M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 20, à l’examen des amendements identiques nos 154 et 275.
L'amendement n° 154 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 275 est présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts, remplacer le taux :
3 %
par le taux :
5 %
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 154.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La création de taxes frappant le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes de télévision privées était, à l’origine, tellement insupportable pour certains qu’il convenait d’obtenir un certain nombre de compensations.
Mes collègues ont déjà souligné que le nouvel équilibre des médias audiovisuels, tel qu’il est défini par le projet de loi, n’était pas si parfait et qu’il faisait la part belle aux opérateurs privés. À l’Assemblée nationale, on a même été jusqu’à minorer les taxes prévues pour gager la suppression de la publicité. La question prend un autre tour si on l’appréhende de manière plus systémique.
Le chiffre d’affaires des chaînes de télévision privées va progresser en 2009, ne serait-ce que parce que ces chaînes vont pouvoir jouir d’un quasi-monopole de diffusion d’écrans publicitaires, les annonceurs se retournant vers elles pour compenser la nouvelle situation du secteur public.
Ce chiffre d’affaires va d’autant plus progresser qu’il est question d’autoriser une seconde coupure publicitaire durant la diffusion des programmes de première partie de soirée, et singulièrement des œuvres cinématographiques.
Je ne sais pas, madame la ministre, si Fellini et Visconti seront au programme de TF1, de M6 ou de toute autre chaîne privée dans les mois à venir. Je suis même à peu près convaincue du contraire, car le profond mépris du téléspectateur qui anime la conception des grilles de programmation sur ces réseaux ne correspond pas plus aujourd’hui qu’hier à cette exigence de qualité.
Ce dont je suis sûre, en tout cas, c’est que nous sommes loin du « crépuscule des jeux » et du respect du « mieux-disant culturel » dont M. Bouygues avait fait, en 1986, le fondement de sa candidature à l’acquisition de TF1.
Et comme, sans faire d’effort sur la qualité de la programmation, ni même acquérir des parts de marché, ces chaînes continueront de voir croître et embellir leur chiffre d’affaires, il est normal de les taxer.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 275.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement s’inscrit dans la ligne simple que j’ai précédemment définie.
Rien ne sera trop beau pour l’audiovisuel public, d’autant que ces prélèvements sont issus de chaînes florissantes et privées, de qualité douteuse, qui ont déjà bénéficié et vont continuer à bénéficier de cadeaux réguliers.
En conséquence, nous proposons d’accroître ces ressources nouvelles par une modification du pourcentage de la taxe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Pour les raisons que nous avons déjà indiquées, nous sommes défavorables à ces deux amendements : nous ne souhaitons pas alourdir les taxes en question.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 154 et 275.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 276, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après les mots :
un taux de 3 %
rédiger comme suit la fin du premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts :
au chiffre d'affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée, des chaînes de télévision privée.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Il y a deux façons d’accroître les ressources de l’audiovisuel public : modifier le taux – comme je l’ai proposé voilà quelques instants – ou modifier l’assiette.
L’amendement n° 276 vise donc à élargir l’assiette de la taxe à l’ensemble du chiffre d’affaires annuel des chaînes privées.
M. le président. L'amendement n° 155, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après les mots :
taux de 3 %
rédiger comme suit la fin de la première phrase du premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts :
au chiffre d'affaire annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée, des chaînes de télévision privées.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Monsieur le président, dans un souci de cohérence, je présenterai de manière conjointe les amendements nos 155, 157 et 156.
Pour ne pas causer de difficultés à de petits opérateurs de télévision – on peut toutefois se demander quels sont les « petits » opérateurs de télévision, notamment parmi ceux qui opèrent sur le réseau numérique terrestre –, on crée des seuils d’application des nouvelles taxes sur la publicité. En d’autres termes, tant que les chaînes du réseau numérique terrestre font peu de chiffres d’affaires, peu d’audience et recouvrent peu de recettes publicitaires, elles ne sont pas concernées par l’application des nouvelles taxes.
Cette situation ne nous semble pas satisfaisante. Ce n’est pas, par exemple, parce que Direct 8 ne dégage que 2 millions d’euros de recettes publicitaires et réalise un déficit comptable de 38 millions d’euros qu’il faut la dispenser d’acquitter la taxe sur les recettes publicitaires.
Tout est d’ailleurs fait pour que les sociétés exploitant des canaux numériques terrestres soient dispensées de la moindre taxation, comme d’ailleurs de la moindre exigence quant au contenu et d’obligations de production.
Le développement du numérique terrestre va clairement de pair, pour l’heure, avec l’installation de chaînes qui n’ont vocation qu’à servir de robinets à images, des images déjà diffusées, voire multidiffusées, sans effort spécifique de création de patrimoine audiovisuel.
Ce fonctionnement de la télévision n’est pas satisfaisant, et la logique fiscale qui préside à la mise en œuvre des nouvelles taxes préserve par trop cette conception étroite de la télévision.
Il n’y a donc aucune raison pour que les réseaux numériques terrestres ne contribuent pas au développement du secteur public de l’audiovisuel, ne serait-ce que parce que l’essentiel des investissements nécessaires à la diffusion de ces émissions est assuré par la collectivité.
C’est donc aussi parce que les taxes prévues par l’article 20 peuvent avoir un caractère de participation citoyenne qu’il convient de leur permettre d’être largement mises en application.
M. le président. L'amendement n° 157, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après les mots :
taux de 3 %
rédiger comme suit la fin de la première phrase du premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts :
au montant des versements annuels, hors taxe sur la valeur ajoutée, afférent à chaque service de télévision.
Cet amendement a déjà été défendu.
Les amendements nos 156 et 277 sont identiques.
L'amendement n° 156 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 277 est présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts, remplacer le montant :
11 millions
par le montant :
5 millions
L’amendement n° 156 a déjà été défendu.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 277.
Mme Marie-Christine Blandin. Je ne partage évidemment pas la frugalité des choix du Gouvernement quant aux ressources de l’audiovisuel public. J’ajouterai que je n’ai pas la même prudence que certains de mes collègues envers les chaînes réputées émergentes ; en effet, si celles-ci sont plus petites, elles n’apportent pratiquement rien à la création.
Aussi, je considère qu’il faut baisser le seuil de contribution au financement de l’audiovisuel public de 11 millions d’euros à 5 millions d’euros.
Sans doute certaines chaînes de la TNT sont-elles relativement jeunes, mais elles se développent très vite. En un an, elles ont multiplié par deux leurs ressources publicitaires ; elles peuvent donc s’acquitter de cette taxe sans se mettre en péril.
M. le président. L'amendement n° 158, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement, qui peut paraître en partie contradictoire avec les arguments que nous venons d’avancer, vise à compenser les effets de l’application de la taxe sur la publicité télévisée en tenant compte de la situation des opérateurs.
Il est évident que, pour ce qui concerne certaines chaînes thématiques ou certains canaux de télévision numérique terrestre, les recettes publicitaires s’avèrent aujourd’hui assez faibles. Dans ces conditions, il n’est pas logique que l’on mette en place un système déjà bancal, qui consiste à limiter la taxe sur les recettes des opérateurs les plus dotés de ressources publicitaires et de la forfaitiser sur les ressources des opérateurs les moins dotés.
L’égalité de traitement entre opérateurs de télévision et le respect du modèle économique que représentent les sociétés privées de télévision passent par une taxe qui prenne en compte la capacité contributive réelle de chacun, quitte à ce que cette capacité se traduise par une taxe d’un niveau très faible au regard du chiffre d’affaires d’une entreprise donnée.
M. le président. L'amendement n° 273, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts, après les mots :
service de télévision
insérer le mot :
privée
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise à corriger un paradoxe, la rédaction actuelle du texte pouvant laisser entendre que le service de télévision publique est concerné. Nous proposons, en toute logique, de préciser qu’il s’agit de chaque « service de télévision privé ».
Le but de cette taxe étant précisément de fournir des ressources au service public, il ne serait pas cohérent de la prélever sur ses propres recettes publicitaires du service public, qui sont déjà considérablement érodées du fait de la suppression de la publicité après vingt heures.
M. le président. L'amendement n° 245 rectifié, présenté par MM. Maurey, Amoudry, Détraigne et Deneux, est ainsi libellé :
Après les mots :
fixé à
rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts :
0,5% en 2009, 1% en 2010 et 1,5% en 2011, et ce jusqu'à l'extinction complète de la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique sur le territoire national.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à aménager la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de la TNT.
Actuellement en phase d’investissement, les nouvelles chaînes de la TNT sont lourdement déficitaires : leur déficit cumulé s’élève à 250 millions d’euros. Voilà qui est loin du chiffre d’affaires de 1,6 milliard d’euros dégagé par TF1.
À l'extinction de l'analogique, le basculement au tout-numérique mettra l'ensemble des chaînes sur un pied d'égalité. L'application d'un taux unique à toutes les chaînes pourra alors se justifier. C’est d’ailleurs pourquoi l’Assemblée nationale a adopté un système de taux progressif sur la période courant jusqu’à 2012.
Nous proposons, pour notre part, de revoir ce taux et de le fixer à 0,5 % en 2009, 1 % en 2010 et 1,5 % en 2011. Les taux retenus par l’Assemblée nationale risquent en effet de créer une situation paradoxale, dans laquelle les chaînes de la TNT seront soumises, à partir de l’année prochaine, à un taux supérieur à celui qui sera acquitté par les autres chaînes, notamment les chaînes analogiques.
M. le président. Les amendements nos 181 et 420 sont identiques.
L'amendement n° 181 est présenté par M. Pozzo di Borgo.
L'amendement n° 420 est présenté par MM. P. Dominati, Bécot et Houel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le pourcentage :
1,5 %
rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts :
jusqu'en 2011.
L’amendement n°181 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° 420.
M. Philippe Dominati. Dans le même esprit que celui de l’amendement qui vient d’être défendu, j’estime qu’il est tout à fait anormal de voir les nouvelles chaînes de la TNT se trouver à partir de l’an prochain dans la situation qu’a décrite notre collègue Hervé Maurey.
Cet amendement vise donc à uniformiser au taux de 1,5 % le prélèvement demandé.
Il faut savoir que le déséquilibre de la répartition de la manne publicitaire fera de la France une sorte d’exception puisque les deux principales chaînes privées totaliseront plus de 75 % du marché publicitaire. Comme cela a déjà été dit à plusieurs reprises, il est tout à fait incohérent que, en période de lancement, les entreprises de TNT soient handicapées par cet effet secondaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 276 et 155, quasiment identiques : les recettes publicitaires des chaînes privées liées à un éventuel effet d’aubaine dû à la suppression de la publicité sur France Télévisions méritent sans doute d’être taxées, mais non leur chiffre d’affaires global.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 157. Il nous semble effectivement que l’abattement de 11 millions d’euros dont bénéficient les nouvelles chaînes de la TNT est justifié.
Pour les mêmes raisons, la commission souhaite le rejet des amendements identiques nos 156 et 277, qui visent à réduire le montant de l’abattement en question.
L’amendement n° 158 recueille le même avis défavorable de notre part, car il nous paraît juste que la taxe sur les chaînes de la TNT entre en vigueur de manière progressive, de manière à accompagner leur développement dans le temps.
Dans la mesure où elle privilégie le principe d’égalité, la commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 273.
L’équilibre retenu par l’Assemblée nationale quant à l’application progressive de la taxe nous paraissant juste, nous sommes défavorables à l’amendement n° 245 rectifié ainsi qu’à l’amendement n° 420.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 276 et 155, qui alourdiraient excessivement la taxe pesant sur les chaînes.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 157. Supprimer le seuil de 11 millions d’euros reviendrait à taxer l’ensemble des chaînes au premier euro, ce qui pourrait fragiliser les chaînes les plus modestes.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 156 et 277 : un seuil ramené à 5 millions d’euros fragiliserait également ces chaînes. Le seuil de 11 millions d’euros paraît constituer un bon équilibre, car il permet d’éviter d’imposer des charges excessives aux chaînes les plus fragiles. J’ajoute qu’il correspond à celui qui s’applique pour le calcul de la taxe au profit du Compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels, le COSIP.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 158 et 273, qui rompent l’égalité, ainsi que sur les amendements nos 245 rectifié et 420.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 156 et 277.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 273.
Mme Marie-Christine Blandin. Je note que les avis du rapporteur et de Mme la ministre témoignent d’une volonté de constituer une part des recettes de l’audiovisuel public par la taxation des recettes publicitaires de l’audiovisuel public, du moins les faibles recettes dégagées sur le créneau précédant vingt heures.
Que se passera-t-il à la date fatidique d’interdiction complète de la publicité sur l’audiovisuel public, date dont Catherine Tasca a d’ailleurs souhaité qu’elle puisse être rediscutée, pour être éventuellement reculée ? France Télévisions sera privée, d’une part, de ses recettes publicitaires et, d’autre part, de la ressource constituée par le produit des taxes sur lesdites recettes publicitaires.
Ce détail montre à quel point ce projet, contrairement à ce que suppose l’étymologie même du mot, ne se projette absolument pas dans le futur et n’a pas donné lieu à des calculs pertinents. Nous ne savons pas de quelles sommes nous parlons lorsque nous évoquons les taxes sur les recettes de l’audiovisuel public entre dix-huit heures et vingt heures. Nous ne savons pas ce qui manquera ni ce qui ne sera pas apporté. Nous nous dirigeons vers l’inconnu et la fragilisation de l’audiovisuel public !
Voilà pourquoi il me paraît décidément indispensable de voter cet amendement. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° 245 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Non, sensible aux arguments de la commission et du Gouvernement, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 245 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 420.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 153 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 376 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant et Domeizel, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le second alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour défendre l’amendement n° 153.
M. Jean-François Voguet. Le moins que l’on puisse dire est que la taxe sur les recettes publicitaires a été quelque peu « bordurée » par le projet de loi et par le travail de l’Assemblée nationale.
Voilà en effet un alinéa qui nous propose de limiter la progression du rendement de la taxe.
Les entreprises de l’audiovisuel public vont abandonner plusieurs dizaines de millions d’euros de recettes publicitaires. Ainsi, en théorie et sans doute en pratique, les annonceurs se tourneront vers les sociétés privées. On peut donc présumer que ces sociétés enregistreront une progression de leurs recettes publicitaires. Cependant, comme il convient de ne pas trop les taxer – on oublie au passage que ce sont les consommateurs des produits vantés par les messages publicitaires, qui sont aussi des téléspectateurs, qui paient le coût de l’insertion publicitaire –, nous allons de fait limiter la progression de leurs nouvelles contraintes fiscales.
Autrement dit, plus l’accroissement des recettes publicitaires sera important, plus la part des recettes exonérées de taxation sera élevée. Si l’on passe de 100 à 150, ce sont ainsi 25 qui seront ainsi exonérés de taxe.
Dans l’absolu, d’ailleurs, si les chaînes de l’audiovisuel privé n’enregistrent pas de progression de leurs recettes publicitaires, il est probable qu’elles échapperont pour une grande part à une quelconque taxation.
Évidemment, vous nous direz la main sur le cœur que vous assumerez tout risque d’insuffisance de recettes des taxes crées par les articles 20 et 21 et que la compensation financière prévue par l’article 18 sera garantie et, coûte que coûte, versée par l’État.
Je vous poserai néanmoins une dernière question : comment ferez-vous si les 473 millions d’euros de rendement attendu des taxes ne sont pas au rendez vous ? Compenserez-vous en ne prenant pas en charge les exonérations de redevance audiovisuelle ? Ou bien affecterez-vous d’autres recettes fiscales ?
Nous pensons que tout, dans ce texte, montre que nous sommes en présence d’un discours trompeur sur des réalités comptables, financières et politiques bien moins reluisantes.
Supprimer cet alinéa du texte de l’article 20, c’est se prémunir contre le risque de l’insuffisance de ressources et ne pas suivre aveuglément les majors de la télévision privée dans leur démarche.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 376.
M. Claude Domeizel. Nous nous sommes déjà exprimés au sujet de la modulation de la taxe en fonction de l’accroissement du chiffre d’affaires publicitaire des opérateurs privés.
Cet ajout de l’Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur, ne répond à aucune exigence économique ou culturelle. Comme je vais le démontrer, il vise simplement à conforter encore davantage les intérêts des principaux bénéficiaires de la loi, à savoir les chaînes historiques privées, jusqu’à l’extinction de l’analogique en métropole, et ce au détriment des nouveaux entrants.
En effet, par le jeu de cette disposition, les services dont les dépenses publicitaires sont en plein accroissement se verront appliquer le taux maximal de la taxe tandis que les services en pleine santé, bénéficiant d’années d’expérience et de recettes stabilisées, se verront appliquer, au motif que leurs recettes ne progressent pas, le taux minimal de 1,5 %.
Encore une fois, ce sont ainsi les intérêts de TF1 et M6 qui se trouvent confortés, alors que la situation de ces chaînes est assise et stable. À l’inverse, les chaînes nouvellement créées de la TNT, en phase d’expansion mais aux comptes encore fragiles, vont se voir appliquer la taxe au taux de 3%.
On sait que les différentes réformes de la publicité vont d’abord bénéficier à TF1 et, dans une moindre mesure, à M6, et que le marché publicitaire ne se tournera quasiment pas vers les nouvelles chaînes.
Le présent projet de loi distribue ainsi les cadeaux aux chaînes amies du Président de la République, au détriment de l’intérêt du téléspectateur et du maintien du pluralisme.
Désormais, chaque projet de loi modifiant la loi de 1986 constitue une occasion de distribuer des cadeaux aux chaînes historiques privées : octroi d’une chaîne bonus et mise en place d’une clause de must deliver – droit d’être diffusé, à sa demande, par un distributeur – au profit des opérateurs historiques dans la loi de 2004 ; autre chaîne bonus à l’extinction de l’analogique et prorogation de cinq ans des autorisations d’émettre dans la loi de 2007. Et je passe sur les innombrables assouplissements du dispositif anti-concentration contenu dans la loi de 1986, confortant sans cesse davantage la position dominante de TF1 et mettant en péril le respect du pluralisme dans le secteur audiovisuel.
Le présent texte viendra garnir encore, quoique avec un peu de retard, la hotte du père Noël pour TF1. La disposition dont nous proposons ici la suppression a tout à fait vocation à s’y loger. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
En effet, compte tenu de l’état du marché publicitaire, une modulation du taux de la taxe est nécessaire. J’imagine que nos collègues sont conscients de la situation économique dans laquelle nous nous trouvons. Il ne faut pas se faire d’illusions sur les effets qu’aurait une telle mesure sur la publicité, donc sur la situation économique globale des télévisions privées. Au demeurant, nous devons aussi penser aux nombreuses personnes qui travaillent pour ces chaînes et ne pas mettre leur emploi en péril.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Je suis pour une taxation raisonnable et modulée. S’il faut taxer les surplus quand ils existent, je ne crois pas qu’il faille taxer d’éventuels déficits.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. M. le rapporteur et Mme la ministre ne sont guère convaincants.
D’ailleurs, à l’origine, le Gouvernement avait proposé non pas le dispositif qui figure actuellement dans le projet de loi, mais un taux de 3 % s’appliquant à tous, estimant cela nécessaire pour compenser la perte de recettes publicitaires de l’audiovisuel public. Puis, à la suite d’un fort lobbying, mené notamment par TF1, il y a eu un changement de pied à l’Assemblée nationale, où l’on a introduit une modulation.
Si l’on avait fixé un taux de 1,5 % pour toutes les chaînes, j’aurais pu l’admettre. Mais le dispositif envisagé aura pour seule conséquence de pénaliser les chaînes de la TNT et les petites chaînes. Avec un chiffre d’affaires en plein essor – comme je l’ai déjà souligné, elles partent d’assez bas – et peu de moyens, ces chaînes, qui ne capteront qu’une très modeste part de la manne publicitaire libérée par France Télévisions, seront taxées à 3 %. En revanche, les grosses chaînes historiques, qui – toutes les études le montrent – capteront le plus gros de cette manne, seront taxées à 1,5 %. En effet, l’essentiel de leur expansion est derrière elles et leur chiffre d’affaires ne connaîtra qu’une augmentation mesurée.
Par conséquent, le système proposé ne me paraît ni juste ni logique. Il aurait été concevable de fixer à taux à 1,5 % pour toutes les chaînes – parce que je comprends l’argument économique selon lequel il ne faut pas surtaxer – ou, au contraire, de maintenir une taxation à 3 %. Mais une telle modulation, qui n’en est d’ailleurs pas une pour tout le monde – TF1 et M6 seront les seules chaînes qui en bénéficieront – est une injustice économique.
C’est même antiéconomique, car cela pénalise d’abord des entreprises qui incarnent l’économie nouvelle – et c’est par un paradoxe du même ordre qu’on nous proposera, comme nous le verrons à l’article 21, de taxer les fournisseurs d’accès – c'est-à-dire les petites chaînes dynamiques qui se développent et favorisent ainsi l’expression de la diversité, au profit des chaînes qui sont déjà bien implantées.
Madame la ministre, s’il est vrai que les entreprises connaissent des difficultés à cause de la crise, il est peu probable que TF1 soit de celles qui s’en sortent le plus mal : ses assises et ses soutiens économiques sont tout de même plus que solides ! Certes, elle subira sans doute quelques contrecoups de cette crise, mais quelle entreprise n’en subira pas ? Je ne vois donc pas pourquoi on viendrait à la rescousse seulement de TF1.
D’une manière générale, la solution pour sortir de la crise, et pas seulement dans le secteur de l’audiovisuel, sera l’investissement massif dans l’innovation et les entreprises développant de nouveaux produits ou de nouveaux services, afin de favoriser la diversité créatrice de notre tissu économique. Il ne suffit pas de prendre des mesures cosmétiques pour résister à la crise !
Madame la ministre, le dispositif qui nous est proposé prouve que l’on n’est pas dans cet état d’esprit. Taxer les secteurs économiques nouveaux pour stabiliser les anciens est un calcul à courte vue !