M. Richard Yung. Aux termes de la présente proposition de loi, le référendum prévu en cas de décision unilatérale de l’employeur n’intéresse que « les personnels concernés par cette dérogation ».
C’est méconnaître le fonctionnement des grandes surfaces et l’activité qui s’y déploie.
Les « personnels concernés » ne sont pas seulement les vendeurs ou ceux qui tiennent les caisses. Ce sont aussi les salariés qui s’occupent du réassortiment, des têtes de gondoles, du service après vente, de la maintenance, de la sécurité et du nettoyage, même si vous me rétorquez que ces tâches sont souvent sous-traitées à d’autres entreprises. S’y ajoutent les personnels administratifs et tous ceux qui verront leur charge de travail augmenter du fait du travail dominical.
L’impact de la mesure sera sensible pour tous ces salariés, et nous devons penser à eux. Seront-ils consultés par référendum ou seront-ils les victimes d’une inégalité supplémentaire, obligés de travailler le dimanche en même temps que les personnels de vente, mais sans y avoir consenti ?
Nous souhaitons donc modifier la rédaction de cet article de façon que l’ensemble des personnels soient consultés par référendum.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Sur l’amendement n° 30, monsieur Yung, je vous rappelle que, dans les PUCE, le travail sera autorisé le dimanche seulement si un accord collectif négocié au préalable prévoit des contreparties pour les salariés ou si des compensations ont été approuvées par un référendum d’entreprise.
Quoi qu’il arrive, je le répète, les magasins ne pourront ouvrir faute d’accord ou de référendum, donc en l’absence de contreparties importantes pour les salariés. Il est donc tout à fait excessif, me semble-t-il, d’affirmer que le travail dominical pourra être organisé unilatéralement par les employeurs.
C'est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 31, vous voudriez que tous les salariés de l’entreprise, même ceux qui, éventuellement, ne travailleraient pas le dimanche, soient consultés.
La proposition de loi prévoit que seuls les salariés concernés participent au référendum, car certains ne seront jamais affectés par l’ouverture dominicale, par exemple les personnels administratifs.
Il serait très difficilement admissible que le vote de ces salariés puisse, le cas échéant, tenir en échec un projet d’accord qui serait approuvé majoritairement par les personnels intéressés !
Mme Raymonde Le Texier. On a bien compris !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Si votre amendement était adopté, monsieur Yung, les salariés qui voudraient travailler le dimanche et qui, par conséquent, répondraient majoritairement par l’affirmative à la question posée par référendum, risqueraient d’être pénalisés par des personnels qui ne seraient absolument pas concernés par la mesure, mais qui pourraient les empêcher de s’organiser comme ils l’entendent !
Cette disposition ne me semble pas acceptable. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Pour compléter les propos de Mme le rapporteur, nous pouvons imaginer que, à l’inverse, des personnels qui ne seraient pas affectés par cette mesure imposent par référendum le travail du dimanche à des salariés qui le refusent et qui, eux, seraient concernés !
Si l’amendement de M. Yung était adopté, la situation n’en serait pas simplifiée, mais compliquée.
J’en reviens toujours à la question des négociations salariales. Je suis surpris que certains refusent de faire confiance aux discussions menées entreprise par entreprise.
Je rappelle pourtant que cette pratique est conforme à la loi sur la représentativité syndicale, qui a été votée par l’opposition.
M. Jean Desessard. Non !
M. Xavier Darcos, ministre. Si, monsieur Desessard. Certains contestent ici un mécanisme de représentativité qu’ils ont approuvé.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
5
Communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer des textes sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte et du projet de loi relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d’ordonnances sont parvenues à l’adoption de textes communs.
6
Engagement de la procédure accélérée sur un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État, déposé sur le bureau de notre assemblée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Repos dominical
Suite de la discussion et adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés sur l’article 2.
