Article 24 ter
(Texte non modifié)
L'article L. 3323-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si le débitant propose des boissons alcooliques à prix réduits pendant une période restreinte, il doit également proposer à prix réduit les boissons non-alcooliques susmentionnées. » – (Adopté.)
Article 24 quater
(Texte non modifié)
Après le 8° de l'article L. 3323-2 du code de la santé publique, il est inséré un 9° ainsi rédigé :
« 9° Sur les services de communications en ligne à l'exclusion de ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive, ni interstitielle. »
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mmes Payet et Morin-Desailly et MM. J.L. Dupont et Deneux, est ainsi libellé :
Remplacer le second alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« 9° Sur les services de communication au public en ligne des producteurs, des fabricants, des importateurs, des négociants, des concessionnaires, des entrepositaires, des distributeurs, des grossistes et des détaillants de boissons alcooliques, des éleveurs ou de leurs organisations professionnelles ou interprofessionnelles .
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du précédent alinéa, notamment les formats de publicité autorisés, eu égard aux différentes technologies utilisées. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Nous connaissons tous la puissance de répercussion du média internet, qui est capable de conjuguer les effets de la presse, du cinéma et de la télévision. C’est un média très prisé des jeunes : 57 % des jeunes de seize ans y ont un accès quotidien.
Affirmer que les sites dédiés à la jeunesse et au sport seront protégés est tout à fait illusoire, car internet est un média qui se joue des limites. Les jeunes ne surfent pas seulement sur ces sites, ils consultent aussi largement les sites dits « généralistes » et maîtrisent l’outil internet mieux que leurs parents.
Mme Anne-Marie Payet. Il est très bien d’interdire la vente d’alcool aux mineurs, mais il serait contradictoire d’autoriser en même temps une publicité à grande échelle sur internet, à l’heure où l’on constate que le nombre d’hospitalisations des jeunes dues à l’alcoolisation massive a augmenté de 50 % ces quatre dernières années. Il est paradoxal d’introduire une telle mesure dans une loi portant réforme de l’hôpital quand on sait qu’une consommation excessive d’alcool est détectée chez 20 % des patients hospitalisés dans les services de médecine et de chirurgie et chez 30 % des patients hospitalisés dans les services de psychiatrie.
Mon amendement ne lésera pas les alcooliers : ils pourront créer leur site, présenter leurs produits et les vendre à distance. Mais ces informations ne doivent pas figurer systématiquement sur d’autres sites. Évidemment, les jeunes pourront, de leur propre initiative, aller sur les sites des alcooliers, mais il s’agira alors d’une démarche volontaire. C’est déjà bien suffisant, et il ne faut pas que ces informations s’affichent partout de façon agressive !
C’est d’autant plus vrai que nous connaissons la puissance de la publicité en général : c’est un facteur déclencheur, et beaucoup d’anciens buveurs ont reconnu s’être remis à boire à cause de la publicité.
Je sais que certains pays l’autorisent déjà. Mais faisons le ménage d’abord chez nous ! Nos voisins européens sont en train d’étudier comment mieux contrôler la publicité, notamment sur internet. La France pourrait alors servir d’exemple ; ce ne serait d’ailleurs pas la première fois ! Elle ne doit pas s’engouffrer dans une voie dangereuse qui sera peut-être bientôt délaissée par ceux qui l’ont empruntée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Comme sur tous les amendements concernant ce sujet, l’avis de la commission est défavorable.
L’amendement no 40 tend à limiter la publicité sur internet aux sites liés à la filière et à la distribution, ce qui aboutirait à supprimer l’autorisation de faire la publicité des faits. (M. Gérard César acquiesce.) Or l’encadrement prévu est suffisant pour ce qu’il protège les sites destinés à la jeunesse. Au-delà, il est dans la nature même de la publicité de pouvoir être faite sur d’autres sites que ceux de la filière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je demande le retrait de cet amendement, pour les raisons que vient d’exposer M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat. J’en suis vraiment désolée, mais je me dois, à titre personnel, de voter contre l’amendement de ma collègue Anne-Marie Payet.
Sur les articles 23 et 24 du projet de loi, tant nos collègues de l’Assemblée nationale que les membres de la commission des affaires sociales ont effectué un travail de qualité et sont parvenus, à force de concessions, de négociations et de raison, à des positions mesurées prenant bien évidemment en compte l’éducation et la prévention.
