Article 35
I. - À compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007, le titre XV de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa de l'article 88-4, les mots : « les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne » sont remplacés par les mots : « les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne » ;
2° Dans l'article 88-5, les mots : « et aux Communautés européennes » sont supprimés ;
3° Les deux derniers alinéas de l'article 88-6 sont ainsi rédigés :
« Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement.
« À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit. »
II et III. - Non modifiés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 90, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Il s’agit d’un amendement de cohérence. L’article 35 du projet de loi a pour objet d’accorder la réforme constitutionnelle avec les conséquences de la ratification du traité de Lisbonne par la France. Ce traité étant dorénavant caduc, il convient de supprimer cet article.
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du dernier alinéa du I de cet article, après les mots :
soixante sénateurs
insérer les mots :
ou d'un groupe parlementaire
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Nous avons déposé une série d’amendements qui tendaient à octroyer des droits nouveaux aux groupes parlementaires. Par cohérence, nous entendons permettre à ces groupes de pouvoir prendre l’initiative d’un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 90.
Quant à l'amendement n° 89, il nous semble tout à fait intéressant que le groupe CRC, qui souhaite supprimer toutes les références au traité de Lisbonne, soit prêt à faire usage de certains droits nouveaux créés par ce même traité !
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Il reviendra en tout état de cause au règlement de déterminer les modalités d’initiative des recours devant la Cour de justice des Communautés européennes. Un tel recours devra rassembler un minimum de soutien dans l’assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Aucune loi n’est parfaite et celle-là ne l’est pas. Mais elle comporte des avancées considérables, notamment en ce qui concerne les droits accordés aux groupes parlementaires n’appartenant ni à la majorité ni à l’opposition, et le pouvoir accru de tous les parlementaires en matière d’initiative législative, ce qui nous conduira certainement à réformer nos structures.
Une majorité de mon groupe votera donc pour ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais d’abord rendre hommage à notre rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest, pour le travail considérable qu’il a fourni pendant cette longue période, ainsi que pour ses talents de diplomate, grâce auxquels de nombreuses propositions du Sénat ont été retenues. (Applaudissements sur les travées de l’UMP)
Cette révision constitutionnelle est la suite logique du quinquennat, dont nous n’avions pas encore réellement tenu compte dans nos institutions, et de l’inversion du calendrier électoral. Elle respecte les engagements du chef de l’État et prend en considération un grand nombre de propositions du comité Balladur. Elle assure la modernisation de nos institutions dans toute une série de domaines, notamment en ce concerne le statut du chef de l’État ou les pouvoirs du Parlement, qui connaissent des avancées considérables.
En outre, cette réforme constitutionnelle innove dans toute une série de domaines. Je les cite en vrac : la francophonie, les langues minoritaires, le référendum d’initiative populaire, l’exception d’inconstitutionnalité, le Conseil supérieur de la magistrature, la commission des affaires européennes ou l’admission de nouveaux États au sein de l’Union européenne.
C’est donc une révision pleine de potentialités que nous allons adopter, mais beaucoup de travail nous attend. Il faudra adopter sept lois organiques, plusieurs lois ordinaires et modifier le règlement de chacune de nos assemblées dans un laps de temps relativement réduit, entre octobre 2008 et mars 2009.
Certains peuvent être déçus que leurs propositions n’aient pas été retenues, mais il me paraît important, dans le cadre d’une révision constitutionnelle, de ne pas tout modifier en une seule fois. Une révision ciblée sur des problèmes simples permet de mieux aller au fond des choses, même si nous devons réviser la Constitution chaque année. Celle-ci doit évoluer et s’adapter ; ce n’est pas une tente dressée pour le sommeil.
Nous disposons maintenant d’une base pour la transformation, la modernisation et la démocratisation de nos institutions si nous acceptons d’utiliser pleinement les nouveaux pouvoirs constitutionnels qui nous seront donnés.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP émettra un avis favorable sur l’ensemble de cette révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Nous avons tenu à ce que cette seconde lecture, au terme de laquelle nous arrivons, donne lieu à un réel débat. Nous n’allions pas tout arrêter et considérer que la messe était dite parce que certains d’entre nous avaient décidé de voter conforme le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Je salue la patience de ceux qui, dans le silence, ont supporté ces deux jours.
Après cette absence de dialogue qui a caractérisé nos travaux et cette parodie de débat menant à un vote conforme dans lequel la majorité de notre assemblée a pu manifester tout son sens de l’ouverture, nous pouvons constater qu’aucun amendement de l’opposition, ou d’autres sénateurs d’ailleurs, n’a été adopté. C’était pourtant votre dernière chance, et nous avions évoqué cette possibilité.
Nous aurons l’occasion à Versailles de reprendre les raisons très précises pour lesquelles nous estimons que ce texte est médiocre, cette révision insuffisante et cette démarche clanique, privilégiant la victoire d’un camp sur un autre et refusant toute discussion. Pardonnez-moi, je suis quelque peu excessif, vous avez dialogué au sein de l’UMP. Je salue cette innovation démocratique !
Vous avez, avec frénésie, depuis quelques semaines, tenté de débaucher un certain nombre de parlementaires socialistes. Nous mesurerons lundi la vanité de vos efforts. Cette révision ne grandit pas le Parlement, elle conforte le conservatisme du Sénat et maintient ses verrous.
Sur les chaînes de télévision – sans doute peu au fait de la réalité de la situation –, on nous demande si notre attitude va changer après les nouvelles annonces qui ont été faites. Nous avons dû expliquer que, lundi, nous allions voter non pas la constitutionnalisation d’un article du Monde, mais un texte dont, en dépit des déclarations, pas un mot, pas une virgule n’a changé, comme vous en avez d’ailleurs apporté la parfaite démonstration ces deux derniers jours.
Vous avez voulu que cette révision soit la vôtre, et bien gardez-la ! Mais n’oubliez pas que les communistes, les socialistes et les Verts du Sénat et de l'Assemblée nationale n’ont pas la minorité de blocage des deux cinquièmes.
Nous ne saurons que lundi soir ce qu’il sera advenu de cette réforme ! Votre tentative d’essayer de nous faire porter un possible échec se heurte à ce simple postulat mathématique : nous ne représentons pas les deux cinquièmes des voix. Si la révision constitutionnelle est rejetée, c’est bien parce qu’il y aura eu ailleurs qu’au sein des formations de gauche des parlementaires qui auront fait le constat des insuffisances de cette réforme. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)
Que mes propos ne vous enthousiasment pas, monsieur le secrétaire d’État, à deux heures et demie du matin, je n’en suis ni étonné ni navré. Mais il ne faut pas, à cette heure avancée de la nuit, avoir une telle réaction. Après, vous allez très mal dormir…
M. Bernard Frimat. … et j’en serais désolé pour vous.
Au demeurant, les sénateurs socialistes, tant ce soir que lundi à Versailles, voteront à l’unanimité contre cette révision constitutionnelle, qui restera une gigantesque occasion gâchée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette révision constitutionnelle a fait l’objet d’une véritable gestation, puisque voilà environ neuf mois que l’on en parle, après son annonce par le Président de la République, Nicolas Sarkozy. Au demeurant, avant d’être élu, celui-ci considérait qu’une telle révision constitutionnelle était inutile.
M. Josselin de Rohan. Ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a d’abord eu la mise en place du comité Balladur, dont sont issues les soixante-dix-sept propositions, qui, au fond, instauraient un régime présidentiel affiché, avec, en compensation, l’introduction d’une dose de proportionnelle, un Sénat plus démocratique, et des limites aux pouvoirs du Président de la République.
Ensuite, il y a eu le projet du Gouvernement, présenté en décembre dernier, qui organisait un présidentialisme caché par une communication savamment orchestrée au fil des mois : on expliquait qu’il s’agissait, en fait, d’une revalorisation des droits du Parlement. Étaient alors jetées aux oubliettes toute dose de proportionnelle, toute modification du scrutin sénatorial et toute limitation des pouvoirs du Président de la République.
M. Fillon avait annoncé, en décembre, que cette révision serait adoptée s’il y avait consensus. Je comprends maintenant qu’il parlait d’un consensus au sein non pas du Parlement, mais de l’UMP. De la consultation du peuple, il n’en a jamais été question ! Or, pour ma part, je pense qu’une révision constitutionnelle d’importance ne peut intervenir sans consultation populaire.
Il n’a jamais été question non plus des sujets qui pèsent lourdement sur les rapports entre les citoyens et les institutions, notamment des moyens d’assurer une meilleure représentativité du Parlement. Mes chers collègues, je pourrais vous citer bien d’autres exemples, que j’ai d’ailleurs déjà évoqués, mais je vous épargnerai ce rappel parce que vous me semblez bien fatigués ce soir.
Plus de six mois se sont écoulés depuis le mois de décembre, et force est de constater que vous n’êtes pas parvenus à un consensus. Peut-être un accord a-t-il été trouvé au sein de la majorité présidentielle ; nous le verrons lundi prochain !
Toutes les tentatives de l’opposition pour modifier le projet de loi constitutionnelle afin d’atteindre l’objectif annoncé, à savoir le renforcement des droits du Parlement, ont été rejetées.
En outre, le débat auquel nous avons assisté sur la représentativité des collectivités territoriales par le Sénat a tourné à la caricature.
Qui plus est, le renforcement des pouvoirs du Parlement a fait l’objet, au sein même des assemblées, d’une véritable propagande. Mais, il faut bien le dire, la discussion a permis de révéler la réalité du texte. Ainsi, les mesures relatives au droit d’amendement sont finalement apparues pour ce qu’elles étaient
Nous avons donc maintenant un régime tout à fait particulier, c'est-à-dire un régime d’inspiration présidentielle à l’américaine, avec des pouvoirs considérables accordés au Président de la République, lequel n’est pas responsable devant le Parlement, mais peut le dissoudre ; dans le même temps, ce régime est proche d’un parlementarisme rationnalisé à l’anglaise, sans les droits de l’opposition.
Au final, il en ressort un système hybride, en réalité assez monarchique, où règne la confusion des pouvoirs et où le fait majoritaire est exacerbé ; cela aboutit à une opposition minorée quand le pays vote à droite et à une majorité minorée quand le pays vote à gauche.
Mon groupe votera non, trois fois non, à cette évolution qui repousse un peu plus les limites de la Constitution de 1958, que nous n’approuvons pas. Avec le quinquennat et l’inversion du calendrier, que nous n’avons pas non plus soutenus, le présidentialisme est lui aussi exacerbé.
Notre refus catégorique se justifie encore plus au regard de l’attitude actuelle du Président de la République, lequel nous laisse entrevoir la façon dont il veut tirer profit de cette révision constitutionnelle. Il n’est qu’à voir sa prestation aujourd’hui dans la presse – excusez-moi d’y revenir –, pour comprendre combien il entend peser sur le débat parlementaire, alors que le texte n’est pas encore adopté. Lorsqu’il viendra s’exprimer devant le Parlement, il pourra donner toute la mesure de ce présidentialisme accru, puisqu’il annoncera en direct ce que nous apprenons aujourd’hui par voie de presse.
Nous voyons tous la « pêche aux voix » qui a lieu actuellement. Ce n’est pas le consensus que vous visez : vous cherchez simplement à convaincre jusqu’au dernier parlementaire hésitant de mordre à l’appât et de voter votre révision. Ce spectacle affligeant conforte véritablement notre groupe dans sa décision initiale, à savoir le rejet de cette réforme constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’éprouve une frustration et une déception, car j’ai l’impression que nous avons raté une occasion tout à fait exceptionnelle de moderniser nos institutions.
Je considère en effet que nous aurions pu aller beaucoup plus loin, même si quelques avancées, malheureusement loin d’être satisfaisantes pour les parlementaires et les citoyens, ont été enregistrées. Notre assemblée, en faisant preuve d’une grande inertie, s’est transformée en chambre d’enregistrement.
Nous avons éludé, et nous le regrettons, les questions fondamentales : la réforme du Sénat et la prise en compte de la population dans le mode d’élection des sénateurs, le cumul des mandats et leur limite dans le temps, le droit de vote des étrangers, mesure essentielle qui aurait pu donner un nouvel élan à notre démocratie, le scrutin proportionnel, qui aurait pu permettre à nos assemblées d’être plus dynamiques et à l’image de notre société, notamment avec plus de femmes et plus de jeunes.
La majorité a réduit, et c’est dommage, cette révision au minimum, pour la transformer en réforme de convenance qui sert davantage les intérêts particuliers que l’intérêt général. L’exemple des parachutes dorés est, à cet égard, éloquent.
Nous avons également assisté à une nouvelle procédure, une « CMP-UMP », ce qui est tout à fait regrettable, car nous avons fait reculer la démocratie parlementaire. C’est très grave pour notre démocratie, pour notre société et pour l’avenir de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Je serai bref. Je souhaite remercier le Président de la République. Pendant les préparatifs de sa campagne électorale, nous lui avions suggéré de créer des sièges de députés des Français de l’étranger, ce qui, je le sais, n’était pas facile. Je veux également remercier le Sénat, qui a adopté cette mesure, ce qui n’était pas facile non plus.
Au final, les Français de l’étranger sont très heureux ce soir. Leurs élus ont voté à l’unanimité, moins neuf abstentions, en faveur de cette mesure. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je souhaite remercier toutes celles et tous ceux qui ont permis la bonne tenue de ce débat, plus particulièrement en deuxième lecture. Car le rôle du Sénat est, il faut bien le reconnaître, difficile, dans la mesure où la Constitution prévoit que le texte doit être voté en termes identiques par les deux assemblées pour parvenir à l’étape finale du Congrès. Un tel vote nécessite une grande discipline, et je remercie M. le rapporteur d’avoir expliqué tous les aspects de ce texte avec une grande patience.
La réforme constitutionnelle sur laquelle nous sommes amenés à nous prononcer porte une ambition simple, claire et évidente. Si l’on se réfère à l’intitulé du rapport Balladur ou à l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, il s’agit de construire une République plus démocratique, donc avec des pouvoirs plus équilibrés.
Nous le savons tous, la Ve République a connu plusieurs phases historiques qui ont conduit à un renforcement du rôle du Président de la République ; je pense, notamment, à l’élection au suffrage universel direct en 1962, au quinquennat et à l’inversion du calendrier électoral : toutes ces mesures ont abouti à une présidentialisation accrue de notre régime politique.
Aujourd’hui, on se rend bien compte qu’il faut « desserrer » un certain nombre de contraintes : nécessaires en 1958, celles-ci ne peuvent résister à l’évolution de la société française.
Deux grandes catégories de mesures apparaissent clairement dans le projet de loi constitutionnelle, qui vise à modifier plus de la moitié des articles de la Constitution : d’une part, l’accroissement des pouvoirs du Parlement et la limitation de ceux du Président de la République ; d’autre part, la reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens. C’est autour de ces deux idées que notre groupe a essayé de travailler.
Nous reconnaissons tout à fait que, s’agissant des pouvoirs du Parlement, de nombreuses dispositions sont prévues. Le fait que la première chambre saisie se prononcera désormais sur le texte élaboré en commission apparaît comme une véritable révolution. Nous renouons ainsi avec notre tradition parlementaire, interrompue en 1958. Désormais, le Parlement pourra jouer véritablement son rôle.
L’ordre du jour partagé, le nouveau pouvoir de contrôle et d’évaluation des politiques publiques modifient considérablement le fonctionnement du Parlement et définissent son nouveau rôle.
La limitation des pouvoirs du Président de la République, s’agissant notamment des nominations à des postes extrêmement sensibles – il suffit de voir ce qui se passe ces jours-ci – est également un élément qui peut changer profondément la nature de notre régime.
En outre, et c’est pour nous le plus important, deux nouveaux droits sont accordés au citoyen.
L’un d’eux, qui est donné assez facilement et sur lequel nous n’avons probablement pas assez insisté, concerne l’exception d’inconstitutionnalité. Celle-ci manquait dans notre système juridique français. Alors que partout ailleurs, dans les pays voisins, le justiciable peut demander au juge de ne pas appliquer un texte de loi au motif qu’il est inconstitutionnel, cela n’est pas possible en France à l’heure actuelle. Demain, si le projet de loi constitutionnelle est adopté, ce sera possible.
Il s’agit d’une garantie nouvelle extrêmement importante qui est octroyée au citoyen. Grâce à cette mesure, tout le monde pourra saisir le Conseil constitutionnel.
Certes, ce n’est pas la voie de l’action ! Nous aurions pu aller plus loin, notamment en étendant le droit de saisine du Conseil constitutionnel aux groupes parlementaires. Car chaque fois que l’on fera la « purge », si vous permettez l’expression, de l’inconstitutionnalité par la voie de l’action, la sécurité juridique y gagnera.
En tout état de cause, ce nouveau droit accordé au citoyen représente, j’y insiste, un immense progrès.
L’autre droit, sur lequel nous avons mis l’accent tout au long de ce débat, concerne le pluralisme ; bien que le terme soit parfois galvaudé, celui-ci conditionne la liberté : il consiste à faire en sorte que toutes les tendances politiques existant dans notre pays soient reconnues, puissent s’exprimer et avoir une place au sein du Parlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Seule la proportionnelle l’aurait permis !
M. Michel Mercier. Bien sûr, ma chère collègue, il faut un système électoral qui le permette, mais nous ne demandons pas qu’il figure dans la Constitution.
Nous avons insisté sur cette notion de pluralisme par le biais d’un amendement extrêmement important, rejoignant la réflexion du professeur Jean-Louis Seurin dans les Mélanges Auby : « La liberté ne peut être maintenue que par un agencement des organes de gouvernement capable de traduire, dans les institutions de gouvernement, le pluralisme des forces sociales en compétition pour le pouvoir. »
Cette garantie est essentielle à nos yeux : la République sera tout à fait démocratique lorsque le pluralisme des opinions se retrouvera au sein des organes de gouvernement.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, d’avoir un peu ouvert la porte ce soir. Je veux bien croire qu’il était difficile de l’ouvrir complètement. (Sourires.) Nous ne saurons que lundi prochain si elle est totalement ouverte ou pas.
Pour notre part, nous sommes prêts au dialogue, comme nous l’avons été depuis le premier jour. Nous souhaitons que le dialogue entre le Gouvernement et ceux qui pensent comme nous puisse porter tous ses fruits. Il reste trois jours pour y parvenir.
Je le dis très clairement, nous ne voulons pas que la réforme se joue à qui perd gagne, selon l’expression utilisée par le journal Le Monde en date du 21 mai 2008.
Nous espérons que cette réforme deviendra la réalité politique de notre pays : cela ne dépend que de vous et des explications que vous voudrez bien nous donner, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État. Nous souhaitons pouvoir engranger tous les progrès que ce texte comporte. Nous attendrons lundi pour savoir si vous nous permettez de le faire. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et sur des travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 142 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 287 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 144 |
Pour l’adoption | 162 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je veux simplement vous remercier, monsieur le président, monsieur le rapporteur, ainsi que tous ceux qui ont participé à cet important débat pour la République. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)