Sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès, M. Jean-Noël Guérini.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
3. Demandes d'autorisation de missions d'information
4. Mise en œuvre du Grenelle de l'environnement. – Suite de la discussion d'un projet de loi
M. Marc Daunis.
Amendement n° 3 de la commission et sous-amendement no 495 de M. Christian Gaudin. – MM. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Christian Gaudin, Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Daniel Raoul. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 494 de M. Christian Gaudin. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendements nos 4 de la commission et 636 de M. Jacques Muller. – MM. le rapporteur, Jacques Muller, Mme la secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement no 4, l’amendement no 636 devenant sans objet.
Amendement n° 316 rectifié de M. Daniel Raoul. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Mmes la secrétaire d'État, Évelyne Didier. – Rejet.
Amendements nos 520 de Mme Marie-Christine Blandin et 5 de la commission. – Mme Marie-Christine Blandin, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Didier Guillaume. – Retrait de l’amendement no 520 ; adoption de l’amendement no 5.
Amendement n° 145 rectifié ter de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, le rapporteur, Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. – Retrait.
Amendement n° 6 de la commission et sous-amendement no 774 du Gouvernement. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Daniel Raoul. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 7 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre d’État, Philippe Richert, Mme Nicole Bricq. – Adoption.
Amendement n° 246 de Mme Évelyne Didier. – Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre d’État. – Rejet.
Amendement n° 317 rectifié de M. Roland Courteau. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, Mmes la secrétaire d'État, Nicole Bricq, M. le ministre d’État. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 613 rectifié de M. Xavier Pintat. – MM. Michel Doublet, le rapporteur, le ministre d’État. – Retrait.
M. Jean Louis Masson.
Amendement n° 8 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 153 de M. Thierry Repentin. – MM. Thierry Repentin, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 152 de M. Thierry Repentin. – MM. Thierry Repentin, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 9 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre d’État, Alain Vasselle. – Adoption.
Amendement n° 259 de Mme Évelyne Didier. – Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
M. Jean Louis Masson.
Amendements nos 635 de M. Jacques Muller et 320 rectifié de M. Roland Courteau. – MM. Jacques Muller, Roland Courteau, le rapporteur, le ministre d’État. – Retrait de l’amendement no 320 rectifié ; rejet de l’amendement no 635.
Amendement n° 627 rectifié de M. Raymond Vall. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur. – Retrait.
Amendement n° 615 de M. Alain Gournac. – MM. Alain Gournac, le rapporteur, Dominique Braye, le ministre d’État. – Retrait.
Amendement n° 10 de la commission, sous-amendement no 361 rectifié de M. Alain Vasselle, et sous-amendements identiques nos 773 rectifié de M. Daniel Raoul, 778 rectifié de M. Raymond Vall et 784 rectifié bis de M. Marcel Deneux. – MM. le rapporteur, Alain Vasselle, Daniel Raoul, François Fortassin, Marcel Deneux, Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques ; Mme la secrétaire d'État, M. Dominique Braye. – Adoption des quatre sous-amendements et de l'amendement modifié.
Amendement n° 260 de Mme Évelyne Didier. – Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 626 rectifié de M. Raymond Vall. – M. François Fortassin. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
M. Jacques Muller.
Amendements nos 637 à 640 de M. Jacques Muller et 11 de la commission. – MM. Jacques Muller, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait des amendements nos 637 et 639 ; rejet de l’amendement no 638 ; adoption de l’amendement no 11, l’amendement no 640 devenant sans objet.
Amendement n° 12 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendements nos 261 de Mme Évelyne Didier et 13 de la commission. – Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait de l’amendement no 261 ; adoption de l’amendement no 13.
Amendements nos 14 à 16 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption des trois amendements.
Amendement n° 713 de M. Thierry Repentin. – MM. Thierry Repentin, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 17 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendements nos 712 et 171 de M. Thierry Repentin. – MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre d’État. – Retrait des deux amendements.
Amendement n° 176 de M. Thierry Repentin. – MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre d’État. – Retrait.
Amendement n° 262 de Mme Évelyne Didier. – Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 174 de M. Thierry Repentin. – MM. Thierry Repentin, le rapporteur, Mme la secrétaire d’État. – Adoption.
Amendement n° 177 de M. Thierry Repentin. – Mme Odette Herviaux, MM. le rapporteur, le ministre d’État. – Retrait.
Amendement n° 130 rectifié de M. Rémy Pointereau. – MM. Rémy Pointereau, le rapporteur, Mme la secrétaire d’État. – Retrait.
Amendement n° 178 de M. Thierry Repentin. – MM. Jean-Pierre Caffet, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 694 rectifié de M. Jean Bizet. – MM. Jean Bizet, le rapporteur, le ministre d’État. – Adoption.
Amendement n° 18 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendements nos 19 de la commission, 695 de M. Jean Bizet et 714 de M. Thierry Repentin. – MM. le rapporteur, Jean Bizet, Thierry Repentin, Mme la secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement no 19, les amendements nos 695 et 714 devenant sans objet.
Amendement n° 681 de M. Jean Bizet. – MM. Jean Bizet, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Dominique Braye, Thierry Repentin. – Retrait.
Amendement n° 20 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 173 rectifié de M. Thierry Repentin. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Alain Vasselle, Mme Évelyne Didier. – Rejet.
Amendement n° 21 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendements identiques nos 22 de la commission et 175 de M. Thierry Repentin. – M. le rapporteur, Mmes Odette Herviaux, la secrétaire d'État. – Adoption des deux amendements.
Amendement n° 23 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 5
Amendement n° 179 de M. Thierry Repentin. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 180 de M. Thierry Repentin. – Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 181 de M. Thierry Repentin. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 715 de M. Thierry Repentin. – MM. Thierry Repentin, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 321 rectifié de M. Daniel Raoul. – Mme Odette Herviaux, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 322 de M. Roland Courteau. – Mme Marie-Christine Blandin, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Roland Courteau. – Adoption.
Amendements nos 24 de la commission et 339 rectifié de M. Jean-Etienne Antoinette. – MM. le rapporteur, Jean-Etienne Antoinette, Mme la secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement no 24, l’amendement no 339 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 323 rectifié de M. Daniel Raoul. – MM. Didier Guillaume, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
5. Prolongation de cinq interventions des forces armées – Débat et votes sur des demandes d’autorisation du Gouvernement
MM. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes ; Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense de des forces armées.
M. Yves Pozzo di Borgo, Mme Michelle Demessine, MM. Jacques Gautier, Jean-Pierre Chevènement, Aymeri de Montesquiou, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.
M. Hervé Morin, ministre de la défense.
Adoption, par scrutins publics, des cinq demandes du Gouvernement d’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées.
6. Dépôt d'une question orale avec débat
7. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès,
M. Jean-Noël Guérini.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Demandes d'autorisation de missions d'information
M. le président. M. le président du Sénat a été saisi par les présidents des six commissions permanentes de demandes tendant à obtenir l’autorisation de désigner des missions d’information dans le cadre de la mission de contrôle du Sénat.
Ces missions d’information pourraient se rendre :
- pour la commission des affaires culturelles :
au Brésil, dans le cadre de l’Année de la France dans ce pays, sur le thème de la diversité culturelle et le sport ;
en Roumanie, pour étudier la politique culturelle et notamment la protection du patrimoine ;
en Finlande, pour étudier l’organisation du système scolaire ;
- pour la commission des affaires économiques :
en Russie, en vue d’étudier les questions énergétiques et la problématique de la présence des entreprises françaises en Russie ;
aux États-Unis, afin d’analyser la nouvelle politique de ce pays à l’égard du changement climatique et de ses enjeux industriels et environnementaux ;
- pour la commission des affaires étrangères :
aux États-Unis, afin de faire le point sur les relations transatlantiques et la nouvelle administration américaine ;
en Inde et au Pakistan afin d’analyser l’évolution de ces pays ;
dans un pays des Balkans et en Albanie, afin de compléter le tour d’horizon de cette région ;
à New York pour se rendre à l’Assemblée générale de l’ONU ;
au Moyen-Orient, afin d’y poursuivre la mission engagée ;
- pour la commission des affaires sociales :
en Polynésie, afin d’y étudier la situation sanitaire et sociale dans ce territoire ;
- pour la commission des lois :
en Suède et en Italie pour y étudier la législation en matière de responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux ;
à Bruxelles, en Angleterre et en Espagne, pour y étudier la législation dans le domaine de la traçabilité des individus, ainsi qu’à Grenoble pour y visiter un centre de recherche en nanotechnologie ;
dans différents pays de l’Union européenne ;
- et pour la commission des finances :
aux États-Unis, dans le cadre des travaux sur les effets de la crise financière internationale et afin de prendre contact avec la nouvelle administration financière américaine ;
à Flamanville et à La Hague, pour organiser le séminaire annuel de la commission sur le thème de l’énergie et du nucléaire.
Le Sénat sera appelé à statuer sur ces demandes dans les formes fixées par l’article 21 du règlement.
4
Mise en œuvre du Grenelle de l'environnement
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (nos 42 et 165).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2.
TITRE IER
LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
Article 2
I. - La lutte contre le changement climatique est placée au premier rang des priorités. Dans cette perspective, est confirmé l'engagement pris par la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 en réduisant de 3 % par an, en moyenne, les rejets de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, afin de ramener à cette échéance ses émissions annuelles de gaz à effet de serre à un niveau inférieur à 140 millions de tonnes équivalent de dioxyde de carbone.
La France se fixe comme objectif de devenir l'économie la plus efficiente en équivalent carbone de la Communauté européenne d'ici à 2020. À cette fin, elle prendra toute sa part à la réalisation de l'objectif de réduction d'au moins 20 % des émissions de gaz à effet de serre de la Communauté européenne à cette échéance, cet objectif étant porté à 30 % pour autant que d'autres pays industrialisés hors de la Communauté européenne s'engagent sur des objectifs comparables et que les pays en développement les plus avancés apportent une contribution adaptée. Elle soutiendra également la conclusion d'engagements internationaux contraignants de réduction des émissions. Elle concourra, de la même manière, à la réalisation de l'objectif d'amélioration de 20 % de l'efficacité énergétique de la Communauté européenne et s'engage à porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de sa consommation d'énergie finale d'ici à 2020. Les objectifs d'efficacité et de sobriété énergétiques exigent la mise en place de mécanismes d'ajustement et d'effacement de consommation d'énergie de pointe. La mise en place de ces mécanismes passera notamment par la pose de compteurs intelligents pour les particuliers, d'abonnement avec effacement des heures de pointe pour les industriels. La maîtrise de la demande d'énergie constitue la solution durable au problème des coûts croissants de l'énergie pour les consommateurs, et notamment pour les ménages les plus démunis, particulièrement exposés au renchérissement des énergies fossiles. Le programme d'économies d'énergie dans le secteur du logement comprendra des actions ciblées de lutte contre la précarité énergétique.
II. - Les mesures nationales de lutte contre le changement climatique porteront en priorité sur la baisse de la consommation d'énergie des bâtiments et la réduction des émissions de gaz à effet de serre des secteurs des transports et de l'énergie et sur la plantation d'arbres et de végétaux pérennes.
Pour la mise en œuvre des objectifs visés au I, les mesures nationales visent à intégrer le coût des émissions de gaz à effet de serre dans la détermination des prix des biens et des services, notamment en :
- améliorant l'information du consommateur sur le coût écologique de ces biens et services ;
- adoptant de nouvelles réglementations ;
- étendant le système européen d'échange des quotas d'émissions de gaz à effet de serre à de nouveaux secteurs, en tenant compte des mesures nationales prises par les autres États membres ;
- mettant aux enchères 100 % des quotas alloués aux entreprises concernées si le secteur le permet, en prenant en compte l'impact de cette mise aux enchères sur la concurrence internationale entre les secteurs concernés par le marché des quotas d'émission.
Dans les six mois suivant la publication de la présente loi, l'État étudiera la création d'une contribution dite « climat-énergie » en vue d'encourager les comportements sobres en carbone et en énergie. Cette contribution aura pour objet d'intégrer les effets des émissions de gaz à effet de serre dans les systèmes de prix par la taxation des consommations d'énergies fossiles. Elle sera strictement compensée par une baisse des prélèvements obligatoires de façon à préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Au terme de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le résultat de cette étude sera rendu public et transmis au Parlement.
La France soutiendra la mise en place d'un mécanisme d'ajustement aux frontières pour les importations en provenance des pays qui refuseraient de contribuer à raison de leurs responsabilités et capacités respectives à l'effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre après 2012.
Les dispositifs incitatifs économiques et les financements publics consacrés à des investissements de production ou de consommation d'énergie tiendront compte des économies d'énergie réalisées et du temps nécessaire à la rentabilisation des investissements concernés. L'efficience de ces mécanismes et dispositifs sera évaluée notamment au regard de leur coût par rapport au volume d'émissions de gaz à effet de serre évitées.
Les dispositifs incitatifs économiques et les financements publics qui auront pour objet la réduction des émissions de gaz à effet de serre devront être justifiés notamment par référence au coût de la tonne de dioxyde de carbone évitée ou définitivement stockée.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, sur l'article.
M. Marc Daunis. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la volonté de lutter contre le changement climatique résulte des débats très positifs qui se sont déroulés lors du Grenelle de l’environnement. La concertation a permis aux acteurs de la société civile de se rencontrer et d’échanger. Nous nous en félicitons, mais la traduction législative de ces échanges est décevante.
Certes, le titre Ier du projet de loi que nous examinons est fort opportunément intitulé « Lutte contre le changement climatique ». Toutefois, son contenu souffre de l’absence de résolutions claires. Cette lacune apparaît encore plus flagrante quand certains semblent prendre prétexte de la tourmente financière et économique que le monde traverse pour affirmer qu’un tel projet de loi perd largement de sa pertinence, et quelques-uns des amendements déposés sur ce texte vont dans ce sens.
À mes yeux, ceux-là ont tort à plusieurs titres : d’abord, parce qu’il est à craindre que le dérèglement climatique, qui est désormais une certitude, ne s’emballe dans un avenir proche ; ensuite, parce que les ressources en énergie fossile s’épuisent. Ce sont là des évidences que nul ne peut nier aujourd’hui et elles doivent nous conduire à partager une conviction profonde.
Un changement profond est nécessaire, porté par l’innovation, qui est, vous le savez, le fer de lance de Valbonne-Sophia Antipolis. Et l’innovation dans tous les domaines, particulièrement dans le secteur du développement durable, doit être un élément important de la réponse à la crise financière, économique et sociale, afin d’inventer de nouveaux modes de consommation, de circulation, de vie, de nouvelles règles d’urbanisme solidaires et conviviales.
Or je constate avec regret que les plans de relance qui ont été adoptés n’ouvrent pas la voie à la nécessaire transition vers une véritable économie du développement durable. Des milliards d’euros sont trouvés pour sauver notre système financier. Permettez-nous de penser que l’avenir de la planète mérite au moins autant d’attention !
Osons un parallèle, même si nous savons que comparaison n’est pas forcément raison. Faute d’avoir entendu les signaux d’alarme qui rendaient cette crise hélas prévisible, le système financier a laissé une spéculation financière débridée se développer sans le moindre contrôle et dans la plus grande opacité. Le système s’est emballé, puis effondré et a plongé le monde dans la crise. Les mêmes signaux d’alarme sont lancés aujourd’hui, mais par la planète, et il est de notre devoir d’en prendre, cette fois-ci, toute la mesure. Il y a urgence et la loi devrait être à la hauteur de tels enjeux.
Enfin, un effort budgétaire important sera nécessaire. Les objectifs ambitieux qui ont été définis lors du Grenelle de l’environnement sont revus à la baisse ; sans doute faut-il y voir – je le dis sans arrière-pensées – le résultat d’arbitrages rendus par Bercy ou du poids de certains lobbies.
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, toutes les décisions qui sont prises et les textes législatifs qui nous sont soumis sont, selon moi, marqués par la même tendance, que nous combattons vigoureusement : une fois encore, ce sont les collectivités qui supporteront le poids des mesures décidées puisque les garanties financières de l’État ne sont pas assurées.
Monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous serons amenés à rediscuter de tous ces sujets lors de l’examen du projet de loi Grenelle II, et croyez bien que nous resterons particulièrement vigilants.
Notre position est aujourd’hui à la fois attentive et constructive. Permettez-moi de former le vœu que tout le travail effectué par mes collègues membres du groupe socialiste et apparentés reçoive l’écoute qu’il mérite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Considérant que la région arctique joue un rôle central dans l'équilibre global du climat de la planète, la France soutiendra la création d'une commission scientifique internationale sur l'Arctique.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques. Hier soir, nous avons supprimé les deux derniers alinéas de l’article 1er afin de les faire figurer à une place plus adéquate dans le projet de loi. L’amendement n° 3, par coordination, reprend les termes de l’avant-dernier alinéa de l’article 1er.
M. le président. Le sous-amendement n° 495, présenté par M. C. Gaudin et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de l'amendement n° 3, remplacer les mots :
d'une commission scientifique internationale sur l'Arctique
par les mots :
d'un observatoire scientifique international de l'Arctique
La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, afin de respecter une certaine logique et si vous le permettez, je présenterai également l’amendement n° 494.
L’Assemblée nationale a introduit une disposition visant à créer une commission scientifique internationale sur l’Arctique, prenant très justement en considération le rôle central de cette région sur le climat de la planète.
Or la création d’une telle commission ne me semble pas nécessaire puisqu’il existe d’ores et déjà, auprès du Conseil de l’Arctique, une commission scientifique internationale de l’Arctique.
Il reste que la coordination des travaux scientifiques menés dans l’Arctique doit encore être améliorée. En 2006, l’académie des sciences des États-Unis a été à l’initiative du projet d’un observatoire scientifique international et multidisciplinaire de l’Arctique pour pallier, notamment, les insuffisances scientifiques et opérationnelles des dispositifs existants.
À l’échelon du Conseil de l’arctique, un groupe de préfiguration a été créé à la fin de l’année 2006 et a rendu ses recommandations en faveur du projet précité au mois d’octobre 2008. Au mois de juillet dernier, après une mission dans l’archipel du Svalbard, situé dans l’Arctique, j’ai été nommé auprès de Mme la ministre de la recherche pour travailler avec la communauté scientifique polaire française sur ce sujet.
Le ministère de la recherche a récemment désigné le CNRS comme chef de file national pour fédérer la communauté scientifique française dans ce cadre, à la suite du rapport que j’ai présenté au début du mois de novembre.
Compte tenu de l’ensemble de ces initiatives et de l’engagement formulé lors du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a organisé à Monaco, les 9 et 10 novembre derniers, la conférence internationale sur l’Arctique, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, notamment pour que nos partenaires se mobilisent sur ce projet. Monsieur le ministre d’État, vous présidiez cette conférence en tant que représentant la présidence française de l’Union européenne. C’est avec un grand honneur que je vous ai accompagné à cette conférence.
C’est pourquoi il paraît à la fois conforme aux engagements du Grenelle de l’environnement, au droit international et à l’action de notre pays dans le cadre de la présidence française de l’Union française de retenir la volonté de la France de contribuer à la création, non pas d’une commission scientifique internationale, puisqu’une telle instance existe déjà, mais d’un observatoire scientifique international.
Cependant, le remplacement de la commission par un observatoire n’est pour moi qu’une première étape. C’est pourquoi je propose, avec l’amendement n° 494, que, dans l’esprit du Grenelle de l’environnement, la France participe à l’adaptation de la réglementation internationale aux nouveaux usages de l’Arctique rendus possible par l’accessibilité croissante de cet océan.
En effet, l’engagement n° 230 du Grenelle de l’environnement prévoit l’« initiation d’un traité de l’Arctique pendant la présidence française ». Cette formulation semble reposer sur deux idées : d'une part, l’Arctique ne serait régi par aucun texte international ; d'autre part, il serait souhaitable d’élaborer un traité général, à l’instar du traité de Washington, mis en place en 1959 pour le continent antarctique.
En fait, l’Arctique fait d'ores et déjà l’objet d’une réglementation internationale : à la différence de l’Antarctique qui, comme vous le savez, est un continent, l’océan Arctique se trouve régi, comme toutes les mers du globe, par la convention sur le droit de la mer de Montego Bay, signée en 1982.
Cette région s’inscrit même dans un cadre particulier, puisqu’il s'agit d’une mer semi-fermée, relevant de la partie IX de ladite convention. Le Conseil de l’Arctique, qui réunit les États riverains – la France y est, à l’instar de plusieurs autres pays européens, observateur – est donc compétent sur ces questions.
C’est dans ce cadre qu’un important accord, la convention OSPAR de 1992 pour la protection de l’environnement de l’Atlantique du nord-est, dont le nom résulte de la contraction de « Oslo et Paris », protège déjà environ 25 % de l’océan Arctique.
Par ailleurs, il faut garder à l’esprit, notamment au regard du débat qui s’est déroulé à l’Assemblée nationale lors de la première lecture de ce projet de loi, que les droits des États riverains de l’Arctique, dans la définition de leur mer territoriale et de leur zone économique exclusive, sont régis par la convention de Montego Bay et reconnus, sans contestation possible et sans exception, par l’ensemble de la communauté internationale.
Cela dit, la disparition progressive de la banquise estivale s’accélère et permet des activités qui n’étaient pas possibles il y a seulement quelques années.
Les progrès technologiques aidant, l’exploitation de l’Arctique devient envisageable. Elle constitue autant une opportunité de développement pour ses habitants, comme le montre le cas du Groenland, qu’un danger pour l’environnement.
Ainsi, dans l’immédiat, c’est non pas un traité – la convention de Montego Bay régit déjà spécifiquement la navigation dans les zones recouvertes par les glaces –, mais un faisceau d’accords internationaux qui est nécessaire afin d’assurer la gouvernance adaptée et, in fine, la protection de l’espace arctique. La volonté exprimée par l’engagement n° 230 du Grenelle serait ainsi pleinement traduite.
Tel est l’objet de cet amendement : faire en sorte que la France s’engage à promouvoir ou à accompagner l’adaptation de la réglementation internationale rendue nécessaire par la disparition progressive de la banquise.
Au demeurant, me semble-t-il, au sein de la sphère des relations internationales, on ne comprendrait pas que la France n’inscrive pas cette volonté dans un texte aussi fondateur que le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 495 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Nous estimons qu’il s'agit d’une disposition de bon sens, la commission scientifique internationale sur l’Arctique existant déjà.
La création d’un observatoire multidisciplinaire de cet océan pour pallier les insuffisances scientifiques et opérationnelles des dispositifs existants est tout à fait pertinente. Je formule donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Le Gouvernement émet un avis favorable tant sur le sous-amendement n° 495 que sur l’amendement n° 3.
L’Arctique est le thermomètre du monde en même temps que son régulateur. Nous avions d'ailleurs reconnu son importance en organisant une conférence internationale sur cet océan à Monaco, en novembre dernier, lors de la présidence française de l’Union européenne. Par conséquent, nous sommes favorables à tout ce qui peut rendre cohérentes les observations scientifiques réalisées sur l’Arctique.
M. le président. Mes chers collègues, sans me mêler de ce débat, je constate avec étonnement que l’Antarctique n’est pas évoqué dans ce texte, alors que le rôle de ce continent dans la régulation du climat est très important. Mais peut-être M. Gaudin en parlera-t-il plus tard…
Je mets aux voix le sous-amendement n° 495.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.
M. Daniel Raoul. Nous sommes, bien sûr, tout à fait favorables à l’amendement n° 3, comme nous l’étions au sous-amendement n° 495 de notre collègue Gaudin, qui a très bien évoqué les enjeux s’attachant à ces missions scientifiques.
Nous sommes d’autant plus favorables qu’un amendement similaire avait été présenté à l’Assemblée nationale par notre collègue Jean-Yves Le Déaut qui, comme Christian Gaudin et moi-même, siège au sein de l’OPECST, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. À l’évidence, il y a collusion entre les membres de cet organisme ! (Sourires.)
Nous soutenons donc doublement cet amendement : en raison de son intérêt et de son origine.
M. le président. Je constate que cet amendement a également été adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 494, présenté par M. C. Gaudin et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
En outre, afin d'en protéger l'environnement, elle promouvra ou accompagnera, dans le cadre des instances internationales compétentes, l'adaptation de la réglementation internationale aux nouveaux usages de l'océan Arctique rendus possibles par son accessibilité croissante.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Les nouvelles utilisations de l’Arctique constituent tout à la fois une opportunité de développement et un danger pour l’environnement, comme chacun l’a compris.
Monsieur Gaudin, je partage pleinement votre souci de protéger cet espace, qui joue un rôle central, au même titre que la forêt amazonienne, en ce qui concerne tant l’équilibre global du climat que l’environnement.
J’émets donc un avis tout à fait favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer les quatre dernières phrases du second alinéa du I de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement est purement rédactionnel. Les dispositions qu’il tend à supprimer ont vocation à être insérées à l'article 16 du présent projet de loi, qui est consacré à l'efficacité énergétique.
M. le président. L'amendement n° 636, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
À la fin de l'avant-dernière phrase du second alinéa du I de cet article, supprimer le mot :
fossiles
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. L’objet de cet amendement est de pointer une réalité qui n’apparaît pas assez nettement dans le projet de loi : l’énergie électrique nucléaire a, elle aussi, une origine fossile puisqu’elle est fondée sur l’uranium. Par là, je n’entends pas seulement évoquer les processus géologiques qui ont abouti à l’émergence de l’uranium sur notre planète, mais aussi souligner que cette ressource, comme le pétrole, est limitée et sera vouée à la déplétion, c'est-à-dire que sa production baissera et que son prix augmentera jusqu’à sa disparition.
Il est vrai que les estimations officielles de l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique, se veulent rassurantes puisque, selon cette institution, les réserves mondiales d’uranium pourraient alimenter les 435 réacteurs nucléaires existants pendant un siècle.
Toutefois, cette estimation me semble ignorer une réalité importante : la demande actuelle n’est satisfaite qu’à hauteur de 60 % par de l’uranium récemment extrait, le reste provenant de stocks civils et militaires qui s’épuiseront vers 2015.
Il faut rappeler aussi que l’uranium naturel ne contient qu’une fraction très réduite – seulement 0,7 % – d’uranium 235, celui à partir duquel la fission nucléaire est réalisée. La séparation des autres isotopes ne se fait pas facilement, et requiert même une procédure d’enrichissement. C’est ainsi que, en France, sur les cinquante-huit réacteurs existants, quatre ne servent qu’à produire l’énergie nécessaire à cette opération.
Au final, selon les spécialistes, si l’on triplait la production mondiale actuelle d’électricité nucléaire les réserves disponibles d’uranium ne seraient plus que de vingt-cinq ans.
Je pense donc que nous devons inscrire dans la loi que l’uranium est une ressource énergétique comme les autres. Puisque nous nous intéressons, à juste titre d'ailleurs, au renchérissement de la facture énergétique de nos concitoyens les plus démunis, nous devons prendre en compte toutes les énergies, qu’elles soient fossiles au sens courant ou nucléaires, sachant que le nucléaire, comme je viens de le montrer, a lui aussi une origine fossile.
Je propose donc de supprimer l’adjectif « fossiles » et de prévoir dans la loi que le renchérissement, toutes énergies confondues, de la facture énergétique de nos concitoyens les plus démunis sera pris en compte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur Muller, je regrette que vous n’ayez pas participé à la mission commune d’information sur l’électricité et l’approvisionnement de la France et les modalités pour la préserver. Vous vous seriez aperçu, par exemple, que l’électricité est deux fois plus chère en Grande-Bretagne qu’en France. L’électricité d’origine nucléaire – dans notre pays, plus de 80 % de la consommation – ne pèse donc pas particulièrement sur le budget des ménages.
Cela dit, la consommation d’électricité augmentant, le prix de l’uranium suit le même mouvement. Dès lors, l’extraction de ce minerai devient elle-même plus rentable dans des zones où il est moins accessible ou de moindre qualité et, de ce fait, la quantité d’uranium disponible sur le marché s’accroît ! Nous manquerons donc de moins en moins d’uranium à mesure que son prix s’élèvera.
Ce sont bien les énergies fossiles qui, aujourd'hui, sont susceptibles de peser sur le pouvoir d’achat des ménages, car ce sont elles qui se raréfient, ce qui entraîne mécaniquement l’augmentation de leur prix.
L’électricité nucléaire, dont le coût reste largement inférieur à toute autre électricité produite à partir d’un combustible fossile – il suffit d’observer le niveau des prix en Europe pour s’en persuader – ne concerne que très marginalement les ménages.
C'est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous sommes favorables à l’amendement n° 4, qui vise à réécrire l’article et à le rendre plus cohérent.
Monsieur Muller, le projet de loi repose sur l’idée selon laquelle le prix des énergies fossiles connaîtra une hausse structurelle, celui des autres énergies subissant seulement des variations conjoncturelles.
Par ailleurs, la logique de ce texte est de rendre plus contraignante les émissions de carbone ou de gaz à effet de serre. Notre objectif est de réduire la proportion des énergies carbonées par rapport aux autres énergies.
Voilà pourquoi nous sommes donc défavorables à votre amendement n° 636.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.
M. Jacques Muller. Franchement, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'État, je ne comprends pas votre raisonnement !
En tant que maire d’un village, j’ai encore été confronté la semaine dernière à des gens démunis auxquels on coupe l’électricité parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer leur facture.
Je ne comprends pas que, au moment où l’on évoque les sources de chauffage et la situation des plus démunis, on laisse de côté l’électricité. Les ménages les plus modestes ne se chauffent pas nécessairement au fioul, au charbon ou au bois : beaucoup se chauffent à l’électricité ! Et les difficultés de ceux-ci doivent aussi être prises en compte. Pourquoi, lorsqu’on traite de l’attention dont doivent bénéficier les plus démunis, faire un sort particulier à l’électricité sous prétexte qu’elle est produite essentiellement à partir de l’énergie nucléaire ?
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 636 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 316 rectifié, présenté par MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston et Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava, Miquel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
L'État veille à ce que les objectifs d'efficacité et de sobriété énergétique n'excluent personne de la garantie d'un accès de base pour répondre à des besoins vitaux, tels que le chauffage et l'éclairage, à un bien de première nécessité comme l'énergie.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement se situe dans la droite ligne de notre intervention lors de la discussion générale puisqu’il tend à poser un principe fondamental, celui de l'accès à l'énergie pour tous. Ce point a également été évoqué par notre collègue représentant le département de l’Aude, qui n’est d'ailleurs pas seulement concerné par les questions énergétiques, mais aussi par toutes les productions sévèrement touchées par la tempête de ces jours derniers.
Cet amendement vise, d'abord, à faire cesser, pour les plus pauvres, la stigmatisation suscitée par le seul dispositif des tarifs sociaux. C’est là un problème que tous ceux d’entre nous qui sont maires ont rencontré dans leur commune : dès lors que le tarif appliqué à une famille est fonction de ses faibles ressources et que cela est signalé d’une manière ou d’une autre – par exemple, avec la délivrance de tickets d’une certaine couleur –, cela revient un peu à la montrer du doigt.
Cet amendement vise, ensuite, à inciter à une réflexion sur l’élaboration de mécanismes et de dispositifs tarifaires autres que celui du tarif social, qui, au vu des objectifs d’efficacité et de sobriété énergétiques fixés à la suite du Grenelle de l’environnement, ne sera pas à même de répondre à l’accroissement du coût de l’énergie et à ses conséquences sur les foyers les plus modestes.
Nous pensons donc qu’il revient à l’État de mettre en œuvre une politique tarifaire énergétique telle qu’elle permette à tout concitoyen de bénéficier d’un accès minimal à l’énergie, grâce à la garantie d’un prix abordable.
Il s’agit là avant tout d’un amendement d’appel. Nous serons particulièrement attentifs aux réponses que M. le ministre d’État voudra bien nous donner.
La question est donc de savoir comment concilier les impératifs de sobriété et d’efficacité énergétiques et le droit d’accès à un bien de première nécessité comme l’énergie, sur fonds d’augmentation des prix énergétiques.
Je pense, par exemple, aux occupants des 4 millions de logements sociaux, dont on sait que 800 000 sont aujourd’hui dégradés. Je pense aussi aux quelque 5 millions de personnes qui rencontrent des difficultés pour chauffer leur logement : parmi elles, des personnes âgées ne touchant qu’une petite retraite, des chômeurs ou, plus généralement, des pères et mères de famille ne percevant que de très faibles ressources. Les travailleurs pauvres sont de plus en plus nombreux et, particulièrement en temps de crise, constituent une véritable bombe sociale à retardement.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Daniel Raoul. Le logement social n’est pas le seul concerné : plus de la moitié des familles modestes habitent des logements privés.
Faut-il le rappeler, les dépenses énergétiques pèsent en proportion plus lourdement sur le budget des ménages les plus modestes, alors même que les écarts entre les revenus ne cessent de se creuser et les inégalités de croître.
Cet accroissement des inégalités a d’ailleurs conduit, concurremment avec le développement d’une bulle financière alimentée par des rendements à deux chiffres et l’impossibilité, pour certains salariés, d’emprunter pour se loger, au phénomène des subprimes et à la crise financière actuelle.
Comme le montre une analyse récente de l’INSEE sur le budget des ménages, le poids des dépenses d’énergie dans ce budget n’a cessé d’augmenter ces dernières années. D’après l’enquête quinquennale de l’INSEE, en 2006, la part des dépenses énergétiques des 20 % des ménages les plus modestes est deux fois et demie plus élevée que celle des 20 % des ménages les plus riches ; les ménages les plus modestes consacrent 15 % de leur revenu aux dépenses énergétiques, contre seulement 6 % pour les plus riches ; les dépenses en combustibles fossiles des plus aisés représentent moins de 4 % de leur revenu total, quand les ménages les plus défavorisés consacrent presque 9 % de leur revenu total à l’achat de gaz et de produits pétroliers et que les dépenses en électricité des ménages à fort pouvoir d’achat représentent seulement 2 % de leur revenu, contre 6 % pour les ménages les plus pauvres.
M. Roland Courteau. Tout cela est bien noté !
M. Daniel Raoul. Les inégalités sont, en outre, plus marquées en milieu rural qu’en milieu urbain.
Ainsi, la part des dépenses de combustibles pour le chauffage dans le budget des ménages peut varier de 1 à 16 selon le décile du revenu et le lieu de résidence du ménage considéré.
Le Gouvernement estime-t-il que l’amendement qu’il a déposé lors de la première lecture à l’Assemblée nationale sur la pauvreté énergétique répond à cette situation ? Dans le texte qui nous est proposé, il est dit que « la maîtrise de la demande d’énergie constitue la solution durable au problème des coûts croissants de l’énergie pour les consommateurs, et notamment pour les ménages les plus démunis ».
Nous savons tous que les charges pesant sur les ménages risquent fort de s’accroître avec les engagements que nous prenons ici, ne serait-ce que, par exemple, du fait de la mise en place de la contribution climat-énergie ou de tous les travaux d’isolation et de mise aux normes visant notamment à la réalisation d’économies d’énergie, dont le coût se répercutera finalement sur le budget des ménages.
Quid du coût réel des travaux d’isolation pour réduire la facture énergétique ?
Quid du financement des travaux d’économies d’énergie pour les foyers qui n’ont pas les moyens de les réaliser ?
La réponse apportée actuellement par cet article ne nous paraît pas appropriée au regard tant de la dégradation de la situation économique actuelle que de l’augmentation régulière de la part des dépenses énergétiques dans le budget des ménages, notamment des plus modestes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. J’ai retenu de l’intervention de M. Raoul qu’il déplorait la stigmatisation des tarifs très sociaux. Or, en France, s’agissant de l’énergie, notamment de l’électricité, chacun peut bénéficier d’un service de base à un prix minimum. En Grande-Bretagne, l’électricité est deux fois plus chère, et nul ne proteste.
M. Roland Courteau. Ça, vous n’en savez rien !
M. Bruno Sido, rapporteur. Aucune protestation n’est parvenue à nos oreilles : s’il y en a, elles n’ont pas traversé la Manche ! (Sourires.)
Cet amendement est tout à fait louable, mais je me dois de rappeler à ses auteurs qu’il convient de ne pas mettre en péril les systèmes de tarifs sociaux qui existent déjà, et dont bénéficient plus de 700 000 ménages.
Des dispositifs de protection énergétique des foyers précaires – dispositifs anti-coupure, par exemple – donnent pleine satisfaction.
J’ajoute, concernant l’éventuelle stigmatisation qu’a dénoncée M. Raoul, que les commissions départementales ne font pas la publicité de leurs travaux. C’est donc là un argument dont il convient de faire un usage très modéré.
Pour ces différentes raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. Alain Gournac. C’est clair !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. L’intention des auteurs de cet amendement est, certes, très louable. Le Gouvernement a d’ailleurs été très sensible à cette question de l’accès à l’énergie puisque, l’été dernier, il a étendu les dispositifs sociaux pour l’électricité et le gaz.
Cela dit, par le présent texte, il souhaite réduire la précarité énergétique en agissant sur ses fondements structurels. Il est exact que, au cours de ces dernières années, la part du budget des ménages consacrée à l’énergie est passée de 10 % à 15 %.
La priorité du Gouvernement est donc de réduire les besoins de consommation des ménages et, par conséquent, d’accroître l’efficacité énergétique. C’est pourquoi il est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Nous soutiendrons bien entendu cet amendement.
J’entends parler d’intention louable, de sensibilité du Gouvernement aux questions d’énergie.
L’objet du présent projet de loi est de renforcer la maîtrise des dépenses d’énergie. Cependant, avant que le parc social privé, en particulier, soit équipé de façon que cet objectif soit atteint, il se passera du temps et, en attendant, le nombre de personnes en difficulté à cause du niveau trop élevé de leur facture énergétique ne cesse d’augmenter. Tous ceux d’entre nous qui sont maires le constatent dans leur commune.
Il ne me semble pas que les tarifs sociaux permettent réellement d’aider les familles. Nous devons donc trouver des solutions en attendant que soient mises en œuvre toutes les mesures grâce auxquelles l’habitat sera moins gourmand en énergie et, donc, épargnera les deniers des familles, faute de quoi je crains que, pendant la crise actuelle, les familles modestes ne soient confrontées à des difficultés croissantes.
M. Roland Courteau. C’est certain !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 520, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries et Teston, Mme Bourzai, MM. Guillaume, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, supprimer les mots :
et sur la plantation d'arbres et de végétaux pérennes.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. L’article 2 traite du changement climatique. La priorité d’action, s’agissant du climat, c’est l’économie et l’efficience. Les deux grands chantiers visés sont le bâti et le transport. Effectivement, leurs émissions de gaz à effet de serre ont encore augmenté depuis 1990, respectivement de 13,5 % et 20 %.
Mais il est fait mention d’un chantier supplémentaire : la plantation d’arbres et de végétaux pérennes. Or une telle mention dans ce paragraphe nous paraît assez contreproductive.
En effet, si les arbres sont pérennes, ils ne répondent pas spécialement aux demandes de la filière forestière, qui, elle, élabore des plans d’exploitation. Par ailleurs, l’intérêt des arbres, en matière de lutte globale contre l’effet de serre, repose sur leur capacité à fixer le carbone. Or cette capacité, due à l’absorption du dioxyde de carbone pendant le jour grâce à la photosynthèse, n’est particulièrement forte que pendant la croissance de l’arbre. Une fois adulte – puisqu’il est question de pérennité, on suppose que la plantation préconisée n’est pas destinée à être coupée, du moins pas avant qu’une longue période ne se soit écoulée –, l’arbre dégage un bilan dioxyde de carbone-oxygène nul, car le carbone absorbé ne fabrique que de la matière de remplacement, à savoir des feuilles et des fruits, qui, durant leur dégradation, rejetteront leur carbone.
Aussi sympathiques que soient les végétaux, les arbres et les forêts aux yeux de ceux qui défendent la nature, ce n’est donc pas dans cet article consacré au changement climatique qu’il faut évoquer l’utilité de leur plantation. Nous évoquerons le soutien aux plantations à l’article 5 et à l’article 19.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
des transports et de l'énergie
rédiger comme suit la fin du premier alinéa du II de cet article :
Ces mesures sont conçues selon une approche conjointe de protection de la qualité de l'air et d'atténuation du changement climatique. La maîtrise de la demande d'énergie constitue la solution durable au problème des coûts croissants de l'énergie pour les consommateurs, notamment pour les ménages les plus démunis particulièrement exposés au renchérissement des énergies fossiles. Le programme d'économies d'énergie dans le secteur du logement comprendra des actions ciblées de lutte contre la précarité énergétique.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 520.
M. Bruno Sido, rapporteur. L’amendement n° 5 vise, tout d’abord, par la suppression de la référence à la plantation d’arbres et de végétaux pérennes, à écarter le risque de mobilisation de ressources pour un usage non prioritaire par rapport à d’autres mesures de lutte contre le réchauffement climatique.
Il tend, ensuite, à mettre en cohérence les politiques de l’air et du climat.
Les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne doivent pas, en effet, conduire à une augmentation des pollutions locales. Inversement, la réduction des polluants locaux ne doit pas aggraver les émissions de gaz à effet de serre.
Les deux sujets ayant été traités séparément dans le présent projet de loi, il convient de les lier de façon cohérente.
Par ailleurs, cela répond, j’en suis sûr, aux demandes exprimées par M. Richert hier à la tribune.
Cet amendement a pour objet, enfin, dans un souci de cohérence rédactionnelle, de déplacer une phrase au sein de cet article.
Quant à l’amendement n° 520, il est satisfait par l’amendement n° 5 : la commission propose à ses auteurs de le retirer.
M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 520 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Nous ne commettrons pas le péché d’orgueil ! L’important est que le texte soit bon : je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 520 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 5 ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Il est favorable, l’amendement n° 5 respectant bien la priorité des objectifs et des actions à mettre en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Nous avions déposé un sous-amendement à l’amendement n° 5, mais il a été, comme nous le redoutions, victime du couperet de l’article 40 ! Notre proposition aurait pourtant mérité d’être prise en compte.
Ce sous-amendement avait en effet pour objet de créer un fonds dédié à l’efficacité énergétique et à la lutte contre la pauvreté énergétique, fonds qui aurait été financé par le produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre.
Jusqu’à présent, selon le système communautaire en vigueur, les recettes de ces enchères étaient directement reversées dans chacun des budgets nationaux. Sous la pression du Parlement européen, la présidence française et les États membres ont pris un engagement moral dans le cadre du compromis arrêté, lors du Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008, sur le paquet « énergie-climat ».
Cet engagement concerne l’emploi d’au moins 50 % des recettes considérées à des mesures de lutte contre le changement climatique dans les domaines suivants : lutte contre la déforestation ; développement des énergies renouvelables ; mesures d’efficacité énergétique ; développement des technologies pouvant « aider à assurer la transition vers une économie à faible émission de CO2, sûre et durable, y compris par le renforcement des capacités, des transferts technologiques, de la recherche et du développement ».
Il nous semblait donc utile d’améliorer l’amendement n° 5. Faute de pouvoir le faire, nous nous abstiendrons.
M. le président. L'amendement n° 145 rectifié ter, présenté par MM. Revet, Laurent, Pointereau et Bécot, Mmes Rozier et Procaccia et MM. Bailly, Pierre, Juilhard, Detcheverry et Magras, est ainsi libellé :
Compléter le septième alinéa de cet article par les mots :
et de l'impact de cette mesure sur la concurrence internationale
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. La France se fixe des objectifs ambitieux en termes de protection de l’environnement, de limitation des rejets de produits toxiques, etc. Elle veut montrer l’exemple et je crois que c’est une bonne chose. Tout le monde ne peut, je le pense, que souscrire à cette démarche !
Cela étant, nous n’allons évidemment pas régler les problèmes du monde à nous seuls ! Nous évoluons désormais dans un monde globalisé, où la concurrence s’avive et où les tensions économiques se font de plus en plus fortes. Dès lors, il nous faut sans doute prendre en compte ce que font les autres pays et nous demander quelles incidences les dispositions que nous prenons peuvent avoir sur notre compétitivité.
