M. le président. L'amendement n° 214, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le Parlement conduit la politique économique et sociale du pays. Il décide de la politique budgétaire. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement a déjà été repoussé à plusieurs reprises parce qu’il ne correspond pas à notre système politique.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Cointat et Duvernois et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l'article 47 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout acte, quelle qu'en soit la nature, ayant pour objet ou pour effet de rendre des crédits prévus par les lois de finances indisponibles, est subordonné à l'avis des commissions compétentes de chaque Assemblée. »
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. La fin de l’année est toujours très occupée au Parlement puisque nous débattons du budget. Or il est particulièrement frustrant, année après année, alors que pendant plus de six semaines l’Assemblée nationale et le Sénat ont travaillé jour et nuit pour des modifications finalement très mineures sur le budget proprement dit, de voir que, quelques semaines après, le Gouvernement, sur proposition de ses hauts fonctionnaires, bloque d’un trait de plume 20 % des crédits. On en arrive à se demander à quoi nous servons !
Or j’avais cru comprendre, lorsque je suis devenu parlementaire, que le vote du budget était un moment fort, qui traduisait l’attachement de la majorité à la politique du Gouvernement. C’était donc un choix politique. Mais ce dernier est remis en question quelque temps après sans que nous ayons eu notre mot à dire, et c’est tout à fait regrettable.
Monsieur le secrétaire d’État, vous n’êtes pas personnellement en cause ; ce sont tous les gouvernements successifs depuis fort longtemps que je vise, car c’est une pratique bien établie.
Il faut savoir ce que l’on veut : ou le budget est un acte politique, et le Gouvernement doit le respecter et les parlementaires doivent également l’assumer, ou alors c’est un simple exercice comptable.
L’amendement a pour but d’obliger le Gouvernement non pas à revenir devant le Parlement en cas de modification importante mais à avoir le minimum d’attention à l’égard de ce dernier et à demander l’avis des commissions compétentes des deux assemblées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement a pour objet de soumettre les mesures de régulation budgétaire, gels ou annulations de crédits, à l’avis des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.
La loi organique relative aux lois de finances prévoit pour l’instant, à l’article 14, une information des commissions des finances quand le Gouvernement décide de telles mesures.
L’amendement présenté par notre collègue Christian Cointat évoque une véritable question : le respect des mesures budgétaires votées par le Parlement.
Les excès de la régulation budgétaire ont d’ailleurs été dénoncés par la Cour des comptes. Toutefois, mon cher collègue, la modification envisagée paraît plutôt relever de la loi organique relative aux lois de finances que de la Constitution.
L’idée est tout à fait intéressante, me semble-t-il, mais la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. L’amendement est une bonne interpellation, mais il pose deux problèmes.
D’une part, comme l’a dit M. le rapporteur, il modifie une règle qui figure à l’article 14 de la LOLF et non dans la Constitution.
D’autre part, en passant d’une procédure d’information à une procédure d’avis préalable, vous modifiez, me semble-t-il, fortement la répartition des compétences entre le Gouvernement et le Parlement. Le vote des lois de finances et le contrôle de leur exécution relèvent évidemment du Parlement, mais leur exécution relève du Gouvernement, qui peut, en fonction notamment de la conjoncture, modifier le rythme de la consommation.
Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je voudrais simplement rappeler que, en matière de lois de finances, sous le régime de 1958 en tout cas, c’est l’équilibre budgétaire arrêté par le Parlement qui doit être impérativement respecté. La dépense est autorisée, mais non imposée. Si l’on considère qu’elle doit être obligatoirement exécutée, l’équilibre du budget pourrait être compromis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, en plus !
M. Michel Charasse. Dans les circonstances actuelles, et vu la situation des finances publiques, personne n’a intérêt à ouvrir cette brèche.
J’ajoute que M. Cointat, pour qui j’ai beaucoup d’estime et avec les propositions constitutionnelles de qui je suis souvent d’accord, nous propose de modifier, par le biais de la Constitution, un article de la loi organique, comme M. le rapporteur l’a souligné, ce qui est quand même le monde renversé !
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Même si, vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne me fais pas d’illusion sur l’issue de cet amendement, il ne faut pas le balayer aussi rapidement d’un revers de main, car le sujet est important.
