M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lors du débat sur les recettes des collectivités territoriales, le 25 novembre dernier, j’ai eu l’occasion d’évoquer les contraintes pesant sur les concours financiers de l’État aux collectivités, ainsi que l’impact des normes sur les finances des collectivités locales. Je m’étais notamment félicité de la création de la commission consultative d’évaluation des normes.
Mes remarques se concentreront aujourd’hui sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont nous examinerons dans un instant les crédits : cette mission n’apparaît toujours pas représentative des concours financiers de l’État aux collectivités.
Je dirai également quelques mots des dispositifs destinés à préserver l’effort de péréquation en faveur de nos territoires les plus fragiles.
Je voudrais, en préambule, rappeler que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » regroupe les dotations budgétaires inscrites au budget du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Son montant atteint environ 2,4 milliards d’euros pour 2009.
Les crédits de cette mission ne sont représentatifs ni de l’ensemble des crédits budgétaires destinés aux collectivités ni de l’ensemble des concours financiers de l’État. En effet, d’une part, des crédits budgétaires sont également inscrits au budget du ministère de l’économie, au titre de la Dotation générale de décentralisation, la DGD, relative à la formation professionnelle, d’autre part, 93 % des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales figurent désormais en prélèvements sur les recettes de l’État. Nous les avons examinés la semaine dernière, vous vous en souvenez, mes chers collègues.
Au total, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente donc que 4 % des concours financiers de l’État aux collectivités locales.
En outre, l’État ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour près des trois quarts des crédits de cette mission, qui correspondent à des dotations dont la norme d’évolution et la répartition sont fixées par la loi.
L’année dernière, ce constat avait conduit notre collègue Michel Mercier, alors rapporteur spécial de la commission des finances, à proposer la suppression de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Nous voyons bien que cette proposition conserve cette année toute sa pertinence.
En outre, si l’on additionne les crédits budgétaires et les prélèvements sur recettes affectés aux collectivités, l’ensemble des concours financiers de l’État atteint en 2009 environ 56,5 milliards d’euros.
Nous le savons, la progression de cet ensemble fait désormais l’objet d’un encadrement pluriannuel et d’une progression limitée à l’inflation prévisionnelle.
Toutefois, si l’on veut se rendre compte de l’effort financier global de l’État en faveur des collectivités territoriales, il faut également tenir compte, d’abord, des subventions diverses versées par les ministères aux collectivités, ensuite, des dégrèvements d’impôts locaux, qui sont la conséquence des aménagements ponctuels apportés à la fiscalité locale au gré des réformes successives, enfin, de la fiscalité transférée, utilisée prioritairement depuis 2004 pour financer les transferts de compétences aux régions et aux départements.
Au total, on parvient à un effort financier global de près de 100 milliards d’euros, 96,8 milliards d’euros pour être précis.
Je veux faire ici deux remarques : premièrement, ce manque de lisibilité me semble fâcheux, car il ne facilite pas la compréhension des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, relations qui sont déjà particulièrement complexes ; deuxièmement, il est représentatif d’une dépendance accrue des collectivités à l’égard de l’État, qui est tout aussi regrettable. Nous avons évoqué ce point lors de notre débat la semaine dernière ; je n’y reviens pas.
En revanche, je tiens à revenir brièvement sur la question de la péréquation et de l’effort réalisé en faveur des collectivités les plus défavorisées. Cette question constitue un fil conducteur des articles 67 à 72 que nous examinons aujourd’hui.
L’évaluation de l’efficacité des mécanismes consacrés à la péréquation a fait l’objet d’une étude montrant que, sur la période 2001-2006, l’efficacité en termes de péréquation des dotations de l’État aux régions a progressé. En revanche, celle des dotations consacrées aux communes et aux départements a régressé.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas bien !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Cela doit d’autant plus attirer notre attention qu’en 2009 les marges de manœuvre consacrées à la péréquation sont doublement contraintes : d’une part, par la limitation de la progression des concours de l’État à 2 %, d’autre part, par l’impact de la nouvelle procédure de recensement.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Je rappelle que la péréquation figure parmi nos principes constitutionnels.
M. Jean-Pierre Sueur. Des principes essentiels !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. En outre, en ces temps de crise, il n’est pas concevable que les collectivités qui rencontrent le plus de difficultés ne fassent pas l’objet d’une attention particulière et prioritaire.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. C’est pourquoi je tiens à souligner l’ensemble des dispositions techniques prévues à l’article 67 du projet de loi de finances pour préserver des marges de manœuvre en faveur des dotations de péréquation, même si, ici ou là, des aménagements ont été apportés par l’Assemblée nationale ou pourraient encore y être apportés.
En outre, je me félicite de l’effort particulier réalisé en faveur des villes particulièrement défavorisées et des communes touchées par les restructurations du ministère de la défense.
Les critères de répartition et d’évaluation de ces deux dotations restent encore à préciser, et je souhaiterais, madame le ministre, que le Gouvernement nous apporte rapidement des éclaircissements sur ce point. Néanmoins, il y a là une attention apportée à nos territoires les plus fragiles qui mérite d’être encouragée et renforcée.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois, consultée pour avis, s’est déclarée favorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présentation budgétaire des relations financières de l’État avec les collectivités locales s’analyse d’abord comme un exercice de camouflage.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. Celui-ci est particulièrement réussi. Ainsi part-il du principe qu’il est légitime « d’associer » – ce qui signifie « contraindre » – les collectivités locales à l’effort de maîtrise des dépenses publiques. « Cependant, l’objectif de réduction du déficit public que l’État s’est fixé â l’horizon 2012 […] doit être partagé par les collectivités territoriales. » : ce sont les propos tenus par M. Marleix devant le congrès de l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM.
J’émettrai toutefois quelques réserves.
En premier lieu, la crise aidant, il faudra bien financer par l’endettement les 20 milliards d'euros de la partie française du plan de relance européen, dont le Président de la République a donné hier les détails.
En bruxellois, cela donne : « Le plan de relance tire pleinement parti de la flexibilité offerte par les règles de l’Union européenne en matière de déficits budgétaires nationaux qui permettent aux gouvernements d’emprunter davantage, de façon ponctuelle, en cas de conjoncture difficile. ».
Et en français, cela donne – je cite Nicolas Sarkozy : « Le plan de relance ne pèsera pas au-delà de 2009, car il est conçu pour être temporaire. » Plus fort encore : « De ce fait, le déficit public en 2011 et 2012 sera légèrement amélioré. » Si ce n’est pas nous prendre pour des demeurés, qu’est-ce que c’est ?
Les collectivités locales réalisant les trois quarts des investissements publics, le Gouvernement serait mieux inspiré de les mobiliser pour la relance économique, plutôt que de procéder à un versement anticipé du FCTVA, versement qui ne changera rien à leurs difficultés structurelles, ou de poursuivre un objectif 2012 d’équilibre financier parfaitement illusoire.
Réseaux d’eau, de voirie, de transport, équipements publics, etc., ce ne sont pas les investissements utiles, mais d’effets limités sur le déficit de notre balance commerciale, qui manquent ! Quant au logement social, les mesures annoncées, qui n’apportent aucune réponse au problème essentiel du bouclage des plans de financement des projets, n’auront que des effets homéopathiques.
Cette discussion budgétaire, complètement décalée par rapport aux réalités financières et aux exigences de l’heure, en totale apesanteur, a quelque chose de surréaliste : navigation dans le brouillard avec deux boussoles, l’une dont le nord indique la relance économique et l’autre est pointée sur l’entretien de la déflation.
Déjà irréels, comme l’a souligné le rapporteur général, Philippe Marini, les objectifs fixés aux collectivités locales par la loi de programmation des finances publiques 2009-2012 deviennent, avec le plan de relance, hautement fantaisistes. Parier sur une chute du taux de progression moyen des dépenses annuelles, hors décentralisation, de 3,25 % à 1,25 % est évidemment illusoire.