C’est dans cet esprit que, avec un certain nombre de collègues, je propose de préciser que, dans l’évolution du système européen d’échange des quotas d’émissions de gaz à effet de serre, il faut tenir compte, non seulement des mesures prises par les autres États membres, mais aussi « de l’impact de cette mesure sur la concurrence internationale ».
Le mieux est souvent l’ennemi du bien !
M. Bruno Sido, rapporteur. Oh oui !
M. Charles Revet. Si, en voulant pousser le dispositif trop loin, nous finissions par mettre en péril la compétitivité de nos entreprises, du fait des surcoûts engendrés, et par perdre des marchés, cela poserait quelques problèmes…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Je répondrai à Charles Revet que la directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre fait partie intégrante du paquet « énergie-climat » adopté, en décembre dernier, sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Je ferai également mention du rapport diligenté par notre collègue Marcel Deneux sur ce sujet.
Il est évident que les opérateurs français et européens ne doivent pas subir de distorsion de concurrence vis-à-vis des opérateurs étrangers.
L’amendement présenté est en réalité satisfait dans la mesure où la France soutiendra la mise en place d’un mécanisme d’ajustement aux frontières pour les importations en provenance des pays qui refuseraient de contribuer à l’effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le dixième alinéa de l’article 2 le prévoit tout à fait expressément.
C’est pourquoi je souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Revet, maintenez-vous votre amendement ?
M. Charles Revet. Monsieur le rapporteur, j’ai bien noté qu’un paragraphe de l’article 2 faisait état du soutien de la France à la mise en place d’un tel mécanisme d’ajustement. Cela étant, avant de retirer mon amendement, j’aurais voulu obtenir des précisions quant à la mise en œuvre de ces dispositions.
Les directives européennes en matière de concurrence nous autoriseront-elles à mettre en place un mécanisme qui, si j’ai bien compris, devrait être un mécanisme de taxation à la frontière ? Si un pays membre – je ne parle même pas des pays extérieurs à l’Union ! – ne prend pas des mesures aussi sévères, créant ainsi une distorsion de concurrence, les autres pays européens pourront-ils appliquer un dispositif de taxation afin de ramener la concurrence à un niveau juste ? Un État aura-t-il la possibilité de mettre en œuvre de telles mesures sans se mettre en défaut vis-à-vis des institutions communautaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur Revet, la distorsion de concurrence à l’échelle internationale, c’est-à-dire entre l’Europe et le reste du monde, constitue un premier sujet. Pour le reste, nous disposons des mécanismes habituels concernant les distorsions de concurrence, qui nous donnent la capacité d’intervenir si ce phénomène est manifestement excessif.
M. Charles Revet. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 145 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 6, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa du II de cet article :
- mettant aux enchères une partie des quotas alloués aux entreprises en prenant en compte l'impact de cette mise aux enchères sur la concurrence internationale à laquelle sont exposés les secteurs concernés. La part des quotas alloués par la mise aux enchères pourra atteindre, à partir de 2013, 100 % si le secteur concerné est en capacité d'en supporter les conséquences sans subir une perte importante de ses parts de marché.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que la mise aux enchères des quotas d’émissions de gaz à effet de serre concerne bien le troisième plan national d’affectation de quotas d’émission de CO2, le PNAQ III, débutant en 2013, et non le PNAQ II, qui couvre la période allant de 2008 à 2012. Pour ce dernier, comme chacun sait, les quotas ont été attribués gratuitement aux entreprises.
Cet amendement est conforme aux nouvelles modalités d’attribution des quotas d’émission de gaz à effet de serre, prévues par la directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre. En vertu de ce texte, il est effectivement mis un terme à l’allocation gratuite des quotas d’ici à 2020, par un recours progressif à des mises aux enchères entre 2013 et 2020.
Il est également prévu, afin de traiter le problème des fuites de carbone, que la Commission européenne répertorie les secteurs industriels fortement consommateurs d’énergie qui seront incapables de répercuter le coût des quotas dans leurs prix de vente sans subir une perte importante de parts de marché. Cette perte se ferait évidemment au profit d’installations établies hors de l’Union européenne et n’étant pas soumises à des mesures comparables en matière de réduction des émissions. Les secteurs concernés pourront ainsi bénéficier de quotas gratuits.
M. le président. Le sous-amendement n° 774, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du second alinéa de l'amendement n°6 par les mots :
, conformément au calendrier fixé par la directive relative au système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter ce sous-amendement et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 6.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous sommes tout à fait favorables à la mise aux enchères d’une partie des quotas alloués. D’ailleurs, pour la période 2008-2012, nous avons introduit le principe consistant à ne plus allouer gratuitement l’intégralité des quotas : nous avons soutenu le texte de la Commission allant dans ce sens.
Ce sous-amendement tend simplement à ajuster l’amendement n° 6 au texte qui a été adopté au niveau européen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n°774 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Ce sous-amendement du Gouvernement apporte une précision opportune. La France doit effectivement se conformer au calendrier établi par une directive qu’elle a réussi d’ailleurs à faire accepter à ses partenaires européens – je le dis avec humour !– grâce à la brillante présidence qu’elle vient d’assumer.
J’émets donc un avis favorable sur ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.
M. Daniel Raoul. Nous ne sommes pas opposés au système envisagé, mais la rédaction de l’amendement n° 6, en particulier le membre de phrase « sans subir une perte importante de ses parts de marché », nous paraît pour le moins vague, en tout cas suffisamment pour que de nombreuses entreprises soient exclues de l’obligation instaurée. Or le système actuel ne fonctionne pas bien à cause des quotas gratuits, qui, de fait, ne sont pas vraiment contraignants. Du reste, nous avons toujours eu des doutes quant à l’efficacité de ce système de régulation par le marché. D’après nous, des mesures plus volontaristes sont nécessaires.
Par conséquent, nous nous abstiendrons. Je comprends bien l’idée sous-tendue par cet amendement n° 6, mais celui-ci n’est pas satisfaisant.
M. Bruno Sido, rapporteur. Pas complètement !
M. Daniel Raoul. Vous n’êtes pas suffisamment volontaristes !
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début de la première phrase du septième alinéa du II de cet article, supprimer les mots :
Dans les six mois suivant la publication de la présente loi,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel. Il convient effectivement de supprimer la redondance qui apparaît dans la première phrase de l’alinéa ici visé. Le délai de six mois est mentionné plus bas, et ce de façon plus opportune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.
M. Philippe Richert. Je me demande si je n’aurais pas dû déposer un sous-amendement qui aurait tendu, en complément des apports de l’amendement de la commission, à mentionner, dans ce même alinéa, la création d’une contribution dite « climat-air-énergie ».
En effet, ainsi que nous l’avons dit hier soir, il est important de ne pas se limiter au climat et à l’énergie, mais aussi de tenir compte de l’air et de la pollution atmosphérique.
Je ne crois pas qu’un tel ajout aurait fondamentalement remis en cause l’équilibre du texte.
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Il nous paraît extrêmement pertinent d’introduire l’air à l’échelon territorial, notamment dans les plans « climat-énergie » territoriaux, qui deviendraient alors des plans « climat-air-énergie ». Cette proposition pourra être discutée à l’occasion de l’examen d’articles ultérieurs. Ce serait une façon de régler le problème soulevé par M. Fischer.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur Richert, je sais que vous aviez deux propositions à formuler. Nous reprenons l’une d’entre elles dans un autre article.
Cela étant dit, n’ayant pas eu le temps d’expertiser votre demande, je m’en remets au Gouvernement pour nous expliquer le fond de l’affaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Si nous souhaitons lancer une étude sur la création de cette contribution climat-énergie, c’est en vue de donner, à travers les prix, un signal concernant l’utilisation des énergies génératrices d’émissions de carbone, de manière à éviter que les décisions d’investissement des acteurs économiques, notamment des ménages, ne soient pas uniquement guidées par les fluctuations conjoncturelles.
Rappelez-vous : à la suite de la crise pétrolière survenue voilà une trentaine d’années, un certain nombre d’initiatives avaient été immédiatement prises. Par la suite, le prix du baril s’était provisoirement effondré, avant de remonter. L’ensemble des investissements avait alors été arrêté.
Sur le plan théorique, je ne suis pas hostile à l’idée de donner un prix à l’air pollué, mais cela nécessite, me semble-t-il, le lancement d’une deuxième étude, car je ne vois pas comment nous pourrions le faire sur la base de la première. En effet, s’il s’agit d’évaluer en quelque sorte le prix de l’air, il faut définir une méthode. Mais je suis tout à fait prêt à prendre l’engagement de lancer une telle étude. Au demeurant, une proposition sera faite tout à l’heure pour la forêt en vue de donner un « signal prix » à la capture du carbone.
Par ailleurs, je viens d’y faire allusion, nous proposerons au cours de la discussion d’inclure la problématique de l’air dans le cadre des plans « climat-énergie » territoriaux.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Si l’amendement n° 7 a effectivement pour objet de supprimer une redondance, il n’en est pas pour autant uniquement rédactionnel dans la mesure où la commission soulève, par ce biais, le problème de la mise en œuvre de la « contribution carbone », que, au groupe socialiste, nous appelons plutôt « taxe carbone ».
À mon sens, comme l’a souligné notre collègue Daniel Raoul tout à l’heure, il nous faut faire preuve d’un certain volontarisme en la matière, y compris dans la rédaction même de ce projet de loi dit « Grenelle I ».
Monsieur le ministre d’État, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, le 24 novembre dernier, l’ensemble du groupe socialiste, par l’intermédiaire de ses commissaires aux finances, a proposé, pour la troisième année consécutive, d’introduire dans notre fiscalité un mécanisme de taxation du carbone.
Mme Lagarde, qui était alors au banc du Gouvernement, nous a demandé de retirer notre amendement, au motif, justement, du travail qui était entrepris suivant un calendrier relativement précis, qu’elle a bien voulu nous décrire. Je souhaite donc que vous puissiez nous donner des précisions sur l’état d’avancement de ce dossier, car cela nous permettra d’avancer dans la discussion. Il s’agit, en effet, de faire preuve de volontarisme au moment même où le Gouvernement propose de mettre en place un mécanisme de marché, sous la forme de permis d’émissions de carbone, qui sera régulé selon les principes de tout marché financier.
Or, chacun le sait depuis le début de la crise financière actuelle et point n’est besoin de le démontrer désormais, le marché ne règle pas tout. En revanche, l’introduction d’une dose de volontarisme serait fortement souhaitable. Comme tous mes collègues du groupe socialiste, je suis tout à fait favorable à la mise en place d’un mécanisme de marché, à condition d’y associer des régulateurs. Il faut savoir combiner les deux. De ce point de vue, la fiscalité est un élément souple et démocratique, dans la mesure où le Gouvernement en débat devant la représentation nationale.
En l’espèce, le marché aura une longueur d’avance puisque, dans le même temps, des mécanismes fiscaux n’ont pas été mis en place.
Lors de ce même débat du 24 novembre dernier, Mme Lagarde avait déclaré ceci :
« Selon le calendrier établi – elle faisait référence à la directive européenne –, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – dont Mme la secrétaire d’État connaît bien le fonctionnement – achève actuellement un rapport d’études économiques et sociales de la contribution climat-énergie, commandé par M. le ministre d’État.
« Sur la base de ces travaux aura lieu, au premier trimestre 2009 – nous y sommes ! –, une conférence de consensus qui rassemblera des experts français et étrangers de haut niveau chargés d’arriver à une analyse techniquement partagée de cette mesure. Cette analyse sera transmise au Parlement et aux parties prenantes du Grenelle avant le 30 juin 2009 pour servir de base à d’éventuelles propositions. »
Nous en revenons donc au calendrier. Si un tel travail est engagé, il me paraît assez légitime que ce problème soit de nouveau posé lors de la discussion du Grenelle II puisque ce dernier texte s’annonce comme l’engagement opérationnel du présent projet de loi de programme.
Je le répète, l’amendement de la commission n’est pas tout à fait sans rapport avec notre volonté de mettre en place un mécanisme fiscal de contribution énergétique.
Notre proposition a tout de même l’avantage de prendre en compte la redistribution sociale, ainsi que les transports collectifs, lesquels feront l’objet de notre amendement qui sera défendu dans un instant par Roland Courteau. Il a donc toute son importance.
Si vous voulez gagner du temps, monsieur le ministre d'État, nous pouvons vous faire profiter de notre travail pour avancer dans cette réflexion !
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 246, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Dans l’avant-dernière phrase du septième alinéa du II de cet article, remplacer les mots :
prélèvements obligatoires
par les mots :
cotisations sociales salariales
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Dans le septième alinéa du II de cet article 2, il est donc prévu d’étudier « la création d’une contribution dite "climat-énergie", en vue d’encourager les comportements sobres en carbone et en énergie ». Il est précisé dans ce même alinéa qu’une telle contribution « sera strictement compensée par une baisse des prélèvements obligatoires de façon à préserver le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises ».
Par l’amendement n° 246, nous proposons de remplacer les mots « prélèvements obligatoires » par les mots « cotisations sociales salariales ». Nous souhaitons en effet éviter que la compensation fiscale liée à la taxe carbone ne devienne une espèce de « TVA sociale-carburant ». La piste étudiée pour compenser le poids de la taxe carbone sur le pouvoir d’achat des ménages consiste en une réduction concomitante des cotisations sociales patronales, ce qui ferait finalement supporter par les ménages un coût qui était préalablement supporté par les entreprises. À l’inverse, une baisse des cotisations sociales salariales offrirait une juste compensation fiscale de la taxe carbone.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car rien ne justifie à ses yeux que les cotisations sociales salariales soient les seules concernées par la compensation liée à l’instauration d’une contribution « climat-énergie ».
C’est l’ensemble des prélèvements obligatoires qui doit être visé, et donc les cotisations tant salariales que patronales, ce qui est d’ailleurs logique puisque l’objectif est bien de préserver le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Le Gouvernement émet le même avis que la commission. Il s’agit bien de laisser la porte le plus largement ouverte pour éviter toute attaque contre le pouvoir d’achat, et ce quelle que soit la situation de la personne.
Madame Bricq, je vous confirme que la conférence de consensus à laquelle vous avez fait référence est bien prévue dans ce texte, plus précisément à l'article 42, que le Sénat examinera plus tard. Conformément à ce qui vous a été annoncé, dans l’optique de la préparation de cette conférence et du rapport interministériel qui sera rendu d’ici à une quinzaine de jours, nous avons saisi l’ADEME pour faire un certain nombre de travaux préparatoires. Vous vous en doutez, l’organisation d’une telle conférence de consensus suppose, au préalable, un énorme travail de documentation si nous voulons éviter d’assister à une simple rencontre entre diverses personnalités. La proposition de désignation des experts, cosignée par Christine Lagarde et moi-même la semaine dernière, est sur le bureau du Premier ministre et du Président de la République.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai sous les yeux les statistiques relatives aux émissions de gaz à effet de serre pour 2007, qui viennent d’être établies. Je peux vous dire que la France n’a pas à rougir de sa situation en la matière puisqu’elle renouvelle sa performance de 2006 en enregistrant une baisse de 2 % de ses émissions de gaz à effet de serre en équivalent CO2. Cela la met dans une situation conforme à ses engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto, et même meilleure.
Je tiens à le dire parce que peu de pays ont signé le protocole de Kyoto. Parmi ceux qui l’ont signé, peu l’ont ratifié. Et parmi ceux qui l’ont ratifié, très peu l’honorent ! La France est en avance de 5,6 % par rapport à ses engagements. Elle est revenue à son niveau d’émissions de 1990, ce qui démontre que notre pays a, collectivement, de réelles capacités d’effort. Tout cela est vraiment encourageant !
M. Dominique Braye. Merci à l’énergie électrique, monsieur le ministre d'État ! (Murmures sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Jean Bizet. Entre autres !
M. le président. L’amendement n° 317 rectifié, présenté par MM. Courteau et Raoul, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston et Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava, Miquel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le septième alinéa du II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
En cas d’institution, cette contribution sera pour partie affectée au financement des transports collectifs.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La création d’une contribution dite « climat-énergie » devrait permettre d’intégrer dans les mécanismes de formation des prix les effets des émissions de gaz à effet de serre par la taxation des consommations d’énergies fossiles. Elle est donc supposée orienter la demande vers les produits ayant un impact plus faible sur l'environnement.
Nous proposons que, au cas où cette taxe serait instituée, elle soit en partie affectée au financement des transports collectifs. Les besoins dans ce domaine sont énormes : ainsi, dans certaines zones urbaines, les réseaux doivent être rénovés d’urgence, et de lourds investissements sont aujourd'hui nécessaires en bien des points du territoire.
C'est pourquoi nous présentons cet amendement, dont l’adoption permettra de contribuer au développement et à la modernisation des transports collectifs.
Cela dit, monsieur le ministre d'État, je voudrais vous remercier d’avoir répondu, en partie du moins, au souci qui vient d’être exprimé il y a quelques instants par ma collègue Nicole Bricq.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Il n’a pas paru opportun à la commission, qui a beaucoup réfléchi sur cette question, de prévoir d’ores et déjà un fléchage des ressources d’une contribution qui fait encore actuellement l’objet d’études.
Par ailleurs, l’affectation du produit de cette « taxe carbone » ne doit pas, dès à présent, privilégier un secteur plutôt qu’un autre. Il faut nous laisser le temps de la réflexion, d'une part, sur la création de cette contribution et, d'autre part, sur son fléchage.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, et ce pour une double raison.
D'une part, il n’est pas possible de préjuger qu’il s’agira bien d’un prélèvement supplémentaire qui sera automatiquement affecté.
D'autre part, il y a beaucoup de domaines qui pourraient bénéficier de l’affectation de ces recettes, y compris les économies d’énergies réalisées par les ménages : cela ne concerne pas uniquement les transports publics. Ne préjugeons pas les conclusions futures de l’étude sur cette contribution « climat-énergie ».
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, cette contribution n’est certes pas encore créée, mais bien d’autres dispositions de ce projet de loi de programme n’ont pas encore le moindre début d’application puisque le texte est toujours en cours de discussion !
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Roland Courteau. C’est bien parce que cette contribution n’est pas encore créée que nous avons pris la précaution de préciser, dans le texte de notre amendement, que cette contribution, « en cas d’institution », sera « pour partie » affectée au financement des transports collectifs.
Tout le monde ici, tout au moins de ce côté-ci de l’hémicycle, s’accorde à dire que les besoins en matière de transports collectifs sont énormes, qu’il faut les développer et, dans bien des cas, les moderniser.
C’est pourquoi nous considérons qu’il faut faire preuve de volontarisme et prévoir dès aujourd’hui qu’une partie du produit de cette contribution, si elle est un jour instaurée, sera affectée aux transports en commun.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. L’amendement que nous défendons a sa logique, même si cette contribution n’existe pas encore, et il fait avancer notre débat.
Monsieur le ministre d’État, si nous voulons mettre en place une fiscalité écologique digne de ce nom, à la fois en termes de « signal prix », de redistribution et de mode de développement, nous devons rétablir une fiscalité à taux de prélèvements obligatoires constant ; nous sommes tous d’accord sur ce point et c’est d’ailleurs ce qui est prévu dans la rédaction actuelle du projet de loi, rédaction maintenue par l’Assemblée nationale et soutenue par M. le rapporteur.
Dès lors, il faut opérer un basculement, ce qui ne se fera pas facilement. Si nous voulons éviter que cette fiscalité ne soit ressentie par les contribuables comme une fiscalité additionnelle au profit de la partie la plus aisée de la population, nous devons prévoir des mécanismes de redistribution au niveau de l’affectation de la contribution.
Lorsque nous défendons, à l’occasion de la discussion des lois de finances, le principe de la taxe carbone, nous prévoyons la création d’un fonds de mutation énergétique afin de diriger, dans une optique de redistribution, une partie du produit de la taxe vers les transports collectifs.
Les transports collectifs ne constituent pas le seul vecteur de redistribution. Une autre affectation possible serait le logement social, notamment par le biais de la diminution des charges pesant sur ses locataires. Mais les transports en commun, qu’ils soient financés par l’échelon local ou par l’État, sont un service public fortement redistributeur et donc très important pour les couches les plus défavorisées de la population.
Peut-être est-ce mettre la charrue avant les bœufs que de prévoir l’affectation du produit de cette taxe avant qu’elle soit créée, mais il me semble important, à l’occasion de ce débat et dans la perspective du projet de loi Grenelle II, de réaffirmer notre attachement à la redistribution. Toute fiscalité écologique doit avoir, en même temps, une visée sociale. Or les transports collectifs correspondent à une telle visée.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. De grâce, ne confondez pas deux sujets !
S’agissant des revenus des enchères des quotas d’émissions de gaz à effets de serre après 2012, la directive tend à exiger des États européens qu’ils affectent une partie significative de ces revenus – 40 % ou 50 % – à la transition énergétique et, notamment, aux moyens de transport collectifs.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas dans la loi !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Quant à la contribution « climat-énergie », elle doit créer un « signal prix ». Les gens doivent pouvoir choisir ! Affecter le produit de cette contribution à des travaux d’infrastructure, cela reviendrait à créer une véritable taxe.
N’allons pas trop vite ! Nous souhaitons naturellement augmenter, d’une manière ou d’une autre, le pouvoir d’achat des ménages, notamment par le biais des charges sociales, des droits à la retraite, etc. Mais cette contribution doit être, en termes de pouvoir d’achat, à la fois sociale et neutre.
Mme Nicole Bricq. Les transports collectifs, c’est du pouvoir d’achat ! Ils ont, par définition, une visée éminemment sociale ! Il s’agit d’un service public !
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L’amendement n° 613 rectifié, présenté par M. Pintat, Mme Des Esgaulx et MM. Doublet et Laurent, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 515-12 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 515-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 515-12-1.- L'autorisation d'implantation d'une installation visée à l'article L. 515-8 ne peut être accordée que si le demandeur établit que l'activité de cette installation est, directement ou indirectement, conforme à l'engagement national de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixé par l'article 2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique. »
La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique prévoit, en son article 2, une réduction de 3 % par an des émissions de gaz à effet de serre en France et l’élaboration par l’État d’un plan climat. Cet article prévoit notamment de « développer un bouquet énergétique faiblement émetteur de carbone ».
L’inscription, dans la partie du code de l’environnement relative aux installations susceptibles de donner lieu à des servitudes d’utilité publique, de la subordination des autorisations d’installation au respect des principes de cette loi serait un puissant outil, permettant son application pratique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Si je partage tout à fait le souci de notre collègue de faire respecter les normes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, je considère que cette disposition est en totale contradiction avec l’efficacité économique et environnementale.
En fixant à chaque installation un objectif propre, on ne permet pas à la flexibilité entre les opérateurs de jouer, ce qui n’est pas satisfaisant. Il est plus opportun de raisonner de façon globale, au niveau national.
Je demande donc à M. Doublet de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Doublet, l’amendement n° 613 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Doublet. L’implantation d’installations industrielles à risques importants est une source d’inquiétude légitime pour les populations et les élus. La législation française comporte certes des dispositions pour les encadrer, mais celles-ci gagneraient à être renforcées.
C’est tout l’objet de l’amendement que nous proposons avec Xavier Pintat : il vise à faire inscrire parmi les servitudes d’utilité publique applicables aux installations SEVESO 2 AS, c’est-à-dire les installations potentiellement les plus dangereuses, l’obligation de respecter l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Chacun sait que, directement ou indirectement, l’industrie est à l’origine d’une forte part de ces émissions. C’est pourquoi il reviendrait au demandeur de l’autorisation d’établir si, oui ou non, son projet concourt au développement d’un bouquet énergétique faiblement émetteur de carbone. Plus qu’un signal, cette inscription serait un puissant outil pour encourager, dans la pratique, l’application de la loi.
Cela étant, M. le rapporteur nous ayant indiqué que nous pourrions introduire dans le projet de loi Grenelle II une disposition visant à protéger ce type d’installations, j’accepte de retirer cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 613 rectifié est retiré.
CHAPITRE IER
Réduction des consommations d'énergie des bâtiments
Article 3
Le secteur du bâtiment, qui consomme plus de 40 % de l'énergie finale et contribue pour près du quart aux émissions nationales de gaz à effet de serre, représente le principal gisement d'économies d'énergie exploitable immédiatement. Un plan de rénovation énergétique et thermique des constructions, réalisé à grande échelle, réduira durablement les dépenses énergétiques, améliorera le pouvoir d'achat des ménages et contribuera à la réduction des émissions de dioxyde de carbone. Cette amélioration implique le développement et la diffusion de nouvelles technologies dans la construction neuve et la mise en œuvre d'un programme de rénovation accélérée du parc existant, en prenant systématiquement en compte l'objectif d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite prévu par la législation nationale.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, deux stratégies sont envisageables : soit faire des économies d’énergie ; soit développer les énergies nouvelles. Bien entendu, ces stratégies, nullement exclusives, peuvent être menées de pair. Nous avons cependant le devoir de nous interroger sur le coût économique et la rentabilité de chacune d’entre elles.
Je pense, pour ma part, que la stratégie consistant à promouvoir les économies d’énergie, notamment dans le secteur de l’habitat, et plus encore dans celui de l’habitat existant, est beaucoup moins coûteuse, pour des résultats équivalents, que celle consistant à développer certaines énergies nouvelles.
Il faut tout de même savoir que le prix très élevé auquel EDF achète l’électricité produite avec des éoliennes est finalement à la charge de la collectivité ! On cache la vérité à nos concitoyens : EDF achète l’énergie éolienne plus cher que ce que lui coûte la production d’énergie dans ses propres centrales. Or, en fin de compte, c’est toujours le consommateur qui paie !
M. Alain Fouché. Exactement !
M. Jean Louis Masson. Il serait bien plus intéressant de faire basculer une partie des crédits d’État actuellement consacrés au développement des éoliennes – solution à laquelle je crois peu – vers une politique visant à favoriser les économies d’énergie, notamment dans l’habitat et, au premier chef, dans l’habitat existant.
Ces économies d’énergie permettraient en particulier d’éviter les forts pics de consommation en hiver. C’est au cours des périodes les plus froides, où la consommation d’électricité est la plus intense, que l’impact de ces mesures serait le plus efficace.
Nous devons montrer une farouche détermination en matière d’économies d’énergie, car c’est dans ce domaine que se trouvent les filières d’avenir et les filières les plus rentables en termes de bilan coût-efficacité.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase de cet article, remplacer les mots :
des constructions
par les mots :
des bâtiments existants et de réduction des consommations énergétiques des constructions neuves
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 153, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase de cet article, après le mot :
technologies
insérer les mots :
, en particulier les techniques favorisant l'utilisation des végétaux,
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Cet amendement a pour objet d’introduire la référence à des techniques utilisant des végétaux, telles que les toitures végétalisées et les murs végétaux, parmi les nouvelles technologies à développer dans la construction et la rénovation de bâtiments. En effet, ces techniques améliorent l’isolation thermique et permettent ainsi de réaliser des gains d’énergie dans les bâtiments.
Alors qu’elle reste méconnue en France, la toiture végétalisée est une technique très largement utilisée en Allemagne et dans beaucoup d’autres pays d’Europe. En Allemagne, où le marché est estimé à 13 millions de mètres carrés par an, plus de 40 % des villes proposent d’ores et déjà des incitations financières pour le développement des toitures végétalisées. En Suisse, plusieurs villes vont jusqu’à prélever, pour les bâtiments nouveaux, une taxe par mètre carré de surface bâtie sans végétalisation de toit et sans infiltration de l’eau pluviale.
Certaines études montrent que la végétalisation des toits a des effets sensibles sur la température ambiante. Une toiture végétalisée améliore aussi le confort thermique et acoustique intérieur. Tous ces avantages justifient que ces techniques soient encouragées dans un texte qui se veut porteur d’une véritable transition environnementale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise notamment à encourager le déploiement des toitures végétalisées et des murs végétaux dans la rénovation des bâtiments anciens et dans la construction neuve.
Comme je l’ai déjà indiqué, nous discutons actuellement un projet de loi de programme et je préconise donc de ne pas entrer dans de tels détails. L’article 3 a pour objet de définir les grands objectifs du plan de rénovation des bâtiments ; je pense que nous devons, ici, nous en tenir à cela.
En conséquence, la commission, qui a bien étudié la question, a demandé le retrait de cet amendement. Mais, pour plus de sécurité, nous souhaitons connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Le Gouvernement est tout à fait favorable au développement des toitures végétalisées, qui contribuent de façon importante à la régulation thermique des bâtiments. Mais il ne s’agit que d’une technologie parmi beaucoup d’autres.
L’un des principes contenus dans ce projet de loi vise à proposer des « bouquets » de technologies, qui intègrent notamment celle-ci, mais aussi l’isolation par l’extérieur et bien d’autres formules. Si nous vous suivions, monsieur le sénateur, il nous faudrait citer l’ensemble de ces technologies. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Repentin, l’amendement n° 153 est-il maintenu ?
M. Thierry Repentin. Il nous semblait intéressant de mentionner dans le projet de loi les techniques favorisant l’utilisation de végétaux. Le terme « technologies » nous semblait en effet faire plutôt référence à l’utilisation de nouveaux matériaux.
Il est important de ne pas négliger la solution que représente l’utilisation des végétaux. J’ai cité l’exemple des toitures végétalisées, mais j’aurais également pu prendre celui de la construction de maisons à ossature en bois, qui intègrent la paille en lieu et place des briques.
Mme la secrétaire d’État nous ayant assuré que la technique de l’utilisation des végétaux figurait parmi les « nouvelles technologies » prévues dans l’orientation générale du projet de loi, j’accepte de retirer cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 153 est retiré.
L’amendement n° 152, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase de cet article, après les mots :
construction neuve
insérer les mots :
, l’adoption d'une démarche d'éco-construction
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. J’espère qu’on ne me demandera pas de retirer également cet amendement-ci ! (Sourires.)
Il est rappelé dans cet article que le secteur du bâtiment consomme plus de 40 % de l’énergie finale, contribue pour près du quart aux émissions nationales de gaz à effet de serre et représente le principal gisement d’économies d’énergie exploitable immédiatement. Mais le développement de nouvelles technologies dans la construction neuve ne saurait suffire, à lui seul, à réaliser ces économies. C’est uniquement dans le cadre d’une démarche globale d’éco-construction qu’on obtiendra des résultats significatifs.
L’éco-construction consiste à construire en respectant notre environnement et celui des générations futures, tout en offrant un maximum de confort aux occupants.
Pour mener à bien cette démarche, il faut : identifier les impacts environnementaux des projets tout au long de leur cycle de vie ; favoriser des choix urbanistiques et architecturaux qui privilégient la lumière naturelle, intègre des principes bioclimatiques, garantit une bonne isolation thermique de toute l’enveloppe du bâtiment en respectant la législation en vigueur ; utiliser des matériaux écologiques ou naturels qui consomment peu d’énergie pour leur fabrication, leur transport et leur mise en œuvre ; recourir à des techniques de construction qui nécessitent de la main-d’œuvre plutôt que d’importantes quantités d’énergie ; encourager l’utilisation des énergies renouvelables et/ou des combustibles peu polluants ; favoriser le choix d’équipements « intelligents » – éclairage et électroménager « basse consommation », chauffage efficace et correctement dimensionné, etc.
L’éco-construction, c’est aussi un réseau de PME irriguant le territoire, des PME qui attendent des pouvoirs publics des solutions pour honorer le défi gigantesque auquel elles seront confrontées à court terme. Ce réseau ne demande qu’à être soutenu dans son développement.
Mentionner l’éco-construction dans ce texte serait en reconnaître l’importance stratégique.
Nous reparlerons ultérieurement de l’éco-construction, en la situant non dans une filière concrète, mais dans le cadre d’une plateforme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. J’ai l’impression que l’auteur de l’amendement fait les questions et les réponses ! (Sourires.)
M. Thierry Repentin. J’essaie d’anticiper la réponse ! (Nouveaux sourires.)
M. Bruno Sido, rapporteur. Nous sommes tout à fait d’accord sur le fond. Pour autant, on peut se demander si cette proposition n’est pas déjà satisfaite par la rédaction de l’article 6 du projet de loi, qui précise que l’État encouragera des actions de formation professionnelle dans le domaine de l’efficacité énergétique et que les programmes publics de recherche seront orientés vers les nouvelles générations de bâtiments faiblement consommateurs d’énergie, l’utilisation des énergies renouvelables et les techniques de rénovation performantes. Qu’y voir d’autre que l’adoption d’une démarche d’éco-construction ?
Pour préserver la cohérence du texte, je propose à M. Repentin de retirer son amendement, faute de quoi la commission y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également très partisan du principe de l’éco-construction, laquelle dépasse l’assemblage de technologies pour exprimer une conception véritablement nouvelle des bâtiments et des constructions en général.
Cela dit, comme l’a souligné M. le rapporteur, ce principe est intégré à l’article 6 ; il faut l’entendre, non sous l’angle réducteur d’une plateforme, mais de manière extensive.
Nous vous suggérons donc, monsieur Repentin, de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Repentin, accédez-vous au souhait de la commission et du Gouvernement ?
M. Thierry Repentin. Pas cette fois-ci, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin de la dernière phrase de cet article, remplacer les mots :
à mobilité réduite prévu par la législation nationale
par les mots :
présentant un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est un amendement de précision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je m’interroge sur l’intérêt d’inclure cette disposition dans l’article 3 : n’avons-nous pas voté, il n’y a pas si longtemps, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ? Il y est prévu que tous les bâtiments doivent être adaptés au handicap. Je m’étonne donc qu’il apparaisse nécessaire de faire figurer cette précision dans le présent texte.
De deux choses l’une : soit les dispositions du code de la construction sont insuffisantes, auquel cas le législateur de 2005 a mal rédigé un texte destiné à s’appliquer à l’ensemble des constructions neuves et à la rénovation ; soit la présente disposition cache une arrière-pensée, à savoir que l’on chercherait à obliger tout constructeur individuel, c'est-à-dire tout particulier, à adapter son logement aux exigences de mobilité. Si tel est le cas, les particuliers vont subir une contrainte extrêmement coûteuse, et dont l’utilité ne sera avérée que si un membre de leur famille est une personne handicapée.
Je vous incite, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre d’État, à réfléchir, à l’occasion de la navette, aux incidences de cette disposition. Demandez-vous si elle est nécessaire compte tenu de l’existence du texte de 2005. Dans le cas contraire, vous pourriez envisager de la supprimer. Si vous persistez, je vous suggère d’en bien mesurer l’impact économique sur le pouvoir d’achat de l’ensemble des candidats à la construction.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur Vasselle, le texte initial du Gouvernement ne contenait pas cette mesure. Les députés ont cru devoir l’introduire, alors qu’elle avait déjà effectivement été votée dans une autre loi.
Lorsque ce projet de loi de programme a été transmis au Sénat, j’ai dû faire face à une véritable bronca des associations de personnes handicapées, qui ont fait valoir que la mesure devait concerner non pas seulement les personnes à mobilité réduite, mais toutes les personnes handicapées.
Mettez-vous à ma place : si je supprime complètement ce qu’a introduit l’Assemblée nationale, je me mets tout le monde à dos ! Je ne pouvais faire moins que viser toutes les personnes handicapées. C’est vraiment le « service minimum » !
M. Alain Vasselle. Cela n’enlève rien à mes observations !
M. le président. L'amendement n° 259, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Dans ce cadre, l'État renforce son action et les financements publics afin de garantir le droit au logement opposable et l'éradication des logements insalubres.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Le texte du Grenelle I consacre, à juste titre, une part importante de son action au secteur du bâtiment. Cependant, nous ne pouvons pas faire comme si chacun de nos concitoyens avait pour seul problème une mauvaise isolation de son logement et disposait de quelques économies pour procéder aux travaux nécessaires. La vérité, c’est qu’aujourd'hui trop de personnes dorment et meurent dans la rue ; la vérité, c’est que des familles entières s’entassent, au péril de leur vie, dans des logements insalubres, faute de mieux.
Le débat sur l’environnement ne doit pas nous faire oublier l’urgence qu’il y a à intervenir pour toutes ces personnes qui souffrent de l’impossibilité de se loger ou du mal-logement et sont désemparées faute d’une action forte de l’État en leur direction.
Il est, bien sûr, essentiel de travailler sur le logement social, mais rien ne pourra se faire si le budget de l’État n’est pas à la hauteur.
La misère et la précarité touchent également les habitants du parc privé. Trop souvent, des accidents mortels surviennent en raison de l’état déplorable des habitations. Je pense ici aux intoxications dues au monoxyde de carbone ou aux incendies. Pour faire face aux déperditions de chaleur et à une facture énergétique trop lourde, de trop nombreuses personnes ont payé de leur vie des isolations qui n’étaient que des bricolages de fortune.
Si nous approuvons, dans leur ensemble, les mesures relatives aux réglementations thermiques, nous regrettons que le Gouvernement ne prenne pas ses responsabilités pour aider les plus démunis. C’est d’une politique publique forte en faveur du logement que nous avons besoin, et rien ne sera possible sans une augmentation des crédits de l’État pour la financer.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Tout en partageant, madame Terrade, les objectifs visés à travers cet amendement, je ne peux m’empêcher de rappeler que le sujet qui nous occupe est non la politique du logement, mais l’environnement. Au demeurant, le Sénat, qui a longuement débattu au mois d’octobre du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, a abordé toutes les questions liées à cette problématique.
En outre, je rappelle que cet article est consacré à la rénovation des bâtiments et à l’amélioration de la performance énergétique des constructions neuves, autant de sujets qui n’ont pas de rapport avec le droit opposable au logement.
En conséquence, je vous suggère le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
La réglementation thermique applicable aux constructions neuves sera renforcée afin de réduire les consommations d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Elle s'attachera à susciter une évolution technologique et industrielle significative dans le domaine de la conception et de l'isolation des bâtiments et pour chacune des filières énergétiques, dans le cadre d'un bouquet énergétique équilibré, faiblement émetteur de gaz à effet de serre et contribuant à l'indépendance énergétique nationale.
L'État se fixe comme objectifs que :
a) Toutes les constructions neuves faisant l'objet d'une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2012 et, par anticipation à compter de la fin 2010, s'il s'agit de bâtiments publics et de bâtiments affectés au secteur tertiaire, présentent une consommation d'énergie primaire inférieure à un seuil de 50 kilowattheures par mètre carré et par an en moyenne ; pour les énergies qui présentent un bilan avantageux en termes d'émissions de gaz à effet de serre, ce seuil sera modulé afin d'encourager la diminution des émissions de gaz à effet de serre générées par l'énergie utilisée, conformément au premier alinéa ; ce seuil pourra également être modulé en fonction de la localisation, des caractéristiques et de l'usage des bâtiments ; chaque filière énergétique devra, en tout état de cause, réduire très fortement les exigences de consommation d'énergie définies par les réglementations auxquelles elle est assujettie à la date d'entrée en vigueur de la présente loi. Afin de garantir la qualité de conception énergétique du bâti, la réglementation thermique fixera en outre un seuil ambitieux de besoin maximal en énergie de chauffage des bâtiments ; ce seuil pourra être modulé en fonction de la localisation, des caractéristiques et de l'usage des bâtiments ;
b) Toutes les constructions neuves faisant l'objet d'une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2020 présentent, sauf exception, une consommation d'énergie primaire inférieure à la quantité d'énergie renouvelable produite dans ces constructions et notamment le bois-énergie ;
c) Les logements neufs construits dans le cadre du programme national de rénovation urbaine prévu par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine respectent par anticipation les exigences prévues au a.
Les normes susmentionnées seront adaptées à l'utilisation du bois comme matériau, en veillant à ce que soit privilégiée l'utilisation de bois certifié et d'une façon plus générale, des bio-matériaux sans conséquence négative pour la santé des habitants et des artisans.
Pour atteindre ces objectifs, les acquéreurs de logements dont la performance énergétique excédera les seuils fixés par la réglementation applicable pourront bénéficier d'un avantage supplémentaire au titre de l'aide à l'accession à la propriété et du prêt à taux zéro.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. C’est dans le domaine du logement neuf qu’il me semble le plus facile de réaliser des avancées. Il est en effet plus facile d’y appliquer des contraintes réglementaires et des incitations financières.
Je souhaite que ces dernières instaurent des taux de TVA très discriminants en fonction de la qualité écologique des bâtiments construits.
Il conviendrait, à terme, d’imposer des installations adaptées soit aux récupérations d’énergie soit à la prévention contre la perte d’énergie. Laissons éventuellement aux constructeurs le choix entre le photovoltaïque, les pompes à chaleur ou le chauffage solaire, mais il est, selon moi, impératif d’obliger, par une réglementation contraignante, chaque constructeur de bâtiments à retenir au moins une ligne d’action témoignant d’une rupture avec les pratiques du passé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 635, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa (a) de cet article, après les mots :
par an en moyenne
insérer les mots :
, sans modulation
et supprimer les deux membres de phrase :
pour les énergies qui présentent un bilan avantageux en termes d'émissions de gaz à effet de serre, ce seuil sera modulé afin d'encourager la diminution des émissions de gaz à effet de serre générées par l'énergie utilisée, conformément au premier alinéa ; ce seuil pourra également être modulé en fonction de la localisation, des caractéristiques et de l'usage des bâtiments ;
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement concerne la question sensible de la modulation, introduite à l’Assemblée nationale.
Les parties prenantes du Grenelle de l’environnement étaient arrivées à un compromis ambitieux, visant à fixer une émission maximale de 50 kilowattheures par mètre carré pour les bâtiments ici visés, norme validée techniquement par les professionnels.
Il s’agit d’un enjeu tout à fait stratégique puisque les émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment représentent 30 % de la consommation des énergies fossiles et 20 % du CO2 émis, soit 60 millions de tonnes par an.
À l’instar de ce que nous avons vécu ici lors de la discussion du projet de loi sur les OGM, il semblerait qu’un certain nombre de lobbies reviennent à la charge pour tirer vers le bas le projet du Gouvernement. J’en veux pour preuve l’introduction – à l’Assemblée nationale, cette fois-ci – de cette modulation, qui limite au bout du compte les normes à atteindre dans la construction en termes d’émissions de gaz à effet de serre en fonction de la source d’énergie primaire.
Cela m’inspire deux remarques.
Premièrement, modulées de cette manière, les normes techniques de la construction donnent une prime au chauffage électrique d’origine nucléaire. Or la filière nucléaire mérite d’être appréhendée sous l’angle des émissions globales de CO2.
Si nous raisonnons en termes de consommation d’énergie à la source, le bilan global de la filière cogénération à gaz est plutôt meilleur que celui de l’énergie nucléaire. C’est à ce constat que parviennent les études allemandes. En effet, l’uranium se trouve en Namibie, il faut l’extraire, le transporter, le traiter, ce qui entraîne une forte consommation de CO2.
Si nous raisonnons en termes de chauffage, le bilan se dégrade encore. Les besoins en chauffage ne sont pas réguliers, il existe des périodes de pointe auxquelles le nucléaire n’est pas capable de faire face. L’électricité d’origine nucléaire répond à des besoins stables : son utilisation est donc pertinente sur les circuits de transports collectifs, tels les TGV ou les TER. En revanche, il ne permet pas de répondre de manière adéquate aux consommations connaissant des périodes de pointe, donc à l’usage privé, notamment en ce qui concerne le chauffage domestique, ce qui implique de recourir à des sources d’appoint, lesquelles ont un impact négatif sur la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.
L’étude menée conjointement par l’ADEME et le gestionnaire du réseau de transport d’électricité précise que, pour un kilowattheure de chauffage électrique produit, 500 à 600 grammes de CO2 sont émis.
Dans un texte fondateur comme celui-ci, l’hypocrisie n’est pas de mise. En effet, si nous voulons réellement réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment, il ne faut pas moduler l’application du seuil de 50 kilowattheures par mètre carré.
Deuxièmement, la première source d’énergie renouvelable, la première source de gains en gaz à effet de serre dans le bâtiment, ce sont les économies d’énergie. Revenir sur ce principe fondamental s’apparente à un sabotage.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que le Sénat supprime cette disposition introduite par l'Assemblée nationale, qui va à l’encontre des objectifs et des engagements du Grenelle de l’environnement.
