Article 86
Au dernier alinéa du 3° de l’article 1605 bis du code général des impôts, les mots : « l’année 2008 » sont remplacés par les mots : « les années 2008 et 2009 ». – (Adopté.)
Article 87
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2009, un rapport analysant les avantages et les inconvénients du maintien des dispositions prévues par l’instruction codificatrice n° 05-029-A8 de la direction générale de la comptabilité publique du 6 juillet 2005. – (Adopté.)
Article 88
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2009, un rapport analysant l’évolution des frais d’assiette, de recouvrement et de trésorerie de la redevance audiovisuelle depuis 2004 – (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances de la mission « Médias ».
Monsieur le président de la commission des finances, il est une heure moins le quart. La conférence des présidents interdit de commencer l’examen des crédits d’une mission après minuit. Si vous souhaitez déroger à ce principe, j’accepterai de bon cœur.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je reconnais toute votre courtoisie et votre bienveillance, monsieur le président.
Il est vrai que nous avons posé le principe de ne pas engager la discussion des crédits d’une mission au-delà de minuit, mais nous arrivons au dernier soir de la discussion des crédits des missions. Par conséquent, mes chers collègues, ce serait une épreuve de vous demander de revenir demain à dix heures.
Si Mme le ministre le veut bien et si vous-mêmes, mes chers collègues, l’acceptez, nous pourrions maintenant commencer l’examen des crédits de la mission « Culture ».
Je rappelle que le Sénat est invité à se réunir demain à quatorze heures pour examiner les crédits de la mission « Sport, vie associative, jeunesse » et les crédits de la mission « Économie ».
M. le président. Qu’en pense le Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Je souhaite commencer maintenant l’examen des crédits de la mission « Culture ».
M. le président. Avant de vous inciter, mes chers collègues, à respecter scrupuleusement votre temps de parole, parce que je trouve déraisonnable de travailler à des heures pareilles un vendredi soir, je vous propose d’interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à zéro heure cinquante, est reprise à zéro heure cinquante-cinq.)
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et articles 59 octies et 59 nonies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la mission « Culture » continue à être partagée en trois programmes : le programme 175 « Patrimoines », le programme 131 « Création » et le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Le compte d’affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », qui leur était associé, a disparu.
La mission représente au total : 2,841 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,782 milliards d’euros en crédits de paiement.
Ces crédits sont complétés par 55,83 millions d’euros en autorisations d’engagement et 42,19 millions d’euros en crédits de paiement par des fonds de concours, profitant essentiellement aux dépenses d’investissement du programme 175 « Patrimoines » ; 55 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, par un financement extrabudgétaire, issu des recettes de cession du patrimoine immobilier de l’État – compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Ces crédits seront affectés, pour 20 millions d’euros, au Centre des monuments nationaux, pour 20 millions d’euros aux écoles d’architecture, pour 9,3 millions d’euros à l’Opéra de Paris et l’Établissement public du parc et de la grande Halle la Villette et pour 5,7 millions d’euros au Grand auditorium à la Villette.
La mission emploie 29 104 équivalents temps plein travaillé, dont 11 130 pour le ministère et 17 874 pour les établissements publics, qui en constituent depuis toujours la force de frappe essentielle.
Les dépenses fiscales affectées à la mission sont de 1,2 milliard d’euros environ, dont 500 millions d’euros pour le ministère et un peu moins de 700 millions d’euros pour les grands opérateurs.
La principale observation depuis l’an passé, c’est le profond déséquilibre entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.
Depuis le projet de loi de finances pour 2008, les bleus budgétaires, qui sont beaucoup plus clairs, contiennent des tableaux présentant le suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d’engagement qui présentent la « soutenabilité » de la politique publique.
En 2008, il apparaissait que 6,5 % des crédits de la mission « Culture » servaient à couvrir des engagements antérieurs à 2008, cette proportion s’étend à 12,6 % pour le programme 175 « Patrimoines ».
En 2009, ce pourcentage est de 11 %, soit un quasi-doublement. À la fin de l’année 2009, les engagements pris et non couverts s’élèvent à 1 559 millions d’euros, à comparer avec les 2 790 millions d’euros ouverts au titre de la mission.