M. le président. C’est un signal !
M. Christian Cointat. C’est l’expression d’un accès de mauvaise humeur budgétaire, si je puis dire.
En fait, il s’agit de savoir si le Parlement a de véritables pouvoirs ou non. Certes, je suis d’accord avec M. Charasse, c’est l’équilibre budgétaire qui est important. Mais quand sont bloqués, en janvier ou en février, 20 % des crédits, qui peuvent être réinjectés en novembre, comment voulez-vous qu’ils soient bien dépensés et que soit menée une véritable politique ? Une telle pratique perturbe le fonctionnement de l’État et coûte en réalité beaucoup plus cher.
Certes, le budget n’est pas exécutoire en France, mais il l’est dans de grandes démocraties. Je ne dis pas qu’il faille aller dans ce sens, mais ayons au moins un peu de considération pour le Parlement ! Cet amendement ne vise qu’à demander l’avis des commissions des finances ; le Gouvernement fera ensuite ce qu’il voudra. Le fait de demander l’avis des commissions le rendra certainement plus sage…
Cela étant, après avoir fait part de ma mauvaise humeur budgétaire, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 379 rectifié bis, présenté par MM. Lambert, du Luart, Marini et Charasse, est ainsi libellé :
Avant l’article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article 47 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au début de la discussion générale en première lecture devant chaque assemblée, le ministre chargé du budget et le chef de l’administration en charge de la préparation du projet de loi de finances prêtent serment du respect par le projet de loi de finances du principe de sincérité. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement fait partie de la série des amendements déposés par M. Lambert et qu’il m’a demandé de cosigner parce qu’il ne pouvait être présent en séance publique pour les défendre.
Cet amendement vise à « obliger l’État à respecter sa parole », comme le préconise le Président de la République dans son ouvrage Témoignage, publié en juillet 2006, que je n’ai personnellement pas lu, je dois l’avouer.
Il est nécessaire que les principaux responsables politiques et administratifs s’engagent à ce que tout ait été accompli pour garantir la sincérité du projet de loi de finances, au sens de la loi organique relative aux lois de finances. Cette sincérité s’apprécie en fonction « des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Les deux responsables visés par l’amendement ne peuvent s’engager que sur le projet, mais pas sur la loi, dont le contenu dépend de la discussion parlementaire. Il va, toutefois, de soi que la sincérité doit également être respectée dans l’attitude du Gouvernement tout au long du débat budgétaire.
C’est la raison pour laquelle M. Lambert et ses collègues proposent une prestation de serment (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) du « ministre chargé du budget » et du « chef de l’administration en charge de la préparation du projet de loi de finances » (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sur quoi prêtent-ils serment ?
M. Thierry Repentin. Sur la Constitution !
M. Michel Charasse. Mes chers collègues, je suis loyal à l’égard de mon collègue !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Le Gouvernement est extrêmement sensible au fait que l’on veuille ainsi revenir à la pratique du serment. Il se rappelle les serments célèbres qui sont à l’origine de notre histoire parlementaire !
Néanmoins, je ne suis pas sûr que le serment du ministre chargé du budget…
M. Thierry Repentin. Soit sincère !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État.… ait une portée historique aussi forte !
Par ailleurs, faut-il que seul le ministre chargé du budget et son directeur assument l’acte collégial que constitue le budget pour l’ensemble du Gouvernement ? Évitons peut-être des serments multiples !
Si M. Charasse avait l’amabilité de retirer l’amendement…
M. le président. Monsieur Charasse, l’amendement n° 379 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. J’avais promis de le présenter, monsieur le président, c’est ce que j’ai fait.
Cela étant, je rappelle que l’auteur du budget est le Premier ministre,…
M. Michel Charasse.… puisque le ministre chargé du budget agit sous son arbitrage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est lui qui doit prêter serment !
M. Thierry Repentin. Il faudra relire ce débat au Journal officiel ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Pour ce motif, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 379 rectifié bis est retiré.
