Mme Michelle Demessine. C’est dans notre rapport !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Eh bien, je vous invite à vous en souvenir un peu mieux lorsque vous évoquerez les conséquences que pourrait avoir la suppression de la réquisition.
M. Alain Fauconnier. Nous ne sommes pas à l’école !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, des amendements ont été déposés, y compris par vos commissions, visant à éviter la banalisation de l’utilisation de moyens lourds, quitte à conforter un certain formalisme. Je me félicite que leurs auteurs, tout en apportant des garanties, tirent les conséquences logiques d’un certain nombre d’évolutions.
En ce qui concerne le maintien du maillage territorial et la couverture du territoire, je remercie MM. de Rohan, Faure et Fouché d’avoir rappelé leur attachement et celui des Français à la gendarmerie, notamment à sa présence dans les zones rurales. Pour ma part, je suis très attentive à la présence de l’État sur l’ensemble du territoire ; l’autorité de l’État est nécessaire, en particulier dans les zones les plus fragiles.
Je vous le répète, il n’est pas question de détourner les effectifs de la gendarmerie au profit des zones urbaines tenues par la police nationale ou de remettre en cause le maillage des brigades territoriales. Pour autant, des ajustements sont parfois nécessaires, notamment pour tenir compte des évolutions démographiques, et il continuera à en aller ainsi, mais le principe de cette présence territoriale doit être maintenu.
Peut-être n’ai-je pas répondu à toutes les questions.
M. Bertrand Auban. À aucune !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela étant, comme toujours, j’ai été très sensible aux préoccupations qui ont été exprimées de bonne foi.
Tous les textes que j’ai soumis au Sénat ont bénéficié de l’expérience et de la sagesse de la Haute Assemblée. C’est donc avec la plus grande attention et dans un esprit positif que j’aborderai vos propositions, car elles font suite aux analyses des groupes de travail qui se sont réunis depuis de nombreuses années sur ce sujet mais aussi aux réflexions de vos commissions.
Mon objectif est d’aboutir à une loi garantissant la protection des Français au travers de deux forces, à une loi garantissant à la gendarmerie qu’elle gardera son statut et sera toujours reconnue comme cette force de proximité indispensable à la protection de nos concitoyens. Je ne doute pas que nous parviendrons ensemble à un texte qui réponde à ces objectifs, à un texte qui soit digne du dévouement, de la compétence et du courage des hommes et des femmes de la gendarmerie nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Carrère, Reiner et Boulaud, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°43 tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale (Urgence déclarée) (n° 499, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Jean-Louis Carrère, auteur de la motion.
M. Jean-Louis Carrère. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, parce que nous aimons la gendarmerie, nous sommes opposés à ce texte.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n’est pas la peine de le renvoyer à la commission pour ça !
M. Jean-Louis Carrère. Nous pensons qu’il aborde de la plus mauvaise manière qui soit la difficile question de la réforme – pourtant nécessaire – de la gendarmerie nationale. Or un sujet aussi important aurait mérité plus d’attention, plus de réflexion, plus de travail et plus de temps.
Madame le ministre, nous demandons le renvoi à la commission pour que vous ayez le temps de la réflexion, car, comme le disait Publilius Syrus, célèbre poète latin, « Le temps de la réflexion est une économie de temps ». Or, si l’urgence a été déclarée, c’est que le temps vient à manquer.
Je constate avec beaucoup de tristesse que la réflexion manque aussi cruellement dans ce projet de loi.
Prenons donc le temps de la réflexion.
Bien sûr, fidèle à sa soif d’action, cédant à la frénésie des annonces, le Président de la République a indiqué qu’il voulait le rattachement plein et entier de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Mais avez-vous seulement envisagé les conséquences d’un tel rapprochement ? Avez-vous anticipé les effets qu’un trop grand rapprochement de la police et de la gendarmerie pourrait produire ?
La fusion des deux forces risque de provoquer un alignement progressif de leur statut respectif. Pourtant, vous le savez, la spécificité du statut des gendarmes est essentielle pour la sécurité de nos concitoyens : les gendarmes sont soumis à une obligation de disponibilité et ne sont pas tenus par une limitation de leur temps de travail. Ce statut militaire, qui garantit une certaine discipline et une certaine éthique, est très précieux pour notre République. Vous risquez d’y porter atteinte sans autre forme de considération.
Avez-vous réalisé que ce projet de loi s’inscrivait en faux contre l’un de nos plus grands principes républicains, à savoir la dualité des forces de police ?