Cette glissade est particulièrement menaçante pour le programme « Patrimoines » : 22,66 % des crédits ouverts en 2009 serviront à financer des engagements pris avant 2009. Le solde des engagements non couverts par des crédits de paiement à la fin de 2009 sera supérieur au montant des crédits ouverts en 2009 : 1 129 millions d’euros seront alloués à la politique du patrimoine en 2009 et 1 136 millions d’euros seront dus au 31 décembre 2009 au titre de cette même politique. L’affaire est maintenant bien connue, nous en avons parlé lors de la dernière réunion sur les monuments historiques.
Notons que la contrainte est moins forte pour les deux autres programmes de la mission. La part des crédits 2009 consacrés aux engagements antérieurs est de 3,28 % pour le programme 131 « Création » et 2,77 % pour le programme 224 « Transmission des savoirs ». Le solde des engagements non couverts à la fin de l’année ne sera donc, si l’on peut dire, que de 30,81 % pour le programme 131 et de 20,7 % pour le programme 224.
Il convient, bien sûr, de s’interroger sur la capacité du ministère à honorer à l’avenir les engagements déjà pris et les coûts éventuels du ralentissement de la couverture des engagements que prévoit le projet de loi de finances pour 2009, soit pour l’État – éventuelles pénalités contractuelles –, soit pour les créanciers du ministère, à commencer par les entreprises et les collectivités locales.
C’est en ce sens que je vous présenterai un amendement de réduction des autorisations d’engagement de moitié pour l’année à venir, bien qu’il s’agisse d’un amendement de principe qui ne sera probablement pas voté, mais qui vise d’abord à susciter le débat.
Ne faut-il pas aussi prendre en compte les engagements prévus par les contrats État-régions, soit 250 millions d’euros supplémentaires, et les besoins d’investissements inéluctables du ministère et de ces opérateurs, à commencer par l’auditorium de la Villette appelé encore « philharmonique de Paris », déclaré prioritaire par le Président de la République ?
Logiquement, compte tenu non seulement de la situation budgétaire en général, mais aussi de cette fuite en avant sur les crédits du patrimoine, il conviendrait de ne se lancer, au cours des prochaines années, dans aucun grand projet culturel.
La gestion du passé est, à elle seule, suffisamment contraignante. L’entretien des monuments historiques a fait l’objet de prévisions extrêmement sombres. Il suffit de rappeler le rapport sur l’état du parc monumental français, prévu par l’article 90 de la loi de finances pour 2007, à la suite d’un amendement de votre commission des finances, qui conclut sur un investissement global de 2 milliards d’euros dans les cinq ans à venir, soit 400 millions d’euros par an. La commission des affaires culturelles a fait également la même étude.
Or nous nous trouvons face à des enjeux pharaoniques. La Philharmonie de Paris coûterait en investissement 204 millions d’euros hors taxes. Les coûts de fonctionnement de l’association porteuse ne sont pas évalués. Il est question d’un partage entre l’État, la Ville de Paris et la région. L’État devrait donc payer 91,8 millions d’euros. Le projet de loi de finances inscrit 139,97 millions d’euros, soit 48,17 millions d’euros de plus. La part de l’État serait donc portée de 45 % à 68,6 %, au titre du « financement de la procédure de dialogue compétitif » dans l’hypothèse d’un partenariat public-privé.
Il est prévu, pour le fonctionnement, 5,7 millions d’euros en autorisations de programme et en crédits de paiement, compte tenu d’un financement spécifique à partir du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». J’ai demandé des éclaircissements sur ces différents points à Mme la ministre.
On admire la bienveillance du Conseil de modernisation des politiques publiques chargé de mettre en œuvre la révision générale des politiques publiques, qui a décidé de la réalisation du Grand auditorium dans ces conditions. Mais enfin, puisque telle est la volonté du Président de la République, n’insistons pas !
Par ailleurs, il faudra aussi compléter le financement du plan de modernisation des écoles d’architecture, qui s’élève à 157,93 millions d’euros. Ainsi, 35 % des crédits alloués sont hors ministère de la culture, provenant du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Quelles cessions immobilières viennent nourrir le compte d’affectation spéciale permettant ces financements qui dépassent le budget de la mission « Culture » ?
Pourra-t-on compter, comme semble l’espérer Mme le ministre dans le dossier de présentation du projet de budget pour 2009, sur l’affectation d’une recette fiscale pérenne ? Et si oui, laquelle ? Les paris en ligne non sportifs ? Ce n’est pas encore décidé ! La Française des Jeux ? N’en parlons pas, elle est déjà sollicitée pour le financement du sport !
L’expérience tentée l’an dernier avec le Centre des monuments nationaux avait débouché sur un décevant fonds de concours au budget de la DAPA, la direction de l’architecture de l’architecture et du patrimoine.
Mais tout n’est pas négatif dans ce projet de budget, qui prévoit un apport particulier pour les monuments appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés, avec 103,51 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement.
L’important, surtout pour les entreprises spécialisées du groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques, le GMH – elles sont fort capables de se faire entendre –, est de leur donner de la visibilité à moyen terme, ne serait-ce que pour le renouvellement de leurs ouvriers spécialisés, dont certains pourraient être qualifiés, à la manière japonaise, de « trésors vivants », donc de « trésors mortels ». (Sourires.)
De même, il convient de se féliciter que la commission des finances ait décidé de supprimer le plafonnement à 200 000 euros de l’avantage fiscal accordé pour les monuments historiques non ouverts au public, qu’avait adopté l'Assemblée nationale contre l’avis du Gouvernement ; c’est l’article 42 bis. Rappelons que la dépense fiscale ainsi évaluée entre 45 millions d’euros et 100 millions d’euros, selon les sources, vient compléter, ou suppléer, une dépense budgétaire hélas, déficiente, mais les temps sont durs ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il m’appartient, en cinq minutes – c’est peu, mais j’espère que j’aurai le temps de dire l’essentiel –, de rapporter les crédits des deux programmes « Patrimoines » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui représentent respectivement 41 % et 30 % des dotations de la mission « Culture ».
Je limiterai mon intervention à quatre points qui ont particulièrement retenu, cette année, l’attention de la commission des affaires culturelles.
J’évoquerai d’abord le patrimoine monumental.
Vous savez, madame la ministre, combien le Sénat, et plus particulièrement notre commission, y est attentif. Pour 2009, les crédits consacrés à l’entretien et à la restauration des monuments historiques s’établiront à 303 millions d’euros, grâce notamment à l’apport de 20 millions d’euros provenant de la cession d’immeubles de l’État.
Je salue l’effort que cela représente eu égard aux contraintes budgétaires. Néanmoins, notre commission n’a pas caché ses préoccupations.
En effet, la situation est tendue dans certaines DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, en raison du volume des engagements passés restant à couvrir, ce qui conduit à différer le lancement d’opérations nouvelles, avec les conséquences que nous connaissons pour les entreprises spécialisées et la conservation des bâtiments. Par conséquent, il serait souhaitable de disposer d’un état des lieux précis de la situation, région par région.
Un récent rapport sur l’état sanitaire des monuments classés, que mon collègue Yann Gaillard vient à l’instant d’évoquer, montre que 20 % d’entre eux sont en situation de « péril ». Ainsi, selon cette étude, 400 millions d’euros par an seraient nécessaires. Une mission d’information, présidée par Philippe Richert et dont j’étais le rapporteur, avait abouti, en 2006, aux mêmes conclusions.
Il apparaît donc plus que jamais nécessaire d’affecter une ressource complémentaire durable en faveur des monuments historiques. Nous avons eu successivement les recettes de la privatisation des autoroutes, la taxe additionnelle aux mutations immobilières, puis, cette année, une partie des ventes de l’immobilier de l’État.
Des pistes sont à l’étude, avez-vous indiqué, madame la ministre, devant la commission, pour ce qui concerne les paris en ligne, lesquels ne sont pas encore autorisés, ou un prélèvement sur le produit de la Française des Jeux, qui est déjà très convoité par de nombreux autres secteurs de la vie sociale. Quoi qu’il en soit, il importe que l’on aboutisse à une décision définitive.
