M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présente proposition de loi poursuit une démarche engagée depuis plusieurs années déjà, notamment dans la loi du 20 décembre 2007, dont la finalité était également de simplifier le droit.
La simplification, la clarification et l’allégement du droit constituent les trois objectifs majeurs de cette proposition de loi qui témoigne de la volonté du Parlement de s’inscrire dans une démarche durable d’amélioration de l’accessibilité et de la lisibilité des règles de droit.
Cette démarche répond à une aspiration forte et partagée par tous, sur les travées de nos assemblées mais aussi au-delà de celles-ci. Il s’agit de simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens, d’alléger le carcan administratif et réglementaire qui pèse sur eux et de libérer ainsi, comme l’a dit à juste titre le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, l’initiative individuelle et collective, trop souvent freinée par des procédures inutilement complexes et pesantes.
L’intelligibilité du droit est en outre une exigence de valeur constitutionnelle. C’est dire qu’aujourd'hui nous faisons œuvre utile, car simplifier le droit est un acte essentiel et nécessaire.
La simplification du droit est une ambition qui doit nous animer en permanence dans notre travail de législateur. Puisque les citoyens sont censés ne pas ignorer la loi, il est de notre responsabilité de les aider autant que faire ce peut à la connaître, à la comprendre, et donc à l’appréhender et à la respecter.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il n’est pas dans mon intention de commenter l’ensemble des dispositions de ce texte qui touche, on l’a dit, à de très nombreux domaines législatifs, car il y faudrait la soirée, mais je voudrais m’arrêter sur quelques-uns des sujets qui m’ont tenu à cœur au cours des travaux de la commission, en particulier sur ceux qui m’ont amené à déposer des amendements.
Je parlerai tout d’abord de mon amendement relatif au délit de favoritisme.
À l’occasion, je le rappelle pour l’histoire, de la discussion du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Warsmann, avait fait adopter un amendement déjà destiné à clarifier ce délit qui, comme son nom l’indique, a été institué en vue de sanctionner l’attribution d’un marché par faveur, et non pas selon la justice ou le mérite.
En aucun cas en effet, le but n’était de sanctionner de simples entorses à la réglementation des marchés qui n’auraient pas eu pour finalité le favoritisme.
Rapporteur pour avis de ce projet de loi visant à relancer la construction, j’avais néanmoins demandé à notre assemblée de supprimer la disposition issue de cet amendement en m’engageant à ce que la question soit revue à l’occasion de l’examen au Sénat de la présente proposition de loi.
Notre assemblée avait bien voulu me suivre, de même que la commission mixte paritaire, l’introduction de la notion d’intention délibérée nous ayant paru une source de complication plutôt qu’une simplification.
Pour autant, la préoccupation de M. Warsmann était justifiée. Plusieurs juridictions ont en effet condamné des élus ou des fonctionnaires territoriaux pour des entorses purement formelles au droit des marchés publics sans qu’il ait été démontré que ces derniers avaient eu pour intention de favoriser tel ou tel concurrent.
Cette jurisprudence, nous souhaitions la dénoncer. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé à la commission des lois un amendement, qui est aujourd'hui intégré à son texte, permettant de recentrer le délit de favoritisme sur sa véritable et unique justification, à savoir la sanction du fait de favoriser un candidat au détriment des autres en lui attribuant une commande qui n’aurait pas dû lui revenir.
Je considère que cette clarification est extrêmement utile.
Le texte permet aussi d’élargir le délit à tous les contrats de la commande publique et simplifie la liste des personnes pouvant être poursuivies.
Actuellement, on le sait, le délit de favoritisme ne touche que les marchés publics au sens étroit et les délégations de service public, la notion ne s’appliquant pas aux contrats de partenariats, aux baux emphytéotiques administratifs, les BEA, et à tous les dispositifs que nous nous efforçons d’améliorer au travers de divers textes.
Il n’y a aucune raison de faire une telle distinction et, par conséquent, il paraît pertinent d’englober l’ensemble de la commande publique.
Le Gouvernement a cependant souhaité poursuivre la réflexion pour améliorer encore le texte auquel la commission est parvenue, ce à quoi, monsieur le secrétaire d'État, je consentirai volontiers sous réserve toutefois qu’une date effective soit fixée pour la conclusion de cette réflexion, car on ne peut rester indéfiniment dans la situation actuelle et continuer à débattre d’une disposition qui ne nous satisfait pas sans jamais parvenir à la modifier !
