M. le président. L'amendement n° 137, présenté par MM. Badinter, Frimat, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :
« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège, une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet et une formation plénière.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un professeur de droit et un avocat ainsi que trois personnalités qualifiées n'appartenant pas au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif, désignés respectivement par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat. La procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises à l'avis de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée. Cette formation est présidée par une personnalité élue en son sein pour deux ans.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est composée de cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège et des six personnalités prévues à l'alinéa précédent. Elle est présidée par une personnalité élue en son sein pour deux ans.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle est alors présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle fait des propositions de nomination pour tous les magistrats du siège.
« La formation compétente à l'égard des magistrats parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Les magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice. Il est composé des membres des deux formations. Il est présidé par l'un de ses membres élus en son sein pour deux ans.
« Le garde des sceaux, à sa demande ou à la demande du Conseil supérieur de la magistrature peut être entendu par la formation plénière.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par tout justiciable.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Tant du côté de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen que du côté de la commission et du Gouvernement, tout a été dit. Il ne me reste donc plus qu’à expliquer mon vote. En effet, je ne vais pas reprendre une argumentation à laquelle on a déjà opposé une fin de non-recevoir. Je sais parfaitement que ce qui sera voté correspondra à ce qui a été convenu entre les groupes majoritaires du Sénat et de l’Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, il s’agit du texte adopté par le Sénat en première lecture !
M. Robert Badinter. Je reviens à la situation telle qu’elle se présente aujourd’hui.
Voilà bien longtemps – plus de cinquante ans – que j’appartiens au paysage judiciaire. Voilà bien longtemps que je fréquente de nombreuses juridictions à travers le monde. Au moment où l’on parle de la magistrature française en cette quasi fin de parcours du projet de loi constitutionnelle, je tiens à dire que l’on ne lui rend pas assez souvent hommage. Elle assume une très haute et très difficile mission au sein de l’État. Or on a souvent le sentiment, y compris chez les responsables politiques, que l’on ne prend pas assez en compte sa mission et les efforts qu’elle accomplit au service de cette mission.
Quand on connaît les justices européennes – je ne prétends pas que nous avons la meilleure justice de toute l’Europe, ni même de toutes les démocraties –, on peut affirmer que la justice française tient fort bien sa place au milieu du concert des justices européennes. Je tenais à le dire !
Madame le garde des sceaux, le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis comporte une avancée que vous avez oublié de citer, et qui est à mes yeux très importante, c’est le fait que les justiciables pourront désormais saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature. Pour le reste, ce texte est tout simplement une grande occasion ratée.
Les magistrats étaient en droit d’attendre la parité en matière de nominations. Une formation composée de représentants des magistrats et de représentants de ce qu’on appelle communément la société civile était la seule formule concevable. Cette parité aurait correspondu à ce qui se pratique dans toutes les autres instances identiques en Europe. Certes, la parité est instaurée en matière disciplinaire – c’était le moins que l’on pouvait faire ! –, mais pas pour les nominations.
S’agissant du parquet, j’ai toujours été partisan de son indivisibilité et de sa hiérarchisation. Cela va de soi dans n’importe quelle politique pénale. Cependant, cette hiérarchisation n’a rien à voir avec les garanties que tout magistrat – et les membres du parquet sont bel et bien des magistrats – est en droit d’attendre. Les nominations des magistrats du parquet doivent faire l’objet d’un avis conforme.
Vous avez également évoqué la situation des magistrats du siège. Permettez-moi de vous dire qu’aux temps où nous sommes et compte tenu des réformes intervenues, notamment dans les douze dernières années, les magistrats du parquet ont un pouvoir de décision, notamment en matière de libertés individuelles, qui ne cesse de croître en amont de toute procédure juridictionnelle. Pour toutes ces raisons, ils étaient en droit d’obtenir, eux aussi, un avis conforme. On ne leur donne pas. Tant pis ! Je l’ai dit, c’est une grande occasion ratée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. le président. L'amendement n° 80, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution, remplacer les mots :
donne son avis
par les mots :
rend un avis conforme
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement est défendu.
M. le président. La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 81.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 28.
(L'article 28 est adopté.)
Article 30 quater
L'article 72-3 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, après le mot : « Mayotte, », sont insérés les mots : « Saint-Barthélemy, Saint-Martin, » ;
2° Le dernier alinéa est complété par les mots : « et de Clipperton ». – (Adopté.)
Article 30 quinquies
L'article 73 de la Constitution est ainsi modifié :
1° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « par la loi » sont remplacés par les mots : «, selon le cas, par la loi ou par le règlement » ;
2° Dans le troisième alinéa, les mots : « par la loi » sont remplacés par les mots : «, selon le cas, par la loi ou par le règlement, » et, après les mots : « de la loi », sont ajoutés les mots : « ou du règlement ».
