M. Patrick Devedjian, ministre. Il s’agit d’habiliter le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, les dispositions législatives permettant de regrouper l’Agence unique de paiement – AUP – et le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles - CNASEA – en une agence unique de services et de paiement – ASP.
Cet organisme sera l’interlocuteur unique des agriculteurs. Il jouera un rôle d’opérateur interministériel. Il interviendra notamment en matière de gestion des aides à l’agriculture, des aides à l’emploi et à la formation professionnelle, des aides en faveur de l’environnement ; l’aide à l’acquisition de véhicules propres a ainsi été confiée au CNASEA.
Il s’agit également d’opérer le regroupement de l’ensemble des offices d’intervention agricole, à l’exception de l’Office de développement de l’économie agricole des départements d’outre-mer, ODEADOM, au sein d’un établissement unique dénommé FranceAgriMer.
Ce regroupement favorisera une plus grande cohérence en matière d’orientation, de suivi et de soutien aux filières, et renforcera la réactivité dans la gestion des crises. Les directions régionales du ministère de l’agriculture et de la pêche constitueront l’échelon régional de FranceAgriMer.
Ces mesures doivent permettre de moderniser, d’améliorer et de renforcer l’efficacité de l’action des structures de l’État et de celles qui lui sont rattachées, au premier chef au service des agriculteurs et du monde rural, à un moment où nous sommes frappés par la crise et où il est nécessaire de réagir rapidement, avec plus de cohérence. Elles sont source d’une meilleure organisation et d’une plus grande simplification.
Nous sommes vraiment dans l’objet du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La réforme portée par cet amendement est attendue depuis un certain temps et peine à aboutir sur le plan législatif. Un projet de loi avait été déposé devant notre assemblée l’année dernière, mais il n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour. Puis une habilitation à légiférer par ordonnance a été intégrée dans la proposition de loi relative à la simplification du droit, adoptée par l’Assemblée nationale et bientôt discutée au Sénat.
C’est cette même habilitation qu’il nous est proposé d’intégrer, par amendement, dans le présent projet de loi, de façon à rendre la réforme applicable au plus vite. Les ordonnances sont quasiment publiables, les organismes, prêts à fusionner et le monde agricole est impatient de voir le nouveau dispositif mis en œuvre. Sur le principe, nous ne pouvons donc qu’y être favorables.
On peut toutefois regretter que cette réforme d’ampleur passe par la petite porte d’une habilitation législative, dans l’urgence, alors qu’il s’agit de modifier un pan important de l’organisation institutionnelle agricole, conformément à des engagements pris voilà trois ans. Il y avait donc matière à un examen parlementaire approfondi de ces dispositions et nous disposions du temps nécessaire.
Sous réserve de cette remarque, la commission a donné un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je souhaiterais surtout obtenir une précision.
Le CNASEA s’est vu progressivement confier de plus en plus de missions, au-delà du secteur agricole, notamment celle de payeur pour la formation professionnelle. J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que vous souhaitiez officialiser cette fonction du CNASEA.
Dès lors, je ne comprends pas pourquoi on fait référence au secteur agricole. Le secteur agricole va-t-il gérer l’ensemble de la formation professionnelle ? J’ai du mal à comprendre exactement le sens de votre amendement, monsieur le ministre. S’agit-il de faire désormais du CNASEA l’organisme payeur de la formation professionnelle et de lui confier véritablement ce rôle ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Certes, je me réjouis que l’agriculture soit enfin évoquée dans un plan de relance de l’économie. Il s’agit d’une avancée extrêmement importante. La mesure de simplification qui nous est proposée était, me semble-t-il, très attendue. Toutefois, j’ai une interrogation quant à ses modalités d’application territoriale.
Monsieur le ministre, souhaitez-vous décliner une telle simplification au niveau des régions et des départements, puisque nous nous inscrivons déjà dans une démarche de fusion des directions départementales de l’agriculture ? En d’autres termes, la réforme proposée aura-t-elle des répercussions sur notre organisation territoriale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre. Monsieur Desessard, les aides agricoles sont actuellement distribuées soit par l’AUP soit par le CNASEA.