J’ai par ailleurs déposé d’autres amendements, sur lesquels je donnerai davantage de précisions lors de la discussion des articles, notamment pour clarifier et simplifier le droit de la consommation.
Dans cette proposition de loi dont le champ est, je le répète, extrêmement large, certaines mesures constituent à l’évidence des avancées concrètes et utiles dans la poursuite de notre objectif commun de simplification du droit dans tous les domaines.
En revanche, d’autres apportent des modifications majeures de notre droit, dépassant la simple clarification. C’est donc à juste titre que, sur proposition de son rapporteur, la commission des lois a supprimé les dispositions qui s’écartaient de l’objet de la proposition de loi, en limitant notamment les modifications qui intervenaient en matière pénale.
Au-delà des clarifications et des précisions utiles, la commission des lois a ainsi voulu que cette proposition de loi reste fidèle aux principes de simplification et d’allégement du bloc législatif et se cantonne à ces principes.
De la sorte, grâce au travail du rapporteur, la loi de simplification a été simplifiée, ce qui nous évitera d’avoir à y revenir pour la simplifier à nouveau… (Sourires sur les travées de l’UMP)
Je tiens à cet égard à saluer l’excellent travail réalisé par la commission des lois, son rapporteur, Bernard Saugey, et son président, Jean-Jacques Hyest.
Bien entendu, le groupe de l’UMP adoptera cette proposition de loi qui répond à une vraie attente : la simplification de la vie de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, simplification, clarification du droit et allégement des procédures sont trois nobles objectifs auxquels nous souscrivons tous tant il est patent que, dans le « monde » législatif – et aussi réglementaire – français, nous avons un travail considérable à mener. Rendre la loi accessible et lisible est d’ailleurs un objectif dégagé par le Conseil constitutionnel en 1999.
Je veux cependant souligner d’emblée que la simplification est vouée à connaître non pas un échec complet mais un certain échec tant que nous continuerons à recourir de façon compulsive à la norme législative, y compris et surtout par voie d’ordonnance.
Je rappelle que lors de la session parlementaire 2007-2008, cinquante-cinq lois ont été adoptées, auxquelles se sont ajoutés quarante-sept projets de loi autorisant l’approbation de conventions internationales, soit une centaine de textes sur deux cents jours, ou encore un texte tous les deux jours ! On conçoit qu’à ce rythme plus personne n’arrive à suivre.
La quantité des textes constitue un des aspects du problème.
Par ailleurs, l’usage abusif de la procédure d’urgence, même rebaptisée « procédure accélérée », nuit également à la qualité de la loi. Exemple d’actualité, je crains fort que la future loi pénitentiaire, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé ici, ne pâtisse du refus du Gouvernement de lever l’urgence…
La navette et la double discussion sont des garanties de la qualité, donc de la simplification et de la clarification des textes.
Dans certains domaines, le droit est devenu particulièrement instable. Ainsi, depuis 2002, cinq lois relatives à l’immigration et une dizaine de lois pénales ont été adoptées !
L’empilement des textes a pour conséquence une complexification du droit, qui devient illisible et inaccessible, non seulement pour les citoyens, pour les entreprises et pour les collectivités, mais aussi pour les praticiens du droit.
Le recours immodéré à la procédure des ordonnances vient encore aggraver, on l’a déjà souligné, la situation. J’ai compté dans la présente proposition de loi au moins huit renvois aux ordonnances, par exemple pour réformer le champ de contrôle de la légalité, le code général des collectivités territoriales, le code forestier.
Lorsqu’il s’agit de fixer la taille des tuyaux des pipelines ou de prendre des mesures d’ordre purement technique, j’admets que le recours à des ordonnances soit acceptable, mais, quand elles deviennent la règle générale et la norme, force est de crier : halte là !
Bien sûr, nous allons avoir à faire fonctionner la nouvelle procédure parlementaire et j’en attends une amélioration, notamment du fait du délai minimum de six semaines entre le dépôt ou la transmission d’un texte et son examen en séance plénière. Espérons que cela aura un effet positif sur la qualité de la loi et ralentira le rythme de la production de normes législatives !
