M. Jean-Pierre Sueur. C’est de la caricature !
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, une simplification et une accélération des procédures permettraient de lancer des investissements plus importants dans les mois à venir et contribueraient à alimenter, d’abord les carnets de commandes, puis la trésorerie du très important tissu de PME qui travaillent avec nos collectivités.
En second lieu, vous pouvez aider les collectivités dans la gestion de leurs personnels. Les collectivités territoriales ont beaucoup recruté depuis quelques années, notamment depuis la création des groupements et des communautés urbaines, d’agglomération ou de communes. On ne peut donc pas leur recommander de continuer à accélérer les recrutements.
En revanche, il est trois secteurs dans lesquels les collectivités pourraient essayer d’améliorer la gestion de leurs personnels.
Le premier secteur concerne la généralisation de la pratique des contrats d’apprentissage que certaines collectivités ont mise en place depuis quelque temps. Dans la commune que j’ai administrée pendant treize ans, j’avais créé quinze postes de contrats d’apprentissage. Plus d’une centaine de jeunes en ont bénéficié. Un petit quart d’entre eux est entré dans le cadre des personnels municipaux. Les autres, après avoir obtenu leur diplôme, sont partis dans le secteur privé. Au total, ces contrats d’apprentissage ont permis à des jeunes en difficulté de passer leurs examens et d’entrer dans la vie professionnelle.
Toutes les collectivités d’une certaine importance peuvent conclure des contrats d’apprentissage. Toutes peuvent ainsi contribuer à l’insertion de jeunes en difficulté, qui n’ont aucune chance d’être embauchés par une entreprise dans les mois qui viennent.
Pour ce qui est de la rémunération des stagiaires, nous avons enfin, dans un texte récent, régularisé la situation. Les collectivités ont besoin de stagiaires compétents pour réaliser des études, effectuer des opérations de contrôle et d’évaluation des politiques municipales, cantonales ou départementales. La mise en place d’un système de rémunération des stagiaires devrait nous permettre d’offrir une voie d’insertion à quelques dizaines de milliers de jeunes, plus qualifiés que ceux que l’on prendra en contrat d’apprentissage. Ils pourraient ainsi participer à cet effort de reprise.
Le deuxième secteur a trait au développement des partenariats entre l’université et les collectivités territoriales, notamment les plus importantes. Ces partenariats sont encore beaucoup trop faibles. C’est pourtant un secteur dans lequel, en accord avec Mme le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, nos collectivités peuvent offrir des débouchés.
Le troisième secteur est celui de la fiscalité : c’est de loin le plus difficile et le plus contesté.
En début mandat, la tentation est très forte, pour de nombreux nouveaux maires, d’augmenter fortement les impôts afin de pouvoir invoquer en fin de mandat – on aura oublié le grand coup d’accélérateur des premières années – leur bonne gestion. Il faut lutter contre cette tentation, qui risque de se traduire par des majorations d’impôts considérables.
Comme nous le verrons lors de la discussion des articles non rattachés du projet de loi de finances, le Gouvernement a eu la bonne idée de prévoir une revalorisation des valeurs locatives pour la taxe d’habitation et la taxe foncière de l’ordre de 2,5 %. Cela améliore l’élasticité d’une matière fiscale assez immobile.
Il faut tout faire pour éviter, dans les mois qui viennent, une multiplication des majorations d’impôts sur les ménages, qui pourraient être de l’ordre de 4 % à 6 %, mais qui pourraient aussi atteindre 10 %, voire davantage : je connais des maires qui veulent augmenter de 15 % les taux de la taxe foncière et de la taxe d’habitation. Il en résulterait des conséquences importantes sur la consommation des ménages.
À cet égard, que peut faire le ministre chargé du dialogue avec les collectivités locales ?
Il faut d’abord, surtout dans les trois mois qui viennent, et peut-être sur une période un peu plus longue, éviter tout nouveau transfert de charges.
