M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 rectifié et 122.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Section 4 bis

De la sécurité

Article 19
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 19 bis (interruption de la discussion)

Article 19 bis

L'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels.

Même en l'absence de faute, l'État est tenu de réparer le dommage résultant du décès provoqué, au sein d'un établissement pénitentiaire, par l'agression d'une personne détenue.

Lorsqu'une personne détenue s'est donné la mort, l'administration pénitentiaire informe immédiatement sa famille ou ses proches des circonstances dans lesquelles est intervenu le décès et facilite, à leur demande, les démarches qu'ils peuvent être conduits à engager.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il a paru indispensable à la commission que soit rappelée dans la loi l’obligation pour l’administration pénitentiaire d’assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux, collectifs ou individuels.

Au-delà de l’affirmation de ce principe, parce que l’on pourrait nous reprocher de ne pas être concrets, la commission a souhaité en tirer les conséquences de manière plus précise.

D’une part, elle a introduit une responsabilité sans faute de l’État pour les décès intervenus en prison à la suite d’une agression par un détenu. Le cas se produit rarement – et c’est heureux ! –, mais il signale un manquement très grave de l’État à ses obligations.

Aucun personnel n’est décédé dans ces circonstances depuis 1992, mais, en 2007, deux détenus sont morts du fait de violences commises par leur codétenu. En outre, il y a quelques jours, un drame de ce genre s’est déroulé à Lannemezan.

Monsieur le président de la commission des lois, une fois n’est pas coutume, notons que la commission des finances nous a épargnés sur ce point.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne leur donnons pas des idées !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. D’autre part, en cas de suicide d’une personne détenue, la commission a souhaité assigner à l’administration pénitentiaire l’obligation d’informer immédiatement sa famille et ses proches et, si ceux-ci le souhaitent, de faciliter autant que possible leurs démarches. En effet, comme l’a souligné le professeur Jean-Jacques Dupeyroux lors de son audition, les familles des détenus se heurtent parfois au silence de l’administration, ce qui ne peut qu’aggraver leur désarroi.

Le suicide d’un détenu est un drame pour sa famille. C’est aussi un drame pour le personnel pénitentiaire. Mais ne soyons pas naïfs, ces situations se reproduiront encore, malheureusement. Il faut donc que tout soit fait pour aider les familles.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l'article.

M. Alain Anziani. Il s’agit d’un très bon article, qui montre d’ailleurs tout l’apport de la commission des lois et de son rapporteur. Dans le texte initial en effet, ce droit n’était pas consacré.

Cette rédaction a eu la chance de passer la barrière de la commission des finances. Mon amendement, quant à lui, a été frappé en plein vol par l’article 40.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Vous n’avez pas été le seul !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. N’en parlons plus !

M. Alain Anziani. J’en parle, parce que je trouve absurde que l’on ne puisse pas écrire « résultant du décès ou de séquelles ».

Le fait que, même en l’absence de faute, l’État est tenu de réparer le dommage résultant du décès provoqué par l’agression d’une personne détenue est une très bonne chose. Mais pourquoi, dans la même prison, au sein de la même cellule, un détenu qui perd la vue, par exemple, à cause de ses codétenus ne peut-il obtenir réparation ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est plus facile d’obtenir réparation quand on est encore vivant…

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

protection effective

insérer les mots :

de sa dignité et

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. À mon sens, l’article 19 bis est l’un des plus importants du projet de loi. Nous le devons d’ailleurs à l’audace de notre rapporteur, et nous soutiendrons son adoption.

La responsabilité sans faute qui est instituée est à certains égards une révolution juridique importante et bienvenue, même si je regrette que cette responsabilité ne soit pas étendue aux cas de suicides, puisque la protection du droit à la vie des détenus constitue également une obligation positive de l’État au regard de la Convention européenne des droits de l’homme.

Mon amendement a pour objet de compléter le premier alinéa de cet article en y intégrant, une fois de plus, le respect de la dignité du détenu. La dignité, cette fameuse notion qui fait si peur…

Je suis consciente que nous aurons beaucoup de peine à faire respecter cette exigence et que l’administration croulera sous les condamnations si un tel principe est reconnu, mais je ne désespère pas qu’un jour la dignité du détenu soit enfin respectée dans ces lieux.

La dignité des détenus ne sera pas respectée tant que le problème de la surpopulation carcérale ne sera pas réglé une bonne fois pour toutes. En attendant, la France est sous le spectre permanent d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme en raison des conditions déplorables de prise en charge des détenus.

Mes chers collègues, si nous ne posons pas une nouvelle fois le principe du respect de la dignité du détenu, nous passerons à côté de l’essentiel. En effet, ce principe est le moteur de toute politique pénitentiaire qui se prétend respectueuse des droits des détenus, car il en est la source fondamentale. Tous les droits des détenus découlent de ce principe.

Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit à son sujet depuis le début de l’examen de ce texte. Je vous invite à faire preuve de courage : le courage d’accepter que nos prisons ne soient plus les mouroirs de la République, le courage de mettre un terme aux traitements inhumains et dégradants dont sont victimes les détenus, le courage de ne pas attendre encore cinq ans avant que le principe d’encellulement individuel entre vigueur et que la dignité des détenus soit enfin respectée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a estimé qu’il fallait garder à l’article 19 bis son objet précis, qui est la sécurité des personnes détenues.

En outre, le respect de la dignité des personnes est couvert par l’article 1er et désormais par l’article 10 du projet de loi, que nous avons modifié hier en ce sens.

C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 19 bis est important, mais je ne peux pas laisser dire que sans cet article l’administration pénitentiaire n’a rien fait en la matière.

Il faut rendre justice à l’administration pénitentiaire, qui a toujours réalisé toutes les démarches pour prévenir les familles et les proches en cas de décès. Pour les cas les plus dramatiques, bien sûr, le choc est tel qu’il peut parfois se produire un léger délai dans l’information des familles.

Par ailleurs, l’administration pénitentiaire ne connaît pas toujours l’environnement du détenu ; elle ne sait pas qui prévenir ou les coordonnées des intéressés ne sont pas à jour. Je pense notamment au récent décès d’un détenu dont l’administration ne connaissait pas le nom de la dernière petite amie.

Jusqu’à présent, l’administration pénitentiaire a toujours fait tout ce qui était en son pouvoir pour prévenir les familles et les proches lorsque survient un décès.

Je ne peux pas non plus laisser dire que les prisons sont des mouroirs ; ce n’est pas acceptable. Ainsi, le nombre de personnes décédées de mort violente en détention a été de deux en 2004, cinq en 2005, trois en 2006, deux en 2007, trois en 2008 et deux en 2009.

Ne caricaturons pas la situation dans les prisons ! Nous sommes tous d’accord pour améliorer les conditions de détention des personnes privées de liberté, mais il faut aussi reconnaître l’action de l’administration pénitentiaire pour éviter, justement, que les prisons ne deviennent des mouroirs.

J’en viens à l’amendement n° 38 rectifié. Le droit, pour toute personne détenue, au respect de sa dignité est désormais inscrit dans l’article 10 du projet de loi, que nous avons rédigé de manière consensuelle, hier, au terme d’un débat approfondi.

La notion de dignité ne nous effraie pas, elle n’effraie pas non plus l’administration pénitentiaire. Le principe du respect de la dignité de la personne détenue est déjà inscrit dans le texte, et ce dans plusieurs articles. (Mme Alima Boumediene-Thiery fait un signe de dénégation.) C’est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, vous dites que la prison n’est pas un mouroir, mais elle l’est parfois puisque des détenus en fin de vie restent en prison, ce qui est pourtant contraire aux dispositions de la loi Kouchner.

Quant aux suicides en prison, ils sont nombreux, comme en témoigne l’actualité récente. Nul n’ignore qu’il existe de graves risques de suicide dans les établissements pénitentiaires.

Je ne dis pas que les suicides sont dus à l’administration pénitentiaire, qui n’est pas responsable du caractère suicidaire d’une personne, mais le passage à l’acte est facilité par le défaut de prise en charge des détenus sur le plan psychologique, ou par l’ignorance de leur état, comme ce fut le cas récemment à Nanterre, situation que ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin évoquera peut-être cet après-midi. Les carences dans la prise en charge psychologique du détenu, en particulier celle des arrivants, nouveaux ou récidivistes, favorise le passage à l’acte.

La Défenseure des enfants estime que le suicide des mineurs est quarante fois plus élevé en prison que dans la population des jeunes en général. Il y a bien une raison. L’administration pénitentiaire devrait être en mesure d’éviter le passage à l’acte.

Nous attendons les conclusions du rapport Albrand sur la prévention du suicide en prison. Il semble cependant avéré que le placement en quartier disciplinaire pousse au passage à l’acte. Il a été envisagé, pour y remédier, d’attribuer des vêtements et des draps en papier : ce n’est pas ainsi que l’on résoudra sérieusement le problème !

L’action de l’administration pénitentiaire est importante dans la prévention du passage à l’acte, encore faut-il lui en donner les moyens.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la ministre, vous avez la fâcheuse manie de m’opposer à l’administration pénitentiaire. Or ce n’est pas le cas, vous le savez bien. Je me rends souvent en prison et j’ai de très bonnes relations avec les agents. Je vous prie donc de ne pas caricaturer ainsi ma position.

J’y insiste, la notion de responsabilité sans faute est une véritable révolution juridique, que nous devons à notre commission.

Vous nous dites que les prisons ne sont pas des mouroirs. Mais, s’il y a de moins en moins de décès en prison, c’est tout simplement parce que les détenus agonisants sont évacués à l’hôpital. C’est l’administration pénitentiaire elle-même qui me l’a signalé.

Je tiens également à souligner que la mention du respect de la dignité des personnes détenues ne figure pas plusieurs fois dans le texte, mais une seule fois, à l’issue de la bataille que nous avons menée hier à l’article 10. Une seconde occurrence ne serait pas de trop !

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous avez raison de le souligner, madame Borvo Cohen-Seat, l’administration pénitentiaire doit œuvrer de plus en plus à la prévention du suicide en prison. Elle le fait avec les moyens dont elle dispose, en formant les personnels qui passent du temps avec les détenus, et ce dans des conditions de plus en plus difficiles. Elle ne saurait toutefois être tenue pour responsable des suicides.

Je tiens à souligner que des efforts sans précédent ont été accomplis en matière de santé en prison ces dernières années. La loi de 1998 instituant le principe des soins en prison fut une avancée, je le reconnais, mais elle a été votée sans les crédits nécessaires. Pour notre part, nous avons augmenté le nombre de médecins coordonnateurs en matière de suivi socio-judiciaire.

En matière de santé, nous avons également créé des hôpitaux-prisons, alors que le sujet était nié depuis des années. Une capacité d’une centaine de places est prévue d’ici à la fin de l’année 2009 ; elle devrait atteindre 710 places à l’horizon 2011-2012.

Par conséquent, nous faisons tout ce que nous pouvons pour prévenir les suicides et améliorer la prise en charge des détenus atteints de troubles, mais nous ne pouvons pas rattraper en quelques mois le retard qui a été accumulé pendant des années.

S'agissant du suicide des mineurs et des jeunes, pour lequel nous détenions quasiment le record en Europe, peut-être convient-il de s’interroger à l’échelle de la société tout entière ? Les problèmes sont bien sûr aggravés en milieu fermé.

Le taux de suicide a néanmoins fortement diminué, notamment en quartier disciplinaire – je vous ai cité les chiffres hier. Comme vous le savez, j’ai autorisé, par décret, les visites des familles dans les quartiers disciplinaires – ce qui n’avait donc pas été fait avant –, en particulier afin de prévenir les suicides. Nous devons en effet éviter qu’en prison des mineurs âgés de treize ou quatorze ans ne voient pas leurs familles pendant plusieurs mois. Nous devons favoriser le maintien des liens familiaux. Nous en donnons désormais les moyens à l’administration pénitentiaire.

Madame Boumediene-Thiery, je ne vous oppose pas à l’administration pénitentiaire, avec laquelle, je le sais, vous entretenez de bons rapports. Je vous ai ainsi donné l’occasion de le souligner et de dire tout votre attachement à l’excellent travail qui est réalisé en faveur des personnes détenues. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 19 bis (début)
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Discussion générale

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

Je demande à chacun d’être attentif au respect de ce temps de parole.

Conséquences de la suppression de la taxe professionnelle

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur les conséquences pour les collectivités locales de la suppression annoncée de la taxe professionnelle.

En effet, le 5 février dernier, non sans rappeler l’annonce faite il y a un an de la suppression de la publicité sur le service public de l’audiovisuel, le Président de la République a annoncé, cette fois-ci, la suppression de la taxe professionnelle en 2010. Et puis, plus rien, plongeant alors dans l’inquiétude les collectivités et les élus locaux, qui craignent une nouvelle improvisation intempestive.

