M. François Marc. Ou « court-termiste », plutôt !
M. Eric Woerth, ministre. Par ailleurs, la maturité moyenne de la dette française a assez peu évolué : de 6 ans et 292 jours au 31 décembre 2008, elle est passée à 6 ans et 251 jours aujourd’hui.
En dehors des plafonds rigoureusement votés par le Parlement, le Gouvernement a besoin de conserver une souplesse infra-annuelle. Il faut en effet, d’une part, préparer des amortissements de titres à moyen ou long terme et, d’autre part, faire face à des dépenses imprévues – c’est le cas, par exemple, de retraits sur les comptes du Trésor qui n’ont pas été anticipés – ou à une dégradation des recettes – le rendement de l’impôt sur les sociétés a ainsi diminué de 20 à 25 milliards d’euros. Tous les instruments de financement possibles doivent alors être mobilisés, dont des titres de maturité inférieure à un an.
L’histoire récente et les derniers développements de l’actualité nous conduisent à penser que la procédure d’urgence prévue par cet amendement serait souvent déclenchée.
C’est pourquoi je vous propose un compromis qui me paraît à la fois efficace et utile : d’un côté, vous renoncez à instaurer un plafond de variation de la dette à court terme, qui semble inopportun, et, de l’autre, nous nous engageons à mieux structurer l’information délivrée au Parlement. En effet, contrairement au rapporteur spécial pour les engagements financiers de l’État, la plupart des membres de la commission des finances, y compris son président ou son rapporteur général, n’ont pas accès à l’ensemble de la documentation.
Il s’agirait donc d’instaurer un système de comptes rendus trimestriels, voire mensuels si vous le souhaitez, qui, à partir des chiffres précis des encours de la dette à court terme, expliqueraient les variations de celle-ci. L’information du Parlement sur les émissions de bons du Trésor à taux fixe serait ainsi accrue et vous auriez, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les éléments nécessaires pour interpeller le ministre et dialoguer avec l’Agence France Trésor.
Ces comptes rendus seraient aussi l’occasion de faire le point sur les obligations indexées, conformément au souhait que vous avez exprimé, ainsi que sur toutes les émissions qui vous semblent de nature à présenter un risque.
Je vous demande donc, monsieur Fourcade, de retirer cet amendement en contrepartie d’une information structurée sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Angels, pour explication de vote.
M. Bernard Angels. Vous avez parlé de « gestion raisonnable », monsieur le ministre. Or nous pensons précisément que cet amendement est raisonnable et qu’il est en outre indispensable si l’on veut rester fidèle à l’esprit de la LOLF. C’est pourquoi le groupe socialiste soutient cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Fourcade, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. François Marc. M. Fourcade étant raisonnable, il ne saurait retirer son amendement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Fourcade, au nom de la commission des finances. La réponse de M. Woerth me donne presque satisfaction…
Mme Nicole Bricq. Presque !
M. Jean-Pierre Fourcade, au nom de la commission des finances. Je retirerai mon amendement si le Gouvernement fournit chaque mois, à tous les membres de la commission des finances et à tous les parlementaires intéressés, les informations que je reçois déjà en tant que rapporteur spécial, à savoir la décomposition entre, d’une part, les emprunts à moyen et long terme et, d’autre part, les emprunts à court terme, c’est-à-dire les bons du Trésor.
Je précise toutefois que, dans le tableau des ressources de financement que nous votons chaque année, figurent, conformément à la LOLF, le plafond des emprunts à moyen et long terme, qui s’élève à 155 milliards d’euros pour 2009, et la variation des encours de bons du Trésor. Or je constate que cette dernière, fixée à 35 milliards d’euros, est déjà épuisée au 30 juin 2009. Par conséquent, nous avons voté un texte qui, aujourd’hui, n’a plus de sens. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Je souhaite donc que, dans le tableau que vous nous proposerez pour 2010, monsieur le ministre, la variation de l’encours de la dette à court terme soit beaucoup plus large, afin que le Parlement sache de quoi il retourne. Dans ces conditions, je pourrai retirer cet amendement, avec l’accord de M. le président de la commission des finances.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À l’évidence, la réponse de M. le ministre va dans le sens des préoccupations exprimées par les auteurs de l’amendement. Mais il ne fait guère de doute que la loi organique n’a pas totalement répondu aux espoirs du législateur.
Pour autant, il ne faut pas enfermer le Gouvernement dans un corset qui l’empêcherait de conduire une politique intelligente de gestion de sa trésorerie. Méfions-nous, mes chers collègues, de tout verrouillage excessif du pouvoir exécutif, alors même que le marché connaît parfois de très sensibles fluctuations.
Le législateur a prévu que l’on encadrerait l’endettement à plus d’un an. On voit bien qu’il peut être tentant d’échapper à cet encadrement en émettant des titres à moins d’un an, surtout quand les taux d’intérêt sont inférieurs à 1 % ! C’est une tentation à laquelle peu de trésoriers peuvent résister, et c’est sans doute conforme à l’intérêt de l’État.
En définitive, seule l’information du Parlement importe véritablement, et elle suppose une reddition des comptes quasiment en temps réel, éventuellement mensuelle.
Je ne crois pas remettre en cause la qualité de cet amendement en disant que sa rédaction reste perfectible. En l’occurrence, il y a sans doute matière à une modification de la loi organique relative aux lois de finances, modification qui permettrait de mieux asseoir la politique globale d’endettement. Les documents actuels ne rendent pas vraiment compte de la situation : c’est ce que Philippe Marini appelait, la semaine passée, en commission, « l’insoutenable légèreté de l’endettement » ! (Sourires.) Il avait bien raison !
À mon sens, le retrait de cet amendement ne constituera pas un préjudice majeur, mais la suggestion de nos collègues MM. Marini et Fourcade pourrait être vue comme l’amorce d’une proposition de loi organique modifiant celle du 1er août 2001 sur ce point particulier, ainsi que sur celui que je vais avoir l’occasion d’évoquer dans quelques instants. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. En commission, nous avons voté cet amendement avec nos collègues de la majorité, ce qui est assez rare.
M. Nicolas About. C’est même inquiétant ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Nous lui attribuons une portée essentielle pour l’information de tous les membres de la commission des finances et du Parlement.
Vous invitez à son retrait, monsieur le président de la commission, et nous pourrions considérer que cela justifierait une réunion de la commission. Mais surtout, s’il est effectivement retiré, nous aurons le sentiment d’avoir été instrumentalisés. Il pourrait d’ailleurs en aller de même pour l’amendement suivant, que vous défendrez tout à l'heure et que nous avons approuvé en commission.
Ces amendements posent des questions de fond sur les déficits et sur la dette. Il est dommage que nous n’allions pas au bout de la discussion en séance publique. Il n’y aurait rien de dramatique à ce que la majorité et le Gouvernement qu’elle soutient soient en désaccord, d’autant qu’il s’agit plus d’une divergence de forme que de fond. À moins que ce retrait ne cache autre chose, ce qui serait regrettable…
M. Nicolas About. Il n’y a pas de désaccord ! Il y a juste une question et une réponse satisfaisante du Gouvernement !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet, j’aurais pu demander une suspension de séance afin de réunir la commission des finances, madame Bricq. Mais je ne crois pas trahir l’esprit des délibérations de la commission en indiquant que les auteurs de l’amendement avaient conscience du caractère perfectible de leur initiative.
Mme Nicole Bricq. Ils avaient une semaine pour améliorer le texte !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certes, mais nous ne sommes pas réunis aujourd’hui pour adopter une disposition d’ordre organique, qui suppose davantage de travaux préparatoires.
Il s’agissait largement d’un amendement d’appel dont l’objet était de recueillir en séance publique l’avis du Gouvernement. La préoccupation première était que nous soyons informés en temps réel de la politique conduite par le Gouvernement pour assurer le financement du déficit et l’amortissement des dettes. C’est pourquoi, chère collègue, je n’ai pas jugé opportun de réunir la commission des finances cet après-midi.
Mme la présidente. Qu’en est-il en définitive de l’amendement n°1, monsieur Fourcade ?
M. Jean-Pierre Fourcade. Je le retire, madame la présidente.
M. Éric Woerth, ministre. Vous m’avez devancé en retirant l’amendement, monsieur Fourcade. Mais, de nouveau, je précise que nous sommes prêts à fournir des éléments structurés d’information, tous les mois si vous le souhaitez.
Nous devons dissiper les malentendus : ceux d’entre vous, nombreux, qui ont fait partie d’un gouvernement savent que l’exécutif doit disposer d’une certaine souplesse de gestion. Il n’exerce pas le même métier que le pouvoir législatif. Cela ne me semble pas gênant dès lors que des comptes rendus transparents permettront au Parlement de contrôler et, le cas échéant, de rectifier la politique menée.
Je vous propose donc de vous communiquer, de manière organisée, et mensuellement s’il le faut, l’évolution de l’encours des BTF.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :
Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La charge budgétaire correspondant au coût représentatif de l'amortissement de deux pour cent de la dette financière de l'État est inscrite chaque année en loi de finances au titre 4 de la mission "Engagements financiers de l'État" du budget général.
La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Cet amendement répond à la même préoccupation que celle qui a inspiré les auteurs de l’amendement précédent. Il s’agit en l’occurrence de l’amortissement de l’emprunt.
La loi organique a considéré ce problème en prévoyant que l’amortissement apparaîtrait dans l’article d’équilibre. Mais cet amortissement peut être financé par la souscription, à due concurrence, d’autres emprunts. Autrement dit, on pratique là une sorte de « médecine douce », indolore, qui n’altère pas le déficit budgétaire. L’évolution de la dette publique n’en reste pas moins fondamentalement préoccupante, monsieur le ministre : elle est passée de 20 % du PIB en 1980 à 40 % autour de l’an 2000, et elle se dirige gaillardement vers 100 %... Cette tendance est insoutenable, intenable.
Afin de faire œuvre de pédagogie, il me semble nécessaire de faire apparaître dans la loi de finances initiale un montant d’amortissement minimal qui affecte le solde budgétaire.
Je ne pense pas qu’il soit insensé d’envisager d’amortir la dette en cinquante ans… L’inscription, en loi de finances initiale, de la charge budgétaire correspondant au coût représentatif de l’amortissement de 2 % de la dette financière de l’État équivaudrait à un peu plus de 20 milliards d’euros. De la sorte, chacun de nos concitoyens comprendrait bien l’urgence et la nécessité de réduire les dépenses publiques ou, à défaut, de dégager des recettes permettant l’amortissement de notre endettement.
Il faut accorder nos actes aux discours que nous tenons ici même, au Sénat, et peut-être ailleurs.
Monsieur le ministre, je reconnais bien volontiers qu’il s’agit là d’une contribution bien modeste. Cependant, inspirée par un souci de sagesse, elle se veut pédagogique, afin que nul n’ignore la nécessité impérieuse de commencer à rembourser la montagne de dettes que nous avons accumulées.
Mme la présidente. Monsieur Arthuis, je vous redonne aussitôt la parole, mais cette fois pour que vous donniez l’avis de la commission sur l’amendement que vous venez de présenter. (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je suis à la limite du conflit d’intérêts ! (Nouveaux sourires.)
Je dirai que, lorsque la commission s’est réunie à quatorze heures, il y avait consensus parmi ceux de ses membres qui étaient présents pour considérer que cet amendement allait dans la bonne direction et pour souhaiter qu’il soit débattu en séance publique,…
Mme Nicole Bricq. Et voté !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … afin que le Gouvernement puisse donner son avis.