Article 2 (suite)
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, après le mot :
compensateur
insérer les mots :
équivalent en temps
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement de cohérence tend à préciser que, en cas de décision unilatérale de l’employeur, approuvée par référendum, le repos compensateur accordé devra être d’une durée équivalente à celle du travail dominical. Si la compensation salariale atteint 100 % du salaire, il n’y a aucune raison pour ne pas respecter un taux identique en termes de repos compensateur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mon argumentation reste inchangée : je souhaite laisser les partenaires sociaux négocier la durée du repos compensateur et le niveau des majorations salariales. Une fois encore, place à la négociation ! Et si celle-ci n’aboutit pas, il est procédé à un référendum.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Cette précision est superfétatoire.
Mme Raymonde Le Texier. Non !
M. Xavier Darcos, ministre. Il va de soi, aux termes de la proposition de loi, que le repos compensateur accordé au salarié est équivalent au nombre d’heures de travail effectuées le dimanche.
Dans ces conditions, l’amendement est satisfait (Mme Raymonde Le Texier le conteste.), et le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 205 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 149 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 59, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
« L'amplitude horaire d'ouverture des établissements dérogeant au repos dominical ne peut excéder une durée de sept heures.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Ne souhaitant pas faire perdre de temps à notre assemblée, je serai bref. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Cet amendement vise à fixer une amplitude horaire maximale d’ouverture pour les établissements qui dérogent au repos dominical. Il concerne les seuls PUCE.
La création de ces périmètres a été justifiée par l’existence de certaines habitudes de consommation. Les consommateurs, en particulier, n’auraient pas le temps d’effectuer un certain nombre d’achats importants durant la semaine, notamment des « gros achats » tels que les achats d’ameublement ou d’électroménager. Bien évidemment, je me place ici dans la logique de la majorité, qui n’est pas la mienne, et vous verrez à l’occasion des explications de vote que je ne partage pas du tout ce point de vue !
Mais si ces achats sont exceptionnels, ils n’ont pas besoin d’être réalisés sur une trop grande amplitude horaire ! On pourrait donc prévoir un créneau d’ouverture des établissements allant de dix heures à dix-sept heures, ce qui correspond à la durée habituelle d’une journée de travail pour un régime de 35 heures hebdomadaires.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ah ! les 35 heures !
M. Jean Desessard. Cette amplitude est largement suffisante pour permettre aux consommateurs d’effectuer leurs achats exceptionnels du dimanche.
Cet amendement a donc pour objet de limiter l’amplitude horaire d’ouverture à sept heures.
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le dimanche, l'amplitude horaire des salariés ne peut dépasser sept heures de travail. Les pauses et les coupures étant intégrées dans le décompte des heures travaillées et rémunérées comme des heures de travail effectif.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement est identique à l’amendement n° 92, précédemment défendu par Mme Éliane Assassi s’agissant du travail le dimanche dans les établissements de vente au détail situés dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle.
Il vise, s’agissant des PUCE cette fois, à limiter l’amplitude horaire pour le travail dominical à sept heures de travail, les pauses et les coupures étant intégrées dans le décompte des heures travaillées et rémunérées comme des heures de travail effectif.
Il s’agit, pour notre groupe, de veiller à ne pas étendre outre mesure le travail du dimanche des salariés, en dérogeant à la règle de droit commun du repos dominical. Cette journée de travail dominical doit rester une journée de travail exceptionnelle. Nous entendons faire en sorte qu’elle ne se transforme pas en une journée de travail comme les autres.
Monsieur le ministre, tout à l’heure, beaucoup d’amendements étaient en discussion commune, et je n’ai donc pas entendu votre réponse quant à cet amendement tendant à limiter l’amplitude horaire dans les zones touristiques. Mais j’attends votre réaction sur le présent amendement, qui vise à instaurer des dispositions identiques pour les PUCE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Le code du travail limite déjà l’amplitude de la journée de travail des salariés : ceux-ci ne peuvent travailler plus de dix heures par jour et bénéficient obligatoirement de onze heures de repos consécutives.
Il n’y a pas lieu de prévoir une règle particulière qui s’appliquerait uniquement aux commerces installés dans les PUCE. Je ne vois pas pourquoi on imposerait une telle contrainte dans ces zones, alors qu’on ne l’impose pas ailleurs, à d’autres commerces, voire à d’autres métiers.
Mme Annie David. Évidemment, vous avez refusé l’amendement n° 92 !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 59 et 105.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Il partage l’avis de la commission. Amplitude horaire, récupération, repos,… tous ces éléments sont fixés dans le code du travail, mais également dans les accords d’entreprise.
Le fait que nous traitions cette question de la dérogation au repos dominical ne change rien à la règle générale et aux accords de branche qui peuvent être établis dans ce domaine. Il n’y a donc aucune raison d’adopter un amendement particulier sur ce sujet.
Mme Annie David. Le dimanche devient donc un jour comme les autres !
M. le président. L'amendement n° 107, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail par les mots :
à la condition que l'accord prévoit des contreparties plus favorables que celles fixées par la décision mentionnée à l'alinéa précédent
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous nous sommes déjà exprimés à de nombreuses reprises, au cours de nos débats, sur le sens que nous entendons donner à la négociation.
Pour les membres du groupe CRC-SPG, la loi doit être l’édifice de base permettant la protection des droits et intérêts des salariés. La négociation doit permettre à ces derniers d’obtenir des contreparties au niveau de la branche ou de leur entreprise, et non, comme c’est actuellement le cas, de permettre aux employeurs d’échapper à des obligations légales devenues de fait obsolètes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous avons eu en commission un débat intéressant sur ce sujet. À cette occasion, j’ai expliqué que cet amendement me paraissait inutile. Pourquoi les partenaires sociaux signeraient-ils un accord moins avantageux que les dispositions dont les salariés bénéficient déjà ?
Il est vrai que certaines et certains d’entre nous, surtout sur les travées du groupe CRC-SPG – je pense en particulier à Mme David –, se sont interrogés à juste titre sur ce point, arguant que, en cas de menace de dépôt de bilan, le chef d’entreprise pourrait demander à ses salariés de faire un effort.
Je vous avais alors répondu très sincèrement et très franchement que ce serait le seul cas où il pourrait éventuellement être demandé aux salariés de travailler dans des conditions peut-être moins avantageuses que celles qu’ils avaient auparavant, et ce pendant un temps limité.
Mais dans ce cas, chacun prend ses responsabilités : cela relève de la négociation, et il nous faut laisser faire les partenaires sociaux !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. L’instauration de contreparties légales n’a été prévue que pour suppléer l’absence de négociations collectives, en particulier dans les petites entreprises.
En revanche, ce régime n’a pas vocation à contraindre les partenaires sociaux. La négociation doit reprendre toute sa place dès lors que les conditions d’un accord collectif sont réunies dans une entreprise.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut être que défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mme Le Texier, M. Desessard, Mme Printz, M. Jeannerot, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Khiari et Blondin, MM. Caffet, Yung, Daudigny, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, remplacer les mots :
une durée limitée
par les mots :
trois ans
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Il s’agit d’un amendement de précision relatif à la durée de l’autorisation de dérogation délivrée par le préfet.
Cet amendement a pour objet de limiter à trois ans les autorisations de dérogation délivrées par le préfet, dans le cadre de l’article L. 3132-20 ou de l’article 3132-25-1, concernant les PUCE.
Dans le texte actuel de l’article L. 3132-20, la mention fort imprécise de « durée limitée » est déjà utilisée. Dans la mesure où le Gouvernement propose une extension importante de la capacité de dérogation du préfet, une limitation à cette durée nous paraît nécessaire.
Il est vrai que la rédaction sans doute un peu hâtive de la proposition de loi aboutit à ce qu’il soit précisé, dans l’article L. 3132-25-6, que les autorisations prévues à l’article L. 3132-25-1 sont accordées pour cinq ans. Nous présumons donc qu’il en sera ainsi.
Or, comme nous l’avons déjà indiqué, aucune étude d’impact préalable n’a été réalisée. On ignore donc quelles pourront être les conséquences de la création des PUCE sur les collectivités territoriales, sur le tissu économique, ainsi que sur le plan social.