Cette suppression profitera, bien évidemment, aux entreprises assujetties à un impôt sur lequel tout le monde, à commencer par ses concepteurs, s’accorde à dire, depuis des années, que son mode de calcul doit être revu. Il n’est pas envisageable que cette suppression ne fasse l’objet d’aucun remplacement par des ressources fiscales nouvelles préservant les collectivités locales. Or, sur la compensation, comme en son temps pour la publicité, le chef de l’État reste très flou, se contentant de dire : « il y a des possibilités autour de la taxe carbone ».

Dans un contexte de crise grave et au moment même où le Gouvernement sollicite les collectivités pour financer son plan de relance, l’enjeu est de taille : il y va de la survie et du maintien des politiques de proximité menées par les collectivités sur tous nos territoires. Plonger ainsi les collectivités dans l’incertitude amène celles-ci à freiner leurs investissements.

Faut-il rappeler dans cet hémicycle que les collectivités ont perçu l’année dernière plus de 28 milliards d’euros au titre de la taxe professionnelle, dont 17 milliards d’euros ont été affectés aux communes et aux intercommunalités ?

Cette taxe représente ainsi, à elle seule, 43 % de ce que rapportent les impôts directs locaux. La taxe professionnelle constitue donc une recette essentielle pour toutes les collectivités de notre pays et l’on comprend alors aisément l’émoi suscité par l’annonce de sa disparition chez les élus locaux de tous bords, comme le montrent d’ailleurs les réactions et les craintes exprimées par toutes les associations d’élus.

Ces inquiétudes sont, me semble-t-il, partagées sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée. En effet, monsieur le Premier ministre, trouver un impôt de substitution en un an ne sera pas chose facile, a fortiori dans la situation de crise économique actuelle.

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Jacques Mézard. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement envisage-t-il toujours de supprimer la taxe professionnelle ? Si oui, quelles sont vos réelles intentions pour garantir la compensation des pertes de recettes ? Disposez-vous d’un calendrier précis ? De quelle façon le Parlement sera-t-il associé à ce chantier ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, votre question comporte un certain nombre des éléments de ma réponse et je ne doute pas qu’à la suite d’un travail de réflexion qui ne sera pas improvisé, auquel je souhaite associer des représentants de votre Haute Assemblée et de l’Assemblée nationale, nous arrivions à trouver les substituts auxquels vous faisiez référence.

Permettez-moi de rappeler quelques-uns des principes qui nous guideront.

Premièrement, nous en sommes d’accord, la taxe professionnelle n’est pas un bon impôt, ni dans son assiette, ni dans son taux, ni dans son mode de calcul.

Deuxièmement, la suppression de certaines de ses composantes – la base foncière subsistera, car elle constitue un lien étroit entre l’entreprise et le territoire – améliorera considérablement la compétitivité des entreprises et l’attractivité du territoire français.

Troisièmement, la suppression de la taxe professionnelle entraînera un allègement pour les entreprises : il est chiffré aujourd’hui à 11,4 milliards d’euros, soit, net d’impôt sur les sociétés, 8 milliards d’euros.

Avec l’ensemble des modes de calcul, la perte de recettes représente 22 milliards d’euros pour les collectivités locales ; elle sera intégralement compensée collectivité par collectivité, M. le Premier ministre l’a réaffirmé haut et fort.

Mme Christine Lagarde, ministre. Vous avez raison, il faut ensuite déterminer comment !

Tout d’abord, il est indispensable de conserver un lien entre les entreprises et le territoire. C’est la raison pour laquelle la partie foncière, en particulier le foncier industriel, doit demeurer un élément de base extrêmement important.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne suffit pas !

Mme Christine Lagarde, ministre. Ensuite, nous allons devoir chercher d’autres sources de financement qui permettront de compenser le manque à gagner, collectivité par collectivité.

M. Jean-Pierre Sueur. Dans quelle direction ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Certaines indications ont déjà été données ; il s’agit, notamment, de fractions supplémentaires de la TIPP et de la taxe sur les conventions d’assurance. D’autres pistes doivent être explorées, en particulier pour ce qui est de la base foncière industrielle ou de la valeur ajoutée.

Ce sont des pistes que nous examinerons de façon concertée et productive, après la conférence nationale des exécutifs que M. le Premier ministre réunira prochainement.