M. Jean-Claude Frécon. Serait-ce encore un amendement d’appel ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En quelque sorte !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Eric Woerth, ministre. Il s’agit là d’un beau sujet, qui mériterait un débat plus approfondi.
Cela étant, je me permettrai de faire remarquer à l’auteur de l’amendement que, en dégradant le solde budgétaire, l’adoption de cette disposition conduirait à une augmentation des dépenses, ce qui n’est pas exactement le but visé.
En outre, le mécanisme proposé constituerait une innovation sur le plan comptable : une entreprise ne comptabilise pas ses remboursements de capital ; elle l’amortit et, en face de cet amortissement, il y a sans doute des emprunts, mais ce mécanisme n’est pas envisageable sur le plan budgétaire.
De la même manière que nous n’intégrons pas le remboursement du capital comme dépense, nous n’intégrons pas l’emprunt comme recette. Si l’on raisonnait en termes de solde, il faudrait alors intégrer l’un et l’autre : le remboursement du capital et l’emprunt y afférent, lequel constituerait alors une recette.
Par principe, un emprunt est destiné à être remboursé. C’est pour cette raison qu’il n’est pas considéré comme une charge et qu’il n’est pas inscrit dans les comptes d’exploitation.
Monsieur Arthuis, déroger à cette règle modifierait profondément la logique comptable en vigueur. Puisque vous êtes un expert dans ce domaine, je vous propose que nous en discutions.
Je comprends bien la logique qui sous-tend l’inscription, chaque année en loi de finances, de la charge budgétaire correspondant au coût représentatif de l’amortissement de 2 % de la dette financière de l’État. Toutefois, l’emprunt n’aura pas été remboursé au bout de cinquante ans et le solde n’aura pas été ramené à zéro. Dans cette logique, sans doute serait-il préférable d’inscrire le montant réel du remboursement et l’emprunt auquel il correspond. Le solde serait alors proche de zéro. Ce serait sans conséquence, sauf, éventuellement, sur la norme de dépense.
Monsieur Arthuis, votre amendement me laisse donc assez dubitatif. Vous ouvrez un débat tout à fait légitime et vous avez parfaitement raison de vous interroger sur la nature juridique du remboursement du capital : est-il ou non une charge ? En réalité, il me semble qu’on ne peut véritablement le considérer comme une charge dans la mesure où le remboursement intégral de l’emprunt conduit de fait à en revenir à la situation ex ante. Au fond, la charge correspond au coût de l’emprunt, déterminé par le taux d’intérêt.
En l’état, compte tenu de l’importance que représentent les charges d’emprunt pour notre pays, il me paraît préférable d’approfondir cette question avant de décider quoi que ce soit. Je ne suis pas opposé à ce qu’un groupe de travail commun au ministère du budget et à la commission des finances du Sénat soit constitué à cette fin.
Mme la présidente. Monsieur Arthuis, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, j’entends bien vos arguments : en effet, les entreprises n’inscrivent pas dans leur compte de résultat l’amortissement de leurs emprunts. Néanmoins, elles y inscrivent l’amortissement de leurs investissements productifs constitués par les matériels, les équipements, etc. Rien de tel en comptabilité budgétaire.
En la matière, la règle d’or consiste à éviter tout déficit de fonctionnement. Pour autant, l’équilibre budgétaire en l’absence de tout déficit de fonctionnement ne permet pas de commencer à rembourser le moindre centime de dette. Dès lors, si l’on veut que la dette soit éteinte au bout de cinquante ans, objectif plein de sagesse, il faut non seulement équilibrer les comptes, mais encore inscrire chaque année en loi de finances, dans une optique pédagogique, la charge budgétaire correspondant au coût représentatif de l’amortissement de 2 % de la dette financière de l’État. Nous en sommes loin !
Mes chers collègues, comment pourrions-nous songer à conduire des réformes structurelles si nous ne parvenons pas à faire passer ce message auprès de l’opinion publique ? Nos compatriotes doivent être informés sans ambigüité de ces données budgétaires. Si nous voulons parvenir à nos fins, il ne suffit pas de nous en tenir au « zéro volume » : c’est en euros courants que les dépenses devront être stabilisées ! Là encore, nous sommes très loin de cet objectif.
D’autres pays, en Europe, ont procédé à des réformes. À cet égard, la révision générale des politiques publiques est une démarche extrêmement louable. Toutefois, si je m’en tiens aux impressions que nous avons retirées de nos auditions, je ne suis pas sûr que tous vos collègues du Gouvernement, monsieur le ministre, se la soient appropriée de manière égale. C’est dire si nous mesurons à sa juste valeur votre engagement et les difficultés auxquelles vous êtes confronté. Il est donc très heureux que vous puissiez poursuivre ce que vous avez entrepris.
Nous devons tous prendre part à cet effort. Lorsque nous aurons à déterminer les dotations aux collectivités territoriales, il nous faudra être conscients des contradictions que nous aurons à concilier. Ce sera une vraie épreuve !
Cet amendement n’a d’autre objet que de mettre en lumière une situation pour qu’on cesse de se raconter des histoires, de gesticuler, de faire de l’illusionnisme, et pour qu’on entre enfin dans le vif du sujet. Cela ne veut pas dire que vous n’y êtes pas entré, monsieur le ministre, mais ce que nous avons encore à accomplir dépasse largement ce que nous redoutons.
J’ai conscience que mon amendement est perfectible. (Sourires.) Sans doute conviendrait-il, cher Jean-Pierre Fourcade, que nous nous mettions dès demain au travail, avec toutes celles et tous ceux d’entre vous qui le souhaitent, mes chers collègues, pour améliorer la loi organique relative aux lois de finances sur ce point. À défaut, je crains que, par commodité, nous ne nous dissimulions la gravité de la situation. À cet égard, la LOLF n’est pas le levier que nous pensions avoir mis à la disposition du Gouvernement et du Parlement pour surmonter nos difficultés.
C’est bien dans cet esprit que j’avais présenté mon amendement devant la commission, que je ne crois pas nécessaire de réunir de nouveau, madame Bricq. (Sourires.) Toujours est-il que je le retire (Marques de déception feinte sur les travées du groupe socialiste), tout en me réjouissant qu’il ait suscité, une fois n’est pas coutume, une telle adhésion de votre part, chers collègues du groupe socialiste ! (Nouveaux sourires.) Cela veut dire que nous allons dans la bonne direction !
Tâchons de faire preuve du même enthousiasme unanime lorsqu’il s’agira de réduire les dépenses et de tendre vers l’équilibre budgétaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 2 est retiré.
Article 10
L'article 112 de loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase, après le mot : « organismes », sont insérés les mots : « en milliers d'euros lors des trois années précédentes » ;
2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Cette liste est complétée par une justification de l'évolution des coûts de fonctionnement. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Comme vous, monsieur le président de la commission, je déplore que, chaque année, la loi de règlement soit si maltraitée par le Parlement.
Mon groupe considère qu’il n’y a pas un petit hémicycle, un moyen hémicycle et un grand hémicycle, mais qu’il y a un débat en séance publique. Or la loi de règlement ne parvient pas, et nous le disons depuis des années, à trouver son espace de parole et de débat dans cet hémicycle. C’est fort dommage dans la mesure où elle constitue un moment de vérité. Malheureusement, la réforme du règlement intérieur de notre assemblée n’a rien changé à cet état de fait.
Monsieur le ministre, en réponse aux arguments qu’a développés brillamment, au nom de notre groupe, Bernard Angels, vous nous avez dit que le problème tenait aux différences existant entre les méthodes de la Cour des comptes et celles du Gouvernement. Je ne sais pas s’il s’agit d’un problème de méthode, mais les faits sont cruels et les chiffres sont têtus, pour paraphraser un ancien Premier ministre.
Aussi, monsieur le président de la commission, nous regrettons que ces deux amendements aient été retirés, car ils soulevaient un problème de fond, celui de nos déficits et de notre dette, dont l’ampleur s’aggrave certes en raison de la conjoncture, mais qui n’en demeurent pas moins fondamentalement structurels.
Vous nous mettez en appétit en commission, appelant notre attention sur ce problème, et puis, en séance publique, vous retirez le plat ! Nous restons donc sur notre faim !
Sur le fond, je voudrais maintenant vous détailler les raisons de l’opposition du groupe socialiste à ce projet de loi de règlement.
Je ne rappellerai pas les propos que nous avons tenus lors de l’examen de la loi de finances initiale et n’irai pas jusqu’à affirmer que les projections qu’elle contenait étaient insincères. Néanmoins, force est de constater que, année après année, nous avons vécu dans l’illusion des prévisions macroéconomiques. C’est particulièrement vrai cette année Cela pose le problème des hypothèses sur lesquelles est bâti le projet de loi de finances initiale et qui, chaque année, se révèlent fausses. Cela se vérifiera de nouveau lorsque nous examinerons le projet de loi de règlement pour l’année 2009.
Monsieur le président de la commission, vous nous enjoignez de cesser d’écouter les illusionnistes. J’ignore où ils se trouvent, mais si l’on reprenait les déclarations faites par les uns et les autres lors de l’examen de la loi de finances initiale, on verrait alors sur quel bord se situe la raison.
Les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste sont les ennemis farouches des déficits et de la dette, et ce pour trois raisons.
Premièrement, d’un point de vue structurel, la dette et la charge qu’elle engendre – car, pour payer les intérêts de la dette, on s’endette encore davantage, ce qui est fort préjudiciable –, obèrent toutes les marges de manœuvre budgétaires. Ceux qui en pâtissent, ce sont les plus pauvres, qui n’ont que le capital public pour vivre.
Cette opposition de fond n’est pas nouvelle ; nous l’avons régulièrement exprimée ces dernières années. Sans vouloir anticiper sur le débat d’orientation budgétaire de demain, je vous demande de l’entendre, monsieur le ministre.
J’ajoute que vous n’êtes pas à un congrès du parti socialiste : vous êtes devant des membres de la commission des finances et du groupe socialiste qui savent de quoi ils parlent. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
La deuxième raison de notre opposition est d’ordre plutôt conjoncturel. La France abordera la sortie de crise de manière très déficiente. Notre pays est entré dans la crise avec un appareil productif affaibli, une dette très élevée, des déficits considérables. Notre sortie de crise sera nécessairement entravée par la situation de nos comptes publics.
La troisième raison tient à notre avenir européen. L’Europe peut-elle durablement supporter que, de part et d’autre du Rhin, on conduise des politiques budgétaires contraires ? Continuer ainsi remettrait en cause l’avenir de la zone euro. Il faut le dire : la France et l’Allemagne ne peuvent pas durablement mener des politiques économiques et budgétaires qui vont dans des sens différents.
L’euro nous a protégés et continue de nous protéger : vous connaissez notre analyse de la crise. Mais on ne peut pas poursuivre sur la même voie. De ce point de vue, les deux amendements présentaient un intérêt non pas technique ou juridique, mais politique. Il faut savoir donner un signal. Faute d’avoir adopté ces amendements, nous ne l’aurons pas fait avec cette loi de règlement.
Comme nous l’avions indiqué lors de la discussion du projet de loi de finances initial, nous voterons contre ce projet de loi de règlement, encore une fois bien maltraité dans cet hémicycle.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 195 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 179 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
Le projet de loi est donc définitivement adopté.