Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances signale d’habitude l’approche imminente de la fin de ce qu’il est convenu d’appeler le « marathon budgétaire ». Mais 2008 est une année exceptionnellement grave en termes économiques et financiers. Le processus budgétaire s’est évidemment adapté à cette gravité.
Nous avons accompli tous ensemble beaucoup de travail. La situation exige que nous poursuivions nos efforts ; j’y reviendrai.
La crise économique a nécessité une grande réactivité de la part de tous. Nos textes financiers devaient en traduire l’impact ; ils devaient aussi mettre immédiatement en place les mesures indispensables pour contribuer à la juguler. Nous avons ainsi quelque peu bousculé la « machine » bien huilée de nos débats. C’était indispensable.
La loi de finances rectificative pour le financement de l’économie, en octobre, était nécessaire pour assurer le fonctionnement du secteur bancaire, pour protéger les épargnants et les entreprises.
La prise en compte des changements d’hypothèses macroéconomiques, début novembre, était indispensable pour traduire la décision du Gouvernement de laisser jouer les stabilisateurs automatiques. C’était une réponse rapide et efficace à la crise.
Dans ces exercices successifs, j’ai scrupuleusement veillé, avec ma collègue Christine Lagarde, à ce que l’information qui vous est communiquée soit toujours rapidement à votre disposition, et de la manière la plus transparente qui soit.
Grâce à la réactivité et aux efforts de tous, notamment de votre commission des finances et de son équipe, nous avons donc pu aboutir à cette dernière lecture.
Le travail parlementaire a été important, plus encore que d’habitude : la prise en compte des éléments exceptionnels liés à la crise n’a pas empêché le travail plus « classique ». Il était d’ailleurs extrêmement important de continuer d’améliorer notre fiscalité et de rechercher l’efficacité de la dépense.
Pour ce qui est de la fiscalité, nous avons avancé de manière décisive sur un certain nombre de points. J’en évoquerai quelques-uns.
Le plafonnement des niches fiscales, tout d’abord, soulevait les années précédentes bien des débats, mais on continuait de multiplier les dispositifs. Grâce au travail commun du Gouvernement et du Parlement, notamment de Philippe Marini et de Jean Arthuis, cette année marque une véritable rupture : nous en parlons toujours, mais, en l’occurrence, nous avons surtout agi.
Nous avons plafonné les niches qui ne l’étaient pas : les loueurs en meublé, le « Malraux », les DOM-TOM. Nous en avons profité pour les simplifier et les transformer toutes en réductions d’impôt.
L’Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un accord juste en ce qui concerne le plafonnement global des niches, fixé à 25 000 euros plus 10 % du revenu.
Ce projet de loi de finances donne aussi une traduction fiscale extrêmement concrète au Grenelle de l’environnement. C’est un ensemble de mesures fortes en faveur de l’environnement que vous avez voté : le dispositif du prêt à taux zéro écologique pour l’énergie et l’environnement, l’Éco-PTZ, les taxes générales sur les activités polluantes – TGAP –ou encore la taxe poids lourds.
Sur les dépenses budgétaires, nos échanges ont permis, comme toujours, d’améliorer des situations parfois délicates. C’est le cas, par exemple, des zones franches urbaines : la commission mixte paritaire est arrivée, me semble-t-il, à un dispositif équilibré, de 2,4 SMIC à 2 SMIC en trois ans, en pleine coordination avec ce qui s’est fait sur d’autres éléments de modification des allégements de charges. Cela reste très compétitif, je tiens à le rappeler.
Nous accueillerons évidemment avec bienveillance toute proposition des parlementaires pour aller plus loin dans la rationalisation, au demeurant de plus en plus nécessaire, de la dépense courante. C’était par exemple le cas, je tiens à le souligner ici, des économies que le président Larcher a proposé de réaliser sur le budget de la Haute Assemblée elle-même.
