M. le président. L'amendement n° 43, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé.
Après le troisième alinéa de l'article L. 3253-14 du code du travail, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L'institution en charge de la gestion de garantie contre le risque de non-paiement est composée de membre des organisations représentatives des salariés et des employeurs.
« Les conditions d'application de cette disposition sont définies par un décret pris en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 44 rectifié, qui a également trait à l’AGS, l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés.
M. le président. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement s'engage à déposer sur le Bureau du Sénat, au plus tard le 1er octobre 2008, un rapport sur la situation financière de l'Association de garantie des salaires mentionnée à l'article L. 3253-14 du code du travail, ainsi que sur le bien-fondé d'une augmentation des cotisations constituant son financement.
Veuillez poursuivre, madame David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, créée en vertu de la loi du 27 décembre 1973, l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés intervient en cas de redressement ou de liquidation judiciaire des entreprises.
L’AGS est un organisme patronal, qui tire ses ressources des cotisations patronales assises sur les rémunérations servant de base au calcul des contributions d’assurance chômage. Le taux de cotisation des employeurs est défini par le conseil d’administration de l’AGS.
Or, depuis 1973, le conseil d’administration de cette association est resté inchangé dans sa composition et les organisations représentatives des salariés n’ont toujours pas accès aux postes de direction. L’AGS participe pourtant théoriquement à une délégation de mission consentie par l’UNEDIC dans le cadre d’un accord.
Dès lors, on comprend mal pourquoi le paritarisme qui existe à l’UNEDIC ne serait pas appliqué au sein d’une association assumant une partie des missions de cette dernière. Cette participation s’avère d’autant plus essentielle que l’AGS est en crise et connaît des difficultés financières importantes, lesquelles s’expliquent notamment par la baisse considérable du taux de cotisation, passé de 0,45 % en septembre 2003 à 0,15 % en décembre 2007. Cela, le Gouvernement l’a cautionné !
L’amendement n° 44 rectifié vise donc à demander au Gouvernement de déposer sur le bureau du Sénat un rapport sur la situation financière de l’AGS.
Quant à l’amendement n° 43, qui est un amendement d’appel, il est vrai, il tend à faire cesser la situation existante et à permettre aux salariés d’être représentés au sein de l’AGS, conformément au préambule de la Constitution de 1946, lequel dispose que les travailleurs participent, par le biais de la représentation, à la démocratie sociale de notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le budget de l’AGS, association créée en 1974, repose uniquement sur des cotisations patronales. Pour rester dans cette logique, je ne vois pas en quoi il serait souhaitable de mettre en place un fonctionnement paritaire. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 43.
Quant à la situation financière de cette association, il a été décidé l’an dernier de ne pas changer le taux de cotisation. Il semblerait qu’il n’y ait pas de problème. Je ne vois donc pas pourquoi un rapport de plus devrait être déposé. Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 44 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
Premièrement, ils n’ont rien à voir avec le projet de loi qui nous est soumis. La mission de l’AGS est de mettre en place un régime d’assurance obligatoire contre le risque de non-paiement des salaires. Les amendements ne s’inscrivent donc pas du tout dans la démarche qui est définie.
Deuxièmement, indépendamment du bien-fondé de la démarche, instituer une gestion paritaire reviendrait à remettre en cause l’équilibre institutionnel d’une association qui fonctionne très bien aujourd'hui.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
I. - L'article L. 5411-6 du code du travail est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 5411-6. - Le demandeur d'emploi immédiatement disponible pour occuper un emploi est orienté et accompagné dans sa recherche d'emploi par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. Il est tenu de participer à la définition du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1, d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi et d'accepter les offres raisonnables d'emploi mentionnées à l'article L. 5411-6-2. »
II. - Après l'article L. 5411-6 du même code sont insérés quatre articles ainsi rédigés :
« Art. L. 5411-6-1. - Un projet personnalisé d'accès à l'emploi est élaboré conjointement par le demandeur d'emploi et l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1.
« Ce projet précise la nature et les caractéristiques des emplois recherchés, en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de son expérience professionnelle, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local. Il précise également la zone géographique privilégiée pour la recherche d'emploi et le niveau de salaire attendu.
