M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je répondrai rapidement aux interventions qui n’auraient pas déjà été habilement traitées par Éric Woerth.
Monsieur le rapporteur général, j’ai été particulièrement sensible à vos remarques sur la politique économique menée par la France.
Vous avez en particulier souligné que nous aurions tout intérêt à concentrer nos efforts de relance économique sur l’investissement, et je crois que vous avez raison. C’est précisément la politique que nous tentons de mener actuellement. Nous poursuivrons nos effort en ce sens et nous trouverons, j’en suis sûre, de nouveaux outils, je l’espère, dans un cadre européen.
Parmi les mesures que nous avons déjà adoptées en faveur de l’investissement, je rappellerai rapidement le crédit d’impôt recherche, le soutien aux pôles de compétitivité, qui vient d’être prolongé pour trois ans, l’exonération de la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements réalisés depuis le 23 octobre dernier et le plan de soutien aux petites et moyennes entreprises.
À cet égard, je pense en particulier aux 17 milliards d'euros qui ont été mobilisés, dont 14,3 milliards d'euros dégagés par les banques au bénéfice du financement des petites et moyennes entreprises, ainsi qu’aux 5 milliards d'euros qui ont été décentralisés auprès d’OSEO pour permettre à cette agence d’assurer à la fois des cofinancements et des garanties. Enfin, 5 milliards d'euros ont été mis à disposition des collectivités territoriales.
Certes, il ne s’agit pas là d’un soutien direct à l’investissement des petites et moyennes entreprises, mais ces sommes constituent une part importante de l’investissement global dans notre pays. Au total, 27 milliards d'euros se trouvent mis à disposition soit des petites et moyennes entreprises, soit des collectivités territoriales.
En outre, nous avons sollicité un effort de la Banque européenne d’investissement, à laquelle nous avons demandé d’accroître de 50 % les concours qu’elle consent aux petites et moyennes entreprises. Actuellement, nous sommes en discussion avec elle pour mettre en place un programme de financement encore plus abondant et qui, surtout, bénéficierait à davantage d’entreprises.
Nous souhaitons en particulier aider certains secteurs comme l’automobile. Celle-ci doit développer sa recherche et développement pour franchir une étape technologique difficile et qui vient s’ajouter à la crise conjoncturelle dans laquelle elle se trouve déjà plongée.
Vous avez évoqué des financements extrabudgétaires, en particulier à l’échelon européen. C’est effectivement une voie dans laquelle nous souhaitons avancer plus vite et aller plus loin avec la Commission européenne, et avec le concours la Banque européenne d’investissement.
Vous avez également souligné la nécessité qu’il y avait tout à la fois à encourager l’investissement et à veiller à la cohésion sociale. L’instauration du revenu de solidarité active, tel qu’il est actuellement prévu et avec le développement qu’il connaîtra au cours de l’année 2009, devrait constituer un moyen de répondre aux difficultés que rencontrent les personnes les plus éloignées du monde du travail.
J’ajoute que l’effort considérable que nous demandons à l’ensemble du personnel de Pôle emploi, en vue d’un accompagnement personnalisé et plus rapide des demandeurs d’emploi, devrait aussi contribuer à soutenir ces personnes.
Je voudrais répondre à vos commentaires concernant les structures en cours de création ou existant déjà et qui permettent de détenir des participations. Le Président de la République a lancé ce matin le Fonds stratégique d’investissement. Celui-ci ne me paraît pas correspondre exactement à la définition habituelle d’un fonds souverain, puisque, malheureusement, nous ne disposons pas d’excédents venant de notre balance des paiements ou d’une rente pétrolière à gérer.
Nous souhaitons simplement soutenir une politique économique fondée sur l’investissement, en utilisant à cet effet le levier public.
De ce point de vue, je rappellerai simplement la distinction effectuée ce matin par le Président de la République. Celui-ci a en effet présenté et soutenu un dispositif comprenant deux organismes.
Le premier, c’est le Fonds stratégique d’investissement, qui est destiné à intervenir, à travers des prises de participation minoritaires, dans le cadre de petites et moyennes entreprises évoluant sur des secteurs stratégiques ou pour sécuriser le capital d’entreprises, elles aussi stratégiques, susceptibles d’être menacées. Ce fonds aurait donc vocation à soutenir dans une passe difficile, à prendre des participations minoritaires dans des secteurs stratégiques, qu’elle que soit la taille de l’entreprise.