Madame la ministre, en ce qui concerne les passeports biométriques, vous avez engagé une politique sérieuse. Il s’agit, certes, d’un transfert de charges, mais vous vous efforcez de le compenser, ce qui va le bon sens.
Il faut éviter que, du fait du blocage de leurs dépenses, les administrations françaises demandent aux collectivités locales de leur fournir des moyens, matériels par exemple.
Madame la ministre, la plupart des commissariats de police qui sont logés par les collectivités locales ne paient pas de loyer. Cela n’empêche pas les chefs de poste de demander aux collectivités territoriales de réaliser les travaux d’entretien des bâtiments, du chauffage, etc.
L’État et les collectivités territoriales doivent s’efforcer, ensemble, de gommer les aspérités, d’éviter les transferts insidieux de charges qui viennent régulièrement grever le budget des collectivités.
Nous vivons une période difficile. Il faut sortir du cycle fermé dans lequel nous évoluons, examiner les conséquences de la mondialisation sur nos activités. Il faut soutenir de manière claire et localisée les petites et moyennes entreprises, les grandes entreprises disposant d’autres moyens et d’autres possibilités.
C’est ainsi que le dialogue nécessaire entre les collectivités territoriales et l’État pourra s’améliorer. Cessons de nous reprocher tel ou tel changement. Chaque année, après le vote du budget, l’État impose aux collectivités territoriales des modifications de leur système financier pour tenir compte de votes qui visent parfois à répondre à des problèmes ponctuels. L’État et les collectivités territoriales devraient s’efforcer de s’engager dans une politique de stabilité, avec pour objectif la relance de notre économie, qui en aura bien besoin en 2009.
Madame la ministre, mon groupe vous fait pleinement confiance pour améliorer le climat des relations entre l’État et les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne concerne qu’un montant limité de crédits : 2,4 milliards d’euros, soit 4 % seulement des concours financiers que l’État apporte aux collectivités locales.
En 2007, M. Mercier avait proposé la suppression de cette mission ; vous n’avez pas suivi cette suggestion. Nous avons donc l’occasion de porter un regard d’ensemble sur la place que l’État accorde aux collectivités territoriales.
Nous constatons d’abord le souci d’associer les collectivités territoriales à l’effort de maîtrise des finances publiques, euphémisme pour évoquer la réduction de leurs dotations. Ce souci est approuvé par la majorité, mais je m’interroge sur la logique de la politique mise en œuvre par le Gouvernement.
D’abord, il convient d’observer que la dette des collectivités locales, c’est de la bonne dette, celle qui finance les investissements, qu’il faut distinguer de la mauvaise dette, comme cela est ressorti du débat sur la dette publique. M. Sarkozy, en annonçant hier son plan de relance, à Douai, a sans le savoir – comme M. Jourdain faisait de la prose – théorisé le concept de bonne dette.
Son plan de relance de 26 milliards d’euros va essentiellement, pour plus des deux tiers, gonfler la trésorerie des entreprises. Je ne suis pas persuadé que cela aura un effet très rapide sur l’activité économique. Ce plan abondera aussi la trésorerie des collectivités locales puisque l’État leur remboursera par anticipation 5 milliards d’euros sur le FCTVA. Cela devrait permettre de réaliser 2,5 milliards d’euros d’investissements.
Ce dispositif est très curieux. En effet, le Fonds de compensation de la TVA est inclus par votre projet de budget dans l’enveloppe normée. Sa vive croissance – 12,8 % – va donc venir en déduction des dotations que l’État affecte aux collectivités locales.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean-Pierre Chevènement. Il donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre !
M. Jean-Pierre Sueur. Exactement !
M. Jean-Pierre Chevènement. Pourtant, « donner et retenir ne vaut » dit le proverbe !
Le débat, très compliqué, porte sur la nature même du FCTVA : est-ce une dotation ou simplement un remboursement ? M. Woerth, ministre des comptes publics, a fini par rendre les armes. Il a reconnu, ici même, au Sénat, qu’il s’agissait en fait du remboursement d’une dette. Dès lors, les choses sont claires : le FCTVA ne devrait pas être intégré dans l’enveloppe normée.