M. le président. L'amendement n° 320 rectifié, présenté par MM. Courteau et Raoul, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston et Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava, Miquel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa (a) de cet article, après les mots :
en termes d'émissions de gaz à effet de serre
insérer les mots :
et pour les énergies renouvelables
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. L'Assemblée nationale a introduit une modulation du seuil de 50 kilowattheures par mètre carré en fonction du niveau d'émission de gaz à effet de serre de l'énergie concernée.
Se trouvent ainsi repris deux des trois objectifs du « paquet énergie-climat », l'efficacité énergétique et la réduction des émissions de CO2 : manque le troisième pilier que constituent les énergies renouvelables. Cet amendement vise à l’ajouter.
La prise en compte de ce troisième pilier facilitera l'intégration des énergies renouvelables dès la conception des bâtiments neufs. Par ailleurs, cette politique pourra conduire à soutenir les filières industrielles de production d'équipements utilisant une source d'énergie renouvelable – solaire thermique, pompe à chaleur, chauffage au bois, etc. –, très créatrices d'emplois.
Mais, monsieur le président, je me rends compte que cet amendement n’a pas sa place à cet endroit du texte. Par conséquent, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 320 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 635 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement tend à revenir sur l’une des principales modifications introduites à l'article 4 par l'Assemblée nationale, à la suite de l’adoption d’un amendement présenté par M. Ollier. Les députés ont ainsi prévu de moduler le seuil des 50 kilowattheures en fonction du bilan carbone des énergies utilisées.
Or cette modulation est indispensable dans une perspective de traitement équitable des différentes filières énergétiques. Il appartiendra à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de faire le point sur l’ampleur de cette modulation pour parvenir à un traitement équitable de ces filières et favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui est l’un de nos objectifs principaux. D’ailleurs, la commission présentera dans un instant un amendement visant à associer le Parlement, par l’intermédiaire de cet office, à la définition des modulations du seuil des 50 kilowattheures nécessaires à l’application de la nouvelle réglementation thermique afin de s’assurer que toutes les sources d’énergie seront traitées équitablement.
Vous avez raison de le souligner, monsieur Muller, extraire le minerai d’uranium, le transporter entraîne des dépenses d’énergie. Toutefois, il en est de même pour le gaz ou le pétrole !
Sur la question du nucléaire, nous avons un désaccord de fond. Sans vous faire de procès d’intention, il me semble que vous cherchez, par cet amendement, à disqualifier le chauffage électrique et les cumulus pour l’eau chaude sanitaire.
Il convient de réfléchir aux conséquences très pratiques de votre proposition en termes d’augmentation d’émissions de dioxydes de carbone et en surcoût financier pour les consommateurs, alors même que, de façon fort louable, vous avez présenté des amendements tendant à aider les consommateurs n’ayant pas les moyens d’honorer leurs factures énergétiques.
Dans ces conditions, la commission ne peut être favorable à votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. L’objectif des partenaires du Grenelle de l’environnement – y compris donc les fédérations du bâtiment, les énergéticiens, etc. – était non pas d’orienter l’énergie française, mais d’améliorer considérablement la performance énergétique de notre pays, car, dans ce domaine, nous sommes les derniers de la classe. Si, sur certains aspects, nous avons fortement progressé, ainsi que je l’ai souligné tout à l'heure, sur celui-ci, c’est loin d’être le cas !
Or nous n’avons pas d’autre outil d’évaluation que la consommation d’énergie. Il ne s’agit nullement de privilégier un mode énergétique par rapport aux autres : ce n’est pas le but. La législation actuelle prévoit déjà une modulation entre l’électricité et les énergies fossiles. En l’inscrivant dans ce projet de loi, l'Assemblée nationale n’a donc pas introduit une innovation, que ce soit dans nos pratiques ou dans notre droit.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Monsieur le ministre d’État, j’approuve totalement cet objectif majeur de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le présent débat porte sur les normes appliquées dans les bâtiments pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous discutons de la qualité des bâtiments qui seront construits. Pourquoi une énergie serait-elle exonérée de l’effort qui est requis ?
M. Jacques Muller. Il y a une prime au nucléaire !
Tout comme vous, mes chers collègues, je reçois régulièrement des documents vantant les mérites du chauffage électrique dans le bâtiment. Je peux vous les montrer ! (M. Jacques Muller brandit un document.)
M. Dominique Braye. En voilà assez !
M. Jacques Muller. Nous sommes en train d’examiner une disposition instituant pour les bâtiments neufs une norme qui est en fait une norme d’isolation. Mais on l’a assortie d’une modulation au bénéfice des sources de chauffage non productrices de gaz à effet de serre, le nucléaire étant considéré comme une telle source. Donc, on a assoupli la norme pour le nucléaire. Or, ainsi que je l’ai expliqué, le bilan global du nucléaire au regard des émissions de gaz à effet de serre est loin d’être aussi avantageux qu’on le dit. C’est bien la preuve que, dans le texte tel qu’il nous est soumis, la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment n’est pas vraiment l’objectif prioritaire !
M. le président. L'amendement n° 627 rectifié, présenté par MM. Vall, Collin, Barbier, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Plancade, est ainsi libellé :
À la fin du premier membre de phrase de la première phrase du troisième alinéa (a) de cet article, après les mots :
en moyenne ;
insérer un membre de phrase ainsi rédigé :
ce seuil sera corrigé pour prendre en compte la taille des logements ;
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L'amendement vise à corriger un effet non désiré du seuil de 50 kilowattheures par mètre carré selon la taille des logements.
Il s’agit d’introduire, dans la définition de ce seuil, une modulation prenant en compte la taille des logements afin de ne pas faire peser de manière disproportionnée et injuste sur les occupants de petits logements les efforts de réduction de la consommation énergétique des bâtiments.
Le fait que le seuil soit rapporté au mètre carré pénalise automatiquement les petites surfaces, ce qui donne comparativement un avantage aux foyers plus aisés, qui possèdent généralement un logement plus vaste.
La fixation d’un seuil uniforme de consommation énergétique recouvrant tous les usages se traduirait, de fait, par une impossibilité de répondre aux besoins de chauffage dans les petits logements. Si un tel seuil peut à la limite se comprendre pour le chauffage, il ne prend pas en compte le fait que la consommation énergétique pour chauffer l’eau est la même quelle que soit la surface habitée et, surtout, quels que soient les revenus du foyer.
En modulant l'effort selon la surface du logement, l'amendement tend à le répartir de manière équitable entre les différentes catégories de logement, sans pénaliser les occupants les plus modestes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Il va de soi que l’usage d’un cumulus d’eau chaude de même importance pèse davantage sur la facture énergétique d’un foyer occupant une petite surface que sur celle d’un foyer habitant un grand logement. La commission en a conscience.
L'article 4 prévoit toutefois que le seuil de 50 kilowattheures sera modulé en fonction non pas seulement de l’énergie utilisée, mais également de la localisation géographique des bâtiments – le nord ou le sud de la France – et surtout de leurs caractéristiques, parmi lesquelles figure notamment leur taille.
Cet amendement est donc satisfait et c'est la raison pour laquelle la commission en demande le retrait.
M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 627 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 627 rectifié est retiré.
L'amendement n° 615, présenté par M. Gournac, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa (a), après les mots :
l'usage des bâtiments ;
insérer un membre de phrase ainsi rédigé :
dans le cas des logements, la surface totale rapportée au nombre d'occupants fait partie des caractéristiques prises en compte dans le calcul de ce seuil ;
La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. M. le rapporteur vient de le rappeler, le seuil des 50 kilowattheures par mètre carré est modulable, notamment en fonction de la localisation, des caractéristiques ou de l’usage du bâtiment.
Pour ma part, je ne voudrais pas non plus que les logements de petite taille et les foyers les plus modestes soient pénalisés. Dans un logement, si petit soit-il, peut résider aussi bien une personne qu’une famille entière. En effet, il n’est pas rare que l’occupant unique d’un logement se marie, puis qu’arrive un enfant, puis un second, etc. Or la famille ainsi constituée n’a pas forcément les moyens de déménager pour aller occuper un logement plus grand. D’où une situation injuste si cette disposition est adoptée en l’état.
C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à préciser que la surface du logement rapportée au nombre d’occupants constitue l’une des caractéristiques des bâtiments. Ce serait une façon intelligente de défendre la nature !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Il est évident que le nombre de mètres carrés par occupant influe sur la consommation globale d’énergie. Cet argument aurait d’ailleurs pu être pris en compte lors de l’instauration du bonus-malus automobile : après tout, une famille nombreuse peut être amenée à acquérir un véhicule plus grand, n’ouvrant pas droit au bonus, voire justifiant l’application d’un malus, à moins qu’elle ne se résolve à acheter deux petites voitures ! On pourra toujours se poser la question de savoir ce qui émet le plus de CO2 entre une grosse voiture ou deux petites !
Vous proposez des affinements compliqués, monsieur Gournac, car des personnes extérieures au ménage peuvent résider occasionnellement dans le logement. Mais surtout, il est impossible de prendre en compte le nombre d’occupants du logement au moment de la délivrance du permis de construire. Or c’est sur cette étape que portent les dispositions que nous examinons.
En outre, le nombre d’occupants d’un logement donné est appelé à évoluer au cours du temps, ainsi que vous l’avez vous-même noté, ce qui rend délicate la réalisation de calculs fondés sur ce paramètre, calculs qui se font, je le rappelle, au moment de la construction.
Dès lors, cet amendement ne paraît pas opérationnel. C’est pourquoi la commission en demande le retrait.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Chacun l’aura sans doute remarqué, j’ai retiré préalablement les deux amendements que j’avais déposés et qui portaient sur l’alinéa de l’article 4 dont nous débattons actuellement, mais je souhaite néanmoins intervenir à ce moment de la discussion.
Monsieur le rapporteur, le problème que soulève l’amendement n° 615 n’a rien de compliqué ; il n’en est pas moins tout à fait réel.
Il est fréquent que quatre personnes vivent dans un F2 de 50 mètres carrés ou moins. Sur la base de 50 kilowattheures par mètre carré, on obtient un plafond de 2 500 kilowatts par an. Dans ces conditions, je me demande si un jeune couple qui vit dans un logement HLM aura la possibilité d’utiliser l’électricité pour se chauffer – c’est le mode de chauffage le moins cher en termes de coût d’installation et, désormais, de fonctionnement – et pour produire son eau chaude.
Monsieur le ministre d’État, vous avez été en charge du logement. Vous n’ignorez donc pas que, sur les 425 000 logements construits en 2007, 325 000 ont été équipés d’un chauffage électrique, et il faut reconnaître que les techniques ont considérablement évolué au cours des dernières années. En tout cas, c’est un fait, désormais, les bailleurs sociaux et les accédants à la propriété choisissent fréquemment le chauffage électrique.
Ce que je crains, comme de nombreux acteurs, c’est que votre Grenelle ne devienne antisocial. Le pauvre ménage de quatre personnes qui vit dans un petit appartement de 50 mètres carrés ne pourra pas faire fonctionner un chauffage électrique et un ballon d’eau chaude électrique !
On me répondra sans doute qu’il existe des pompes à chaleur. Mais on ne peut pas en installer dans l’habitat collectif ! Et puis, connaissez-vous le prix d’une pompe à chaleur ?
On me répondra sans doute aussi qu’il y a le système photovoltaïque. Mais connaissez-vous le coût de l’installation de panneaux photovoltaïques ? En tout état de cause, dans les zones H1 et H2, il ne peut que s’agir d’un complément pour fournir le chauffage et l’eau chaude !
Soyons réalistes, monsieur le ministre d’État ! Pouvez-vous dire à la représentation nationale et aux présidents d’associations de bailleurs sociaux comment fera un couple avec deux ou trois enfants qui occupe un petit logement de 50 mètres carrés ou qui essaie d’acquérir la maison de ses rêves de 76 mètres carrés ?
J’ajoute que, compte tenu de la conjoncture, plus de 10 millions de Français qui pouvaient accéder à la propriété voilà encore dix-huit mois ne le peuvent plus aujourd’hui. Si vous prenez des mesures préjudiciables aux populations les plus modestes, ce nombre risque fort d’augmenter, et dans des proportions importantes !
Nous sommes, en Europe, les meilleurs en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Voulez-vous laver plus blanc que blanc ? Et cela sur le dos de nos concitoyens les plus modestes ?
Pour ma part, je ne soutiendrai pas ce type de mesures.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 615 ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Il ne s’agit pas d’imposer aux ménages une taxe sur les kilowattheures qu’ils consomment. Pour les ménages, la seule question qui vaut est celle-ci : combien cela va-t-il coûter de s’éclairer et de se chauffer ?
En Europe, c’est aux ménages français que cela coûte le plus cher dans leur budget. Au cours des sept dernières années, la quote-part du chauffage et de l’éclairage dans le budget des ménages du dernier quartile est passée de 10 % à 15 %.
M. Dominique Braye. Est-ce que vous comptez l’eau chaude ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Absolument !
Par ailleurs, le nombre des impayés dans ce domaine est extrêmement élevé. Le type d’énergie n’est pas en cause. D’une manière générale, dans les dix années qui viennent, le coût de l’énergie ne va pas diminuer. Quel que soit le mode énergétique, on va globalement vers une augmentation des coûts de l’énergie.
Dès lors, la question du pouvoir d’achat est cruciale. La seule façon d’y répondre est de réduire les besoins énergétiques de toutes les manières possibles : l’isolation, certes, mais aussi l’application de la directive européenne sur la consommation en mode veille des appareils électriques qui, à terme, ne devra pas dépasser un watt, l’abandon des ampoules à incandescence et leur remplacement par des ampoules à faible consommation, etc.
Le retard de notre pays, qui est réel, est sans doute lié à notre climat tempéré, à la très grande qualité de nos services publics de l’électricité et du gaz, à un acheminement simple. Pour toutes ces raisons, l’électricité et le gaz n’étaient pas au nombre de nos préoccupations majeures.
Depuis une quinzaine d’années, à la demande des industriels, de la fédération du bâtiment, de la confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, et en concertation avec eux, nous avons fixé des normes qui permettent de réduire considérablement les factures énergétiques de nos concitoyens, en l’occurrence de les diviser par deux.
Bien que les normes ne leur soient pas destinées, les ménages réaliseront des économies du fait de la réduction de leur facture énergétique. Les normes ici définies ne valent que pour la délivrance du permis de construire : quel que soit le nombre de mètres carrés, on fixe une norme globale.
Par ailleurs, dans notre pays, le prix de l’électricité a toujours donné lieu à modulation. C’est une caractéristique française que je ne remets pas en cause. Il n’était donc pas question de revenir sur cet avantage.
Il est bien évident que, au stade du permis de construire, on ne peut pas connaître le nombre de personnes qui habiteront le logement, d’autant que ce nombre peut évoluer avec le temps.
Le dispositif proposé me semble tenir la route. Il a été conçu avec les industriels et il devrait déboucher sur une mutation raisonnable, mais réelle, et somme toute très modeste en regard de la situation qui prévaut dans les autres pays européens.
Pour toutes ces raisons, je demande à M. Gournac de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Gournac, l'amendement n° 615 est-il maintenu ?
M. Alain Gournac. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 615 est retiré.
L'amendement n° 10, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa (a) de cet article par un membre de phrase ainsi rédigé :
une étude de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sera réalisée afin de proposer un niveau pertinent de modulation pour respecter les objectifs fixés au premier alinéa ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'associer le Parlement, par l'intermédiaire de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, à la définition des modulations du seuil des 50 kilowattheures dans l'application de la nouvelle réglementation thermique.
En effet, compte tenu des ruptures technologiques nécessaires à la réalisation de cet objectif de 50 kilowattheures et de l’importance, pour l’équilibre des différentes filières énergétiques, des niveaux de consommation retenus par la nouvelle réglementation thermique s’agissant de la construction neuve, la commission considère qu’il est indispensable d’associer le Parlement à la définition de ces nouvelles normes.
Dans la mesure où il n’appartient pas à une loi de programme d’entrer plus avant dans la définition des modalités d’application des normes de performance énergétique applicables aux constructions neuves, car elle relève du pouvoir réglementaire, nous avons estimé que l’OPECST constituait l’enceinte parlementaire la plus appropriée pour mener un tel travail, lequel pourrait ensuite éclairer le pouvoir réglementaire dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle réglementation thermique.
Au demeurant, cette étude pourra également faire le point, de la manière la plus objective possible, sur les émissions réelles de CO2 liées à chaque filière énergétique, évaluation qui est susceptible de donner lieu à divergences d’interprétation en fonction de la méthode de calcul utilisée.
M. le président. Le sous-amendement n° 361, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa de l'amendement n° 10 par les mots :
, et de mesurer l'impact économique et fiscal de l'ensemble du dispositif prévu
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il me semble utile de demander à l’OPECST, dont je suis membre, de mesurer l’impact économique et fiscal du dispositif même si, j’en ai bien conscience, ses études s’attachent davantage aux aspects technologiques qu’aux considérations d’ordre économique et financier. Il est néanmoins assez difficile de concevoir que l’Office puisse étudier le niveau de la modulation sans intégrer les conséquences économiques qui pourraient en résulter.
Ce sous-amendement vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité, lors de la mise en œuvre du Grenelle II, de tenir compte des conséquences économiques et fiscales du dispositif.
Il s’agit évidemment, dans le membre de phrase que je propose d’ajouter, de la fiscalité nationale et non de la fiscalité départementale. En effet, il est clair que, pour essayer d’atténuer l’impact des nouvelles normes qui pourraient s’imposer à l’ensemble des constructeurs, ce qui aurait des répercussions sur le montant des loyers, les bailleurs de logements sociaux, pour me limiter à ce secteur, feront appel à des financements nationaux.
Lors de la discussion générale, j’ai évoqué les conséquences économiques du dispositif. Mme le secrétaire d’État, dans sa réponse, a indiqué que le Gouvernement souhaitait faire valoir les retombées économiques positives d’une telle mesure en termes de créations d’emploi, d’activité. J’entends bien, madame le secrétaire d’État, mais je souhaiterais aussi connaître les effets de ce dispositif sur le pouvoir d’achat des ménages, sur les usagers et sur les collectivités locales.
Nous savons tous que la multiplication des normes crée des contraintes nouvelles qui pèsent sur les budgets des collectivités et des particuliers. Je souhaite que l’étude d’impact fasse ressortir les éventuels surcoûts qui pourraient résulter de l’application de ce dispositif.
L’intervention de M. Dominique Braye était fort pertinente. Vous nous dites, monsieur le ministre d’État, que les nouvelles normes s’appliqueront aux constructions neuves. On intègre donc la satisfaction des besoins en eau chaude, en électricité, en chauffage des futurs occupants, ce qui revient à tenir compte de la composition familiale du ménage puisqu’une maison est bien construite en vue d’accueillir une famille d’une certaine taille.
De la même manière, les organismes constructeurs devront utiliser des technologies et des matériaux plus onéreux que ceux qui servent aux constructions traditionnelles. Il ne faudrait pas que les ménages voient finalement ce surcoût se répercuter sur le montant de leur loyer et que la majoration de loyer qui leur sera demandée atténue les économies qu’ils réaliseront grâce à la diminution de 50 % de la consommation d’énergie.
Monsieur le ministre d’État, si louables que puissent être vos objectifs, vous comprendrez que nous souhaitions avoir une vision claire de toutes les conséquences du dispositif : ses conséquences économiques positives, certes, mais également les contreparties qui pourraient en résulter pour les futurs occupants. En d’autres termes, les économies qui seront rendues possibles par l’usage des technologies et des matériaux nouveaux seront-elles suffisamment importantes pour compenser le surcoût de la construction ?
M. le président. Le sous-amendement n° 773, présenté par MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston, Guillaume, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa de l'amendement n° 10 par les mots :
cette étude révisera également les facteurs de conversion de l'énergie finale en énergie primaire ;
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Avec un parc nucléaire de dix-neuf centrales, totalisant une puissance de 63 gigawatts, la France est la deuxième puissance nucléaire du monde – en termes de nucléaire civil – et elle occupe la première place quant à la couverture des besoins en électricité par le nucléaire. Rappelons que nous devons cette situation à la mise en place, dans les années soixante-dix, d’un certain plan Messmer.
M. Jean Bizet. C’est exact !
M. Daniel Raoul. À l’heure actuelle, près de 80 % de l’électricité produite dans notre pays est d’origine nucléaire. Complété par l’hydraulique, le parc électronucléaire français assure notre indépendance énergétique en nous préservant, entre autres, des fluctuations des prix du pétrole.
Le seul inconvénient réside dans la difficulté de répondre aux pointes de consommation. Lors des pics de demande, la France doit importer de l’électricité – cela s’est produit pendant la vague de froid du début du mois de janvier – ou faire appel à des centrales thermiques dont le bilan, en termes d’émission de gaz à effet de serre, est beaucoup moins vertueux.
L’ouverture du marché à la concurrence a, par ailleurs, facilité l’entrée de nouveaux petits opérateurs sur ce créneau, d’une part, parce que les prix y sont bien plus élevés – on y pratique en effet les prix spot – et, d’autre part, parce que lesdits opérateurs ne peuvent pas construire de centrales nucléaires. Ils profitent donc des périodes de pointe pour vendre leur électricité plus cher.
Si la concurrence y gagne, je ne suis pas sûr que ce soit le cas pour le consommateur. Concernant un bien de première nécessité comme l’énergie, particulièrement l’électricité, qui n’est pas stockable, j’estime que son prix devrait demeurer abordable pour assurer à tous un niveau minimum de consommation correspondant à la satisfaction des besoins fondamentaux. Cela a été évoqué plusieurs fois, notamment par notre collègue Roland Courteau, tout à l’heure.
À cela s’ajoute le fait que, au regard de la pollution, nous sommes également perdants.
Il faut donc essayer de parvenir à une gestion plus efficace des périodes de pointe. Cela passe par diverses mesures sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir lorsque nous aborderons le chapitre IV. Mais cela passe avant tout par la modification des facteurs de conversion pour chaque énergie. S’agissant de l’électricité, par exemple, le facteur de conversion est le même, 2,58, qu’elle soit produite par des centrales thermiques à flamme, des éoliennes, des centrales hydrauliques ou des centrales nucléaires. Pour le gaz, il est de 1.
Si nous voulons neutraliser les pointes de consommation, ces coefficients de conversion doivent au moins tenir compte du mode de production de l’énergie.
Pour cette raison, nous souhaitons que l’étude qui serait confiée à l’OPECST sur la question de la modulation porte également sur la révision des coefficients de conversion. Quelle que soit l’évolution de ces facteurs, il faut promouvoir la transparence.
M. le président. Les sous-amendements nos 778 et 784 sont identiques.
Le sous-amendement n° 778 est présenté par MM. Vall, Collin, Barbier, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Plancade.
Le sous-amendement n° 784, présenté par M. Deneux et les membres du groupe Union centriste.
Tous deux sont ainsi libellés :
Compléter le second alinéa de l'amendement n° 10 par les mots :
en outre, l'étude pourra examiner les questions liées aux coefficients de conversion d'énergie primaire en énergie finale ;
La parole est à M. François Fortassin, pour présenter le sous-amendement n° 778.
M. François Fortassin. Les coefficients de conversion en vigueur pour définir l'énergie primaire à partir de l'énergie finale varient sensiblement selon l'énergie utilisée. Pour l'électricité, ce coefficient est de 2,58 alors qu’il est de 1 pour le gaz et le fioul et de 0,6 pour le bois.
La fixation de ces coefficients date de 1973, époque du gaz de Lacq, et ils n'ont pas été modifiés depuis. Or l’approvisionnement en gaz de la France, qui dépend d’importations de plus en plus lointaines, entraîne aussi des déperditions énergétiques – transport, liquéfaction, traitement, etc. – qui retirent au coefficient 1 sa validité.
Pour la production d'énergie électrique, la part des énergies fossiles est maintenant inférieure à 10 %. Par ailleurs, la plupart des centrales sont à cycle combiné, avec récupération de la chaleur produite.
L'amendement n°10 de la commission prévoit qu’une étude menée par l’office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques permettra de proposer un niveau pertinent de modulation. L'objet de ce sous-amendement est de faire en sorte que cette même étude examine également les questions liées aux coefficients de conversion.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour présenter le sous-amendement n° 784.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, je souhaite tout d’abord rectifier ce sous-amendement en remplaçant le verbe « pourra » par le verbe « devra », ce qui n’est évidemment pas tout à fait la même chose compte tenu de la nature de notre discussion.
M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 784 rectifié, présenté par M. Deneux et les membres du groupe Union centriste, et ainsi libellé :
Compléter le second alinéa de l'amendement n° 10 par les mots :
en outre, l'étude devra examiner les questions liées aux coefficients de conversion d'énergie primaire en énergie finale ;
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Marcel Deneux. Nous nous sommes tous laissés aller, au cours de cette discussion, à une dérive qui me paraît tout à fait regrettable. Je vous rappelle que ce projet de loi porte, comme la loi de 2005, sur la consommation d’énergie et non sur son prix.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Marcel Deneux. Tout le monde parle du prix alors que le débat est ailleurs.
Il existe un coefficient perturbateur, qui est ce coefficient de conversion entre énergie finale et énergie primaire. L’étude envisagée devra donc également procéder à une évaluation de ce coefficient de transformation, mais en masse et non en prix.
Tous ceux qui se sont exprimés ont parlé des problèmes de coût et des aspects sociaux ; ce sont effectivement des problèmes qui méritent d’être soulevés, mais ils ne font pas l’objet du projet de loi que nous examinons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Concernant le sous-amendement n° 361, je suis tout à fait favorable à ce que l’Office puisse également évaluer les surcoûts qui pourront résulter, pour les bâtiments neufs, de l’application de la nouvelle réglementation thermique.
En revanche, je suis plus sceptique, c’est le moins que l’on puisse dire, sur l’aspect fiscal, qui ne constitue pas le cœur du problème.
Par conséquent, si j’émets un avis favorable, c’est sous réserve d’une rectification tendant à supprimer les mots : « et fiscal ».
M. le président. Monsieur Vasselle, acceptez-vous de procéder à la rectification suggérée par M. le rapporteur ?
M. Alain Vasselle. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 361 rectifié, présenté par M. Vasselle et ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa de l'amendement n° 10 par les mots :
, et de mesurer l'impact économique de l'ensemble du dispositif prévu
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Le sous-amendement n° 773 n’a pas été formellement examiné par la commission. Toutefois, sur le fond, nous avons débattu de ce problème du coefficient de conversion à l’occasion de l’examen d’un amendement dont le premier signataire est M. Vall, qui viendra ensuite et sur lequel nous avons décidé de nous en remettre à la sagesse de notre assemblée.
Il est vrai que ce coefficient de 2,58 date d’avant 1973 et que la structure de notre parc de production électrique a évolué depuis, c’est le moins que l’on puisse dire ! Toutefois, la pertinence de ce coefficient ne semble pas remise en cause par les spécialistes. Dès lors, il ne faudrait pas que cette étude conduise à creuser l’écart entre les différentes filières énergétiques.
Or la rédaction de ce sous-amendement est un peu directive puisqu’elle indique que l’étude « révisera » ces coefficients et non pas « étudiera l’opportunité de réviser ».
En nous inspirant des propositions de M. Fortassin et de ses collègues ainsi que de M. Deneux et de ces collègues, je crois que nous pourrions trouver une solution propre à satisfaire la plupart d’entre nous. Il conviendrait, pour cela, que les auteurs des sous-amendements nos 773, 778 et 784 rectifié veuillent bien les rectifier pour aboutir à la formulation commune suivante : « cette étude examinera également les questions liées aux coefficients de conversion d’énergie finale en énergie primaire. »
M. le président. Monsieur Raoul, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement dans le sens indiqué par M. le rapporteur ?
M. Daniel Raoul. Monsieur le rapporteur, j’aimerais adhérer à votre proposition, mais je viens d’effectuer une vérification sur le site Légifrance : dans nos textes, il est question de « facteurs de conversion » et non de « coefficients de conversion ».
M. Bruno Sido, rapporteur. Alors, remplaçons « coefficients de conversion » par « facteurs de conversion » !
M. le président. Monsieur Fortassin, acceptez-vous également de rectifier votre sous-amendement en ce sens ?
M. François Fortassin. Va pour les « facteurs », à condition qu’il ne s’agisse pas de l’un d’entre eux qui effectue sa tournée dans une célèbre commune de la région parisienne ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Deneux, je vous pose la même question qu’à vos collègues…
M. Marcel Deneux. J’accepte cette nouvelle rédaction. Cela étant, monsieur le rapporteur, je pense qu’il serait prudent de prévoir un calendrier : je sais comment fonctionne l’Office, et il ne faudrait pas que l’étude en question ne soit finalement rendue que dans vingt ans ! (Sourires.)
M. le président. Je suis donc saisi de trois sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 773 rectifié est présenté par MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston, Guillaume, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Le sous-amendement n° 778 rectifié est présenté par MM. Vall, Collin, Barbier, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Plancade.
Le sous-amendement n° 784 rectifié bis est présenté par M. Deneux et les membres du groupe Union centriste.
Tous trois sont ainsi libellés :
Compléter le second alinéa de l'amendement n° 10 par les mots :
cette étude examinera également les questions liées aux facteurs de conversion d’énergie finale en énergie primaire
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je souhaiterais simplement rassurer nos collègues quant à la saisine de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
L’urgence n’a pas été déclarée sur ce texte. Nous pourrions donc, en accord avec le député Patrick Ollier, saisir l’Office et lui demander de nous remettre ses conclusions avant la deuxième lecture.
M. Thierry Repentin. On sent que c’est l’expérience qui parle ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 10 et sur les quatre sous-amendements ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission. Il serait extrêmement positif que l’OPECST se prononce sur le niveau de modulation.
Il est également favorable au sous-amendement n° 361 rectifié, présenté par M. Vasselle, puisque le principe est de faire en sorte que les économies d’énergie « paient » l’investissement initial.
Enfin, nous sommes favorables aux sous-amendements identiques concernant l’étude des facteurs de conversion.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 361 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 773 rectifié, 778 rectifié et 784 rectifié bis.
(Les sous-amendements sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces sous-amendements ont également été adoptés à l'unanimité des présents. Bel œcuménisme !
La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote sur l'amendement n° 10.
M. Dominique Braye. Je serai un peu long parce que j’estime que ce débat est important.
Je regrette que M. le ministre d’État ne soit pas là… (M. le ministre d’État entre dans l’hémicycle.)
M. André Dulait. Il est là !
M. Dominique Braye. Très bien !
Je voudrais simplement reprendre des formules très en vogue actuellement : I had a dream et Yes, we can.
Oui, mes chers collègues, j’ai fait un rêve, celui d’un débat libre et serein au sein de la Haute Assemblée, sur tous les sujets importants dont elle est saisie.
Oui, mes chers collègues, nous le pouvons, et cela dans le cadre actuel de notre règlement, mais à condition que nous ayons le courage d’utiliser les moyens mis à notre disposition sans céder aux innombrables pressions dont nous sommes sans cesse l’objet.
Je confirme, mes chers collègues, que j’ai retiré les excellents amendements n° 157 rectifié bis et 158 rectifié, qui avaient pourtant été adoptés à la quasi-unanimité des membres de la commission des affaires économiques…
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Dominique Braye. … et qui étaient cosignés par un très grand nombre de mes collègues du groupe UMP et du groupe Union centriste.
Je tiens avant tout à remercier très sincèrement tous ces collègues qui m’ont fait confiance et qui, surtout, ont fait preuve de bon sens, de pragmatisme, sans se laisser impressionner par les multiples manœuvres de diversion qui ont suivi le dépôt de ces deux amendements.
Je tiens aussi à m’excuser très sincèrement auprès d’eux pour les pressions, je dirai même le harcèlement dont ils ont été victimes jusqu’au dernier moment : certains ont reçu ce matin, et jusqu’à quatorze heures cinquante-neuf, de multiples appels téléphoniques !
Je croyais pourtant que le Parlement devait pouvoir travailler et délibérer dans la sérénité, en tout cas sans avoir à endurer ces pressions inacceptables, et cela au simple titre de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif, séparation qui, vous le savez, est la seule garantie de toute démocratie.
Oui, nous allons dans quelques semaines travailler d’une autre façon. Je ne sais pas si les procédés que nous avons vu se déployer ici étaient en quelque sorte le chant du cygne de méthodes désuètes qui ont trop duré et qui vont disparaître ou, au contraire, un avant-goût de ce qui nous attend demain, ce qui serait de bien mauvais augure.
Une seule chose est certaine, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, c’est que, comme le dit le premier d’entre nous, le Président de la République, il ne faut jamais avoir peur du débat.
Monsieur le ministre d’État, il ne faut jamais vouloir tronquer un débat, il faut toujours aller au bout du débat, parce que c’est le premier d’entre nous, le Président de la République, qui nous le demande !
Mais je reviens à l’objet précis de ce débat.
M. le ministre d’État a dit qu’il n’était pas question de privilégier une énergie par rapport aux autres. Effectivement, on en privilégie deux et on en pénalise une ! En effet, lorsque vous consommez chez vous 1 kilowattheure, cela compte pour 2,58 kilowattheures d’énergie primaire s’il s’agit d’électricité, mais seulement pour 1 kilowattheure dans le cas du gaz ou du fioul.
De plus, monsieur Muller, le dispositif qui nous est actuellement soumis peut avoir des conséquences très importantes et graves dans les domaines économique, sociétal et environnemental.
Je trouve tout simplement excellente la rédaction résultant de l’amendement présenté par M. Ollier à l’Assemblée nationale. Pourquoi alors, me demanderez-vous, ai-je donné l’impression d’être d’un avis différent ?
C’est tout simplement parce que la quasi-totalité des spécialistes de ces questions, qui sont aussi des acteurs du secteur de l’énergie, ne partagent pas votre point de vue, monsieur le ministre d’État. Ils sont inquiets et j’aurais aimé, comme nombre de mes collègues, que vous nous fournissiez des arguments de nature à nous expliquer votre position et à nous convaincre de son bien-fondé. Or tel n’a pas été le cas.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Dominique Braye. À travers mes propos, vous aurez compris notre attitude.
Pour en revenir à ce que je souhaitais dire à M. Muller, j’évoquerai d’abord les conséquences environnementales du dispositif proposé. N’oubliez jamais, monsieur Muller, que nous sommes en France et que, dans notre pays, l’énergie qui émet le moins de gaz à effet de serre, c’est précisément l’énergie électrique, pour la raison simple qu’elle est produite à 90 % par le nucléaire et par l’hydraulique. Ainsi, elle ne contribue pas à l’aggravation de l’effet de serre.
D’ailleurs, si M. le ministre d’État a été en mesure de nous citer tout à l’heure, à propos de l’article 2, des chiffres aussi bons sur les performances de la France en la matière, c’est bien grâce à cette énergie.
À cet égard, j’aimerais vous poser une question, monsieur le ministre d’État : vaut-il mieux consommer un peu plus d’une énergie qui n’émet pas de gaz à effet de serre, ou bien un peu moins d’une énergie produisant ces gaz en grandes quantités ? Or, personne n’a répondu à cette question.
J’en viens aux conséquences économiques. C’est précisément grâce à son approvisionnement énergétique actuel que la France affiche une réelle solidité. En effet, notre pays est indépendant du point de vue énergétique. Voulez-vous changer cette situation ?
Lors de la récente crise du gaz entre la Russie et l’Ukraine, si nous nous en sommes bien sortis, c’est parce que le gaz qui nous est fourni par la Russie ne représente que 16 % de nos approvisionnements ?
Voulez-vous donc remettre en cause la politique conduite par le général de Gaulle, qui a visé à l’indépendance énergétique de la France et qui fait actuellement notre force ? Personnellement, je ne veux pas.
Les conséquences du dispositif sont également sociétales. En effet, – je l’ai rappelé – sur 425 000 logements, 300 000 ont été équipés avec le chauffage électrique, tout simplement parce que cela permet à un grand nombre de nos concitoyens de pouvoir se loger et se chauffer à un coût moindre.
Comment ferons-nous, monsieur Dubois, dans les campagnes où on ne peut faire passer le gaz ? Installerez-vous vraiment, comme vous le suggérez, des pompes à chaleur ? Avec quoi les ferez-vous fonctionner ? Opterez-vous pour des panneaux photovoltaïques ? Dans ce cas, il faudra au moins, pour compenser les coûts, proposer une aide correspondant à plusieurs mois de loyer.
M. le président. Concluez, mon cher collègue !
M. Dominique Braye. J’en termine.
Au moment où le pouvoir d’achat d’une majorité de nos concitoyens est au centre des préoccupations, je ne suis pas sûr, monsieur le ministre d’État, qu’il faille condamner l’énergie électrique. En effet, le président-directeur général d’EDF nous a dit que, dans les années futures, le prix de cette énergie n’augmenterait pas plus vite que l’inflation. Est-il donc raisonnable de privilégier le gaz, dont le prix a augmenté pour de 60 % entre 2000 et 2007, tandis que celui de l’électricité n’a progressé que de 5 % sur la même période ? M. Mestrallet nous a rappelé que le prix du gaz était indexé sur le cours du pétrole.
Monsieur le ministre d’État, pensez aux plus modestes de nos concitoyens, qui, malgré leur niveau de vie, ont tout de même le droit de se chauffer et de se doucher avec une eau à une température décente…
M. le président. C’est terminé, monsieur Braye.
Je mets aux voix l'amendement n° 10, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 260, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter la dernière phrase du troisième alinéa (a) de cet article par un membre de phrase ainsi rédigé :
toute modulation se fera en concertation avec les associations et organisations non gouvernementales de protection de l'environnement et de défense des consommateurs ;
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. L’article 4 du présent projet de loi affiche la volonté du Gouvernement, en ce qui concerne les nouvelles constructions, d’améliorer la performance énergétique de l’ensemble du parc des futurs bâtiments, et ce à une échéance assez proche.
Cet article reprend les engagements nos 1 à 3 du Grenelle de l’environnement, qui prévoient que l’État met tout en œuvre pour que les constructions neuves – qu’elles relèvent du secteur public ou du secteur privé, qu’elles soient consacrées au secteur tertiaire ou qu’elles consistent en bâtiments résidentiels – respectent, à compter de 2010 pour le secteur public et pour le secteur tertiaire, et de 2012 pour les logements, les normes de construction à basse consommation. À l’horizon de l’année 2020, les constructions devront être à énergie positive.
Cette disposition, modifiée par les députés, a donné lieu à un débat très intéressant sur la possibilité de moduler le seuil de consommation de 50 kilowattheures par mètre carré et par an en moyenne. C’est à juste titre qu’a été soulevée à l’Assemblée nationale, comme elle l’est au Sénat, la question des dangers que recèle une telle modulation.
C’est pourquoi le présent amendement, qui s’inscrit dans la même logique que celui qui a été déposé par notre rapporteur et qui le complète, vise à poser un garde-fou. Afin que ces modulations ne mettent pas en danger l’objectif de limitation de la dépense énergétique des bâtiments, nous demandons qu’elles se fassent en concertation avec les associations et organisations non gouvernementales de protection de l’environnement et de défense des consommateurs.
Par ailleurs, je souhaiterais, monsieur le ministre d’État, obtenir quelques précisions sur les moyens dégagés pour l’application par anticipation de la norme aux logements neufs construits dans le cadre du programme national de rénovation urbaine.
En effet, comme le soulignait à juste titre le Conseil économique et social dans son avis sur le projet de loi présenté en 2008, d’une part, les mesures fiscales visant à faciliter l’application de la réglementation thermique ne seront pas suffisantes pour financer les surcoûts prévisibles et, d’autre part, c’est à l’État qu’il revient de dégager des crédits supplémentaires.
Enfin, il est regrettable, vu le calendrier fixé, que les logements sociaux qui devraient être construits dans le cadre du plan de cohésion sociale échappent à la nouvelle réglementation.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons d’adopter le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Vous savez que la commission vous propose d’encadrer le niveau de modulation du seuil de 50 kilowattheures. Il s’agit d’adapter ce seuil en passant par la voie réglementaire et en s’appuyant sur une étude de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Il s’agit là d’une demande tout à fait légitime, qui procède du souci d’associer le Parlement à une décision dont l’impact sur la vie quotidienne de nos concitoyens ne sera pas négligeable.
Mais de là à donner aux associations et aux ONG le même droit de regard sur la modulation qu’au Parlement ! Vous allez un petit peu trop loin, madame Terrade.
Je n’ai aucunement l’intention de minorer le rôle qu’ont joué ces différents acteurs à une certaine époque, mais aussi tout au long du processus du Grenelle. Ce rôle a été important, mais on ne peut pas traiter les associations et les ONG sur un pied d’égalité avec le Parlement.
Comme je l’écris dans mon rapport, maintenant que les associations se sont exprimées, le Parlement reprend la parole. Je ne peux donc vous suivre, madame le sénateur, et j’en suis désolé.
Dans ces conditions, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 260.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Comme vous le savez, dans le cadre du Grenelle qui a conduit au projet de loi qui vous est soumis, l’ensemble des parties prenantes ont participé à la réflexion, au sein de différents collèges. La concertation se poursuit désormais, puisque tous les collèges – et pas seulement celui des ONG – sont représentés dans le comité de suivi.
Par ailleurs, nous avons prévu de confier par le présent texte une étude à l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Il me semble par conséquent que l’amendement n° 260 est satisfait. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 626 rectifié, présenté par MM. Vall, Collin, Barbier, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Plancade, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa (a) de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le Gouvernement présentera, dans le délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, un rapport sur les modes de calcul des coefficients de conversion d'énergie finale en énergie primaire, selon les filières énergétiques, aux fins d'en évaluer la pertinence et, le cas échéant, d'y apporter les modifications nécessaires ;
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Cet amendement étant presque satisfait, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 626 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
L'État se fixe comme objectif de réduire les consommations d'énergie du parc des bâtiments existants d'au moins 38 % d'ici à 2020. À cette fin, l'État se fixe comme objectif la rénovation complète de 400 000 logements chaque année à compter de 2013.
I. - Tous les bâtiments de l'État et de ses établissements publics seront soumis à un audit d'ici à 2010. L'objectif est, à partir du diagnostic ainsi établi, d'engager leur rénovation d'ici à 2012 avec traitement de leurs surfaces les moins économes en énergie. Cette rénovation aura pour objectif de réduire d'au moins 40 % les consommations d'énergie et d'au moins 50 % les émissions de gaz à effet de serre de ces bâtiments dans un délai de huit ans. Les gains d'énergie et le stockage de carbone réalisés grâce à la plantation d'arbres et de végétaux pérennes seront pris en compte dans la mesure de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre.
L'État incitera les collectivités territoriales, dans le respect de leur libre administration, à engager un programme de rénovation de leurs bâtiments en matière d'économie d'énergie dans les mêmes conditions et au même rythme qu'indiqués à l'alinéa précédent.
Lorsque les conditions définies par l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat sont satisfaites, il peut être fait appel de façon privilégiée à des contrats de partenariat public-privé pour réaliser les travaux de rénovation en matière d'économie d'énergie portant sur respectivement les 50 et 70 millions de mètres carrés de surface des bâtiments de l'État et de ses principaux établissements publics. Confrontées à la double contrainte de l'économie énergétique et des risques sismiques, les politiques engagées par les collectivités d'outre-mer en ce domaine feront l'objet d'un soutien spécifique.
Le droit de la commande publique devra prendre en compte l'objectif de réduction des consommations d'énergie visé au premier alinéa, en autorisant le pouvoir adjudicateur à recourir à un contrat de performance énergétique notamment sous la forme d'un marché global regroupant les prestations de conception, de réalisation et d'exploitation ou de maintenance, dès lors que les améliorations de l'efficacité énergétique sont garanties contractuellement.
II. - L'État se fixe comme objectif la rénovation de l'ensemble du parc de logements sociaux. Pour commencer, dès avant 2020, les travaux sur les 800 000 logements sociaux dont la consommation annuelle d'énergie est supérieure à 230 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré ramèneront leur consommation annuelle d'énergie à des valeurs inférieures à 150 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré. Ces travaux concernent en particulier 180 000 logements sociaux situés dans des zones définies par l'article 6 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Ce programme de rénovation est ainsi réparti :
Années |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 à 2020 |
Logements sociaux rénovés |
40 000 |
60 000 |
70 000 |
70 000 par an |
À cet effet, une enveloppe de prêts à taux privilégiés sera accordée aux organismes bailleurs de logements sociaux. Des conventions entre l'État et ces organismes définiront les conditions de réalisation du programme et prévoiront les modalités de financement des travaux de rénovation notamment à partir des économies réalisées grâce à ces travaux de rénovation. À l'appui de ces conventions, l'État pourra attribuer des subventions qui pourront s'élever jusqu'à 20 % du coût des travaux.
Les organismes bailleurs de logements sociaux seront encouragés à recourir aux énergies renouvelables.
III. - Afin de permettre une rénovation accélérée du parc résidentiel et tertiaire existant en matière d'économie d'énergie, l'État mettra en place des actions spécifiques incluant un ensemble d'incitations financières destinées à encourager la réalisation des travaux. Ainsi :
a) L'État favorisera la conclusion d'accords avec le secteur des banques et des assurances pour développer le financement des investissements d'économie d'énergie ; ces accords auront pour objet la mise en place de prêts aux particuliers dont les caractéristiques financières permettront le remboursement des annuités d'emprunt au moyen des économies d'énergie réalisées ; de même, l'État encouragera la simplification et l'aménagement des contrats de performance énergétique en vue de faciliter leur diffusion notamment dans les copropriétés ; il incitera le secteur des assurances à développer une offre de produits visant à faciliter et à garantir le bon résultat des travaux de rénovation des bâtiments résidentiels en matière d'économies d'énergie ;
b) Un crédit d'impôt sur le revenu sera prévu afin notamment d'inciter à des économies d'énergie par la rénovation des logements donnés en location et la réalisation des travaux ou l'acquisition des équipements les plus performants ;
c) Les propriétaires de surfaces importantes affectées aux activités tertiaires, notamment les sociétés foncières, pourront être assujettis au dispositif des certificats d'économie d'énergie.
L'État incitera les bailleurs et les associations de locataires à engager une concertation pour déterminer les modalités de partage des économies d'énergie réalisées par ces investissements. Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement rendra compte au Parlement de l'état de la concertation.
En complément des mesures précitées, l'État mettra à l'étude des dispositifs d'incitations financières visant à encourager les propriétaires et les syndicats de copropriétaires à réaliser des travaux de rénovation lourde destinés à accroître la performance énergétique de logements anciens aux caractéristiques thermiques et énergétiques très dégradées. Ces dispositifs privilégieront les financements qui tirent parti des gains réalisés par les économies d'énergie. L'étude analysera également les possibilités de mettre en œuvre à terme des obligations de travaux de rénovation.
L'État encouragera la constitution d'un groupement de l'ensemble des acteurs du plan de rénovation des bâtiments pour suivre et adapter les chantiers de rénovation en matière d'économie d'énergie dans les secteurs résidentiel et tertiaire.
Les audits énergétiques, prévus au premier alinéa du I, doivent être réalisés par des professionnels ou des sociétés agréés.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.
M. Jacques Muller. Dans sa dernière intervention, notre collègue Dominique Braye m’a directement interpellé.
M. le président. C’est un privilège ! (Sourires.)
M. Jacques Muller. Je me dois donc de répondre, de façon très concise, aux propos qu’il a tenus.
Avant tout, monsieur Braye, je partage complètement votre souci d’une indépendance totale entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Il s’agit là du fondement essentiel de tout État de droit, auquel nous sommes, je crois, tous attachés.
Je ferai maintenant quelques remarques au sujet de l’uranium et de l’indépendance énergétique de la France.
Je dois tout de même vous signaler qu’aujourd’hui nous évacuons vers l’Allemagne une quantité très importante de déchets nucléaires, faute de pouvoir les traiter sur place. En ce qui concerne l’uranium, nous allons le chercher en Namibie.
M. Bruno Sido, rapporteur. Mais que racontez-vous là ?
M. Jacques Muller. Autant dire que la production d’électricité sur le sol français ne présente pas toutes les qualités d’indépendance que vous avez vantées !
Il existe aussi des problèmes qui ne sont pas réglés. Certains avaient même été relevés par le rapport Arthuis, il y a quelques années. Le coût de la gestion des déchets n’est toujours pas réellement pris en compte dans le prix facturé aujourd’hui pour l’électricité.
Je fais partie de ceux qui pensent que, si l’énergie nucléaire n’est effectivement pas très chère à l’heure actuelle, c’est parce qu’elle n’intègre pas un certain nombre de coûts que nos descendants devront payer. Je pense bien sûr aux déchets, mais aussi au traitement des centrales en fin de vie.
En effet, s’il n’est pas très difficile de s’occuper d’une usine de chaussures qui vient de mettre la clé sous la porte, fermer un site nucléaire pose aujourd’hui un certain nombre de problèmes que l’on ne sait pas régler et dont les coûts ne sont pas intégrés.
Et je ne parle même pas des questions touchant à la sécurité et au caractère fossile de l’uranium, que j’ai déjà évoquées.
Je ne m’aventurerai pas sur le terrain des logements sociaux, dont a parlé M. Braye, mais, puisque celui-ci a aussi évoqué les campagnes, permettez-moi de vous soumettre quelques réflexions, en ma qualité de maire d’un village rural et d’ingénieur du génie rural des eaux et forêts, actuellement en détachement.
Je vous ferai observer que l’électricité n’est pas la seule source de chauffage existante. Il conviendrait d’engager aujourd’hui en France un vaste plan pour développer le bois-énergie comme source de chauffage dans nos campagnes, ce que la région Alsace a commencé à faire.
J’estime qu’il faudrait engager un plan d’urgence, et ce pour deux raisons. La première tient au fait que le bois-énergie constituerait une source alternative au fioul, qui est utilisé dans les campagnes. Surtout, la seconde raison est que le bois pourrit aujourd’hui dans les forêts, ce qui entraîne l’émission de méthane, gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le gaz carbonique. Utiliser le bois permettrait de régler ce problème. On ferait ainsi d’une pierre deux coups !
J’appelle, en ce qui me concerne, au lancement d’un grand plan forestier de valorisation du bois-énergie dans nos campagnes, de modernisation de l’utilisation du bois, plutôt qu’au développement des pompes à chaleur électriques que vous souhaitez manifestement !
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 637, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Remplacer le premier alinéa de cet article par sept alinéas ainsi rédigés :
L'État se fixe comme objectif de réduire les consommations d'énergie du parc des bâtiments existants d'au moins 38 % d'ici à 2020.
À cette fin, il est inséré après l'article L. 111-10-2 du code de la construction et de l'habitation, un article L. 111-10-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-10-3. - Des travaux d'amélioration de la performance énergétique doivent être réalisés dans les bâtiments existants dans un délai de 15 ans à compter du 1er janvier 2012, ramené à 8 ans pour les bâtiments à usage tertiaire.
« Un décret en Conseil d'État détermine :
« - la nature et les modalités de cette obligation de travaux ainsi que les caractéristiques thermiques ou la performance énergétique à respecter, en tenant compte de l'état initial du bâtiment, de contraintes techniques exceptionnelles, de l'accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite ou de nécessités liées à la conservation du patrimoine historique ;
« - les conditions dans lesquelles un label « Rénovation basse consommation » ouvrant droit à d'éventuels avantages financiers sera créé dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi n° ... du ... de programme relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement. »
L'État se fixe comme objectif la rénovation complète de 400 000 logements au moins chaque année à compter de 2013 avec pour objectif d'atteindre à l'issue des travaux une consommation moyenne d'énergie pour l'ensemble du parc de logements rénovés de 80 kilowattheures par mètres carrés par an pour les cinq usages réglementés, dont 50 au maximum pour le chauffage.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Avant de présenter cet amendement, je formulerai une observation. Le fait que vous vous focalisiez sur les gaz à effet de serre me conforte dans l’idée que j’ai exprimée hier sur l’article 1er et selon laquelle notre empreinte sur l’environnement ne se limite pas aux gaz à effet de serre, il existe aussi d’autres facteurs. C’est pourquoi je milite en faveur d’une mesure de l’empreinte énergétique globale, qui tiendrait compte des gaz à effet de serre, sans pour autant s’y limiter.
En ce qui concerne l’amendement n° 637, un certain nombre d’objectifs de baisse de la consommation d’énergie dans les bâtiments existants ont été fixés. C’est une très bonne idée, puisque c’est là que réside la totalité des gisements économies d’énergie qui doivent être mobilisés.
Cependant, comme le montre la simple observation de la réalité, si nous n’utilisons que des mécanismes incitatifs, nous aurons probablement du mal à atteindre ces objectifs.
Il est donc important de pouvoir instaurer une sorte d’obligation de travaux, qu’il faut bien sûr étaler sur une durée raisonnable.
Néanmoins, devant l’urgence de la situation, je vous soumets un amendement qui prévoit un délai d’obligation de huit ans pour les bâtiments tertiaires, et de quinze ans pour les autres, avec un objectif technique à atteindre, c’est-à-dire une consommation moyenne d’énergie pour le parc des logements, une fois ceux-ci rénovés, de 80 kilowattheures par mètre carré pour les cinq usages réglementés, dont 50 au maximum pour le chauffage.
Je vous propose aussi, dans le même mouvement, de créer un label « rénovation basse consommation » sur le modèle des labels haute performance énergétique, HPE, et très haute performance énergétique, THPE, de manière à garantir que la performance énergétique envisagée sera bien réalisée et à ouvrir sans risque le droit aux éventuels avantages financiers.
M. le président. L'amendement no 638, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du premier alinéa de cet article par les mots :
avec pour objectif d'atteindre à l'issue des travaux une consommation moyenne d'énergie pour l'ensemble du parc de logements rénovés de 80 kilowattheures par mètres carrés par an pour les cinq usages réglementés, dont 50 au maximum pour le chauffage
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Je m’attends à ce que l’amendement précédent, qui tend à poser l’obligation de travaux afin d’atteindre un seuil maximal de consommation moyenne d’énergie, ne recueille pas un avis favorable.
Aussi, avec l’amendement no 638, qui est un amendement de repli, je renonce à l’obligation de travaux tout en conservant, mais sous la forme d’un simple objectif technique, le principe d’un seuil maximal de consommation moyenne.
M. le président. L'amendement no 639, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
de leurs surfaces les moins économes en énergie
par les mots :
de l'ensemble de leurs surfaces de déperditions
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. L’État doit être exemplaire. Aussi cet amendement prévoit-il que, dans les opérations de rénovation, la totalité de ses bâtiments soit prise en considération, et non pas seulement une partie des surfaces à traiter.
M. le président. L'amendement no 11, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du I de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Les députés ont précisé dans le texte de la loi que les gains d'énergie et le stockage de carbone réalisés grâce à la plantation d'arbres et de végétaux pérennes seraient pris en compte dans la mesure de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre.
Il apparaît cependant que ces gains et ce stockage sont difficilement mesurables. Dès lors, la commission propose de supprimer cette disposition.
M. le président. L'amendement no 640, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du premier alinéa du I de cet article :
Les gains d'énergie et le stockage de carbone réalisés grâce à la plantation d'arbres et de végétaux pérennes sur le bâtiment lui-même, à ses abords immédiats ou sur un terrain appartenant à l'État sur le territoire national seront pris en compte dans la limite de 10 % des économies d'énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre réalisées.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. La possibilité accordée à l’État de compenser ses émissions de gaz à effet de serre par la plantation d'arbres et de végétaux est un moyen, acceptable dans son principe, d'introduire une certaine souplesse dans la loi. Pour autant, si l’on veut qu’il conserve sa légitimité, il faut l’encadrer.
À l'extrême, on pourrait en effet imaginer que l'État français se lance dans des plantations massives d’arbres sur le territoire national, voire à l'étranger, pour s'affranchir des normes techniques de rénovation thermique – sinon le gouvernement actuel, peut-être un gouvernement à venir, sait-on jamais ! Il est donc nécessaire de poser une limite, car on ne saurait se dédouaner complètement de la rénovation thermique par la simple plantation d’arbres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’amendement no 637 pose plusieurs difficultés.
Sur le plan rédactionnel et juridique, il relève d’une démarche plus que curieuse puisqu’il vise, alors qu’il porte sur un article non codifié, à insérer des dispositions dans le code de la construction et de l’habitation. En outre, les précisions proposées, telle la création d’un label « rénovation basse consommation », me semblent dépasser le cadre d’une loi de programme.
Enfin, sur le fond, imposer que les logements rénovés présentent une consommation inférieure à 80 kilowattheures par mètre carré et par an, dont 50 pour le chauffage, me paraît procéder d’un mouvement très volontariste, pour ne pas dire qu’un tel objectif est probablement impossible à atteindre.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Pour les mêmes raisons, je suis également défavorable à l’amendement no 638.
La formulation proposée par l’amendement no 639 m’apparaît, là encore, très ambitieuse, pour ne pas dire irréaliste. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Enfin, la commission a jugé qu’il était pour le moins malaisé de calculer les gains d’énergie et le stockage de carbone liés à la plantation d’arbres et de végétaux pérennes. En conséquence, elle a adopté un amendement de suppression de cette disposition. Dès lors, elle ne saurait être favorable à l’amendement no 640, qui est incompatible avec sa position.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, les dispositions que l’amendement no 637 vise à intégrer dans le code de la construction et de l’habitation n’ont pas leur place dans ce projet de loi. Le sujet dont elles traitent sera discuté plus utilement lors de l’examen du Grenelle II.
S’agissant de l’objectif de consommation énergétique moyenne, la rédaction actuelle du projet de loi fixe déjà un seuil maximal de 150 kilowattheures par mètre carré et par an. On sait que, en deçà, les choses deviennent extrêmement compliquées et impliquent des bouquets de travaux. Parfois, même, il vaudrait mieux raser le bâtiment que d’entreprendre sa rénovation, dont la pertinence ne peut être établie qu’au cas par cas, après des études très poussées.
Nous sommes donc défavorables à l’amendement no 637, ainsi que, pour les mêmes raisons, à l’amendement no 638.
Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur l’amendement no 639. En effet, l’objectif est bien d’engager la rénovation de l’ensemble des bâtiments de l’État, en commençant par les bâtiments les moins économes en énergie, et le mot de « surface » est bien à comprendre au sens de « surface habitée » et non dans le sens indiqué dans l’amendement.
Enfin, nous sommes favorables à l’amendement no 11, présenté par M. Sido, dont l’adoption ferait par ailleurs perdre son objet à l’amendement no 640.
M. le président. Monsieur Muller, les amendements nos 637, 638 et 639 sont-ils maintenus ?
M. Jacques Muller. Compte tenu des observations qui viennent d’être formulées, je retire les amendements nos 637 et 639, mais je maintiens l’amendement no 638, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 637 et 639 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 638.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement no 640 n’a plus d’objet.
L'amendement no 12, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Compléter le deuxième alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les politiques engagées par les collectivités territoriales d'outre-mer feront l'objet d'un soutien spécifique afin de tenir compte des risques sismiques.
II. - En conséquence, supprimer la seconde phrase du troisième alinéa du même I.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement no 261, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer la première phrase du troisième alinéa du I de cet article.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. On connaît la position des sénateurs du groupe CRC-SPG sur le recours aux contrats de partenariat public- privé.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi consacré à la relance, nous avons réaffirmé notre opposition à de tels outils ainsi qu’à la volonté de la majorité sénatoriale d’en autoriser une pratique sans limite.
Dans son avis de 2008 portant sur le projet de loi, le Conseil économique et social émettait lui aussi des réserves sur le sujet. En effet, il constatait que de tels contrats, en particulier les contrats de performance énergétique, ne sauraient convenir à toutes les situations.
Notre amendement tend donc à la suppression du renvoi aux contrats de partenariat public-privé, notamment à leur recours « de façon privilégiée ».
Compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel no 2008-567 DC du 24 juillet 2008 et du nécessaire respect du principe d’égalité d’accès à la commande publique pour tous les fournisseurs, il nous semble inopportun que la loi apporte cette dernière précision. Malgré les modifications apportées par l’Assemblée nationale à l’alinéa concerné, sa rédaction, de ce point de vue, n’est toujours pas satisfaisante.
En effet, en vertu de la loi, il ne peut être recouru à la procédure du contrat de partenariat qu’au terme d’une évaluation préalable. De plus, de tels contrats présentent, notamment, l’inconvénient de réserver les marchés à quelques grands groupes, qui seront les seuls à pouvoir proposer une prestation complète aux maîtres d’ouvrage.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter notre amendement.
M. le président. L'amendement no 13, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début de la première phrase du troisième alinéa du I de cet article :
Si les conditions définies par l'ordonnance no 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat sont satisfaites, il pourra être fait appel à des contrats de partenariat pour réaliser les travaux de rénovation en matière d'économie d'énergie portant respectivement sur les 50 et 70 millions…
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Par cet amendement, la commission préconise de supprimer la mention en vertu de laquelle il pourrait être recouru « de façon privilégiée » au contrat de partenariat public-privé.
Une telle indication paraît en effet superfétatoire dans la mesure où le recours au contrat de partenariat ne peut être valablement décidé que si les conditions définies par l'ordonnance du 17 juin 2004 sont satisfaites, ce que précise le texte de l’article 5 adopté par les députés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 261 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Le texte initial du projet de loi allait plus loin puisqu’il faisait du contrat de partenariat un outil privilégié pour réaliser les travaux de rénovation en matière d’économie d’énergie sur les bâtiments publics.
L’Assemblée nationale a déjà adouci cette rédaction en précisant que le recours à ces contrats ne serait possible que si les conditions prévues par l’ordonnance du 17 juin 2004 sont réunies. Pour notre part, nous venons de vous proposer de supprimer la mention prévoyant qu’ils seront utilisés « de façon privilégiée ».
Je ne crois pas qu’il faille aller au-delà et supprimer toute référence aux contrats de partenariat, qui figurent malgré tout parmi les outils dont disposent les personnes publiques pour réaliser ce type de travaux.
On comprend bien pourquoi le Gouvernement souhaite que l’on recoure « de façon privilégiée » à ces contrats, grâce auxquels on peut aller plus vite : le but reste d’avancer et d’éviter de faire du sur-place – ce n’est pas ce que vous proposez, chère collègue, je l’ai bien compris. Or, même sans être utilisé « de façon privilégiée », puisqu’il sera encadré par les dispositions que je viens d’indiquer, le contrat de partenariat permet d’aller plus vite et plus loin.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement no 261.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous sommes opposés à la suppression de toute référence aux contrats de partenariat public-privé parce que ceux-ci, notamment quand ils prennent la forme de contrats de performance énergétique, ont prouvé leur efficacité, dans d’autres pays – par exemple en Allemagne, où ils sont expérimentés depuis plus de vingt ans –, mais également en France, où, dans les quelques cas recensés, ils se sont révélés extrêmement performants.
Le Gouvernement souhaite donc que le principe des contrats de partenariat public-privé reste inscrit dans la loi. Par conséquent, il a émis un avis défavorable sur l’amendement no 261.
Il est en revanche favorable à la rédaction proposée par la commission à travers l’amendement no 13.
M. le président. Madame Terrade, l'amendement no 261 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement no 261 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement no 13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement no 14, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
contrat de performance énergétique
supprimer la fin du dernier alinéa du I de cet article.
L'amendement no 15, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la deuxième phrase du premier alinéa du II de cet article :
À cet effet, 800 000 logements sociaux dont la consommation d'énergie est supérieure à 230 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré et par an feront l'objet de travaux avant 2020 afin de ramener leur consommation annuelle à des valeurs inférieures à 150 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré.
L'amendement no 16, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du premier alinéa du II de cet article, remplacer le mot :
concernent
par le mot :
concerneront
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces trois amendements.
M. Bruno Sido, rapporteur. Les précisions sur les caractéristiques des contrats de performance énergétique ne relèvent pas d'une loi de programme. La commission propose donc, à travers l’amendement no 14, qui est un amendement de simplification, de les supprimer.
Quant aux amendements nos 15 et 16, il s’agit de deux amendements rédactionnels.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Sur l’amendement no 14, même si nous souhaitons très fortement qu’il soit bien inscrit dans la loi que les contrats de performance énergétique sont un engagement sur l’amélioration de l’efficacité énergétique, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
Nous sommes par ailleurs favorables aux deux amendements rédactionnels nos 15 et 16 de la commission.
M. le président. L'amendement n° 713, présenté par M. Repentin, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Une étude sera réalisée pour évaluer l'avantage d'un basculement des crédits d'impôts en faveur des accédants à la propriété contenus dans la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat au bénéfice des propriétaires bailleurs ou accédants à la propriété et des locataires qui entreprendraient des travaux qui permettraient de se conformer dès 2009 aux objectifs contenus ci-dessus.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Cet amendement prévoit, concernant les crédits d’impôt en faveur des accédants à la propriété contenus dans la loi TEPA, la réalisation d’une étude visant à évaluer l’avantage d’un basculement de ces crédits d’impôt au bénéfice des propriétaires bailleurs ou accédants à la propriété et des locataires qui entreprendraient des travaux permettant de se conformer dès 2009 aux objectifs du Grenelle.
En effet, selon l’étude d’impact réalisée en vue de l’adoption de la loi, dans le secteur du bâtiment, le coût brut des mesures envisagées est très important : de l’ordre de 60 milliards d’euros pour l’ensemble des acteurs sur la période 2009-2013. Malgré les économies d’énergie envisageables, vous estimez le coût net à 17 milliards d’euros sur la période. Dans la même étude d’impact, vous considérez que l’aide publique est justifiée parce que certains projets ne sont pas déclenchés, faute de capacité financière des agents économiques.
En 2008, le crédit d’impôt TEPA a représenté, pour l’État, une perte de recettes d’environ 210 millions d’euros sans réel pouvoir « solvabilisateur » : il n’aura pas fait franchir le cap de l’achat à ces ménages, qui hésitent encore, tout simplement parce qu’il n’a qu’un effet marginal.
Il s’agit d’une mesure à fort effet d’aubaine, qui, au mieux, soulage les plus aisés. Elle aura peut-être permis de reculer le moment du retournement des prix sur le marché immobilier, mais sans avoir eu les effets escomptés sur le pouvoir d’achat.
Tel qu’il est construit, ce crédit d’impôt est proportionnel au montant de la transaction et donne lieu à remboursement de l’emprunteur en cas de déficit. Or l’urgence, c’est l’amélioration non pas de la situation budgétaire des ménages les plus aisés, mais du pouvoir d’achat de nos concitoyens les plus modestes.
C’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir admettre l’idée que cette mesure pourrait être réformée de sorte qu’elle profite plus directement aux travaux d’économie d’énergie.
« L’aide pour la mise en place anticipée de nouvelles normes thermiques dans le bâtiment neuf se justifie, parce qu’elle permet à la filière de s’organiser et de monter en puissance progressivement pour répondre aux nouvelles exigences. » Vous l’admettez vous-même : la redistribution des aides fiscales est un des leviers. Encore faut-il se donner la peine de l’envisager. C’est ce que nous vous proposons en invitant l’État à étudier une réforme du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt créé par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », a pour objectif de favoriser l’accès du plus grand nombre de nos concitoyens à la propriété et s’inscrit dans le cadre, plus vaste, de la politique menée par le Gouvernement en faveur de l’accession, notamment sociale, à la propriété.
Par ailleurs, la loi de finances pour 2009 a prévu un certain nombre d’aides en faveur des ménages souhaitant améliorer les performances énergétiques de leur logement, en particulier avec la création d’un éco-prêt à taux zéro, le fameux éco-PTZ, et le « verdissement » des dispositifs fiscaux en faveur du logement, notamment le crédit d’impôt de la loi TEPA.
Dès lors, je ne suis pas persuadé qu’il convienne d’opérer une confusion entre ces deux politiques, accession à la propriété et rénovation des bâtiments, et de les mettre en concurrence, puisqu’il est tout à fait possible de soutenir et d’appuyer ces deux objectifs.
Par conséquent, je ne suis pas favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le crédit d’impôt TEPA est un outil essentiel au service de la politique d’accession sociale à la propriété. Il a été « verdi » et « éco-conditionné » dans le cadre de la loi de finances. Il est maintenant clair que le bénéfice de ce crédit d’impôt suppose que l’on se conforme à la législation thermique.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Supprimer la quatrième colonne du tableau constituant le troisième alinéa du II de cet article.
II. - En conséquence, dans la dernière colonne de la première ligne du même tableau, remplacer l'année :
2012
par l'année :
2011
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 712, présenté par M. Repentin, est ainsi libellé :
I. - Après le troisième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
L'État élargira également la portée du dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties accordé aux organismes bailleurs de logements sociaux par l'article 1391 E du code général des impôts à raison des travaux d'économie d'énergie qu'ils réalisent, notamment en élargissant les possibilités d'imputation de ce dégrèvement.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant pour les collectivités locales de l'élargissement de la portée du dégrèvement de taxe foncière prévu par l'article 1391 E du code général des impôts au profit des bailleurs sociaux réalisant des travaux d'économie d'énergie sont compensées, à due concurrence, par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement.
La perte de recettes résultant pour l'État de l'alinéa ci-dessus est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Avec cet amendement, nous souhaitons engager la discussion sur les moyens financiers de l’État afin d’accompagner notamment les travaux d’économie d’énergie dans le parc social.
Cet amendement tend à élargir la portée du dégrèvement de taxe foncière prévu par l’article 1391 E du code général des impôts au profit des bailleurs sociaux qui réalisent des travaux d’économie d’énergie.
Pour atteindre l’objectif de rénovation du parc de logements sociaux fixé par l’article 5, il paraît nécessaire de prévoir, en complément des prêts à taux privilégiés envisagés au profit des organismes-bailleurs de logements sociaux, des mesures d’aides fiscales additionnelles, sans lesquelles les travaux ne seront pas engagés.
En effet, à ce jour, il n’a pas été consenti d’aide complémentaire au secteur public pour atteindre ces objectifs et les travaux réalisés par les bailleurs sociaux ne bénéficieront ni des prêts à taux zéro, pourtant attribués aux logements privés, ni du dispositif de crédit d’impôt de l’article 200 quater du code général des impôts.
C’est pourquoi, en élargissant la portée du dégrèvement de taxe foncière prévu par l’article 1391 E du code général des impôts au profit des bailleurs sociaux qui réalisent des travaux d’économie d’énergie, vous rétablissez un peu l’équilibre.
Aujourd’hui, ce dégrèvement, qui est en principe égal au quart des dépenses payées, ne peut s’imputer que sur la cotisation de taxe foncière due au titre de l’immeuble dans lequel sont réalisés les travaux, ce qui conduit en pratique à le plafonner à un niveau largement inférieur. Or, si on évalue, comme l’a fait le COMOP, le coût moyen des travaux de rénovation énergétique à 12 000 euros par logement et que l’on considère que la taxe foncière s’établit en moyenne à 500 euros par logement, le dégrèvement se trouve en pratique limité à moins de 5 % de la valeur des travaux.
Pour remédier à cette situation, il est proposé d’élargir ces possibilités d’imputation. Il s’agirait en fait de permettre une imputation sur l’ensemble des cotisations afférentes aux immeubles possédés par le bailleur dans le ressort du même service des impôts.
C’est sans doute un dispositif un peu technique, mais c’est également un levier essentiel pour donner quelques moyens laissant espérer que les bailleurs sociaux répondront à l’objectif majeur de la rénovation des 800 000 logements les plus énergivores.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement, qui est très technique, présenté sous une forme plus normative, a déjà été rejeté plusieurs fois par le Sénat, notamment lors de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion et au cours de l’examen du projet de loi de finances.
Par ailleurs, je ne vois pas bien l’intérêt de proposer l’insertion d’une telle disposition, ainsi rédigée, dans une loi de programme, puisqu’il importerait, dans le cas présent, de modifier le droit fiscal dans le code général des impôts, qui serait éventuellement modifié dans le cadre du Grenelle II.
En conséquence, la commission ne peut être favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Parlons plus globalement du problème du financement des travaux d’économie d’énergie dans le parc social.
D’abord, c’est une nécessité, une priorité et, je le rappelle, vous l’avez dit vous-même hier, le parc social réalise globalement aujourd’hui une meilleure performance thermique que le parc privé.
M. Daniel Raoul. C’est vrai !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Il ne s’agit pas de montrer du doigt le parc social. C’est un outil collectif, organisé, efficace, et les travaux d’économie d’énergie ont un impact majeur pour les populations qui l’occupent. C’est donc une priorité pour tout le monde ; il n’y a pas de débat entre nous sur ce point.
Lorsque nous avons travaillé avec l’Union – qui n’avait pas eu l’honneur de changer de présidence –, ses équipes et l’ensemble des organismes, nous avons regardé d’abord ce qui était faisable en termes de délais. Nous sommes arrivés à la conclusion que, au-delà des fonds propres des offices, une aide complémentaire de l’ordre de 15 % à 20 % était nécessaire – les comptes rendus de réunions sont parfaitement clairs.
L’idée première était plutôt d’instaurer une sorte de « PALULOS thermique ». Mais les organismes – c’était peut-être une intuition géniale de leur part car il n’y avait pas encore de credit crunch – ont finalement préféré avoir l’avantage équivalent par un différentiel de taux d’intérêt de prêts bonifiés.
À l’époque, monsieur Repentin, les taux, qui étaient déjà bonifiés mais qui ne faisaient pas appel aux fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations, étaient à 3,7 % ou 3,9 % et le différentiel strictement équivalent sur la durée de l’avantage nous amenait à 1,9 %. L’Union a préféré alors avoir des crédits garantis plutôt qu’un PALULOS thermique. Voilà le point sur lequel, en toute bonne foi, les parties sont parvenues à un accord.
Entre-temps, le taux de rémunération a été modifié : il est passé de 3,7 % ou 3,9 % à 2,5 % aujourd’hui. Il n’est donc pas complètement inutile de rouvrir ce dossier de partenariat. On peut même réfléchir à d’autres systèmes, notamment à un allongement.
À partir du moment où la clé de répartition entre les fonds propres et l’aide complémentaire de l’État a été arrêtée, les choses bougeant, compte tenu de l’importance absolument cruciale de ce dossier, monsieur le sénateur, je vais proposer au président de l’Union un rendez-vous pour que nous puissions avancer activement sur ce point.
M. Daniel Raoul. Il faudrait encore qu’ils se rencontrent ! Là est le problème !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. M. le ministre d’État m’a fait une réponse assez générale qui concerne l’amendement n° 712, que je viens de présenter, et l’amendement n° 171, que je souhaite donc présenter.
M. le président. J’appelle en discussion l’amendement n° 171, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase du quatrième alinéa du II de cet article, remplacer le mot :
privilégiés
par les mots :
variable minimal de 1,9 %
II. - Compléter cette même phrase par les mots :
dans des conditions définies par décret
Veuillez poursuivre, monsieur Repentin.
M. Thierry Repentin. L’amendement n° 171 était justement un amendement d’appel pour indiquer, notamment au Gouvernement, que ce taux de 1,9 % ne veut plus rien dire aujourd’hui compte tenu de la baisse du taux de rémunération de l’épargne populaire, qui a été décidée voilà quelques jours par les pouvoirs publics.
Cela signifie que l’effort, qui était timide, de 1,9 % n’est plus aujourd’hui un effort et que nous devons revoir complètement le mode de financement des travaux d’économie d’énergie dans le parc social. En effet, les partenaires, les organismes de logements sociaux, qui veulent réaliser ces travaux, ne peuvent pas les faire aujourd’hui, sauf à avoir une manne financière des collectivités locales qui viendrait se substituer à eux ou qui répondrait à un appel du Gouvernement.
Monsieur le ministre d’État, j’ai entendu que vous proposiez un rendez-vous et que la discussion se poursuivrait au-delà même de ce texte. Mes amendements étaient des amendements d’appel : vous y répondez, je vais donc les retirer.
Je veux toutefois rappeler à M. le rapporteur que cet amendement n° 712 avait été repoussé lors de l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, présenté par Mme Boutin, et au cours de l’examen du projet de loi de finances, les deux ministres présents alors au banc du Gouvernement m’avaient proposé de revoir cette question avec vous dans le cadre du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle. C’est donc sur leur suggestion que je vous ai interpellé aujourd’hui.
Je vous remercie de ce rendez-vous que nous aurons prochainement pour voir comment trouver un financement équivalant à 20 % des travaux à engager logement par logement.
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. La question d’un déplafonnement éventuel peut aussi se poser.
Pour conclure, je dirai qu’avec l’Union, sous le contrôle du Sénat et de l’Assemblée nationale d’ailleurs, nous avons voilà quelques années passé des accords, par exemple sur la modification de la taxe foncière sur les propriétés bâties. L’Union s’était engagée à l’époque à faire un saut spectaculaire et à passer de 37 000 logements à 60 000, 80 000, puis 100 000 logements. Tous ces engagements ont été respectés par l’Union et par le Gouvernement.
En ces domaines, il s’agit de l’intérêt convergent des populations. Nous devons donc être capables, là aussi, sur le chantier thermique, de passer un accord en béton.
M. Daniel Raoul. Joli !
M. le président. Les amendements nos°712 et 171 sont retirés.
L'amendement n° 176, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Compléter la première phrase du quatrième alinéa du II de cet article par les mots :
ainsi qu'un prêt à taux zéro
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État de l'extension aux organismes bailleurs de logements sociaux du dispositif du prêt à taux zéro est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Cet amendement vise à aligner les aides destinées à la réhabilitation dans le logement social sur celles qui sont destinées aux particuliers.
Le projet de loi comporte, conformément aux conclusions du Grenelle de l’environnement, un objectif de réalisation de travaux sur 800 000 logements sociaux. Le principe d’une enveloppe de 1,2 milliard d’euros, au titre des prêts sur fonds d’épargne, pour financer l’amélioration de la performance énergétique de 100 000 logements en deux ans a été arrêté en octobre 2008.
Je ne reviendrai pas sur la discussion que nous avons eue à propos du taux d’intérêt qui pourrait être accordé à l’avenir aux organismes de logements sociaux pour accompagner leur financement. Toutefois, nous souhaitons que, à l’instar de l’éco-prêt consenti, grâce à la loi de finances de 2009, aux propriétaires privés pour réaliser des travaux thermiques, soit ici accordé aux bailleurs sociaux un prêt à taux zéro. Ce prêt équivaut quand même à une subvention de 2 900 euros par logement, hors fluctuation monétaire ou tension inflationniste, considérant le niveau actuel du livret A.
Cette disposition permettrait simplement de restaurer en partie les conditions de financement initialement prévues. Je vous propose sans doute là, mes chers collègues, l’une des solutions intéressantes, pertinentes et novatrices que nous pourrions être conduits à adopter. En commission, j’ai cru comprendre que cet amendement suscitait un certain intérêt. J’attends donc la réponse de M. le rapporteur, qui m’a laissé espérer…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Le choix fait par le Gouvernement repose, me semble-t-il, sur la mise à disposition des bailleurs sociaux d’une enveloppe de taux bonifiés pour opérer la rénovation thermique de leurs logements.
Il n’est donc pas prévu de créer un tel mécanisme, mais M. le ministre d’État va sûrement nous en dire davantage.
C’est pourquoi je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement avant de donner la position de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Monsieur Repentin, nous devons, tous ensemble, examiner les différentes possibilités de financement qui s’offrent à nous. Nous pouvons parfaitement retenir la solution mixte que vous proposez et qui a d’ailleurs été, un temps, envisagée. Mais nous avons eu une certaine prédilection pour des prêts bonifiés à long terme.
Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas là dans le cadre d’une négociation. Nous sommes prêts à changer notre fusil d’épaule, mais nous devons réfléchir aux conditions susceptibles de permettre aux organismes sociaux d’engager rapidement ces travaux en utilisant leurs fonds propres et en bénéficiant des aides de l’État. Nous disposons aujourd'hui de toutes les analyses pour le faire.
En conséquence, je vous propose, monsieur le sénateur, d’examiner cette question au cours du rendez-vous que j’ai évoqué tout à l’heure, car l’enceinte du Sénat n’est pas le lieu approprié pour définir des taux, même s’il devait s’agir de taux zéro.
M. le président. Monsieur Repentin, l'amendement n° 176 est-il maintenu ?
M. Thierry Repentin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 176 est retiré.
L'amendement n° 126, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :
Après la première phrase du quatrième alinéa du II de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Les conditions de bonification de cette enveloppe de prêt et notamment son évolution par rapport au taux du livret A sont fixées par décret.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 262, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du II de cet article, supprimer les mots :
notamment à partir des économies réalisées grâce à ces travaux de rénovation
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Nous souhaitons supprimer la mention aux termes de laquelle les travaux de rénovation pourront être financés notamment à partir des économies réalisées grâce à ces mêmes travaux, afin que l’augmentation du loyer de base des locataires ne soit pas source de financement de ces actions.
Le mécanisme de financement des travaux reste encore à définir entre l’État, la Caisse des dépôts et consignations et les organismes bailleurs. En tout état de cause, il semblerait que soient prises en compte, dans le cadre de son amortissement, les économies réalisées sur les dépenses énergétiques résultant des travaux de rénovation thermique financés par les prêts.
Or, si l’on parvient à réaliser des économies importantes dans des logements sociaux particulièrement dégradés, donc gros consommateurs d’énergie, et pour lesquels les locataires payaient, en toute logique, des charges très élevées, les locataires ne profiteront pas de ces économies puisqu’elles financeront une partie des travaux.
Si l’aide de l’État est réduite, le montant du loyer risque d’augmenter à proportion du manque d’économie d’énergie.
De plus, il serait illusoire, dans un contexte de hausse des prix de l’énergie au profit de la rémunération des actionnaires, de faire croire que les économies d’énergie vont contribuer à augmenter le pouvoir d’achat des Français. Ne pas supprimer cette condition revient à soutenir le désengagement financier de l’État, alors que le parc HLM accueille des personnes aux revenus modestes. Une aide tronquée de l’État ne serait pas satisfaisante, car nous devons accorder une attention particulière à ces familles.
C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Dès lors que les travaux de rénovation thermique bénéficient aux locataires, il n’est pas totalement aberrant que ceux-ci participent au financement de ces travaux, dans des conditions qu’il conviendra de définir après négociation entre l’État, les représentants des bailleurs et les locataires.
Par conséquent, la commission n’est pas favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Il nous semble particulièrement important de mettre en place une stratégie gagnant-gagnant avec, d’un côté, le propriétaire et, de l’autre, le locataire. À défaut, dans un pays où le nombre de locataires est plus élevé que la moyenne européenne, nous risquerions de nous retrouver dans une situation où les locataires seraient les derniers bénéficiaires de ce dispositif. Or le principe est que la réduction de la facture d’énergie soit telle qu’il ne soit pas nécessaire d’augmenter le montant total du loyer et des charges locatives.
Aussi, nous considérons qu’il faut maintenir la mention que vous souhaitez supprimer. En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 174, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Compléter le dernier alinéa du II de cet article par les mots :
notamment pour leur permettre des adaptations marginales à la norme fixée au premier alinéa dans le cas d'un patrimoine manifestement difficile à rénover
II. - Compléter le même II par un alinéa ainsi rédigé :
Un décret fixe les conditions techniques pouvant justifier de telles adaptations et les modalités de compensation applicables aux organismes concernés.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Cet amendement vise à ajouter au dernier alinéa du paragraphe II de l’article 5, qui concerne le logement social, une phrase précisant que les organismes bailleurs sont encouragés à recourir aux énergies renouvelables « notamment pour leur permettre des adaptations marginales à la norme fixée au premier alinéa dans le cas d’un patrimoine manifestement difficile à rénover ». Nous voulons tenir compte de certains cas particuliers dans la construction.
Il se trouve que la réalité du parc de logements sociaux est très diverse. Un euro dépensé pour réhabiliter un logement peut avoir des effets sensiblement différents en fonction de la date de construction du logement. C’est pourquoi nous proposons d’envisager que, dans les cas où les sommes nécessaires à la poursuite de l’objectif s’écarteraient trop de la moyenne établie par l’Union des HLM, les organismes puissent bénéficier d’un moyen de compenser l’effort réalisé.
Nous proposons, en outre, qu’un décret fixe les conditions techniques pouvant justifier de telles adaptations et les modalités de compensation applicables aux organismes concernés. L’idée est non pas de déroger à la norme, mais d’envisager, lorsque c’est nécessaire, des mécanismes de compensation plutôt que d’engager des dépenses dont l’efficacité serait techniquement douteuse. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous proposons que l’Union sociale pour l’habitat soit consultée en amont et qu’elle adresse les éléments techniques dont elle dispose sur l’état du parc.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Je suis assez sensible aux arguments présentés par M. Repentin, notamment lorsqu’il évoque la réalité des immeubles de logements sociaux qui peuvent être différents. Dans certains cas, il peut être difficile d’atteindre l’objectif de 150 kilowattheures par mètre carré.
C’est pourquoi je souhaiterais entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Comme vous l’avez dit, il sera, dans certains cas, difficile de dépasser l’objectif de 150 kilowattheures par mètre carré, qui est le minimum à atteindre. Toutefois, le recours aux énergies renouvelables est déjà pris en compte et déduit dans le calcul de la consommation globale d’énergie des bâtiments.
À mon avis, votre amendement est satisfait de facto.
M. le président. Êtes-vous convaincu, mon cher collègue ?
M. Thierry Repentin. Pas tout à fait !
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 177, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du II de cet article par les mots :
, et feront l'objet de la même attention que le logement privé en matière d'objectifs et de moyens dans la mise en œuvre des dispositifs d'économie d'énergie
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Il s’agit d’affirmer que les logements sociaux feront l’objet de la même attention que le logement privé en matière d’objectifs et de moyens dans la mise en œuvre des dispositifs d’économie d’énergie.
J’ai bien entendu les échanges de vues entre mon collègue Thierry Repentin et M. le ministre d’État. Cet amendement vise non pas à entrer dans les détails techniques, mais à exprimer une volonté plus globale.
Le projet de loi prend acte du fait que le secteur du bâtiment consomme près de 40 % de l’énergie finale et contribue pour près du quart des émissions de gaz à effet de serre. Ce secteur étant considéré comme prioritaire, le texte insiste notamment sur les actions à engager en faveur des économies d’énergie et de la promotion des énergies renouvelables. Mais il semble que la donne soit déséquilibrée.
En effet, les dispositifs susceptibles d’inciter les bailleurs privés et les propriétaires occupants sont manifestement plus aboutis que ceux qui sont destinés aux logements sociaux. Vous avez même imaginé que l’éco-prêt à taux zéro et le crédit d’impôt soient cumulables pour les particuliers, alors que le seul dispositif d’aide supplémentaire destiné au logement social consiste en un prêt à 1,9 %, qui, comme nous l’avons déjà dit, n’a plus une grande signification à l’heure actuelle.
Au congrès de Lyon de septembre 2007, l’Union sociale pour l’habitat s’était engagée à procéder à la réhabilitation des 800 000 logements les plus consommateurs d’énergie. Le programme visait à réduire de 25 % en moyenne la consommation énergétique d’un logement, et ce pour un coût moyen de 6 000 euros par logement. (M. le ministre d’État fait un signe de dénégation.)
Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a souhaité aller plus loin en termes de performances, ce dont il faut se réjouir, mais le coût moyen par logement pour les organismes d’HLM est passé à 15 000 euros. Si ces objectifs ambitieux sont inscrits dans le projet de loi, les crédits nécessaires n’ont pas été, en revanche, débloqués.
Sans l’annonce d’un engagement ferme, vous comprendrez, monsieur le ministre d’État, que nous ayons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Chaque secteur, privé ou social, fait l’objet d’une attention particulière et bénéficie, à ce titre, de mesures adaptées à ses caractéristiques propres.
Dans ces conditions, il ne me semble pas opportun de faire un procès d’intention au Gouvernement, notamment à M. le ministre d’État, dont nous connaissons l’engagement dans ce domaine, et de le soupçonner de délaisser le secteur social au profit du secteur privé.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Nos engagements ont sans doute été pris après la rédaction de votre amendement…
M. le président. Madame Herviaux, l'amendement n° 177 est-il maintenu ?
Mme Odette Herviaux. Je m’étonne de l’avis défavorable de la commission. Les négociations engagées ont porté bien plus sur des points précis et techniques. J’aurais souhaité de votre part un engagement un peu plus grand.
Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 177 est retiré.
L'amendement n° 130 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Pillet, Revet, Bizet et Pierre et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les gains d'énergie réalisés grâce à la plantation d'arbres et de végétaux pérennes seront pris en compte dans la mesure de la consommation d'énergie.
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Cet amendement vise à tenir compte des gains d’énergie réalisés, et qui peuvent être importants, grâce à la plantation, là où c’est possible, de haies végétalisées ou d'arbres autour des logements sociaux.
Il est largement prouvé que les végétaux permettent de réguler la température intérieure des bâtiments situés à proximité. La réduction de consommation d'énergie en chauffage ou en climatisation est évidente. L’hiver, les végétaux peuvent diminuer jusqu'à 50 % l'infiltration d'air froid dans les bâtiments, ce qui correspond à des économies potentielles de chauffage de l'ordre de 10 % à 12 % par an.
Certes, ces économies d’énergie sont difficilement quantifiables, mais il est absolument nécessaire de mener une expérimentation comparative, parce que cette mesure de végétalisation permettrait aux bailleurs de bénéficier de prêts à taux privilégiés et des aides de l’État à hauteur de 20 % pour le financement des programmes de rénovation.
Cette mesure répond en outre à trois objectifs : l’embellissement paysager, la réduction des gaz à effet de serre et l’économie d’énergie.
Telles sont les raisons pour lesquelles je tiens à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Mon cher collègue, la commission a proposé la suppression de cette disposition que vous souhaitez rétablir, au motif, précisément, qu’il était très délicat, pour ne pas dire impossible, de comptabiliser les gains réalisés grâce à la plantation des végétaux.
En conséquence et par cohérence avec la position de la commission, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Il serait effectivement très intéressant de tenir compte du gain apporté par les plantations d’arbres et de végétaux. Toutefois, au-delà de la mesure que nous évoquions de végétalisation des toits, cela supposerait, pour chaque construction, l’établissement d’un bilan carbone, ce qui, sur le plan technique, est lourd et complexe.
Aussi, le Gouvernent souhaite, comme la commission, le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Pointereau, l'amendement n° 130 rectifié est-il maintenu ? C’est une experte de l’ADEME qui vous a donné son avis.
M. Rémy Pointereau. Je souhaiterais vraiment que soit faite une expérimentation comparative entre les bâtiments végétalisés avec des plantes spécifiques et pérennes, et les autres, afin que, le bilan de l’opération établi, nous ayons une idée des économies possibles d’énergie. Il me semble vraiment important d’y réfléchir.
Cela dit, je retire ce qui était donc un amendement d’appel.
M. le président. L'amendement n° 130 rectifié est retiré.
Je suis sûr, mes chers collègues, que certains d’entre vous seraient intéressés par une telle expérience.
L'amendement n° 178, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa (a) du III de cet article, après les mots :
le remboursement
insérer le mot :
intégral
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Cet amendement très simple tient en un mot, mais celui-ci n’est pas anodin.
À l’alinéa a de l’article 5, nous souhaitons préciser que les caractéristiques financières des prêts aux particuliers résultant des accords que l’État entend favoriser avec le secteur des banques et des assurances permettront de rembourser intégralement – j’insiste sur cet adverbe que j’évoquais – les annuités d’emprunt au moyen des économies d’énergie réalisées.
En effet, pour les nombreux ménages à qui la facture énergétique pose un sérieux problème en termes de pouvoir d’achat, la réalisation de travaux d’isolation n’est financièrement supportable que si les économies d’énergie qui en résultent compensent intégralement le coût d’amortissement de ces travaux.
Il nous paraît essentiel de poser ce principe pour assurer le succès de tout dispositif, a fortiori si les travaux deviennent obligatoires, comme cela pourrait être le cas à moyen terme.
Il semble, au vu des mesures dont elles ont bénéficié, que les banques françaises ne se portent pas si mal. C’est une raison supplémentaire, étant donné l’importance de l’enjeu, pour imaginer des dispositifs indolores pour les ménages. Somme toute, une telle disposition constituerait, si je peux m’exprimer ainsi, un acte « grenello-compatible » des banques. De leur part, un geste citoyen est le moins que nous sommes en droit d’attendre !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Il va déjà être compliqué de bâtir des produits financiers permettant le remboursement des mensualités d’emprunt, mensualités dont le niveau devrait être calé sur les économies d’énergies réalisées. Dès lors, on ne peut préciser que le remboursement devra « intégralement » être absorbé par les économies d’énergie. En effet, couvrir entièrement le remboursement au moyen des économies d’énergie réalisées, c’est, à mon avis, une mission impossible.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Effectivement, le principe d’un remboursement intégral est très complexe.
En effet, la réglementation thermique est fondée sur trois conditions à respecter. Le particulier peut ensuite choisir d’installer dans son habitation plusieurs types d’équipements consommant beaucoup d’énergie.
Par conséquent, le principe même du remboursement intégral serait extrêmement difficile à appliquer et à vérifier. Aussi le Gouvernement est-il défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 694 rectifié, présenté par MM. Bizet et Deneux, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa (a) du III de cet article, après les mots :
dans les copropriétés
insérer les mots :
et s'assurera de l'élaboration d'un modèle type de contrat de performance énergétique
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. L’objectif de cet amendement est de définir le contenu des contrats de performance énergétique, afin de renforcer la protection des consommateurs qui s’engagent sur une longue durée avec un opérateur.
Cette définition du contrat de performance énergétique permettra aux consommateurs de comparer les offres en toute connaissance de cause.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement a été heureusement rectifié, conformément aux recommandations de la commission, qui émet donc un avis favorable.
En effet, nous trouvons intéressante cette idée tendant à l’élaboration d’un modèle type de contrat de performance énergétique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. M. Jean Bizet a raison.
Nous sommes en train d’expérimenter à notre niveau et pour nos propres travaux ces contrats qui, en réalité, sont assez complexes. Ils ont été conçus pour des projets, des programmes importants, mis en œuvre par de grands opérateurs, sans problème de validation ou de performance du bouquet énergétique. Ce sera encore plus vrai pour des opérations de moindre importance.
D’une certaine manière, nous sommes heureux que vous ayez attiré notre attention et le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le dernier membre de phrase du deuxième alinéa (a) du III de cet article, supprimer les mots :
à faciliter et
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.
La commission perçoit mal comment des produits assurantiels pourraient permettre de « faciliter » le bon résultat des travaux d'économies d'énergie dans les bâtiments existants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 19, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa (b) du III de cet article :
b) Les modalités d'application du crédit d'impôt sur le revenu en faveur des économies d'énergie et de l'utilisation des énergies renouvelables seront réformées afin de favoriser la rénovation des logements donnés en location et la réalisation de travaux ou l'acquisition des équipements les plus performants ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.
Un dispositif de crédit d’impôt sur le revenu en faveur de l’amélioration de la qualité environnementale des logements est déjà prévu par la législation en vigueur et a d’ailleurs fait l’objet d’une réforme avec l’article 109 de la loi de finances pour 2009.
Dès lors, il convient d’actualiser la rédaction de cette disposition.
M. le président. L'amendement n° 695, présenté par MM. Bizet et Deneux, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le troisième alinéa (b) du III de cet article :
b) Les modalités d'application du crédit d'impôt sur le revenu en faveur des économies d'énergie et de l'utilisation des énergies renouvelables, basées tant sur l'acquisition que sur la pose, seront réformées afin de favoriser la rénovation des logements donnés en location et la réalisation de travaux par les propriétaires occupants ou l'acquisition des équipements les plus performants.
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes pour l'État résultant de la modification du crédit d'impôt en faveur des économies d'énergie est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Il s'agit, d'une part, d'apporter une clarification sur le champ d'application du crédit d'impôt, afin de permettre aux pouvoirs publics de définir précisément l'assiette de ce crédit d'impôt et notamment les types de logements visés, la nature des travaux réalisés et les matériaux, équipements et appareils concernés.
La pose des matériaux, équipements et appareils, indispensable à la qualité des travaux réalisés, est prise en compte dans le crédit d'impôt.
Il s'agit, d'autre part, de préciser que les modalités du crédit d'impôt s'appliqueront également aux propriétaires occupants leur logement.
M. le président. L'amendement n° 714, présenté par M. Repentin, est ainsi libellé :
I. - Compléter le troisième alinéa (b) du III de cet article par un membre de phrase ainsi rédigé :
ce crédit d'impôt pourra bénéficier aux propriétaires ainsi qu'aux locataires lorsqu'une quote-part de la dépense est mise à leur charge par les propriétaires, y compris si cette quote-part est payée de manière échelonnée sur plusieurs années ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État de l'extension aux locataires du crédit d'impôt pour travaux d'économies d'énergie est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Cet amendement vise à rétablir une équité de traitement entre le propriétaire et le locataire.
Chacun l’a désormais compris, le propriétaire qui effectuera des travaux bénéficiera d’un crédit d’impôt. Le bailleur qui entreprend des travaux de rénovation dans un logement, en l’état actuel des textes, et compte tenu de la pratique, impute une quote-part sur la quittance du locataire en la répartissant sur plusieurs années, afin que la facture soit moins douloureuse. Mais la possibilité de bénéficier d’un crédit d’impôt n’est alors pas prévue pour les locataires.
C’est pourquoi nous souhaitons permettre à ces derniers de bénéficier du crédit d’impôt, qu’ils pourront étaler dans le temps, au titre des sommes qu’ils rembourseront aux propriétaires dans le cadre de travaux d’économie d’énergie réalisés dans leur logement.
Avec cet amendement, nous proposons que le dispositif devienne accessible, y compris pour les logements HLM, dès lors qu’il y a répercussion d’une quote-part sur le locataire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 695 et 714 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’amendement n° 695 de M. Bizet me pose un problème dans la mesure où il est en concurrence avec celui de la commission.
La réforme de ce crédit d’impôt a déjà eu lieu dans le cadre de la loi de finances pour 2009. Dans ces conditions, il est préférable de rédiger cette disposition dans des termes généraux.
Je marque une nette préférence pour la rédaction de la commission. Aussi, je souhaite que M. Bizet accepte de retirer son amendement qui est satisfait.
Sur le fond, la modification de la loi fiscale proposée par M. Thierry Repentin à l’amendement n° 714 m’apparaît intéressante et mérite expertise.
Sur la forme, la formulation du b du III de l’article 5 proposée par la commission n’interdirait pas une telle évolution du droit.
Par conséquent, je demande à M. Repentin de vouloir bien retirer son amendement pour un examen dans un texte fiscal adapté. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. De toute façon, il deviendra sans objet si l’amendement de la commission est adopté.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 19.
En revanche, il est défavorable à l’amendement n° 695, qui nous semble satisfait par celui de la commission, en tout cas nous l’espérons.
Le Gouvernement est également défavorable, sur la forme, à l’amendement n° 714 de M. Repentin, car une telle disposition relève plus d’une loi de finances que d’une loi de programme.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Si je comprends bien, nous avons raison sur le fond, mais pas sur la forme, et l’amendement n° 19 de la commission pourrait répondre à notre appel.
Effectivement, pourquoi traiter différemment le propriétaire, qui va obtenir un crédit d’impôt s’il paie directement les travaux de rénovation thermique, et le locataire, qui n’aura pas droit au crédit d’impôt sur la quote-part imputée par le propriétaire pour ces travaux ?
Cette disposition, telle qu’elle est imaginée, crée bien, sur le plan fiscal, une distorsion de traitement entre le propriétaire et le locataire. C’est pourquoi je demande que les deux soient traités de façon équitable.
Monsieur le rapporteur, je suis prêt à voter votre amendement qui, visiblement, répond à cette attente, à condition toutefois que vous acceptiez un sous-amendement précisant : « tout en préservant le pouvoir d’achat des locataires ». Ainsi, la réforme mise en place prendra en compte la problématique que j’évoquais.
Nous devons donner un signal à l’administration fiscale pour l’inciter à faire preuve de plus d’équité, sans quoi seul le propriétaire bénéficiera du crédit d’impôt, alors que nous voulons l’équité fiscale, et ce quel que soit le statut de celui qui paie les travaux.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. J’ai très bien compris le sens de l’amendement de M. Repentin. Effectivement, pourquoi un locataire effectuant des travaux relevant de la responsabilité du propriétaire ne bénéficierait-il pas des mêmes avantages fiscaux ?
Je vous propose de revoir ce dispositif dans trois mois, à l’occasion de l’examen du projet de loi dit « Grenelle II ». Il est effectivement tout à fait normal d’instaurer un traitement équitable, mais il n’est pas possible d’introduire une telle disposition dans cette partie du présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Je renonce à déposer un sous-amendement et j’arrête la discussion, puisque, si j’ai bien compris, nous la reprendrons dans quelques mois.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 695 et 714 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 681, présenté par MM. Bizet et Deneux, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le cinquième alinéa du III de cet article :
L'État permettra aux bailleurs sociaux et privés qui investissent dans des travaux d'amélioration de la performance énergétique et de réduction des émissions de dioxyde de carbone des logements loués de pouvoir compenser leurs investissements pour travaux par une hausse de loyer. Cette hausse de loyer tiendrait compte d'un engagement de baisse des charges énergétiques résultant des travaux ; la somme du loyer et des charges énergétiques après travaux serait légèrement inférieure à celle de la situation initiale. Cette disposition serait limitée à la durée d'amortissement des travaux par le propriétaire. Un décret modifiera les conditions d'affectation des charges entre propriétaires et locataires pour les opérations dédiées aux travaux d'efficacité énergétique.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Les bâtiments existants constituent le contributeur le plus important de la consommation énergétique et des émissions de CO2 du secteur du bâtiment.
Cet amendement vise à inciter les propriétaires bailleurs à réaliser des travaux de performance énergétique en créant un mécanisme de compensation. Le coût des investissements des propriétaires en matière d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments dissuadait plutôt de réaliser les travaux.
En donnant aux propriétaires la possibilité d'augmenter les loyers suite à la réalisation de ces travaux, le pouvoir d'achat des particuliers locataires est préservé dans la mesure où cette augmentation doit être au moins intégralement compensée par la baisse des charges liée aux gains d'énergie. Cette disposition renforce le caractère incitatif des dispositifs mis en place.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur Bizet, sur le fond, le dispositif que vous proposez est très loin d’être inintéressant.
M. Thierry Repentin. Comme d’habitude ! (Sourires.)
M. Bruno Sido, rapporteur. Toutefois, je ne suis pas persuadé qu’il soit très adroit de supprimer la référence à une concertation entre les représentants des bailleurs et des locataires sur des sujets aussi sensibles – M. Repentin ne me dira pas le contraire ! – que le partage des gains liés aux économies d’énergie et la répartition des charges entre bailleurs et locataires.
La commission, qui est très réservée sur cet amendement, vous demande donc, monsieur Bizet, de bien vouloir le retirer ; à défaut, elle sera contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement propose de reprendre cette discussion dans le cadre d’une concertation.
Certes, il est possible de prévoir une hausse de loyer, mais on peut également prévoir une troisième ligne qui distinguerait très clairement la part affectée aux travaux et aux économies d’énergie, ce qui permettrait de ne pas « noyer » le dispositif dans le loyer.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Je ne serai pas aussi long que tout à l’heure, sinon je vais finir par lasser mes collègues ! (Sourires.)
Madame la secrétaire d’État, cette proposition étant intéressante, il ne faut surtout pas jeter le bébé avec l’eau du bain !
Comme nous l’avions d’ailleurs fait observer en commission à nos collègues Jean Bizet et Marcel Deneux, un accord collectif entre les bailleurs et les locataires est, il est vrai, nécessaire. Toutefois, renvoyer sine die une proposition intéressante ne correspond pas à l’idée que je me fais de l’élaboration de la loi par la Haute Assemblée.
Manifestement, la proposition présentée par notre collègue Bizet est imparfaite. Néanmoins, comme vous l’avez souligné vous-même, monsieur le rapporteur, elle est loin d’être inintéressante. Il serait donc souhaitable que vous nous apportiez une réponse à la hauteur de son intérêt.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Sur cet amendement, je rejoins l’avis du Gouvernement. Je souhaite simplement préciser que des négociations sont en cours au sein de la Commission nationale de concertation entre les organismes de logements sociaux et les associations de locataires. Il n’est pas exclu qu’ils parviennent à un accord, y compris sur la répercussion d’une partie du montant des travaux.
Puisque nous pourrons soulever ce point dans le cadre de l’examen du Grenelle II, point n’est besoin de nous presser pour trancher cette question. En effet, peut-être ne serait-ce pas un bon signe qu’une loi vienne imposer quelque chose alors qu’une discussion susceptible d’aboutir positivement est en cours.
M. Dominique Braye. Il ne s’agit pas uniquement des bailleurs sociaux !
M. le président. Monsieur Bizet, l’amendement n° 681 est-il maintenu ?
M. Jean Bizet. J’ai bien entendu l’appel du pied de M. le rapporteur et les explications de Mme la secrétaire d’État.
Nous sommes en train d’examiner un projet de loi de programme et ces questions feront l’objet d’une réflexion plus fine au moment de l’examen du Grenelle II. Par conséquent, si l’engagement est pris d’intégrer cette notion de concertation et d’accord collectif, l’objectif sera atteint.
Sous le bénéfice de cet engagement, je retire donc mon amendement.
M. le président. L’engagement de concertation a bien été pris par le Gouvernement ? (Mme la secrétaire d’État opine.)
L’amendement n° 681 est retiré.
L'amendement n° 20, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du sixième alinéa du III de cet article, remplacer les mots :
mettra à l'étude
par le mot :
prévoira
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
La formulation de l'article 5 qu'il vous est proposé de modifier vise l'éco-prêt à taux zéro, dont la création a été prévue par l'article 99 de la loi de finances de 2009. Il convient donc d’actualiser l’expression « l'État mettra à l'étude des dispositifs d’incitations financières », qui est obsolète.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 173 rectifié, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernière phrase du sixième alinéa du III de cet article par les mots :
notamment pour limiter l'effort demandé aux locataires
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement a pour objet d’inciter l’État à réfléchir aux moyens de ne pas trop faire peser les travaux de rénovation sur les quittances des locataires.
En effet, 63 % des logements ont été construits avant 1975 et ne sont donc soumis à aucune norme d’isolation. Or nous n’en savons toujours pas plus sur les perspectives d’obligation de travaux.
Choisirez-vous, monsieur le ministre d’État, monsieur le rapporteur, de procéder de manière coercitive par une obligation générale de travaux, une obligation de travaux à la mutation du bien, une mise en œuvre par bouquets de travaux, ou encore une obligation de travaux pour tous, avec délais variables selon la classe de DPE, le diagnostic de performance énergétique ?
Dans l’attente des réponses que vous nous apporterez, nous souhaitons nous préoccuper du sort des locataires, car il n’en est finalement pas souvent question dans ce texte.
Le rapport de Philippe Pelletier, président du comité opérationnel n° 3 sur la rénovation des bâtiments existants et alors président de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, envisageait cette obligation de travaux comme l’ultime étape, complémentaire des mesures d’incitations fiscales et financières. Il sous-estimait déjà les conséquences possibles pour les locataires.
Nous avions émis de sérieuses craintes sur le sort qui pourrait être réservé aux locataires par des propriétaires s’engageant dans de lourdes rénovations, dans un contexte tendu où la mobilité résidentielle est contrainte et les augmentations de loyers en cas de travaux soumises à la seule négociation entre locataires et bailleurs.
Nous vous présenterons tout à l’heure, mes chers collègues, des amendements visant à insérer des articles additionnels dont l’objet est de sécuriser les locataires. Toutefois, pour nous assurer qu’il s’agit bien là d’un objectif partagé, nous vous proposons d’ajouter cette mention à l’article 5 du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. J’avoue ma perplexité face à cet amendement.
En effet, les locataires ont tout à gagner à une mobilisation de leur propriétaire en faveur de la rénovation thermique des logements. Ils seront au final les grands gagnants de cette opération.
Il appartiendra donc à l’État de veiller à l’élaboration de mécanismes qui permettront aux locataires de participer aux dépenses d’investissement – nous en parlions tout à l’heure avec M. Repentin –, ce qui est aujourd’hui impossible, afin d’inciter les propriétaires à engager une démarche de rénovation.
Si tel n’était pas le cas, vous pouvez être sûrs, chers collègues du groupe socialiste, que les propriétaires, qui n’y trouveront alors aucun intérêt, ne procéderont pas à de telles rénovations.
En conséquence, je trouve un peu curieux que cet amendement prévoie que ces rénovations ne devront pas peser trop lourdement sur le budget des locataires, dans la mesure où, en l’état actuel, rien ne peut leur être demandé.
Je vous demande donc, monsieur Courteau, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le dispositif proposé dans le projet de loi est le suivant : les propriétaires financent les investissements en faveur des économies d’énergie et le gain engendré par ces dernières est partagé entre les propriétaires et les locataires.
Notre grand défi est d’inciter les propriétaires à engager ces travaux, en prévoyant une juste répartition des économies d’énergie entre les bailleurs et les locataires.
Aussi cet amendement n’apporte-t-il pas de précisions supplémentaires par rapport à l’ensemble de la rédaction du projet de loi. Il pourrait même laisser supposer qu’il n’est pas prévu une juste répartition des économies réalisées.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Dans un amendement que j’avais déposé et que le Gouvernement a accepté, ce dont je le remercie, dans le cadre de la mission qui a été confiée à l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, a été introduite la notion économique – je le dis à votre intention, chers collègues du groupe socialiste –, qui devrait permettre de concilier à la fois les intérêts du locataire et du propriétaire.
Je comprends votre inquiétude, monsieur Courteau. Étant moi-même président d’un organisme d’HLM, j’ai évoqué tout à l’heure l’objet de ma préoccupation. Selon moi, il convient de veiller à ce que les surcoûts engendrés par les travaux qui devraient se traduire par des économies de dépenses en termes de consommation d’énergie ne soient pas rattrapés par l’augmentation du coût du loyer liée à l’amortissement des travaux réalisés.
M. Thierry Repentin. C’est une vraie question !
M. Alain Vasselle. Il faut donc trouver un équilibre. Or les nombreuses déclarations d’intention du Gouvernement au sein de ce projet de loi témoignent – c’est rassurant et réconfortant – de sa volonté de traduire, dans le cadre du Grenelle II, nos attentes et nos espérances. Aujourd’hui, on peut voter toutes les dispositions que l’on souhaite, il ne s’agit que de déclarations d’intention.
M. Thierry Repentin. Non, on ne peut pas dire cela !
M. Alain Vasselle. Le moment de vérité interviendra au moment de l’examen du Grenelle II. L’essentiel, ce sera de proposer, le moment venu, des mesures concrètes permettant à chacun de trouver son équilibre.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Nous discutons aujourd’hui d’une loi d’orientation.
M. Bruno Sido, rapporteur. De programmation !
Mme Évelyne Didier. Effectivement. Si je ne suis pas une spécialiste de ce domaine, je souhaite cependant préciser un certain nombre de points.
Nous sommes à la recherche d’un habitat qui maîtrise la consommation d’énergie.
Parallèlement, nous voulons faire en sorte que – cela pourrait constituer un deuxième objectif – le montant des loyers n’« explose » pas, dans la période difficile que nous connaissons. Peut-être devons-nous également nous soucier de ce que représente le loyer par rapport aux revenus, afin d’éviter, ce qui me semble socialement juste, une trop forte augmentation des loyers.
Par ailleurs, un bien qu’on entretient conserve sa valeur. Il appartient donc au propriétaire de l’entretenir. Je n’imagine pas que celui-ci, quelle que soit la raison pour laquelle il entretient son bien, demande tout à coup au locataire de l’aider à en conserver la valeur.
On est en train de confondre les rôles respectifs du propriétaire et du locataire ! Le propriétaire utilise une partie des loyers pour entretenir son bien.
M. Roland Courteau. Normalement !
M. Bruno Sido, rapporteur. Ce n’est pas de l’entretien !
Mme Évelyne Didier. En effet, un bien non entretenu se déprécie. Il est par conséquent de la responsabilité du propriétaire d’entretenir son bien.
Or nous sommes en train de dire que l’entretien du bien serait également de la responsabilité du locataire ! Une telle dérive, qui est perceptible, m’inquiète. Selon moi, il est important de réaffirmer aujourd’hui que l’investissement relève de la responsabilité du propriétaire, puisque le locataire, par le biais du loyer qu’il paye, contribue d’ores et déjà à l’entretien du bien.
En tout état de cause, il ne peut y avoir un double avantage pour le propriétaire : il ne peut à la fois bénéficier des loyers et des avantages fiscaux. Sinon, il gagnerait sur les deux tableaux, alors que les loyers seraient de plus en plus disproportionnés par rapport aux revenus des locataires.
La dérive étant très importante, je souhaite vraiment que ce point soit clarifié au cours de l’examen du présent projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début de la dernière phrase du sixième alinéa du III de cet article :
Une étude analysera par ailleurs les possibilités...
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par M. Sido, au nom de la commission.
L'amendement n° 175 est présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume, Lise, S. Larcher, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le diagnostic de performance énergétique sera adapté à l'outre-mer afin de tenir compte des caractéristiques propres à ces territoires.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 22.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement tend à insérer à l’article 5 du projet de loi les dispositions relatives à l’adaptation du diagnostic de performance énergétique à la situation particulière de l’outre-mer qui figurent actuellement à l’article 6.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour présenter l’amendement n° 175.
Mme Odette Herviaux. Hier, nous avons pu constater combien nos collègues ultramarins étaient attachés à la spécificité de leurs territoires. C’est pour tenir compte de cette spécificité que nous avons déposé cet amendement. Il se peut en effet que la notion de performance énergétique soit difficilement compréhensible pour des personnes qui ne vivent pas sur des territoires dont le climat est très différent de celui de la métropole.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement est très favorable à ces amendements. Le diagnostic de performance énergétique constitue un outil pédagogique très intéressant et il est souhaitable que nous puissions le déployer outre-mer, en l’adaptant bien évidemment aux spécificités de ces territoires.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 175.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du III de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission préconise la suppression du dernier alinéa de l’article 5 qui rend obligatoire, pour la réalisation des audits énergétiques des bâtiments de l’État et de ses établissements publics, le recours à des professionnels ou sociétés agréés, dans la mesure où une telle contrainte rendrait de facto hors d’atteinte l’objectif de réalisation de ces audits avant 2010. Mais nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler lors de l’examen du Grenelle II.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Un tel agrément n’existant pas à l’heure actuelle, cette disposition retarderait effectivement la réalisation des audits.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 179, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La charge nette pour le locataire, cumulant le loyer et toutes les charges liées à l'occupation du logement, fait l'objet d'une évaluation contradictoire qui sert de base à l'élaboration d'un programme d'investissements productifs d'économie d'énergie.
Le financement résiduel de cet investissement et l'économie de charges qu'il génère font l'objet de la réactualisation du bail de manière à ce que le financement de l'investissement par le propriétaire et l'économie de charges pour le locataire soient l'un et l'autre sécurisés.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. L’objet de cet amendement est de sécuriser le locataire en insérant un article additionnel tendant à instaurer une nouvelle procédure en cas de plan de travaux productifs d’économie d’énergie.
Nous nous appuyons sur l’idée, simple, que les travaux doivent faire l’objet d’une discussion entre le propriétaire et le locataire, afin que les deux parties aient une visibilité à long terme des sommes supplémentaires qu’ils devront débourser chaque mois.
Ce problème a déjà été évoqué au cours de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, ainsi que lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009.
Le propriétaire, par exemple, dans le cas des logements sociaux, les offices ou les opérateurs, réalise les investissements et le locataire voit, en retour, ses charges diminuer. Il faut donc « revisiter » le bail ou le contrat pour trouver un équilibre gagnant-gagnant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Pourquoi revenir, par l’intermédiaire d’un article additionnel, sur cette question du partage des gains et du financement des travaux d’économie d’énergie ? Nous l’avons déjà très largement évoquée lors de nos débats sur l’article 5. Je vous rappelle que ce sujet va faire l’objet de négociations entre les représentants des bailleurs et ceux des locataires. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur Raoul. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Même avis. Nous pensons qu’un accord est imminent sur ce sujet. Aussi, nous vous proposons de retirer cet amendement, étant précisé que nous pourrions en rediscuter dans le cadre du Grenelle II si, d’ici là, aucun accord n’était trouvé.
M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 179 est-il maintenu ?
M. Daniel Raoul. Je vous crois sur parole, madame la secrétaire d’État, et je retire l’amendement. Vous êtes sans doute mieux informée que nous ne pouvons l’être sur l’imminence de cet accord.
Quoi qu’il en soit, ce retrait doit plus à la réponse de Mme la secrétaire d’État qu’aux arguments de M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Ce n’est pas gentil ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 179 est retiré.
L'amendement n° 180, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le e) de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette hausse ne peut excéder 15 % du coût réel des travaux d'amélioration portant sur les parties privatives ou communes quand ces travaux sont d'un montant au moins égal à la dernière année de loyer, toutes taxes comprises. »
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement vise à limiter les hausses de loyers susceptibles de résulter des travaux effectués par les propriétaires, notamment dans le cadre des obligations qui pourraient leur être imposées dans les mois à venir.
Il tend à modifier le e) de l’article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 pour préciser que, lorsque le propriétaire fait effectuer des travaux dans un logement qu’il loue, il ne peut imputer au locataire qu’une partie des frais qu’il a engagés, et ce à condition que le montant des travaux soit suffisamment conséquent. Une telle disposition permettrait de limiter les risques qui, bientôt, pèseront sur les locataires de logements dont les propriétaires décideront d’entreprendre des travaux de rénovation importants.
La hausse ne pourrait excéder 15 % du coût réel des travaux d’amélioration portant sur les parties privatives ou communes quand ces travaux sont d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer, toutes taxes comprises. En outre, cette proposition ne prend pas en considération la possibilité pour les propriétaires de récupérer une partie de leur investissement par l’intermédiaire des charges récupérables, qui sera peut-être bientôt ouverte. Dans cette perspective, un débat sur la nature des charges récupérables devra avoir lieu, et nous y participerons activement.
Il reste qu’aujourd’hui, en cas de travaux, les propriétaires peuvent imposer des hausses de loyers à leurs locataires, qui, peu mobiles compte tenu des difficultés rencontrées pour trouver un nouveau logement, sont souvent contraints de les accepter.
La rédaction de l’amendement que nous vous proposons n’est pas le fruit du hasard, pas plus que le choix des 15 %. Ils sont inspirés du décret relatif à l’Île-de-France qui prévoit, depuis juillet 2007, de limiter les hausses de loyers imputables à la réalisation de travaux dans un logement à 15 % du coût réel des travaux.
Il importe de ne pas exposer les locataires à une nouvelle vague de hausses brutales de loyers, qui serait consécutive à une anticipation des acteurs sur les décisions futures du Grenelle. Je suis sûr que vous en conviendrez, mes chers collègues. C’est pourquoi, en adoptant dès maintenant cet amendement, nous apporterions aux locataires une certaine sécurité sur leur pouvoir d’achat à venir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, pour raisons invoquées sur l’amendement précédent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Caffet. Accord imminent ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Même avis que pour l’amendement précédent. Il paraît difficile, dans une loi de programme, de fixer d’ores et déjà un plafond de 15 %.
M. Thierry Repentin. Ça borne la négociation !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 181, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Raoul et Raoult, Mme Blandin, MM. Ries, Teston, Guillaume et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le e) de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les travaux d'amélioration engendrent une réduction des charges locatives, le propriétaire peut bénéficier d'une majoration de loyer à hauteur de 50 % de cette réduction de charges mensuelles. L'estimation de la réduction des charges locatives consécutive aux travaux sera effectuée un an après la mise en œuvre des travaux par un expert. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à instaurer un mécanisme permettant aux propriétaires bailleurs les plus modestes de récupérer partiellement l’amortissement de l’investissement. Lors des travaux d'isolation, c’est le propriétaire qui investit et c’est le locataire qui bénéficie des réductions de charges.
L’article additionnel que cet amendement vise à insérer permettrait donc d'assurer un retour partiel sur investissement pour le propriétaire. Celui-ci pourrait bénéficier d'une majoration de loyer à hauteur de 50 % de la réduction de charges mensuelles résultant des travaux d’amélioration. Le calcul serait effectué, par un expert, un an après la mise en œuvre des travaux pour considérer l'impact de ces derniers sur les charges.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Toujours pour les mêmes raisons, l’avis est défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Thierry Repentin. C’est de plus en plus bref !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Il s’agit d’une idée très intéressante (Ah ! sur les mêmes travées), que nous étudions avec beaucoup d’attention. Nous devons toutefois la transmettre à Mme Boutin pour les négociations à venir.
Je vous demanderai donc, à ce stade, de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur le sénateur.
M. Daniel Raoul. C’est élégant !
M. le président. L'amendement n° 715, présenté par M. Repentin, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au deuxième alinéa de l'article L. 221-4 du code monétaire et financier, les mots : « au-delà d'un plafond » sont remplacés par les mots : « à plus d'une fois et demi un plafond ».
II. - Le deuxième alinéa de l'article L. 221-5 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les sommes déposées sur livret A qui excèdent le plafond prévu à l'article L. 221-4 sont intégralement centralisées par la Caisse des dépôts et consignations dans le fonds prévu à l'article L. 221-7. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Certains sujets reviennent régulièrement, madame la secrétaire d’État. Si M. le ministre d’État était encore présent dans cet hémicycle, il aurait pu le confirmer, car il connaît les motivations qui me conduisent régulièrement à déposer cet amendement, qui vise à sauvegarder l’épargne populaire et à donner au Gouvernement les moyens de sa politique, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.
Il s’agit, tout simplement, de revaloriser le montant du plafond de dépôt du livret A. Ce plafond n’a jamais été réévalué depuis sa fixation à 15 300 euros au millénaire dernier – ou au siècle dernier, si vous préférez !
Si nous tenions compte exclusivement de l’inflation, ce plafond pourrait être porté à près de 22 000 euros, ce qui permettrait de collecter, selon les estimations, 8 milliards d’euros supplémentaires. Cette somme serait intégralement centralisée sur le fonds spécifique de la Caisse des dépôts et consignations et permettrait, notamment, de soutenir les HLM dans leurs opérations de réhabilitation et, éventuellement, d’accompagner par des subventions et des prêts à taux bonifié une véritable politique ambitieuse de remise aux normes thermiques des logements pour laquelle, à l’heure actuelle, le Gouvernement ne dispose pas des moyens financiers nécessaires.
Tout le monde gagnerait à cette réforme : les ménages français pourraient épargner davantage sur leur livret A ; la Caisse des dépôts et des consignations pourrait, en gérant cette somme supplémentaire, réaliser des bénéfices – soit dit en passant, ses bénéfices sont chaque année ponctionnés par Mme Lagarde pour alimenter le budget général de la nation ; enfin, les établissements bancaires, qui peuvent distribuer le livret A depuis le 1er janvier.
Madame la secrétaire d'État, j’ai le sentiment que nous reparlerons de ce sujet, non pas dans plusieurs années, mais dans les semaines ou les mois qui viennent. Peut-être cette suggestion sera-t-elle un jour satisfaite ? Je ne désespère pas et c’est pourquoi, ayant en tête, par exemple, le Grenelle II, j’écouterai attentivement l’avis que va émettre le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Effectivement, si, comme vous le proposez, le plafond du livret A était réactualisé en fonction du taux d’inflation, il atteindrait un montant de 22 900 euros.
Je ne conteste absolument pas le bien-fondé de cette proposition ni les conséquences bénéfiques que pourrait avoir cette mesure si elle était adoptée. Cependant, Bercy veille et, en outre, l’article 40 pourrait être opposé à votre amendement, mon cher collègue. Par conséquent, ne serait-ce que pour cette raison, la commission ne peut y être favorable.
M. Thierry Repentin. Est-ce à dire que, autrement, vous le seriez ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Vous n’ignorez pas que nous avons demandé que chaque mesure, en particulier celles du Grenelle II, fasse l’objet d’une étude d’impact. Aussi, je souhaiterais que le Gouvernement nous indique quelle dépense fiscale entraînerait le relèvement de 15 300 euros à 22 900 euros du plafond du livret A, dont les intérêts ne sont pas soumis à l’impôt.
Quand elle disposera des résultats de cette simulation, peut-être Mme Lagarde proposera-t-elle elle-même cette mesure ?
Mme Évelyne Didier. Et l’impact du bouclier fiscal ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous comprendrez bien que ne pouvons pas revoir les conditions de financement du logement social dans le cadre de ce projet de loi. D’une manière générale, ces questions avaient été très amplement débattues lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie. Cela dit, nous demanderons que la mesure que vous proposez fasse l’objet d’une étude d’impact.
MM. Daniel Raoul et Thierry Repentin. Très bien !
M. le président. Monsieur Repentin, l'amendement n° 715 est-il maintenu ?
M. Thierry Repentin. Non, je le retire, monsieur le président.
J’indiquerai à M. le rapporteur qu’il est quelque peu malvenu d’évoquer le coût de cette mesure pour les finances publiques, puisque le taux de rémunération du livret A va bientôt diminuer.
Par ailleurs, certaines niches fiscales coûtent beaucoup plus cher au budget de l’État que la rémunération de l’épargne populaire.
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Thierry Repentin. Mes propos sont dénués de toute acrimonie, mais il est des vérités qui doivent parfois être dites !
M. le président. L'amendement n° 715 est retiré.
Article 6
L'État incitera les acteurs de la formation professionnelle initiale et continue à engager un programme pluriannuel de qualification et de formation des professionnels du bâtiment et de l'efficacité énergétique dans le but d'encourager l'activité de rénovation du bâtiment, dans ses dimensions de performance thermique et énergétique, acoustique et de qualité de l'air intérieur.
Les programmes publics de recherche dans le domaine du bâtiment seront orientés vers les nouvelles générations de bâtiments faiblement consommateurs d'énergie, ceux producteurs d'énergie à partir de sources renouvelables et les techniques de rénovation performantes en matière d'économie d'énergie.
Le diagnostic de performance énergétique tel que prévu au titre de la réglementation thermique et des réglementations européennes sera adapté à l'outre-mer afin de tenir compte des critères propres à ces territoires.
La France concourt à la création d'une plate-forme européenne sur l'éco-construction, pour développer les recherches et promouvoir les différentes filières de bâtiments faiblement consommateurs d'énergie.
M. le président. L'amendement n° 321 rectifié, présenté par MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston et Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava, Miquel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :
à engager
insérer les mots :
, en concertation avec les régions,
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Cet article prévoit que l’État incite les acteurs de la formation professionnelle initiale et continue à engager un programme pluriannuel de qualification et de formation des professionnels du bâtiment et de l’efficacité énergétique.
Notre amendement vise à ce que cela se fasse en concertation avec les régions, puisque la formation professionnelle relève en grande partie de leur compétence.
Je rappelle simplement que c’est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui, en vertu de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, a transféré aux régions la charge de la formation professionnelle. Les régions françaises ont fait, dans leur ensemble, un effort considérable de révision de leur plan régional de formation professionnelle et ont déjà anticipé cette problématique. Il semble donc tout à fait légitime de les associer au programme pluriannuel de qualification et de formation des professionnels du bâtiment prévu à cet article.
Comme le souligne d’ailleurs l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur ce projet de loi, « l’amélioration des qualifications, le développement de métiers nouveaux ont besoin de s’effectuer rapidement. Ces efforts seraient vains si l’accent n’était pas mis, au cours des prochaines années, par les collectivités régionales, compétentes en ce domaine, sur la formation continue aux techniques en lien avec le changement climatique ».
L’absence de précision quant aux moyens réservés pour atteindre l’objectif énoncé risque de faire peser une nouvelle contrainte sur le budget des régions. Il conviendrait donc de préciser que les régions seront associées au programme de formation professionnelle.
Au cours de ce débat, j’aurai l’occasion d’insister sur les nécessaires relations qui doivent être tissées, en la matière, entre l’État et les collectivités régionales. On ne prend pas des décisions qu’on impose ensuite du sommet vers la base ; au contraire, il est important de prendre connaissance de ce qui se fait déjà localement sur les territoires. À cet égard, nous pourrons vous citer de nombreux exemples.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Conformément à la demande du Président de la République, le comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Édouard Balladur, travaille actuellement sur la répartition des compétences entre les différents acteurs institutionnels. Toujours est-il qu’il est indéniable que la formation professionnelle est de la compétence des régions. Aussi, la commission émet un avis tout à fait favorable sur cet amendement de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. La rédaction actuelle de l’article mentionne « les acteurs de la formation professionnelle. Aux yeux du Gouvernement, cette formulation inclut bien sûr les régions et renvoie aux fédérations, très engagées sur ce sujet, ou aux entreprises, elles aussi bien impliquées.
Cela étant dit, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 322, présenté par MM. Courteau et Raoul, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston et Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ce programme insistera avant tout sur la formation aux techniques de diagnostic préalable, la connaissance des énergies renouvelables et de leurs modalités d'utilisation, l'adaptation des contenus de formations pour privilégier l'isolation et les réseaux de chauffage.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. La formation des professionnels de la filière du bâtiment est un prérequis indispensable pour permettre à ce secteur d’activités de s’adapter aux nouvelles exigences environnementales.
Il nous semble important d’insister notamment sur la formation aux techniques de diagnostic préalable et à la connaissance des énergies renouvelables, ainsi que sur leurs modalités d’utilisation. Ce sont des domaines extrêmement complexes, nouveaux, absolument nécessaires pour produire un travail de qualité.
Or, dans sa rédaction actuelle, cet article omet de préciser les axes prioritaires sur lesquels doit s’engager la formation professionnelle.
Je précise que notre amendement ne fait que suivre l’avis rendu par le Conseil économique, social et environnemental sur ce projet de loi. Il y est écrit ceci : « Notre assemblée rappelle qu’elle a, à plusieurs reprises, souligné la nécessité de développer la formation initiale et continue en partenariat avec l’ensemble des acteurs de la filière. Il ne paraît pas superflu d’ajouter ici que la formation aux techniques de diagnostic préalable, la connaissance des énergies renouvelables et de leurs modalités d’utilisation, l’adaptation des contenus des formations pour privilégier l’isolation et les réseaux de chauffage, doivent, selon notre assemblée, être traités prioritairement ».
C’est exactement ce à quoi vise notre amendement.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il faut que nous ayons tous bien conscience de plusieurs faits.
Premièrement, nos concitoyens font preuve de bonne volonté. Ils sont prêts à engager des dépenses pour des travaux d’isolation et pour les énergies renouvelables.
Deuxièmement, ils sont inquiets : comment trouver le bon prestataire ? Comment disposer d’un vrai diagnostic ? Certains foyers s’endetteront ou bénéficieront d’aides publiques, notamment pour compenser les intérêts des emprunts. Aussi, nous n’avons pas de droit à l’erreur : chaque chauffe-eau solaire défectueux, chaque diagnostic erroné, chaque pompe à chaleur qui s’enraye est une contre-publicité pour tout ce que vous envisagez de porter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Là encore, il s’agit d’une précision très utile. Aussi, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Cette précision est utile, à défaut d’être exhaustive, puisque c’est bien une approche systémique du bâtiment qu’il faut développer dans les formations.
Aussi, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Les techniques du diagnostic préalable, la connaissance des énergies renouvelables et de leurs conditions d’utilisation, toutes les techniques d’isolation évoluent, exigent des adaptations, qui nécessitent ensuite de nouvelles formations.
Si nous ne pouvons disposer de personnels très qualifiés sur les nouvelles techniques, les nouveaux matériaux, les plus récentes technologies, nous rencontrerons des difficultés majeures dans la mise en œuvre de nos politiques et des actions en faveur des économies d’énergie, du développement des énergies renouvelables ou de la réduction des gaz à effet de serre.
À l’inverse, si les programmes de formation sont bien ciblés et adaptés, il y a là un formidable gisement d’emplois.
Voilà pourquoi, par cet amendement que nous souhaitons voir adopté, nous proposons d’apporter certaines précisions au texte qui nous est soumis.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 24, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, les dispositions visées à cet alinéa ayant été reprises à l’article 5.