« Le projet personnalisé d'accès à l'emploi retrace les actions que l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 s'engage à mettre en œuvre dans le cadre du service public de l'emploi, notamment en matière d'accompagnement et, le cas échéant, de formation et d'aide à la mobilité.
« Art. L. 5411-6-2. - Les caractéristiques des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu, tels que mentionnés dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi, sont constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi.
« Art. L. 5411-6-3. - Le projet personnalisé d'accès à l'emploi est actualisé périodiquement. Lors de cette actualisation, les éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi sont révisés notamment pour accroître les perspectives de retour à l'emploi.
« Lorsque le demandeur d'emploi est inscrit depuis plus de trois mois, est considérée comme raisonnable l'offre d'un emploi compatible avec ses qualifications et rémunéré à au moins 95 % du salaire antérieurement perçu. Ce taux est porté à 85 % après six mois d'inscription. Après un an d'inscription, est considérée comme raisonnable l'offre d'un emploi rémunéré au moins à hauteur du revenu de remplacement prévu à l'article L. 5421-1.
« Lorsque le demandeur d'emploi est inscrit depuis plus de six mois, est considérée comme raisonnable une offre d'emploi entraînant un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, d'une durée maximale d'une heure ou une distance à parcourir d'au plus trente kilomètres.
« Art. L. 5411-6-4. - Les dispositions de la présente section et du 2° de l'article L. 5412-1 ne peuvent obliger un demandeur d'emploi à accepter un niveau de salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et dans la profession et s'appliquent sous réserve des autres dispositions légales et des stipulations conventionnelles en vigueur, notamment celles relatives au salaire minimum de croissance. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, fidèle aux desiderata du Président de la République et à la conception qu’il se fait de la solidarité nationale, cet article 1er ne cesse d’énoncer des devoirs précis pour les demandeurs d’emploi, mais reste muet sur leurs droits.
Avec cet article 1er, une notion nouvelle, celle d’offre raisonnable d’emploi, se substituant à l’offre valable d’emploi, serait intégrée dans le droit français.
J’en conviens, cette définition, reconnue en droit international par l’Organisation internationale du travail, méritait d’être précisée dans le droit français afin d’apporter aux salariés privés d’emploi une certaine stabilité juridique.
Cependant, comme nous pouvions nous y attendre, c’est avec rigidité et dogmatisme que le Gouvernement s’est attelé à la tâche, la conséquence étant que l’offre raisonnable d’emploi s’est trouvée décriée par tous.
Ainsi, M. Chérèque considère ridicule de vouloir imposer à tous les chômeurs une règle identique alors que les situations de chacun sont par essence différentes.
Mme Simon, représentante de la Confédération française des travailleurs chrétiens, la CFTC, a dénoncé une forte contradiction avec la fusion ASSEDIC-ANPE qui vise à accompagner les personnes en recherche d’emploi. Elle a d’ailleurs rappelé que les partenaires sociaux demandaient « que l’offre valable d’emploi soit négociée dans le cadre des négociations sur l’assurance chômage » et qu’elle soit « définie par contractualisation avec la personne référente du service public pour l’emploi ».
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'État, les partenaires sociaux sont tout à fait prêts à négocier, même lorsqu’il s’agit de créer des devoirs pour les demandeurs d’emplois !
Même si cette offre raisonnable d’emploi est associée à un projet personnalisé d’accès à l’emploi qui doit être élaboré conjointement, chacun sait que le demandeur d’emploi ne sera pas sur le même plan que l’institution !
En réalité, l’insertion dans notre code du travail de la notion d’offre raisonnable d’emploi n’est qu’un vecteur pour amplifier votre politique de culpabilisation des demandeurs d’emploi, pour porter sur chacune et sur chacun d’entre eux la suspicion. Il vous sera facile demain, plus qu’aujourd’hui encore, de pointer du doigt les demandeurs d’emploi radiés puisque, après tout, ils auront refusé une offre d’emploi plutôt très raisonnable !