Nous ne nous sommes pas non plus opposés à l’initiative parlementaire sur la demi-part. Il faudra d’ailleurs examiner à froid, dans les mois qui viennent, si la mesure retenue par la CMP peut encore être techniquement améliorée, sachant qu’il est de toute façon très difficile de modifier un dispositif de ce type.
Contrairement à ce que laisse croire la caricature qui a pu être faite ici ou là, l’objectif du Parlement était de ne pas accorder cette demi-part à des personnes qui n’ont jamais été seules pour élever un enfant. Il est d’ailleurs difficile de comprendre que l’on puisse entrer dans ce dispositif sans avoir été, à aucun moment de sa vie, placé dans cette situation ! A contrario, il s’agissait pour le législateur d’en préserver le bénéfice pour celles et ceux qui ont effectivement dû assumer une telle charge. Le Sénat et l’Assemblée nationale ont exprimé cette même volonté, mais par des mesures différentes ; la CMP a permis d’aboutir à un dispositif qui me paraît équilibré et qui garantit effectivement que les personnes ayant élevé seules un enfant pendant quelques années pourront bénéficier de cette demi-part, et ce toute leur vie durant.
Nous aurons en revanche l’occasion de revenir, dans la suite du débat, sur deux points du texte issu de la CMP.
Il s’agit tout d’abord de l’enseignement agricole, à propos duquel je présenterai tout à l’heure trois amendements qui permettront de répondre aux préoccupations qui se sont fortement exprimées dans cet hémicycle ; ils satisferont particulièrement trois éminents sénateurs : M. Arthuis, M. de Raincourt et M. Mercier.
Il s’agit ensuite de l’exonération de la TGAP applicable aux installations de traitement de déchets qualifiées de « bioréacteurs ».
En accord avec les deux rapporteurs généraux, je proposerai également quelques amendements visant à rectifier des erreurs matérielles de la CMP.
En temps normal, notre débat post-CMP se serait essentiellement limité à ces quelques points, au demeurant importants. Ce ne sera pas le cas aujourd’hui, car le vote du projet de loi de finances ne marque pas la finalisation du budget pour 2009. Aussi les amendements que je vous présenterai dans quelques instants ne se limitent-ils pas aux sujets que j’ai abordés jusqu’à présent, mais auront pour effet de modifier significativement le solde budgétaire. Ils permettent en effet d’intégrer les mesures fiscales figurant dans le plan de relance qu’a présenté le Président de la République au début du mois, à Douai : nous avons besoin de le mettre en place très rapidement, et je remercie le Sénat de sa compréhension.
Ces amendements traduisent le volet fiscal du plan de relance. Il s’agit du remboursement accéléré du crédit d’impôt recherche et du report en arrière de déficit, de la mensualisation de la TVA, de l’amortissement exceptionnel des investissements et du doublement du PTZ : ces mesures ont un impact de 9,2 milliards d’euros sur les recettes de 2009.
Elles sont contenues dans le projet de loi de finances rectificative que vous examinerez dès demain. La complexité du calendrier nous a cependant conduits à vous proposer de les examiner ce soir, pour des raisons de justesse du projet de loi de finances.
Si nous vous demandons de voter les conséquences chiffrées que ces mesures emportent, c’est uniquement pour des impératifs d’ordre constitutionnel, et je vous prie de ne pas en prendre ombrage. Comme je l’ai indiqué, les circonstances nous ont déjà contraints, cette année, à bousculer un peu les habitudes de chacun. Il est vrai qu’il est parfois difficile de travailler avec tant de matière !
Je rappelle, monsieur le président de la commission des finances, que, lorsque nous avons modifié les prévisions macroéconomiques, au début du mois de novembre, c’est le Sénat qui en a eu la primauté…
M. Aymeri de Montesquiou. C’est plus sûr !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Principe de précaution !
M. Éric Woerth, ministre. Je ne sais pas si cela rétablit l’équilibre, mais en tout cas on pourrait le présenter ainsi.
Les mesures que nous avons prises pour remédier à la crise et à son aggravation portent donc le déficit budgétaire de 52,1 milliards d’euros au moment du dépôt du projet de loi de finances à 57,6 milliards d’euros après la prise en compte des nouvelles prévisions macroéconomiques. C’est une révision de 5,5 milliards d’euros à la hausse. Le vote du Parlement l’a légèrement modifié, puisqu’il est passé à 57,5 milliards d’euros.