M. le président. L'amendement n° 339 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
De même, en outre-mer, en matière d'éco-construction, les études et recherches devront favoriser la prise en compte des techniques, savoir-faire et matériaux locaux - notamment le bois -, afin d'examiner et promouvoir les conditions de leur labellisation, certification, agrément ou mise aux normes.
La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Des études du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, des thèses soutenues par des doctorants de l’École nationale du génie rural, des eaux et des forêts, l’ENGREF, des rapports de l’Institut de recherche pour le développement, l’IRD, font régulièrement apparaître l’intérêt de telle essence de la forêt guyanaise pour la construction ou de telle technique traditionnelle pour une architecture adaptée au climat, ou encore de tous ces savoir-faire qui, transmis de génération en génération, permettent aux sociétés locales une bonne adaptation à leur milieu., dans des conditions parfois rustiques, pour ne pas dire difficiles. Et ce que je dis là ne vaut pas seulement pour la Guyane ni même seulement pour l’outre-mer.
Pourtant, ces mêmes techniques, ces mêmes essences, qui ont fait leurs preuves depuis des siècles, ne passent pas la barrière du contrôle des normes NF ou NF Environnement, des nomenclatures de bois autorisés, des diplômes et certificats divers, faute d’inventaire, faute d’information, faute de mise à jour des nomenclatures, faute de reconnaissance des acquis, ou faute de bon sens, tout simplement.
Du coup, la charpente de l’hôtel Novotel de Cayenne a été faite avec du bois en provenance du Massif central ; du coup, la médiathèque de Kourou, fabriquée avec du bois répondant parfaitement aux normes, a dû attendre l’instruction de deux dérogations en matière de sécurité incendie avant son ouverture au public, parce que le bois en question n’était pas encore répertorié ; du coup, les stages proposés par l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes aux Amérindiens pour leur apprendre à fabriquer des carbets d’écotourisme ou aux piroguiers bushiningués, qui maîtrisent la navigation sur des fleuves administrativement non navigables et qui ont créé une véritable filière économique de transport de personnes et de marchandises, sont, dans ce cas, quelque peu inutiles.
Madame la secrétaire d'État, il serait peut-être temps de mettre fin à ces plaisanteries. Elles sont coûteuses et, en même temps, méprisantes pour ces populations. Puisque le présent projet de loi pose, par exemple, l’exigence d’utilisation de bois certifié, il serait juste qu’il prévoie les conditions dans lesquelles ce bois et les matériaux locaux en général, ainsi que les savoir-faire et les techniques éprouvés, pourront passer les épreuves permettant leur reconnaissance et leur certification, à tout le moins leur utilisation dans un cadre réglementaire. Cette mesure de bon sens favoriserait l’insertion d’un grand nombre de personnes et irait dans le sens du développement local et du développement durable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 339 rectifié ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement a le mérite de mettre en évidence la nécessité de soutenir et de valoriser la filière bois.
Cela dit, la problématique en question ne concerne pas que l’outre-mer. Mais, effectivement, il est curieux que du bois utilisé en Guyane provienne du Massif central !
Par ailleurs, des dispositions de soutien à ladite filière ont été prévues dans la loi de finances pour 2009 et d’autres mesures devraient figurer dans le projet de loi portant engagement national pour l’environnement.
En conséquence, la commission vous demande, monsieur Antoinette, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous avez raison, on ne peut pas imposer à l’outre-mer les mêmes normes en matière d’éco-construction que celles qui s’appliquent en métropole. Votre proposition tendant à mener des études et des recherches est très intéressante.
Le Gouvernement s’engage à ce que ces sujets soient clairement abordés lors du processus de définition des normes qui associe de très nombreuses parties prenantes dans divers comités. Mais pour ne pas alourdir le projet de loi que nous examinons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 339 rectifié n'a plus d'objet.
Mais M. Antoinette vient d’obtenir, de la part de Mme la secrétaire d’État, la garantie que ce sujet sera étudié avant le Grenelle II.
M. le président. L'amendement n° 323 rectifié, présenté par MM. Raoul, Guillaume et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries et Teston, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L'État veillera à soutenir les actions collectives de type clusters et pôle de compétitivité en lien avec les conseils régionaux et les collectivités territoriales.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Cet amendement vise à dynamiser l’article 6.
Aux termes de l'article 3, « le secteur du bâtiment, qui consomme plus de 40 % de l'énergie finale et contribue pour près du quart aux émissions nationales de gaz à effet de serre, représente le principal gisement d'économies d'énergie exploitable immédiatement ».
Le développement de l'éco-construction et des nouvelles technologies dans la construction neuve et la rénovation du parc nécessitent une professionnalisation dans le cadre d'actions collectives. Il s'agit de mettre en réseau les acteurs privés et publics qui souhaitent contribuer au développement des filières de la maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables
Nous constatons tous les jours que les retards pris par rapport à d’autres pays, notamment l’Allemagne, dans le domaine de l’innovation et dans l’industrie de la construction sont patents.
Il ne suffit pas simplement d’innover ; encore faut-il que les entreprises se regroupent pour assurer la diffusion de ces innovations.
En cet instant, je voudrais évoquer les pôles de compétitivité mis en œuvre par vos prédécesseurs, madame la secrétaire d’État. Ils ont été à la fois innovants, dynamiques et ont permis de mettre en réseau non seulement des industriels, des laboratoires de recherche, mais également des acteurs du territoire et des collectivités locales. Ainsi, en regroupant l’innovation, la recherche et les énergies, la dynamique économique et industrielle peut être développée.
Il faut absolument repérer les forces en présence sur le territoire, ce qui permet d’avoir un temps d’avance. Tel est l’objet de l’amendement n° 323 rectifié.
Tel était également l’objet premier des pôles de compétitivité regroupant les acteurs pour atteindre une taille critique. En effet, certaines entreprises innovantes n’ont pas la taille critique suffisante pour aller sur le marché concurrentiel. Les acteurs concernés ne doivent pas disperser leurs forces. Bien souvent, dans le domaine de la recherche, il vaut mieux qu’ils se regroupent afin d’être compétitifs à l’échelon mondial.
Ce type de démarche permet de relever des défis et de mener à bien des projets fédérateurs et innovants grâce à la mise en place de collaborations et d'actions concrètes interacteurs et interfilières.
C’est pourquoi nous proposons cet amendement aux termes duquel l'État veillera à soutenir les actions collectives de type clusters et pôles de compétitivité en lien avec les conseils régionaux et les collectivités territoriales
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur Guillaume, l’article 19 du présent projet de loi dispose que « le soutien aux innovations éco-responsables se traduira notamment par la mobilisation et la coordination des pôles de compétitivité travaillant dans le domaine de l’environnement et par la mise en place de mécanismes favorisant le développement des entreprises éco-innovantes ».
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 323 rectifié, redondant, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Guillaume, l'amendement n° 323 rectifié est-il maintenu ?
M. Didier Guillaume. Je souhaite, monsieur le rapporteur, que puissent être ajoutés à côté des pôles de compétitivité les clusters. Ces groupes dynamiques fonctionnent et sont liés aux pôles de compétitivité.
Sous cette réserve, j’accepte de retirer mon amendement.
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission vous donne son accord, mon cher collègue.
M. le président. Le mot « cluster » figure-t-il bien dans le dictionnaire ?
M. Didier Guillaume. Je ne sais pas si tel est le cas, monsieur le président, mais cette notion est bien chevillée aux corps des entrepreneurs et des chefs d’entreprise dynamiques.
M. le président. L'amendement n° 323 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
M. le président. Au cours de l’après-midi, 75 amendements ont été examinés ; il en reste 647.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
5
Prolongation de cinq interventions des forces armées
Débat et votes sur des demandes d’autorisation du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 35, alinéa 3 de la Constitution, un débat et un vote sur la demande du Gouvernement tendant à autoriser la prolongation de l’intervention des forces armées en République de Côte-d’Ivoire, au Kosovo, au Liban, en République du Tchad et en République centrafricaine (opération EUFOR et opérations Boali et Épervier).
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’exprime ce soir au nom de M. le Premier ministre. Avec ce débat, suivi de votre vote, nous voici au cœur du rééquilibrage des pouvoirs opéré par la réforme constitutionnelle du 21 juillet 2008.
Au cœur, puisque du « domaine réservé », apanage historique de l’exécutif, nous allons passer à un domaine partagé avec le Parlement, incarnation de la souveraineté nationale.
Nous avons voulu cette révision historique afin de conférer plus de pouvoir au Parlement. Nous avons voulu ouvrir le fonctionnement de notre démocratie à plus de débats. Nous avons voulu que s’exerce avec plus de transparence la prérogative régalienne que constitue l’emploi de la force armée, comme le pratiquent la plupart des grandes démocraties.
Conformément à la nouvelle rédaction de l’article 35 de la Constitution, le Gouvernement informe désormais le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées françaises à l’étranger dans les trois jours suivant le début de l’opération. Il soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement lorsque celle-ci dépasse les quatre mois.
Certaines activités militaires à l’étranger ne sont pas visées par cette procédure, notamment les échanges de militaires, les exercices, les troupes pré-positionnées en vertu des accords de défense, l’envoi d’observateurs non armés, les déplacements des navires et aéronefs dans les espaces internationaux et les escales dans les ports étrangers, ainsi que les opérations des services de renseignement ou des forces spéciales.
Cette procédure s’appliquera à l’envoi à des fins opérationnelles de forces militaires en corps constitués, c’est-à-dire des unités militaires d’un volume important, engagées en situation de crise et sur un territoire étranger. Elle concernera l’immense majorité des effectifs déployés en opérations.
Dès le 22 septembre dernier, nous avons abordé un premier théâtre, le plus difficile, l’Afghanistan. Nous avons débattu de la stratégie de la France et de ses partenaires pour le retour de la sécurité et de la stabilité dans ce pays.
Aujourd’hui, nous voulons vous informer des autres opérations extérieures en cours et vous demander d’approuver leur prolongation. Comme vous le savez, l’Assemblée nationale a voté ce soir en ce sens.
Cinq théâtres principaux accueillent aujourd’hui 95 % des soldats français déployés en opérations. L’Afghanistan mis à part, restent quatre zones, où cinq engagements distincts prennent place : la zone regroupant le Tchad et la République centrafricaine, la Côte-d’Ivoire, le Liban, le Kosovo.
Pourquoi la France y est-elle présente ?
Tout d'abord, parce que sa stratégie de sécurité a pour objectif premier de parer aux risques qui menacent tous les Français et qu’un nombre croissant de ces menaces trouvent aujourd’hui leur origine bien au-delà de nos frontières.
Ensuite, parce que la France entend jouer son rôle en faveur de la sécurité internationale et qu’elle assume pleinement ses devoirs, dans le cadre des Nations unies.
Enfin, parce que les valeurs humanitaires ne cessent de guider au mieux son action.
Cette triple ambition nous commande de participer aux efforts de maintien de la paix, partout où notre implication peut se révéler décisive, par les moyens qu’elle engage, ou par l’effet d’entraînement qu’elle suscite.
La responsabilité d’envoyer nos soldats là où se nouent et se dénouent les crises est immense. Le 19 août 2008, dix soldats français tombaient au combat, au cours d’une reconnaissance conjointe avec l’armée afghane.
Le 22 novembre dernier, j’apprenais le décès, à Kaboul, d’un sous-officier du 3e régiment du génie de Charleville-Mézières.
Le 17 janvier dernier, encore, huit de nos hommes mouraient dans un accident d’hélicoptère au Gabon. Avec Hervé Morin, nous plaçons dans l’ombre de leur mémoire les choix graves qui nous incombent ici.
La France n’engage pas d’opérations militaires sans nécessité impérieuse, sans stratégie, sans objectif. Elle ne les engage que là où elles sont strictement nécessaires et dans les conditions les plus sécurisées possibles. Elle ne les engage que là où les enjeux humanitaires et stratégiques sont décisifs.
Dans tous les cas, notre engagement militaire doit être la contrepartie d’un engagement politique actif, susceptible de tirer de l’impasse les pays concernés.
Dans tous les cas, nous veillons à définir dès le départ les objectifs que nous assignons à nos troupes et qui détermineront, une fois qu’ils auront été atteints, les termes de leur retrait.
Par exemple, engagée pour une durée limitée, dans un but précis, l’opération européenne au Tchad et en République centrafricaine prendra fin dans les prochaines semaines, pour laisser place à une force des Nations unies.
Nous intervenons de plus en plus dans un cadre multilatéral, celui de l’OTAN, de l’Union Européenne, entre autres. La présidence française a élargi le rôle de cette dernière organisation dans le maintien de la paix et dans la gestion civile des crises, en lançant trois nouvelles opérations : deux à caractère civil, au Kosovo et en Géorgie ; une à caractère militaire, contre la piraterie dans le golfe d’Aden.
À chaque fois, que ce soit dans le cadre de l’OTAN ou dans celui de l’Union européenne, la France a conservé la maîtrise opérationnelle de ses forces. Elle a fait en sorte que ses troupes déployées à l’étranger soient le reflet de sa solidarité, mais aussi de son indépendance.
Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale le confirme : en toute situation, « La France s’engage avec une qualité et un volume de forces suffisants pour disposer d’une représentation adéquate dans les organes de planification et de commandement de l’opération, et garantir ainsi sa liberté d’appréciation et de décision ».
Depuis une dizaine d’années, une trentaine d’opérations mobilisent en moyenne 12 000 de nos soldats à travers le monde, sans jamais remettre en cause la participation de nos moyens militaires à la sécurisation du territoire national.
Le paysage stratégique bouge. Les menaces évoluent. En 2008, la France a réexaminé sa politique de sécurité, dans le cadre d’un Livre blanc présenté par le Président de la République le 17 juin. Présidente de l’Union européenne, elle a réactualisé et complété la stratégie de sécurité de celle-ci. En avril prochain, le sommet de l’OTAN, à Strasbourg et à Kehl, lancera les travaux de redéfinition du concept stratégique de l’Alliance atlantique.
Nos priorités changent et nos moyens s’adaptent.
Dans certaines régions du monde, où notre présence se révèle moins déterminante, il convient de réduire notre contribution. Ailleurs, il importe de quitter des zones déjà stabilisées, pour retrouver la mobilité nécessaire à d’autres participations. Les moyens de la France ne sont pas infinis, nous le savons.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes intervenus en Côte d’Ivoire après la crise de septembre 2002. Au plus fort de l’épreuve, en 2004, plus de 4 000 soldats français y ont été déployés. En bloquant l’avancée des rebelles du nord et de l’ouest du pays, l’objectif était d’éviter que le pays ne sombre dans la guerre civile, comme l’avaient fait ses voisins, le Liberia et la Sierra Leone, souvenez-vous-en !
En 2004, ces soldats ont défendu la sécurité immédiate de nos ressortissants. Lors du bombardement de Bouaké, le 6 novembre 2004, neuf d’entre eux ont payé ce dévouement de leur vie.
Depuis, nous avons privilégié la gestion multilatérale de la crise, et contribué à un processus politique de réconciliation ouvert sur la tenue d’élections régulières. L’accord de Ouagadougou, signé le 4 mars 2007, a consacré la stabilisation politique du pays.
Ayant obtenu un fort engagement des Nations unies, nous intervenons aujourd’hui non plus en première ligne, mais en soutien de leur mission, l’ONUCI, l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire.
En Côte d’ivoire, les enjeux sécuritaires ont perdu de leur intensité, et l’attente d’échéances électorales toujours incertaines ne justifie plus le maintien de notre dispositif militaire en l’état.
D’ores et déjà, l’ONU a entamé son désengagement, par une diminution de ses effectifs et par un réexamen des mandats de l’ONUCI, où la France compte 200 soldats, principalement des troupes du génie, dont la mission peut être considérée comme achevée et qui – je vous l’annonce – rentreront en France cette année.
À son tour, notre pays devrait réduire de moitié le contingent de 1 800 hommes qui constitue la force Licorne, d’ici à l’été 2009. Regroupées à Abidjan, nos troupes resteront en mesure d’assurer la protection et l’évacuation éventuelle de nos ressortissants, ou d’accueillir des transports stratégiques destinés à l’ONUCI, en cas de reprise des conflits.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au Kosovo, où notre engagement ancien fait de nous le troisième contributeur de la KFOR, avec 1 850 hommes, la situation politique s’est, elle aussi, profondément modifiée.
L’indépendance du Kosovo et sa reconnaissance comme État souverain ouvrent depuis décembre la voie à une mission civile de consolidation de l’état de droit menée par l’Union européenne. Cette mission EULEX est une mission ambitieuse de police et de justice, dont un Français assure en outre le commandement.
La France est aujourd’hui favorable à une évolution de l’action de l’OTAN au Kosovo. Elle souhaite la transformation progressive de la KFOR en force de présence dissuasive, qui permettra une réduction de son volume global et, dans ce cadre, de la participation française.
Ce changement de posture nécessitera l’accord du Conseil de l’Atlantique Nord, après évaluation de la situation diplomatique et sécuritaire régionale.
Au Liban, depuis trente ans, la France ne s’est fixé qu’un objectif : renforcer l’indépendance et la sécurité du pays. Notre travail diplomatique, intense, porte ses fruits. Le Liban a passé l’an dernier l’épreuve délicate du choix d’un nouveau Président. Il se prépare à organiser, en mai prochain, des élections législatives qui doivent signer son apaisement.
Pour cette paix retrouvée, la France a versé le prix du sang.
L’attentat contre le « poste Drakkar », en octobre 1983, l’assassinat odieux de notre ambassadeur, Louis Delamarre, en septembre 1981, ont été des tests de notre résolution.
La République n’a pas renoncé, elle n’a pas lâché le Liban. En 2006, lorsqu’il a fallu s’engager dans le cadre de la FINUL II, elle a fourni 1 500 hommes à l’opération. Elle les a pourvus d’équipements à la fois robustes et dissuasifs, comme les chars Leclerc.
Surtout, elle a joué, en s’engageant, un rôle moteur auprès de ses partenaires européens, dont l’engagement conditionnait à son tour l’arrêt des hostilités entre Israël et le Hezbollah.
Aujourd’hui, grâce à la FINUL, la souveraineté du Liban est restaurée.
Grâce à la présence française, l’armée libanaise a repris position au Sud-Liban, où elle n’intervenait plus depuis des décennies.
Ce rôle stabilisateur ne se dément pas, et il mérite le maintien des soldats français au sein de la FINUL renforcée, en particulier dans sa composante terrestre.
Quant à la FINUL maritime, dont nous assurons le commandement, son dispositif très dense ne se justifie plus vraiment. Les deux bâtiments de la marine nationale qui y participent seront bientôt dirigés vers d’autres missions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au Tchad et en République centrafricaine, enfin, deux opérations différentes appellent de notre part deux réflexions distinctes.
La première opération, l’EUFOR, procède de l’initiative française face au drame humanitaire du Darfour. Déployée le 28 janvier 2008, avec le concours de dix-sept de nos partenaires européens, elle a permis de réduire les attaques contre les ONG, et de sécuriser la zone frontalière entre le Tchad et le Soudan, où se concentraient les incursions rebelles : il n’y a pas eu une seule incursion depuis un an. À ce titre, elle constitue à ce jour la plus importante opération militaire de l’Union européenne, et une preuve de sa crédibilité opérationnelle grandissante.
Nous avons lancé l’EUFOR comme une opération transitoire, en prévision de sa relève par une force des Nations unies : cette promesse sera tenue, puisque, le 15 mars prochain, la MINURCAT 2 remplacera la mission européenne.
Le calendrier du retrait français prévoit ainsi que, d’ici à l’été, 1 000 de nos 1 650 hommes quittent le pays. Cependant, jusqu’à la fin de l’année, la France continuera de fournir à l’ONU l’aide technique utile à son installation, en particulier un certain nombre de capacités logistiques critiques qui lui permettront d’assurer progressivement son autonomie.
La logique des opérations Épervier, au Tchad, et Boali, en République centrafricaine, est différente.
Au Tchad, notre engagement des années quatre-vingt, destiné à protéger la zone frontalière des agressions libyennes, a vu son principe évoluer avec la normalisation des rapports entre les deux pays. L’objectif est désormais d’offrir, au centre de l’Afrique, un point d’appui militaire aux missions multilatérales de maintien de la paix et une capacité d’évacuation de nos ressortissants. Le dispositif, pourvu d’environ 1 100 hommes, a aidé à déployer l’EUFOR : il continuera pour la MINURCAT.
Quant à notre opération à Boali, en République centrafricaine, elle illustre parfaitement l’ambition que nous fixons à nos forces prépositionnées sur le continent. Il s’agit avant tout d’aider les Africains à prendre en charge leur propre sécurité – c’est difficile ! –d’abord, en renforçant le potentiel des forces centrafricaines – c’est également difficile ! –, ensuite, en soutenant la mission régionale de consolidation de la paix engagée par une organisation africaine, la Communauté économique des États d’Afrique centrale. Notre contingent sur place ne dépasse pas 200 hommes et son rôle clé justifie entièrement son maintien.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, les opérations extérieures de la France ont un sens et une nécessité à l’instant où elles sont lancées ; elles ont aussi une dynamique, un pilotage et un calendrier. Vous assurerez désormais – le Gouvernement s’en réjouit, notamment moi-même – une part de leur contrôle, et vous garantirez que leur déroulement se poursuit avec l’appui explicite de la nation.
Votre débat et votre vote ne seront pas seulement un gage de cohérence et de vigilance démocratique : ils diront aussi à nos partenaires que la France, quand elle s’engage, le fait d’une seule et forte volonté ; ils diront à nos soldats qu’aussi loin que cet engagement les porte notre regard et notre soutien les suivent.
Vous connaissez leur compétence, leur dévouement et leur bravoure : ils doivent pouvoir compter aujourd’hui sur votre responsabilité. Ils doivent savoir qu’ils ont, par votre voix exigeante, l’appui de la nation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en application de l’article 35 de la Constitution, le Gouvernement a souhaité tenir un second débat au Parlement, depuis la modification constitutionnelle, sur l’intervention de nos forces armées sur les théâtres extérieurs.
Notre débat intervient après celui qui s’était tenu le 22 septembre dernier à propos de notre engagement en Afghanistan.
Je me félicite de cette volonté de transparence du Gouvernement à la fois dans l’information de nos deux assemblées et dans le fait de demander leur autorisation pour la poursuite des quatre opérations dont nous avons à discuter ce soir : celles qui se déroulent en République de Côte d’Ivoire, au Kosovo, au Liban, en République du Tchad et en République centrafricaine, tant pour l’opération européenne EUFOR que pour les opérations nationales Boali et Épervier.
C’est bien dans le même esprit de transparence et de contrôle que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est rendue en 2008 en Côte d’Ivoire, en Afghanistan, au Liban, au Kosovo, en Bosnie-Herzégovine et, en 2009, au Tchad.
Ces déplacements avaient un double objet : le premier était d’informer la commission et, plus largement, le Sénat sur la pertinence politique et stratégique de nos engagements extérieurs et de contrôler l’adéquation des moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés ; le second était de manifester l’intérêt, l’attention et la considération de la représentation sénatoriale pour l’action menée par les soldats français au service de la paix internationale et de notre sécurité.
Les 13 000 militaires français déployés hors du territoire national font honneur à la France, dont ils défendent, parfois au péril de leur vie, les intérêts et les valeurs. Notre devoir est de veiller à ce que les moyens dont ils disposent pour leur mission et les conditions dans lesquelles se situe leur intervention soient optimaux, du point de vue tant matériel que juridique et politique.
Ces missions – nous avons voulu qu’elles soient le plus opérationnelles possible – ont, à chaque fois, engagé deux sénateurs sur une base paritaire majorité-opposition. Elles ont été préparées en étroite coordination avec le ministère des affaires étrangères et avec le ministère de la défense. En particulier, des briefings ont été systématiquement organisés avec le Centre de planification et de conduite des opérations, le CPCO, de l’état-major des armées. De cette façon, l’information préalable de la commission a été la plus complète possible.
Les programmes de ces missions ont, à chaque fois, comporté un volet politique et un volet militaire. Dans chaque pays, des entretiens ont été ménagés avec les autorités de l’exécutif comme du pouvoir législatif avant de se rendre sur le terrain. L’efficacité de nos ambassades et la parfaite coordination entre diplomates et militaires doivent être soulignées.
Dans la mesure du possible, ces missions ont eu lieu à l’occasion de relèves en accompagnant les unités en vol aérien militaire et en partageant les conditions de vie des militaires sur le terrain.
Notre commission a publié un rapport d’information qui présente les analyses politiques et militaires réalisées à l’occasion de ces missions, qui ont bien entendu fait l’objet de communications au retour de chaque déplacement. Ces informations sont aujourd’hui complétées par le dossier que nous a transmis le Premier ministre sur les quatre théâtres d’opérations visés par notre débat de ce soir.
Ma première observation se rapportera aux critères retenus par le Gouvernement pour demander au Parlement l’autorisation de poursuivre des opérations extérieures en cours. En effet, l’article 35 de notre Constitution n’a pas de caractère rétroactif. Aussi, s’il est parfaitement clair, pour l’avenir, que le Parlement doit être consulté pour toute opération extérieure nouvelle, nous devons nous interroger sur la jurisprudence qui est en train de se mettre en place pour la poursuite des opérations engagées.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a déterminé sept principes directeurs pour l’engagement de nos forces armées à l’étranger. Mais ces éléments d’appréciation s’adressent plus aux opérations à venir qu’aux opérations en cours.
Dans ses vœux aux armées, présentés depuis le camp du bataillon français de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, la FINUL, le 6 janvier 2009, le Président de la République a précisé ces critères pour le présent, en souhaitant que l’on puisse s’assurer « que nos engagements correspondent bien à la défense de nos intérêts stratégiques, que la nature et le volume de nos contributions nous procurent bien l’effet de levier diplomatique et militaire escompté pour apporter une solution rapide à la résolution des crises dans lesquelles nous nous impliquons. »
Ce sont ces éléments que nous retrouvons dans les fiches transmises par le Premier ministre, auxquelles s’ajoutent les plus-values opérationnelles de nos forces et les résultats politiques et opérationnels qui ont été obtenus lors de ces interventions.
II me semble que ces différents critères créent une jurisprudence du recours à l’article 35 de la Constitution pour les opérations en cours, dont l’élément déterminant se trouve dans une modification du contexte géopolitique de l’emploi de nos forces.
Qu’il s’agisse de l’Afghanistan, de la Côte d’Ivoire, du Liban, du Kosovo ou du Tchad et de la République centrafricaine, on peut constater que des modifications significatives sont intervenues sur les cinq théâtres d’opérations qui regroupent l’essentiel des 13 000 hommes déployés, par ailleurs, dans une trentaine d’opérations extérieures.
En Afghanistan, la décision prise par le Gouvernement de renforcer le contingent français de la Force internationale d’assistance à la sécurité, la FIAS, justifiait pleinement la consultation du Parlement le 22 septembre dernier.
En Côte d’Ivoire, alors même que les effectifs ont déjà été considérablement diminués, la poursuite des négociations dans le cadre du processus de Ouagadougou et le report de l’élection présidentielle pourraient inciter à une réflexion sur le bon niveau des effectifs français dans ce pays. De plus, la réorganisation de nos forces prépositionnées, souhaitée par le Livre blanc, nous engage à une action globale, puisque le regroupement en une seule implantation sur l’ouest africain a été retenu.
Au Liban, où notre pays est très fortement impliqué, les récents événements à Gaza ont montré le rôle puissamment stabilisateur de la FINUL. Néanmoins, une réflexion pourrait s’engager sur le niveau optimum de nos forces.
S’agissant du Kosovo, la stabilisation de ce pays, indépendant depuis le 17 février 2008, et le déploiement de la mission EULEX permettent de s’interroger sur le maintien du format et de la participation française à la KFOR.
Enfin, la fin programmée de l’opération EUFOR Tchad-RCA au 15 mars 2009 devrait naturellement entraîner un retrait de nos effectifs de la force internationale de l’ONU et pourrait se traduire, à l’inverse, par un renforcement du dispositif Épervier.
Par ailleurs, ces opérations s’inscrivent géographiquement dans les quatre zones critiques pour la France et l’Europe définies par le Livre blanc, qu’il s’agisse de l’« arc de crise » Mauritanie Pakistan, où les intérêts français et européens peuvent être directement touchés par l’apparition de conflits, de l’Afrique sub-saharienne, du continent européen, en particulier en raison de la stabilisation non achevée des Balkans, ou de l’Asie, avec un effet possible pour l’Europe sous diverses formes : mise en jeu de la clause de défense collective en cas d’implication des États-Unis ; routes maritimes et approvisionnements stratégiques ; effets économiques et financiers.
Il me paraît important qu’à l’occasion de ce débat nous nous interrogions sur ce que le Livre blanc a appelé une « sélectivité dans nos engagements extérieurs ».
Sur un effectif total de 273 000 hommes et femmes, civils et militaires, l’armée française déploie actuellement, hors métropole, un total de 36 623 hommes, dont 9 796 pour les opérations extérieures multinationales, 3 503 pour les opérations extérieures bilatérales, 6 293 pour les forces de présence et 17 031 pour les forces de souveraineté.
Pour simplifier, en dehors des forces de souveraineté déployées dans les départements et collectivités d’outre-mer, notre effort s’équilibre : 10 000 hommes en opérations multinationales et 10 000 hommes en opérations bilatérales et forces de présence.
Compte tenu des objectifs et contrats opérationnels fixés par le Livre blanc et la loi de programmation militaire, ce niveau d’engagement est parfaitement à la hauteur d’un pays comme la France. À titre de comparaison, le Royaume-Uni déploie aujourd’hui 15 000 hommes à l’extérieur.
Membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et membre fondateur de l’Union européenne, comptant parmi les premiers contributeurs en hommes et en termes budgétaire de l’OTAN, la France a une responsabilité particulière dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale.
Cette responsabilité mondiale engage notre pays et justifie pleinement nos participations aux opérations extérieures multinationales. De plus, notre histoire, en particulier en Afrique, et nos intérêts légitiment nos engagements bilatéraux.
Les capacités de nos armées et de notre équipement nous permettent de déployer 12 000 hommes en moyenne en opérations extérieures stricto sensu, sans problèmes majeurs.
Néanmoins, lors de nos déplacements, nous avons pu constater un certain nombre de faiblesses au niveau des équipements individuels et de la sécurité ; je pense notamment, comme nous avons pu le constater en Afghanistan en 2008, au surblindage des véhicules, aux tourelleaux téléopérés des VAB, à l’équipement en matériel de brouillage des IED ou en matériel de communication. Il faut toutefois reconnaître que, grâce aux crash programmes que vous avez décidés, monsieur le ministre de la défense, les équipements en Afghanistan ont été très sérieusement améliorés. Des faiblesses sont également apparues en matière de renseignement et d’utilisation des drones.
D’une manière générale, la génération de force par les opérations extérieures a souligné les déficits en matière de mobilité, en particulier pour ce qui concerne les hélicoptères et les avions de transport.
Enfin, la dureté des conditions du terrain entraîne naturellement une usure accélérée des matériels. Nous avons pu constater les efforts considérables qui sont fournis en matière de maintien en condition opérationnelle. La situation est généralement très satisfaisante, à l’exception du Tchad, où nous avons relevé un taux anormalement bas de disponibilité des matériels.
Je sais que des mesures significatives ont été prises au cours de l’année 2008 pour remédier à ces difficultés. Mais, en tout état de cause, il faut constater que les moyens qui sont affectés prioritairement aux théâtres extérieurs pèsent sur la situation des unités stationnées sur le territoire national.
Globalement, et en dehors même du contexte financier, ces opérations exercent de fortes tensions tant sur les personnels que sur les matériels.
L’une des premières conclusions que nous pouvons tirer de ce constat est l’impérieuse nécessité de respecter les prévisions de la loi de programmation militaire en matière d’équipements.
Nous savons par ailleurs que la demande des organisations internationales pour que nous nous engagions dans des opérations de maintien de la paix demeurera très importante. On a pu récemment le constater avec les demandes faites aux Européens par le secrétaire général de l’ONU pour intervenir comme force intérimaire en République démocratique du Congo, en attendant une augmentation du contingent des troupes onusiennes déployées dans ce pays.
Dans ce contexte, et si les responsabilités de notre pays nous engagent à répondre favorablement à des demandes nouvelles, nous devons travailler sur des options d’allégement des opérations existantes en gardant comme hypothèse celle d’un déploiement de même ordre de grandeur, c’est-à-dire plus ou moins 12 000 hommes.
L’option politique doit également être privilégiée, comme le montre l’évolution extraordinairement rapide de la situation dans les Kivus après le rapprochement des gouvernements du Rwanda et de la République démocratique du Congo. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je sais combien nos diplomates, sous votre autorité, s’emploient à cette tâche dont le succès permet d’éviter, dans bien des cas, le déploiement ou le renforcement de forces d’interposition ou de maintien de la paix.
S’agissant de ces options d’allégement de nos opérations extérieures, les pistes de travail me paraissent assez évidentes. Elles concernent, en premier lieu, le Tchad et la République centrafricaine.
Le Tchad présente un intérêt stratégique majeur pour la France. La stabilité de ce pays, situé au cœur de l’arc de crise, dans l’Afrique sub-saharienne et au contact direct d’États d’une grande fragilité, comme le Soudan menacé de partition ou la République centrafricaine dont l’autorité des institutions présente un caractère théorique, est un enjeu de première importance.
Par conséquent, le maintien, voire le renforcement, des opérations Épervier et Boali paraît s’imposer. Ce renforcement sera rendu possible par le retrait du contingent français de l’opération EUFOR Tchad-RCA à compter du 15 mars prochain et son remplacement par une opération de l’ONU.
Nous avons pu constater sur place que le maintien des éléments français assurant la logistique devrait être envisagé pour permettre la soudure avec l’installation de la MINURCAT II. D’ores et déjà, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que 1 000 hommes pourront être retirés rapidement du dispositif EUFOR.
Nous savons également que le Livre blanc a prévu un retrait des forces françaises en Côte d’Ivoire à la fin de l’opération Licorne et la fermeture de notre implantation permanente. L’annonce qui vient d’être faite du retrait de 1 100 de nos militaires va donc, de notre point de vue, dans le bon sens.
Au Kosovo, le contingent français a en charge la zone nord avec Mitrovica, qui représente la zone la plus sensible en termes de sécurité. Compte tenu de la stabilisation du reste du pays, on pourrait imaginer un rééquilibrage avec l’intervention d’autres nations dans le nord qui permettrait un allégement du dispositif français.
Notre importante participation à la FINUL me semble au contraire ne pas devoir faire l’objet d’une réflexion pour l’instant, compte tenu du contexte de la zone. Il est évident que l’existence de la FINUL, qui s’interpose entre Israël et le Hezbollah, a montré sa pleine utilité lors du récent conflit à Gaza. Sans cette présence, il est vraisemblable qu’un second front aurait pu être ouvert ou tout au moins qu’un certain nombre d’éléments incontrôlés auraient pu intervenir et enclencher une réaction en chaîne. La prolongation de notre participation à la FINUL me semble donc être une évidence.
Le Gouvernement a néanmoins annoncé le retrait des deux bâtiments français participant à la force maritime européenne de la FINUL, l’EUROMARFOR.
Par ailleurs, nous ne statuons pas aujourd’hui sur notre présence résiduelle en Bosnie-Herzégovine. Je dirai simplement que, lors de leur déplacement, nos collègues ont constaté que la force européenne n’assurait plus aucune mission sécuritaire sur place. Dans ces conditions, la clôture de l’opération paraît s’imposer à très court terme, sauf si la situation politique, qui est très fragile, se détériorait dans cette zone.
Enfin, je voudrais aborder la question budgétaire du surcoût des opérations extérieures. Les « surcoûts » correspondent aux dépenses supplémentaires engagées par les armées sur les théâtres d’opérations, par rapport aux dépenses liées à leurs activités dites « normales ». La structure de ces surcoûts a évolué avec les années. Initialement constitué presque exclusivement de dépenses de personnel – indemnités pour sujétions de service à l’étranger – ce surcoût comprend désormais une part importante de crédits de fonctionnement et de contributions aux organisations internationales pour le financement des coûts communs.
Ces surcoûts sont bruts et ne comptabilisent pas d’éventuels remboursements lorsque les troupes françaises sont engagées sous le drapeau européen ou sous celui des Nations unies. Ces remboursements sont partiels et interviennent après un certain délai. Pour l’année 2008, ils représentent 37 millions d’euros sur un montant total de 833 millions d’euros de surcoûts.
Il me semble important que nous puissions travailler dans le sens d’un meilleur partage du fardeau. En particulier, le dispositif ATHENA de l’Union européenne ne me paraît pas toujours satisfaisant.
L’inscription en loi de finances d’une dotation, complétée en loi de finances rectificative, constituait déjà un progrès par rapport au dispositif qui, jusqu’en 2001, finançait les surcoûts OPEX par des annulations sur les crédits consacrés aux équipements des armées.
Un nouveau pas semble franchi puisque la loi de programmation militaire prévoit une budgétisation plus complète et porte la provision en loi de finances initiale de 510 millions d’euros en 2009 à 570 millions d’euros en 2010 et 630 millions d’euros en 2011. J’observe néanmoins que les crédits prévus ne correspondent pas au total des surcoûts atteints en 2008, dont le montant me paraît moins exceptionnel que ce que veut bien en croire le ministère du budget.
La loi de programmation militaire prévoit, en outre, que les crédits mis en réserve au titre des différents ministères pourront être mobilisés pour contribuer à résorber le différentiel en gestion. Les surcoûts nets non couverts par la provision seront financés par des prélèvements sur la réserve de précaution interministérielle. La commission sera particulièrement attentive à la mise en œuvre de ces engagements.
Pour conclure, je voudrais encore une fois saluer l’engagement exceptionnel de nos soldats et de nos diplomates au service de la paix dans le monde et de la sécurité internationale. Leur professionnalisme, leur ardeur, leur enthousiasme parfois, nous ont particulièrement frappés lorsque nous les avons rencontrés sur place, comme d’ailleurs le soutien des populations qu’ils protègent.
Pour ces raisons, la prolongation des opérations extérieures que le Gouvernement nous demande d’autoriser est pleinement justifiée et mérite notre total soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt-cinq minutes aux groupes UMP et socialiste, de quinze minutes aux autres groupes politiques et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en application de l’article 35 de la Constitution, la Haute Assemblée doit donner son approbation au maintien de nos forces armées sur cinq théâtres d’opérations extérieures.
Le groupe de l’Union centriste, qui, à une large majorité, avait voté la révision de la Constitution, exprime, encore une fois, sa satisfaction de voir un tel débat se dérouler au Parlement.
Il s’agit, bien sûr, de situations de nature bien différente, sur trois continents, mais qui illustrent toutes les responsabilités d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies. Soulignons au passage le progrès du point de vue du droit : chaque intervention de nos forces armées correspond à un mandat précis ou à une orientation décisive du Conseil de sécurité.
Le temps du « machin », jadis brocardé, à juste titre, par le général de Gaulle, est bien loin. La France a cessé de se singulariser dans le concert des nations pour mieux apporter son génie propre à des décisions collectives.
Sur le Proche-Orient, messieurs les ministres, j’avais souligné, lors de notre débat budgétaire du 5 décembre dernier, les interrogations qu’il convenait d’apporter à notre politique.
Au Liban, notre pays joue un rôle essentiel.
Depuis mai 1978 et l’orientation prise par le président Valéry Giscard d’Estaing, la France a apporté une contribution importante à la Force intérimaire des Nations unies pour le Liban, la FINUL. Elle a ainsi évité les pires tragédies, sans empêcher, malheureusement, les conflits et la guerre civile.
Depuis la résolution 1701, adoptée par le Conseil de sécurité le 11 août 2006, la FINUL II, pour laquelle la France s’est engagée de manière très forte, a maintenu la paix : la cessation des hostilités est un fait, la ligne bleue est respectée et l’assistance au déplacement de l’armée libanaise au sud du pays constitue un réel progrès. L’élection, le 25 mai dernier, du général Sleimane à la présidence de la République, la formation d’un gouvernement de coalition autour de Fouad Siniora, l’action diplomatique du Président de la République et la vôtre, monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, ont permis une véritable détente sur le plan intérieur.
Les élections législatives du printemps prochain seront, à cet égard, un test majeur. À la frontière israélo-libanaise, cela a été dit, hormis un incident mineur, aucune violation du cessez-le-feu n’a été constatée pendant la crise de Gaza. Et c’est la présence militaire importante de la France – 1 430 soldats, 430 marins sur deux bâtiments avec le commandement de la composante navale, contribution la plus importante derrière l’Italie – qui donne à sa voix tout son poids vis-à-vis des parties en présence.
Depuis 1860, notre pays s’honore de veiller sur le Liban, de garantir sa sécurité et d’apporter sa pierre à sa stabilité. Mon groupe autorisera le Gouvernement à y maintenir nos forces armées.
Plus près de nous, en Europe, l’approche est bien différente. Depuis juin 1991, l’ex-Yougoslavie vit dans l’incertitude politique la plus grande. La Slovénie est tirée d’affaire : membre de l’Union européenne, de la zone euro, de l’Alliance atlantique et de l’OTAN, gardons en mémoire qu’elle fut le premier pays agressé militairement par ce qui était encore l’armée fédérale yougoslave.
Le Kosovo aspire à la paix : cela est loin d’être acquis dans un pays qui n’est pas reconnu par l’ensemble de la communauté internationale et qui peine à faire cohabiter la majorité albanaise et la petite minorité serbe, sans compter le poids des mafias. Notre engagement s’effectue dans le cadre d’un mandat donné en 1999 par la résolution 1244 du Conseil de sécurité. À long terme – nous l’espérons, monsieur le ministre ; vous connaissez bien ce dossier –, les progrès de la construction européenne devraient permettre la stabilisation de la région.
La Croatie frappe à la porte de l’Union européenne et la Serbie aura le plus grand intérêt à suivre la même démarche. Une solution politique à long terme sera peut-être alors possible et un apaisement en Bosnie-Herzégovine permettra l’indispensable compromis au Kosovo. Avec 1 850 hommes sur un total de 14 600, la France fait son devoir au sein de la KFOR, la force de l’OTAN déployée depuis 1999, aux côtés de l’Italie et de l’Allemagne.
Enfin, en étant très engagé dans la mission civile de police et de justice de l’Union européenne, EULEX Kosovo nous permettra, à terme, d’obtenir une réduction progressive de la présence militaire internationale, ce qui serait le signe effectif du retour à la paix.
Là encore, le groupe de l’Union centriste, autorise le Gouvernement à maintenir le déploiement de nos troupes.
Plus loin de nous en Afrique, messieurs les ministres, la France assure une présence, et il ne s’agit pas de la remettre en cause. Je me permettrai simplement de vous poser quelques questions.
En République centrafricaine, la situation demeure préoccupante ; de nombreux observateurs forment l’espoir de voir le président Bozizé mener à son terme le « Dialogue national inclusif », engagé par son premier ministre Faustin-Archange Touadéra, en vue de préparer au mieux l’élection présidentielle de 2010.
Messieurs les ministres, quelle information complémentaire le Gouvernement peut-il indiquer au Sénat à ce sujet ?
Par ailleurs, l’ancien président Ange-Félix Patassé a indiqué sa volonté d’être candidat à la magistrature suprême en 2010. Or il est toujours menacé de poursuites par la Cour pénale internationale dans le cadre de la procédure ouverte contre Jean-Pierre Bemba, le chef du Mouvement de libération du Congo, pour des exactions commises à Bangui entre octobre 2002 et mars 2003.
Si le procureur général de la Cour pénale internationale délivrait un mandat d’amener à l’encontre du président Ange-Félix Patassé, quelles instructions le Gouvernement donnerait-il aux militaires français ?
En Côte d’Ivoire, où en est vraiment le recensement des électeurs ? Il s’agit d’une étape cruciale avant l’organisation du scrutin présidentiel. La presse ne manque pas de souligner des choses étranges. Dans le district d’Abidjan, on n’a dénombré qu’environ 2 millions d’électeurs au lieu des 3 millions attendus. Sur le dernier registre électoral de 2000, plus de 1,8 million d’électeurs était alors dénombré. Or depuis le déclenchement de la crise en septembre 2002, il y a eu un afflux de population dans le Sud et de nombreux mineurs ont atteint l’âge de la majorité, qui est de dix-huit ans.
Dans le reste du pays, seules 500 000 personnes ont pour l’instant été recensées. Selon des prévisions officielles, 5 millions d’électeurs auraient dû être enregistrés entre septembre et décembre sur l’ensemble du territoire.
Le compte n’y est pas, et nous sommes encore bien éloignés d’élections législatives « ouvertes à tous, libres, justes et transparentes », pour reprendre les termes du mandat politique et civil de juin 2005 de l’ONUCI.
Au Tchad, notre engagement est ancien et remonte aux temps lointains du général de Gaulle et du premier président de la République du Tchad, François Tombalbaye, en octobre 1968. Depuis, il y a eu l’opération Manta en 1983 et l’opération Épervier destinées à assurer une protection contre la Libye et le maintien de l’intégrité territoriale du pays. Certes, notre pays a pris l’initiative EUFOR pour éviter une extension de la crise humanitaire du Darfour aux pays voisins, et personne ne remet celle-ci en question.
Mais il est temps, messieurs les ministres, de redéfinir clairement nos objectifs et nos priorités au Tchad. Il semblerait que le président Idriss Déby ait été à Paris, il y a deux semaines : il y aurait mené quelques conversations diplomatiques au plus haut niveau. Je vous serais reconnaissant, si ce n’est pas confidentiel, de bien vouloir éclairer à ce propos la représentation nationale.
Avant de conclure, je voudrais profiter de ce débat pour me réjouir de la mise en extinction d’une pratique regrettable, à laquelle a fait allusion M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : celle qui consiste à ne pas budgéter les OPEX.
En effet, jusqu’en 2002, les opérations extérieures n’étaient retracées en loi de finances que sous la forme d’une provision symbolique. Résultat : la différence entre cette provision et le coût des opérations extérieures était comblée en collectif budgétaire par l’ouverture de crédits nouveaux, le plus souvent gagés sur l’annulation de crédits d’investissement. Jusqu’en 2002, nos OPEX se sont effectuées au détriment de l’investissement.
Heureusement, depuis 2002, un effort, chaque année plus important, est accompli pour que la ligne budgétaire « OPEX » corresponde au coût réel de celles-ci.
En 2008, il y a certes eu un nouvel écart important, mais il n’a été dû qu’à un bond purement conjoncturel du surcoût des OPEX lié aux théâtres afghans et tchadiens.
Cette année, l’écart entre OPEX budgétées et OPEX réalisées devrait encore se réduire, puisque ce sont 510 millions d’euros qui ont été budgétés et que la moyenne annuelle du coût des OPEX est de 600 millions d’euros.
Enfin, l’écart devrait être totalement résorbé l’année prochaine, dans la mesure où la loi de programmation prévoit une augmentation de la ligne OPEX pour la porter à 570 millions d’euros en 2010 et à 630 millions d’euros en 2011. Cela représente une réelle avancée en termes de sincérité budgétaire.
Je conclurai, messieurs les ministres, en vous posant une question d’ordre stratégique.
Pour des raisons historiques, l’Afrique est le terrain privilégié des OPEX françaises. Mais les temps changent.
Dernièrement, sous la présidence française et grâce à l’action du président Nicolas Sarkozy, l’Europe a pris conscience qu’elle pouvait redevenir la puissance qu’elle avait été. Elle l’a manifesté à l’occasion de l’affaire géorgienne et en pesant de tout son poids pour imposer un cessez-le-feu au Proche-Orient. Et il ne faut pas oublier l’action qu’elle a menée dans le cadre de la crise financière.
Oui, l’Europe est redevenue une puissance. Or, en tant que telle, n’est-il pas temps qu’elle s’occupe de ses frontières extensibles au sein du continent euro-asiatique ? N’est-il pas temps qu’elle s’occupe des frontières jusqu’à Vladivostok ? Autrement dit, l’OTAN et la Russie doivent-elles continuer d’être les seuls acteurs militaires en Europe de l’Est ?
Ces questions méritent aujourd’hui d’être posées. Nous pourrions réorienter nos OPEX à l’avenir en direction des frontières européennes, si nous nous engagions dans une politique stratégique d’accords de coopération militaire et de défense avec les pays frontaliers de l’Europe, soit dans le cadre multilatéral de la PESD, la politique européenne de sécurité et de défense, soit au niveau bilatéral. Envisagez-vous, messieurs les ministres, une telle option stratégique ?
Dans l’attente de réponses à ses questions, le groupe de l’Union centriste n’en votera pas moins la prolongation de l’intervention des forces armées en Côte d’Ivoire, au Tchad, en Centrafrique, au Liban et au Kosovo. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant même d’aborder la question de nos interventions militaires à l’étranger, je voudrais rendre hommage à nos huit soldats morts au Gabon il y a quinze jours. Ces hommes en mission d’entraînement faisaient précisément partie des troupes appelées à intervenir à l’étranger. Ils ont poussé jusqu’au sacrifice suprême ce qui faisait leur engagement.
Dans ses vœux présentés au Liban aux forces armées, le Président de la République a appelé à réfléchir à la conformité de la présence de nos soldats en opération extérieure aux intérêts de notre pays, et il a souhaité un débat national sur la nature et le volume de notre présence militaire à l’étranger.
Avant d’évoquer le sujet, permettez-moi de déplorer les conditions dans lesquelles est organisé ce débat.
Si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a, de son côté, dépêché des missions sur chacun des théâtres d’opérations en question, missions qui nous permettent aujourd’hui d’appréhender la complexité de chaque situation, en revanche, pour préparer ce débat, à aucun moment, messieurs les ministres, nous n’avons pu vous auditionner en commission. (M. Bernard Kouchner s’étonne.)
Ce débat était pourtant très attendu à un moment où jamais, depuis longtemps, nous n’avions eu autant de soldats français présents en opérations extérieures : 13 000 hommes engagés sur treize théâtres d’opérations différents.
Pour en prendre la mesure, il faut noter que, sur ce total, 71 % des effectifs déployés le sont dans un cadre multilatéral, avec 4 800 hommes engagés dans des opérations de l’OTAN, 2 100 sous les couleurs de l’ONU, et autant sous celles de l’Union européenne. Le reste, soit 3 500 hommes, est engagé dans des opérations nationales, essentiellement en Côte d’Ivoire et au Tchad.
Suivant les souhaits du Président de la République, vous nous présentez, messieurs les ministres, les grandes orientations d’un plan de révision, de redéploiement et de réduction de certains de nos effectifs à l’étranger.
Outre ce débat général, vous nous demandez, en vertu d’une disposition de la récente révision constitutionnelle, d’autoriser votre gouvernement à prolonger, ou non, nos interventions militaires dans cinq pays : la Côte d’Ivoire, l’ancienne province serbe du Kosovo, le Liban, le Tchad et la République centrafricaine.
Mon groupe n’a pas voté l’ensemble de la révision constitutionnelle, mais il convient de mesurer combien il est important que le Parlement puisse se prononcer sur l’opportunité de prolonger telle ou telle opération militaire extérieure de la France. D’autant que, jusqu’à cette révision constitutionnelle, nous étions l’une des rares grandes démocraties parlementaires dans laquelle le Parlement n’était ni informé ni consulté lorsque nos armées étaient engagées à l’extérieur.
Vous n’avez pourtant fait que la moitié du chemin puisque nous ne pouvons nous prononcer que quatre mois après la mise en place d’une opération, et non pas, comme nous l’avions souhaité, au moment de la prise de décision.
Nous voulions également, mais vous l’avez refusé, que le Parlement soit pleinement informé des accords de défense et de coopération militaire signés avec des pays étrangers. En effet, en dehors des mandats internationaux en vertu desquels nos troupes opèrent à l’étranger, ce sont ces accords qui fondent nos interventions et qui déterminent leurs formes et leurs missions.
Puisque vous nous présentez une adaptation de notre dispositif en Afrique et que le Président de la République s’était engagé au mois de février dernier, dans son discours du Cap, à remettre à plat et à rendre publics ces accords de défense avec les pays africains, je souhaite vivement que la représentation nationale ait enfin la possibilité de les examiner pour se prononcer en toute connaissance de cause.
Enfin, je voudrais ici réaffirmer que l’un des moyens les plus efficaces de gestion des crises reste encore de lutter contre l’armement des belligérants.
Notre pays devrait, dans ce domaine, mener une politique plus offensive en matière d’embargo et de lutte contre les trafics d’armes en tout genre. Certes, la France est particulièrement engagée dans l’adoption du Traité international sur le commerce des armes. Cela contribue incontestablement à limiter l’exportation et la circulation des armes. Toutefois, notre quatrième rang dans ce domaine devrait nous inciter à faire preuve encore davantage d’ambition et d’initiatives, bref, à montrer l’exemple.
Cela étant, pour en revenir à notre sujet principal, nous sommes très sceptiques s’agissant du nouveau dispositif que vous nous présentez.
Il ne procède pas d’une véritable réflexion sur la légitimité de nos interventions militaires extérieures. Les grandes orientations que vous nous exposez découlent, en premier lieu, des analyses géostratégiques du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Face aux nouvelles menaces contre notre pays, le Livre blanc recommandait ainsi de réadapter le format et la mission de notre outil de défense et appelait à être plus sélectifs dans les engagements extérieurs de nos armées, dont les coûts n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Il avait ainsi retenu sept principes directeurs pour ces opérations, dont « une définition de l’engagement dans l’espace et dans le temps, avec une évaluation précise du coût ».
Il me semble donc que la première motivation du dispositif que vous nous proposez consiste avant tout à faire des économies.
La remise à plat de nos engagements sur le continent africain, la révision de nos accords de défense et de coopération militaire, annoncées par le Président de la République dans son discours du Cap, pourraient sembler positives. Mais je crains, au contraire, qu’elles n’ouvrent pas la voie à de nouvelles relations avec les pays africains.
Cette décision, avec la réduction de nos forces prépositionnées qui s’accompagne aussi, malheureusement, d’une diminution de notre aide publique au développement, masque mal un désengagement de la France dans cette partie du monde.
Pour notre part, nous pensons que la baisse de l’aide publique et les promesses non tenues, qui étranglent l’Afrique, augurent mal de la nouvelle politique avec ces pays annoncée par le Président de la République : il y a un décalage flagrant entre ses paroles et ses actes. Elles ne s’inscrivent pas dans le sens du développement, de la coopération, du partage des richesses et, pour tout dire, du nouvel ordre mondial qu’attend l’Afrique.
Au-delà d’une réflexion générale sur les déploiements extérieurs de nos forces, vous nous demandez concrètement de nous prononcer sur le maintien ou non de celles-ci.
Les raisons de ces opérations, les situations sur place et les conditions d’emploi de nos troupes étant sensiblement différentes, je voudrais d’abord préciser les critères en fonction desquels nous nous déterminons.
Notre vision du règlement de conflits par l’envoi de troupes à l’étranger est uniquement fondée sur la recherche de la paix dans un cadre multilatéral. Les interventions de nos troupes à l’étranger ne sont donc à nos yeux légitimes que lorsqu’elles s’effectuent dans le cadre d’un mandat donné par la seule institution internationale qui privilégie le multilatéralisme et la recherche de la paix : l’Organisation des Nations unies.
Nous sommes évidemment conscients des insuffisances et, parfois, de l’inefficacité de cette grande institution. C’est la raison pour laquelle il faut absolument modifier le fonctionnement et la composition du Conseil de sécurité, afin que celui-ci reflète le monde tel qu’il est aujourd’hui.
Nos interventions militaires à l’étranger ne peuvent se justifier et être légitimes que lorsqu’il s’agit de maintenir ou de rétablir la paix, de s’interposer entre des belligérants ou, bien entendu, en cas d’urgence, de protéger nos ressortissants.
En revanche, nous sommes totalement hostiles à la participation à des opérations menées dans le cadre de l’OTAN qui découlent, comme en Afghanistan, d’un alignement pur et simple sur les intérêts de l’administration américaine. C’est la raison pour laquelle nous soutenons principalement les opérations auxquelles participent nos forces lorsqu’elles procèdent d’un mandat s’appuyant sur une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.
Pour ce qui est de la présence de nos troupes à l’étranger en vertu d’accords de défense ou de coopération militaire dans un cadre bilatéral, nous voulons maintenant que le Parlement puisse examiner rapidement ces accords lors de leur renégociation.
J’évoquais à l’instant le cas de la création de forces d’interposition entre belligérants. Face aux drames causés récemment par le conflit israélo-palestinien, nous pensons que la création d’une force internationale de ce type s’impose de toute urgence.
Mais je voudrais aussi que votre gouvernement, messieurs les ministres, prenne rapidement position en faveur des demandes de commission d’enquête sur les horreurs de cette guerre, qui ont été déposées par plus d’une trentaine d’associations de tous pays auprès de la Cour pénale internationale. De même, nous devrions soutenir les demandes d’enquête de M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, après le bombardement d’écoles et de bâtiments de l’ONU dans la bande de Gaza.
Je ferme cette parenthèse et j’en viens aux cinq opérations que vous nous soumettez et sur lesquelles nous nous déterminerons en fonction des critères que je viens d’évoquer.
En République de Côte d’Ivoire, avec la force Licorne et le soutien aux troupes de l’ONUCI, nous avons 2 000 hommes présents sur place. La mission de la force Licorne, qui repose sur plusieurs résolutions de l’ONU, dont la dernière consiste principalement à assurer la tenue d’une élection présidentielle plusieurs fois reportée, n’est pas achevée.
Dernièrement, M. Choi Young-jin, représentant de l’ONU sur place, a réclamé de nouveau des autorités ivoiriennes la mise en place d’un calendrier électoral, seul à même de sortir le pays d’une crise politique qui dure depuis cinq ans.
À l’évidence, les conditions prévues par la résolution 1721 du Conseil de sécurité ne sont toujours pas remplies. Ni le désarmement et le démantèlement des milices, ni l’identification du corps électoral, ni le redéploiement de l’administration et la préparation technique de l’élection ne sont assurés. Dans ces conditions, il nous semble nécessaire de prolonger la mission de la force Licorne, mais en réduisant les effectifs, comme vous le proposez, puisque la situation s’est en partie stabilisée.
Nous souhaitons toutefois que cette décision soit prise en concertation avec les autorités ivoiriennes, le Premier ministre Guillaume Soro et le Président Laurent Gbagbo, et qu’elle débouche à terme, comme le souhaitent les Ivoiriens, sur un calendrier de retrait de nos troupes.
Concernant le Kosovo, où nous avons 2 000 hommes au sein de la KFOR sous un commandement OTAN, nous sommes contre la prolongation de notre intervention.
En effet, nous considérons que la présence de nos soldats, qui sont souvent engagés en raison de l’inefficacité de la police kosovare et de la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo, la MINUK, cautionne la déclaration unilatérale d’indépendance du parti kosovar au pouvoir. Cette déclaration d’indépendance de la province albanophone, qui n’a d’ailleurs pas été reconnue par tous les pays composant la KFOR, bafoue purement et simplement la résolution 1244 du Conseil de sécurité qui définissait les missions de la force de l’OTAN.
Le contexte ayant changé avec le déploiement de l’opération européenne EULEX et d’une nouvelle force de sécurité kosovare, la FSK, qui se met progressivement en place, nous estimons qu’il ne faut pas maintenir notre présence militaire au Kosovo.
Concernant le Liban, avec 1 900 hommes, le maintien de notre participation à la FINUL renforcée paraît nécessaire au regard des derniers évènements du conflit israélo-palestinien.
Les missions de la FINUL qui, là aussi, se fondent sur plusieurs résolutions de l’ONU, sont l’exemple même de missions d’interposition et de rétablissement de la paix. Pourtant, la mise en œuvre des résolutions de l’ONU est inachevée. Elle consiste, d’une part, à surveiller la bonne application du cessez-le-feu entre l’armée libanaise, le Hezbollah et l’armée israélienne et, d’autre part, à appuyer l’armée libanaise pour empêcher le réarmement du Hezbollah.
L’heure n’est donc pas au désengagement alors que la situation n’est pas stabilisée et que la tension reste vive dans la région, comme on a pu le voir après des lancements de missiles en provenance du Liban-Sud lors de la crise de Gaza.
Concernant le Tchad, il faut distinguer l’opération EUFOR Tchad/République centrafricaine, d’une part, et les opérations Épervier et Boali, d’autre part.
L’opération EUFOR, à vocation humanitaire de protection des réfugiés et déplacés du Darfour, doit de toute façon prendre fin à compter du 15 mars prochain et être relayée par la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, la MINURCAT. Le problème qui se pose est que cette force ne sera pas opérationnelle avant la fin de 2009. Nous proposons donc qu’une partie des effectifs de l’opération Épervier rejoignent la MINURCAT pour assurer un soutien logistique.
En revanche, nous sommes contre la prolongation de l’opération Épervier. En effet, malgré son objectif affiché d’aide à la stabilité du Tchad et de la sous-région, nous estimons qu’elle apporte avant tout un soutien contestable à un régime issu d’un coup d’État. En cela, elle est un obstacle à un règlement durable de la crise tchadienne, qui ne peut intervenir que dans le cadre d’un processus de paix soutenu par la communauté internationale.
Enfin, concernant la République centrafricaine et l’opération Boali, nous considérons que nous intervenons directement, sans mandat international, pour tenter de régler les affaires intérieures de ce pays. Derrière les objectifs affichés de maintien de la paix, notre rôle est équivoque et nous prenons parti, dans un pays souverain, pour maintenir en place un régime menacé par son opposition. Pour cette raison, nous sommes également contre la prolongation de l’opération Boali.
Au total, messieurs les ministres, nous vous avons donné nos appréciations sur ces cinq opérations extérieures. Toutefois, dans votre présentation, vous n’avez pas précisé l’utilisation ultérieure qui serait faite des réductions d’effectifs.
Ces décisions n’ont à aucun moment été présentées devant les commissions parlementaires.
Cette absence de concertation, alors même que le Gouvernement prétend renforcer les droits du Parlement, nous fait craindre que, malgré les démentis de M. Morin, vous nous annonciez dans quelques mois que vous cédez aux demandes pressantes de l’Otan et des États-Unis de renforcer les troupes en Afghanistan.
Mme Michelle Demessine. J’ai dit « malgré les démentis de M. Morin » !
Lors du scrutin public, le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche votera, conformément aux explications qu’il a développées sur chaque opération, pour la prolongation de l’intervention des forces armées en Côte d’Ivoire et au Liban, contre la prolongation de l’intervention des forces armées au Kosovo, au Tchad et en République centrafricaine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce soir, le Sénat est appelé à se prononcer sur la prolongation de l’intervention de nos forces armées en Côte d’Ivoire, au Tchad, en Républicaine Centrafricaine, au Liban et au Kosovo.
Ces votes sont l’une des applications directes de la réforme de la Constitution souhaitée par le Président de la République et que nous avons adoptée en juillet dernier. En vertu de l’article 35 de la Constitution, l’envoi et le maintien de nos troupes et matériels sur des théâtres d’opérations extérieures sont désormais soumis au Parlement. Il y va donc de notre responsabilité de parlementaires.
La France, membre fondateur de l’Union européenne, la France, symbole de la liberté et membre permanent du Conseil de sécurité, a une responsabilité particulière dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale.
Notre histoire, .notre tradition démocratique, mais aussi nos capacités militaires complétées par notre expérience accumulée, nous désignent tout naturellement comme l’un des premiers États vers lesquels se portent les sollicitations.
Mais ces opérations, décidées par le Gouvernement et désormais validées par le Parlement, s’appuient sur des hommes et des femmes qui ont choisi de servir notre pays, les valeurs qu’il représente et qui portent cet engagement à travers le monde, parfois au prix du sacrifice ultime ; vous avez eu raison, monsieur le ministre, de rappeler le sang versé en Afghanistan, au Gabon et, ne l’oublions pas, en Côte d’Ivoire.
Ce soir, au nom du groupe UMP, je souhaite saluer le courage et le professionnalisme de nos soldats qui, à des milliers de kilomètres de leur famille, défendent une certaine idée de la France et de sa mission en garantissant la sécurité internationale ou en maintenant une paix souvent fragile. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Je tiens à leur rendre hommage et à rappeler à chacune et à chacun d’entre nous sur les travées de la Haute Assemblée que les votes auxquels nous allons procéder nous engagent sur la scène internationale, bien sûr, mais aussi vis-à-vis de chacun de nos soldats. Cette responsabilité partagée, monsieur le ministre de la défense, nous amènera à être plus vigilants, plus fermes, plus pressants pour les demandes de matériels et de moyens dont nos armées ont besoin sur ces terrains difficiles et souvent hostiles.
Plusieurs de nos collègues qui ont participé à des missions sur l’initiative de la commission des affaires étrangères et de la défense peuvent témoigner du dévouement, de l’excellence de nos troupes et de leur respect des populations sur les différents théâtres. Je tiens à remercier M. le président de Rohan, car ces différents déplacements nous ont permis de recueillir des informations sur la pertinence politique et stratégique de nos engagements. Ils sont aussi l’expression de l’intérêt su Sénat envers nos personnels militaires.
La situation géopolitique étant de plus en plus complexe, nous devons répondre à de nouveaux défis, dans le respect de la légalité internationale et en faveur de la paix.
Face à des conflits asymétriques et à des acteurs non étatiques - les actes de piraterie au large des côtes somaliennes constituent un bon exemple - notre stratégie de défense doit s’adapter en permanence, et c’est le caractère même des opérations extérieures qui a évolué.
Force est de reconnaître que les OPEX font désormais partie intégrante de l’activité de nos armées. Elles n’ont plus de caractère exceptionnel : aujourd’hui – et ce sera de plus en plus le cas à l’avenir – les OPEX se caractérisent, comme le rappelle le chef d’état-major des armées, par leur durée, leur durcissement et leur dispersion géographique. Cela se traduit par une augmentation des coûts, point sur lequel j’aurai l’occasion de revenir.
Il est primordial que les OPEX répondent aux critères fixés par le Président de la République dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Leur programmation doit également s’inscrire en cohérence avec la réforme des armées engagée il y a quelques mois.
Le choix d’envoyer des contingents français dans telle ou telle région du globe découle avant tout de l’évaluation des menaces, de plus en plus diffuses et de plus en plus difficiles à identifier.
La juste appréciation de la gravité de la menace pour la sécurité internationale et pour nos intérêts nationaux constitue un principe élémentaire de notre politique de défense. Aussi, avant de procéder à l’envoi de soldats, soyons assurés d’avoir examiné les alternatives au recours à la force armée. C’est dans ces cas précis que les relais de notre diplomatie doivent opérer. L’étendue et la qualité de nos relations diplomatiques doivent nous permettre, chaque fois que cela est possible, d’impliquer les autorités et les responsables politiques des zones géographiques concernées et de les appeler à engager le dialogue au travers de leur propre réseau diplomatique.
Parmi les autres principes directeurs définis par le Président de la République en juillet 2007, il y a ce que j’appellerai « l’appréhension réaliste » de notre participation à la résolution des conflits.
Avant d’engager nos forces, il convient d’acquérir plusieurs degrés de certitude : premièrement, nous assurer que nous serons en mesure d’assumer le niveau d’engagement que nécessitera un nouveau théâtre ; deuxièmement, avoir les moyens humains et matériels suffisants pour répondre à la crise – il n’est pas possible d’envoyer des soldats sur des théâtres d’opérations avec des matériels et des équipements insuffisants, inadaptés, et en sous-estimant les rotations des personnels ; troisièmement, avoir une visibilité dans le temps qui nous permette une juste évaluation des coûts – même si nous sommes capables de mettre en place une politique de crash programmes et d’acheter « sur étagère » les matériels, comme pour l’Afghanistan, et je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réactivité, nous devons mesurer notre capacité de réactivité humaine et budgétaire ; enfin, quatrièmement, il faut toujours envisager les perspectives de règlement effectif du conflit et, si possible, la fin de notre intervention.
Dans de nombreux cas, je pense notamment à l’Afghanistan, l’action militaire est indispensable, mais elle ne suffit pas et ne suffira pas.
Il faut, comme le dit Paul Haeri, « gagner les paix de sorties de guerres ». Pour cela, il faut convaincre les populations, en ramenant la sécurité humaine de proximité, pour pouvoir reconstruire une vie durable, avec une administration et ses services locaux, l’éducation, l’accès aux soins, le développement agricole et, surtout, la mise en place d’une armée autochtone crédible, seule porteuse de légitimité.
Il s’agit de conduire une action globale avec et pour les populations locales. Cela nécessite de la volonté, des moyens importants, de la patience et du temps. Cela signifie, mes chers collègues, que certaines OPEX vont durer et perdurer.
Mes chers collègues, mener des opérations dans un cadre multinational, qu’il soit onusien ou européen, présuppose que notre armée ait des effectifs suffisants avec des moyens terrestres, aériens et navals correspondants. Les efforts réalisés en 2008 et 2009, comme la loi de programmation militaire sur laquelle nous travaillons, vont dans le bon sens.
Actuellement, la France compte plus de 13 000 hommes participant à trente opérations de présence et de gestion de crise à travers le monde. La France, avec le Royaume-Uni, est l’une des puissances les plus engagées dans les opérations de maintien de la paix. Les opérations auxquelles la France participe sous le drapeau onusien représentent plus de 16 % des opérations en cours.
Il s’agit principalement de l’opération FINUL–DAMAN au Liban, avec plus de 1 800 hommes. La France est engagée dans la FINUL depuis sa création en 1978. Les événements de l’été 2006 et le renforcement du contingent par les pays européens comme l’Italie et l’Espagne, dans le cadre de la FINUL II et à la suite de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, ont été les conditions essentielles de l’arrêt des hostilités entre Israël et le Hezbollah.
Au Liban, nous pouvons décemment affirmer que les objectifs de l’OPEX ont été atteints. L’assistance à l’armée libanaise et le rétablissement de l’autorité effective ont permis de faciliter les négociations aboutissant à un cessez-le-feu quasi permanent annonçant, nous l’espérons, un accord politique à long terme.
De plus, la France a pu bénéficier d’un levier diplomatique pour la stabilisation de la situation au Liban, mais aussi, de façon plus générale, pour notre action au Proche-Orient.
Nul ne pourra contester que cette implantation au Liban a pu faciliter l’action diplomatique du Président de la République ces dernières semaines au cours des tristes événements dans la bande de Gaza.
Dans le cadre de la résolution 1832, nos troupes devraient y stationner jusqu’en août 2009. Nous ne pouvons qu’être en accord avec ce calendrier et favorables au retrait futur des troupes, sans oublier la fragilité et la réversibilité potentielle de cette zone.
Je voudrais rappeler que notre pays participe à la force navale déployée dans ce secteur. Depuis septembre 2006, il a été procédé par cette composante à plus de 20 000 vérifications. Aucune n’ayant donné lieu à des découvertes suspectes, il me semble judicieux d’alléger rapidement cette partie navale du dispositif. Je me félicite, monsieur le ministre, de la décision que vous venez d’annoncer.
L’action et l’implantation de nos forces au Tchad et en République centrafricaine doivent être abordées sous le prisme d’une politique globale dans la région. Nous y menons plusieurs opérations dans un cadre national pour la mission Épervier au Tchad, ainsi que pour la mission Boali en République Centrafricaine, mais aussi sous mandats onusien et européen pour la mission EUFOR Tchad/RCA, puis MINURCAT II.
Je tiens à rendre hommage au général irlandais Patrick Nash, à la tête des opérations EUFOR sur place, et à souligner l’effort consenti par la Pologne et par l’Irlande. En revanche, nous ne pouvons que regretter de n’avoir pu mobiliser nos partenaires européens traditionnels. Ce n’est qu’une victoire en demi-teinte pour l’Europe de la défense.
L’initiative française et la présence de nos troupes ont permis la mise en place de relais par les organisations et forces de sécurité régionales. Elles ont contribué à la protection des civils, notamment celle des réfugiés et déplacés, des personnels et des biens des Nations unies et des ONG. Elles ont, en outre, facilité l’aide humanitaire.
Rappelons-nous les violents combats à N’Djamena au début du mois de février 2008 : la France, après avoir sécurisé l’aéroport, a procédé à l’extraction des personnels diplomatiques, en particulier allemands et américains, avec une grande efficacité, que je tiens à saluer.
Concernant notre présence en République de Côte d’Ivoire, depuis 2002, les soldats de l’opération Licorne ont participé à la sécurisation du pays et à l’accompagnement vers une sortie de crise politique que connaissait le pays. Le soutien, depuis 2004, de nos troupes à l’ONUCI a permis une normalisation de la vie politique du pays.
Même si l’on peut regretter que la date des élections présidentielles ait été, encore une fois, repoussée, la France a largement contribué à la pacification et à la stabilisation de la situation. Le retrait d’une partie de nos troupes nous paraît raisonnable puisque, parallèlement, d’autres pays de la zone, tel le Burkina Faso, ont engagé des médiations avec la République de Côte d’Ivoire, en collaboration avec l’Union africaine. Lorsque les élections auront enfin lieu, il serait souhaitable de prévoir l’envoi d’observateurs internationaux.
L’attachement naturel de la France au continent africaine et sa tradition d’intervention en cas de conflits, pour les raisons historiques que l’on sait, ne doivent pas nous faire perdre de vue la nécessité pour l’Union africaine d’assurer le relais et d’imposer progressivement la reconnaissance de ses forces d’intervention par les différents pays lorsqu’un conflit éclate.
Monsieur le ministre, au Kosovo, la superposition des mandats des organisations internationales nous permet difficilement d’avoir une vision globale sur notre action. Les soldats français déployés au nord-ouest sont intégrés dans plusieurs missions et dépendent, pour les uns, de la KFOR, qui opère comme soutien à la mission MINUK, quand d’autres attendent d’être relayés par la mission EULEX. Comprenne qui pourra !
À cette situation s’ajoute la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, qui, voilà un an, fut source d’inquiétude, laissant planer la possibilité d’une reprise des violences avec la Serbie.
À ce jour, seulement cinquante et un États ont reconnu le Kosovo,...
M. Jacques Gautier. ...dont vingt-deux membres de l’Union européenne, ce qui concourt à une situation aussi étonnante que surprenante. Comment les instances onusiennes ou européennes peuvent-elles engager des missions alors qu’une partie des pays membres n’a pas reconnu officiellement ce pays ?
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter quelques précisions concernant l’évaluation de l’action de nos troupes dans cette zone complexe ? Le maintien de soldats français y est-il véritablement nécessaire au regard de la présence des autres contingents des différentes missions ?
Certes, le maintien de la stabilité dans les Balkans est fondamental, mais c’est à l’Union Européenne qu’incombe prioritairement cette tâche. Par conséquent, il s’agit pour nous de définir le rôle de la France au sein de la mission EULEX.
Je le répète, le caractère même des OPEX a changé et se traduit par une augmentation croissante des coûts. Entre 2006 et 2008, à effectifs constants, les surcoûts ont augmenté de prés de 250 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 40 %.
Face à ces évolutions, le processus de budgétisation des OPEX est absolument nécessaire afin de pallier les incertitudes des financements complémentaires apportés en loi de finances rectificative. À ce titre, nous pouvons nous féliciter de la prise en compte de ces évolutions par la loi de programmation militaire, qui porte le montant de la loi de finances initiale à 630 millions d’euros en 2011 et à 510 millions d’euros dès 2009.
Cette tendance à l’augmentation constante du coût des OPEX est le résultat d’une surenchère des soutiens logistiques de nos troupes : c’est le « plus loin », « plus violent », « plus longtemps » et « plus exigeant en équipement ».
De fait, nos contributions financières à l’OTAN et à l’Union européenne ne sont pas près de diminuer.
Cela s’explique aussi par la contribution de la France au coût commun des opérations de l’OTAN et de l’Union européenne, qui inclut les crédits de fonctionnement et de contribution des organisations internationales. Or la définition de ce coût commun est très restrictive ; le mécanisme de financement, appelé ATHENA, laisse à la charge des principaux contributeurs le financement de ces coûts.
Comme l’a rappelé le président Josselin de Rohan, les remboursements partiels des surcoûts ne s’élèvent qu’à 37 millions d’euros en 2008, pour un surcoût total de 833 millions d’euros.
Dans un contexte financier international déjà extrêmement difficile pour nos économies, au moment où nous procédons à une véritable rationalisation des coûts au sein de notre propre armée, il n’est pas acceptable que, dans le cadre des missions effectuées sous l’égide de l’Union européenne, les pays contributeurs de moyens humains et matériels doivent en plus assumer des coûts en constante augmentation.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Jacques Gautier. Il est capital que tous les pays membres de l’Union européenne, même s’ils n’ont pas la volonté ou les moyens d’y participer physiquement ou matériellement, participent à l’effort financier que fournissent les pays contributeurs.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Jacques Gautier. La mise en place d’un meilleur système de répartition des charges entre les pays membres est essentielle pour la construction d’une politique européenne de défense.
Être membre de l’Union européenne ne peut se résumer au seul volet économique de la politique commune : cela implique un partage de valeurs pour lesquelles il faut être prêt à s’investir d’une façon ou d’une autre.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, le groupe UMP du Sénat est bien entendu favorable à la prolongation de nos différentes OPEX et à l’allégement de nos troupes chaque fois que cela est possible et nécessaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nos engagements extérieurs correspondent-ils aux intérêts majeurs de la France ? Telle est la question à laquelle nous devons répondre.
Le mérite des hommes n’est pas en cause ; je m’associe à l’hommage qui leur a été rendu par le président Josselin de Rohan et de nombreux intervenants.
Le Gouvernement vient d’annoncer une réduction, certes légère, du nombre de nos soldats engagés sur des théâtres d’opérations extérieures. Cette réduction n’est-elle pas le préalable d’un redéploiement en direction de l’Afghanistan ?
Mme Michelle Demessine. M. Morin l’a démenti !
M. Jean-Pierre Chevènement. Nous verrons, j’en accepte l’augure !
Je ne conteste pas que la France ait un rôle à jouer comme membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Elle accomplit là un devoir supérieur, au service de la communauté internationale.
Je ne conteste pas non plus le rôle que la France joue au profit de pays encore fragiles, des États qui ne se tiennent pas toujours très fermement sur leurs jambes, notamment en Afrique, où se trouvent notre histoire et nos intérêts.
Je ne conteste pas davantage le renforcement de notre présence militaire au Proche-Orient afin de faciliter l’application des résolutions de l’ONU.
Mais je m’inquiète d’une dérive, qui correspond à l’évolution du monde et qui conduit notre pays à intervenir de plus en plus dans le sillage de la diplomatie américaine.
Sans doute y aurait-il beaucoup à dire sur les opérations de maintien de la paix de l’ONU : leur coût considérable – 7 milliards de dollars, contre 840 millions en 1998-1999 –, la montée exponentielle des effectifs engagés – 108 000 personnes, dont 88 500 casques bleus, contre 12 400 en 1996 –, les conditions dans lesquelles elles se déroulent.
La proportion des forces issues du sous-continent indien est très élevée – 40 % ! – et il faut rendre hommage aux pays francophones qui accomplissent un effort, parmi lesquels figurent le Maroc, le Sénégal et le Bénin.
Je n’évoquerai pas le coût de ces opérations ; je laisse ce soin à M. de Montesquiou.
M. Jean-Pierre Chevènement. Moins de la moitié des dépenses réelles sont prévues dans le budget. Or ce coût représente, depuis 1976, en euros constants 2008, près de 20 milliards d'euros, soit l’équivalent de six porte-avions nucléaires. Il pèse sur nos dépenses d’équipement, sur le maintien de nos matériels en conditions opérationnelles.
Cette dispersion de nos engagements ne s’est pas produite par hasard. Elle résulte d’une orientation diplomatique à laquelle vous avez contribué, monsieur le ministre des affaires étrangères, avec le fameux « devoir d’ingérence ». A-t-on jamais vu le faible s’ingérer dans les affaires du fort ? Ce concept, qui a trop souvent justifié un droit à deux vitesses – on l’a vu au Proche-Orient et en Irak –, a été corrigé par l’Assemblée générale de l’ONU, qui a affirmé beaucoup plus raisonnablement « le devoir de protéger ».
M. Jean-Pierre Chevènement. Je n’évoquerai ni la professionnalisation des armées, qui a facilité cette évolution, ni le rapprochement de la France de l’OTAN depuis 1996, ni le risque que nous nous trouvions engagés de plus en plus dans une guerre des civilisations.
Il n’est pas possible de séparer nos choix en matière d’opérations militaires extérieures d’une réflexion sur l’état du monde. Celui-ci est menacé par une certaine anomie, évanescence de l’État et du droit, dans certaines régions fragiles. L’autre facteur de tensions et de guerres tient au renversement de l’équilibre des puissances et au passage de l’unipolarité du monde à une multipolarité qui s’est imposée depuis cinq ans.
Dans un tel contexte, où est l’intérêt de la France ? Est-il de suivre les États-Unis ? N’est-il pas plutôt de préserver sa capacité d’influence et de médiation ?
Au sein d’un monde multipolaire, qui prévaudra de plus en plus, la question est de savoir si l’Europe, donc la France, sera elle-même un pôle.
Nous devons essayer d’apprécier la rupture que représente incontestablement l’élection de M. Obama. Jusqu’à présent, les États-Unis semblaient hésiter entre trois ennemis potentiels : le monde arabo-musulman, au nom de la « grande guerre contre la terreur », la Russie, enfin la Chine.
L’intérêt de la France est d’abord dans la paix avec ses grands voisins. Il faut faire de la solution du problème israélo-palestinien une priorité ; la France doit y contribuer, y compris par l’envoi de forces d’interposition, si la démarche est sincère. C’est vrai aussi pour le Liban.
Je n’évoquerai pas les questions sur lesquelles vous ne nous interrogez pas, mais sur lesquelles la plus grande prudence serait de mise : l’Irak, l’Iran, où nous n’allons pas jouer les imprécateurs, l’Afghanistan ; chacun sait que les racines du conflit sont ailleurs et que nous risquons d’être conduits à un enlisement de longue durée si nous ne donnons pas la priorité à une solution politique.
Avec la Russie, nous n’avons pas à nous laisser entraîner dans les conflits du Caucase, pas plus que dans ceux du Moyen-Orient. À cet égard, la gestion de la crise géorgienne par le Président Nicolas Sarkozy, au mois d’août, a été pragmatique. Elle a sauvegardé l’essentiel, c’est-à-dire le partenariat stratégique entre l’Union européenne et la Russie, qui répond à des intérêts réciproques évidents.
Messieurs les ministres, je souhaite vous interroger sur ce déplacement de l’équilibre du monde et sur le fait que nous donnons le sentiment d’être de plus en plus aspirés par la politique américaine.
La réintégration par la France de la structure militaire intégrée de l’OTAN serait un mauvais signal pour le monde, en particulier les grands pays du Sud. Elle le serait aussi pour la Russie. Elle le serait enfin pour nombre de nos responsables politiques et militaires déjà naturellement enclins à ne penser et à ne juger qu’à l’aune du regard américain. Quand la France adhère à une organisation internationale, ce n’est pas pour assurer des fins de carrière prestigieuses à ses responsables, qu’ils soient militaires ou civils.
Je ne vois pas que les États-Unis aient renoncé à élargir l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie, ce qui laisse préfigurer de graves tensions avec la Russie. Je vous rappelle que la Première Guerre mondiale a éclaté en raison d’alliances préconstituées et rigides, qui ont rendu l’embrasement inévitable. Le plus simple serait donc de garder nos distances.
Avec l’Asie et la Chine, c’est encore plus évident ! En 1983, au sommet de Williamsburg, le problème du champ géographique de l’Alliance avait été posé par les États-Unis, qui voulaient y inclure le Japon. L’Institut John Hopkins a été chargé de réfléchir au nouveau concept stratégique de l’OTAN. Qu’en est-il résulté ? Qu’en est-il de la réflexion française à ce sujet ? Les Européens se sont-ils concertés ?
Nous estimons que la sagesse consiste pour nous à accompagner l’inévitable montée en puissance de l’Asie dans des conditions pacifiques.
La France doit donc se fixer deux priorités : un recentrage sur l’Afrique, car c’est la zone traditionnelle de nos intérêts et une région francophone, et un recentrage sur le Proche-Orient, parce que s’y déroule la crise matricielle des relations internationales.
Par ailleurs, il est des opérations dont il faut savoir se désengager ; je pense aux Balkans, et cela vaut pour le Kosovo comme pour la Bosnie-Herzégovine.
Il y a des interventions qu’il faut savoir conclure : l’opération Licorne en Côte d’Ivoire, dès lors que le processus politique aura été mené à son terme. Ainsi, à l’opération EUFOR au Tchad doit succéder une opération placée sous l’égide de l’ONU.
Je m’interroge sur les économies de bouts de chandelle qui consisteront à replier nos forces prépositionnées. Une évaluation du coût serait bienvenue.
Des coupes franches sont nécessaires. Elles demanderont d’autant plus de résolution que le Livre blanc programme à la baisse, de 50 000 à 30 000 hommes, notre capacité de projection simultanée.
Le contrôle du Parlement institué par la récente révision de la Constitution sera bienvenu s’il est exercé sans faiblesse, parce qu’il conditionne la mise sur pied d’un outil militaire efficace. Nous y reviendrons lors de la discussion du projet de loi de programmation militaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Conseil de sécurité a mené vendredi dernier, sur l’initiative conjointe de la France et du Royaume-Uni, une réflexion sur la façon d’améliorer les opérations de maintien de la paix.
Pour Alain Le Roy, secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, « 2009 sera une année pivot ». En effet, le nombre et la complexité croissants de ces opérations, comme leurs difficultés de financement, posent des problèmes qu’il faudra résoudre dans un avenir proche.
Le présent débat sur l’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées françaises porte sur des questions analogues.
Désormais, le Parlement est appelé à voter sur la prolongation du maintien de forces armées sur des théâtres extérieurs. Cette obligation constitutionnelle traduit un meilleur équilibre des pouvoirs. Toutes les composantes de la représentation nationale peuvent enfin se prononcer sur des choix majeurs de politique étrangère, en particulier sur l’engagement de nos forces armées.
Le Sénat fait à nouveau la preuve de sa vocation internationale, grâce à l’initiative du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées qui a décidé, comme il vient lui-même de le rappeler, de missionner une délégation paritaire de deux sénateurs dans les pays où se déroulent les OPEX auxquelles participent les forces françaises.
Les opérations extérieures ont pour objet, dans leur volet militaire, la cessation ou le contrôle des hostilités. Mais étant de plus en plus imbriquées avec les opérations civiles, elles tendent désormais à s’organiser en confiant aux militaires le soin de sécuriser l’environnement, aux forces de police et de justice la consolidation de l’état de droit, et aux techniciens les missions d’expertise.
Nous ne pouvons certes pas nous soustraire à des missions visant à consolider la paix et la sécurité internationales dans des zones où celles-ci sont sérieusement mises en cause, mais nous devons mieux définir leur champ d’action et leur coût.
Lors du débat demandant l’autorisation d’envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan, j’avais souhaité que le montant de cette intervention soit consacré non seulement à un effort de guerre, représenté par l’envoi de nouveaux soldats, mais aussi et surtout à un effort de paix.
Notre pays, profondément attaché au multilatéralisme, se doit, comme le dit Hubert Védrine dans le rapport qu’il a remis au Président de la République, de « contribuer de la meilleure façon possible à la résolution des problèmes du monde. La France a, à cet égard, une expérience, une créativité et un savoir-faire tout à fait particuliers. »
Nous connaissons bien certaines régions situées sur l’arc de crise Mauritanie-Pakistan, que le Livre blanc définit comme un axe d’intervention prioritaire. C’est le cas aussi de certains pays d’Afrique, comme le Tchad ou la Côte d’Ivoire, ou bien encore le Liban, théâtres extérieurs sur lesquels nous sommes appelés à voter ce soir.
Le Président de la République a choisi le Liban pour présenter ses vœux aux forces armées. C’est significatif ! La France entretient des liens très étroits et anciens avec ce pays et avec ses voisins ; elle possède une excellente connaissance de la région. Notre action pour le maintien de la paix dans cette zone conflictuelle du Moyen-Orient est prioritaire.