Par ailleurs, j’aborderai le mécénat, levier essentiel de financement.
En 2007, le Sénat avait introduit dans la loi de finances un dispositif fort intéressant. Les textes réglementaires doivent être pris dans les meilleurs délais, car il est aujourd'hui essentiel de mettre en place ce dispositif au plus vite.
Enfin, je tiens à souligner la préoccupation exprimée par la commission des affaires culturelles à l’égard de l’amendement tendant à plafonner le régime fiscal des monuments historiques introduit par l'Assemblée nationale.
Nous présenterons, au nom de la commission, des amendements dont l’objet est de revenir partiellement sur cette disposition, qui va à l’encontre des engagements très fermes pris par le Premier ministre en juin dernier. Ce régime fiscal, comme le régime qui protège les secteurs sauvegardés au titre de la loi Malraux, est en effet un soutien essentiel à l’initiative privée pour la préservation et la transmission de notre patrimoine historique.
Permettez-moi maintenant de formuler une remarque sur l’archéologie préventive.
La commission des affaires culturelles exprime, là aussi, son souci de voir concilier les besoins de la recherche, qu’elle ne conteste pas – le rapport annuel de l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, que j’ai reçu hier est intéressant à de nombreux égards –, avec les impératifs du développement économique et urbain dans cette période ô combien difficile pour l’activité économique française. Il est essentiel que la réforme envisagée et conduite par le ministère de la culture permette de trouver une solution alliant recherche et développement.
Concernant les musées, je me réjouis d’abord que le projet de budget pour 2009 confirme la priorité donnée à la réalisation du MUCEM, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, situé à Marseille. Je ne peux manquer de souligner l’importance de ce projet dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée et de la désignation de Marseille comme capitale de la culture en 2013.
Je salue également l’action que vous avez entreprise, madame la ministre, en liaison avec Mme le garde des sceaux, pour renforcer la sécurité des musées et lutter contre le trafic illicite des biens culturels.
Je m’interroge, en revanche, sur les suites qui seront données à l’expérimentation de la gratuité des musées. Notre commission avait engagé, en mars dernier, un débat en séance publique, qui avait permis aux sénateurs des différents groupes d’exprimer un certain nombre de réserves quant à l’impact de cette mesure sur la démocratisation des publics des musées, objectif visé. Le bilan partiel de l’opération montre que les mesures ciblées en faveur des jeunes ont incontestablement été efficaces, mais qu’il n’en va pas de même pour les autres publics. C’est la raison pour laquelle il importe que le Gouvernement fasse rapidement connaître ses intentions en la matière.
Enfin, pour ce qui concerne le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », j’insiste sur le développement de l’éducation artistique, point essentiel.
En 1959, avait été confiée à André Malraux la mission de rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité. Comme je l’ai souligné depuis que je suis rapporteur de ce budget, cette question est toujours d’actualité, et aujourd'hui plus que jamais.
Je me réjouis de constater que l’histoire des arts est introduite à l’école primaire, mais j’attends avec impatience qu’elle le soit également au lycée et au collège.
Telles sont les remarques que je voulais formuler, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui m’ont été imparties.
En conclusion, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits des programmes « Patrimoines » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » pour 2009. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis.
M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tenterai, dans les cinq minutes qui me sont imparties, de vous présenter quelques-unes de mes observations et préoccupations concernant, d’une part, le programme « Création », qui représente 38 % des crédits de la mission « Culture » et, d’autre part, le secteur du cinéma.
Au titre du programme « Création », 15 millions d’euros de ressources extrabudgétaires seront affectées à l’action n° 1 « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant ». Mais, compte tenu de la programmation pluriannuelle retenue pour la période 2009-2011, j’estime nécessaire de pérenniser les ressources extrabudgétaires au bénéfice de la création.