Je marque au passage qu’il s’agirait, dans ce cas, d’investissements à durée limitée. L’État ne serait pas nécessairement appelé à participer durablement au capital de ces entreprises. Mais l’objectif serait non pas la rentabilité à très court terme ou à court terme, mais la rentabilité à moyen terme, pour faciliter la transition en attendant une période moins difficile.
L’Agence des participations de l’État, que vous avez évoquée, constitue un second « véhicule » de l’investissement public dans le secteur privé, que celui-ci soit exposé ou non. Placée sous la direction et le contrôle exclusifs de l’État, cette agence aurait vocation à prendre en charge les participations majoritaires à caractère stratégique, pour des durées d’investissement plus longues.
Ce rappel me permet de souligner que l’existence de deux organismes ne me semble pas poser de problèmes particuliers, puisque le type de participation, les cibles visées, la durée d’investissement et l’attente de rentabilité ne sont pas les mêmes.
Monsieur le président Arthuis, vous avez évoqué l’exonération de taxe professionnelle en faisant la distinction entre, d’une part, l’exonération actuellement prévue, qui est ponctuelle et constitue – du moins je l’espère – une mesure forte de soutien à l’investissement, et, d’autre part, la réflexion de long terme que nous devons engager à la fois sur le financement des collectivités locales et sur cette taxe et les éléments entrant dans son assiette.
À cet égard, il faut avancer par étapes et une fois mise en place la mesure puissante et temporaire que j’évoquais, attendre aussi bien les conclusions des travaux de la commission Balladur sur les différents échelons territoriaux que les recommandations des deux chambres du Parlement. Après cela, nous pourrons aborder la question de la fiscalité locale et de la taxe professionnelle. Ce tempo me semble être le plus adapté.
Madame Bricq, je souhaite vous rappeler le cadre dans lequel s’inscrit l’action du Gouvernement. Vous avez évoqué les conclusions du G20 en abordant la question de la relance souhaitée par tous les pays qui le composent. Je veux simplement, à cet égard, attirer votre attention sur le fait que, au cours de cette réunion dont les membres totalisent environ 80 % du produit intérieur brut mondial, l’Union européenne s’est exprimée d’une même voix, et d’une voix forte, parce qu’elle était unie, grâce à la présidence française. En effet, le Président de la République a engagé toute son énergie et sa détermination pour conférer à l’Europe une véritable puissance de proposition.
Le principe de la relance ayant été accepté par le G20, il appartient à chaque membre, dans les périmètres géographiques les plus appropriés, de décider de la forme que prendront ces mesures de relance. Dans notre esprit, c’est d’abord à l’échelon européen que doivent se définir et s’articuler les éléments d’une relance.
C’est bien pourquoi, dès le Conseil européen des 15 et 16 octobre derniers, le Président de la République avait invité l’ensemble des vingt-six autres États membres de l’Union à s’engager dans la voie de la définition d’une relance de nature européenne.
À cette époque, il n’avait pas été suivi par ses partenaires. Cela ne l’a pas empêché d’agir de manière déterminée en faveur de la relance et d’obtenir un accord au G20. Reste maintenant à attendre que la Commission précise les éléments d’un plan de relance, dont nous espérons qu’il sera à la hauteur de la situation. Les résultats de ces travaux ne seront connus que le 26 novembre.
Nous dialoguons actuellement avec la Commission européenne. Les données que vous avez citées concernant le communiqué de M. Michael Glos ne sont que des éléments préliminaires et ne ressemblent absolument pas – du moins je l’espère – à ce que sera, le 26 novembre, la communication de la Commission.
Les 130 milliards d’euros auxquels vous faisiez référence ne constituent sans doute pas le montant total du plan de relance. Si c’était le cas, cela représenterait à peu près 1 % du produit intérieur brut de l’Union européenne. Nous verrons ce qu’il adviendra. Mais il est clair que c’est dans cette instance régionale européenne que nous devons, ensemble, réussir à décliner les éléments de ce plan de relance.
Par ailleurs, j’ai parfois un peu de mal à vous suivre, madame Bricq. En effet, vous estimez que nous mettons en œuvre des mesures de soutien à l’activité avec la loi du 21 août 2007 et, pourtant, vous nous reprochez de ne pas faire de relance.
Les mesures prises dans la loi de 2007 ont permis d’injecter 8 milliards d’euros dans l’économie française sous forme de pouvoir d’achat.
Mme Nicole Bricq. C’est faux !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il faut y ajouter le dispositif de la loi de finances pour 2008, qui comprend notamment le crédit d’impôt recherche.
Que vous ne soyez pas d’accord avec notre démarche et que vous n’approuviez ni les cibles que nous avons choisies ni la façon dont nous répartissons les différents éléments, je veux bien l’admettre. Mais ne dites pas que nous n’avons rien fait en matière de relance et de soutien à l’investissement !
Par ailleurs, on ne le souligne pas assez, la croissance du troisième trimestre 2008 a été positive et la consommation et l’investissement ont augmenté, alors que, partout ailleurs, les signes d’une véritable récession apparaissent clairement. Mais je comprends que vous passiez sous silence ces bonnes nouvelles : vous aviez tellement anticipé une récession que vous auriez pu commenter à l’envi !
En outre, les baisses d’impôt, sur l’ensemble de la législature, atteindront en effet le chiffre de 10 milliards d’euros.
Mme Nicole Bricq. Oui, mais pour qui ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Là encore, vous n’en soufflez mot ! C’est dommage, mais après tout chacun reste dans son rôle et sa posture habituels.
Concernant le soutien à l’économie, en additionnant tout ce qui a été injecté dans l’économie au cours des dernières semaines – on y retrouve 17 milliards d’euros mis à la disposition des PME, 5 milliards d’euros pour OSEO destinés aux petites et moyennes entreprises, 5 milliards d’euros octroyés aux collectivités territoriales, 1 milliard d’euros investis dans le capital de DEXIA, 10 milliards d’euros qui ont été isolés pour renforcer les fonds propres des banques et amener ces dernières à financer l’économie –, nous parvenons à un total de plus de 48 milliards d’euros !
Il s’agit là d’un véritable plan avant l’heure, si j’ose dire, avant même que les pistes d’action soient totalement élaborées au niveau européen. Et je ne doute pas qu’au moment où celles-ci seront révélées nous ne continuions à soutenir la croissance française dans le domaine de l’investissement aux entreprises.
M. Bourdin nous a livré des considérations mûrement pesées et d’une grande hauteur de vue sur le rôle de l’État dans l’économie, notamment en temps de crise, ce dont je le remercie. J’ai également apprécié ses références à lord Keynes et à l’excellence de ses travaux.
Le Président de la République, comme il l’a d’ailleurs expliqué lui-même ce matin, s’est affranchi tant de Keynes que de Friedmann et de quelques autres. Au plein milieu d’une crise d’un type nouveau se caractérisant par son imprévisibilité, sa brutalité et sa profondeur, il faut tout simplement et avant tout être le plus réactif et le plus pragmatique possible, c'est-à-dire, d’une part, s’attaquer à la racine du mal et, d’autre part, faire en sorte de limiter les effets trop douloureux de cette crise à mesure qu’ils se présentent.
Actuellement, l’État français se comporte en véritable partenaire, aussi bien par les mesures prises en faveur des petites et moyennes entreprises, dans le cadre des programmes que j’évoquais, que par son statut d’investisseur, notamment sous forme de prises de participation minoritaires.
M. Bourdin a par ailleurs souligné la nécessité de préserver les flux d’investissements en faveur du patrimoine historique. Je partage entièrement son point de vue. Vous savez d’ailleurs que le Gouvernement estime que, sur ce point, l’Assemblée nationale est allée trop loin.
J’étais prête à accepter des dispositions interdisant un usage abusif du régime des monuments historiques, mais le plafonnement instauré par les députés ne me paraît pas cohérent avec l’effort que l’État se félicite de reporter sur un certain nombre de contribuables. J’espère que nous aurons l’occasion de débattre utilement de cette question devant la Haute Assemblée.
Monsieur de Montesquiou, je vous remercie de votre intervention et des encouragements appuyés que vous avez prodigués au Gouvernement pour le travail de longue haleine qu’il a entrepris. Ce travail, nous le voyons dès le troisième trimestre de cette année, commence à porter ses fruits.
La présidence française de l’Union européenne a permis de renforcer très sensiblement la coordination des politiques économiques des différents États membres. Ce n’était pas chose facile ! Parler de gouvernance économique et de politique économique européenne est une chose totalement nouvelle.
Nous pouvons d’ailleurs nous en réjouir. En effet, je rappelle que l’Union européenne est la première puissance économique mondiale, dès lors que l’on considère l’ensemble des vingt-sept États membres. Or, je pense que c’est uniquement en agissant à l’échelle d’espaces tels que l’Union européenne que nous parviendrons à bâtir les instruments de riposte à la crise économique dans laquelle sont plongées l’ensemble des économies du monde, pays développés et pays émergents confondus.
Qui dit crise financière globale dit aussi réponse globale, tout en conservant une articulation régionale, puis nationale, de façon que tous les instruments soient coordonnés et produisent véritablement des effets. À cet égard, vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur.
Madame Beaufils, vous avez instruit un procès à charge contre les heures supplémentaires. Évidemment, je ne partage pas votre analyse qui me semble tout simplement contredite par les faits.
Vous avez fait référence à 631 millions d’heures supplémentaires pour 2006 et avancé un chiffre similaire pour 2008. Tout d’abord, le nombre d’heures supplémentaires effectuées sera sensiblement plus élevé. Les données de l’ACOSS viennent en effet d’être publiées ; nous disposons donc d’un certain nombre d’éléments qui nous laissent pressentir ce que sera le résultat sur l’ensemble de l’année 2008. Nous serons, quoi qu’il arrive, au-dessus des chiffres de 2006. Et, en toute hypothèse, la croissance était alors deux fois supérieure à celle que nous aurons en 2008. Par conséquent, si, avec deux fois moins de croissance, nous sommes arrivés à faire croître le volume d’heures supplémentaires par rapport à 2006, cela témoigne du succès de la mesure.
Ensuite, vous dites que les heures supplémentaires ont nui à l’intérim. Mais, quand j’analyse le premier trimestre 2008, je constate que l’intérim a progressé au même rythme que le nombre d’heures supplémentaires.
Bien sûr, si vous changez la période d’observation pour ne retenir par exemple que le volume de l’intérim pendant le troisième trimestre 2008, le constat est différent, mais je suis persuadée que, indépendamment de la mesure relative aux heures supplémentaires, nous aurions constaté de toute façon un effondrement de l’intérim, tout simplement parce que l’économie française, au troisième trimestre, a commencé, par anticipation, à s’adapter à la crise qui a commencé par affecter la sphère financière internationale. En effet, l’intérim est toujours le premier touché par anticipation. Il constitue pour cette raison un indicateur avancé des évolutions.
Voilà pourquoi j’attire votre attention sur les chiffres de l’ACOSS, publiés aujourd’hui, et qui indiquent clairement qu’au total, sur les trois premiers trimestres de l’année 2008, 40 % des entreprises françaises ont eu régulièrement recours aux heures supplémentaires.
Ce sont, au total, selon les chiffres de la DARES – je cite mes sources ! –, près de 700 millions d’heures supplémentaires qui, à leur juste mesure, grâce à l’exonération de charges et à l’exonération fiscale qu’elles permettent, offrent autant de pouvoir d’achat supplémentaire aux salariés.
De ce point de vue, je ne crois pas que les heures supplémentaires aient eu un effet négatif sur l’emploi. D'ailleurs, lorsqu’ils sont interrogés individuellement, les chefs d’entreprise, qui utilisent cette mesure de façon récurrente, disent qu’elle ne les a jamais empêchés d’embaucher.
Si M. Serge Dassault était encore présent, je lui aurais répondu que la question des allégements de charges est, certes, délicate, et que nous y reviendrons, je l’espère, lorsque les temps le permettront. Je ne pense pas qu’il soit utile, en période de crise comme celle que nous connaissons et alors que le chômage risque d’augmenter, de baisser le seuil en dessous duquel il est procédé à des allégements de charges.
En revanche, ce que j’appelle de mes vœux, c’est une modification en profondeur du système de formation professionnelle, afin qu’il permette, graduellement, sur une certaine durée, d’améliorer le niveau de formation, d’intervention et de valeur ajoutée de l’ensemble des salariés français, et d’aller progressivement vers une diminution des allégements de charges.
J’ajoute que nous utilisons également ce moyen pour inciter les entreprises à tenir leurs engagements en matière de négociation annuelle des salaires et pour contraindre celles d’entre elles qui ne les respecteraient pas à les tenir.
Enfin, je répondrai rapidement à M. Alain Lambert. Il a évoqué la volonté politique et la qualité technique des services et s’est ému de cette dernière. Or les deux doivent marcher de concert. Il appartient à l’un de travailler avec l’autre. C’est ce que nous nous attachons à faire, et je suis persuadée qu’il s’était attaché à le faire. Je suis extrêmement reconnaissante aux femmes et aux hommes qui travaillent dans nos services de leur aide, que ce soit lors de la préparation de ce projet de loi de finances ou pour l’ensemble des travaux que nous menons. Je suis un peu étonnée de son plaidoyer, qui n’était pas véritablement pro domo, puisque ce fut sa maison.
Je souhaite simplement attirer son attention sur deux inventions dues à mes services et qui ont contribué largement à la simplification de l’ordre juridique. Je pense d’abord au statut de l’auto-entrepreneur, qui permet, par des voies extraordinairement simplifiées, à des personnes dotées de l’esprit d’entreprise et du sens de l’initiative de s’installer à leur compte et de créer leur entreprise. Je pense également au fonds de dotation que nous venons de lancer grâce à la loi de modernisation de l’économie,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !
Mme Christine Lagarde, ministre. …dont l’ensemble des décrets d’application sera publié avant la fin de l’année 2008.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bonne réforme !
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce fonds, par des voies aussi simples que la constitution d’une association et avec un financement du type de celui dont bénéficient les fondations, permet de donner libre cours au mécénat et de faciliter la mise à disposition, pour des causes d’intérêt général, de fonds privés qui veulent bien se mobiliser à cet effet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d’une motion n° I-50, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre opposition fondamentale au contenu de ce projet de loi de finances a été rappelée par les orateurs de mon groupe lors de la discussion générale.
Nous avons ainsi tenu à souligner à quel point les dispositions de ce texte ne permettaient pas d’apporter les réponses adéquates à la situation économique et sociale actuelle, porteuse de difficultés pour la grande majorité de nos compatriotes et, plus particulièrement, pour le monde du travail dans son ensemble, confronté à la menace de plans sociaux massifs et à la suppression de plusieurs centaines de milliers d’emplois dans un contexte globalement récessif.
Nous vivons aujourd’hui la crise d’un capitalisme mondialisé, dérégulé au fil du temps par de multiples décisions prises sur le plan international comme au niveau de chaque législation nationale, fruits de décisions politiques imposées aux peuples et aux salariés.
Cela a notamment conduit à l’accroissement de la rentabilité du capital au détriment du travail dans toutes les économies occidentales.
Comme l’ont montré les discussions sur les « plans de sauvetage » des marchés financiers, les tenants de ce système rêvent, une fois la crise surmontée, de recommencer comme avant, au risque d’entraîner les peuples dans la catastrophe.
À ce propos, les parlementaires du groupe CRC estiment pleinement justifié, à l’annonce des faibles prévisions de croissance pour notre pays – au mieux 0,5 % pour 2009 – de ne pas avoir voté le plan de sauvetage des banques, accordant la garantie de l’État sans contrôle réel sur plus de 360 milliards d’euros de crédits bancaires.
En effet, engager la garantie de l’État sur des montants proches de 20 % des prêts bancaires accordés dans notre pays aux entreprises pour aboutir à la suppression de 200 000 ou 300 000 emplois nous amène à nous interroger sur l’efficacité de la dépense publique.
Nous devons revenir donc sur la crise économique, notamment financière, que connaît notre pays.
Le vécu de la crise financière, pour les habitants de notre pays, c’est la déperdition de la valeur de leur épargne, pour ceux qui ont placé leurs économies dans des produits à risque, c’est l’incapacité pour les ménages modestes à pouvoir obtenir un prêt immobilier, c’est le refus opposé au chef d’entreprise d’obtenir de sa banque la ligne de trésorerie qui lui permettrait de faire face à ses charges d’exploitation ou le prêt qui autoriserait tel ou tel investissement.
Les dernières données disponibles indiquent clairement un processus de contraction du crédit accordé aux entreprises, notamment aux PME. Ce sont d’ailleurs ces difficultés qui sont aujourd’hui à la source de plans sociaux dans certaines entreprises, parfois importantes.
Ainsi, il n’a pas été possible de trouver 20 millions d’euros pour sauver les 754 emplois de la Camif !
Dès à présent, la remontée du chômage et de la précarité annonce une grave détérioration de la situation sociale, les plans sociaux succèdent aux plans sociaux, des entreprises pourtant réputées sont mises en liquidation, faute de trésorerie, et les chômeurs viennent s’ajouter aux chômeurs existants.
La question première, pour notre pays, est celle de la politique du crédit, des relations entre banques et entreprises et, au-delà, de tous les financements.
Nous sommes clairement partisans de la constitution d’un véritable pôle public financier, prenant appui sur les établissements financiers actuellement investis de missions publiques, comme la Caisse des dépôts et consignations, et sur la nationalisation d’établissements de crédit aujourd’hui largement privatisés depuis 1986.
La nationalisation de ces établissements et l’ensemble du pôle financier public viseraient, sous le contrôle des élus, des salariés et des épargnants, à développer un nouveau crédit à long terme pour les investissements matériels et de recherche des entreprises, avec un taux d’intérêt d’autant plus faible que ces projets seraient porteurs d’emplois, d’innovation, de développement social et environnemental.
II ne s’agit pas, comme semble devoir s’y attacher le Gouvernement, de se contenter d’accorder la garantie de l’État aux projets de financement que les banques estimeraient les moins sûrs.
En effet, à quoi va donc servir la garantie de l’État ? À prendre en charge les crédits accordés aux entreprises en difficulté que les banques hésitent à financer, ou à ne s’intéresser qu’aux entreprises en bonne santé financière, ne changeant donc rien aux inégalités actuelles d’accès au crédit ?
Cet accès au crédit constitue aujourd’hui bien plus que le prétendu coût du travail : le principal obstacle au développement de l’appareil productif dans notre pays.
Parmi les autres solutions nationales à la crise, et toujours dans la perspective d’une relance de l’activité économique favorable à l’emploi, à la formation et aux salaires, nous devons également nous attacher à développer de nouveau l’épargne populaire et les financements échappant à la loi des marchés.
Ainsi, la construction massive de logements sociaux peut être favorisée par le relèvement du plafond du livret A et le financement des PME facilité par celui du livret de développement durable.
Or, dans un cadre fiscal où l’on multiplie les niches fiscales favorables à la spéculation financière, où l’on dépense l’argent public pour alléger l’impôt de solidarité sur la fortune ou l’impôt sur le revenu des contribuables les plus aisés, nous sommes décidément loin du compte.
C’est donc clairement d’un autre projet de loi de finances que nous avons besoin. Rien, dans ce qui constitue pour le moment le texte de ce projet de budget pour 2009, ne correspond aux attentes et aux nécessités.
La dépense fiscale hypertrophiée que nous connaissons dans notre pays et qui se substitue de plus en plus à la dépense budgétaire directe ne peut constituer une réponse adaptée. Par nature, la dépense fiscale est aussi inégalitaire qu’est universelle et profondément juste la dépense budgétaire.
Quand nous engageons de la dépense publique directe, nous le faisons de manière équitable pour tous les citoyens, toutes les entreprises de notre pays, sur des critères objectifs.
Quand nous ouvrons le champ de la dépense fiscale, ce sont les initiés, pour l’essentiel, conseillés par quelques spécialistes, qui optimisent leur contribution aux finances publiques en réduisant de fait leur apport à la collectivité.
Ce projet de budget doit redonner la priorité à la dépense publique directe.
Discuter à l’infini d’un plafonnement des niches fiscales pour 200 millions d’euros – sur 90 milliards d’euros de remboursements et dégrèvements retracés dans la mission budgétaire correspondante ! – et en créer de nouvelles ou en renforcer d’autres procède du pur affichage.
À la vérité, le code général des impôts et le budget sont victimes d’une intoxication à la dépense fiscale. On pourrait presque se demander ce qui n’est pas sujet à la moindre mesure fiscale dite incitative, tant les montants de recettes perdues comme l’assiette des dépenses y ouvrant droit n’ont fait que croître.
Nous commençons d’ailleurs à penser que, eu égard aux faibles capacités d’innovation laissées aux parlementaires pour modifier le projet de loi de finances, tout porte aujourd’hui à dénaturer profondément le débat budgétaire autour de discussions sur quelques dizaines de millions d’euros que l’on pourrait faire passer d’un chapitre à un autre.
Le projet de loi de finances pour 2009 n’échappe pas à cette règle, puisqu’une part importante des mesures qui le composent n’a qu’une portée financière extrêmement réduite, allant jusqu’à maintenir en place des dispositifs dont la fiabilité est pour le moins limitée.
Pour autant, la crise étant présente et forte, ce sont à de nouveaux sacrifices que l’on appelle la population de notre pays : pas question de baisser la TVA dans ce projet de loi de finances, pour rendre du pouvoir d’achat aux ménages modestes ! En revanche, on assiste à la suppression inutile de l’imposition forfaitaire annuelle des sociétés.
Dans le même temps, on met les collectivités locales au régime sec, alors même que leur rôle est aujourd’hui essentiel pour agir de manière efficace contre la récession.
Les suppressions d’emplois publics sont du même ordre. Supprimer ces emplois, c’est prendre le risque de ne pas avoir à disposition, demain, les personnels en situation de répondre aux besoins.
Je profite de cette intervention pour saluer le puissant mouvement qui vient de marquer la communauté scolaire dans notre pays et qui illustre le rejet profond des suppressions de postes prévues dans l’enseignement par le présent projet de budget.
Aux coupes claires dans le budget de l’éducation s’ajoutent celles qui sont opérées sur le budget des transports et qui mettent en cause le développement des alternatives écologiques au transport routier.
Nous ne saurions oublier quelques tours de passe-passe : ainsi, la généralisation du RSA va permettre à l’État d’économiser plusieurs centaines de millions d’euros, tandis que les charges que supportent les départements au titre du RMI ne sont toujours pas compensées.
De même, si elle est adoptée en l’état, et sans que soit ajouté le moindre centime à la dépense publique pour le logement, la loi Boutin, en rackettant les fonds du 1 %, va permettre au budget général d’économiser 700 millions d’euros sur le dos des accédants modestes à la propriété.
Il y a pourtant des dépenses qui augmentent dans ce projet de budget, mes chers collègues, et ce de manière bien plus importante que les dépenses budgétaires utiles à la nation et à la population : ces dépenses, ce sont les dépenses fiscales, qui vont dépasser les 90 milliards d’euros, ce sont les exonérations de cotisations sociales qui, bien que imparfaitement compensées à la sécurité sociale, privent l’État de près de 40 milliards d’euros de ressources, c’est encore le service de la dette publique.
En effet, si les agents du secteur public connaissent, depuis 2002, gel ou quasi-gel des traitements et restrictions sur le droit à mutation professionnelle, il y a au moins quelques personnes qui trouvent leur compte au budget de l’État : ce sont les rentiers, qui se nourrissent du service de la dette publique, les titres aujourd’hui émis étant tous indexés sur l’inflation et assurant donc le « pouvoir d’achat » des détenteurs de capitaux.
Quoi que vous en disiez, madame la ministre, le Gouvernement va augmenter les prélèvements obligatoires, surtout les plus injustes, parce qu’il ne pourra pas faire autrement. À nos yeux, de telles mesures ne devraient se concevoir qu’en fonction d’un rééquilibrage des prélèvements sur le travail et le capital, et d’une mise à contribution des plus aisés, des grandes fortunes et des grands groupes.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable et de profiter de la prise de conscience de la gravité de la crise économique et sociale pour, enfin, décider d’œuvrer à une profonde réforme de la fiscalité et à la remise en cause des choix budgétaires trop longtemps mis en œuvre et qui nous ont conduit au déficit et à l’explosion de la dette. Pour la justice fiscale et sociale, pour l’efficacité économique de la loi de finances, plus que jamais, une autre définition des politiques publiques s’avère indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)