En tant que vice-président de la commission des finances, je porte, comme mes collègues, une attention particulière au financement de nos opérations extérieures, qui soulève de réelles difficultés.
Le budget pour 2009 de la mission « Action extérieure de l’État » du ministère des affaires étrangères a clairement mis en exergue la forte augmentation des contributions internationales obligatoires, qui se montent à plus de 692 millions d’euros. La moitié de cette somme est consacrée aux opérations de maintien de la paix, soit 340 millions d’euros, contre 271 millions d’euros en 2006.
Pour ce qui est des surcoûts, c’est-à-dire les dépenses supplémentaires engagées sur les théâtres d’opération par les ministères de la défense et de l’intérieur, ils ne seront que très partiellement remboursés : seulement 37 millions d’euros sur 833 millions d’euros en 2008 ; c’est anormal !
On ne peut non plus négliger les surcoûts dans le financement des dépenses communes des opérations de l’OTAN et de l’Union européenne : ils s’élevaient à 31 millions d’euros en 2006 et ils ont plus que triplé aujourd’hui !
S’il est souhaitable de budgétiser ces opérations en loi de finances initiale, ce qui est le cas depuis 2005, il est encore plus souhaitable d’éviter de les compléter par de nouveaux crédits votés en projet de loi de finances rectificative et, surtout, par un décret d’avances, comme ce fut le cas en 2006. Il faut encore moins les financer par des annulations de crédits à due concurrence sur les crédits consacrés aux équipements des armées.
La budgétisation des OPEX dès la loi de finances initiale est indispensable à la bonne gestion des finances publiques. Le graphique comparant la provision en loi de finances initiale et l’exécution des dépenses fait apparaître la disproportion du bilan : l’exécution est en moyenne deux fois plus importante que la provision !
Du fait du contrôle par le Parlement de la prolongation du maintien de troupes, nous sommes dans l’obligation de demander des comptes.
Lorsque les opérations de maintien de la paix sont décidées par la communauté internationale ou par l’Union européenne, ce sont celles-ci, et non pas essentiellement la France, qui doivent en supporter la charge financière. Le mécanisme ATHENA laisse à la charge des principaux contributeurs en troupes la plus grande part des coûts. Vous devez demander, monsieur le ministre, une mutualisation de ces coûts.
Plus qu’un objectif, la politique étrangère européenne est devenue une réalité sous l’impulsion de la présidence française. Son corollaire indispensable est une défense. En conséquence, il faut pérenniser les OPEX dans la perspective d’une force européenne plutôt qu’une force française.
La participation à la résolution des conflits doit devenir un catalyseur de défense et de politique étrangère européennes. J’ajoute qu’il faut renouveler l’articulation entre l’OTAN et l’Union européenne.
Je partage le constat de Bronislaw Geremek qui, auditionné à la fin de 2007 dans le cadre du Livre blanc de la défense, déclarait : « lorsqu’on regarde les dépenses militaires et qu’on les compare à d’autres modèles, on voit quelle puissance pourrait avoir l’Europe pour mener sa politique. Mais elle ne l’utilise pas, car l’unité européenne, dans ce domaine, n’est qu’à son début. [...] Si, dans le domaine de la douceur, l’Europe est un géant, dans celui de la dureté, l’Europe reste un nain. Cela peut être changé. »
Monsieur le ministre, vous avez évoqué l’évolution souhaitable de l’organisation et du financement des OPEX. La majorité de mon groupe votera le maintien de nos forces dans les pays où elles opèrent. Les armes françaises servent au nom de la paix et de la liberté, avec un professionnalisme, une efficacité et un sens de l’honneur reconnu par tous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, à côté du vote de la loi, le contrôle est la deuxième grande fonction du Sénat.
Dans une publication du Sénat, qui peut-être consultée sur son site internet, on peut lire que « ce contrôle s’exerce sur le Gouvernement en séance publique et, de façon permanente, par le travail des commissions et délégations du Sénat. Pour être efficace, la mission de contrôle confiée au Sénat exige une information permanente, riche, diversifiée et proche de l’actualité. L’efficacité du contrôle est ainsi liée, dans une large mesure, à la qualité de l’information et aux conditions dans lesquelles les renseignements sont fournis au Parlement ».
M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste du Sénat, dans un courrier qu’il a adressé le 15 janvier 2009 à M. le Premier ministre, exprimait son souci « d’aborder ce débat d’une manière digne et responsable ».
Dans ce courrier, il évoquait l’article 35 de la Constitution qui prévoit une information du Parlement, précise son contenu et fait notamment référence aux objectifs poursuivis. Jean Pierre Bel exprimait sa crainte que « sur un sujet si sérieux et lourd de conséquences, nous ne participions à un débat escamoté ».
En conclusion, il demandait que nous soient apportés « rapidement tous les éléments d’information utiles pour que ce débat ait lieu dans les meilleures conditions ».
Monsieur le ministre, vous me permettrez de penser, avec toute la considération due à vos fonctions éminentes, que vous faîtes preuve d’ingratitude à l’égard du Parlement. (M. le ministre de la défense rit.) Je m’explique : la démarche du président du groupe socialiste, soucieux de créer les conditions d’un débat parlementaire de qualité, n’a pas retenu votre attention.
Le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et il faut l’en féliciter, a veillé, par ses initiatives et des déplacements, organisés sur une base paritaire majorité-opposition, à ce que nous puissions être informés de la pertinence politique et stratégique de nos engagements en contrôlant l’adéquation des moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés.
Bien entendu, ces déplacements ont aussi été l’occasion de manifester l’intérêt, l’attention et la considération du Parlement pour l’action menée par nos soldats.
Comme cela a été rappelé, d’avril 2008 à janvier 2009, nos déplacements nous ont permis de voir sur place l’ensemble des opérations dont nous discutons aujourd’hui. Mais quid de l’avenir ?
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir fourni à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées les éléments d’information sur vos positions au regard de l’avenir des OPEX ? Cette transmission nous aurait permis d’y réfléchir, d’en débattre et, peut être, d’obtenir un consensus, souvent fort nécessaire en ces matières. Pourquoi ce mutisme jusqu’au dernier moment ?
Le moins que l’on puisse dire est que, pour le sujet qui nous occupe aujourd’hui, nous n’avons pas eu une information permanente, riche, diversifiée et proche de l’actualité émanant du Gouvernement.
Face aux parlementaires, le Gouvernement s’est avancé masqué. Malgré ses efforts, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, n’a pas pu organiser des auditions en temps utile et a dû se contenter de l’éclairage apporté par les visites d’information que nous avons effectuées tout au long de l’année 2008. Un rapport, fort utile, mais forcément incomplet, a été produit et diffusé le vendredi 23 janvier au soir.
Face aux questions et aux votes d’aujourd’hui, le Gouvernement devrait nous apporter une analyse détaillée, précise et argumentée de chaque opération extérieure.
Nos questions sont simples ! Quelle est la pertinence politique et stratégique de nos engagements extérieurs ? Comment contrôler l’adéquation des moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés ? Quels sont les objectifs politiques ultimes de chaque OPEX ?
Le rapport d’information produit par la commission, avec les informations et les réflexions recueillies sur le terrain, permet d’avoir un éclairage sur la situation de certaines OPEX à un moment donné. Mais de là à pouvoir juger de la pertinence de la prolongation ou de la réduction de nos opérations extérieures, il y a un grand pas !
Plus grave encore, nous apprenons par voie de presse que « la France va réduire la voilure », que le Président de la République et le ministre de la défense annoncent déjà la décision de « resserrer et toiletter le dispositif des opérations extérieures ».
Bref, nous avons tous l’impression d’assister à un débat sans enjeu, tant les décisions sont prises par le pouvoir exécutif et déjà mises en application.
M. André Vantomme. Ce n’est pas la conception que nous avons du débat parlementaire et de la fonction de contrôle du Parlement.
Nous assistons aujourd’hui à un dévoiement de cette fonction de contrôle et, par là même, à une mauvaise application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution.
Le Parlement est dans une situation non pas de « contrôle » des opérations extérieures, mais simplement d’information et d’enregistrement.
Or, si on doit voter, il vaudrait mieux que cela se fasse dans la clarté. Ce n’est pas le cas aujourd’hui !
Je m’étonne que, pour prendre une série de décisions aussi importantes qui engagent la vie de nos soldats, le Parlement ne dispose pas d’une évaluation précise de ce que nous avons fait en Côte d’Ivoire, au Liban, au Kosovo, d’une vision de l’évolution de ces crises et surtout de leur issue.
D’autant que, selon l’Express du 6 décembre 2008, le travail d’analyse, de bilan, aurait déjà été fait : « Le ministère de la défense passe actuellement en revue la totalité des "opérations extérieures"[…] L’objectif est de réévaluer avec précision les besoins opérationnels, afin de réduire la voilure de certaines OPEX dont le coût ne cesse d’augmenter – on devrait atteindre le milliard d’euros cette année.
« La participation française à la FINUL II, au Liban, pourrait ainsi décroître progressivement, à l’instar du retrait déjà amorcé en Côte d’Ivoire. »
Pour ce qui nous concerne, notre souhait est d’aborder tous les thèmes relatifs à la défense. Réfléchir, débattre et voter sur l’étendue, dans l’espace et dans le temps, des missions confiées à nos militaires en opérations extérieures nous semble une exigence démocratique.
Vu l’état de nos finances, et étant donné l’incapacité du Gouvernement à relancer une économie déjà mal en point avant même la crise financière actuelle, la tentation est forte de faire des économies en réduisant le nombre des opérations extérieures. Mais la contrainte économique, même forte et pressante, ne peut pas être le seul critère !
Ces dernières années, face à la multiplication des OPEX, les armées ont donné à plusieurs reprises des signes de surmenage ; on a appelé cela la « surchauffe », plus perceptible d’ailleurs dans l’armée de terre, très sollicitée pour les OPEX.
Mais plus que le nombre d’hommes, c’est le nombre d’opérations qui pose problème, par la multiplication des systèmes de commandement, de transport et de communications qu’elles supposent. Il ne s’agit pas de promenades de santé !
Les soldats français, il faut le reconnaître, s’engagent dans des conditions de plus en plus difficiles. Les engagements, par exemple en Afghanistan, seront de plus en plus durs, ce qui implique un investissement différent en termes d’entraînement des hommes, de capacité des matériels...
Bref, l’heure est à la « remilitarisation » des interventions, pour préparer des guerres qui, demain, seront peut-être plus cruelles encore.
Les OPEX se caractérisent désormais par leur durée, leur durcissement, leur dispersion géographique et leur diversité. Notre souci devrait être alors de ne pas laisser nos soldats s’engluer dans des opérations incertaines.
Plusieurs raisons peuvent motiver la volonté de remise à plat des opérations extérieures. Cependant, leur coût ne peut pas être la seule variable d’analyse. Il faut trouver un point d’équilibre entre nos capacités militaires, nos possibilités financières et le sens politique, géopolitique des OPEX.
Aujourd’hui, ce sont surtout les objectifs et les conditions de ces engagements qui sont en question. Il importe également de se préoccuper des conditions d’entraînement des forces qui ne sont pas mobilisées pour les OPEX, notamment quant aux moyens dont elles disposent en termes d’armes et de moyens de transport, notamment.
Avant même de se lancer dans une opération, il faut être sûr qu’il y a une perspective politique et qu’il n’y aura pas de décalage entre le discours et les actes, entre la pratique et la théorie, entre les moyens et l’objectif final poursuivi. Nous avons l’impression que ce décalage existe, peut-être pas au début d’une opération, mais ensuite, quand au fil du temps celle-ci s’éternise, s’effiloche, que son sens se dilue et que son objectif final tend à s’obscurcir.
La question de la sortie de crise doit être abordée dès le début de l’opération extérieure. Cette question doit aussi concerner nos partenaires dans le cadre d’opérations multilatérales.
Il y a aussi les critères d’engagement de la force militaire, la « caveatisation » excessive, ou même les mandats inadéquats, qui rendent l’opération incapable d’atteindre ses propres objectifs. Des règles d’engagement claires sont réclamées par les militaires ; sur ce point, ils ont raison !
Nous le savions déjà, et le Livre blanc est venu le confirmer : nos armées sont sollicitées au maximum de leurs possibilités, aussi bien humaines que matérielles.
M. André Vantomme. Tout nouvel engagement devra prendre en compte un désengagement effectif ailleurs. La révision générale des politiques publiques, la RGPP, est aussi passée par là.
On ne peut plus continuer à faire semblant et à dire ou laisser dire que les opérations extérieures, surtout si elles sont à forte intensité militaire, peuvent se développer in extenso, sine die. Toutefois, afin de juger en connaissance de cause, nous aimerions connaître les analyses, sans doute fines et détaillées, qui justifient que l’on puisse dire aujourd’hui qu’il faut enlever des forces ici ou là.
Nous aimerions également savoir, monsieur le ministre, comment est appréhendé le cadre, très souvent multilatéral, de nos interventions en OPEX.
Nous avons parfaitement en mémoire les principes rappelés par le Président de la République concernant l’appréciation souveraine de l’autorité politique française, avec ses corollaires de liberté d’action et de capacité d’évaluation permanente, mais nous aurions aimé, pour les sujets qui nous concernent ce soir, être plus informés sur vos analyses par rapport à nos principaux partenaires que sont l’ONU, l’OTAN et l’Union européenne. Ce sont en effet plus de 60 % de nos OPEX qui ont un caractère multinational pour les 36 623 militaires français engagés.
Enfin, et surtout, nos interrogations portent sur le nerf de la guerre. Le financement des OPEX est un problème rémanent et préoccupant, qui a d’ailleurs déjà été abordé par nos collègues. Voilà des opérations graves pour lesquelles la France engage la vie de ses militaires, y risque l’image qu’elle veut donner d’une grande nation, mais, s’agissant du cadre budgétaire, celui-ci est traité avec une rigueur somme toute assez élastique.
Monsieur le ministre, le Gouvernement avait, dans un passé récent, pris l’engagement de ne plus financer les OPEX par prélèvement sur les crédits d’équipement des armées. Tout en ne niant pas les progrès accomplis, force est néanmoins de constater que vous n’avez pas encore atteint le niveau qui vous permettrait de bénéficier d’un brevet d’orthodoxie financière : les OPEX ont coûté 852 millions d’euros en 2008, pour une provision en loi de finances initiale de 510 millions d’euros en 2009.
Monsieur le ministre, la France a-t-elle réellement les moyens de sa politique ? Pourquoi laissez-vous planer chaque année de telles incertitudes sur les financements complémentaires que se doivent d’apporter les lois de finances rectificatives ? Cette situation contribue aussi aux incertitudes et alimente notre exigence d’information sur vos intentions.
En ne nous faisant pas part préalablement de vos intentions, vous n’avez pas permis au Parlement d’exercer sa mission. Sans connaître vos intentions futures, comment en apprécier la dimension financière ?
Avant de conclure sur ce qui sera la position du groupe socialiste, je voudrais rappeler toute la considération que nous portons à l’action de nos militaires engagés sur les différents théâtres d’opération, et exprimer bien sûr notre compassion et notre émotion vis-à-vis de ceux qui ont perdu la vie au service de notre pays et de leurs familles.
Il importe de le rappeler, nos militaires effectuent des missions difficiles au péril de leur vie. Ils le font aux côtés des militaires de pays alliés dont ils peuvent comparer les équipements, l’armement et la qualité de l’intendance. Nous savons le souci qu’ils ont de remplir leur mission avec professionnalisme et efficacité.
Monsieur le ministre, au-delà des divergences, légitimes et républicaines, que nous pouvons parfois avoir dans nos débats, le groupe socialiste entend s’associer à l’ensemble des groupes politiques de notre assemblée pour adresser un message de reconnaissance et de soutien aux forces armées engagées à l’extérieur de nos frontières.
Parce que M. le Premier ministre n’a pas voulu créer, par une information préalable du Parlement, les conditions d’un vrai débat sur l’évolution que vous entendez réserver à ces OPEX, le groupe socialiste ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en trois petites heures cet après-midi à l’Assemblée nationale, au cours du même laps de temps ce soir au Sénat, sera expédiée la formalité consistant pour le Gouvernement à obtenir du Parlement l’autorisation de prolonger l’intervention de nos forces armées en Côte d’Ivoire, au Kosovo, au Liban, au Tchad et en République centrafricaine (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.),…
MM. Yves Pozzo di Borgo Vous venez d’arriver : vous n’avez pas assisté au début du débat !
Mme Dominique Voynet. … en application de l’article 35 de la Constitution, dont chacun sait ici que, réduit pendant quarante ans à une phrase d’une terrible concision – « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement » –, il a été complété en juillet dernier. Cela fut présenté alors comme un témoignage indubitable de renforcement, selon la volonté présidentielle, des droits et pouvoirs du Parlement.
Mais de quoi s’agit-il en réalité ? La décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger est prise par le Gouvernement et par lui seul. Seule lui incombe l’obligation d’en informer sans tarder le Parlement, au cours d’un débat sans vote. Et ce sont quatre mois plus tard qu’il sera demandé à celui-ci d’autoriser la prolongation de l’intervention.
Est-il seulement imaginable qu’il refuse, au risque de miner la crédibilité internationale de l’exécutif, la légitimité de l’intervention et la sécurité des troupes fraîchement déployées ? Non, sans doute, surtout quand, au rythme des interventions des uns et des autres, se dessine l’idée qu’un questionnement trop vif, qu’une contestation trop frontale constitueraient un manquement au devoir de solidarité et de respect dû à ceux qui, déployés sur le théâtre des opérations, peuvent y perdre la vie. Soit ! Faut-il pour autant accepter de nous prononcer sans que soient exposés les arguments qui fondent cette demande ? Pas davantage !
On nous dit que les parlementaires sont parfaitement informés, qu’ils ont régulièrement l’occasion d’auditionner ministres et éminents responsables militaires. C’est exact, à cette réserve près que c’est de la loi de programmation militaire que le ministre de la défense est venu nous entretenir voilà quelques jours et du fardeau que représentent les opérations extérieures pour le budget de la défense.
En vérité, il a fallu se fâcher pour que des fiches techniques, succinctes, nous soient fournies. Quels sont les objectifs visés ? Y a-t-il adéquation entre ces objectifs et les moyens déployés ? Qu’en pensent nos partenaires européens ? Quelles sont les perspectives à court et moyen terme ? Quels sont les avantages et inconvénients d’une présence prolongée, d’un retrait rapide, d’une évolution des missions ?
À la lecture des interventions du ministre de la défense dans la presse, et si je les compare avec le peu d’éléments qui a jusqu’ici été officiellement délivré par le Gouvernement à la représentation nationale, les décisions sont déjà prises. Le ministre de la défense s’est d’ailleurs montré très clair ce matin, dans les colonnes d’un quotidien : chacun est dans son rôle, dit-il, on n’est pas dans la codécision. On ne saurait mieux dire combien l’avis du Parlement n’est ici sollicité que pour la forme.
Mme Dominique Voynet. J’attendais tout de même de votre intervention, monsieur le ministre, qu’elle nous permette d’en savoir un peu plus sur le sens, la portée et les ambitions que vous donnez à l’engagement des forces françaises sur quatre théâtres d’opérations extérieures, en application de l’article 35 de la Constitution.
Plusieurs sénateurs UMP. Il n’a pas encore parlé !
Mme Dominique Voynet. J’ai écouté dans mon bureau M. Kouchner, qui a exposé la situation !
MM. André Dulait et Christian Cambon. Il faut venir en séance !
Mme Dominique Voynet. Je ne vois pas ce que cela change, puisque j’ai écouté les interventions et que je suis en mesure de savoir ce qui a été dit ou pas. Étiez-vous présents en séance depuis le début ?
Plusieurs sénateurs UMP. Oui !
Mme Dominique Voynet. M. le ministre de la défense n’y était pas et cela ne l’empêchera pas de nous répondre et de faire comme s’il avait entendu tous les orateurs.
M. André Dulait. Il est là depuis le début !
Mme Dominique Voynet. Permettez-moi au passage de formuler une remarque sémantique sur ce mot « théâtre » d’opérations, que je n’ai utilisé que pour pouvoir la faire. Je sais le poids des habitudes dans l’emploi des mots, et ne vous proposerai pas ici de les changer. Mais je reste persuadée que nous devons être attentifs à cette intrusion de la langue d’état-major dans les enceintes parlementaires et utiliser un terme traduisant mieux, au profit des citoyens que nous représentons, une réalité politique tout autant que géographique ou physique. Le réalisme de nos débats s’en trouverait, je le crois, mieux affirmé.
Monsieur le ministre, pour l’heure, ma religion n’est pas faite. Quelles sont exactement les motivations du Gouvernement ?
S’agit-il, au regard du coût croissant des opérations extérieures et des tensions qui pourraient résulter, demain, de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire 2009-2014, de prendre par avance les décisions qu’imposera un format des armées réduit de près de 50 000 hommes ?
S’agit-il de dégager les marges de manœuvre qui pourraient permettre au Président de la République française de répondre à une éventuelle sollicitation du président des États-Unis, soucieux d’intervenir d’une façon qu’il espère plus décisive en Afghanistan ? Vous nous avez dit que non, mais les choses restent ouvertes et seront rediscutées au fil du temps.
S’agit-il, sur la base d’une analyse fine de la situation locale, et en fonction des forces mobilisées par nos partenaires, de procéder à un ajustement des effectifs et des moyens, opération par opération, voire, si c’est nécessaire, à une redéfinition des mandats ? Si c’est cette dernière hypothèse qu’il faut retenir, quels sont les éléments, les faits, les points de situation objectifs sur lesquels le Président de la République et le Gouvernement se sont fondés pour aboutir à leur décision ?
Qu’est-ce qui permet, par exemple, de considérer qu’au Kosovo la situation se soit suffisamment stabilisée pour permettre de réduire une présence militaire qui était, jusqu’à peu, présentée comme indispensable ? Josselin de Rohan l’a rappelé, la situation reste tendue à Mitrovitsa. Rien ne permet de répondre aux questions qui subsistent sur la viabilité à long terme d’un Kosovo dont l’indépendance reste contestée par de puissants voisins.
Chacun mesure l’intérêt de l’engagement français au Liban, y compris dans sa composante navale, pour faciliter le déploiement, restaurer l’autorité de l’armée libanaise au sud du pays, et éviter la reprise des affrontements entre Israël et le Hezbollah, en l’absence d’un accord durable de cessez-le-feu.
Nous restons en revanche perplexes sur les modalités de cet engagement. À quoi servent, sur le plan militaire, les très coûteux chars Leclerc ? Je veux croire qu’il y a une sorte de rationalité dans leur déploiement dans ce pays, mais laquelle ?
En ce qui concerne le Tchad, je partage le souci exprimé par Michelle Demessine tout à l’heure, lorsqu’elle a souligné à la fois l’absence de mandat international fondant les opérations Épervier et Boali, auxquelles il convient de mettre un terme, et l’intérêt de prévoir un bon dispositif de « tuilage » entre l’EUFOR et la relève qu’opérera l’ONU avec la MINURCAT.
Je partage aussi le souci affiché sur l’ensemble des travées d’un retrait rapide de Côte d’Ivoire dès lors que les élections présidentielles et législatives se seront déroulées de façon acceptable.
Au-delà de ces cas concrets, je veux insister sur les conditions dans lesquelles la France peut être amenée à intervenir en Afrique.
S’agit-il des efforts déployés, dans l’indifférence générale, par des militants longtemps caricaturés – je pense à François-Xavier Verschave, de l’association Survie, décédé récemment et dont je veux saluer la mémoire –, ou encore de l’écho donné à quelques scandales retentissants mettant en cause d’éminents responsables politiques ?
Il semblait que les leçons avaient été tirées de l’impact désastreux, pour l’image de notre pays comme pour les conditions de vie des populations, de la politique africaine de la France. Une véritable rupture avait été opérée par rapport à la politique qui avait si longtemps consisté à soutenir des oligarchies avides et des dictateurs brutaux, à vendre des armes et souvent, via des accords de coopération militaire aux secrets jalousement gardés, les moyens de s’en servir, à défendre des « intérêts français », trop souvent limités à la mise en coupe réglée des ressources naturelles et minières, à l’exportation de déchets dangereux, à la vente d’« éléphants blancs » tels que des véhicules de prestige, des flottes aériennes, des armes sophistiquées, des usines « clés en main », etc., et aussi – ce n’est pas du folklore – à la circulation de valises de billets alimentant les caisses noires des partis politiques.
Je ne veux faire ici aucun procès d’intention, même si, comme beaucoup, je pressens que, si rupture il y eut, elle n’est pas achevée, comme en témoigne le sort réservé à Jean-Marie Bockel, qui prétendait « signer l’acte de décès de la Françafrique ». Mais le serait-elle qu’il faudrait que la France, pour ne pas être suspectée de vouloir garder une ombre portée sur ce qui fut si longtemps son pré carré, se garde d’intervenir militairement, sur la base de sa connaissance ancienne du continent africain, dans des pays où elle serait suspectée d’en revenir à des pratiques du passé.
Nous sommes tout à fait hostiles à des interventions qui ne seraient pas fondées sur un mandat international clair ; je mets de côté les opérations ayant un objet précis, bien limitées dans le temps et destinées, par exemple, à évacuer des ressortissants français dans une zone de conflit.
Cela est encore plus vrai en Afrique, où il paraît décidément impossible que la France intervienne sur des bases ambiguës. Le passé colonial de notre pays et ses intérêts nourrissent, dans l’esprit de populations instruites par l’expérience, une méfiance que certains jugeront excessive. Cette méfiance existe et nous devons évidemment en tenir compte. Il s’agit de la condition préalable à la reconstruction de la confiance.
Telles sont, monsieur le ministre, mes premiers sujets d’interrogation.
Je suis évidemment satisfaite que ce débat au Parlement puisse avoir lieu : il introduit – enfin ! – un peu plus de transparence dans le processus de décision visant à engager des troupes françaises en dehors du territoire national. C’est un tout premier pas, très éloigné de cette participation active à la construction de la décision qui vous révulse et que la Constitution, en effet, ne prévoit pas.
Comme mes collègues du groupe socialiste, auquel je suis apparentée, je ne prendrai pas part au vote que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu de l’heure tardive, vous me pardonnerez si je ne réponds pas à la totalité des observations qui ont été faites et des questions qui ont été posées.
Je commencerai par formuler une remarque à l’intention de Mme Demessine, de Mme Voynet et de M. Vantomme.
Notre pays présentait tout de même une bizarrerie juridique, une curieuse spécificité : son Parlement était le seul, ou presque, de l’Union européenne à n’avoir pas son mot à dire sur l’envoi ou le maintien de forces armées en opérations extérieures.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. C’est vrai !
M. Hervé Morin, ministre. Ainsi, jusqu’à la révision constitutionnelle, j’ai pu constater que l’ensemble des ministres de la défense de l’Union européenne considéraient qu’un dialogue devait s’instaurer avec le Parlement chaque fois que l’exécutif était amené à prendre une décision de cette nature.
Cette curiosité juridique était d’autant plus fascinante que la démocratie est née de deux impôts : l’impôt monétaire, d’une part, l’« impôt du sang », d’autre part.
Pays de Montesquieu, de la Révolution, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la France estimait, au travers de sa Constitution, que le Parlement n’avait pas son mot à dire sur une intervention militaire française, c’est-à-dire sur l’envoi de citoyens français sur un théâtre d’opérations extérieures !
Donc, participer aujourd’hui la bouche pincée à un débat concernant nos opérations extérieures c’est, me semble-t-il, faire un mauvais procès.
Monsieur Vantomme, je suis venu devant la commission des affaires étrangères du Sénat pas moins de trois fois au cours des quatre derniers mois et une séance entière a été consacrée à l’évocation de nos théâtres d’opérations extérieures ? (M. le président de la commission des affaires étrangères approuve.)
Le rôle du Parlement, madame Voynet, si l’on croit à la séparation des pouvoirs, ce n’est ni la codécision ni la « coproduction législative », pour faire référence à une expression chère au président du groupe UMP à l’Assemblée nationale. (Sourires.)
La coproduction législative ou la codécision, c’est le contraire même de ce à quoi, vous et moi, nous croyons, à savoir que l’exécutif exerce certaines fonctions, tandis que le législatif en remplit d’autres : le législatif est chargé de délibérer, de voter la loi et d’en contrôler l’exécution ; l’exécutif prend au préalable les décisions et les soumet ensuite au Parlement.
Tel est le sens d’une démocratie et le débat de ce soir est sain. En effet, il oblige l’exécutif à mener un travail de réflexion et à bousculer les pesanteurs. Car, vous le savez bien, notamment M. Chevènement, à chaque fois que l’on envoie des forces armées à l’étranger, on trouve de bonnes raisons pour les y maintenir : il y aura toujours un rapport pour expliquer que, certes la situation s’améliore, mais peut-être pas suffisamment pour que nous puissions commencer à réduire le niveau du contingent engagé.
J’en veux pour preuve, puisque la question de la Bosnie-Herzégovine a été évoquée, ce qui s’est passé lors du sommet informel des ministres de la défense de l’Union européenne à Deauville : j’avais presque obtenu la fin de l’intervention européenne dans ce pays, car nos militaires nous disaient que l’opération militaire, en tant que telle, était terminée. Seuls deux ou trois ministres souhaitaient que l’on réexamine la question un mois plus tard, lors du Conseil des ministres de la défense. C’est alors que, comme par hasard, en l’espace de quinze jours, nous avons vu fleurir des rapports émanant des services de tel ou tel pays européen et nous expliquant que la situation n’était peut-pas aussi stable qu’on voulait bien le dire.
C’est parce que nous avons ce débat au Parlement que l’exécutif se trouve dans l’obligation, puisqu’il est soumis au contrôle et qu’il est lié, comme le disait M. de Montesquiou, par le vote de ce soir, de s’interroger en permanence sur la pertinence, l’efficience et le niveau nécessaire du contingent dans chacune de nos opérations extérieures. Ce débat me semble bon, sain et démocratique, au sens le plus pur du terme.
Monsieur de Rohan, vous avez fait allusion à nos faiblesses capacitaires et aux crash programmes. À propos de ces derniers, je souhaite rappeler que la décision y afférente a été prise au mois de janvier dernier, c’est-à-dire bien avant le drame d’Uzbeen du 18 août 2008. Mais le temps que l’appel d’offres soit lancé, que ces crash programmes soient produits et qu’ils arrivent enfin sur le théâtre d’opérations, c’est seulement très récemment que nos forces ont obtenu un certain nombre d’améliorations, qu’il s’agisse des tourelleaux télé-opérés des VAB ou des drones.
Si vous vous rendez en Afghanistan, vous verrez à quel point les drones de type STDI sont très utiles. Nous enverrons bientôt les SIDM sur le même théâtre d’opérations, ainsi que, très probablement, des hélicoptères Tigre en remplacement des Gazelle, quand les essais opérationnels auront été effectués. Par ailleurs, nous avons envoyé un hélicoptère Caracal supplémentaire.
Vous avez évoqué la Bosnie-Herzégovine. De notre point de vue, sur le plan militaire, l’opération est terminée. Nous pouvons y conserver quelques éléments pour participer, le cas échéant, à la formation et à l’encadrement des forces de Bosnie-Herzégovine, mais nous nous acheminons tranquillement vers un retrait de ce théâtre d’opérations.
En ce qui concerne le surcoût des OPEX – vous avez été nombreux à m’interroger à ce sujet – j’ignore depuis combien de temps vous êtes sénateur, monsieur Vantomme, mais j’imagine que vous n’avez pas dû voter un seul des budgets présentés entre 1997 et 2002, car il n’y avait alors pas un centime pour financer les opérations extérieures.
M. André Vantomme. Je n’ai été élu qu’en 2001 !
M. Hervé Morin, ministre. Soit !
Aujourd’hui, nous en sommes à 510 millions d’euros ; nous passerons à 570 millions en 2010, auxquels s’ajouteront 60 millions d’euros à partir de 2011.
Surtout, nous avons inscrit dans la loi de programmation militaire, monsieur de Montesquiou, un dispositif qui va nous permettre, grâce à la réserve de précaution interministérielle, de financer le complément, sans qu’à aucun moment nous soyons amenés à annuler des programmes d’équipement.
En revanche, je souscris totalement à l’analyse qui a été présentée du caractère inapproprié du mécanisme de financement commun dénommé ATHENA. Je n’ai cessé, durant la présidence française, de me battre pour essayer de faire évoluer la situation, mais nous nous sommes heurtés au blocage de certains pays, notamment de nos partenaires britanniques.
Vous observerez, mesdames, messieurs les sénateurs, que les règles de financement commun ont un champ extrêmement large au sein de l’OTAN et beaucoup plus restreint au sein de l’Union européenne. Ainsi, une partie du transport intra-théâtre est financée au titre de l’OTAN, mais ne l’est pas au titre de l’Union européenne.
C’est pourquoi – je ne cesse de le rappeler à chaque réunion de l’Alliance atlantique, à chaque réunion de l’Union européenne, et vous avez raison de le demander aussi –, je souhaite qu’au moins ces deux instances appliquent des règles identiques, de façon que, lorsque nous envoyons des forces sous mandat des Nations unies, parfois sous le drapeau de l’OTAN, parfois sous le drapeau de l’Union européenne, les règles de financement soient les mêmes. La raison en est simple : vingt et un pays membres de l’Union européenne appartiennent aussi à l’Alliance atlantique.
M. Pozzo di Borgo et Mme Voynet, en particulier, ont évoqué la question du Kosovo. La France restera engagée au Kosovo, mais nous tirons les conséquences des évolutions en cours.
Vous l’aurez remarqué, le Gouvernement a annoncé, voilà quelques jours, la constitution d’une force de sécurité au Kosovo. Jusqu’ici, deux forces étaient présentes : celle de l’OTAN, la KFOR, et celle de l’ONU, la MINUK. Comme vous le savez, par un système de « tuilage », la MINUK est remplacée par la mission de l’Union européenne EULEX. La mission de police et justice étant aujourd’hui la plus pertinente au Kosovo, nous souhaitons la réduction des forces militaires tout en maintenant, en quelque sorte, une force dissuasive en mesure de réagir et d’éviter le pire en cas de dégradation de la situation.
J’en viens à la République centrafricaine. Que ferait la France si la situation devait durer ? La France est présente en République centrafricaine pour maintenir la paix, pour soutenir les institutions, pour former, pour encadrer, pour donner à la République centrafricaine les moyens d’assurer par elle-même sa sécurité et sa souveraineté. Son rôle n’est absolument pas de régler les difficultés politiques des dirigeants centrafricains !
M. Idriss Deby est venu à Paris, mais ni Bernard Kouchner ni moi-même ne l’avons reçu, puisqu’il effectuait une visite privée.
Je pense avoir apaisé les inquiétudes que vous avez exprimées.
Madame Demessine, vous vous déclarez hostile par nature aux opérations de l’OTAN. Pourtant, ces opérations ne sont pas menées sur simple décision du Conseil de l’Atlantique Nord ! Elles sont engagées lorsque, par une résolution, les Nations unies décident de donner mandat à l’OTAN pour telle ou telle opération. Vous avez toujours l’Afghanistan en tête, mais je me permets de vous signaler que, au Kosovo aussi, c’est l’OTAN qui a assuré la sécurité et la stabilité du pays.
M. Chevènement, Mme Voynet et vous-même voulez absolument que nous cachions nos cartes et préparions « sous la table » le redéploiement de notre dispositif en Afghanistan dans la perspective de son renforcement. Je ne sais plus comment vous convaincre ! Tous les trois jours, le Président de la République, le Premier ministre, Bernard Kouchner et moi-même réaffirmons qu’il n’est pas question de renforcer nos éléments en Afghanistan.
Mme Michelle Demessine. Pour l’instant !
M. Hervé Morin, ministre. Oui, parce que, par nature, la vie est un perpétuel mouvement, Dieu merci !
Nous n’avons aucun plan de renforcement en Afghanistan.
Mme Michelle Demessine. Oui, bien sûr !...
M. Hervé Morin, ministre. En 2007, nous avons consenti un effort très important au titre des OMLT afin de participer à l’émergence de l’armée nationale afghane. En 2008, nous avons décidé de prendre de nouvelles responsabilités dans l’est du pays, dans la vallée de Kapisa. Pour la France, et pour le Président de la République, chef des armées, il n’est absolument pas question de procéder au renforcement de nos moyens en Afghanistan.
La même question nous étant sans cesse posée en dépit de nos démentis, j’imagine que je devrai le répéter une nouvelle fois dans quelques jours : les états-majors ne préparent aucun plan de renforcement de nos forces en Afghanistan.
M. Chevènement, empruntant des chemins de traverse, a dressé une fresque qui dépassait largement le débat de ce soir. C’est vrai, le monde, les équilibres du monde sont en train de changer. L’hyperpuissance américaine n’est plus celle que nous connaissions il y a quelques dizaines d’années et, en ce début du XXIe siècle, on assiste à des transferts de puissance de l’Atlantique vers le Pacifique. Le monde est plus multipolaire qu’il ne l’était, ce qui nous impose de revoir et de repenser la totalité de nos stratégies. C’est ce que nous avons fait dans un document à l’élaboration duquel le Parlement a été associé : le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Sur les forces prépositionnées comme sur les accords de défense, nous organiserons au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, les débats qui s’imposeront, si le président le veut bien ; nous sommes déjà en train de mener ce travail.
Madame Demessine, s’agissant des accords de défense, l’engagement pris par le Président de la République dans son discours du Cap est extrêmement clair : nous n’avons pas mission d’assurer des fonctions de sécurité intérieure ou de police, et les accords de défense seront revus ; des discussions sont en cours avec les capitales africaines.
Le Président de la République a par ailleurs indiqué que nous reverrions notre dispositif prépositionné en appliquant un principe simple : un dispositif sur la côte atlantique ; un autre, bien entendu, à Djibouti, endroit absolument stratégique ; notre nouvelle base permanente de défense d’Abu Dhabi – lieu majeur de l’équilibre du monde –, dont la création s’inscrit dans le prolongement d’un accord de défense signé à l’époque où François Mitterrand était Président de la République et Édouard Balladur Premier ministre ; enfin, le maintien probable au Gabon d’un certain nombre d’éléments dont on a pu constater encore en février dernier, au Tchad, à quel point ils pouvaient être utiles.
En toute hypothèse, les accords de défense conclus avec ces pays seront renégociés par la République française, comme le Président de la République s’y est engagé. Conformément à la décision prise voilà déjà plusieurs mois, ils seront présentés au Parlement.
Bien entendu, lors de la discussion du projet de loi de programmation militaire, nous aurons l’occasion de revenir sur un certain nombre de questions que vous avez posées concernant l’équipement et l’engagement des forces.
Vous m’autoriserez tout de même à rappeler que, depuis 1958, jamais probablement le budget d’équipement de la défense n’a connu d’aussi forte augmentation que cette année. En effet, entre la hausse de 10 % prévue en loi de finances initiale et le plan de relance qui nous permettra de consacrer 1,5 milliard d’euros supplémentaires à l’équipement des forces, le budget d’équipement des armées croîtra en 2009 de plus de 20 %. Je crois donc que je serai en mesure de vous rassurer le moment venu.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je pouvais apporter ce soir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées en République de Côte d’Ivoire.
Aucune explication de vote n’est admise.
La conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 96 sur l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées en République de Côte d’Ivoire.
Nombre de votants | 225 |
Nombre de suffrages exprimés | 225 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 113 |
Pour l’adoption | 225 |
Le Sénat a autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées en République de Côte d’Ivoire.
En application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution, le Parlement a donc autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées en République de Côte d’Ivoire.
Je vais mettre aux voix l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées au Kosovo.
Aucune explication de vote n’est admise.
La conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 97 sur l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées au Kosovo.
Nombre de votants | 226 |
Nombre de suffrages exprimés | 223 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 112 |
Pour l’adoption | 198 |
Contre | 25 |
Le Sénat a autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées au Kosovo.
En application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution, le Parlement a donc autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées au Kosovo.
Je vais mettre aux voix l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées au Liban.
Aucune explication de vote n’est admise.
La conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 98 sur l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées au Liban.
Nombre de votants | 226 |
Nombre de suffrages exprimés | 226 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 114 |
Pour l’adoption | 226 |
Le Sénat a autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées au Liban.
En application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution, le Parlement a donc autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées au Liban.
Je vais mettre aux voix l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées en République du Tchad et en République centrafricaine dans le cadre de l’opération EUFOR.
Aucune explication de vote n’est admise.
La conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 99 sur l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées en République du Tchad et en République centrafricaine dans le cadre de l’opération EUFOR.
Nombre de votants | 224 |
Nombre de suffrages exprimés | 224 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 113 |
Pour l’adoption | 200 |
Contre | 24 |
Le Sénat a autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées en République du Tchad et en République centrafricaine dans le cadre de l’opération EUFOR.
En application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution, le Parlement a donc autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées en République du Tchad et en République centrafricaine dans le cadre de l’opération EUFOR.
Je vais mettre aux voix l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées en République du Tchad et en République centrafricaine dans le cadre des opérations Boali et Épervier.
Aucune explication de vote n’est admise.
La conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 100 sur l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées en République du Tchad et en République centrafricaine dans le cadre des opérations Boali et Épervier.
Nombre de votants | 225 |
Nombre de suffrages exprimés | 225 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 113 |
Pour l’adoption | 201 |
Contre | 24 |
Le Sénat a autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées en République du Tchad et en République centrafricaine dans le cadre des opérations Boali et Épervier.
En application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution, le Parlement a donc autorisé la prolongation de l’intervention des forces armées en République du Tchad et en République centrafricaine dans le cadre des opérations Boali et Épervier.
6
Dépôt d'une question orale avec débat
M. le président. J’informe le Sénat que j’ai été saisi de la question orale avec débat suivante :
n° 24 - Le 5 février 2009 - Mme Michèle André demande à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville de lui préciser les grandes orientations retenues par le Gouvernement dans la conduite de sa politique de lutte contre les violences faites aux femmes, déclarée grande cause nationale pour 2009. Elle lui demande également dans quel délai le Gouvernement transmettra au Parlement, comme le lui en fait l’obligation l’article 13 de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, le rapport portant sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein du couple.
(Déposée le 28 janvier 2009 – annoncée en séance publique le 28 janvier 2009.)
Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
7
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet de règlement (CE) de la Commission complétant les normes de base communes en matière de sûreté de l’aviation civile figurant à l’annexe du règlement (CE) n° 300/2008.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4236 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant l’interdiction provisoire de l’utilisation et de la vente, en Hongrie, de maïs génétiquement modifié (Zea mays L. lignée MON 810) exprimant le gène Bt cry1Ab, conformément à la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4237 et distribué.
8
Renvoi pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que la proposition de loi (n° 146, 2008 2009), adoptée par l’Assemblée nationale, portant création d’une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants, dont la commission des affaires culturelles est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.
9
Dépôt de rapports
M. le président. J’ai reçu de M. Francis Grignon un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (Urgence déclarée) (n° 501, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 184 et distribué.
J’ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces (n° 422, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 185 et distribué.
J’ai reçu de Mme Joëlle Garriaud-Maylam un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (n° 142, 2008-2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 186 et distribué.
J’ai reçu de Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.
Le rapport sera imprimé sous le n° 187 et distribué.
J’ai reçu de M. Jean-Pierre Vial un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur le projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers (Urgence déclarée) (n° 14, 2008-2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 188 et distribué.
J’ai reçu de Mme Catherine Morin-Desailly et de M. Michel Thiollière, rapporteurs pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Le rapport sera imprimé sous le n° 189 et distribué.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 29 janvier 2009, à neuf heures quarante-cinq et à quinze heures :
1. Suite du projet de loi (n° 42, 2008 2009), adopté par l’Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Rapport (n° 165, 2008-2009) de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques.
Le soir :
2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009.
Rapport (n° 180, 2008-2009) de M. Yann Gaillard, rapporteur pour le Sénat.
3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
Rapport (n° 181, 2008-2009) de M. Yann Gaillard, rapporteur pour le Sénat.
4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.
Rapport (n° 187, 2008-2009) de Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour le Sénat.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 29 janvier 2009, à zéro heure quarante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD