M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je voudrais rappeler à M. le rapporteur général qu’il s’agit du sort des communes défavorisées d’Île-de-France, région qui compte tout de même 11,5 millions d’habitants. Il s’agit donc bien d’un sujet d’ordre national.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a également des communes défavorisées à l’extérieur de l’Île-de-France !
Mme Nicole Bricq. Mme la ministre a invoqué la brutalité de l’article voté par l’Assemblée nationale.
Le groupe socialiste n’est pas là pour résoudre les problèmes internes à la majorité.
M. Henri de Raincourt. Et réciproquement !
M. Josselin de Rohan. C’est vous qui avez des problèmes !
Mme Nicole Bricq. Je rappelle que c’est un député UMP qui a proposé cette disposition et que le Gouvernement ne s’y est pas opposé.
Nous aurions aimé, je le dis en présence de mes collègues maires ou présidents de conseils généraux, que l’argument de la brutalité soit retenu dans la première partie du projet de loi de finances, lorsqu’il s’est agi, dans une enveloppe fermée, d’introduire le fonds de compensation pour la TVA, ce qui conduira à la baisse drastique des dotations des collectivités locales. Et, dans le même temps, on leur demande de soutenir des plans présentés par le Président de la République ! Je pourrais ainsi égrener tout une série de mesures qui ont été prises en première partie à l’encontre des collectivités locales. Or nous n’avons pas entendu dire que c’était brutal ! Pourtant, il s’agissait aussi de collectivités qui avaient déjà préparé leur budget !
Nous voulons qu’il soit bien clair pour nos collègues que, s’ils adoptent l’amendement du Gouvernement, ils exonéreront les communes des Hauts-de-Seine du second prélèvement. Il faut d’ailleurs rendre hommage aux élus de ce département : ils se sont bien battus, ils ont été entendus ! Mais nous voyons de quel côté penche, une fois encore, le Gouvernement… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne puis, madame Bricq, laisser sans réponse la contrevérité que vous venez de proférer. Il n’y a pas d’exonération : il s’agit simplement d’une entrée progressive dans le dispositif du second prélèvement. (Voilà ! sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Sergent. C’est quand même un cadeau !
M. le président. Je mets aux voix l'article 52 bis, modifié.
(L'article 52 bis est adopté.)
Article 52 ter
L’article 1518 bis du code général des impôts est complété par un zc ainsi rédigé :
« zc) Au titre de 2009, à 1,015 pour les propriétés non bâties, à 1,025 pour les immeubles industriels ne relevant pas de l’article 1500 et pour l’ensemble des autres propriétés bâties. »
M. le président. L'amendement n° II-323, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« zc) Au titre de 2009, à 1,015 pour les propriétés bâties et non bâties et à 1,025 pour les immeubles industriels. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement porte sur la question des valeurs locatives et de leur réévaluation.
L’article introduit par l’Assemblée nationale conduit à majorer sensiblement la valeur locative des logements soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties, de manière d’ailleurs plus significative que la valeur locative des immeubles à vocation industrielle ou commerciale.
Nous sommes donc en présence d’un article qui va mener les contribuables locaux à constater une majoration sensible de leur impôt sans même que les assemblées délibérantes des collectivités locales décident de la moindre hausse.
De plus, dans le contexte de réduction massive des dotations budgétaires de l’État, les tendances qui semblent imprégner les choix fiscaux des collectivités locales – qu’il s’agisse des conseils municipaux comme des conseils régionaux ou généraux – sont celles d’un relèvement sensible des taux d’imposition.
La profitabilité de Dexia comme le solde budgétaire global de l’État risquent fort, en définitive, de se traduire dans la hausse des impôts locaux, ce qui ne manquera pas d’être relevé par les particuliers.
C’est donc naturellement que nous proposons de maintenir la majoration des valeurs locatives des bâtiments à vocation d’activité, mais de revenir sur la majoration des valeurs locatives des immeubles destinés au logement des personnes physiques, d’autant que la taxe professionnelle est plus largement prise en charge par l’État que toute autre imposition locale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Malheureusement, cet amendement aurait pour effet de taxer davantage les entreprises que les ménages, ce qui nuirait à leur compétitivité. Ce n’est pas acceptable, en particulier en période de crise.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes raisons, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 52 ter.
(L'article 52 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 52 ter
M. le président. L'amendement n° II-292, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 52 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est procédé à une révision générale des valeurs locatives des immeubles bâtis retenus pour l'assiette des impositions directes locales dans les conditions fixées par les articles 2 à 12, 29 à 34, et 43 à 45 de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux.
II. - Pour l'application en 2009 des dispositions des articles 7 à 12 de la loi n° 90-669 précitée, les comités de délimitation des secteurs d'évaluation et les commissions communales des impôts directs se prononceront en priorité sur une actualisation des classements, des délimitations de secteurs et des tarifs définis lors de la précédente révision générale. Lorsque cette actualisation est impossible, lorsque le comité prévu à l'article 43 de la même loi ou lorsque la commission communale des impôts directs l'estime nécessaire, il est procédé à une nouvelle évaluation des immeubles bâtis à usage d'habitation sur le territoire de la commune, dans les conditions fixées par ladite loi.
III. - La date d'incorporation dans les rôles des résultats de cette révision et, le cas échéant, les modalités selon lesquelles ses effets pour les contribuables et les collectivités territoriales seront étalés dans le temps seront prévues par une loi ultérieure.
IV. - Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 30 septembre 2009, un rapport retraçant l'ensemble des conséquences de la révision pour les contribuables et les collectivités territoriales.
La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Cet amendement revient sur un problème que les uns et les autres ne cessent d’évoquer, en particulier le Gouvernement, sans que pour autant on passe aux actes.
À l’occasion du Congrès des maires de l’année dernière,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut se méfier des congrès ! (Sourires.)
M. François Rebsamen. …le Président de la République s’était engagé à mettre en place un « Grenelle de la fiscalité locale ». C’était l’époque où l’on distribuait les « grenelles » !
Pour le moment, nous avons le comité Balladur pour la réforme des collectivités locales, où les associations d’élus sont, à nos yeux, très faiblement représentées. Cela a d’ailleurs été souligné lors du tout récent Congrès des maires, et nous avons demandé au Gouvernement, à cette occasion, d’ouvrir des négociations sur la base des propositions élaborées par les associations en vue d’une réforme d’ensemble de la fiscalité locale.
Tout le monde sait que les valeurs locatives sont obsolètes. C'est la raison pour laquelle nous proposons que toute réforme de la fiscalité locale soit précédée d’une révision générale des valeurs locatives des immeubles bâtis, sur la base de celle qui avait été entreprise en 1990 et dont les résultats n’ont jamais produit d’effet, faute d’incorporation dans les rôles. Nous proposons en outre que le Parlement dispose, avant le 30 septembre 2009, d’un rapport sur les conséquences de cette révision.
Je précise, mais tout le monde l’avait sans doute compris, que cet amendement n’a pour objet ni d’incorporer immédiatement les résultats de cette révision dans les rôles ni même de déterminer les conditions dans lesquelles une telle incorporation pourrait être effectuée dans le temps. Il s’agit simplement, mais c’est important, de permettre que la prochaine réforme des impôts directs locaux s’opère sur une base sincère et rénovée, ce qui serait tout de même le minimum.
Ensuite, en concertation avec les élus locaux et leurs associations représentatives, les questions soulevées par le Président de la République, comme l’introduction de la valeur vénale – je rappelle que ces associations y sont pour le moment opposées – ou, en tout cas, les modalités d’application d’une telle évolution, pourront être discutées et tranchées.
Ainsi, mes chers collègues, si nous voulons que 2009 soit véritablement l’année de la réforme de la fiscalité locale, il nous semble indispensable de procéder à cette évaluation préalable, qui vise seulement à donner des bases claires à la future réforme.
Un consensus s’était dégagé à l’Assemblée nationale, mais il n’a pas abouti. C’est donc à nous qu’il revient, me semble-t-il, de faire le premier pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je rappelle que des modalités concrètes de révision ont déjà été proposées – vous y avez d’ailleurs fait allusion, mon cher collègue – par le Président de la République à l’occasion du quatre-vingt-dixième Congrès des maires et présidents de communauté de France, en 2007.
Les opérations pourraient être laissées à l’initiative des communes, réalisées en accord avec les services fiscaux, la réactualisation des bases s’effectuant progressivement lors de chaque changement de propriétaire. Nombre de maires et d’élus ici présents doivent pouvoir s’accorder sur un constat : par nature, une telle révision progressive aurait l’avantage d’éviter les effets massifs et brutaux de transferts de charge inhérents à la nature d’un impôt de répartition.
C’est cette nature d’impôt de répartition et la crainte très justifiée de la brutalité des transferts qui ont, jusqu’à présent, fait obstacle à la révision des valeurs locatives.
Dans ces conditions, je souhaite vous interroger, madame la ministre. Où en est-on ? Comment est-il envisagé d’évoluer dans le sens préconisé par le Président de la République ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Rebsamen, vous proposez d’engager en 2009 une révision générale des valeurs locatives des immeubles bâtis, dans les conditions fixées par la loi du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux.
Dans la mesure où j’occupais à l’époque de tout autres fonctions, j’ai demandé à mes services de m’indiquer dans quelles conditions le processus s’était déroulé et à quels résultats il avait abouti.
Nous avons alors dressé plusieurs constats. D’abord, un travail d’études a été mené de 1990 à 1992. En outre, un rapport, d’ailleurs excellent, a été déposé en 1992, et il a donné lieu à des demandes de simulations multiples et variées. Bien entendu, dans la mesure où certaines communes étaient privilégiées et où d’autres étaient perdantes, personne n’était véritablement d’accord pour mettre en œuvre les recommandations de ce rapport. Les simulations et les travaux de modélisation pour chacune des collectivités ont duré jusqu’en 1996.
Dans ces conditions, l’ensemble des travaux menés par la direction de la législation fiscale, la DLF, et par les services territoriaux sur ce dossier n’ont pas été suivis d’effet. Nous pourrions dire qu’ils sont, en quelque sorte, perdus. Certes, ils sont encore aux archives, mais je ne pense pas qu’ils puissent aujourd'hui avoir une utilité.
Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’il soit opportun de fonder un réexamen sur les bases de la loi du 30 juillet 1990, même si le Président de la République a souligné qu’il était indispensable de procéder à ce réexamen pour revoir l’ensemble de la fiscalité locale.
Monsieur le rapporteur général, vous m’avez interrogée sur la réforme de la fiscalité locale, que le Président de la République a appelée de ses vœux lors du Congrès des maires et présidents de communautés de France, au mois d’octobre 2007. Le Premier ministre s’est également récemment exprimé en ce sens à l’occasion de la Conférence nationale des exécutifs.
La méthode que nous avons retenue repose sur la concertation. D’ailleurs, celle-ci a déjà débuté : au cours de la journée du 7 octobre, des consultations techniques ont eu lieu entre la DLF, la DGCL – direction générale des collectivités locales – et l’ensemble des associations.
Si nous souhaitons parvenir à un résultat, nous devons évidemment poursuivre cette concertation. C’est ce à quoi mes services vont s’employer au cours des jours et des semaines à venir.
À présent, je souhaite évoquer plus précisément le calendrier de la réforme.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur Rebsamen, un comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, a été mis en place afin de réfléchir non pas tant à la réforme de la fiscalité locale qu’à la pertinence de notre organisation territoriale actuelle et à son éventuel réaménagement.
Lors de sa réunion constitutive, à laquelle j’ai assisté, le comité Balladur s’est engagé à remettre son rapport le 1er mars 2009. Il n’est donc évidemment pas opportun de faire des propositions en matière de fiscalité locale avant de connaître les conclusions de ce comité et de savoir quelle sera leur traduction législative.
Votre amendement me paraît donc prématuré, monsieur Rebsamen, sachant que certaines des conclusions du comité Balladur donneront lieu à des dispositions qui seront soumises au vote des deux assemblées.
À mon sens, il faudra, dans la foulée, engager des travaux à marche accélérée en matière de fiscalité locale, d’autant que nous allons remettre le dossier de la taxe professionnelle en chantier. Je vous le rappelle, nous préconisons l’exonération de cet impôt pour une durée fixe correspondant à l’année fiscale 2009, qui a commencé le 24 octobre 2008, et ce afin de soutenir l’investissement. Cette exonération devra ensuite faire l’objet d’une réflexion approfondie, et il est clair que les équilibres de la fiscalité locale se trouveront modifiés. À cet égard, je précise que l’exonération prévue pour 2009 s’effectuera sous forme de dégrèvements ; il ne s’agit pas de diminuer la fiscalité locale résultant de la taxe professionnelle.
Monsieur Rebsamen, sous le bénéfice de ces explications, que j’ai souhaité complètes, je sollicite le retrait de votre amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Rebsamen, l’amendement est-il maintenu ?
M. François Rebsamen. J’ai bien écouté la réponse de Mme la ministre.
D’abord, je voudrais lui préciser qu’il s’agit des bases des valeurs locatives.
Ensuite, alors que M. le rapporteur général l’avait interrogée sur le sujet, je n’ai pas entendu Mme la ministre répondre sur le temps que prendrait une mise au net de ces bases fondée sur le principe d’une actualisation à chaque transaction immobilière.
Avant que tous les biens d’une commune aient fait l’objet d’une transaction, il faudra peut-être attendre trente ou quarante ans !
M. Michel Charasse. De plus, ce serait anticonstitutionnel !
M. François Rebsamen. J’ignore si ce serait anticonstitutionnel, mais je souhaite attirer l’attention – je pense que c’était également le sens de l’intervention de M. le rapporteur général – sur la durée que nécessitera la définition de valeurs locatives claires si nous procédons à raison d’une actualisation par vente ou par opération immobilière. Je n’ai pas obtenu de réponse à cette question.
Madame la ministre, nous avons simplement la volonté de pouvoir disposer de bases claires et nettes pour réfléchir à une réforme de la fiscalité locale. C’est le sens de cet amendement. Dès lors, je ne vois pas pourquoi je devrais le retirer.
J’ajouterai un dernier élément. Faute de personnels suffisants, la direction des services fiscaux éprouve beaucoup de difficultés pour effectuer le moindre travail d’actualisation des bases existantes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je souhaite répondre rapidement à la question de M. le rapporteur général.
Le principe, c’est bien la réévaluation des valeurs locatives sur la base de chacune des transactions au fur et à mesure qu’elles s’effectuent. Bien sûr, il y aura une date butoir, que nous proposons de fixer à dix ans. En effet, nous le savons, un certain nombre de biens n’auront pas fait l’objet d’une transaction avant une date relativement éloignée et il est donc nécessaire d’avoir un butoir pour s’assurer de la constitutionnalité du dispositif.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. La loi du 30 juillet 1990, j’en suis l’auteur ou le coauteur, dans le cadre de la coproduction législative de l’époque, avec la majorité parlementaire du moment.
Cela fait des années que l’on demande la révision des valeurs locatives dans tous les congrès d’élus. En 1987, le Parlement a adopté à l’unanimité un amendement dans la loi de finances prescrivant la révision. Et une loi organisant la révision a donc été votée. Motif : égalité fiscale, ou meilleure répartition, plus équitable, de la charge fiscale.
La révision a été faite ; elle a coûté beaucoup d’argent puisque, à l’époque, l’État a payé les travaux de révision, l’administration a été mobilisée, les membres des commissions communales et départementales ont été indemnisés par des vacations, un supplément d’impôt a été réclamé à tous les contribuables. Tous les collègues qui étaient élus à cette époque s’en souviennent certainement.
Et puis est arrivé le résultat qui était inévitable : un tiers des contribuables ne payent pas assez et deux tiers des contribuables payent trop. Nous nous sommes trouvés, quand les résultats de la révision ont été déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale, le 1er octobre 1992, dans la situation suivante : tout le monde était d’accord pour diminuer la fiscalité des deux tiers qui payaient trop, mais personne n’était d’accord pour augmenter celle du tiers qui ne payait pas assez. (Rires.)
Donc, tout le monde a dit : « Il est urgent d’attendre. » Et le Premier ministre de l’époque, le regretté Pierre Bérégovoy, a dit : « Je mets ça dans mon tiroir, ça sera pour mon successeur ! » (Sourires.) Décision stupide parce que les élections avaient lieu au mois de mars suivant et les feuilles d’impôts arrivent en septembre ! (Rires.) Donc, c’était complètement stupide ! Peu importe.
Et, depuis, tout le monde a toujours trouvé une bonne occasion de dire : « Il y a une élection l’année prochaine. » Il y a toujours des élections : législatives, cantonales, municipales, présidentielles, européennes, à la chambre de commerce, d’agriculture et des métiers, aux prud’hommes, au conseil de parents d’élèves, aux comités de quartier, et j’en passe. (Nouveaux rires.) Il y a toujours des élections qui font que ce n’est pas le moment.
Le comité des finances locales a constitué trois groupes de travail – le président Fourcade s’en souvient –, où la conclusion a toujours été de dire : « Ah oui, mais c’est “embêtant”... – j’emploie un mot poli –, il vaut mieux attendre, parce qu’on ne peut pas augmenter, etc. » Et je me souviens même de Pierre Mauroy disant à une époque : « On ne va pas tout de même augmenter comme ça, là, quoi… Bon, ça va, on ne va pas augmenter ! » (Nouveaux rires.)
Mme Jacqueline Gourault. Pas mal imité !
M. Michel Charasse. Donc, nous en sommes là. Alors, l’idée moderne d’aujourd’hui consiste à dire : « Y a qu’à réviser au fur et à mesure des transactions ! »
Chers amis, cela ne peut pas passer la barre du Conseil constitutionnel ! Car vous ne pouvez pas, au nom du principe d’égalité devant l’impôt, taxer un contribuable donné sur une base rénovée parce qu’il a eu le malheur de vendre ou d’acheter, quand son voisin qui, depuis trente ans est là et qui n’a pas bougé, est lui-même taxé sur des bases non actualisées. Donc, c’est inconstitutionnel au regard du principe d’égalité devant l’impôt et les charges publiques.
Alors, c’est simple. Ou bien on est pour l’égalité fiscale, et on fait payer ceux qui doivent payer en allégeant ceux qui sont trop taxés, ou on n’est pas pour l’égalité fiscale, et on arrête de se moquer du monde ! (Très bien ! et applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Je ne voterai pas cet amendement, même s’il me semble bien inspiré, car nous constatons bien dans nos communes l’iniquité du système d’évaluation des bases du foncier bâti, système vieux de deux siècles et dont la dernière révision a eu lieu en 1970.
On s’adapte comme on peut chaque année, mais force est de constater que des maisons neuves se voient appliquer des bases de foncier bâti importantes et sont fortement taxées, tandis que des maisons qui ont été rénovées tranquillement dans le fin fond de hameaux bénéficient de bases dérisoires. Les gens s’aperçoivent de cette inégalité.
Certes, les commissions communales sont là pour veiller au grain,…
M. Michel Charasse. Il faut déjà trouver un inspecteur des impôts !
M. Joël Bourdin. … mais il est évident qu’il faut revoir le système d’évaluation. Le faire à l’occasion des transactions, reconnaissons-le, c’est tout de même dérisoire. Il doit bien exister un autre moyen de procéder, plutôt que ce système parfaitement injuste, comme le soulignait M. Charasse.
Mme Jacqueline Gourault. Il est injuste, en effet !
M. Joël Bourdin. Au surplus, les évaluations auxquelles il est procédé actuellement tiennent compte d’éléments que je qualifierai d’objectifs, mais aussi d’éléments qui ne sont pris en considération que s’ils sont connus : gain de surface habitable grâce à des travaux d’aménagement, ajout d’équipements sanitaires, etc. Or, à l’évidence, ces derniers éléments ne font l’objet d’aucun contrôle.
Tout cela fait que, dans certaines communes, le système est un peu explosif.
En conséquence, je souhaiterais, madame la ministre, que vous donniez des instructions à vos directeurs départementaux et aux chefs des services fiscaux afin qu’ils diffusent un questionnaire demandant aux propriétaires de fournir une nouvelle description de leur bien, comme cela a été fait dans mon département.
Cela nous donnerait au moins la possibilité, avant de procéder à une grande révision, d’apporter une correction aux bases actuelles.
M. Michel Charasse. Il faut faire cela par ordonnance !
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. C’est un sujet important, que nous abordons depuis des années.
Nous avons beaucoup débattu des incidences des bases du foncier bâti sur l’impôt à l’échelon de la commune. Mais, après vingt-cinq ans de décentralisation, si nous traçons une courbe de l’évolution de l’impôt qui est prélevé sur ces mêmes bases par les conseils généraux et les régions, …
M. Michel Charasse. Et les intercommunalités !
M. Gérard Miquel. … nous constatons des différences qui sont devenues insupportables pour le contribuable.
En effet, selon que vous habitez d’un côté de la route plutôt que de l’autre, dans le centre-ville où les bases sont élevées plutôt que dans la commune voisine où elles sont très faibles, vous payez trois, quatre, voire cinq fois plus d’impôt !
Depuis vingt-cinq ans, nous avons fait progresser l’impôt départemental puisque, dans sa grande générosité, l'État nous a transféré cette compétence – je ne parle pas des moyens ! –, mais nous ne pouvons plus augmenter l’impôt parce qu’il pèse trop sur un certain nombre contribuables, tandis que les autres acquittent des montants quatre à cinq fois moindres.
Madame la ministre, pourquoi ne pas procéder à une expérimentation – je suis très favorable aux expérimentations – dans plusieurs départements en vue d’une réévaluation des bases, sachant que la dernière remonte à 1970 et que la valeur locative des immeubles a considérablement changé depuis.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On ne va pas le faire ce soir !
M. Gérard Miquel. Certes, monsieur le président ! Mais je tenais à souligner une nouvelle fois la nécessité de nous pencher sur ce problème très important, et c’est l’objet principal de l’amendement qui a été défendu par François Rebsamen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’ai participé, comme d’autres dans cette enceinte, à la révision de 1990 des valeurs locatives servant de base aux taxes foncières.
Un problème s’est alors posé au sujet de la révision des bases des propriétés bâties dans la mesure où celle-ci portait uniquement sur les habitations, omettant le fait que, sur le territoire d’un certain nombre de communes, l’activité industrielle est très importante. Cela a empêché de retenir une répartition convenable, sauf à créer des écarts extrêmement importants entre l’habitat individuel et les bâtiments collectifs, de sorte que le système est devenu inapplicable.
Si l’on veut vraiment procéder à une révision des valeurs locatives, il ne faut pas la limiter à l’habitat : elle doit concerner l’ensemble du bâti.
C’est pourquoi, tout en jugeant intéressante l’idée qui inspire l’amendement, je m’abstiendrai.