Article 21
I. - Le dernier alinéa des articles 47 et 47-1 de la Constitution est supprimé.
II. - Après l’article 47-1 de la Constitution, il est inséré un article 47-2 ainsi rédigé :
« Art. 47-2. - La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens. »
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin et A. Boyer, est ainsi libellé :
I.- Rédiger comme suit le début de la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l’article 47-2 de la Constitution :
Dans les conditions prévues par les lois organiques et les lois et règlements, la Cour des comptes, juridiction indépendante, assiste…
II.- Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l’article 47-2 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« La Cour des comptes ne peut porter, dans ses actes, aucune appréciation d’opportunité sur les politiques publiques et les comptes qui lui sont soumis. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Dans cet article concernant la Cour des comptes, qui a été ajouté par l’Assemblée nationale, je propose d’indiquer, dans le premier paragraphe, que la Cour des comptes est une « juridiction indépendante », puisque le Conseil constitutionnel a dû le rappeler dans sa décision sur la récente loi organique relative aux lois de finances. Nous avions fait l’erreur de nous arroger le droit de fixer le rôle de la Cour des comptes, ce qui relève de la seule juridiction.
Dans le second paragraphe, je propose de préciser que la Cour des comptes, comme nous l’avons indiqué clairement dans la loi sur les chambres régionales des comptes, ne peut jamais porter d’appréciation d’opportunité.
M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Elle juge les comptes et n’a pas à se substituer à l’appréciation politique des autorités responsables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’indépendance de la Cour des comptes est un principe reconnu en tant que juridiction administrative par le Conseil constitutionnel. Il n’est pas nécessaire de rappeler dans la Constitution ce qui relève d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Jusqu’à présent, nous avons évité de le faire dans ce texte.
L’interdiction faite à la Cour des comptes de porter toute appréciation d’opportunité paraît très restrictive, mais nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises. Les recommandations de la Cour des comptes n’engagent pas le législateur, mais doivent cependant être une source d’inspiration utile dont il serait sans doute regrettable de se passer.
Dans ces conditions, la commission vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer l’amendement n° 26 rectifié bis ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. La définition des missions de la Cour des comptes inscrite dans le nouvel article 47-2 de la Constitution paraît largement suffisante au niveau constitutionnel.
Des précisions supplémentaires doivent être apportées par les lois organiques et le code des juridictions financières, mais il n’est pas nécessaire de surcharger le texte constitutionnel.
Monsieur le sénateur, vous souhaitez affirmer que la Cour des comptes est une juridiction indépendante. Comme vous le mentionnez vous-même, le juge constitutionnel l’a déjà indiqué. II me semble qu’il n’y a aucun doute sur ce point. L’inscrire dans la Constitution ne me paraît pas vraiment nécessaire et serait même de nature à introduire un doute sur ce point, ce qui n’est évidemment pas votre intention.
Par ailleurs, il n’est évidemment pas souhaitable d’indiquer que la Cour des comptes ne peut porter aucune appréciation d’opportunité, notamment dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques, même s’il faut être conscient qu’une telle évaluation ne s’apparente pas à un simple exercice comptable et suppose une grande liberté d’analyse pour que l’évaluation soit efficace et utile.
M. le président. Monsieur Charasse, l’amendement n° 26 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je serai inflexible sur cette question qui touche à la séparation des pouvoirs. Je veux bien renoncer au premier paragraphe, le Conseil constitutionnel ayant déjà précisé qu’il s’agissait d’une juridiction indépendante, mais il est insupportable d’avoir peur de rappeler que les juridictions financières ne peuvent porter d’appréciation d’opportunité.
Nous nous sommes trop battus tout un après-midi ici à l’occasion du rapport de notre ancien collègue Oudin pour que les chambres régionales des comptes cessent de s’immiscer dans l’appréciation politique des décisions des collectivités locales…
M. Jean-Patrick Courtois. C’est vrai !
M. Michel Charasse. … pour accepter que la Cour des comptes fasse de même en ce qui concerne les domaines qu’elle contrôle. Elle n’a pas à apprécier et à juger les politiques.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est inconstitutionnel !
M. Michel Charasse. Elle apprécie si une politique a réussi ou non, si on aurait pu faire autrement, mieux ou moins cher, mais, sur le fond, le choix de la dépense ne la regarde pas. Seuls les élus du suffrage universel sont compétents pour cela !