La question de l’autorisation de la publicité sur internet pour les produits viticoles a fait l’objet de vives discussions à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement et nos collègues députés ont fini par trouver un compromis que les sénateurs membres de la commission des affaires sociales n’ont pas jugé opportun de modifier et qui prévoit déjà d’encadrer de façon rigoureuse la publicité pour le vin sur internet. Celle-ci, dans la rédaction issue des différents compromis, est exclue des sites destinés à la jeunesse et aux sportifs. Cette rédaction relève du bon sens et permet de protéger ces différents publics.
Ajouter de nouvelles restrictions reviendrait à condamner la filière viticole en la privant d’un outil essentiel à son développement. Comme vous l’avez justement souligné lors d’une interview récente, madame le ministre, il est impératif que nos producteurs luttent à armes égales avec les producteurs étrangers. Quel est l’intérêt de la publicité pour un vigneron si elle est limitée à son propre site ou à ceux des professionnels de la filière ? Pour exister, les producteurs ont besoin d’un référencement dans les moteurs de recherche, comme ils ont besoin de liens vers leur site internet. Les producteurs du monde entier y ont droit, et c’est en partie à cause de cette restriction que la France devrait être moins compétitive en 2009 sur le marché mondial du vin : alors qu’elle occupait la deuxième place du classement en 2008, elle se laisse distancer par l’Italie et l’Espagne.
En outre, la mesure qui nous est proposée condamnerait plus particulièrement les petits producteurs, pour lesquels internet est devenu aujourd’hui un moyen simple et efficace de promouvoir leur vin.
C’est pour cet ensemble de raisons que je souhaite, mes chers collègues, que nous en restions à la rédaction issue de l’Assemblée nationale, et que je voterai contre l’amendement no 40. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)
M. Gérard César. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. À titre personnel moi aussi, je soutiens totalement l’amendement de ma collègue Anne-Marie Payet, et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même.
L’année dernière, lors d’un débat similaire qui a eu lieu durant la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie, j’avais déjà eu, comme Anne-Marie Payet, l’occasion de dire mon opposition à la publicité sans restriction pour l’alcool sur internet. Ma position sur le sujet n’a absolument pas changé depuis le 9 juillet 2008 et mon explication de vote sur l’amendement de M. César qui portait le numéro 261.
Depuis qu’un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 8 janvier 2008 et un arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 février 2008 ont conclu à l’illégalité de la publicité sur les services de communications en ligne, nous nous attendions à voir le sujet resurgir. Il ressort régulièrement. Cependant, je dois l’avouer, je m’attendais d’autant moins à le voir réapparaître dans le volet « Prévention et santé publique » de ce projet de loi que, à l’origine, madame la ministre, vous affirmiez vouloir – je reprends vos propres termes – « renforcer la politique de prévention » et « protéger les plus jeunes, qui sont aussi les plus vulnérables » face à l’alcool.
Je m’étonne donc que vous soyez favorable à cet article, adopté à l’Assemblée nationale, qui autorise la publicité pour l’alcool sur internet. Quelle logique y a-t-il à proscrire la vente et la distribution gratuite d’alcool aux mineurs et à autoriser dans le même temps la publicité pour l’alcool sur internet ?
Contrairement à vous, je ne pense pas que la rédaction de cet article soit équilibrée. La proposition des députés d’exclure les sites destinés à la jeunesse pose peut-être un bon principe, ou part d’un bon sentiment, mais, incontestablement, n’est pas adaptée à la situation réelle.
M. Gérard César. Et pourquoi ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous le savez parfaitement, il n’existe aucune frontière sur internet, et les jeunes n’ont aucune difficulté à s’affranchir des sites qui leur sont prétendument dédiés.
Nos collègues représentant les régions viticoles, nombreux parmi nous aujourd’hui, nous alarment, comme chaque fois : le secteur viticole est en crise – constat que nous partageons pleinement, et nous sommes solidaires de leurs propos –, les petits producteurs français de vin ont besoin de la publicité et de l’internet dans le cadre de la concurrence mondiale. Mon sentiment est qu’en réalité ils se trompent.
Autoriser la publicité sur internet, ce serait en fait donner une arme aux grands groupes industriels, qui ont bien plus de moyens que les petits producteurs français pour s’offrir des campagnes publicitaires d’envergure. J’y insiste, comme déjà au mois de juillet 2008 : cette publicité ne touche pas seulement le vin, mais concerne tous les alcools, dont les alcools forts, y compris les alcools forts étrangers. Ces derniers pourront s’offrir des pages de publicité contre lesquelles nos petits producteurs ne pourront pas lutter.
Le lobby de l’alcool – appelons les choses par leur nom, et je ne vise pas les viticulteurs ! – ne cesse de dénoncer un prétendu hygiénisme moralisateur. Pourtant, la majorité de la population souhaite maintenir sous contrôle l’usage de l’alcool, prenant en considération les efforts des familles, des médecins, des éducateurs à la santé, des associations et même des élus locaux, qui, tous, travaillent à limiter les conséquences et les drames sanitaires et sociaux liés à l’alcool, en particulier chez les jeunes. Voilà quelques années, dans ma commune, j’ai créé, comme bien d’autres je suppose, un centre d’alcoologie. Il obtient d’excellents résultats, mais qui se cantonnent dans le plan curatif. Aujourd’hui, il faut remplacer le curatif par le préventif et, surtout, ne pas autoriser la publicité telle qu’elle est envisagée ici.
Je rappelle que l’alcool est la substance psychoactive la plus consommée en France et la deuxième cause de décès. Les boissons alcoolisées ne sont pas des produits alimentaires comme les autres. Elles sont impliquées dans 33 % des accidents mortels sur la route, notamment chez les jeunes, cette proportion s’élevant à 66 % le week-end, ainsi que dans de nombreux cas de violences, d’accidents du travail, de violences faites aux femmes : c’est bien souvent l’alcoolisme qui en est la cause immédiate !
Je rappelle aussi que la France est l’un des plus gros consommateurs de boissons alcooliques au monde. N’en déplaise à certains, réduire la consommation d’alcool est un enjeu prioritaire de santé publique. Alors que les inquiétudes face aux ravages causés par l’alcool chez les adolescents s’accroissent – au cours des dernières années, le nombre de comas éthyliques chez les moins de quinze ans a augmenté de 40 %, et les pratiques inquiétantes, comme la « biture express », se développent –, il n’est pas admissible que les actions de prévention et de sensibilisation soient balayées par l’autorisation de publicité sur le média préféré des jeunes.
Internet ne peut pas être tenu à l’écart de la lutte contre l’alcoolisme. Les mêmes règles doivent s’appliquer à tous les supports de communication, qu’ils soient écrits ou audiovisuels. C’est exactement l’objet de l’amendement de Mme Payet, qui vise à interdire la publicité tout en permettant la promotion sur les sites « des producteurs, des fabricants, des importateurs, des négociants, des concessionnaires, des entrepositaires, des distributeurs, des grossistes et des détaillants de boissons alcooliques, des éleveurs ou de leurs organisations professionnelles ou interprofessionnelles » : cela fait tout de même déjà beaucoup de monde ! Ainsi, rien n’interdira à nos producteurs viticoles d’avoir une vitrine sur internet, mais sans qu’il soit besoin pour eux de faire de la publicité et d’ouvrir cette publicité à tous les producteurs d’alcool.
Mes chers collègues, je vous invite, puisque nous débattons de questions de santé publique, à prendre tous ces éléments en considération.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Nous sommes quelques-uns, au sein du groupe socialiste, à ne pas être favorables à l’amendement no 40 et à considérer que le texte qui nous est proposé à l’article 24 quater est équilibré et constitue en quelque sorte un bon compromis. On encadre la publicité sur internet, on respecte les règles de santé publique, on permet aux professionnels des offices de tourisme, de la gastronomie et du monde de la viticulture de disposer de cet outil de travail performant qu’est internet.
Oui, la publicité sur internet sera encadrée. Le texte de l’article 24 quater est parfaitement clair : on ne pourra pas faire n’importe quoi, la publicité en faveur des boissons alcooliques sera autorisée « sur les services de communications en ligne », mais à l’exclusion de ceux qui « apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse » ou au sport, et « sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive, ni interstitielle ». C’est là une première barrière.
Il existe également une deuxième barrière de protection.