M. le président. L'amendement n° 138 rectifié, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Mon intervention vaudra également pour l’amendement n° 139, qui vise à supprimer l’article 30 sexies.
L’article 30 quinquies et l’article 30 sexies ont été introduits par le Sénat en première lecture à la fin de notre discussion. On sait que les débats en fin de séance, mais qui s’en plaindrait, ont tendance à s’accélérer …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh oui !
M. Bernard Frimat. Notre collègue Cointat, dont nous avons pu apprécier tout l’allant en première lecture, a fait adopter ces deux articles concernant l’outre-mer. L’un vise à permettre au pouvoir réglementaire d’habiliter les assemblées des départements et des régions d’outre-mer à adapter un certain nombre de dispositions. L’autre a trait aux ordonnances. Ils sont donc de même nature.
La lecture du rapport de M. Warsmann est fort intéressante. Bien entendu, il n’a pas proposé la suppression de ces deux articles à l’Assemblée nationale, sinon nous ne serions pas en train de les examiner, mais il regrette qu’ils aient été introduits sans avoir fait l’objet d’une analyse approfondie et sans que la nécessité en ait été démontrée. Ces deux arguments, que je ne vais pas développer à cette heure tardive, me semblent pertinents.
Vu les compliments dont M. Warsmann a été l’objet ce soir dans les rangs de la majorité, qui s’est ralliée à la plupart de ses positions, vous attacherez probablement de la considération à ses regrets, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces deux articles, qui ont été votés en toute conscience par le Sénat, répondent à des besoins.
M. Christian Cointat. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est vrai que le lien avec la Constitution pour l’un d’eux peut paraître ténu, mais aurait-on procédé à une révision constitutionnelle spécifique en la matière ? Il était donc indispensable de profiter de l’occasion qui nous était offerte avec ce texte.
N’oubliez pas que les collectivités d’outre-mer sont une préoccupation habituelle du Sénat. Celle-ci est tout à fait digne, même si certains n’ont pas la même habitude que nous ...
Les deux amendements portant articles additionnels de M. Cointat avaient reçu un avis favorable du Gouvernement, qui dispose aussi de sa capacité d’expertise. Comme je l’ai dit, ils correspondent aux besoins des collectivités d’outre-mer. D’ailleurs, l’Assemblée nationale n’a pas estimé devoir les supprimer.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 138 rectifié et 139.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 30 quinquies.
(L'article 30 quinquies est adopté.)
Article 30 sexies
Le premier alinéa de l'article 74-1 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l'organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. »
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été précédemment défendu.
La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 30 sexies.
(L'article 30 sexies est adopté.)
Article 30 septies
Après l'article 75 de la Constitution, il est inséré un article 75-1 ainsi rédigé :
« Art. 75-1. - Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit d’une question qui a été longuement abordée en première lecture, mais il me semble important d’y revenir quelques instants.
Nous avons déjà eu l’occasion de parler des langues régionales. Cependant, il s’est passé quelque chose au cours de la navette.
Nous le savons tous, il existe une forte demande sociale de préservation de ces langues. L’idée d’instaurer un patrimoine historique composé par les langues régionales nous a préoccupés, au même titre que la disparition de traditions locales. C’est à cet effet que l’Assemblée nationale avait voté en première lecture l’inscription des langues régionales dans la Constitution.
Certes, leur mention à l’article 1er de la Constitution n’était pas satisfaisante. Nous avions d’ailleurs proposé de la déplacer après la référence au français. Malheureusement, notre proposition n’avait pas reçu d’écho favorable au Sénat.
L’Assemblée nationale, en deuxième lecture, a pris en compte les demandes fortes et légitimes de faire référence aux langues régionales dans un autre article de la Constitution, à savoir l’article 30 septies.
Que nous les pratiquions ou pas, nous sommes nombreux à revendiquer le droit pour les langues régionales d’être protégées : il y va de leur survie et de leur développement.
La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires étant vouée à ne jamais être adoptée, il était impérieux de constitutionnaliser l’existence des langues régionales : de cette reconnaissance découle la possibilité, par la voie législative, de mettre en œuvre un cadre juridique les protégeant, garantissant leur développement, avec bien sûr toutes les réserves qui ont déjà été demandées.
Personnellement, je me réjouis que l’Assemblée nationale ait rétabli la mention des langues régionales.
Contraint de voter conforme le texte issu de l’Assemblée nationale, le Sénat ne devrait pas remettre en cause cette mention aujourd’hui, et je m’en félicite.
M. le président. L'amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Renar et Autain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Malgré tout mon attachement aux langues régionales, et bien qu’ayant été attentif aux interventions favorables à leur inscription dans la Constitution, je continue de penser que celles-ci n’ont pas leur place dans la loi fondamentale.
Dans le même temps, parce que je mesure toute la richesse de ce patrimoine que sont les langues régionales, j’estime que le sujet est suffisamment important pour être l’objet d’une loi spécifique et d’un débat législatif à part entière. En effet, les langues régionales valent mieux qu’une forme d’instrumentalisation dans un débat touchant à la révision de la Constitution.
Comme le disait très bien notre ami Félix Leyzour, amoureux du breton, ancien sénateur et ancien député des Côtes-d’Armor, dans un débat sur les langues régionales : « Le problème des langues et cultures régionales, s’il n’est pas “le” problème en France, est “un” problème qu’il nous faut aborder, avec le souci de sortir par le haut de ces débats biaisés, et de traiter la question avec comme objectif de “servir” la cause des langues régionales et non pour “s’en servir” périodiquement à d’autres fins politiques ».
À ce sujet, on a pu constater, pour le regretter, que ce n’est pas l’inscription de la langue française dans la Constitution en 1992 qui a permis d’endiguer la régression de son usage, y compris dans les instances où elle est pourtant l’une des langues officielles.
Cela devrait faire méditer ceux qui veulent coûte que coûte inscrire les langues régionales dans la Constitution. Ce n’est d’ailleurs pas un passage obligé pour la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
En revanche, veillons à ne pas réduire, au nom de la protection des langues, les citoyens, qui sont des individus libres et égaux, en éléments de groupes ethniques au sein d’une Europe supranationale des régions.
J’ai toujours été un partisan résolu du plurilinguisme et un ardent défenseur de la diversité culturelle. Aussi, je m’inquiète plutôt de l’insuffisance des moyens pourtant indispensables à une réelle promotion des langues, quelles qu’elles soient.
Grâce aux langues régionales, de nombreux Français apprennent à parler rapidement deux langues. D’un côté, l’éducation nationale a tout à gagner de ce bilinguisme, qui est un atout puisqu’on sait qu’il favorise l’apprentissage d’autres 1angues. D’un autre côté, avec la mondialisation, le monde est devenu un village. Notre pays a un besoin énorme et vital de personnes qui parlent le chinois, l’arabe, etc.
Nous avons également la chance de pouvoir compter sur des immigrés dont ces différentes langues sont la langue maternelle. Quelle fabuleuse richesse ! C’est pourquoi nous avons besoin, outre le français, qui est notre langue commune, de pratiquer des langues étrangères, mais aussi de prendre en compte les autres langues de France.
L’introduction des langues régionales au sein du titre de la Constitution relatif aux collectivités territoriales, loin d’être à mes yeux un compromis acceptable, est source, au contraire, d’inquiétudes supplémentaires.
C’est la porte ouverte à de nouveaux désengagements de l’État, qui s’accompagneront de nouveaux transferts de charges sur les collectivités déjà asphyxiées. Ce serait un sérieux recul pour les langues régionales.
Une véritable décentralisation n’a de sens que si elle est accompagnée des moyens financiers et humains, dans le cadre d’une politique nationale, en partenariat avec les collectivités locales. C’est tout le sens de la proposition de loi que nous allons déposer.
Au-delà de l’affichage, pour que les langues régionales demeurent parlées, elles ne doivent pas nécessairement figurer dans la Constitution : elles doivent être pratiquées dans la rue comme à l’école, à la radio comme à la télévision. L’école, les enfants, là est la clé du trésor, pour reprendre une expression d’André Malraux.
La diversité culturelle et linguistique est un véritable patrimoine commun de l’humanité, aussi nécessaire pour le genre humain que la biodiversité dans l’ordre du vivant.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Renar !
M. Ivan Renar. Je conclus, monsieur le président !
La France se doit de valoriser sa propre diversité, d’autant qu’elle a ratifié la convention de l’UNESCO pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Néanmoins, on peut être pratiquant et partisan des langues régionales sans pour autant vouloir les inscrire dans la loi fondamentale, d’autant que, sur le fond, il s’agira avant tout de se prononcer sur un projet de révision de la Constitution qui, en amoindrissant les pouvoirs du Parlement, affaiblit la démocratie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République a bien du mal à trouver une majorité.
Quel gain pour les langues régionales si la révision n’est pas adoptée à Versailles, comme on peut l’espérer ? C'est pourquoi il est important de légiférer spécifiquement sur les langues régionales.
En attendant, je vous propose d’adopter cet amendement de clarification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Comme on l’a expliqué, la référence aux langues régionales n’a certainement pas sa place à l’article 1er de la Constitution. Elle n’a pas plus sa place à l’article 2, madame Alima Boumediene-Thiery, puisqu’il s’agit du titre concernant la souveraineté.
Le dialogue a donc permis à la fois de reconnaître les langues régionales, ce qui est tout à fait légitime, et de les mettre à la bonne place, après la décentralisation. C’est un bon équilibre !
J’ajoute, pour notre collègue Jacques Legendre, que l’article suivant, bien qu’ayant été simplifié – je crois néanmoins que cela lui conviendra parfaitement –, prend en compte la francophonie.
Quoi qu’il en soit, la commission émet un avis défavorable. Je pensais d’ailleurs que M. Renar allait retirer son amendement après le plaidoyer qu’il a prononcé pour les langues régionales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote.
M. Gaston Flosse. Je souhaite tout simplement demander à M. le rapporteur de bien vouloir confirmer que les langues d’outre-mer sont également concernées par ces dispositions de l’article 30 septies, à savoir, pour la Polynésie française, le reo ma’ohi, c'est-à-dire le marquisien, le mangarevien, le paumotu, pour la Nouvelle-Calédonie, les langues canaques, pour Wallis et Futuna, le Wallisien et les langues des départements d’outre-mer.
Pourrons-nous dorénavant nous exprimer dans nos langues natales au sein de nos assemblées, ce qui nous est interdit aujourd'hui, la langue française restant, bien entendu, la première langue, la langue officielle parlée par tout un chacun.
Pour finir, je veux dire à M. Renar qu’il manque de cohérence. Il reconnaît dans son introduction que les langues régionales sont une richesse pour la nation, mais il nous dit ensuite de les jeter au panier, car elles n’ont pas leur place dans la loi fondamentale de la République.
Nous ne partageons absolument pas ce point de vue. Nos langues sont le support de nos cultures et nous tenons à elles !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. À titre personnel, déplacer la question des langues régionales à ce niveau de la Constitution me convient. Mais je souhaite obtenir une précision, d’autant que je m’interroge s’agissant de l’intervention de M. Flosse.
Le fait d’inscrire dans la Constitution que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France est-il un préliminaire à la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ou bien s’agit-il d’un préliminaire à l’utilisation officielle de ces langues dans les assemblées, comme notre collègue vient de le demander ?
M. Gaston Flosse. Je n’ai pas dit « officielle » !
M. Pierre-Yves Collombat. Excusez-moi, cher collègue, mais vous avez fait allusion à leur utilisation « au sein de nos assemblées » !
M. Gaston Flosse. Vous déformez mes propos : le français reste la langue officielle !
M. Pierre-Yves Collombat. Donc, allons-nous vers une utilisation officielle des langues régionales ou bien s’agit-il, comme le prévoit simplement le texte, de considérer qu’elles appartiennent au patrimoine de la France ?
J’aimerais obtenir une réponse précise sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La reconnaissance des langues régionales concerne également, bien entendu, les langues d’outre-mer. D’ailleurs, si soixante-dix-neuf langues régionales ont été recensées en 1999 dans un rapport remis au ministre de l’éducation nationale, c’est grâce à la richesse des langues de nos collectivités d’outre-mer !
Il est évident que cet article n’ouvre aucun nouveau droit.
Le Conseil constitutionnel a indiqué que le français devait être obligatoirement utilisé dans la sphère publique, conformément à l’article 2 de le Constitution. Bien entendu, ce n’est pas un principe absolu ; je pense notamment à l’enseignement des langues régionales, à condition qu’il ne soit pas obligatoire.
En tout état de cause, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est extrêmement précise à cet égard et le présent article ne la remet absolument pas en cause.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !
Je ne suis pas et je ne veux pas apparaître comme étant contre les langues régionales : le seul point de divergence entre nous, c’est leur inscription dans la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, j’avais bien compris !
M. Ivan Renar. Cette affaire est tellement importante qu’elle mériterait un texte de loi spécifique, y compris afin de prévoir les moyens du développement des cultures et des langues régionales.
Ne me faites pas passer pour ce que je ne suis pas : j’ai reçu suffisamment de courriers ! J’ai remarqué qu’il y avait des courants identitaires très forts aux quatre coins de notre pays.
L’inscription des langues régionales dans la Constitution me paraît pleine de contradictions et de dangers. Mais ce n’est pas une attaque contre les langues régionales ! J’ai le droit d’avoir ce point de vue et de le défendre, même si je suis un peu seul, à la manière des Rêveries du promeneur solitaire.
M. le président. Je mets aux voix l'article 30 septies.