Quoi qu’il en soit, vous pourrez compter sur le Gouvernement, sous l’autorité de François Fillon, pour être extrêmement attentif à la compensation de la suppression de la taxe professionnelle pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Difficultés de l'industrie automobile

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Les chiffres publiés en début de semaine sur l’activité du secteur automobile en France semblent indiquer que l’effet de la prime à la casse est en train de s’estomper et que les stocks de véhicules augmentent de nouveau. Le marché des véhicules particuliers a en effet reculé de 13 % le mois dernier par rapport à février 2008, alors que, dans le même temps, l’activité de ce secteur redémarre fortement en Allemagne. Les immatriculations ont en effet bondi de 22 % le mois dernier chez notre voisin, ce qui constitue un record pour un mois de février, selon l’association allemande des constructeurs automobiles.

Du fait de l’importance de ses stocks et de la faiblesse de son activité, l’industrie automobile française a considérablement réduit sa production. La plupart des entreprises de ce secteur ont d’ailleurs mis un terme à leurs contrats d’intérim, n’ont pas renouvelé les contrats de leur personnel en contrats à durée déterminée et sont passées d’une organisation de leur production en trois-huit à une organisation en deux-huit.

Dans ce contexte, les sous-traitants de l’industrie automobile sont évidemment les premiers touchés et on assiste à une augmentation inquiétante des plans sociaux dans ces entreprises.

Or, alors qu’il est possible de prendre livraison, en France, d’une automobile de marque étrangère dans des délais normaux de l’ordre de trois à quatre semaines après sa commande, on constate que ce délai est aujourd’hui de trois à quatre mois lorsqu’il s’agit de prendre livraison d’un véhicule de marque française. Et ce délai anormalement long se vérifie dans toutes les régions, quel que soit le constructeur et quel que soit le niveau de gamme du véhicule commandé.

De ce fait, les clients qui souhaitent acheter une voiture neuve se rabattent sur des véhicules de marque étrangère. Cette situation incompréhensible, qui ne correspond pas au discours des constructeurs français selon lesquels les stocks n’ont jamais été aussi importants, est inquiétante, car elle ne peut qu’aggraver la situation du secteur et accélérer les réductions d’emplois, notamment chez les sous-traitants.

Pouvez-vous nous indiquer comment le Gouvernement explique cette différence entre les faits et les discours et ce qu’il entend faire pour remédier à un comportement qui encourage les Français à acheter des véhicules de marque étrangère au détriment des constructeurs nationaux ? (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l’extraordinaire succès de la prime à la casse qui a été décidée en France, sur l’initiative du Président de la République, par le gouvernement de François Fillon. D’autres pays nous ont imités : j’en veux pour preuve la prime à la casse en Allemagne, qui a fait bondir le marché allemand de l’automobile de près de 20 %.

Il est vrai qu’il peut y avoir çà et là un certain nombre de tensions, car les constructeurs automobiles n’avaient pas anticipé ce succès.

Cependant, vous le savez bien, la prime à la casse n’est pas, à elle seule, susceptible de résoudre les problèmes de la filière automobile.

C’est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé avec François Fillon, dès le 9 février dernier, un « Pacte automobile » fondé sur un certain nombre de principes.

Il s’agit, d’abord, de la réactivité. C’est pourquoi les deux constructeurs automobiles français ont bénéficié d’un plan de soutien et de prêts : ont été débloqués 6,5 milliards d’euros à leur intention, avec des contreparties, et 2 milliards d’euros pour les banques des constructeurs, afin de financer les crédits.

Ensuite, nous n’avons pas traité uniquement le cas difficile des constructeurs automobiles : c’est l’ensemble de la filière qui a fait l’objet de l’attention des pouvoirs publics.

S’agissant de la sous-traitance automobile, sur l’initiative de Mme Christine Lagarde, OSEO pourra garantir jusqu’à 90 % des prêts.

Nous avons aussi mis en œuvre une indemnisation élargie du chômage partiel.

Quant à l’avenir, il s’articule autour d’un plan « véhicules décarbonés », avec une enveloppe de 250 millions d’euros pour les projets dits « verts ».

Par ailleurs, le crédit d’impôt recherche est l’élément le plus puissant de tous les pays développés pour financer les dépenses de recherche et de développement ; nous savons tous, monsieur le sénateur, combien l’innovation est la clé de la croissance de demain.

Christine Lagarde vient d’évoquer les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. Celle-ci jouera aussi en faveur de l’industrie française. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a fait ce choix.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, je vous prie de bien vouloir conclure !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement est entièrement mobilisé : il ne laissera pas tomber la filière automobile française. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)