Et le rapporteur général conclut : « Surtout, les finances locales devront assumer une bonne part des conséquences de la crise. […] Il ne faut donc pas être grand clerc pour prédire, sur la période 2009-2010, un rythme soutenu de la dépense locale en même temps qu’une hausse des impositions locales. La rigueur affichée par l’État dans le calcul des dotations comporte, de ce point de vue, une grande part d’hypocrisie. » On ne saurait être plus clair !
En deuxième lieu, les collectivités locales ne sont pas responsables des dérives des finances publiques.
Si la dette française est préoccupante, c’est non par son niveau, mais par sa nature : elle sert surtout à financer le fonctionnement de l’État quand elle devrait, comme pour les collectivités locales, privilégier l’investissement. La dette des collectivités représente quelque 11 % de la dette publique, contre 80 % pour l’État.
Philippe Séguin en a conclu devant la commission des finances de l’Assemblée nationale qu’il était difficile d’attribuer aux collectivités territoriales une responsabilité directe dans l’évolution de la situation de nos comptes. Il a été plus direct encore devant la commission des finances du Sénat en convenant qu’il était injuste de faire des collectivités locales un bouc émissaire.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. En troisième lieu, il n’est question que des dépenses et de leur réduction, quand le déficit est aussi le résultat d’une politique constante de réduction des recettes fiscales, comme des cotisations sociales, sans résultat probant, et encore moins pérenne, sur l’emploi. Si vous le souhaitez, je pourrai vous donner des chiffres tout à l’heure, lors de l’examen des amendements.
Voila pour le cadre général dans lequel on enferme la discussion budgétaire avec les collectivités locales.
Quand on entre dans le détail, la confusion, soigneusement entretenue – car la complexité est un élément essentiel du camouflage –, est encore plus grande.
Comment peut-on dire et répéter, sans rire, que l’effort financier de l’État sera de 96,8 milliards d’euros en 2009, alors que, sur cette somme, 21,4 milliards d’euros sont des recettes fiscales compensant des charges transférées, 20,4 milliards d’euros la contrepartie de dégrèvements et d’exonérations fiscales imposées par l’État, 5,9 milliards le FCTVA, remboursement incomplet de la TVA payée par les collectivités, 4,6 milliards d’euros la contrepartie, sous forme de dotations et de fonds, de charges transférées ?
Donc, à strictement parler, « l’effort financier de l’État » en faveur des collectivités locales s’élève non pas à 96,8 milliards d’euros, mais, au maximum, à 44,5 milliards d’euros. « Au maximum », j’y insiste, car la DGF est, à l’origine, la contrepartie de taxes communales captées par l’État : taxes locales sur la consommation – jusqu’à l’invention, juteuse pour l’État, de la TVA,…
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. …–, taxe sur les salaires, versement représentatif de la taxe sur les salaires et, enfin, DGF. Vu le dynamisme de la TVA, il n’est pas sûr que les collectivités locales aient gagné au change !
Mais, en tout état de cause, la taxe sur les salaires rapportant aujourd’hui de l’ordre de 10 milliards d’euros, « l’effort financier de l’État » en faveur des collectivités locales ne dépasse pas, en réalité, 34 milliards d’euros en 2009, soit 35% du chiffre affiché.
Dire que la progression de la DGF s’inscrit dans le cadre d’un « contrat de stabilité » n’a aucun sens. Un « contrat » imposé n’est pas un contrat ; une « stabilité » décrétée est une tromperie.
Comme on le sait, les concours de l’État aux collectivités sont censés progresser au rythme de leurs dépenses, soit une augmentation de 2 %, selon une première boule de cristal gouvernementale, ou de 1,5 %, selon une seconde boule de cristal. Cette progression était censée procurer 275 millions d’euros de bonus aux collectivités.
