M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Sur cette importante question de la nomination des dirigeants de l’audiovisuel public, il faut rappeler, comme le faisait hier Gérard Longuet, que le paysage est devenu extrêmement divers et se caractérise désormais par une très grande abondance de l’offre des images s’accompagnant d’une forte évolution des pratiques. Nous ne sommes plus, de toute évidence, au temps où les téléspectateurs acceptaient passivement tout ce qui arrivait sur les deux ou trois chaînes de l’ORTF. Aujourd’hui, l’offre considérable, augmentée souvent de celle qui est accessible par internet, permet le zapping, c’est-à-dire le passage incessant d’une chaîne à l’autre.
C’est dans ce paysage bien différent que le Gouvernement a choisi de prendre toutes ses responsabilités sur cette question sensible. Il s’agit pour l’État actionnaire, qui garantit les ressources de l’audiovisuel public, dont, par ailleurs, il fixe les missions via le cahier des charges, d’aller jusqu’au bout d’une logique en choisissant aussi les dirigeants qui seront amenés à conduire ses destinées.
Cependant, parce qu’il ne s’agit pas d’une nomination comme les autres – Michel Thiollière le soulignait avec une grande justesse –, l’État pose des garanties, met des verrous. Et ils sont de taille !
D’abord, le débat public permettra qu’une extrême attention soit portée aux personnalités pressenties, et l’on imagine déjà les commentaires, les articles, les analyses, les supputations qui entoureront les propositions qui seront formulées.
Le débat devant le CSA, qui sera amené à donner un avis conforme par un vote à bulletins secrets, puis le débat public au Parlement, devant les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, constituent autant de verrous supplémentaires. La personnalité pressentie sera amenée à présenter son projet au cours d’une audition publique, ce qui donnera tout loisir de porter un jugement sur elle.
J’ajoute que cela n’interviendra que le moment venu, le projet de loi disposant qu’il n’est pas mis fin aux mandats en cours, qui iront donc jusqu’à leur terme. Ce point me paraît important.
Enfin, une telle procédure permettra d’aller chercher des personnalités qui, dans les conditions actuelles, n’auraient pas nécessairement été candidates. Certains très bons présidents de chaîne sont d’anciens journalistes de l’audiovisuel, mais on en connaît dont l’origine est tout autre : on trouve actuellement à la tête de certaines chaînes des personnes issues du monde des services, de l’industrie chimique, etc. – les exemples ne manquent pas –, qui ont fait la preuve de leur talent.
J’ai ainsi évoqué au cours de la discussion générale, dans mon propos liminaire, une personnalité regrettée comme Jean Drucker, que la direction de France Télévisions aurait probablement intéressé. Dans les conditions actuelles, qui, justement, obligent à « brûler ses vaisseaux », je doute fort qu’il aurait pris le risque d’une candidature à l’aboutissement incertain.
La réforme proposée, je le crois, va dans le sens du paysage audiovisuel actuel, un paysage moderne, où l’on prend toutes ses responsabilités, où l’on se donne une grande liberté.
J’ajoute, pour terminer, que le Conseil d’État – qui n’est pas le juge constitutionnel, mais qui est aussi juge de la constitutionnalité – n’a pas considéré que ces dispositions étaient en quoi que ce soit contraires à nos institutions.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’adhère pleinement aux analyses et observations que vient de développer M. le rapporteur sur ces différents amendements. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements de suppression, sur les amendements qui tendent au maintien de la situation actuelle, ainsi que sur ceux qui préconisent des modalités très différentes, car le système proposé dans le projet de loi me paraît bon et équilibré.
Enfin, sur l’amendement no 443, présenté par la commission, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 130, 260 et 332.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, on l’entend souvent dire ici : le monde a changé.
Le monde a changé, c’est vrai. Le paysage audiovisuel a changé, c’est vrai. Conclusion, un mode de nomination qui n’est guère démocratique sera changé contre un autre qui l’est encore moins. Voilà la modernité vue par le Gouvernement !
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que, par le biais des commissions chargées des affaires culturelles, qui pourront s’opposer à la majorité des trois cinquièmes à une nomination, le Parlement aura son mot à dire et que nous n’avons pas à nous plaindre puisque nous avons voté cette disposition.
Nous nous plaignons, parce que nous ne l’avons pas votée : c’est vous qui l’avez votée ! Alors, ne vous en plaignez pas, et, surtout, n’en prenez pas argument pour refuser aujourd’hui de revenir dessus.
Mes chers collègues, nous nous interrogeons souvent, comme nos concitoyens, sur le rôle du Parlement.
À quoi sert le Parlement quand les débats, les lois se succèdent – jamais on n’a voté autant de lois ! – dans un refus total de discussion de la part de la majorité ?
Au demeurant, la majorité elle-même s’interroge sur les moyens d’améliorer la vie parlementaire et, comble de la modernité, propose de limiter le débat parlementaire afin d’accroître la visibilité du Parlement. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Elle cherche des subterfuges pour pallier la non-présence des parlementaires, le silence de la majorité, l’absence de débat réel, tous faits que nos concitoyens peuvent constater.
À quoi sert le Parlement ? Je vais vous le dire. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé un scrutin public sur ces trois amendements identiques visant à supprimer l’article 8, qui, quoi qu’en dise Mme la ministre, est absolument antidémocratique.
Bien sûr, pourquoi ne pas nommer un patron de la chimie ou de l’industrie ? Ce serait sans doute un très bon gestionnaire. Si tel était le cas, on se demande pourquoi le CSA ou les parlementaires n’en auraient pas eu l’idée. C’est une curieuse façon de poser les problèmes et surtout d’y répondre.
Vous allez montrer à quoi sert le Parlement en vous prononçant par un scrutin public : le Parlement peut servir à défendre les libertés publiques, c’est son rôle premier, et donc l’indépendance de la presse et des médias.
Si vous voulez montrer à nos concitoyens à quoi sert le Parlement, vous voterez notre amendement et peut-être pourrons-nous rouvrir un débat sur la façon la plus démocratique de nommer le président de France Télévisions.
Des propositions ont été formulées, vous les avez balayées d’un revers de main en considérant que vous détenez la clé de la modernité en imposant cette nomination de façon autoritaire.
Si vous voulez être considérés avec sympathie, montrez que vous ne vous laissez pas faire et que vous défendez envers et contre tout les libertés publiques et l’indépendance des médias. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Ces trois amendements identiques sont des amendements de fond et je me réjouis de votre attitude, madame la ministre, car elle va nous permettre d’engager le débat avec vous.
Dans un moment de grâce, vous vous êtes exprimée. Vous avez utilisé des termes assez élogieux pour qualifier votre projet de loi, j’aurais mauvaise grâce à vous le reprocher : vous le trouvez cohérent, logique et, de plus, paré des verrues, je veux dire des vertus de la modernité. (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Ivan Renar. C’est un lapsus révélateur !
M. Bernard Frimat. Je l’ai presque fait exprès, comme quoi le lapsus est toujours freudien.
Si je reprends vos arguments, vous fondez toute votre démarche sur le fait que finalement le CSA – vous balayez d’un revers de main tout le travail des différentes institutions qui se sont succédé avant lui – serait un repaire d’hypocrites qui, quelle que soit la qualité des personnes qui le composent, obéiraient de façon cachée au Président de la République, qui, dans sa fonction de Zorro libérateur, va les affranchir de cette hypocrisie en nommant à leur place les présidents des sociétés. À vous entendre, il accéderait presque à leur désir.
Dans un second temps, vous dites que la procédure comporte non pas des verrues, mais des verrous. Mais, madame la ministre, ils ne répondent pas à la marque NF la plus élémentaire : ce sont des verrous de papier !
Il y aura un débat public, dites-vous, mais il y en a toujours eu un au moment des nominations.
Vous prévoyez deux merveilleux verrous. Le premier consiste à ce que le CSA puisse émettre un avis conforme.
Si je suis bien votre raisonnement, dans un premier temps, il faut retirer au CSA le pouvoir de nomination, parce qu’il est aux ordres du Président de la République, mais, dans un second temps, le CSA, dont vous venez de nous dire qu’il était, dans sa fonction même, substantiellement hypocrite, va pouvoir dire au Président qu’il ne veut pas de son candidat.
Je salue la cohérence de votre raisonnement, si toutefois on considère que la contradiction est signe de mouvement et qu’elle vous permet de vous y retrouver.
Le second verrou concerne le pouvoir de veto des trois cinquièmes des membres des commissions des affaires culturelles et je donne acte au rapporteur que ce débat est déjà derrière nous. Nous n’avons pas voté cette disposition, parce que c’est un verrou factice.
Cela veut dire que, si 40 % des membres des commissions des affaires culturelles approuvent la nomination, cela suffit. Un veto négatif à 60 %, c’est un accord positif à 40 %. Comment peut-on imaginer que, dans deux assemblées où la majorité est celle que nous connaissons, il n’y aura pas 40 % de votes favorables ?
Il s’agit de faux verrous sur une procédure qui est archaïque, puisqu’elle nous ramène au doux temps de la télévision et de la radio d’État. (Mme Christiane Demontès applaudit.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je vais tenter de répondre aux arguments qui ont été avancés, surtout ceux qui se parent des vertus de la cohérence.
Si l’on veut être moderne, il faut se mettre in situ. Imaginons concrètement ce qui se passera après le vote de cette disposition quand il faudra nommer le successeur de M. de Carolis, par exemple.
Le Président de la République a déjà, paraît-il, à moins que l’information parue dans la presse ne soit fausse, deux noms en tête. Dans deux ans, il aura peut-être fait le choix entre les deux et il proposera un nom. Il sera peut-être même connu avant qu’il ne le propose publiquement. Le débat aura lieu comme aujourd’hui d’ailleurs. Quand les « hypocrites » doivent procéder à une nomination, on en parle en général abondamment dans la presse audiovisuelle et dans la presse écrite pendant des mois.
Vous prétendez que le Président de la République va proposer un nom et que ce CSA-là va pouvoir lui dire non !
Mais une partie de votre argumentation ne tient pas. Il est impossible de nommer une personnalité indépendante qui serait hostile au Président de la République. Cela ne s’est jamais produit.
M. Michel Mercier. Si, une fois !
M. David Assouline. En revanche, vous laissez au CSA le choix ou d’accepter ou d’utiliser son droit de veto et d’affronter publiquement le Président de la République et l’État actionnaire. Imaginer qu’il va souvent utiliser ce droit-là, c’est une lubie.
Vous évoquez ensuite les verrous parlementaires. Dans la situation actuelle, on n’en est plus au papier des lois, il est inenvisageable que 60 % des membres des commissions s’opposent à une nomination. Mais vous dites qu’en cas d’alternance – ces calculs existent – la gauche aura d’énormes difficultés à les réunir étant donné le mode de scrutin du Sénat. C’est donc gagnant-gagnant, puisque ce droit pourra être utilisé par la majorité actuelle si elle devient l’opposition.
Nous avons l’air de discuter de grands principes. Dans la réalité, si l’on se projette dans deux ans, on se rend compte que c’est impossible.
Monsieur le rapporteur, la codécision n’existe pas, c’est bien le Président de la République qui décide tout seul.
D’ailleurs, Mme la ministre a achevé son intervention en citant feu Jean Drucker et en disant qu’il aurait été probablement candidat s’il avait été sûr que la procédure aboutisse. Cela veut dire que vous admettez le fait qu’avec ce mode de désignation, à partir du moment où le Président de la République proposera un nom, cette personne sera sûre d’être le prochain président de France Télévisions.
Mme Catherine Dumas. Pas du tout !
M. Dominique Braye. Vous n’avez rien compris !
M. David Assouline. Ne m’interrompez pas ! L’avantage des séances publiques par rapport aux conversations de couloirs, c’est qu’elles sont filmées et qu’il y a des comptes rendus des débats. Par conséquent, ce qui est dit est dit !
Mme la ministre a dit qu’une candidature qui n’est pas sûre d’aboutir n’est pas bonne.
M. Dominique Braye. On n’a jamais dit qu’elle n’est pas bonne !
M. David Assouline. Telle est la raison pour laquelle Jean Drucker n’aurait pas postulé, car il aurait dû « brûler ses vaisseaux » sans être sûr que la procédure aboutisse.
Aujourd’hui, vous enrobez le dispositif avec des codécisions, des verrous, mais Mme la ministre a avoué que la proposition du Président de la République serait sûre d’aboutir. Au moins, les masques sont tombés et on peut passer à la suite !
M. Robert del Picchia. Eh oui !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, je vous invite à ne pas voter ces amendements de suppression de l’article 8, pour des raisons très simples.
Monsieur Assouline, vous nous parlez d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. (Sourires.) En ce temps-là, la télévision était en noir et blanc, c’était la télévision d’État, monopolistique.
M. David Assouline. Autocratique !
M. Gérard Longuet. Nous vivons aujourd’hui dans un univers totalement différent et le débat sur les articles suivants le montrera.
Les changements vont s’accélérer face à une diversification de l’offre d’images et aux nouvelles relations entre les éditeurs, les distributeurs, les chaînes et tous les acteurs qui se disputent des téléspectateurs. C’est dans ce monde de compétition que vous nous proposez de maintenir un système totalement archaïque.
Ce projet de loi, dont nous ne sommes pas à l’origine, nous les sénateurs UMP, n’était peut-être pas le premier texte que j’aurais proposé pour la rentrée parlementaire de 2009.
Puisque le Gouvernement est dans son rôle en présentant des projets de réforme, nous avons le devoir d’examiner ce texte en tenant compte, non pas du passé, monsieur Assouline, mais de l’avenir immédiat. Il s’agit d’un avenir très concurrentiel au sein duquel le secteur public, que vous défendez et que nous aimons, doit tailler sa route, trouver son chemin et avoir de l’autorité pour réussir.
Vous nous parlez de la désignation d’un président comme s’il s’agissait du choix d’un papabile qui rassemble et ne mécontente personne, alors que nous avons besoin d’un patron d’entreprise qui ait la confiance de l’État et l’autorité intellectuelle et morale pour assumer une mission extraordinairement difficile : maintenir des parts de marché pour le service public, qui est en compétition avec des systèmes d’information dont vous ne pouvez pas mesurer aujourd’hui l’agressivité et la tonicité.
Alors que certaines plates-formes informatiques comme Google ou des constructeurs de téléviseurs comme LG ou Sony vont mettre en place des systèmes de captation des téléspectateurs à travers leur page d’ouverture, le réflexe traditionnel qui était d’appuyer sur le bouton et d’avoir TF1 va totalement disparaître au bénéfice d’un écran d’offres de services. Nous avons donc besoin d’un secteur public dynamique pour tailler sa route et imposer son existence face à un système qui est très concurrentiel.
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Gérard Longuet. Or, nous avons la convergence de deux mondes que vous récusez, dont vous n’acceptez pas de tirer les conséquences et dont le premier est un monde audiovisuel compétitif.
Le second monde dans lequel nous vivons et que je n’ai pas voulu, à titre personnel, c’est le quinquennat. Le Président de la République est le chef de l’exécutif et il prend ses responsabilités dans un système – c’est d’ailleurs la première et la principale légitimité du quinquennat – qui doit diminuer la probabilité ou le risque, selon les points de vue, d’une cohabitation, c’est-à-dire d’un exécutif paralysé par le législatif.
Nous avons donc un Président de la République qui prend ses responsabilités, comme il l’a dit tout au long de la campagne, qui tire les leçons du quinquennat. C’est lui qui a la charge de faire vivre le service public et qui propose la nomination du président de France Télévisions, sous le double contrôle du CSA et du Parlement.
Vous dites que ces contrôles sont insuffisants. C’est parce que vous soupçonnez le CSA de ne pas être objectif, peut-être l’avez-vous en votre temps manipulé. Personnellement, j’ai récusé les critiques qui ont été faites au CSA, qui, pour l’ensemble, dans une République assez centralisée comme la nôtre, a réussi à préserver l’essentiel des missions que le législateur lui avait confiées, c'est-à-dire le respect du pluralisme.
Le Président de la République assumera donc cette responsabilité qu’il confrontera au jugement d’un CSA, dont nous pouvons penser que la composition se diversifiera.
Vous parlez, mon cher collègue, de la majorité du Sénat, mais celle-ci évolue ! Pour ma part, j’ai connu le Sénat dans l’opposition. S’il est aujourd'hui dans la majorité, il se retrouvera peut-être demain dans l’opposition.
M. David Assouline. Dans dix ans !
M. Gérard Longuet. Ne préjugez pas l’avenir et acceptez la diversité de l’opinion française telle qu’elle s’exprime au travers de la composition des assemblées que le CSA reflétera, puisque M. le président du Sénat a un pouvoir de nomination en la matière.
Il y a donc à la fois le contrôle du CSA – et vous ne pouvez pas dire que le CSA serait aux ordres, car cela reviendrait à faire injure à tous ses membres qui se sont succédé et ont assumé très dignement leurs responsabilités – et l’avis des commissions parlementaires, pour éviter tout excès.
À la vérité, ce projet de loi, que nous n’avons d’ailleurs pas demandé, permettra au président de défendre le service public avec autorité et compétence, dans un marché concurrentiel impitoyable. Force est de reconnaître que, pour ceux qui aiment le secteur public – vous en faites d’ailleurs partie, mes chers collègues, tout comme nous –, cette autorité nouvelle du président du secteur public, dans cet univers concurrentiel, est véritablement une chance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je ne voterai pas ces amendements identiques de suppression, et ce pour des raisons assez proches de celles qui viennent d’être exposées par M. Longuet.
Tout d’abord, si l’on est pour une télévision publique, ce qui est notre cas, celle-ci doit être forte. En effet, sa gouvernance doit être clairement déterminée, avec un président disposant de pouvoirs affirmés. Par ailleurs, elle doit aussi avoir des recettes propres, mais c’est un point sur lequel nous reviendrons au cours de la discussion. Ce sont les deux conditions pour que la télévision publique existe, qu’elle soit puissante et ne devienne pas une sous-télévision ou une télévision d’État.
S’agissant de la nomination de son président, elle pose un certain nombre de problèmes, et ce depuis toujours.
Je suis assez d’accord avec la définition avancée par M. le rapporteur. Le système mis en place est issu d’un processus de codécision. (M. David Assouline rit.) On peut ironiser sur le CSA, mais je n’ai pas l’intention de le faire, car il s’agit là d’une institution utile, …
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Michel Mercier. … qu’il nous faut conforter.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Michel Mercier. Mes chers collègues, rappelons-nous l’évolution du Conseil constitutionnel. Entre 1958 et aujourd'hui, tout a changé. Les membres du Conseil constitutionnel sont nommés dans des conditions analogues à celles des membres du CSA. Or la dernière décision du Conseil constitutionnel marque une véritable indépendance de cette autorité si particulière.
Pour ma part, je considère que notre rôle de parlementaire est de conforter l’autorité du CSA pour aider ce dernier à devenir indépendant et fort…
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Michel Mercier. … et pour faire en sorte que la codécision soit réelle. Le problème se situe non pas tant dans la procédure de nomination des membres d’une institution que dans la manière dont ceux-ci exercent le mandat qui leur est confié, ce dernier étant non renouvelable. C’est cela le signe de l’indépendance.
Personne ici ne peut douter du Conseil constitutionnel. Je souhaite que, demain, personne ne doute du CSA.
Pour ma part, je ne perçois aucune hypocrisie parmi les membres du Conseil constitutionnel. Hier, les nominations étaient prononcées par le CSA dans les conditions que l’on connaît. Mais on constate que, à une exception près, les personnes nommées n’étaient pas hostiles au pouvoir en place.
M. David Assouline. Eh oui !
M. Robert del Picchia. Quel que soit le pouvoir !
M. Michel Mercier. Elles étaient nommées probablement pour leurs compétences, mais aussi parce qu’elles n’étaient pas hostiles au pouvoir.
Avec le système qui nous est proposé, le Président de la République dirait clairement sa préférence, mais le CSA déciderait à la même majorité qu’aujourd’hui – il doit donner un avis conforme à la majorité des membres le composant, soit au moins cinq membres, ce qui est très important –, les commissions parlementaires compétentes devant également donner un avis.
J’avoue que je suis quelque peu surpris par les propos de notre collègue David Assouline, lequel nous a expliqué que nous étions muets, que nous ne servions à rien, autrement dit que nous nous comportions comme des pantins !
M. David Assouline. Mais non, je n’ai pas dit ça !
M. Michel Mercier. Je ne m’en offusque pas, car cela fait partie du débat. Mais il est probable que vos paroles dépassent souvent votre pensée et que vous ne vous rendez pas compte de ce que vous dites !
M. Alain Gournac. Exactement !
M. David Assouline. Vous jouez aux muets !
M. Michel Mercier. Pour ma part, je pense qu’il appartiendra au Parlement de créer en quelque sorte sa propre jurisprudence. Même s’il faut les trois cinquièmes des suffrages exprimés pour qu’un avis négatif des commissions parlementaires compétentes s’impose au Président de la République, un candidat qui aurait contre lui un avis négatif de simplement 50,1% dans les deux assemblées ne pourrait certainement pas être nommé.
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Michel Mercier. Le Parlement dispose d’un vrai pouvoir ; il suffit qu’il s’en serve ! (M. Gérard Longuet acquiesce.)
M. Dominique Braye. Absolument ! Il ne s’en sert pas assez souvent !
M. Michel Mercier. Je souhaite que le Parlement s’en serve demain. Si des verrous ont été prévus, leur solidité dépend des parlementaires, et de personne d’autre.
Comme vous l’avez fort justement souligné, monsieur Assouline, les majorités changent. Le mode électoral du Sénat vous est plus favorable que celui de l'Assemblée nationale. En effet, pour disposer de la majorité à l'Assemblée nationale, il vous faut remporter l’élection présidentielle. Or, comme nous l’avons vu ces derniers temps, c’est un peu difficile ! (Marques d’amusement sur les travées de l’UMP.) Il vous est plus facile de gagner les élections locales !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Michel Mercier. Vous avez ainsi probablement plus de chances d’être majoritaires ici qu’au Palais-Bourbon. Il vous suffira donc de faire votre travail correctement, comme vous nous y avez invités avec insistance depuis deux jours, pour faire en sorte que le verrou parlementaire en soit vraiment un.
Pour ma part, je considère que l’article 8 du projet de loi constitue plus un progrès qu’une régression. Aussi, je ne voterai pas les amendements identiques de suppression. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, je retire ma demande de scrutin public sur l’ensemble de l’article 8, car le débat de fond vient d’avoir lieu.
M. le président. J’en prends acte, mon cher collègue.
M. David Assouline. J’en dépose donc une, monsieur le président !
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur Longuet, on peut être dans la modernité et faire d’autres choix.
Comme Mme la ministre l’a souligné, le choix qui est fait aujourd'hui a l’immense mérite d’être clair, limpide et transparent : en démocratie, tout est transparent. Toutefois, d’autres pays, tels que la Grande-Bretagne, avec la BBC, ou l’Allemagne, par exemple, ont fait d’autres choix. D’ailleurs, personne ici n’a de leçons à donner à personne. Sur toutes les travées, j’ai entendu tout et son contraire !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean-Pierre Plancade. Nous avons tous conscience de l’enjeu que représentent les nouvelles technologies. Mais la grande majorité du RDSE estime que le choix qui nous est aujourd'hui proposé n’est pas moderne. Un autre choix, plus démocratique, était possible. C’est pourquoi nous voterons les amendements identiques tendant à la suppression de l’article 8 du projet de loi.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 130, 260 et 332.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. David Assouline. C’est très juste !
M. Claude Domeizel. Il faudrait une majorité des trois cinquièmes !
(Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)