compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

M. Philippe Nachbar.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels après l'article 83 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Deuxième partie

Loi de finances pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Action extérieure de l'État

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 98 et 99).

Action extérieure de l’État

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Art 35 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du Quai d’Orsay fait chaque année l’objet de commentaires nourris sur le mode de la déploration : sont visées et dénoncées les baisses de crédits récurrentes.

Pourtant, dans ce contexte, nos diplomates continuent d’accomplir un travail remarquable. Permettez-moi de souligner tout particulièrement, en 2008, deux éléments majeurs.

Tout d’abord, si la réussite de la Présidence française de l’Union européenne est évidemment celle du Président de la République et du Gouvernement, elle est aussi le fruit d’une mobilisation exceptionnelle de nos diplomates tout au long de l’année et de leurs initiatives. Qu’ils en soient remerciés. Ensuite, je veux saluer la capacité des agents du Quai d’Orsay à faire face aux multiples crises qui secouent aujourd’hui le monde : je tiens à rendre hommage aux fonctionnaires du ministère qui viennent au secours de nos ressortissants étrangers, tout récemment en Inde et en Thaïlande, ou qui gèrent des prises d’otage, en Afghanistan ou au Tchad, avec un dévouement et une disponibilité qui forcent l’admiration.

Quels moyens le Gouvernement propose-t-il d’accorder à la diplomatie française ?

Nous disposons désormais d’un budget triennal, qui nous donne de la visibilité pour les exercices 2009, 2010 et 2011 et permet de discerner les ajustements à l’œuvre au Quai d’Orsay. La stabilité apparente des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », de l’ordre de 2,5 milliards d’euros, masque des tensions difficilement soutenables à moyen terme.

Au sein du plafond de dépenses, il faut constater, d’abord, la part prise par le rebasage des contributions internationales, frappée par ailleurs d’importants aléas de change, ensuite le transfert du paiement des cotisations de pensions des personnels détachés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, enfin, la montée en puissance progressive de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français à l’étranger.

Or, au sein du budget du Quai d’Orsay, chaque euro compte et tout euro supplémentaire ici a sa contrepartie en moins ailleurs. J’ai donc pu identifier les variables d’ajustement retenues sur le budget triennal.

Ainsi, les moyens alloués à la coopération militaire et de défense sont en diminution constante, alors qu’elle pourrait prendre le relais de la présence militaire française, elle-même en baisse, en Afrique. Selon mes estimations, le budget consacré à l’action culturelle à l’étranger diminuerait de 25 % sur trois ans. En ce qui concerne les dépenses d’action sociale pour les Français établis hors de France, j’ai noté avec inquiétude la baisse de la subvention attribuée à la Caisse des Français de l’étranger, qui annonce, malheureusement, des difficultés à venir.

Je constate également que le transfert des cotisations de pension des personnels détachés à l’AEFE est insuffisamment compensé et pourra avoir des conséquences dramatiques sur le nombre de personnels expatriés, ce qui ne sera pas sans effet sur la qualité des établissements.

Quelles que soient les réformes en cours, le Quai d’Orsay est pris dans un étau budgétaire. Même les emplois économisés au titre de la révision générale des politiques publiques, que le ministère des affaires étrangères s’est efforcé de chiffrer – ce qui n’est pas si courant – dans une fourchette de 320 à 490 emplois sur trois ans, restent très en deçà des 700 emplois devant être supprimés sur la période triennale.

Toutes les initiatives permettant de desserrer l’étau budgétaire autour du Quai d’Orsay sont donc bienvenues.

Pour ma part, j’évoquerai trois pistes.

Premièrement, les contributions de la France aux institutions internationales doivent être révisées. Il est possible de défendre notre attachement au multiléralisme et de promouvoir la place de notre pays dans les enceintes internationales, tout en veillant à un calibrage plus précis des dotations que nous versons au titre du budget régulier de certaines organisations et tout en nous efforçant d’obtenir la meilleure gestion possible des cotisations versées. La masse salariale représente les deux tiers du budget des organisations internationales, avec des mécanismes d’indexation dont les fonctions publiques nationales ne bénéficient plus depuis de nombreuses années. Le Quai d’Orsay a enfin conscience que le financement des contributions internationales pouvait se faire au détriment de son budget et a engagé un effort de rationalisation que je tiens à saluer, monsieur le ministre.

S’agissant des contributions internationales, les exigences sont de plus en plus fortes. Ainsi, le souhait du secrétariat général de l’Organisation des Nations unies d’augmenter le budget de cette institution de 50 % en 2009 a conduit le ministère à ne pas considérer acceptable en l’état une telle demande et à engager une concertation avec les autres grands contributeurs.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Oui !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Je soutiens cette démarche, comme je me félicite que la France ait engagé avec plusieurs de ses partenaires, et sur son initiative, un travail visant à modérer les augmentations de rémunération constatées en 2008 à l’OTAN, au Conseil de l’Europe, à l’OCDE et à l’Union de l’Europe occidentale.

Ce travail patient pourra utilement s’appuyer sur les travaux que mène la Cour des comptes dans certaines organisations internationales en tant que commissaire aux comptes. Ainsi, le récent rapport de la Cour des comptes sur le bureau de la prospective de l’UNESCO met en évidence « de mauvaises habitudes de travail au sein de l’UNESCO, le fonctionnement aléatoire de la hiérarchie et l’inefficacité du contrôle interne ».

Dans le domaine des opérations de maintien de la paix, c’est évidemment la diplomatie qui prime. Je souhaite être sûr qu’en République démocratique du Congo, par exemple, la réponse à la situation actuelle passe par un renforcement de l’opération actuelle plutôt que par un redéploiement des moyens déjà engagés par l’ONU.

Deuxièmement, en ce qui concerne la prise en charge des frais de scolarité, je partage totalement l’esprit de la mesure décidée par le Président de la République. Les 18 millions d’euros qui ont été jusqu’à présent consacrés à cette mesure, principalement pour la classe de terminale, peuvent paraître limités, même s’ils s’accompagnent d’une augmentation sensible des bourses au-delà des enveloppes fixées en loi de finances initiale. Encore ont-ils dû être financés par des redéploiements en provenance d’autres postes de dépense.

À ce sujet, je pose deux questions, qui trouvent leur traduction dans un amendement de la commission des finances, identique à celui de la commission des affaires étrangères, et susceptible de faire consensus.

Première question : si la mesure venait à être étendue au-delà du lycée, cette dépense serait-elle soutenable à terme ? Il est de ma responsabilité de rapporteur spécial, comme il est de notre responsabilité de sénateurs, de nous interroger. En effet, selon les estimations du ministère des affaires étrangères lui-même, l’effort réalisé, non pas uniquement pour la prise en charge des frais de scolarité, mais pour l’ensemble de la scolarité à l’étranger, pourrait représenter, à maturité de la mesure, jusqu’à 40 % du budget du Quai d’Orsay. C’est considérable, insupportable même.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Eh oui !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Comment cela sera-t-il financé ? Nous allons dans le mur, si vous m’autorisez cette expression ! Devrons-nous renoncer à notre diplomatie pour assumer cet effort important en faveur de nos compatriotes à l’étranger ? Il faut établir un moratoire au-delà de la classe de seconde et réfléchir sereinement aux modalités de financement d’une éventuelle extension.

Seconde question : l’égalité entre Français de l’hexagone et Français de l’étranger est-elle préservée ? J’y suis très attaché, comme l’est aussi le parent d’élève de mon département, qui nous regarde peut-être en cet instant. Dans le contexte actuel de crise, celui-ci peut légitimement se demander pourquoi le contribuable français doit régler l’intégralité des frais de scolarité des enfants français inscrits à l’institut Valmont de Lausanne – 11 000 euros par an –, sans condition aucune, dont le montant est bien supérieur à ce que l’éducation nationale paye pour ses propres enfants. Certes, il s’agit là de quelques cas très isolés,...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très isolés !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. ...comme le sont aussi les cas de familles très à l’aise qui profitent d’une mesure qui ne leur est pas destinée. C’est une raison de plus pour poser quelques limites raisonnables, afin de rendre la mesure du Président de la République d’autant plus incontestable qu’elle sera juste et propice à l’égalité de tous nos compatriotes face à l’éducation, que ceux-ci résident en France ou à l’étranger.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Évitons les fractures au sein de la communauté française.

Lorsqu’il s’agit véritablement de lycées privés, qui sont simplement homologués et jouissent à ce titre d’une complète liberté tarifaire, il faut avoir une approche similaire à celle que nous avons en ce qui concerne l’enseignement privé en France.

Mme Catherine Tasca. Il faut mettre des limites !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Oui ! Il faut des limites aux frais de scolarité que peuvent pratiquer ces établissements et prévoir un reste à payer pour les familles, comme c’est le cas dans l’enseignement privé en France, même lorsqu’il est, et c’est le cas, subventionné et sous contrat.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Je me permets de citer notre collègue Robert Del Picchia, qui s’est exprimé l’année dernière à la même époque en ces termes : « Il me paraît tout de même nécessaire de fixer un plafond.

« Pour en déterminer la hauteur, nous pouvons en débattre au sein du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, par exemple, et soumettre nos propositions tant à l’Élysée qu’au Quai d’Orsay. Je suis certain que nous parviendrons à un compromis. » Je fais miens ses propos et souhaite à mon tour que ce compromis soit trouvé.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Après le Livre blanc sur l’action extérieure de l’État et les états généraux de l’enseignement français à l’étranger, nous y sommes, mes chers collègues.

Troisièmement, malgré la RGPP, je souhaite que l’on cesse de toiser les ambassades et que s’arrête l’érosion budgétaire du ministère des affaires étrangères.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. C’est pour cela qu’il nous faut un Quai d’Orsay réformé. Les mesures annoncées par le ministère sont de bon sens. Je pense par exemple au principe de la modularité des ambassades, contrepartie évidente du maintien d’un réseau universel. C'est la raison pour laquelle je les soutiens pleinement.

Il est vrai que j’ai plus de réticences pour ce qui est de l’action culturelle à l’étranger. De mon point de vue, la réforme passe moins par la constitution de nouvelles structures que par une implication croissante du ministère de la culture, des méthodes de travail nouvelles et une redéfinition du métier de conseiller culturel, qui doit devenir un vrai métier. Cette idée est partagée par M. Bernard Faivre d’Arcier, personnalité respectée du monde de la culture, qui s’est récemment exprimé à ce sujet dans le magazine Connaissance des arts.

Je crois enfin que l’idée émise par le Quai d’Orsay d’une foncière portant la propriété des biens de l’État à l’étranger est bonne. Il faut aller jusqu’au bout de la démarche, en prenant des précautions s’agissant d’immeubles de souveraineté. On voit tout l’intérêt des cessions immobilières qui ont été réalisées à Paris et qui ont permis d’offrir aux agents du ministère, rue de la Convention, de nouveaux lieux de travail à la fois dignes et confortables. (M. le ministre approuve.) J’ai visité le nouveau site, il est en tout point remarquable, et j’invite ceux de nos collègues qui ne l’auraient pas encore fait à s’y rendre.

La réussite de la RGPP dépendra de la méthode adoptée pour conduire le changement. Or on hésite, parfois, entre opacité et transparence, entre modèle directif et modèle participatif. C’est le processus global qui est en cause, pas spécifiquement le Quai d’Orsay, et je crois, pour ma part, qu’en amont des décisions prises, une plus grande association des agents, notamment des cadres supérieurs, aurait été utile. Mais, pour ce qui concerne la mise en œuvre des décisions, il nous faut des objectifs clairs et chiffrés, un calendrier détaillé et un modèle suffisamment directif. Ce sont les ambassadeurs, en serviteurs loyaux de la République, qui seront les chevilles ouvrières de la RGPP : ils doivent donc être mobilisés pleinement et soutenus.

Cette dernière mission relève, à mon sens, de la direction générale de la modernisation de l’État, à Bercy, direction qui doit être davantage aux côtés du ministère pour réussir la réforme.

Enfin, la réforme suppose des contreparties. J’ai déjà évoqué les conditions de travail des agents de la rue de la Convention. Je crois aussi que l’adaptation des indemnités de résidence à la difficulté des postes occupés et l’opportunité d’offrir une seconde carrière aux diplomates sont des chantiers auxquels vous êtes légitimement attaché, monsieur le ministre.

En conclusion, sous le bénéfice des amendements que je vous présenterai, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits prévus pour la mission « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. André Trillard, rapporteur pour avis.

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je formulerai, tout d’abord, quelques observations sur l’ensemble de la mission « Action extérieure de l’État » avant d’en venir aux programmes 105 et 151 proprement dits.

Dans le projet de loi de finances pour 2009, le budget du ministère des affaires étrangères et européennes représente 1,37 % des dépenses de l’État ; les crédits de paiement s’élèvent à 2,52 milliards d’euros, soit une croissance « optique » de 7 %, mais effective de 2 %, à périmètre constant. En effet, 5 % de ces crédits sont affectés au programme 185 pour la prise en charge de frais de pension d’enseignants détachés à l’étranger, auparavant réglés par le ministère de l’éducation nationale. Ce budget ne représente donc qu’une faible part des dépenses de l’État.

De plus, les nécessaires arbitrages internes au ministère pour redéfinir ses actions sont limités par le poids croissant des contributions obligatoires aux organisations internationales, notamment de celles qui sont consacrées au financement des opérations de maintien de la paix de l’ONU. Vous savez que l’instabilité internationale croissante, qui a marqué la dernière décennie, s’est traduite par l’augmentation du nombre de ces opérations ; la contribution française à leur financement va ainsi passer de 170 millions d’euros en 2000 à 370 millions d’euros en 2009.

Il faut relever que ce financement a bénéficié, ces trois dernières années, d’un « rebasage », c’est-à-dire d’une évaluation financière plus réaliste en loi de finances initiale, en vertu du contrat de modernisation conclu entre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère des finances. Ainsi, 40 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 afin de poursuivre cet ajustement aux dépenses engagées, sans parvenir cependant à résorber l’« impasse » constatée à ce jour et évaluée à 115 millions d’euros. Cette somme est comparable à celle qui restait à financer, à la fin de l’année 2006, pour faire face aux coûts des opérations alors en cours.

Cette similitude entre la situation prévalant avant le « rebasage » et la situation actuelle conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à souligner la nécessité d’une meilleure cohérence entre nos engagements internationaux et leurs modalités de financement. Il s’agit d’un problème récurrent. S’il est compréhensible que la loi de finances initiale ne puisse évaluer avec précision le coût d’opérations en cours, il est surprenant que des décisions de cet ordre, prises au plus haut niveau de l’État, suscitent de telles difficultés de financement. Ces dernières pèsent lourdement sur les actions du programme 105, qui regroupe les actions de la France en Europe et dans le monde.

Si l’on évoque la mission « Action extérieure de l’État » en termes d’emploi, on constate qu’elle dispose d’un plafond de 13 077 équivalents temps plein travaillé, soit 149 postes de moins qu’en 2008.

La programmation triennale des finances publiques se traduira par une réduction de 700 emplois au total d’ici à la fin de l’année 2011. Après avoir touché, ces dernières années, des emplois sous contrat à durée déterminée et des postes de volontaires internationaux, la poursuite de la contraction des personnels du ministère portera, cette fois, sur les titulaires, c’est-à-dire sur « l’ossature » des services. Il conviendra donc que les redéploiements de personnels induits par la modularité des ambassades inspirée par le Livre blanc sur la diplomatie soient rapidement effectués.

Certes, cette nouvelle réduction de postes est atténuée au regard de la règle générale qui s’applique à l’ensemble des administrations et prescrit le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, mais elle conduit à un niveau au-dessous duquel il conviendra de ne pas descendre au-delà de 2011, à moins de modifier substantiellement les missions confiées au ministère des affaires étrangères et européennes.

Il ne s’agit pas de nier que des marges de progression en matière de gestion existent dans ce ministère, comme dans d’autres d’ailleurs. Les réflexions menées, depuis plusieurs années, sur le « calibrage » souhaitable du réseau extérieur ont, grâce à la commission du Livre blanc sur la diplomatie, pu être traduites en décisions opérationnelles.

La modularité apportée aux fonctions remplies par nos ambassades est la condition de la préservation de l’universalité de notre réseau diplomatique, qui, avec 160 ambassades et 21 délégations permanentes, est le deuxième au monde après celui des États-Unis.

Une trentaine de nos postes diplomatiques assureront, avec un personnel réduit à un ambassadeur entouré de quelques collaborateurs, une mission de présence et de veille. Une centaine se verra confier des missions prioritaires, avec un personnel plus étoffé, et une trentaine sur le territoire de nos principaux partenaires seront polyvalentes. Les personnels affectés à ces ambassades de plein exercice seront « lissés », c’est-à-dire restructurés et réduits, ce qui me semble tout à fait opportun, car certains postes semblent proches de la pléthore, alors que d’autres sont sous-dotés.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées estime très opportune cette initiative, qui évitera de créer des déserts diplomatiques, tout en prenant acte que la mission d’un ambassadeur en poste dans une île du Pacifique n’est pas tout à fait la même que celle d’un diplomate basé dans un pays de l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE.

Cette nouvelle organisation permettra également à de jeunes cadres d’avoir des responsabilités inédites lorsqu’ils dirigeront des postes de présence et de veille, ce qui dynamisera des carrières parfois un peu stagnantes du fait d’une pyramide des âges peu équilibrée.

J’aimerais que, sur ce point, monsieur le ministre, vous esquissiez un calendrier prévisionnel de mise en œuvre, cadre temporel utile tant pour l’adaptation des personnels à cette réforme que pour la nécessaire pédagogie envers nos partenaires, qui ne doivent pas ressentir la mise en place d’ambassades à format réduit comme une prise de distance à leur égard.

J’en viens maintenant au programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires », dont je souligne le nécessaire maintien, même s’il regroupe les crédits les plus limités de la mission « Action extérieure de l’État ». Il offre une visibilité unique sur les actions conduites en faveur de nos compatriotes expatriés et nos actions consulaires.

Le périmètre de ce programme évolue, avec la création d’un centre de crises et le transfert des crédits de fonctionnement et d’investissement correspondant à l’instruction des demandes de visas au ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, à compter du 1er janvier prochain.

Conformément aux engagements pris par le Président de la République, la prise en charge des frais de scolarité des élèves français fréquentant le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, sera étendue, à la rentrée 2009, aux classes de seconde, après avoir concerné les classes de terminale en 2007 et de première en 2008. Une enveloppe de 19 millions d’euros supplémentaires est prévue à cette fin. L’essentiel de la croissance du programme tient à cette augmentation.

Cet effort financier est tout à fait justifié ; il était attendu depuis de longues années par les Français de l’étranger. Cependant, son attribution actuelle sans que soient pris en considération le niveau de ces frais et celui des revenus des familles, doit être précisée, particulièrement dans le contexte très tendu pour les finances publiques qui prévaut actuellement.

Le besoin de financement qui en découle ne cesse de croître, ainsi que le nombre d'élèves français scolarisés. Ce fait pourrait être considéré comme positif s’il ne s'accompagnait, faute d'extension des capacités des établissements, d'une éviction des élèves étrangers, alors même que les familles de ces derniers payent des frais de scolarité en augmentation.

L’une des missions de l’AEFE, qui est de contribuer à former des élites francophones, s’en trouve affectée.

De plus, les entreprises françaises, qui prenaient traditionnellement en charge les frais de scolarité des enfants de leur personnel expatrié, se désengagent très rapidement, puisque l’État assume ces dépenses : l’argent public évince ainsi les financements privés.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc adopté, à l’unanimité, un amendement précisant les modalités de l’attribution de cette prise en charge.

Sous le bénéfice de ces remarques et de cet amendement, elle vous recommande d’adopter les crédits des programmes 105 et 151 pour 2009. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme « Rayonnement culturel et scientifique » ne concerne que les crédits affectés à la diplomatie culturelle dans les pays considérés comme développés par l’OCDE. Mais c’est sur ce programme qu’est prélevée la subvention destinée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, quel que soit le pays où est situé l’établissement subventionné.

De ce fait, sur les 595 millions d’euros figurant dans ce programme, 82 % sont affectés à l’AEFE ; il ne reste donc plus que 92 millions d’euros pour la promotion de la langue et de la culture française dans quarante-sept pays, dont les vingt-sept États membres de l’Union européenne, les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Russie ou encore le Japon.

Selon le document de programmation triennale, de 92 millions d’euros en 2009, contre 105 millions d’euros en 2008, ces crédits passeront à 80 millions d’euros en 2010 et à 77 millions d’euros en 2011.

Cette diminution des crédits destinés à la diplomatie culturelle est également visible au sein du programme 209, consacré à la coopération en direction des pays en développement, dont les crédits diminueront de 9 % en 2009.

En outre, le Gouvernement a présenté deux amendements, adoptés par l’Assemblée nationale, qui visent à minorer les crédits du programme 185 de 2,8 millions d’euros et du programme 209 de 6,9 millions d’euros. Je souhaite savoir, monsieur le ministre, quelles actions seront concernées par ces nouvelles réductions.

En dépit de tous les discours sur la francophonie, sur « le caractère central » de l’action culturelle dans notre politique étrangère, selon votre propre expression, monsieur le ministre, on peut se demander, d’une façon purement rhétorique, si la diplomatie culturelle d’influence ne continue pas d’être la variable d’ajustement du ministre des affaires étrangères.

En 2009, les crédits destinés aux échanges scientifiques diminueront de 5 %.

Je sais, et je m’en félicite, monsieur le ministre, que vous avez personnellement insisté sur le maintien des bourses destinées aux étudiants étrangers, dont les crédits avaient baissé ces deux dernières années. Mais votre budget n’est pas exempt de paradoxes.

Ainsi, au moment où il est question de renforcer le champ d’action du réseau Campus France afin d’en faire l’opérateur central chargé de la mobilité internationale, la subvention de l’État qui lui est consentie baisse de 20 %.

Les subventions d’intervention destinées aux services culturels diminueront de 10%  à 15 % en moyenne en 2009 ; celles qui sont consacrées aux centres culturels et aux alliances françaises seront réduites de moitié.

Les financements destinés à la promotion de la langue et de la culture française baisseront, quant à eux, de 14 % en 2009.

Ainsi, le programme « Français langue maternelle », le programme FLAM, qui bénéficie à plus de 4 000 enfants français, est transféré à l’AEFE, elle-même exsangue, mais sans le financement correspondant.

J’ai donc proposé à la commission des affaires étrangères un amendement en faveur du programme FLAM et de la promotion du français en Europe qu’elle a adopté et que je vous présenterai tout à l’heure, mes chers collègues.

Face à cette situation, comment va-t-on gérer la pénurie ?

En ce qui concerne l’action culturelle, domaine dans lequel on ne manque pas d’imagination sémantique, la gestion de la pénurie porte le nom de « réforme », c’est-à-dire que sur le terrain on réduit la voilure et que l’on change d’objectifs et d’organisation à Paris.

Toujours à Paris, on transfère les missions à des opérateurs, comme CulturesFrance, mais sans leur donner les moyens nécessaires à leur action, qui n’est ni évaluée ni orientée.

Sur le terrain, on fusionne les centres et les services culturels, en espérant accroître ainsi leurs capacités d’autofinancement, ou on les transforme en antennes légères, sans évaluation préalable, d’ailleurs, des expériences antérieures. Il s’agit de gestion moderne !

On évoque aussi la fermeture d’une trentaine de centres ou d’instituts culturels en Europe ou en Afrique.

Monsieur le ministre, qu’en est-il exactement ?

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » et je m’en remets donc à sa sagesse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur le banc des commissions.)