Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je ne sais pas si l’intention qui a présidé à l’élaboration de cet amendement est claire, mais en tout cas le résultat me paraît aussi étonnant qu’alambiqué, et, pour tout dire, inadapté.
M. André Dulait. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest. En effet, on s’interroge…
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La disposition en question ne me paraît pas du tout avoir sa place dans ce projet de loi consacré aux principes d’organisation de la gendarmerie.
Je suis sensible, bien entendu, à l’intention d’améliorer les conditions de contrôle du traitement des données à caractère personnel, comme je l’ai d’ailleurs rappelé récemment en recevant le rapport établi par Alain Bauer, mais la procédure ici proposée est totalement inadaptée.
M. Robert del Picchia. Très bien !
Mme la présidente. Madame Klès, l’amendement n° 52 rectifié est-il maintenu ?
Mme Virginie Klès. Oui, madame la présidente, je le maintiens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Les premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1142-1 sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Le ministre de la défense est responsable sous l'autorité du Premier ministre, de l'exécution de la politique militaire.
« Sous réserve de l'article L. 3225-1, il est en particulier chargé de l'organisation, de la gestion, de la mise en condition d'emploi et de la mobilisation de l'ensemble des forces ainsi que de l'infrastructure militaire qui leur est nécessaire. Il assiste le Premier ministre en ce qui concerne leur mise en oeuvre. Il a autorité sur l'ensemble des forces et services des armées et est responsable de leur sécurité. » ;
2° Le dernier alinéa de l'article L. 3211-2 est supprimé ;
3° Après l'article L. 3211-2, il est inséré un article L. 3211-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-3. - La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à la sûreté et la sécurité publiques. Elle assure le maintien de l'ordre, l'exécution des lois et des missions judiciaires, et contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques. Elle contribue en toutes circonstances à la protection des populations. Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. » ;
4° Au chapitre V du titre II du livre II de la partie 3 du code de la défense, il est créé un article L. 3225-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3225-1. - La gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, responsable de son organisation, de sa gestion, de sa mise en condition d'emploi et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire, sans préjudice des attributions du ministre de la défense pour l'exécution des missions militaires de la gendarmerie nationale et de l'autorité judiciaire pour l'exécution de ses missions judiciaires.
« Le ministre de la défense participe à la gestion des ressources humaines de la gendarmerie nationale dans des conditions définies par décret en Conseil d'État et exerce à l'égard des personnels militaires de la gendarmerie nationale les attributions en matière de discipline. »
Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 44, présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. L’article 1er est évidemment le cœur du projet de loi dans la mesure où il prévoit le transfert du rattachement organique de la gendarmerie nationale du ministre de la défense au ministre de l'intérieur.
L'idée de rattacher la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur soulève de nombreuses objections, comme nous l’avons indiqué dans la discussion générale. Sa mise en application risque d'altérer profondément la nature et la spécificité de cette force armée.
Soucieux de préserver les libertés publiques, nous ne souhaitons pas nous engager dans cette voie que nous avons qualifiée d’« incertaine » et qui met en danger le maintien, à terme, du statut militaire des gendarmes.
En réalité, on s’orienterait, à plus ou moins long terme, vers une fusion des deux forces de police et de gendarmerie, tournant ainsi le dos à la tradition française de la dualité des forces, principe républicain essentiel.
Dans un article paru dans le quotidien La Croix du 27 novembre 2007, notre excellent collègue Hubert Haenel avait remarquablement exprimé le sentiment suivant, auquel nous adhérons : « S’il est nécessaire de situer clairement la place de la gendarmerie nationale par rapport à son ministère de rattachement, le ministère de la défense, et à ceux d’emploi, le ministère de l’intérieur mais aussi celui de la justice, encore faut-il ne pas donner le sentiment que la gendarmerie nationale passe avec armes et bagages dans le giron du ministère de l’intérieur. »
Or c’est exactement ce que nous sommes en train de faire ! Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui organise précisément ce passage « avec armes et bagages » de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
Voulons-nous que gendarmerie et police travaillent ensemble, dans le même sens, pour assurer à tous nos concitoyens une sécurité maximale, jamais parfaite certes mais toujours perfectible ? La réponse est évidemment « oui » !
Voulons-nous que toutes les synergies possibles soient identifiées et développées entre ces deux forces nationales, l’une à statut civil, l’autre à statut militaire ? Là encore, la réponse est positive.
Mais faut-il pour autant tourner le dos à notre tradition républicaine, riche de cette grande expérience dans la pratique de la dualité de nos forces de police ? Non, c’est même contre-productif.
Nos rapporteurs, dans le travail effectué en avril dernier, ont bien cerné les problèmes et les dangers.
Hélas ! madame le ministre, le projet de loi que vous nous présentez, peut-être parce qu’il a été dicté par l’Élysée, ne prend pas en compte les justes recommandations contenues dans ce rapport.
Le rapport d’information de notre rapporteur, président du groupe de travail, devait se pencher sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie. Sa lecture est enrichissante. Il indique notamment ceci : « L’existence de deux forces de sécurité, l’une à statut civil, l’autre à statut militaire, n’est pas seulement un héritage historique mais une garantie pour l’État républicain et les citoyens. »
Par ailleurs, notre attachement à cette force de gendarmerie se justifie bien évidemment par la qualité des hommes et des femmes qui la servent. Connaissant leur sens du devoir et du sacrifice, nous pouvons, ici et maintenant, tous ensemble, leur rendre un juste hommage.
Ce projet de loi fait fi d’une spécificité forte, propre à la gendarmerie : il s’agit d’une force militaire inscrite, certes, dans l’histoire, mais aussi dans nos territoires, dans toute la géographie de notre pays. Nous voulons lui assurer un fort maillage territorial, avec la garantie d’un réseau de brigades territoriales dense et doté des moyens suffisants.
N’oublions pas que la gendarmerie est la seule force capable d’assurer le contrôle de l’ensemble du territoire national. Elle est ainsi en mesure de répondre rapidement aux attentes des autorités et des citoyens, en toutes circonstances et en tous lieux. Préservons cette spécificité.
En ces temps d’élargissement de la notion de sécurité, parfois au détriment des libertés – mais il s’agit là d’un autre débat –, il faut bien percevoir que la gendarmerie, par sa nature et ses moyens militaires, par la cohésion et les conditions d’emploi de ses forces, est de nature à participer à des opérations de maintien ou de rétablissement de l’ordre dans des situations de crise grave.
On nous parle de continuité entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure, et réciproquement.
D’un côté, le récent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a fait son miel de cette trouvaille conceptuelle. De l’autre côté, on s’apprête à brader cette « troisième force » qui assure une continuité entre les actions policière et militaire et qui peut être l’interface entre les situations nécessitant le recours aux forces de police et celles qui imposent l’intervention des armées, entre la défense du territoire et le maintien de l’ordre, entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. Comprenne qui pourra !
La désorganisation de la gendarmerie, l’ouverture d’une nouvelle « guéguerre » entre les polices, la confusion des genres civils et militaires, précédant la fusion des corps, serait, à n’en pas douter, gravement dommageable pour notre pays.
Voilà pourquoi la suppression de cet article 1er se justifie pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Les amendements nos 2 et 20 sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.
L'amendement n° 20 est présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du 1° de cet article :
« Sous réserve de l'article L. 3225-1, il a autorité sur l'ensemble des forces et services des armées et est responsable de leur sécurité ; il est chargé de l'organisation, de la gestion, de la mise en condition d'emploi et de la mobilisation de l'ensemble des forces ainsi que de l'infrastructure militaire qui leur est nécessaire ; il assiste le Premier ministre en ce qui concerne leur mise en œuvre. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Jean Faure, rapporteur. Cet amendement tend à une clarification rédactionnelle.
L’article 1er a pour objet de tirer les conséquences du rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur en modifiant les attributions du ministre de la défense.
La rédaction retenue par le projet de loi est cependant ambiguë dans la mesure où l'on ne sait pas très bien si l'expression « sous réserve de l'article L. 3225-1 du code de la défense » s'applique à l'ensemble du deuxième alinéa ou uniquement à la première phrase.
Or, dès lors que la gendarmerie nationale sera une force armée placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, il serait pour le moins curieux d'affirmer dans cet article que le ministre de la défense « a autorité sur l'ensemble des forces et services des armées et est responsable de leur sécurité ».
Cet amendement vise donc à faire en sorte que l'expression « sous réserve de l'article L. 3225-1 » figure bien en facteur commun.
Sur le fond, il ne modifie en rien l'équilibre des attributions entre le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense.
La future loi de programmation militaire devrait modifier de nouveau la rédaction de cet article afin de tenir compte des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 20.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il est défendu.
Mme la présidente. Les amendements nos 3 et 21 sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 3211-3 du code de la défense :
« Art. L. 3211-3. - La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l'exécution des lois. La police judiciaire constitue l'une de ses missions essentielles.
« La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l'ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication.
« Elle contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques, ainsi qu'à la protection des populations.
« Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.
« L'ensemble de ses missions, civiles et militaires, s'exécute sur toute l'étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France, ainsi qu'aux armées. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 3.
M. Jean Faure, rapporteur. Cet amendement vise à préciser et à compléter la définition des missions de la gendarmerie au moyen d'une nouvelle rédaction.
Tout d'abord, il convient de modifier l'ordre des missions, afin de placer au premier rang l'exécution des lois, comme l'illustre la devise de la gendarmerie « Force à la loi ».
Ensuite, la référence à la « sûreté publique » pourrait être supprimée dans la mesure où elle est incluse dans la mission de « sécurité publique ».
Il convient, surtout, de préciser les missions judiciaires. Le texte du projet de loi prévoit simplement que la gendarmerie assure « des missions judiciaires ».
La commission considère cette formulation comme ambiguë dans la mesure où elle donne le sentiment que les missions judiciaires sont marginales. Or, ces dernières représentent 40 % de l'activité de la gendarmerie ! C’est ce que nous avons voulu souligner par cette nouvelle rédaction.
De plus, on ne peut pas mettre sur le même plan la police judiciaire, qui représente 37 % de l'activité, et les autres missions judiciaires, comme les transfèrements et les extractions.
Il paraît donc nécessaire de reprendre dans la loi la phrase de l'article 113 du décret du 20 mai 1903 qui dispose que « la police judiciaire constitue une mission essentielle de la gendarmerie ».
Il semble également nécessaire d'affirmer l'ancrage territorial de la gendarmerie.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Jean Faure, rapporteur. Plusieurs d’entre vous l’ont souligné lors de la discussion générale, la gendarmerie est une force de sécurité essentiellement rurale. Elle partage avec la police la mission de sécurité selon une répartition territoriale en fonction de la densité de population. Dans ce cadre, alors que la police nationale est essentiellement concentrée dans les grandes agglomérations, la gendarmerie nationale assure seule la sécurité principalement dans les zones rurales et périurbaines, qui représentent 95 % du territoire et 50 % de la population.
L'une des spécificités de la gendarmerie nationale tient donc à son ancrage territorial, grâce au « maillage » de ses brigades territoriales.
Une autre spécificité « historique » de la gendarmerie vient du contrôle qu'elle exerce sur les voies de communication.
Par cet amendement, la commission vous propose donc de reprendre, tout en l'actualisant, la disposition issue de l'article 1er du décret du 20 mai 1903 selon laquelle la gendarmerie « est particulièrement destinée à la sûreté des campagnes et des voies de communication ».
Dans le même temps, la gendarmerie exerce des missions de maintien de l'ordre et de police judiciaire sur l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, elle est investie d'une mission de police judiciaire à l'égard des armées, y compris dans le cadre des interventions des forces armées à l'étranger où elle prend alors le nom de « prévôté ».
C'est la raison pour laquelle il semble également utile de reprendre, tout en l'actualisant, la phrase de l'article 1er du décret du 20 mai 1903 selon laquelle l'action de la gendarmerie nationale « s'exerce dans toute l'étendue du territoire, quel qu'il soit, ainsi qu'aux armées ».
Enfin, concernant l'ensemble des missions civiles et militaires, il semble utile d'ajouter une référence aux actions internationales et européennes de la gendarmerie. En effet, la gendarmerie contribue activement à la coopération policière européenne et internationale, ainsi qu'aux opérations extérieures. En tant que force de police à statut militaire, capable d'agir dans tout le spectre de la crise, de la guerre à la paix, la gendarmerie est en effet particulièrement adaptée à ce type d'opérations.
Actuellement, 370 gendarmes sont déployés en opérations extérieures, notamment au Kosovo, en Bosnie, en Côte d'Ivoire et en Géorgie.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article L. 3211-3 du code de la défense par les mots :
et des missions judiciaires
II. - Supprimer la seconde phrase du même alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L’expression « missions judiciaires » est une formule large qui englobe notamment les activités en matière de police judiciaire que vous évoquez.
C’est pourquoi je propose, par ce sous-amendement, d’en revenir à cette expression du projet de loi, plus restrictive et plus concise que le texte proposé par les amendements identiques nos 3 et 21 de la commission des affaires étrangères et de la commission des lois saisie pour avis. On gagne toujours à privilégier la concision et la clarté.
Cela étant, si une raison particulière explique le souhait des rapporteurs de détailler l’ensemble des missions effectuées par la gendarmerie, je le comprendrai et je m’y rangerai.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 47, présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 3211-3 du code de la défense :
« Art. L. 3211-3. - La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l'exécution des lois. La police judiciaire constitue l'une de ses missions essentielles.
« Le statut général des militaires s'applique au personnel de la gendarmerie nationale.
« La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l'ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication.
« La densité de son réseau de brigades territoriales permet à la gendarmerie d'assurer le contrôle de l'ensemble du territoire national.
« Elle contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques, ainsi qu'à la protection des populations.
« Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.
« L'ensemble de ses missions, civiles et militaires, s'exécute sur toute l'étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France, ainsi qu'aux armées. »
La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Il s’agit d’un amendement de repli, qui prévoit une nouvelle rédaction du 3° de l'article 1er consacré aux missions de la gendarmerie nationale.
Il est fondamental de préciser clairement que le statut général des militaires s’applique encore et toujours au personnel de la gendarmerie nationale.
Il est indispensable aussi de conforter l’ancrage territorial de la gendarmerie nationale.
Nous voulons que ce soit dit dans la loi.
Le statut militaire et l’obligation d’occuper un logement concédé par nécessité absolue de service permettent de disposer d’un service à la fois plurivalent, très réactif, et d’une grande disponibilité au service des besoins de la population.
Nous savons que c’est le statut militaire qui autorise une forte déconcentration des unités, ce qui doit permettre d’offrir une véritable couverture territoriale.
En effet, la zone de compétence de la gendarmerie s’étend sur 95 % du territoire national, en métropole comme en outre-mer. Il est donc vital de donner à la gendarmerie la possibilité d’intervenir en tout lieu et de participer ainsi à l’égalité d’accès des citoyens au service public de la sécurité.
Pour mémoire, l’article 149 du décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l’organisation et le service de la gendarmerie dispose ceci : « Les fonctions habituelles et ordinaires et des brigades sont de faire des tournées, courses ou patrouilles sur les grandes routes, chemins vicinaux, dans les communes, hameaux, fermes et bois, enfin dans tous les lieux de leur circonscription respective. »
Notre amendement rejoint et élargit celui de la commission.
Les risques que représente le transfert de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur sont grands. Les amendements des deux commissions visent à les réduire sans les écarter complètement. Nous avons voulu apporter, sur ces points concrets, des précisions, en étant constructifs.
Cet article, qui définit de manière fort complète les missions de la gendarmerie, doit prendre en compte la conservation explicite du statut militaire et le maintien du maillage territorial serré de la gendarmerie nationale. Je pense que, sur ce point, nous n’aurons pas de désaccord.
Mme la présidente. L'amendement n° 49, présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 4° de cet article :
4° La gendarmerie nationale, tout en étant sous les ordres du ministre de la défense, est placée dans les attributions du ministre de l'intérieur pour l'exercice de ses missions de sécurité intérieure et de l'autorité judiciaire pour l'exercice de la police judiciaire et pour l'exécution de ses autres missions judiciaires.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Il s’agit d’un amendement de repli, dont les dispositions répondent d’ailleurs aux préoccupations des uns et des autres sur toutes ces travées.
La gendarmerie nationale, qui est une force armée, doit rester placée sous l’autorité du ministre de la défense.
Aux termes de l’article 4 du décret du 20 mai 1903, « en raison de la nature de son service, la gendarmerie, tout en étant sous les ordres du ministre des armées, est placée dans les attributions des ministres chargés :
« - de l’intérieur ;
« - de la justice ; […] ».
Nous souhaitons revendiquer cet état d’esprit en proposant clairement que la gendarmerie nationale demeure placée sous les ordres du ministre de l’intérieur et du ministre de la justice.
On a ainsi pu parler, à l’époque, d’une triple tutelle s’exerçant sur cette force armée : l’intérieur, la défense, et la justice. C’est juste.
Or, malgré certaines affirmations trop rapides, cette situation tendra à disparaître. Avec ce projet de loi, la gendarmerie sera placée non plus sous la tutelle organique du ministre de la défense, mais uniquement sous celle du ministre de l’intérieur. Un certain équilibre historique qui avait fait ses preuves sera rompu.
Certes, il faut moderniser, évoluer, adapter, changer et transformer. Il faut effectivement le faire quand c’est nécessaire et utile.
Cependant, la réforme proposée n’est pas aujourd’hui une bonne initiative parce qu’elle ne garantit plus cette triple tutelle équilibrée qui permettait de conserver le statut militaire des gendarmes.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur, prélude à la fusion des forces, place les deux forces de sécurité dans la même main. N’y-a-t-il pas là un danger pour les libertés publiques ?
Ce rattachement pourrait porter atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire dans la mesure où la dualité de la police judiciaire est une garantie d’indépendance pour l’autorité judiciaire. Le principe du libre choix du service enquêteur par le procureur ou le juge d’instruction permet en effet à ces derniers de ne pas dépendre d’une seule force pour la réalisation de leurs enquêtes.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur entraînera – c’est déjà le cas depuis 2002, date du début du processus actuel – des revendications croissantes des gendarmes et des policiers tendant à un alignement progressif de leurs statuts.
À ce propos, vous pouvez lire avec profit les analyses contenues dans le rapport du groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie. On peut se demander, si nos amendements ne sont pas adoptés, pour combien de temps encore le statut des gendarmes restera commun à celui des autres militaires.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement nos 4 rectifié, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense :
Sans préjudice des attributions de l'autorité judiciaire pour l'exercice de ses missions de police judiciaire, la gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, responsable de son organisation, de sa gestion, de sa mise en condition d'emploi et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire. Pour l'exécution de ses missions militaires, notamment lorsqu'elle participe à des opérations des forces armées à l'extérieur du territoire national, la gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de la défense.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Faure, rapporteur. La commission propose, avec cet amendement n° 4 rectifié, une rédaction qui reprend les préoccupations exprimées par la commission des lois, dans l’amendement n° 22, et par le Gouvernement, dans le sous-amendement n° 58.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de l'amendement n° 4 :
pour l'exercice des missions de police judiciaire.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 58 est retiré.
L'amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense, remplacer les mots :
, sans préjudice des attributions du ministre de la défense pour l'exécution des missions militaires de la gendarmerie nationale
par les mots :
. La gendarmerie est placée sous l'autorité du ministre de la défense pour l'exécution de ses missions militaires, notamment lorsqu'elle participe à des opérations des forces armées à l'extérieur du territoire national,
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cet amendement est totalement satisfait par l’amendement n° 4 rectifié. Je le retire donc.
Mme la présidente. L'amendement n° 60 est retiré.
L'amendement n° 22, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après les mots :
et de l'autorité judiciaire
rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense :
pour l'exercice de la police judiciaire et pour l'exécution des autres missions judiciaires.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Cet amendement est retiré au profit de l’amendement n° 4 rectifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 22 est retiré.
L'amendement n° 35, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les forces de gendarmerie participent à des interventions des forces armées, à l'extérieur du territoire national, sous commandement militaire, elles sont placées sous l'autorité du ministre de la défense.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.