En conséquence, je modifie mon amendement en ne conservant que le deuxième paragraphe. On peut toujours me raconter qu’il vaut mieux attendre un autre texte pour y voir plus clair ! Ce n’est jamais le moment et ce n’est jamais l’heure ! Or nous ne sommes pas là pour protéger les juridictions et nous abaisser devant elles !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 26 rectifié ter, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin et A. Boyer, et ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l’article 47-2 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« La Cour des comptes ne peut porter, dans ses actes, aucune appréciation d’opportunité sur les politiques publiques et les comptes qui lui sont soumis. »
Je le mets aux voix.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 303 rectifié est présenté par MM. Arthuis, Marini, Badré, de Montesquiou, Gaillard et Bourdin, Mme Keller et MM. Dallier, Dassault, Doligé, Ferrand, Girod, C. Gaudin, Gouteyron, Jégou, Lambert, Longuet et Guené.
L’amendement n° 480 est présenté par M. Frimat, Mme Bricq, MM. Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Massion, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant la dernière phrase du texte proposé par le II de cet article pour l’article 47-2 de la Constitution, insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l’État et de la sécurité sociale.
La parole est à M. Jean Arthuis, pour présenter l’amendement n° 303 rectifié.
M. Jean Arthuis. La reddition des comptes est une exigence fondamentale de la vie démocratique, posée par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances a mis en place un régime de certification des comptes. Cette démarche conditionne la bonne information du citoyen. Il est apparu presque révolutionnaire d’inscrire dans cette loi organique le principe selon lequel les comptes publics devaient être sincères et donner une image fidèle des patrimoines de l’État, de la protection sociale, ainsi que des opérations de recettes et de dépenses.
L’exigence de sincérité est posée dans la loi organique. Il me semble qu’il convient d’élever au rang constitutionnel cet impératif de sincérité des comptes publics. Certes, on pourra toujours adopter des dispositions relatives à l’équilibre souhaitable des comptes publics ; certains évoquent même une règle d’or en vertu de laquelle on prohiberait le déficit de fonctionnement. C’est une belle idée, mais encore faut-il que les comptes soient sincères !
C’est la raison pour laquelle cet amendement prévoit que la Cour des comptes « exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l’État et de la sécurité sociale ».
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 480.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, je serai brève, car l’amendement que nous avons déposé, au nom du groupe socialiste, est identique à celui que vient de présenter M. Arthuis.
Depuis deux années, la Cour des comptes certifie les comptes de l’État avec des réserves qu’elle peut lever en fonction des progrès accomplis par le Gouvernement à la suite des observations émises.
Le fait d’introduire cette notion de sincérité des comptes dans la Constitution est essentiel à nos yeux. La loi de règlement examinée l’année suivante devrait d’ailleurs, à notre avis, avoir plus d’importance qu’elle n’en a à l’heure actuelle, car c’est elle qui permet de mesurer la sincérité ou l’insincérité de l’exécution budgétaire.
Après avoir examiné les résultats de la gestion budgétaire de l’État en 2007, la Cour des comptes a tiré la conclusion suivante : « L’amélioration de la situation budgétaire n’est qu’apparente. En réalité les principaux équilibres se sont dégradés ».
Par conséquent, lors de l’examen du projet de loi de finances, nous avions eu raison de dénoncé l’insincérité des comptes !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement nous a laissés perplexes !
La Cour des comptes certifie les comptes. Cela signifie qu’elle se prononce sur le fait qu’ils sont ou non sincères.
Mme Nicole Bricq. Avec des réserves !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les réserves sont une chose. Mais la Cour des comptes se prononce bien sur la sincérité des comptes. Si des améliorations sont nécessaires, elle émettra alors des réserves.
Dans votre amendement, vous demandez qu’elle exprime « son opinion sur la sincérité des comptes ». Pardonnez-moi, mais ce que nous attendons de la Cour, ce n’est pas une opinion, c’est une affirmation sur le fait que les comptes sont ou non sincères !
Cela dit, monsieur le président, s’agissant d’un sujet qui nous dépasse – nous restons modestes à la commission des lois ! – nous aimerions connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Le Gouvernement comprend la philosophie de ces deux amendements identiques, qui tendent à donner un fondement constitutionnel à la notion de sincérité des comptes.
Le principe de sincérité a d’ores et déjà été consacré par le Conseil constitutionnel ; à ce niveau-là, son ancrage est donc déjà assuré. Mais vous souhaitez inscrire noir sur blanc ce principe dans la Constitution. On peut, comme vient d’ailleurs de le faire le rapporteur, se poser le problème de l’utilité d’une telle démarche.