Quant à la perception de ce qui est raisonnable, je dois dire qu’elle vous est toute particulière. Ce qui est raisonnable pour vous, à travers le seul prisme de la logique libérale, ne l’est pas nécessairement pour les salariés privés d’emploi auxquels vous voulez imposer, en cas d’inscription de plus d’un an au chômage, un salaire au moins égal au montant de l’indemnité de replacement. Cela signifie qu’il est raisonnable pour vous de contraindre un homme ou une femme de travailler pour un salaire de 447 euros par mois si la personne concernée bénéficiait du RMI !
En effet, dans cet article 1er, vous intégrez la dégressivité des droits, alors que cette solution n’est pas la bonne ; vous le savez d’ailleurs bien, même si vous prétendez le contraire. Monsieur le secrétaire d’État, est-il pour vous raisonnable de rémunérer à hauteur des minima sociaux un acte de travail contribuant à donner de la plus-value à l’objet ou au service, et nécessitant la force et le savoir d’un salarié, une implication, une volonté ?
Permettez-moi de vous lire la définition que donne le Larousse du mot raisonnable : « qui agit conformément au bon sens ». Le même dictionnaire précise, relativement à la raison, qu’il s’agit de « ce qui est conforme à la justice, à l’équité ».
Considérez-vous réellement que ce soit reconnaître sa pleine valeur au travail que de le brader contre un salaire indécent ? Si vous le pensez, laissez-moi vous dire que ce n’est pas le cas de bon nombre de nos concitoyens !
Ce qui vous importe réellement, ce n’est pas d’offrir aux demandeurs d’emploi un travail justement rémunéré, ni même correspondant à leurs qualifications puisqu’il suffira que l’emploi soit « compatible » avec ces dernières. Tout à l’heure, Mme Debré a dit qu’« un demandeur d’emploi devra accepter, après trois ou six mois de recherches infructueuses, l’emploi qui s’offre à lui et qui "correspond" à son expertise professionnelle ». « Un emploi qui correspond » et non un « emploi compatible », tel sera justement l’objet d’un de nos amendements. Peut-être le voterez-vous ? En tout cas, nous souhaitons réellement que soit considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi correspondant aux qualifications du demandeur d’emploi.
Quoi qu’il en soit, votre but est bel et bien de diminuer de manière drastique les aides sociales. Pour ce faire, vous n’avez qu’une seule méthode : attaquer les bénéficiaires.
Les entreprises du CAC 40, qui multiplient les profits et licencient leurs salariés, pourront, quant à elles, continuer leur politique de « casse », faisant peser sur la collectivité et les salariés le poids d’une politique industrielle dont la règle unique est la rentabilité à deux chiffres.
Ce projet de loi, dont l’article 1er est le fond, ignore complètement la notion de responsabilité sociale des entreprises, mais cela ne nous étonne pas !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 18, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 5411-6 du code du travail :
Il participe à la définition du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à modifier la rédaction proposée par l’article 1er pour l’article L. 5411-6 du code du travail.
En effet, la rédaction actuelle de cet article fait de la signature et de la réactualisation du projet personnalisé d’accès à l’emploi une obligation, puisqu’il est précisé que le demandeur d’emploi « est tenu » de participer à la définition du projet personnalisé.
Agissant ainsi, vous faites de la signature du projet personnalisé un préalable à l’ouverture et au maintien des droits. C’est précisément sur ce point que nos avis divergent.
Vous allez encore plus loin que pour le plan d’aide au retour à l’emploi, le PARE, ce qui est peu dire !
Plus grave encore, vous faites de ce projet personnalisé un outil de régulation du nombre des demandeurs d’emploi indemnisés. Quand on sait qu’à l’heure actuelle déjà un peu moins de la moitié des chômeurs sont indemnisés, il ne fait aucun doute que la sanction pour le demandeur d’emploi refusant de participer à la rédaction du projet personnalisé d’accès à l’emploi sera une radiation temporaire – il est question de deux mois – ou définitive, au titre d’un manquement à ses obligations.
En outre, affirmant cette règle autoritaire de l’obligation de participer à la rédaction de ce projet personnalisé, vous niez sa raison même d’être : soit le projet est personnalisé, soit il ne l’est pas, comme c’est d’ailleurs notre conviction ; mais s’il est personnalisé, le demandeur d’emploi devrait alors pouvoir rencontrer son conseiller, échanger avec lui, lui donner son point de vue, faire valoir ses droits et ses exigences et, le cas échéant, signer le PPAE si un accord est obtenu.
On peut même aller jusqu’à imaginer qu’un demandeur d’emploi fasse le choix de ne pas s’engager dans un processus de projet personnalisé, préférant d’autres voies. Je pense, par exemple, aux jeunes cadres ou aux jeunes diplômés de certaines grandes écoles de commerce pour lesquels le service public est malheureusement parfois insuffisamment efficient et qui comptent plutôt sur le tissu de leurs relations.
D’ailleurs, j’observe bien souvent que des jeunes à bac+9 ou à bac+10 ne disposant pas d’un « réseau » et d’un tissu de relations ne parviennent pas à trouver un emploi…Bien souvent, malheureusement, si la qualification est reconnue, la rémunération proposée ne suit pas !
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, nous avons déposé cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Le Texier, MM. Desessard et Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 5411-6 du code du travail, supprimer les mots :
et d'accepter les offres raisonnables d'emploi mentionnées à l'article L. 5411-6-2.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L’article 1er contient toute l’ambiguïté de ce projet de loi et des intentions politiques du Gouvernement.
Le fait qu’un demandeur d’emploi immédiatement disponible soit orienté et accompagné dans sa recherche d’emploi est un point positif, certes, qui ne peut susciter la méfiance. Qu’il soit tenu de participer à la définition du projet personnalisé d’accès à l’emploi le concernant est également un point positif, même si vous estimez nécessaire de placer cette action sous la contrainte.
Cette contrainte n’est pas gênante dans la mesure où il est préférable, voire plus prudent pour lui, que le chômeur participe activement à la définition de ce programme. Cela peut être pour lui l’occasion de demander explicitement une action d’insertion ou de formation qui donnera un peu de contenu et de consistance au projet.
L’UNEDIC n’utilise d’ailleurs que la moitié des 203 millions d’euros dont elle dispose. Elle reconnaît que, sur les 2 millions de demandeurs d’emploi inscrits actuellement, seulement 5 % bénéficient d’un programme de formation financé par elle. Il y a donc beaucoup à obtenir de ce côté.
Cela peut être aussi, pour le chômeur, le moment de réaliser un bilan de compétences et d’infléchir son destin.
Mais inciter un demandeur d’emploi à accepter un emploi ou une formation nécessite un cheminement, qui demande du temps et doit avoir un sens.
Cet accompagnement doit permettre une palette de choix, avec la possibilité d’essais et d’erreurs. Les services d’accompagnement des chômeurs de longue durée le savent bien.
Cela permettrait peut-être que ce projet soit véritablement personnalisé, et non réalisé à partir de projets types en fonction de la qualification des chômeurs et des emplois qu’on veut leur faire accepter.
Vous dites ensuite que le demandeur d’emploi doit accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi. La mesure n’est pas nouvelle et semble de bon sens, à condition, bien entendu, que des emplois soient disponibles dans sa qualification, ce qui n’est pas acquis, à condition, également que ces emplois correspondent à la catégorie de contrat dont il a besoin, par exemple un CDI à temps plein ou un CDD à temps partiel ou à horaires morcelés.
Mais si le PPAE est une réalité et si le chômeur peut améliorer sa formation et acquérir une meilleure qualification, on reste dans l’épure d’une assurance chômage qui accomplit elle-même des actes positifs et répétés pour venir en aide aux chômeurs.
À ce point du texte, ce serait faire un procès d’intention que de voir des desseins cachés. Tout reste encore question de moyens mis en œuvre et d’interprétation.
Il convient toutefois d’apporter un bémol, une précision. Le rapport Boulanger, dont vous vous inspirez pour mettre en place la future institution, précise que « la recherche active d’emploi est la contrepartie de l’indemnisation et du service rendu par l’opérateur ».
