propositions constructives, au-delà des clivages politiques, ce qui me réjouit profondément. Mais le texte qu’on nous demande d’adopter pose à notre groupe trois problèmes de fond.

Tout d’abord, il reste marqué par la notion de caractérisation génétique. Celle-ci est parfaitement inopérante si l’on souhaite relever le défi des morsures graves : plus de 80 % des morsures mortelles sont le fait de chiens n’appartenant pas aux fameuses première et deuxième catégories. Il en est ainsi des labradors et bergers allemands, qui sont les premiers chiens tueurs dans notre pays, mais ne sont pas visés par les dispositions d’évaluation prévues dans le texte.

Cette caractérisation génétique exclusive est stigmatisante pour les chiens, bien sûr, mais aussi et surtout pour leurs propriétaires. Or chacun sait que le problème de comportement d’un chien n’est pas principalement d’ordre génétique, mais provient de l’éducation qu’il a reçue en termes de socialisation, surtout en bas âge : tel maître, tel chien.

Ensuite, le texte privilégie outrageusement la répression.

Je me dois de le rappeler, la plupart des accidents graves se déroulent dans la sphère privée et, dans ce contexte, la solution au problème que nous avons à traiter – la diminution des accidents par morsures graves – relève d’abord de la prévention et de la sensibilisation des familles et des victimes prioritaires que sont les enfants.

C’est pourquoi notre groupe dénonce l’approche déséquilibrée du texte, qui fait prévaloir la répression des propriétaires des chiens mordeurs.

Ainsi, l’article 8 bis, qui résulte de l’adoption d’un amendement du Gouvernement faisant suite à une initiative médiatique du Président de la République, introduit une disposition aggravant encore le caractère répressif du texte, et dont la pertinence s’effondre dès lors que l’on tente de prendre vraiment en compte la réalité du terrain. En effet, madame la ministre, mes chers collègues, je rappelle que les accidents se déroulent essentiellement dans les familles

Enfin, le texte introduit une injustice notoire à l’égard des familles modestes. En supprimant l’excellent article 12 proposé par le Gouvernement, concernant les dispensaires de protection animale, le texte met en péril ces structures associatives qui jouent un rôle pourtant essentiel dans la prise en charge sanitaire d’animaux appartenant à des familles n’ayant pas les moyens de payer les services des vétérinaires libéraux. C’est une question de santé publique, mais aussi de solidarité avec les familles moins aisées, pour lesquelles l’animal de compagnie joue un rôle important. Cette question est d’autant plus sensible que la période actuelle est marquée par la problématique lancinante du pouvoir d’achat.

Pour ces trois raisons de fond, notre groupe pourrait voter contre le texte proposé. Néanmoins, nous souhaitons prendre acte d’une inflexion significative apportée au cours de la discussion en première et deuxième lectures au Sénat : la création d’un Observatoire national du comportement canin, pierre angulaire de la politique de prévention, si nécessaire, que nous appelons de nos vœux.

Nous nous réjouissons en effet de l’adoption définitive de notre proposition tendant à l’instauration d’un tel observatoire. Je rappelle que sa vocation est de centraliser les statistiques liées aux morsures canines et d’élaborer, de façon interdisciplinaire, des outils scientifiques d’évaluation du comportement canin, en vue de coordonner de grandes campagnes de sensibilisation et de formation aux relations entre l’homme et le chien.

Dans une perspective de diminution des accidents par morsures de chiens, de telles campagnes sont absolument prioritaires. C’est pourquoi je salue la constance avec laquelle la Haute Assemblée a défendu cette position, notamment face à la chambre basse.

Ainsi, cet observatoire représente pour notre groupe une avancée notoire, un outil central dans la prévention des morsures : sa création introduit une inflexion sensible du texte dans le sens de la prévention.

À cet égard, veillons à ce que cette structure ne soit pas une coquille vide : en développant effectivement les actions de prévention et de sensibilisation – à l’instar de celles qui sont menées par la Prévention routière –, nous en ferons un outil efficace pour modifier non seulement les comportements des maîtres, mais aussi celui des premières victimes exposées aux morsures de chiens, à savoir les enfants.

je souhaite que, dans la mise en œuvre de cette dynamique, on donne toute leur place aux praticiens exerçant dans le domaine cynophile, comme les vétérinaires comportementalistes, dont je me suis largement inspiré pour mon travail de recherche et de proposition. À cet égard, je tiens à mentionner l’association de vétérinaires comportementalistes présidée par le docteur Beata, Zoopsy, qui conduit de nombreuses recherches et qui est pour nous une véritable mine de propositions.

Madame la ministre, mes chers collègues, sous le bénéfice de l’ensemble de ces considérations, notre groupe a décidé de s’abstenir sur ce texte, qui reste trop marqué, à nos yeux, par une approche excessivement répressive.