Le Gouvernement prévoit de rembourser par anticipation 5 milliards d’euros sur le FCTVA au mois de janvier dans l’espoir que les collectivités locales vont investir. Rien n’est moins sûr ! Compte tenu de la conjoncture, elles peuvent préférer se désendetter. L’effet n’est donc nullement garanti.
Si le Gouvernement avait voulu accélérer le rythme des investissements des collectivités locales, il aurait pu augmenter, ne fût-ce que légèrement, le taux de remboursement sur les investissements réalisés en 2009 et 2010. Au lieu de cela, il prétend rembourser par anticipation ce qu’il devra payer de toute façon.
Certes, vous avez prévu une convention entre le préfet et la collectivité pour conditionner cette aide à l’investissement réalisé en 2009, mais il n’est que trop prévisible que ce système favorisera les effets d’aubaine : les collectivités effectueront en 2009 les investissements qu’elles ont de toute façon prévu de réaliser.
Le choix du FCTVA comme levier de la relance est donc très contestable. C’est le serpent qui se mord la queue, madame le ministre.
L’augmentation des remboursements dus au titre du FCTVA va donc réduire le montant des dotations d’ajustement, notamment la DCTP perçue par les villes anciennement industrialisées, qui sont souvent parmi les plus pauvres.
Par un jeu d’amendements, le Sénat a obtenu qu’une déduction s’opère à hauteur de 100 millions d’euros. Il n’y a pas de petits profits ! Au terme de la construction de cette usine à gaz, les dotations d’ajustement, qui devaient initialement baisser de 21 %, ne devraient donc plus diminuer que de 14 %.
Certes, M. Marini fait valoir que l’inclusion du FCTVA dans l’enveloppe normée ne change rien au calcul des droits de chaque collectivité ayant réalisé un investissement donnant lieu à remboursement. C’est peut-être exact au niveau de chaque collectivité prise séparément, mais ce n’est pas vrai globalement ; il y aura un effet systémique : l’inclusion du FCTVA dans l’enveloppe normée découragera les collectivités d’investir puisque les remboursements de TVA viendront en déduction des dotations de fonctionnement.
Tout occupé qu’il est à freiner l’investissement des collectivités locales, politique préalablement annoncée et qui, au fond, sous-tend ce budget, le Gouvernement se prend les pieds dans le tapis en prétendant accélérer des remboursements qui viendront en déduction de ses concours.
M. Arthuis, président de la commission des finances, a indiqué que le FCTVA ne devait pas se transformer subrepticement en dotation. ; je ne peux qu’approuver ce propos. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire, madame le ministre !
Ce projet de budget est essentiellement restrictif. Le projet de loi de finances inclut dans le périmètre de l’enveloppe normée, outre le FCTVA, diverses lignes nouvelles telles que la dotation de développement urbain, dédiée à cent communes particulièrement défavorisées, et le Fonds d'accompagnement des communes au titre des restructurations de Défense. Ce dernier est doté de 5 millions d’euros : une poignée de cacahuètes, madame le ministre ! Au surplus; ces nouvelles lignes budgétaires ne coûteront rien à l’État, puisqu’elles viendront en déduction de la DCTP.
Vous faites valoir comme un cadeau aux collectivités une augmentation de 2 % de la DGF et de l’enveloppe normée, avec une inflation qui, avez-vous décrété, sera de 1,5 %. Mais, en 2007, l’inflation était de 3,5 % ! Et maintenant, il n’y a plus de régularisation a posteriori, ce que je déplore profondément.
