Mme Annie David. Mais surtout, l’introduction de ce statut comporte un véritable risque quant à la composition du corps hospitalier des établissements publics de santé.
En effet, si la rédaction actuelle prévoit que le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, le CPOM, signé par l’agence régionale de santé, fixe le nombre maximal, la nature et les spécialités des emplois, rien ne garantit légalement la présence dans chacun des services ou des pôles d’un nombre minimum de praticiens hospitaliers, c’est-à-dire de personnels relevant du statut public.
Il pourrait donc arriver que l’ensemble des professionnels soient des cliniciens hospitaliers, par exemple en matière de radiologie.
De la même manière, nous sommes très inquiets quant au mode de rémunération qui sera appliqué à ces cliniciens. En effet, le second alinéa de la rédaction proposée pour cet article du code de la santé publique prévoit expressément des éléments variables qui seront « fonction d’engagements particuliers et de la réalisation d’objectifs quantitatifs et qualitatifs ».
Ces termes du projet de loi nous inspirent deux observations.
Tout d’abord, nous nous étonnons de la précision d’objectifs individualisés. Il nous semble que cette capacité relève non pas de la relation individuelle, mais de la relation contractuelle, qu’elle dépend non pas de la compétence du directeur de l’établissement mais de celle du directeur de l’ARS.
Quant à la référence explicite aux éléments variables de rémunération directement associés à des objectifs quantitatifs et qualitatifs, nous y sommes opposés, madame la ministre. En dépit des propos, qui se voulaient rassurants, que vous avez tenus voilà un instant et de vos déclarations à l’Assemblée nationale, nous craignons que les cliniciens hospitaliers ne bénéficient d’une part variable en fonction de la réalisation d’actes à tarification importante ou en raison d’économies pratiquées sur certains actes dont la tarification est, quant à elle, insuffisante.
La notion même d’objectifs qualifiés, sur laquelle est assise une partie de la rémunération des médecins, nous semble contradictoire avec les objectifs du service public de la santé, qui sont la satisfaction des besoins en santé au meilleur coût et dans les meilleures conditions.
Nous avons déposé sur cet article un certain nombre d’amendements. Vous comprendrez donc que je réserve notre vote, qui sera fonction du sort qui leur sera fait.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. L’article 10 vise à rendre les établissements publics de santé plus attractifs, mais il sera, je le crains, inefficace.
M. Alain Vasselle. Ils sont deux à intervenir, sur l’article…
M. Guy Fischer. Vous n’êtes pas content, monsieur Vasselle ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. Mais si, au contraire ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Nous en profitons, car nous savons bien que le futur règlement limitera notre temps de parole !
M. Henri de Raincourt. Pas du tout !
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Comment un statut supplémentaire, quand bien même il reposerait sur des rémunérations variables, pourrait-il avoir une attractivité suffisante par rapport aux rémunérations pratiquées dans le secteur privé commercial, qui sont sans aucune mesure avec ce que pourraient proposer les établissements publics de santé, même après l’adoption de l’article 10 ? Telle est la question qui est au cœur de nos préoccupations.
Pourtant, le constat fait par le Gouvernement est bon. Les hôpitaux publics connaissent un véritable déficit. On estime à 20 % la part des postes de praticien à temps plein qui sont aujourd’hui vacants. Vous l’avez dit et répété, madame la ministre, et nous partageons ce constat.
En revanche, nous divergeons sur les réponses qu’il convient d’apporter. Nous considérons que, au lieu de créer un nouveau statut destiné à d’éventuels praticiens qui, exerçant dans le secteur privé commercial, accepteraient de venir travailler dans le public, il faudrait s’attaquer aux écarts de rémunération existant entre les médecins du secteur public et ceux du secteur privé commercial. Cela soulève la question de la tarification qui, dans bien des cas, n’a pas été revue depuis plusieurs décennies.