Le Gouvernement n’étant pas forcément défavorable à cette idée, il s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements identiques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La sagesse l’emporte !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 303 rectifié et 480.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 217, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la dernière phrase du texte proposé par cet article pour l’article 47-2 de la Constitution :
Elle assiste le Parlement dans sa mission d’évaluation des politiques publiques.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement précise que le rôle d’évaluation des politiques publiques de la Cour des comptes s’exerce prioritairement au service du Parlement.
Aujourd’hui, l’évaluation des politiques publiques se fait au travers d’indicateurs de performance nombreux et fort divers, dont la pertinence est sujette à caution.
À la lecture des rapports portant sur les missions budgétaires de la loi de finances pour 2008, on constate que l’outil de la LOLF n’a manifestement pas réglé la question de l’évaluation des politiques publiques, bien au contraire pourrait-on dire, compte tenu notamment des changements de périmètres des missions ministérielles ou interministérielles que nous avons pu constater depuis 2001.
C’est sans doute aussi pour ces raisons qu’il convient de rendre au Parlement, assisté par la Cour des comptes, la pleine maîtrise de la définition des choix budgétaires de la nation.
M. le président. L’amendement n° 215, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l’article 47-2 de la Constitution par les mots :
et au contrôle de l’utilisation des fonds publics par les entreprises publiques et privées
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L’amendement n° 215 élargit les compétences du Parlement et de la Cour des comptes en matière de contrôle de l’utilisation des fonds publics, notamment par les entreprises privées.
M. le président. L’amendement n° 216, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l’article 47-2 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Les groupes parlementaires peuvent saisir la Cour des comptes.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Conformément à l’orientation que nous souhaitons imprimer à cette révision constitutionnelle, nous proposons de donner au Parlement toute latitude de saisir la Cour des comptes pour toutes questions relatives à l’utilisation des deniers publics.
Nous proposons donc que le droit de solliciter la Cour des comptes soit étendu aux groupes parlementaires constitués au sein de chacune des deux assemblées de notre Parlement et que des procédures fixées par la loi permettent, par la suite, de les mettre en œuvre sur tout sujet intéressant l’utilisation des deniers publics qui appellerait évaluation et analyse.
L’indépendance de la Cour des comptes et la nature même de ses travaux garantissent a priori la qualité des observations et des documents qu’elle sera amenée à publier dans le droit fil de ce droit nouveau donné aux groupes parlementaires.
Son expertise sur toutes questions relatives aux politiques publiques alimentera le débat budgétaire renouvelé que nous appelons de nos vœux.
M. le président. L’amendement n° 144 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, P. Dominati, Beaumont, Adnot, Béteille, Retailleau et Darniche et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…- Après l’article 47-1 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.… - Le Parlement est doté d’un office parlementaire d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Une loi fixe les modalités de son fonctionnement. »
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Dans la droite ligne de ce qui vient d’être dit, je crois que tout le monde s’accorde sur la nécessité de renforcer les pouvoirs du Parlement en matière de contrôle de l’évaluation des politiques publiques.
Je pourrais effectivement me référer à l’engagement du Président de la République actuel, mais je pense aussi à d’autres travaux, en particulier ceux du groupe de travail sur l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, qui était présidé par Laurent Fabius et dont Didier Migaud était rapporteur.
Avec cet amendement, nous vous proposons un système quelque peu différent de celui qui vient d’être défendu par M. Vera. En effet, il ne nous paraît pas souhaitable de dépendre uniquement de la Cour des comptes. Selon nous, les groupes parlementaires doivent avoir la possibilité de faire appel à d’autres corps de contrôle de l’administration, voire à des cabinets privés.
C’est la raison pour laquelle nous proposons que le Parlement soit doté d’un office parlementaire d’évaluation et de contrôle des politiques publiques dont une loi fixera les modalités de fonctionnement.
Un tel dispositif permettrait de respecter la séparation des pouvoirs, qui interdit de mettre la Cour des comptes sous le contrôle direct du Parlement. De plus, ce dernier ne peut rester l’un des seuls parlements occidentaux à ne pas disposer d’un organisme de contrôle qui lui soit directement rattaché.