Cette dualité est une protection. Elle est la garantie que les pouvoirs de police et de maintien de l’ordre ne relèvent pas tous d’une seule et unique personne.
C’est une garantie contre les dérives d’un pouvoir par trop centralisé. À l’heure de « l’hyper présidence », il appartient au Parlement de protéger la République par des garde-fous appropriés. De plus, même si notre belle démocratie n’est pas menacée, il faut se souvenir qu’elle est un bien précieux et, malgré tout, fragile.
Avez-vous eu le temps de comprendre que la suppression du principe de la réquisition de la force armée, au sujet de laquelle vous nous faisiez la leçon il y a quelques instants, qui existe depuis 1789 et qui n’a jamais été abandonné depuis, est une atteinte grave à la République ?
Aujourd’hui, si cette suppression était adoptée, le préfet pourrait obtenir l’intervention de la gendarmerie sans formalisme, sans commandement écrit, donc très facilement. L’amendement que vous avez déposé en vue de corriger le texte sur ce point prouve que vous avez fini par percevoir le risque et que vous avez entendu les critiques formulées.
Il est insupportable, au regard des libertés publiques, que la gendarmerie soit désormais dans les mains du ministre ou du préfet sans la garantie fondamentale de la procédure de réquisition de la force armée !
Prenez la mesure des difficultés que rencontre la gendarmerie et améliorez votre réforme opportunément, madame le ministre.
Cette réforme ne parviendra pas à réparer les dégâts des mesures que vous avez déjà prises et qui contribuent à l’affaiblissement de la densité du maillage des brigades territoriales.
Il aurait fallu réfléchir à l’amélioration de la formation et non pas diviser par deux le nombre d’écoles de gendarmerie, je pense à celle de Libourne, notamment. Notre pays a besoin de ses gendarmes, qui sont bien souvent des remparts contre les débordements urbains, notamment dans les grandes agglomérations.
Prenez le temps qu’il faut pour proposer à la représentation nationale un texte de qualité, madame le ministre.
Bien sûr, il faudrait pour cela que le texte soit examiné sérieusement et sereinement, ce que la procédure d’urgence ne permet pas. Au demeurant, et vous le savez très bien, si ce texte est aujourd’hui en discussion au Sénat, c’est parce que l’Assemblée nationale n’a pas pu voter dans les délais impartis le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste - Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. La faute à qui ?
M. Jean-Louis Carrère. Ne venez donc pas nous dire maintenant qu’il s’agit d’une urgence absolue.
Le calendrier est bouleversé, le travail des parlementaires est sacrifié sur l’autel des effets d’annonce, le tout au détriment de nos concitoyens. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.- Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Bertrand Auban. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. J’en veux pour preuve la manière dont le Gouvernement traite le Parlement, en transmettant en soirée, à la sauvette, ses amendements. Il faut laisser à la commission le temps de faire un travail de qualité !
Madame le ministre, un peu de temps ne serait pas non plus inutile au gouvernement auquel vous appartenez pour tenter de rapprocher des positions qui semblent aujourd’hui si antagonistes. En effet, vous aurez sans doute besoin de temps pour parvenir à rassembler tous ceux qui, dans votre propre camp, s’élèvent contre ce texte. Et cette vieille méthode qui consiste à provoquer la gauche pour rassembler la droite, vous n’avez pas hésité à y recourir encore ce soir.
M. Daniel Reiner. Elle a succombé à la tentation !
M. Jean-Louis Carrère. Jean Pierre Raffarin lui-même qualifie le rapprochement police-gendarmerie de projet « dangereux » pour la République et redit son attachement à la dualité des forces de sécurité. Il n’est pas en tout point mon modèle, mais il parle ici en républicain. Il a appelé à être « très vigilant », car il se pourrait qu’un jour « les procédures l’emportent sur les convictions ».
D’autres se sont élevés, eux aussi, contre ce projet de loi mal construit, inopportun et dangereux.
Mais il vous faudra peut-être encore plus de temps pour réaliser que vous êtes en contradiction avec vous-même. Lorsque l’actuel Président de la République, Nicolas Sarkozy, était ministre de l’intérieur et que vous étiez ministre de la défense, vous vous étiez opposée à son projet de mise sous tutelle de la gendarmerie.
M. Bertrand Auban. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Que s’est-il passé depuis 2007 ? Qu’avez-vous appris ou compris, madame le ministre, qui puisse bouleverser l’une de vos convictions les plus récentes ?
Non, décidément, vous avez voulu que le Parlement débatte d’un texte qui est aujourd’hui inachevé et inopportun !
Il est inachevé, parce que les intentions de réformes affichées sont bien velléitaires : rien n’est prévu pour accompagner le changement et l’adaptation de la gendarmerie aux nouveaux défis de nos villes et de nos territoires.
Pourtant, la réforme est nécessaire. La France a changé depuis le dernier décret, en date du 20 mai 1903, portant règlement sur l’organisation et le service de la gendarmerie. Mais ce n’est pas en plaçant la gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’intérieur que vous améliorerez la coordination entre policiers et gendarmes. Ce n’est pas de ce type de réforme que nos concitoyens ont besoin pour assurer au mieux leur sécurité.
Votre responsabilité, madame le ministre, est de garantir et de rétablir l’égalité de nos concitoyens face à la sécurité. Or, aujourd’hui, la gendarmerie est inégalement répartie sur le territoire. Il ne faut pas démanteler les zones rurales et périurbaines, qui ont cruellement besoin de gendarmes, car les gendarmes assurent des missions de sécurité de proximité essentielles pour nos concitoyens les plus démunis !
Ce texte est également inopportun : trois anciens directeurs de la gendarmerie, que vous connaissez bien, le qualifient de « planificateur » et de « liberticide » ; ce matin, dans Libération (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP), le général Capdepont, qui souhaite une réforme, contestait celle que vous mettez en œuvre, et en quels termes !
Comme le disait le romancier français Charles-Louis Philippe : « On a toujours l’art de mentir quand on parle à des gendarmes ». Je souhaite de tout cœur que cette funeste tradition s’arrête ce soir, madame le ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Frimat. Favorable ! (Rires sur les mêmes travées.)
M. Jean Faure, rapporteur. Cher Jean-Louis Carrère, je comprends que nous ne soyons pas tous du même avis et que nos votes puissent diverger. Pour autant, votre demande de renvoi à la commission me paraît surprenante, dans la mesure où le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur ne constitue pas un sujet nouveau pour la commission des affaires étrangères et de la défense.
Avant même l’annonce de cette réforme par le Président de la République, le 29 novembre 2007, la commission s’était saisie de ce sujet en constituant en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie, au sein duquel étaient représentées les différentes sensibilités politiques. Ce groupe a beaucoup travaillé ; il a procédé à une quarantaine d’auditions et à plusieurs déplacements sur le terrain, plus de quatre si ma mémoire est bonne.
À l’issue de ses travaux, ce groupe de travail a présenté dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par la commission et reprises dans un rapport d’information publié en avril dernier.
Après le dépôt du projet de loi sur le bureau du Sénat, l’été dernier, votre rapporteur a de nouveau réalisé un examen approfondi de ce texte. Il a procédé à dix-sept auditions. Il s’est entretenu notamment avec des représentants de différentes administrations – l’intérieur, la justice, la défense –, avec d’anciens directeurs généraux de la gendarmerie, des officiers supérieurs, mais aussi des représentants d’associations de retraités et de familles.
Enfin, la commission des affaires étrangères et la commission des lois ont procédé conjointement à l’audition des ministres de l’intérieur et de la défense sur ce texte.
Ainsi, on ne peut pas dire que la commission des affaires étrangères a découvert ce texte récemment ; elle a au contraire joué tout son rôle en se saisissant très en amont de cette réforme et en procédant à un examen attentif du projet de loi.
Je vous rappelle tout de même que le rapport de la commission a été examiné le 29 octobre dernier. Sur ma proposition, la commission a adopté dix-huit amendements sur un texte qui ne comporte que dix articles. Le même jour, la commission des lois examinait le rapport pour avis de Jean-Patrick Courtois et adoptait de son côté seize amendements.
Depuis un mois et demi, les différents groupes politiques ont donc pu prendre connaissance de ce texte et des rapports ; ils auraient pu réagir plus tôt. Rarement un projet de loi aura fait l’objet d’un travail aussi approfondi en amont, avec un tel délai entre l’examen en commission et le passage en séance publique.
Dans ce contexte, un renvoi à la commission ne me paraît pas justifié. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer cette motion, monsieur Carrère.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Si nous ne connaissions pas M. Jean-Louis Carrère, le caractère excessif de certains de ses propos pourrait surprendre et susciter des réponses sévères, mais nous savons son goût pour la provocation, qui peut le conduire à développer des arguments allant bien au-delà de sa pensée.
Sur le fond, M. Jean Faure vient de démontrer excellemment que la demande de renvoi à la commission n’était en rien justifiée.
Pour ma part, je vous approuve sur un seul point, monsieur Carrère. Vous dites que la réforme est nécessaire : alors, faisons-la ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Carrère, la motion est-elle maintenue ?
M. Jean-Louis Carrère. Ce qui me préoccupe le plus, c’est que l’on fasse comme s’il y avait urgence absolue. On nous a ainsi soumis un projet de loi de finances qui intégrait déjà, par anticipation, le vote du présent texte ; nous n’avons aucune information sur la LOPPSI 2 et aucune des précautions prises à très juste titre par la commission des affaires étrangères ne concerne le contenu du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.
Certes, nous avions eu connaissance de l’idée d’un rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, mais nous n’avions pas le texte en notre possession. Or c’est bien le texte dont je demande le renvoi à la commission, parce que j’en conteste l’achèvement, et j’ai motif à le contester d’autant plus que le Gouvernement a encore déposé des amendements après dix-neuf heures, ce soir, preuve, s’il en était besoin, que même le Gouvernement considère que son texte est inachevé !
S'agissant d’un projet de loi aussi important, dont nous reconnaissons tout l’intérêt, mes chers collègues, n’essayons pas de gagner artificiellement du temps en rejetant cette motion. C’est au contraire en renvoyant le texte à la commission que nous économiserons du temps ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 43, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, je vous demande une courte suspension de séance.
M. Jean-Louis Carrère. La preuve est faite !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons accéder à la demande de M. le président de la commission des affaires étrangères et interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je rappelle que la discussion générale a été close et que nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
CHAPITRE IER
Des missions et du rattachement de la gendarmerie nationale
Article additionnel avant l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par Mme Klès, MM. Carrère, Reiner, Boulaud, Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de répondre à l'exigence d'information et de contrôle du Parlement, un rapport analyse la possibilité de créer une instance parlementaire chargée d'examiner les conditions de mise en œuvre et d'exploitation des traitements automatisés de données à caractère personnel, y compris les traitements de données à caractère personnel couverts par le secret de la défense nationale, tenus par l'administration, les organismes publics et parapublics.
Ce rapport prend en compte les finalités et la nature, y compris anthropomorphique, des informations enregistrées, les conditions d'âge autorisant ou interdisant l'inscription, les destinataires des informations, les modes d'alimentation, de consultation et de traçabilité ainsi que les croisements opérés entre les traitements de données à caractère personnel mentionnés ci dessus, la durée de conservation, les procédures d'accès et de correction des informations et les modalités d'archivage, de transferts et d'apurement de ces derniers.
Il se prononce sur le développement et l'application de référentiels communs.
Il s'interroge sur les personnalités susceptibles d'être entendues dans le cadre de cette mission telles que le Premier ministre, les ministres, les directeurs des services gestionnaires et les personnes chargées d'administrer les traitements automatisés de données à caractère personnel précités ainsi que le Défenseur des droits et les présidents des autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits et des libertés fondamentales.
Le dépôt du rapport est suivi d'un débat dans chaque assemblée.
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement a minima, qui vise à la production d’un rapport en vue d’aller vers la création d’une instance parlementaire chargée d’examiner les conditions de mise en œuvre et d’exploitation des traitements automatisés des données à caractère personnel, y compris ceux qui sont couverts par le secret de la défense nationale, tenus par l’administration et les organismes publics et parapublics.
Ayant dit cela, j’ai l’impression, un peu désagréable, d’avoir juste tenté d’essayer de commencer d’entrapercevoir un embryon de début de projet… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Croyez bien que je regrette cette situation alambiquée et cette lenteur d’escargot, quand on voit, par ailleurs, à quelle vitesse certains textes éminemment importants et fondateurs pour les principes de notre République sont quant à eux aussi vite examinés que « mis en bouteille », sans autre forme de procès !
En effet, l’objet de mon amendement initial était beaucoup plus direct et ambitieux ; il visait très simplement à la création d’un observatoire parlementaire, dont les dépenses auraient pu être financées et exécutées comme des dépenses parlementaires.
Toutefois, la commission des finances en a jugé autrement et a opposé l’article 40 de la Constitution à mon amendement, faisant tomber sur lui le couperet de l’irrecevabilité. Ainsi, ce qui est parfois possible – je pense notamment au redéploiement des dépenses au sein de notre assemblée dans le cadre de la création de postes de vice-président ou de secrétaire du Sénat– se révèle, dans d’autres circonstances, beaucoup plus difficile !
Mais peut-être s’agit-il encore de confusions coupables de ma part !
Pour autant, il me semble important, et même primordial, d’avancer sur ce dossier, fût-ce à pas de tortue. D’ailleurs, vous ne l’ignorez pas, la marche de cet animal est lente, mais inexorable ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
Aussi l’utilisation de la technique du véhicule législatif, que vous avez vous-même sérieusement envisagée pour les articles 3, 6 et 9 de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, est-elle à mon sens tout à fait légitime sur ce sujet.
Les craintes suscitées par l’ébauche de création du fichier EDVIGE ont montré à quel point la question des fichiers de police, de gendarmerie ou d’autres autorités, ainsi que celle de leur contrôle et de leur évolution, est sensible.
À propos des fichiers de police et de gendarmerie, la CNIL, la commission nationale de l’informatique et des libertés, détient d’ailleurs la prérogative de veiller à ce que leur création et leur utilisation soient respectueuses des lois et des réglementations ; elle contrôle également leur finalité au regard des principes de proportionnalité et de garantie des libertés individuelles et collectives.
Parallèlement, il existe aussi le groupe de contrôle des fichiers de police et de gendarmerie, institué par votre prédécesseur, madame le ministre, et que vous avez réactivé à la suite de la mobilisation générale contre la création du fichier EDVIGE.
Entre une autorité administrative indépendante, d’un côté, et un organisme gouvernemental de l’autre, quel rôle le Parlement doit-il jouer ?
Notre quotidien est envahi par un flot de données personnelles numérisées : biométrie, téléphones portables, cartes de paiement, internet, etc. Il faut donc veiller à ne pas faire prévaloir une logique de traçabilité des personnes, susceptible d’accroître les prérogatives de contrôle dévolues aux forces de l’ordre, et de déboucher ainsi sur la constitution de « méga-fichiers » de données centralisées, potentiellement dangereux et pouvant être mis en connexion les uns avec les autres par les autorités.
L’observatoire dont nous souhaitons la création devrait examiner les conditions de mise en œuvre et d’exploitation des traitements automatisés de données à caractère personnel tenus par l’administration, les organismes publics et parapublics.
M. André Dulait. Quel rapport avec le projet de loi ?
Mme Virginie Klès. Les traitements de données à caractère personnel couverts par le secret de la défense nationale devraient relever de la compétence de la délégation parlementaire au renseignement, dans le cadre de sa mission de suivi de l’activité générale et des moyens des services spécialisés à cet effet.
L’observatoire formulerait des recommandations après avoir évalué les finalités et la nature des informations enregistrées, les conditions d’âge autorisant ou interdisant l’inscription, les destinataires des informations, les modes d’alimentation, de consultation et de traçabilité, ainsi que les croisements opérés entre les traitements de données à caractère personnel, la durée de conservation, les procédures d’accès et de correction des informations et les modalités d’archivage, de transfert et d’apurement de ces derniers.
La position du groupe socialiste est ainsi très claire : il est pour nous impératif de donner chaque fois que nécessaire à la police et à la justice, dans une société plus mobile, plus fluide et mondialisée, les moyens de gérer nos identités. Mais, dans le même temps, les autorités politiques et la société civile doivent quant à elles disposer des moyens de superviser les modalités et la finalité des contrôles, publics ou privés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Faure, rapporteur. La question du contrôle des fichiers de police et de gendarmerie constitue en effet un sujet sensible et important.
À la suite de la polémique suscitée par le projet de fichier EDVIGE, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités locales a décidé de réactiver le groupe de travail sur ces fichiers, mis en place en juin 2006, et qui avait déjà élaboré un rapport en novembre 2006 sur un meilleur contrôle des fichiers de police dans le cadre des enquêtes administratives. (Mme la ministre approuve.)
Ce groupe de travail, présidé par M. Alain Bauer, a remis tout récemment, le 11 décembre dernier, un nouveau rapport, qui contient vingt-six recommandations pour améliorer et mieux contrôler l’usage des fichiers de police et de gendarmerie.
Parmi ces recommandations figure notamment la création d’une sorte de commission indépendante présidée par un magistrat.
Si l’amendement soulève en effet une vraie question, la rédaction proposée comporte plusieurs inconvénients.
Tout d’abord, il peut sembler curieux de demander au Gouvernement de présenter un rapport sur cette question, alors que le groupe de travail sur le contrôle des fichiers vient précisément de remettre ses conclusions.
Ensuite, il serait pour le moins étonnant qu’un rapport du Gouvernement analyse la possibilité de créer une instance parlementaire. En effet, c’est au Parlement et à lui seul qu’il revient de décider de créer une telle instance.
Enfin, il convient de tenir compte de l’existence de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, qui est d’ailleurs présidée par un de nos collègues, M. Alex Türk, et qui joue un rôle central en matière de protection des données personnelles.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?