Nous avons reçu, tout comme nos collègues de la majorité sans doute, un abondant courrier de grands chirurgiens intervenant dans le secteur public et nous demandant de ne pas modifier les règles qui leur sont applicables en termes de dépassement d’honoraires. Ils n’hésitaient pas à mettre dans la balance la poursuite de leur activité dans les établissements publics.
Cette question était au centre des manifestations organisées l’an dernier à la suite desquelles la majorité a répondu aux revendications des personnels médicaux, plus particulièrement de tous ceux qui exercent des dépassements d’honoraires.
Pour notre part, nous sommes opposés aux dépassements lorsqu’ils constituent une véritable source de rémunération et que leur montant rend l’accès aux soins plus inégalitaire.
Madame la ministre, nous formulons une contre-proposition : nous vous suggérons de rendre la fonction publique réellement attractive, de reconnaître les compétences particulières des praticiens hospitaliers en revalorisant leur rémunération, de garantir aux médecins qui exercent dans les établissements publics de santé des conditions de travail de très grande qualité leur permettant d’associer pratique, éducation, c’est-à-dire enseignement, et recherche. Voilà une réponse ambitieuse.
À l’heure actuelle, la pratique des dépassements d’honoraires pèse sur tous ceux qui ne bénéficient pas d’une couverture maladie complémentaire de haut niveau. D’ailleurs, on se dirige aujourd’hui de plus en plus vers des complémentaires santé tarifées selon l’âge et les ressources dont dispose le malade, et ce afin d’obtenir des résultats intéressants.
Il faut bien le dire, dans ce système de tarification à l’acte et de dépassements d’honoraires, le « reste à charge » repose le plus souvent sur l’assuré, c’est-à-dire sur le patient lui-même, qui supporte la majeure partie de la dépense. Les plus démunis ne peuvent avoir accès aux soins et recevoir un remboursement important.
Madame la ministre, comment entendez-vous attirer des professionnels dans les hôpitaux publics dès lors que vous ne cessez, avec l’ensemble du Gouvernement, de stigmatiser le service public en l’accusant de toutes les lenteurs, de tous les maux, y compris du creusement des déficits ?
Il faudrait également que vous garantissiez aux praticiens hospitaliers que les conditions de travail ne se dégraderont pas, ce qui sous-entend que vous preniez les mesures nécessaires pour faire cesser le large plan social que connaissent les hôpitaux. En effet, ce que recherchent les praticiens hospitaliers, c’est non seulement une rémunération importante, mais également la qualité d’un entourage professionnel, d’un plateau technique compétent et d’un personnel en nombre. Ils veulent travailler, et on les comprend, dans des locaux entretenus, sécurisés, et disposer des appareils fonctionnant selon les nouvelles technologies, lesquelles évoluent chaque année. Cela appelle donc des moyens supplémentaires.
Telles sont les remarques que nous souhaitions formuler, madame la ministre.
M. Gilbert Barbier. M. Fischer défend les médecins, maintenant ?
M. Guy Fischer. Certains médecins, et ce n’est pas nouveau !
M. Gilbert Barbier. Si, c’est nouveau !
M. Guy Fischer. Nous ne sommes pas contre les médecins !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, c’est soit illusion, soit poudre aux yeux que de tenter d’appâter de jeunes médecins dans le service public hospitalier avec des moyens qui ne sont d’ailleurs pas très clairs. En effet, parallèlement à cela, vous permettez à de jeunes internes, par le biais d’un autre article, dans des situations de prétendu déficit de service public, d’aller travailler et se former dans des cliniques privées.
Or, tout le monde sait parfaitement que ces établissements privés cherchent à débaucher de jeunes internes ou des chefs de cliniques en fin de formation, en leur offrant des conditions de travail, en termes de gardes et de rémunérations notamment, bien meilleures qu’à l’hôpital. Ce n’est donc pas en faisant une chose et son contraire que vous allez relancer l’emploi à l’hôpital, notamment dans certaines spécialités bien précises !
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Blanc, sur l’article.