J’observe la stabilisation en valeur, voire la baisse, de nombreuses dotations : dotation générale de décentralisation, dotation spéciale instituteurs, dotation globale d'équipement des communes et des départements, dotation départementale d’équipement des collèges, dotation régionale d’équipement scolaire, dotation de développement rural, compensation de la part salaires de la taxe professionnelle, compensation des pertes de base d'imposition à la taxe professionnelle…
La baisse prévue pour les dotations d’ajustement est ramenée de 2 milliards d’euros à 1,5 milliard, paraît-il ; mais elle n’en jette pas moins une lumière crue sur le contenu essentiellement restrictif, je le répète, de ce budget.
L’effort supplémentaire de péréquation, que je salue – 70 millions d’euros au travers de la DSU, 50 millions d’euros via la DDU –, viendra lui aussi en déduction de la dotation forfaitaire, qui constitue le minimum vital pour des milliers de petites communes.
Enfin, la réforme de la taxe professionnelle est inquiétante pour l’autonomie fiscale de nos communes, de nos intercommunalités et des départements ; il faudrait au demeurant veiller à ne pas priver les intercommunalités des concours financiers dont elles ont besoin, car elles constituent, je le crois, une réponse adéquate à la spécificité française que représente dans un pays européen l’existence de 36 600 communes.
Nous aurons d’autres occasions, madame le ministre, d’évoquer l’architecture territoriale du pays, le « millefeuille », comme on l’appelle, et j’ai quelques idées sur le sujet.
J’aimerais que vous nous annonciez, comme tout à l’heure le ministre des affaires étrangères à un autre propos, que cette grande question fera l’objet d’un débat de fond : elle exige que vous recherchiez le consensus, qui implique forcément une discussion large, approfondie, dont l’examen de ce fascicule budgétaire ne nous donne pas la possibilité. Quand donc, madame le ministre, y serez-vous disposée ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il faut, je pense, en revenir à certains principes simples.
M. Jean-Pierre Fourcade, tout à l’heure, a adressé une sorte d’admonestation aux collectivités locales quant à leurs choix fiscaux. J’ai envie, en réponse, de l’exhorter à respecter l’autonomie financière et fiscale des collectivités locales. Les élus locaux sont assez bien avisés, et ils ont le droit, avec leurs conseils, de choisir la politique fiscale qui leur paraît la meilleure pour le bien public !
Madame la ministre, je voudrais revenir sur l’objet même de ce projet de budget et évoquer le fait que nous ayons inscrit dans la Constitution l’autonomie financière des collectivités locales. Celle-ci n’en est pas pour autant devenue réalité, vous le savez bien, et cela en raison du poids considérable des dotations de l’État dans les ressources des collectivités locales : notre pays est un pays étrange où, finalement, c’est le contribuable national qui est le plus grand pourvoyeur de fonds des collectivités locales de la République.
Cela fait quelques années que nous avons l’occasion de nous pencher sur ces sujets, et je constate, madame la ministre, que, cette fois-ci encore, vous avez cédé à ce que j’appellerai les « vieilles ficelles » du métier. Il faudrait tout de même arrêter ! M. Collombat, notamment, a été particulièrement éloquent sur ce sujet : on retrouve toutes les astuces.
Première astuce, les prévisions évidemment fausses. Ainsi, l’inflation est officiellement déclarée à 2 % alors que chacun sait qu’elle sera de 3 % : cela permet de retirer 400 millions d’euros à la DGF. Personne n’est dupe, pas même vous, madame la ministre.
Deuxième astuce, les périmètres à géométrie variable. Ils présentent, certes, l’avantage de nous donner chaque année l’occasion de nous remettre à niveau ; peut-être nous faudrait-il d’ailleurs effectuer un stage annuel au sein de l’excellente direction générale des collectivités locales : avec des périmètres qui changent à chaque budget, les comparaisons deviennent toujours plus rudes !
Naturellement, l’enveloppe normée de 2009 n’est pas du tout celle de 2008 puisque, cela a été abondamment rappelé, le FCTVA y fait son apparition, de même que le prélèvement au titre des amendes forfaitaires, mais aussi le fonds de solidarité en faveur des collectivités, sans compter le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées. Au total, cette deuxième astuce, qui est bien connue, fait perdre 300 millions d’euros aux collectivités locales.
Troisième astuce, l’inéluctable dégénérescence des dotations de compensation, qui, tragiquement, deviennent des variables d’ajustement.
Je voudrais cette année saluer la dotation globale de décentralisation, qui ne compense plus du tout ce qu’elle était censée compenser. Et je ne manquerai pas de citer une fois encore le sort tout à fait remarquable, si je puis dire, de la fameuse dotation de compensation de la taxe professionnelle : destinée à compenser toutes les réductions de taxe professionnelle accordées par les nombreux gouvernements qui eurent recours à ce procédé, elle ne compense plus rien puisque, un beau jour, il a été décidé qu’elle serait la variable d’ajustement du système. Il est donc totalement absurde de parler de dotation « de compensation » !
Qui plus est, elle ne parvient même plus à assurer l’ajustement du système ! De nouvelles variables d’ajustement sont donc introduites, comme la compensation au titre de la réduction de la fraction des recettes des titulaires de bénéfices non commerciaux, comme la compensation au titre de l’exonération des parts départementale et régionale de taxe foncière sur les propriétés non bâties agricoles ; et je n’évoquerai même pas la compensation au titre de la réduction de taxe professionnelle pour création d’établissement.
Quatrième astuce, la recentralisation. Je me réjouis, bien sûr, des modifications qui ont été apportées aux dispositions initiales concernant la DSU, car il eût été difficilement défendable de réduire la dotation de solidarité urbaine. Mais la méthode…
Je me souviens qu’il y avait jadis au sein de la DGF une dotation touristique : un certain nombre de communes l’ayant trouvée insuffisante, le ministère de l’intérieur, dans sa grande sagesse, en a créé une deuxième, dont les objectifs n’étaient d’ailleurs pas tout à fait cohérents avec ceux de la première.
Aujourd’hui, à la DSU – que l’on pourrait d’ailleurs réformer dans le sens d’une plus grande péréquation –, on ajoute une DDU. Pensez-vous vraiment, madame la ministre, que la juxtaposition de la DSU et de la DDU soit la bonne solution ? Qui plus est, la DDU fonctionne selon des critères que le Gouvernement critiquait lorsqu’il reprochait à la DSU de prendre trop largement en compte les ZFU et les ZUS, à savoir les zones franches urbaines et les zones urbaines sensibles. Vous le savez, nous avons beaucoup de zones de toute nature ! Il faut donc que cela change.
Néanmoins, rien ne change puisque vous reprenez les mêmes critères pour la DDU, mais en y ajoutant une condition : elle ne peut être perçue que par les collectivités ayant signé avec l’État un contrat portant sur des réalisations auxquelles l’État donne son aval. Si bien que nombre de collectivités ont fait observer qu’il s’agissait tout simplement d’une nouvelle formulation de la subvention ; et encore faudrait-il que les subventions à la politique de la ville ne soient pas réduites à due concurrence !
Au total, madame la ministre, toutes ces astuces aboutissent à la réduction du montant des dotations de l’État aux collectivités locales, chacun l’a souligné, ce qui nous confronte à une grande réalité : l’autonomie financière et, surtout, la péréquation sont insuffisantes. Le rapporteur pour avis, M. Bernard Saugey, a prononcé tout à l’heure des mots forts que je voudrais relever : pour les communes, la péréquation régresse.
Nous sommes donc placés devant un paradoxe. Nous avons énormément de dotations de l’État aux collectivités dont la seule justification, pourrait-on dire, est de permettre la péréquation, puisque seul l’État peut favoriser cette redistribution ; or dans cette masse de dotations, qui est en régression, la part de la péréquation, notamment celle qui est destinée aux communes, diminue. C’est absurde !
Le système doit être réformé de façon que les dotations de l’État soient moins nombreuses, ce qui permettra une plus grande autonomie financière, et que, à l’intérieur des dotations de l’État qui subsisteront, la péréquation soit beaucoup plus forte. Depuis des années et des années, nous allons dans le sens opposé. Avez-vous, madame la ministre, l’intention d’agir enfin dans la bonne direction ?
Pour finir, j’aborderai de manière extrêmement succincte un second sujet : la fiscalité locale et les valeurs locatives.
Vous avez bien voulu indiquer il y a quelques mois, madame la ministre, que vous alliez engager une réflexion sur cette fameuse réforme des valeurs locatives qui, depuis des décennies, est totalement bloquée. J’habite dans un quartier de la ville d’Orléans – ville à laquelle je suis très attaché – qui s’appelle La Source. C’est un quartier neuf, que vous connaissez, madame la ministre. Ses habitants, que je rencontre tous les jours, ne comprennent pas pourquoi la base sur laquelle leurs impôts sont calculés est plus élevée que dans des quartiers résidentiels ou du centre-ville, par exemple. Je n’ai aucune réponse à leur apporter, sinon que le système est vétuste et que l’on n’a pas conduit les réformes nécessaires. Et quand je dis « on », madame la ministre, c’est un « on » très collectif : nous connaissons tous très bien l’histoire ! Il reste qu’il faudra, un jour ou l’autre, faire des choix courageux et revenir à une plus grande justice.
Monsieur Fourcade, j’évoquais tout à l’heure les observations que vous avez formulées au sujet des collectivités locales : je les ai appréciées ! J’espère que vous sentez qu’il y a quelque ironie dans mon propos, car je crois que nos élus locaux ont la sagesse de gérer leur fiscalité en toute autonomie.
C’est à l’État qu’il faudrait rappeler la nécessité d’élaborer une fiscalité plus juste, car c’est par la loi qu’il doit être mis fin le plus vite possible à cette véritable injustice que continue de faire peser sur des foyers modestes la grande inégalité de la fiscalité locale. L’initiative en revient au Gouvernement, à qui s’impose l’ardente nécessité de la réforme des valeurs locatives. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, tout à l’heure a été prononcé à plusieurs reprises le mot « péréquation ». J’aborderai aujourd’hui un sujet que je n’ai pas l’habitude de traiter, du moins à cette tribune, mais je le ferai avec beaucoup de conviction, et aussi avec beaucoup d’inquiétude.
Le conseil général du département de la Haute-Loire, comme les autres, a récemment procédé au débat d’orientation budgétaire. Je ne siège plus au conseil général depuis quelques mois, mais, bien évidemment, je continue de suivre ce qui s’y passe. Or ce que j’ai lu dans la presse, ce que l’on m’a rapporté, m’a beaucoup inquiété, et je vais, madame la ministre, sachant que vous y serez attentive, vous exposer pourquoi.
Vous le savez, la péréquation départementale s’organise autour de deux dotations qui font partie de la DGF, mais qui prennent en compte le potentiel financier des départements dans la détermination des montants versés : la dotation de péréquation urbaine, ou DPU, et, bien sûr, la dotation de fonctionnement minimale, ou DFM. Vous aurez compris que c’est cette dernière qui retient mon attention.
La DFM est attribuée aux départements qui ne répondent pas aux critères démographiques d’éligibilité à la DPU et dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois la moyenne des départements non urbains. Il en résulte que l’ensemble des départements non éligibles à la DPU bénéficient de la DFM : ces deux dotations sont exclusives l’une de l’autre.
Il y a quelque temps, on a élargi le champ des bénéficiaires de la DFM, et les bénéficiaires historiques, ceux dont la situation a justifié la création de la dotation, se sont trouvés en quelque sorte lésés – je cherchais un mot plus fort, mais je ne l’ai pas trouvé. Quoi qu’il en soit, il est bien évident que leur situation ne s’est pas améliorée.
Le Comité des finances locales a décidé de taux d’évolution identiques pour la DFM et la DPU : 6,94 %, soit 744 millions d’euros pour la DFM et 555 millions d’euros pour la DPU. Toutefois, en ce qui concerne le département de la Haute-Loire, il est bon qu’on le sache – je n’aime pas beaucoup évoquer les cas particuliers, mais la situation me paraît suffisamment grave pour le faire –, la DFM n’a augmenté que de 0,02 % en 2008 par rapport à 2007, contre 6,94 % en moyenne nationale.
Ainsi, malgré l’accroissement des sommes qui leur sont consacrées, l’effet péréquateur des dotations de péréquation départementales semble donc avoir globalement diminué. Au demeurant, je constate qu’une étude récente réalisée pour le Comité des finances locales par le Conseil d’analyse stratégique donne des résultats qui confortent un peu, en moins dramatique, bien entendu, ce que j’ai pu observer dans mon département. Au total, selon cette étude, l’effet péréquateur est passé de 50,6 % en 2001 à 47,7 % en 2006. L’évolution est donc préoccupante.
L’article 67 du projet de loi de finances pour 2009 prévoit – vous l’aviez signalé dans un débat récent, madame la ministre – le resserrement du seuil d’éligibilité des départements à la DPU pour rendre celle-ci plus efficace.
On ne fait rien pour la DFM, qui reste répartie entre un grand nombre de départements.
Je souhaite, madame la ministre, que l’on tienne compte de la situation des départements ruraux difficiles comme le mien. Le département de la Haute-Loire a le deuxième plus faible potentiel financier des départements français, alors qu’il ne figure qu’au quarantième rang pour l’importance de la DGF par habitant. Il y a donc bien quelque chose qui ne va pas !
Madame la ministre, je citerai quelques chiffres, et pour mesurer la situation d’un département comme le mien, je mettrai en parallèle le coût net par habitant de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, c’est-à-dire une fois déduite la participation de l’État, et le produit net des droits de mutation. Certes, les droits de mutation diminuent, mais je prendrai les chiffres de 2006, faute d’en avoir d’autres, car ils me paraissent extrêmement intéressants. Ne voulant nuire à personne, je ferai référence uniquement au département de la Haute-Loire.
En Haute-Loire : coût net de l’APA par habitant, 60 euros ; produit net des droits de mutation, 62 euros. Dans tel autre département : coût net de l’APA, 66 euros ; produit net des droits de mutation, 292 euros. Dans un autre encore : coût net de l’APA, 32 euros ; produit net des droits de mutation, 125 euros. En voici un qui est aussi défavorisé que mon département : coût net de l’APA, 76 euros ; produit net des droits de mutation, 52 euros. Et dans un autre : coût net de l’APA, 33 euros ; produit net des droits de mutation, 197 euros. Le dernier département auquel je ferai allusion est pourtant un département dont on se préoccupe beaucoup et qui n’a pas la réputation d’être oublié ; il s’agit d’un département de la région parisienne dont je tairai le nom : coût net de l’APA, 44 euros ; produit net des droits de mutation, 103 euros.
Il y a donc bien un problème, madame la ministre, sur lequel je souhaite attirer votre attention.
La péréquation est un acte de solidarité. Pour ma part, je crois à la solidarité nationale ! Des mesures doivent être prises pour renforcer la cohésion nationale. Cela vaut à la fois pour les habitants et pour les collectivités.
Je sollicite une attention toute particulière pour un département comme la Haute-Loire, non pas parce que c’est le mien, mais parce qu’il est parfaitement injuste qu’il soit, à l’instar d’autres départements, traité de la sorte, si l’on rapporte les dotations dont il dispose à celles dont bénéficient d’autres départements. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)