Certes, et vous l’avez souligné à juste titre, les compétences du CNASEA ne se limitent pas à cette seule tâche. Mais elle fait néanmoins partie de ses attributions.
À présent, nous proposons de réunir ces deux piliers de financement au sein du seul CNASEA, qui s’acquitte très bien de cette mission.
M. Jean Desessard. Dont acte !
M. Patrick Devedjian, ministre. Par ailleurs, madame Goulet, l’organisation territoriale sera maintenue.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126 rectifié.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
L'amendement n° 138, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 8, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le code de la santé publique, au II de l'article L. 4111-2, aux articles L. 4131-1-1, L. 4141-3-1, L. 4151-5-1, L. 4221-14-1 et L. 4221-14-2, à l'avant-dernier alinéa des articles L. 4241-7, L. 4241-14, L. 4311-4, L. 4321-4, L. 4322-4, L. 4331-4, L. 4332-4, L. 4341-4, L. 4342-4, L. 4351-4, L. 4361-4, L. 4362-3 et L. 4371-4 et à l'antépénultième alinéa de l'article L. 6221-2-1, les mots : « par ce titre et fondées sur » sont remplacés par les mots : « par l'ensemble des titres de formation et de ».
II. A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 411-1 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « le titre de formation et l'expérience professionnelle » sont remplacés par les mots : « l'ensemble des titres de formation et de l'expérience professionnelle pertinente de l'intéressé ».
III. - Au dernier alinéa du II de l'article L. 323-1 du code de la route, après le mot : « première », est inséré le mot : « fois ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet article additionnel permet, pour l'essentiel, de compléter le dispositif de reconnaissance des diplômes obtenus dans un État tiers en prenant en compte, outre l'expérience professionnelle, l'ensemble des titres de formation de l'intéressé.
Une telle disposition me semble indispensable pour mettre fin à un recours engagé par la Commission européenne à l'encontre de la France pour mauvaise transposition de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Cette transposition a été réalisée par l'ordonnance n° 2008-507 du 30 mai 2008, dont le projet de loi de ratification a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 21 août dernier, assorti des trois types de corrections que reprend le présent amendement.
Dans le délai qui m'était imparti, il m’était impossible d'analyser sérieusement le contenu de cette ordonnance, dont les quarante-huit articles remplissent trente-sept pages du Journal officiel ! Il serait, me semble-t-il, plus rigoureux de procéder à cette ratification par voie d’amendement, notamment lorsque le Sénat examinera, dans quelques semaines, la proposition de loi déposée par le député Jean-Luc Warsmann.
En attendant, l’adoption de cet amendement permettrait de répondre immédiatement aux attentes de la Commission européenne et de lever la menace de recours en manquement qui pèse sur la France.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre. Le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement, qui vise à mettre notre pays en conformité avec nos obligations communautaires.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
Intitulé du projet de loi
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par Mme Terrade, M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de ce projet de loi :
« Projet de loi portant diverses dispositions relatives au droit des sociétés et au développement de l'économie de marché »
M. Jean Desessard. Voilà un amendement de bon sens !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement, qui relève effectivement du bon sens, vise à rectifier l’intitulé du projet de loi. Pour notre groupe, il s’agit de la conclusion logique du déroulement des travaux du Sénat.
Depuis le début de la législature, le Gouvernement s’est fait une spécialité de présenter des projets de loi ayant un titre séduisant, connoté positivement, mais contenant un ensemble de mesures finalement bien peu populaires et positives.
Cela a commencé avec la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, pour laquelle les assemblées se sont employées à assurer le pouvoir d’achat des ménages les plus aisés de notre pays… Et je n’aurais pas assez de temps pour dresser la liste des textes au titre évocateur ayant fini par être de simples catalogues de mesures souvent mal ficelées et, surtout, conçues pour ne servir que certains intérêts. C’est notamment vrai de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dont l’effet macroéconomique, dans l’actuelle conjoncture, est pour le moins incertain, sinon inexistant, mais qui a tout de même servi de véhicule à la défense de rentes de situation, qu’il s’agisse des banquiers avides de capter l’épargne du livret A, des opérateurs de télévision privée ou des majors du bâtiment et de la téléphonie, pour ne mentionner que quelques exemples.
Le texte que nous venons d’examiner n’échappe pas à la règle. En effet, son véritable contenu est plus proche de l’intitulé que nous vous proposons de retenir.
Monsieur le ministre, lorsque vous vous êtes exprimé sur la motion tendant à opposer la question préalable que mon groupe avait déposée, vous avez évoqué les propositions que j’avais déclinées et vous nous avez reproché de ne pas avoir formulé suffisamment de suggestions en faveur de la construction. Mais que dire de toutes les mesures que nous avons évoquées depuis hier soir ? Nombre des dispositions modifient le droit des sociétés et facilitent notamment la conquête des marchés publics par quelques entreprises spécialisées dans le domaine.
Ainsi, des facilités sont accordées pour passer soit par la procédure négociée, soit par le passage à la procédure de partenariat public-privé. Et ces facilités, qui sont autant de dérogations aux strictes règles jusqu’à présent applicables en matière de contentieux administratif ou civil, sont étrangement en décalage par rapport aux obligations que l’on impose aux collectivités locales, notamment dans le cadre de l’article 1er du projet de loi de finances rectificative !
Pour faire bonne mesure, le recours aux ordonnances est encore étendu, tant dans le projet de loi initial que dans le texte issu de nos débats.
Nous assistons donc à la fois à une privatisation du droit au profit d’intérêts particuliers et à un nouvel abaissement des droits du Parlement, lequel est confiné dans le rôle de spectateur de l’agitation permanente d’un pouvoir politique asservi par les acteurs du marché.
C’est pourquoi nous invitons le Sénat à affirmer son existence en modifiant l’intitulé du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La deuxième partie de l’intitulé proposé pour le projet de loi, c'est-à-dire la référence au « développement de l’économie de marché » me conviendrait parfaitement. En revanche, je ne peux pas être d’accord avec la référence au « droit des sociétés », qui me paraît trop réductrice.
De surcroît, l’intitulé proposé par Mme Terrade est beaucoup trop long. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre. Je comprends bien l’ironie du propos de Mme Terrade. (Mme Odette Terrade sourit.)
Madame la sénatrice, après un si long débat, vous avez choisi de terminer par un sourire. J’aimerais donc également vous répondre par un sourire. Si vous voulez nous faire dire que nous sommes favorables à l’économie du marché, je vous confirme que c’est bien le cas !
Mme Odette Terrade. Ça, je n’en doutais pas !
M. Patrick Devedjian, ministre. Vous avez considéré que cette loi avait un caractère multiforme et touchait à des sujets très divers, parfois un peu épars. Mais c’est bien parce que l’économie de marché est multiforme – c’est d’ailleurs ce qui fait son attrait –, à la différence des économies planifiées.
Nous avons fait le choix de la relance et de la réactivité face à une crise économique à la fois lourde et grave, qui nous impose d’adopter une démarche non pas idéologique, mais pragmatique. Et le présent projet de loi est un texte pragmatique.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. le ministre a exprimé son attachement au développement de l’économie de marché en tant que telle. Pour ma part, je n’y suis pas opposé.
En revanche, je m’étonne qu’il prenne aussi peu de précautions après tant de dérèglements, car, il faut le dire clairement, c’est bien à des dérèglements du capitalisme que nous avons assisté. Certains y verront la conséquence des excès de certains acteurs économiques ou financiers quand d’autres argueront qu’une telle crise est inhérente à la nature même du système. Nous pouvons en discuter ! Mais Mme Terrade a raison de vouloir réguler le marché, et je m’étonne que vous n’en conveniez pas, monsieur le ministre.
M. Jean Desessard. À la bonne heure ! Vous me rassurez ! Pour un peu, j’aurais pu croire que vous n’étiez pas sur la même ligne que le Président de la République ! (Sourires.) En effet, comme vous le savez sans doute, ce dernier veut aujourd'hui réformer le capitalisme et insiste sur la nécessité de prendre des mesures en ce sens.
Dès lors, puisque nous sommes d'accord sur la nécessité de réguler l’économie de marché, il me semble utile de le préciser. Ce dont nous pouvons débattre, c’est de la nature de la régulation. Combien de services publics devons-nous préserver ? Quelles lois devons-nous adopter pour encadrer le fonctionnement des marchés ?
Personnellement, si j’avais dû proposer un intitulé pour le présent projet de loi, j’aurais sans doute opté pour celui-ci : « Projet de loi portant diverses dispositions relatives au droit des sociétés, à l’atteinte au droit à l’environnement, à la prise en compte des lobbys de toute sorte et à l’acceptation des diverses petites demandes des parlementaires concernant leur autoroute ou leur convocation aux assemblées générales » ! (Rires.)
M. le président. Mme le rapporteur n’aurait alors pas manqué de vous objecter la longueur d’un tel intitulé, mon cher collègue ! (Sourires.)
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Puisque nous sommes en train d’évoquer l’économie de marché et la régulation, je souhaite apporter une précision.
Contrairement au procès qui nous est souvent fait, nous sommes favorables à l’économie de marché. Ce que nous contestons, c’est la société de marché. Or, dans les textes présentés par le Gouvernement, il y a souvent des dispositions visant à favoriser non pas tant l’économie de marché que la société de marché.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en réalité, ce projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés n’accélérera rien du tout.
Comme cela a été souligné – notre collègue Jean Desessard l’a fait avec beaucoup d’humour –, ce texte contient nombre de cavaliers, de dispositions sans rapport avec son objet. En outre, certaines mesures sont uniquement destinées à satisfaire des lobbys.
De plus, tous les verrous qui encadrent l’action publique disparaissent. Je pense ainsi à la fin des seuils pour les marchés, à la cession de créances dans les partenariats public-privé et aux dérogations de plus en plus nombreuses au code de l’urbanisme. D’autres dispositions ont été insérées qui prévoient des habilitations à procéder par ordonnance sur la réforme des autorisations applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement, sujet qui mériterait pourtant un véritable débat démocratique.
Avec le Grenelle de l’environnement, nous avions le sentiment que les préoccupations écologiques seraient davantage prises en compte. Or force est de constater que la relance censée parer à la crise sert de prétexte – un bien mauvais prétexte – au retour à de détestables habitudes.
L’illustration la plus flagrante en est l’adoption d’un amendement ayant pour effet de signer l’arrêt de mort du grand prix de Formule 1 à Magny-Cours. Cette décision est inefficace écologiquement, économiquement et socialement. Il s’agit simplement d’un cadeau au conseil général des Yvelines.
En effet, deux arrêtés préfectoraux de zone d’aménagement différé ont déjà remis en cause, pour asseoir le circuit projeté, la destination initiale de terrains faisant partie d’une zone de maraîchage biologique, ce qui, d’un point de vue écologique, ne paraît guère aller dans le sens du développement durable.
D’un point de vue économique, la remise à niveau du circuit de Magny-Cours serait de nature à favoriser la relance du bâtiment, et ce dès 2009. Or l’amendement qui a été voté par la majorité vise à la création d’un circuit dans les Yvelines qui ne sera opérationnel qu’en 2011, soit deux ans plus tard.
D’un point de vue social, cela fait 400 emplois en moins pour la Nièvre.
Enfin, monsieur le ministre, le fait de nous annoncer un deuxième plan de relance revient à admettre en creux que votre texte n’est pas la hauteur des enjeux. Nous connaissons une crise très grave. Nous sommes déjà passés d’une crise financière à une crise économique, et la crise sociale est pour bientôt.
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas voter ce projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, un projet qui porte bien mal son nom.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici que s’achève l’examen d’un texte dont nous avons pu souligner qu’il avait un contenu bien moins reluisant et séduisant que son intitulé ne pouvait le donner à penser. Collection d’articles d’assouplissement des règles juridiques en vigueur dans le domaine des marchés publics ou dans celui du droit de la concurrence, réceptacle de dispositifs inspirés par des groupes de pression plus ou moins influents : rien dans ce texte ne semble devoir recueillir notre approbation.
Alors que la crise économique s’approfondit et semble avoir aujourd’hui des conséquences imprévisibles, tout se passe comme si l’on cherchait à introduire coûte que coûte dans la loi des dispositions répondant aux attentes des milieux d’affaires à la recherche de nouvelles sources de profits.
Une image me vient à l’esprit : avec ce texte, comme avec le collectif budgétaire, nous avons un peu l’impression d’être à bord du Titanic au moment de son naufrage. L’orchestre – ce pourrait être le Gouvernement – continue à jouer, alors que le bateau s’enfonce lentement mais sûrement dans l’eau glacée.
Mme Odette Terrade. Mais l’essentiel se passe ailleurs.
Les voyageurs de première classe du bateau France, qu’il s’agisse de Bouygues, Bolloré, Dassault, du groupe Veolia ou des professionnels du cyber-commerce regroupés autour du frère de la nouvelle secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique, ont des places réservées dans les canots de sauvetage.
Ainsi, à force de dispositions dérogatoires, de lois obligeamment adaptées à leurs besoins et à leurs attentes, d’annonces de dépenses nouvelles de l’État qui sont autant de marchés nouveaux pour leur compte, on fait en sorte que la crise leur profite.
Le problème réside dans le fait que le plus grand nombre de passagers voyagent en troisième classe et que quelques soutiers attendent à fond de cale. Il s’agit là des salariés de notre pays, de plus en plus victimes des licenciements, du chômage total, partiel ou technique, du pouvoir d’achat en berne, des mauvais coups portés à l’école publique, à l’hôpital ou encore au logement social.
Pour ces passagers-là, point de salut ! Ils n’ont que leur courage pour faire face à la situation.
Pour notre part, nous refusons que la grande majorité des Français soit traitée ainsi.
C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ce texte de circonstance, d’opportunité et de défense des intérêts d’une minorité de privilégiés.
M. le président. La parole est à M. Michel Guerry.
M. Michel Guerry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 4 décembre dernier, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, présentait un plan de relance de 26 milliards d’euros, résolument orienté vers l’investissement public et privé, visant à répondre d’urgence à la crise qui affecte notre pays.
Son objectif : injecter dans l’économie nationale ces 26 milliards d’euros, qui s’ajoutent bien évidemment aux mesures engagées par le Gouvernement depuis le début de la crise financière. Au total, 65 milliards d’euros seront apportés, en grande partie cette année, à notre économie.
Avec mes collègues du groupe UMP, nous approuvons les dispositions du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, qui visent à offrir un cadre plus favorable à l’investissement public et privé en allégeant les règles d’urbanisme, en clarifiant la procédure du contrat de partenariat et en simplifiant, notamment, les procédures actuellement applicables aux collectivités territoriales.
S’agissant tout particulièrement de l’archéologie préventive, nous nous réjouissons du vote du Sénat – sur proposition de la commission des finances – dotant celle-ci de 20 millions d’euros supplémentaires, par redéploiement au sein des programmes de ce plan de relance. Nous remercions vivement le Gouvernement d’avoir donné son accord à cette proposition sénatoriale.
Après avoir voté, hier, le projet de loi de finances rectificative pour 2009, le groupe UMP apportera son entier soutien à ce second texte du plan de relance, complémentaire du premier, qui met l’accent sur l’investissement de l’État, des collectivités locales et des entreprises, et qui doit permettre à notre pays de sortir de la crise et de renforcer sa compétitivité.
M. Jean Desessard. Ça, on verra !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe Union centriste voteront ce projet de loi.
Nous avons tenu à assister à l’ensemble des débats parce que nous sommes très attachés à ce plan. Nous souhaitons que notre pays sorte de la crise et nous espérons en amortir les effets dévastateurs sur les familles et les territoires par les mesures que nous venons de voter.
Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, lors la discussion générale et à l’occasion de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, jeudi dernier, à y associer les élus. C’est une décision importante à laquelle nous tenons beaucoup.
Vous vous êtes également engagé à équilibrer la répartition des projets entre les territoires. C’est encore un point extrêmement important à nos yeux.
En réalité, le travail commence aujourd’hui et les mesures que nous avons votées ne constituent que le premier pas vers la réalisation de ce plan de relance.
Nous suivrons évidemment de près la façon dont vous gérerez le millier de dossiers qui parviendront à votre ministère. Je ne doute pas que vous aurez un œil bienveillant et attentif !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je serai bref, et j’aurais pourtant beaucoup à dire ! (Sourires.)
Je veux tout d’abord vous remercier, monsieur le président, de la manière remarquable dont vous avez mené nos travaux, mais aussi les secrétaires du Sénat, qui vous ont secondé avec une grande vigilance au cours de cette séance, et les rapporteurs, qui nous ont fourni des explications tout à fait sérieuses.
Monsieur le ministre, j’ai eu plaisir à vous voir au banc du Gouvernement parce que vous prenez toujours le temps d’expliciter les choses et de répondre aux parlementaires. Je vous en remercie, car ce n’est pas si courant.
Cela étant dit, monsieur le ministre,… (Rires.)
M. Jean Desessard. Eh oui !
Vous le savez aussi bien que moi, face à une crise, on a le choix entre deux attitudes.
La première consiste à s’interroger sur ce qui n’a pas fonctionné : la crise est-elle due à une trop grande distorsion entre le réel et le virtuel, entre ceux qui manipulent des sommes énormes sans contact avec la société et la masse des citoyens ordinaires ? Est-elle due aux délocalisations, qui conduisent à la disparition des producteurs percevant un salaire et bientôt, par le fait même, à celle des consommateurs ? Est-elle due à une pénurie de ressources naturelles, de sources énergétiques ? Bref, on réfléchit et on se demande s’il existe une autre voie.
La seconde attitude consiste à se dire que l’on n’a peut-être pas assez « appuyé sur le champignon » et qu’il faut encore plus bétonner, privatiser et simplifier. C’est malheureusement celle que vous avez adoptée, monsieur le ministre, avec ce projet de loi. Au lieu de réfléchir pour étudier des solutions à long terme, vous semblez considérer que, jusqu’à présent, on n’y est pas allé assez fort et que, désormais, il faut « y aller franco ».
Alors, vous vous dites qu’il y a toute une série de freins, des « écolos » qui bloquent telle ou telle construction, les Bâtiments de France… Quoi, on a délimité une réserve vivrière en Île-de-France ? Mais c’est inconcevable de vouloir préserver des terres agricoles dans cette région ! Mieux vaut construire à la place un circuit de Formule 1 ! Et vous libérez à tout va !
Si vous croyez que c’est ainsi que vous obtiendrez ainsi une relance durable ! Sûrement pas, et le problème resurgira dans quelques années.
Et s’il n’y avait que la France à raisonner ainsi ! Malheureusement, je crains que tous les pays ne réagissent aujourd'hui de la même manière, croyant que l’on crée de la richesse en construisant, en bétonnant, en prolongeant ou en élargissant les autoroutes, etc.
Favoriser la vraie richesse, c’est préserver la nature et l’environnement, c’est développer la solidarité, c’est encourager la production de proximité, y compris et en particulier en Île-de-France.
Pour ces raisons, les sénatrices et sénateurs Verts ne pourront pas voter ce plan de relance, car il ne résulte pas d’une réflexion sur les grandes orientations du développement durable, mais il tend, au contraire, à faire sauter les barrières, ce qui ne fera qu’accroître et aggraver les atteintes à l’environnement.
De surcroît, les lobbies se sont engouffrés dans la brèche – c’était le moment où jamais ! – et chacun y est allé de sa demande. Il est dommage que tant la commission des affaires économiques que le Gouvernement aient donné leur aval à ces demandes particulières.
Je crains que nous ne soyons malheureusement minoritaires à défendre ce point de vue, mais il est important que nous l’exprimions. Au moins aurons-nous dit que ce dispositif n’est ni un plan de relance de l’économie ni un plan de solidarité, mais une véritable atteinte à l’environnement !