M. Paul Blanc. Madame la ministre, si j’ai bien compris, vous avez l’intention de faciliter l’accès des hôpitaux aux médecins étrangers. Quand je pense au nombre d’étudiants de première année de médecine qui sont « retoqués » par un numerus clausus que j’estime très insuffisant, je me pose des questions...
On me dit que ce quota va être augmenté mais que, dans la mesure où il faut une dizaine d’années pour former un médecin, il n’est pas possible de régler ce problème du jour au lendemain.
Gouverner, c’est prévoir, et nous sommes tous coupables de cette situation, le numerus clausus n’ayant pas été augmenté plus en l’an 2000 qu’au cours des dernières années.
Le rôle de notre pays est effectivement de former des médecins étrangers, car leur pays d’origine a souvent besoin d’eux. Et ce n’est pas en leur proposant d’entrer plus facilement dans les hôpitaux publics français qu’on leur rend service ! Il faudrait un jour ou l’autre abandonner le dogme, qui date dans notre pays des années quatre-vingt, selon lequel, pour faire baisser les dépenses, il faut diminuer l’offre. Madame la ministre, ce n’est pas en réduisant le nombre de médecins que vous résoudrez le problème des dépenses de sécurité sociale !
Je suis pour ma part tout à fait réservé sur le recrutement de médecins étrangers dans les hôpitaux tant que le numerus clausus n’aura pas été augmenté de façon substantielle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Blanc, vous avez raison de vouloir augmenter le numerus clausus. Nous l’avons déjà fait dans des proportions considérables, et je me suis fixé l’objectif de 8 000 étudiants reçus à l’issue de la première année de médecine à la fin de la mandature.
Ce n’est pas la volonté politique qui manque, ce sont souvent les capacités d’accueil dans les universités, d’autant que nous devons tenir compte de l’unification de la première année des études de médecine et de pharmacie, et que nous avons ensuite à trouver des lieux de stages. Tout cela n’est pas si facile !
Soyez assuré, monsieur Blanc, que, par rapport au dispositif que nous devons déployer en matière de démographie médicale, mes propositions ne résoudront pas tout. Prenez-les comme une opportunité, mais je ne les considère pas comme « solde de tout compte », et je souscris à un certain nombre de vos arguments.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Puisque les étudiants étrangers reçoivent un enseignement, pourquoi ne forme-t-on pas plus d’étudiants français ? Contrairement à M. Cazeau, je suis favorable aux stages effectués dans le secteur privé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Il faut éviter de dire des choses inexactes.
Le numerus clausus des étudiants a progressivement diminué entre 1980 – il était alors à son maximum – et 1996-1997 – les années Juppé – et 1998-2000. Il est ainsi passé de 8 000 dans les années 1980 – c’est l’objectif actuel de Mme la ministre, et cela signifie que les effets ne se feront sentir que dans dix ans – à 3 500 pour les années 1994-1996.
M. Paul Blanc. Je suis d’accord ! Tous coupables !
M. Bernard Cazeau. En plus, à cette époque, on a permis à des médecins de partir à la retraite à cinquante-huit ans avec des avantages non négligeables, en mettant en place le MICA, ou mécanisme d’incitation à la cessation d’activité anticipée des médecins. Comme vous l’avez dit justement, on pensait à ce moment-là que, moins les médecins étaient nombreux, moins les dépenses étaient importantes.
M. Paul Blanc. Je suis d’accord !
M. Bernard Cazeau. Aujourd’hui, il serait difficile de dire à ces étudiants des années 1996-1997 que, douze ans après, au moment de leur installation, alors que nous sommes dans le creux de la vague, on va leur faire payer les errements des ordonnances Juppé. Voilà la vérité ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Paul Blanc. Non ! Tous coupables !
M. Bernard Cazeau. Évidemment, cela vous gêne, mais c’est une décennie plus tard que les choses se paient. Je veux bien que l’on évoque la démographie, mais il faut dire exactement comment les choses se sont passées !
