M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous sommes favorables à l’amendement n° 4, qui vise à réécrire l’article et à le rendre plus cohérent.
Monsieur Muller, le projet de loi repose sur l’idée selon laquelle le prix des énergies fossiles connaîtra une hausse structurelle, celui des autres énergies subissant seulement des variations conjoncturelles.
Par ailleurs, la logique de ce texte est de rendre plus contraignante les émissions de carbone ou de gaz à effet de serre. Notre objectif est de réduire la proportion des énergies carbonées par rapport aux autres énergies.
Voilà pourquoi nous sommes donc défavorables à votre amendement n° 636.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.
M. Jacques Muller. Franchement, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'État, je ne comprends pas votre raisonnement !
En tant que maire d’un village, j’ai encore été confronté la semaine dernière à des gens démunis auxquels on coupe l’électricité parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer leur facture.
Je ne comprends pas que, au moment où l’on évoque les sources de chauffage et la situation des plus démunis, on laisse de côté l’électricité. Les ménages les plus modestes ne se chauffent pas nécessairement au fioul, au charbon ou au bois : beaucoup se chauffent à l’électricité ! Et les difficultés de ceux-ci doivent aussi être prises en compte. Pourquoi, lorsqu’on traite de l’attention dont doivent bénéficier les plus démunis, faire un sort particulier à l’électricité sous prétexte qu’elle est produite essentiellement à partir de l’énergie nucléaire ?
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 636 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 316 rectifié, présenté par MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston et Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava, Miquel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
L'État veille à ce que les objectifs d'efficacité et de sobriété énergétique n'excluent personne de la garantie d'un accès de base pour répondre à des besoins vitaux, tels que le chauffage et l'éclairage, à un bien de première nécessité comme l'énergie.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement se situe dans la droite ligne de notre intervention lors de la discussion générale puisqu’il tend à poser un principe fondamental, celui de l'accès à l'énergie pour tous. Ce point a également été évoqué par notre collègue représentant le département de l’Aude, qui n’est d'ailleurs pas seulement concerné par les questions énergétiques, mais aussi par toutes les productions sévèrement touchées par la tempête de ces jours derniers.
Cet amendement vise, d'abord, à faire cesser, pour les plus pauvres, la stigmatisation suscitée par le seul dispositif des tarifs sociaux. C’est là un problème que tous ceux d’entre nous qui sont maires ont rencontré dans leur commune : dès lors que le tarif appliqué à une famille est fonction de ses faibles ressources et que cela est signalé d’une manière ou d’une autre – par exemple, avec la délivrance de tickets d’une certaine couleur –, cela revient un peu à la montrer du doigt.
Cet amendement vise, ensuite, à inciter à une réflexion sur l’élaboration de mécanismes et de dispositifs tarifaires autres que celui du tarif social, qui, au vu des objectifs d’efficacité et de sobriété énergétiques fixés à la suite du Grenelle de l’environnement, ne sera pas à même de répondre à l’accroissement du coût de l’énergie et à ses conséquences sur les foyers les plus modestes.
Nous pensons donc qu’il revient à l’État de mettre en œuvre une politique tarifaire énergétique telle qu’elle permette à tout concitoyen de bénéficier d’un accès minimal à l’énergie, grâce à la garantie d’un prix abordable.
Il s’agit là avant tout d’un amendement d’appel. Nous serons particulièrement attentifs aux réponses que M. le ministre d’État voudra bien nous donner.
La question est donc de savoir comment concilier les impératifs de sobriété et d’efficacité énergétiques et le droit d’accès à un bien de première nécessité comme l’énergie, sur fonds d’augmentation des prix énergétiques.
Je pense, par exemple, aux occupants des 4 millions de logements sociaux, dont on sait que 800 000 sont aujourd’hui dégradés. Je pense aussi aux quelque 5 millions de personnes qui rencontrent des difficultés pour chauffer leur logement : parmi elles, des personnes âgées ne touchant qu’une petite retraite, des chômeurs ou, plus généralement, des pères et mères de famille ne percevant que de très faibles ressources. Les travailleurs pauvres sont de plus en plus nombreux et, particulièrement en temps de crise, constituent une véritable bombe sociale à retardement.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Daniel Raoul. Le logement social n’est pas le seul concerné : plus de la moitié des familles modestes habitent des logements privés.
Faut-il le rappeler, les dépenses énergétiques pèsent en proportion plus lourdement sur le budget des ménages les plus modestes, alors même que les écarts entre les revenus ne cessent de se creuser et les inégalités de croître.