Au rang des nouveautés, on nous dit d’ailleurs que la présente proposition de loi est, un peu comme au cinéma, une « coproduction » entre le Parlement et le Gouvernement, ce qui, en soi, est une bonne idée… sauf que, en l’occurrence, en tout cas nous parlementaires de l’opposition, nous n’avons pas été beaucoup associés à cette coproduction…
Pour simplifier et clarifier notre droit, il faudrait également – et ce sera ma dernière observation sur ce plan – davantage tenir compte des propositions de réforme formulées par le Médiateur de la République, dont le rapport annuel, qu’il nous a présenté la semaine dernière, contenait beaucoup de propositions intéressantes,…
M. Bernard Saugey, rapporteur. C’est vrai !
M. Richard Yung. …ainsi que des observations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
J’en viens maintenant à quelques observations sur certains des articles de la présente proposition de loi et sur le rapport présenté par M. Saugey, que je remercie d’avoir écouté les propositions faites des deux côtés de l’hémicycle et d’en avoir intégré une partie.
L’article 8 prévoit de transférer du juge d’instance au greffier en chef du tribunal d’instance l’enregistrement des déclarations d’acquisition de la nationalité française hors mariage. Cela nous paraît un point positif.
Le rapporteur propose également de transférer aux préfectures la constitution des dossiers de déclaration d’acquisition de la nationalité française par mariage.
Il s’agit d’une avancée que nous saluons, mais nous devons bien dire aussi qu’elle ne compensera pas les nombreuses tracasseries, administratives et autres, auxquelles les couples binationaux sont confrontés depuis les lois du 14 novembre 2006 et du 20 novembre 2007, qui ont « ostracisé » les mariages binationaux.
L’article 11 prévoit de désigner des tribunaux de grande instance pour connaître des actions aux fins d’adoption et des actions aux fins de reconnaissance des jugements d’adoption rendus à l’étranger.
C’est un progrès important pour les parents qui, revenant de l’étranger avec un enfant adopté, veulent pleinement compléter la procédure d’adoption en droit français.
Nous espérons que cette mesure sera adoptée, même si, je le souligne, elle ne répondra pas au problème plus général de l’organisation institutionnelle de l’adoption en France.
C’est d’ailleurs une des questions auxquelles nous avons été en permanence confrontés au cours de l’examen de cette proposition de loi. Les dispositions retenues sont souvent de bon sens et permettent de corriger certains dysfonctionnements, mais nous n’avons pas pu ou voulu aller plus loin, car il aurait alors fallu s’engager dans un débat de politique générale sur les sujets abordés. Ainsi, la commission n’a pas accepté l’excellent amendement relatif aux enfants nés sans vie présenté par notre collègue Jacques Gautier, au motif qu’une telle question de société, comportant une dimension éthique, ne pouvait être traitée dans le cadre de la discussion du présent texte. Cela aboutit à écarter du débat les sujets vraiment importants. Pour reprendre un titre d’André Gide, je dirai que la porte était étroite !
Cela étant, nous souscrivons à l’article 56, tendant à supprimer les dispositions qui ne sont pas conformes au principe d’individualisation de la peine, ainsi qu’à l’article 57, relatif aux quantums de peine initiaux.
Enfin, je me réjouis que la commission des lois ait repris un amendement de notre groupe tendant à introduire dans le code civil une règle de conflit de lois pour permettre aux partenariats civils enregistrés à l’étranger de produire des effets juridiques en France.
En définitive, ce texte nous laisse sur un sentiment d’amertume. S’il comporte des avancées, que nous saluons, il ne va pas aussi loin que nous l’aurions souhaité. Par conséquent, nous restons quelque peu sur notre faim. Je conclurai mon intervention en citant un poète aujourd’hui bien oublié, Pierre Reverdy : « Ce n'est pas si simple que ça, d'être simple. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est censée être un texte de simplification du droit. Paradoxalement, elle est elle-même assez loin d’être simple, tant les sujets abordés sont hétérogènes. Le nombre d’amendements déposés en témoigne.
Ce constat vaut pour les articles dont la commission des affaires sociales a été saisie pour avis. Parmi eux, trois nous posent problème.
Tout d’abord, l’article 15, qui prévoit la dématérialisation du bulletin de paie des salariés, est à mon avis inutile sur le plan juridique et inopportun sur le plan pratique.