Il est par conséquent nécessaire que les autorisations préfectorales puissent être réexaminées avec une périodicité suffisante pour mesurer les conséquences a posteriori de la création des PUCE, et sans doute les dégâts occasionnés. Le délai de trois ans nous semble plus approprié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Vous préféreriez ramener de cinq ans à trois ans la durée de l’autorisation de dérogation délivrée par le préfet.
La durée de cinq ans prévue dans la proposition de loi paraît appropriée à la commission : elle permet aux établissements titulaires d’une autorisation de bénéficier d’une certaine stabilité dans le temps. La commission qui sera instituée observera les conséquences de la mise en place des PUCE et réalisera une étude.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, remplacer les mots :
intéressés de la commune
par les mots
des secteurs d'activité concernés
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 60, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, insérer une phrase ainsi rédigée :
Le refus de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l'attribution ou non d'augmentations de salaires et ne peut déterminer l'attribution de primes.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, nous entendons préciser que « le refus de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l'attribution ou non d'augmentations de salaires et ne peut déterminer l'attribution de primes. »
Il ne suffit pas de proclamer que le volontariat existe, encore faut-il garantir qu’il n’y aura pas d’inégalité de traitement entre les salariés qui accepteront de travailler le dimanche et ceux qui ne se seront pas portés volontaires.
En cas de licenciements, ce sont souvent les salariés les « moins souples », selon le vocabulaire souvent utilisé pour justifier les choix patronaux, qui seront les premières victimes du plan social. Il en ira de même pour les augmentations de salaires ou les primes, désormais individualisées : il est en effet très rare qu’elles soient générales et réparties de manière égalitaire.
Dès lors, le refus du travail dominical par les salariés pourrait entrer en ligne de compte. Or, ce choix, qui peut être personnel, est aussi souvent un choix contraint : une femme qui élève seule ses enfants et qui touche un petit revenu n’a pas d’autre solution que de ne pas travailler le dimanche – nous l’avons souvent dit –, de même qu’un père qui élève lui aussi seul ses enfants ou que toutes les personnes qui ne perçoivent que de petits salaires.
Or, malgré toutes les lois votées sur le sujet, les femmes subissent encore, malheureusement, une discrimination salariale. Nous parlons ici d’un secteur – le commerce de détail – où les salaires ne dépassent souvent pas le SMIC et où les salariés travaillent fréquemment à temps partiel. Si ceux qui refusent le travail dominical ne bénéficient pas d’une augmentation de salaire, contrairement à ceux qui l’accepteront, l’écart salarial entre hommes et femmes sera encore massivement creusé.
En l’état, le texte ne suffit pas à garantir la libre expression de la volonté des salariés et à protéger les candidats à l’embauche contre des discriminations, ainsi que les salariés en poste contre des décisions de l’employeur comme le non-renouvellement des CDD ou la modération salariale.
La fixation des rémunérations, l’attribution de primes d’assiduité ou de « présentéisme », d’ancienneté, de primes à échéance annuelle, notamment, relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’employeur. Dans la mesure où celui-ci peut individualiser les salaires, et ce dans la limite des pratiques discriminatoires, comment s’assurer qu’il ne défavorise pas sans le dire le salarié qui ne souhaite pas travailler le dimanche ?
En dehors du cas manifeste et illicite où l’employeur aura mis en place, dès l’embauche, une prime de choix pour le travail dominical, n’y aura-t-il pas d’autres moyens de différencier, par le biais de primes notamment, le salaire de ceux qui acceptent de travailler le dimanche ?
Par notre amendement, nous proposons donc de préciser que le refus de travailler le dimanche ne peut pas faire l’objet d’une mesure de discrimination salariale, que ce refus ne peut avoir d’influence sur l’attribution de primes et leurs montants, primes dont chacun sait aujourd’hui qu’elles sont devenues, pour un grand nombre de salariés, une part non négligeable de leurs rémunérations.
M. le président. L'amendement n° 108, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, par une phrase ainsi rédigée :
Le refus du salarié de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l'attribution ou non d'une augmentation de salaire et ne peut déterminer l'attribution de primes et leur montant.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement est de la même veine que celui qui a été défendu par M. Jean Desessard. Il vise à compléter la rédaction proposée par cet article 2 pour l’article L. 3132-25-4 du code du travail, en précisant que « le refus du salarié de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l’attribution ou non d’une augmentation de salaire et ne peut déterminer l’attribution de primes et leur montant. »
Eu égard aux situations parfois difficiles que peuvent rencontrer des salariés dans leurs relations avec leur employeur, une telle précision s’impose à notre avis.
En proposant de placer cette disposition impérative dans la rédaction présentée par ce texte pour l’article L. 3132-25-4 du code du travail, c’est-à-dire la disposition censée réaffirmer le volontariat du salarié, nous entendons faire de cette interdiction de sanction un corollaire au volontariat.
Il ne saurait en effet y avoir de réel volontariat si le texte ne précisait pas que le fait de traiter différemment un salarié au seul prétexte qu’il aurait refusé de travailler le dimanche était constitutif d’une violation de la loi..
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ces deux amendements sont parfaitement satisfaits par la disposition tendant à prohiber toute discrimination à l’encontre d’un salarié refusant de travailler le dimanche, disposition qui figure noir sur blanc dans le texte de la proposition de loi. La commission souhaite donc leur retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Ces amendements n’ont pas lieu d’être, puisque le texte de la proposition de loi est extrêmement précis : « Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. »
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 60 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 108 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-4 du code du travail, par une phrase ainsi rédigée :
Les dispositions du contrat de travail qui prévoient le renoncement automatique ou occasionnel du salarié à son droit au repos dominical, sont réputées nulles et non écrites et ne peuvent par conséquent pas lui être opposées.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La notion de volontariat, derrière laquelle le Gouvernement s’abrite pour imposer une dérégulation supplémentaire, ne nous convient pas. Elle ne satisfait pas non plus les organisations syndicales.
Nous avons, au cours de nos débats, abordé cette question à maintes reprises, avec une démonstration qu’il me paraît important de renouveler ici : selon nous, il ne peut y avoir de réel volontariat dans une société marquée par une explosion de la précarité, une hausse croissante du chômage – chaque jour charrie en effet son flot de 2 000 suppressions d’emplois – et un amoindrissement continu des protections du code du travail.
Cette situation économique et sociale, qui pèse sur la vie de nos concitoyens, ne peut pas être sans conséquences sur leurs décisions professionnelles.
Je tiens à rappeler que, selon un sondage réalisé l’an dernier, en octobre 2008, 60 % de nos concitoyens avaient peur de devenir SDF.
« Plus la crise économique s’installe dans la durée, plus la peur progresse. Car elle envahit la réalité, surtout pour les femmes qui élèvent seules leurs enfants, ou les retraités », estime la psychanalyste Michèle Sébal.
On retrouve là les femmes qui constituent une famille monoparentale et qui composent, rappelons-le, la majorité des salariés de la grande distribution.
Nous savons également que certains employeurs pourraient être tentés de profiter de cette situation. Ainsi, au Royaume-Uni, une compagnie aérienne a demandé à ses salariés de travailler gratuitement. Là encore, on a fait appel au volontariat ; mais est-ce acceptable pour autant ? Je ne le crois pas.
Les organisations syndicales avaient alors dénoncé le risque de voir s’élaborer des listes différenciant les salariés : d’une part, les bons, les volontaires, qu’il faudrait savoir remercier le temps venu, et, d’autre part, les autres.
C’est précisément pour éviter ce genre de situation que doivent être prévues dans la loi un certain nombre de règles impératives, telle que celle que nous proposons au travers de cet amendement.
Nous ne sommes pas à l’abri, dans notre pays, de telles situations extrêmes. Une enseigne spécialisée dans la vente de produits culturels, située sur les Champs-Élysées et ouverte le dimanche, a déjà prévu, dans l’article 7-6 de l’avenant à sa convention interne, l’obligation de travailler le dimanche, et en précise les modalités pratiques. Voilà ce que certains employeurs de grandes entreprises font de ce volontariat ! Elles ont bien compris qu’il ne s’agissait que d’une pure façade !
Au regard de cette situation, qui n’est sans doute pas unique, nous considérons que notre amendement est utile.