M. Paul Blanc. Je suis d’accord : tous coupables !
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 451, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer les I à VI de cet article.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet article a pour objet de poursuivre la transformation de l’hôpital public sur des valeurs qui ne sont pas les siennes. Après les modifications intervenues au cours des dernières années – je pense à l’état prévisionnel des recettes et des dépenses, à l’instauration de la tarification à l’activité, à l’institution des pôles de gestion –, nous assistons aujourd’hui à une véritable privatisation du mode de rémunération des médecins.
Il s’agit, avec ce cadre d’emplois, de créer un nouveau statut qui vient s’ajouter à l’entrée des médecins libéraux dans l’hôpital. Alors qu’il existait déjà six statuts à l’hôpital, il y en aura désormais huit, avec des rémunérations différentes. Il est évident que le fonctionnement de l’hôpital va en être considérablement perturbé, puisque les valeurs qui le fondaient, à savoir le travail en équipe et la rémunération salariale à la fonction, en dehors de toute référence à la productivité, sont en train de disparaître.
Vous avez dit, madame la ministre, qu’il n’était pas question de faire référence à la productivité. Or je ne vois pas comment on pourrait assujettir des salaires à des objectifs quantitatifs tout en bannissant toute référence à la productivité. C’est un mystère qui m’échappe !
Nous sommes opposés à ces nouveaux cadres d’emplois, et ce pour deux raisons essentielles.
Il ne nous paraît pas souhaitable de payer un médecin selon ses résultats. Celui-ci, dès lors, se trouve placé – j’ai déjà eu l’occasion de le dire, mais il ne me paraît pas inutile de le répéter – dans une situation conflictuelle au regard de la déontologie médicale
Par ailleurs, il faut rappeler qu’il n’y a pas d’obligation de résultat pour un médecin.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Sauf en chirurgie esthétique !
M. François Autain. Il n’est en effet pas envisageable de proposer un remboursement au patient pour un traitement qui n’aurait pas été efficace. En revanche, l’obligation de la mise en œuvre de moyens est opposable.
Cette disposition du projet de loi opère précisément une inversion des valeurs et des obligations du médecin en incitant ce dernier à faire l’impasse sur les moyens, qui conditionnent pourtant la dispensation de la bonne médecine, pour privilégier l’obtention des résultats auxquels il s’engage contractuellement. Ce n’est pas l’inscription de formules incantatoires dans une lettre de mission évoquant l’« indépendance professionnelle » ou la « qualité des pratiques » qui peut constituer un garde-fou efficace !
Une autre raison me semble devoir nous conduire à rejeter cette proposition. La possibilité ainsi offerte au praticien hospitalier qui exerce à l’hôpital d’opter pour ce nouveau cadre d’emploi rendra sans doute assez difficile la coexistence, dans une même équipe, de praticiens hospitaliers qui auront conservé leur statut et d’autres qui l’auront abandonné au profit du nouveau statut. Cela risque de créer des tiraillements au sein de ces équipes et de porter atteinte à la qualité des soins dispensés.
Enfin, le contrat sera individuel et non collectif ; l’intéressement qui en découlera sera donc individuel, contrairement à ce que vous avez prétendu la semaine dernière, madame la ministre, lorsque vous avez affirmé que les incitations, que les intéressements ne pouvaient être que collectifs et non individuels. Or, là, on encourage manifestement l’individualisme en l’organisant par la rémunération.
Je l’ai déjà indiqué, cette rémunération individualisée signe la fin de la médecine en équipe, qui, il faut le reconnaître, restait l’apanage de l’hôpital. Notons également au passage qu’elle rend plus complexe encore la cohabitation des différents statuts, dont le nombre a tendance à augmenter, en créant une huitième catégorie. De plus, elle s’inscrit en contrepoint des préconisations du rapport Berland, qui plaide pour l’harmonisation des statuts et des rémunérations.