Cet article est inutile parce que la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique autorise déjà la dématérialisation de l’écrit, en accord avec les textes européens. La proposition de loi n’apporte donc ici aucune innovation.
Cet article est inopportun parce qu’il n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les partenaires sociaux, alors qu’il concerne potentiellement quinze millions de salariés et qu’il ne règle pas le problème essentiel, celui de l’obligation, pour le salarié, de conserver ses bulletins de paie pendant une durée illimitée.
L’obsolescence inéluctable des technologies informatiques, et donc de l’archivage électronique, devrait conduire à mettre à la disposition des salariés de véritables « coffres-forts » électroniques, susceptibles de garantir la pérennité des documents électroniques et leur lisibilité future. Or, jusqu’à présent, aucune initiative en la matière n’a encore abouti. Il est donc très discutable de s’en remettre au pouvoir réglementaire, comme M. Warsmann l’a demandé à l’Assemblée nationale.
En bref, en l’état actuel des choses, le dispositif de cet article nous apparaît comme une simple commodité offerte aux employeurs sans aucune garantie d’application correcte. Fonder cette proposition sur le seul argument des économies pouvant être réalisées sur l’impression et l’envoi des bulletins de salaire ne nous semble pas suffisant.
Par ailleurs, l’article 15 bis est lui aussi tout à fait inopportun, peut-être même davantage encore que le précédent.
Il est proposé que le rapport économique et financier annuel au comité d’entreprise ne soit plus transmis à l’inspection du travail, mais seulement tenu à sa disposition pendant une durée de quinze jours, l’objectif étant d’obtenir une économie, d’un montant non évalué, sur les frais d’envoi pour les 28 000 entreprises concernées et sur les frais d’archivage pour les services de l’administration du travail. C’est vraiment peu de choses !
Or ce rapport annuel est important,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Personne ne le lit !
M. Jean-Pierre Godefroy. … puisqu’il contient les informations relatives au travail à temps partiel dans l’entreprise, sujet dont il est beaucoup question actuellement, au recours aux contrats à durée déterminée, à l’évolution de l’emploi, des qualifications, de la formation, des salaires, des conditions comparées d’emploi et de formation des hommes et des femmes, ainsi qu’aux actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, etc.
Il est donc particulièrement inopportun, à l’heure où l’économie connaît des difficultés qui rejaillissent gravement sur la situation de l’emploi, où le Gouvernement prétend mener une action résolue en matière d’ égalité entre hommes et femmes, assortie de sanctions à l’encontre des entreprises contrevenant à leurs obligations dans ce domaine, où les quotas de travailleurs handicapés sont insuffisamment respectés, que cet élément d’information fondamental pour l’administration soit de facto supprimé.
Cette proposition n’est que la réponse à une demande récurrente des organisations patronales, qui ont déjà obtenu des modifications substantielles quant au contenu et aux modalités d’adoption de ce rapport. Il s’agit pour elles de mettre ainsi la touche finale à leur projet de supprimer toute possibilité de contrôle, par l’administration, des conditions de travail et de rémunération dans les entreprises. Nous ne pouvons que nous opposer à une telle mesure, que le Gouvernement ferait bien de reconsidérer dans le contexte actuel, compte tenu des difficultés rencontrées par les salariés.
Enfin, l’article 28 vise à faire évoluer la procédure de modification des autorisations de mise sur le marché, les AMM, pour les médicaments vétérinaires.
En l’état actuel du droit, toute modification des éléments d’une AMM doit être préalablement autorisée par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA. Or l’article 28 prévoit que seules les modifications « substantielles » devraient faire l’objet d’une autorisation préalable, les modifications « mineures » nécessitant une simple déclaration. Cela nous semble inopportun, dans la mesure où la nature d’une modification, qu’elle soit ou non substantielle, ne peut souvent s’apprécier qu’a posteriori, en particulier s’agissant d’éventuels effets secondaires.
Il nous semble donc imprudent de remettre en cause, simplement parce que son coût serait jugé trop lourd par les entreprises concernées, une procédure de modification des AMM qui, depuis sa mise en place, a permis une augmentation du niveau de qualité des médicaments vétérinaires distribués. En matière de sécurité sanitaire, mes chers collègues, il est des coûts qui sont justifiés ! C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 28.
Comme beaucoup d’entre nous, je suis également très réservé sur le contenu de l’article 66 bis, qui a pour objet de ratifier d’un seul coup une trentaine d’ordonnances, sans compter celles que les commissions se proposent d’ajouter. À tout le moins, il y a là un problème de méthode : comment prétendre que ces ordonnances ne posent pas de difficulté alors qu’il nous a été impossible de vérifier le contenu de chacune d’entre elles ?
Sur le fond, plusieurs des ordonnances concernant les affaires sociales nous posent problème, par exemple l’ordonnance n° 2005-866 du 28 juillet 2005 transformant le groupement d’intérêt public « Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies » en société anonyme. Lors du vote de l’habilitation, nous avions exprimé notre opposition à cette évolution, évoquant le risque de démantèlement d’une structure au service exclusif des patients en vue d’axer son fonctionnement sur la rentabilité, alors qu’une loi, jamais appliquée, avait prévu sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial. Nous maintenons notre position sur ce sujet.
Il en va de même pour l’ordonnance n° 2005-1477 du 1er décembre 2005 portant diverses dispositions relatives aux procédures d’admission à l’aide sociale et aux établissements et services sociaux et médicosociaux.
Pour mémoire, je rappelle que les sénateurs socialistes s’étaient opposés à ces dispositions, en particulier celles qui concernaient la suppression des commissions cantonales d’admission à l’aide sociale. Nous n’avons pas non plus changé d’avis sur ce point.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ces commissions ne servaient à rien depuis belle lurette !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est vous qui le dites !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis conseiller général depuis vingt-huit ans !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous pourrons débattre de ce sujet à l’occasion de l’examen des amendements !
On peut s’interroger sur la nécessité de ratifier l’ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé, alors qu’un prochain projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires présentera une nouvelle et profonde modification de la gouvernance et de la gestion hospitalières. Une question se pose : les dispositions de l’ordonnance sont-elles compatibles avec celles de ce projet de loi ? Pour le savoir, je crois qu’il serait plus judicieux d’attendre, pour le moins, l’examen de ce dernier texte par le Sénat, prévu pour le début du mois de mai. Monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez peut-être nous apporter des précisions à ce sujet…
J’évoquerai maintenant plusieurs amendements que mes collègues du groupe socialiste et moi-même avons déposés, portant sur des sujets importants tels que le statut d’auto-entrepreneur, les enfants nés sans vie, la protection des stagiaires contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, le pacte civil de solidarité ou les violences conjugales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne relève pas de la simplification du droit !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette proposition de loi comporte bien d’autres dispositions qui n’en relèvent pas…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas la peine d’en rajouter !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il faut être cohérent ! Pourquoi seuls les amendements relatifs aux affaires sociales seraient-ils considérés comme hors sujet ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons accepté certains d’entre eux !
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, et j’en remercie la commission des lois, son président et son rapporteur. Nous tenterons de vous convaincre du bien-fondé de nos autres propositions.
M. Bernard Saugey, rapporteur. Nous vous faisons confiance !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous remercie par avance de l’attention que vous voudrez bien leur porter.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de féliciter M. Saugey de la qualité son rapport et de saluer l’excellent travail accompli par Mme Panis, Mme Henneron et M. Angels.
Comme c’est souvent le cas s’agissant d’un tel texte, d’aucuns s’interrogent sur la réalité de sa portée simplificatrice. Ne va-t-il pas, au contraire, complexifier davantage encore le droit ? Le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann, affirme régulièrement qu’il faut simplifier notre droit, mais les textes qu’il présente ne sont pas toujours d’une parfaite simplicité…
Cela étant, je crois nécessaire que le droit évolue et soit adapté. Dans cette perspective, je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Mézard, quand vous parlez d’échec à propos du présent texte. Certes, la loi est bavarde, comme vous l’avez dit, mais ce n’est pas un phénomène récent : M. Sueur pourrait évoquer bien des parlementaires des xixe et xxe siècles qui estimaient la loi bavarde mais n’en continuaient pas moins de légiférer avec allégresse !
Quoi qu’il en soit, la loi doit être juste : si elle comporte des erreurs, il faut les corriger, ce que nous nous attachons à faire tous ensemble.