Cet accroissement des inégalités a d’ailleurs conduit, concurremment avec le développement d’une bulle financière alimentée par des rendements à deux chiffres et l’impossibilité, pour certains salariés, d’emprunter pour se loger, au phénomène des subprimes et à la crise financière actuelle.
Comme le montre une analyse récente de l’INSEE sur le budget des ménages, le poids des dépenses d’énergie dans ce budget n’a cessé d’augmenter ces dernières années. D’après l’enquête quinquennale de l’INSEE, en 2006, la part des dépenses énergétiques des 20 % des ménages les plus modestes est deux fois et demie plus élevée que celle des 20 % des ménages les plus riches ; les ménages les plus modestes consacrent 15 % de leur revenu aux dépenses énergétiques, contre seulement 6 % pour les plus riches ; les dépenses en combustibles fossiles des plus aisés représentent moins de 4 % de leur revenu total, quand les ménages les plus défavorisés consacrent presque 9 % de leur revenu total à l’achat de gaz et de produits pétroliers et que les dépenses en électricité des ménages à fort pouvoir d’achat représentent seulement 2 % de leur revenu, contre 6 % pour les ménages les plus pauvres.
M. Roland Courteau. Tout cela est bien noté !
M. Daniel Raoul. Les inégalités sont, en outre, plus marquées en milieu rural qu’en milieu urbain.
Ainsi, la part des dépenses de combustibles pour le chauffage dans le budget des ménages peut varier de 1 à 16 selon le décile du revenu et le lieu de résidence du ménage considéré.
Le Gouvernement estime-t-il que l’amendement qu’il a déposé lors de la première lecture à l’Assemblée nationale sur la pauvreté énergétique répond à cette situation ? Dans le texte qui nous est proposé, il est dit que « la maîtrise de la demande d’énergie constitue la solution durable au problème des coûts croissants de l’énergie pour les consommateurs, et notamment pour les ménages les plus démunis ».
Nous savons tous que les charges pesant sur les ménages risquent fort de s’accroître avec les engagements que nous prenons ici, ne serait-ce que, par exemple, du fait de la mise en place de la contribution climat-énergie ou de tous les travaux d’isolation et de mise aux normes visant notamment à la réalisation d’économies d’énergie, dont le coût se répercutera finalement sur le budget des ménages.
Quid du coût réel des travaux d’isolation pour réduire la facture énergétique ?
Quid du financement des travaux d’économies d’énergie pour les foyers qui n’ont pas les moyens de les réaliser ?
La réponse apportée actuellement par cet article ne nous paraît pas appropriée au regard tant de la dégradation de la situation économique actuelle que de l’augmentation régulière de la part des dépenses énergétiques dans le budget des ménages, notamment des plus modestes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. J’ai retenu de l’intervention de M. Raoul qu’il déplorait la stigmatisation des tarifs très sociaux. Or, en France, s’agissant de l’énergie, notamment de l’électricité, chacun peut bénéficier d’un service de base à un prix minimum. En Grande-Bretagne, l’électricité est deux fois plus chère, et nul ne proteste.
M. Roland Courteau. Ça, vous n’en savez rien !
M. Bruno Sido, rapporteur. Aucune protestation n’est parvenue à nos oreilles : s’il y en a, elles n’ont pas traversé la Manche ! (Sourires.)
Cet amendement est tout à fait louable, mais je me dois de rappeler à ses auteurs qu’il convient de ne pas mettre en péril les systèmes de tarifs sociaux qui existent déjà, et dont bénéficient plus de 700 000 ménages.
Des dispositifs de protection énergétique des foyers précaires – dispositifs anti-coupure, par exemple – donnent pleine satisfaction.
J’ajoute, concernant l’éventuelle stigmatisation qu’a dénoncée M. Raoul, que les commissions départementales ne font pas la publicité de leurs travaux. C’est donc là un argument dont il convient de faire un usage très modéré.
Pour ces différentes raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. Alain Gournac. C’est clair !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. L’intention des auteurs de cet amendement est, certes, très louable. Le Gouvernement a d’ailleurs été très sensible à cette question de l’accès à l’énergie puisque, l’été dernier, il a étendu les dispositifs sociaux pour l’électricité et le gaz.
Cela dit, par le présent texte, il souhaite réduire la précarité énergétique en agissant sur ses fondements structurels. Il est exact que, au cours de ces dernières années, la part du budget des ménages consacrée à l’énergie est passée de 10 % à 15 %.