C’est une regrettable confusion : la recherche active d’emploi est certainement la contrepartie du service rendu par l’opérateur si le service est réel. Mais l’indemnisation est fondée sur un droit acquis par le versement de cotisations.
C’est avec l’apparition de l’offre raisonnable d’emploi que l’édifice s’effondre définitivement et que les véritables intentions du Gouvernement apparaissent au grand jour.
Le chômeur sera tenu d’accepter ces offres qualifiées de raisonnables, et pas seulement d’y répondre, ce qui fait une énorme différence. Si par deux fois il refuse, son allocation sera suspendue, c'est-à-dire supprimée dans la plupart des cas.
En réalité, les droits du demandeur d’emploi sont à la fois réduits, contrôlés, et ils disparaissent en cas de refus d’accepter n’importe quel emploi.
En conséquence, c’est tout le dispositif mis en place par l’actuelle convention d’assurance chômage qui sera ébranlé et menacé dans les mois qui viennent par la négociation d’une nouvelle convention. Tout se tient dans votre politique !
On trouve d’abord la volonté de diminuer le montant des allocations chômage pour reverser les excédents de l’UNEDIC sur le financement des retraites sans augmenter les cotisations, car le patronat ne le veut pas.
On trouve ensuite la volonté de coupler le dispositif avec un traitement statistique du chômage en réorientant les chômeurs vers les secteurs en tension.
Chacun sait pourquoi les secteurs du bâtiment et de l’hôtellerie-restauration sont en tension : les horaires sont démentiels, les conditions de travail généralement pénibles, pour ne pas dire plus. Il y a peu de perspectives d’évolution.
D’ailleurs, ces secteurs représentent 20 % des offres d’emploi à l’ANPE, ce qui est démesuré par rapport à leur poids économique. C’est donc que le recrutement ne se fait pas facilement et favorise un turnover perpétuel.
Votre intention serait-elle de transformer les chômeurs en travailleurs pauvres ? Il est vrai que si l’on exerce une contrainte financière sur les gens qui sont en difficulté, ils seront bien obligés d’accepter ces emplois. Mais même pour des emplois non qualifiés, il n’est pas possible de s’engager dans un travail si celui-ci est dénué de sens, s’il n’entre pas dans une représentation positive de l’activité.
C’est un objectif que vous ne pouvez afficher et qui ne mérite certainement pas, ni politiquement ni socialement, l’adjectif « raisonnable ».
Comme l’a écrit l’économiste François Eymard-Duvernay, « faire l’impasse sur la dimension qualitative du travail, c’est revenir à une conception servile du travail ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 18, M. Fischer souhaite que le demandeur d’emploi ne soit plus tenu de conclure le projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Une telle mesure est totalement à l’opposé de la philosophie du projet de loi et n’est pas conforme au vote exprimé par la commission.
En effet, je vous présenterai plus tard un amendement de la commission pour lequel il est indispensable qu’obligation soit faite au demandeur d’emploi – mais seulement dans quelques cas, j’en conviens – de finaliser, dans le cadre des droits et des devoirs, un projet personnalité d’accès à l’emploi.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 18.
J’en viens à l’amendement n° 5. L’offre raisonnable d’emploi est l’un des éléments essentiels de ce projet de loi. Les critères qui définissent l’offre valable d’emploi sont actuellement assez flous. Dans ce projet de loi, il est proposé que l’objectif défini sous « l’offre raisonnable d’emploi » soit élaboré conjointement entre le référent et le demandeur d’emploi.
Par conséquent, on ne peut qu’être défavorable à la volonté de supprimer cette offre raisonnable d’emploi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable l’amendement n° 18 pour un motif complémentaire à celui que M. le rapporteur a avancé. En effet, l’adoption d’un tel amendement, monsieur Fischer, supprimerait même toute obligation de chercher un emploi.
M. Guy Fischer. Ah non !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ah si, puisque l’article prévoit également l’obligation de chercher un emploi !
M. Guy Fischer. Ça ne m’est pas venu à l’esprit !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Cet amendement va donc au-delà même de vos pensées, monsieur Fischer ! (Sourires.)
Madame Jarraud-Vergnolle, je vous remercie de la présentation équilibrée que vous avez faite en relevant le caractère intéressant d’un certain nombre de points du dispositif proposé par le Gouvernement.
En revanche, vouloir qu’une offre d’emploi raisonnable puisse être refusée est à rebours – mais vous l’avez compris – de la philosophie qui sous-tend ce projet de loi.
C’est pourquoi, en dépit du caractère équilibré de votre intervention, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 5.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.
M. Jean Desessard. Il y aurait 2 % non pas de véritables fraudeurs aux ASSEDIC – les fraudeurs sont ceux qui font de fausses déclarations et que nous sommes tous d’accord pour combattre –, mais d’allocataires qui « se laissent aller » dans le système : ils vivent bien de leur allocation de chômage et refusent donc les emplois qu’on leur propose. C’est pour ces 2 % qu’est construit tout le texte !
M. le secrétaire d’État nous a dit qu’il y avait 400 000 emplois non pourvus. J’ai beau essayé de comprendre, je n’y arrive pas ! Ce sont 98 % de ces chômeurs prêts à travailler – vous nous avez dit, en effet, que 2 % n’étaient pas disposés à le faire – qui vont remplir les 400 000 postes non pourvus. Et l’on a fait tout cela pour les 2 % ! J’ai du mal à saisir, alors qu’il y a 98 % de chômeurs qui sont prêts à occuper ces 400 000 postes, comment ces 2 % vont les pourvoir. Depuis le début, je n’arrive pas à résoudre cette équation !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un vrai débat dont nous n’avons pas fini de parler !
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Mes chers collègues, le II de cet article 1er concentre, sur cet article du moins, l’ensemble des dispositions que nous souhaitons voir disparaître : c’est la consécration de l’offre raisonnable d’emploi, la stigmatisation des chômeurs par des sous-entendus insupportables, à savoir qu’il suffirait de faire pression sur les demandeurs d’emplois en les menaçant d’une moindre indemnisation pour qu’ils se décident enfin à travailler.
Je regrette que le gouvernement de M. Fillon ait oublié de prendre connaissance du rapport du Conseil économique et social présenté en 2007 par Mme Edith Arnoult-Brill et intitulé Sécurisation des parcours professionnels, rapport que j’ai évoqué dans la discussion générale.
Il est vrai, monsieur le secrétaire d'État, que ce rapport prend le contre-pied du projet de loi que vous nous présentez. Cela est particulièrement vrai des dispositions qui prévoient une forme de dégressivité des droits des demandeurs d’emploi en ce qui concerne la nature et la qualité de l’emploi possiblement considéré comme étant raisonnable. Il apparaît à la « troisième chambre » que l’axe majeur devrait être un accroissement de l’indemnisation en direction des demandeurs d’emploi afin de leur assurer un revenu suffisant pour vivre en toute dignité. Nous en sommes loin.
Je ne résiste pas à l’envie de vous citer un court extrait de ce rapport : « le Conseil considère que la question des ressources, qui ne peut être traitée indépendamment de son coût, constitue un élément essentiel de la sécurisation des parcours professionnels. Le maintien pendant une durée adaptée d’un niveau de ressources proche du salaire antérieur peut être de nature à accroître l’acceptabilité par le salarié d’une mobilité professionnelle et faciliter sa recherche d’emploi ».
Je rappelle que ce document, que le Gouvernement feint de ne pas connaître, a été adopté à l’unanimité moins neuf abstentions. Reprendre quelques dispositions de ce rapport aurait permis d’envoyer un signal fort en direction des partenaires sociaux, mais il faut dire que, depuis quelque temps, le Gouvernement ne brille pas en la matière.
Il est vrai aussi que ce rapport du Conseil économique et social pose comme postulat essentiel l’impérieuse nécessité de changer la représentation que les concitoyens se font des demandeurs d’emploi eux-mêmes. Pour ce faire, encore faudrait-il que le Gouvernement lui-même et la majorité présidentielle cessent de recourir à des phrases assassines du type « remettre la France au travail » …