Par ailleurs, je m’interroge sur le nouvel et intéressant indicateur relatif à « l’optimisation de la procédure de traitement des demandes de subvention ». Pourquoi le coût de ce traitement varie-t-il du simple à plus du double, selon l’instance qui instruit le dossier ?
Pour ce qui concerne les autorisations de programme, je comprends tout l’intérêt du projet de la Philharmonie de Paris à la Villette, mais je m’inquiète du fait que, dans un cadre budgétaire contraint, ce projet concentre une part importante des crédits d’investissement, sans parler des frais de fonctionnement à venir. Il ne faudrait pas que les grands projets parisiens viennent creuser à l’excès le déséquilibre existant entre la capitale et les régions.
Les conclusions des Entretiens de Valois devraient être bientôt connues. Parmi les objectifs figure le souhait de voir engager une collaboration régionale et une meilleure articulation entre les interventions de chacun des acteurs. Ce point est essentiel, mais je relève que les collectivités territoriales souffrant elles-mêmes de contraintes budgétaires, il me paraît difficile qu’elles puissent renforcer plus encore leur soutien au spectacle vivant et, plus généralement, aux actions culturelles.
L’an dernier, nous avions soutenu l’idée de créer un observatoire du spectacle vivant qui centraliserait l’ensemble des données statistiques et pourrait ainsi produire des données fiables et incontestables. Il semble aujourd’hui seulement envisagé de connecter des observatoires régionaux ou autres. Madame la ministre, quelle sera l’efficacité d’une telle mise en réseau ?
Par ailleurs, que pensez-vous de la proposition émise par certains professionnels de créer un centre national du spectacle vivant, à l’image du Centre national de la cinématographie, le CNC, dans le domaine du cinéma ?
Concernant la diffusion et la circulation des spectacles, certains progrès ont été réalisés, mais l’évolution est trop lente. En effet, même dans les domaines où les efforts sont les plus importants, à savoir le théâtre et le cirque, chaque spectacle fait l’objet de 2,7 représentations en moyenne, contre 1,9 toutes disciplines confondues !
Pour le secteur du cinéma, je rappelle que le présent projet de loi de finances prévoit l’affectation directe au CNC des taxes du compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles. Il en résulte, parallèlement à la suppression du compte d’affectation spéciale, la disparition de la mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ». Nous sommes satisfaits de constater que le Parlement reste néanmoins informé, de la même manière qu’aujourd’hui, de l’évolution et de l’utilisation des ressources du CNC. Sa gouvernance sera parallèlement réformée, mais je regrette que l’option d’un projet de loi spécifiquement dédié au secteur du cinéma n’ait pas été retenue.
Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, les dispositions envisagées pour soutenir les investissements nécessaires au développement de la projection numérique ?
Des mesures sont prévues pour renforcer l’attractivité de notre territoire en vue d’y accueillir davantage de tournages, grâce à la création d’un crédit d’impôt international. Nous soutiendrons cette initiative.
L’an dernier, des professionnels avaient formulé des propositions sur la réforme du dispositif de soutien au secteur. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, les orientations retenues dans ce domaine ?
Pour ce qui concerne l’emploi culturel, je relève que la courbe du nombre d’intermittents allocataires remonte, après trois années de baisse, et le déficit des annexes 8 et 10 est de 1 milliard d’euros environ !
S’agissant des pratiques amateurs, j’attire l’attention sur la nécessaire souplesse dont doit bénéficier l’action des bénévoles, que ce soit dans le domaine culturel comme dans d’autres d’ailleurs, tel le sport. Un cadre trop rigide ne permettrait pas de prendre en compte la diversité des situations et conduirait à la suppression pure et simple de nombreuses activités.
Par ailleurs, j’ai quelques doutes sur la proposition de directive européenne visant à allonger la durée de protection des droits des artistes interprètes et exécutants, et par conséquent de leurs producteurs.
Est-il normal d’aligner cette durée de protection sur celle des auteurs, en la faisant passer de cinquante ans à quatre-vingt-quinze ans ? N’est-ce pas contre-productif et contradictoire avec le souhait de favoriser le développement de la diffusion légale des œuvres ? Ne protège-t-on pas ainsi davantage les enfants et petits-enfants des artistes que ces derniers eux-mêmes ?
Enfin, cette démarche ne viendrait-elle pas en contradiction avec le projet consistant à réserver le droit de suite sur la revente des œuvres d’art aux seules œuvres des artistes vivants ? J’ai d’ailleurs aussi des doutes sur ce dernier projet concernant le droit de suite.
En conclusion, je vous indique que notre commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits consacrés au programme « Création » de la mission « Culture » pour 2009 ainsi qu’aux deux articles rattachés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué aux groupes pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
En application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le 2 décembre dernier, j’étais au Louvre, sous la pyramide de Pei, où Pierre Boulez et l’Orchestre de Paris, à l’invitation du directeur du musée, Henri Loyrette, interprétaient L’Oiseau de feu de Stravinsky. Il y avait trois mille personnes, dont cinq cents lycéens. Ce fut un moment de bonheur.
La veille, au théâtre des Amandiers, à Nanterre, avec quinze autres passionnés de théâtre, nous regardions et écoutions Dominique Blanc interpréter le si beau texte de Marguerite Duras intitulé La Douleur, sous le regard affectueux et rigoureux de Patrice Chéreau. Là aussi, la voix et les gestes de Dominique Blanc nous faisaient un merveilleux cadeau de pensée et de sensibilité.
J’ai scrupule à ne pas nommer d’autres rendez-vous artistiques, mais, à travers ces deux aventures, je voulais dire ce que des artistes, de toutes disciplines, sensibilités et origines, créent actuellement en France.
Ces créations, je voudrais tant que tout un chacun en soit partenaire, notamment les salariés, que le grand patronat, tente – il y parvient trop souvent – de transformer en « boxeurs manchots » ! Je voudrais tant que la vitalité de ces actes fasse comprendre le bien-fondé d’une politique de création. Je voudrais aussi, très simplement, remercier les artistes.
Parlant ainsi, je participe au mouvement de colère dite, non dite, rentrée, mais qui explosera un jour, car le budget du ministère de la culture, cinquante ans après sa création, n’est plus une garantie. Souvent, il détricote le travail accompli avec des artifices dont il faut dire un mot.
Pour le budget de 2007, Renaud Donnedieu de Vabres annonçait « +7,8 % de moyens pour la culture ». Pour le budget 2008, madame la ministre, vous avanciez : « +3,1 % de progression des crédits de la mission “Culture” par rapport à la loi de finances pour 2007 ». Pour l’année 2009, sur ce budget de cinquante ans d’histoire, vous communiquez de la manière suivante : « +2,6 % de progression des crédits de la mission “Culture”, y compris les ressources extrabudgétaires, par rapport à 2008 ».
La première réaction venant à l’esprit de qui croit à l’imprimé ministériel, c’est que les crédits de la création, des savoirs, de la culture, du patrimoine, ont augmenté de près de 14 % en trois ans. Mais, je le dis douloureusement, ce n’est pas la vérité. Pour 2007, 70 millions d’euros avaient été comptabilisés deux fois, ce qui ramène la hausse à 5,48 %. Pour 2008, 70 millions d’euros étaient encore là qui ne pouvaient y être, l’augmentation n’étant plus que de 0,5 %, ce que vous avez d’ailleurs dit le 26 septembre dernier, lors de votre conférence de presse budgétaire.
Pour l’année 2009, le chiffre de 2,6 % est exact, mais, sur trois ans, les 14 % ne feront en fait que 8,7 %. Si l’on considère les ressources extrabudgétaires, donc non pérennes, que vous avez tenacement obtenues de Bercy, au cours des trois dernières années, les crédits de la culture n’ont augmenté que de 3,6 %.
Avec une inflation de 6,6 %, la progression en trois ans, avec les ressources extrabudgétaires, n’est donc que de 2,1 %, soit de 0,7 % par an !
Au surplus, Bercy et l’Élysée veulent qu’un gel de 5 % soit inscrit dans le budget des équipements. Ce « gel » prendra donc le chemin de l’institutionnalisation.
Enfin, nous votons avec ce projet de budget pour 2009 un budget triennal encadré jusqu’à la fin de l’année 2011. Les chiffres bruts sont, pour 2010, de 17 millions d’euros, soit une augmentation de 0,60 %, et, pour 2011, de 18 millions d’euros, soit une hausse de 0,64 %. Or l’inflation annuelle dépassera très sûrement ce 0,6 % par an !
Ainsi, les budgets tels que présentés sont des budgets opaques, voire, souvent, tricheurs. Je ne trouve pas cela très « cultivé ». Et si j’épluchais les comptes, tout cela se confirmerait…
L’action culturelle réservée au cinéma est toujours en maltraitance, malgré le secours du CNC. Le patrimoine en appelle aux collectivités locales pour tendre vers sa bientraitance. Quant à l’INRAP, qui manque de tout, il est envoyé à Reims, non pas dans le cadre d’une délocalisation, mais comme compensation à la fermeture d’une caserne !
Je ferai une remarque supplémentaire : sur ces trois ans, 415 suppressions d’emplois sont prévues. Voilà qui fragilise le ministère et maltraite les femmes et les hommes, chaînon essentiel de la politique culturelle. Si l’on évalue à environ 40 000 euros l’économie réalisée pour un emploi supprimé, on obtient 17 millions d’euros, soit 0,7 % du budget du ministère, qui représente moins de 1 % du budget de l’État. C’est pour ces « queues de cerises », et presque uniquement pour cela, que la RGPP fragilise considérablement l’organisation et les missions du ministère, en déstabilisant gravement tous ses services !
Élargissons notre regard. Avec le budget que je viens d’évoquer, madame la ministre, vous organisez les « Entretiens de Valois », dont la conclusion tarde. Toutes les organisations de théâtres publics et privés – ce sera mon seul exemple – ont exprimé leur vif désaccord sur ce budget, lundi 24 novembre, au Théâtre du Rond-Point.
Vous avez la responsabilité de la presse, et M. Sarkozy organise les « États Généraux de la presse écrite », où les journalistes sont mal considérés, même blessés, tandis que M. Lagardère propose que les kiosquiers aient la liberté de choisir les titres pour leurs clients, en ayant la possibilité de moduler leurs prix de vente jusqu’à 5 % en plus ou en moins.
Vous avez la responsabilité des médias, que M. Sarkozy bouleverse en profondeur selon la règle de « l’étatisme-affairisme mêlés ». La commission Copé s’est volatilisée, les personnels de France Télévisions ont fait grève trois fois et, en juin et septembre, deux lieux de spectacles parisiens ont été remplis par des contestataires de la réforme.
Mme Pécresse a autonomisé les universités et, mercredi, en conseil des ministres, elle a annoncé que 20 % des crédits attribués, contre 3 % auparavant, impliqueraient la performance et l’obligation de résultats liés à la professionnalisation. Par ailleurs, le CNRS est malmené et vous avez vu l’ampleur et la vigueur de la réponse de ses chercheurs.
M. Darcos « mine » le système scolaire et ne vous accompagne plus pour l’éducation artistique qu’avec des confettis. Les manifestations d’enseignants et de parents étaient de grande ampleur le 20 novembre dernier, et ce n’est pas fini.
Comment ne pas voir, ne pas considérer, ce bloc offensif, le Gouvernement malmenant comme jamais la pensée, l’imaginaire, la création, l’intelligence, la recherche et la formation ? Les premières colères devraient vous alerter.
Car il y a un texte fondateur, que je ne cesserai de rappeler, dessinant le modèle d’une société de contrainte, et qui est devenu la feuille de route des pouvoirs publics, sans qu’aucun débat au Parlement ait eu lieu. Je veux parler du rapport Jouyet-Lévy de décembre 2006, L’économie de l’immatériel, la croissance de demain, écrit par huit inspecteurs des finances et onze dirigeants d’entreprise, en présence d’un artiste.
Ce rapport a la même importance qu’eut, en 1978, le rapport Nora-Minc, intitulé L’Informatisation de la société. Aujourd’hui, il s’agit de libéraliser les secteurs de la culture, de la recherche, de la création et de l’enseignement, la révolution numérique étant convoquée comme un prétexte pour enclencher la mutation socio-économique recherchée.
Pour cela, il convient de traiter les actifs immatériels dans une approche technico-financière. Les auteurs du rapport demandent notamment la transformation des universités et des musées en les identifiant à des « marques », « éléments du rayonnement de la France ».
Au nom de l’économie de l’immatériel sont remis en chantier les droits d’auteur. Cette économie est élastique et floue, inspirée d’un modèle publicitaire et managérial. Certes, elle souligne un fait majeur, l’importance de la connaissance et de la culture dans la société et l’économie, mais elle prend valeur idéologique en visant la standardisation de la culture et de la connaissance en simple « actif comptable » et, surtout, en se transformant en projet normatif et global de société.
Le chercheur Pierre Musso écrit : « Parce que la culture est, selon la formule de Gaston Bachelard, “une accession à une émergence”, l’économie de l’immatériel étendue aux affaires de l’esprit risque de conduire à “un saut dans le vide”, comme le pressentait Yves Klein, l’artiste visionnaire de l’immatériel ».
C’est dans ce texte que le Président de la République a puisé l’injonction qu’il vous a faite, en août 2007, d’étudier la mise en cause du caractère inaliénable du patrimoine muséal. Jacques Rigaud, fondateur de l’ADMICAL, la première grande démarche de mécénat dans notre pays, vous a rendu un rapport d’opposition, où il écrit : « Force est de constater que l’on a affaire à une approche réductrice, car strictement commerciale […] On ne saurait certes en conclure que le plus sûr moyen de “valoriser le patrimoine de la Nation” soit de le vendre ».
Ainsi, la première tentative d’application du rapport Jouyet-Lévy a échoué. Pourtant, que d’efforts gouvernementaux !
J’ai participé aux deux rencontres européennes sur ce sujet, l’une engagée par vous-même, les 2 et 3 octobre, intitulée « Les Nouvelles frontières de l’économie de la culture », au musée du Quai Branly, une autre organisée par votre prédécesseur, les 16, 17 et 18 novembre au Palais des Papes, intitulée « Le Forum d’Avignon ».
Au cours de la première, les déclarations manichéennes – c’était avant la crise visible ! – de l’ancien secrétaire d’État à la culture des Pays-Bas m’ont frappé, puisqu’il affirmait : « Il faut savoir si l’on choisit le libéralisme ou le protectionnisme […] Si l’on choisit l’art pur ou l’art appliqué ».
Au cours de la seconde rencontre, vous-même et le Premier ministre avez parlé, entourés d’une grande assemblée des industries culturelles d’Europe et même d’Amérique. Certains parlent d’« industries créatives », ce qui n’est pas un détail. La presse a nommé cette réunion le « Davos de la culture ». À votre place, je me méfierais ! On en a dit, des vérités éternelles à Davos, et le monde, aujourd’hui, tremble de cette éternité auto-endommagée. À méditer…
De ces deux réunions, j’ai conclu que le Président de la République et chaque ministre dans sa partie, quand il s’agit de pensée, de création, d’imaginaire et d’intelligence, appellent les grands groupes culturels et médiatiques à prendre en charge toute une partie de la politique culturelle, avec la déréglementation que cela implique. Vous savez bien que l’industrie et le mécénat culturels ne se sont développés que quand l’État a augmenté ses crédits.
« L’homme symbolise comme il respire », selon Pierre Legendre. Déjà, il respire de plus en plus mal, et il serait gêné, comprimé, éteint, hébété, réduit enfin, dans son aptitude à la symbolisation ? Nous ne l’accepterons pas !
Marguerite Duras, dans La Douleur, œuvre transmise par Dominique Blanc, m’a ébloui au Théâtre des Amandiers. Elle évoque, dans un autre ouvrage, « le hurlement intérieur du refus ». Quant à Boulez, mon bonheur de rendez-vous au Louvre, il eut cette simple et décisive phrase, dans l’un de ses cours au Collège de France : « L’histoire n’est pas ce qu’on subit, mais ce qu’on agit. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)