J’imagine que chacun ici connaît l’article L. 3323-4 du code de la santé publique, qui encadre le contenu de toute publicité en faveur des boissons alcooliques. On ne peut donc pas faire n’importe quoi ! La publicité est ainsi limitée à l’indication de la dénomination, de l’origine, du mode d’élaboration du produit ou des terroirs, ce qui veut dire qu’elle est informative et non incitative. De plus, un message sanitaire accompagne obligatoirement toute publicité.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, il y a deux barrières de protection, l’une pour les consommateurs, l’autre pour les jeunes.
Internet est un média qui permet à la fois de communiquer sur le vin et d’éviter certains publics, comme les jeunes, par exemple, ce qui n’est pas possible avec une campagne d’affichage, avec la radio ou avec les brochures. Au passage, je fais remarquer que les affiches, les radios et les brochures sont des supports publicitaires autorisés par la loi Evin à laquelle, nous dit-on ici, il ne faut pas toucher.
On ne subit pas la publicité sur internet.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas toujours vrai !
M. Roland Courteau. On y accède à la suite d’une démarche volontaire, d’un acte de recherche, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas sur la page d’accueil des moteurs de recherche !
M. Roland Courteau. … contrairement, je le répète, aux publicités par voie d’affichage, par exemple.
De plus, cela n’a rien à voir avec l’exposition subie par les jeunes lorsqu’il y a apparition de l’alcool dans un film. Notez que j’ai dit « apparition de l’alcool » et non publicité, puisque celle-ci est interdite au cinéma et à la télévision.
La publicité sur internet sera particulièrement encadrée, bien plus que celle sur les supports actuellement autorisés. Faut-il d’ailleurs rappeler que, jusqu’à la décision du TGI de Paris, en 2008, on s’en tenait à l’interprétation du Conseil d’État de 1998, fondée sur les débats parlementaires que nous avions eus ici sur la loi Evin ?
M. Gérard César. Eh oui !
M. Roland Courteau. Le Bureau de vérification de la publicité avait d’ailleurs suivi sur ce point le Conseil d’État. Qui s’en est plaint durant plus de dix ans ?
La publicité sur internet a donc été autorisée pendant toutes ces années sans le moindre dispositif de protection spécifique à l’égard des jeunes. Qui l’avait remarqué ? Désormais, avec l’article 24 quater, cette double protection existera.
Quant à l’amendement n° 40, je constate qu’il vise à limiter la publicité aux seuls services de communication en ligne des producteurs, des négociants et des grossistes, notamment. En somme, adopter cette disposition reviendrait à interdire aux internautes du monde entier de se servir des moteurs de recherche pour découvrir des sites consacrés à une région viticole et à sa production locale, ce qui fait pourtant souvent l’attrait d’un territoire. N’oublions pas non plus que pour nos petites exploitations, nos coopératives, qui ne peuvent s’adosser à un important réseau de distribution commerciale, internet représente un moyen moderne et précieux de faire connaître leur production.
Ainsi, seuls les producteurs français seront pénalisés. Les producteurs de vins espagnols, italiens, australiens, californiens, portugais ou argentins, quant à eux, pourront continuer à communiquer sur la grande toile mondiale, car ils ne seront pas soumis à des dispositions aussi contraignantes.
Toute la question est là, mes chers collègues : allons-nous nous tirer une balle dans le pied pendant que les autres pays producteurs continueront à faire de la publicité sur le net en faveur de leurs vins ? Trouveriez-vous normal que les internautes français, notamment les jeunes, puissent avoir accès aux vins de tous les pays, exceptés ceux des terroirs français ?
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à l’amendement n° 40.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Compte tenu des arguments qui viennent d’être développés par mon collègue et ami Roland Courteau, je serai bref.
J’ai écouté les partisans de l’amendement n° 40. Je voudrais simplement leur rappeler que l’application de la loi Evin nous conduit à des situations aberrantes. Ainsi, un magazine qui traite de gastronomie ne peut ni évoquer un vin ni en décrire les qualités sans être passible de poursuites devant les tribunaux pour cause de publicité ! Il en résulte que des médias refusent même de décrire un territoire viticole de peur d’être condamnés.
M. Gérard César. C’est vrai !
M. François Patriat. C’est insupportable, non seulement parce que c’est inéquitable, mais surtout parce que c’est préjudiciable économiquement.
Si tout ce que disent nos collègues est vrai, alors interdisons tout !
M. Gérard César. Eh oui !
M. François Patriat. Ne laissons pas même un petit coin de publicité histoire de se donner bonne conscience et de s’entendre dire ensuite : « Voyez, ils ont le droit d’en faire ! ».
Je vous le rappelle, mes chers collègues, la discrimination entre les grands et les petits alcooliers existe déjà de par la loi Evin. (M. Gérard César acquiesce.) Je vous invite d’ailleurs à venir à Beaune et dans ses environs – c’est une belle région – pour le constater.
M. Jean-Pierre Sueur. Bien volontiers !
M. François Patriat. Vous verrez sur le périphérique de la ville des affiches en quatre par trois pour la bière ou les grands alcools, accompagnées bien entendu d’un message de santé. À Gevrey-Chambertin, il y en a même une sur laquelle figure la mention suivante : « Vous entrez sur les terres du clan Campbell ». Dans le même temps, les vignerons ne peuvent pas faire de publicité pour leur vin. Voilà à quoi nous en sommes arrivés !
M. Gérard César. Eh oui !
M. François Patriat. Si l’on vous suit, ce sera la même chose avec internet. Qui pourra posséder des sites, qui pourra faire de l’internet intelligent, sinon les grands groupes ? Comment un Chinois ou un Japonais pourra-t-il découvrir un petit producteur des coteaux du Layon – région que vous connaissez bien, madame la ministre – ou de Bonnezeaux si les produits de ce dernier ne sont répertoriés par aucun moteur de recherche ?
Il s’agit non pas d’inciter à la consommation, mais de communiquer équitablement, efficacement, tout en respectant la santé publique. (Applaudissements sur diverses travées.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je voudrais rassurer M. Courteau. Quand on se sert d’un moteur de recherche, on trouve les sites publicitaires des professionnels.
Mes chers collègues, permettez-moi de faire une comparaison avec le débat que nous avons eu récemment sur le téléchargement. Au nom de la défense des droits d’auteur, internet a été considéré comme un lieu où devait s’appliquer la même règle que pour le livre ou les photocopies. Néanmoins, personne n’a avancé l’argument selon lequel les jeunes Français ne seront pas au même niveau que les jeunes d’autres pays où le téléchargement est possible.
Il y a donc deux poids et deux mesures. Pour les problèmes de droit d’auteur sur internet, le Sénat a voté le texte à la quasi-unanimité. Dès lors qu’il s’agit de santé, on vacille au rythme des bénéfices des viticulteurs.
M. Gérard César. Oh non !
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Payet. Nous le savons bien, cet article est surtout réclamé par les viticulteurs. Les sénateurs originaires des régions viticoles avaient d’ailleurs essayé à plusieurs reprises de faire adopter une disposition similaire à travers différents supports législatifs.
La viticulture est en crise, elle se dit même diabolisée par le lobby de la santé et se sert de ce prétexte pour proposer constamment des assouplissements à la loi Evin. Il n’empêche que la France reste le premier exportateur mondial de vin, …
M. Gérard César. Non, …
M. François Patriat. … le deuxième !
Mme Anne-Marie Payet. … surtout des grands crus, et je m’en réjouis.
La concurrence internationale joue pour les vins bas de gamme quand nos concurrents italiens et espagnols en produisent d’aussi bons et à moindre coût.
Les producteurs étrangers qui utilisent internet de façon intrusive et ciblée, notamment auprès des jeunes, sont avant tout des producteurs de bière et de spiritueux. Ma collègue Françoise Férat a donc tort de croire …
Mme Françoise Férat. Ah !
Mme Anne-Marie Payet. … qu’ouvrir internet à la publicité offrira aux viticulteurs français des armes égales à celles des producteurs étrangers. Non, le marché français sera livré aux armes de publicité massive des grands groupes industriels et des multinationales fabriquant de la bière et des spiritueux. D’ailleurs, ils restent silencieux. Ils laissent les viticulteurs revendiquer à leur place, mais ils savent que les principaux bénéficiaires ne seront pas les viticulteurs.
M. Jean-Pierre Godefroy. Exactement !
Mme Anne-Marie Payet. Mon amendement tend en quelque sorte à protéger les viticulteurs contre ces grands groupes. C’est pourquoi je le maintiens.
Je voudrais ajouter que c’est la première fois que j’entends parler de publicité descriptive. Si la publicité n’était que descriptive et non incitative, aucune entreprise ne dépenserait autant d’argent pour faire de la publicité.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !