M. le président. L’amendement n° 81, présenté par Mmes David, Gonthier-Maurin, Pasquet et Hoarau, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 337-3-1 du code de l’éducation, remplacer les mots :
quinze ans
par les mots :
seize ans
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement tend à rétablir à seize ans l’âge à partir duquel les élèves peuvent suivre une formation en alternance.
J’ai bien entendu les explications de M. le secrétaire d’État et de M. le rapporteur, ainsi que les demandes d’assurances du président Gouteyron, mais le dispositif qui nous est présenté ne parvient pas à nous rassurer.
En effet, permettez-moi de vous rappeler que l’application des dispositions relatives à l’apprentissage junior, votées en 2006, qui tendaient à permettre à des jeunes de quatorze ans d’intégrer les centres de formation en alternance, les CFA, a été suspendue par le président Sarkozy. Il s’est rendu compte, à l’instar du Gouvernement et de l’administration de l’éducation nationale, qu’elle n’était tout simplement pas possible ni souhaitable.
Bien que nous n’ayons pas approuvé la notion de « bloc de compétence », qui désigne le socle minimal de connaissances que tout enfant devrait maîtriser à l’issue de la scolarité obligatoire, j’observe que le déroulement des acquisitions est continu jusqu’à l’âge de seize ans – soit le niveau de la classe de troisième du collège. Si on laisse sortir les jeunes plus tôt pour intégrer un CFA afin qu’ils découvrent le monde professionnel, qu’adviendra-t-il des enseignements qu’ils auraient dû suivre au collège et qui ne sont pas dispensés au sein du CFA ? Vous avez beau prévoir la possibilité d’un retour à un cursus scolaire, vous savez très bien que ce retour s’effectuera dans de mauvaises conditions, puisque les élèves concernés ne maîtriseront pas les connaissances normalement enseignées lors de l’année qu’ils n’auront pas suivie au collège et qui seront considérées comme acquises. Ces jeunes en difficulté se trouveront donc un peu plus « enfoncés » dans leur situation d’échec.
Pour aider les jeunes beaucoup trop nombreux qui « décrochent » – et appartiennent aux familles les plus démunies, car les familles qui ont les moyens de payer des cours de rattrapage à leurs enfants ne sont pas concernées par ce dispositif –, plutôt que de les envoyer dans un CFA ou dans une « école de la deuxième chance », il faudrait créer, au sein de l’éducation nationale, de véritables classes de remédiation où ces jeunes, encadrés par de véritables professionnels de l’enseignement, pourraient atteindre le niveau qu’ils ne parviennent pas à atteindre en suivant le cursus normal. Trop de jeunes « loupent » leur scolarité et nous les retrouvons ensuite dans nos missions locales.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission spéciale, j’ai le sentiment de parler dans le vide, pourtant ce sujet est important, car beaucoup de jeunes quittent le système scolaire en difficulté ; or vous nous proposez non pas de les aider, mais de les enfoncer encore plus. Laisser un jeune quitter l’école à quinze ans, c’est le priver de toute chance de réussite et nous ne serons jamais d’accord avec vous sur ce point ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. L’avis est défavorable, car l’intérêt du dispositif que nous avons adopté, comme l’a rappelé le président Gouteyron, consiste à encourager la transition entre milieu scolaire et milieu professionnel en permettant une familiarisation dès l’âge de quinze ans, sans attendre que l’élève ait atteint la seizième année.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 13 bis BB.
5
Désignation des membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de la délégation à la prospective
M. le président. Je rappelle que les groupes politiques ont présenté leurs candidatures pour la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et pour la délégation à la prospective.
La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Dominique Braye, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. François-Noël Buffet, Jean-Patrick Courtois, Philippe Dallier, Éric Doligé, Pierre Hérisson, Pierre Jarlier, Alain Lambert, Antoine Lefèvre, Roland du Luart, Rémy Pointereau, Bruno Sido, René Vestri, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Yves Daudigny, Didier Guillaume, Edmond Hervé, Claude Jeannerot, Yves Krattinger, Serge Lagauche, Jean-Jacques Mirassou, Jean-Claude Peyronnet, François Rebsamen, Mme Dominique Voynet, M. Yves Détraigne, Mme Jacqueline Gourault, M. Hervé Maurey, Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-François Voguet, Jean-Michel Baylet, Jacques Mézard, Bruno Retailleau membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ;
- MM. Gérard César, Alain Chatillon, Jean-Claude Etienne, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Fabienne Keller, Élisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, Michel Thiollière, André Villiers, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Jean-Pierre Caffet, Marc Daunis, Gérard Miquel, Daniel Raoul, Jean-Pierre Sueur, Mme Patricia Schillinger, MM. Denis Badré, Christian Gaudin, Mme Odette Terrade, MM. Jean-Pierre Chevènement, Philippe Darniche membres de la délégation à la prospective.
Pour la délégation à la prospective, je vous rappelle qu’en sont également membres quinze de nos collègues que le Sénat avait nommés le 4 novembre 2008 à la délégation pour la planification :
- MM. Pierre André, Gérard Bailly, Joël Bourdin, Philippe Leroy, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-François Mayet, Philippe Paul, Bernard Angels, Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Lozach, Mme Bernadette Bourzai, M. Joseph Kerguéris, Mme Evelyne Didier, M. Yvon Collin.
6
Orientation et formation professionnelle tout au long de la vie
Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission spéciale)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 13 bis B.
TITRE IV BIS
EMPLOI DES JEUNES
Article 13 bis B
I. - L’article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Ces stages sont intégrés à un cursus pédagogique, selon des modalités définies par décret. » ;
2° À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».
II. - Après le deuxième alinéa de l’article L. 611-5 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il vérifie que les tâches confiées aux étudiants par les conventions de stages en entreprise, visées par l’article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, soient en adéquation avec leur formation à l’université. »
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par Mmes David, Gonthier-Maurin, Pasquet et Hoarau, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le 2° du I de cet article, remplacer le mot :
deux
par le mot :
un
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les sénatrices et sénateurs de mon groupe entendent saluer l’évolution importante que constitue cet article, notamment dans son 2° qui prévoit la rémunération des stagiaires dès le deuxième mois de travail.
Si cette disposition va dans le bon sens, nous ne pouvons toutefois nous en satisfaire, car nous considérons que les stagiaires, qui effectuent le plus souvent un vrai travail, devraient pouvoir bénéficier d’une rémunération dès le premier mois d’activité.
La situation des stagiaires reste aujourd’hui très précaire, car la rémunération dont nous parlons n’est en réalité qu’une gratification qui n’excède pas 390 euros par mois. Pour eux, se projeter dans l’avenir est difficile, d’autant plus qu’ils se rendent bien compte qu’ils effectuent dans leurs entreprises un travail réellement créateur de richesses.
Les stagiaires de notre pays ont besoin d’une véritable réforme d’ampleur. Il faut agir vite, car le nombre de stages ne cesse de croître et leur durée d’exploser. Ainsi, on a progressivement assisté à la substitution de stages de six mois à ceux de trois mois, quand certaines écoles de commerce n’hésitent plus à proposer à leurs élèves – qui, bien souvent, acquittent d’importants frais de scolarité – des stages d’un an prenant la forme d’une année de césure.
La réalité, monsieur le secrétaire d’État, est la suivante : gratifications insuffisantes, tardives, allongement des durées des stages, stagiaires occupant de véritables postes de travail ; entreprise enchaînant stages sur stages pour ne pas embaucher de salariés sous contrat à durée déterminée... Voilà un bref panorama de la réalité du stage en France.
Notre amendement est certes modeste, face à ces enjeux, mais nous ne doutons pas qu’avec les dispositions contenues dans ce projet de loi il constituera un signe positif en direction de celles et ceux qui se sont, à raison, autoqualifiés « génération précaire ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Le projet de loi abaisse déjà à deux mois le délai au terme duquel l’employeur doit verser une gratification au stagiaire. Un décret de juillet 2009 a déjà institué cette mesure dans le secteur public. Cet article représente donc, en l’état, une avancée certaine…
M. Guy Fischer. Nous le reconnaissons !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. …qui se traduira, il ne faut pas se le cacher, par un coût supplémentaire pour les entreprises. Il me semble donc qu’il ne convient pas d’aller au-delà pour l’instant. Aussi, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Même avis. Il faut trouver un bon équilibre, afin de permettre le maintien d’un certain niveau d’offres de stage, correctement rémunérées. Je remercie toutefois l’auteur de l’amendement d’avoir salué cette avancée à laquelle le Gouvernement tenait.
M. le président. L’amendement n° 167, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Cet amendement est purement technique, il tend à éviter d’alourdir exagérément la procédure dans l’encadrement des stages hors cursus, en renvoyant l’édiction de ces dispositions au règlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Puisqu’il s’agit d’un amendement purement technique et que je ne suis pas un grand technicien, je m’en remettrai à la sagesse de notre assemblée. Je précise qu’il s’agit évidemment d’un avis de sagesse positive.
M. Alain Gournac. Ah ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 13 bis B, modifié.
(L’article 13 bis B est adopté.)
Article 13 bis
L’État peut, en association avec les régions, conclure des conventions d’objectifs sur le développement de la formation des jeunes par l’alternance avec les entreprises ou avec les organisations syndicales et associations les représentant au niveau des branches professionnelles. Ces conventions comprennent notamment des engagements sur le taux de jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus en formation par l’alternance et présents dans leur effectif que les entreprises ou les organisations et associations susmentionnées s’engagent à atteindre aux échéances du 1er janvier 2012 et du 1er janvier 2015.
Ces conventions déterminent également les conditions dans lesquelles la réalisation des engagements pris est évaluée. Au plus tard trois mois avant chacune des deux échéances mentionnées au premier alinéa, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur cette réalisation. Au regard de l’écart existant, pour l’ensemble de l’emploi privé et pour les principales branches professionnelles, entre le taux de jeunes en formation par l’alternance présents dans les effectifs et le taux de 5 %, le Gouvernement peut alors présenter au Parlement, si nécessaire, un projet de loi comportant les mesures destinées à atteindre ce taux de 5 %.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, sur l’article.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de ma participation aux travaux de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, j’ai évoqué un certain nombre de points qui me tenaient à cœur et que nous retrouvons dans le projet de loi relatif à la formation professionnelle.
Cependant, le projet de loi n’aborde pas la situation des jeunes en milieu carcéral. M. le haut-commissaire, Martin Hirsch, avait convenu qu’il était important de réfléchir au devenir de ces jeunes qui se retrouvent en prison, dépourvus de qualification, et qu’il fallait penser à leur formation.
J’avais donc déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 13 bis dont l’objet était de prévoir une formation obligatoire pour les détenus âgés de 16 à 25 ans, condamnés à des peines ne pouvant excéder trois ans.
M. Guy Fischer. Ce serait bien !
Mme Françoise Laborde. Il s’agissait de mieux les encadrer en les contraignant à accéder à une formation qualifiante afin de limiter les risques de récidive.
Je suis désolée de constater que l’article 45 de notre nouveau règlement renvoie directement à l’article 40 de la Constitution et qu’un amendement qui se voit opposer l’irrecevabilité financière ne peut faire l’objet d’une discussion collective dans l’hémicycle. Nous aurions peut-être pu déposer un sous-amendement supprimant le caractère obligatoire que je préconisais, ce qui aurait permis de franchir une première étape et sans aggraver outre mesure la charge publique.
Néanmoins, tout en regrettant cet état de fait, je me réserve la possibilité de redéposer mon amendement lors de l’examen d’un prochain texte, peut-être celui qui reprendra les dernières recommandations du comité de réflexion sur la justice pénale présidé par M. Léger – enfin, si cela sert encore à quelque chose, compte tenu de ce qui a été dit lors de l’ouverture de cette séance ! J’en profite pour signaler que je partage la surprise et le mécontentement de mes collègues socialistes et communistes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. L’article 13 ter a été supprimé par la commission.
Article 13 quater
À titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2011 et dans des départements dont la liste est fixée par voie réglementaire, le représentant de l’État dans le département conclut avec les personnes visées aux articles L. 5323-1 et L. 5323-2 du code du travail des conventions d’objectifs comportant des engagements réciproques des signataires.
Ces conventions déterminent :
- des objectifs d’identification des offres d’emploi non pourvues dans le bassin d’emploi considéré ;
- des objectifs de mutualisation au sein du service public de l’emploi des données relatives au marché du travail ainsi recueillies ;
- des objectifs de placement des demandeurs d’emploi en fonction des offres d’emploi identifiées ;
- des objectifs d’accompagnement dans l’emploi des personnes embauchées et les modalités selon lesquelles ces personnes peuvent bénéficier d’actions de formation.
Ces conventions prévoient [...] les indicateurs quantitatifs et qualitatifs associés à la définition des objectifs.
Elles déterminent également le processus d’évaluation contradictoire des résultats obtenus au regard des objectifs fixés.
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2011, un rapport évaluant la présente expérimentation.
M. le président. L’amendement n° 83, présenté par Mmes David, Gonthier-Maurin, Pasquet et Hoarau, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous sommes très mécontents !
Plusieurs sénateurs UMP. Oh !
M. Guy Fischer. En effet, aux termes de l’article 13 quater, que notre amendement tend à supprimer, les préfets pourront, « à titre expérimental » – les mauvais coups commencent toujours par une expérimentation…
M. André Trillard. Sauf le marxisme !
Mme Annie David. C’est une tactique !
M. Guy Fischer. … – conclure des conventions d’objectifs avec les organismes privés de placement pour l’identification des offres d’emplois non pourvues et le placement des demandeurs d’emploi en fonction des offres ainsi identifiées.
Bref, pour faire simple, cet article permet à l’État, représenté par le préfet, de passer outre l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail, c’est-à-dire Pôle emploi.
La fusion de l’ANPE et des ASSEDIC au sein d’un organisme unique, Pôle emploi, était déjà un premier mauvais coup.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Après cette fusion, après l’ouverture au secteur privé, on assiste ici à une nouvelle phase de privatisation…
M. Dominique Braye. Pas de gros mots, cher collègue ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Parce que le terme « privatisation » est un gros mot ? Vous l’employez pourtant tous les jours !
M. Guy Fischer. Quand j’entends Dominique Braye réagir, je suis sûr d’être dans la vérité !
M. Jean Desessard. C’est un baromètre !
M. Guy Fischer. Je dois dire que la justification de cette expérimentation dans le rapport de notre collègue Carle ne manque pas de sel, puisqu’il faudrait recourir à de tels opérateurs privés en période de crise pour mobiliser l’ensemble des forces. Reconnaissons que le service public de l’emploi rencontre effectivement des difficultés, en raison d’une fusion précipitée – mais quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage, (M. Dominique Braye s’exclame), on fait entrer le loup dans la bergerie et cela a bien sûr des conséquences !
En raison de cette fusion précipitée, mais aussi d’un manque chronique de personnel et de formations internes, le service public de l’emploi est donc particulièrement désorganisé à l’heure actuelle : il est même submergé, car la crise que nous connaissons aggrave encore les difficultés de Pôle emploi dans ce deuxième semestre.
Surtout, vous justifiez ce recours aux opérateurs privés en arguant du fait que ceux-ci « participent » au service public. J’insiste sur l’euphémisme car, évidemment, sous couvert de participer au service public, il s’agit en fait de le tuer ! La participation des organismes privés au service public sert de prétexte à une véritable substitution.
C’est donc la curée. Combien y a-t-il, en effet, d’établissements privés susceptibles de se repaître des dépouilles de Pôle emploi ? (Oh ! sur plusieurs travées de l’UMP) Trente-sept, auxquels on a déjà confié la gestion de plus de 300 000 dossiers de chômeurs ! C’est donc une attaque frontale de Pôle emploi, qu’on asphyxie. On serre le garrot et, ainsi, on tue Pôle emploi, pour le démanteler. (Oh là là ! sur les mêmes travées.) Voilà la vérité !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. C’est pourquoi, malgré l’adoption de l’un de nos amendements, nous ne pouvons accepter le maintien de cet article, d’autant que plusieurs missions prévues par ces conventions ressemblent aux missions complémentaires effectuées par l’AFPA, que vous entendez démanteler ; nous y reviendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bravo, monsieur Fischer !
Mme Maryvonne Blondin. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Contrairement à ce que vous dites, mon cher collègue, je pense que les opérateurs privés de placement participent au service public de l’emploi…
M. Alain Gournac. Et c’est très bien !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. … et c’est effectivement une bonne chose. Je crois quelque peu nécessaire, en période de crise, de s’affranchir des dogmes…
M. Dominique Braye. Ils n’en sont pas capables ! Les dogmes, c’est ce qui les fait vivre !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. … et de mobiliser toutes les énergies au service de l’emploi. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
C’est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Cet amendement avait été porté, à l’Assemblée nationale, par le rapporteur M. Cherpion.
Nous avons aujourd’hui recours à des opérateurs privés de placement dans deux domaines. S’agissant des contrats autonomie, l’État s’est appuyé, dans le cadre de marchés publics, sur des prestataires, ce qui permet quand même d’épauler des jeunes des quartiers difficiles qui en ont besoin. Pour sa part, comme M. Fischer l’a rappelé, Pôle emploi a besoin de tous les renforts possibles dans la période actuelle.
Va-t-on, pour de simples raisons idéologiques – que je respecte – refuser à des opérateurs privés de placement, qui n’ont plus d’activité et s’apprêtent à licencier des collaborateurs qui pourraient venir en soutien des conseillers de Pôle emploi pour répondre aux besoins du moment, de nous aider à mieux accompagner des demandeurs d’emploi ? Leur dira-t-on : « Horreur, vous êtes des opérateurs privés, que chacun reste donc dans son coin ! » ?
Je reconnais que, sur ce point, nos approches divergent. Nous considérons, pour notre part, qu’il est bon de travailler avec toutes les personnes qui peuvent nous aider à accompagner les demandeurs d’emploi. Cela dit, vous devriez souscrire à cette démarche, puisqu’il s’agit d’encadrer ces opérateurs, non simplement de se contenter d’apposer une signature en bas à droite d’une convention.
Je me permets à ce propos de relever que, au sein de Pôle emploi, les syndicats – CGT comprise – n’ont pas eu les mêmes scrupules. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Gournac. Ah !
M. Dominique Braye. Ils sont plus progressistes !
M. Alain Gournac. Ils évoluent !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ils ont en revanche demandé un encadrement très précis. (Mme Annie David s’exclame.) Je n’ignore pas, madame David, que la CGT a pu s’écarter du PCF. Cela ne m’a pas échappé. C’est d’ailleurs ainsi que je peux relever que, sur ce point, les partenaires sociaux ont une position constructive,…
M. Alain Gournac. C’est très intéressant !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. … tout en exigeant que le dispositif soit encadré. Tel est bien notre objectif : encadrer et évaluer les résultats, de manière à ne pas signer un chèque en blanc.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Nous soutiendrons cet amendement du groupe CRC-SPG, mais je voudrais répondre à M. le secrétaire d’État, au-delà de la seule question du recours aux opérateurs privés.
Je voudrais faire part d’une expérience qui nous a été relatée dans le cadre d’un déplacement dans l’agglomération lyonnaise, que je connais bien, de la mission « jeunes » mise en place par le Sénat. Nous avons constaté que les opérateurs privés qui avaient été désignés pour aider les jeunes des quartiers dits « sensibles » de nos territoires à accéder à l’emploi rencontraient beaucoup de difficultés et avaient été obligés de s’implanter en dehors des zones sensibles, et ce non par la faute du service public que constituent Pôle emploi et les missions locales mais parce que les jeunes n’y croyaient pas beaucoup. On ne peut donc faire reproche aux missions locales de ne pas avoir accepté de collaborer et de travailler avec ces opérateurs privés. Aussi, il faut arrêter de dire que des opérateurs privés pourront faire ce que le service public ne peut pas faire, car tout cela est très complexe, les jeunes concernés étant éloignés à la fois de l’emploi et de l’insertion sociale. Un travail d’accompagnement doit être mené, pas à pas, petit à petit, dans la proximité, et non par des gens qui « débarquent » dans les quartiers sensibles sans rien connaître des situations locales.
Je tenais à apporter ce témoignage. Ce n’est effectivement pas en permettant l’entrée des opérateurs privés sur ce que vous appelez le « marché de l’insertion » que l’on réglera le problème de l’accès à l’emploi des jeunes et de leur insertion sociale et professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Comme vient de l’expliquer ma collègue Christiane Demontès, nous soutiendrons cet amendement présenté par nos collègues du groupe CRC-SPG, non pas seulement pour des motifs idéologiques, que nous partageons bien entendu, mais en raison même du mode opératoire proposé, qui, à bien des titres, ne nous paraît guère acceptable. Je m’explique.
S’agissant d’idéologie, vous avez choisi, depuis longtemps, de retirer au service public de l’emploi le monopole du placement. D’une certaine manière, sur ce plan, la messe est dite, et les dispositions que vous prenez aujourd’hui sont cohérentes avec cette position.
En revanche, confier au représentant de l’État en région la responsabilité de conduire des conventions à titre expérimental me paraît affaiblir Pôle emploi, que vous avez investi de missions particulières. Si vous voulez vraiment aider Pôle emploi dans sa mission de service public – Pôle emploi demeurant, sauf erreur de ma part, la composante majeure du service public de l’emploi –, alors laissez-le agir et s’organiser sur les territoires, sans faire intervenir le préfet représentant de l’État ! Cette intervention va affaiblir le service public de l’emploi et n’apportera, en tout cas, aucune valeur ajoutée ; soyez-en sûrs.