Mme la présidente. L’amendement no 211, présenté par Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 2° du I de cet article, après les mots :
des pharmaciens recrutés par contrat
insérer les mots :
, après avis du président de la commission médicale d’établissement,
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement no 1245, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 6152-3 du code de la santé publique par une phrase ainsi rédigée :
Les médecins bénéficiant d’un contrat mentionné au 3° de l’article L. 6152-1 sont dénommés cliniciens hospitaliers.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement vise à dénommer « cliniciens hospitaliers » les praticiens détachés sur le nouveau cadre d’emploi contractuel. L’objectif est de leur donner une identité et d’accompagner ainsi la création de ce nouveau cadre.
En proposant à ces praticiens de s’engager sur des objectifs d’activité et de qualité, et de bénéficier en contrepartie d’une rémunération revalorisée, ce nouveau cadre de recrutement constitue un outil de rénovation de la gestion des ressources humaines à l’hôpital.
Je l’indiquais à l’instant, j’ai confié une mission au député Élie Aboud. Après la conclusion de cette mission, un décret précisera les conditions dans lesquelles seront recrutés ces praticiens. Dans les dispositions réglementaires, je prévois que le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière puisse assurer un suivi général de ces contrats et, dans le cadre de sa mission, veiller à la bonne gestion des carrières des praticiens détachés sur ce nouveau contrat. C’est une garantie supplémentaire.
Mme la présidente. L’amendement no 452, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer les deuxième et troisième alinéas du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 6152-3 du code de la santé publique.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la ministre, nous n’avons eu de cesse de dénoncer le risque que l’hôpital public ne devienne une entreprise. Les transformations proposées dans le projet de loi, les déclarations présidentielles et vos propos tenus dans cet hémicycle ne nous ont pas rassurés, loin s’en faut, d’autant que vous avez refusé tous nos amendements visant à encadrer l’exercice par les cliniques privées commerciales des missions de service public.
Tout cela nous fait craindre l’émergence d’une entreprise de soins dans laquelle les établissements publics et les établissements privés seraient indifférenciés, le public accueilli ne parvenant pas à opérer la distinction. Une telle confusion serait naturellement profitable à ceux qui peuvent en tirer richesse, bref aux établissements qui ne respectent pas les tarifs opposables.
Avec l’article 10, vous allez encore plus loin. Il ne vous suffit en effet pas de rendre progressivement indistincts les établissements publics et les établissements privés, il vous faut franchir un pas supplémentaire en favorisant l’emploi dans les établissements publics d’une part toujours plus importante de praticiens hospitaliers, c’est-à-dire de non-fonctionnaires embauchés de manière contractuelle.
Je ne reviendrai pas sur les propos de mon collègue et ami François Autain, qui a rappelé les raisons de fond de notre opposition au recours aux emplois contractuels pour les professions médicales. Je me contenterai donc de vous présenter cet amendement no 452.
Nous demandons la suppression de la disposition qui prévoit que le praticien hospitalier, ou « clinicien », bénéficie d’une part variable de rémunération, part établie en fonction de la satisfaction par le praticien à des engagements particuliers et à la réalisation d’objectifs quantitatifs et qualitatifs.
Même si vous prenez soin, madame la ministre, de préciser que ces engagements doivent être conformes à la déontologie – dans un tel contexte, cela apparaît un peu comme une clause de style –, la part variable de rémunération, que cet amendement vise à supprimer, nous semble incompatible avec les nécessités et les obligations propres au service public.
Mme la présidente. L’amendement no 579, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Au deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 6152-3 du code de la santé publique, supprimer les mots :
quantitatifs et qualitatifs
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Comme l’a dit tout à l’heure Mme la ministre, je pense qu’il faut bien marquer qu’il ne s’agit pas de fixer des objectifs de productivité. Mon amendement va donc tout à fait dans le sens de son intervention puisqu’il tend justement à supprimer les mots : « quantitatifs et qualitatifs » pour conserver uniquement la référence au code de déontologie, laquelle, au demeurant, a été introduite par la commission.
Dès lors que l’on se réfère au code de déontologie, les mots « quantitatifs et qualitatifs » ne se justifient plus, le code étant sur ce point suffisamment explicite pour qu’il ne soit pas besoin d’ajouter ces deux adjectifs.
Mme la présidente. L’amendement no 450, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le IV de cet article, remplacer les mots :
établissements de santé
par les mots :
établissements publics de santé
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le IV de l’article 10 modifie l’article L. 112-2 du code de la recherche, lequel dispose actuellement que « la recherche publique est organisée dans les services publics, notamment les établissements publics d’enseignement supérieur et les établissements publics de recherche, et dans les entreprises publiques ». La modification proposée vise à intégrer les établissements de santé à la liste des acteurs participant au service public de la recherche.
Les sénateurs du groupe CRC-SPG sont favorables à ce que les établissements de santé participent à la recherche publique, à la condition qu’il s’agisse des établissements publics de santé. Tel est donc le sens de notre amendement.
En effet, nous ne pouvons accepter que des établissements de santé privés commerciaux participent à la recherche publique. En relisant l’article 10, que je viens de commenter, vous vous apercevrez que, s’il était adopté, les seuls acteurs privés commerciaux seraient les établissements de santé privés lucratifs. Cela devrait tout de même nous inciter à nous interroger !
Pensez-vous réellement, mes chers collègues, qu’il nous appartient, sans avoir sollicité la commission des affaires culturelles, de décider d’ouvrir la recherche publique à des personnes morales de droit privé qui, de surcroît, peuvent poursuivre des intérêts autres que l’intérêt général ? Nous estimons que cette disposition sera inévitablement source de conflits d’intérêts.
Par ailleurs, je voudrais attirer votre attention sur le fait que la participation des établissements de santé privés à la recherche publique pourrait faire naître d’importants conflits juridiques sur la propriété des éventuelles découvertes effectuées pour le compte de la recherche publique.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous craignons que cette mesure ne relève en fait d’une opération de privatisation de la recherche publique, nous demandons un vote par scrutin public sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission note que nos collègues du groupe CRC-SPG ne demandent pas cette fois la suppression intégrale de l’article. Elle n’en est pas moins totalement opposée à la suppression des paragraphes I à VI, qui ont pour objet de faciliter le recrutement des praticiens hospitaliers, d’étendre à ces derniers des mesures dont leur statut réglementaire ne leur permettait pas jusqu’ici de bénéficier, et enfin de faciliter l’exercice en France de praticiens étrangers dès lors que leur formation présente toutes les garanties de qualité. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement no 451.
M. François Autain. Bien sûr ! M. Paul Blanc ne veut pas d’étrangers en France !
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement no 1245, madame le ministre, vise à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, modifié sur l’initiative du Gouvernement. Comme il existe déjà des praticiens contractuels dont le recrutement a été autorisé selon des modalités fixées en 1991, on peut tout à fait comprendre votre souci de donner, comme vous l’aviez indiqué à l’Assemblée nationale, une identité aux praticiens recrutés par le biais de ce nouveau contrat. Cependant, la commission des affaires sociales avait été gênée par le fait que la dénomination retenue ne s’appliquait qu’aux seuls médecins, alors que le nouveau statut d’emploi contractuel concerne tous les praticiens, et donc aussi bien les odontologistes que les pharmaciens hospitaliers. Elle avait donc supprimé la disposition que tend à rétablir cet amendement. N’ayant pas examiné ce dernier, elle s’en remet à la sagesse du Sénat.
La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement no 452 du groupe CRC-SPG. Elle est en effet consciente de la nécessité de rendre plus attractif l’exercice à l’hôpital, et elle a par ailleurs précisé que les engagements ou objectifs pouvant justifier une part variable de rémunération devraient être conformes à la déontologie médicale, ce qui devrait apaiser les craintes des auteurs de l’amendement.
La commission n’est pas non plus favorable à l’amendement n° 579, présenté par le groupe CRC-SPG. Elle souhaite que demeure dans le texte la référence à la réalisation d’objectifs quantitatifs et qualitatifs pour justifier une part complémentaire variable de rémunération.
Enfin, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement no 451. (Marques d’étonnement sur les travées du groupe CRC-SPG.)