Il est vrai que, par définition, les textes de simplification du droit sont disparates : ils couvrent un champ extrêmement large et abordent des notions très différentes. Toutefois, la présente proposition de loi répond à l’objectif de simplification et de clarification du droit et elle permettra, à terme, un allégement des procédures.
M. Sueur a notamment évoqué, de même que M. Zocchetto, l'amendement n° 182. La mesure en question donnant lieu à un véritable débat de fond, il est assez normal, à mon sens, de proposer que son entrée en vigueur soit reportée d’un an. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Par ailleurs, monsieur Sueur, vous vous êtes montré particulièrement réservé sur un certain nombre d’autres dispositions, demandant notamment la suppression de l'article 3 bis, dont l’objet est de modifier les modalités de renonciation à une succession en autorisant le recours à la voie postale.
Tout en comprenant le fond de votre argumentation, le Gouvernement reste attaché à cette mesure, qui apportera une véritable simplification aux ayants droit, en les dispensant de recourir à un auxiliaire de justice ou d’effectuer de coûteux déplacements auprès du tribunal géographiquement compétent. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur cette disposition, qui fera probablement débat.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, je n’ai pas évoqué ce sujet. Je salue votre esprit gaullien : vous me faites l’honneur de répondre à une question que je n’avais pas posée ! (Sourires.)
M. Charles Gautier. Il y a eu des fuites ! (Nouveaux sourires.)
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Zocchetto, vous avez salué plusieurs dispositions relatives à la dématérialisation des échanges d’informations, s’agissant en particulier des documents de travail préparatoires aux réunions des conseils généraux et régionaux ou de la transmission par voie électronique, avec l’accord du salarié, du bulletin de paie.
Le Gouvernement a entendu votre appel à la vigilance, monsieur le sénateur. Le débat permettra, je l’espère, de vous rassurer. Sur le fond, je me réjouis du soutien que vous apportez aux avancées que comporte ce texte.
Madame Mathon-Poinat, vous vous êtes demandé s’il ne s’agirait pas ici d’un projet de loi plutôt que d’une proposition de loi. L’expression « coproduction législative » n’étant pas de moi, je ne la reprendrai pas, car je ne voudrais pas avoir à verser des droits d’auteur ! (Sourires.)
Cela étant, j’ai toujours considéré qu’il était naturel que les auteurs d’une proposition de loi nouent des contacts avec les cabinets ministériels et les administrations concernés. Dans le cas qui nous occupe, cela paraît nécessaire pour établir sur quels points procéder à la simplification du droit de manière efficace. Il ne me semble pas choquant que, au cours de l’élaboration d’une proposition de loi, certains éléments fassent l’objet d’une concertation entre l’exécutif et le législatif. À ce titre, je voudrais saluer le travail considérable réalisé, comme d’habitude, par la Haute Assemblée, dont les amendements donneront de la densité au texte que nous examinons.
Monsieur Béteille, vous avez notamment insisté sur la réforme du délit de favoritisme, débat que nous avons engagé lors de l’examen du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés. Nous partageons les objectifs de cette réforme, mais chacun comprend qu’une réécriture fine du dispositif est nécessaire, de manière que l’opinion publique comprenne bien son intérêt et sa portée. Dans cette perspective, le Gouvernement prend aujourd'hui l’engagement de créer le groupe de travail que vous appelez de vos vœux.
Messieurs Yung et Godefroy, vous avez dénoncé l’abondance de la production normative. Dans le même temps, vous vous êtes montrés critiques à l’égard de ce texte, dont le champ vous semble trop ouvert. En particulier, vous déplorez qu’il prévoie d’habiliter le Gouvernement à recourir aux ordonnances.
Il me semble difficile de souligner la nécessité de simplifier le droit tout en stigmatisant, dans la même intervention, des mesures visant à une clarification du droit et à un allégement des procédures.
En matière de procédures, faut-il trouver des voies nouvelles ? Oui. Au fond, faut-il moins légiférer ? Oui. Faut-il définir de nouveaux modes d’intervention de la puissance publique ? À l’évidence, oui. Ne vous effrayez pas, monsieur le président de la commission des lois, je ne prétends pas que cela se fera d’un coup de baguette magique ! (Sourires.)