Les ajustements que je vous propose aujourd’hui visent à tirer les conséquences des modifications intervenues en CMP : ce sont essentiellement 300 millions d’euros dus à votre décision, sur laquelle nous ne souhaitons pas revenir, relative à la fiscalisation des indemnités journalières. Ils tendent également à prendre en compte l’impact des mesures fiscales du plan de relance, soit 9,2 milliards d’euros. Le déficit serait ainsi porté à 67 milliards d’euros.
Cependant, il nous reste encore une étape majeure à franchir : l’adoption des mesures que Patrick Devedjian et moi-même présenterons au moment du collectif pour 2009 et que nous exposerons en conseil des ministres vendredi matin, c’est-à-dire le volet budgétaire du plan de relance.
Si vous votez ce collectif du mois de janvier, ce sont 9,3 milliards d’euros en faveur de l’investissement, des entreprises, de l’emploi et de la solidarité qui viendront s’ajouter au financement par le déficit. Ils seront cantonnés dans une seule mission, dédiée à la relance, dont le responsable politique sera le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance et qui s’éteindra à la fin de l’année 2010. Le déficit budgétaire s’élèverait ainsi à 76,3 milliards d’euros.
Il nous faudra enfin tenir compte des 3 milliards d’euros nécessaires au financement du Fonds stratégique d’investissement. Cette ouverture de crédits est un peu différente puisque, par principe, il y a des actifs financiers en face de ces investissements. Même si elle ne pèse pas dans le déficit maastrichtien, son inclusion dans le déficit budgétaire porterait celui-ci à 79,3 milliards d’euros. Ce serait le déficit prévisionnel, comprenant donc l’ensemble des mesures, à la fin de l’année 2009.
C’est le résultat d’une politique budgétaire audacieuse, contra-cyclique, ambitieuse, cohérente, à la mesure des dangers très graves que la crise mondiale fait peser sur notre économie. Mais il faut aussi être très clair : ce n’est pas un chèque en blanc sur l’avenir.
Ces sommes servent à financer des mesures de trésorerie cruciales compte tenu de la conjoncture, mais temporaires. Elles servent à financer de l’investissement qui soutiendra la croissance potentielle de notre économie.
Il ne s’agit nullement de remettre en cause ce qui a été longuement discuté au cours de nos débats. Les gains de productivité ne sont pas négligeables. L’amélioration en termes d’efficacité de la dépense publique est toujours le discours que nous tenons, et que nous devons tenir de plus en plus fort. Lorsque nous vous proposerons de voter définitivement la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, vous acterez que seul le déficit de 2009 sera touché de façon significative, c’est le moins que l’on puisse dire : le déficit public de 2009 atteindra environ 3,9 points de PIB, mais le déficit de 2012 sera toujours proche de 1 point de PIB.
Comme j’ai eu l’occasion de le redire aujourd’hui même dans la presse, notre politique budgétaire et notre politique économique reposent bien sur leurs deux jambes : soutien aux revenus, d’une part, et non pas uniquement à travers le plan de relance, mais également au travers des différentes initiatives qui ont été prises avant même ce dernier ; efforts d’investissement, d’autre part.
Si le plan se focalise sur l’accélération de l’investissement, c’est parce que, entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, les transferts sociaux croîtront de plus de 3 % en volume – il ne faut quand même pas l’oublier –, sans même parler des 1,5 milliard d’euros du RSA, préfiguré dès le premier trimestre par la prime de solidarité active.
Je tiens à le redire avec force et conviction, c’est par l’initiative, en mobilisant la politique monétaire de la Banque centrale européenne, ou BCE, et la politique budgétaire, que nous réussirons. En même temps, nous devons continuer à travailler d’arrache-pied pour trouver des gains de productivité dans le fonctionnement courant de l’État, afin de dégager des marges de manœuvre pour demain et d’assainir durablement nos finances publiques. Personne ne l’oublie, ni le Président de la République, ni le Premier ministre, ni le ministre du budget.
Ce budget avait d’ailleurs été très vite et trop vite qualifié de virtuel. Il aurait été totalement faux, on serait en train de se livrer à un exercice déconnecté du réel. L’ensemble des mises à jour au cours du débat, que nous avons réalisées toujours très rapidement, montrent, comme je m’y étais engagé dès mon premier discours, que la procédure de discussion budgétaire, inédite cette année, est vivante. Cela montre que l’on peut, avec la bonne volonté de tous, faire preuve d’une très grande réactivité, tant le Gouvernement que le Sénat.
Je remercie encore une fois la Haute Assemblée de tout le travail accompli, le travail de votre commission des finances, bien sûr, et de l’ensemble des sénateurs ainsi que de vos collaborateurs, et je vous donne rendez-vous très bientôt, d’abord demain et après-demain pour le collectif budgétaire, et ensuite en janvier 2009, afin de traduire dans la loi le plan de relance dont nos concitoyens, nos entreprises et notre économie ont besoin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, en réactualisant les chiffres du déficit, vous avez vous-même fixé les limites de l’exercice du projet de loi de finances pour 2009 et, selon l’adage populaire, quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites !
Au demeurant, le marathon budgétaire ne s’arrêtera pas le 1er janvier 2009, puisque nous examinons demain matin le deuxième collectif budgétaire pour 2008, dans lequel les chiffres du déficit sont réactualisés, et vous présentez vendredi le prochain collectif budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2009, dans lequel vous intégrerez les mesures du plan annoncé par le Président de la République à Douai.
Ayant jeté un coup d’œil sur le rapport de M. Marini sur le collectif que nous examinerons demain, je ne peux m’empêcher de rappeler qu’au début de ce marathon budgétaire, j’avais estimé que le déficit de 2009 pourrait atteindre 5 % du PIB. Cela fait partie, me semble-t-il, des prévisions du rapporteur général : on sait aussi compter au groupe socialiste.
Vous avez évoqué les vertus du plan dans un article extrêmement intéressant paru aujourd'hui dans un grand journal du soir. Je ne vais pas engager ce débat ce soir, mais je ne doute pas que nous l’aurons forcément ici au Sénat. Quant à la rumeur selon laquelle il pourrait y avoir un nouveau plan en février ou mars prochain, nous aurons certainement l’occasion d’en reparler.
J’évoquerai maintenant les conclusions de la commission mixte paritaire, en mettant l’accent sur quelques points.
Je dirai tout de même un mot positif sur les résultats de la commission mixte paritaire.
Nous avons finalement adopté, à l’article 55 quinquies, l’amendement de l’Assemblée nationale auquel notre rapporteur avait lui-même apporté sa contribution, visant à ce que plusieurs scenarii soient discutés en loi de finances, à partir d’une hypothèse moyenne de croissance, d’une hypothèse maximale et d’une hypothèse minimale, qui pèsent évidemment sur le déficit.
Cette proposition de scenarii alternatifs nous satisfait, car nous avions déploré que le Gouvernement ne nous présente qu’un seul scénario, qui s’avère complètement décalé.
Il est extrêmement regrettable que le Gouvernement n’ait pas réagi à la décision de la CMP de maintenir la suppression à l’article 2 bis de ce qu’il est convenu d’appeler « l’amendement Tapie ». On avalise en fait un détournement de procédure.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est grave.
Mme Nicole Bricq. C’est très grave !
Je dirai également un mot de la suppression « positive » de la fiscalisation des indemnités journalières allouées aux victimes d’accidents du travail. Je ne souhaite pas que cette suppression, acceptée par le Gouvernement, soit mise en balance avec la demi-part supplémentaire accordée aux parents isolés, qui a fait l’objet de notre discussion entre députés et sénateurs au sein de la commission mixte paritaire.
Vous avez donné un certain nombre de précisions, monsieur le ministre. Il reste que la solution que vous avalisez ce soir en n’y revenant pas n’est pas bonne, parce qu’elle introduira une distorsion entre les ménages concernés : ceux qui pourront prétendre avoir élevé seuls un enfant pendant cinq ans et ceux qui ne le pourront pas. Vous avez dit vous-même à l’Assemblée nationale que la preuve serait très difficile à apporter. Le Conseil constitutionnel devrait pouvoir nous éclairer sur ce point en nous disant quels contribuables pourront en bénéficier.
J’estime que ce n’était pas le moment de prendre une telle mesure, parce que nous touchons là non seulement à la politique fiscale mais aussi à la politique familiale, et après le rapport du Conseil d’orientation des retraites, cela fait partie de la discussion.
Cette affaire de demi-part, qui concerne plusieurs millions de personnes, aurait justifié un travail parlementaire de la même ampleur que celui qui a été conduit notamment sur les niches fiscales et qui a abouti au plafonnement du dispositif « Malraux ».
Je regrette que tel n’ait pas été le cas, parce que les personnes qui ont élevé un enfant seules pendant moins de cinq ans perdront progressivement le bénéfice de leur demi-part avec un couperet assez brutal qui tombera en 2012. Je pensais que le Gouvernement aurait au moins repoussé l’échéance. De nombreuses femmes seront concernées : toutes les femmes de ma génération qui ont bénéficié de cette demi-part la perdront.
Je considère que vous avez commis une faute politique. Vous auriez pu proposer un travail de réflexion sur cet enjeu. Il est extrêmement dommage d’avoir procédé de cette façon.
Cela justifie le fait que nous soyons contre ce dispositif, même si la solution de l’Assemblée nationale adoptée finalement est moins grave que celle qui avait été introduite par le Sénat. Toutefois, quelle que soit la solution retenue, M. Gaillard l’a dit tout à l’heure, elle n’est pas bonne et elle comporte une profonde part d’injustice.
Je dirai un mot également sur l’adoption d’un encadrement beaucoup plus strict concernant la dérivation, le « tuyau », qui part de l’impôt de solidarité sur la fortune vers les PME.
J’ai toujours soutenu, au nom du groupe socialiste, les interventions de notre collègue Philippe Adnot sur ce sujet. En effet, si cette dérivation est contestable sur le fond suivant ce que l’on pense de l’impôt de solidarité sur la fortune, on revient à l’esprit du texte : l’investissement direct et la proximité.
Encore un motif de satisfaction, qui n’est pas mineur parce que ce point a beaucoup mobilisé le travail du Sénat sans esprit partisan entre la gauche et la droite, le dispositif concernant la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP. Je regrette toutefois que certains lobbies se fassent plus entendre que d’autres. Le refus de prendre compte la co-incinération est injuste. En effet, même si cela touchait un secteur industriel, il n’aurait pas beaucoup souffert.
Le Sénat avait introduit la responsabilité du producteur concernant les DASRI, les déchets d’activités de soins à risque infectieux. Il a accepté en commission mixte paritaire que la mise en œuvre de cette disposition soit reportée à 2010, c’est dommage.
Mais surtout, notre collègue Jean-Marc Pastor en reparlera tout à l’heure lors de l’examen des amendements, vous n’avez pas pris en compte la finalité de la valorisation apportée par le bioréacteur, c’est-à-dire la méthanisation. Nous le regrettons mais j’ai cru comprendre que le Gouvernement s’est engagé à y revenir lors de l’examen du projet de loi sur le Grenelle de l’environnement.
Autre regret, car il y avait eu sur ce sujet un travail parlementaire non partisan au Sénat, la diminution de la part du produit des amendes des radars qui est allouée aux départements. Nos collègues Louis Pinton et Gérard Miquel avaient déposé un amendement sur ce point.
Par ailleurs, il est positif que le Gouvernement ait accepté le progrès qui est notamment dû à l’initiative de notre collègue Michèle André concernant la dotation allouée aux communes équipées de station d’enregistrement des passeports et des cartes d’identité. Cette dotation a en effet été augmentée.
Je ne reviendrai pas sur tous les points que nous avons évoqués tout au long de ce débat.
Monsieur le ministre, je dois vous le dire, je n’ai pas trop apprécié le fait que vous ayez assimilé la demi-part supplémentaire du quotient familial à une niche fiscale, et donc à une injustice. Je ne veux pas vous faire ici la morale, car tel n’est pas le sujet, mais ce n’est pas bien de tenir de tels propos ! Sauf à vous attaquer à d’autres niches fiscales !
D’ailleurs, si l’on examine le plafonnement des niches fiscales, celle qui concerne les monuments historiques s’en sort plutôt bien. Mais, au regard du niveau des crédits consacrés à la gestion du patrimoine par le ministère de la culture, je peux comprendre l’émoi de mes collègues qui sont attachés à ce dispositif.
En outre, le produit du plafonnement des niches fiscales est finalement relativement faible.
Qui plus est, vous n’avez rien changé aux mesures fiscales les plus injustes ; vous en avez même « rajouté une couche » avec la demi-part supplémentaire !
En conséquence, vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous voterons contre les conclusions de la commission mixte paritaire.
Quoi qu’il en soit, nous aurons l’occasion de reparler de tous ces sujets, car le marathon budgétaire ne s’arrête pas ce soir : demain, nous examinerons le projet de loi de finances rectificative pour 2008 et, le 21 janvier prochain, le projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui pourrait être suivi d’un autre collectif, si un nouveau plan économique est présenté.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n’est donc qu’un au revoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Mercier. À l’année prochaine !
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, comme vous l’avez rappelé, la durabilité du projet de loi de finances pour 2009 est relative, car, ne l’oublions pas, dès le mois de janvier prochain, un projet de loi de finances rectificative sera débattu au Parlement, qui comprendra nombre de mesures relatives au plan de relance de l’activité économique annoncé à grand renfort de couverture médiatique, à Douai, par le Président de la République lui-même !
Nous examinons donc un texte à durée déterminée, singulièrement pour ce qui concerne le contenu des dispositions fiscales, mais aussi et surtout pour ce qui a trait aux engagements directs de l’État sur le strict plan des dépenses budgétaires comme sur celui de la dépense fiscale.
Nous discutons de ce texte alors même que nous commencerons demain l’examen d’un collectif budgétaire pour le moins étrange, certains crédits étant toujours aussi manifestement sous-évalués, comme ils l’ont été dans la loi de finances pour 2008. Nous allons débattre d’un collectif qui supprime, dans certains chapitres, des sommes que nous retrouvons pour partie dans le projet de loi de finances initiale pour 2009 et que nous retrouverons plus sûrement encore dans le collectif de janvier. Quel sera l’intitulé de ce texte ? Le nommera-t-on : « projet de loi de finances rectificative pour la relance de l’économie et la croissance » ? Comme nous avons discuté, en octobre dernier, d’un projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie, qui masquait, sous ce titre ronflant, une série de cadeaux accordés, sans contrepartie, aux établissements bancaires, pourtant coupables d’avoir provoqué le désordre des marchés et qui ont été victimes de leur obsession à rechercher les placements les plus juteux, parce que les plus spéculatifs ?
Nous allons donc voter un projet de loi de finances à durée déterminée, d’un mois environ entre ce soir et l’examen du texte suivant, et de quelques semaines entre sa promulgation effective et sa rectification.
Mais le caractère dérisoire de cette situation, provoquée sans doute par l’ampleur de la crise économique et sociale dans laquelle le pays semble devoir s’enfoncer, n’empêche pas que, au milieu du marasme et de la noirceur des temps, vous offriez encore de nombreux cadeaux à quelques-uns, tandis que vous demandez des sacrifices aussi nombreux à d’autres !
Lors de la fin de la discussion de ce projet de loi de finances, nos débats ont été éclairés d’un jour nouveau quand M. le rapporteur général a souhaité permettre à une infime minorité d’épargnants – nous ne connaissons d’ailleurs toujours pas leur nombre ni l’ampleur des sommes en jeu – d’imputer sur leur revenu global les pertes subies dans le rendement de leurs placements boursiers.
Qu’il est beau le risque financier quand la collectivité le prend à sa charge ! Qu’il est intéressant ce libéralisme économique qui appelle à son secours la collectivité quand il est confronté à son échec, en tout cas quand il n’atteint pas l’objectif de rentabilité qu’il s’assigne !
Eh bien non, ce n’était pas possible ! On ne pouvait demander à ceux qui n’ont que leur travail pour vivre de payer pour que ceux qui ont perdu au grand casino de la Bourse « se refassent » !
Mais ce serait presque oublier que quelques bonnes âmes, issues des rangs centristes, et souhaitant marquer leur différence avec le groupe majoritaire, ont demandé ici même que soient imposées, sans pitié, les indemnités journalières des salariés en cas d’accident du travail ! Il est vrai que l’on pourchasse les niches fiscales que l’on peut ! Et celle-là était sans doute intolérable pour ceux de nos collègues qui estiment que les salariés accidentés du travail font exprès de se blesser !
Dans sa grande sagesse, et par crainte de voir cette mesure d’iniquité fiscale pointée du doigt et susciter un mouvement social, la commission mixte paritaire a supprimé l’article concerné.
Seulement, lors de l’examen de la deuxième partie, les mêmes parlementaires centristes se sont fait les avocats de la famille modèle en décidant de revenir sur le quotient familial des personnes célibataires, veuves ou divorcées ayant élevé des enfants.
Là encore, on pourchasse les niches fiscales que l’on peut et l’on vise expressément, dans le cas qui nous préoccupe, ces très nombreux foyers fiscaux qui ne sont pas composés, comme cela semble encore la règle pour beaucoup, d’un mari, d’une femme et d’enfants. Il s’agit d’ailleurs là d’un débat relativement ancien, puisque le Conseil constitutionnel a déclaré, à plusieurs reprises, contraire au principe d’égalité devant l’impôt la remise en question de cette fameuse demi-part supplémentaire.
N’oublions jamais un aspect de fond : la demi-part supplémentaire des contribuables célibataires, veufs ou divorcés ayant élevé des enfants désormais majeurs n’a pas la même valeur que le quotient familial concernant les familles « ordinaires ». La demi-part de quotient familial représente un avantage de 2 227 euros pour les familles ordinaires et de 855 euros seulement pour celles dont il est ici question.
L’égalité devant l’impôt n’est donc aucunement menacée, comme d’aucuns le prétendent, à tort. C’est justement de l’inverse qu’il s’agit ! D’ailleurs, qui est frappé par cette mesure ? Sur les 36 millions de foyers fiscaux que compte notre pays, près de 7 millions d’entre eux ont un quotient familial compris entre 1,25 part et 1,75 part. Par ailleurs, plus de 1,6 million de foyers fiscaux comptent certes deux parts, mais un seul parent.
En clair, une part très importante des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu sont directement concernés par la remise en cause du quotient familial des familles monoparentales. Que n’a-t-on d’ailleurs entendu sur cette question ? Pour un peu, d’aucuns choisiraient d’avoir des enfants sans être mariés, tandis que d’autres divorceraient pour optimiser leur déclaration d’impôt ou, que sais-je encore, pour bénéficier de la demi-part supplémentaire !
Toutefois, mes chers collègues, avez-vous oublié qu’il s’agit la plupart du temps de familles de condition modeste et surtout, j’y insiste, les familles monoparentales sont d’abord des familles au sein desquelles seule la mère assume l’éducation des enfants. En effet, les victimes de cette mesure inique sont d’abord et avant tout des femmes salariées, élevant ou ayant élevé seules leurs enfants,…