La priorité du Gouvernement est donc de réduire les besoins de consommation des ménages et, par conséquent, d’accroître l’efficacité énergétique. C’est pourquoi il est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Nous soutiendrons bien entendu cet amendement.
J’entends parler d’intention louable, de sensibilité du Gouvernement aux questions d’énergie.
L’objet du présent projet de loi est de renforcer la maîtrise des dépenses d’énergie. Cependant, avant que le parc social privé, en particulier, soit équipé de façon que cet objectif soit atteint, il se passera du temps et, en attendant, le nombre de personnes en difficulté à cause du niveau trop élevé de leur facture énergétique ne cesse d’augmenter. Tous ceux d’entre nous qui sont maires le constatent dans leur commune.
Il ne me semble pas que les tarifs sociaux permettent réellement d’aider les familles. Nous devons donc trouver des solutions en attendant que soient mises en œuvre toutes les mesures grâce auxquelles l’habitat sera moins gourmand en énergie et, donc, épargnera les deniers des familles, faute de quoi je crains que, pendant la crise actuelle, les familles modestes ne soient confrontées à des difficultés croissantes.
M. Roland Courteau. C’est certain !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 520, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries et Teston, Mme Bourzai, MM. Guillaume, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, supprimer les mots :
et sur la plantation d'arbres et de végétaux pérennes.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. L’article 2 traite du changement climatique. La priorité d’action, s’agissant du climat, c’est l’économie et l’efficience. Les deux grands chantiers visés sont le bâti et le transport. Effectivement, leurs émissions de gaz à effet de serre ont encore augmenté depuis 1990, respectivement de 13,5 % et 20 %.
Mais il est fait mention d’un chantier supplémentaire : la plantation d’arbres et de végétaux pérennes. Or une telle mention dans ce paragraphe nous paraît assez contreproductive.
En effet, si les arbres sont pérennes, ils ne répondent pas spécialement aux demandes de la filière forestière, qui, elle, élabore des plans d’exploitation. Par ailleurs, l’intérêt des arbres, en matière de lutte globale contre l’effet de serre, repose sur leur capacité à fixer le carbone. Or cette capacité, due à l’absorption du dioxyde de carbone pendant le jour grâce à la photosynthèse, n’est particulièrement forte que pendant la croissance de l’arbre. Une fois adulte – puisqu’il est question de pérennité, on suppose que la plantation préconisée n’est pas destinée à être coupée, du moins pas avant qu’une longue période ne se soit écoulée –, l’arbre dégage un bilan dioxyde de carbone-oxygène nul, car le carbone absorbé ne fabrique que de la matière de remplacement, à savoir des feuilles et des fruits, qui, durant leur dégradation, rejetteront leur carbone.
Aussi sympathiques que soient les végétaux, les arbres et les forêts aux yeux de ceux qui défendent la nature, ce n’est donc pas dans cet article consacré au changement climatique qu’il faut évoquer l’utilité de leur plantation. Nous évoquerons le soutien aux plantations à l’article 5 et à l’article 19.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
des transports et de l'énergie
rédiger comme suit la fin du premier alinéa du II de cet article :
Ces mesures sont conçues selon une approche conjointe de protection de la qualité de l'air et d'atténuation du changement climatique. La maîtrise de la demande d'énergie constitue la solution durable au problème des coûts croissants de l'énergie pour les consommateurs, notamment pour les ménages les plus démunis particulièrement exposés au renchérissement des énergies fossiles. Le programme d'économies d'énergie dans le secteur du logement comprendra des actions ciblées de lutte contre la précarité énergétique.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 520.
M. Bruno Sido, rapporteur. L’amendement n° 5 vise, tout d’abord, par la suppression de la référence à la plantation d’arbres et de végétaux pérennes, à écarter le risque de mobilisation de ressources pour un usage non prioritaire par rapport à d’autres mesures de lutte contre le réchauffement climatique.
Il tend, ensuite, à mettre en cohérence les politiques de l’air et du climat.
Les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne doivent pas, en effet, conduire à une augmentation des pollutions locales. Inversement, la réduction des polluants locaux ne doit pas aggraver les émissions de gaz à effet de serre.
Les deux sujets ayant été traités séparément dans le présent projet de loi, il convient de les lier de façon cohérente.
Par ailleurs, cela répond, j’en suis sûr, aux demandes exprimées par M. Richert hier à la tribune.
Cet amendement a pour objet, enfin, dans un souci de cohérence rédactionnelle, de déplacer une phrase au sein de cet article.
Quant à l’amendement n° 520, il est satisfait par l’amendement n° 5 : la commission propose à ses auteurs de le retirer.
M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 520 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Nous ne commettrons pas le péché d’orgueil ! L’important est que le texte soit bon : je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 520 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 5 ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Il est favorable, l’amendement n° 5 respectant bien la priorité des objectifs et des actions à mettre en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Nous avions déposé un sous-amendement à l’amendement n° 5, mais il a été, comme nous le redoutions, victime du couperet de l’article 40 ! Notre proposition aurait pourtant mérité d’être prise en compte.
Ce sous-amendement avait en effet pour objet de créer un fonds dédié à l’efficacité énergétique et à la lutte contre la pauvreté énergétique, fonds qui aurait été financé par le produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre.
Jusqu’à présent, selon le système communautaire en vigueur, les recettes de ces enchères étaient directement reversées dans chacun des budgets nationaux. Sous la pression du Parlement européen, la présidence française et les États membres ont pris un engagement moral dans le cadre du compromis arrêté, lors du Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008, sur le paquet « énergie-climat ».
Cet engagement concerne l’emploi d’au moins 50 % des recettes considérées à des mesures de lutte contre le changement climatique dans les domaines suivants : lutte contre la déforestation ; développement des énergies renouvelables ; mesures d’efficacité énergétique ; développement des technologies pouvant « aider à assurer la transition vers une économie à faible émission de CO2, sûre et durable, y compris par le renforcement des capacités, des transferts technologiques, de la recherche et du développement ».
Il nous semblait donc utile d’améliorer l’amendement n° 5. Faute de pouvoir le faire, nous nous abstiendrons.
M. le président. L'amendement n° 145 rectifié ter, présenté par MM. Revet, Laurent, Pointereau et Bécot, Mmes Rozier et Procaccia et MM. Bailly, Pierre, Juilhard, Detcheverry et Magras, est ainsi libellé :
Compléter le septième alinéa de cet article par les mots :
et de l'impact de cette mesure sur la concurrence internationale
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. La France se fixe des objectifs ambitieux en termes de protection de l’environnement, de limitation des rejets de produits toxiques, etc. Elle veut montrer l’exemple et je crois que c’est une bonne chose. Tout le monde ne peut, je le pense, que souscrire à cette démarche !
Cela étant, nous n’allons évidemment pas régler les problèmes du monde à nous seuls ! Nous évoluons désormais dans un monde globalisé, où la concurrence s’avive et où les tensions économiques se font de plus en plus fortes. Dès lors, il nous faut sans doute prendre en compte ce que font les autres pays et nous demander quelles incidences les dispositions que nous prenons peuvent avoir sur notre compétitivité.
C’est dans cet esprit que, avec un certain nombre de collègues, je propose de préciser que, dans l’évolution du système européen d’échange des quotas d’émissions de gaz à effet de serre, il faut tenir compte, non seulement des mesures prises par les autres États membres, mais aussi « de l’impact de cette mesure sur la concurrence internationale ».
Le mieux est souvent l’ennemi du bien !
M. Bruno Sido, rapporteur. Oh oui !
M. Charles Revet. Si, en voulant pousser le dispositif trop loin, nous finissions par mettre en péril la compétitivité de nos entreprises, du fait des surcoûts engendrés, et par perdre des marchés, cela poserait quelques problèmes…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Je répondrai à Charles Revet que la directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre fait partie intégrante du paquet « énergie-climat » adopté, en décembre dernier, sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Je ferai également mention du rapport diligenté par notre collègue Marcel Deneux sur ce sujet.
Il est évident que les opérateurs français et européens ne doivent pas subir de distorsion de concurrence vis-à-vis des opérateurs étrangers.
L’amendement présenté est en réalité satisfait dans la mesure où la France soutiendra la mise en place d’un mécanisme d’ajustement aux frontières pour les importations en provenance des pays qui refuseraient de contribuer à l’effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le dixième alinéa de l’article 2 le prévoit tout à fait expressément.
C’est pourquoi je souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Revet, maintenez-vous votre amendement ?
M. Charles Revet. Monsieur le rapporteur, j’ai bien noté qu’un paragraphe de l’article 2 faisait état du soutien de la France à la mise en place d’un tel mécanisme d’ajustement. Cela étant, avant de retirer mon amendement, j’aurais voulu obtenir des précisions quant à la mise en œuvre de ces dispositions.
Les directives européennes en matière de concurrence nous autoriseront-elles à mettre en place un mécanisme qui, si j’ai bien compris, devrait être un mécanisme de taxation à la frontière ? Si un pays membre – je ne parle même pas des pays extérieurs à l’Union ! – ne prend pas des mesures aussi sévères, créant ainsi une distorsion de concurrence, les autres pays européens pourront-ils appliquer un dispositif de taxation afin de ramener la concurrence à un niveau juste ? Un État aura-t-il la possibilité de mettre en œuvre de telles mesures sans se mettre en défaut vis-à-vis des institutions communautaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur Revet, la distorsion de concurrence à l’échelle internationale, c’est-à-dire entre l’Europe et le reste du monde, constitue un premier sujet. Pour le reste, nous disposons des mécanismes habituels concernant les distorsions de concurrence, qui nous donnent la capacité d’intervenir si ce phénomène est manifestement excessif.
M. Charles Revet. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 145 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 6, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa du II de cet article :
- mettant aux enchères une partie des quotas alloués aux entreprises en prenant en compte l'impact de cette mise aux enchères sur la concurrence internationale à laquelle sont exposés les secteurs concernés. La part des quotas alloués par la mise aux enchères pourra atteindre, à partir de 2013, 100 % si le secteur concerné est en capacité d'en supporter les conséquences sans subir une perte importante de ses parts de marché.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que la mise aux enchères des quotas d’émissions de gaz à effet de serre concerne bien le troisième plan national d’affectation de quotas d’émission de CO2, le PNAQ III, débutant en 2013, et non le PNAQ II, qui couvre la période allant de 2008 à 2012. Pour ce dernier, comme chacun sait, les quotas ont été attribués gratuitement aux entreprises.
Cet amendement est conforme aux nouvelles modalités d’attribution des quotas d’émission de gaz à effet de serre, prévues par la directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre. En vertu de ce texte, il est effectivement mis un terme à l’allocation gratuite des quotas d’ici à 2020, par un recours progressif à des mises aux enchères entre 2013 et 2020.
Il est également prévu, afin de traiter le problème des fuites de carbone, que la Commission européenne répertorie les secteurs industriels fortement consommateurs d’énergie qui seront incapables de répercuter le coût des quotas dans leurs prix de vente sans subir une perte importante de parts de marché. Cette perte se ferait évidemment au profit d’installations établies hors de l’Union européenne et n’étant pas soumises à des mesures comparables en matière de réduction des émissions. Les secteurs concernés pourront ainsi bénéficier de quotas gratuits.
M. le président. Le sous-amendement n° 774, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du second alinéa de l'amendement n°6 par les mots :
, conformément au calendrier fixé par la directive relative au système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter ce sous-amendement et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 6.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous sommes tout à fait favorables à la mise aux enchères d’une partie des quotas alloués. D’ailleurs, pour la période 2008-2012, nous avons introduit le principe consistant à ne plus allouer gratuitement l’intégralité des quotas : nous avons soutenu le texte de la Commission allant dans ce sens.
Ce sous-amendement tend simplement à ajuster l’amendement n° 6 au texte qui a été adopté au niveau européen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n°774 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Ce sous-amendement du Gouvernement apporte une précision opportune. La France doit effectivement se conformer au calendrier établi par une directive qu’elle a réussi d’ailleurs à faire accepter à ses partenaires européens – je le dis avec humour !– grâce à la brillante présidence qu’elle vient d’assumer.
J’émets donc un avis favorable sur ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.
M. Daniel Raoul. Nous ne sommes pas opposés au système envisagé, mais la rédaction de l’amendement n° 6, en particulier le membre de phrase « sans subir une perte importante de ses parts de marché », nous paraît pour le moins vague, en tout cas suffisamment pour que de nombreuses entreprises soient exclues de l’obligation instaurée. Or le système actuel ne fonctionne pas bien à cause des quotas gratuits, qui, de fait, ne sont pas vraiment contraignants. Du reste, nous avons toujours eu des doutes quant à l’efficacité de ce système de régulation par le marché. D’après nous, des mesures plus volontaristes sont nécessaires.
Par conséquent, nous nous abstiendrons. Je comprends bien l’idée sous-tendue par cet amendement n° 6, mais celui-ci n’est pas satisfaisant.
M. Bruno Sido, rapporteur. Pas complètement !