Cependant, à périmètre constant, la progression de l’enveloppe fermée, autrefois appelée enveloppe normée, est de l’ordre de 0,7 % à 0,8 %. À périmètre constant, c’est-à-dire sans la dotation de développement urbain, le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées et la dotation pour les titres sécurisés, sur lesquels je reviendrai, les crédits de la mission « Relation avec les collectivités territoriales » sont identiques à ceux de 2008, à ceci près que les prévisions retenues en matière d’inflation sont des plus fantaisistes.
Chaque année apporte ses innovations dans l’art du camouflage budgétaire. Dans le projet de loi de finances pour 2009, la plus importante est sans conteste l’introduction du FCTVA dans l’enveloppe fermée. En y faisant rentrer – c’est une suggestion ! – les 2,5 milliards d’avances du plan de relance, nous toucherions à la perfection !
Pour nous en tenir à ce que nous savons, en 2009, les apparences d’une progression du fonds indexée sur les investissements des collectivités – soit une hausse de 12,8 % – sont sauves, certes au détriment des compensations d’exonérations fiscales, mais nous sommes si habitués à les voir diminuer régulièrement que nous ne nous en apercevons même plus.
La première étape d’une désindexation du FCTVA sur les investissements communaux vient d’être franchie. Comme pour la compensation de la part salaires de la taxe professionnelle, désormais intégrée à la DGF, nul n’est besoin d’être devin pour prédire qu’il évoluera bientôt non comme la contribution financière des collectivités à l’État, mais comme le taux officiel de l’inflation.
L’innovation la plus digne d’admiration, à mes yeux, est quand même la dotation pour les titres sécurisés, censée, en principe, compenser un transfert de charges. Tout d’abord, le coût réel de chaque opération est apparemment plutôt minoré. Ensuite, seules les charges induites par les demandeurs extérieurs à la commune sont prises en compte dans le calcul. Cependant, l’essentiel n’est pas là !
Astuce suprême, la charge imposée est non pas compensée par l’État, mais assumée par l’ensemble des collectivités : cette nouvelle dotation étant intégrée à l’enveloppe fermée, c’est bien au détriment des collectivités qu’elle est financée. Cette remarque vaut d’ailleurs également pour la dotation de développement urbain et pour celle qui est accordée aux communes affectées par la disparition de leurs garnisons.
À l’issue de ses travaux, le congrès de l’Association des maires de France, l’AMF, a demandé au Gouvernement de « recréer les conditions d’une nouvelle relation de confiance ». La toute première de ces conditions serait que le Gouvernement, usant enfin d’un langage de vérité, cesse d’appeler « effort financier contractuel » des remboursements de taxes et des compensations de charges, de captations de recettes fiscales ou de diminutions de recettes, toutes imposées.
Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre : vous vous flattez de construire un État moderne, en rupture avec les errements du passé. Or un État moderne est avant tout un État qui parle vrai ; tout le reste n’est que rhétorique !
Chacun pourra mesurer le chemin qu’il nous reste à parcourir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2009 est axé, plus encore que l’année dernière, sur la maîtrise des dépenses publiques.
La révision générale des politiques publiques entraîne des coupes sévères dans ce projet de loi de finances. Aucun ministère, aucune administration n’échappe à ce plan drastique de réduction des dépenses et de suppression de postes de fonctionnaires.
Les collectivités territoriales ne sont pas épargnées. La ministre des finances, Mme Lagarde, et le ministre du budget, M. Woerth, font tous deux pression afin que les collectivités territoriales contribuent à la réduction des dépenses publiques. Le Gouvernement en tire argument pour mettre un terme à ce qui est appelé le « millefeuille territorial ».
C’est dans ce but que l’Assemblée nationale a mis en place une mission d’information en novembre 2007, que le Sénat a fait de même en octobre dernier et que le Président de la République a installé le Comité pour la réforme des collectivités locales, dit commission Balladur, le 22 octobre dernier. Les points de vue de toutes ces missions semblent converger, sans surprise d’ailleurs : elles préconisent de réduire le nombre des collectivités en incitant financièrement ces dernières à se regrouper volontairement soit sous la forme d’une union avec une collectivité de même niveau, soit par l’accroissement de compétences résultant de la fusion avec une collectivité d’un autre niveau.
Mais l’idée générale se résume ainsi : la réduction d’un échelon territorial constitue un élément de réduction des dépenses publiques.
Dans le contexte de la révision générale des politiques publiques, accentué par la crise financière et économique, le Gouvernement ne cherche qu’à contraindre les collectivités à adopter des solutions insatisfaisantes pour les populations : soit une hausse de la fiscalité locale, soit une réduction de l’offre de services publics. Pourtant, de façon encore plus criante pendant cette crise, les populations sont en attente de plus de services publics et s’adressent à leurs élus locaux pour qu’ils répondent à leurs besoins.
Alors que seuls 10 % de la dette publique peuvent être imputés aux collectivités, celles-ci assurent 75 % des investissements publics du pays. Elles participent ainsi pleinement à l’économie et ne méritent pas le procès d’intention dont elles sont l’objet.
Lorsque les collectivités investissent dans des équipements, elles créent l’activité économique. Ce sont environ 800 000 emplois qui ont ainsi pu être maintenus dans le secteur privé grâce à l’implication financière des collectivités locales.
Ces investissements ne peuvent pas être considérés comme source de coûts excessifs pour les finances publiques. Ils traduisent les efforts accomplis par les collectivités en faveur de leurs populations et plus particulièrement les populations en difficulté.
Le Gouvernement se targue d’avoir maintenu une enveloppe globale de dotations en hausse de 2 % pour 2009. En réalité, cette augmentation n’est possible qu’en raison de l’intégration du FCTVA dans les dotations que l’État accorde aux collectivités. Corrigée de ce grossier tour de passe-passe, la hausse de l’enveloppe globale de dotations n’est plus que de moins de 1%, au lieu des 2 % annoncés.
Ce n’est ni plus ni moins que l’étranglement financier des collectivités territoriales qui est ici organisé, à un moment où elles doivent faire face à une amplification des besoins d’interventions publiques pour contenir les dégâts de la crise.
La situation risque de s’aggraver si le Gouvernement s’engage dans une réforme de la taxe professionnelle ne visant en fait qu’à la supprimer. Même si, pour l’instant, il n’est pas question d’aller jusque-là, le Président de la République et le Gouvernement prévoient déjà une exonération de la taxe professionnelle pour certaines entreprises. La proposition du Gouvernement consiste à accorder une exonération temporaire de taxe professionnelle, sous la forme d’un dégrèvement total sur les investissements en équipements et en biens mobiliers réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009.
Si le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés à compenser à l’euro près le manque à gagner qui en résulterait pour les collectivités, nous ne doutons pas un seul instant que cette décision amorce un processus qui aboutira, sur le long terme, à une suppression de la taxe professionnelle.
Le problème réside avant tout dans la redéfinition de la base de calcul de la taxe professionnelle. Certaines entreprises ont des actifs financiers considérables et cette part de richesse n’est pas comprise dans la base de calcul de la taxe professionnelle.
Cela correspond à une demande ancienne de notre groupe ! Nous avons en effet déposé, dès 2005, une proposition de loi sur les finances locales. La prise en compte des actifs financiers des entreprises permettra de dégager les marges de manœuvre nécessaires pour répondre aux besoins de financement des collectivités locales, lesquels concernent des questions aussi diverses que la préservation de l’environnement, la lutte contre les exclusions sociales, l’aménagement du territoire, ou encore le développement socioéducatif et culturel.
Le Gouvernement reste cependant sourd à cet argument et ne montre guère d’empressement à assurer des relations financières équilibrées entre l’État et les collectivités territoriales.
L’exemple de la DSU est frappant ! Un groupe de travail avait été mis en place dans le cadre du Comité des finances locales pour étudier les dysfonctionnements en la matière et faire des propositions, mais le Gouvernement n’a pas attendu ses conclusions pour supprimer la DSU à 238 communes en excluant du dispositif le critère du logement social. Certes, le Gouvernement a reculé, mais nous ne sommes pas dupes : cela ne vaut que pour cette année et cette réforme. Sachant que le projet demeure, nous resterons vigilants.
Votre politique et vos intentions à l’encontre des collectivités territoriales vont se heurter à plusieurs difficultés.
Les collectivités territoriales reflètent les besoins des populations. Leurs élus, désignés au suffrage universel, jouissent de la légitimité nécessaire pour arrêter leurs choix d’investissements en fonction des politiques définies avec leurs populations, leurs électeurs.
Les collectivités sont ainsi des pôles de résistance à la politique du Gouvernement. Cela constitue certainement, à vos yeux, un obstacle à surmonter impérativement pour mettre en œuvre votre politique de réduction des dépenses. Les élus ne sont pas de simples exécutants du Gouvernement : ils ne sont pas prêts à mettre en œuvre sa politique au détriment, d’ailleurs, de celle qui est définie avec leurs populations.
Je conclurai en disant que nous voterons contre les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Ils traduisent effectivement la volonté du Gouvernement d’étrangler financièrement les collectivités. Bien évidemment, nous ne pouvons pas souscrire à cette logique, qui est contraire à l’objectif fondamental de solidarité et de satisfaction des besoins des populations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu de la situation actuelle de l’économie française et des difficultés qui nous attendent en 2009 et peut-être en 2010, je me permettrai de sortir des vieilles querelles sur les relations tumultueuses qu’entretiennent l’État et les collectivités territoriales pour vous poser une question : comment les collectivités territoriales peuvent-elles contribuer à la relance de notre appareil économique ?
M. Jean-Pierre Chevènement. Très bonne question !
M. Jean-Pierre Fourcade. Telle est la question de fond ! Bien sûr, les crédits, l’évolution de la DGF, l’intégration du FCTVA à l’enveloppe fermée, et j’en passe, n’invitent pas à une réponse très optimiste. C’est pourquoi je voudrais proposer trois axes de travail.
M. Jean-Pierre Chevènement. C’est trop tard !
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais nous avons besoin de vous, madame la ministre, car nous ne pouvons rien faire sans l’aide du Gouvernement. Le plan de relance annoncé par le Président de la République comporte quelques éléments positifs, tels le remboursement accéléré de la TVA, qui permettront d’engager un certain nombre d’actions. Nous n’en avons pas moins besoin de vous.
Première idée, les collectivités locales peuvent sans doute assez rapidement, c’est-à-dire dans les trois prochains mois, accélérer leurs investissements traditionnels, tels les réaménagements, entre autres, d’écoles, de crèches, de collèges, de lycées et de centres sociaux. Ces investissements présentent en effet l’immense avantage de faire travailler des petites et moyennes entreprises. Or ce sont précisément les petites et moyennes entreprises qui risquent de souffrir le plus de la crise actuelle.
Si l’ensemble de nos collectivités engagent rapidement les programmes classiques de travaux d’entretien, de modernisation ou de création de nouvelles unités, le remboursement accéléré de la TVA annoncé par le Président de la République peut entraîner des effets positifs sur les petites entreprises.
Mais vous pouvez nous aider de deux autres façons, en matière d’investissements.
En premier lieu, vous pourriez raccourcir les délais administratifs. Cela faciliterait la coordination des projets importants qui font appel à des financements croisés, à des financements européens, ce qui est souvent le cas des collectivités de province. Cela permettrait également de savoir plus vite si les partenariats public-privé sont respectueux de l’éthique que le Conseil d’État essaie d’imposer pour protéger les services publics et éviter qu’ils ne soient livrés aux marchands.